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Full text of "Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers"

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N.  THE  CUSTODY  OF  TME 

BOSTON     PUBLIC   LiBRARY. 


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ENCYCLOPEDIE, 

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piCTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS  ET  DES  MÉTIERS. 

TROISIEME   ÉDITION- 

TOME  VINGT-CINCIUIEME 


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E  NCYCL  OPÊDIE, 

O  U 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES   ARTS   ET  DES   METIERS, 

PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES. 

Mis   en   ordre  &   publié    par    M.  DIDEROT ^   &    quant   à  la    Partie 
Mathématique,    par   M.  D'ALEMBERT, 

Tantum  ferles  junciurapuc  pollet , 
Tantum  de  medio  fumptis  accedit  honoris  /  HbRAT, 

TROISIEME      ÉDITION. 


_,Of^ï»B- 


TOME   VINGT-CINQUIEME. 


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A     GENEVE, 

Qiez  Jean-Léonard   Pellet  ,   Imprimeur  de  la  République. 
A     NEUFCHATEL, 

Chez    la    Société    Typographique. 


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M.    Dca    L  X  X  l  X. 

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ENCYCLOPEDIE, 


o  u 


DICTIONNAIRE    RAISONNE 

DES    SCIENCES, 

DES     ARTS     ET     DES     MÉTIERS. 


^AUXI,    {Ùrnithol)    oifeau 

:  de  l'Amérique  ,  décrit  par  Nie- 

à  remberg ,    &   qui  paroîr   être 

Il  Je  même  que  le  mitu  du  Bréfil , 

décrit  par  Marggrave.  Toute  la  différence 
cft,  que  le  pauxi ,  au  lieu  de  crête ,  a  une 
efpece  de  fraife  ou  de  protubérance  char- 
nue à  la  bafe  du  bec  ;  cette  fraife  efi 
toute  cartilagineufe ,  &  d'un  beau  bleu 
pâle. 

Pauxi  ,  {Calendr,  Egyptien  y)  nom  du 
dixième  mois  de  l'année  égyptienne.  Il 
commence  le  26  mai  du  calendrier  Julien. 
PAX-JVLlAy  {Géog.anc.)v\\\tàt 
Ja  Lufitanie  y  aujourd'hui  La  ville  de  Béja , 
•ù  l'on  a  déterré  pluiieurs  monumens  an- 
Tome  XXy, 


tiques  ^  &  entr'autres  Tinfcription  fuivante  , 
qui  fe  lit  toute  entière  dans  la  place  du^ 
marché. 

L,  j^lio.  Aurelio.  Commodo, 
Jmp.  Cœf.  uEli. 
Hadriani.  Antonini  Aug, 
PU.  P.P.FiUo. 
Col.  Pax-JuUa.  D.  D. 
O.  Petronio.  Materno.. 
C.  Julio.  Juliano,  IL  Vir.     (D.  J.) 

PAXjE  ou  Paxj  y  (Géog.  anc.) 
nom  de  deux  îles  inhabitées ,  que  Polybe , 
/.  //,  c.  Xy  ^  Pline,  /.  /^,  c.  xij y 
mettent  entre  les  îles  de  Leucade  &  de 
Corcyre,  Elles  font  à  cinq  milles  de  la  der- 

A. 


^  P  A  Y 

rjiere  de  ces  iles,  &  on  les  nomme  au- 
jourd'hui Pdxu  ik  Antipaxu.  Ce  font  deux 
petites  îles  ,  car  la  plus  grande  ,  qui  eft 
i'î^e  de  Paxu  ,  n  a  pas  lo  milles  de  tour. 

PAXOS,  {Hifl.  nac.)  efpece  de  fru  t 
des  îles  Paiiippiaes  ,  qui  reifemble  par  la 
forme  à  des  olives  ;  (on  goût  eft  très- Agréa- 
ble ,  lorfqu'il  eft  mûr  :  on  le  mange  aullî 
verd  ,  après  qu'il  a  été  conlit  dans  du  vi- 
naigre, 

PA-YA,  {Hift.  mod)  titre  que  le  roi 
de  Siam  confère  aux  principaux  feigneurs 
de  fa  cour  ,  &  qui  répond  à  celui  de  prince 
en  Europe.  Le  roi  ne  donne  ce  titre  qu'à 
ceux  qu'il  veut  favorifer ,  car  Couvent  les 
princes  de  Ton  fang  ne  l'ont  point. 

PAYABLE,  adj.  {Gramm.  Ù  Comm.) 
qui  doit  être  payé  ou  acquitté  dans  un 
certain  temps  ou  à  certaines  perfonnes. 

Une  lettre  de  change  payable  à  vue  , 
ffl  une  lettre  de  change  qui  doit  être  ac- 
quittée fur  le  champ  ,  &  dans  le  momenr 
qu'elle  eft  préfentée.  Voye-^  LETTRE  DE 
Change. 

Une  ietnt  payable  à  jour  préfiK  ou  jour 
nommé ,  efl  celle  qui  doit  être  payée  a 
un  certain  jour  fixe  marqué  dans  la  lettre. 
.  Une  lettre  payable  à  tant  de  jours  de 
vue  ,  eft  celle  qu'on  doit  acquitter  dans  un 
certain  nombre  de  jours  délignés  par  la 
lettre  ,  à  compter  du  jour  de  ion  accep- 
tation.  Fbjq  Vue  ù  Acceptation. 

Une  lettre  payable  à  une  ou  plufieurs 
ufances ,  ell  celle  qui  doit  être  payée  en 
-autant  de  fois  trente  jours  qu'il  y  a  d'ufan- 
C€s  marquées  dans  le  corps  de  la  lettre , 
à  compter  du  jour  de  fa  date ,  chaque ufance 
ëtânt  de  trente  jours.  J^oyei  USANCE  & 
Date.  ^    - 

Un  billet  payable  au  porteur  ,  efl  un 
billet  dont  le  payement  doit  être  fait  à  la 
première  perfonne  qui  le  préfente  ,  fans 
qu'il  ff)ir  beloin  d'ordre  ni  de  tranfport. 
Vyei  Billet. 

Un  billet  payable  à  un  tel  ou  A  Ton  or- 
dre ,  ell  celui  qui  doit  être  payé  à  la  per-  j 
fonne  dénommée  dans  la  lettre  qui  en   a  ' 
don:  é  la  valeur ,  ou  à  telle  autre  en  faveur 
de  qui  il  aura  pafTé  fon  ordre  au  dos  du 
billet.    yoye:[  OrdRE. 

XJnhWiet payable  à  volonté,  eft  un  bil- 
Ut  qui  o'a  point  de  temps  limité ,  &  dont , 

:a        -  '     .  '    '--^  "■ 


P  A  Y 

on  peut  exiger  le  payement  quand  on  le 
juge  à  propos. 

Un  billet  payable  en  lettres  ou  billets 
de  change  ,  ou  en  autre  papier  ,  efl  celui 
qui  do  t  ène  acquitté  en  bonnes  lettres  ou 
billets  de  change  ,  ou  tel  autre  papier  dé- 
figné  dans  le  billet ,  &  dans  le  temps  qui  y 
ell  marqué. 

On  dit  qu'une  obligation  ,  une  promefïê , 
une  ailignation ,  un  maniement ,  t^c.  eft 
payable  ,  pour  exprimer  que  le  temps  ou 
terme  du  payement  efl  échu ,  &  qu'on  peut 
l'aller  recevoir.  Dictionnaire  de  Commerce. 

PAYAMOGO  ,  (  Géog.  mod.  )  place 
fortifiée  d'Eipagne  ,  dans  l'Andaloufie  ,  fur 
les  frontières  du  Portugal ,  à  quatre  lieues 
fud  de  Moura.  Long.  îo y  J4  ;  lat.  ^8 , 
z.   {D.J.) 

PAYAS,  f.  m.  pi.  {Comm.  du  Let-'ant ,) 
(oies  blanches  ou  cotons  filés  qu'on  tire 
particulièrement  d'Alep. 

PAYASSES  ,  {Géog.  mod.)  petite  ville 
de  Turquie  ,  dans  la  Caramanie ,  iLir  le  golfe 
d'Alexandrette  ,  à  quatre  lieues  de  cette 
ville.  Z^o/7g^.  55  ,  6  ;  lat.  ^^,  jo. 

PAYCu  Herva  ,  {Botan.  exot.)ce{l 
une  efpece  de  plantain  du  érou.  Monard 
prétend  que  fa  poudre  prife  dans  du  vin, 
appaile  les  douleurs  néphrétiques  qui  pro- 
viennent de  ftatuofités.  {D.  J.) 

PAYE  ,  f.  f.  (  Gramm.  &  Art  milit.  ) 
ce  que  l'état  donne  au  folJat  par  jour,  pour 
le  prix  de  fon  fervice. 

Paye  de  la  milice  ROMAiNE.(^r< 
militaire  des  Romains  y  )  folde  en  argent 
que  la  république  donnoit  par  jour  à  cha- 
que foldat ,  cavalier  ou  centurion  Ro- 
main. 

L'hifloire  nous  apprend ,  que  jufqu'à  l'an 
de  Rome  347  ,  tous  les  citoyens  Romains 
avoient  été  à  la  guerre  à  leurs  dépens  ; 
il  falloit  que  chacun  tirât  de  fon  petit  hé-» 
ritage  de  quoi  fublifter,  tant  en  campagne 
que  pendant  le  quartier  d'hiver  ;  &  fou- 
vent  quand  la  campagne  duroit  trop  long- 
temps, les  terres,  llir-tout  celles  des  pau>- 
vres  plébéiens ,  demeuroienten  friche.  De*- 
là  étoient  venus  les  emprunts  ,  les  ufures 
multipliées  par  les  intérêts  ,  &  enfuite  les 
plaintes  &  les  féditions  du  peuple.  Le  fénat^ 
pour  prévenir  ces  défbrdres ,  ordonna  de 
lui-même,  &  fans  qu'il  en  fût  follicité  pdr 


P  A  Y 

îes  Tribuns ,  que  dans  la  fuite  les  foldats 
feroient  payés  des  deniers  publics  ;  & 
que  pour  fournir  à  cette  dépenfe  ,  il  fe  fe- 
roit  une  nouvelle  impofition  ,  dont  aucun 
citoyen  ne  feroit  exempt.  Trois  ans  après  , 
l'an  de  Rome  350,  on  aflîgna  une  folde 
particulière  pour  les  gens  de  cheval ,  & 
ce  fut  la  première  fois  que  la  cavalerie 
commença  à  être  payée  des  deniers  pu- 
blics. A  l'égard  des  alliés  ,  ils  étoient  obli- 
gés de  fervir  fans  folde  ;  mais  on  leur 
fourniflbit  le  blé  &  l'orge  gratis. 

Lapqye  d'un  fantallin  étoit  de  deux  obo- 
les par  jour  ,  c'eft-à-dire  ,  trois  fous  ro- 
mains, félon  l'eiHmation  de  Jufte-Lipfe. 
hes  centurions  avoient  double  folde ,  & 
les  cavaliers  recevoient  une  drachme,  valant 
10  fous  romains.  Les  troupes  fur  cette 
paye  étoient  obligées  de  fe  nourrir  &  de 
fe  fournir  d'habits  ;  en  forte  ,  dit  Polybe  , 
que  fi  les  foldats  recevoient  quelque  chofe 
du  Queileur ,  on  ne  manquoit  pas  de  leur 
rabattre  (ùr  leur  paye.  Dans  la  fuite ,  en- 
viron l'an  600  de  Rome  ,  C.  Sempronius 
Gracchus  ,  pendant  fon  tribunar  ,fit  une  loi 
par  laquelle  on  fournit  aux  troupes  des  ha- 
bits fur  le  tréfor  pubhc.  Jules-Céfar  qui 
avoir  befoin  de  foldats  pour  i^ts  vues  am- 
bitieufes  ,  leur  fit  de  nouvelles  faveurs.  En- 
fin Augufte  porta  la  folde  des  fantaflins 
à  un  denier ,  &  donna  le  triple  aux  cava- 
liers. Tirons  une  réflexion  de  ce  détail. 

Un  foldat  romain  avoit  donc  un  denier 
par  jour  fous  Augufte  ,  c'eft-à-dire  ,  fept 
fous  &  demi  d'Angleterre.  Les  empereurs 
avoient  communément  vingt-cinq  légions  à 
leur  folde  j  ce  qui ,  à  raifon  de  cinq  mille 
hommes  par  légion  ,  faifoit  cent  vingt-cinq 
raille  hommes.  De  cette  manière,  h  paye 
des  foldats  romains  n'excédoit  pas  la  fom- 
me  de  16  cents  mille  livres  iterlings.Cepen- 
dant  le  Parlement  d'Angleterre  ,  dans  la 
guerre  de  1700  ,  accordoit  communément 
deux  millions  500  mille  livres  fterlings  pour 
la  folde  de  (es  troupes  ,  ce  qui  fait  200  mille 
Lvres  fterlings  au-delà  de  la  dépenfe  de  Ro- 
me. Il  efl  vrai  que  les  oflîciers  romains  rece- 
voient une  très-petite /joyf ,  puifque  celle  du 
centurion  étoit  feulement  le  double  de  la  paye 
d'un  foldat  ,  qui  d'ailleurs  étoit  obligé  de 
fe  fournir  d'habits  ,  d'armes  &  tentes  ;  ob- 
jets  qui  dimio  uoicnt  confidérablement  les  | 


P  A  Y  7 

autres  charges  de  l'armée  :  tant  ce  puifïànt 
gouvernement  dépenfoit  peu  en  ce  genre  , 
&  tant  fon  joug  fur  le  monde  entier  étoit 
facile  à  fupporter.  Cette  réflexion  nous 
femble  d'autant  plus  vraie ,  que  l'argent  , 
après  la  conquête  de  l'Egypte  ,  paroît  avoir 
été  à  Rome  en  aufîî  grande  abondance  qu'il 
peut  l'être  à  préfent  dans  les  royaumes 
les  plus  riches  de  l'Europe.  (D.  J.) 

Paye  ,  f  f.  {Poids.)  poids  dont  la  pe- 
fanteur  efl  du  double  du  clain  :  on  évalue 
le  clain  à  douze  grains  de  ris;  ainfi  lapaje 
pefe  24  grains. 

Paye  ,  {Monnaie.)  monnoie  courante 
à  Ormus ,  dans  le  Sein  Periique.  Elle  vaut 
dix  beforchs  ou  liards  du  pays  ,  qui  font 
de  petites  efpeces  de  monnoies  d'étain  ; 
quatre  payes  font  le  fourdis. 

PAYELLE ,  f  f.  {uftenfde  de  Salines;) 
grande  chaudière  dont  on  fe  fert  en  Flan- 
dre pour  le  raffinage  du  fel.  Elles  font 
plates  ,, de  1 2,  à  15  pies  en  carré,.  &  d'un 
pié  de  profondeur.  Le  fel  gris  qu'on  y  ra- 
fine  y  perd  beaucoup  de  (on  acrimonie  , 
mais  rien  du  tout  de  fon  grain. 

PAYEMENT ,  ï.  m.  {Commerce;)  c'efl 
la  décharge  d'une  dette  ,  ou  en  payant  en 
argent ,  ou  par  lettres  de  change  ,  Ùc.  Voy. 
Dette  ,  ùc 

Prompt  payement,  c'efl  un  terme  vulgaire 
en  Angleterre  &  à  Amflerdam  ,  dont  on 
faitufage  quand  un  débiteur  acquitte  ce  qu'il 
doit  avant  l'expiration  du  terme  accordé 
par  le  créancier. 

L'efcompte  ordinaire  pour  un  prompt 
payement  iur  la  plupart  des  marchandifes  , 
efl  d'un  par  cent.  Voye^  ESCOMPTE  , 
DÉDUCTION  ,  &c. 

Payement  fe  dit  auÉG  du  temps  qu'un 
débiteur  a  obtenu  de  fes  créanciers  pour 
les  payer  plus  facilement  :  on  dit  en  ce 
fens,  qu'il  doit  les  fatisfaire  en  quatre  pflye- 
mens  égaux  ,  de  fix  mois  en  fix  mois,  dont 
le  premier  commencera  tel  jour. 

Payement  {igmûe  encore  certains  termes 
fixes  &  arrêtés,  danslefquels  les  marchands^ 
négocians  &  banquiers  doivent  acquitter 
leurs  dettes ,  ou  renouveller  leurs  billets. 

Il  y  a  à  Lyon  quatre  payemens  de  la  forte; 
favoir  le  payement  des  rois ,  qui  com- 
mence au  premier  mars  ;  le  payement  de 
Paque,  qui  commence  le  premier  juin-ik 


t  P  A  Y 

payement  d'août ,  qui  commence  le  premier 
fèptembre  ;  &  h  payement  des  Saints  ,  qui 
commence  au  premier  décembre.  Chacun 
de  ce-i  pajemens  dure  tout  le  mois,  &  en- 
core les  3  premiers  jours  du  mois  fuivant , 
qu'on  appelle  les  jours  du  comptant.  Quoi- 
qu'il Paris ,  Bordeaux  ,  Rouen  ,  Tours  , 
Rheiras  ,  &  autres  villes  commerçantes  du 
royaume,  il  n'y  ait  pas  de  payemens ré- 
glés ,  cependant  elles  le  contorment  affez 
à  Tufage  de  Lyon  ,  de  taire  les  payemens 
de  trois  mois  en  trois  mois.  Voyc^  fur 
la  police  de  ces  payemens  le  Di^ionnaire 
de  Commerce. 

PAYEN,  r.  m.  (Theolog.)  adorateur 
<^cs  faux  dieux  ;  on  l'appelle  autrement 
Gentil  ou  Idolâtre. 

Baronius  fait  venir  le  mot  paganus  de 
pagi  y  villages  ,  parce  que  quand  les  chré- 
tiens commencèrent  »  devenir  les  maîtres 
àcs  villes  ,  les  Payens  furent  obligés  ,  par 
les  édits  de  Conftanrin^  de  (es  enfans , 
de  fe  retirer  dans  les  villages.  Saumaife  pré- 
tend que  ce  mot  vient  de  pagus  ,  qu'il  fup- 
pofe  fîgnifier  originairement  la  même  chofe 
que  gens  ,  c'eft-à-dire  ,  nation  ;  c'efl  pour 
cela  ,  félon  lui,  que  nous difons  indifférem- 
ment Payens  ou  Gentils.  V.  GENTILS. 

M.  l'Abbé  Fleury  donne  au  mot  Payen 
une  autre  origine  :  il  remarque  que  lorfque 
l'empereur  Conftantin  partit  d'Antioche  , 
en  350  ,  pour  aller  contre  Maxence  ,  ilaf- 
fembla  toutes  fes  troupes ,  &  leur  déclara 
que  ceux  d'entre  les  foldats  qui  n'avoient 
pas  reçu  le  baptême  ,  euflent  à  le  recevoir 
fur  le  champ ,  ou  à  fe  retirer  &  à  quitter 
fcn  fervice.  Ceux  qui  prirent  ce  dernier 
parti ,  peuvent ,  dit  cet  auteur  ,  avoir  été 
appelles  Paganiy  Payens  :  cs^r  paganus  y 
en  latin  ,  fignific  proprement  un  homme  qui 
ne  porte  point  les  armes  ,  &  eft  oppofé  à 
miles  y  foldat.  Dans  la  fuite  ce  même  nom 
peut  avoit  été  étendu  A  tous  les  idolâtres, 
reut-étre  encore,  ajoute-t-il ,  ce  mot  vient- 
il  de  pagus ,  village  ,  parce  que  les  pay- 
fans  font  reliés  plus  long-temps  attachés  à 
l'idolâtrie  que  les  habitans  ^q^  villes.  V. 
Idolâtrie. 

Payens  ,  f.  m.  pi.  terme  de  Potier '.  ce 
font  deux  pièces  de  bois  qui  ont  diverfes 
coches  ou  entailles  de  diflance  en  diflance , 
ilir  lefquelles  l'ouvrier  poiè  lès  pies  de  cii^- 


P  A  Y 

que  côté  ,  lorlqu'il  tourne  quelque  vafe  ou 
quelque  autre  ouvrage  de  poterie  fur  la 
girelle  de  la  grande  roue.  {D.  /.) 

PAYER  ,  V.  ad.  {Gramm.  Ù  Comm.) 
aûion  par  laquelle  on  s'acquitte  de  ce  qu'on 
doit,  en  fe  hbérant  dune  dette.  V.  DETTE. 

Payer  le  prix  d'une  chofe  achetée ,  c'efl 
en  donner  le  prix  convenu. 

Payer  comptant ,  c'efl  payer  (ur  le 
champ  &  dans  le  moment  que  la  raarchan- 
dilè  eil  livrée. 

Payer  en  papier  ,  c'efl  donner  en  paye- 
ment des  lettres  ou  billets  de  change  ,  des 
promelîès  ou  autres  femblables  effets  ,  fans 
donner  aucun  argent  ou  marchandife. 

Payer  en  marchandée  ,  c'efl  donner  de 
la  marchandife  au  lieu  d'argent  ou  de  pa- 
pier ,  pour  fe  décharger  d'une  dette  qu'on 
a  contradée. 

Se  payer  par  fes  mains  ,  c'efl  fe  payer 
par  foi-même  fur  les  deniers  ou  effets  qu'on 
a  entre  les  mains  ,  appartenans  à  fon  débi- 
teur. DiSionn.  de  Comm. 

Payer  ,  fe  dit  des  chofes  inanimées  qui 
doivent  un  certain  droit  &  pour  lefquelles 
on  l'acquitte  :  l'eau-de-vie  paye  tant  par 
pipe  à  l'entrée  de  Paris.  Idem  y    ibid. 

PAYERNE,  (Gfb^r.  mod.)  Patemia. 
eus  en  latin  du  moyen  âge;  petite  ville 
de  Suiiîè ,  au  canton  de  Berne. ,  fur  la  Broye^ 
dans  une  belle  campagne  ,  chef-lieu  d'un 
gouvernement  de  même  nom.  Les  Ber- 
nois l'enlevèrent  au  duc  de  Savoie  en 
1536.  On  lit  fur  une  des  portes  de  Payerne 
"infcription  fuivante  :  Jovi.  O.  M.  genio 
loci  y  fortunce  reduci  y  Appius  Augujius  , 
dedicat.  Long.  ^4»  JO  ;  ht.  Aj  y  zo, 
(D.J.) 

PAYEUR ,  C  m.  (Com.)  celui  qui  paye 
ou  qui  s'acquitte  des  fommes  qu'il  doit. 

On  appelle  bon  payeur  celui  qui  acquitte 
ponduellement  fes  dettes  ,  lettres  de  chan- 
ge ,  billets ,  promefîes ,  &c.  &  au  contraire, 
mauvais  payeur ,  celui  qui  rcfufe  ou  fait 
difficulté  de  payer  ,  qui  fouflfre  des  protêts, 
des  affignations  ,  ou  qui  laiffe  obtenir  con- 
tre lui  des  fentences  pour  gagner  du  temps. 
Dictionnaire  de  Commerce. 

Payeur  des  rentes,  {Finance.  ) 
Offi  :ier  prépofé  à  l'Hôtel-de-ville  pour  l'ac- 
quit des  rentes  conftituées  fur  la  ville. 

PAYS ,  f.  m.  {Gramm.)  ce  mot  défigne 

un 


P  A  Y 

un  espace  déterminé  :  il  Te  dit  encore  de 
différentes  portions ,  plus  ou  moins  grandes 
de  la  furEice  de  la  terre. 

Il  fe  prend  auflî  quelquefois  en  figures  ,  & 
l'on  dit ,  les  modernes  ont  découvert  dans  les 
fciences  bien  des  pays  inconnus  aux  anciens. 

Pays  (îles-),  Ge'ogr.  mod.  Les  îles- 
pays  font  des  îles  de  la  mer  des  Indes , 
au  fud  des  îles  Mariannes.  Elles  ne  furent 
connues  de  nom  qu'en  1696;  &  nous  ne 
les  connoifTons  que  par  une  lettre  du  Père 
k  Clain ,  Jéfuitc,  inférée  dans  les  lettres 
édifiantes,  1. 1 y  p.  i  z^  &fuîi/. 

Ce  Père  dit  qu'étant  arrivé  à  la  bour- 
gade de  Guivam ,  dans  l'île  de  Samal ,  la 
dernière  &  la  plus  méridionale  des  Pinta- 
dos  Orientaux  ,  il  y  trouva  vingt-neut  des 
habicans  de  ces  îÏQs-pays  y  que  les  vents 
d'eft  qui  régnent  fur  les  mers  depuis  le 
mois  de  décembre  jufqu'^u  mois  de  mai , 
y  avoient  jetés  à  300  lieues  de  leur  pays. 
Ils  s'étoient  embarqués  (ur  de  petits  vaif- 
feaux  au  nombre  de  trente-cinq  perfonnes , 
pour  paflèr  à  une  île  voifinc  ,  qui  leur  fut 
impollible  de  gagner ,  ni  aucune  autre  de 
leur  connoifTance  ,  à  caufe  d'un  vent  vio- 
lent qui  les  emporta  en  l'autre  mer  ,  où 
ils  voguèrent  deux  mois  fans  pouvoir  pren- 
dre terre ,  jufqu'à  ce  qu'enfin  ils  fe  trou- 
vèrent à  la  vue  de  la  bourgade  de  Guivam  , 
où  un  Guivamois  ,  qui  étoit  au  bord  de  la 
mer ,  leur  fervit  de  guide  ,  &  les  fit  entrer 
au  port  le  28  décembre  1696.  La  flruc- 
ture  de  leur  petit  vailTeau  &  la  forme  de 
leurs  voiles  ,  qui  font  les  mêmes  que  celles 
des  îles  Mariannes ,  firent  juger  que  les  îles- 
pays  n'étoient  pas  fort  éloignées  de  ces 
dernières. 

Ceux  qui  échouèrent  à  la  bourgade  de 
Guivam  étoient  à  demi-nus.  Le  tour  & 
la  couleur  de  leur  vifage  approchoit  du 
tour  &  de  la  couleur  du  vifage  des  habi- 
tans  des  Philippines  ,  quoique  leur  langue 
fût  fort  différente.  Les  hommes  &  les  fem- 
mes n'avoient  qu'une  efpece  de  ceinture 
fur  les  reins  &  les  cuifles;  &  fur  les  épau- 
les ,  une  grofle  toile  liée  pardevant  ,  & 
pendant  négligemment  par  derrière.  La 
femme  de  la  bande  qui  paroifîbit  la  plus 
confidérable ,  avoir  plufieurs  anneaux  & 
plufieurs  colliers  qu'on  jugeoit  être  faits 
d'écaillés  de  tortue.  Ils  a'avoicnt  aucune 
Tome  XXr. 


connoiflance  de  la   divinité ,  ni  des  ido- 
les ;  tout  leur  foin  étoit  de  chercher  à  boire 
&  à  manger  ,   quand  ils  avoient  faim  ou 
îoif;  ils  ne  connoiffoient  aucun  métal,  & 
leurs  cheveux,  qu'ils  laifîblent  toujours  croî- 
tre ,  leur  tomboient  fur  les  épaules.  (D.  /.) 
Pays-bas  ,  les  ,  {Ge'ogr.  mod.)  con- 
trée d'Europe  ,  compofée  de  dix-fept  pro- 
vinces ,  fituées  entre  l'Allemagne ,  la  France 
&  la  mer  du  nord.  Ces  dix-fcpt  provin- 
ces font  les  Duchés  de  Brabant ,  de  Lim- 
bourg  ,  de  Luxembourg  ,  de  Gueldres  ,  le 
marquilat  d'Anvers ,  les  comtés  de  Flan- 
dre ,  d'Artois  ,  de  Hainaut ,  de  Hollande  , 
de  Namur  ,  de  Zélande  ,     de    Zutphen  ^ 
les    feigneuries    de  Frife  ,    de   Malines  , 
d'Utrecht,  d'Overiffel  &   de  Groningue; 
l'Archevêché  de  Cambrai  &  l'évêché   de 
Liège  y  font  encore  enclavés.  Huit  de  ces 
provinces  ,  qui  font  vers  le   nord  ,  ayant 
fecoué  la  domination  Efpagnole  ,  formèrent 
une  république ,  qui  eft  aujourd'hui  la  plus 
puifîânte  de  l'Europe  ,  &  qu'on  connoît 
fous  le  nom  de  Provinces-Unies.  Voyez 
Provinces-Unies. 

On  a  vérifié  dans  le  confeil  Êfpagnol , 
en  1663  ,  que  l'Efpagne  ,  depuis  Charles  V, 
c'eft-à-dire ,  en  moins  de  150  ans  ,  avoit 
dépenfé  plus  de  1873  millions  de  livres  , 
à  2,8  livres  le  marc  ,  pour  confèrver  les 
Pays-Bas  )  indépendamment  des  revenus 
du  pays  qui  y  ont  été  confommés.  Si  à  ces 
revenus  du  pays  l'on  ajoute  ce  qu'il  en  a 
coûté  depuis  1663  jufqu'en  171$  ,  on  trou- 
vera que  l'Efpagne  auroit  gagné  plus  de  1900 
millions ,  ou  loo  millions  de  livres  de  rente 
annuelle  ,  à  27  livres  le  marc ,  à  abandon- 
ner les  Pays-Bas  lorfque  Charles  V  alla 
fixer  fon  féjour  en  Efpagne.  (G.J.) 

Pays  réunis,  {Ge'ogr.  mod.)  nom  que 
l'on  donne  à  un  grand  nombre  de  fiefs  , 
divifés  en  fiefs  relevans  des  évêchés  de 
Metz  ,  Toul  &  Verdun  ;  en  fiefs  compris 
dans  la  baffe  Alface,  &  en  fiefs  mouvans 
des  comtés  de  Chini. 

Pays  des  ténèbres,  (Ge'ogr  mod.) 
contrée  de  la  grande  Tarrarie ,  dans  la 
partie  la  plus  feptentrionale  de  cette  ré- 
gion. On  lui  a  donné  le  nom  àt  ténèbres  ^ 
à  caufe  que  pendant  une  partie  de  l'hiver  , 
les  grands  brouillards  qu'il  y  fait  em- 
pêchent que  le  foleil  n'y  paroifïè.  Il  s'y 

B 


^HH-, 


10  P  A  Y 

trouve  beaucoup  d'hermines  ,  &  de  renards. 
Les  habitans  vivent  prefque  comme  des 
bêtes ,  &  ne  reconnoifîent  ni  loix  ,  ni  rois , 
ni  chefs.  {D.  J.) 

PAYSAGE  ,  r.  m.  (Peinture,)  C'eft  le 
genre  de  peinture  qui  repréfente  les  cam- 
pagnes &  les  objets  qui  s'y  rencontrent.  Le 
p^J-jfcige  eft  dans  la  peinture  un  fujet  à&s 
plus  riches  ,  des  plus  agréables  &  des  plus 
féconds.  En  efièt ,  de  toutes  les  produc- 
tions de  la  nature  &  de  l'art ,  il  n'y  en 
a  aucune  que  le  peintre  payfagifle  ne  puilîè 
faire  entrer  dans  la  compoiition  de  {qs 
tableaux.  Parmi  les  ftyles  différens-&  pref^ 
qu'infinis  dont  on  peut  traiter  lejoa^yàg-^^ 
il  faut  en  dillinguer  deux  principaux  ;  favoir , 
le  flyle  héroïque  ,  &  le  flyle  pafloral  ou 
champêtre.  On  comprend  fous  le  fîyie  hé- 
roïqre  ,  tout  ce  que  l'art  &  la  nature  pré- 
fentent  aux  yeux  de  plus  grand  &  de  plus 
majeiîueux.  On  y  admet  des  points  de 
vues  merveilleux  ,  àts  temples  ,  dis  fépul- 
fures  antiques ,  des  maifons  de  plaiiance 
d'une  architeâure  fuperbe  ,  Êv.  Dans  le 
ilyle  champêtre ,  au  contraire ,  la  nature  efl 
repréfenrée  toute  {impie  ,  fans  artifice ,  & 
avec  cette  négligence  qui  lui  fied  fouvent 
mieux  que  tous  les  embelUflemens  de  l'art. 
Là  on  voit  des  bergers  avec  leurs  trou- 
peaux ;  des  folitaires  enfevelis  dans  le  fein 
àcs  rochers ,  ou  enfoncés  dans  l'épaifîeur 
des  forêts  ;  des  lointains  ;  à^s  prairies  ,  ùc. 
On  unit  fort  heureuferaent  le  llyle  héroï- 
que avec  le  champêtre. 

Le-  genre  du  payjage  exige  un  coloris 
où  il  y  ait  de  l'intelligence  ,  &  qui  fafTe 
beaucoup  d'effet.  On  repréfente  quelquefois 
dans  les  payfages  des  fîtes  incultes  &  inha- 
bités ,  pour  avoir  la  liberté  de  peindre  les 
bizarres  effets  de  la  nature  livrée  à  eîie- 
même  ,  &  les  produdions  confufes  &  irré- 
gulieres  d'une  terre  inculte.  Mais  cette  forte 
d'imitation  ne  fauroit  nous  émouvoir  que 
dans  les  momens  de  la  mélancolie ,  où  la 
chofe  imitée  par  le  tableau  peut  fyrapathi- 
fer  avec  notre  pafîIon.Dans  tout  autre  état , 
\tpayfage\Q  plus  beau,  fût-il  du  Titien  &  du 
Carrache  ,  ne  nous  iatérefïé  pas  plus  que 
k  feroit  ia  vue  d'un  caneton  de  pays  affreux 
ou  riant.  Il  n'efl  rien  dans  ua  pareil  tableau 
qui  oous  entretienne ,  pour  ainfi  dire  ;  & 
cc>mme  il  ne  aous  touche  guère ,  il  ne , 


P  A  Y 

nous  attache  pas  beaucoup.  Les  peintres 
intelligens  ont  fî  bien  fenti  cette  vérité , 
que  rarement  ils  ont  fait  des  payfages  dé- 
ferts  &  fans  figures.  Ils  les  ont  pe-uplés ,  ils 
ont  introduit  dans  ces  tableaux  un  fujet 
compofé  de  plufieurs  perfonnages  ,  dont 
l'adion  fût  capable  de  nous  émouvoir ,  & 
par  conféquent  de  nous  attacher.  C'efl  ainfî 
qu'en  ont  ulé  le  Poufîîn  ,  Rubens  &  d'au- 
tres grands  maîtres  ,  qui  ne  fe  font  pas  con- 
tentés de  mettre  dans  leurs  payfages  un 
homme  qui  paiTe  fon  chemin  ,  ou  bien  une  * 
femme  qui  porte  des  fruits  au  marché  ;  ils 
y  placent  ordinairement  des  figures  qui  pen- 
fènt ,  afin  de  nous  donner  lieu  de  penfer  ; 
ils  y  mettent  des  hommes  agités  de  pafïions , 
afin  de  réveiller  les  nôtres  ,  &  de  nous 
attacher  par  cette  agitation.  En  effet ,  on 
parle plusfouventdesfiguresde  ces  tableaux, 
que  de  leurs  tewaffes  &:  de  leurs  arbres. 
La  fameufe  Arcadie  du  Pouffin  ne  feroit 
pas  fi  vantée ,  fi  elle  étoit  fans  figures.  V^ 
fur  ce  payfage  P  article  du  Pouffîn  ,  au 
mot  Paysagiste.  {Le  chevalier  de  Ja  u- 

COURT.) 

PAYSAGISTE,  fubf^.  m.  {Peinture.) 
peinture  de  payfage.  Voye\  PAYSAGE. 

Les  écoles  Itahenne ,  Flamande  &  Hol- 
landoifè  ,  font  celles  qui  ont  produit  le 
plus  grand  nombre  d'excellens  artifles  en 
ce  genre  de  peinture. 

Les  fîtes  de  l'Albane  font  agréables  & 
piquans.  Le  Bafîàn  fe  fit  admirer  par  la 
vérité  qui  régnoit  dans  fes  payfages  ;  il 
fuivit  toujours  l'étude  de  ta  narure  ,  qu'il 
fut  exprimer,,  après  l'avoir  connue  dans  les 
heux  champêtres  qu'il  habitoit.  Peu  de  pein- 
tres ont  mieux  touché  le  feuillage  que  lé 
Boîognefe.  Botzoni  (François-Marie)  né  à 
Gènes  en  1625  ,  &  mon  dans  la  même 
ville  en  1679  >  ^  ^^^^  ^"^i  connoître  Ces 
talens  en  ce  genre  ,  par  fes  neuf  grands  pay- 
fages peints  à  huile ,  qu'on  voit  dans  le 
veflibule  du  jardin  de  l'Infante. 

Annibal  Carrache  ne  fe  difîingua  pas  feu- 
lement par  un  goût  de  deffin  fier  &  corred^^ 
il  fut-  aufïi  s'occuper  du  payfage  ,  &:  y 
excella  :  (qs  arbres  font  d'une  forme  exquife., 
&  d'une  touche  très-legerc.  Les  tableaux 
de  Giorgion  font  d^un  goût  fupérieur  pour 
les  couleurs  &  îes  oppofirions.  Le  Guaf- 
pre  a  montré  un  arc  particulier  à  exprimer 


j* 


P  A  Y 

les  vents  ,  à  donner  de  l'agitation  aux  feuil- 
les des  arbres;  enfin-,  à  repréfenter  des 
bourafques  &  des  orages.  Le  Lorrain  ,  à 
force  d'études,  devint  un  grand  Payfagifle 
dans  l'expreffion  des  objets  inanimés;  mais 
manquant  de  talens  pour  peindre  les  figu- 
res ,  !a  plupart  de  celles  qu'on  voit  dans 
Tes  ouvrages ,  font  d'autres  artilles.  Le 
Mola  a  des  fîtes  du  plus  beau  choix ,  & 
fa  manière  de  ftuiller  les  arbres  eft.  char- 
mante. Le  Mutien  prit  beaucoup  en  ce  genre 
de  la  manière  Fhmiande ,  car  les  Italiens 
n'ont  pas  autant  recherché  l'art  de  ieuiller 
que  les  Flamands  :  il  accompagna  donc  Ces 
tiges  d'arbre  de  tout  ce  qu'il  croyoit  les 
devoir  rendre  agréables  ,  &  y  jeter  de  la 
variété;  mais  les  plus  grands  Payfagiftes 
qu'on  connoifïè  font  fans  doute  le  Titien 
&  le  Pouliln. 

La  plume  de  Titien  ,  auflî  moëlleufe 
qu'elle  efl  expreffive  ,  l'a  fervi  heureufè- 
mentjorfqu'il  a  defliné  des  payfages.  Indé- 
pendamment de  fa  belle  façon  de  feuiller 
les  arbres  fans  aucune  manière,  &  d'ex- 
primer avec  vérité  les  différentes  natures 
de  terrafîes  ,  de  montagnes  &  de  fabriques 
fingulieres  ,  il  a  encore  trouvé  le  fecret  de 
rendre  Çqs  payfages  intérelïàns ,  par  le  choix 
des  fîtes  &  la  diftribution  dts  lumières  : 
tant  de  grandes  parties  ont  fait  regarder  le 
Titien  comme  le  plus  grand  deffinateur  de 
payfages  qui  ait  encore  paru. 

Le  PoulIIn  a  fu  de  plus  agiter  nos  paf- 
fions  dans  fes  payfages  ,  comme  dans  les 
tableaux  d'hifloire.  Qui  n'a  point  entendu 
parler ,  dit  l'abbé  Dubos ,  de  cette  fameufe 
contrée  qu'on  imagine  avoir  été  durant  un 
temps  le  féjour  des  habitans  les  plus  heureux 
qu'aucune  terre  ait  jamais  portés  ;  les  hom- 
mes toujours  occupés  de  leurs  plaifirs ,  & 
qui  ne  connoiflbient  d'autres  inqfiiétudes 
ni  d'autres  malheurs  ,  que  ceux  qu'effuient 
dans  les  romans  ces  bergers  chimériques 
dont  on  veut  nous  faire  envier  la  condition  ? 

Le  tableau  dont  je  parle  repréfente  le 
payfage  d'une  contrée  riante  ;  au  milieu , 
l'on  voitlemonumentd'unejeune  fille  morte 
à  la  fleur  de  fon  âge  ,  c^t^  ce  qu'on  con- 
noît  par  la  flatue  de  cette  fille  couchée  fur 
le  tombeau  :  à  la  nianieredes  anciens ,  l'inf- 
cription  fépulchrale  n'eft  que  de  quatre 
mots  latins  :  Je  vivois  cependant  en  Ar- 


p  A  Y  ,r 

cad!e  ,  &  in  A'-cidid  ejo.  Mais  cette  inf- 
cription  fi  courte  fait  faire  les  plus  férieufes 
réflexions  à  deux  jcun^'s  garçons  ,  &  à  deux 
jeunes  filles  parées  de  guirlandes  de  fleurs , 
&  qui  paroiifent  avoir  rencontré  ce  mo- 
nument fi  trifîe ,  en  des  lieux  où  l'on  devine 
bien  qu'ils  ne  cherchoient  pas  un  objet 
alHigejnt.  Un  d'entr'eux  tait  remarquer  aux 
autres  cette  infcription  ,  en  la  montrant  du 
doigt ,  &  l'on  ne  voit  plus  fur  leurs  vifà- 
ges ,  à  travers  l'affliction  qui  s'en  empare  , 
que  les  refies  d'une  joie  expirante.  On 
s'imagine  entendre  les  réflexions  ^e  ces 
jeunes  perfonnes ,  fur  la  mort  qui  n'épar- 
gne ni  l'âge,  ni  la  beauté,  &  contre  la- 
quelle les  plus  heureux  climats  n'ont  point 
d'afyle.  On  s'imagine  ce  qu'elles  vontfe  dire 
de  touchant ,  lorlqu'elles  feront  revenues  de 
leur  première  furprife  ,  &  l'on  l'applique  à 
foi-même  ,  &  à  ceux  à  qui  l'on  s'intérefîe. 

La  vue  du  payfage  qui  repréfente  le  dé- 
luge ,  &qui  orne  le  palais  du  Luxembourg, 
nous  accable  de  l'événement  qui  s'otfre  à 
nox  yeux ,  &  du  bouleverfement  de  l'uni- 
vers. Nous  croyons  voir  le  monde  expi- 
rant ;  tant  il  efî  vrai  que  le  Pouffin  a  aufîl- 
bien  peint  dans  les  payfages  tous  les  etïèts 
de  la  nature  ,  que  les  pallions  de  l'ame  dans 
fes  tableaux  d'hifloire. 

Le  célèbre  Rubens  eft  encore ,  dans  fbn 
école  ,  le  prince  du  payfage  ,  &  l'on  peut 
dire  qu'il  l'a  traité  aufli  fupérieureraent  que 
perfbnne  ;  ce  genre  de  peinture  a  été  fingu- 
liérement  goûté  par  les  Flamands  &  les  Hol- 
landois ,  &  leurs  ouvrages  le  prouvent  affez. 

Brugel  (Jean)  furnommé  Brugel  de  ve~ 
lours  y  s'efl  fervi  du  pinceau  avec  une 
adreiïè  infinie ,  pour  feuiller  les  arbres.  Il 
a  fu  mettre  dans  fes  payfages  des  fleurs  , 
des  fruits ,  des  animaux  &  des  voitures  , 
avec  beaucoup  d'intelligence. 

Bril  (Matthieu)  avoit  déjà  fait  connoî- 
tre  fon  goût  pour  traiter  le  payfage,  quand 
il  mourut  à  Rome  âgé  de  trente-quatre 
ans  ;  mais  fon  frère  Paul  le  fùrpafïà  de  beau- 
coup. Ses  tableaux  en  ce  genre  font  recora- 
raandables  par  des  fites  &  des  lointains 
intérelfans ,  par  un  pinceau  moelleux  ,  par 
une  touche  légère  &  par  une  manière  vraie 
de  rendre  tous^les  objets  ;  on  lui  trouve 
feulement  un  peu  trop  de  verd  dans  fès 
tableaux. 

Bi 


,1  P  A  Y 

Juanefeîd  (Hermand)  efî  un  maître  par 
l'art  de  peindre  les  arbres  ,  par  fes  figu- 
res d'animaux  ,.  &  par  fa  touche  fpirituelle. 
On  a  auffi  de  ce  charmant  artifte  des 
payfages  gravés  à  l'eau-forte ,  &  qui  font 
beaucoup  d'efïèt. 

Van-der-Mer  (Jean)  a  orné  fcs  payfa- 
ges de  vues  de  mer  &  de  figures ,  defli- 
nées  avec  efprit  ;  mais  fon  frère  de  Jonghe 
le  furpafla  de  beaucoup  dans  la  peinture 
des  animaux  qu'il  mit  dans  fes  payfages  , 
fur-tout  des  moutons  ,  dont  il  rcpréfente 
la  laine  avec  un  art  tout-à-faii  féduifant  ; 
ùs  figures ,  fes  ciels  y  fes  ai'bres  ,  font  d'une 
manière  fupérieure;  on  ne  distingue  point 
fss  touches ,  tout  eft  fondu  &  d'un  accord 
£ngulier: 

Van-Uden  (Lucas),  né  à  Anvers  en  1 595> 
mort  vers  l'an  1660  ,  ell  mis  au  rang  des 
célèbres  Payfagifies.  Une  touche  légère  , 
clégante  &  précife ,  caraâérifc  fa  manière  ; 
les  ciek  ont  un  éclat  brillant  ;  fes  fites  font 
agréables  &  variés  ;  la  vue  fe  perd  dans  les 
lointains  qu'il  a  fu  repréfenter  :  on  croit 
voir  les  arbres  agités  par  le  vent ,  &  àts 
figures  élégamment  deflinées  ,  donnent  un 
nouveau  prix  à  (ts  tableaux. 

Bergem  (Nicolas)  eft  un  des  grands 
Pay/àg-i^f  ^  Hollandois  ;  il  plaît  fur-tout  par 
des  effets  piquans  de  lumière  ,  &  par  fbn 
habileté  à  peindre  leTs  ciels. 

Breenberg  (  Bartholomé  )  a  orné  fes  pay- 
fages de  belles  fabriques  ,  qu'il  avoit  à^ï- 
finées  pendant  fon  féjour  en  Italie  :  ïts  pe- 
tites figures  font  d'un  fvclte  admirable. 

Griffier  (Jean)  s'eft  particulièrement 
attaché  à  rendre  Ces  payfages  brillans  ,  en  y 
rcpréfentant  les  plusbelles  vues  delaTamife. 

Poélemburg  (Corneille)  a  fouvent  orné 
les  fonds  de  fes  payfages  des  ruines  de 
l'ancienne  Rome  ;  fon  pinceau  eft  doux  & 
moelleux  ;  le  tranfparent  de  fon  coloris 
fe  fait  finguliérement  remarquer  dans  la 
Beauté  de  fes  ciels. 

Porter  (Paul)  a  rendu,  avec  beaucoup 
;3*art ,  les,  différens  eJfFets  que  peut  faire  fur 
îa  campagne  l'ardeur  &  l'éclat  d'un  Ibleil 
brûlant  *,^  les  animaux  y  font  peints  avec  la 
dernière  vérité  ,  &  le  grand  fini  de  fès 
payfages  les  a  fait  rechercher  avec  une 
ibrte  d'avidité  :  cependant  ils  ne  difènt  rien 
à  l'ef^rit ,  parce  qu'il  n'y  a  placé  qu'une. 


PAZ 

ou  deux  figures  ;  &  fes  fites  font  pauvres 
parce  qu'il  n'a  peint  que  les  vues  de  k  Hol- 
lande, qui  font  plates  &  très-peu  variées. 

Ruyldall  (Jacob)  ,  né  à  Harlem  en  1^40, 
eft  un  des  fameux  Payfagifies  du  pays.  Il 
s'eil  attaché  à  repréfenter  dans  its  tableaux 
des  marines  ou  des  tempêtes  ;  fes  fites  plaî- 
fent ,  fon  coloris  ell  vigoureux  ,  &  fe& 
figures  font  communément  de  la  main  de 
Van-Oftade. 

Wauwermans  orna  fcs  payfages  de  chaf- 
fes  ,  d'altes  ,  de  eampemens  d'armées  ,  d'at- 
taques de  villages ,  de  petits  combats  ,  & 
d'autres  fujets  dans  lefquels  il  pouvoit  pla- 
cardes chevaux,  qu'il  deffinoit  parfaitement.^ 
Ses  tableaux  font  précieux  ,  par  le  tour  fpi- 
rituel  des  figures ,  par  la  fonte  des  couleurs , 
par  un  pinceau  flou  &  féduifant ,  par  l'en- 
tente d'un  clair-obfcur  ,  enfin  par  un  pré- 
cieux fini. 

Les  .payfages  de  Van-Évcrdin  (Adrien) 
font  recherchés  en  Hollande ,  par  la  liberté 
de  la  touche  &  par  le  goût  de  ce  maître.. 

Zacht-Leeven  (  Herman  ) ,  né  à  Roter- 
dam  en  \6o^  ,  mort  à  Utrecht  en  1685  , 
a  fait  des  payiages  très-piquans  >  par  le  choix 
des  fites  ,  par  la  beauté  de  fon  coloris  ,  & 
par  l'art  avec  lequel  il  a  repréfenté  des  loin- 
tains légers ,  qui  fembient  fuir  &  s'échapper 
à  la  vue. 

Enfin  ,   tous    les  Vanderveldes  (è    font 
plus  ou  moins  diflingués  dans  les  payfages  ;. . 
on  aime  les  petites  figures  naïves  dont  ils 
les  ont  ornés. 

Quant  à  ce  qui  regarde  les  artifies  de 
la  Grande-Bretagne  ,  comme  rien  n'efl  ii 
riant  que  les  campagnes  de  l'Angleterre  , 
plus  d'un  peintre  y  fait  un  ufage  heureux: 
des  afpeâs  charraans  qui  s'y  préfentent  de 
toutes  parts.  Les  tableaux  de  payfage  y 
font  fort  à  la  mode  &  fort  bien  payés ,  en- 
forte  que  ce  genre  y  eft  cultivé  avec  un; 
grand  fuccès.  Il  n'y  a  pas  beaucoup  d'ar- 
tifles  ,  Flamands  ou  Hollandois  ,  qui  foieric 
fort  fupérieurs  aux  peintres  de  payfages,, 
qui  jouifîènt  aujourd'hui  en  Angleterre  de. 
la  première  réputation.  {Le  chevalier  dcr 
Ja  uco  urt.  ) 

Î^AZZY,  {Geog.  mod.)  ville  de  la  Re- 
manie,  prés  de  GaUipoli^,  avec  un  évê- 
ché  fuffragant  d'Héraclée  ;  elle  eft  fur  la- 
mer.  Long^.  4.4 y  54 ,  /.  4,0  ,  30.  (D.  J.% 


P  E  A 

PÉ ,  n  m.  en  terme  de  Vannier ,  c'efî  un  | 
montant  d'ofier,  autour  duquel   on   p;)fîe 
l'ofier  dans  les  ouvrages  de  mandrerie. 

Pé  écaffe  j  c'eft  un  pé  que  les  Vanniers 
appeilcnt  ainfi  ,  parce  qu'il  efl  fort  mince 
&  applati  par  un  bout  ,  par  lequel  il  doit 
environner  le  moule  de  la  pièce. 

Pé  taillé  y  efl  parmi  les  Vanniers  un  pé 
fort  aigu  par  un  bout ,  &  qui  fe  pique  dans 
le  fond  d'un  ouvrage  de  vannerie. 

PÉAGE,  f.  m.  {Hifi.  Rom.)  Les  Ro- 
mains ,  pour  fournir  aux  dépenfes  de  l'état, 
impoferent  un  tribut  général  fur  toutes  les 
marchandifes  que  l'on  tranfportoitd'un  lieu 
en  un  autre  ,  &  que  l'on  appelloit  porto- 
riiim  ;  ce  qui  revient  à  notre  péage. 

On  ignore  dans  quel  temps  les  Romains 
ont  commencé  d'exiger  des  droits  fur  les 
marchandifes  en  paffant  fur  leurs  terres  , 
parce  qu'ils  ont  été  long-temps  fans  avoir 
ni  commerce  ,  ni  liaifons  avec  leurs  voi- 
jfins.  On  ne  fait  point  encore  fi  Ancus- 
Martius  ,  qui  a  ouvert  le  premier  le  port 
d'Oftie  ,  y  établit  un  droit  fur  \ts  marchan- 
-difes  qui  y  feroient  apportées  ;  il  faut  pour- 
tant que  les  péages  euffent  été  établis  fous 
les  rois  ,  puifque  Plutarque  ,  Denis  d'Ha- 
licarnafîe  ,  &  Tite-Live  ,  ont  remarqué  que 
Publicola  abolit  les  péages ,  ainfi  que  plu- 
fieurs  autres  charges  dont  le  peuple  étoif 
opprimé.  Mais  la  République  ayant  étendu 
fa  domination  de  toute  part ,  elle  fut  obli- 
gée ,  pour  foutenir  plufieurs  guerres  ,  de 
coaferver  ce  qu'elle  avoit  acquis  ;  &  par 
l'ambition  d'augmenter  i^ts  conquêtes  ,  de 
rétablir  non-feulement  ces  anciens  fubfi- 
àts  ,  mais  même  d'en  impofer  de  nouveaux 
fur  tout  ce  que  l'on  portoit  à  Capoue  ,  à 
Pouzolles ,  &  dans  le  camp  qui  avoit  été 
autrefois  affranchi  de  toutes  fortes  de  droits. 
Ainfi  Rome  &  toute  l'Italie  fe  virent  ac- 
cablés de  péages  ,  Jufqu'au  temps  où  Ce- 
çilius  Métellus ,  étant  Préteur  ,  les  abolit , 
félon  le  témoignage  de  Dion  Callius  ,  par 
une  loi  agréable  au  peuple ,  mais  mal  re- 
çue par  ks  Sénateurs  ,  &  par  la  plupart 
ces  grands  qui  haïffoient  Métellus. 

Cet  aîfranchiiïement  fubfifla  néanmoins 
dans  l'Italie  ,  jufqu'à  la  deftruâion  de  la 
République  &  de  la  liberté;  car,^  au  rap- 
port de  Suétone,  Jule^-Céfar  renouvella 
tws  ces.  fubfides  ,  ^u'Augufle  ne  manqua 


P  E  A  i^ 

pas  de  confirmer.  Il  efl  vrai  que ,  fi  nous 
en  croyons  Tacite  ,  Néron'eut  quelque  en- 
vie d'éteindre  le  tribut  appelle  portorium  , 
mais  cette  envie  ne  dura  guère  \  ili'ctoufïà 
prefque  dans  fa  naiffance. 

Au  refle  ,  on  comprend  aifément  que 
portorium  étoit  originairement  un  tribut  im- 
pofé  fur  tout  ce  qui  entroit  dans  les  ports  de 
la  république  ;  à  portu  ,  portorium  die-- 
tum.  {D.  J.) 

Péage  ,  f.  m.  (Jurifprud.)  efl  un  droit 
qui  fè  paie  au  roi  ,  ou  à  quelque  autre 
perfonne  ,  par  permifîion  du  roi ,  pour  le 
pafTage  des  perfbnnes ,  befliaux  ,  marchan- 
difes ,  fur  un  pont ,  chemin  ou  rivière, 
ou  à  l'entrée  de  quelque  ville ,  bourg  , 
ou  autre  lieu. 

Les  péages  reçoivent  différens  noms  , 
félon  l'objet  particulier  pour  lequel  ils  fe 
perçoivent  comme  barrage  ,  pontonage  , 
partage  ,  travers  :  on  appelle  auffi  le  péage 
billete  ou  branchiete  ,  à  caufe  du  billot  oa 
branche  d'arbre  où  l'on  attache  la  pancarte. 

Le  roi  peut  feul  établir  des  péages  ,  & 
les  feigneurs  hauts-jufîiciers  n'ont  pas  ce 
droit:  fi  quelques-uns  ont  d^s  péages 
dont  ils  ne  rapportent  pas  le  titre  primitifs 
c'ell  que  la  longue  polfelfion  fait  préfumer 
qu'il  y  en  a  eu  originairement  une  concef^ 
fion  du  roi  \  &  tous  ceux  qui  ne  font 
pas  établis  de  l'autorité  du  roi  ^  doivent: 
être  abolis. 

L'ordonnance  des  eaux  &  forêts ,  r/V. 
des  péages,  a  fupprimé  tous  les  droits  de 
cette  efpece  ,  qui  ont  été  établis  depuis  cent 
ans  fans  titre;  &  à  l'égard  de  ceux  qui 
éroient  établis  avant  les  cent  ans  ,  par  ti- 
tres légitimes ,  &  dont  la  poflefîion  n'aura, 
pas  été  interrompue  ,  elle  a  ordonné  que 
les  feigneurs  propriétaires  juflifieroieru  de- 
leur  droit  &  poffe filon.. 

U article  5  de  ce  même  titre  rejette  les^ 
droits  de  péage  ,  même  avec  titre  &  pof-^ 
feffion  r  fi  les  feigneurs  qui  les.  lèvent  ne- 
font  obligés  à  aucune  dépenfe  pour  l'entre- 
tien des  chemins  ,  bacs,  ponts,  &  chauffées* 

Celui  qui  a  droit  de  péage  à^ns  un  lieu  ^ 
ne  peut ,  fans  permifîion  du  roi ,.  transfé- 
rer le  bureau  de  fon  péage  en  un  autre 
endroit ,  ni  établir  de  nouveaux  bureaux 
fans  permiiîîon. 

Les  feigneurs  qui  ont  droit  àQ  péage  font 


14  P  E  A 

obligés  d'avoir  une  pancarte  contenant  le 
tarif  du  droit  ,  &  de  la  faire  mettre  en  un 
lieu  apparent ,  afin  que  le  fermier  ne  puifTe 
exiger  plus  grand  droit  qu'il  n'eft  du  ,  & 
que  les  paflàns  ne  puifTent  prétendre  caufe 
d'ignorance  du  péo.ge. 

Il  y  a  un  bureau  du  confeil  établi  pour 
l'examen  &  la  repréfentation  des  titres  des 
propriétaires  des  droits  àç.  péages  ,  partages, 
pontonages ,  travers  ,  &  autres  qui  fe  per- 
çoivent fur  les  ponts  ,  chaufîees  ,  chemins  , 
rivières  navigables  ,  &  ruifTeaux  y  aflluans  , 
dans  toute  l'étendue  du  royaume. 

Les  droits  de  péage  ont  été  établis  ,  dans 
l'origine ,  pour  l'entretien  des  ponts ,  porcs , 
partages  &  chemins,  &  même  pour  y 
procurer  aux  marchands  &  voyageurs  la 
sûreté  de  leurs  perfonnes  &  effets  :  c'eft 
pourquoi  anciennement,  lorfque  quelqu'un 
étoit  volé  fur  un  chemin  où  le  feigneur 
haut-jufîicier  avoit  droit  de  péage  y  ce 
feigneur  étoit  tenu  de  rembourfer-  la  perte  ; 
cela  fut  ainfi  jugé  par  arrêt  donné  à  la 
Chandeleur  12.54.,  contre  le  fieur  deCreve- 
cœur  ;  en  1269  >  contre  le  feigneur  de 
Vicilon;en  12,73  »  contre  le  comte  de  Bre- 
tagne; &  en  12.85  contre  celui  d'Artois. 

On  voit  aufîl  par  un  arrêt  delaTouf^ 
faint  12,95  ,  que  le  roi  faifoit  rembourfer  de 
même  le  détrouffement  fait  en  fa  juflice. 

Mais  quand  le  meurtre  ou  vol  arrivoit 
avant  le  foleil  levé  ,  ou  après  foleil  couché  , 
le  roi  ou  autre -feigneur  n'en  étoit  pas 
refponfable. 

Cette  garantie  n'a  plus  lieu  ,  depuis  que 
les  feigneurs  n'ont  plus  la  liberté  de  met- 
tre fous  les  armes  leurs  vartâux  &  fujets  , 
&  que  le  roi  a  établi  des  maréchaurtJees 
pour  la  sûreté  des  chemins. 

Quelques  coutumes  prononcent  une 
amende  ,  au  profit  du  feigneur,  contre  ceux 
qui  ont  fraudé  le  péages  cela  dépend  des 
titres  &  de  la  poffeffion. 

Les peagw  font  droits  domaniaux,  &  non 
d'aides  &  de  fubfides.  Voye\  les  coutumes 
d'Anjou  ,  du  Maine  ,  Lodunois  ,  Touraine, 
Bourbonnois ,  la  Marche  ;  le  Glojf.  de  Lau- 
riere,  au  moi  péage  j  de  Pommiers  (ur  l'art, 
î  £^  y  de  la  coutume  de  Bourbonnois. (A) 

AhusÙ  dangers  des  péages, par  M.  Lingue  t. 

Voici   comme   s'exprime  cet    éloquent 


P  E  A 

auteur ,  en  bon  patriote  ,  aux  ^tats  d'Ar- 
tois ,  dans  fès  canaux  navigables  ,  im- 
primé en  ^76^. 

fy  Examinez  ce  canal  de  Briare  creufé 
M  fous  Henri  IV ,  celui  de  Languedoc  fbl- 
w  licite  par  Colbert  :  regardez  le  cours  de 
>y  la  Saône  ,  de  la  Loire. .  . .  Vous  y  ver- 
«  rez  l'avidité  étendre  f£s  filets  à  chaque 
»  pont ,  à  chaque  éclufè  ,  à  chaque  ma- 
y>   fure  tolérée  dans  le  voifinage. 

M  Vous  verrez  l'indu ftrie  fe  débattre  en 
»  vain  ,  fous  les  efforts  d'une  multitude 
»  d'oilcaux  de  proie  ,  appelles  Buraliftes  , 
»>  Aecepeurs ,  Péagers.  .  .  .  elle  n'échappe 
«  de  leurs  ferres  qu'en  y  laiffant  une  par- 
yy  tie  de  fa  dépouille  ;  &  comme  à  chaque 
yy  pas  la  même  fcene  fe  renouvelle  ,  elle 
>j  arrive  enfin  expirante  au  terme  de  fon 
7>   voyage. 

»  Voilà  le  fpedacle  qu'oflfrent  en  France 
»>  tous  ces  beaux  ouvrages ,  tant  célébrés 
»  par  un  tas  d'écrivains  flatteurs,  qui  arron- 
»   dirtent  des  phrafes  dans  leur  cabinet. 

»  N'élevez  donc  point ,  Mefïieurs ,  de 
»  ces  guérites  terribles ,  où  fe  logera  bien- 
»  tôt ,  malgré  vous  ,  la  rapacité  des  Trai- 
w  tans  :  facrifiez  farts  retour  &  fans  regret 
M  à  l'établiffement  de  vos  enfans ,  la 
»  fomme  dont  ils  ont  befoin  pour  leur 
yy   dot. 

»  Il  vaut  mieux  ne  point  ouvrir  de  rou- 
M  tes ,  que  de  les  voir  infeftées  par  les  har- 
»  pons  meurtriers  des  Péagers.  Il  efl  moins 
»  dangereux  de  laifTer  le  commerçant  ram- 
>î  per  fur  la  terre,  que  de  le  réduire,  dès 
"  l'entrée  d'un  canal ,  à  reculer  d'épou- 
»  vante  à  l'afped  de  ces  retraites  perfi- 
»  des  où  s'embufquent  ces  ennemis  dévo- 
w  rans  ,  qui  l'attendent  pour  le  fucer  :  écar- 
»  tez-en  donc  pour  toujours  ces  pirates 
»  privilégiés  qui  rançonnent  les  pafîàns ,  • 
w   fans  autres  armes  que  des  parchemins. 

Péage,  droit  de  péage  Jingulier  en 
Champagne.'M.  Groley  ,  donton  connoîc 
l'érudition ,  nous  rapporte  un  droit  de 
péage  fort  finguher  du  comté  de  Lefmont 
en  Champagne  ,  au  quinzième  liccle. 
Ephem.    Troy.  ijGo. 

Art.  t^.  Un  cheval  ayant  les  quatre 
pies  blancs  ,  franc.  . 

Art.  27.  Un  char  charge  de  poifîbns  , 
4  fous  2,  deniers,  &  une  carpe  ou  un  brochet. 


P  E  A 

Art.  z  8.  Un  homme  chargé  de  verres ,  | 
2  deniers  :    s'il  vend   Tes  marcha ndifes  au 
lieu  dudit  comté,  doit  un  verre    au  choix 
du   comte ,  qui  doit  au   marchand  du  vin 
plein  le  verre. 

^n.  zz.  Un  juif  pafîant  dans  ledit 
comté  ,  fè  doit  mettre  à  genoux  devant  la 
porte  du  château ,  &  recevoir  un  fouflet 
du  comte  ou  de  Ton  fermier. 

Art  2.5-  Un  chaudronier  paflânt  avec 
fes  chaudrons  ,  doit  2  deniers ,  fi  mieux 
n'aime  dire  un  pacer  un  ai^e  devant  le 
château.  (C) 

PÉAGER,  f.  m.  {Jurifprud.)  efl  ce- 
lui qui  fait  la  recette  du  droit  de  péage. 
Voyei  ci-devant  PÉAGE.  (A) 

PEAKS  ,  {Hifi.  mod.  Commerce.  )  Les 
fauvages  de  la  Virginie  fe  fervent  ,  au  lieu 
dç;  monnoie  ,  de  différentes  parties  de  co- 
quilles polies ,  &  formées  en  petits  cyhn- 
dres  percés,  d'une  couleur  brune  ou  blan- 
che ,  de  la  longueur  de  quatre  ou  cinq  li- 
gnes, &  enfilés.  Il  y  a  de  ces  cylindres  qu'ils 
nomment  runtis;ks  roenokes  font  des  frag- 
mens  de  pétoncles.  Les  Anglois  reçoivent 
le  peak  brun ,  qui  efl  le  plus  cher  ,  fur  le 
pie  de  18  lous  un  pennys  ,  la  verge  ou 
l'aune. 

PEAN  ouVJEAN,  Cm.  {Belles-Let- 
tres. )  c'étoit  originairement  un  cantique  en 
l'honneur  d'Apollon  &  de  Diane ,  qui 
renouvelloit  le  iouvenir  de  la  vidoire  rem- 
portée fur  le  ferpent  Python  par  ce  dieu  , 
dont  '!ff:itctv  étoit  aufli  l'un  à^s  furnoms  , 
emprunté  de  la  force  de  fes  rayons  ou  de 
fes  traits ,  exprimée  par  le  verbe  -yrainv  , 
frapper.  Ces  cantiques  étoient  caradérifés 
par  cette  exclamation  î»  -aatiKv  qui  en  étoit 
comme  le  refrain  ,  &  qui  fîgnifie  propre- 
ment décoche  tes  fléchas  y  Apollon.  On 
les  chantoit  pour  fe  rendre  ce  dieu  favo- 
rable dans  les  maladies  contagieufes  ,  que 
l'on  regardoit  comnfe  des  effets  de  fa  colère. 

Cette  notion  des  peans  efl  relative  à 
toutes  les  étymologies  qu'on  donne  de  ce 
nom  ,  Feflus  le  faifant  venir  de  Tra/»;,  _, 
frapper.  Hefychius  de  -rctud  âipa-Trtva  ,  je 
guéris;  &  d'autres,  de  cette  exclamation 
tKTTut  m  'TTui  l  courage  y  mon  fils  î  que 
Latone  répéfoit  à  Apollon  pendant  qu'il 
combaftort  le  ferpent  Python. 

Dans   la  fuite,  on,  fit  de  ces  peans  ou 


P  E  A  15 

cantiques  pour  le  dieu  Mars,  &  on  les  chan- 
toit au  fon  de  la  flûte  ,  en  marchant  au 
combat.  Il  y  en  a  divers  exemples  dans 
Thucidide  &  dans  Xenophon  ;  fur  quoi  le 
Scholiafte  du  premier  obferve  ,  qu'au  com- 
mencement d'une  adion  l'on  invoquoit 
dans 'ces  peans  le  dieu  Mars  ;  au  lieu  qu'a- 
près la  vidoire  ,  Apollon  devenoit  le  feul 
objet  du  cantique.  Mais  enfin  ,  ces  canti- 
ques ne  furent  plus  renfermés  dans  l'in- 
vocation de  ces  deux  divinités ,  ils  s'éten- 
dirent à  celle  de  quantité  d'autres  ;  &  dans 
Xenophon,  hift.grcec.  lib.  IV y  les  Lacé- 
démoniens  entonnent  un  pean  à  l'honneur 
de  Neptune. 

On  en  fit  même  pour  illuflrer  les  grands 
hommes  ;  Athénée  parle  de  ceux  où  l'on 
célébroit  les  louanges  de  Lyfandre  le  Lacé- 
démonien  ,  &  qu'on  chantoit  à  Samos  ;  & 
de  ceux  de  Cratère  le  Macédonien,  qu'on 
chantoit  à  Delphes.  Arifiote  honora  d'un 
pareil  cantique  l'eunuque  Hermias  fon  ami  ; 
&  il  fut,  dit-on,  mis  en  jufHce  pour  avoir 
prodigué  à  un  mortel  un  honneur  qui  n'étoit 
dû  qu'aux  dieux.  Ce  pean  nous  reffe  en- 
core aujourd'hui ,  &  Jules-Céfar  Scaliger 
ne  le  trouve  point  inférieur  aux  odes  de 
Pindare  ;  mais  Athénée  qui  nous  a  confervé 
ce  cantique  d'Ariflote  ,  ne  tombe  point 
d'accord  que  ce  foit  un  véritable  pean  y 
parce  que  l'exclamation  ik  rn-cf.ia.v  qui  de— 
vroit  le  caradérifer  ,  ne  s'y  rencontre  en 
aucun  endroit  ;  au  lieu  qu'elle  ne  manque 
point  dans  les  peans  compofés  en  l'hon- 
neur de  Ptolomée  ,  fils  de  Lagus  ,  roi 
d'Egypte ,  d'Antigoné ,  &  de  Démétrius 
Poliorcète.  Nous  fommes  redevables  aa 
même  Athénée  de  la  confervation  d'un  au- 
tre pean  ,  adrefTé  par  le  poète  Ariphron 
Sicyonien  à  Hygiée  ,  ou  la  déefTe  de  la 
fanté.  Recherches  fur  les  peans  ,  par  M. 
Burette ,  mém.  de  l'Académie  d^s  Belles- 
Lettres ,  tome  X  ^  page /^Oî  &  30Z. 
■  Pean  ou  Peon  ,  efl  aufîî  le  nom  d'une 
forte  de  pié  dans  les  vers  des  anciens  ;  on 
l'appella  ainfi  ,  dit-on  ,  parce  qu'il  dominok 
dans  les  h3^mnes  ou  cantiques  nommés 
peans.  Mais  Quintiiien  le  nomme  peon  ^ 
&  en  attribue  l'invention  a  un  médecin; 
appelle  Peon.  Ce  pi  éconfilloi«  en  quatre 
lylkbes  ,  dont  trois  dévoient  être  brèves^ 
éi  ime  long,ue  ;  mais  cella-ei  pouvoit  hsei 


4é  P  E  A. 

difporée  de  quatre  rnanieres.  i*.  Avant 
toutes  les  brèves  ,  comme  dans  djfîgerë  ; 
Z°.  après  une  breve,comme  dansjupërbiâ  '^ 
3°.  après  deux  brèves ,  comme  âliënûs  ; 
4°.  après  toutes  les  brèves ,  comme  dans 
tëmërïtâs.  Voyez  PlÉ. 

PÉAN  ,  [Géogr.  mod)  ville  de  la  Co- 
rée ,  capitale  de  la  province  de  Péando , 
fur  la  mer  de  la  Chine.  Les  Japonnois 
s'en  emparèrent  fur  les  Chinois  en  159^* 
{D.J.) 

PEANGE,  j-qyqANGE. 

PEAT ,  i:  m.  {Hifl,  nat.)  les  Anglois 
donnent  ce  nom  à  une  efpece  de  tourbe 
ou  de  limon  ,  formé  par  la  pourriture  des 
végétaux.  Humus  paluflris. 

PEAU ,  fublh  f.  {Anatom.)  enveloppe 
univerfelie  qui  recouvre  le  corps  en  en- 
tier ,  contient  tous  les  organes ,  &:  figure 
toutes  les  parties  à  l'extérieur. 

Les  animaux  compofés  &  les  plantes  ont 
la  furface  couverte  d'une  enveloppe  géné- 
rale ,  naturellement  divifée  en  deux  lames  , 
l'épiderme  &  la  véritable  peau.  Ce  n'efî 
pas  uniquement  la  furface  expofée  aux  corps 
extérieurs  qui  en  efl  couverte  :  cette  mê- 
me peau  ,  &  l'épiderme  avec  elle ,  entrent 
dans  l'intérieur  du  corps  de  l'animal  par 
toutes  les  ouvertures  que  la  peau  paroît 
avoir  ;  elles  fe  continuent  dans  les  narines  , 
dans  la  bouche  ,  dans  la  trachée  ;  dans  l'œ- 
fophage  ,  dans  les  inteftins ,  dans  l'urètre ,  & 
l'uretère,  dans  le  vagin,  peut-être  même  dans 
la  matrice  ,  du  moins  à  l'égard  de  la  peau. 

Il  eft  vrai  que  cette  peau  rentrée  dans 
l'intérieur  de  l'animal ,  continuellement  hu- 
meâée  par  des  liqueurs  exhalantes  &  par 
des  vapeurs  ,  &  mife  à  couvert  du  defîe- 
chement  qu'elle  éprouvoit  de  la  part  de  l'at- 
raofphere,  devient  plus  molle  &  plus  fpon- 
gieufe;  mais  fa  continuité  n'en  eft  pas  moins 
certaine.  C'eft  Izpeau  qui  devient  la  mem- 
brane pituitaire;  la  tunique  intérieure  de  Tœ- 
fophage  ,  la  nerveufe  de  i'eftomac  ,  des  in- 
teftins  ,  de  la  veflîe  ,  la  fubflance  fpon- 
gieufe  de  l'urètre  ,  du  vagin  &  de  l'utérus. 
L'épiderme  forme  la  veloutée.  C'efl  encore 
la  peau  qui  prend  le  nom  de  conjonc^ine  , 
&  l'épiderme  l'accompagne ,  pour  revêtir 
avec  elle  la  furface  antérieure  de  la  fcléro- 
tique.  La  peau  avec  l'épiderme  entre  de 
même  dans  le  conduit  de  l'oreille  &  dans 


P  E  A 

la  trompe;  elle  donne  deux  lames  à  la 
rnembrane  de  la  calife ,  &  l'épiderme  la 
recouvre  par  deux  autres   lames. 

La  flrudure  de  la  véritable  p^aw  efl  fort 
fîmple.  C'efl  une  membrane  très-forte  ,  qui 
s'étend  confidérablement  en  longueur,  & 
qui  reprend  de  même  la  première  étendue, 
Il  eft  vrai  qu'elle  eH  plus  mince  dans  quel- 
ques parties  du  corps  ,  &  fur-tout  au  vi- 
fage  &  à  la  mamelle  ,  &  plus  épaiife  au 
dos  ,  à  la  tête  chevelue  &  aux  extrémités. 
Elle  eft  plus  molle  dans  l'enfance  ;  Tàge 
ajoute  à  fa  force  &  à  fà  roideur. 

Elle  eft  entièrement  compofée  d'une  cel- 
lulolité  très-ferrée ,  formée  par  des  lames 
&  par  des  fibres  entrelacées.  Le  tiflu  en 
efl  plus  ferré  vers  l'épiderme  ;  il  devint 
plus  lâche  ,  &  les  lames  fe  féparent  du  ctiè 
de  la  graiflè.  La  macération  en  découvre 
la  flruâure  ;  l'eau  gonfle  les  cellules  ,  écarte 
les  lames  &  la  rend  fpongieufè. 

Il  n'y  a  point  de  fibres  mufculaires  dans 
la  peau  de  l'homme  :  on  a  cru  en  voir  à 
la  ligne  blanche  ,  au  commencement  des 
doigts ,  au  coude  ;  mais  une  préparation 
plus  exade  détache  la  peau  fans  blefîer 
aucune  fibre  tendincufe.  L'air  poufle  fous 
{s. peau  aide  cette  féparation;  c'eft  le  moyen 
dont  fe  fervent  les  bouchers.  Au  front 
même  ,  le  mufcle  qui  paroît  cutané  ,  & 
celui  qu'on  appelle  de  ce  nom  au  haut  du 
cou,  ne  font  point  attachés  à  la  peau;  il 
y  a  entr'elle  &  entre  les  fibres  mufcu- 
laires un  plan  de  graiffe  ,  quoique  peu 
épais. 

Quoique  h  peau  ne  foit  point  mufculeu- 
fe  ,  elle  a  cependant  une  efpece  d'irritabi- 
lité ;  il  eft  vrai  que  le  fer  ne  la  réveille 
pas  ,  mais  l'air  froid  ,  l'eau  froide  la  réveille 
&  la  met  en  aâion:  la  terreur  qui  fait 
drelTer  les  cheveux ,  fait  auffi  dans  la  peau 
une  efpece  d'éreûion. 

Dans  le  fcrotum ,  ce  mouvement  efl  plus 
vif.  Le  froid  ,  la  fanté ,  le  bon  état  des 
forces  du  corps  le  redrelTent ,  le  relèvent , 
&  Its  régumens  paroiflent  durcir  dans 
cette  aâion.  Elle  paroît  commune  à  la 
peau  &  à  la  cellulofité  vafculeufe  ,  qu'on 
appelle  dartos.  Cette  adion  du  fcrotum 
approche  beaucoup  de  l'irritabihté  :  l'ana- 
tomie  cependant  ne  découvre  point  de 
fibres  mufculaires ,  ni  dans  la  peau  ,  ni 

da»s 


P  E  A 

dans  le  darros ,  &  rirritatlon  méchanîque 
ne  produit  pas  de  mouvement. 

La  ptau  eft  extrêmement  vafculeufe  : 
elle  l*eft  au  premier  coup-d'œil  dans  les 
joues  ;  la  pudeur  allume  une  fougeur  agréa- 
ble dans  le  refte  du  vifage ,  &  à  la  gorge 
même  des  ieunes  perfonnes ,  dont  la  peau 
eft  blanche  &  l'ame  fenfible.  L'inflamma- 
tion Se  l'injeélion  découvrent  dans  toute 
l'étendue  de  la /JCiîa,  un  nombre  infini  de 
vaiiïeaux  moins  app'arens  dans  l'état  natu- 
rel, parce  que  la  cellulofité  les  couvre,  & 
que  ces  vaifteaux  font  fort  petits.  Les  troncs 
des  artères  ne  fe  rendent  jamais  à  la  peau  ; 
ils  marchent  &C  fe  diyifent  dans  la  cellulo- 
fité qui  eft  entre  la^aw  &:  les  muicles  : 
mais  ils  donnent  de  petites  branches rameu- 
fes  en  grande  quantité,  à  toutes  les  parties 
de  \-aiptau.  Ces  branches  deviennent  plus 
fines  en  approchant  de  l'épiderme ,  ôc  fe 
perdent  à  la  fin  dans  les  mamelons.  L'en- 
fant qui  vient  de  naître  ,  le  nègre  tout 
comme  l'européen ,  eft  entièrement  rouge  ; 
fes  vaifteaux  font  alors  au  plus  grand  nom- 
bre poffible  ,  puifqu'il  s'en  efface  avec 
l'âge  ,  qu'il  n'en  naît  point  de  nouveaux  , 
&  que  le  cœur  du  fœtus  a  plus  de  force 
vis-à-vis  des  réfiftances. 

C'eft  des  artères  &  des  veines  rouges 
que  j'ai  parlé.  Il  y  a  fans  doute  dans  la 
peauàcs  vaifteaux  plus  fins  ,  &  deftinés  à 
charrier  une  liqueur  tranfparente  ;  ce  font 
les  vaifteaux  qui  répandent  fur  la  furface 
du  corps  la  matière  tranfpirante  &  la 
fueur. 

On  feroit  autorifé  à  croire  que  ces  vaif- 
feaux,  naturellement  blancs,  fe  colorent 
&  deviennent  rouges  par  l'injection ,  parce 
qu'on  les  a  forcés  de  recevoir  une  liqueur 
plus  vivement  colorée  que  leur  liqueur  na- 
turelle. C'eft  ainfi  que  dans  la  rétine  & 
dans  la  conjonélive,  on  ne  diftingue  que 
les  troncs  des  artères  dans  l'état  de  la  na- 
ture ,  mais  qu'après  une  injeftion ,  on 
y  découvre  des  réfeaux  entiers  de  vaif- 
ieaux  colorés,  que  l'on  n'avoit  pas  dé- 
couverts. 

Il  ne  faut  pourtant  pas  fe  hâter  de  tirer 
cette  conclufion  de  ces  faits.  Il  eft  bien 
avéré  que  des  vaifteaux  certainement  rem- 
plis de  fang,  font  invifibles  dans  l'état  de 
la  nature ,  parce  que  les  globules  n'y  font 
Tome  XXF, 


P  E  A  T7 

pas  entaft*és ,  qu'ils  fe  fuivent  à  la  file ,  & 
que,  pareil  à  toute  liqueur,  au  vin  rouge 
même,  le  fang  ne  paroît  rouge  que  lorfque 
l'épaifteur  de  la  mafte  de  ce  fang  eft  un  peu 
confidérable.  J'ai  vu  cent  fois  le  vitré  des 
poiffons;  fa  membrane  paroiftoit  cendrée 
ou  tranfparente ,  mais  le  microfcope  y  dé- 
couvroit  des  vaififeaux  innombrable^s  rem- 
plis de  fang.  Aucune  liqueur  n'y  avoit 
pénétré;  ces  vaifteaux  n'avoient,  pour  fe 
rendre  vifibles,  que  les  mêmes  globules, 
malgré  lefquels  ils  avoient  paru  tranfparens. 
Ces  globules  groflis,  vus  à  travers  des  mem- 
branes éftentiellement  tranfparentes,  ont 
paru  rouges,  comme  ils  le  paroîtroient,  fi 
au  lieu  de  l'épaifteur  d'un  dixième  de  ligne, 
ils  avoient  eu  celle  d'une  ligne  entière. 

Au  commencement  de  mes  expériences 
anatomiques ,  je  croyois  avoir  injeélé  la 
peau  dans  la  plus  grande  perfeftion  ;  elle 
étoit  du  plus  beau  rouge  imaginable;  elle 
égaîoit  la  rougeur  d'une  fille  dont  la  pudeur 
anime  les  joues.  On  a  cru  encore  prouver 
les  vaifteaux  tranfparens  de  la  peau  par 
l'inflammation  &c  par  les  taches  rouges  de 
la  rougeole ,  de  la  fièvre  écarlatine.  Qt% 
preuves  ne  fatisfont  pas  un  efprit  attentif. 
Dans  l'injeélion,  la  colle  de  poiftbn  colorée 
par  le  carmin  avoit  fuinté  dans  toutes  les 
petites  cellules  de  la  peau  ;  il  en  arrive  de 
même  au  fang  de  la  rougeole.  Le  rouge 
qu'on  voit  à  Xà^  peau  ^  n'eft  pas  dans  les 
vaifteaux;  il  eft  dans  la  cellulofité,  dans 
laquelle  le  fang  s'eft  épanché, 

La  peau  reçoit  un  nombre  très-confidé- 
rable  de  nerfs.  Il  y  a,  &  dans  les  bras  & 
dans  les  jambes,  de  gros  troncs,  qui  ne 
font  uniquement  deftinés  qu'à  \3i  peau  ^  & 
dont  aucun  filet  ne  fe  porte  à  aucune  au-  ^ 
tre  partie.  Ces  nerfs  ont  des  troncs  d'une 
grande  longueur,  prefque  comme  les  vei- 
nes qui  rampent  dans  la  graifte ,  ,&  dont 
les  dernières  branches  fe  perdent  dans  la 
peau.  Il  eft  difticile  de  les  fuivre  jufqu'à 
leurs  extrémités,  ôc  je  n'ai  pas  réuflR  à  con- 
tinuer les  filets  nerveux  jufqu'aux  mame- 
lons, ce  qui  n'eft  pas  bien  difticile  dans  la 
langue.  Les  nerfs  ne-font  pas  l'unique  élé- 
ment dont  la  peau  eft  compofée ,  c'eft  la 
cellulofité  qu'on  peut  regarder  comme  fa 
matière  principale;  elle  eft  cependant  tfès- 
fenfible ,  quoique  à  des   degrés  inégaux. 

C 


1.8  P  E  A 

Elle  Tèft  peu  à  côré  des  condyles  internes 
ducoude;  elle  Teft  beaucoup  aux  paupières, 
aux  organes  de  la  génération. 

La/7tî^«n'eft  pas  une  membrane  fimilal- 
re  ;  elle  a  fur  fa  (urface  extérieure,  fur  celle 
qui  regarde  l'épiderme,  de  petites  émlnen- 
ces ,  que  l'on  appelle  mamelons,  &  que 
Malpighia  découvertes  ;  ces  mamelons  ne 
font  pas ,  à  beaucoup  près ,  auffi  vifibles 
qu'on  pourrolt  le  croire.  Dans  la  généra- 
lité de  h  peau  ils  font  invifibles  ;  à  peine 
le  microfcope  les  diftingue-t-il.  Il  y  a  ce- 
pendant des  places  où-  ils  font  plus  fenfi- 
bles.  A  la  face  inférieure  du  grand  orteil , 
ils  s'élèvent  depuis  la  furface  de  ia  peau  en 
forme  de  filets  :  il  en  eft  de  même  aux 
doigts  de  la  main  ,  du  côté  qui  répond  aux 
tendons  des  fléchlfleurs  ;  car  le  dos  des 
doigts  &cdes  orteils  n'en  a  pas  de.  vifibles. 
Sous  les  ongles  ces  mamelons  acquièrent 
de  la  longueur;  ils  font  inclinés ,  parallèles 
à  la  longueur  de  l'ongle  &  logés  dans  fes 
filions.  La  macération  les  détache  &  les 
rend  apparens.  Dans  le  gland  ,  on  apper- 
çoit  des  floccons  extrêmement  délicats , 
féparés  par  des  fentes.  Ces  mamelons  font 
obtus  &  coniques  dans  la  mamelle,  &  gé- 
néralement obtus  &  applatis  à  la  peau. 

La  ftrufture  intérieure  du  mamelon  ne 
peeut  être  connue  que  par  l'analogie  avec 
ceux  de  la  langue,  ou  par  le  microfcope. 
Il  eft  compofé  de  p'ufieurs  petites  éminen- 
ces  entafiees  l'une  fur  l'autre ,  qui  fe  fépa- 
rent  par  la  macération. 

Sa  fubftance  efl:  un  tiffu  cellulaire  ferré^ 
plus  évident  dans  la  langue.  Le  nerf,  l'ar- 
tère ,  la  veine  entrent  dans  là  bafe  du  ma- 
melon, par  un  tronc  ou  par  plufieurs  troncs, 
&  donnent  une  branche  à  chacune  des  émi- 
41  nences  dont  le  mamelon  eft"  compofé.  Les 
branches  fe  ramifient  dans  la  fubftance  du 
mamelon.  On  a  cru  remarquer  que  la  poin- 
te du  mamelon,  de  l'efpece  conique,  eft 
percée ,  6c  qu'une  petite  artère  y  répond  à 
une  ouverture  de  l'épiderme.  On  a  cru 
auffi  y  remarquer  que  les  nerfs  s'y  dépouil- 
lent de.  leurs  enveloppes,  &  deviennent 
comme  une  gelée.  Ces  particularités  ont 
hefoln  d'être  vérifiées. 

Il  éft  très-probable  que  les  mamelons  font 
l'organe  du  toucher.  Comme  ils  fortent  de 
deffus  la  furface  de  lap/tf^/,  ils  s'offrent  les 


P  E  A 

premiers  à  l'impreffion  des  objets  exté-- 
rieurs  ;  ils  font  plus  gros  &  plus  fenfibles 
par-tout  où  le  toucher  eft  plus  fin.  Leur 
figure  conique  pourroit  faire  croire  qu'il  y  a- 
dans  chaque  mamelon  des  cordes  nerveu- 
fes,  plus  ou  moins  longues  &  plus  ou  moins 
faciles  à  ébranler.  Les  mamelons  les  plus 
fenfibles  font  ceux  qui  repréfejitent  des  fils  ; 
ils  font  tout  furface. 

Outre  les  mamelons,  ily^  dansh  peau 
des  glandes  de  différentes  efpeces  :  elles 
font  plus  vifibles  dans  quelques  animaux.- 
Dans  l'homme ,  il  y  a  des  follicules  mem- 
braneux ,  placés  dans  la  cellulofité  fous  la- 
peau ,  dont  les  conduits  excrétoires  percent 
la  peau ,  &  répan^|^t  fur  la  furface  une 
pommade  huileufe  oT  inflammable.  Elles 
font  plus  fenfibles  dans  la  partie. de  la  tête 
qui  eft  couverte  de  cheveux.  Les  glandes 
cérumineufes  du  conduit  de  l'ouie  font  de 
cette  claffe. 

Uneautre  pomirrade  moins  fluide  &  plus 
.  pâteufe ,  qui  fe  forme  en  vermifleaux  cylin-' 
driques ,  eft  préparée  dans  les  glandes  Am- 
ples ou  compofées  du  vifage,  de  la  nuque 
du  cou ,  du  contour  du  mamelon  de  la  ma- 
melle ,  de  celui  de  l'anus ,  du  nombril  ;  dans 
les  nymphes,  les  grandes  lèvres,  le  fcro- 
tum;  dans  la  couronne  du  pénis  &  du  cli- 
toris, &  dans  plufieurs  autres  places,  fur-- 
tout  dans  celles  qui  font  expofées  au  frot- 
tement ,  à  l'air,  ou  à  quelque  humeur 
acre. 

Il  eft  même  aftéz  probable  que  le  refte 
de  h  peau,  h  même  où  l'œil  ne  découvre 
poi^nt  de  glandes ,  ne  laiffe  pas  que  d'en  être 
pouT\u.  Lapeau  fe  couvre,  par-tout  & 
fans  exception,  d'une  craffe  inflammable  & 
d'une  mauvaife  odeur  ;  &  toutes  les  fois  que 
deux  parties  du  corps  humain  font  attachées 
enfemble  perrdant  un  temps  un  peu  confidé- 
rable,  la  peau  s'enduit  de  quelque  chofe  de 
butireux  &  de  gras.  Je  l'ai  remarqué  dans 
un  bras  ,  qu'apiès  une  fra£l:ure  on  tenoit 
affujetti  contre  le  corps. 

Il  y  a  encore  un  autre  organe  qui  répand 
de  la  graiffe  fur  la  peau  ;  c'eft  la  cellulofité 
placée  Coushpeau.  La  graiffe  fuitles  pores 
des  cheveux  ,  &  fuinte-.par  ce  paffage. 

Toutes  ces  pommades  peuvent  fe  mêler 
à  la  fueur ,  mais  elles  ne  la  conftituent 
paJ.  Ce  fontdesvaiffeaux  artériels  qui  ia 


P  E  A 

fourniïïent;  il  eft  très-aifé  d'éviter  la  fe- 
crétion.  Il  faut  détacher  l'épiderme  par  la 
macération  ,  &  injeder  dans  les  artères  de 
l'eau  ou  de  la  colle  de  poilTon  fondue  dans 
de  l'eau-de-vie.  Ces  liqueurs  fuintent  par 
mille  pores  de  toute  la  furface  de  la  peau  ; 
fï  1  epiderme  la  couvroit  encore ,  elles  for- 
meroient  des  empoules  fous  ce  tégument. 
Le  fuif  enfile  la  même  route.  La  fueur  de- 
mande un  organe  pour  s'épancher  ,  qui 
offre  moins  de  difficulté  que  ne  le  feroient 
les  glandes;  &  tout  ce  qui  eft  préparé  dans 
un  follicule ,  a  toujours  un  degré  de  vifco- 
fité  ,  qui  n'eft  pas  naturelle   à  la  fueur. 

\h,d.g,) 

Les  maladies  de  la  ptau  font  la  gale ,  la 
lèpre ,  la  petite  vérole ,  la  rougeole ,  le 
pourpre  &  les  inflammations  éréfipélateu- 
fes.  Voyi^ Gale  , Vérole, Lèpre ,  &c. 
Peau,  Pores  de  la  (  S  cime,  microfc.  ) 
chaque  partie  de  layPe^w  humaine  eft  pleine 
de  conduits  exctétoires  ou  de  pores,  qui 
évacuent  continuellement  les  humeurs  fu- 
perflues  du  fluide  qui  circule.  Pour  voir  ces 
pores ,  il  faut  couper  un  morceau  de  la 
peau  extérieure  ,auflli  mince  qu'il  fera  pof- 
fible ,  avec  un  rafoir  bien  tranchant  ;  im- 
médiatement après ,  vous  couperez  du  mê- 
me endï'oit  un  fécond  morceau ,  que  vous 
appliquerez  au  microfcope  ;  &  dans  une 
partie  qui  ne  fera  pas  plus  grande  qu'un 
grain  de  fable,  vous  appercevrez  un  nom- 
bre innombrable  de  pores  auflî  clairement 
<jue  vous  pourriez  diftinguer  autant  de  petits 
trous  formés  par  une  aiguille  fine  fur  le  pa- 
pier, fi  vouslepréfentiezaufoleil.  Les  écail- 
les de  l'épiderme  empêchent  qu'on  ne  voie 
xliftinftement  les  pores ,  à  moins  qu'on  ne 
les  fépare  avec  un  couteau,  ou  qu'on  ne 
les  coupe  de  la  manière  précédente  ;  mais 
fî  Ton  prépare  de  cette  manière  un  mor- 
ceau de  h  peau  qui  eft  entre  les  doigts  ou 
fur  la  paume  de  la  main  ,  &:  fi  on  l'exa- 
mine au  microfcope ,  on  verra  ,  avec  beau- 
coup de  plaifir ,  la  lumière  à  travers  les 
pores. 

M.  Leeuwenhoeck  tâche  de  donner  quel- 
que légère  idée  du  nombre  incroyable#xle 
pores  qui  font  fur  le  corps  humain".  Il  fup- 
pofe  qu'il  y  a  cent  vingt  pores  dans  une 
ligne ,  qui  n'eft  que  la  dixiem.e  partie  d'un 
pouce  ',  cependant  pour  n'être  pas  à  l 'étroit , 


PEA  7^ 

il  ne  calcule  que  fur  le  pié  de  cent  :  un  pouce 
de  longueur  en  contiendra  donc  mille ,  ôc 
un  pié  douze  mille  ;  félon  ce  calcul  un  pié 
quarré  en  contiendra  cent  quarante-quatre 
millions  ;  &  fuppofant  que  la  furface  d'un 
homme  de  taille  moyenne  foit  de  14  pies 
quarrés ,  il  y  aura  fur  fa.  peau  deux  mille  6c 
feize  millions  de  pores. 

Pour  avoir  une  notion  encore  plus  claire 
de  ce  nombre  prodigieux  de  pores,  par  l'idée 
que  nous  avons  du  temps,  fuppofons  avec  le 
P.  Merfenne  ,  que  chaque  heure  eft  com- 
pofée  de  foixahte  minutes,  chaque  minute 
de  foixante  fécondes  ou  de  foixante  batte- 
mens  d'une  artère  ;  il  y  a  donc  dans  une 
heure  3600  battemens,  dans  vingt-quatre 
heures  86400  ,  &  dans  un  an  3 1 536000  : 
mais  il  y  a  environ  foixante-quatre  fois  au- 
tant de  pores  dans  la  furface  de  la  peau  d'un 
homme  ,  &  par  conféquent ,  il  faudroit 
qu'il  vécut  foixante-quatre  ans  pour  n'avoir 
qu'un  feul  battement  pour  chaque  pore  de 
fa  peau. 

Le  D.  Nathaniel  Grew  obferve ,  que  les 
pores  par  lefquels  nous  tranfpirons,  font 
plus  remarquables  en  particulier  aux  mains 
&  aux  pies  ;  car  fi  l'on  fe  lave  bien  les  mains 
avec  du  favon ,  &  fi  l'on  examine  feule- 
ment avec  un  verre  ordinaire  la  paume  de 
la  main  ou  les  extrémités ,  &  les  premiè- 
res jointures  du  pouce  Se  des  doigts,  on 
y  trouvera  une  infinité  défilions  parallèles 
entr'eux  ,  d'une  égale  grandeur  &  à  dii- 
tances  égales.  Une  fort  bonne  vue  pourra, 
fans  aucun  verre  ,  appercevoir  fur  ces  fil- 
Ions  les  pores  en  ligne  droite  ;  mais  fi  on 
les  obferve  avectm  bon  verre , chaque  pore 
paroîtra  comme  une  petite  fontaine,  avec 
la  fueur  qui  en  tranfpire ,  claire  comme 
de  l'eau  de  roche;  &  fi  on  la  frotte ,  on 
verra  for  tir  immédiatement  après  une  autre 
goutte. 

En  faiûnt  réflexion  à  cette  'multitude 
d'orifices  ^u-deffus  de  la.  p  eau  ^  nous  avons 
lieu  de  croire  que  les  petits  infeftes,  com- 
me les  puces,  pous,  coufins ,  &c.  ne  font 
pas  de  nouvelles  ouvertures  avec  leurs  [nf- 
trumens  déliés ,  mais  qu'ils  ne  font  que  les 
infinuer  dans  les  vaiffeaux  de  la  peau ,  pour 
en  fucer  le  fang  &  les  autres  humeurs  qui 
leur  fervent  de  nourriture.  (D.J.  ) 

Peau  des  Nègres ,  (  Anatomie,  )  Les 

C  1 


20  P  E  A 

Anatom'iftes  ont  cherché  dans  quelle  partie  | 
de  la  peau  réfidoit  la  couleur  noire  des  1 
Nègres.  Les  uns  prétendent  que  ce  n'eft  ni 
dans  le  corps  de  h  peau ,  ni  dans  l'épider- 
me ,  mais  dans  la  membrane  réticulaire  qui 
fe  trouve  entre  l'épiderme  &  la  peau  ;  que 
cette  membrane  lavée  &  tenue  dans  l'eau 
tiède  pendant  fort  long-temps  ne  change 
pas  de  couleur ,  &  refte  toujours  noire  ;  au 
lieu  que  h  peau  &:  h  fur-peau  paroiffent 
être  à  peu- près  auffi  blanches  que  celle  des 
autres  hommes. 

Le  Do(fleur  Towns  &  quelques  autres 
ont  prétendu  que  le  fang  des  Nègres  étoit 
bien  plus  noir  que  celui  des  blancs ,  &  par 
conféquent  que  la  couleur  des  Nègres  vient 
de  celle  de  leur  Tang;  ce  qui  n*eft  pas  con- 
firmé, par  l'expérience. 

M.  Barrere ,  dans  une  Differtation  fur  la 
couleur  des  Nègres,  imprimée  à  Paris  en 
1741  ,penfe,  avec  M.  "Winllow,  que  l'épi- 
derme des  Nègres  eft.noir,  &  que  s'il  a 
paru  blanc  à  ceux  qui  l'ont  examiné ,  c'eft 
parce  qu'il  eft  extrêmement  mince  &  tranf- 
parent  ;  mais  qu'il  eft  réellement  aulîi  noir 
que  de  la  corne  noire ,  qu'on  auroit  réduite 
à  une  auffi  petite  épaiffeur.  Ils  aflurent  aufîi 
que  la  peau  des  Nègres  eft  d'un  rouge-brun 
approchant  du  noir;  ce  quine  nousparoît 
pas  trop  vrai. 

Cette  couleur  de  l'épiderme  &:  de  la 
peau  des  Nègres  eft  produite,  félon  M.  Bar- 
rere ,  par  la  bile  ,  qui  dans  les  Nègres  eft 
noire  comme  de  l'encre  ;  il  prétend  s'en 
être  aft^uré  fur  plufieurs  cadavres  de  Nègres 
qu'il  a  eu  occafion  de  difléquer  à  Cayenne  : 
mais  en  ce  cas ,  la  bile  des  Nègres  de  Cayen- 
ne feroit  bien  différente  de  la  bile  des  Nè- 
gres que  nous  voyons  en  Europe  ;  car  la 
bile  de  ceux-ci  n'eft  point  différente  de 
celle  ^Qs  blancs,  &  il  n'eft  pas  vraifémbla- 
ble  qu'elle  le  foit  à  Cayenne  ;  d'ailleurs,  il 
faudroit  fuppofer  que  la  bile  eft  toujours 
répandue  également  fur  \zpeau  des  Nègres , 
Se  qu'elle  fe  fépare  naturellement  dans  l'é- 
piderme en  affez  grande  quantité  pour  lui 
donner  cette  couleur  noire;  autre  fuppofi- 
tion  qu'on  ne  fauroit  admettre.  Enfin ,  en 
fuppofant  que  c'eft  le  fang  ou  la  bile  qui 
donnent  cette  couleur  kla  peau  des  Nègres , 
on  pourroit  encore  dem.ander  pourquoi  les 
Nègres  ont  la  bile  ou  le  fang  noir ,  en  pre- 


P  E  A 

nant  les  mêmes  alimens  que  les  blancs",  en 
changeant  de  climat ,  en  vivant  en  Suéde  , 
en  Danemarck  ,  &c. 

M.  de  BufFon  croit  que  la  même  caufe 
qui  nous  brunit  trop  ,  lorfque  nous  nous 
expofons  au  grand  air  &  aux  ardeurs  du 
fbleil,  cettecaufe  qui  fait  que  les  Efpagnols 
font  plus  bruns  que  les  Allemands ,  les  Mau- 
res plus  que  les  Efpagnols ,  fait  aufti  que  les 
Nègres  le  font  plus  que  les  Maures.  11  penfe 
donc  que  la  chaleur  du  climat  eft  la  princi- 
pale caufe  de  la  couleur  noire,  &:  que  la 
différence  des  zones  fait  la  différence  des 
blancs  &  des  noirs. 

Lorfque  cette  chaleur  eft  exceffive ,  com- 
me au  Sénégal  &  en  Guinée  ,  les  hommes 
font  tout-à-fait  noirs;  lorfqu'elle  eft  un  peu 
moins  forte  ,  comme  fur  les  côtes  orienta- 
les de  l'Afrique  ,  les  hommes  fo,nt  moins 
noirs  ;  lorfqu'elle  commence  à  devenir  un 
peu  tempérée  ,  comme  en  Barbarie ,  au 
Mogol ,  en  Arabie ,  &c.  les  hommes  ne 
font  que  bruns  ;  &  en  effet ,  lorfqu'elle  eft 
tout-à-fait  tempérée,  comme  en  Europe 
&  en  Afie ,  les  hommes  font  blancs ,  &  les 
variétés  qu'on  y  remarque  viennent  de  la 
laaniere  de  vivre. 

Lorfque  le  froid  devient  extrême,  il  pro- 
duit quelques  effets  fembîables  à  <^ux  de 
la  chaleur  exceflive.  Les  Samoïedes ,  les 
Lapons,  les  Groenlandois  font  fort  bafa- 
nés.  Les  deux  extrêmes  fe  rapprochent  ici; 
un  froid  très-vif  &  une  chaleur  brûlante 
produifentle  même  effet  fur  hpeau,  parce 
que  l'une  &:  l'autre  de  ces  deux  caufes 
agiffent  par  une  qualité  qui  leur  «ft  com- 
mune; cette  quahté  eft  la  fécherefTe,  qui 
dans  un  air  très-froid  ,  peut  être  aufîi  gran- 
de que  dans  un  air  chaud  :  le  froid  comme 
le  chaud  doit  déffecher  la  peau ,  l'altérer  &C 
lui  donner  cette  couleur  bafanée  que  l'on 
trouve  dans  les  Lapons. 

Suivant  ce  fyftême  ,  le  genre  humain 
n'eft  pascompoféd'efpeces  effentiellement 
différentes  entre  elles  :  il  n'y  a  eu  origi- 
nairement qu*une  feule  efpece  d'hommes  , 
qui  s'érant  multipliée  &  répandue  fur  toute 
la  f iu:face  de  la  terre ,  a  fubi  difïérens  chan- 
gemens  ,»  par  l'influence  du  climat ,  par  la 
différence  de  la  nourriture ,  par  celle  de  la 
manière  de  vivre,  par  les  maladies  épidémi- 
ques  y  Si  auffi  par  le  mélange  varié  à  l'inEni 


P  E  A 

êes  individus  plu'?  ou  moins  refTemblans  ; 
que  d'abord  ces  altérations  n'étoient  pas 
û  marquées,  &  ne  produifoient  que  des 
variétés  individuelles;  qu'elles  fontenfuite 
devenues  variétés  de  l'efpece,  parce  qu'elles 
font  devenues  plus  générales  ,  plus  fenfi- 
b!es  &c  plus  confiantes  par  l'aftion  conti- 
nuée de  ces  mômes  eau  Tes  ;  qu'elles  fe  font 
perpétuées,  &  qu'elles  fe  perpétuent  de 
génération  en  génération  ,  comme  les  dif- 
formités ou  les  maladies  des  pères  &  mè- 
res paffent  à  leurs  enfans  ;  qu'enfin,  com- 
me elles  n'ont  été  produites  originairement 
que  par  des  caufes  accidentelles  &  exté- 
rieures ,  elles  pourroient  devenir  diffé- 
rentes de  ce  qu'elles  font  aujourd'hui,  fî 
ces  mêmes  caufes  venoient  à  varier  dans 
d'autres  circonflances  &  par  d'autres  com- 
binaifons. 

Mais  fi  la  noirceur  dépendoit  de  la  cha- 
leur du  climat ,  les  habitans  des  régions 
(ituées  fous  la  zone  torride  devroient  être 
tous  noirs;  cependant  on  a  découvert  un 
continent  entier  au  nouveau  monde,  dont 
la  plus  grande  partie  des  terres  habitées 
font  fituées  fous  la  zone  torride  ,  &  où 
cependant  il  ne  fe  trouve  pas  d'hommes 
noirs ,  mais  de  plus  ou  moins  bafanés,  ou 
couleur  de  cuivre.  On  auroir  dû  trouver 
dans  la  Guyane  ,  dans  le  pays  des  Amazo- 
nes &  dans  le  Pérou  ,  des  Nègres ,  ou  du 
moins  des  peuples  noirs  ,  puiCque  ces  pays 
de  l'Amérique  font  fitués  fous  la  même 
latitude  que  le  Sénégal ,  la  Guinée  &  le 
pays  d'Angola  en  Afrique  ;  on  auroit  dû 
trouver  au  Bréfil  ,  au  Paraguai ,  au  Chili , 
des  hommes  femblables  aux  Câffres,  aux 
Hottentots  ,  fi  le  climat  ou  la  diflance 
du  pôle  éioit  la  caufe  de  la  couleur  des 
hommes. 

On  peut  répondre  à  cette  difficulté  ,  qu'il 
fait  moins  chaud  fous  la  zone  torride  en 
Amérique  ,  que  fous  celle  d'Afrique  ;  & 
cela  efi  certain.  On  ne  trouve  de  vrais 
Nègres  que  dans  les  climats  de  la  terre  où 
toutes  les  circonflances  font  réunies  pour 
produire  une  chaleur  confiante  &  toujours 
excefîive  ;  cette  chaleur  efl  fi  r^éceffaire , 
non-feulement  à  la  produdion  ,  mais  mê- 
me à  la  confervation  des  Nègres ,  qu'on 
a  obfervé  dans  nos  îles  ,  où  la  chaleur , 
quoique  très-forte ,  n'efl  pas  comparable 


P  E  A  21 

à  celle  du  Sénégal ,  que  les  enfans  nou- 
veau-nés des  Nègres  font  fi  fufcreptibles 
des  imprefîions  de  l'air,  que  l'on  efl  obligé 
de  les  tenir,  pendant  les  neuf  premiers 
jours  après  leur  naiffance  ,  dans  des  cham- 
bres bien  fermées  &  bien  chaudes  :  fi  l'on 
ne  prend  pas  ces  précautions  ,  &  qu'on  les 
expofe  à  l'air  au  moment  de  leur  naiffance  , 
il  leur  futvient  une  convuîfion  à  la  mâchoi- 
re ,  qui  les  empêche  de  prendre  la  nourritu- 
re ,  &  qui  les  fait  mourir. 

M.  Littre,  qui  fit  en  1701  la  diffeélion 
d'un  Nègre,  obferva  que  le  bout  du  gland 
qui  n'étoit  pas  couvert  du  prépuce ,  étoit 
noir  comme  toute  lu  peau ,  Se  que  le  refle 
qui  étoit  couvert  étoir  parfaitement  blanc. 
Cette  obfervarion  prouve  que  l'aélion  de 
l'air  efl  néceffaire  pour  produire  la  noir- 
ceur de  la  peau  des  Nègres  ;  leurs  enfans 
naiffent  blancs ,  ou  plutôt  rouges  ,  comme 
ceux  des  autres  hommes  ;  mais  deux  ou 
trois  jours  après  qu'ils  font  nés  ,  la  cou- 
leur change;  ils  paroiffent  d'un  jaune  ba- 
fané  ,  qui  fe  brunit  peu-à-peu  ,  &  au  fep- 
tieme  ou  huitième  jours ,  ils  font  déjà  tout 
noirs.  On  fait  que  deux  ou  trois  jours  après 
la  naiffance  ,  tous  les  enfans  ont  une  efpece 
de  jauniffe;  cette  jauniffe  dans  les  blancs 
n'a  qu'un  effet  paifager ,  &  ne  laifle  à  la 
peau  aucune  imprefîion  ;  dans  les  Nègres, 
au  contraire,  elle  donne  à  la  peau  une  cou- 
leur ineffaçable,  &  qui  noircit  toujours  de 
plus  en  plus. 

Mais  cette  jauniffe  &  l'impreffion  aéluelle 
de  l'air  ne  paroiffent  être  que  des  caufes 
occafîonelles  de  la  noirceur ,  &  non  pas 
la  caufe  première;  car  on  remarque  que  les 
enfans  des  Nègres  ont ,  dans  le  moment 
même  de  leur  naiffance ,  du  noir  à  la  racine 
des  ongles  &  aux  parties  génitales  :  l'aftion 
de  l'air  &  la  jauniffe  fervirontjfil'on  veut, 
à  étendre  cette. couleur  ,mais  il  efl  certain 
que  k  germe  de  la  noirceur  efl  communi- 
qué aux  enfans  par  les  pères  &  mères  ; 
qu'en  quelque  pays  qu'un  Nègre  vienne  au 
monde  ,  il  fera  noir  comme  s'il  étoit  né 
dans  fon  propre  pays  ;  &  que  s'il  y  a  quel- 
que différence  dès  la  première  génération, 
elle  efl  fi  infenfible ,  qu'on  ne  s'en  efl  pas 
apperçu.  Cependant  cela  ne  fuffit  pas  pour 
qu'on  fbit  en  droit  d'affurer  qu'après  un 
certain  nombre  de  générations ,  cette  cou- 


21  P  E  A 

leur  ne  changeroit  pas  fenfiblement  ;  il  y 
a  au  contraire  toutes  les  raifoas  du  monde 
pour  préfumer  que,  comme  elle  ne  vient 
originairement  que  de  l'ardeur  du  climat , 
&  de  l'aélion  long-temps  continuée  de  la 
chaleur,  elle  s'effaceroit  peu- à -peu  par 
la  température  d'un  climit  froid  ,  &  que 
par  conféquent  fi  Ton  tranfportoir  des  Nè- 
gres dans  une  province  du  Noid  ,  leurs 
defcendans  à  la  huitième,  dixième  ou 
douzième  génération  ,  feroient  beaucoup 
.moins  noirs  que  leurs  ancêtres,  6c  peut- 
être  auffi  blancs  que  les  peuples  originai- 
res du  climat  froid  où  ils  habiteroient. 
Hifiolre  naturelle  de  r homme  ^  tome  III. 

Peau  des'mfecles^  C^^fi-  ^^^'  ^^^  Infec- 
tes.) vêtement  extérieur  que  la  nature  a 
donné  à  tous  les  infeftes  ;  ce  vêtement 
couvre  tout  leur  corps ,  en  lie  les  parties , 
les  contient  dans  la  place  qui  leur  eft  affi- 
gnée. 

h^peau  n'eft  pas  delà  même  qualité  chez 
tous  les  Infeéfes  ;  il  s'en  faut  de  beaucoup. 
.Ceux  dont  le  genre  de  vie  ne  les  expofe  ni 
à  des  comprenions  ni  à  des  frottemens  vio- 
lens ,  comme  font  les  chenilles  &  plufieurs 
fortes  de  vers,  ont  la.  peau  fort  délicate 
&forttendre.Quelques-unsenont  plufieurs 
jl'une  fur  l'autre  ,  à-peu-près  comme  les 
différentes  peaux  d'un  oignon.  La  peau  de 
la  plupart  des  infeftes  a  des  pores  fi  petits 
pour  l'ufage  de  leur  tranfpirdtion  ,  qu'on  a 
de  la  peine  à  les  appereevoir.  D'autres 
cependant  ont  les  pores  de  la  peau  très- 
larges.  Il  y  a  certaines  chenilles  à  cornes, 
dont  les  pores  font  fi  ouverts ,  que  non-feu- 
lement ils  donnent  paffage  aux  œufs  que 
de  petits  ichneumons  pondent  dans  leurs 
,corps-  de  plyslesvers  nés  de  ces  œufs  peu- 
vent (ortir  par  ces  mêmes  pores ,  fans  que 
la  peau  en  paroi  ffe  bleffée. 

Les  infectes  qui  rampent  dans  les  trous, 
dans  les  fentes  ,  oji  ils  font  expofés  à  un 
frottement  affez  rude ,  ont  la  peau  plus 
dure  que  les  autres  ;  celle  de  quelques-uns 
eft  écailleufe. 

La  peau  fert  aux  infeftes  d'un  manteau 
pour  les  couvrir  contre  les  injures  de  l'air  : 
elle  eik  pour  eux  de  la  rnême  utilité  que 
les  écailles  font  pour  les  poiffons ,  les  co- 
iguilles  pour  le$  infedes  des  coquillages , 


P  E  A 

les  plumes  pour  les  oifeaux  ,  &  le  poil  pour 
la  plupart  des  quadrupèdes. 

Comme  les  infeftes  font  d'ordinaire  très- 
petits  ,  l'ardeur  du  foleil  auroit  bientôt  def- 
féché  l'humidité  intérieure  de  leur  corps , 
&  épuifé  leurs  efprits  animaux  ,  s'ils  n'a- 
voient  pas  été  revêtus  d'une  peau  dure  qui 
les  mît  à  couvert  de  cet  inconvénient. 

Elle  eft  l'organe  du  mouvement  de  ceux 
qui  n'ont  ni  pies  ,  ni  ailes  ;  en  l'étendant  &C 
la  refterrant  fucceflivement ,  par  le  moyen 
des  mufcles  ou  des  anneaux ,  ils  fe  tranf- 
portent  d'un  Heu  à  un  autre. 

On  fait  qu'il  y  a  des  animaux  ,  qui  cha-» 
que  année  changent  àepeau  ;  ainfi  plufieurs 
infeéles  muent,  &  même  un  grand  nombre 
de  fois. 

PmCque  h  peau  des  infeftes,  de  même 
que  celle  des  autres  animaux,  varie  extrê- 
mement ,  &  qu'on  en  trouve  parmi  les  uns 
&  les  autres  qui  l'ont  tendre,  dure,  ro- 
bufte,  lifl!e,  chagrinée,  coriace,  épaifl'e , 
mince  ,  velue  ,  rafe  ,  épineufe  ,  &c.  il  ré- 
fulte  que  ce  n'eft  pas  dans  la  qualité  de  la 
peau  qu'il  faut  chercher  des  carafteres  pro- 
pres à  diftinguer  les  infcftes  des  autres  ani- 
maux ;  mais  ce  feroit  plutôt  dans  la  muta- 
tion de  cent  peau  qu'on  pourroit  chercher 
ces  caractères;  c'eft  du  moins  une  chofe 
remarquable ,  que  les  quadrupèdes,  les  oi-^ 
féaux  &  les  poiftons  ne  quittent  jamais 
\eur  peau  ,  &:  que  la  plupart  des  infectes  , 
de  même  que  les  reptiles ,  en  changent 
plufieurs  fois.  (D.J.) 

Peau  ,  maladies  de  la  ,  C Médec.J  Les 
maladies  de  la  peau  font  toutes  caraéléri- 
fées  par  quelque  éruption  plus  ou  moins  fen- 
fible,  plus  ou  moins  élevée  ,  qui  en  change 
la  couleur ,  détruit  la  foupleflfe ,  dérange  le 
poli  &  l'uniformité  :  ces  éruptions  font 
quelquefois  des  boutons  ou  petites  tumeurs 
élevées  au-deffus  de  la  furface  de  h  peau  ^ 
d'autres  fois  ce  font  de  fimples  taches ,  qui 
n'offrent  aux  yeux  qu'une  altération  dans 
la  couleur,  fans  élévation  fenfible;  dans 
quelques  cas ,  ce  font  des  écailles  qui  recou- 
vrent la  peau,  &:c.  ï^o/e?  ÉRUPTION  , 
Exanthème, ÉCAILLE,  Tache,  Pus- 
tule, &c.  Les  maladies  de  la  peau  peu-» 
vent  fe  diftinguer  en  chroniques  &  en  ai- 
guës ;  cette  diftinétion  eft  très-bien  fondée 
&  très-importante.  Dans  lapremicreclafîe^. 


P  E  A 

on  doit  ranger  la  lèpre ,  la  gale ,  les  dartres ,  ' 
la  teigne  ,  i'éléphantiafe  ,  &c.  Parmi  les 
maladies  aiguës,  on  compte  principalement 
la  petite-vérole,  la  rougeole,  les  fièvres 
fcarlatines,  miliaires,  pourprées ,  éréfîpé- 
lareufes ,  &c.  Voyez  tous  ces  dijfcrens  arti- 
cUs.  Outre  ces  maladies ,  dont  le  princi- 
pal fymptome  fe  trouve  à  la  peau ,  11  y  en 
a  beaucoup  d'autres  qui  font  accompagnées 
d'une  affe(5lion  de  la  peau,  d'éruption  ,  de 
taches ,  &c.  mais  cette  afFeftion  n'eft  que 
fymptomarique  ;  elle  ne  conftitue  pas  des 
maladies  particulières,  &.  n'accompagne 
pas  même  toujours  SceiTentiellement  celles 
auxquelles  elle  le  joint  :  telles  font  parmi 
les  maladies  aiguës  ces  fièvres  ,  dans  le 
cours  defquelles  il  fufvient  de  petits  bou- 
tons ,  des  taches  quelquefois  critiques  ;  tel 
eft  aufli ,  dans  la  claffe  des  chroniques  ,  le 
fcorbut ,  qu'accompagne  fouvent  &  que 
caraâ:érife  très-bien  l'éruption  de  taches 
noirâtres  ou  livides  en  différentes  parties 
du  corps  ;  rfljé^  ScORBUT  :  telle  efl,  ou 
mieux  telle  étoit  la  vérole  dans  les  com- 
mencemens  de  fon  invafion.  Pendant  le 
fiege  de  Naples,  elle  fe  manifeftoit  prin- 
cipalement par  de  larges  puflules  qui  cou- 
vroient  &  défiguroient  la  peau.  Voyez 
VÉROLE.  Enfin ,  on  peut  ajourer  à  ces 
maladies  un  grand  nombre  d'éruptions  cu- 
tanées ,  extrêmement  variées ,  qui  n'ont 
point  de  caraélere  fpécifique ,  ni  de  nom 
particulier ,  &  qu'on  ne  peut  pas  exafte- 
ment  rapporter  à  aucune  des  maladies  nom- 
mées. Il  y  a  tout  lieu  de  penfer  que  toutes 
ces  variétés  font  accidentelles  &  dépen- 
dantes d'un  concours  fortuit  de  circonflan- 
e^s,  de  la  différence  de  tempérament,  de 
régime ,  de  climat ,  de  pays  ,  de  l'idiofyn- 
crafie,  &c. 

L'étiologle  âits  maladies  de  la  peau  a 
fourni  un  champ  vafle  aux  explications  des 
Théoriciens  Boerhaavifles ,  c'efl-là  qu'i's 
ont  fait  jouer  un  grand  rôle  aux  acrimonies 
imaginaires  du  fameux  Boerhaave  ;  & 
l'on  ne  fauroit  difconvenir  que  cette  doc- 
trine ne  foit ,  en  ce  point ,  fondée  l\ir  quel- 
ques apparences  \  car  enfi.'i ,  difoient-ils  , 
l'acrimonie  de  l'humeur, qui  forme  par  Ion 
féjour  &  fa  ftagnation  les  différentes  érup- 
tions ,  efl  manifeftée  par  les  douleurs ,  les 
tiemangeaifons  qu'elle  excite- fur  la  pxau. 


PE  A  23 

N'eft-il  pas  vifible  que  les  parties  globu- 
leufes  de  la  lymphe  font  transformées  en 
petits  corps  pointus,  en  aiguilles  extrême- 
ment fines ,  qui  agacent ,  irritent  &  piquo- 
tent  les  filets  nerveux  qui  s'infinuent  dans 
leurs  tiffus,  qui  tendent  à  en  défunir  les 
molécules ,  ô^prodaifent ,  par  cette  aâiion, 
la  démangeaifon  &  la  douleur  qui  accom- 
pagnent affez  fréquemment  les  maladies 
éruptives  ?  or,  pourfuivent-ils  avec  la  mê- 
me fagacité ,  l'acrimonie  manifefîe  de  cette 
humeur  décelé  infailliblement  l'acrimonie 
du  fang  ,  &  fur-tout  de  la  lymphe  dont 
elles  dérivent  ;  czx principiatum  redoletna^ 
turam  principii.  Il  efî  très-probable  qu'un 
peu  d'épallîilTement  de  la  lymphe  fe  joint 
à  fon  âcreté  ;  ce  fécond  vice  fert  admira- 
blement bien  pour  la  faire  arrêter ,  croupir, 
s'accumuler  dans  les  petits  Vaiffeaux  ;  pour 
les  diftendre  ,  les  dilater ,  les  élever  en  tu- 
meur ,  produire   les   exanthèmes   ou    les 
taches.  Telle  eflla  théorie  générale  des  ma- 
ladies de  la  peau  ou  éruptives.  Le  leâ:eur 
éclairé  nous  difpenfera  facilement   de  lui 
montrer  le  faux,  le  vague,  l'arbitraire  &le 
ridicule  de  ces  principes  :  il  lui  eft  facile 
d'appercevoirque,quelleque  foit  la  nature 
des  humeurs  qui  forment  ces  exanthèmes, 
le  tiffu  de  la  peau  n'a  qu'à  être  plus  tendre , 
il  fera  plus  fenfible,  plus  irritable,  &  plus 
ou  moins  défagréablement  affe<fl:é  par  dey 
caufes  ordinaires.  Il  fent  fort  bien  que  tou- 
tes ces  acrimonies  font  variées  &  multi- 
pliées ,  &  n'exiftent  même  que  dans  l'ima- 
gination de  quelques  oififs   fpéculateurs  :  ' 
il  voit  d'ailleurs  que  quand  même  la  ma-^" 
tiere  de  ta  tranfpiration  feroit   acre,  ce' 
feroit  une  mauvaife  raifon  que  d'attribuer 
la-  même  âcreté  au  fang  ôi  à  la  lymphe.  - 
L'axiome  allégué,  vrai  dans  quelques  oC-' 
cafions ,  eft  pur  fophifnie  dans  le  cas  dont 
il  s'agit.  L'épaiftifferrient  de  la  lymphe  n'eft 
pas  mieux- fondé-,  &  cette  froide  explica- 
tion de  la  formation  des  tumeur«;,  démon-  ' 
tre  dans  fes  auteurs  une  connoiiTance  bien- 
peu  exacte  de  l'éconcmie  animale ,  de  la' 
marche  des  liqueurs ,  de  l'aélion  des  vaif-' 
féaux  ,  de  leur  vice  ,  &  de  leur  méchanif-' 
me  :  mais  enfin ,  fi  l'on  n'avoit  que  ces  dé-  ' 
fauts  à  reprocher  à  cette  théorie,  le  mal^ 
ne  feroit  pas   grand,  &  abfurdltéî  pour' 
abfurditcs ,  celles-ià  pourraient  aufiii-bien^ 


24  P  E  A 

palTer  que  tant  d'autres  qui  ont  été  dites 
ou  avant  ou  après  ;  &:  nous  aurions  toujours 
l'avantage  d'avoir ,  en  avançant ,  une  er- 
reur de  moins  à  craindre  :  plus  on  a  fait  de 
fautes  &  moins  on  nousenlaiffe  à  faire.  Mais 
ce  qu'il  y  a  de  plus  fâcheux,  c'eft  que  ces 
principes  erronés  ont  donné  lieu  à  des  con- 
réquences  pernicieufes  ;  une  fauiïe  théorie 
a  établi  une  mauvife  pratique  ,   fur-|put 
dans  le  traitement  des  maladies  chroniques 
de  la  peau.  Si   toutes  les  humeurs  font 
acres,  a-t-on  dit,  fi  leur  acrimonie  eft  la 
bafe  ,  le  fondement  &  la  caufe  première  de 
ces  maladies ,  il  n'y  aura  qu'à  la  détruire 
pour  en  faire  cefTer  les  effets.  Jetons  donc 
dansle  fangdes  médicamens aqueux,  doux, 
mucilagineux;  nous  noierons  les  fels,  adou- 
cirons leur  âcreté ,  envelopperons  &  en- 
gaînerons,  pour  ainfi  dire,  leur  pointe; 
en  même  temps  les  vailTeaux  enduits  par 
ces  fucs  gras ,  onctueux  ,  feront  moins  fuf- 
ceptibles  d'irritation  ;  défendus  par  ce  bou- 
clier, ils  feront  à  l'abri  des  picotemens  de 
ces  globules  pointus;  ils  réfifteront  à  leur 
adion ,  aux  efforts  plus  foibles  qu'ils  font 
pour  pénétrer  dans  leur  tifTu  ;  alors  aufîi  la 
quantité  de  liquide  aqueux,  qui  fervira  de 
véhicule  à    ces  médicamens  ,  délaiera  la 
lymphe  ,  &  le  fang  diminuera  fa  cohéfion , 
le  voifinage  des  globules  ;  par  ce  moyen  , 
ces  deux  vices  fondamentaux  du  fang  fe- 
ront efficacement  corrigés ,  les  humeurs  fe- 
ront édulcorées  &:  rendues  plus  fluxiles, 
par  conféquent  plus  de  flagnations,  plus 
d'engorgement  &  plus  de  tumeur ,  en  mê- 
me temps  plus  d'irritation  ,  plus  de  picote- 
ment ,  &  par-là  même ,  celFation  entière 
de  la  démangeaifon  &  de  la  douleur  ;  & 
par  une  fuite  néceffaire  ultérieure ,  le  calme 
le  plus  parfait,  l'harmonie  &  l'uniformité 
font    rétablies  dans   Téconomie  animale. 
Voilà  comme  ces  médecins  guérifTent  dans 
leurs  cabinets  &  leurs  confultations  :  les  in- 
dications font  très-naturelles,  les  remèdes 
répondent  exa(5î:ement   aux   indications  ; 
mais  malheureufement  le  fuccèsn'y  répond 
pas  j  c'efl  un  fort  joli  roman  ;  mais  il  n'y  a 
rien  de  réel  :  les  fituations  font  bien  mena-  l 
gées,  bien  amenées  ;  mais  elles  font  imagi- 
nées :  les  caraderes  font  bien  foutenus, 
mais  ils  font  faux  ,  ils  n'exiftent  pas  dans  la 
nature,  L'obfervation  s'accorde  ici  avec  la 


P  E  A 

raifon  pour  détruire  de  fond  en  comble  cet 
édifice  fuperbe  &  Régulier.  Tous  les  bouc- 
lons adouciflans  de  poulet,  de  grenouilles, 
de  limaçons ,  &c.  ne  font  que  paiTer  fur  l'èf- 
tomac  de  ces  malades  ;  ils  ne  touchent  rien 
du  tout  à  la  maladie  :  il  en  efl  de  même  du 
lait ,  remède  fi  vanté ,  fi  célèbre  ,  fi  fouvent 
&  fi  vainement  employé  dans  ces  maladies. 
J'ai  pardevers  moi  plufieurs  obfervations 
qui  conftarent  l'inefficacité  de  ces  médica- 
mens. Voye^hklT. 

Je  ne  m'arrête  pas  davantage  à  réfuter 
ces  fyflêmes  produits  par  l'imagination: 
Q^ui  vult  videre  yideat.  Je  n'ajouterai  que 
quelques  remarques  pratiques  fur  la  nature 
&  le  traitement  de  ces  maladies  ,  remar- 
ques fondées  fur  l'obfervation ,  ÔC  confor- 
mes à  la  raifon. 

1°.  Les  maladies  aiguës  de  la  peau  font 
ordinairement  une  efpece  de  dépôt  critique 
qui  purge  la  maffe  du  fring  infeé^ée ,  faiu- 
taire  par  fon  fiege  aux  parties  extérieures  , 
&  par  la  fièvre  qui  les  accompagne  ;  elle 
en  efl:  le  remède  le  plus  prompt ,  le  plus 
fur  ,  &,  pour  mieux  dire  ,  l'unique  :  la  pe- 
tite vérole  peut  fervir  d'exemple.  Voyc\  ce, 
mot. 

2^.  Les  maladies  chroniques ,  privées  du 
fecours  de  la  fièvre,  exigent  les  fecours  de 
l*art  ;  elles  ne  guérifTent  pas  fans  remèdes. 
Il  y  en  a  qui  dépendent  d'une  caufe  fpéci- 
fique  ,  particulière,  qui  ne  peut  être  com- 
battue &  détruite  que  par  des  remèdes  fpé- 
cifiques,  particuliers  :  la  médecine  ration- 
nelle efî  bien  peu  avancée  fur  ce  qui  les 
regarde  ;  le  peu  de  lumières  qu'on  en  a  eft 
dû  à  l'empirifme;  telles  font  la  vérole,  la 
gale  ,  le  fcorbut  ;  ce  n'efl  pas  le  théoricien 
qui  a  trouvé  ,  en  raifonnant,  le  mercure, 
le  foufre  &  le  cochléaria  ;  c'efl  le  hazard 
qui  les  a  découverts  inopinément  à  l'empi- 
rique étonné. 

3°.  Toutes  les  affedions  cutanées,  opiniâ- 
tres ,  fouvent  périodiques ,  dépendent  fans 
doute  immédiatement ,  de  même  que  toutes 
les  maladies  de  \^  peau  ,  d'un  vice  dans  la 
tranfpiration.  Quelques  faits  bien  appréciés 
font  penfer  que  les  dérangemens  dans  l'ac- 
tion du  foie,  dans  la  fecrétion  de  la  bile,  font 
les  caufes  très-ordinaires  du  vice  de  la  tranf- 
piration. Nous  ne  prétendons  pas  expliquer 
le  méchanifixie ,  la  fa^on  d'agir  de  ces  cau- 
fes 


P  E  A 

ïès  ;  nous  avouons  notre  ignorance  là-def- 
ius ,  &  cet  aveu  ,  nous  le  faifons  fans  peine 
&  fouvent  :  il  nous  paroît  préférable  à  des 
opinions  liazardées  ,  ou  bâties  fur  des  fon- 
demens  peu  folides  :  nous  ne  faurions  adop- 
ter ,  ni  comme  vérité  ,  ni  même  comme 
fimple  hypothefe ,  le  fentiment  de  ceux  qui 
voudroient  faire  refluer  la  bile  mal  féparée 
&  excernée  ,  excréta  ,  en  petite  quantité  du 
foie  dans  le  lang  ,  &  delà  dans  les  vaifleaux 
cutanés  ,  où  elle  corrompt ,  infe6Ve  la  ma- 
tière dePinfcnfibletranfpiration  ,  €n  dimi- 
nue la  quantité.  Cette  marche  nous  paroit 
trop  peu  conforme  aux  loix  bien  approfon- 
dies de  Téconomie  animale.  La  faufleté  de 
cette  théorie  ne  nous  femble  point  équi- 
voque ;  elle  fe  fent  ,  mais  elle  n'eft  pas 
démontrable. 

4°.  C'eft  dans  ces  maladies  que  le  mé- 
decin doit  agir  ,  la  nature  eft  infuififante  ; 
k  méthode  la  plus  fùre  eft  de  rétablir  & 
de  favoriler  la  tfanfpiration;  c'eft  l'indica- 
tion qui  fe  préfente  d'abord  ,  magis  obvig.  ; 
les  bains  domeftiques  un  peu  chauds  y  fbitt 
très-appropriés  ;  ils  guériroicnt  feuls  ,  fi  le  . 
vice  n^étoit  qu'à  l'extérieur,  fi  la  tranfpira 
tion  feule  péchoit  ;  mais  ils  n'opèrent  jamais 
une  guérifoncomplette.  Je  me  {\x\%  fervi , 
avec  un  fuccès  furprenant  ,  d'un  remède 
compofé  avec  le  foufre  &  le  mercure 
doux  jdans  une  teigne  invétérée  ,  qui  avoit 
été  long-temps  traitée  inutilement  par  tous 
les  remèdes  que  la  médecine  &  la  fuperf- 
lition  fuggerent.  Les  extraits  amers  font 
très-appropriés  ;  celui  de  fumeterre  eft  re- 
gardé presque  comme  fpécifique.  On  les 
donne  ordinairement  avec  du  petit-lait , 
auquel  on  pourroir  fubftituer  ,  fans  rifquer 
de  perdre  beaucoup  de  vertu  médicamen- 
teux ,  l'eau  hmpic  ,  ou  aiguifée  avec  u:-; 
p2u  de  fucre  ,  de  nitre  ou  de  fel  de  Glauber  •. 
l'aloès  ,  joint  au  tartre  vitriolé  ,  a  opéré  des 
guéri fons  merveillcules  :  ces  remèdes  un 
peu  actifs  ,  irritans  ,  réufîîfTent  mieux  & 
fans  inconvéniens  ,  quand  on  les  tempère 
par  l'ufage  des  bains  ,  d'ailleurs  avantageux  ; 
les  purgatifs  réfmeux  ,  chol^gogucs  ,  ne  doi- 
vent point  être  négligés  ,  leur  ad^on  n'eft 
point  indifférente  dans  ces  maladies  ;  elle 
€ft  fur-tout  ncceftaire  chez  les  enfans.  Les 
eaux  minérales  fulfureules  font  encore 
^x\\  fecours  t-^'=;  affuré ,  Pon  éprouve  de  très- 
Tome  Xxr, 


P  E  A  ly 

bons  effets  de  celles  qui  font  acidulés  , 
(àlées,  ferrugineufes ,  &  légèrement  purga- 
tives. Quelque  efficaces  que  foient  ces  dif- 
fërens  médicamensl,  que  le  médecin  éclairé 
peut  varier  fuivant  les  circonftances  ,  il  faut 
y  joindre  un  régime  convenable.  On  peut 
tirer  des  obfervations  que  l'iliuftre  &  pa- 
tient Sandorius  a  eu  la  générofité  de  faire  , 
iufpendu  pendant  trente  ans  dans  fa  ba- 
lance ,  quelques  canons  diététiques  à  ce 
fujet.  Ce  médecin  ,  ami  de  rhumanicé,a 
marqué  foigneufement  les  alimens  qui  di* 
minuoient  ou  augmenroient  la  tranfpira- 
tion  :  il  faut  choilir  ceux  qui  la  favori(ènt> 
évitant  avec  attention  ceux  qui  l'interrom- 
pent j  tels  font  les  laitages ,  tel  eft  fur-toiit  la 
chair  de  cochon  ,  dont  lu  (âge  peu  modéré 
palfe  pour  être  une  des  caufes  les  plus  ordi* 
naires  des  maladies  de  \3.peeu  ,  &  fur-tout 
de  la  lèpre.  Les  loix  politiques  des  Juifs , 
d'accord  avec  celles  de  la  Médecine  >  avoient 
défendu  cet  aliment  à  ces  peuples ,  fujets  à 
la  lèpre  ,  de  en  avoient  même  fait  un  point 
de  religion  qui  fublifte  encore ,  pour  les  con- 
tenir plus  fùrement. 

5*^.  Enfin  ,  il  eft  très-e(îentiel  d'avertir 
les  malades  d'écarter  avec  foin  la  main 
meurtrière  du  chirurgien  imprudent;  d'évi- 
ter avec  la  dernière  circonfpedion  toute 
application  extérieure  ,  tout  remède  qui 
pourrait  agir  en  quelque  façon  fur  \zpeau  : 
il  n'y. a  point  de  milieu  ,  fi  le  remède  n'eft  • 
pas  inutile  ,  il  fera  pernicieux  ,  il  ne  fauroit 
ffire  du  bien  ;  le  plus  grand  mal  qui  puiflè 
en  réfulter  ,  &  qu'on  ait  à  craindre  ,  c'eft' 
l'ad:ion  de  ces  topiques  que  le  charlatan  , 
prometteur  effronté  ,  difiribue  (ans  con- 
noi fiance  ,  que  le  peuple  ignorant  & 
crédule  acheté  &  emploie  avec  confiance: 
les  m.auvais  effets  de  ces  remèdes  fonr  ter» 
ribles  6c  prompts.  Ils  dilTipent  afïèz  bien 
l'affeéVion  de  la  peau  ;  ils  font  difparoitre 
les  puftules,  les  exanthèmes,  &  c'eft  de 
cette  ccftation  trop  prompte  que  vient  tout 
le  danger.  Combien  de  morts  foudainesont 
fuivi  ces  fortes  d'inconfidérations!  tous  les 
livres  font  pleins  de  funeftes  accidens  qu'at- 
tire cette  forte  de  crédulité  ;  il  n'y  a  per* 
fonne  quin'ait  vu  ou  entendu  rjconterquel- 
que  événement  fomblrble;  &  cependant  l'on 
eft  toujours  la  dupe  de  ces  médecins  Sub- 
alternes ,  fertiles  en  promefles  :  l'dpérancc 

D 


26      •  P  E  A 

de  la  guérifon  prévaut  à  la  crainte  clu  dan- 
ger. On  efpere  facilement  ce  qu'on  defire 
avec  ardeur  ,  &  il  n'efl:  point  d'affaires  où 
l'on  cherche  moins  à  fonder  Tes  efpérances , 
que  dans  ce  qui  regarde  la  fanté  j  aufli  n'y 
en  a-r-il  point  où  l'on  foit  le  plus  fouvent 
trompé,  (m) 

Peau  ,  (  Médec.  Séméiotiq.  )  L'état  de 
Xzpeau  variant  dans  bien  des  maladies  & 
dans  plufieurs  circonftances  de  ces  mala- 
dies ,  peut  fans  doute  ,  &:  doit  nous  éclai- 
ler  fur  leur  nature  ,  leur  marche  Se  leur 
terminaifon  ;  tout  phénomène  peut  être  un 
iîgne  aux  yeux  attentifs  d'un  habile  obfer- 
vateur.  Faye:(^SEMiiaTiQUE  ,  Signe.  La 
peau  du  viiage  efl:  celle  qui  change  le  plus 
ordinairement  dans  les  maladies ,  &  c'eft 
fur-tout  fa  couleur  qui  eft  altérée  ;  les  figues 
qu^on  tire  de  ces  changemens ,  font  expo- 
{és  aux  articles  Face  ,  Visage  ,  Cou- 
iBUR  ,  Pâleur  ,  ùc.  Il  ne  nous  refte 
.  qu'un  mot  à  dire  fur  l''état  de  la  peau  en 
,     général ,  confidérée  comme  figne. 

Tant  que  fubfifte  cette  admirable  har- 
monie entre  toutes  les  parties  du  corps, 
kur  vie  &  leurs  actions  ,  qui  conftitue 
proprement  la  fantc ,  l'organe  extérieur  ou 
la  peau  contrebalance  avec  efficacité  la 
léfiftance  &  les  efforts  des  puifTanccs  in- 
ternes ,  &  il  eft  à  fon  tour  foutenu  &  com- 
me repouflé  par  lei^r  aftion  oppofée  j  cet 
4  organe,  plus  adif  que  ne  le  croit  le  com- 
mun des  médecins ,  dans  une  tenfion  con- 
tinuelle ,  les  nerfs  ,  les  vaifTeaux ,  les  glan- 
des ,  ùc.  dont  il  eft  compofé  ,  font  vivans  , 
animés  ,  &  exercent  leur  fondion  avec  uni- 
formité :  des  liquides  de  différente  nature  , 
pouffes  par  l'aélion  du  cœur  &  des  gros 
troncscontinuésjOu  plutôt  attirés ,  &pour 
«infi  àwQfucés  par  l'adion  propre  &:  com- 
biinée  des  plus  petits  rameaux  ,  les  parcou- 
rent ,  circulent  dans  leur  cavité  ,  s'épan- 
chent par  lesouvertures des  vaiftèaux  exha- 
lans  ,  font  enfuite  difîîpés  ou  repris  par  les 
tuyaux  abforbans  y  ils  humeéient  &  lubré- 
fient  tous  ces  folides  ,  &  fervent  enfin  à 
mille  diÉférens  ufages  i  un  des  principaux 
effets  qui  réfultent  de'cet  amas  d'huraeurs& 
de  vaillèaux  ,  eft  l'infenfîble  tranfpiration 
qui  purifie  le  fang  ,  &  le  délivre  duTuperflu 
diacide  qu'il  contenoit  ;  je  dis  acide  ,  & 
l'ai  des  obfecvations  particulières  qui  iufti- 


P  E  A 

fient  ce  mot.    Voye:^  Transpiratioh'» 
L'exercice  coinplet  de  toutes  ces  fondions 
fe  manifefte  par  le  bien-être  général  ,  & 
en  particulier  par  les  quaUrés  de  la  peau  , 
qui  eft  alors  fenfible ,  modérément  chaude  , 
molle  ,  fouple  ,  humedée  ,  &  d'une  cou- 
leur particulière  propre ,  qu'on  appelle  cou- 
leur de  chair.  Lorfque  quelque  dérange- 
ment local  ou  intérieur  trouble  &  empê- 
che cet  exercice  ,  la  peau  s'en  reffent ,  &: 
fon  état  varie  plus  ou  moins.    i°.  Dans 
quelqaecas  le  fentiment  devient  plus  aigu  y. 
plus  fin  ,  au  point  même  d'être  affedé  dé- 
f agréablement  par  les  objets  familiers  du 
toucher  j  tout  le  corps  eft  d'une  fenfibilité 
exquife  :  c'eft  le  cas  des  rhumatifmes  univer- 
fels.   Voye^^  Rhumatisme.  Si  l'affedion 
eft  particulière  &  fans  rougeur  ,  fans  cha- 
leur ,  fans  tumeur  ,  c'eft  un  fimple  rhuma- 
tifme  ;  fi  les  autres  phénomènes  s'y  rencon- 
trent ,  il  y  a  inflammation  V  voye:^ce  mot^ 
Dans  d'autres  maladies  le  Contraire  arrive  > 
le  fentiment  diminue  ou  fe  perd  ,  la  peau 
eit  infenfîblc  ;  cette  privation  de  fentiment, 
générale  ou  particulière  ,  parfaite  ou  incom- 
plette  5  forme  les  différentes  efpeces  de  para- 
lyfie  &  d'engourdi flement  :  voye^  ces  mots 
<&  Sentiment.  Ces  maladies  ne  font  pas 
reftreintes  à  h  peau  ^  elles  peuvent  affeder 
d'autres  parties,      s 

i°.  La  chaleur  de  h  peau  augmente  dans 
prefque  toutes  les  fièvres  ;  à  ce  feul  figne  , 
bien  des  médecins  jugent  de  la  préfence 
de  cette  maladie,  ils  en  ont  même  fait  un 
figne  pathognomonique  de  la  fièvre  ;  mais 
c'eft  à  tort  :  ce  figne  généralifé  eft  rrompeure 
même  dans  leur  façon  inexade  de  difcer- 
ner  la  fièvre  r  on  croit  que  c'éfoit  un  des 
principaux  fignes  dont  fe  fervoitPIippocrats 
pour  la  reconnoître ,  faifànt  peu  d'ufage  du 
pouls.  F'oyei  Fièvre^  Cette  chaleur  de 
,  h  peau  eft  très-fenfible  dans  les  fièvres  ar- 
dentes ,  dans  les  fièvres  bilieufes ,  dans  les 
fièvres  lentes  hediques  ,  fur-tout  dans  la 
paume  de  la  main;  au  refte  ,  cette  chaleur 
peut  être  acre  cm  humide  ,  félon  que  la 
j>eau  eft  feche  ou  humedée.  F".  Chaleur. 
La  peau  devient  froide  ,  ou  perd  de  fa  cha- 
leur naturelle  dans  les  fyncopes ,  dansquel>' 
ques  fièvres  malignes  j  dans  les  fièvres  lipi'- 
1  ries  h  peau  eft  froide  ,  ôc  le  malade  fe  fenc 
l  brûler  :  au  contraire  >  dans  le  commence- 


PE  A 

méat  de  plufîeurs  accès  de  fièvre ,  pendant  j 
le  cemps  du  froid,  le  malade  tremble  ,  frif-  j 
fbnne  ,  gelé  de  froid ,  &  cependant  \a.peau 
eft  trouvée  brûlante  par  les  affiftans.  Voy. 
Froid  ,  Fièvre  ,  &c.  Quoique  la  peau 
fournifle  ces  figneSjC^eft  moins  comme/je<7i/, 
comme  tégument ,  que  comme  partie  exté- 
rieure. 

3°.  1^2.  peau  perd  de  fa  fbuplelîè  ,  de  fa 
douceur ,  de  Ton  humidité ,  dans  un  grand 
nombre  de  maladies  ;  au  commencement 
de  prsfque  toutes  les  fièvres  ,  elle  devient 
{cent ,  inégale  &  raboceufe  :  ces  défauts 
s'obfervent  dans  des  degrés  très-hauts  pen- 
dant le  cours  des  fièvres  malignes  ;  la  peau 
reflèmble  à  du  cuir  tanné  ;  c'eft  un  figne 
qu'il  ne  fe  fait  preique  point ,  ou  très-peu 
de  tranfpiration  :  tant  qut  la  peau  refte  dans 
cet  état  ,  on  ne  peut  s'attendre  à  aucun 
mieux  durable  ,  il  ne  fe  fait  ni  crile  ,  ni 
codtion  ;  mais  dès  qu'il  commence  à  fe  dif- 
fîpg',  on  peut  en  tirer  un  favorable  augure  5 
c'eft  une  marque  que  l'harmonie  commence 
à  fe  rétablir  ,  que  la  nature  long-temps 
a^iiflée  &  prefque  vaincue ,  reprend  le  def- 
flis  ;  l'exercice  des  fondtions  recommence  ; 
le  jeu  y  la  vie  &  l'aâiion  des  vaifleaux  fe 
renouvelle  ,  les  humeurs  reprennent  leur 
cours  ,  la  tranfpiration  eft  rappellée ,,  la 
peau  s'humefte  &:  redevient  molle  &  Ibu- 
ple  comme  auparavant  ;  alors  la  co6tion  eft 
faite  ;  la  crife  eft  prochaine  j  Se  on  peut 
aflurer  qu'elle  fera  falutaire  ,  &  que  le  ma- 
lade ne  tardera  pas  à  entrer  dans  une  heu- 
reufe  convalefcence  :  c'eft  de  tous  les  fignes 
celui  qui  me  fait  le  plus  de  plaifir  dans  les 
fièvres  malignes  i  dès  qu'il  paroît ,  les  ma- 
lades font  hors  d'affaire,  hzpeau  fèrQit-elle 
l''organe  le  plus  affedté  dans  ces  maladies  ? 
Les  véficatoires  qui  en  réveillent  le  ton  font 
bien  efficaces.  Dans  les  phthifies  &  les  fiè- 
vres lentes  heétiques ,  la.  peau  eft  pour  l'or- 
dinaire fur  la  fin  feche  &:  raboteufe  ;  la 
tranfpiration  fe  fait  mal  ;  les  fueurs  abon- 
dantes ,  qui  épuifent  le  malade ,  ne  rendent 
pasla/?e^z/plus  iouple  &:  plus  hume6fcée; 
ce  n'eft  qu'en  rétablilïànt  la  tranfpiration 
qu'on  guérit  furement  ces  malades  ;  &  il 
n'eft  pas  aifé  d'y  réuffir  ,  fur-tout  avec  le 
laitage  ,  &  autres  remèdes  lents  &  affadif- 
làns  de  cette  efpece ,  qui  diminuent  encore 
k  tranfpiration  :  on  s'apperçoit  du  fuccès 


P  E  A  27 

des  remèdes  qu'on  donne  quand  la  peau 
s'humede ,  s'adoucit,  &: devient  fouple  & 
huileufe.  C'eft  toujours  par-là  que  com^* 
mence  leur  guérifon  j  remarque  qu'il  eft  im- 
portant d'approfondir  &  de  mettre  en  exé- 
cution. 

4°.  La  couleur  de  la  peau  varie  très-(bu- 
vent  y  cet  effet  eft  plus  fréquent  &  plus  fen- 
fible  au  vifage  ,  où  la  peau  eft  plus  fine  ;  le 
changement  de  couleur  y  eft  excité  par  la 
moindre  émotion  ,  par  la  plus  ligere  paf- 
fîon  fubite  :  le  vifage  ,  lorfqu'il  n'eft  pas 
encore  inftraiit  à  feindre  ,  eft  le  miroir  de 
l'ame  ,  &  le  dépofitaire  indifcret  de  fes  Ic- 
crets  ;  mais  il  perd  à  bonne  heure  cette  pré- 
rogative ;  &;  lors  même  qu'il  la  confexve  , 
on  a  trouvé  le  moyen  de  voiler  fon  chan- 
gement de  couleur  ,  par  le  mafque  de  rouge 
&  de  blanc  dont  on  le  recouvre.  Voye:^ 
Visage  ,  Passion.  Les  maladies  font  aufïi 
changer  la  couleur  :  dans  les  phrénéfies  , 
les  fièvres  ardentes ,  le  vifage  eft  rouge ,  ani- 
mé i  la  peau  du  refte  du  corps  prend  auffi 
une  couleur  plus  rouge  :  dans  les  défaillan- 
ces ,  pendant  le  froid  des  fièvres  intermit- 
tentes J  dans  les  maladies  de  langueur  ,  la 
peau  de  tout  le  corps  pâlit ,  mais  moins  que 
celle  du  vifage.  Il  y  a  des  maladies  dont  le 
principal  fymptome  fe  tire  de  la  décolora- 
tion de  la  peau  ;  elles  font  comprifes  fous 
le  nom  prétendu  générique  â^icîere  ou  jau- 
niflè  :  voye':^  ces  mots,  La  peau  y  prend 
diverfes  teintes  de  jaune  ,  de  verd  ,  de 
brun  &  de  noirâtre  :  les  jeunes  filles  preflées 
par  des  defirs ,  efîetsdu  befbin  naturel  qu'el- 
les ne  doivent  ou  ne  peuvent  fatisfiire ,  font 
fujettes  à  une  maladie  qui  tire  fon  nom  ôc 
(on  caraârere  de  la  décoloration  de  la.  peau ', 
on  VappeWe pales-couleurs ,  febris  alba  ama^ 
toria.  Fbye:^^  Pales-couleurs. 

5°,  Enfin  ,  l'éruption  de  taches  ,  d'exan- 
thèmes ,  de  puftules  ,  change  Se  altère 
en  même  temps  la  couleur  ,  l'égalité  &  la 
fouplefïè  de  Xapeau  ;  il  en  réfulte  différentes 
maladies  qu'on  peut  voir  aux  articles  parti- 
culiers, &  furlefquelleslon  peut  confulter 
l'article  précédent  :  nous  obferverons  feu- 
lement ,  que  dans  les  maladies  aiguës ,  lorf- 
que  l'éruption  paroiffant ,  diminue  la  vio- 
lence des  fymptomesfon  doit  les  regarder 
comme  un  bon  ligne  ;  fi  au  contraire  les 
accidens  ne  font  point  calmés,elle  augmente 

D  2. 


»8  PE  A 

le  danger  j  la  nature  Se  la  couleur  des  exan- 
thèmes peut  encore  concourir  à  le  rendre 
«plus  prellànt  ;  par  exemple  ,  fi  elles  font  en 
grand  nombre  ,  d'un  mauvais  caraâ:ere  , 
livides ,  noiritres  ,    &c.   Foye:^  Fièvres 

ÉRUPTIVES.    {m) 

Peau  ,  (  Critiq.facrée  ,  )  peUis  ;  ce  mot 
jdgnifie  d  ordinairejdans  levieuxTertamenr, 
la  peau  qui  couvre  la  chair  ôc  les  os  de 
tout  animal  ;  il  fe  prend  auffi  pour  le  corps 
entier  ,  pour  la  perfonne ,  Habac.  xl,  %6  ; 
ôc  au  figuré  pour  des  tentes ,  parce  qu'elles 
fe  faifdent  de  peaux  de  bctes»  Felles  terrce 
Maadian  turbabuntur  ,  Habac.  iij  ,  j  : 
TefFroi  fe  mettra  dans  les  tentes  des nja- 
dianites.  {D.  J.) 

Peau  ,  terme  de  Marchands  &  Artijans; 
ce  mot  en  général  fe  dit  particulièrement 
de  cette  dépouille  de  Tanimal  qui  efi  diffé- 
remment apprêtée  ou  préparée  par  les  Pelle- 
tiers ,^  Tanneurs,  Mégilfiers ,  Chamoifeurs, 
PeauHiers ,  Corroyeurs  ,  Parcheniinie,r$  , 
Marroquiniers  ,  Gantiers ,  &Ci, 

Les  marroquins  fe  jfont  avec  des  peaux 
de  boucs  &  de  chèvres ,,  ou  d^ùn  autre  ani- 
mal à-peu-près  femblable ,  quePon  nomme 
menon.  Le  parchemin  fe  fabrique  d'ordi- 
naire avec  des  peaux  de  béliers-,  de,  mou- 
tons ,  de  brebis  ,  de  quelquefois  de  chè- 
vres. Le  vélin  ,  qui  eft  auffi  une  efpece  de 
parchemin, fe  fait  de  la  peau  d'un  veau  mort- 
né  ,  ou  d'un  veau  de  lait.  Le  vrai  chamois 
le  fabrique  de  la  peau  d'un  animal  de  me-, 
me  nom  ,  que  l'on  appelle  auSiifard ^  ôc  il 
fe  contrefait  avec  des  peaux  de  bouc  ,  de 
chèvre  de  de  mouton.  Les  bafanes  font  des 
^eaux  de  béliers ,  moutons  ou  brebis ,  paf- 
iées  en  tan  ou  en  redon  ,  &  quelquefois  en 
mégie. 

Les  fourrures  ou  pelleteries  fe  fënt  de 
peaux  de  martres ,  d'hermines  ,  de  cafcors, 
de  tigres?",  de  loutres ,  de  vautours  ^,de  cy- 
gnes ,  de  petits  gris  ,  de  fouines ,  d'ours , 
de  putois  ,  de  lapins  ,  de  lièvres  ,  de  re- 
nards, de  chats,  de  chiens ,  d'agneaux  ,.£'(:. 
dont  on  conferve  le  poil ,  en  les  préparant 
d'une  manière  particulière. 

Les  peaux  de  boucs  ôc  de  chèvres  en 
poil ,  qu'on  a  coufues  Se  difpofées  d'une 
manière  propre  à  pcMivoir  contenir  des  li- 
queurs, fe  nomment  fimplement  boucs ,  Se 
quelquefois  ouires,„Quuià  elles  n'ont  été 


P  E  A 

employées  qu'à  tranfporter  des  huiles ,  oîî, 
peut  encore  les  pafi'er  en  chamois  ,  au  lieu 
de  les  lailler  féchet  Se  fe  perdre.  Savary, 
iD.J.l 

Pea.u  ,  (  Taréinage.  )  hz  peau  des  fruits 
eft  la,  fuperficie  qui  enveloppe,  leur  chair  j 
c'eft  leur  épiderme,. 

Peau  de  chagrin  ,  (  Ccmm.du  Levant.  ) 
A  Conftantinople  la  peau  de  chagriaeù.  Elite.; 
:  de  la  partie  de  derrière  de  hpe/iu  de  cheval  ,,^ 
;  mule  ou  âne  du  pays  :  on  la  prépare  Se  ovu 
;  la  tanne  ;  Se  lorfqu'elle  eft  devenue  ibuple 
j  Se  maniable  ,  on  l'étend  fur  un  chalTîs ,  Se 
on  Pèxpofe  au  foleil;  après  cela-.  Ton  ré-, 
pand  fuL  cette  peau  de  la  graine  de  mou-. 
Jtarde ,  qu'ona  foin  de repaflèrplufieurs  fois-, 
avec  la  inain,.  Se  cette  graine,  aidée,  de  la», 
chaleur  du  foleil ,  élevé  le  grain  qui  fe  dur,*, 
-cit  enfuite.  Ces  peaux  Conz  grifes  ordinai- 
rement ,  mais  on  les  teint  de  la  couleu  r  q  u'oii^ 
veut.  La  partie  de  derrière  de  l'animal  eftt 
''plus  propre  que  toutes  les  autres  pour  être:;- 
mifc  en  chasrin.  Diâionnairede  Commerce, 

^{D.J.)  ■ 

Peau  humaine pajfee  ,  (  Arts  mod.  )  on», 
peut  pafiçr  la  peau  humaine  comme  celles^, 
des  quadrupèdes.  Cette  préparation  confifte?; 
"dans  une  leilivecqmpofée  de  i, livres  ou; 
'plus  de  fel  commun ,  de  4  onces  de  vitrioli 
.conAîun,&de  8;  onces  d'alun  ;  on  fait 
^fondre  le  tout  dans  trois  pintes  d'eau  pref^. 
que  bouillante.  On  y  plonge  \2k^peau  après, 
l'avoir  dépouillée  de  la  graifie  :  on  Pagite, 
pendant  une  demi- heure  ,  &  on  k  laifiè»- 
•repofer  pendant  vi-i  gt-quatre  heures  dans., 
i'ià  même  eau.  Enfuite  on  renouvelle  cette 
^,eau  ,  àe  on  n'^én  retire  la  peau  que  deux* 
-jours  après  avoir  éprouvé  qu'elle  blanchitv 
:;lcrrqu  on  fouftle  deifus.  Enfin ,  on  la  fait  fé-.. 
-cher  à  l'air,,  fans  l'expofer  au  foleil.  M.. 
-Sue,  Chirurgien  de  Paris,  adônnéau  cabi-_ 
..net  du  Roi  une  paire  de  pantounes  faites, 
'?avec  de  Xz  peau  humaine  ,  préparée  félon, 
ce  procédé  ,  qui  n'a  point  détruit  les  poils, 
de  cette  peau  ;  ce  qui  prouve  bien  que  les 
poils  (ont  Implantés  profondément  dansurc, 
capfule  bulbeufe  ,  revêtue  en- dedans  d'une 
Jmembrane  qui  enveloppe  la  bulbe. 

•La  peau  humaine  pajfee  ,  felon  le  pro-^ 
cédé  dont  on  vient  de  parler  ,  refte  d'une- 
confiftance  ferme  ,  aftez  lifte  fur  ia  face 
extéïieure ,  .^uoi^ue  les  filions  qui  environ^ 


P  E  A 

uent  tes  mamelons  en  forme  ^e  io^anges 
iiréguliers ,  y  paroillent  plus  profondémenc 
gravés  que  dans  ie  naturel  ;  la  furface  inté- 
rieure ell  inégale,  &  ,  pour  ainiî  dire  ,  lai- 
neule  ,  parce  qu'il  ,y  refte  prefque  nécef^ 
iàirement  des  feuillets  de  la  membrane  adi- 
jeufe.  (2>.  7.) 

Peaux  d*Efpagne  ,  ou  Peaux  de  fcn- 
teur  ,  (  Parfum.  )  ce  font  des  peaux  bien 
^allées  ,  puis  parfumées  de  diiFcrenres 
odeurs ,  dont  on  faifoit  autrefois  des  gants, 
des  corps  de  jupes  ,  des  pourpoints  ,  des 
poches  ,  &c..  Ces  fortes  de  peaux  parfu- 
mées, qui  s'envoient  prefque  toutes  d'Ef- 
pagne  ,  &  qui  ont  eu  fi  fort  la  vogue  en 
France ,  ne  font  plus  d'ufage>  elles  faifoient 
une  portion  du  négoce  des  Marchands 
Merciers ,  Parfumeurs  &  Gantiers, 

Peaux  fraîches  ,  terme  de  megijfier , 
nom  qu'ils  donnent  quelquefois  aux  marro- 
quins  façon  de  Barbarie  ,  qui  fe  fabriquent 
à  Rouen. 

Peau  vent ,  (  Corroyerie.  )  Oh  nomme 
p^eaux  vertes  y  les;?caz/xqui  n'ont  point  encore 
reçu  de  préparation ,  étant  telles  qu'ellesont 
été  levées  de  deflus  le  corps  des  animaux. 

PEAUSSERIE  ,  f.  m.  marchandife  de 
peaux  &  de  cuirs  ,  comme  marroquins  , 
chamois ,  bafanes ,  bufîles ,  vaches  de  Ruf- 
ûe. ,  veaux ,  moutons  &  autres  fortes  d'a- 
nimaux ,  paflées  &  toutes  préparées  à. être 
employées  à  divers  autres  ouvrages^. 

Le  commerce  de  la  pcaujferie  efl  fort 
çpnfidérable  en  France  ,  &  lùr-tout  à  Pa- 
ris ,  où  il  y  a  des  marchands  qui  ne  vendent 
rien  autre  chofe  que  de  la  peaujferie.  Ce 
négoce  fait  partie  de  la  mercerie. . 

Peausserie  ,  fignifîe  aufTi  Voccvpaticn 
&  \q  négoce  des  artifans  qu'on  appelle  pe/?://- 
Jîers  ;  avec  cette,  différence  ,  que  ceux-ci 
préparent  &  vendent  les  peaux  ,  Se  que  les 
merciers  les  achètent  toutes  préparées  pour 
Içs  revendre  aux^  particuliers, 

PEAUSSIER  ,  f.jn.  en  Anatomie  ,  cfl 
un  mufcle  mince  &  membraneux  ,  fitué 
iijus  la  peau  qui  enviro!inc  le  cou. . 

Il  eft  aflez  large  dans  fan  origine ,  &  fort 
de  la  partie  fupirieure  du  mufcle  deltoïde 
&:  du  grand  pecl:oral  au-deffôus  de  la  clavi- 
cule. Il  eft  uni  fortement  au  panicule  char- 
nu ,  dont  on  ne  peut  le  féparer  que  diffi- 
cilcrnent  j  c'eft  pourquoi  on  les  coiifondoit 


P  E  A  1^ 

autrefois,  &  il  s'infère  obliquement  de  cha- 
que côté  à  la  mâchoire  inférieure  &  à  la 
commiflliredes  deux  lèvres ,  en  partant  fous 
le  triangulaire  i  au  moyen  de  quoi  il  recou- 
vre prefque  tout  le  mafletet ,  &  il  tire  en 
en-bas  &  de  coté  toutes  ces  parties. 

Peaussier  ,  marchand  qui  vend  ou  qui 
prépare  les  peaux.  On  diftingue  à  Paris 
deux  fortes  de  psaujfiers. 

Les  uns  font  des  marchands  merciers  ,, 
qui  fe  font  attachés  uniquement  au  com- 
merce de  la  peauflérie  :  la  qualité  de  Peauf-^ 
fier  ne  leur  convient  qu'improprement  ^ 
{juifqu'ils  font  du.corps  des  merciers ,  qu'ils, 
fe  gouvernent  pnr  les  ftamts  des  merciers,. 
&  qu'ils  n'ont  de  commun  avec  les  peauf- 
fiers  que  le  trafic  de  peaux  ,  qu'ils  font  en: 
vertu  de  l'article  x'tj  de  leurs  flatuts  ,  qui. 
leur  permet  ce  négoce,  Voye-;^  Merciers., 

Les  ZMUts  pcaujfiers  y  qui  feu Is  méritent 
ce  nom,  font  des  artifans  chez  qui  les  peaux, 
.partent  en  forrant  des  mains  des  chamoi- 
lèurs  &:  des  mégifliers,  qui  les  mettent  en 
couleur,  tant  de  chair  que  de  fleur,  &  qui. 
enfuitc  en  font  plufieurs  fortes  d'ouvrages, 
qu^ils  vendent  en  gros  5c  en  détail. 

Ce  font  des  artiians  qui  lèvent  de  defTus 
les  peaux  de  moutons  cette  efpece  de  cuir- 
léger  Ott  pellicule  ,  appellée  cuir  de  poule 
ou    canepin  ,  dont  les   gantiers  font   des 
gants  ,  &  les  évantailEftes  des  évantails. . 
Fojc:^  Canepin.. 

Ces  artifans  ont  été  érigés  en  corps  de 
jurande,  &  ont  obtenu  du  roi  Jean  leurs  pre- 
miers fl:atuts  ,  en  i  Jf  7  ,  qui  leur  dorwienc 
la  qualité  de  maîtrespeauffiers ,  teinturiers  en 
xuir  ù  caleçonniers  de  la  ville,  fàuxbourgs , 
banlieue ,  prévoté  &  vicomte  de  Paris. 

Ces  ftatuts  contiennent  trenre-fept  arti- 
cles ,  dont  dix  règlent  les  .marchandiics 
qu-'ils  peuvent  fabriquer  &  vendre  feuls  ou 
concurremment  avec  d'autres  3  &  les  vingt- 
fept  autres  regardent  h.  difcipline  des  maî- 
tres enrreux  ,  &  c&qui  concerne  les  jurés , 
les  maîtres,  les  apprentis,  les  vifites  &ie 
lotilTage. 

A  Pégard  dés  marchandifes  &  dés  ouvra- 
ges propres  aux  peaujfters  ,  il  n'appartient 
qu'à  eux  de  mettre  en  teinture  &  couleur, , 
fur  .fleur  ou  fur  chair ,  à  froid  ou  à  chaud , 
ou  par  fimple  broflure  ,  toutes  fortes  de 
peaux  3  de  quelque  paflàge  qu^elles  aicnr  éxÂ_ 


30  P  E  A 

apîprêrées;  ce  qui  comprend  les  cuirs  blancs 
palTes  en  mégie  ,  les  cuirs  tannés  ,  les  cuirs 
pafîes  en  huile  ou  en  galle;  toute  forte  de 
peaux ,  comme  veaux ,  moutons ,  chamois, 
agneaux  ,  chevreaux  ,  cerfs ,  biches ,  che- 
vreuils ,  daims ,  porcs  ,  chiens ,  &c.  à  la 
réferve  néanmoins  des  gros  cuirs  &  des  va- 
ches tannées.  Ce  font  eux  aufli  qui  lèvent 
le  canepin  fur  toutes  fortes  de  peaux  ,  com- 
me de  moutons ,  agneaux  ,  chevreaux  ,  Ùc. 
Sur  les  conteftations  qui  fe  font  élevées 
entre  les peaujjiers  d'une  part ,  &  les  bour- 
liers  ôû»  les  corroyeurs  d'autre ,  il  eft  inter- 
venu plufieurs  arrêts  qui  ont  réglé  les  limi- 
tes de  chacun  de  ces  métiers. 

Ceux  rendus  entre  les  peaujjîers  &  les 
corroyeurs ,  dans  les  années  1657  ,  1669 
&  1695  ,  maintiennent  les  corroyeurs  dans 
la  pofleffion  de  corroyer  &  baudroyer  feuls 
en  fuif ,  graiffe  &  huile  ,  toute  forte  de 
cuirs  ,  &  de  les  metti^  en  couleur  ;  &:  les 
maîtres  peaujfiers-  teinturiers  dans  le  droit 
de  vendre  toutes  fortes  de  cuirs ,  tant  mis 
en  teinture ,  que  ceux  qui  feront  par  eux 
apprêtés  &:  mis  en 'couleur  en  fortant  de 
chez  les  tanneurs  &  mégifïiers ,  ou  qu'ils 
auront  achetés  aujî  halles  ;  défendent  aux 
corroyeurs  de  pafler  aucunes  peaux  en 
alun  ,  &  aux  peaujfiers  de  vendre  aucu- 
nes peaux  telles  qu'ils  les  achètent  des 
tanneurs  &  mégifîiers  ,  ni  de  corroyer 
ou  baudroyer  aucuns  cuirs  en  fuif ,  graifle 
6i  huile. 

Les  conteftations  entre  les  peaujfiers  5c 
les  bouriicrs  furent  réglées  par  deux  arrêts 
jendus  en  1 664  &c  1 667  ^  qui  firent  défenfe 
aux  peaujjkrs  de  faire  ni  débiter  caleçons , 
camifoles  de  cham.ois ,  8c  autres  ouvrages 
mentionnés  dans  l'article  vj  de  leurs  fta- 
tuts ,  avec  permiflion  feulement  de  les  la- 
Ver  &  repafler  quand  ils  ont  fervj. 

La  communauté  des  peaujfiers  eft  régie 
par  deux  grands  jurés  ,  deux  maîtres  de 
confrérie  ,  deux  petits  j<urés  ,  &  le  doyen 
des  maîtres  ;  les  (ix  premiers  s'élifent  à  la 
pluralité  des  voix  \  le  dernier  eft  de  droit , 
c'eft.le  plus  ancien  des  maîtres  qui  ontpafle 
par  les  charges.  Tous  les  arfs  on  élit  un 
^  grand  Juré  ,  un  maître  de  confrérie  &  un 
petit  Juré. 

Suivant  les  ftatuts  des  peaujfiers  ,  cha- 
que maître  ne  peut  obliger  qu'un  apprenti 


P  E  A 

à  la  fois  ,  Sont  rapprentiffage  eft  de  cinq 
ans ,  &  deux  ans  de  fervice  chez  les  maî- 
tres après  rappreotifl'age  fini. 

Toi^t  afpirant  à  la  maîtrife  eft  obligé  de 
faire  le  chef-d'œuvre  ou  l'expérience  ,  s'il 
n'eft  fils  de  maître. 

Les  veuves  reftant  en  veiivage ,  jouiftent 
de  tous  les  privilèges  des  maîtres  ,  à  l'ex- 
cepiion  de  celui  de  faire  des  apprentis  : 
elles  peuvent  cependant  achever  celui  que 
leur  mari  aura  commencé. 

L'apprenti  qui  quitte  fon  maître  avant 
les  cinq  ans  expirés ,  eft  déchu  de  tout  droit 
à  la  maîtrife,  &  ne  peut  pas  même  répéter 
l'argent  qu'il  auroit  avancé  à  (on  maître  en 
paflànt  fon  brevet. 

Enfin  ,  pour  la  fureté  &  confervation 
des  titres  ,  papiers  ,  &c.  de  la  commu- 
nauté ,  on  les  enferme  dans  un  coffre  à 
trois  ferrures ,  dont  le  doyen ,  l'ancien  juré 
&  l'ancien  maître  de  confrérie  ont  chacun 
une  clé. 

Comme  tout  l'art  des  peaujfiers  fe  réduit 
à  teindre  les  peaux  de  fleur  &  de  chair ,  & 
même  à  teindre  la  même  peau  d'une  cou- 
leur de  fleur  &  d'une  autre  de  chair  ,  &c 
que  ces  ouvriers  font  difficulté  de  décou- 
vrir ce  qu'ils  appellent  le  Jecret  de  leur  mé-- 
tier  y  il  n'eft  pas  pofïible  de  rapporter  ici 
la  manière  dont  ils  s'y  prennent  pour  tein- 
dre les  peaux. 

hes  peaujjiers  reçoivent  les  peaux  toutes 
façonnées  en  fortant  des  mains  des  mé- 
gifTiers  :  la  première  préparation  qu'ils  y 
font,  c'eft  de  les  paflèr'Ajr  le  paiflôn  ou 
paliflbn  ;  fans  doute  pour  les  adoucir  ,  en 
ouvrir  les  porcs ,  &  les  difpofer  à  recevoir 
la  teinture  qu^ils  leur  donnent  imrnédia- 
tement  après.  Voyc;^  Palis  son. 

Quand  les  peaux  font  'teintes ,  on  les 
étend  fur  des  cordes  pour  les  faire  fécher  ; 
on  ies  détirc ,  &  enfuite  on  les  attache  fur 
une  efpecc  de  herfc,  pour  les  aflujéttir  , 
leur  donner  la  dernière  façon ,  qui  eft  de  les 
adoucir  &  d'en  coucher  le  duvet  d'un  même 
côté  ;  cette  opération  fe  fait  par  le  moyen 
de  la  li^nette.  Voye^  Lunette.' 

PEAUTRÉ  ,  EE  ,  adj.  {terme  de  Bîaf.  ) 
fe  dit  du  bout  de  la  queue  du  dauphin  ou 
d'un  autre  poiflon  ,  lorfqu'ellc  eft  dç  diffé- 
rent émail. 
I      On  fait  venir  ce  terme  du  mot  Gaulois 


P  E  C 

feautre  ,  qui  a  fignifié  le  gouvernail  d'un 
navire  ;  parce  que  le  poiflbn  ,  au  mouve- 
ment de  ia  queue  ,  qui  fert  de  gouvernail , 
va  &  vient  à  Ton  gré  dans  l'eau. 

-  De  Viennois  de  Vifan  ,  en  Dauphiné  \ 
d'or  au  dauphin  d'a'^ur  ,  allumé  ,  lorré  & 
peautré  de  gueules.  {G.  D.  L.T.) 

-  PEC  ,  HARENG  ,  terme  de  vendeur  de 
marée  :  un  hareng  pec  eft  un  hareng  fraî- 
chement falé  ,  qui  le  mange  crud  ,  de 
même  que  les  anchois. 

PECC  ANT  ,  ad) .  en  terme  de  Médecine; 
c'eft  une  épithete  que  Pon  donne  aux  hu- 
•  meurs  du  corps ,  quand  elles  pèchent  en 
quantité  où  en  qualité  ,  c'eft-à-dire  ,  quand 
elles  font  morbifiques ,  ou  en  trop  grande 
abondance.  Foye^  Humeur. 

La  plupart  des  maladies  ne  viennent  que 
d'hximems peccanies  y  qu'il  faut  évacuer  ou 
corriger  par  des  altérans  ôc  par  des  fpécifi- 
ques.  Fbje^  Maladie  ,  ùc. 
■  PECH  ou  PECHIA  ,  (  Géogr.  mod.  ) 
petite  ville  de  la  Turquie  européenne, 
dans  la  partie  occidentale  de  la  Servie , 
fur  le  Drin  -  blanc.  C'eft  le  lieu  de  la  réfi- 
dence  du  Patriarche  Grec.  Long.  ^8 ,  ^fo  ; 
lat.^fz,  î%.  (  D.J.) 

PECHE  J.f.i  Artméchan.)c't^  Part  de 
prendre  le  poiflbn.  On  diftingue  les  pêches 
relativement  aux  lieux  ,  aux  infi rumens  &c 
aux  poijjons.  Aux  lieux  ,  il  y  a  la  pèche  à 
la  mer  ,  la  ptche  à  la  rivière  ,  aux  embou- 
chures ,  fur  les  grèves ,  entre  les  rochers  j 
aux  inSrumens  ,  il  y  a  la  pèche  à  la  ligne , 
aux  filets ,  avec  bateaux  ,  à  pié  i  aux  poif- 
fons  ,  il  y  a  la  pêche  aux  huîtres ,  aux  ha- 
léngs  ,  à  la  baleine  ,  au  thon  ,  ùc. 

Les  pèches  en  pleine  mer  ,  avec  rets  & 
filets  flottans  à  fleur  d'eau  ou  entre  deux 
eaux  ,  fe  font  avec  rets  ,  drivettes  ^  dri  ■ 
vonettes ,  aux  harengs  j  les  fannets ,  les  ma- 
nets,  aux  maquereaux  ;  les  orphllieres ,  aux 
orphies  ou  grandes  aiguilles  j  les  muletières 
dérivantes  ,  les  rets  à  barres  ,  les  colliers  à 
mulets  ,  fermulets  ,  &  autres  poifl'ons  paf- 
fagers  ;  les  trameaux  flottans  6c  dérivans; 
les  lignes  flottées ,  flottantes  &  dérivantes; 
le  grand  libouret  à  la  mer ,  au  maquereau , 
&  toutes  fortes  de  poiflbns  de  la  même 
efpece  ■■,  les  lignes,ou  cordes  dérivantes  encre 
deux  eaux  ;  les  cordes  ou  lignes  flottées  à 
piles  roulantes  à  la  furface  de  Peau» 


P  E  C  5-r 

Les  pèches  en  pleine  mer  aux  rets  Se 
filets  couverts  fur  le  fond  ,  fe  font  au  tra- 
meaux dérivans  &  courans  ,  &  aux  lignes 
ou  cordes  courantes. 

Les  inflirumens  à  la  mer  ,  traînant  fur 
les  fonds  ,  font  les  dragues ,  le  chalut ,  les 
rets  traverfiers  de  toute  eipece  ,  les  cortes 
ou  cauches.  Les  autres  hiftrumens  fervanc 
à  la  pèche  en  mer  ,  font  les  grandes  can- 
delettes  ou  chaudières  ,  les  râteaux  ou 
grandes  fichures  aux  poiflbns  plats  ;  les 
râteaux  aux  moules  ,  les  fouannes  ,  les 
dards  ,  les  tridens  &  les  fifchures  aux  poif- 
fons  ronds.. 

Les  rets  fédentaires  &  par  fonds  à  la 
mer  ,  font  les  foies  ou  grands  rieux  ,  les 
grands  rets  ,  les  demi-foies  ,  les  caniercs  , 
les  roufletieres  ,  les  petits  rieux  ,  les  ma- 
crolieres  ou  rets  à  macreufes  &  aux  poif- 
fons  plats  ;  les  trameaux  fédentaires  ou 
féants  ;  les  tramaillons  &  ]^s  petits  tra- 
meaux ;  les  marfaiques  Ôc  petits  trameaux  ; 
les  rets  à  harengs  ,  les  brecellieres  ,  les 
cibaudieres  à  la  mpr  ;  les  picots  ou  rets 
fédentaires  à  la  mer  &  aux  embouchures  ; 
les  jets  ou  picots  aux  poiflbns  .plats  i  les 
grolles  ,  moyennes  &  petites  cordes. 

Lesinft:rumens  fédentaires  à  la  mer,  font 
les  paniers ,  les  nafles  Ôc  les  caziers  entre 
roches. 

Les  rets  &  filets  flottés  ,  &  infl:rumen« 
fédentaires  (èrvant  aux  pèches  de  pié  à  la 
cote  y  fur  les  grèves ,  fur  les  fables  êc  entre 
les  roches  ,  font  les  foies  ou  grands  rieux 
de  pié  ,  les  demi-foies  ,  ou  flûtes,  ou  pe- 
tits rieux  ;  les  trameaux  ou  tramaillades  de 
pié  ,  les  anlieres ,  les  canieres  ,  les  rets  de 
roche,  les  flottés  ou  cibaudieres,  les  ha- 
renguieres  ou  étalieres  flottées ,  les  manets 
de  pié  ,  lés  rets  à  roblots  ôc  fanfbnnets  i 
les  ophilieres  fédentaires ,  les  muletières  , 
les  vas-tu-viens-tu  ,  efpece  de  muletière 
roulante  j  les  macroheres ,  les  courtines  , 
les  berres  à  poiflbn  plat  Se  macreufes  ;  les 
rets  à  marfoin ,  efpece  de  rets  entre  roches  ; 
les  rets  entre  roches  rraverfés ,  les  rets  à 
croc ,  les  jets  ou  rets  à  plis  ,  efpeces  de  pi- 
cots à  pié  ;  les  verveux  de  route  efpece  , 
les  roni'^lles ,  les  gonnes  des  filets ,  les  cor- 
des ou  lignes  ,  les  trajets,  les  traînées  Gm-' 
pies  &  de  toute  efpece. 

Les  filets  non  âottés  &  les  lecs-  montés 


ji  P  E  C 

fur  piquets  à  la  cote  &  aux  bancs  de  fable ,  ' 
Se  découvrant  à  toutes  les  marées ,  font  les 
foies  ou  grands  rets  ,  les  demi-foies ,  les 
rieux  ,  les  trameaux  ,  les  ravoirs  ou  rets 
entre  Peau  ,  fimples  &c  tramaillés  ,  les  bas- 
j)arcs ,  les  fourets ,  les  venets ,  les  grandes 
fournées ,  efpece  de  bas-parcs ,  les  haren- 
guieres ,  les  hauts-parcs  ,  les  hautes  pen- 
tieres ,  les  nates  ou  palis  ,  les  parcs-ouverts , 
»  les  carolTes  ou  perd-temps  ,  les  hauts-bas- 
pares  de  perches  &  de  filets  ;  les  verveux 
avec  pannes  3c  ailes  de  toute  efpece ,  les 
cordes  ou  lignes  de  toute  efpece. 

Les  inftrumens  de  pié  à  la  côte  pour  la 
pécâe  fédentaire  fur  les  grèves  de  entre  les 
roches  font  les  verveux  de  toute  efpece ,  les 
tonnelles  &gonnes  de  claies,  les  caudrelles, 
ou  caudeîettes  à  falicots  ;  les  guideaux  à  bas 
,  étaliers  ,  les  bafches  ou  favenelles  ,  efpece 
de  guideaux  ;  les  nafles  ou  bouteilles ,  les 
claies ,  les  paiyiiers  &  les  cafieres. 

Les  inftrurnens  de  main  des  pêcheurs  à 
pié  à  la  coze  ,  fur  les  grèves  &c  entre  les 
roches  ,  font  les  lignes^à  la.  pèche ,  les  grands 
havenets  ou  harençaux ,  les  havenets  aux 
aiguilles  ou  lançons  ,  les  bouteux  ou  bouts 
de  quievres  à  falicots  ,  les  grands  bouteux 
ou  grenadiers ,  les  carreaux  ,  les  huniers  ou 
les  fciquiers ,  les  éperviers ,  les  furets  ,  les 
fàveneaux  ou  bichettcs ,  les  trahies  ou  grands 
lanets  ,  les  buchotrers  ,  les  petits  lanets  , 
les  rieulets ,  les  petits  bouteux  ou  bouque- 
tons  à  fauterdles  ,  les  grands  râteaux  ,  les 
fifchures  à  poiflbns  plats,  les  fouannes  ou 
£fchures  de  toute  efpece,  les  petites  fouan- 
laes  en  trident  barbellées ,  les  crocs  &  cro- 
chets ,  les  digons  ou  picots ,  les  bêches  & 
pâlots  ,  les  fifches  &  aiguilles  pour  h  pèche 
aux  couteaux  ,  les  étiquettes  ou  petite  cou- 
teaux pour  les  moules. 

Les  rets  &  filets  dérivans  &c  flottans  aux 
embouchures  des  rivières  dans  les  eaux  -fa- 
lées  ,  font  les  alofiers ,  les  vergues  ,  les  ver- 
veux ,  les  rets  verguans  ,  les  trameaux , 
les  fiintiers  ou  verveux  ,  ou  trameaux  aux 
feintes  ,  pucelles  3c  faufles  alofes  ;  les  ca- 
Iioutiers  ou  vergueux  ,  ou  petits  trameaux 
pour  la  pèche  des  petites  pucelles ,  les  tra- 
meaux ou  tramaillons  aux  éperlans  ,  &c. 

Les  filets ,  rets  &  inftrumens  traînans  aux 
embouchures  des  rivières ,  permis  par  l'or- 
4oiinance  de  i6$^  ,  Ôc  défendus  par  celle 


PE  C 

de  i6Zi  ,  font  les  feines  à  faumons  8c  séo- 
fes  ,  les  feines  claires  3c  à  grandes  mailles  , 
les  feines  drues  ou  épailîes ,  ou  de  moyen- 
nes mailles  ;  les  tremaillons  aux  éperlans , 
les  dranguilles  ou  driguelles  claires  3c  épaif- 
fes ,  les  cordes  ou  hgnes  aux  ains  de  fer  , 
les  petits  aplets  ,  les  cordes  aux  épines  ou 
épincttes ,  les  lignes  aux  éperlans ,  les  éper- 
viers ou  furets  ,  les  gorres  ou  gorets  aux 
verveux  ,  les  nalîes  3c  bouteilles  aux  éper- 
lans ,  les  nalfes  3c  bouteilles  ou  petits  lam- 
prions  ,  les  nalIès  de  toute  efpece. 

Les  p'ches  abuiives  3c  défendues  à  /a 
mer ,  font  la  peige  ou  grande  feine ,  la  tra- 
maillée  traînante  iur  les  fonds  ,  la-  grande 
ieine  à  la  mer ,  les  feines  aux  faumons  , 
traînantes. 

yl  la  cote  avec  bateaux  ,  font  la  grande 
feine  ou  traînée  à  deux  bateaux  ,  la  feinc 
à  bateau  &  à  pié  ,  la  favre  ou  feinette  aux 
aiguilles  3c  lançons  ,  les  picots  trainans  , 
3c  toute  autre  forte  de  filets  &  de  rets  lorf- 
qu'on  les  traîne  à  la  cote ,  au  bord  3c  fur 
les  grèves. 

A  pié  j  font  la  traîne  ,  feine  ,  colerer  ou 
dranet  ;  les  feinettes  aux  aiguilles  ,  les  bou- 
teux ou  bouts  de  quievre,  pendant  un  temps 
hmitc  j  le  carreau  ,  le  hunier  ,  l'échiquier, 
la  herfe  au  poiflbn  plat  ;  le  râteau  endenté 
de  fer  pour  la  même  pécAe  ,  les  bouque- 
tons  3c  favenets  pour  les  fauterelles  3c  la 
maniguelle. 

Il  y  a  différentes  fortes  d'appâts  ;  ils  font 
ou  de  chair  ,  ou  de  poiffon  ,  ou  de  viande 
fraîche  ou  de  viande  falée  ,  ou  des  infec- 
tes ,  ou  des  vers  marins  ,  ou  des  vers  de 
terre  ,  ou  de  rocailles  ,  ou  des  coquillages , 
ou  desfentrailles ,  ou  des  oeufs  de  poiflon. 

Il  y  a  de  faux  appâts  ;  il  y  en  a  d'em- 
poifonnés  3c  défendus.  Prefque  toutes  les 
fortes  d'appâts  font  à  l'ufage  des  pêcheurs 
à  la  ligne  ou  corde  garnie  d'hameçon  ;  on 
amorce  feulement  diverfement  ,  félon  la 
pi'che  qu*on  pratique. 

Il  y  a  des  lieux  comme  eri*Picardic , 
Flandre  3c  Normandie ,  où  les  appâts  font 
toujours,  les  mêmes  ;  c'eft  de  la  chair  de 
outes  fortes  de  poiffons.^ 

Ceux  de  Bretagne  coupent ,  aux  premiers 
poiffons  qu'ils  prennent  ^om  petit  morceau 
vers  le  haut  de  la  queue ,  au  bas  du  dos  ;  ces 
poifTous  matilésa'enfontpas  moins  devenrc. 

Xjes 


I>  E  C 

Les  poifïbns  un  peu  gros  dont  les  pêcheurs 
fè  fervent  pour  garnir  les  hameçons  des  li- 
gnes ,  font  coupés  de  biais  ,  enforte  que 
Tain  ou  hameçon  en  eft  couvert ,  excepté  la 
pointe  ,  que  les  pêcheurs  nomment  le  l/ar- 
èillon  ,  qui  ne  permet  pas  au  poilîbn  de  re- 
jeter l'appât  qu'il  a  pris ,  ce  qui  arriveroit  fi 
l'appât  étoitma!  placé. 

L'hameçon  des  pêcheurs  Normands  s'ap- 
pelle par  les  Bretons  claveau  i  la  garniture 
ou  l'appât  fe  nomme  acq  en  Normandie  & 
Picardie  ,  &  hocie  ,  amorce  ,  en  Bretagne. 

Les  appâts  en  poiflbn  font  le  hareng  frais  , 
la  fardine  fraîche  ,  franche  ,  galiife ,  le  fé- 
clant,  ou  célan ,  ou  célenie  ,  ou  faulfe  alofe, 
l'orphie  ,  grande  aiguille ,  bécaffe  de  mer  , 
le  lançon,  ou  l'aiguille,  ou  l'aiguillette,  le 
crados  ou  grades  en  Normandie  \  prêtres , 
prétros  ou  éperlan  bâtard  en  Bretagne  j  la 
blanche  ou  le  blaquet  ,  l'aillet,  l'avrillet  , 
petit  poiffon  du  premier  âge  ,  qu'on  appelle 
aufli  en  Normandie  melu  &  faumonelU  ,  & 
nonat  en  Provence  ^  le  petit  poiiTon  rond 
de  toute  efpece  ,  les  morceaux  de  la  chair 
de  toutes  fortes  de  poilîbn  ,  la  chair  de  poiffon 
cuit,  les  poiflbns  mois  fans  fang,  comme  la 
ièiche  ,  margate  ,  en  Bretagne  ,  le  pic  en 
Gafcogue,  le  cornet  ou  calmar,  la  petite 
lèche. 

De  tous  les  appâts ,  les  plus  eftiinés  pour 
les  pêcheurs  à  la  ligne  ,  font  les  harengs 
frais  ,  ceux  fur-tout  qu'on  appelle  gais  ou 
vuides  d'œufs  &  de  laitance  ,  les  celants  ou 
célennis,  les  fârdines,  les  lançons  ou  ai- 
guilles. 

On  attire  avec  ces  appâts  des  poilTons  de 
toute  efpece ,  ronds  &  plats ,  excepté  la  foie. 

Un  hareng  frais  fait  cinq  ou  fix  appâts 
pour  les  raies ,  huit  ou  dix  pour  les  autres 
poiifons ,  à  proportion  de  leur  grandeur. 

La  blanche  ou  la  melie  nouvellement 
éclofe ,  fe  place  au  nombre  de  cinq  à  fix  fur 
un  même  hameçon  y  il  n'en  faut  qu'une  ou 
deux  quand  elle  eft  grande  :  on  les  place  fur 
l'hameçon  par  les  yeux. 

Tous  les  petits  poiffons  ronds  du  premier 
âge  font  encore  un  appât ,  lorfque  les  pré- 
cédens ,  qui  font  de  la  première  qualité  , 
manquent  :  on  a  recours  dans  le  befoin  { 
la  {^,<:h%  &  aux  cornets  ^  les  cornets  iov 
plus  eftimés  que  la  feche.  Le  pêcheur  n 
prend  que  le  corps  ôc  les  pies  du  cornet. 
Tome  XXV» 


P  E  c  33 

On  nt  pêche  avec  cet  appât  que  la  raie  &  le 
merlan. 

Le  cornet  eft  excellent  pour  la  pêche  de 
la  morue.  Si  les  Terreneuviers  en  avoicnt 
à  dilcrétion  ,  leur  cargaifon  feroit  bientôt 
faite  ^  ils  en  trouvent  quelquefois  dans  le 
ventre  des  morues  qu'ils  ont  prifes  ,  &  ils  en 
garnilfent  leurs  ains  ou  claveaux  avec  fuccès. 

On  (q  fert  des  œufs  &  des  entrailles  des 
poiffons  pour  appâts.  On  prépare  ou  fait  la 
réfure,  rare  ou  vague  ,  pour  la  fârdine  ^  cela 
la  fait  élever  des  fonds  ,  &  donner  dans  \qs 
filets  qui  dérivent  à  fleur  d'eau. 

Les  entrailles  de  morue  &  d'autres  poif^ 
fons  voraces  ,  font  bonnes  pour  ces  poif- 
fons. 

On  attire  les  fauquets  ou  happe-foies ,  8c 
autres  oifèaux  de  mer  ,  avec  les  foies  des 
poiffons. 

On  fait  la  pêche  aux  fardines  avec  les  œufs 
de  morue  &  de  maquereaux  falés  :  on  en  ap- 
porte en  quantité  des  falaifous  de  Terrer 
neuve  ;  il  en  vient  auffi  de  Norvège. 

Ce  font  les  œufs  de  morue  &  de  maque- 
reaux que  l'on  appelle  réfure» 

Parmi  les  vers  marins  &  de  terre  dont  oa 
fait  des  appâts ,  il  y  a  les  vers  noirs  ou  francs, 
les  vers  rouges  ou  bâtards  ,  les  vers  blancs, 
qu'on  appelle  bourelottes  en  Bretagne  ,  les 
vers  de  terre. 

Les  meilleurs  &  les  plus  eftimés  font  les 
vers  francs  ,  qui  fervent  toujours  pour  la  pê- 
che des  foies  ,  qui  ne  mordent  qu'à  cet  appât, 
qui  attire  aufîj  les  limandes ,  les  carrelets .  Se 
autres  poiifons  plats. 

La  fàule  ne  va  aux  vers  francs  que  quand 
ils  font  vivans  &  frais  ;  il  faut  que  ces  vers 
foient  gros  ,  afin  d'en  faire  deux  appâts. 

Les  vers  blancs  ne  fervent  qu'aux  pécheurs 
Bretons. 

Les  vers  rouges  font  moins  bons. 

On  n'emploie  le  ver  de  terre  que  faute 
d'autre  appât  ;  cependant  il  eft  propre  à  la 
pêche  de  l'anguille. 

Les  appâts  qu'on  fait  avec  les  coquillages 
font  en  grand  nombre  \  il  y  a  le  petaut  ou 
la  folade  ,  le  brediu  ou  brelin ,  ou  bernicle , 
)u  lappe. 

Le  petaut ,  ou  la  folade  tirée  de  fà  co- 
[uille  ,  garnit  un  hameçon  ;  c'eft  le  moindre 
les  appâts  frais. 

Le  breliii  fert  à  la  pêche  du  merlau  &  de 

E 


3.4.  P  E  C 

la  limande.  Le  pêcheur  amorce  d'abord  avec 
de  la  chair  de  poiiTon  falé,  puis  il  ajufte  fur 
la  pointe  de  l'aiii  un  brelin  ,  tiré  vivant  de 
fa  coquille. 

Il  y  a  aufli  les  crabes ,  les  falicots  ou 
grofles  chevrettes  ,  les  barbeaux  ,  les  crevi- 
ches,  les  petites  chevrettes  ,  les  grenades,  les 


fauterelles  ,  les  efquires ,  &c. 

On  écrafê  les  crabes  &  on  les  attache  au 
ret ,  qui  fèrt  de  fàc  à  l'inftrument  de  la  fécke 
aux  falicots  ,  aux  grolFes  chevrettes  &  aux 
petites. 

Le  meilleur  appât  des  pêcheurs  Normands 
pour  les  mêmes  poiiTous,  eft  le  poltron  &le 
craquelot. 

Le  crabe  poltron  eft  celui  qui  a  quitté 
fa  coque  nouvellement ,  &  qui  eft  encore 
mol. 

Le  craquelot  eft  celui  dont  la  coque  n'a 
pas  encore  fa  dureté. 

Le  falicot  &  la  chevrette  fervent  d'appât 
à  plufîeurs  efpeces  de  poilFons  ronds.  Ceux 
qui  font  la  pecAe  du  maquereau  avec  le  li- 
bouret  ou  la  ligne  au  plomb  ,  en  amorcent 
leurs  hameçons  ,  les  raies  grifes  en  font 
friandes. 

Quand  on  amorce  unain  avec  la  chevrette 
ou  fauterelle  de  mer  ,  on  en  met  plufieurs 
iîjr  un  hameçon. 

On  Ce  fert  en  appât  de  poiflbn  fâlé ,  parce 
qu'on  n'en  a  pas  toujours  de  frais.  On  fàle 
pour  cet  ufage  le  hareng  ,  le  celant  ou  fé- 
claiit ,  ou  célerin  ,  ou  faulTe  fardine  ,  &  la 
iàrdine. 

Le  hareng  gai  ,^  Ifci  qui  n'a  ni  laitance  ni 
ceufs ,  eft  le  meilleur  d'entre  les  poifFons 
qu'on  peut  faler ,  fur- tout  après  qu'il  a  frayé. 
La  pécAe  avec  le  poiiTon  falé  eft  commu 
nément  ingrate  :  on  arme  le  corps  de  l'hame- 
çon de  poiiTon  falé ,  &  la  pointe  d'un  peu  de 
bœuf  frais. 

On  emprunte  encore  des  appâts  du  bœuf , 
de  la  vache ,  du  cheval ,  de  l'âne  ,  du  chien  , 
&  d'autres  animaux  frais  ou  Talés.  On  em 
ploie  à  cet  ufage  le  foie  ,  les  poumons   & 
les  entrailles. 

On  ne  fait  avec  le  chien  que  la  pécAe  du 
crabe ,  &  cet  appât  encore  ne  fert-il  qu'à 
l'entrée  des  ports  &  ^tres  petites  baies.  C'eft 
wn  vrai  amuièment  d'enfans  &  de  défœu- 
vrés. 
Les  navigateurs  amorcent  en  pleine  mer, 


P  E   C 

pour  les  requhis  &  autres  poifîbns  voraces^ 
de  morceau2<  de  lard  blanc. 

Les  faux  appâts  fe  font  avec  des  morceaux 
de  liège  tailles  de  la  figure  d'un  poiiTon  ,  8c 
recouverts  de  la  peau  d'un  petit  poiiTon  écor- 
ché ,  ou  d'une  toile  blanche  rayée  de  bleu 
flir  le  dos ,  ou  d'une  pierre  blanche ,  ou  d'une 
pelotte  de  marne  ,  &c. 

On  fait  ufage  de  ces  appâts  pour  la  pécAe 
des  oifèaux  marins. 

Le  pêcheur  Bafque ,  prend  le  thon  à  la 


ligne  avec  le  liège  ,  recouvert  de  la  toile 
rayée  de  bleu.  Cette  pêche  fe  fait  à  la  côte  , 
lorfque  la  mer  eft  agitée. 

Ceux  qui  pèchent  le  crabe  &  le  homar 
avec  àe^  paniers ,  des  caiieres ,  des  boura- 
ques  &  autres  inftrumens  ,  y  pendent  de 
petits  morceaux  de  pierre  blanche. 

Les  appâts  &  inftrumens  défendus  font 
ceux  qui  tendent  à  détruire  le  poifTon ,  comme 
les  Tacs  de  toile  &  de  fèrpilliere ,  avec  les 
chevrettes  &  autres  poiiTons  corrompus.  Le 
Tac  détruifbit  le  frai ,  &  l'appât  infeétoit  le 
poiiTon. 

Les  appâts  empoîfbnnés  font  la  chaux 
vive  ,  la  noix  vomique ,  la  noix  de  Cypre  , 
la  coque  du  Levant ,  la  momie ,  le  muTc  ,  & 
autres  drogues  qui  enivrent  &  ctourdiiTeiit 
le  poiiTon. 

Il  faut  y  joindre  l'herbe  qu*on  appelle 
Valrefe, 

La  pêche  de  rivière  fè  fait  à-peu-près  avec 
les  mêmes  inftruniens  ,  laligne  y  le  verveux* 
le  filet ,  l'épervier  ,  &c. 

Ce  Tont  auiTi  les  mêmes  appâts  ,  le  ver  y 
les  entrailles  des  animaux ,  les  morceaux  de 
viande  ,   &c, 

Voye[  toutes  ces  diiférentes  pêches  ,  tant 
de  mer  que  de  rivière ,  à  leurs  articles  parti- 
culiers. 

Pèche  des  coquillages,  (Co/zc/5y//o/.) 
Il  y  a  cinq  manières  de  pêcher  les  coquilla- 
ges^ Tavoir  ,  à  fa  main  ,  au  râteau  ,  à  la  dra- 
gue ,  au  filet  &  en  plongeant. 

Quand  la  mer  fe  retire  ,  on  marche  à 
pié  Tur  la  grève  ,  &  Ton  prend  les  huître» 
&  les  moules  à  la  main  ^  rien  n'eft  plus- 
ordinaire  au  Havre  ,  à  Dieppe  &  en  An- 
gleterre :  quand  les  huîtrieres  &  les  mou- 
liercs  ne  fè  découvrent  point ,  on  prend  lès 
bateaux ,  &  l'on  Te  fcrt  de  la  drague  ^  il 
y  en  a  qui  foulent  le  f^le  avec  les  pies  ^ 


P  E  C 

pour  faire  fortir  les  coquillages  qui  s'enfa- 
Llent  après  le  reflux. 

Pietro  tlella  Valle ,  fameux  voyageur  . 
J'apporte  qu'en  pêchaut  lui-même  daus  la 
nier  Rouge,  il  prit  une  û  gralkde  quautité 
d'huîtres  ,  de  limaçous ,  &  d'autres  coquil- 
lages, qu'il  en  remplit  ciutÊÊe  à  cinq  cailles. 
Il  dît  que  ces  coquilles  nMÊcnt  dans  les  fonds 
&  dans  les  cavités,  qui  font  en  grand  nom- 
bre dans  le  golfe  Arabique  ,  &  que  les  pê- 
cheurs de£cendent  dans  l'eau  avec  leur  che- 
jmife  ,  qui  ne  leur  vient  qu'au  bas  de  l'efto- 
niac  ,  &  les  prennent  à  la  main ,  l'eau  étant 
û  claire  que  l'on  découvre  tout  ce  qui  eft 
au  fond. 

Le  râteau  eft  un  inftrum.ent  de  fer  garni 
de  dents  longues  &  creufes  ,  emmanché  de 
perches  proportionnées  à  la  profondeur  du 
fond  où  l'on  pêche  j  ceft  ainfl  que  l'on 
prend  les  moules. 

La  drague  eft  un  autre  inftrument  de  fer, 
€[ui  a  ordinairement  quatre  pies  de  long  fur 
dix- huit  pouces  de  large,  avec  deux  traver- 
£es.  Celle  d'en-bas  eft  faite  en  bifèau  ,  pour 
mordre  fur  le  fond ,  &  enlever  l'huître  atta- 
chée au  rocher  :  elle  porte  ou  traîne  avec 
foi  un  fàc ,  dont  le  delîus  eft  ordinairement 
un  réfeau  de  cordage  ^  &  par- deflbus  on 
fubftitue  un  cuir  ,  ou  bien  on  fait  les  mail- 
les du  delfous  du  fac  de  lanières  de  cuir , 
qui  étant  gluant  de  fa  nature  ,  gliffe  mieux 
au  fond  de  1  eau.  On  defcend  la  drague  avec 
un  cordage  proportionné  à  la  profondeur 
où  font  les  coquillages.  En  Amérique  la 
drague  a  iîx  pies  en  quarré  ,  &  on  y  atta- 
che des  cordages  fuivant  la  profondeur  de 
l'eau  j  c'eft  par  leur  moyen  qu'on  tire  la 
drague  à  bord  ,  &  c'eft  la  meilleure  ma- 
nière de  pêcher  les  coquillages  ,  &  la  plus 
ufitée. 

On  fo  fèrt  de  différentes  efpeces  de  fikts 
dans  les  ports  de  mer  ,  pour  pêcher  le  poif- 
fon.  Parmi  les  ordures  qu'amènent  les  filets 
de  pêcheurs  ,  il  fe  rencontre  des  coquilla- 
ges &  des  produâions  marines  ,  qu'ils  re- 
jettent ordinairement  dans  la  mer.  On  a 
trouvé  de  cette  manière  ,  à  Marfeille  &  à 
Toulon ,  des  coquillages ,  &  des  moufles 
de  mer  très-curieufès. 

On  pêche  à  Toulon  ,  à  vingt  ou  trente 
pies  de  bas ,  avec  des  crocs  de  fer  ,  les  pin- 
nes  marines  toutes  grifes ,  6c  qui  n'ont  pas 


P  E  C  5y 

les  belles  couleurs  de  celles  de  Mcflîne  , 
de  Coffe ,  &  de  Majorque.  Les  manches 
de  couteau  fe  prennent  dans  le  golfe  de 
Tarenre  ,  &  autres  ports  de  m.er  ,  dans  les 
trons  qu'ils  font  dans  le  fable  ,  où  1  on  jette 
du  fel  pour  les  faire  fortir  ç,  mais  le  ineil- 
leur  moyen  d'avoir  de  beaux  coquillages  , 
eft  d'employer  les  plongeurs ,  comme  on 
fait  dans  les  Indes.  {  D.  J.) 

PÊCHE  ,  {Jurifprud.)  la  pêche  &  la 
chaftè  font  les  deux  manières  d'acquérir  que 
les  hovnmes  aient  eues;,  l'une  &  l'autre  furent 
le  premier  art  que  la  nature  enfeigna  aux 
hommes  pour  fe  nourrir. 

La  pêche  continua  d'être  pern-îfè  à  toirt 
le  monde  ,  par  le  droit  des  gens  ,  non-(èu- 
lement  dans  la  mer  ^  mais  aufll  dans  les 
fleuves ,  rivières ,  étangs ,  &  autres  anias 
d'eau. 

Le  droit  civil  ayant  diftingué  ce  que  cha- 
cun polfédoit  en  propriété  ,  il  ne  fut  plus 
permis  de  pêcher  dans  les  étangs  &  viviers 
d'autrui  ,  mais  feulement  dans  la  mer,  8c 
dans  \es  fleuves  &  rivières  dont  l'ufage  ap- 
partenoit  au  public. 

La  pêche  qui  fe  fait  ,  tant  en  pleine  mer 
que  fur  les  grèves  ,  eft  toujours  demeurée 
libre  à  tout  le  monde ,  fuivant  le  droit  des 
gens  'j  mais  nos  rois  ne  la  permettent  à  leurs 
fujets  ,  dans  les  mers  qui  avoifinent  leur 
domination ,  qu'avec  les  filets  permis  ^  8c 
il  eft  défendu  aux  pêcheurs  qui  arrivent  à 
la  mer  ,  de  fe  mettre  &  jeter  leurs  filets 
en  lieux  où  ils  puiflènt  nuire  à  ceux  qui  fè 
feront  trouvés  les  premiers  fur  les  lieux  de 
la  pêche  ,  ou  qui  l'auront  déjà  commencée  y 
à  peine  de  tous  dépens  ,  dommages  &  in- 
térêts ,  &  de  cinquante  livres  d'amende. 
Ordonnance  de  la  marine ,  liv.  V ,  tiu  i 
(&  2  ,  article  9. 

Pour  ce  qui  eft  des  fleuves  ou  rivières 
navigables  ,  comme  en  France  la  propriété 
en  appartient  au  Roi ,  c'eft  à  lui  fèul  auflî 
qu'appartient  le  droit  de  pêche. 

Les  anciennes  ordonnances  pcrmettoient 
à  chacun  de  pêcher  à  la  ligne  danî  les 
fleuves  &  rivières  navigables ,  parce  que 
cela  n'étoit  regardé  que  comme  un  amufiè- 
ment  ^  mais  comme  infenfiblement  on  abufè 
des  chofès  les  plus  innocentes ,  &  qu'il  y 
auroit  une  infinité  de  gens  oififs  qui  pêche- 
roient  continuellement  &  dépaupleroieut  lt%. 


3/5;  P  E  c 

rivières ,  il  n'eft  plus  permis  de  pêcher , 
même  à  la  ligne  ,  dans  les  iîeuves  &  riviè- 
res navigables ,  &  autres  eaux  qui  appartien- 
nent au  roi ,  à  moins  d'être  fondé  en  titre 
ipécial ,  ou  d'être  reçu  maître  pêcheur  au 
iiege  de  la  maitrife  des  eaux  &  forêts  ,  à 
peine  de  cinquante  livres  d'amende  ,  &  de 
confifcation  du  poiffon ,  filets  &  autres  iuf^ 
trurnens  de  pêche  ^  pour  la  première  fois  ^ 
&  pour  la  féconde,  de  cent  livres  d'amende  , 
outre  pareille  confifcation  ,  même  de  puni- 
tion plus  févere  ,  s'il  y  échet. 

Pour  être  reçu  maître  pêcheur  ,  il  faut 
avoir  au  moins  1  âge  de  vingt  ans. 

Les  maîtres  pêcheurs  de  chaque  ville  ou 
port ,  dans  les  lieux  où  ils  fout  au  nombre 
de  huit  &  au  delTus  ,  doivent  élire  tous  \qs 
ans  ,  aux  aflifes  du  maître  particulier ,  un 
.maître  de  communauté  pour  avoir  l'œil  fur 
eux  ,  &  avertir  les  officiers  des  maîtrifes 
des  abus  qui  fe  commettent  ^  &  dans  les 
lieux  où  il  y  en  a  moins  de  huit,  ils  doivent 
convoquer  ceux  des  deux  ou  trois  plus  pro- 
chains ports  ou  villes  ,  pour  faire  entre  eux 
la  même  éledion. 

Les  maîtres  pêcheurs ,  &  autres  perfon- 
iies  qui  peuvent  avoir  droit  de  pêcher  dans 
les  fleuves  &  rivières  navigables ,  &  autres 
eaux  appartenantes  au  roi ,  font  obligés 
(d'obferver  les  règles  qui  ont  été  faites 
pour  la  police  de  la  pêche  dans  ces  fortes 
d'eaux. 

Ces  règles  font ,  premièrement ,  qu'il  eft 
iriéfendu  de  pêcher  aux  jours  de  dimanche 
&  fêtes ,  à  peine  de  cinquante  livres  d'a- 
mende &  d'interdiftion  pour  un  an. 

En  quelque  temps  que  ce  foit ,  la  pêche 
ii'eft  permifè  que  depuis  le  lever  du  foleil 
jufqu'à  fou  coucher. 

Les  arches  des  ponts,  les  moulins  & 
3es  gords  où  fc  tendent  des  guideaux  ,  font 
l^s  fouis  endroits  où  l'on  peut  pêcher  la  nuit 
comme  le  jour ,  pourvu  que  ce  ne  foit  en 
des  jours  ou  temps  défendus. 

Il  cft  défendu  de  pêcher  dans  le  temps 
de  frai ,  excepté  \2l  pêche  aux  faumons,  aux 
alofes  &  aux  lamproies  j  le  temps  de  frai 
pour  \èi  rivières  où  la  truite  abonde  ,  eft  de- 
J)uis  le  premier  février  jufqu'à  la  mi-mars  , 
&  autres  depuis  le  premier  avril  jufqu'au 
|>remier  juin* 
H  n'eft  pas  permis  de  mettre  des  bires 


P  E  C 

ou  nalTes  d'ofîer  au  bout  àz^  guideaux  pen- 
dant le  temps  de  frai  \  on  peut  feulement  y 
mettre  des  chauffes  ou  facs  du  moule  de 
dix-huit  lignes  en  quarré,  &  non  autrement  : 
mais  après  fe  temps  de  frai ,  on  peut  y  met- 
tre des  nartés  d'ofier  à  jour ,  pourvu  que  les 
verges  foient  él^j^iiées  les  unes  des  autres 
de  douze  V\%\\ç.s  au  moins. 

Les  engins  &  harnois  de  pêche  défendus 
par  les  anciennes  ordonnances  ,  font  le  bas 
orborin ,  le  chiffre  garni ,  le  valois  ,  les 
amendes ,  le  pinfoir  ,  le  truble  à  bois  ,  la 
bourache  ,  la  charte ,  le  marchepié  ,  le  cli- 
quet ,  le  rouable ,  le  clamecy ,  les  fafoines, 
fagots  ,  naifes  pelées  ,  jonchées ,  &  lignes 
de  long  à  menus  hameçons. 

L'ordonnance  de  1669  y  a  joint  les^ 
grilles  ,  tramails  ,  furets  ,  éperviers ,  cha- 
lons  ,  fabres  ,  &  tous  autres  qui  pour- 
roient  être  inventés  pour  le  dépeuplement 
à^s  rivières. 

Elle  défend  aufîî  d'aller  au  barandage,  & 
de  mettre  des  bacs  en  rivière. 

Elle  défend  en  outre  de  bouillir  avec 
bouillies  ou  rabots ,  tant  fous  les  chevrins  , 
racines  ,  faules  ,  ofiers  ,  terriers  &  arches, 
qu'en  autres  lieux  ,  ou  de  mettre  lignes 
avec  échecs  &  amorces  vives  ^  comme  auffi 
de  porter  des  chaînes  &  clairons  dans  les 
batelcts ,  d'aller  à  la  fare  ou  pêche  à  grand 
bruit  ,  ou  de  pêcher  dans  les  noues  avec 
des  filets ,  &  d'y  bouillir  pour  prendre  le 
poiffon  ou  le  frai  qui  auroit  pu  y  être  porté 
par  le  débordement  des  rivières. 

Il  eft  pareillement  défendu  à  tous  mari- 
niers &  bateliers,  d'avoir  à  leurs  bateaux 
ou  nacelles  aucuns  engins  à  pêcher  ,  permis 
ou  défendus. 

On  doit  rejeter  dans  les  rivières  les  trui- 
tes ,  carpes,  barbeaux,  brèmes  &  meuniers 
qu'on  a  pris,  quand  ils  n'ont  pas  au  moins 
fix  pouces  entre  l'œil  &  la  queue  j  &  le» 
tanches ,  perches  &  gardons  qui  en  ont 
moins  de  cinq. 

Il  eft  défendu  d'aller  ftir  les  étangs ,  fof^ 
îi%  &  mares  ,  lorfqu'ils  font  glacés,  pour  ea 
rompre  la  glace  ,  &  pour  y  faire  des  trous  5 
&  d'y  porter  des  flambeaux  ,  brandons  & 
autres  feux  pour  voler  du  poiffon. 

L'ordonnance  défend  aufli  ,  fous  peine 
de  puuitioH  corporelle  ,  de  jeter ,  dans  les 
rivières ,  aucune  chaux  3  noix  vomique  ^ 


P  E  C 

coque  de  Levant ,  momie  &  autres  drogues 
ou  appâts. 

Pour  le  rempoifTonnement  des  étangs  , 
le  carpeau  doit  avoir  iix  pouces  au  meins  , 
la  tanche  &  la  perche  quatre  ,  &  le  bro- 
cheton  telle  mefure  qu'on  veut  j  mais  on 
ne  doit  le  jeter  aux  étangs  ,  mares  &  fof- 
£és ,  qu'un  an  après  leur  empoiflbnnement  ^ 
ce  qui  doit  être  obfervé  pour  les  étangs  , 
marcs  &  foffés  des  EccléfialHques  &  Com- 
munautés ,  de  même  que  pour  ceux  du 
Roi. 

Les  eccléfiaftiques  ,  feigneurs  ,  gentils- 
hommes &  communautés  qui  ont  droit 
de  pécàe  dans  les  rivières  navigables ,  font 
tenus  d'obferver  ,  &  de  faire  obferver 
l'ordonnance  par  leurs  domeftiques  &  pê- 
cheurs. 

Les  communautés  d'Jiabitans  qui  ont 
droit  de  pécAe  dans  les  rivières  navigables , 
font  obligés  de  l'affermer  ,  parce  que  fi 
chacun  avoit  la  liberté  d'aller  pêcher,  cela 
dégénéreroit  en  abus. 

La  péc/ie  ,  dans  les  petites  rivières  non 
navigables  ,  appartient  au  feigneur  haut- 
jufticier. 

Celle  des  étangs ,  foffés  ,  mares ,  appar- 
tient à  ceux  qui  en  font  propriétaires. 
yoyei  l'ordonnance  des  eaux  &  forêts , 
tit.  31,  &  la  conférence  fur  cette  ordon- 
nance. {A) 

Pèche  ,  (  Jardin.  )  fruit  à  noyau  très- 
<;onnu  ,  qui  vient  fur  le  pêchei.  Les  pêches 
varient  pour  la  grolfeur  ,  la  forme  ,  la  cou- 
leur &  le  goût  ,  félon  les  différentes  efpe- 
ces  de  pêchers.  On  diftingue  ces  fruits  en 
pêches  proprement  dites ,  qui  quittent  le 
noyau  ,  &  qui  ont  la  chair  tendre  ,  molle  , 
fucculente  ,  &  d'un  goût  relevé  ^  &  en  pa- 
vies  ou  brugnons  ,  qui  ne  quittent  pas 
le  noyau  ,  &  qui  ont  la  chair  dure  & 
fgche. 

Les  pêches  fè  divifènt  aufîi  en  pêches 
liffes  &  pêches  veloutées  :  ces  dernières 
font  en  plus  grand  nombre^  on  les  diffé- 
rencie encore  par  les  couleurs.  Il  y  a  des 
pêches  \-ai\xm%  ^  des /é'c^f^  blanches  ,  &  des 
pêches  rouges.  Les  curieux  ne  font  cas  que 
de  quinze  ou  vingt  fortes  de  pêches;  mais 
en  donnant  dans  la  médiocrité ,  on  pour- 
Toit  en  ralfembler  jufqu'à  quarante  efpe- 
<xs ,  pour  avoir  uae  plus  grande  variété 


P  E  C  37 

&  une  fuite  de  fruits  qui  fe  fùccéderoieiit 
pendant  quatre  mois.  La  pêche  veut  être 
mangée  crue  \  elle  perd  de  fà  qualité  en 
paffaut  fiir  le  feu  ,  aufîî  n'en  fait  on  guère 
ufage  dans  \e%  ofîîces  ,  qu'en  la  mettant  à 
l'eau-de-vie  :  la  médecine  ne  tire  de  jfervi- 
ces  que  des  feuilles  &  des  fleurs  du  pêcher, 
&  de  l'amande  qui  efl  dans  le  noyau  de  fbn 
fruit.  Voye[  PecheR. 

PÉCHÉ ,  f.  m.  (  Théol.  )  peccatum  ,  eft 
en  général  toute  infraélion  des  règles  de 
l'équité  naturelle  &  des  loix  pofitives  ,  de 
quelque  efpece  qu'elles  fbient. 

Saint  Auguflin ,  dans  fon  Livre  XXII , 
contre  Fauflc  le  Manichéen ,  défîmtlepêché 
une  parole ,  une  action ,  ou  un  defir  contre 
la  loi  éternelle  :  Feccatum  eft  facium  ,  vel 
diclum  ^  vel  concupitum  contra  œternam 
Legem  ;  définition  que  faint  Thomas,  & 
la  plupart  des  autres  théologiens  ont  adop- 
tée ,  mais  qWq  ne  convient  pas  au  péché 
originel. 

Le  même  père  définit  encore  le  péché  j 
voluntas  retinendi  vel  confequendi  quod 
juflitia  vetat  ,  &  unde  liberum  efl  abjline- 
re  ;  mais  cette  définition  n'eft  pas  plus 
«xaéle  que  la  première,  par  rapport  aux 
enfans. 

AufTî  la  plupart  des  théologiens  définif^ 
fènt  le  péché  une  défbbéifîànce  à  Dieu  , 
ou  une  tranfgrefîîon  volontaire  de  la  loi , 
foit  naturelle  ,  /bit  pofitive ,  dont  Dieu  eft 
également  l'autear. 

On  difiingue  plufieurs  fortes  dépêchés  ; 
1°.  du  côté  de  l'objet ,  des  péchés  de  la 
chair  &  des  péchés  de  l'efprit  :  par  péchés 
de  la  chair,  on  entend  ceux  qui  ont  pour 
objet  quelque  délectation  charnelle,  comme 


la  gourmandifè ,   la  luxure 


h  Par^ 


tchés  de 


l'efprit,  ceux  qui  fè  paffent  dans  1  intérieur  , 
comme  l'orgueil  ,  l'héréfie ,  &c,  2°.  Eu 
égard  aux  perfonnes  qu%  le  péché  offenfè  , 
on  diftingue  des /j/o^/j contre  Dieu,  con- 
tre le-prochain,  contre  foi- même.  3°.  On 
le  divifè  encore  en  péchés  de  per.fëe ,  de 
parole  &  d'aâion  j  en  péchés  d'ignorance 
&  de  foibleffe  ,  &  péchés  de  malice. 

Mais  les  divifions  les  plus  connues  ,  ifbnt 
celles  qui  diftinguent  \e péché  originel  &  le 
péché  a<ftuel.  Le  péché  originel  eft  celui 
que  nous  tirons  de  notre  origine  ,  que  nous 
apportons  en  naiifaut ,  &  dont  Adam  notip 


•5S  P  E  C 

premier  père  nous  a  rendu  coupables  .*  on 
dilpute  beaucoup  fur  fa  nature  ,  &  fur  la 
manière  dont  il  pafTe  des  pères  aux  enfans. 
Voyei  ce  que  nous  en  avons  dit  fiir  le  mot 
Originel. 

Le  péché  a6tuel  efl:  celui  que  nous  com- 
mettons par  notre  propre  volonté  :  on  le 
divife  en  péché  de  commiflîon  &  péché 
d'omifllon  ^  par  péché  de  commiflîon  on 
entend  celui  qui  eft  oppofé  à  un  précepte 
négatif  ,  comme  à  l'homicide  ,  qui  eft  op- 
pofé à  ce  commandement ,  vous  ne  tuere\ 
point.  Le  péM  d'omifîîon ,  eft  celui  qui 
eft  contraire  à  un  précepte  affirmatif  , 
comme  de  manquer  de  refpe^t  à  {qs  parens 
eft  une  aâion  oppofée  à  ce  précepte ,  hono- 
re\  votre  père  (S'  votre  mère  ;  ou  pour  s'ex- 
pliquer plus  clairement,  le  péché  de  com- 
miflîon confîfte  à  faire  ce  que  la  loi  défend, 
&  le/jÉ-c/^/d'omifllon  à  ne  pas  faire  ce  qu'elle 
prefcrit. 

Enfin  ,  le  péché  aftuel ,  foit  de  commif- 
fiou  ,  îbit  d'omifllon  ,  fe  fubdivife  en 
péché  mortel  &  en  péché  véniel.  Le  péché 
mortel  eft  une  prévarication  qui  donne  à 
l'amc  la  inort  fpirituelle  ,  en  la  privant  de 
la  grâce  fanélifiaitte  ,  &  en  la  rendant  {ù- 
jette  à  la  damnation.  Le  péché  véniel  eft 
une  faute  qui  afFoiblit  en  nous  la  grâce  de 
la  juftification ,  fans  la  détruire ,  &  qui  nous 
foumetà  la  nécefllté  de  fubir  quelques  peines 
temporelles  pour  en  obtenir  la  rémiflion. 

Quelques-uns ,  parmi  les  proteftans,  ont 
eru  que  la  différence  entre  les  péchés  mor- 
tels &  véniels  ,  tiroit  fon  origine  de  la  qua- 
lité des  perfonnes  qui  les  commettoient  j 
que  tous  les  péchés  d'un  jufte ,  quelque  énor- 
mes qu'ils  puifl'ent  être  ,  étoient  véniels  ; 
que  ceux  d'un  pécheur  ,  quelque  légers 
qu'ils  fuftent ,  étoient  mortels.  D'autres  en 
ont  fait  d  pendre  Ja  diflTérence  de  la  pure 
volonté  de  Dieu  \  mais  il  eft  clair ,  i**.  que 
tous  les  péchés  des  juftes  ne  leur  ôtent  pas 
toujours  la  grâce  ,  &  que  tous  les  pécheurs 
n'oflfenfent  pas  Dieu  dans  toutes  les  occa- 
iions  avec  le  même  degré  d'énormité  :  2°. 
qu'il  y  a  des  péchés ,  qui  par  eux-mêmes 
portent  Amplement  quelque  atteinte  à  la  vie 
ipirituelle ,  en  diminuant  le  feu  de  la  cha- 
rité ,  &  d'autres  qui ,  par  leur  propre  nature , 
éloignent  ce  feu  facré  &  donneut  la  mort  à 
l'ame. 


P  E  C 

II  n'eft  pas  facile  au  refte  de  décider  tou- 
jours ,  avec  précifion  ,  quand  un  péché  eÇt 
mortel  ou  véniel.  L'examen  de  l'iirjportance 
du  précepte  violé  ,  l'infpedion  du  degré 
de  confentement  que  donne  à  la  mauvaife 
action  celui  qui  la  commet  ,  la  confidéra- 
tion  du  tort  &  du  fcandale  que  portent  à 
quelque  membre  de  la  fociété  ,  ou  à  toute 
la  fociété  ,  les  fautes  commifes  ,  font  au- 
tant de  moyens  qui  contribuent  à  faire  con- 
noître  &  à  fpécifier  la  grandeur  &  Ténor- 
mité  des  péchés. 

Les  Stoïciens  prétendoient  que  tous  les 
péchés  étoient  égaux  entre  eux  ^  on  peut 
voir  comment  Ciceron,  dans  fes  paradoxes, 
réfute  l'abfurdité  de  cette  opinion. 

Les  anciens  Gnoftiques  &  les  Manichéens 
imaginoient  un  mauvais  principe  auteur  du 
péché.  Calvin  n'a  pas  fait  difficulté  de  l'at- 
tribuer à  Dieu ,  &  de  dire  que  Dieu  y  exci- 
toit  &  y  poulfoit  l'homme.  Les  catholi» 
ques  reconnoilfent  que  l'homme  eft  libre  \ 
que  c'eft  par  fa  feule  &  propre  détermi- 
nation qu'il  pèche ,  &  qu'alors  il  eft  jufte- 
ment  repréhenlible  d'avoir  commis  ce  qu'il 
pouvoit  ne  pas  faire ,  ou  négligé  ce  qu'il 
devoit  &  ce  qu'il  pouvoit  faire. 

Péché  ,  (  Critique  facrée.  )  C'eft  dans  le 
vieux  teftament  la  tranfgreflîon  de  la  loL 
Les  eafuiftes  hébreux  ont  des  motf  pro- 
pres pour  diftinguer  ces  diverfes  tranfgreP 
fions  j  Chataoth  comprend  les  péchés  com- 
mis contre  les  préceptes  affirmatifs  \  Afcha- 
mat  marque  les  péchés  commis  contre  les 
préceptes  négatifs  \  Schegaga  défigne  les 
/?f'c/ié'j d'ignorance , d'oubli ,  d'omifllon,  fi'c. 
Cependant ,  dans  l'écriture ,  le  mot  péché  Ce 
prend  tantôt  pour  une  tranfgreflîon  légère 
de  la  loi  ,  /  ,  Jean.  7,8,  tantôt  pour  un 
péché  très-grave  ,  comme  l'idolâtrie  , 
Thren.  /  ,    8. 

^  Péché  veut  dire  aufll  la  peine  du  péché  : 
Si  tu  fais  mal  ,  la  peine  de  ton  péché ,  pec-' 
catum ,  s'enliiivra  ,  Gen.  iv  ,  7.  Il  figni- 
fie  la  concupifcence  ,  Kom.  vij ,  20.  II 
iè  met  pour  la  viâime  offerte  en  expiatioa 
du  péché  :  Celui  qui  ne  connoilToit  point  le 
péché  5  a  été  fait  viâime  ,  peccatum  ,  pour 
It  péché  ^  II  ^  Cor.  v  ,  21.  De  même  dans 
Oiëe  j  /V  ,  8  :  ils  fe  nourriront  des  via:  - 
mes ,  comedent  peccata  ,  que  mon  peuple 
ofli-e  pour  le  péché*  Enfin  ,  ce  terme  £5 


I 


Î>E  C 

prend  pour  maladie,  Rom.  th.  v,  i!.  12. 

Péché  à  mort ,  (  Critique  facrée.  )  On 
cherche  quel  eft  ce  péché  ,  dont  faint  Jean 
dit  qu'il  eii  a  la  mort ,  /,  Ep.  v  ,•  i<5.  Il 
fèmble  que  c'eft  l'idolâtrie  :  ce  qui  confirme 
cette  idée  ,  félon  \q%  judicieufes  remarques 
d'un  critique  moderne  ,  c'eft  i**.  que  la  loi 
divine  condamnoit  l'idolâtre  à  la  mort  , 
fans  aucune  miiëricorde  ^  2®.  que  l'apôtre  , 
au  if.  20  ,  remarque  que  J.  C.  eft  venu 
pour  faire  connoître  le  fèul  vrai  Dieu  \ 
3°.  &  qu'enfin  ,  au  ^.  21  ,  l'apôtre  finit  fbn 
épître  par  ce  précepe  :  mes  petits  enfans  , 
gardez-vous  des  idoles.  Cependant ,  quand 
l'apôtre  parle  ^\xr\  péché  à.  mort^  il  n'en- 
tend pas  la  mort  éternelle  j  comme  fi  Dieu 
avoit  prononcé  contre  le  chrétien  qui  tom- 
boit  dans  l'idolâtrie  ,  c|u'il  feroit  condamné 
fans  miféricorde  à  la  mort  éternelle  ,  ians 
qu'il  pût  obtenir  fà  grâce  par  fa  repentance. 
he  i/.  16  ,  fait  voir  qu'il  ne  s'agit  que  de 
la  mort  temporelle.  Les  chrétiens  priant 
pour  les  malades  ,  &  demandant  à  Dieu 
leur  guérifon ,  ils  l'obtenoient  auffi ,  comme 
on  le  voit  par  S.  Jacques  ,  cA.  v,  if.  14 
&  fuiv.  S.  Jean  a  en  vue  cette  coutume  ,  &. 
dit  ,  qu'il  n'ordonne  point  aux  fidèles  de 
prier  pour  la  guérifon  de  ceux  qui  tom- 
boient  dans  l'idolâtrie  ,  parce  que  c'eft-là  un 
péché  qui  mérite  la  mort ,  &  ^uquel  font 
condamnés  ceux  qui  ont  connu  le  feul  vrai 
Dieu.  On  ne  demandoit  point  à  Dieu  la  vie 
de  ces  gens-là  ;  mais  on  ne  les  privoit  pas 
de  l'efpérance  du  falut  ,  s'ils  s'adrefibient  à 
J.  C.  avec  une  fincere  repentance.  Ainfi 
donc  ,  le  péché  à  mort ,  dans  S.  Jean  ,  fèroit 
V idolâtrie.  Le  péché  contre  le  S.  Efprit  pa- 
roît  être  le  blafphême  ou  l'outrage  fait  au 
S.  Efprit ,  en  attribuant ,  contre  la  conf- 
cience ,  les  miracles  à  la  vertu4|ls  démons  ^ 
c'eft  le  dernier  excès  de  l'impiété,  he  péché 
irrémiftible  de  l'auteur  de  l'épître  aux  Hé- 
breux ,  c'eft  vraifèmblablement  l'apoftafîe 
entière.  (D.  J.) 

Péché  originel,  (  Critique  facrée.  ) 
La  tradition  a  bien  varié  fur  le  péché  ori- 
ginel. Clément  d'Alexandrie  n'a  point  connu 
ce  péché  ^zomme  on  le  voit  parla  manière 
doiît  il  explique  les  paroles  de  Job ,  chap. 
xiv ,  4 ,  {èlon  la  verfion  des  feptante ,  &  celui 
du  iy:  51 ,  ^,7.  Pour  le  dernier ,  il  pré- 


PEC  39 

I  tend  que  David  parle  d'Eve ,  la  mère  du 
genre  humain  ,  qui  n'eut  des  enfans  que 
depuis  qu'elle  fut  tombée  dans  la  tranfgref- 
fion.  Voyei  Stromat ,  lih.  III ,  page  488 
&  489.  Mais  Origene  ,  diiciple  de  Clé- 
ment d'Alexandrie  ,  abandonna  l'opinion 
de  fbn  maître  ,  &  foutint  que  les  hommes 
naiifent  pécheurs  ,  comme  on  le  voit  dans 
fbn  Commentaire  fur  S.  Matthieu ,  dans  foii 
Homélie  xiv  ^  fur  S.  Luc ,  dans  l'Homélie 
xviij  ,  fur  le  Lévit  ,  &  dans  la  réponfè 
à  Celfè  ,  lié.  IV  •,  pag.  191.  Le  leé^eur 
peut  confulter  là-defTus  les  notes  de  Spencer, 
Dans  le  dernier  ouvrage  d'Origene  ,  il  cite  , 
en  faveur  de  fon  opinion  ,  le  pafTage  de  S. 
Paul  aux  Romains  ,  chap.  v ,  14.  Mais  au 
lieu  qu'il, y  a  dans  les  exemplaires  ,  &  c'eft 
en  effet  la  bonne  leçon  ,  qui  ri  ont  point 
péché  à  la  reffemblance  de  la  tranjgrejjion. 
d  Adam  ,  Origene  a  lu  ,  qui  ont  péché  à  la. 
reffemblance ,  &c.  Au  fond ,  la  raifon  d'Ori- 
gene étoit,  que  les  âmes  qui  ont  exifté  avant 
le  corps  ,  avoient  péché  avant  que  d'être  in- 
corporées. Beaufbbre ,  Remarques  critiques, 
(D.  J.) 

Péché  volontaire,  (  Critique  facrée  ) 
à,u»prri(jt.x  j  il  fèmble  que  ce  péché  foit  celui 
dans  lequel  on  perfévere  malgré  les  remon- 
trances ,  Heèr.  ch.  x.  16.  11  eft  beau  à  uij 
homme  ,  dit  l'auteur  de  l'Eccléfiafte  ,  lorf- 
qu'il  eft  repris  de  fon  péché ,  de  fb  repen- 
tir ,  car  il  évitera  par  ce  moyeu  le  péché 
volontaire  ,  "oMTjùi  yx^  {psy^g  imncv  àf/.!tpKnf/.ie. 
ch.  XX,  if.  7.  En  effet,  celui  qui  fè  repent 
lorlqu'on  lui  fait  connoître  fà  faute ,  prouve 
qu'il  a  été  furpris  -,  &  s'il  eft  véritablement 
repentant ,  il  évite  la  rechute  ,  ou  le  péché 
volontaire  ,  puifqu'il  u'ignore  plus  ni  la  na- 
ture de  l'adion  ,  ni  fa  propre  foibleiIe# 
{D.  J.) 

PECHECAL ,  terme  de  relation  ,  nom 
que  les  Indiens  donnent  aux  inondations 
qui  arrivent  chez  eux  dans  un  certain  temps 
de  l'année.  Ce  font  des  débordemens  cau- 
(és  par  les  grandes  pluies ,  &  par  la  fonte 
des  neiges  qui  font  fur  [es  montagnes.  Le 
plat-pays  en  eft  couvert ,  &  les  rivières  eu 
font  enflées  ,  comme  le  Nil  lorfqu'il  fe 
déborde  en  Egypte.  Cette  inondation  arrive 
tous  les  ans  aux  Indes ,  pendant  les  mois  de 
juillet  ,  Août  ,  feptembre  &  odobre» 
ip.J.) 


'40  P  E  C 

PECHEM,  f.  m.  (  Mat,  méd,  des  anc,  ) 
nom  donné  par  les  Grecs  modernes  à  la  ra- 
cine qu'Avicenne  &  Sérapion  appellent  be- 
hem.  La  defcription  qu'ils  en  font ,  leur 
dilHnftion  en  pechem  rouge  &  blanc,  les 
vertus  qu'ils  leur  prodiguent ,  font  celles  du 
hekem  dans  les  auteurs  Arabes.  Myrepfe  , 
qui  traite  de  cette  plante  ,  en  rapporte 
les  mêmes  chofes  qu'Avicenne  ,  &  nom- 
mément que  le  pechem  étoit  une  racine 
ligneufe  ,  extrêmement  ridée  fur  toute  fa 
furface  ,  à  caufe  de  la  grande  humidité 
de  fa  tiflure  ,  qui  s'exhaloit  en  la  faifant 
fécher  très-promptement.  D'ailleurs  ,  on 
voit  bien  que  pechem  eft  formé  de  behem  , 
en  changeant  le  b  en  p'-,  ce  qui  eft  arrivé 
fréquemment ,  &  en  afpirant  h  en  x ,  ou 
ch  ,  ce  qui  n'eft  pas  moins  commun. 
(D,J.) 

PECHER  ,  f.  m.  perjtca  ,  (  Hift.  nat. 
Sotan.  )  genre  de  plante  à  fleur  en  rofë  , 
compofée  de  plufieurs  pétales  difpofés  en 
rond.  Ce  piftil  fort  du  calice ,  &  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  charnu  prefque  rond  , 
Se  fîUonué  dans  fa  longueur.  Ce  fruit  ren- 
ferme un  noyau ,  qui  a  fur  fa  furface  de 
petites  folles  aflez  profondes  ,  &  qui  ren- 
ferme une  amande  oblongue.  Ajoutez  aux 
caractères  de  ce  genre  ,  le  port  de  chacune 
des  efpeces.  Tournefort ,  Inji.  rei  herb.  V. 
Plante.  (/) 

Pèche  ,  {Bot,  Jard,)  en  latin  ,  perfica, 

CaraSere  générique, 

t,a  fleur  du  pêcher  eft  androgyne  ^  elle 
eft  compofée  ,  i**.  d'un  calice  en  forme 
de  godet ,  percé  par  le  fond  ,  divifé  en 
-cinq  découpures  ou  fegmens  obtus  ,  qui 
s'étendent  jufqu'à  la  moitié  du  calice ,  & 
fe  renvcrfent  fur  le  godet  ;  i°.  de  cinq  , 
&  quelquefois  de  fix  pétales ,  difpofés  eu 
rofè  5  &  creufés  en  cueilleron  ^  3*.  de  vingt 
à  trente  étamines  attachées  aux  parois  inté- 
rieures du  calice  ^  &  grouppées  par  quatre 
ou  fix  entre  chaque  divifion  :  elles  font  ter- 
minées par  des  fommets  en  forme  d'olive  j 
4°.  d'un  piftil  formé  d  un  embryon  arrondi , 
liffe  ou  velu ,  félon  l'efpece ,  &  d'un  flylede 
la  longueur  des  étamines  ,  furmonté  d'un 
ftigmate  obtus.  L'embryon  devient  un  fruit 
trcs-fucculent ,  dont  la  chair  environne  uu 


PEC 

gros  noyau  ligneux, fort  dur  &  comme  ruf^ 
tiqué  ,  ou  crcufé  de  filions  irréguliers ,  qui 
renferme  une  amande  amere. 

On  peut  comprendre  les  elpeces  de  pê- 
ches dans  quatre  claffcs  ^  i^.  celles  dont  lir 
peau  eft  velue  ,  &  dont  la  chair  fe  détache 
facilement  de  la  peau  &  du  noyau  \  ce  font 
les  pêches  proprement  dites  :  2°.  celles  dont 
la  peau  eft  velue ,  mais  dont  la  chair  ne 
quitte  ni  la  peau  ,  ni  le  noyau  ^  on  les 
nomme  pavies  :  3°.  celles  dont  la  peau  cfl: 
violette ,  lifte  &  fans  duvet ,  &  dont  la  chair 
quitte  le  noyau  ^  ce  font  les  pêches  via- 
lettes  :  4°.  celles  dont  la  peau  eft  violette  , 
liffe  &  fans  duvet ,  &  dont  le  noyau  eft  ad- 
hérent à  la  chair  j  elles  £e  nomment  bru-^ 
gnons. 

Si  les  botaniftes  pouvoient  fe  flatter 
d'avoir  fuivi  les  divifions  de  la  nature  , 
d'avoir  faifi  les  vrais  caraéîeres  par  lefquels 
elle  a  diftingué  les  efpeces  ,  ou  d'avoir  au 
moins  marqué  fur  leur  foible  eftampe  (qu'on 
me  pafte  cette  exprefîion  )  la  fuite  des  nuan- 
ces qu'elle  a  miles  dans  le  grand  tableau  de 
fes  ouvrages ,  il  faudroit  refpeder  leurs  fyf- 
têmes  comme  l'ombre  du  fien  f,  mais  s'il  étoit 
vrai  qu'ils  fuflent  nés  ,  pour  la  plupart  , 
d'une  forte  d'orgueil  philofophique  qui  fe 
plaît  à  appeller  tous  les  êtres  exiftans  ,  pour 
les  ranger  à  fes  loix  arbitraires  j  s'il  étoit 
vrai  encore  que  les  nomenclatures  n'euflTeut 
guère  ,  julqu'à  prélènt ,  d'autre  mérite  que 
celui  d'une  mémoire  artificielle  ,  non  feu- 
lement nous  ferions  en  droit  de  ne  pas  les 
regarder  comme  d'infaillibles  règles ,  mais 
nous  devrions  même  nous  en  écarter ,  tou- 
tes les  fois  qu'en  ralfemblant  trop  d'efpeces 
fous  le  même  genre  ,  elles  jettent  de  la 
confufion  dans  l'efprit  ,  ou  lorfqu'elles  n'ont 
aucun  égard  à  des  variétés  qui  nous  paroif- 
fent  elFenlèelles ,  à  caufe  de  leur  utilité  ou 
de  leur  agrément.  Ainfi  ,  quoique  M.  le 
Baron  Von  Linné  n'ait  fait  qu'un  genre 
de  l'amandier  &  du  pécher  ^  nous  croyons 
devoir  les  diftinguer  ,  non-feulement  parce 
qu'il  fe  trouve  des  difterences  aflez  mar- 
quées entre  les  organes  de  la  fructification 
&  les  fruits  de  ces  deux  arbres  ,  mais  encore 
en  faveur  des  efpeces  &  des  variétés  lî 
nombreufes  des  pêches  qui  font  nos  déli- 
ces. Qu'un  botanifte  infatigable  gravifle 
contre  les  rochers  pour  y  caradtérifer  les 

eipecea 


P  E  C 

«efpecés  de  Thumble  famille  àes  mouflTes, 
nous  louons  (es  travaux  qui  enrichifTent 
l'hiftoire  naturelle  de  nouvelles  connolf- 
iànces  ,  &  qui  achèvent  de  développer  la 
chaîne  végétale  ;  nous  nous  intérefîbns 
même  d'autant  plus  à  Tes  découvertes  ,  que 
l'objet  de  fes  obfervations  laifTe  moins  de 
prife  aux  fens  ,  &  que  l'anneau  dont  il 
s'occupe  ,  eft  précifément  celui  qui  paroît 
lier  les  êtres  bruts  aux  êtres  organilés  :  mais 
qu'il  nous  permette  ,  à  Ion  tour  ,  de  nous 
afTeoir  à  l'ombre  des  arbres  fruitiers  ,  & 
ée  diffinguer  avec  foin  leurs  utiles  &  belles 
productions  ,  quand  même  elles  ne  nous 
offriroient  de  diveriité  que  dans  le  coloris 
6c  la  faveur.  Et  quel  fruit  mérite  plus  notre 
attention  que  la  pêche  ?  Sa  beauté  ,  qui 
réunit  l'éclat  des  fleurs  au  velouté  d'une 
peau  délicate  ,  attire  &  charme  les  regards  ; 
ion  eau  abondante  ,  où  fe  mêlent  &  fe 
tempèrent  le  fucre  ,  l'acide  &  le  parfum  , 
eu  la  plus  agréable  liqueur  dont  la  nature 
nous  ait  fait  don.  Ce  fruit  nous  inféreffe 
encore  à  d'autres  titres  ;  il  cû  ,  pour  ainii 
dire  ,  notre  ouvrage.  Que  la  pêche  foit  ori- 
ginaire de  la  Perlé  ;  qu'elle  ait  palîé  de 
cette  contrée  en  Egypte  ,  &  delà  dans  le 
Péloponefe  ,  c'eft  ce  que  nous  ne  préten- 
dons pas  contefler  ;  mais  Pline  n'en  comp- 
toit  encore  que  quatre  eipeces  ;  de  fon 
temps  ,  une  feule  pêche  fe  vendoit  jufqu'à 
trente  feflerces  :  plus  heureux  que  les  Ro- 
mains ,  nous  en  avons  raflemblé  jufqu'à 
quarante  efpeces  ,  qui  fe  le  difputent  par 
leur  bonté,  leur  volume  &  leur  coloris  ,  fans 
compter  une  foule  d'autres  que  nos  richefîès 
nous  font  négliger.  Les  pêches  font  deve- 
nues de  nos  jours  ii  communes ,  que  leur 
prix  n'excède  pas  les  facultés  des  moin- 
dres citoyens  ;  &  toutes  leurs  variétés , 
nous  avons  achevé  de  les  perfedionner  par 
la  greffe  ,  par  la  culture  &  par  la  taille  , 
après  les  avoir  créées  dans  nos  pépinières. 
La  naiflance  du  pavie  de  Pomponne ,  dit 
M.  Duhamel  du  Monceau  ,  de  la  pêche 
d' Andiily  ,  de  La  belle  de  Vitry ,  de  la  chan- 
celiere  ,  de  la  madeleine  de  Courfon  ,  &c. 
ne  remonte  pas  à  des  temps  fort  éloigaés 
du  nôtre  ,  &  il  eft  au  moins  vraifem.blable 
que  les  autres  bonnes  pêches  ne  nous  ont 
pas  été  envoyées  du  jardin  d'Eden.  Nous 
commencerons  par  donner  une  courte  àQi-- 
Tome  XXV. 


P  E  C  41 

cription  de  tous  les  pêchers  :  nous  imagi- 
nons que  c'efl:  une  des  connoifTancesqu'on 
trouvera  avec  le  plus  de  plaifir  dans  cet 
article  ;  il  contient  de  très-bons  préceptes 
pour  l'éducation  ,  la  plantation  &  la  cul- 
ture de  cet  arbre  fruitier  ,  ainfi  qu'un 
petit  nombre  de  principes  fur  fa  taille ,  qui 
paroît  iafuiïifant^  maintenant  que  le  jardi- 
nage efl  plus  en  honneur  que  jamais  ;  &  que 
lesj!?é'<:Aerj's'énorgueilh(î'ent,pour  ainlî  dire, 
d'être  foignés  par  de  nobles  mains ,  &  fera- 
blent  redoubler  de  fertlHté  fous  les  mains  dé- 
licates de  nos  Dames  ,  qui  ne  dédaignent  pas 
de  les  tailler  elles-mêmes.  Si  nous  avons  plus 
de  raifons  pour  nous  étendre  que  n'en  avoit 
l'eflimable  auteur  du  premier  article  ,  nous 
avons  aufTi  bien  plus  de  reffources  qu'il 
n'en  avoit ,  par  tout  ce  que  nous  pourrions 
puifer  dans  nombre  d'excellens  ouvrages 
que  ,  depuis  peu ,  l'on  a  imprimés  fur  la  cul- 
ture du  pêcher  ;  mais  c'eft  précifément  cette 
abondance  qui  nous  contramt  de  nous  ref^ 
ferrer  dans  d'étroites  bornes  :  feroit-ii  pof^ 
fible  de  tranfcrire  des  volumes  ?  quel  fyf- 
tême  adopterions  -  nous  ?  Nous  pourrions 
nous  éviter  le  reproche  d'avoir  préféré  une 
méthode  exclufivement  à  toutes  les  autres. 
En  effet ,  ne  nous  le  diffimulons  pas ,  il 
n'y  en  a  peut-être  encore  pas  une  qui  ait 
atteint  à  fa  perfedion  ,  &  le  temps  n'efl 
pas  venu  où  ,  en  raflemblant  fîir  cet  objet 
toutes  les  lumières  acquifes  ,  on  pourra  en 
tirer  des  principes  généraux,  dont  l'appli- 
cation ,  faite  par  un  cultivateur  intelligent , 
fe  prêtera  à  chaque  terroir ,  à  chaque  cli- 
mat ,  moyennant  les  modifications  conve- 
nables. Jufqu'icila  plupart  de  ces  méthodes 
ne  paroiifent  pas  fe  plier  également  à  toutes 
les  circonffances  locales.  Nous  nous  con- 
tenterons de  renvoyer  le  ledeur  au  Traite 
de  la  culture  du  pêcher  ,  de  M.  de 
Combes  ,  au  livre  de  l'abbé  Roger  Shabol , 
&  à  un  petit  Traité  excellent  qu'une  Ib- 
ciéfé  d'amateurs  vient  de  donner  en  dernier 
lieu  au  public ,  où  l'on  verra  l'art  de  la  taille 
fournis  y  pour  ainfi  dire  ,  aux  règles  de  ia 
géométrie  :  on  lira  auffi  avec  fruit  ce  que 
Thomas  Hilt  ,  dans  un  ouvrage  fur  les 
arbres  fruitiers  ,  a  dit  du  pêcher  ;  mais  nous- 
recommandons  iinguliérement  la  ledure  des 
principes  génér-aux  de  la  taille  ,  qui  fe  trou- 
vent dans  le  TraUé  des  arbres  fruitiers  de 


41  P  E  C 

M.  Duhamel  du  Monceau  ,  où  la  méthode 
du  frère  Philippe  ell  rapportée.  Le  fage  aca- 
démicien n'en  adopre  aucune ,  il  n'oie  même 
en  propofer  une  nouvelle.  Quelle  pré- 
fomption  à  nous  ,  û  nous  efTayons  de  don- 
ner une  feule  de  nos  idées  fur  la  taille  du 
pêcher  !  Qui  ne  fait  que  cette  feule  partie 
du  jardinage  demande,  à  quiconque  veut 
y  faire  quelques  découvertes  ,  une  occupa- 
non  prefque  unique  ,  &  l'expérience  d'un 
grand  nombre  d'années  ?  II  ne  s'agit  pas 
de  moins  que  de  fuivre  un  pécher  depuis  fa 
greffe  jufqu'à  fa  mort ,  ou  du  moins  fa  ca- 
ducité ,  que  doivent  retarder  des  foins  in- 
telligens.  Nous  nous  bornerons  donc  à 
rapporter  à  la  fuite  des  efpeces  le  principe 
premier  de  la  taille  du  pécher  ,  pris  de  fa 
^onttim'ion  particulière;  la  méthode  de 
Miller  ,  parce  qu'elle  ne  fe  trouve  dans 
aucun  ouvrage  françois  de  notre  connoif- 
lance  ;  quelques  particularités  peu  connues 
ou  trop  négligées  de  la  culmre  de  cet  arbre , 
&  les  doutes  de  M.  Duhamel  du  Monceau 
iur  la  taille  que  ks  habitans  de  Montreuil 
mettent  en  ufage. 

Efpeces. 

Nous  avons  rapporté  au  genre  de  l'aman- 
dier  un  arbuftc  à  Heurs  doubles  ,  que  M. 
Duhamel  du  Monceau  appdk  perjica  Afri. 
^'^^■Sii^u^^^  '  ^^^^  ^^(^^rnato  ^  pleno  ,  flerili. 

Miller  )ç  range  auffi  parmi  les  pêchers  ; 
mais,  comme  on  ne  peut  connoître  forî 
vrai  genre ,  parce  qu'il  ne  frudifie  pas  ,  & 
comme  il  e/i  généralement  connu  fous  le 
nom  à^amandier  nain  à  fleurs  doubles  y 
ïl  ef{  au  moins  auffi  bien  placé  qu'il  le 
leroit  ici. 

Efpeces  Jimplement  curieufes. 

Pécher  à  fleur  femi-douhle.  Ctt  arbre  , 
par  l'éclat  &  l'abondance  de  ïts  fleurs  d'un 
rofe  vif,  eftleplus  beau  de  ceux  qui  déco- 
rent le  printemps  :  il  ell  peu  fertile  ;  ks, 
fruits  ne  font  pas  beaux  ,  mais  ils  font 
p^fTablement  bons  :  ils  mûriiTent  à  la  fin 
de  Septembre. 

Pêche-noix.  Cette  pêche  ne  mûrit  que 
fort  tard  dans  les  automnes  chauds  &  fecs  : 
fouvent  elle  ne  mûrit  pas  du  tout  ;  ainfi 
l'arbre  mérite  peu  d'être  cultivé. 

Pêche-amande.  Ce  pêcher  ne  peut  être 


P  E  C 

admis  dans  les   très-grands  jardins  qu'en 
faveur  de  la  variété. 

Pêcher-nain,  Ce  pêcher  ne  devient  pas 
plus  grand  qu'un  pommier  greffé  fur  para- 
dis, de  forte  qu'on  l'éieve  quelquefois  dans 
un  vafe  pour  le-fervir  avec  fon  fruit  fur  la 
table.  Les  boutons  font  prefque  les  uns  fur 
ks  autres  ,  comme  les  écailles  de  poilfons  ; 
ks  grandes  fleurs  font  rangées  autour  de 
la  branche  ,  &  tellement  ferrées  ,  qu'elles 
n'en  laifîent  rien  entrevoir  :  une  branche 
longue  de  trois  pouces  en  porte  jufqu'à 
quarante  ou  quarante-cinq  ,  &  forme  le 
plus  joli  feflon  :  les  feuilles  font  grandes  & 
belles  :  le  fruit  ell  rond  ,  alTcz  gros  &  abon- 
dant. Un  de  ces  petits  pêchers  ,  dont  la 
tête  n'a  que  neuf  ou  dix  pouces  d'étendue  , 
en  porte  jufqu'à  huit  ou  dix  :  leur  peau 
efl  rarement  colorée  ,  leur  eau  n'elt  pas 
agréable  :  ils  mûriflent  vers  la  mi-odobre. 

Efpeces  qiion  cultive  pour  la  honte   de 
leurs  fruits. 

Avant-pêche  blanche.  Les  bourgeons  de 
ce  pêcher  font  menus  &:  verts  comme  les 
feuilles  :  les  feuilles  font  longuettes,  rele- 
vées de  boffes  ,  pliées  en  gouttières  ,  &  re- 
courbées en  différens  (ens  ;  les  fleurs  font 
très-grandes  &  prefque  blanches  ;  le  fruit 
n'eft  pas  plus  gros  qu'une  noix  ;  fa  peau  eit 
blanche  ,  fa  chair  efl  fine ,  fon  eau  ell  très- 
fucrée  ;  elle  a  un  parfum  mufqué  qui  la 
rend  très-agréable.  Cette  pêche  ell  la  plus 
hâtive  de  toutes  ",  elle  mûrit  quelquefois  dès 
le  commencement  de  juillet. 

Avant-pêche  rouge.  Avant  -pèche  de 
Troyes.  Ce  pêcher  donne  peu  de  bois  & 
beaucoup  de  fruit  \  les  bourgeons  font  rou- 
ges &  menus  ;  fes  feuilles  font  d'un  vert 
jaunâtre  ,  &  froncées  près  de  la  nervure 
du  milieu  ;  fes  fleurs  font  grandes  &  de 
couleur  rofe  :  fon  fruit  ell  plus  gros  que  le 
précédent  ;  il  ell  rond  ;  la  peau  ell  colorée 
d'un  vermillon  fort  vif  du  côté  du  foleil  ; 
la  chair  ell  fondante ,  l'eau  ell  fucrée  &  muf- 
quée  :  cette  pêche  ne  mûrit ,  aux  meilleures 
expofitions  ,  qu'à  la  fin  de  juillet  ou  au 
commencement  d'août  ;  de  forte  qu'il  faut 
mettre  la  première  efpece  à  diUérens  afpeds , 
afin  de  remplir  l'intervalle  entre  elle  & 
celle-ci. 

Double  de  Troyes.  Pêche  de  Troyes* 


P  E  C 

Petite  m'ignone.  Les  bourgeons  de  ce  pê- 
cher font  rouets  du  cote  du  foleil ,  &  verrs 
de  l'autre;  Tes  fleurs  ,  très- peti tes  ,  le  dil- 
tinguent  bien  de  l'avant-pêche  rouge  ;  fon 
fruit  elt  une  fois  plus  gros  :  la  peau  eil  teinte 
d'un  beau  rouge  très -foncé  du  c<5té  du 
foleil  ;  du  côté  de  fombre  ,  elle  ti\  d'un 
blanc  jaunâtre  un  peu  tiqueté  de  rouge  ; 
c'eft  une  bonne  pêche.  Sa  maturité ,  qui 
arrive  vers  la  fin  d'août ,  concourt  avec  celle 
des  dernières  avant-pêches  rouges. 

Apiint-pêche  jaune.  L'arbre  reflembic  en 
tout  au  fsivant ,  hors  par  fon  fruit  :  il  efr 
moins  gros  que  la  double  de  Troyes  , 
&  mûrit  en  même  temps.  Un  gros  mame- 
lon pointu  &  recourbé  ^  en  forme  de  capu- 
chon ,  le  termine  par  la  tète.  Le  côté  du 
foleil  eft  d'un  rouge-brun  foncé  ,  le  côté 
oppofé  eft  d'un  jaune  doré  ;  la  peau  ell 
par-tout  couverte  d'un  duvet  épais  ;  la 
chair  eft  jaune  ,  fine  &  fondante  ,  &  l'eau 
douce  &  fucrée. 

Alberge  jaune.  Pêche  jaune.  Ce  pêcher 
noue  fort  bien  fon  fruit  ;  les  bourgeons  font 
d'un  rouge  foncé  du  coti  du  foleil  ;  les 
feuilles  font  d'un  vert  approchant  de  la 
feuille  morte  ,  &  rougifîènt  en  automne  : 
les  fleurs  font  petites  &  d'un  rouge  foncé; 
mais  quelquefois  on  trouve  ce  pêcher  à 
grandes  fleurs  :  le  truit  eft  un  peu  plus  gros 
que  la  petite  mignonne  ,  rouge  du  côté  du 
foleil ,  jaune  du  côté  oppofé  :  la  chair  efî 
d'un  jaune  vif,  pâteufe  dans  les  terres  fe- 
ches ,  ou  lorfque  l'arbre  efî  languifîant  :  l'eau 
cil  fucrée  &  vineufe  ,  lorfque  le  terrain  n'ell 
pas  trop  humide  ,  &  que  le  fruit  a  acquis 
toute  fa  maturité  fur  l'arbre.  Cette  pêche 
mûrit  vers  la  fin  d'août ,  après  la  double 
de  Troves  &  l'avant-pêche  jaune. 

Rojjanne.  Ce  pêcher  ti\  une  variété  de 
1  alberge  jaune  ;  les  feuilles  font  un  peu 
plus  larges  ,  &:  fouvent  froncées  auprès  de 
la  grande  nervure  :  fes  fruits  font  un  peu 
plus  gros  ,  plus  arrondis  ,  &  moins  hâtifs  ; 
ils  fe  terminent  en  pointe  très-aiguè'. 

Pavie-alberge.  Perfais  d'Angoumois.  La 
chair  de  ce  pavie  efl  un  peu  jaune ,  très- 
fondante  :  fa  peau  efl  d'un  rouge  très-foncé 
du  côté  du  foleil.  Ce  iruit ,  qui  mûrit  vers 
la  fin  de  feptembre ,  ell  excellent  en  An- 
goumoîs. 

Madtlaiae  blanche.  Cet  arbre  efl  très- 


P  E  G  45 

fenfible  aux  gelées  du  printemps  ;  fes  bour- 
geons font  d'un  vert  pâle  ,  quelquefois  un 
peu  rougeâtres  du  cbti  du  foleil;  leur  moelle 
eft  prefque  noire  ;  les  feuilles  font  grandes  ; 
i^QS  fleurs  ,  grandes  &:  d'un  rofe  pâle ,  pa- 
roiflent  de  bonne  heure  :  fon  fruit  eft  d'une 
belle  grofleur  ;  la  peau  efl  fine  ,  elle  efl  pres- 
que par-rout  d'un  blanc  tirant  fur  le  jaune  :  du 
côté  du  foleil ,  elle  eft  fouettée  d'un  peu  de 
rouge  tendre  &  vif  dans  les  terrains  &  aux 
expofitions  convenables  :  ant  pêche  efl  dé- 
licieufe.  Sa  maturité  eft  vers  la  mi-août.  Il 
y  a  une  variété  de  ce  pêcher  qu'on  pour- 
roit  nommer  petite  madelaine  blunclic. 

Pai'ie  blanc.  Pavie  -  madelaine.  Ce  pavie 
reflemble  beaucoup  à  la  pêche  précédente. 
La  moelle  àts  bourgeons  eft  blanche  ;  Çts 
fleurs  font  très-pâles  ;  fes  feuilles  font  pref- 
que tomes  un  peu  froncées  fur  l'arête.  La 
peau  du  fruit  ell  toute  blanche  ,  excepté  du 
coté  du  foleil  ,  où  elle  efl:  marbrée  de  très- 
peu  de  rouge  vif.  Sa  chair  cft  ferme  & 
adhérente  au  noyau  ,  comme  celle  de  tous 
les  pavies  :  fon  eau  efl  aflez  abondante  & 
très-vineufe  ,  lorfque  le  fruit  efl  bien  mûr  ; 
ee  qui  le  fait  eflimer  de  ceux  qui  ne  hailTent 
pas  les  fruits  fermes.  Il  eft  très-bon  confit , 
tant  au  fucre  qu'au  vinaigre  :  il  mûrit  au 
commencement  de  feptembre. 

Pêche-Malte.  Qt  pêcher  t^  aflez  vigou- 
reux &  fécond  ;  la  moelle  des  bourgeons 
eft  un  peu  brune  :  fes  feuilles  font  den- 
telées plus  profondément  que  celles  de  la 
madelaine  blanche  ,  &  moins  que  celles 
de  la  madelaine  rouge.  La  peau  du  fruit 
prend  du  côté  du  foleil  un  rouge  ordinaire- 
ment marbré  de  rouge  plus  foncé  :  fa  chair 
efl  blanche  &  fine  ,  Ion  eau  un  peu  rauf- 
quée  &  très-agreable.  Le  temps  de  fa  ma- 
turité eft  un  peu  après  la  madelaine  rouge. 

Véritable  pourprée  hâtive  à  grandes  fleurs. 
Ce  pêcher  eft  vigoureux  &  fertile  ;  ^^^ 
bourgeons  font  forts  &  médiocrement  longs; 
fes  feuilles  font  terminées  en  pointes  très- 
aiguës  ;  lès  fleurs  font  d'un  rouge  aflez  vif, 
&  s'ouvrent  bien.  Le  fruit  eft  gros,  &  divifé 
par  une  rainure  large  ,  fuivant  là  hauteur. 
La  peau  eft  couverte  d'un  duvet  épais,  elle 
eft  d'un  beau  rouge  foncé  du  côté  du  foleil; 
l'autre  côté  eft  tiqueté  de  très-petits  points 
d'un  rouge  vif  La  chair  eft  fine  &  très- 
fondante  ;  l'eau  eft  abondante ,  excellente  & 

Fi 


44  P  E  C 

très-fine.  Cette  belle  pêche  ,  qui  peut  être  ' 
regardée  comme  une  des  meilleures,  mûrit 
dans  le  commencement  d'août ,  ordinaire- 
ment avRnt  la  madelaine  blanche. 

.  Pourprée  tardive.  Ce  pêcher  ell:  vigou- 
reux ;  les  bourgeons  font  gros  ;  les  feuilles 
font  grandes  ,  dentelées  rrès-légérement  . 
froncées  fur  l'arête  ,  pliées  &  contournées 
en  djfférens  fens  :  les  fleurs  font  très-petites; 
le  fruit  elt  rond  &  gros  :  la  gouttière  efl 
un  peu  marquée  ;  la  peau  eil  teinte  d'un 
rouge  vif  &  foncé  du  côté  du  foleil  ;  le 
côté  de  l'ombre  eft  de  couleur  jaune-paille  : 
la  chair  ti\  fucculente  ,  très-rouge  près  du 
noyau  ;  l'eau  ef[  douce  &  d'un  goût  re- 
levé :  fa  maturité  eil  au  commencement 
d'odobre.  Merlet  l'a  confondu  avec  la 
mignonne. 

Mignonne.  GroJJe  mignonne.  Veloute'e  de 
Merlet.  L'arbre  eÛ  vigoureux  ,  donne  beau- 
coup de  fruits  ,  &  pouffe  affez  de  bois  :  Ces 
bourgeons  font  minces  &  fort  rouges  du 
côté  du  Ibleil  ;  (hs  feuilles  font  grandes  , 
d'un  vert  foncé ,  dentelées  finem*ent  &  lé- 
gèrement :  les  iieurs  font  grandes,d'un  rouge 
vif;  ion  fruit  ell  gros  ,  bien  rond  ,  divilé 
par  une  gouttière  profonde  ,  ayant  Ibuvcnr 
un  de  [es  bords  plus  relevé  que  l'autre.  La 
queue  elt  11  courte  &  fi  enfoncée  dans  une 
cavité  large  &  profonde  ,  que  la  branche 
fait  impreifon  fur  le  fruit.  La  peau  eil  fine 
&  comme  fatinée  ;  elle  eil  d'un  rouge-brun 
foncé  du  côté  du  foleil  ;  du  côté  de  l'om- 
bre ,  elle  eft  d'un  vert  clair  tirant  fur  le 
jaune.  Cette  pêche  eil  fort  bonne  :  elle 
mûrit  un  peu  plus  tard  que  la  madelaine. 

Pourprée  hâtiie  vineufe.  L'arbre  eff  affez 
vigoureux  &  très-fertile  ,  il  n'efl  pas  déli- 
cat fur  i'expofition  :  les  bourgeons  font 
longs  ,  plians  &  menus  ,  d'un  rouge  foncé 
du  côté  du  ibleil  :  les  fleurs  font  grandes  & 
d'un  rouge  vif  ;  les  feuilles ,  d'un  vert  foncé, 
font  plus  grandes  que  celles  de  la  grofîe 
mignonne  :  le  fruit  efl  d'une  belle  groifeur , 
rond  ,  un  peu  applati  par  le  bout  ,  &  di- 
vifé  en  deux  par  une  gouttière  profonde  : 
l'eau  efl  d'un  rouge  très-foncé,  même  aux 
endroits  qui  né  font  pas  frappés  du  loleil  ; 
la  chair  efl  fine  ,  &  n'efl  jamais  pâteufe  ; 
l'eau  efl  abondante  ,  vineufe  ,  quelquelxiis 
aigrelette  ,  fur-tout  dans  les  terrains  froids. 

Mourdin.  Bourdins.  Narhonne^  Ce  pê- 


P  E  C 

cher  efl  grand  &  vigoureux  ,  il  fe  met  aîf^- 
raent  à  fruit  ;  il  en  porte  quelquefois  trop  y 
&  alors  il  faut  en  retrancher  une  partie  i 
il  réufiit  très-bien  en  plein  vent,  où  il  donne 
du  fruit  plus  petit ,  mais  plutôt  &  plus  excel- 
lent qu'en  efpalier  :  (ts  feuilles  font  très- 
grandes  ,  unies  &  d'un  beau  vert  ;  Ces  fleurs 
font  petites  ,  couleur  de  chair  ,  bordées  de 
carmin.  Son  fruit  efl  prefque  rond  ,  divifé 
par  une  gouttière  très-large  &  affez  pro- 
fonde ,  fouvent  bordée  d'une  lèvre  plus 
relevée  que  l'autre  bord  ;  le  côté  oppofé  à 
la  gouttière  efl  applati  ou  enfoncé  :  fa  peau: 
efl  colorée  d'un  beau  rouge  foncé  :  fa  chair 
efl  fine  &  fondante  ;  fon  eau  efl  vineufe  & 
d'un  goût  excellent  :  la  maturité  de  cette 
belle  &  bonne  pêche  efl  vers  la  mi-fcp- 
tembre. 

Chevreufe  hâtive.  Ce  pêcher  eu  très- vi- 
goureux &  donne  beaucoup  de  fruits  :  fes 
feuilles  font  grandes  &  fe  phent  en  gout- 
tière ;  fes  fleurs  font  petites  ;  fon  fruit  efl 
d'une  belle  groffeur  ,  un  peu  alongé  ,  divifé 
par  une  gouttière  très-fenfible  ,  bordée  de 
deux  lèvres  ,  dont  l'une  efl  plus  relevée  que 
l'autre  ;  il  ell  fouvent  parfemé  de  petites 
boffes  ,  fur-tout  vers  la  queue  ,  &  il  efl  ter- 
miné par  un  mamelon  pointu  ,  ordinaire- 
ment afléz  petit  :  fa  peau  du  càté  du  foleil  a 
un  coloris  rouge,  vif  &  agréable  :  fà  chair 
ell  blanche  ,  fine  ,  très-fondante  :  fon  eau 
efl  douce ,  fucrée  &  de  fort  bon  goût. 

Pêche  d'Italie.  C'efl  une  variété  de  la 

chevreufe  hâtive;  l'arbre  efl  très-vigoureux^ 

on  ne  connoît  aucun  pêcher  qui  pouffe  des 

.bourgeons  auffi  longs  &  aufîi  forts  :  le  fruit 

efl  plus  tardif  que  le  précédent. 

Belle  chevreufe.  L'arbre  reffemble  en 
tout  à  celui  de  la  chevreufe  hâtive  ;  le  fruit 
efl  alongé  ;  la  gouttière  n'efl  très-fenfible 
que  vers  les  extrémités  ,  fur-tout  à  la  tête  , 
où  l'on  apperçoit  une  fente  &:  un  mame- 
lon pointu.  La  cavité  au  fond  de  laquelle 
s'attache  la  queue ,  efl  prefque  toujours  bor- 
dée de  quelques  bofïès  ;  il  efl  afléz  ordinaire 
d  en  appercevoir  quelques-unes  répandues 
iur  le  fruit  :  lorfque  cette  pêche  efl  bien 
mûre ,  fa  peau  efl  jaune  prefque  par-tout ,  ex- 
cepté du  côté  du  foleil  où  elle  prend  un  rouge: 
clair  &  brillant  :  fa  chair  n'efl  ordinairement 
ni  très-fondante ,  ni  très-délicate  :  fon  eau  efl. 
fucrée  ôc  affez  agréable  :  cette  pêche  mûrit 


P  E  C 

avec  la  mignonne  vers  le  commencement 
de  feptembre. 

VtntabU  chanceliere  à  grande  fieiir.  Ct 
pêcher  reffemble  beaucoup  à  celui  de  la  che- 
vreufe.  S^s  fleurs  font  grandes  :  Ton  fruir 
eft  d'une  belle  grofleur,  un  peu  moins 
alongé  que  la  chevreufe  :  il  eft  divifé  en 
deux  héraifpheres  inégaux,  par  une  rainure 
qui  n'a  de  profondeur  que  près  de  la  queue  ; 
à  la  tête  on  voit  un  rrès-petit  mamelon  ; 
le  côté  oppofé  à  la  rainure  efl  applari  ;  fa 
peau  efl:  d'un  beau  rouge  du  côté  du  foleil  ; 
Ion  eau  eft  fucrée  &  excellente  :  elle  mûrit 
au  commencement  de  feptembre  ,  après 
la  belle  chevreufe.  Ces  deux  pêches  ne  fe 
diftinguent  que^par  la  fleur  &  le  temps  de 
la  maturité  du  fruit.  T3ans  plufieurs  jardins  , 
on  trouve  pour  la  chanceliere  une  variété 
de  la  chevreufe  qui  a  la  fleur  petite  ,  &le 
fruit  un  peu  plus  rond  &  moins  hâtif. 

Chevreufe  tardive  ,  pourprée.  L'arbre  efl 
vigoureux  &  charge  beaucoup  :  ce  qui  oblige 
d'éclaircir  lé  fruit  afin  qu'il  devienne  plus 
beau  :  fes  bourgeons  font  rouges  du  côté  du 
Ibleil  ;  (es  fleurs  font  petites  ,  de  couleur 
rouge-brun.  Le  fruit  efl:  un  peu  alongé  , 
d'une  bonne  grofléur  ;  fa  peau  efl  un  peu 
verdârre  du  côté  du  mur ,  &  d'un  très-beau 
rouge  du  côté  du  foleil  ;  fon  eau  efl  excel- 
lente :  cette  pcche  mûrit  à  la  fin  de  lep- 
tembre.  Il  y  a  des  chevreufes  très-tardives 
qui  méritent  peu  d'être  cultivées  ,  parce 
qu'elles  mûriiTent  rarement.  Les  chevreufes 
demandent  d'exceilens  terrains  &  de  bonnes 
expofitions  ;  elles  dégénèrent  lorfqu'elles  fe 
trouvent  plantées  moins  avaatageufement. 

Pêche-cerlfe.  L'arbre  a  le  même  port 
que  le  pêcher  de  petite  mignonne  ;  il  frudi- 
iie  aiFez  bien  ;  les  fleurs  font  petites  & 
d'un  rouge  pâle  :  le  fruit  efl  petit  ,  bien 
arrondi  ô^  terminé  par  un  mamelon  qui  efl 
ordinairement  aflez  gros  ,  long  &  pointu  : 
la  peau  efl  lifle  ,  fine  ,  brillante  ,  d'une  belle 
couleur  de  cerife  du  côté  du  foleil ,  &  blan- 
che comme  de  la  cire  du  côté  oppofé.  Ces 
couleurs  ,  qui  font  comparables  à  celles  de 
la  pomme  d'api ,  rendent  ce  petit  fruit  très- 
agréable  à  la  vue  ;  la  chair  efl  affez  fine  & 
fondante  i  l'eau  efl  d'un  aflez  bon  goût  dans 
les  terrains  fecs  &  aux  bonnes  expofitions. 
Cette  pêche  mûrir  vers  le  commencement 
de  feptembre» 


P  E  C  4Ç 

'  Petite  violette  hâtive.  Ce  pêcher  efl  ua 
bel  arbre  ,  paATableraenc  vigoureux  ,  qui 
donne  affez  de  bois  &  beaucoup  de  fruits  , 
même  en  buiflons;  fes  fleurs  font  très-pe- 
tites, de  couleur  rouge-brun  :  fes  feuilles  font 
lifi^s ,  alongées  &  d'un  beau  vert  :  {qs  bour- 
geons font  rouges  du  côté  du  foleil.  Son 
fruit  efl  ù-peu-près  de  la  groffeur  de  la  dou- 
ble de  Troyes  ,  prefque  rond,  &  un  peu 
applati  fur  les  côtés  :  la  gouttière  efl  peu 
profonde,  &  terminée  par  un  mamelon  afl^ez 
petit:  la  peau  efl  lifTe  ,  fans  duvet,  d'ua 
rouge  violet  du  côté  du  foleil  ,  &  d'un 
blanc  jaunâtre  fous  les  feuilles  ;  fa  chair  efl 
fine,  afTez  fondante;  fon  eau  efl  fucrée, 
vineufe  &  très-parfumée  ;  ce  qui  fait  met- 
tre la  petite  violette  au  nombre  des  meil- 
leures pêches  ;  elle  mûrit  au  commence- 
ment de  feptembre.  Pour  la  manger  bonne , 
il  faut  la  laifler  llir  l'arbre  ,  julqu'à  ce  qu'elle 
commence  à  fe  faner  près  de  la  queue.  La 
violette  d'Angervilfiers  ^  qu'on  vante  avec 
raifon  ,  efl  la  m^êmie ,  ou  une  petite  violette 
qui  n'en  diffère  que  parce  qu'elle  efl  un  peu 
plus  hâtive^ 

Grojfe  violette  hâtive.  L'arbre  refTèmble 
au  précédent  &  donne  beaucoup  de  fruits  , 
même  en  plein  vent  :  fa  fleur  efl  très-petite  ; 
fon  fruit  efl:  une  fois  plus  gros  que  la  petite 
violette  ;  fa  chair  efl  moins  vineufe  :  il.mûric 
un  peu  après.  Les  moins  gros  font  les  meil- 
leurs. 

Violette  tardive.  Violette  marbrée.  Vio^ 
lette  panachée.  Ce  pêcher  efl  vigoureux  & 
fertile  :  fes  bourgeons  font  d'un  rouge  très- 
foncé  du  coié  du  foleil  :  les  feuilles  font 
grandes  ,  &  froncées  près  de.  l'arête  :  les 
fleurs  font  très-petites  ,  de  couleur  rouge- 
pâle  :  le  fruir  eft  de  moyenne  groffeur, 
très-reflêmblant  à  la  grofle  violette  hâtive  , 
mais  plus  alongé  &  fbuvent  comme  an- 
guleux. A  la  tête ,  on  remarque  un  petit 
enfoncement ,  au  milieu  duquel  on  apper- 
çoit  ordinairemenr  un  point  blanc,  duquel 
fort  le  flyie  deiTéché  du  piflil ,  comme  un 
poil  noir  affez  long  :1a  peau  efl  lifl"e,  vio- 
lette ,  marquée  de  petites  taches  rouges  du 
côté  du  foleil  :  l'eaii  eft  très-vineufe  ,  lorf^ 
que  les  automnes  font  chauds  &:  fecs  ;  mais 
lorfqu'ils  fonr  froids  ,  cette  pèche  ne  mûrit 
point.  Il  faut  planter  ce  pêcher  à  l'expo- 
,  lition  la  plus  chaude  &  découvrir  les  fruits  ; 


4^  P  E  C 

ils  mûiilîent  un  peu  avant  la  mi-odo- 
bre. 

Brugnon  violet  mufqiié.  Ce  pêcher  eft 
vigoureux  ,  pouffe  beaucoup  de  bois  &  pro- 
duit abondamment;  Tes  bourgeons  Ton  gros  , 
longs  ,  rouges  du  côté  du  foleil  ;  fes  feuilles 
font  dentelées  très-finement  ;  fes  fleurs  font 
grandes  &  belles  ,  &  d'un  rouge  pâle  : 
quelquefois  cet  arbre  eft  à  petites  fleurs  ; 
font  fruit  relïêmble  à  la  grofle  violette  hâ- 
tive ;  il  efl:  un  peu  moins  gros  &  pres- 
que rond  :  la  peau  efl  d'un  beau  rouge 
violet  du  chiè  du  foleil  :  les  bords  de  cette 
couleur  font  marquetés  de  gros  points  blan- 
châtres :  la  chair  n'eft  point  feche  ,  quoi- 
que ferme  :  fon  eau  efl  d'un  goût  excellent , 
vineufe ,  mufquée  &  fucrée.  Ce  brugnon 
mûrit  à  la  fin  de  feptembre.  Il  faut  planter 
l'arbre  à  la  meilleure  expofition ,  ne  cueillir 
le  fruit  que  lorfqu'il  commence  à  fe  faner  , 
&  même  lui  lailTer  faire  fon  eau  quelque 
temps  dans  la  fruiterie. 

Jaune  lijje.  Lijfée  jaune.  L'arbre  efl  vi- 
goureux &  reffembie  au  pécher  de  petite 
violette  hâtive;  les  bourgeons  font  longs 
&  jaunâtres  ;  les  feuilles  jauniffent  en  au- 
tomne ;  les  fleurs  font 'de  grandeur  moyen- 
ne ;  le  fruit  efl  rond  ,  moins  gros  que  la 
grolfe  violette,  quelquefois  un  peu  applaà. 
La  peau  efl  jaune,  lifîé ,  fans  duvet,  un 
peu  fouettée  de  rcuge  du  côté  du  foleil.  La 
chair  efl  jaune  &  ferme.  Lorfque  les  au- 
tomnes font  chauds  ,  l'eau  efl  fucrée  ,  très- 
agréable  ,  &  prend  un  petit  goût  d'abricot: 
ce  fruit  mûrit  à  la  mi-odobre.  On  peut  le 
conferver  une  quinzaine  de  jours  dans  la 
fruiterie ,  où  il  acquiert  fa  parfaite  maturité  , 
de  forte  qu'on  en  mange  jufqu'au  commen- 
cement de  novembre. 

Belle-garde.  Galande.  Ce  pêcher  eu  un 
bel  arbre  ,  fur-tout  dans  les  bonnes  terres  : 
fes  bourgeons  font  gros  ,  rouges  du  côté  du 
foleil  ;  fes  fleurs  font  très-petites  &  pâles  ; 
fon  fruit  efl  gros,  rond  ,  relfemblant  beau- 
coup à  l'admirable  ;  la  gouttière  efl  très- 
peu  marquée  ;  fa  peau  efl  prefque  par-tout 
teinte  d'un  rouge  pourpre ,  qui  tire  fur  le 
noir  du  côté  du  foleil  ;  fa  chair  efl  ferme  , 
cependant  fine  &  pleine  d'une  eau  fucrée 
&  de  fort  bon  goût  Cette  pêche  mûrir  à 
la  fin  d'août ,  après  les  mignonnes  &  la 
madelalne  rouge.  La  belle-garde  de  Merlct 


P  E  C 

eft  une  pcrfique  très-différente  de  notre 
belle-garde. 

admirable.  L'arbre  ,  grand ,  fort ,  vi- 
goureux ,  produit  beaucoup  de  bois  &  de 
fruits  :  Ces  bourgeons  font  gros  ,  fes  feuilles 
grandes  &  longues  ;  (es  fleurs  font  petites 
&  pâles  ;  font  fruit  efl  très-gros ,  ayant  trente 
lignes  de  diamètre  :  fa  peau  efl  teinte  de 
rouge  vif  du  côté  du  foleil  ;  ailleurs  elle 
efl  couleur  de  paille  :  cette  pêche  mûrit  à 
la  fin  de  feptembre.  Sa  beauté  &  fes  ex- 
cellentes qualités  lui  ont  mérite  fon  nom. 
Cette  pêche  n'efl  pas  fujette  à  devenir  pâ- 
teufe,  &  elle  réuflit  affez  aux  médiocres 
expofitions  :  mais  elle  efl  digne  des  meil- 
leures Cet  arbre  exige  plus  d'attention 
qu'un  autre  à  la  taille ,  parce  que  fouvent 
il  a  des  branches  languilfantes  ,  &  qu'il  en 
perd  fubitement  de  fort  groffes  ,  étant  très- 
fu jettes  à  la  cloque. 

Admirable  jaune  abricote'e.  Pêche  d'abri- 
cot. Grojfe  pêche  jaune  tardive.  Ce  pêcher 
reffembie  à  l'admirable  par  fon  port.  Il 
donne  affez  de  fruits  ;  fes  bourgeons  font 
d'un  vert  plus  jaune  ;  fes  feuilles  jauniffent 
en  automne  ,  &  même  rougifîent  par  la 
pointe  ;  fa  fleur  efl  grande  &  belle  ;  quel- 
quefois on  trouve  ce  pêcher  'jl  petites  fleurs  , 
comme  l'admirable  :  fon  fruit  efl  gros,  rond, 
applati  :  fa  peau  efl  jaune  ,  couverte  d'un 
duvet  fin ,  elle  prend  un  peu  de  rouge  du 
côté  du  foleil;  fa  chair  efl  jaune,  elle  efl 
ferme ,  quelquefois  un  peu  feche ,  &  même 
pâteufè  ,  quand  les  automnes  font  froids  : 
fon  eau  efl  agréable ,  &  relevée  d'un  petit 
parfum  d'abricot  dans  les  automnes  chauds. 
Cette  pêche  mûrit  vers  la  mi-odobre  ;  les 
fruits  qui  reflent  les  derniers  iur  l'arbre  font 
les  meilleurs.  L'admirable  jaune  s'eleve  bien 
de  noyau  &  en  plein  vent ,  où  fon  fruit 
efl  meilleur  &  plus  coloré  ,  mais  confidé- 
rablcmcnt  moin?  gros.  Il  y  a  une  variété 
de  cette  pêche  qui  donne  des  fruits  plus 
gros. 

P  ai' ie  jaune.  C'efl  un  fort  bon  fruit ,  que 
M.  Duhamel  du  Monceau  a  rapporté  de 
Provence  ,  qui  devient  quelquefois  plus  gros 
que  le  pavie  de  Pomponne ,  &  mûrit  aulli 
facilement  dans  notre  climat. 

Te  ton  de  Vénu<i.  Ce  pêcher  cû  très-reC" 
femblant  à  l'admirable  jaune  :  la  fleur  eÛ 
petite ,  couleur  de  rofe  >  bordée  de  carmin. 


P  E  C 

Quelques-unes  de  fes  feuilles  fe  froncent 
près  de  l'arête  :  Ion  fruit  e(i  moins  rond 
que  le  précédent ,  quelquefois  il  elt  beau- 
coup plus  gros  ;  la  gouttière  ell  peu  pro- 
fonde ,  &  terminée  par  un  petit  enfonce- 
ment à  la  tête  du  fruit ,  où  il  fe  trouve  or- 
dinairement un  mamelon  ;  cependant  quel- 
quefois il  n'y  a  dans  les  gros  fruits  ni  gout- 
tière ,  ni  mamelon  :  la  peau  ell  couverte  de 
duvet  fin ,  elle  ne  prend  pas  beaucoup  de 
couleur  du  coté  du  foleil;  tout  ce  qui  efl 
à  l'ombre  eft  ie  couleur  de  paille  :  la  chair  eft 
fine  &  fondante  ;  l'eau  a  un  parfum  très-fin 
&  très-agrcajle  ;  ce  fruit  fè  mange  à  la  fin 
de  feprembre. 

Royale.  Ce  pécher  reflemble  à  l'admira- 
ble ,  par  fa  vigueur ,  fa  fertilité  ,  la  force  de 
fes  bourgeons  &:  la  beauté  du  feuillage  ;  la 
fleur  ell  petite,  de  couleur  de  chair,  bordée 
de  carmin  :  fon  fruit  tient  de  l'admirable  & 
du  teton  de  Vénus  ;  il  efl:  un  peu  applati 
d'un  coté  :  à  la  tête  ,  on  remarque  deux  petits 
enfoncemens  aux  côtés  d'un  mamelon  aflèz 
gros  :  cette  pêche  efl  fouvent  relevée  de 
bofTes  du  côté  du  foleil  ;  la  peau  efl  lavée 
de  rouge  clair ,  chargée  de  rouge  plus  foncé  ; 
du  côté  de  l'ombre  ,  elle  ell  preique  verte  : 
la  chair  efl  blanche ,  excepté  près  du  noyau 
où  elle  efl  plus  rouge  que  l'admirable  :  l'eau 
efl  flicrée  ,  relevée  &  agréable.  Ce  fruit 
mûrit  à  la  fin  de  feptembre. 

Belle  de  Vitry.  Admirable  tardive.  L'ar- 
bre efl  vigoureux  &  fertile  ;  les  bourgeons 
font  forts  ;  les  feuilles  font  grandes  ,  quel- 
quefois dentelées  afîêz  profondément  ;  la 
fleur  efl  petite  ,  de  couleur  rouge-brun  ; 
le  fruit  efl  gros  &  plus  rond  que  la  nivette  ; 
la  gouttière  efl  large  &  peu  protonde  ;  le 
côté  oppofé  ell  un  peu  applati  ;  la  tête  efl 
fouvent  terminée  par  un  petit  mamelon 
pointu  ;  on  remarque  quelquefois  fur  ce 
fruit  de  petites  verrues  ,  la  peau  efl  adhé- 
rente à  la  chair  ,  elle  efl  verdâtre  ;  le  côté 
cxpoië  au  foleil ,  efl  lavé  de  jrouge  clair  , 
marbré  d'un  rouge  plus  foncé  ;  le  duvet  efl 
blanc  ,  long  &  fe  détache  aifément  ;  la  chair 
efl  ferme  ,  fine  ,  fucculenre  ,  &  jaunit  en 
mûriflant  ;  l'eau  efl  d'un  goût  relevé  &  fort 
agréable  :  cette  pêche  mûrit  vers  la  fin  de 
feptembre.  Pour  être  bonne  ,  il  faut  qu'elle 
(bit  bien  mûre  ,  &  qu'elle  ait  palfé  quelques 
jours  dans  la  fruiterie. 


P  E  C  47 

Pai'le  ronge  de  Pomponne.  Pai'ie  monf- 
trueiLX.  Pai'ie  camu.  Cet  arbre  efl  très- 
vigoureux  ;  {t$  bourgeons  font  forts  & 
longs  ;  fa  feuille  efl  grande ,  dentelée  très- 
finement  &  légèrement  ;  les  îleurs  font  gran- 
des ,  elles  ne  s'ouvrent  pas  bien  ,  leurs  pé- 
tales étant  très-creulés  en  cuilleron  ;  fon 
fruit  cil  rond  ,  d'une  grofîèur  extraordi- 
naire ,  ayant  fouvent  quatorze  pouces  de 
circonférence  ;  ia  peau  efl  d'une  belle  cou- 
leur rouge  du  côté  du  foleil.  Quand  l'au- 
tomne efl  chaud  &  fec  ,  ce  fruit  efl  fort 
bon  ;  il  mûrit  au  commencement  d'odo- 
bre  :  il  refle  long-temps  fur  l'arbre  ,  où  il 
fait  un  très-bel  effet.  On  a  un  autre  pav4é 
rouge  qui  diiîére  fi  peu  du  précédent,  qu'à 
peine  peut-on  le  regarder  comme  une  va- 
riété :  il  mûrit  un  peu  plutôt ,  &  n'efl  pas 
fi  gros. 

Teindou.  Tein  doux.  L'arbre  efl  vigou- 
reax  ,  les  bourgeons  font  gros  &  preique 
verts  ;  les  feuilles  font  grandes  ,  &  ne  font 
point ,  ou  que  fort  peu  dentelées  ;  les  fleurs 
font  de  moyenne  grandeur  ;  les  fruits  font 
gros  &  affez  ronds  ;  ils  font  partagés  en 
deuxhéraifplieres,  un  peu  inégaux-,  par  ime 
gouttière  qui  s'étend  preique  égaleinent  fur 
les  deux  côtés  ;  à  peine  efl-elle  fenfibie  fur 
la  partie  la  plus  renMée  ;  mais  elle  ell  aflez 
profonde  vers  la  queue ,  qui  efl  11  courte , 
que  la  branche  fait  impreilion  fur  le  fruit , 
&  vers  la  tête  ,  où  elle  fe  termine  p  r  deux 
petits  enfoncemens  ,  entre  lefqueis  il  y  a 
ordinairement ,  au  lieu  d'un  mamelon  ,  une 
élévation  large  d'environ  une  ligne  ,  qui 
communique  &  s'étend  aux  deux  hémif- 
phercs  ;  la  p«au  prend  un  rouge  tendre  du 
côté  du  foleil  ;  la  chair  e(l  blanche  ;  l'eau 
efl  fucrée  &  d'un  goût  très-délicat.  Cette 
pêche  mûrit  vers  la  fin  de  feptembre. 

Nipetie.  V^eloute'e.  Cet  arbre  efl  afièz 
vigoureux  ,  donne  beaucoup  de  fruits  ;  fes 
bourgeons  fon  gros  ,  peu  rouges  ,  même 
du  côté  du  loleil  ;  (qs  feuilles  font  grandes 
&  liffes  ;  fes  fleurs  font  petites ,  de  couleur 
rouge  foncée  ;  fon  fruit  efl  gros ,  arrondi , 
un  peu  longuet  ;  la  gouttière  efl  large  &  peu 
;  profonde  ;  la  tête  efl  quelquefois  terminée 
\  par  un  petit  mamelon  pointu  ,  placé  au 
milieu  4'une  petite  cavité  peu  profonde  ; 
la  peau  efl  adhérente  à  la  chair ,  h  moins 
que   le   fruit   ne  foit  très-njûr  ;  elle  efl 


48  P  E  C 

verdâfre  &  jaunit  lors  de  la  maturité  ;  le 
côté  du  foleil  efl  comme  lavé  d'un  rouge 
foible ,  chargé  de  taches  d'un  rouge  plus 
foncé  ;  elle  eil  toute  couverte  d'un  duvet 
fin  &  blanc  ,  qui  la  fait  paroître  fatinée  ; 
la  peau  eft  fi  adhérente  à  la  queue  ,  qu'en 
cueillant  le  fruit  il  en  relie  fouvent  un  peu 
attaché  après:  la  chair  eft  ferme,  fuccu- 
lente  ,  d'un  blanc  tirant  fur  le  verd  ;  l'eau 
ei\  fucrée  &  relevée  ,  quelquefois  un  peu 
acre  :  cette  pêche  mûrit  à  la  fin  de  feptem- 
bre.  Pour  être  bonne,  il  faut  qu'elle  (oit 
bien  rnûre  ,  &  qu'elle  ait  paiTé  quelques 
jours  dans  la  fruiterie. 

Perjîque.  L'arbre  eft  beau  ,  vigoureux  ,  ' 
&  donne  beaucoup  de  fruits  ,  même  en  plein 
vent  ;  les  feuilles  font  larges  ,  très-longues  , 
lin  peu  foncées  fur  l'arête ,  &  relevées  en 
bolTes  ;  les  fleurs  font  petites  &  d'un  rouge 
pale  ;  le  fruit  ell  allongé  &  reiferable  à  la 
chevreufe  ;  mais  il  efl  plus  gros  ,  il  eft  com- 
me anguleux  &  parfemé  de  petites  boffes  ; 
à  la  queue  il  y  en  a  une  plus  remarqua- 
ble ,  qui  relïêmble  à  une  excrefcence  ;  la 
peau  efl:  d'un  beau  rouge  du  côté  du  foleil  ; 
la  chair  ell  ferme  ,  blanche ,  fucculente  ; 
l'eau  efl  d'un  goût  relevé  ,  fin,  très-agréa- 
ble ;  le  noyau  reproduit  l'efpece  fans  dégé- 
nérer :  cette  pêche  mûrit  en  octobre  & 
novembre  :  quoique  la  plus  tardive  des 
bonnes  pêches  ,  elle  eft  excellente  ;  la  plu- 
part des  jardiniers  la  confondent  avec  la 
nivette. 

Pêche  de  Pau.  Cette  pêche  elî  groffe  , 
arrondie  &  terminée  par  un  gros  mame- 
lon fort  faillant  ;  la  chair  eft  fondante , 
lorfque  le  fruit  peut  mûrir  parfaitement  ; 
l'eau  eft  relevée  &  affez  agréable  :  cette 
pêche  eft  fi  tardive  ,  qu'elle  ne  peut  réuillr 
que  dans  les  automnes  chauds  &  fecs ,  & 
aux  meilleures  expolitions  que  plufieurs 
pêches  excellentes  méritent  mieux. 

Sanguinole.  Betterave.  Drufelle.  L'ar- 
bre eft  affez  fertile  ;  les  bourgeons  font  me- 
nus &  d'un  rouge  foncé  du  côté  du  ioleil  ; 
les  feuilles  rougilfent  en  automne  ;  les  fleurs 
font  grandes  &  de  couleur  de  rofe  ;  le  fruit 
eft  aflèz  rond  &  petit  ;  toute  la  chair  eft 
rouge  &  un  peu  feche  ;  l'eau  eft  acre  & 
amere  ,  à  moins  que  l'automne  nefoit  chaud: 
cette  pêche  eft  excellente  en  compote  ,  & 
elle  mûrit  après  la  mi-odobre.. 


P  E  C 

La  cardinale  eft  à-peu-près  la  même 
efpece  de  pêche  ;  mais  elle  eft  beaucoup 
plus  grolle ,  meilleure  &  moins  chargée  de 
duvet. 

Ces  efpeces  ne  font  pas  toutes  fur  le 
catalogue  des  RR.  PP.  Chartreux  de 
Paris  ;  en  revanche ,  il  s'y  en  trouve  d'au- 
tres qui  ne  font  pas  dans  le  Traité  des  arbres 
fruitiers.  Dans  le  nombre  de  celles-ci,  il  y 
en  a  peut-être  qui  ne  différent  que  par  les 
noms  ;  c'eft  ce  que  nous  ne  pouvons  affu- 
rer  :  les  voici. 

La  cardinale  de  Furjlemherg.  Elle  eft 
rouge  en  dedans  ,  &  l'arbre  porte  de  petites 
fleurs.  N'eft-ce  pas  une  des  pêches  rouges 
de  M.  Duhamel  du  Monceau  ? 

La  l'ineufe  de  Fromentin  eft  très-grofîe  , 
d'un  rouge-brun  ,  plus  longue  que  ronde  : 
elle  fleurit  à  grandes  fleurs  ;  fes  feuilles  ne 
font  pas  fujettes  au  mauvais  vent. 

La  tranfpareme  ronde.  Elle  eft  rouge 
d'un  côté  ,  Ôc  a  la  chair  ferme  &  très-déli- 
cate ;  elle  fleurit  à  grandes  fleurs. 

\J incomparable  en  beauté  eft  très-grofîe 
&:  ferme  ;  fon  eau  eft  vineufe  :  elle  fleurit  à 
grandes  fleurs  ;  elle  s'élève  de  noyau. 

La  belle  Beauce  ,  excellente  pêche  (  dit 
le  Catalogue  raifonné des  Chartreux)  ;  elle 
eft  d'un  beau  rouge  éclatant  ,  &;  fleurir  à 
grandes  fleurs. 

La  belle  Tille  mont  eft  une  excellente 
pêche  (  dit  le  même  Catalogue  )  ;  elle  fleurit 
à  petites  fleurs. 

La  Monfrin  eft  une  pêche  lifîe  ,  jaune 
en  dedans  ;  fa  chair  eft  ferme  ,  a  peu  d'eau 
&  eft  très-fucrée  ;  elle  fleurit  à  petites 
fleurs.  ■" 

On  trouve  encore  fur  le  même  Catalo- 
gue le  pai'ie  de  Nevington  &  la  madelaine 
tardive  à  petites  fleurs. 

Premier  principe  de  la  taille  du  pêcher. 
f>  Le  pêcher ,  dit  M.  Duhamel  du  Mon- 
*y  *ceau  ,  fe  livrant  à  une  ardeur  exceffive 
y>  de  croître  &  de  s'acquitter  envers  le 
»  cultivateur ,  épuife  fes  forces  naiifantes 
»  par  une  fécondité  prématurée  ,  &  fe  pré- 
jy  pare  à  une  ruine  prochaine ,  en  fe  furchar- 
»  géant  d'un  grand  nombre  de  branches , 
yy  auxquelles  il  ne  peut  fournir  une  nour- 
»  riture  fuffifante  ;  auffi  eft-il  fouvent  obli- 
»  gé  d'en  abandonner  une  partie ,  qui  périt 
«  par  la  difette ,   &.  lui-même  ,    outrant 

toujours 


P  E  C 

»j  toujours  fes  efforts ,  fuccombe  en  peu 
»>  d'années  :  il  faut  donc  employer  quel- 
»j  que  moyen  propre  à  le  contenir  fans 
*>  le  décourager  ;  tempérer  fon  ardeur  fans 
»>  le  détruire  j  établir  une  jufte  proportion 
j>  entre  fon  travail  &  fa  vigueur  ,  &c  Pen- 
»»  tretenir  dans  cette  adivité  modérée  qui 
«  nourrit  fes  forces  &  lui  prolonge  la  vie  : 
»>  ce  moyen  eft  k  taille. 

Il  fuit  de  cette  conftitution  finguliere  du 
pêcher ,  que  fa  taille  doit  différer  de  Celle 
de  tous  les  autres  arbres  fruitiers  ;  il  n'efl 
pas  moins  certain  qu^elle  doit  être  beau- 
coup plus  difficile  :  aufïi  un  pécher  bien 
taillé  ,  qui  tapifle  une  grande  étendue  de 
mur ,  qui  n'eft  nulle  part  dégarni ,  dont  les 
branches  font  fymmétriques  &  égales  , 
dont  les  bourgeons  font  efpacés  avec  régu- 
larité, dont  les  fruits  prodigieu  x  &:  peints  des 
plus  vives  couleurs ,  femblent  avoir  été  atta- 
chés avec  la  main  fans  économie  ni  profu- 
fion  ;  aufïi ,  dis-je ,  un  tel  arbre  eft  le  chef- 
d'œuvre  du  jardinage,  ainii  que  le  plus  riant 
des  fpcdacles  qu'offre  la  nature  cultivée. 

Mais  quand  on  penfe  que  cette  taille  , 
qui  demande  en  général  tant  de  foins  & 
d'intelligence ,  doit  encore  varier  fuivant 
l'cfpece  du  pêcher ,  fon  âge  ,  fa  fanté ,  fon 
cxpofîtion  ,  &c.  on  commence  feulement 
à  fentir  combien  elle  doit  être  difficile. 

Nous  avons  déjà  dit  que  nous  avions 
plufîeurs  méthodes  ,  &  que  pas  une  encore 
ne  pourroit  peut-être  s'étendre  à  tous  les 
cas  j  à  tous  les  fols  ,  à  tous  les  climats 
(j'entends  parler  de  ceux  où  le  pêcher  peut 
réuflîr  )  :  nous  avons  indiqué  les  ouvrages 
François  auxquels  le  ledteur  peut  avoir 
recours^  nous  allons  traduire  en  fa  faveur 
ce  qu'en  dit  le  fameux  jardinier  de  Chelfea. 

"  La  première  intention  (  nous  abré- 
"  geons)  eft  d'étendre  horizontalement  les 
"  premières  branches  qu'a  pouffées  un 
"  pêcher  nouvellement  planté  -,  car  l'im- 
»  portant  eft  de  procurer  d'abord  à  vos 
7'  arbres  de  bons  membres ,  où  la  fève  fe 
"  diftribue  également ,  ôc  au  moyen  def- 
«  quels  le  bas  de  l'arbre  puiffe  demeurer 
"  toujours  bien  garni.  On  pourra  toujours 
»  tirer  de  ces  branches  dequoi  garnir  le 
"  miheuj  qui,  moyennant  cela ,  fe  trouvera 
>'  rempli  de  branches  à  fruit  ;  au  lieu  que  , 
*»  dans  la  méthode  ordinaire,  il  n'eft<3ccupé 
Tome  XXt^. 


P  E  C  4, 

"  que  par  de  groffes  branches  inrertiles.  Ia 
»  féconde  attention  (  importante  fur-tout 
»  pour  les  premières  années)  c'eft  de  vifi- 
»  ter  fouvent  vos/>/c/^e/-5,  depuis  le  mois 
"  de  Mai  jufqu'à  ce  que  la  fève  fe  ralen- 
»  ti  fie  ,  afin  d'abattre  avec  la  main  tous 
»  les  tendres  bourgeons  qui  fbrtent  en- 
>»  devant ,  ou  dans  tel  autre  endroit  de 
y*  l'arbre  où  ils  ne  peuvent  demeurer  ;  6c  de 
»  pincer  les  branches  vigoureufes  ,  pour 
"  procurer  le  développement  des  branches 
y  fécondes  ôc  moyennes  ,  propres  à  gar- 
»  nir  cet  endroit  de  l'efpalier  :  mais  il  faut 
»  bien  fe  garder  de  pincer  les  branches 
»  moyennes  là  où  il  s'y  en  trouve  fuffi- 
>■»  famment  ;  il  n'en  naîtroit  que  des  bran- 
»  ches  foibles ,  qui  ne  donneroient  que  des 
»  fruits  mal  conditionnés  ;  &  il  en  réful- 
»  teroit  la  confufîon  dans  les  rameaux  ,  qui 
»  eft  la  plus  grande  faute  qu'on  puifîè  faire 
Ȕ  dans  la  taille  d'un  arbre. 

Il  faut  obferver  (  nous  traduifons  exac- 
tement )  1  °.  que  chaque  partie  de  l'arbre 
foit  également  fournie  de  bois  à  fruit  ;  2°. 
que  les  branches  ne  foient  pas  trop  pro- 
ches les  unes  des  autres  :  il  faut  le  rap- 
pellerque  tous  ces  arbres  portent  leurs  fruits 
fur  le  jeune  bois  ,  ou  de  la  précédente 
année  ,  ou  tout  au  plus*  de  celle  d'aupara- 
vant ;  paffé  cet  âge  ,  elles  ne  produifent 
plus  i  c'eft  pourquoi  il  faut  raccourcir  les 
branches  de  manière  à  leur  faire  poufïcr 
annuellement  de  nouveaux  bourgeons  dans 
chaque  partie  de  l'arbre  j  ce  à  quoi  Von 
ne  peut  parvenir  par  la  méthode  ordinaire , 
où  -l'on  néglige  les  arbres  dans  le  temps 
précifément  qu'on  peut  le  mieux  les  con- 
duire ;  favoir  ,  en  Avril,  Mai  Se  Juin: c'eft 
alors  qu'il  faut,  en  pinçant ,  réprimer  l'effor 
de  certaines  branches  ;  &  par  la  même 
opération  faite  fur  les  branches  voifînes  des 
vuidesiprocurerle  développement  des  bour- 
geons capables  de  les  remplir.  Nés  dans 
cette  faifon  ,  ces  bourgeons  ont  le  temps 
de  mûrir  de  de  fe  fortifier  j  au  lieu  que 
tous  ceux  qui  ont  pouffé  après  la  mi- Juin , 
demeurant  herbacés  &  moelleux ,  s'ils  peu- 
vent encore  produire  quelques  fleurs ,  ibnt 
trop  foibles  pour  nourrir  des  fruits  ;  c'eft 
pourquoi  ceux  qui  ne  vifîtent  leurs  efpa  - 
liers  qu'en  deux  faifons ,  &  ne  les  déchar- 
gent qu'avant  l'hiver  &  au  milieu  de  l'été  , 

G 


état 


50     ^      ï>  E  C 

"iîê  J»éuvent  point  les  mettre  en  bon 
lorfque  toutes  les  branches  produites  au  prin- 
temps ,  relient  fur  Parbre  jufqu'au  milieu 
ou  la  fin  de  Juin  (  ce  qui  fe  pratique  ordi- 
nairement )  :  quelques-unes ,  entre  les  plus 
vigoureufes ,  dérobent  la  plus  grande  partie 
de  la  nourriture  aux  moins  fortes,  lefquel- 
les ,  lorfqu^on  a  retranché  les  premières  , 
demeurent  trop  affoiblies  pour  porter  du 
fruit;  ainfi ,  l'arbre  lui-même  s'épuife  à 
alimenter  des  branches  inutiles  qu'il  faut 
retrancher  annuellement  :  c'eft  ainfî  qu'un 
trop  grand  nombre  d'efpaliers  de  pêchers 
font  conduits  ;  voilà  pourquoi  Ton  fe  plaint 
tant  du  vain  luxe  de  leur  végétation  :  en 
effet ,  par  cette  méthode  ,  deux  ou  trois 
branches  ,  en  attirant  la  fève ,  deviennent , 
au  détriment  des  autres ,  d'une  vigueur  aufîî 
grande  que  ftérile  ;  au  lieu  que  iî  la  fève 
avoir  été  également  diftribuée  à  un  nom- 
bre fymmétrique  de  branches ,  on  n'auroit 
pu  remarquer  nulle  part ,  dans  l'étendue  de 
l'arbre  ,  une  végétation  irréguUere  &  trop 
vive  ;  le  remède  cft  pire  que  le  mal.  Lorf- 
qu'on  retranche  fouvent  ces  branches  gour- 
mandes j  on  détruit  entièrement  les /;/cAe/-j 
ou  du  moins  on  les  rend  fi  foibles,  qu'ils 
ne  font  plus  défomyiscapablcs  de  produire. 
Il  eft  donc  de  la  plus  grande  importance 

Ï)Our  les  efpalicrs ,  particulièrement  pour 
ts  pêchers  ,  de  les  viîiter  deux  ou  trois  fois 
en  avril  &  en  mai ,  pour  ôter  tous  les 
jeunes  bourgeons  mal  placés,  6c  attacher 
tous  ceux  que  l'on  conferve  dans  un  ordre 
convenable  ,  c'eft-à-dire ,  de  manière  qu€ 
chacun  puifle  jouir  de  Pair  &  des  rayons  du 
foleil ,  qui  leur  font  également  nécellaires 
pour  les  mûrir  èc  les  difpofer  à  porter  Pan- 
née  fuivante.  Lorfqu'on  donne  exa^Vement 
ces  foins  aux  pêchers  ,  on  n'eft  pas  dans  le 
cas  de  tant  ufer  de  la  ferpctte  ;  on  ne  s'en 
fcrt  jamais  qu'à  leur  grand  dommage  ;  car 
leurs  branches  boiteufcs  font  ordinairement 
tendres  &  moëlleufes  à  un  certain  point  , 
&  lorfqu'clles  font  bleflees  ,  elles  ne  le 
guériflènt  pas  fi  aifément  que  celles  de  la 
plupart  des  autres  arbres.  A  l'égard  de  la 
diftarice  qu'on  doit  mettre  entre  les  bran- 
ches en  palifïànt  ,  il  faut  qu'elle  ibit  pro- 
portionnée à  la  grolîèur  du  fruit  &  à  la 
grandeur  des  feuilles  :  on  remarque  que  les 
arbres  à  grandes  feuilles  ont  naturellement  1 


PE  C 

leurs  branches  plus  efpacées  q«€  ceux  qui 
en  portent  de  moindres  ;  &  il  faut  qu'un 
jardinier  étudie  la  nature  ,  puifqu'il  doit 
feulement  l'aider  dans  fes  opérations  ,  en 
attachant  les  branches  contre  les  treillis  : 
placez-les ,  autant  qu'il  fera  poffible  ,  à  des 
diftances  égales  ,  6c  ayez  foin  de  n'en  lier 
aucune  verticalement. 

Parlons  maintenant  de  la  taille  propre- 
ment dite  :  elle  fe  fait  ordinairement  en 
février  &  en  mars  (  nous  abrégerons  quel- 
quefois )  ;  mais ,  fuivant  notre  opinion ,  on 
doit  la  faire  en  odobre ,  lorfque'  les  feuilles 
commencent  à  tomber  ;  les  bleflures  feront 
guéries  avant  le  froid ,  &  il  n'y  aura  pas 
à  craindre  que  l'arbre  en  puilfe  foufFrir  : 
les  Branches  étant  alors  mifes  en  propor- 
tion avec  la  force  des  racines  ,  toute  la 
fève  montante  fera  entiérernent  employée  , 
au  printemps  ,  à  nourrir  les  utiles  parties 
des  bourgeons  qu'on  a  laifles  ;  au  lieu 
que  s'ils  font  demeurés  entiers  jufqu'en 
Février ,  la  fève  étant  dès-lors  en  mouve- 
ment dans  ces  bourgeons ,  comme  l'attef— 
tent  les  boutons  qu'on  voit  s'enfler  ,  la  plus 
grande  partie  de  cette  fève  fera  déjà  portée  à 
l'extrémité  de  ces  bourgeons  entiers  ,  pour 
nourrir  telles  fleurs  qui  doivent  étreenfuite 
retranchées  ;  c'eft  ce  que  vous  pouvez  alors 
obfervcr  aifément ,  à  l'infpedtion  des  plus 
forts  bourgeons  :  vous  trouverez  que  les 
boutons  du  bout  s'enflent  plutôt  que  là  plu- 
part des  boutons  inférieurs  :  èc  cela  doit 
être  ainfi  ,  puifque  n'y  ayant  alors  que  des 
feuilles  pour  retenir  la  fève  dans  les  bou- 
tons d'en-bas  ,  ceux  d'en-haut  l'attirent 
néceflàirement. 

Mais  quand  il  n'y  auroit  dans  la  taille 
d'automne  qu'un  avantage  égal  à  celui  de 
la  taille  du  printemps  ,  toujours  feroit-elle 
préférable  ,  en  ce  que  le  jardinier  eft:  alors 
bien  moins  occupé  ,  &c  peut  y  donner  plus 
de  foins ,  &  que  ctl  ouvrage  ayant  été 
fait  avant  l'hiver,  &  les  plares-bandes  de- 
meurant libres  dès-lors ,  on  peut  les  façon- 
ner &  les  enfemencer  plutôt. 

Lorfque  vous  taillez  vos  arbres  ,  il  faut 
avoir  attention  de  couper  au-de(fus  d'un 
bouton  à  bois ,  aifé  à  diftinguer  des  bou- 
tons à  fleurs  qui  (ont  plus  courts  ,  plus 
ronds  ,  plus  enflés  ;car  lorfque  k  partie  des 
bourgeons  que  vous  lailïcz  n'a  pas  à  foo 


P  E  C 

bout  un  bouton  à  bois  pour  attirer  11  fève, 
elle  meurtlcplus  fouvent  jufqu'au  premier 
des  boutons  à  bois  inférieurs  j  de  forre  que 
le  fruit  qui  eft  né  entre  le  bout  ôc  ce  bou- 
ton inférieur  ,  eft  perdu  :  un  bouton  à  feuil- 
les ne  rempliroit  qu'imparfaitement  cette 
fondtion.  La  longueurque  vous  devez  laif- 
fer  aux  bourgeons ,  doit  être  proportion  - 
née  à  la  force  de  l'arbre  :  fur  un  arbre  vi- 
goureux de  fain  ,  vous  pouvez  donner  dix 
pouces  de  taille  ôc  même  plus  ;  fur  un 
arbre  foible ,  il  n'en  faut  que  iix  :  cette  rè- 
gle eft  cependant  fubordonnée  à  celle  qui 
précède ,  c'eft-à-dire,  qu'il  faut  faire  la  taille 
plus  longue  ou  plus  courte  que  nous  ne 
l'avons  confeillé  dans  deux  cas  oppofés  , 
lorfqu'on  ne  peut  autrement  terminer  cette 
taille  par  un  bouton  à  bois ,  fi  nécellàire 
pour  la  profpérité  future  de  la  branche.  Il 
faut  aufîi  retrancher  entièrement  toutes  les 
poulies  foibles ,  quand  même  elles  feroient 
chargées  de  plufieurs  boutons  à  fleurs  ;  car 
elles  ne  pourroient  nourrir  un  fruit  bien 
conditionné  ,  &  elles  afFoibliilent  les  autres 
parties  de  l'arbre. 

Rien  n'a  plus  exercé  l'induftrie  des  cu- 
rieux ,  que  la  découverte  des  moyens  pro- 
pres à  garantir  les  fruits  d'efpeces  délicates , 
des  accidens  qui  les  tuent  dans  leur  fleur  , 
ou  quelque  temps  après  leur  naiflance  :  on 
a  imaginé  des  paillaflons  tendus  en-devant 
des  arbres ,  &c  des  auvents  placés  au-delTus 
pour  arrêter  les  frimats  ;  mais  ces  abris  ne 
le  font  pas  toujours  trouvés  fuffifans  ;  d'où 
il  faut  conclure  qu'il  y  a  d'autres  caufes  de 
la  fbudaine  mort  des  embryons  &  des 
jeunes  fruits ,  que  celles  qui  viennent  du 
dehors. 

1°.  Un  arbre  trop  furchargé  de  bran- 
ches foibles  mal  mûries  &  confufes  j  paroît 
au  printemps  tout  couvert  de  fleurs,  &  fait 
concevoir  aux  moins  expérimentés  les  plus 
grandes  efpérances  ;  cependant  la  fève  s'é- 
puife  à  nourrir  toutes  ces  fleurs ,  ôc  l'on 
voit  desbourgeons fedeflecher  tout-à-coup: 
on  croit  qu'ils  ont  été  frappés  de  la  gelée 
ou  d^un  mauvais  vent ,  tandis  que  cet  ac- 
cident a  été  néceflairement  caufé  par  une 
mauvaife  taille  ;  on  y  pare  ep  fe  confor- 
mant exa(5tement  à  la  nôtre. 

1°.  Lorfqu'un  arbre  a  été  trop  enterré  , 
/ùr-tout  dans  les  terrains  froids  5c  humides. 


p  E  c  yi 

la  fève  contenue  dans  les  branches  Ce  met 
en  mouvement  dès  les  premiers  beaux  jours  ; 
mais  elle  s^épuife  à  nourrir  les  fleurs ,  ôc  fc 
dilUpe  par  la  tranfpirarion  des  écorces  , 
tandis  que  le  Ibleil  n'ayant  pas  encore  pé- 
nétré jufqu'aux  racines,  elles  n'ont  pu  met- 
tre leur  activité  en  balance  avec  celle  des 
branches  ;  &  pour  tout  dire  ,  n'ont  pas  en- 
core puifé  dans  la  terre  une  nouvelle  nour- 
riture capable  d'alimenter  l'arbre  ôc  de 
réparer  fes  pertes  i  faute  de  quoi ,  Pon  voit 
dans  cet  intervalle  mourir  lubitement  les 
bourgeons  &  les  jeunes  fruits  :  Ci  les  arbres 
font  jeunes ,  il  faut  les  arfacher  pour  les 
replanter  plus  haut  ;  s'ils  font  trop  âgés  , 
on  eft  contraint  de  les  facrifier  ôc  de  re- 
commencer la  plantation  ,  avec  l'attention 
de  rapporter  des  terres  nouvelles  ôc  con- 
venables 5  ôc  d'élever  ces  terres  au-deflus 
du  niveau  des  allées.  » 

3°.  On  fait  quelquefois  des  tranchées  dans 
le  gravois  ou  le  tuf  dans  lefquels  on  rap- 
porte de  la  terre  ,  pour  y  planter  les  pê- 
chers :  lorfque  leurs  racines  ont  atteint  aux 
bords  de  ces  excavations  ,  il  faut  que  l'ar- 
bre languiflé  :  il  n'y  a  pas  d'autre  remède 
que  d'élargir  ces  tranchées,  pour  y  ajouter 
de  nouvelle  terre  ;  mais,  quoi  qu'on  fafle, 
des  arbres  ainfi  plantés  ne  font  point  de 
longue  durée. 

Lorfque  l'infertilité  des  pêchers  n^eft  occa- 
fionée  par  aucune  de  ces  caufes ,  ôc  qu'on 
ne  peut  s'en  prendre  qu'à  l'inclémence  du 
printemps ,  il  eft  bon  de  les  abriter  avec 
des  paillaffons  (  de  toile  ou  de  la  paille  de 
pois  )  i  mais  il  faut  avoir  grande  attention 
de  ne  pas  ferrqj  ces  couvertures  trop  près 
de  l'arbre  ,  d'y  laifîèr  jouer  l'air  ,  &  de  ne 
pas  en  continuer  l'ufage  plus  long-temps 
qu'il  n'eft  abfolument  néceflaire  :  fur-tout 
de  ne  les  ôter  tout- à-fait  qu'après  les  avoir 
auparavant  levées  ou  écartées  chaque  jour 
plus  long-temps ,  afin  que  procédant  ainfi 
par  degrés  ,  les  arbres  ne  foicnt  pas  furpris 
par  l'imprefTîon  de  l'air  libre ,  auquel  il  fo- 
roit  très-dangereux  de  les  expofer  rout-à- 
coup  :  que  fi  l'on  ne  veut  pas  s'aftreindre 
à  ces  foins  ,  il  vaut  infiniment  mieux  s'en 
remettre  à  la  faifon  j  elle  n'eft  jamais  fîri- 
goureufe  ,  qu'elle  ne  laifîè  une  fuffifante 
quantité  de  pêches  fur  des  arbres  bien  con- 
duits de  bien  expofés. 

G  z 


5^  P  E  C 

Une  précaution  qui  n'a  point  ces  in:on- 
véniens  ,  Se  dont  on  s'cft  toujours  bien 
trouvé  ,  c'eft  d'attacher  au-deflus  de  vos 
/^'arbres  3  deux  planches  de  fa  pin  amincies  par 
-  -un  des  bords ,  &  j  ointes  enfemble ,  en  forme 
d'auvent,  pour  le  parer  de  l'humidité  &  du 
froid  qui  vient  d'en- haut.  Lorfque  le  fruit 
eft  bien  noué ,  il  faut  les  otcr ,  afin  de  laif- 
fer  les  feuilles  &  les  branches  jouir  des 
pluies  ôc  des  rofées. 

Lorfque  la  muraille  étant  fort  longue  peut 
être  enhlée  par  les  vents ,  il  eft:  très-bon  de 
les  rompre  ,  en  élevant  tranfverfalement  de 
quarante  pies  en  quarante  pies ,  des  haies 
de  rofeaux  avancées  de  dix  pies. 

Une  fois  que  les  fruits  nouvellement 
noués  ont  pris  la  groffeur  d'une  petite  noix , 
il  faut  les  éclaircir  ,  ne  les  laifTant  qu'à  cinq 
ou  fix  pouces  au  moins  les  uns  des  autres, 
&  n'en  confervant  qu'un  feul  d'entre  ceux 
qui  font  grouppésen  bouquet.  Le  plus  gros 
pécher  ne  doit  ngurrir  que  foixante  pêches  ; 
trente-fix  ou  quarante-huit ,  font  tout  ce 
qu'un  arbre  moyen  en  peut  porter  fans  fe 
fatiguer  :  cet  utile  facrifice  rend  le  fruit  plus 
beau  &  meilleur  j  &  ce  qui  n'eft:  pas  un 
petit  avantage ,  les  arbres  ,  par  ce  foulage- 
ment  annuel ,  demeurent  plus  vigoureux  & 
,     vivent  plus  long-temps. 

Qiiand  le  printemps  efl:  chaud  &  fèc ,  il 
eft  très-cftèntiel  de  creufer  la  terre  en  baf- 
fin  d'environ  fix  pies  de  diamètre  au  pié 
de  chaque  pécher  ,  &:  de  couvrir  de  litière 
la  terre  du  fond  de  ce  bafïîn  une  fois  la 
fèmaine ,  ou  une  fois  chaque  quinzaine  , 
fuivant  le  befoin  :  vous  verfcrez  dans  ce 
creux  huit  ou  dix  gallons  jÉ'eft-à-dire  vingt 
ou  vingt-quatre  pots  d'eau  ;  vous  jetez  la 
même  quantité  ,  ou  même  une  plus  grande 
quantité  d'eau  ,  au  moyen  d'un  pomme 
d'ariofoir  trouée  à  petits  trous ,  en  forme 
de  pluie  fur  toute  l'étendue  de  l'arbre  ; 
cette  fraîcheur  nourrifïànte  empêchera  le 
jeune  fruit  de  tomber  i  ce  fecours  continué 
jufqu'à  ce  qu'il  ait  fini  de  croître  ,  le  ren- 
dra plus  gros ,  plus  beau&  beaucoup  meil- 
leur :  ce  (oin  eft  de  tous  celui  que  doivent 
le  moins  négliger  ceux  qui  veulent  manger 
d'exceîlens  fruits  ,  &  je  ne  (àurois  trop  en 
recommander  l'ufage;  mais  il  faut  le  dif- 
continuer  dès  que  le  fruit  ne  groffit  plus  : 
alors  il  n'a  plus  befoin  qvie  de  chaleur. 


P  E  C 

Miller  allure  qu'un  pécher  greffé  fur  des 
fujets  convenables ,  peut  vivre  plus  de  cin- 
quante ans ,  &  félon  lui ,  les  pêches  de  ces 
vieux  arbres  ont  une  qualité  fupérieure  : 
une  des  raifons  qu'il  donne  de  la  courte  du- 
rée de  la  plupart  àcs  pêchers  eft ,  qu'ils  font 
greffés  fur  l'amandier ,  dont  la  vie,  dansfbn 
opinion ,  eft  très-bornée  ;  en  cela  fon  avis 
diffère  étrangement  de  celui  de  M.  Duha- 
mel du  Monceau  :  cet  Académicien  prétend 
que  les  meilleurs  pruniers  font  de  mauvais 
fujets  pour  le  pécher  ;  que  l'amandier  leur 
eft  bien  préférable  ,  &  que  l'abricotier  con- 
vient finguliérement  à  quelques /^^"cAerj  dé- 
hcats  j  il  ajoute  que  le  pécher  de  noyau  , 
fi  l'on  en  pouvoit  trouver  une  efpece  qui 
ne  fût  pas  fujette  à  la  gomme ,  feroit  peut- 
être  le  meilleur  fujet  qu'on  pût  employer. 
Il  pafle  pour  certain  ,  en  France  ,  que  les 
pêchers  fur  prunier  doivent  être  préférés 
dans  les  terres  fortes  un  peu  humides  &C 
fuperficielles,  &  que  ceux  fur  amandier  font 
meilleurs  dans  les  terres  légères  &  profondes. 
M.  Duhamel  du  Monceau  aflure  que  ces 
derniers  réufïi lient  dans  toutes  fortes  de 
terres  ,  pourvu  qu'elles  aient  du  fond.  Les 
deux  efpcces  de  pruniers  auxquelles  on 
confie  en  France  la  greffe  des  pêchers  cul- 
tivés y  font ,  fuivant  leurs  efpeces ,  la  ceri- 
fette  ôc  le  faint-julîen  joré  j.  mais  faute 
d'une  exade  defcription  decesfauvageons, 
on  ne  les  peut  diftinguer  dans  les  provin- 
ces ;  ou ,  s'ils  font  connus  ,  c'eft  fous  d'au- 
tres noms  :  il  en  eft  de  même  de  ceux  que 
Miller  appelle  mufcle  white  pearplum. 

Malgré  tout  le  refpeét  que  nous  avons 
pour  Miller ,  nous  ne  pouvons  que  le  blâ- 
m.crde  la  fortie  qu'il  fait  fur  nos  jardiniers , 
&:  par  extenfion  fur  les  François  en  général. 
Il  prétend  que  les  jardiniers  Anglois  ont 
fur  nous  l'avantage  d'un  fîecle  d*expérience 
de  plus  dans  leur  art  ;  que  leur  dodrine 
même  fur  la  culture  du  pécher  ,  doit  être 
préférée  à  la  nôtre  }  cette  prétention  peut 
être  jufte  à  l'égard  de  certaines  parties  du 
jardinage  *,  mais  c'eft  une  fuprêmeinjuftice 
de  vouloir  nous  difputer  Taiicicnneté  à 
l'égard  de  la  culture  du  pécher  ,  dont  toutes 
les  excellentes  efpeces  créées  en  France  , 
ont  même  confervé  en  Angleterre  leur» 
nomsfrançois,quiatteftentleurorigine.Oii 
fait  à  quelle  perfedion  les  habitans.deMoii- 


P  E  C 

treuil  ont  poufle  la  taille  du  pécher ,  qu^iis 
Cultivent  depuis  il  long-temps  ;  peiîonne 
n'ignore  qu'ils  cueillent  fur  leurs  arbres  les 
plus  belles  &c  les  meilleures  pêches  du  mon- 
de. Nous  rapporterons  cependant  les  doutes 
de  M.  Duhamel  du  Monceau  fur  la  mé- 
thode qui  leur  eft  propre  >  &  qu'on  ne 
pourroit  peut-être  pas  employer  par-tout 
avec  un  égal  fuccès. 

»*  Les  habitans  de  Montreuil ,  dit  M. 
»  Duhamel  du  Monceau ,  retranchent  tou- 
»*  tes  les  branches  foibles  ,  &  même  ils 
»'  n'en  confervent  de  moyennes  qu'au  dé- 
»'  faut  de  fortes  j  c'eft  fur  celles-ci  qu'ils 
»»  taillent  par  préférence  :  ils  déchargent 
"  beaucoup  leurs  arbres  ,  &  allongent  leur 
»  taille  fur  les  fortes  branches ,  jufqu'à 
w  trois  pies  ou  'trois  pies  &  demi ,  &  fou- 
»'  vent  ils  taillent  pour  fruit  une  partie  de 
»>  petites  branches  fortie  de  ces  fortes 
»  branches  :  comme  ilsfe  propofent ,  avec 
"  raiion ,  d'avoir  de  beaux  fruits,  cette  mé- 
»  thode  de  ne  tailler  que  lur  les  branches 
»  vigoureufes  &  capables  de  les  bien  nour- 
»  rir  ,  eft  propre  à  bien  remplir  leur  objet; 
»  mais  leurs  arbres ,  malgré  leur  attention 
M  à  les  ouvrir  ,  fe  dégarniflènt  bientôt  par 
»  le  bas.  De  jeunes  p/c/^er^  plantés  entre 
»*  les  vieux  ,  couvrent  en  peu  de  temps 
M  le  vuide  que  ceux-ci  laiflènt  furl'efpa- 
»  lier  ,  Se  réparent  leur  défaut  ;  mais  on 
»»  fait  combien  il  eft  rare  de  trouver  un 
"  terrain  fcmblable  à  celui  de  Montreuil,& 
5*  des  cultivateurs  auffi  intelligens  &  auffi 
>»  expérimentés  :  au  reftcjleur  pratique  n'eft 
w  pas  abfolumcnt  uniforme;  elle  varie  fui- 
»  vant  les  vues  des  particuliers ,  dont  les 
••  uns  nes'occupentque  du  produit  de  leurs 
»  arbres  ,  &  d'autres  étendent  leur  atten- 
»  tion  fur  leur  forme  &  leur  durée. 

Il  eft  aifé  de  fentir  que  la  qualité  du  fol 
décidant  de  la  végétation  des  aibres ,  doit 
régler  leur  taille.  Une  tetre  douce ,  meu- 
ble, fubftancieufe ,  profonde  /  qui  ne  pè- 
che ni  par  excès  ni  par  défaut  d'hurïiidité, 
eft  celle  qui  convient  le  mieux  au  p/cAer; 
mais  lorfqu'on  n'eft  pas  allez  heureux  pour 
avoir  de  iémblables  terroirs  à  fa  difpofition, 
ne  doit-on  pas  tejitcr  de  fe  les  procurer 
artificiellement  ?  c'eft  fur  quoi  nos  Jardi- 
niers Auteurs  gardeiît  prefque  tous  le  lîlen- 
ce  i  &  en  quoi  nous  penfons  c^'on  doive 


p  E  c  jj 

imiter  les  Anglois.  Voici  ce  que  dit  Miller 
fur  la  préparation- des  plates- bandes  pour - 
les  pêchers. 

Plus  les  places-bandes    feront  larges  , 
mieux  les  arbres  viendront  ;  mais  elles  ne 
doivent  jamais  avoir  moins  de  huit  pies  : 
on  les  fait  &  on  les  élevé  avec  de  la  terre 
rapportée.  Dans  les  fols  ordinaires  qui  font 
plus  fecs  qu'humides  ,  on  creufe  de  deux 
pies  &  demi  :  fi  la  terre  eft  trop  humide  , 
il  faut  mettre  du  gravois  au  fond  des  tran- 
chées, &  y  pratiquer  des  pier  rées  pour  l'écou- 
lement des  eaux  :  dans  ces  deux  cas ,  vous 
élèverez  les  plates-bandes  d'un  pié  au-deflus 
du  niveau  ;  mais  fi  la  terre  eft  fechc  ,  fix: 
ou  huit  pouces   d'élévation  fuffiront  :    fi 
votre  fol  a  des  pierres  ,  du  gravois  ,  de 
l'argile,  du  tuf,  près  de  lafuperficie  ,  vous 
ne  creu ferez  pas  du  tout ,  &  vous  y  for- 
merez vos  plates-bandes ,  en  y  ajoutant 
de  la  terre  rapportée,  que  vous  élèverez  de 
deux  pies  au-deflus  du  niveau  de  l'allée. 
Dans   tous    les  cas   cette  terre  doit  être 
prife  dans  un  pâtis  ,  &  n'être  ni  trop  hu- 
mide, ni  trop  compade  ,  ni  trop  feche  j 
mais  douce ,  onétueufe  &  de  couleur  noi- 
iette ,  ka'^t  loam.  L'automne  avant  celle  où 
l'on  doit  planter ,  on  enlevé  cette  terre  par, 
gazon  de  dix  pouces  d'épaifleur  ,  que  l'on 
difpofe  par  tas  ;  on  remue  fouvent  ces  tas 
pour  briièr  les  gazons ,  que  les  gelées  de 
l'hiver    &  les   chaleurs  de  l'été  achèvent 
d'ameublir.  Au  mois  defeptembre,  environ 
deux  mois  avant  de  faire  la  plantation  des 
pêchers  ,  on  conduit  &  on  emploie  cette 
terre  dans  les  jardins.  Les  auteurs  Anglois. 
confeillent  de  fumer  les  plates-bandes  des 
pêchers  tous  les  deux  ans ,  ayant  attentiort 
de  fe  fervir  de  fumier  de  vache  dans  les 
fols  fablonneux ,  de  fumier  de  cheval  dai:s 
les  plus  frais  ;  de  répandre    &  d'enterrer 
cet  engrais  en  novembre  :  ils  défendent  de 
mettre   de  gros  légumes  dans  les  plates» 
Kandes,  mais  ils  confeillent  d'y  en  cultiver 
ddT  petits ,  fur-tout  de  ces  herbages  qui  n'oc- 
cupent la  terre  qu'au  printemps.  Le  peu  de 
nourriture  (  difent-ik  }  que  ces  plantes  dé-^ 
robent  aux  pêchers  ,  eft  bien  réparé  par  les 
fréquentes  cultures  que  ces  petits  légumes, 
exigent ,  &  dont  les  pêchers  profitent.  Ik 
veulent  aufTi  qu'on  laboure  au  pié  des  air- 
bres  chaque  automaie  ^  Se  qu'on  lemue  U 


« 


'54  PEC 

terre  des  plates-bandes  avec  la  fourche, trois 
fois  pendant  l'été  :  nous  ne  pouvons  qu'ap- 
prouver toute  cette  culture  ,  &  nous  ne 
ibmmes  nullement  de  l'avis  que  les  pêchers 
réufli fient  très-bien  dans  les  allées  ,  lans 
plates-bandes  à  leurs  pies  ,  nous  ne  pou- 
vons contefter  l'expérience  j  mais  nous  iom- 
mes  très-alTurés  qu'elle  ne  peut  avoir  un 
bon  fuccès  que  dans  des  terrains  de  la  pre- 
mière qualité. 

On  peut  s'y  prendre  de  quatre  manières 
pour  mettre  des  pêchers  en  efpalier  :  i°. 
planter  un  noyau  de  prune  ou  une  amande 
aux  diftances  convenables  auprès  du  mur  , 
dans  le  deflèin  de  greffer  les  fujets  qui  en 

F  reviendront  ;  i°.  planter  un  fujet  dont 
écuflon  n'a  pas  encore  poulTé  ;  5°.  plan- 
ter une  greffe  qui  a  fait  fa  première  poufïè  ; 
4°.  planter  une  greffe  de  deux  ou  trois  ans, 
qu'on  a  taillée  &  paliffée  d'avance  dans  la 
pépinière ,  pour  ébaucher  fa  forme  :  la  pre- 
mière de  ces  manières  eft  confeillée  par 
M.  Décombes  j  elle  eft  condamnée  par  des 
principes  qu'on  a  vus  dans  le  cours  de  cet 
article.  Les  arbres  femés  en  place  enfon- 
cent leurs  racines  plus  que  les  autres ,  fur- 
tout  l'amandier,  qui  les  plonge  naturel- 
lement très-avant.  Or  ,  il  eft  eflentiel  que 
les  racines  des  arbres  qui  portent  le  pécher  , 
s'étendent  fous  une  mince  fuperficie  de  terre, 
pour  qu'elles  reçoivent  les  bienfaits  des  ro- 
fées  &  des  rayons  folaires  ;  autrement ,  les 
arbres  croiftènt  mal ,  ôc  les  fruits  ne  font 
ni  bcaulfni  bons.  Je  fais  même  qu'en  cer- 
tains endroits  on  fait  un  cintre  en  ma- 
çonnerie ,  fous  l'endroit  où  les  racines  des 
pêchers  doivent  être  placées. 

La  féconde  manière  ufitée  en  Angleterre 
nous  paroît  excellente  ;  elle  donne  l'avan- 
tage de  pouvoir ,  dès  la  première  année  , 
en  pinçant  le  tendre  bourgeon ,  lui  faire 
produire ,  aux  diftances  que  l'on  veut ,  des 
branches  latérales  d'égale  force ,  qui  doi- 
vent fervir  de  premiers  membres  au  pêcher  y 
êc  qui  font ,  pour  ainfi  dire ,  les  pièces  prin- 
cipales de  l'édifice  de  la  taille. 

La  troifieme  manière  eft  celle  que  l'on 
met  en  ufagc  le  plus  généralement. 

La  quatrième  ne  convient  que  pour  faire 
des  rcmplacemens  ;  encore  n'ofèrions-nous 
Blême ,  dans  ce  cas,confeillerde  s'en  (èrvir. 

Nous  ne  parlerons  point  de  la  diftance 


pec 

qu'on  doit  mettre  entre  les  pêchers ,  o« 
eft  peu  d'accord  fur  ce  point  ;  elle  dépend 
delà  hauteur  des  murs  ,  de  la  qualité  du 
fol ,  &  de  l'efpece  de  taille  qu'on  fe  pro- 
pofe  de  mettre  en  ufage  :  nous  pouvons 
cependant  affurer  qu'en  aucun  cas  elle  ne 
doit  être  de  moins  de  dix  pies. 

Nous  finirons  par  exhorter  le  cultiva- 
teur à  élever  en  demi-plein  vent  ,  lorfqu'ii 
en  aura  la  commodité  ,  toutes  les  efpeces 
de  pêchers  qui  peuvent  y  réuflir  ,  ôc  que 
nous  avons  indiquées;  ces  arbres  ne  de- 
mandent pas  une  taille  régulière ,  pourvu 
qu'on  les  monte  d'abord  fur  trois  ou  qua- 
tre membres  égaux  ,  &  difpofés  un  peu 
horizontalement ,  &  qu'on  taille  chaque 
printemps  leurs  bourgeons  fuivant  leurs 
forces  ;  car  ces  arbres  ,  qui  pourront  vivre 
une  trentaine  d'années ,  produiront  abon- 
damment des  pêches  moins  groftes ,  mais 
plus  colorées  ôc  bien  meilleures  que  celles 
des  efpaliers.  On  peut  auiïi  élever  ces  mê- 
mes efpeces ,  &  peut-être  pluficurs  autres , 
en  baillons  basévuidés.  Ceux  qui  voudront 
planter  les  noyaux  des  excellentes  pêches 
bien  mûres  ,  reproduiront  quelquefois  la 
même  efpece  ,  ôc  verront  fouvent  naître, 
des  variétés  paffablement  bonnes  ;  ils  pour- 
ront auffi  gagner  des  elpeces  nouvelles  ÔC 
eftimablcs  j  car  c'eft  ainfi  que  la  nature ,  en 
fe  jouant ,  a  produit ,  ibus  des  mains  cu- 
rieufes  ,  tous  les  bons  fruits  que  nous  cul- 
tivons. (M.  le  Baron  de  TscHoUDl. 

Les  pêches  font  fouvent  endommagées 
par  quantité  d'infeétes.  Dès  le  printemps, 
le  bouton  à  fleur  eft  attaqué  par  une  che- 
nille verte  ,  que  l'on"  trouve  derrière  les 
branches  ,  Ôc  qu'il  faut  détruire.  Loriquç 
les  murs  font  mal  crépis ,  les  loirs ,  les  mu- 
lots ,  les  rats  ,  les  fouris  &  les  mularai- 
gnes  s'y  réfugient  ,  &  entament  tous  les 
fruits  à  mefure  qu'ils  commencent  à  mû- 
rir. On  peut  détruire  ces  animaux  nuifi- 
bles  à  forde  de  tendre  ,  aux  approches , 
des  fouricieres  ôc  des  quatres  de  chiffre.  La 
défeOiUoCizé  des  murs  occafione  auffi  le 
dégât  des  fourmis ,  qui  ne  s'attachent  ôc 
ne  font  de  mal  qu'autant  que  l'arbre  eft 
infcdé  de  pucerons,  dont  l'excrément  miel- 
leux les  attire.  Il  faut  commencer  par  dé- 
truire les  pucerons ,  en  coupant  le  bout  des 
branches,  ôc  en  ôtant  toutes  les  feuilles 


VEC 

^ui  en  font  couvertes.  A  Tégard  des  four- 
mis ,  on  en  détruit  une  grande  quantité 
en  mettant  au  pié  de  Tarbre  un  pié  de 
bruf  frais ,  dont  on  égraille  la  peau  fans 
rôter.  Bientôt  il  eft  couvert  de  fourmis , 
que  l'on  fait  périr  en  trempant  le  pié  de 
bœuf  dans  l'eau.  Les  perce-oreilles  endom- 
magent fouvent  les  grofles  ôc  petites  mi- 
gnonnes i  on  peut  prendre  ces  infectes  avec 
les  onglets  de  mouton  ,  où  ils  aiment  à  fe 
réfugier.  Enfin  ,  pour  fe  débarrafler  des 
mouches- guêpes  5c  autres  infe(5tes  de  ce 
genre  ,  on  n'a  pas  trouvé  d'autre  moyen  , 
que  de  leur  fuppléer  d'autres  fruits  plus 
communs  ,  qui  puiflent  les  attirer  par  leur 
douceur  &  leur  mollefïe. 

Les  végétaux  comme  les  animaux  ,  font 
fujets  à  des  maladies  ;  le  pécher  en  a  fur- 
tout  une  qui  lui  eft  particulière.  Il  eft  fou- 
vent  endommagé  par  les  vents  roux ,  qui 
occafionent  une  nielle  ,  un  brouis ,  que 
l'on  nomme  la  eloque.  Les  feuilles  s'*épaif- 
fîftènt  &  fe  recoquillent ,  en  devenant  rou- 
geâtres  &  galeufes.  Cet  état*  défagréable 
eft  encore  plus  nuiiible  à  l'arbre  &  au  fruit. 
On  détruit  ce  mal  en  coupant  tous  les 
bouts  des  branches  ,  &  toutes  les  feuilles 
qui  en  font  infedées.  La  gomme  eft  une 
autre  maladie  qu^il  faut  bien  fe  garder  de 
négliger  j  dès  qu'on  s'en  apperçoit ,  nul 
autre  remède  que  de  couper  la  branche 
au-defliis  de  l'écoulement  ;  mais  fi  le  mal 
empire  &  s'étend  jufqu'à  un  certain  point , 
le  plus  court  eft  d'arracher  l'arbre.  Il  en 
eft  de  même  ,  lorfqu'il  vient  à  être  atteint 
d'une  efpece  de  glu  noirâtre  qui  couvre 
tout  le  pécher:  ce  mal  eft  occafioné  par 
une  fève  corrompue  qui  s'extravafe,  &  qui 
eft  C\  contagieufe  ,  qu'il  faut  faire  enlever 
promptcment  l'arbre  qui  en  eft  infe6té.  En- 
fin ,  il  arrive  quelquefois  que  dans  les  mois 
de  juin  &  de  juillet  9  il  tombe  fur  lespéchers 
Une  nielle  blanche  ôC  contagieufe  ,  qui 
endommage  l'arbre  &  le  fruit  :  le  remède 
eft  de  raccourcir  les  branches  à  mefure 
qu'elles  en  font  atteintes. 

On  pourra  confulrer  fur  les  bonnes  efpeces 
de  pêches  le  Catalogue  des  RR.  PP.  Char- 
treux de  Paris,  &PEflai  fur  l'agriculture  de 
M.  l'Abbé  Nolin  ;  ôc  pour  la  culture  du 
pécher  ,  le  Traité  de  M.  de  Combe,  & 
un  Mémeiie  de  M.  l'Abbé  Roger ,  qui  a 


PEC  jy 

été  inféré  dans  le  Journal  économique  du 
mois  de  février  1755. 

Pécher  ,  (  Dicte  &  Matière  médic.  ) 
Le  fruit  &;  les  fleurs  font  les  feules  par- 
ties de  cet  arbre  dont  nous  ayons  à  faire 
mention. 

Le  fruit  que  tout  le  monde  connoît  Ibus 
le  nom  àc pèche ,  eft  un  des  plus  falutaires  , 
comme  des  plus  délicieux  de  tous  ceux 
que  mangent  les  hommes.  Il  fe  trouve  • 
cependant,  parmi  les  anciens  Médecins ,  des 
Auteurs  d'un  grand  nom  ,  tels  que  Galien 
&  Paul  d'Egine,  qui  en  ont  condamné 
l'ui^ge  ;  mais  leur  autorité  eft  rendue  à- 
peu-près  nulle,  par  les  autorités  contraires  j 
par  celle  de  Diofcoride  &c  de  Pline ,  par 
exemple  ;  &  l'obfervation  conftante  décide 
en  faveur  du  fentiment  que  nous  avons 
embrafle.  Les  pêches  les  plus  fondante» 
ou  pêches  proprement  dites  ,  &  celles  qui 
portent  le  nom  de  brugnons  ,  qui  font  les 
unes  &  les  autres  de  l'efpece  dont  la  chair 
n'adhère  point  au  noyau, &  qui  font  les  plus 
parfumées ,  (ont  encore  plus  falutaires ,  fe 
digèrent  plus  aifément ,  plaifent  davantage 
à  l'eftomac ,  que  celles  qu'on  appelle  com- 
munément pavies  ,  dont  le  parenchyme 
eft  toujours  plus  ferré  ,  &  qui  font  ordi- 
nairement moins  parfumées  &  d'un  goût 
moii-fe  relevé.  La  meilleure  façon  de  man- 
ger la  pêche ,  c'eft  de  la  manger  crue  ,  foit 
avec  du  fucre  ,  foit  fans  fucre  ;  viennent 
enfuite  la  compote  &  la  marmelade.  La 
pêche  confite  à  l'cau-de-vie  ou  à  l'efprit 
de  vin ,  ne  vaut  abfblunient  rien  ;  elle  eft 
toujours  échauffante  &  indigefte ,  parce 
qu'elle  devient  coriace  par  cette  prépara- 
tion ,  qui  exige  d'ailleurs  qu'on  la  prenne 
avant  fa  maturité.  Cette  obfervation  doit 
porter  à  croire  qu'il  vaut  mieux  boire  fur 
la  pêche  de  l'eau  ,  que  du  vin ,  contre 
l'opinion  &  la  coutume. 

On  a  long-temps  &  très-anciennemehc 
penfé  que  la  pêche  étoit  unpoifbnen  Perfc, 
que  l^on  croit  être  le  fol  natal  du  pécher, 
Columelle  rapporte  cette  opinion ,  &  Pline 
la  réfute.  Il  eft  rrès-vraifemblable  qu'une 
pêche  fauvage  eft  un  très-violent  purga- 
tif. L'analogie  déduite  delà  vertu  des  feuil- 
les &  des  fleurs  du  pécher ,  qui  peuvent 
être  regardées  comme  à  peine  altérées  par 
la  culture  ôc  par  le  climat ,  tandis  que  Iç 


5 


P  E  C 


fruit  eft  abfolument  dénaturé  par  ces  deux 
caufes  j  cette  analogie ,  dis-je ,  fournit  une 
violente  préfomption ,  fi  Ton  fe  rappelle 
fur-tout  les  obfervations  qui  ne  manquent 
pas  fur  une  foule  de  faits  femblables,  fur 
beaucoup  de  fubftances  végétales  naturel- 
lement vénéneufes ,  adoucies  par  la  culture 
&  par  le  changement  de  cliniat.  ^ 

Les  fleurs  du  pêcher  fourniflent  a  la  mé- 
decine un  de  fes  purgatifs  les  plus  ufités, 
fur-tout  pour  les  enfans.  C'eftleurmfufion, 
&  plus  fouvent  encore  un  firop  fimple 
préparé  avec  cetteinfufion ,  qu'on  emploie 
ordinairement.  On  les  donne  auflj ,  mais 
fort  rarement,  en  fubftance,  mangées  fraî- 
ches fous  la  forme  de  falade,  ou  préparées 
avec  le  fucre  fous  la  forme  de  conferve. 
Tous  CCS  remèdes  rangés  dans  la  clafle 
des  purgatifs  doux ,  ne  laiflent  pas  que 
d'avoir  une  certaine  adivité,  de  eau  ter 
des  tranchées  dans  différens  fujets,  &  de 
produire  même  l'effet  hydragogue.  Les 
fleurs  s'ordonnent  par  pincées  dans  les 
infufions  purgatives  ;  ^ladoiedu  firop 
eft  depuis  demi-once  jufqu'à  trois  &  qua- 
tre onces. 

'  Les  fleurs  du /^/c^crpalfent  encore  pour 
un  bon  vermifuge  ,  qu'on  peut  donner 
utilement  aux  enfans ,  dans  la  double  vue 
de  tuer  &  de  chafler  les  vers. 

Il  faut  remarquer  que  les  fleurs  de  pé- 
cher ne  doivent  pa^  être  foumifes  à  la  dé- 
coftion;  elles  font  du  nombre  des  fubl- 
tances  dont  la  ve^tu  purgative  réfide  ,  au 
moins  en  partie ,  dans  les  principes  vola- 
tils. Voyei^  Décoction  ,  Infusion  & 
PuRGATir.(3) 

Pécher  ,  Pécheur  ,  (  Marine.  ) pécher 
rane  ancre  ,  c'eft  rapporter  une  ancre  du 
fond  de  l'eau  avec  celle  du  vaifleau  ,  lorl- 
qu'on  l'a  relevé  ,  ce  qui  arrive  quelquefois 
lorfqu'on  mouille  dans  des  rades  fort  fré- 
quentées. P/c-Aer  un  bris  de  naufrage. 

Pécher  ,  (  Géogr.  mod.  )  ou  Pakir  , 
félon  M.  Deiifle  ,  ville  de  l'Arabie  heu- 
reufe ,  fituée  au  bord  de  la  mer ,  dans  le 
Royaume  de  Fartague  félon  les  uns ,  de 
félon  d'autres  au  Royaume  de  Carefen. 
'  PECHERIE,  f.  f.  LPe-'he  Ù  Comm) 
lieu  où  l'on  fait  la  pêche ,  il  fe  dit  aulïi  des 
{)Jla^e.s  de  la  mer  orientale  ou  occidentale , 


PEC 

&  même  de  quelques  rivières  où  l'on 
pêche  des  huîtres  perlieres. 

Les  pêcheries  d'orient  font  celles  de  l'ilc 
de  Bahrcn  ,  dans  le  golfe  Perfique  ;  de 
Carifa ,  vis-à-vis  Bahren  ,  fur  la  côte  de 
l'Arabie  heureufe  ,  de  Manar ,  fur  la  côte 
de  Pile  de  Ceylan  ,  &  de  quelques  endroits 
de  celles  du  Japon.  Les  pêcheries  des  Indes 
d'occident  font  toutes  dans  le  golfe  du 
Mexique ,  le  long  de  la  côte  de  terre- ferme 
de  l'Amérique  ;  entr'autres  à  la  Cubagua , 
à  l'île  de  la  Marguerite  ,  à  Comogore  ,  à 
Rio  de  la  Hacha  ,  6c  à  Sainte-Marthe. 
Enfin ,  les  pêcheries  d'Europe  qui  font  les 
moins  confidérables ,  font  le  long  des  côtes 
d'Eco (lè  ;  mais  ces  dernières,  perles  font 
la  plus  grande  partie  baroques.  (D.  /.  ) 

PECHETEAU  ,  voje:(^ Baudroie. 

PECHEUR  ,  f.  m.  celui  qui  fait  métier 
de  la  pêche,  f^cye^i  l'article  Peche. 

Pécheur  ,  (  Gramm.  ù  Théolog.  ) 
celui  qui  commet  le  péché.  Voye^;^  V article 

PÉCHÉ. 

Pécheur  ,  voy.  Martin-Pecheur. 

PÉCHINIENS  ,  f.  rn.  pi.  (  Géogr.  anc.) 
Péchini ,  peuples  d'Ethiopie  fous  l'Egypte. 
Ptoloméc  ,  /.  IV ,  c.  viij  ,  les  place  entre 
le  fleuve  Aftapode  ,  &  le  mont  Garbatus. 
Les  Péchiaiens  y  félon  toute  apparence  , 
font  les  Pygmées  d'Homère.  Il  y  a  lieu  de 
croire  que  c'eft;  la  reflèmblance  du  nom  & 
la  petite  taille  de  ce  peuple  ,  qui  ont  donné 
occafion  aux  Grecs  de  les  appeller  des 
Pygmées  ,  du  mot  'jrvyfi.n  ;  le  poing  ,  ou 
plutôt  de  celui  de  '^rvylnv ,  qui  fignific  une 
coudée  ,  &  qui  a  tant  de  conformité  avec 
le  nom  des  Péchiniens,  Les  Poètes  n'ont 
pas  toujours  cherché  des  rapports  fi  mar- 
qués ,  pour  en  faire  le  fondement  de  leurs 
fables.  Ils  avoient  appris ,  par  le  récit  de 
quelques  voyageurs  ,  que  les  Péchiaiens 
étoient  d'une  petite  taille  ;  que  les  grues 
le  retiroient  en  hiver  dans  leur  pays  , 
&  que  ces  peuples  s'aflembloient  pour  les 
détruire.  Quel  fonds  à  un  Poè'te  Grec  pour 
une  fable  jolie  que  celle  des  Pygmées  ! 
mais  ce  n'eft  pas  la  feule  conjedure  qui 
puilTc  étabUr  cette  opinion  ;  beaucoup  d'au- 
tres très-fortes,  qu'il  feroit  trop  long  de 
rapporter  ,  contribuent  à  faire  voir  que 
toutce  qu'on  a  publié  des  Pygmées  con- 
vient parfaitement  aux  Péchiniens. 

PECHLARN 


PEC 

PECHLARN,  {Géogr,  mod>iv\\\z  d* Al- 
lemagne ,  dans  la  baffe  Autriche ,  fur  ia 
rive  droite  du  Danube  ,  à  l'endroit  où  ia 
rivière  d'Erlaph  fe  jette  dans  ce  fleuve. .La 
reffemblance  du  mot  Erlaph  avec  celui 
ôiAreldpe  ou  Arlape ,  fait  croire  que  Pe- 
chlarn  eft  l'Arélape  des  anciens,  mot  qui 
vient  ,  par  corruption  ,  à' Ara  lapidea  : 
comme  le  Danube  eft  fort  large  dans  cet 
endroit ,  les  Romains  y  tenoient  une  flotte. 
Tcchlarn  appartient  à  l'Evêque  de  Ratif- 
bonne  3  elle  eft  à  deux  milles  au  deffous 
d'Ips  ,  &  à  un  grand  mille  de  Melek. 
Long,  ^î  3  ,  Z4  3  lat.  48  ,   14. 

PECHTEMAL  ,  f.  m.  (  Terme  de  ftla^ 
tion  :  )  c'eft  un  tablier  rayé  de  blanc  &  de 
bleu  ,  dont  les  Turcs  fe  couvrent  dans  le 
Lain  ,  &  qu'ils  mettent  autour  du  corps , 
après  avoir  ôté  leurs  habits. 

PECK.,  f.  m.  {Mefure  de  contenance.  ) 
mcfure  dont  on  fe  fèrt  en  Angleterre  pour 
mefurer  les  grains  ,  graines ,  légumes  & 
autres  femblables  corps  folides. 

Le  peck  tient  deux  gallons  ,  à  raifon 
d'environ  huit  livres  ,  poids  de  trois  le 
gallon.  Quatre  pecks  font  un  boiffeau  j 
quatre  boilfeaux  un  comb  ou  carnok  ^ 
deux  carnoks  une  quarte  ,  &  dix  quartes 
un  left  ,  qui  tient  cinq  mille  cent  vingt 
pintes  j  ce  qui  revient  à  environ  autant 
de  livres  poids  de  trois. 

PECKELSEN  ,  (  Géographie.  )  petite 
ville  d'Allemagne,  dans  le  cercle  de  Weft- 
phalie ,  &  dans  TEvéché  de  Paderborn  , 
ayant  féance  &  voix  dans  les  états  du 
pays ,  mais  trop  petite  &  trop  pauvre  pour 
être  d'ailleurs  remarquable.  Elle  donne 
pourtant  auflî  fon  nom  à  l'un  des  baillia- 
ges de  l'évêché.  {D,  G) 

PÉCOULS,  f.  m.  pi.  {Terme  d'imagers.) 
Les  pécouls  ,  autrement  nommés  petits  baf- 
Jins  ,  font  des  bordures  de  bois  unies  ,  qrii 
ièrvent  à  encadrer  des  eftampes  d'une 
grandeur  déterminée. 

PECQUET,  RESERVOIR  DE  (Anat.) 
Pecquet  naquit  à  Dieppe  ,  &  s'eft  illuftré 
par  la  découverte  du  réfervoir  du  Chyle  , 
qui  porte  fon  nom. 

PECTEN  ,  f.  m.  en  Botanique ,  c'eft  le 
grain  du  bois  de  toutes  fortes  .d'arbres. 
Voyei  Bois  &  Arbre. 

Pecten  ,  en  Anatomie^  eft  uftté  par 
■Tome  XXV* 


PEC  57 

quelques  auteurs  ,  pour  exprimer  l'endroit 
des  os  pubis  ,  ou  la  partie  inférieure  de 
Ihypogaflre  ,  ordinairement  recouvert  de 
poil. 

PECTINAL  ,  aa.  {IcUiolog.)  c'eft  le 
nom  qu'on  donne  aux  poiffons  dont  l'arête 
imite  les  peignes ,  tel  que  la  foie  ,  la  plie  , 
ia  limande  ,  le  flez ,  le  flételet ,  le  carre- 
let, le  picot,  &c.Oi\  fait  une  chaffe parti- 
culière des  ^ioiïïons  pcclinaux.  (D.  J.) 

PECTINEUS  ,  en  Anatomie  ,  eft  un  des 
mufcies  de  la  cuiffe  j  il  eft  ainfi  nommé  , 
parce  qu'il  vient  de  la  partie  antérieure 
des  os  pubis.  Voye^  PI.  Anatom.  Il  fe 
termine  au  deffous  du  petit  trochanter. 

PECTINITE  ,  (  Uift.  nat.  )  c'eft  ainft 
qu'on  nomme  la  coquille  appellée  peigne  , 
en  Latin  peclen  ,  lorfqu'elle  eft  foffile  ou 
pétrifiée.  Voye^  Peigne. 

PECTIS,  (  Mu^ç.  in/I.  des  anc.)  inf- 
trument  à  cordes  des  anciens  ,  &  particu- 
lièrement des  Lydiens.  Lepeélis  avoit  deux 
cordes,  comme  le  prouve Aihenéc,  liv.  V ^ 
Deipnofoph.  Probabl«ment  c'étoit  l'inftru- 
mcnt  appelle  dicorde  ,  &  ce  dernier  nom 
n'étoit  qu'une  épithete.  (  F.  D.  C.  ) 

PECTORAL,  en  Anatomie,  eft  le 
nom  de  deux  mufcies ,  dont  l'un  s'appelle 
le  grand  peâoral ,  &  l'autre  le  petit  pecto- 
ral. Le  ^x-à:\à.  pecîoral  occupe  prefque  toute 
la  partie  antérieure  de  la  poitrine  \  il  eft 
charnu  &  demi-circulaire  ,  &  il  vient  de 
la  clavicule  ,  du  fternum  &  des  cartilages 
de  fix  ou  fept  côtes  fupérieures  \  &  re- 
couvrant une  grande  partie  de  la  poitrine  > 
il  va  s'infërer  par. un  tendon  court,  mais 
fort  &  large,  à  ia  ligne  faillante  qui  répond 
à  la  greffe  tubérofité  de  l'humérus ,  entre 
le  biceps  &  le  deltoïde.  Voyeinos  Planches 
£  Anatomie. 

Vers  leur  infertion  ,  fes  fibres  fê  oroifènt. 
Celles  qui  viennent  de  la  clavicule  font  dii 
côté  inférieur  du  tendon  \  &  celles  qui  vien- 
nent des  côtes  inférieures  ,  font  du  côté 
fupérieur  du  tendon. 

Les  naturaliftes  obfervent  une  manifefta- 
tion  particulière  de  la  Providence  ,  par 
rapport  à  la  grandeur  &  à  la  force  du 
muiclc />ff7om/  en  difterens  animaux.  C'eft 
par  l'adtion  de  ce  mufcle  que  fe  fait  prin- 
cipalement le  vol  des  oi féaux  \  c'eft  poïir- 
quoi  il  eft  beaucoup  plus  large  Se  plus  fort 
-    ^  H 


58  P  E  C 

dans  les  oifèaux ,  que  dans  tous  les  autres 
animaux  qui  ne  font  pas  faits  pour  voler. 
Voyei  Oiseau. 

Borelli  obfërve  que  dans  Thomme  les 
mufcles  pecloraux  égalent  à  peine  la  cin- 
quantième ou  la  foixante-dixieme  partie  de 
tous  les  autres  mufcles  ^  mais  dans  les 
oifeaux  ils  font  très -grands  :  par  leur  éten- 
due &  par  leur  pefanteur ,  ils  égalent  ou 
inême  ils  fùrpaiTent  tous  les  autres  mufcles 
de  l'oifeau  pris  enfemble.  Voyc^  VoLER. 

Le  petit  pecloral  vient  de  la  féconde  , 
troisième,  quatrième  ,  cinquième  des  vraies 
côtes  ,  &  s'attache  à  l'apophyfe  coracoïde 
d«  l'omoplate. 

Pectoral  fè  dit ,  en  matière  médicale  , 
des  médicamens  qui  font  falutaires  dans  les 
maladies  de  la  poitrine  ,  &  ces  remèdes 
font  ,  ou  atténuans  &  expeâ:orans  dans 
répailTilfement  du  faug  des  vaifleaux  pul- 
monaires &  de  l'humeur  bronchiale  ,  ou 
épaifiHîans  &  incralfans  dans  l'acrimonie 
de  ces  mêmes  fluides,  f^oyei  Béchiques. 

On  nomme  peclorale  toute  compofition 
qui  eft  faite  de  remèdes  pectoraux  \  ainll 
l'on  dit ,  apozeme  pecloral  ,  julep  peclo- 
ral^ looch pecloral,  potion  peâorale,  Voy. 
Bechique  ,  Rhume  &  Toux. 

PÉCULAT  ,  f.  m.  (  Jurifpruâ.  )  eft  le 
crime  de  ceux  qui  détournent  les  deniers 
qui  fè  lèvent  fur  le  public. 

II  fut  ainG  nomme  chez  les  Romains  , 
parce  que  leurs  monnoies  portoient  l'em- 
preinte de  quelques  figures  d'animaux  , 
appelles  en  Latin  pecus. 

Marc  Caton  fè  plaignant  que  de  fbn 
temps  le  péculat  demeuroit  impuni  ,  difoiî 
que  ceux  qui  voloient  les  particuliers ,  paf 
foient  leur  vie  dans  les  prifons  8c  dans  le> 
fers  \  mais  que  ceux  qui  pilloient  le  pu , 
Jblic  5  vivoieut  dans  l'opulence  &  dans  la 
g-randeur. 

Cependant,  chez  les  Romains,  ceux  qiii 
étoient    convaincus   de   ce    crime    étoienr 
punis  de  mort ,  &  ils  ne  pouvoient  en  obte 
nir  l'abolition  ^  ce  qui  n'a  pas  lieu  parmi 
nous. 

Ce  crime  iè  commet  par  les  receveurs 
&  officiers  qui  ont  le  maniement  des  de- 
niers ,  ou  par  les  magiftrats  &  autres  offi- 
jltiers  qui  en  font  les  ordonnateurs. 

Jii  le  commet   eu  oiverfès  manières  ,  ' 


PE  C 

!  comme  par  otniflion  dans  la  recette  def 
comptes  ,  faux  &  doubles  emplois  dans  la 
dépenfe  j  par  des  levées  &  exaftions  de 
deniers  ,  faites  outre  &  par  delfus  les  fom- 
mes  contenues  aux  commiflions  du  roi  5 
par  la  délivrance  de  doubles  contraintes 
pour  une  même  fomme ,  que  l'on  fait  payer 
deux  fois  fans  en  donner  d'acquit  ou  autre- 
ment •,  en  cachant  au  peuple  la  remife  qu^ 
le  roi  lui  a  faite  de  certaines  impolitions  j 
pendant  un  temps  ,  &  exigeant  ces  impo- 
îîtions  j  en  exigeant  des  redevables  de  gros 
intérêts  pour  les  délais  qu'on  leur  accorde; 
en  employant  dans  les  comptes  des  per- 
tes de  finances  qui  font  fuppolëes  \  eu 
portant  en  reprife  des  fommes  comme  ii 
elles  n'a  voient  point  été  reçues,  quoiqa'eii 
effet  elles  l'aient  été  \  en  levant  des  de- 
niers fans  commifîion  «tu  roi  j  enfin ,  ea 
retardant  les  paiemens ,  &  fe  (èrvant  des 
deniers  pour  leur  profit  particulier. 

Ceux  qui  ont  prêté  leur  nom  ,  aide 
&  fecours  à  ceuîs;  qui  ont  commis  ces 
malverfations  ,  fe  rendent  coupables  du 
même  crime.  ^i"^ 

Anciennement  ce  crime,  en  France  , 
étoit  puni  de  mort  comme  chez  les  Ro- 
niains  \  Bouchel ,  en  fon  traité  de  la  Jus- 
tice criminelle,  en  rapporte  plufieurs  exem- 
ples ,  antérieurs  même  à  l'ordonnance  de 
François  1  ,  dont  on  va  parler. 

Cette  ordonnance  ,  qui  eft  du  mois  de 
mars  1545  ,  porte  que  le  crime  àé  péculat 
fera  puni  par  confilcation  de  corps  &c  de 
biens  ,  par  quelques  perfonnes  qu'il  ait  été 
commis  j  que  fi  le  délinquant  eft  noble  , 
il  fera  ,  outre  ladite  peine  ,  privé  de  no- 
bleffe  ,  &  lui  &  fes  defcendans  déclarés  vi- 
lains &  roturiers  :  &  que  fi  aucuns  comp- 
tables fe  latitent  &  retirent  du  royaume  ^ 
fans  avoir  rendu  compte  &  payé  le  reii'- 
quat  par  eux  dû ,  il  fera  procédé  contre  eux 
par  déclaration  de  même  peine  que  contre 
ceux  qui  ont  commis  le  crime  de  péculat. 

Mais  depuis  cette  ordonnance  ,  il  y  3 
eu  bien  peu  d'exemples  de  perfonnes  pip- 
nics  de  mort  pour  crime  de  péculat. 

Il  y  a  eu  néanmoins ,  en  divers  teinps;, 
des  commiffions  générale*  &  établiifemenl: 
de  cham.bre  de  juftice,  pour  la  rp'ht'rche 
de  ceux  qui  avoient  mal  verfé  dans  lesfinav 
ces  p  mai&  prefque  toutes  ces  pouriuitek  ont 


P  E  C 

été  terminées  par  des  lettres  d'abolition , 
accordées  moj'^ennatit  certaines  fommes. 

Louis  XIII  ,  par  édit  du  mois  d'oâ:o- 
bre  1624  ,  donna  grâce  &  abolition  à  tous 
les  coupables  ou  complices  du  crime  de  pé- 
culat  ,  qui  avant  que  d'être  accufés  &  pré- 
venus ,  viendroient  à  révélation  des  fautes 
commifcs  par  eux  o\x  leurs  complices ,  ref- 
titueroient  ce  qu'ils  auroient  pris  ,  &  don- 
neroient  mémoires  &  inrtruétions  contre 
ceux  qu'ils  auroient  déférés  :  mais  au  mois 
de  nov.  fuivant ,  il  y  eut  une  déclaration  qui 
exempta  de  la  recherche  ceux  qui  avoient 
traité  avec  le  roi  ^  &  par  deux  édits ,  des 
mois  de  juillet  166$  ,  &  août  1669,  on 
voit  que  la  peine  du  péculat  n'eit  plus  que 
pécuniaire. 

Une  chofe  à  remarquer  pour  la  preuve 
de  ce  crime  ,  c'ell  qu'un  témoin  (ingulier 
eft  reçu  &  fait  foi ,  pourvu  qu'il  y  ait  phi- 
iieurs  témoins  finguliers  qui  dépofent  des 
faits  femblables.  Voye-{^  Papon ,  l.  XXII , 
fît.  2.  DefpeiiTes  ,  tom.  II ,  Tr.  des  Cau- 
fes  criminelles ,  part.  1  ,  tit.  12  ,  feâ,  1 , 
ar^.  (A) 

Teculat  ,  f.  m.  {Art.  mïlit.  des  Rom.) 
Je  n'envifage  ici  le  péculat  que  comme  un 
larcin  militaire  ,  qui  a  trop  fouvent  régné 
depuis  que  la  guerre  exerce  fes  dépréda- 
tions. La  fameufe  loi  Julia  comprit  fous 
Je  péculat ,  non  feulement  le  larcin  des 
deniers  publics ,  mais  encore  tout  ce  qui 
étoit  facré ,  ou  qui  appartenoit  à  la  répu- 
blique ^  tel  étoit  le  pillage  fait  fur  les  enne- 
mis ;  elle  régloit  la  punition  du  crime  félon 
les  circonftances  ;  elle  puniifoit  !es  uns  par 
la  déportation  ,  &  les  autres  par  la  con- 
fiication  de  leurs  biens.  On  fut  obligé  , 
fur  la  fin  de  la  république ,  de  fermer  les 
yeux  fur  la  punition  du  péculat  militaire. 
En  vain  Caton  fè  plaignit  de  la  licence  des 
foldats  &  des  généraux  :  et  Les  voleurs  , 
»  dit-il ,  des  biens  de  nos  citoyens  font 
»)  punis ,  ou  par  une  prifon  perpéuielle ,  ou 
w  par  la  peine  du  fouet  j  &  ceux  qui  volent 
»  le  public,  jouifTent  impunément  de  leurs 
»  larcins  dans  la  pourpre  &  dans  la  tran- 
»  quillité.  ))  Mais  alors  tout  le  monde  étoit 
coupable  de  péculat. 

On  çommettoit  même  ce  crime ,  dans  les 
cemmencemens  de  la  république  ,  quand 
pa  s'arro^eoit  quelque  chofc   de  ce  qui 


?  E  C  59 

avoit  été  pris  fur  les  ennemis.  Ciceron , 
pour  rendre  le  péculat  dont  il  accufoit 
Verres  plus  odieux  ,  lui  impute  d'avoir 
enlevé  une  ftatue  qui  avoit  été  prife  dans 
un  pillage  ennemi.  Non  feulement  on  pu- 
niffbit  les  généraux  &  les  gouverneurs 
comme  coupables  àe  péculat  ^  mais  encore 
les  foldats  qui  ne  rapportoient  pas  ce  qu'ils 
avoient  pris ,  car  on  exigeoit  d'eux ,  en  rece- 
vant le  ferment  accoutumé  ,  qu'ils  garde - 
roient  fidellement  le  pillage  fans  en  rien  dé- 
tourner ^  &  c'eft  fur  le  fondement  de  ce 
ferment,  dont  la  formule  eft  rapportée 
par  Aulugelle ,  liv.  XVI ,  ch.  iv ,  que  le 
Jurifconfulte  Modeftin  a  décidé  ,  Jf'.  ad  l, 
Jul.  péculat.  que  tout  militaire  qui  dérobe 
le  pillage  fait  fur  les -ennemis,  eft  coupa- 
ble de  péculat. 

Nous  ne  fommes  pas  aujourd'hui  fî  féve- 
res  ;  non  feulement  le  foldat  ne  remet 
rien  aux  généraux  de  ce  qu'il  a  pris  dans 
un  pillage  ,  mais  les  généraux  eux-mêmes 
ne  rendent  compte  de  leurs' pillages  ni  aux 
princes  ,  ni  à  l'état.  Cependant  ils  ne  font 
pas  tous  dans  le  cas  de  Scipion  l'Africain , 
accuie  devant  le  peuple  de  péculat.  Ce 
grand  homme  ,  à  qui  fi  confcience  ne  re- 
prochoit  rien  ,  fe  préfènta  dans  le  champ 
de  Mars  ,  &  fans  daigner  entrer  dans  la 
juftification  de  fon  innocence  :  «  Romains , 
)>  dit  il,  ce  fut  dans  un  femblable  jour  que 
w  je  vainquis  Amilcar  &  les  Carthaginois. 
»  Sufpendons  nos  querelles  ,  &:  rendons- 
»  nous  au  capitole  pour  remercier  les 
»  dieux  proteâeurs  de  la  patrie.  Quant  à 
»  ce  qui  me  regarde  ,  ajouta-t-il ,  fi  depuis 
)>  ma  tendre  jeunelTe  jufqu'à  ce  jour ,  vous 
»  avez  bien  voulu  m'accorder  des  honneurs 
w  particuliers,  j'ai  tâché  de  les  mériter,  & 
»  même  de  les  furpaffer  par  mes  aérions.  » 
En  finilfant  ces  mots  ,  il  tourna  iès  pas 
vers  le  capitole ,  &  tout  le  peuple  le  fuivit. 
[D.J.) 

PÉCULE  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  c'eft  ce 
qu'un  fils  de  famille  ,  un  efclave  ou  un  reli- 
gieux amalî'e  par  fon  induftrie  ,  ou  acquiert 
de  quelque  autre  manière  ,  &  dont  on  lui 
laiflè  l'adminiftration. 

L'invention  àt  pécule  vient  des  Romains. 
he pécule  ,  peculium  ,  a  été  ainfi  appelle, 
guafi  piifilla  pecunia  ,  feu  patrimonium  pw 
Jillum  ;  ou  plutôt    ^uajî    res  peculici.ris   y 

H  4 


^o  P  E  C 

chofè  propre  au  fils  de  famille  ou  astre 
qui  a  ce  pécule» 

Il  n'y  avoit  originairement  dans  le  droit 
qu'une  forte  de  pécuU  pour  les  fils  de  fa- 
mille &  pour  les  efclaves.  Le  pécule  des 
uns  &  des  autres  étoit  une  légère  portion 
des  biens  du  père  de  famille  ou  du  maître , 
que  celui-ci  confentoit  qui  demeurât  féparé 
du  refte  de  fes  biens  ,  &:  pour  le  compte 
du  fils  de  famille   ou  de  l'efclave. 

Il  étoit  au  pouvoir  du  maître  d'ôter  à 
l'efclave  le  pécule  entier  ,  de  l'augmenter 
ou  de  le  diminuer  ;  tout  ce  que  l'efclave 
acquéroit  étoit  au  profit  du  maître. 

l\  en  étoit  aufll  de  même,  anciennement , 
des  fils  de  famille  j  mais  dans  la  fuite  ,  on 
dillingua  \q  pécule  de  ceux-ci  au  pécule  à^s 
efclaves. 

La  divifion  la -plus  générale    du  pécule 

du   fils    de  famille  ,  eft   en  pécule  militaire 

&  pécule  bourgeois  ^  militare  ^paganicum. 

L.e  pécule  militaire  fc  divilè  eu  cafirenfe 

&  quafi  cafirenfe. 

On  appelle  pécule  eajîrenfe  ,  ce  qui  a 
été  donné  au  fils,  étant  au  lèrvice  militaire, 
par  fes  parens  ou  amis ,  ou  ce  qu'il  a  lui- 
même  acquis  au  (èrvice  ,  &  qu'il  n'auroit 
pas  pu  acquérir  s'il  n'avoit  été  au  fervice  ;, 
car  ce  qu'il  auroit  pu  acquérir  autrement , 
n'eft  pas  réputé  pécule  cajlrenfe. 

On  entend  par  pécule  quafi  cafirenfe  ,  ce 
qui  vient  au  fils  de  famille  à  l'occafion  de 
^  milice  de  robe. 

On  diftingue  quatre  fortes  de  pécules 
guaji  cafirenfe  ;  favoir  , 

Le  clérical ,  que  lis  eccléfiaftiques  ac- 
quièrent au  fèrvice  del'églifè  :  L^cwnLege^ 
cod.  de  Epif.  iS»  Cler. 

Le  pécule  appelle  pal<idnum  ^  qui  eft 
celui  que  les  officiers  du  palais  ,  c'eft-à- 
dire  de  la  maifon  du  prince  ,  y  ont  acquis. 
i»  unie.  cod.  de  pecut. 

\^e pécule forenfe  du  barreau-,  e?1:  celui 
que  les  mag-illrats  ,  les  avocats  &  autres 
gens  de  juftice  ,  acquièrent  à  l'occafion  de 
leurs  dignités  oi»  profeflions..  Z..  ult.  cod. 
de  inoff.  tefi. 

Le  pécule  littéraire  eft  celui  <^iq  ks  pro- 
feffeurs  des  fciences  &  médecins  acquiè- 
rent dans  leur  profeffion.  llùd. 

Le  pouvoir  des  fils  de  fomille  fiir  \q  pé- 
fuU  cafirenfe  &:  quaf  cajlrenfe  ,  eâ  abfolu 


P  EC 

&  entièrement  indépendant  de  la  puiflance 
paternelle  ^  ils  en  peuvent  difpofer  entre- 
vifs &  à  caufe  de  mort  ;,  ils  peuvent  même 
en  difpofer  par  teflament.  §  i ,  2  é!»  3  , 
Injiit,  quibus  non  efl  permiffum  fac.  tefl. 
ff.  &  eod.  tit.  de  cajir.  pecul.  efi  ult.  de 
inoff'.  tefl» 

Le  pécule  bourgeois  ,  paganum  ,  eft  ce 
qui  vient  au  fils  de  famille  autrement  que 
par  le  fervice  de  robe  ou  d'épée  ^  il  eft  de 
deux  fortes  ,   le  profeâice  &  V adventice. 

Le  profedlice  eft  celui  qui  vient  des  biens 
du  père. 

he  pécule  adventice  eft  celui  qui  vient 
de  la  mère  ,  des  parens  maternels ,  &  de 
toute  outre  manière  que  des  biens  du 
père. 

Tous  les  anciens  droits  an  père  de  fa- 
mille fur  le  pécule  profeâice  ,  fubfiftent 
encore  par-tout  où  la  puiifance  paternelle 
a  lieu  j  mais  il  n'a  plus  que  l'ufufruit  du 
pécule  adventice ,  la  propriété  en  appartient 
au  fils. 

Il  y  a  même  cinq  cas  où  le  père  n'a  pas 
l'ufufruit  an  pécule  adventice;  favoir  ,  i*. 
lor/que  le  fils  a  accepté  une  fucceflion  con- 
tre la  volonté  du  père.  z^.  Lorfqu'on  a 
donné  un  efclave  au  fils  ,  à  conditioa  de 
lui  donner  la  liberté.  3*^.  Quand  les  biens 
ont  été  donnés  au  fils  à  condition  que 
le  père  n'en  auroit  pas  l'ufufruit.  4*^.  Dans 
le  cas  où  le  père  a  partagé  avec  un  de 
fes  enfans  la  fiicceftîon  d'un  autre  enfant. 
5°.  Lorfque  le  père  ,  fans  jufte  caufe ,  a 
fait  divorce  avec  fa  femme.   117,    118  6" 

134- 
Le  père  avoit  anciennement  le  tiers  du 

pécule  adventice ,  pour  prix  de  l'émancipa- 
tion qu'il  accordoit  au  fils  de  famille  5  mais 
Juftinien  ,  au  lieu  du  tiers  en  propriété,  lui 
a  donné  la  moitié  en  ufufruit  ;  de  forte  que 
le  fils  en  confèrve  feul  toute  la  propriété, 
[A) 

Pécule  d'un  religieux ,  qu'on  appelle 
aufti  cote  morte  ,  eft  ce  qu'un  religieux 
poffede  en  particulier  ,   lorfqu'il  a  quitté  la 

:  vie  commune  pour  poiTéder  ou  deflervir 
une  cure  ,  ou   autre  bénéfice  :  c'eft  un  pé- 

,  euh  clérical ,  fur  lequel  ce  religieux  a  pen- 
dant fa  vie  ,(  &:  tant  qu'iL  eft  hors  de  fou 
couvent,   un  pouvoir  auftî  étendu  que  le 

Ifils  de  famille  l'a  fur  le  pécule  cafirenfe  êc 


P  E  C 

quafi  caftrenft  ;  mais  il  ne  peut  dirpofèr 
de  ce  pécule  par  difpofiîion  à  caufe  de 
mort. 

Les  conciles ,  les  papes  ,  les  pères  de  l'é- 
glilè.  fe  font  toujours  élevés  contre  les  reli- 
gieux qui  afFet^oicHt  de  polFéder  quelque 
chofe  en  particulier.  Le  concile  de  Trente 
en  contient  de  féveres  défenfes  :  le  pape  Clé- 
ment VIII  a  confirmé  les  décrets  de  ce  con- 
cile, &  ordonné  qu'ils  feroient  obfervés  à  la 
rigueur.  Les  conciles  provinciaux  de  France 
y  font  conformes ,  Ôt  les  inftitutions  d'or- 
dres de  tous  les  âges  ont  toutes  le  même  vœu 
à  cet  égard. 

Mais  M.  de  Cam.bolas  prétend ,  que  la 
rigueur  des  loix  qui  condamnent  le  pécule  ne 
doit  avoir  lieu  que  pour  les  religieux  qui 
étoient  arciioris  regulœ  ;  &  M.  Bignon  dit  , 
qu'il  faut  fè  mefurer  ielon  nos  mœurs  & 
notre  façon  de  vivre  j  la  plupart  des  reli- 
gieux ayant  beaucoup  relâché  de  l'obfer- 
vance  de  l'auftérité  de  leur  règle,  fur-tout  à 
l'égard  de  la  propriété  &  de  la  poifelTion  ; 
qu'on  la  leur  a  permifè  tacitement ,  en  leur 
laillknt  la  jouilfance  entière  féparée  des  bé- 
néfices particuliers. 

Tout  ce  qu'un  religieux  acquiert  dans 
les  emplois  dont  il  eft  chargé  ,  appartient  à 
l'abbé  &  au  monaftere  ^  mais  fi  le  religieux 
eiï  pourvu  d'un  bénéfice-cure,  fon  pécule  ou 
cote  morte  doit  être  diftribué  aux  pauvres  de 
la  paroiife  &  à  la  fabrique.  Telle  eft  la  ju- 
riiprudence  du  parlement  de  Paris.  Il  y  a 
cependant  des  arrêts  du  grand-confeil  qui 
adjugent  ce  pécule  du  religieux- curé  à  fon 
monaftere.  f^oye^  le  traité  du  pécule  par 
Gerh^xt^  la  bibl,  Can.  Us  mémoires  du  clergé. 
{A) 

PECULIER ,  ERE  ,  adj.  m.  &  f.  (Ung. 
franc.  )  c'eft  un  de  ces  mots  c^prelfifs  que 
nous  avons  lailTés  perdre  ,  &  qui  ne  fe 
trouvent  que  dans  nos  anciens  auteurs. 
Henri  Etienne  eft  du  nombre  de  ceux  qui 
s'en  fervent  le  plus  fouvent  \  il  l'a  répandu 
par-tout  dans  fon  apologie  pour  Hérodote. 
Je  me  contente  de  cet  exemple  :  «  Il  eft  à 
))  prélumer  que  les  fiecles  qui  précèdent  le 
»  nôtre  ,  ont  eu  leurlourderie  propre  ^pé- 
y>   culiere.{D.  /.) 

Peculier,  iJurifprud.)  fe  dit  de  celui 
qtii  a  un  pécule  ,  comme  un  efolave  /»fVz/- 
lier  ^peculiatusi  il  en  eft  parlé  ^XkDigeJie  , 


P  £  C  6i 

liv.  XII  ,   liv.   II  ,   §   4  ,  liv.  7/  ,  §  2. 

PECUlIUM ,  Voyez  PÉCULE. 

PECUiNE ,  f.  f.  {Littérat.)  S.  Auguftin 
en  a  fait  une  divinité  réelle  des  romains , 
quoique  Juvenal  ,  qui  devoit  être  mieux 
inftruit  que  l'auteur  de  la  Cité  de  Dieu  , 
eût  dit  ;  «  Funefte  richefte  !  tu  n'as  point 
«  de  temples  parmi  nous  ^  mais  il  ne  nous 
))  manque  plus  que  de  t'en  élever  ,  & 
))  de  t'y  adorer  comme  nous  adorons  la 
»  paix  ,  la  bonne  foi ,  la  vertu  j  la  con- 
»  corde.  » 

PECUNIA  ,  (  Droit  Romain.  )  Suivant 
les  jurifconfultes  romains  ,  le  mot  pecu nia 
fignifie  non  feu lem.ent  l'argent  comptant  , 
mais  encore  toutes  fortes  de  biens  mew- 
bles  &  immeubles  ,  droits  même  ou  pré- 
tentions :  voye^i  •>  pour  preuve  ,  le  Digejie  , 
liv.  L  ,  titre  de  la  pgnification  des  mots 
&  des  chofes,  Ulpieu  ,  Hermogene ,  6'c, 
{D.J.) 

Pecunta  fè  prend  quelquefois  ,  dans  les 
anciens  livres  de  Droit  Anglois ,  pour  le  bé- 
tail ,  &  quelquefois  pour  d'autres  biens  ou 
marchandifos ,  de  même  que  pour  de  la  mon- 
noieou  de  l'argent.  V.  Biens  que  l'on  pof^ 
fede  en  propre. 

Lorfque  Guillaume  I^,  réforma  les  loix 
d'Edoward  le  confelFeur,  il  fiit  ordonné  que 
viva  pecunia ,  les  biens  vivans  ,  c'eft- à-dire  , 
le  bétail ,  ne  feroit  acheté  ou  vendu  que  dans 
les  villes,  &  qu'en  préfence  de  trois  témoins 
reconnus  capables. 

Ainfî  dans  le  grand  terrier  d'Angleterre  , 
le  mot  pecunia  fè  prend  fort  fouvent  pro  pe~ 
cude  y  de  même  que  pâture  ad  pecuniam 
villœ, 

Pecunia  ecclefiœ  fo  prenoit  autrefois  pour 
les  biens  de  l'églife ,  foit  en  fonds  ,  foit  ea 
meubles. 

Pecunia  fepulchralis..,.  c'étoit  ancienne- 
ment un  argent  que  l'on  payoit  au  prêtre ,  à 
l'ouverture  d'un  tombeau  ou  d^une  folîè, 
pour  le  bien  &  le  repos  de  Tame  du  défunt^ 
&  que  le»  anciens  Anglo  -  Saxons  appel- 
loient  la  part  de  Came  &  animœ  fymbo- 
lum. 

PECUNIAIRE  ,  adj.  (  Gram.  &  Comm.  ) 
ce  qui  concerne  la  pécune  ou  l'argent  mon- 
noyé  ;  on  appelle  amendes  pécuniaires  y 
Celles  ^ui  fe  paient   en  argent  mounoyé. 


Si  P  E  D 

C'eft  par  ces  fortes  d'amendes  qu'oa  punît 
la  contrebande  &  les  contraventions  ,  foit 
aux  ré^Icmens-des  maunfafturcs  ,  foit  aux 
llatuts  des  communautés  des  arts  &  métiers. 
Dic^.  de  Conini. 

PECUNILUX,  adj.  (Gmm.  ù  Comm.) 
celui  qui  a  beaucoup  d'argent  comptant  :  ce 
terme  eft  toujours  ufité  ,  quoique  le  motpé- 
cune  ,  d'où  il  eft  dérivé ,  ne  foit  plus  d'ufage. 
Id.  ibid, 

PEDA  ,  (Géogr.  anc)  par  Tite-Live  , 
liv,  II  y  ch,  xxxix.  Pedum  ,  ville  du  La- 
tium  ,  dont  il  dit  que  Coriolan  s'empara. 
Pline  ,  liv.  III  ^ch.v  ,  m.et  les  Pédaniens , 
Pedani  ,  au  nombre  des  peuples  'dont  les 
villes  étoient tellement  détruites ,  qu'onn'en 
voyoit  pas  même  les  ruines.  On  croit  com- 
munément ([ue  Péda  étoit  entre  Tivoli  & 
Paleftrine.  {D.J.) 

PÊDŒUS  ,  [Géogr.  anc.)  fleuve  de 
l'île  de  Cypre.  Ptolomée  ,  liv.  V,  ch.  xiv , 
place  fon  embouchure  fur  la  côte  orien- 
tale de  l'île ,  entre  le  promontoire  Pada- 
lium  &  Salamis.  Au  lieu  de  Pedœus  ^  les 
înterpretres  de  Ptoloii^ée  liiènt  Pediœus. 
{D.  /.( 

PEDAGNE  ,  f,  m.  urme  de  mer  ;  c'e^une 
cfpece  de  marche-pié ,  fur  lequel ,  en  vo- 
guant, demeure  toujours  le  pié  du  forçat 
qui  eft  enchaîné.  {D.  /.) 

PEDAGOGUE ,  f;  m.  (Lirt^at.)  Les 
Grecs  &  les  Romains  appelloient  Pédago- 
gues,  les  efclaves  à  qui  ils  donnoient  le 
foin  de  leurs  enfans  pour  les  conduire  par- 
tout ,  les  garder  &  les  ramener  à  la  mai- 
fon.  C'eft  pourquoi  ,  dans  le  Phormion  de 
Terençe  ,  Phaedria  qui  n'avoit  d'autre  con- 
folation  que  de  fuivre  fa  maîti-elTe  ,  feâari 
ia  ludum ,  ducere  Ç?  reducere  ,  eft  appellée 
Pédagogue  :  on  trouve  dans  Gruter  plu- 
iîeurs  infcriptions  antiques  de  ces  Pédago- 
gues ,  dont  la  fon(^ion  ne  confiftoit  guère 
que  dans  ce  genre  de  furveillance.  Nous 
avons  étendu  en  françois  ,  avec  affez  de 
raifon ,  la  fignification  du  mot  Pédagogue  , 
en  donnant  ce  nom  à  un  maître  chargé 
d'inftruire  ,  de  gouverner  un  écolier ,  & 
de  veiller  fur  fa  conduite  j  mais  en  même 
temps  ,  par  le  peu  de  cas  que  nous  faifons 
de  l'inftruâion  de  la  jeunefte  ,  il  eft  arrivé 
qu'on  eft  obligé  d'ajouter  quelque  épithete  à 
ce  mot  5  pour  le  faire  recevoir  favorablement. 


P  E  D 

Pédagogue,  [Critiquefacrée.)  rAi^iiyayoey 
au  propre  ,  maître  ,  précepteur ,  conducteur 
d' enfans.  S.  Paul  dit  aux  Galat.  iij ,  24  & 
25.  La  loi  étoit  un  Pédagogue ,  &c.  méta- 
phore qui  (ignifîe  que  la  loi  a  donné  aux 
Jm'fs  les  premières  connoiftances  du  vrai 
Dieu  ,  &  les  a  conduits  à  J.  C.  enforte  qu'à 
|)ré/ènt  nous  ne  fommes  plus  comme  des  en- 
tans  ,  fous  l'empire  de  la  loi.  Le  même  apô- 
tre dit  dans  la  /'■«.  ép.  aux  Corinth.  4,  15  , 
pour  leur  rappeller  les  fentimens  qu'ils  lui 
dévoient  ;  Quand  vous  auriez  dix  mille  maî- 
tres ,  'jrjiS'efjy.cùy-6i  en  J.  C.  vous  n'avez  pas 
néanmoins  plufieurs  pères.  S.  Paul  étoit  le 
père  (.les  Corinth.  non  feulement  parce  qu'il 
leur  avoit  enfeigné  le  premier  la  doâ:rinede 
l'évangile ,  mais  aufli  parce  qu'il  formoit 
leur  ame ,  &  les  inftruifoitavec  une  affèâ:ioa 
paternelle  f,  ce  queue  faifoient  pas  les  autres 
doâreurs  quiétoient  venus  vers  eux  après  lui. 
{D.  J.  ) 

PEDAIRE,  Sénateur  (  Antiq.  Rom.  y 
on  nommoit  Sénateurs  pédaires  ,  \qs  jeunes 
fenateurs  qui  fuivoient  un  ièntiment  ouvert 
par  les  anciens  ,  &  fe  rangeoient  de  leur 
avis.  Les  fenateurs  pédaires  étoient  ceux 
qui  u'avoient  •  point  pafle  par  les  magif- 
tratures  curules  :  comme  ceux  qui  avoient 
eu  cet  honneur  opinoient  les  premiers ,  les. 
Pédaires  ne  formoient  point  ordinairement 
d'avis  ,  &  fe  contenîoient  de  marquer  leur 
opinion ,  en  fe  rangeant  du  côté  de  celui 
dont  ils  fuivoient  le  fentiment  j  ce  qui  s'ap-r 
pelloit  pedibus  in  fententiam  ire  :  auÎTî 
difoit-on  qu'un  avis  pédaire  étoit  une  têtç 
fans  langue. 

Je  dis  que  ces  fenateurs  n'opinoient  point 
ordinairement  ,  parce  que  cet  ufàge  a  eu 
fes  exceptions.  On  lit  dans  une  lettre  de 
Cicéron  ,  que  Serviîius  le  fils  ,  qui  n'avoit 
encore  été  que  quefteur  (  ce  qui  étoit  le  pre- 
mier degré  de  magiftrature  )  opina ,  &  que 
fur  fon  avis  on  ajouta  un  article  au  fénatus- 
confulte. 

Ce  Baffus  ,  cité  par  Aulugelle  ,  dit  que 
les  fenateurs  pédaires  alloient  au  Sénat  à 
pié  ,  au  lieu  que  les  autres  s'y  faifoient 
porter  dans  leurs  chaifès  curules  ^  cela  /è 
peut  :  mais  outre  l'autorité  de  Varron  & 
de  Feftus ,  il  paroît  par  Cicéron  ,  que  tous, 
les  fenateurs  alloient  au  fénat  à  pié  j  ceujç 


P  E  D 

qui  étôient  inGommodés  s'y  faifoîent  porter 
en  litière  ^  &  Céiar  même  ,  lorfqu'il  fut 
diètateiLir  ,   n'y  alloit  point  autrement. 

Enfin  ,  Aulugelle  prétend  que  Senatores 
pedarii  avoieiit  droit  d'entrer  au  Sénat 
&:  d  y  opiner  ,  quoiqu'ils  ne  fulî'ent  point 
encore  proprement  fénatcurs  ,  parce  qu'ils 
n'avoient  peint  encore  été  agrégés  à  ce 
corps  par  les  cenfeurs  *,  mais  cette  idée 
ne  s'accorde  pas  avec  la  fîgnification  du 
n^.Qt  pedarii.  De  plus  ,  comme  Dion  nous 
apprend  que  les  cenfeurs  avoient  agrégé 
au  Sénat  tous  ceux  qui  avoient  pafle  par 
les  magiftratures  ,  il  s'enfuit  qu'il  n'y  au- 
roit  point  eu  alors  de  ces  Sénateurs  pédai- 
rcs  ;  &  cependant  ,  on  ne  peut  pas  douter 
qu'il  n'y  en  eût ,  puifque  nous  apprenons 
de  Cicéron  ,  que  ce  furent  proprement  les 
Sénateurs  pédaires  qui  formèrent  le  décret 
qui  étoit  contraire  à  Atticus.  {  D.  J.) 

PÉDALE  ^  CLAVIER  DE  ,  c'efl  le  cla- 
vier placé  au  bas  de  l'orgue  ,  au  lieu  où 
l'organifte  a  fès  pies  ,  &  avec  lefquels  il 
abaiflè  les  touches  de  ce  clavier  ,  qui  pour 
cela  eft  nom^mé  pédale.  Cette  dénomina- 
tion eft  connue  aufli  aux  jeux  &:  tuyaux 
que  le  clavier  fait  parler.  Voye^  Jeux. 

Pour  faire  un  clavier  de  pédale  ,  on  fait 
d'abord  un  chaffis  de  bois  d'Hollande  ,  qui 
eft  du  bois  de  cliéne  dont  les  Hollandois 
font  commerce.  La  barre  a  euviron  àcux 
pouces  de  largeur  ,  fur  un  pouce  &  demi 
d'épailTeur  :  elle  a  une  rainure  ou  gravure 
à  ù\  partie  fupérieure  &.  intérieure  ,  qui 
ièrt  à  recevoir  les  bouts  des  touches  paral- 
lèlement à  cette  barie  ^  &  fur  le  derrière 
du  chaiïis ,  eft  une  barre  de  deux  pouces  en- 
viron d'équarriifage  ,  percée  de  plufieurs 
trous ,  dans  lefquels  font  enfoncées  âes  che- 
villes de  fer  ,  entre  lefquelles  les  touches 
peuvent  fe  mouvoir  verticalement  :  cette 
barre  ,  avec  les  chevilles ,  s'appelle  le  guide. 
Il  y  a  encore  une  autre  barre  ,  large  de 
quatre  ou  cinq  pouces  &  épaiife  d'un  , 
qui  fèrt  de  point  d'appui  aux  reflcrts  qui 
renvoient  les  touches  contre  le  defïijs  du 
clavier.  Toutes  ces  pièces  doivent  être  af- 
fèmblées  à  queue  d'hirondelle  dans  les  cô- 
tés, épaifîés  d'un  pouce  &  demi,  &  hautes  du 
côté  du  guide  d'environ  fix  pouces  ,  &  feu- 
lement de  deux  du  côté  de  la  barre  ,  pour 
gue  le  deiTus  ibit  en  glacis» 


P  E  D  ^5 

Les  touches  font  des  barres  de  bois  , 
épaiifes  d'un  pouce  &  larges  de  deux  5 
elles  entrent  par  leurs  extrémités  dans  la 
rainure  que  nous  avons  dit  être  à  la  par- 
tie intérieure  de  la  barre  ,  &  elles  y  font 
retenues  par  des  pioches  ^  voyei  Pioches  : 
à  l'autre  extrémité  de  la  touche  ,  on  ajufte 
des  pattes  percées  d'un  trou  pour  recevoir 
le  fil  de  fer  de  l'abrégé. 

Aux  orgues  où  il  n'y  a  point  de  pofitif , 
on  ne  met  point  de  pattes  aux  touches  du 
clavier  de  pédale  ;  mais  on  fait  les  touches 
plus  longues  &  en  pointe  par  l'extrémité  , 
oij  on  met  un  anneau  ,  qui  fert  au  même 
ufage  que  le  trou  qui  eft  aux  pattes  :  au 
dcffous  de  chaque  touche  on  fait  un  trou  , 
dans  lequel  on  fait  entrer  la  pointe  du  ref- 
fort ,  dont  l'autre  extrémité  appuie  fur  la 
barre  qui  lui  fert  de  point  fixe  j  ce  qui  fait 
que  toute  l'aétion  du  reftbrt  fe  porte  fur  la 
touche  ,  &  tend  à  la  relever  lorlque  le  rel^ 
fort  a  été  comprimé  en  l'abaifTant. 

Le  deifus  du  clavier  ,  que  nous  avons  dit 
être  en  glacis  vers  la  partie  antérieure ,  eft 
une  planche  percée  d'autant  de  trous  qu'il 
y  a  de  touches*  Ces  trous  ou  mortaiies  font, 
favoir ,  ceux  des  tons  ou  intervalles  naturels 
de  quatre  pouces  de  long  fur  un  pouce  de 
large,  &  répondent  perpendiculairement, 
&  fur  la  partie  moyenne  de  la  touche  9 
&  ceux  des  feintes  ou  demi-tons  ,  feule- 
ment   de  deux    pouces    de    long    fur   un 
pouce  de  large ,  &:  répondent  vers  l'extré- 
mité de  la   touche  du   côté  de  la  patte. 
Lorfque  les  mortaifes  font  faites ,  on  poiè 
le  deflus  du  clavier  fur  le  chaflis  ,'  &f  oa 
ly  fixe  avec  des  viffes  ^  eniiiite  on  fait  les 
hauftes  ,   qui   font  àcs  morceaux  de  bois 
d'un  pouce  d'épais  fur  autant  de  long  ,  à 
un  tiers  de   pouce  près  que  les  moitaifes 
ont  de  longueur  ^  elles  doivent ,  celles  des 
tons  ,  fe  lever  au  tleftus  de  la  table  du  cla- 
vier au  moins  d'un  pouce ,    &  celles  des 
feintes  de  deux  ^  lorfqu'elîes  font  ajuftées  , 
on  les  colle  fur  hs  touches  ,  avec  lefquelles 
elles  ne  font  plus  qu'une  même  pièce.  Il 
fuit  de  cette  conftruéiion  ,  qu'en  pofant  le 
pié  fur  une  hauife  &  la  faifant  baiflér  ,  ou 
fait  baiflér  la  touche,  qui  tirera  par  fa  patte 
le  fil  de  fer  ou  la  targette  de  l'abrégé  y&C 
que  lorfqu'on  lâchera  le  pié ,  le  relicrt  qui 
d  été  cftinprimé  par  rabailfemeat  de  i^ 


(Î4  P  E  D 

touche ,  ce/Tant  de  l'être  ,  la  relèvera ,  Se 
reftituera  les  chofes  dans  leur  premier  état. 
(D) 

Pedali$  de  bombarde  ,  jeu  d'orgue  , 
ainfi  app^'llé  ,  parce  que  ce  font  les  pies 
de  l'orga/iifte  qui  la  font  parler ,  en  ap- 
puyant itir  le  clavier  de  pédale.  l^oye[  CLA- 
VIER  DE   PEDALE. 

Ce  jeu  eft  d'étain ,  fi  la  bombarde  eft  de 
ce  métal  j  ou  il  eft  de  bois  ,  fi  les  baflès  de 
la  bombarde  en  font  ^  &  il  fonne  l'uniiTon 
de  la  bombarde  ou  de  feize  pies  :  s'il  y  a 
ravalement  au  clavier  de  pédale  ,  les  tuyaux 
qui  répondent  aux  touches  du  ravalement , 
defcendent  dans  le  trente -deuxième  pié. 
Voyei  Bombarde. 

Pédale  de  trompette  ,  jeu  d'orgue 
que  les  pies  de  l'organifte  font  parier ,  en 
appuyant  fur  les  touches  du  clavier  de  pé- 
dale ;  il  ne  diffère  de  la  trompette  ,  dont 
il  fbnne  l'unifton  àes  biilfes  &  des  baffes- 
tailles  ,  qu'en  ce  qu'il  efl  de  plus  grofîé 
taille.  S'il  y  a  ravalement  au  clavier  de  pé- 
dale ,  il  defcend  à  l'uniflbn  de  la  bombarde 
ou  du  fbize-pié. 

Pédale  de  huit  ou  Pédale  de  huit 
PlÉs  ,  jeu  d'orgue  que  les  pîés  de  l'orga- 
nifte font  parler,  en  appuyant  fur  les  touches 
du  clavier  de  pédale.  Voye-{  CLAVIER  DE 
PÉDALE.  Ce  jeu ,  qui  eft  de  bois  &  ouvert 
par  le  haut ,  fonne  l'unilfon  des  baffes  & 
è^ts  baffes- tailles  du  bourdon  de  huit  pies. 
S'il  y  a  ravalement  au  clavier  de  pédale  , 
le  ravalement  defcend  dans  le  feize-pié  à 
l'uniffon  du  bourdon  ou  de  la  montre  de 
fei^-pié. 

PÉDALE  DE  QUATRE  OU  DE  QUATRE 
FIÉS ,  jeu  d'orgue  que  les  pies  de  l'orga- 
nifte font  parler  ,  en  appuyant  fur  les  tou- 
ches du  clavier  de  pédale.  Voye\  CLAVIER 
DE  PÉDALE.  Ce  jeu  ,  qui  eft  de  bois,  fonne 
l'uniffon  des  baffes  &  des  baffes-tailles  du 
preftant  ou  de  la  flûte.  S'il  y  a  ravalement 
au  clavier  de  pédale  ,  il  defcend  à  l'uniffon 
du  bourdon  de  huit  :  comme  ce  jeu  eft  ou- 
vert par  en  haut ,  on  le  tourne  d'un  tour- 
niquet pour  l'accorder.  Voye\  Tourni- 
quet. 

Pédale  de  clairon  ,  jeu  d'orgue  que 
les  pies  de  l'organifte  font  parler,  en  ap- 
puyant fur  les  touches  du  clavier  de  pédale. 
Ce  jeu  fou;ie  i'odave  au  deffas  de  la  pé- 


P  E  D 

ànle  de  trompette  ,  &  1  uniffon  des  bafîès 
&  des  baffes-tciilles  du  preftant  ,  &  du  clai- 
ron ou  de  quatre  pies.  S'il  y  a  ravalement 
au  clavier  de  pédale  ,  les  tuyaux  du  rava- 
lement defcendent  à  l'uniffon  des  baffes  de 
la  trompette  ,  dont  ce  jeu  ,  qui  eft  d'étain 
&  à  anche ,  ne  diffère  qu'en  ce  qu'il  eft 
de  plus  grofl'e  taille. 

PÉDALIENS  ,  (  Géogr.  anc.  )  peuples 
anciens  des  Indes.  Cœlius  ,  /.  777,  chap. 
xxix^  dit  qu'ils  étoient  fi  perfiiadés  que  la 
juftice  faifoit  la  première  de  toutes  les  ver- 
tus ,  &  conftituoit  la  félicité  de  l'homme  , 
qu'ils  ne  demandoient  aux  dieux ,  dans  leurs 
(àcrifîces  &  dans  leurs  prières  ,  que  de  ne 
s'éloigner  jamais  de  l'équité.  Quels  beaux 
fentimens  dans  toute  une  nation  ! 

PEDALIUM  ,  (  Géogr.  anc.  )  promon- 
toire de  fîle  de  Cypre ,  félon  les  exem- 
plaires latins  de  Ptolomée,  /.  V^  c.  xiv. 
Quelques-uns  néanmoins  portent  Peda/ium, 
On  croit  que  c'eft  Cabo  de  Griego. 

Pedalium  eft  encore  une  ville  de  TAfic 
mineure  furlePont-Euxin,  près  de  Sinope^ 
ielon  Ortelius.  {D.  J.) 

PÉDANÉE  ,  pedaneus  ,  (  Jurifprud.  ) 
fè  dit  en  psrlant  d'un  Juge  qui  rend  la 
juftice  de /'/fl/20  ,  c'eft- à-dire  <ïui  n'a  point 
de  fiege  élevé.  Voye:^  ci-après  Juge  PE- 

DANÉE.  (A) 

Pe'danÉE,  {Hijloire  Rom.)  juge  in- 
férieur à  Rome  ,  qui  n'avoit  ni  tribunal  ni 
prétoire.  On  confond  ordinairement  les  ju- 
ges pédanées  des  Romains ,  dont  il  eft  fait 
mention  dans  le  code  Juftinien  ,  /,  777  , 
th.  III ,  avec  les  juges  des  feigneurs  ,  que 
Loifeau  appelle  Juges  fous  forme  ;  ce  font' 
pourtant  deux  carafteres  bien  différens  :  les 
Juges  pééanéis  étoient  parmi  les  Romains 
des  commiffaires  choifis  &  nommés  par 
le  préteur  ,  pour  juger  les  différens  des  par- 
ticuliers ,  lorfqu'il  ne  s'agiffoit  pas  d'une 
affaire  importante.  On  les  appelloit /7</<fa- 
nées  y  parce  qu'ils  étoient  aflis  en  jugeant 
fur  un  fitnple  banc  ou  un  Çiege  fort  bas  , 
qui  ne  les  diftinguoit  point  de  ceux  qui  font 
fjr  leurs  pies  j  ainfî  on  les  nommoit  peda^ 
nei  judices.  Ils  n'avoient  ni  le  caractère  ,  ni 
le  titre  de  magifirats.  Ceux  qui  étoient  re^ 
vêtus  de  la  magiftrature  jugeoient  fur  une 
efpece  de  trône  élevé ,  &  cette  manière 
de  rendre  la  juftice   faifoit   connoître   la 

différeace 


P  E  D 

différence  qu'il  y  avoir  entre  le  Magiftrat 
&  le  Juge  pédanée. 

Aulugelle  a  confondu  les  Juges  pédanées 
avec  les  Sénateurs  pédaires  ,  qui  donnoient 
leur  avis  fans  parler  ,  mais  en  fe  rangeant 
du  côté  de  ceux  dont  ils  fuivoient  l'opi- 
nion.  Foxe;(PÉDAlR.E.  {D.J.) 

PÉDANT ,  r.  m.  PÉDANTERIE ,  f.  f. 
{Grammaire.  Belles-Lettres.)  Un  pédant 
efl  un  homme  d'une  préfomption  babillar- 
de  ,  qui  fatigue  les  autres  par  la  parade  qu'il 
fait  de  fon  favoir  ,  en  quelque  genre  que 
ce  foit ,  &  par  afFeâation  de  fon  ftyle  & 
de  (qs  manières. 

Ce  vice  de  l'efprit  efl  de  toute  robe  ;  il 
y  a  des  pédans  dans  tous  les  états  ,  dans 
toutes  les  conditions  ,  depuis  la  pourpre  juf- 
qu'à  la  bure  ,  depuis  le  cordon  bleu  Juf- 
qu'au  moindre  bonnet  dodoral.  Jacques  I^r. 
étoit  un  Roi  pédant. 

Il  eft  vrai  néanmoins  que  le  défaut  de 
pédanterie  eft  particulièrement  attaché  aux 
gens  de  collège,  qui  aiment  trop  à  étaler 
le  bagage  de  l'antiquité  dont  ils  font  char- 
gés. Cet  étalage  d'érudition  aflbmmante  a 
été  fi  fort  ridiculifé  ,  &  li  fouvent  repro- 
ché aux  gens  de  lettres  par  les  gens  du 
monde  ,  que  les  François  ont  pris  le  parti 
de  dédaigner  l'érudition  ,  la  littérature  , 
l'étude  des  langues  favantes  ,  &  par  con- 
féquent  les  connoiflances  que  toutes  ces 
chofes  procurent.  On  leur  a  tant  répété  qu'il 
faut  éviter  le  pédantifme  ,  &  qu'on  doit 
écrire  du  ton  de  la  bonne, compagnie  , 
qu'enfin  les  Auteurs  férieux  font  devenus 
piaifans  ;  &  pour  prouver  qu'ils  fréquen- 
tent la  bonne  compagnie  ,  ils  ont  écrit  des 
chofes  &  d'un  ton  de  très-mauvaife  com- 
pagnie. {D,  J.) 

PÉDASE  ,  Pedafa  ,  {Géogr.  anc.)  ville 
de  la  Carie,  félon  Strabon ,  /.  Xlll  y  p. 
6ii.  Athénée  dit  que  Cyrus  donna  cette 
ville  à  fon  ami  Pirhareus. 

PEDATURA  ,  [An  Milit.  des  anc.) 
Ce  mot ,  dans  les  antiquités  romaines ,  dé- 
ligne un  efpace  proportionnel  d'un  certain 
nombre  de  pies  pour  le  campement  des 
troupes.  Hyginus  dit  dans  fon  Traité  de  caf- 
trametatione  :  Meminerimus  itaque  adcom- 
putationem  cohortis  equitatce  milliarice  pe- 
daturam  ad  mille  trecentos  fexaginta  dari 
debere.  Or ,  la  pédature  étoit  un  efpace 
TQme  XXV. 


P  ED  (^5 

qu'on  accordoit  à  une  corapïîgnie  de  trou- 
pes des  Provinces  ,  formée  de  cavaliers  & 
de  fantaffins  :  mais  cet  e'pace  n'éroit  pas 
égal  à  celui  d'un  corps  uniforme  d'intanterie 
du  même  nombre  d'hommes  ;  il  devoit  être 
moins  grand  ,  félon  Hygin  ,  de  360  pié(s. 
Ainfi  la  proportion  qu'il  établit  de  la  diffé- 
rence d'elpace  qu'on  doit  donner  à  ua 
cavalier  vis-à-vis  d'un  fantaliîn ,  dans  la  for- 
mation d'un  camp  ,  eft  comme  deux  & 
demi  eft  à  un.  (-D.  /.) 

PEDENA  ,  (  Géog.  mod.  )  ancienne  pe- 
tite ville  d'Italie  *  en  IHrie  ,  à  15  milles  des 
Alpes ,  avec  un  Éveché  lufïragant  de  Gorcie. 
Elle  eft  entièrement  dépeuplée ,  &  appar- 
tient à  la  maifon  d'Autriche.  Long.  31. 
lat.  45  ,  30.  {D.  J.) 

PEDENCARN,  {Hiftoire  nat.)  notn 
d'une  pierre  que  l'on  dit  être  d'un  blanc 
tirant  fur  le  jaune  ,  remplie  de  petits  points 
luifans  ,  blancs  &  noirs. 

PÉDES  ,  (Littér.)  Ce  mot ,  dans  l'ar- 
chiteâure  navale  des  Romains  ,  fignifie  les 
cordages  qui  font  aux  deux  côtés  des  voiles  , 
pour  les  tourner  ,  les  ferrer  &  les  lâcher  , 
félon  que  le  vent  change  ,  comme  le  dit 
Servius  fur  cet  endroit  de  Virgile  : 

Unà  omnes  fecere  ^tàtm  ,  pariterque 

Jinifiros  y 
Nunc  dextros  folvere  Jînus, 

Et  c'eft  à  cela  que  Catulle  fait  alluflon ,  lors- 
qu'il dit  : 

Sive  utrumque  Jupiter 

Simili  fecundus  incidijjet  in  pedera.' 

Ctttt  fignification  vient  du  Grec  rtoJioç ,  qut 
fignifie  la  même  chofe  ,  parce  que  ces  cor- 
dages s'attachoient  au  pié  du  mât. 

Pedibus  œquis^àzns  Cicéron  ,  lib.  XVI ^ 
epifi.  6 ,  fignifie  les  voiles  étant  également 
tendues  des  deux  côtés ,  comme  elles  le  font 
lorfqu'on  a  le  vent  arrière  ,  &  c'eft  ce  que 
Virgile  exprime  par  œquatis  velis  : 

Senjït  Ù  (pequatis  clajfem  procédera  velis. 

PÉDESTRE,  STATUE,  voy.  Statue. 

PEDEROS  ,  (  Bot.  anc.  )  Pline ,  livre 
XXII y  c.  xxxiv  p  dit  que  le  pederos  eft 
une  efpece  d'acanthus  ,  en  François  bran- 
che-urjine.  Cette  plante,   félon  Paufanias, 


és 


P    E  D 


croilToit  à  Taii  aux  environs  du  temple  de 
Vénus  ,  à  Sicyone  ,  &  nulle  part  ailleurs  , 
ni  mcme  dans  aucun  autre  endroit  de  la 
Sicyonie.  Ses  feuilles  ,  ajoute-t-il,  font  plus 
petites  que  celles  du  hêtre ,  plus  grandes 
que  celles  de  l'yeufe  ,  de  la  même  figure 
que  les  feuilles  de  chêne  ,  noirâtres  d'un 
côté  ,  blanches  de  l'autre  ;  en  un  mot ,  aflez 
femblables ,  pour  la  couleur  >  aux  feuilles  du 
peuplier  blanc.  {D.  J.) 

PÉDIADE,  Pediadis,  (Ge'ogr.  anc.) 
contrée  d'Afie.  Elle  faifoit  partie  de  la  Bac- 
triane  ,  &  le  fleuve  Oxus  la  traverfoit ,  félon 
Polybe  ,  Hifi.  liv.  X. 

PÉDIAS  y  (  Géog.  anc.  )  municipe  de 
l'Attique ,  dont  les  habitans  étoient  nom- 
més Pédiaciens.  Ariftote  ,  Poli  tic  y  c.  v.  & 
Plutarque  in  Solone ,  en  font  mention. 
(D.J.) 

PEDICULAIRE,f.f.Wic«/arw, 
{Hifi.  nat.  Bot.)  genre  de  plante  à  fleur 
monopétale  ,  anomale  ,  en  mafque  ,  divifée 
en  deux  lèvres  :  la  fjpérieure  a  la  forme 
d'un  cafque  ,  &  l'inférieure  efl:  divifée  en 
trois  parties.  Le  piflil  fort  du  calice  ;  il  efl 
attaché  comme  un  clou  à  la  partie  poflé- 
rieure  de  la  fleur  ,  &  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  qui  s'ouvre  en  deux  parties ,  & 
qui  fe  divife  en  deux  loges  :  ce  fruit  ren- 
ferme des  femences  oblongues  ouapplaties  y 
&  frangées.  Tournefort.  Infi^  rei  herb. 
iFbyq  Plante. 

C'efl  un  grand  genre  de  plante  qui ,  dans 
le  lyflême  de  Tournefort ,  contient  trente 
«fpeces  ,  dont  nous  décrirons  la  principale  , 
qu'on  nommaC  en  François  pédiculaire  des 
prés  y  pedicularis  pratenjis  ,  purpurea  ,  / , 
Ry  H  y  zyz^&cen  Anglois ,  the  common 
meadowyellow  rattle ,  andcockscomb. 

D'une  petite  racine  blanche  ,  unique,  qui 
pouffe  feulement  de  côté  quelques  rejetons , 
&  qui  n'entre  pas  profondément  en  terre, 
part  une  tige  ,  feule  pour  l'ordinaire ,  sèÏQ- 
vant  à  la  hauteur  d'un  pié  ,  épaifle ,  roide , 
douce  ,  quarrée  ,  droite  ,  menue  ,  légère  , 
quelquefois  parfemée  de  taches  &  de  traits 
noirs  ,  mais  d'une  couleur  de  pourpre  au 
fommet.  Cette  tige  fe  divife  en  plufieurs 
branches  y  placées  en  oppofition ,  &  em- 
braflees  par  deux  feuilles  fans  pédicules  , 
larges  à  la  baie  de  la  plante  y  mais  allant 
toujaurs endimîiauant à nacfure  truelles. foat  , 


P  E  D 

plus  proches  du  fommet ,  de  la  largeur  d'un 
doigt  ;  pointues  par  le  bout ,  dentelées  fur 
les  bords  ,  femblables  à  la  crête  d'un  coq  ^ 
ayant  toutes  une  veine  remarquable  ,  qui 
s'étend  à  chaque  découpure  à  droite  &  à 
gauche  :  du  milieu  des  feuilles  fortent  de 
petites  branches  deux  à  deux  ,  &  plantées 
en  oppofition.  Au  fommet  de  la  tige&  des 
branches ,  naiifent  de  petites  fleurs  tort  fer- 
rées les  unes  contre  les  autres ,  en  forme 
d'épi  :  leur  pédicule  eil  fort-court ,  leur 
caHcc  efl:  gros  ,  rond  ,  un  peu  applati  ,  & 
coupé  aux  quatre  extrémités  en  quatre  feg-» 
mens  pointus.  Elles  n'ont  qu'une  feuille  jau- 
ne ,  d'une  figure  aflTez  femblable  à  celle  d'un 
chaperon  ;  elles  contiennent  &  cachent 
à  la  vue  un  flylefoible,  avec  quatre  éta~ 
mines. 

Lorfqu'clles  font  tombées ,  le  calice  s'en- 
fle i  &  forme  une  afTez  grofîe  veflle,  qui  ren- 
ferme &  comprime  un  vafe  féminal  afTez 
grand  ,  divilé  au  milieu  en  deux  cellules  y. 
qui  contiennent  beaucoup  de  femences  fort- 
prefTées  ,  &  environnées  d'une  bordure 
membraneufe  d'une  couleur  cendrée.  Lorf^ 
que  la  femence  efl:  mûre  ,  les  cellules  mem- 
braneufes  fe  rompent  &  s'ouvrent  ;  elles 
font  luifantes  lorfqu'elles  font  fechcs. 

Cette  plante  fleurit  au  mois  de  Juin ,  & 
fa  femence  mûrit  très-promptement  ;  à 
peine  efl-elle  mûre  ,  qu'elle  tombe  ,  &  la 
plante  fe  feche  jufqu'à  la  racine  même. 

Elle  croît  particulièrement  dans  les  pâtu- 
rages fecs  ,  Sf  quelquefois  dans  les  champs 
labourés  ;  elle  n'efl  d'aucune  utihté  dans 
aucun  endroit ,  &  on  la  regarde  par-tout 
comme  une  mauvaife  herbe.  {D.  J.) 

Pédiculaire  ,  maladie.  La  maladier 
pédiculaire  ,  en  Grec  (^^t^ietaii  de  ^p^n^  poux  ^ 
efl  une  maladie  fort  ordinaire  aux  enfan» 
&  à  quelques  adultes.  Les  poux  naiffent 
des  lendes  ou  œufs ,  lorfqu'ils  fe  trouvent 
expofés  à  la  chaleur  ;  cette  multiplication 
efl  inconcevable. 

On  compte  quatre  efpeces  de  poux  quî 
attaquent  le  corps  humain.  i°.  Lespediculî^, 
qui  fatiguent  plus  par  leurs  pies  que  par 
leur  morfure  :  ceux-ci  naiffent  principale- 
ment fur  la  tète  des  enfans  qui  ont  la  gale 
ou  la  teigne,  ou  des  adultes  qui  ne  fe  pei- 
gnent pas. 

ii*  Les  morpions  qui  s'attadicot  fous,  les 


P  E  D 

aifîeîîes  y  aux  paupières  ,  aux  parties  de  la 
génération.  Kq>'e:^  MoRPIONS. 

3^.  Les  gtos  poux  qui  infectent  le  corps, 
&  s'engendrent  dans  les  habits  des  perfon- 
nes  malpropres  ;  ils  font  gros  ,  oblongs  , 
épais  ,  &  le  terminent  en  pointe. 

4®.  Les  cirons ,  ou  ceux  qui  s'engendrent, 
félon  quelques-uns  ,    fous  l'epiderme  des 
mains  &  des  pies  ;  ils  font  de  figure  ron- 
de comme  des  ceuh  de  papillon  ,  &  quelque- 
fois il  petits,qu'ils  échappent  à  la  vue.  Ils  ex- 
citent ,  en  rampant  Ibus  l'epiderme,  des  dé- 
mangeaifons  infupportables  ;  quelquefois  ils 
percent  la  peau  &  y  excitent  des  puflules^. 
On  les  appelle  acari  y  cirones  &  pedecelli. 
Traitement  ù  prefervatif.  Le  moyen  le 
plus  sûr  de  prévenir  la  maladie  pédiculaire , 
€fl  de  tenir  le  corps  dans  une  grande  pro- 
preté y    &  de  fe  peigner  fouvent  ;  quand 
ils  viennent  à  la  tête  après  s'être  peigné  fou- 
vent  ,  on  la  lavera  avec  la  lefTive  lùivante. 
Lejjîve  contre  les  poux.   Prenez  abfyn- 
the  ,  ftaphifaigre  ,  marrube  ,  de  chacun  une 
poignée  ;    petite  centaurée  demi-poignée  ; 
cendre  de    chêne  einq    onces  :  faites-en 
une  leflîve  ,  dans  laquelle  vous  ferez  difîbu- 
<lre  fel  commun  deux  onces  ,  fel  d'abfynthe 
une  once.  ^ 

Ou  fervez-vous  de  l'onguent  fuivant. 
Prenez  huile  d'amandes  ameres  ,  de  rue 
&  de  baies  de  laurier ,  de  chacun  demi- 
once  ;  ftaphifaigre  en  poudre  y  mirrhe ,  de 
chacun  deux  gros  ;  aloès  en  poudre  ,  un 
gros  ;  lard  falé  deux  onces  :  mêlez-les  avec 
un  peu  de  vinaigre.  Ou  prenez  lard  falé  , 
huile  de  baies  de  laurier ,  favon  noir  ,  de 
chacun  demi-once  ;  vif  argent  éteint  avec 
la  falive  ,  un  fcrupule  ;  myrrhe  ,  aloès  ,  de 
chacun  demi-gros  ;  Ifaphifaigre ,  deujc  fcru- 
pules  ;  favon  de  France  ,  deux  gros  :  rédui- 
fez-les  dans  un  mortier  en  forme  d'onguent. 
On  peut  faire  beaucoup  d'autres  onguens 
dans  la  même  indication. 

EtmuUer  confeille  de  fe  laver  la  tête  avec 
une  leflîve  dans  laquelle  on  a  fait  bouillir 
de  la  femence  de  Itaphifaigre  ,  &  l'oindre 
avec  le  liniment  fuivant. 

Liniment  pour  les  poux.  Prenez  huile 
d  afpic  ,  deux  gros  ;  huile  d'amandes  ame- 
res ,  demi-once  ;  onguent  de  nicotiane  ,  fix 
gros  :  mêlez  &  faites  un  liniment  qui  tuera 
ces  vermines  dans  une  nuit. 


P  E  D  ^7 

PÉDICULE  ,  f.  m.  {Botan.)  c'eft  pro- 
prement le  petit  brin  qui  (butient  la  fleur  ;  &: 
le  brin  qui  foutient  la  feuille  s'appelle  queue» 

Les  fleurs  conferveront  long-temps  leur 
fraîcheur  après  qu'on  les  aura  cueillies  ,  fi 
l'on  fait  tremper  leurs  pédicules  dans  l'eau. 
L%  grand  fecret  pour  conferver  des  fruits 
pour  l'hiver  ,  c'efl  de  cacheter  leurs  pédi" 
cules  avec  de  la  cire.  Les  cérifes  qui  ont 
le  plus  court pe'dicule  fonteftimées  les  meil- 
leures. Le  piftil  de  la  fleur  devient  fort  fou- 
vent le  pe'dicule  du  fruit.  Voye\  PlSTlL. 

Pédicules  MÉDULLAiRES^/z-^/ia- 

tomie.  Voyez  PÉdUNCULES.     B 
PÉDICULI ,  (  Ge'ograph,  ancT) 

P<EDICULI. 

PÉDIÈEN  ,  adj.  {Antiq.  d'Athènes,) 
Citoyen  d'un  des  quartiers  d'Athènes  : 
cette  ville  étoit  divifée  en  trois  quartiers 
diflerens  ;  une  partie  étoit  {ùr  le  penchant 
d'une  colline ,  une  autre  fur  le  bord  de  la 
mer  ,  &  une  autre  dans  un  lieu  plat ,  fîtuée 


Voyez 


entre  les  deux  premières.  Ceux  qui  habi- 
toient  dans  ce  quartier  du  milieu  s'appel- 
loient  IliJlmf  ,  Pe'diéens  ,  ou  ,  comme  dit 
Ariflote  ,  Pe'diaques.  Ces  quartiers  fai- 
-foient  fouvent  des  faâions  différentes. 
Pififlrate  fe  fervit  des  Pe'diéens  contre  les 
Diacriens  ,  ou  ceux  du  quartier  de  la-  col- 
line. Du  temps  de  Selon  ,  quand  il  fallut 
choifîr  une  forme  de  gouvernement ,  les 
Diacriens  vouloient  qu'il  fût  démocratique  , 
\qs  Pédiéens  demandoient  une  oligarchie  , 
&  \qs  Paraliens  ,  ou  ceux  du  quartier  du. 
port  ,  defiroient  un  gouvernement  mixte. 
Ce  mot  vient  de  TtiJliay  ,  une  plaine  ,  un 
lieu  plat ,  parce  qu'en  effet  ce  quartier  étoft 
en  un  lieu  plat.-  Voyez  Athènes  ancienne 
de  la  Guillotiere. 

PEDIEUX,  enAnatomie;  c'efl  le  fé- 
cond des  mufcles  extenfeurs  du  pie  ,  d'où, 
lui  eft  venu  fon  nom.  Voye\  PlÉ  & 
Extenseur. 

PÉDILUVE,  f.  m.  {Médecine.)  Ce 
n  eft  autre  choie  que  des  bains  pour  \qs 
pies ,  dont  la  compofition  eft  la  même  que 
pour  les  bains  ordinaires  ;  on  s'en  férc 
d'autant  plus  volontiers  ,  qu'ils  demandent 
moins  d'étalage  :  on  les  compofe  d'eau 
pure ,  fans  addition  ;  ou  pour  corriger  la 
pelànteur  ou  la  dureté  de  l'eau  ,  on  y 
mêle  de  la  leflîve,  du  fon  de  froment,  ov* 

I  2 


6^  P  E  D 

des  fleurs  de  camomille  :  bien  que  les  lave- 
mens  des  pies  s'appliquent  aux  parties  les 
plus  balTes  &  les  plus  éloignées  ,  leur  vertu 
fe  répand  cependant  &  fe  communique 
au  loin  ,  &  ils  appaifent  des  maladies  dont 
le  fiege  eft  dans  des  parties  fort  éloignées  ; 
car  l'application  des  liqueurs  chaudes  au 
pié  ,  relâche  ,  ramollit  les  fibres  ner- 
veufès ,  tendineufes  &  mufculeufès  ,  dont 
ils  font  compolés  ,  &  qui  font  entremêlées 
de  vaiflêaux.  Les  pores  &  ks  vailTeaux  , 
qui  étoient  auparavant  refferrés ,  fe  dilatent, 
le  fan^x  abords  ,  &  les  liqueurs  y  paf- 
fent  pip  aifément  ;  ce  qui  fait  que  le  fang 
qui  fe  portoit  avec  impétuoflté  vers  d'au- 
tres parties ,  fe  jette  fur  àes  parties  laté- 
rales ,  au  grand  foulagemeftt  du  malade.  Les 
bains  des  pies  agiffent  par  leur  chaleur  tem- 
pérée Ijur  le  fang ,  &  les  humeurs  qui  paf- 
fent  par  les  vailHaux  àes  pies  pendant  qu'ils 
■font  dans  l'eau  :  ils  les  divifent  &  les  dé- 
laient ,  les  font  couler  avec  plus  de  vitef- 
fe  ;  delà  vient  que  fi  l'eau  des  bains  des 
pies  eil  trop  chaude ,  elle  augmente  la  ra- 
réfadion  du  fang  &  le  battement  des  artè- 
res :  mais  ces  bains  ne  conviennent  pas 
dans  tous  les  cas  ;  ainfi  dans  les  règles  qui 
font  imminentes  ,  ou  qui  coulent  aduel- 
lement,  ils  font  douteux  pour  leur  effet  : 
ils  peuvent  diminuer  ou  augmenter  l'écou- 
lement ,  par  la  dérivation  trop  grande  du 
fang  qu'ils  produifent  dans  l'artère  aorte 
defcendante  ;  &  même  ,  par  la  révulfion 
qu'ils  occafionent  dans  les  tuyaux  colla- 
téraux des  artères  qui  vont  à  la  matrice  , 
ils  ne  manqueroient  pas  d'occafioncr  une 
fuppreflion.  Ceft  ce  qui  fe  voit  par  l'expé- 
rience des  femmes  imprudehtes  ,  qui  s'expo- 
fent  par-là  à  des  maladies  fâcheufes. 

Les  bains  des  pies  font  excellens  dans 
tous  les  cas  où  il  faut  procurer  une  déri- 
vation des  humeurs  des  parties  fupérieures 
vers  les  inférieures  ;  ainfi  ce  remède  eft 
efficace  dans  le  vertige  ,  dans  l'apoplexie  , 
dans  l'épilepfie  imminente  ,  dans  les  mala- 
dies foporeufes  &  convulfives  ;  dans  les 
fpafmes  &  dans  les  afFedions  fpafmodi- 
ques ,  dans  les  douleurs  de  tête ,  dans  la 
migraine  :  mais  fi  ces  maladies  ne  font 
pas  occafionées  par  des  engorgemens  des 
vaiflêaux ,  ou  par  une  pléthore  locale  du 
cerveau  ou  de  fes  parties  voifines  j^  ou  pai; 


P  E  D 

une  élaflicité  &  rigidité  trop  grande  des 
fibres  nerveufes  ,  ce  remède  devient  inu- 
tile ;  ainfi  lorfque  ces  maladies  ne  font  que 
des  (ymptomes  d'autres  maladies  ,  telles 
que  l'indigeffion  ,  la  fabure ,  la  cacochylie  y 
les  vers  ,  les  afFedions  fpafmodiques  dans 
les  vifceres  du  bas-ventre  ,  c'efl  en  vain 
que  f  on  tenteroit  les  lavemens  des  pies  ; 
la  révulfion  ne  feroit  que  pernicieufe  ; 
&  d'ailleurs  la  caufe  perfifiant ,  ces  fymp- 
tomes  ne  feroient  point  abattus.  Koyf-jj 
Bain,  (m) 

PEDIR  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  ville  des  In- 
des ,  capitale  d'un  royaume  de  même  nom  , 
dans  l'île  de  Sumatra.  Le  Roi  d'Achem 
s'en  efl  emparé.  Long,  zi^  y    z £  i   lau 

PEDOMETRE,oa  Compte-pas,  f.  rn. 
[Arpent.  )  infirument  de  méchanique  fait 
en  forme  de  montre  ,  compofé  de  plufieurs 
roues  qui  s'engrainent  l'une  dans  l'autre  y 
&  qui  font  dans  un  même  plan,  lefquelles, 
par  le  moyen  d'une  chaîne  ou  courroie 
attachée  au  pié  d'un  homme  ou  à  la  roue 
d'un  carroflè ,  avancent  d'un  cran  à  cha- 
que pas  ou  tour  de  roue;  de  forte  que, 
par  le  moyen  de  cet  inllrument ,  on  peut 
favoir  combien  on  a  fait  de  pas  ,  ou  me- 
furer  la  difiance  d'un  endroit  à  un  autre. 
Voye\  OdomeTRE.  Chambers.  (E) 

PEDONNE ,  f  f.  (  ManufaB.  ai  foie  ;  ) 
petit  bouton  d'ivoire  ou  de  buis,  attaché 
au  bout  du  fer  rond  du  velours  frifé  ,  & 
qui ,  dans  le  velours  coupé ,  fe  met  alter- 
nativement au  bout  de  chaque  virgule  de 
laiton. 

PEDOTRIBE,  f.  m.  {Ant'tq.  greg.)  le 
pédotribe  ,  Tai^/ioTf  ;Cnf ,  en  latin  pœdotriba  , 
formoit  les  jeunes  gens  aux  exercices  gym- 
nafîiques ,  Ibus  les  ordres  du  Gymnaliar- 
que ,  qui  en  étoit  le  premier  maître.  C'é- 
toient  deux  offices  très-différens  l'un  de 
l'autre  _,  quoique  le  favant  Prideaux  les  ait 
confondus  :  nous  les  voyons  expreiTément 
diffingués  par  les  Auteurs  &  lùr  les  mar- 
bres. Ce  n'efi  donc  pas  une  queflion  ;  mais 
la  matière  fournit  des  détails  curieux ,  re- 
cueillis par  Van-Dale.  Le  Gymnafiarque  , 
Surintendant  du  gymnafe  ,  n'étoit  en  char- 
ge que  pour  un  an  ;  dans  quelques  en- 
droits même ,  on  en  changeoit  tous  les 
,  mois  :  le  Fe'dotrih  lui  étoit  fubotdonné  j 


P  E  D 

c'étoit  un  officier  fubalterne  ;  mais  fa  charge 
étoit  à  vie ,  Sia  Q-tov  ;  il  tient  toujours  fur 
les  marbres  un  des  derniers  rangs  parmi 
les  Minières  du  gymnafe.  Quoiqu'attachée 
particulièrement  aux  Ephebes  ,  le  Pédo- 
tribe  étendoit  aufli  Tes  fonctions  fur  la  clalTe 
des  enfans  ;  fon  nom  feul  en  fournit  la 
preuve  :  mais  on  trouve  le  fait  nette- 
ment prononcé  dans  plufieurs  paffages 
formels ,  entr'autres  dans  Ariftote  &  dans 
l'Axiuchus ,  dialogue  communément  at- 
tribué à  Platon.  Enfin  ,  le  Pédotribe  bor- 
noit  fon  emploi  fubalterne  au  détail  mé- 
chanique  de  la  formation  de  fes  élevés  ;  & 
comme  cet  emploi  demandoit  de  la  pra- 
tique &  de  l'expérience  ,  on  le  donnoit 
à  vie. 

PÉDOTROPHIE ,  f  f.  {Med)  nour- 
riture des  enfans,  de  -Tretiî  ^  génitif,  'TTAiJloi 
enfant^  &  t^c?»  ,  nourriture  :  la  pédotro- 
phie  efl  une  partie  de  la  médecine  fort 
négligée ,  &  fur  laquelle  on  fuit  par-tout 
une  affez  mauvaife  routine  ;  un  bon  Traité 
fur  cette  matière  deviendroit  précieux,  & 
l'on  a  lieu  de  juger  qu'il  feroit  bien  reçu 
du  public  ,  puifqu'il  a  tant  goûté  le  Poëme 
latin  de  M.  Scevole  de  Sainte- Marthe  , 
fur  la  manière  de  nourrir  les  enfans  à  la 
mamelle.  Ce  Poëme ,  intitulé  Pcedotrophia, 
&  publié  en  1584,  fut  imprimé  dix-fois 
pendant  la  vie  de  l'auteur ,  &  environ  au- 
tant de  fois  depuis  fa  mort.  Il  fut  lu  & 
interprété  dans  de  célèbres  Univerfités  de 
l'Europe  ,  prefque  avec  la  même  vénéra- 
tion qu'on  a  pour  les  Auteurs  anciens. 

PEDRACA  DE  LA  Sierra,  {Geogr. 
mod.)  bourg  d'Efpagne  dans  la  vieille  Cal- 
tille  ,  fur  la  rivière  de  Duraton ,  au  nord 
&  près  de  Sepulveda.  Ce  bourg  eft  à  la  Me- 
tercofa  de  Ptolomce.  C'eit  dans  le  château 
de  ce  bourg  que  les  fils  de  François  I  furent 
détenus  prilonniers  pendant  quatre  ans. 
Long.  i6  ^  6 ;  lat.  40  ,  ^8.  {D.  J.) 

PEDRA  FRIGO  A,  {Hifi.  nat)  nom 
que  les  Portugais  donnent  à  ài^s  pierres 
dont  ils  font  ulàge  dans  la  médecine ,  & 
à  qui  ,  ainii  que  les  Malabares  ,  ils  attri- 
buent la  vertu  de  rafraîchir.  Ils  en  ont 
quatre  efpeces  :  la  première  efl  jaune  ,  mê- 
lée de  blanc  ,  de  bleu  ,  de  rouge  &  de 
verd  ;  elle  eil  d'une  dureté  médiocre  ;  ce- 
pendant on  peut  aifément  la  pulvérifer  ;  il 


P  E  D  ^9 

y  en  a  des  morceaux  qui  font  parfemés  de 
grenats  &  de  rubis.  La  féconde  efpece  efl 
verte,  &  elle  reflemble  à  du  jafpe  poli; 
mais  elle  eli  fragile ,  &  compofée  de  lames 
&  de  fibres  faciles  à  écrafer.  La  troifieme 
efl  blanchâtre  ,  &  femblable  à  du  talc.  La 
quatrième  efl  très-blanche  ,  &  plus  com- 
pare que  les  autres.  On  s'en  fert  dans  les 
maladies  inflammatoires  ,  dans  les  fièvres 
chaudes  ,  &  contre  la  morfure  des  bêtes 
venimeufes.  Extérieurement^  on  la  mêle 
avec  des  jus  d'herbes ,  pour  les  inflamma- 
tions des  yeux  &  des  autres  parties  du  corps: 
on  fe  fert  pour  cela  indifféremment  de  l'une 
de  ces  fortes  de  pierres  ;  cependant  on  croit 
que  celle  qui  efl  verte  efl  la  plus  propre 
contre  les  maux  de  reins.  Il  paroît  que 
ces  pierres  font  calcaires  &  abforbantes. 
Voy.  EphemerideSy  nat.  curiof.  Decad. 
II  y    anno  I. 

PEDRO  (SAN-),  Géogr.  mod.  i».  pe- 
tite ville  d'Efpagne  dans  la  vieille  Caflille  , 
fur  l'Arlauza ,  au  deffous  de  Lerna  vers 
le  Levant. 

1^.  Pedro  (San-),  port  de  l'Amérique 
méridionale  ,  fur  la  côte  orientale  du  Bréfil , 
à  l'embouchure  de  Rio-grande.  Long,  32^; 
lat.  mérid.  32. 

30.  Pedro  (San-)  ,  ville  de  l'Amérique 
feptentrionale  ,  au  gouvernement  de  Hon- 
duras ,  à  30  lieues  de  Valladolid  ,  &  à  H 
du    port  de  Cavallos. 

PEDUM,  (G/og-r.  a/ïc.)  petite  ville  du 
Latium  ,  fituée  entre  Prénefle  &  Trivoli , 
proche  de  l'aquéduc  appelle  Aqua  Claudia^ 
un  peu  au-deffous  deScaptia.  Tibulle  avoir 
une  maifon  de  campagne ,  qui  lui  étoit  ret 
tée  des  biens  de  fon  père ,  au  territoire 
de  Pedum  ;  mais  la  ville  ne  fubfifloit  plus, 
au  rapport  de  Tite-Live.  Pline ,  //V.  III 
chap.  V  y  ajoute  que  les  Pédœniens  ,  Pe^ 
dœniy  font  du  nombre  3es  peuples  dont 
les  villes  étoient  tellement  péries ,  qu'on 
n'en  voyoit  pas  même  les  ruines.  (D.  J  ) 

PÉDUNCULES  ow PEDICULES,  f. 
m.  en  Anaromie  ;  nom  de  deux  petites 
bandes  médullaires  tort  blanches ,  très-cour- 
tes ,  au  moyen  defquelles  la  glande  pinéa- 
le  efl  attachée  comme  un  petit  bouton  au- 
bas  des  couches  des  nerfs  optiques.  Voy* 
PiNÉALE  ,     ^C. 

On  donne  aufli  ce  nom  aux   branches 


70  P  E  E 

de  lâ  moelle  alongée.    Voye^  BRANCHE 
&  Moelle  alongeé. 

PEEBLES  ,  (Géogr.  mod.)  ville  d'É- 
cofîe ,  capitale  de  la  Province  de  même 
nom  ,  autrement  dite  Éwedale.  Il  y  a  , 
dit-on,  dans  cette  ville  trois  Eglifes,  trois 
portes  ,  trois  rues  ,  trois  ponts.  Elle  eft 
agréablement  fituée  fur  le  bord  feptentrio- 
nal  de  la  Ewede  ,  à  fêpt  lieues  N.  E. 
d'Edimbourg  ,  102  N.  de  Londres.  Long. 
14- y,   ^8  ;   lot.  s^y     54, 

PEER  ,  [fJéogr.  mod.)  petite  ville  de 
l'Evêché  de  Liège,  au  Comté  de  Lootz. 
Lons,.  2.5,    zo;  lat.    5/  ,    8.  (D.  J.) 

PEETERMANN,  {Comm.)  efpece  de 
bière  blanche  extrêmement  chargée  de 
grain  ,  &  peu  fermentée  ,  qui  Te  brafîe  à 
Louvain  dans  le  Brabant  ;  elle  eft  d'un  goût 
afîez  agréable ,  mais  elle  enivre  fortement, 
&  nuit ,  dit-on ,  beaucoup  à  ceux  qui  en 
font  un  ufage  très-fréquent  :  on  prétend 
qu'elle  contribue  à  engourdir  le  cerveau 
des  jeunes  gens  qui  vont  faire  leurs  étu- 
des dans  l'Univeriitc  de  Louvain. 

PEGANELEON  ,  f.  m.{Pharm.  anc.) 
terme  employé  par  les  anciens  pour  défi- 
gner  de  l'huile,  dans  laquelle  des  feuilles 
&  des  fleurs  de  rue  ont  été  infuiées  au  fb- 
leil  pendant  un  certain  temps.  (  D.  J.) 

PEGAGE,  f.  m.  (Mythol.)  Héfiode 
nous  dit ,  que  c'eft  du  lâng  de  Médufe  , 
à  qui  Perfée  coupa  la  tête ,  qu'étoit  né 
Pégafe ,  ce  cheval  ailé  ,  li  utile  aux  Poètes  , 
foit  par  lui-même  ,  foit  qu'ils  le  montent 
pour  prendre  leur  vol  vers  le  ciel ,  foit  par 
la  fontaine  d'Hypocrene  qu'il  fit  fortir  de 
terre  d'un  coup  de  pie ,  &  dans  laquelle 
ils  puifent  à  longs  traits  les  fureurs  divi- 
nes qui  lés  agitent  :  voilà  la  Fable.  M. 
Fourmont  en  a-donné ,  dans  les  Mémoires 
de  littérature ,  une  explication  prefque  dé- 
montrée ,  en  remettant  feulement  cette 
fable   en   langue  Phénicienne. 

Médufe  n'étoit  autre  chofe  qu'un  des 
cinq  vaiflèaux  de  la  flotte  de  Fhorcis, 
Prince  Phénicien  ,  Roi  d'Itaque.  La  tête 
de  Médufe  étant  une  fois  coupée  ,  c'efl- 
à-dire ,  le  Commandant  du  vaifTeau  tué  , 
il  fortit  du  vaifîeau  Chryfaor  ,  célèbre 
ouvrier  en  métaux,    &  le   Pégafe. 

Le  chef  de  la  Médufe ,  en  achetant  de 
l'or  des  Africains ,  avoit    attiré  de  chez  ; 


P  EG 

eux  un  ouvrier  qui  fut  le  mettre  en  œuvre  ; 
cela  étoittort  à  fa  place.  Le  Pégafe  eft  en 
ancien  Grtc  pagaffe  :  devons-nous  l'aller 
chercher  |bien  loin  ;   &  pendant   qu'o^    cfî 
la    finale  Greque  ,    dire  ,    avec    Bochart 
&  M.  le  Clerc  ,    que  pagafos  s' eft  formé 
depagafous ,  fra^nl  equus;  ce  qui  eft  encore 
contre  les  règles  de  la  Grammaire  Phéni- 
cienne ou   Hébraïque ,  qui  n'admet  point 
une  femblable  tranfpofition  ?  Pàgafos  ,  fans 
détour  &  fans  violence,  eft  manifeftement 
\tpacajfe.  Lorfque  les  Romains  virent  pour 
la  première  fois  l'éléphant,   ils  l'appellerenc 
bos  ;    de  même  le  pacafje  forti  de  la  Mé- 
dufe ,  parce  qu'on  l'avoit  apprivoifé  ,  &  que 
l'on  montoit  delîus  comme  fur  les  chevaux , 
fut  appelle  cheval.  Les  dénominations  em- 
pruntées pour  les  chofes  extraordinaires , 
font   de  tous  \ts  temps  &   de    toutes  les 
langues  ;  &    une    marque   que   c'étoit  un 
animal fauvage^  c'eft qu'il  s'échappa,  qu'il 
ne  fut  rattrapé  que  par  Bellérophon,  qu'il 
tua  Bargylle ,  l'ami  de  Bellérophon ,  qu'il 
le  blefla  lui-même ,   &  difparut.  Mém.   de 
Littérat.  tom.  III.  (D.  J.) 

Pégase  ,  (An  numlfmat.  )  L'auteur  de 
la  fcience  des  médailles  a  reinarqué,  que 
Pégafe  eft  le  fymbole  de  Corinthe,  où 
Minerve  le  donna  à  Bellérophon  pour  com- 
battre la  Chimère;  il  fe  trouve  auffi  fur 
\qs  médailles  des  villes  d'Afrique,  &  fur 
celles  de  Sicile  depuis  que  les  Carthagi- 
nois s'en  furent  rendus  maîtres  ,  parce  qu'on 
tenoit  que  ce  cheval  éroit  né  du  fang  de 
Médufe ,  qui  étoit  Africaine.  Syraculè  en 
particulier  ,  qui  avoit  une  étroite  aUiance 
avec  Corinthe,  marquoit  fcs  médailles  d'Un 
pégafe.  {D.  J.) 

PÉGASE,  f.  m.  en  Aflronomie ,  tH 
une  conftellation  de  l'hémifphere  feptentrio- 
nal  ;  on  la  défigne  par  un  chaval  ailé.   V. 

Constellation. 

Pégafe  ,  a ,  félon  le  catalogue  de  Pto- 
lomée ,  vingt  étoiles  ;  félon  Tycho  ,  dix- 
neuf;  &  dans  le  catalogue  Britannique  , 
quatre-vingt-treize.  (  O  ) 

Pégase,  f.  m.  Pegafus ,  l,  {terme 
de  Blafon  y  )  cheval  ailé  &  volant  ;  de 
l'invention  des  Poètes,  qui  ont  feint  qu'il 
naquit  du  fang  de  la  tête  de  Médufe  ,  quand 
Perfée  l'eut  coupée. 

Ce  cheval  s'envola  fur  le  monc  Hélicon  , 


P  E  G 

où  ,  en  frappant  du  pie  ,  il  en  fit  jaillir  une 
fontaine  ,  qui   fut  nommée  Hypocrene. 

Les  aftronomes  ont  fait  de  pégafe  une 
conftellation  célefte  entre  l'équateur  &  le 
nord  ;  ils  lui  donnent  vingt  étoiles  :  ils 
difent  que  ceux  qui  naiflent  fous  cette 
conltellation  ont  en  partage  l'amour  des 
armes  ,  la  gloire  ,  &.  beaucoup  de  talens 
pour  la  poélie. 


Guerard  de  Bofcheon  ,  du  Bourg  ,  en 
Normandie,  d'aïuvy  au  pégafe  d'argent. 
(  G.   D.  L.  T.  ) 

PÉGASIDES  ,  f.  f.  {MythoL)  Çurnom 
êiQs  mufes  ,  pris  du  cheval  pégafe  ,  qui  fut 
comme  elles  habitant  de  l'Hélicon. 

PEG(E,  {Ge'ogr.  ancienne.)  i**.  ville  de 
l'Achaïe ,  dans  la  Mégaride  ;  2°.  ville  de 
l'Hellefpont,  félon  Ortelius  ;  3°.  ville  de 
l'île  de  Cypre  ou  de  la  Cyrénie  ,  félon 
Etienne  le  géographe. 

PEGASCE  ,  (  Ge'ogr.  anc.  )  cap.  de  la 
Magnéfie  ,  ainfi  nommé  ,  dit  le  Scholiafle 
(d'Apollonius,  de  ce  que  le  navire  Argo 
y  fut  conflruit  ;  il  y  avoit  en  cet  endroit-là 
un  temple  d'Apollon  ,  qui  a  fait  donner  à 
ce  dieu ,  par  Héiiode  ,  le  nom  de  Pégajien. 
Ce  fut  là  que  les  Argonautes  s'embarquè- 
rent ;  &  le  lieu  où  fe  fit  l'embarquement  a 
depuis  porté  le  nom  ^Aphetce  ,  ainfi  que 
le  difent  pofitiveraent  Strabon  &:  Stephanus. 
{D.J.) 

PEGASIEN  Scnatus-Confuhe ,  {terme 
de  Jurifpr.  Rom.  )  Le  Sénatus-Confulte 
Pégajien  ordonnoit  que  l'héritier  Fidéicom- 
milîàire  retiendroit  le  quart  du  fidéicommis. 
Le  TrébeUien  le  déchargea  des  adions  ac- 
tives &  pafîlves  ;  enfuite  on  les  a  confon- 
dus fous  le  nom  de  quarte  trébellianique 
ou  falcidie. 

PEGEES  ,  f.  f.  pi.  (Mythol.)  nymphes 
des  lontaines  ;  c'eft  la  même  chofe  que  les 
nayades  ,  &  leur  nom  a  la  même  origine 
que  pégafe.    {D.  J.) 

PEGMA,  i'.xy^.{Théat.desRom.)c'é- 
toit  une  forte  de  grande  machine  théâtrale  , 
qu'on  levoit  &  qu'on  abailîbit  par  le  moyen 
de  certains  relforts ,  &  qui  avoit  plufieurs 
étages  ;  en  forte  qu'il  n'eil  pas  furprenant 
qu'un  homme  tombant  du  haut  en  bas ,  fe 
rompît  quelque  bras  ou  quelque  jambe  , 
comme  il  arriva  à  un  joueur  de  flûte.  Ju- 
voul  en  parle  dans  la  Satyre  iK,  v.  112  y 


P  E  G  71 

Sic  pugnas  Jîlicis  laiidabat  &  iclus  y  Ê? 
pegma ,  Ù  pueras  inde  ad  velaria  raptos, 
1\  louoit  de  cette  forte  les  combats  de  gladia- 
teurs de  Cilicie  ,  les  terribles  coups  qu'ils 
le  portoient ,  &:  les  enfans  que  la  machine 
X\q  pegma)  tenoitfiifpendus  en  l'air.  On  voit 
par  ce  paflàge  ,  qu'on  plaçoit  fur  le  pegm.z 
des  gladiateurs  ,  des  enfans  ,  des  muiiciens; 
en  un  mot,  qu'on  fe  fervoit  de  cette  machine 
pour  produire  aux  yeux  des  illulions  propres 
à  les  émouvoir. 

PEGMARES  ,  f.  m.  (Hiji.  anc.  )  nom 
que  donnoient  les  romains  à  certains  gladia- 
teurs ,  de  même  qu'à  certains  artifles. 

Les  anciens  donnoient  quelquefois  en 
fpedacle  une  forte  de  machines  mouvantes, 
anpellées  pegmata  ;  c'étoient  des  échafauds 
diverfement  ornés  ,  qui  avoient  quelque 
reflêmblance  à  ceux  de  nos  feux  d'artifice  : 
cts  échafauds  étant  des  machines  qui  jouoient 
en  bafcules  ,  ils  Innçoient  en  l'air  la  matière 
dont  ils  étoient  chargés  ,  &  entre  autres 
des  hommes,  que  l'on  facrifioit  ainfi  aux 
amu/èmens  du  public  ;  ou  bien  ils  \ts 
précipitoient  dans  des  trous  creufés  en 
terre  ,  où  ils  trouvoient  leur  bûcher  ;  ou 
encore  ils  les  jctoient  dans  les  antres  des 
bêtes  ïérocts. 

On  appelloit  Pegmares  ,  non  feulement 
les  infortunés  que  l'on  facrifioit  ainfi ,  mais 
encore  ceux  qui  conflruifoient  les  machines 
&  qui  les  faifoient  jouer. 

Suivant  Cafàubon  ,  on  mettoit  le  feu  3 
l'échafaud  ;  &  les  Pegmares  étoient  obligés 
de  fe  fauvcr  à  travers  les  flammes  &  les 
débris  delà  machine. 

Lipfe  dit  feulement ,  que  les  Pegmares 
étoienf  certains  gladiateurs  ,  qui  combat- 
toient  fur  Aqs  échafauds  que  l'on  élevoit 
dans  cette  intention  ;  on  les  appelloit  aufîî 
Petaurifije  ,  c'eft-à-dire  ,  hommes  qui  vo- 
lent en  l'air.   Voye^  GLADIATEUR. 

PEGN  AFIEL  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite 
ville  d'Elpagne,  dans  la  vieille  Caftille  ,  fur 
le  Dovere  ,  au  defTous  de  Roa.  Il  fe  tint 
dans  cette  ville  un  Concile  l'an  1302;  elle 
q{\.  Xj  lieues  fud-eft  de  Valladolid.  Long^, 
Z3,   ^3.;  lat.  4z  ,  jo.  {D,  J.) 

PEGNAFLOR  ,  (  Géogr.  mod.)  petite 
ville  d'Efp^gne  y  dans  F  Andaloufie  ,  fur  la 
rive  droite  du  Guadalquivir  ;  on  croit  que 
c'efl  l'ancienne  Uiptda  des  Turdetains. 


7t  P  E  G 

PEGNA-MAÇOR,  {Géographie  moâ.) 
petite  ville  de  Portugal ,  dans  la  Province 
de  Beîrâ  ,  au  midi  de  Sabagal ,  &  à  l'orient 
de  Cobilliana  ;  elle  efl  défendue  par  un  châ- 
teau. Long,   zo  y  2.5/  lat.  4-0 y  Z4. 

^  PEGNARANDA  ,  (  Gépg.  mod.  )  vilTe 
d'Efpagne ,  dans  la  vieille  CalHlle  ,  capitale 
du  duché  du  même  nom  ,  â  14  lieues  fud 
d'Olinedo.  Long,  iz  ,  £y ;  lat.  4.0,  £z. 

FEGmTZ,{Géogr.moJ.)  rivière  d'Al- 
lemagne ,  en  Franco.'iie  ;  elle  tire  fa  fource 
d'un  bourg  qui  porte  Ton  nom  ,  &  qui  eft 
au  midi  de  Bareith.  Elle  traverfe  le  ter- 
ritoire de  Nuremberg  ,  baigne  la  ville ,  & 
va  fe  perdre   dans  la  rivière  de  Rednitz. 

PEGOMANCIE,  {Divinat.)  mot  com- 
ppfé  â^Trfiyn  ,  fontaine  y  &  ^.«ti-î/*,  divina- 
tion ;  divination  par  l'eau  des  fontaines  : 
elle  fe  faifoit  de  différentes  manières,  foit 
en  y  Jetant  un  certain  nombre  de  pierres  , 
dont  on  obfervoit  les  difFérens  mouvemens , 
foit  en  y  plongeant  des  vafes  de  verres  ,  & 
examinant  les  efforts  que  faifoit  l'eau  pour 
y  entrer,  en  chaffant  l'air  qui  les  remplif- 
foit  auparavant;  mais  la  divination  par  le 
fort  des  dez  ,  à  la  fontaine  d'Apon ,  près 
de  Padoue  ,  étoit  la  plus  célèbre  des  efpe- 
ces  de  pe'gomancie. 

A  cette  fontaine  ,  un  feul  coup  de  dez 
décidoit  des  bons  &  des  mauvais  fuccès 
pour  l'avenir ,  félon  le  nombre  des  points 
plus  ou  moins  fort  qu'on  tiroit.  Ce  fut-là 
que  Tibère  conçut  les  plus  hautes  efpé- 
rances  ,  avant  que  de  parvenir  à  l'empire  ; 
car  à  Ton  paifage  pour  l'IUyrie  ,  étant  venu 
confulter  fur  fes  deffinées  l'oracle  de  Gé- 
rion ,  qui  étoit  aufïî  dans  le  voifinâge  de 
Padoue  ,  ce  dieu  le  renvoya  au  fort  de 
la  fontaine  d'Apon  ,  où  ayant  jeté  des 
dez  d'or ,  ils  lui  préfenterent  au  fond  de 
l'eau  le  plus  haut  nombre  de  points  qu'il 
pouvoit  defirer.  Suétone  remarque  enfuite, 
qu  on  voyoit  encore  ces  mêmes  dez  au 
fond  de  la  fontaine.  Claudien  afïure  qu'on 
y  appcrcevoit  aufïi ,  de  fon  temps  ,  les  an- 
ciennes offrandes  qu'y  avoient  laiffées  quel- 
ques Princes. 

Tune  omnem  liquidi  vallem  mirabere  fundi , 
Tune  veteres  haflce  régi  a  dona  aiicant. 

Lucain  donne  le  titre  d'augure  au  prêtre 


P  E  G 

qui  en  avoit  l'intendance.  Théodorîc ,  toi 
d'Italie,  fit  depuis  fermer  de  mujrailles  le 
lieu  où  étoit  cette  fontaine ,  à  caufe  de  fa 
grande  réputation  :  ob  loci  celebritatem  ^ 
dit  Caffiodore.  {D.  J.) 

PÉGONSE,  f.  f.  folea  ociilata  {Hifi^ 
nat,  lâhiolog.  )  poiffon  de  mer ,  qui  efl  une 
efpece  de  foie  ,  à  laquelle  il  reflemble  par 
la  forme  du  corps  ,  &  par  le  nombre  &  la 
pofîtion  des  nageoires  ;  on  le  diftingue  aifé- 
ment  de  la  foie  ,  parce  qu'il  a  fur  le  dos  de 
grandes  taches  ferablables  à  àQs  yeux  ;  les 
écailles  font  fi  fortement  attachées  à  la  peau, 
qu'on  efl:  obligé  de  faire  trem,per  ce  poiffon 
quelque  temps  dans  de  feau  ,  pour  pou- 
voir les  enlever.  Voye\  SoLE.  Rondelet  , 
Hifi.  nat.  des  poisons  _,  première  part, 
liv.  XI y  ch.  xj.  Voyez  Poisson. 

PÉGU  ,  LE  ,  {Géogr,  mod.  )  royaume 
d'Afie  ,  fur  la  côte  occidentale  du  royaume 
de  Bengale  ,  à  fembouchure  des  rivières 
d'Ava  &  de  Pe'gu  :  ce  royaume  ,  après 
bien  des  révolutions  ,  efl  tombé  fous  la 
puifîance  du  roi  d'Aracan  ,  qui  réunit  au- 
jourd'hui les  royaumes  de  Tangut ,  d'A- 
racan ,  d'Ava  &  de  Pe'gu  ;  &  parce  que 
le  fouverain  de  tous  ces  états  réfide  à  Ava, 
il  en  porte  le  nom. 

Les  cartes  des  géographes  ordinaires  dé- 
figurent tellement  le  pays  d'Ava,  de  Pe'gu  y 
&c.  que  le  père  Duchats  ,  Jéfuite  ,■  dit  qu'il 
ne  le  reconnut  point  dans  leurs  cartes.  Ajou- 
tez qu'il  n'y  a  guère  de  pays  dans  l'Orient 
dont  nous  foyons  aufïi  mal  inffruits ,  ce- 
pendant c'efl  un  vafte  empire  ,  commerçant 
&  très-peuplé. 

On  dit  que  les  points  principaux  de  leur 
religion  font  de  ne  point  tuer  ,  de  ne  point 
voler  ,  d'éviter  l'impudicité  î  de  ne  faire  au- 
cun déplaifir  à  fon  prochain  ,  de  lui  faire 
au  contraire  tout  le  bien  qu'on  peut.  Avec 
cela ,  ils  croient  qu'on  fe  fauvera  dans  quel-» 
que  religion  que  ce  foit. 

PEGU  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  ville  fituée  au 
royaume  &  fur  une  rivière  de  même  nom  ; 
c'étoit  la  capitale  de  l'empire  de  Pe'gu  , 
avant  qu'il  fût  tombé  fous  la  puiffance  du 
roi  d'Aracan.  Aujourd'hui  ce  prince  ne 
tient  à  Pe'gu  qu'un  vice-roi.  Prefque  tou- 
tes les  maifons  de  cette  ville  font  bâties  de 
cannes  &  de  rofeaux.  Long,  ii^y  3^ y 
lat,  17.  (D.J.) 

PEGUNTIUM, 


P  E  G 

PEGUNTIUMy  [Geog.  anc.)  ville  de 
!a  Dalmatie.  Ptolomée  ,  L.  II ,  c.  xvij  y  la 
place  fur  la  côte,  tntr tEpetium  &  Onceum^ 
Pline,  L.  III.  c.  xocij y  écrit  Pigumiœ. 
On  croit  que  c'efl  préfentement  Almi-{a. 
(D.f.) 

PÉHUAME  ,  (Hiji.  nat.  Botan.)  plante 
de  la  nouvelle  Efpagne ,  qui  eft  fur-tout  très- 
commune  dans  le  Méchoacan.  C'efl  une  ef- 
pece  de  convoh'ulus  ,  dont  les  feuilles  font 
fort  petites  &  de  la  forme  d'un  cœur  ;  (qs 
fleurs  font  les  mêmes  que  celles  des  ariflolo- 
ches.  Sa  racine  efl  rougeâtre  à  l'extérieur  ; 
elle  eft  acre  &  odorante  ;  elle  guérit ,  dit- 
on  ,  le  mal  vénérien ,  &  plufieurs  la  croient 
préférable  à  la  falfe-pareille  &  au  quinquina. 

PEIGNE  ,  f  m.  (Conchyliolog.)  en  latin 
pecïen  &  en  Anglois  fcallops  ;  genre  de 
coquille  bivalve  ,  fermant  exadement  de 
tous  côtés ,  &  rayée  en  forme  d'un  pei- 
gne dont  on  fe  fert  pour  peigner  des  che- 
veux ;  elle  eft  plate  ,  élevée  ,  garnie  de 
deux  oreilles ,  quelquefois  d'une  feule  ,  & 
quelquefois  aufïï  fans  oreilles.  Elle  n'eft 
attachée  que  par  un  tendon.  Sa  valve  fupé- 
rieure  eft  ordinairement  un  peu  applatie , 
quoique  l'inférieure  foit  creufe.  Il  y  a  ce- 
pendant des  peignes  dont  les  deux  écailles 
font  élevées  &  convexes.  Les  ftries  ou  can- 
nelures ne  fervent  qu'à  donner  à  cette 
coquille  différentes  dénominations.  Jonfton 
fait  une  clafîe  particulière  de  peignes ,  en 
les  appellant  conchx  imbricatce  y  ftriatce  y 
longue  y  coralinœ  y  rugatce  y  fafciatce  ;  mais 
ils  ont  tout  cela  de  commun  avec  d'autres 
coquillages  qui  ne  font  point  des  peignes. 

Celle-ci  a  tiré  fon  nom  des  ftries  longitu- 
dinales dont  fa  furface  eft  couverte  ,  qui 
reffemblent  aux  dents  d'un  peigne. 

Conformément  au  caradere  que  nous 
venons  de  donner  de  ce  genre  de  coquille  , 
on  peut  diftribuer  fcs  efpeces  fous  trois 
clafîes  diftindes. 

Dans  la  clafTe  èi^s  peignes  qui  font  gar- 
nis de  deux  oreilles  ,  on  met  les  efpeces 
fuivantes:  i°.  le  peigne  rouge,  nommé  le 
manteau  ducal  rouge  ;  2*.  le  manteau  du- 
cal jaune  ;  3**.  le  peigne  couleur  de  corail  , 
^'arni  de  beaux  boutons;  4°.  le  peigne  ba- 
riolé ,  nommé  coquille  de  S.  Jacques  ; 
5*.  le  peigne  jaune ,  appelle  coquille  de 
S.Michel  ;  6®.  \q  peigne  orangé  de  la  mer 
Tome  XXV. 


P  E  I  7, 

j  Cafpienne;  7*.  le  grand  peigne  rougeâ- 
tre ;  8*.  le  peigne  bariolé  ,  bleuâtre  ;  9°. 
le  peigne  rouge ,  profondément  cannelé  ; 
10°.  le  peigne  appelle  ïéfantail  ou  la  foie; 
il  eft  brun  fur  la  coquille  fupérieure  ,  & 
blanc  fur  la  coquille  inférieure  ;  1 1°.  le 
peigne  tacheté  par-deffus  ,  &  blanc  par- 
defîous;  i2<*.  le  peigne  à  côtes  &  jaunâ- 
tre, avec  la  lèvre  rebordée;  i'^^Aq  peigne 
à  coquille  également  creufe  ;  14°.  le  peigne 
en  forme  de  poire;  15°.  le  ht9.n  peigne  y 
nommé  la  Vierge  par  Rumphius  ;  lé**.  le 
peigne  nommé  par  le  même  amujium  ; 
il  eft  fait  en  table  lifïê  &  polie  ;  17°.  le 
peigne  à  coquille  inégale ,  bariolé  de  taches 
fauves. 

Dans  la  claffe  àes  peignes  qui  n'ont  qu'une 
oreille  ,  on  diftingue  les  efpeces  fuivantes  ; 
i".  le  peigne  noir  ,  épineux  ;  il  eft  par-tout 
couvert  de  pointes  aiguës  ;  2,^.  le  peigne 
épineux  ,  rouge  ;  3**.  le  peigne  épineux  , 
gris  ;  4°.  le  peigne  épineux  ,  jaune  ;  5''.  le 
peigne  épineux,  bariolé  ;  6®.  le  peigne  épi- 
neux ,  orangé  ;  7°.  le  peigne  blanc  &  tout 
uni. 

Dans  la  clafîe  des  peignes  qui  n'ont  point 
du  tout  d'oreilles  ,  on  compte  les  elpeces 
fuivantes  ;  1°.  le  peigne  appelle  la  ratif- 
foire  ou  la  râpe  y  en  Anglois  the  file-côckle  ; 
2°.  le  peigne  oblong,  blanc  &  raboteux  ; 
3°.  le  peigne  à  côtes  jaunes ,  &  découpé 
dans  fon  contour  ;  4*'.  le  peigne  bariolé , 
avec  un  pourtour  déchiré  ;  5°-  1^  peigne 
épais ,  chargé  de  cordelettes  bariolées  de 
bleu  ,  de  jaune  &  de  brun  ;  6".  le  peigne 
uni  &  bariolé  ;  70.  le  peigne  rond  &  blanc , 
nommé  fôurdon  f  en  Anglois  the  common- 
cokle. 

Parmi  les  peignes  de  ces  trois  efpeces  » 
on  eftime  particulièrement  celui  qui  imitC 
par  fon  rouge  la  couleur  du  corail  ;  d^ 
grandes  ftries  cannelées  ,  fur  lefquelles  fon' 
àes  tubercules  élevés  &  creux  ,  le  coupenf 
dans  toute  fon  étendue  :  Ces  oreilles  fon*^ 
inégales  ,  &  {es  bords  font  réguhéreraent 
chantournés. 

Le  manteau  ducal  rouge  eft  également 
beau  defïus  &  deffous  ;  le  travail  grené  c^c 
fes  ftries  ,  les  bords  orangés  de  (es  oreilles  , 
&  le  chantournement  de  Ces  contours  le 
font  rechercher  des  curieux. 

Le  peigne  appelle   la  râpe  ou  la  radf" 

K 


74  PET      ' 

foire  y  efl  remarquable  par  Us  émmences 
qui  fuivenr  fes  ftries ,  &  qui  le  rendent  fort 
rude  au  toucher  ;  ce  peigne  eu  tout  blanc , 
&  n'a  point  d'oreilles. 

Eaun  mot ,  la  famille  àes peignes  efl  une 
des  plus  agréables  qu'on  ait  en  fait  de 
coquilles  ,  pour  la  beauté  des  couleurs.  Par- 
lons de  l'animal. 

Ce  coquillage  a  deux  grandes  membra- 
nes brunes ,  qui  s'attachent,  chacune  à  une 
des  pièces  de  la  coquille.  De  leur  contour 
fortent,  dans  l'eau  de  la  mer  f  une  multitude 
prodigieufe  de  poils  blancs ,  aflez  longs  pour 
déborder  les  valves.  L'intervalle  eft  garni  de 
petits  points  noirs  ,  ronds  &  brillans.  L'in- 
térieure des  deux  membranes  renterme 
quatre  feuillets  fort  minces ,  chargés  tranf- 
verfalcment  de  Uries  très-fines.  H  fe  voit , 
au  delTus  de  ces  quatre  feuillets ,  une  pe- 
tite maiTe  molle  &  charnue,  qu'on  peut 
croire  être  le  ventre  ou  les  entrailles  i  elle 
cache ,  fous  une  peUicule  aiïèz  mince ,  une 
efpece  de  pié ,  dont  la  pointe  regarde  le 
centre  de  l'animah  Cette  partie  eft  ordi- 
nairement de  la  même  nuance  que  celle  qui 
l'enveloppe  ;  mais  dans  le  temps  du  frai , 
elle  fe  gonfle ,  change  de  couleur ,  &  de- 
vient d'un  jaune  foncé  :  quelque  temps 
après ,  elle  diminue ,  maigrit  &  reprend  fon 
ancienne  teinte. 

Voici  le  mouvement  progreflif  de  ce 
eoquilla-ge  fur  terre.  Lori'que  le  peigne  ei\ 
à  fec ,  &  qu'il  veut  regagner  la  mer  ^  il 
s'ouvre  autant  que  fes  deux  valves  peuvent 
le  lui  permettre  ;  &  étant  parvenu  à  un 
pouce  ou  environ  d'ouverture  ,  il  les  re- 
ferme avec  tant  de  vîtefiTe  ,  qu'il  commu- 
nique aifément  à  fa.  valve  inférieure  unmou- 
vement  de  contrinStion  j-P^r  lequel  elle  ac- 
quiert aflez  d'elafîiciré  pour  s'él°.ver  &  per- 
dre terre  de  deux  à  trois  pouces  de  haut  : 
il  importe  peu  fur  quel  côté  de  la  coquille 
ilpuilfe  tomber,  il  liiifit  de  favoir  que  c'elJ 
par  cette  manœuvre  réitérée  qu'il  avance 
toujours  vers  le  bur  qu'il  s'elt  propofé.  Ce- 
pendant file  peigne  éio'iz  attaché  à  quelque 
corps  étranger,  par  le  grand  nombre  de 
filamens  ou  de  poils  qui  s'iirjplantent  fur 
la  fLirfaàp  de  ces  deux  valves  ,.  il  efl  vrai 
qu'alors  il  n'iauroit  pqint  de  mouvement 
progreflif  •*  mais  c'efi:  un  cas  afTez  rare  , 
excepté  dans  le  pétoncle.- 


P  E  1 

ta  progreflîon  de  cet  animal  dans  Teatt 
eft  bien  diflérente.  Il  commence  par  en 
gagner  la  furface  ,  fur  laquelle  il  fe  foutient 
à  demi-  plongé  :  il  ouvre  alors  tant  foit  pevi 
ies  deux  coquilles,  auxquelles  il  commu- 
nique un  battement  fi  prompt  &  fi  accéléré , 
qu'il  acquiert  un  fécond  mouvement  ;  on 
le  voit  du  moins ,  en  réuniffant  ce  double 
jeu ,  tourner  fur  lui-même  très-vîte  de  droite 
à  gauche  ;  paY  ce  moyen  il  agite  l'eau  avec 
une  fi  grande  violence  ,  qu'au  rapport  de 
Rondelet,  elle  eft  capable  de  l'emporter,. 
&  de  le  faire  courir  fur  la  furface  des  mers. 

On  lent  bien  que  ceux  qui  font  attachés- 
à  plufieurs  corps  étrangers,  ne  jouifTent  d'au- 
cun des  mouvemens  dont  nous  venons  de 
parler.  Voye\fur  les  peignes  ^IJx^er^  Dar- 
genville,  Ù  les  Mémoires  de  V Académie 
des  Sciences.  {D.  J.) 

Peigne  ,  f!  m.  (  terme  de  Boulanger.  ) 
Les  boulangers  qui  font  le  bifcuit  de  mer , 
appellent  quelquefois  peigne  y  un  petit  inf- 
trument  dont  ils  fe  fervent  à  faire  plufieurs. 
figures  fur  leurs  galettes  :  fon  véritable  nom 
eft  une  croifoire. 

Peigne  ,  dans  Part  de  la  Garderie  ,  eft 
un  inftrument  compofé  de  fix  ou  fept  rangs 
de  dents  dé  fer,  à-peu-près  fembkibles  à 
celles  d'un  râteau;  ces  dents  font  fortement 
,  enfoncées  dans  une  planche  de  bois  de 
chêne  fort  épaifîe. 

Il  y  a  quatre  fortes  dé  peignes  difFérens  : 
ceux  de  la  première  grandeur  ont  les  dents 
de  12,  à  i3.pouces  de  longueur  ,  quarrées  ,, 
grofî^?s  par  le  bas  de  6  à  7  lignes ,  &  écar- 
tées les  unes  des  autres  de  2,  pouces  parla 
pointe.  Ces  peignes  ne  loiit  pas  deftinés  .à; 
affiner  le  chanvre  ,  mais  feulement  à  former 
les  peignons. -Qa  les  appelle  peigne  pour- 
les  peignons. 

Les  peignes  de  la  féconde  grandeur  ,  ap-~ 
peWés  peignes  à  dégrojjir y  ont  les  dents- 
longues  de  7.  à  S  pouces  ,  groflès  de  6^ 
lignes  par  le  bas  >  &  écartées  les  unes  des 
autres  de  i  ^  lignes  .par  la  pointe.  Ces  pei^ 
gnes  fervent  à  dégroffir  le  chanvre ,  &  à: 
en  féparer  la  -plus  grolle  étoupe.. 

Le  peigne  de  la  troifieme  grandeur  ,  nom-  - 
mé. peigné-  à  o^'/ier  ,,a  les  dents  de  4:^-5^ 
pouces  de.longueur ,  de  ^  lignes  de  groffeur 
par  le  bas ,  &  éloignées  les  unes  des  au- 
,  tres.de.  laà.  12  lignes.  G'eft  fur  ce  peigns 


?  E  I 

qu*on  affine  le  chanvre ,  &  que  le  fécond 
brin  fe  fépare  du  premier. 

Enfin  ,  il  y  a  des  peignes  qui  ont  les  dents 
plus  courtes,  plus  menues  &  plus  (èrrees  que 
les  précédens;  on  les  nomme  p^/g/ze-f  ^/2.f. 
On  le  fert  de  ces  peignes  pour  préparer  le 
chanvre  deftiné  à  faire  de  petits  ouvrages 
plus  délicats. 

Il  faut  remarquer  ,  i®.  que  les  dents  des 
peignes  doivent  erre  rangées  en  échiquier 
ou  en  quinconce,  &  non  pas  fur  une  mê- 
me ligne  ;  autrement  pluiieurs  dents  ne 
feroient  que  l'effet  d'une  feule. 

2°.  Qu'elles  doivent  être  taillées  en  lo- 
fànge ,  &  pofées  de  manière  que  la  ligne 
qui  palferoit  par  les  deux  angles  ,  coupât 
perpendiculairement  le  peigne  dans  fa  lon- 
gueur ;  par  ce  moyen  ,  les  dents  réfiilent 
mieux  aux  efforts  qu'elles  ont  à  fouffrir  ,  &: 
refendent  mieux  le  chanvre.  Voye^  P article 
CORDERIE. 

Peigne  ,  {Draperie.  )  Voyez  Vartide 
Manufacture  en  laine  ;  c'eft  une 
partie  du  métier. 

Peigne  ,  {terme  d*HauteliJ[Jerie  ,)  inf- 
trument  dentelé ,  dont  fe  fervent  les  hau- 
telifliers  pour  battre  &  ferrer  leurs  ouvrages. 
Il  eft  de  bois  dur  &  poli ,  de  8  à  9  pouces 
d'épailfeur^  du  côté  du  dos ,  d'où  il  va  tou- 
jours en  dimjnuant  jufqu'à  l'extrémité  des 
dents.  On  s'en  f?rt  à   la  main. 

Le  peigne  des  baiîe-liffiers  efl  à-pcu-près 
de  même  ,  hormis  qu'il  y  a  des  dents  des 
deux  côtés.  Les  uns  &  les  autres  font  ordi- 
nairement de  buis  ou  d'ivoire. 

Peigne  ,  {Lainage ^)  forte  d'inflrument 
en  forme  de  grande  carde  de  fer  ,  dont 
les  dents  font  longues,  droite^  &  fort  poin- 
tues par  le  bout.  On  s'en  fert  dans  les  ma- 
nufactures de  lainage  ,  à  peigner  la  laine 
deliinée  pour  faire  la  chaîne  de  certaines 
étoffes  ;  c'efl  cette  laine  ,  ainfi  peignée ,  que 
l'on  appelle  ordinairement  eflaim.  On  lé 
fert  aufli  de  peignes  dans  quelques  autres 
manufadures ,  pour  peigner  divv:rfes  for- 
tes de  matières  ,  comme  bourre  de  foie  , 
chanvre  ,  Ùc.  Ces  fortes  de  peignes  font 
en  quelque  manière  femblables  à  ceux  qui 
font  d'ufage  pour  la  laine  ,  mais  ils  font 
plus  petits.  {D.  J.) 

Peigne  ,  inflrument  à  Tufagedu  mar- 
breur,  C'efl  une  barre  de  bois  platç  ,  dans 


PEI  7y 

laquelle  font  enfoncés  des  fils  de  fer  d'en- 
viron deux  doigts  de  longueur.  Le  peigne 
fert  à  mêler  les  couleurs  qui  nagent  à  la 
fuperficie  de  l'eau  gommée  dans  le  bacquet. 

Les  marbreurs  fe  fervent  de  trois  diffé- 
rentes fortes  dépeignes;  (avoir  y  \t peigne 
au  commun  ,  le  peigne  à  l'Allemagne  ,  & 
le  peigne  à  frifon.  Le  peigne  au  commun 
eft  celui  dont  on  fe  fert  pour  le  papier 
marbré  ordinaire  ,  c'efl-à-dire  ,  pour  celui 
qui  n'eft  que  veine  ;  il  a  cinq  ou  fix  rangs 
de  dents. 

Le  peigne  à  l'Allemagne  fert  pour  le 
papier  marbré  qui  imite  celui  que  l'on  fa- 
brique en  Allemagne.  Cq  peigne  n'a  qu'une 
rangée  de  dents. 

Le  peigne  à  frifons  ef^  celui  dont  on  fe 
fert  pour  marbrer  le  papier  &  dont  les  re- 
lieurs font  ufage  pour  la  reliure  des  livres. 
On  l'appelle  peigne  à  frifons  y  parce  que 
(ts  dents  font  placées  alternativement  l'une 
d'un  côté,  l'autre  de  l'autre,  de  manière 
que  le  marbreur  en  tournant  le  poignet , 
arrange  les  couleurs  en  cercles  ou  frifons. 
Ce  peigne  n'a  qu'une  feule  rangée  de  dents , 
qui  en  forme  deux  par  leur  fituation  obli- 
que ,  qui  en  tourne  les  pointes  les  unes 
d'un  coté,  les  autres  de  l'autre.  Voye\  l'ar^ 
ticle  Marbreur. 

Peignes  :  les  /njre'c^jwa;  appellent  ainli 
des  gratelles  farineufes  qui  viennent  aux 
panerons  du  cheval ,  &  qui  y  font  hériffer 
le  poil  fur  la  couronne. 

Peigne  de  corne ,  inflrument  dont  les 
palefreniers  fe  fervent  pour  peigner  les  crins 
&  la  queue  des  chevaux. 

Peigne,  {Ruban.)  A  l'ufage  de  ce 
métier  il  y  en  a  quantité  de  fortes  ; 
il  faut,  avant  que  de  les  détailler,  parler 
de  la  manière  dont -on  les  fabrique.  Ils  font 
faits  de  canne  de  Provence ,  qui  efl  pro- 
prement le  rofeau  ;  mais  celui  de  ce  pays 
eu  le  feul  propre  à  cet  ufage.  La  canne  efl 
d'abord  coupée  entre  (es  noeuds ,  &  for- 
me des  longueurs  ;  puis  elle  eft^  refendue 
avec  une  ferpette:  ces  refentes  fe  font  à 
plufieurs  reprifes ,  pour  parvenir  à  la  ren- 
dre aflez  étroite  pour  l'ufage  auquel  on  la 
deftine  :  ces  difïerens  éclats  font  étirés  fur 
les  rafoirs  des  poupées  ;  ces  poupées  de 
figure  cylindrique ,  qui  portent  fur  l'établi , 
doivent  être  à  leur   bafe  comme  à  leut 


7^  P  E  I 

fommet ,  ce  qui  leur  donne  plus  d'niîïetts  , 
&  les  empêche  de  varier  iur  l'établi.  Elles 
font  de  bois  tourné  ,  &  ont  au  centre  de 
leur  bafe  une  queue  qui  pafle  dans  des  trous 
percés  à  l'établi  ;  la  face  flipérieure  qui  ell 
très-unie  ,  porte  au  centre  une  lame  d'acier 
très-tranchante ,  en  forme  de  rafoir ,  qui 
y  cft  fichée  debout  :  à  côté  de  ce  rafoir  efî 
aufli  fichée  une  pièce  de  fer  plate  non  tran- 
chante, qui  eft  auffi  debout  comme  le  ra- 
foir ,  tk  qui  l'approche  de  très-près  ,  en  lui 
préfentant  une    de  lès  faces  plates  ;   cette 
pièce  efl:  placée  de  façon ,  qu'il  n'y  a  en- 
tre elle  &  le  rafoir  que  la  place  nécefl'aire 
pour  pafler  une  dent  ou  éclat  de  canne  ; 
ccne  pièce  de  ter  dirige  le  palTage  de  la 
dent  contre  le  rafoir ,  &  par  confcquent  ne 
doit  laifîèr  entre  elle  &  lui ,  que  la  diffance 
proportionnée  à  l'épaifi'eur  que  l'on  veut 
donner  à  la  dent:  il  y  a  donc  de  ces  pou- 
pées dont  les  fers  font  en  plus  grande  ,  d'au- 
tres en  plus  petite  diftance ,  puifqu'il  y  a  des 
dents  plus  ou  moins  épaifîès;  il  y  a  encore 
de  ces  poupées  dont  il  faut  que  les  deux 
pièces  dont  on  parle  foient  fort  écartées  y 
puifqu'il  faut  que  la  dent  pafîe  entr'elles  à 
plat  pour  en  unir  les  bords  ;  la  dent  ,  par 
cette  opération  ,  efl  mile  à  2,  lignes  de  lar- 
geur environ  :  cet  étirage  fe  fait  en  plaçant 
la  dent  (qui  efl  encore  de  toute  la  longueur 
que  les  nœuds  de  la  canne  l'ont  permis)  , 
entre  les  deux  fers  de  la  poupée  ,  tenant  la 
dent  avec  la  main  droite^  pendant  que  la 
gauche  ,  pofée  de  l'autre  côté  des  fers,  ne 
fait  que  la  tenir  en  refped.  Il  faut  obier- 
ver  que  c'elt  le  côté  intérieur  de  la  canne 
qui  palTe  fur  le  rafoir  ,  puilqu'on  ne  touche 
jamais  à  fon  côté  extérieur  &  poli  ;   cette 
dent  efl  déchargée  par   ce  moyen  de  tout 
fon  bois  ,    &   n'en  efl    prefque   plus  que 
l'écorce.  Après  ce  premier  paflage  llir  le 
rafoir  ,  la  dent  ell  retournée  bout  pour  bout, 
pour  repalTer  encore  contre  le  ralbir  ;  car  le 
bout  tenu  par  la  main  droite  n'a  pu  y  paffer  : 
ceci  bien  entendu,  il  faut  parler  du  fil  qui  fer- 
viraàla  conflruélion  du  peigne.  Ce  font  plu- 
fieurs  brins  de  fil  unis  enfemble,en  telle  quan- 
tité qu'on  le  juge  à  propos  ,  puifque  c'eft  de 
cette  grofî'eur  que  dépend  l'éloignement  plus 
ou  moins  grand  des  dents ,  fulvant  la  nécefil- 
té  ;  ainfi  il  efl  de  conféquence  de  favoir  pro- 
portionner cette  grofTeur.  Ces  fils  aiofi  iinis 


P  E  I 

&  tortillés  cnfemble  ,  font  graifTés  avec  de 
h  poix  ,   &  font  de  très-grande  longueur  , 
l'opération  que  l'on  verra  en  fon  lieu   en 
employant  beaucoup  ••   ces  fils  font  enfui  te 
mis  en  paquets  ,  pour  attendre  l'uiage.  Il  en 
faut  de  bien  des  grofleurs  différentes  ,  ayant 
auill quantité  de  groflèurs  de  peignes,  ainfi 
qu'il  en  fera  parlé.  Il  faut  à  préiènt  faire  con-- 
noître  les  jumelles.  Ce  font  de  petites  trin- 
gles de  bois  de  hêtre  ,  larges  àt  ^  àé  lignes 
fur  une  hgne  d'épaiifeur  ,  &  de  4  pies  , 
4  pies  &  demi  de  long  ;  on  n'en  fait  point 
de  plus  longues  ,  leur  foibleffe  ne  le  per- 
mettant pas.  S'il  s'agifToit  d'avoir  des;?  É'/g'/2fx 
plus  longs  ,  puifqu'on  en  fait  qui  ont  6  pies 
&  plus  ,  on  en  joint  plufieurs  enfemble  par- 
le moyen  de  la  colle  forte  :   ces  tringles  fi 
minces  ont  un   côté  de  leur  épailîeur  qui 
eit  plat,  &    c'efl  celui-ci    qui  formera  le 
dedans  ;  l'autre  côté  efl  arrondi  autant  que 
cette  épaiffeur  peut  le  permettre  ,  de  forte 
que  les  extrémités  en  font  prefque   aiguës. 
Lorfqu'on  veut  faire  un  peigne  d'une  lon- 
gueur donnée  ,  il  faut  quatre  de    ces   ju-- 
melles  unies  deux  à  deux  ,  mais  plus  longues 
que  la  longueur  déterminée  ;  on  en  verra 
dans  peu  la  nécefîité.  Deux  de  ces  jumelles 
font  unies  enfemble  &  de  leurs  côtés  plats  , 
au  moyen  de  petites  échancrures  aux  bouts  y 
&  d'une  hgature.  On  les  place  fur  la  pièce 
de  fer  plate  ,  fixée  invariablement  fur  la  pou- 
pée qui  entre   dans  les  trous  de  l'établi  y 
l'autre  bout  efl  attaché  de  même  ,  &  placé 
fur  une  pièce  de  fer  reçue  dans  la  mâchoire 
portée  par  une  vis  qui  paffe  par  le  trou  de  la 
poupée  ,  qui  fe  place  elle-miême  à  volonté 
dans  différens'  trous  de  l'établi ,  fuivant  la 
longueur  dont  on  a  befoin  :   ces  quatre  ju- 
melles (ont  tendues  roides  &  égales,  parle 
moyen  de  la  noix.  On  ne  doit  point  crain^ 
dre  qu'elles  caffent,  par  la  grande  tenfion 
où  elles  ont  befoin  d'être  pour  acquérir  plus 
de  reditude ,  pourvu  que  le  tirage  foit  di- 
red  &   égal.  Ceci   étant  ainfi  diipofé  ,  ont 
rhefure  avec  l'inflrument  appelle  compartif- 
Joir  y  pour  voir  fi  la  difîance  efl  la  même  ; 
ce  qui  fe  fait  en  conduifant  cet  inflrument 
dans  l'efpace  que  laifîent  entre  elles  les  ju- 
melles :  fi  le  peigne  efl  d'une  grande  lon- 
gueur ,  on  y  laiffe  ce  compartifToir  lié  légè- 
rement aux  jumelles  à  une  difîance  conve- 
nable ,  pour  laifTer  la  jouiflance  à  l'ouvrier  r 


?  El 

lorfqu'on  en  approche  de  trop  près  par  le 
travail ,  on  le  recule  ,  &    toujours  de  mê- 
me; par-là  on  conferve  l'égalité    de  l'ou- 
verture que  la  trop  grande  longueur  pour- 
roit  faire  varier  :  on  voit  qu'il  faut    avoir 
dilférens   compartiflbirs  ,  luivant  les  diffé- 
rentes hauteurs  des  peignes  ,  car  c'efl  lui 
qui  donne  cette  hauteur.  Si  l'ouvrier  a  plu- 
iieur.s  peignes  à  faire  de  petite  ou  de  moyen- 
ne longueur,  il  peut  les  faire  fur  de  lon- 
gues jumelles,  en   interrompant  le  travail 
par  une  petite  diflance  d'un  peigne  à  l'au- 
tre;   il  s'épargnera   par-là  la  peine    &    le 
temps  de  monter  &  démonter  plufieursfois: 
les  chofes  en  cet  état ,  l'ouvrier  fait  plufieurs 
tours  avec  le  fil  àl'entour  des  jumelles,  qu'il 
échancre  un   peu  avec  la  ferpette  ,     pour 
éviter  que  ce  fil  né  gHlTe  ;  il  en  fait  autant 
avec  un  fécond  fil  qui  efl  de  fon  côté  ,  en 
le  faifant  tourner  de  dedans  en  dehors  ;  au- 
lieu  que  le  premier  fil  tourne  de  dehors  en 
dedans  :  ces  tours  de  fil  font  frappés  avec 
une  batte  ,  qui  demeure  ainfi  placée  dans 
les  jumelles  pendant  tout  le  travail  qui  va 
fuivre  ;  après  cela  ,  l'ouvrier  place  une  pre- 
mière dent  ,  qui  donnera  entre  les  jumelles 
la  Julie  ouverture  pour  le  logement  conve- 
nable de  la  denture.  Cette  première  dent 
efl  un  morceau    de  canne  épais ,   plié  en 
deux ,  les  deux   extérieurs  du   bois  fe  tou- 
chant ;  cette  dent  fe  pofe  à  plat  contre  les 
tours  de  fil  qui  viennent  d'être  faits.  Si  on 
n'a  pas  afiez   d'épaifïeur ,  on  remplit  i'en- 
tre-deux  intérieur  de  cette  dent    avec  les 
menues  parcelles  qui  font  forties  de  la  can- 
ne par  l'opération  des  rafoirs  ,  &  cela  tant 
qu'il  le  faut  ;  cette  dent  parvenue  à  fon  point 
d'épaiiTeur  ,   efl  fixée  contre  le  fil  par  plu- 
fiowrs  tours  de  ce   même  fil  recroifés  plu- 
fieurs fois  &  frappés  avec  la  batte  :  enluite 
on  met  une  autre  dent  ,  mais  bien  moins 
épaifle  ;  celle-ci  efl  pofée  fur  fon  champ  , 
&  de  même  entourée  de  plufieurs  tours  de 
fil ,  &  toujours  frappés  avec  la  batte.  Tou- 
tes ces    précautions  fervent  beaucoup  à  la 
perfedjon  du  peigne.  Après  tout  ceci ,  on 
pofè  les  dents    qui     compofènt  le  peigne 
l'une   après  l'autre  ,   &  toujours  après  un 
tour  de  chaque  fil ,  dont  l'un  ,  comme  il   a 
été  déjà  dit,&  qui  e(l  le  premier  ,  fe  pafTe 
du  dehors  en  dedans ,  &  le  fécond  du  de- 
dans en.  dehors  ;  c'efl-à-dire  ,  qu'il  jette  le 


P  E  I  77 

paquet  par-defTus  les  jumelles,  qui  retombe 
fur  l'établi  ,  après  avoir  paffé  par  l'ouver-, 
ture  entre  les  jumelles.  A  l'égard  du  paquet 
qui    efi  du  coié  de   l'ouvrier  ,  comme  (ts 
deux  mains  fe  trouvent  voifines  ,  il  le  reçoit 
de  la  main  gauche  ;  puis  roidilTant  avec  la 
main  gauche,    à  la   fois    \q%   deux    bouts- 
ainfi  pafles  ,  il  a  la  main  droite  fibre  pour 
frapper  avec  la   batte  contre  ce  tour  des 
deux  fils;  puis  il  place  une  autre  dent ,  & 
fait  de  même  jufqu'au  bout.  Il  eft  bon  d'ob- 
ferver  dans  cette  pofition  des  dents ,  qu'elles 
fe  pofent  toutes  fur  leur  champ  ,  &  le  poli 
du  même  côté.  Ce  poli  extérieur  de  la  can- 
ne fe  trouve  ainfi  placé  du  côté  gauche  de 
l'ouvrier  ,  puifqu'après  avoir  pafTé  fa  dent  à 
plat  d'abord  dans  les  jumelles  ,  il  la  relevé 
enfuire  pour  la  placer  fur  fon  champ ,  ayant 
le  poh  du  côté  du  pouce   droit.  On  voit 
auffi  qu'il  ne  frappe  jamais  fur  la  dent ,  qu'il 
l'eroit  en  danger  de  cafîer,  mais  bien  con- 
tre le  fil ,  qui  forme  ainii  les  féparations  de 
la  denture.  Ce  fil  ,  au  moyen  de  la  poix 
dont  il  eft  enduit,  &  d'un  coup  de  batte  , 
fe  tient  comme  collé  fur  les  jumelles.  On 
concevra  lans  doute  que  les  dents  font  plus 
longues  qu'il  ne  faut ,  puifqu'il  faut  que  l'ou- 
vrier les  tienne   par  le  bout  en  dehors  des 
jumelles  de  Ion  côté  ;  elles  paffent  de  mê- 
me inégalement  de  l'autre  côté ,  cela  com- 
me elles  fe  trouvent ,  ou  que  l'ouvrier  ap- 
perçoitun  défaut  à  l'un  ou  à  l'autre  bout  ; 
car  il  faut  que  ces  dents  n'en  aient  aucun  : 
il  ne  lui  efl  pas  poflible  d'en  employer  de 
trop  courtes ,  puifqu'clles  ne  pourroient  être 
arrêtées  par  le  fil  ;  on  voit  la  nécelfité  de 
l'égalité  de  ce  fil ,  puifque  s'il  devenoit  plus 
gros  ou  plus  fin  ,  la  denture  feroit  déran- 
gée ,  dérangement,  qui  peut   avoir  encore 
plufieurs  autres  caufes  ;  d'abord  par  la  dif- 
férente groffeur  des  fils,  par  la  difierente 
épaifïeur  des  dents ,  ou  par  la  différente  pref- 
fion  des  coups  de  batte.  L'ouvrier  a  plu- 
fieurs mo)^ens  pour  s'appercevoir  fi  fon  éga- 
hté  eft  toujours  la  même  :  premièrement ,  il 
forme  lui-même  fes  fils  avec  toute  la  juflcfîè 
qu'il  fait  leur  être  nécelfaire  ;  il  s'apperce- 
vroit  de  l'inégalité  de  l'épaifîeur  àts  dents  , 
en    en  mettant  une  certaine   quantité  qu'il 
fait  devoir  être  contenue  dans  l'eipace  du 
compartiffoir.  A  l'égard  des  coups  de  batte, 
la  grande  habitude  de  fufage  réglant  fa  force. 


7»  P  E  I 

'A  parvient  à  les  donner  toujours  e'gaux  ;  s'il 
s'apperçoit  que  quelque  dent  gauchilîe ,  il 
y  remeJie  avec  un  petit  inftrument  de  fer 
plat  appelle  retroujfoir  ,  qu'il  introduit  da;.s 
le  peigne  ,  pour  redrefler  ce  défaut.  Toutes 
les  dents  qui  compoient  le  peigne  étant  ainfi 
polet-s  ,  il  termine  le  tout  comme  quand  il 
a  commencé.  Ilcoupe  les  jumelles  avec  une 
petire  Icie  à  main  devant  les  pièces  de  fer  , 
c'eft-à-dire ,     dans  le  dedans.  Il  a  tté  dit 
qu'il  falloir  que  les  jumelles  fufTnt  plus  lon- 
gues que  les  peignes  que  l'on   veut  taire 
avec;  voici  pourquoi:  lî  on  ne  donnoit  que 
Ja   longueur  jurte  à  ces   jumelles  ,  il  ne  iè 
trouveroit  pasaiîez  de  chalîê  pour  le  jeu  de 
la  batte  ,  ou  pour  l'introdudion  des  dents  ; 
l'excédant  donne  cette  place  néceflaire.  Le 
peigne  en  cet  état ,    &    debarrafle  de  Tes 
liens,  eu  brut;  on  commence  par  le  débrutir, 
par  couper  avec  la  ferpette  tous  les  bouts 
des  dents  qui  fortent  des  jumelles  ;  on  les 
coupe  à  l'uni  du  fil ,  prenant  garde  de  ne 
point  couper  ce  fil  avec  ;  enfuite  les  dents 
fe  trouvant  toujours   un  peu    raboteufes  & 
inégales  entr'elles  ,  il  faut  les  unir  toutes  , 
CQ  qui  fe  fait  avec  l'inflrument  appelle  cou- 
teau à  ratir.  On  pofe  le  tranchant  de  cet 
outil  à  plat  iiirla  denture  ,  en  l'amenant  à 
foi  jufqu'auprès  du  fil ,   puis  on  coupe  les 
bavures  à  fleur  de  ce  fil  ;  ce  qui  étant  fait 
haut  &  bas  ,  devant  &  derrière ,    avec  un 
jautre  petit  inftr.ument  tranchant  appelle  évi- 
doir ,  qu'on  introduit  entre  chaque  dent  , 
aufli   haut  &   bas ,  devant  &  derrière  ,  on 
«barbe  tout  ce  qui  peut  erre  refié  aux  bords 
de  chaque  dent  ;  enfin ,  il  n'y  doit  rien  refter 
defuperflu;   après  quoi    on  le  polit  ;  puis 
■l'on  couvre  Je  fil  dont  on  a  tant  parlé,  avec 
de  petites  bandes  de  papier  blanc  collées  , 
qui  s'y  appliquent  en  tournant  depuis  une 
Superficie  des  dents  juljqu'à  l'autre;  &  le  voilà 
enfin  finL  J'ai  dit ,   en   commençant ,  qu'il 
y  avoit  de  bien  des  fortes  àe  peignes ,  je  vais 
€n  dérailler  quelques-unes  pour  en  donner 
«ne  idée:  premièrement,  pour  le  ruban  ils 
font  petits  &  extrêmement  fins  ;  d'autres  , 
plus  longs  &  d'une  denture  plus  groflê,  font 
pour  le  galon  ,  la  grandeur  &  grolTcur  va- 
riant fuLvant  les  difFérens  ouvrages  qui  y 
feront  pofés  :  il  y  en  a  cfe  deux  en    deux  ; 
(ZG,  qui  fe  fait  au  moyen  de  ce  qu'après  avoir 
^lacé  deux  denjs  comn?e  à  l'ordinaire ,  on 


P  E  î 

!  fait  plufieurs  -tours  de  fil  à  Tentour  êies  ju^ 
melles  ,  avant  d'y  en  placer  deux  autres  ,  & 
cela  fe  continue  de  même  ;  ceux-ci  lont 
pour  la  chenille  ;  enfin ,  on  en  fait  jufqu'à 
6  pies  de  long  &  davantage  ,  &  qui  con- 
tiennent jufqu'à  II  ou  12  cents  dents;  ceux- 
ci  font  pour  les  ferandiniers  &  tiflerands  , 
qui  les  appellent  rots. 

Peigne,  inilrument  du  métier  d* étoffes 
de  foie.  Le  peigne  eft  un  petit  cadre  de 
deux  pouces  &  demi  de  hauteur,  fur  la  lon- 
gueur dont  on  veut  la  largeur  de  l'étoffe; 
il  eu.  garni  de  petites  dents  qui  font  faites 
en  acier  bien  poli ,  ou  de  la  pellicule  du 
rofeau  :  les  baguettes  qui  forment  le  cadre 
dans  la  hauteur  du  peigne  ,  font  liées  avec 
un  fil  pour  tenir  les  dents  en  raifon. 

Le  trai^ail  des  peignes  pour  la  manufac^ 
ture  d'étoffes  d'or  ,  d'argent  &  de  foie.  La 
façon  dont  les  peignes  font  faits  étant  (uf- 
fifamment  démontrée  dans  l'article  de  puC- 
iementerie ,  on  ne  donnera  l'explicatioa 
que  de  ceux  qui  font  faits  avec  du  fil  de  fer  » 
lefquels  font  appelles  communément  peignes 
d'acier. 

Pour  fabriquer  les  peignes  de  cette  efpe- 
ce  ,  on  choifit  du  fil  de  ter  proportionné  à 
la  largeur  as  la  dent  qui  convient,  &  à  fon 
épaiffeur ,  le  nombre  des  dents  de  peigne 
pour  les  étoffes  étant  depuis  douze  &  demie 
jufqu'à  trente  de  compte  ,  ce  qui  fignific 
depuis  5PO  dents  jufqu'à  i2co,  dans  une 
même  largeur  de  20  pouces  environ.  Il  ell 
évident  que  plus  un   peigne  ell  fourni  de 

j dents,  plus  elles  doivent  être  minces  & 
étroites  ,  conféquemment  que  le  fil  de  fer 

j  doit  être  proportionné.  On  pafîe  ce  fil  de 
fer  fous  la  meule,  c'eff-à- dire ,  entre  deux 

I  rouleaux  d'acier  femblables  à  ceux  qui  l^r- 
vent  à  battre  ou  écacher  l'or  &  l'argent. 
Quand  le  fil  de  fer  ell  applati  jufqu'au  point 
convenable,  on  le  pafle  dans  une  filière  de 
mefure  pour  la  dent  qu'on  defire  ,  qui  ne 
lui  laifîè  que  fa  largeur  &  Ion  épaiffeur  , 
après  quoi  on  coupe  le  fil  de  fer  de  la  lon- 
gueur, de  9  pouces  ou  de  trois  dents;  on 
met  ces  parties  dans  un  fac  de  peau  ,  avec 
de  l'émeri&de  l'huile  d'olive;  enfuite  oa 
le  roule  fur  une  grande  table ,  où  elles  (è 
poIiiTcnt.  L'opération  finie  ,  on  coupe  ces 
parties  à  trois  pouces  de  longueur  ,  &  on 
monte  le  peigne  de  la  même    façop  quç 


cevhc  dont  les  dents  font  de  rofeau.  Mais 
comme  les  peignes  de  cette  efpece  feroient 
éternels  ,    pour   ainfi  dire  ,    s'ils  ne  man- 
quoient  pas  par  le  lien ,   qui  n'eft    qu'une 
quantité  de  fils  poiiTés  ,  plus  ou  moins  gref- 
fe ,  félon  la  largeur  ou  le  reflerrement  qu'il 
faut  donner    à  la  dent,    les    Anglois  ont 
trouvé  le  fecret  de  les  faire  aufll  \ui\es  ,  fans 
(è  fervir  de  liens  ni  de  jumelles ,  qui  font 
des    baguettes    entre  lefquelles   les    dents 
font  arrêtées  avec    le  fil.  Cette  façon  de 
monter  les  peignes  eu  d'autant  plus  fingu- 
liere ,  qu'ils  en  ont  encore  plus  d'égalité  , 
le  défaut  ordinaire  des  peignes  d'acier  étant 
de  n'avoir  pas  les  dents  rangées  auffi , éga- 
lement que  l'étoffe  l'exigeroit,  foit  par  le  dé- 
faut de  l'inégalité  du  fil ,  foit  par  celui  qui  le 
fait  ,.qui  ne  frappe  pas  avec  la  même  juflefîe. 
Quand  les   Anglois  veulent  monter  un 
peigne  ,  de  quelque  compte  qu'on  le  defire, 
ils  ont  foin  d'avoir  autant  de  dents  de  re- 
fente que  de  dents  ordinaires  pour  ït  peigne  y 
toutes  du  même  calibre  :  on  donne  le  nom 
de  dents  de  refente  à  celles  qui  n'ont  que 
deux  pouces  de  longueur  ;  &  celui  de  dents 
ordinaires  y   à  celles    qui    en  ont   trois  y 
parce  que  les  deux  jumelles  en  retiennent 
ordinairement  un  demi-pouce  de  chaque 
côté.  Sur  une  bande  de  fer  polie  de  deux 
pouces  moins  deux  ou  trois  lignes  de  large , 
&  de  longueur  de  deux  pies  ,  plus  ou  moins  , 
ils  commencent  à  pofer  de  champ  une  dent 
ordinaire  &   une  dent  de  refente  ,  &  con- 
tinuent alternativement,  jufqu'à-  ce   que  le 
nombre  de  dents  que  le  peigne  doit  avoir 
foit  complet,  ayant  foin  de  laiffer  un  demi- 
pouce  de  chaque»  côté  entre  les  dents  ordi- 
naires pour  celles  de  refente.  Le  nombre 
de  dents  complet ,  on  le  reiîerre  avec  une 
ris  y  jufqu'au  point  de  jauge  ordonné  pour 


P  Ë  I  7^ 

la  largeur  des  étoffes  ,  qui  ordinairement  efl 
de  20  pouces  pour  celles  qui  font  des  plus 
riches  &  des    plus  en  ufage. 

Les  dents  étant  bien    arrêtées,  ils  bor- 
dent un  côté  avec  de  la  terre  battue  ,  de 
façon  qu'ils  puifîènt  jeter  une  compofifion 
d'étain  &  de  cuivre  à  un  demi-pouce  d'é- 
lévation ,  &  arrêter  toutes  les  dents  ordi- 
naires qui  le  trouvent  prifes  dans  la  matière. 
Ce  côté  fini,  ils  font  la  même  opération 
de  l'autre  ,  après  quoi  ils  lâchent  la  vis,  qui 
donne  la  hberté  aux  dents  de  refente  de 
tomber,  &  de  laifîèrunvuide  de  la  largeur 
de  leur  cahbre  ;  &  enfuite  ils  polilfent,  & 
unifTent  ou  égalifent  des  deux  côtés  la  com- 
pofition  ,  qui  ,  par  la  façon  dont  on   vient 
d'expliquer  ,  ne  retient  que  les  dents  dont  la 
longueur  étoit  fupérieure  à  celles  de  refente. 
Il  n'eft  paspoflible  de  taire  des  peignes  plus- 
juftes ,  &  s'il  fe  trouvoit  quelques  défauts 
dans  ceux-ci  ,  ce  ne  feroit  que  dans  le  cas 
où  la  dent  de  refente  ne  feroit  pas  de  cali-- 
bre  ;  ee  qui  ne  fauroit  arriver.  Avant  cette 
dernière  façon  de  faire  les  peignes  ]uÛqs  y 
il  arrivoit  que   l'inégalité   des    dents  cau- 
foit  un  défaut  effentiel  dans  l'étofîè  fabri-- 
quée  ,  fur-tout  dans  l'unie,  en  ce  que  l'é-- 
tOife  fabriquée  rayoit  dans  fa  longueur  ;  ce 
quinefe  rencontroitpas  dans  Ic'peigne  de- 
canne  ou  rofeau  travaillé  de  même  ,  atten-- 
du  que  dans  ce  dernier ,  la  flexibilité  de  la 
dent  fe   trouve  rangée  par   l'extenfion  du 
fil  de  la  chaîne  ;  au  lieu  que  la  roideur  de 
cette  même  dent  dans  le  premier,  rangeant 
les  fils  avec  la  même- inégahté  qui  lui  efl; 
commune  ,  il  s'enfuit  un  défaut  irréparable  ; . 
de  façon  qu'il  convient  beaucoup  mieux,, 
pour  la  perfedion  de  Tétofle  ,  que  la  chaîne  ' 
range  la  dent  du  ;?f/g-/2e,  que  fi  cette,  même- 
dent  xangç  la  chaîoç.. 


$9 


P  E  I 


P  E  I 


Compofition. 


Partie  occupée  par  la  compolîtion  ,  repréfentant  les  jutcellei  «lui 
arrêtent  les  dents  ordinaires. 


O 


-!?• 
^ 


Bande  de  fer  fur  laquelle  font  montés 
les  peignes. 


m. 

n 
-% 

o 

c 


Cotnpofition» 


Le»  dents  de  refente  ne  doivent  point  toucher  la  compofirion , 
afin  d'avoir  la  liberté  de  tomber ,  ^uand  les  dents  ordinaire* 
font  arrêtée*. 


Peigne  de  Vénus  .fcandix^  {Bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe  &  en  om- 
belle ,  compofée  de  plulieurs  pétales  difpo- 
fés  en  rond  ,  &  foutenue  par  un  calice  ,  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  compofé  de 
deux  parties  qui  reffemblent  chacune  à  une 
aiguille ,  &  qui  renferment  une  femence. 
Tournefort,  Infi.  reiherb.  Voy.  PLANTE. 

Peigne  ,  en  terme  de  Cornetier  y  fè  dit 
d'un  uftenfile  de  toilette,  dontl'ufageeftde 
faire  tomber  la  poudre  de  la  tête  ,  &  de 
démêler  les  cheveux.  Il  y  en  a  encore  de 
buis  &  d'os  ,  dont  perfonne  n'ignore  l'u- 
fage.  Les  peignes  fe  font  d'un  morceau  de 
galin  taillé  de  la  largeur ,  grolîèur  &  épaif- 
feur  qu'on  veut  leur  donner.Quand  ces  mor- 
ceaux font  drefles ,  on  les  place  fur  l'âne  où 
on  fait  les  dents.  Voye^  DRESSER&  Ane. 

Peigne  ,  parmi  les  ouvriers  qui  travail- 
lent de  la  navette  ,  eft  une  forte  de  chafïis 
long  &  étroit ,  divifé  en  une  grande  quan- 
tité de  petites  ouvertures.  Ces  ouvertures 


font  formées  par  de  menus  fîls  d'archal , 
ou  par  de  petites  lames  de  rofeau  fort 
minces  ,  attachées  h  égale  diftance ,  &  fort 
près  les  unes  des  autres,  entre  deux  efpeces 
de  tringles  de  bois  ,  appellées  les  jumelles 
du  rot. 

Ces  petits  efpaces  ou  ouvertures  que 
forme  la  diiîance  àts  fils  de  fer  ou  lames 
de  rofeau  ,  font  appellées  les  dents  ou  bro^ 
ches  du  peigne  j  c'eft  dans  ces  ouvertures 
que  les  tifferands  &  autres  ouvriers  qui  (è 
lervent  de  ce  peigne ,  font  pafler  les  fils 
qui  compofent  la  chaîne  des  toiles ,  &c.  & 
autres  ouvrages  de  navette. 

Les  deux  grolTcs  dents  ou  morceaux  de 
bois  qui  font  placées  aux  deux  extrémités  du 
peigne  ,  font  appellées  les  gardes. 

Le  peigne  efl  enchâfle  dans  le  bas  de  la 

partie  mobile  du  métier  ,  appelle  la  chaJPe 

on  le  battant  \  ^W  ào'n  hrt  aufli  long  que 

la  toile  qu'on  veut  fabriquer  doit   avoir  de 

i  largeur,  h^  peigne  cfl  aufli  appelle  un  rot^  à 

caufe 


■P  El 

caufe  de  ces  petits  morceaux  de  fofeaii  dont 
ils  font  compofés  pour  l'ordinaire.  F^oyei 
Chasse. 

Peigne  d'une  futaille.  Les  tonneliers 
nomment  ainfi  l'extrémité  des  douves  ,  à 
commencer  depuis  le  jable.  On  dit,  remet- 
tre un  peigne  à  une  pièce  de  vin  ,  c'eft-à- 
dire,  enter  une  alonge  à  une  douve  qui  s'eft 
rompue  à  l'endroit  du  jable. 

Peigne  ,  préparer  un  (  Tabletier-pei- 
gnier.  )  Ce  terme ,  préparer  un  peigne ,  figni- 
fie  amorcer  les  dents  avec  le  carrelet  ^  c'eft- 
à-dire ,  faire  fur  \e  peigne  ,  après  qu'il  eft  mis 
en  façon ,  la  première  ouverture  de  chaque 
dent,  pour  enfuite  les  achever  avec  l'eftadiou. 

Peigne  eft  un  inftrument  de  Vèrgetier  , 
dont  \qs  dents  de  fer  font  montées  à  quel- 
que diftance  les  unes  des  autres  fur  un  fût 
de  bois.  H  fert  à  démêler  les  foies ,  le  chien- 
dent ,  &c. 

PEIGNER,  v.  zai.[Gramm.)  c'eft  en 
général  démêler  avec  le  peigne.  Voye^^ 
l'article  PeignE  &  les  articles  fuivans. 

Peigner  le  chanvre  ,  terme  de  corde- 
rie  ,  qui  fignifie  achever  de  nettoyer  & 
affiner  le  chanvre  en  le  paiTant  fur  les  pei- 
gnes j  c'eft  la  dernière  façon  qu'on  donne 
au  chanvre  avant  que  de  le  filer.  Voici 
comment  fe  fait  cette  préparation.  Le 
peigneur  prend  une  poignée  de  chanvre 
par  le  milieu  de  fà  longueur  ,  &  fait  faire 
au  petit  bout  de  cette  poignée  un  ou  deux 
tours  autour  de  fa  main  droite  ,  de  ibrte 
que  Ïqs  pattes  &  un  tiers  de  la  longueur 
pendent  en-bas  ;  alors  il  ferre  fortement  la 
main  ,  &  faifant  décrire  aux  pattes  du 
chanvre  une  ligne  circulaire  ,  il  les  fait 
tomber 'avec  force  fur  les  dents  du  peigne 
à  dégroflir ,  &  il  tire  à  lui  ^  ce  qu'il  répète 
en  engageant  le  chanvre  de  plus  en  plus 
dans  les  dents  du  peigne ,  jufqu'à  ce  que  fès 
mains  foient  prêtes  à  toucher  aux  dents. 

Par  cette  opération  ,  le  chanvre  (è  net- 
toie des  chenevottes  &  de  la  pouffiere  ;, 
il  fe  démêle  ,  fe  refend  ,  s'affine  j  &  celui 
qui  étoit  bouchoniié  ou  rompu  ,  refte  dans 
le  peigne  ,  de  même  qu'une  partie  des  pat- 
tes :  je  dis  une  partie  ,  car  il  en  refteroit 
encore  beaucoup  ,  fi  l'on  n'avoit  foin  de 
le  moucher.  Voyei  MouCHER*/e  chanvre. 

Le  peigneur  donne  enfuite  ,  au  côté  de 
la  pointe  qui  étoit  entortillée  autour  de 
Tome  XXr, 


P  E  I  ti 

là  ttîaîn ,  la  tnême  préparation  qu*il  a  don- 
née à  la  tête>. 

Ce  n'eft  point  affez  que  le  peigneur  ait 
préparé  la  tête  &  la  queue  du  chanvre  , 
il  doit  avoir  grand  foin  que  le  milieu  foit 
bien  peigné  pareillement. 

A  mefure  que  le  peigneur  a  préparé  des 
poignées  de  premier  &  de  fécond  brin  , 
il  les  met  à  côté  de  lui ,  &  un  autre 
ouvrier  les  prend  ,  les  engage  peu  à  peu 
dans  les  dents  du  grand  peigne  deftiné  à 
faire  les  peignons  ^  cet  ouvrier  a  foin  dé 
mêler  le  court  avec  le  long ,  &  d'en  raf- 
fembler  fuffifamment  pour  faire  un  pei- 
gnon.    Voye[  l'article  CORDERIE. 

Peigner,  Ajuster,  {Jardinage)  fe 
dit  d'un  œillet  qui  eft  épanoui  ^  quand  il  ne 
retourne  pas  bien  fes  feuilles  ,  &  qu'elles 
ne  ibnt  pas  bien  arrangées  ,  on  les  met  alors 
dans  leur  vraie  place  av'cc  \qs  doigts  bieà 
nets  &  fans  fueur. 

Peigner  la  laine  ,  (  Manuf.  de  lai- 
nage  )  c'eft  la  tirer ,  ou  la  faire  pafler  à  travers 
les  dents  d\me  eipece  de  grande  carde ,  que 
l'on  nomme  peigne  ,  pour  la  difpofer  à  être 
filée.  Lorfque  la  laine  a  paflé  par  le  peigne^ 
&  qu'elle  a  été  peignée ,  on  l'appelle  laine 
ejîaim  ;  &  quand  elle  a  été  filée  après  avoir 
été  peignée ,  on  lui  donne  le  nom  de  fil 
d'efiaim.  {D.  J.) 

Peigner  ,  en  terme  de  Vtrgetiers  ,  eft 
une  opération  par  laquelle  ils  démêlent  ^ 
à  l'aide  d'un  peigne  ,  les  foies ,  le  chiendent 
&  la  bruyère  ,  &  en  ôtent  tous  \e%  petits 
brins  qui  font  inutiles  dans  leurs  ouvrages. 

PEIGNIÉR ,  f.  m.  (  Arts  Méchaniq,  )  ou- 
vrier qui  fait  des  peignes.  Lespeigniers  fout 
une  communauté  dans  la  ville  de  Paris. 

Ils  font  qualifiés  par  leurs  ftatuts  maî- 
tres peigniers  ,  tabletiers  j  tourneurs  & 
tailleurs  d'im.ages. 

Ces  ftatuts  furent  donnés ,  ou  plutôt  re- 
nouvelles en  1507  ,  confirmés  par  Henri  III 
en  1578  ,  par  Henri  IV  en  i(5ôo ,  &  en- 
fin par  Louis  XlVen  169  r* 

Suivant  ces  ftatuts ,  un  maître  ne  peut 
avoir  qu'un  apprenti  à  là  fois  ,  à  moins 
que  ce  ne  foit  un  fils  de  maître  j  auquel 
cas  il  peut  en  avoir  deux. 

L'apprentiflage  eft  de  fix  ans. 

Le  fils  de  maître  n'eft  point  tenu  de 
faire  chef-d'œuvre  ,  ni  même  une  expérience 


pour  être  reçu  maître  ^  il  n'a  befoîn  que  au 
témoignage  des  jurés.  Tout  autre  afpiraut 
»il  tenu  ?.u  chef-  d'ceuvre. 

L'apprenti  étranger  ,  c'eft-à-dire ,  q«i 
a  fait  fou  apprentilTage  dans  quelqu'autre 
ville  du  royaume  où  il  y  a  maîtrife  ,  doit , 
pour  être  reçu  maître  à  Paris  ,  juftifier  de 
fon  apprentiffage  ,  &  avoir  fervi  encore 
trois  ans  chez  les  maîtres. 

Enfin,  cette  communauté  eft  régie  par  des 
jurés  ,  dont  l'éleâion  &  les  vifites  fe  font 
de  même  que  dans  les  autres  communautés. 

PEIGNEUR,  f.  m.  terme  de  corderie  , 
ouvrier  qui  nettoie  &  affine  le  cjianvre ,  en 
le  palî'ant  par  les  peignes.  Un  hou peigneur 
peut  préparer  jurqu'à  quatre-vingts  livres  de 
filaife  par  jour. 

PEIGNOIR,  f.  m.  {Lingerk.)  efpece 
de  manteau  de  toile  blanche  &  fine  en  ba- 
tifte  ou  mouffeline  ,  que  les  femmes  met- 
tent fur  leurs  épaules  le  matin  ,  lorfqu'elles 
font  en  deshabillé  &  qu'oii  les  peigne  ^ 
quelquefois  ces  peignoirs  font  ornés  de 
dentelles.  (  D,  J. } 

PEIGNON ,  f.  m.  ou  CEINTURE  , 
terme  de  corderie  ;  c'eft  un  paquet  de  chan- 
vre affiné ,  &  fuffifamment  gros  pour  faire 
un  fil  de  la  longueur  de  la  filerie ,  &  que 
îes  fileurs  prennent  autour  d'eux ,  ou  qu'ils 
attachent  à  une  quenouille. 

Un  peignan  doit  pefer  à -peu-près  une 
livre  &  demie  ou  deux  livres  ,  fi  c'eft  du 
premier  brin  ^  &  deux  livres  &  demie  ou 
trois  livres  ,  fi  c'eft  du  fécond  brin.  Cette 
différence  vient  de  ce  que  le  fil  fait  avec 
le  fécond  brin ,  eft  toujours  pfus  gros  que 
celui  qui  eft  fait  avec  le  premier  brin  de 
chanvre  \  &  qu'outre  cela  ,  il  y  a  plus  de 
déchet  quand  on  file  le  fécond,  que  quand 
on  file  le  premier  brin.  Voy.e[  ïahich  de  la 
Corderie. 

PEIGNONS  ,  terme  de  lainage  ,  fortes 
de  laines  d'une  très-mauvaife  qualité  ,  qui 
ne  fout  proprement  que  les. rébus  ,  ou  plu- 
tôt ce  qui  refte  des  laines  qui  ont  été  pei- 
gnées avant  que  d'être  filées  ,  pour  faire  la 
chaîne  de  certaines  fortes  d'étoffés.  (D.  7.  ) 

PEILLES,  f.  f.  terme  de  papeterie  ;  c'eft 
an  des  noms  qu'on  donne  aux  vieux  chif- 
fons de  toile  de  lin  &  de  chanvre  ,  qu'on 
.emploie  à  la  fabrique  du  papier.  Voyei^ 
Papier. 


P  E  ï 

PEILLIER  ,  f.  m.  celui  qui  famaffé 
dans  les  rues  des  peilles  ou  chiffons  :  on 
le  nomme  plus  ordinairement  chiffonnier, 
Koyei  Chiffonnier. 

Pf.INA  ,  (  Géogr.  mod,  )  en  latin  dn 
moyen  âge  Poynum  cafirum ,  petite  ville 
d'Allemagne  ,  au  cercle  de  la  Baffe-Saxe  , 
dans  l'évêché  de  Hildesheim.  Il  s'y  donna 
une  bataille  fanglante  en  1553  ?  entre  l'é- 
leâeur  Maurice  de  Saxe  ,  qui  y  fut  tué ,  & 
le  Margrave  de  Brandebourg.  Elle  eft  fur 
le  ruiffeau  de  Fufe  ,  à  trois  milles  de  Brunf^ 
wik.  Zo/7^.  28  ,   i6^/û/.  57,  17.   (£)./.) 

PEINDRE  ,  V.  aa.  &  neut.  c'eft  appli- 
quer des  couleurs  fur  une  fuperficic  plate  , 
de  façon  qu'elles  repréfenîent  un  objet  quel 
qu  il  ioit. 

Feindre  ,  fignifie  quelquefois  fimplement 
embellir  de  divers  ornemens  une<chambre  , 
un  cabinet  ,  une  galerie,  dv.  J'ai  hit  pein- 
dre mon  cabinet,  ma  chambre,  ma  galerie. 

Peindre  fè  dit  encore ,  mais  im.propre- 
meiit ,  des  gros  ouvrages  Concernant  les 
bâtimens.  II  faut  peindre  ce  lambris  ,  ce 
berceau,  cette  baluftrade  de  fer,  pour  em- 
pêcher qu'elle  ne  fe  rouille  :  il  faudroit  dire 
barbouiller^ 

On  dit ,  je  me  fais  peindre  ,  pour  expri- 
mer qu'on  fait  faire  fbn  portrait.  J'apprends 
à  peindre  ;  je  veux  peindre  cette  ombre  ', 
il  a  une  belle  tête  -k  peindre  y  c'eft-à-dire, 
a  un  beau  caradere  de  tête ,  le  vifage  d'ua 
beau  coloris. 

Voyei  fur  les  diverfes  manières  de  pein.- 
dre  l'article  PEINTURE. 

PEINE  ,  f.  L  (  Gramm,)  on  donne  en 
général  ce  nom  à  toute  feniàtion ,  de  queir 
que  efpece  qu'elle  foit ,  qui  nous  rend  no^ 
tre  exiftence  défagréable  :  il  y  a  des  peines 
de  corps  &  des  peines  d'eiprit.  Le  dernier 
degré  de  la  peine ,  c'eft  de  réfigner  fincére- 
mentl'ctrefbulïrantàlapertedelaviecomme 
à  un  bonheur.  Y  a-t-il  plus  dépeints  que  de 
plaifirs  dans  la  vie  ?  C'eft  une  queftion  qui 
n'eft  pas  encore  décidée.  On  compte  toutes 
les  peines;  msls  combien  de  plaifirs  qu'où 
ne  met  point  en  calcul  ? 

Peine,  {Droit  naturel ,  civil  &  poli- 
tique. )  On  définit  la  peine  un  mal  dont  le 
Souverain  "menace  ceux  de  fes  fujets  qui 
feroient  dil|)ofés  à  violer  les  loix  ,  &  qu'il 
leur  inflige  aduellement  et  dans  une  jufte 


P  E  I 

proportion,  lorsqu'ils  les  violent,  indépen- 
damment de  la  réparation  du  dommage  , 
dans  la  vue  de  quelque  bien  à  venir  ,  ôc  en 
dernier  reiTort ,  pour  la  fureté  6c  la  tran- 
quillité de  la  fociété. 

Nous  difoiis ,  i'*.  que  \^  peine  eft  un  mal  , 
&  ce  mal  peut  être  de  différente  nature  , 
ièlon  qu'il  affeâ:e  la  vie ,  le  corps ,  l'eftime  , 
ou  les  biens  :  ce  mal  peut  confiller  dans 
quelque  travail  pénible  ,  ou  bien  à  fouftnr 
quelque  chofe  de  fâcheux. 

Nous  ajoutons ,  en  fécond  lieu ,  que  c'eftle 
Souverain  qui  dilpenfe  les  peines  ;  non  que 
toute  peine  en  général  fuppofe  la  fouverai- 
neté  ,  mais  parce  que  nous  traitons  ici  du 
droit  de  punir  dans  la  fociété  civile  ,  & 
comme  étant  une  branche  du  pouvoir  fou- 
verain.  C'eft  donc  le  fouverain  feul  qui 
peut  infliger  des  peines  dans  la  fociété  ci- 
vile ,  &  les  particuliers  ne  fauroient  fe  faire 
juftice  à  eux-mêmes  ,  fans  fè  rendre  coupa- 
feles  d'un  attentat  contre  les  droits  du  fouve- 


rauî. 
Nous 


difons  ,  en  troifieme 
&c. 


lieu , 
les 


doni 
pre- 


ie  fouverain  ,  àcc.  pour  marquer 
mieres  intentions  du  fouverain.  11  menace 
d'abord  ,  puis  il  punit ,  fi  la  menace  n'efè 
pas  fuffifante  pour  empêcher  le  crime.  Il 
paroît  encore  de-là  ,  que  la  peine  fuppofe 
toujours  le  crime ,  &  que  par  conféquent 
on  ne  doit  pas  mettre  au  rang  àes^peines 
proprement  ainfi  nommées  ,  tous  les  maux 
auxquels  les  hommes  fe  trouvent  expofés  , 
fans  avoir  commis  antécédemment  quelque 
crime. 

Nous  ajoutons ,  4°.  que  la  peine  efl  infli- 
gée ,  indépendamment  de  la  réparation  du 
dommage  ,  pour  faire  voir  que  ce  font 
deux  chofes  très-diftinftes ,  8;  qu'il  ne  faut 
pas  confondre.  Tout  crime  emporte  avec 
foi  deux  obligations  ^  la  première  ,  de  ré- 
parer le  tort  que  l'on  a  fait  ^  la  féconde  , 
de  foufFrir  la  peine;   &  le  délinquant  doit 


p  E  I  S3 

fbn  droit;,  enfbrte  qu'on  lui  fait  tort ,  fî  Von 
empêche  qu'elle  obtienne  la  fàtisfadion  qui 
lui  eil  du.e. 

5°.  Enfin  ,  en  difant  que  la  peine  eji 
infligée  dans  la  vue  de  quelque  bien ,  nous 
indiquons  par-là  le  but  que  le  fouverain 
•doit  fe  propolèr  dans  l'infliâiion  des  peines  j 
&  c'eft  ce  que  nous  expliquerons  plus  par- 
ticulièrement dans  la  fuite.  Nous  obferve- 
rons  auparavant  ,  que  les  peines  font  ,  ou 
civiles  ,  ou  criminelles  :  les  premières  font 
pécuniaires  j  on  en  eft  quitte  en  payant  une 
certaine  fomme  convenue  ou  réglée  par  les 
ufages.  Les  criminelles  font  légales  5  mais 
avec  cette  différence  ,  que  les  unes  font  ca- 
pitales ,  &  les  autres  ne  le  font  pas.  On 
appelle  peines  capitales  ,  celles  qui  empor- 
tent la  perte  de  la  vie  ,  ou  la  privation  des 
droits  civils  ,  qu'on  appelle  mon  civile.  Les 
peines  qui  notent  d'infamie  ,  ou  qui  privent 
d'une  partie  du  bien  que  l'on  a,  ne  font  point 
réputées  peines  capitales  dans  le  fèns  prepre 
de  ce  terme. 


Le  fouverain  ,  comme  tel ,  eft  non  feule- 
ment en  droit ,  mais  encore  il  eftjgpbligé 
de  punir  le  crnne.  L'ufage  des  peines  ,  bien 
loin  d'avoir  quelque  chofe  de  contraire  à 
l'équité ,  eft  abfoïument  néceffaire  au  repos 
public.  Le  pouvoir  fouverain  fèroit  inutile , 
s'il  n'étoit  revêtu  du  droit  ,  &  armé  de 
forces  fufîîfantes  pour  intimider  les  méchans 
par  la  crainte  de  quelque  mal  ,  &:  pour  le 
leur  faire  fouffrir  aéluellement ,  lorfqu'ils 
troublent  la  fociété  par  leurs  défordres  '-,  il 
falloit  même  que  ce  pouvoir  pût  aller  jufqu'à 
faire  fouffrir  le  plus  grand  de  tous  les  maux 
naturels  ,  je  veux  dire  la  mort ,  pour  répri- 
mer avec  efficace  l'audace  la  plus  détermi- 
née ,  &;  balancer  ainfi  les  différens  degrés 
d&Ia  malice  humaine  par  un  contre-poids 
affez  puiffant. 

Tel  eft  le  droit  du  fouverain  :  mais  fî 

le  fouverain  a  droit  de  punir ,  il  faut  que 

fatisfaire  à  l'une  &  à  l'autre.  Il  faut  encore  ]  le  coupable  foit  dans  quelque  obligation  à 


remarquer  là-deffus  ,  que  le  droit  de  punir 
dans  la  fociété  civile  paffe  au  magiftrat , 
qui  en  conféquence  peut ,  s'il  l'eftime  con- 
venable ,  faire  grâce  au  coupable  :  mais  il 
n'en  eft  pas  de  même  du  droit  d'exiger  la 
fàtisfaétion  ou  la  réparation  du  dommage  ^ 
ïe  magiftrat  ne  fauroit  en  difpenfer  l'offen- 
jfeur,  &laperfoniic  léfée  conferve  toujours 


cet  égard  j  car  on  ne  fauroit  concevoir  de 
droit  fans  une  obligation  qui  y  réponde.  En 
quoi  confifte  cette  obligation  du  coupable  ? 
Eft-il  oblige  d'aller  fe  dénoncer  lui-même  de 
gaieté  de  cœur,  &  s'expofèr  ainfi  volontai- 
rement à  fùbir  lapeine  ?  Je  réponds  que  cela 
n'eft  pas  néceflaire  pour  le  but  qu'on  s'efè 
propofé  dans  l'ctablifieinent  des  peines ,  & 

L  i 


«4  P  E  î 

qu'on  ne-  fàuroit  raifonnablèment  exiger  de 
l'homme  qu'il  fe  trahiffe  aiiifi  lui-même  ^ 
cependant,  cela  n'empéclie  pas  qu'il  n'y  ait 
ici  quelque  obligation. 

i".  Il  elt  certain  que  lorfqu'il  s'agit  d'une 
fimple  peine  pécuniaire  ,  à  laquelle  on  a  été 
légitimement  condamné  ,  on  doit  la  payer 
iàns  attendre  que  le  magiftrat  nous  y  force , 
non  feulement  la  prudeiiee  l'exige  de  nous  , 
mais  encore  les  règles  de  la  juftice  ,  qui 
veulent  que  l'on  répare  le  dommage  ,  & 
qu'on  obéiife  à  un  juge  légitime. 

2°.  II  y  a  plus  de  difficulté  pour  ce  qui 
regarde  les  peines  affli<5tives  ^  &  fur- tout 
celles  qui  s'étendent  au  dernier  fupplice. 
L'inftiiiél  naturel  qui  attache  l'homme  à  la 
vie  ,  &  lefentiment  qui  le  porte  à  fuir  l'in- 
famie ,  ne  permettent  pas  que  l'on  mette  un 
criminel  dans  l'obligation  de  s'accufèr  lui- 
même  volontaireinetit ,  &  de  le  préfenter  au 
fupplice  de  gaieté  de  cœur  5  auffi  le  bien 
public  ,  &  les  droits  de  celui  qui  a  en  main 
la  puilFance  du  glaive,,  ne  le  demandent 
pas. 

3°.^'eft  par  une  conféqucnce  du  même 
principe  ,  qu'un  criminel  peut*innocemment 
chercherfonfalut'dans  la  fuite,  &  qu'il  n'eft 
pas  précifément  tenu  de  relier  dans  la  pri- 
lon ,  s'il  s'apperçoit  que  hs  portes,  en  font 
ouvertes,  ou  qu'il  peut  les  forcer  aiiement^ 
inais-  il  ne  lui  feroit  pas  permis  de  chercjier 
à  fe  procurer  la  liberté  par  quelque  nouveau 
crime ,^ comme  en  égorgeant  Ces  gardes,  ou 
en  tuant  ceux  qui  font  envoyés  pour  fe  faiiir 
de  lui. 

4°.  Mais  enfiji  ,  fi  l'on:  fiippofe  que  le 
criminel  eft  connu  ,  qu'il  a  été  pris,,  qu'il 
n'a  pu  s'évader  de  la  prifon  ,  &  qu'après 
un  mûr  examen  ,  il  fe  trouve  convaincu 
du.  crime  ,  &  condamné  en  conféquence 
à  en  fubir  H  peine  ;  alors  U  eft  obligé  de 
fubir  cette  peine  ,  de  recoiinoître  que  c.'eft 
avec  juftice  qu'il  y  eft  condamné  ,  qu'on 
ne  lui  fait  en  cela  aucun  torr,  &  qu'il  ne 
làuroit  raifonnablement  fe  plaindre  que  de 
lui-même  :  beaucoup  moins  encore  pour- 
roit-il  avoir  recours  aux  voies  de  fait  pour 
iè  fouftraire  à  fou  fupplice  ^  &  s'oppofer 
au  magiftrat  dans  l'exercice  de  ion  droit. 
Voilà  en  quoi  çonfifte  proprement  l'obliga- 
tion d'un  criminel  à  l'égard  de  la  peine  : 
voyons  à  préfeut  plus  païticuUére;neflt  ^uel 


P  E  î 

but  le  Ibuverain  doit  fe  propofër  en  infîî-. 
géant  les  peines. 

En  général  ,  il  eft  certain  que  le  fou- 
verain  ne  doit  jamais  punir  qu'en  vue  de; 
quelque  utilité.  Faire  fouffrir  quelque  mal  à 
quelqu'un  ,  feulem.eut  parce  qu'il  en  a  fait 
lui-même ,  &  ne  faire  attention  qu'au  palîé, 
c'eft  une  pure  cruauté  condamnée  par  la 
raifon  •■,  car  enfin  ,  il  eft  impoffibie  d'empê- 
cher que  le  mal  qui  as  été  fjiit  n'ait-  été  faito. 
En  un  mot ,  la  ibuveraineté  eft  fondée  en 
dernier  reifort  fur  une  puiflance  bienfai-. 
faute  j  d'où  il  refaite  que  lors  même  que- 
le  fouverain  fait  ufage  du  droit  du  glaive  ^ 
il  doit  toujours-  fe  propolèr  quelque  avanta- 
ge ,  quelque  bien  à  venir,  conformément  à- 
ce  qu'exigent,  de^  lui  les  fpndemens  de  foii^ 
autorité. 

Le  principal  &  dernier-  but  des^  peines.  ^, 
eft  la  fureté  &  la.  tranquillité  de  la  fociété  y 
mais  comme  ilpeuty  avoir  difFéreus  moyens 
de  parvenir  à.  ce  but  ,.  fuivant  les  circonf-. 
tances.  différentes  ,.  le  fouverain  fe  propofo 
aufli ,.  en  infligeant  les  peines  ,  différentes- 
vues  particulières  &  fubalternes  ,  qui  fout' 
toutes,  fiibordounées  ^  but  principal  dont! 
nous  venons  de  parler  ,,  &  qui  s'y  portent, 
toutes  en  dernier  refîbrt.Tout  cela  s'accorde, 
avec  la  remarque  de  Grotius.  «  Dans  les  pu- 
))  nitions ,  dit-il  ,  on  a  en  vue  ,  ou  le  biea- 
»  duxoupable  même  ,  ou  l'avantage  de  ce- 
.))  lui  qui  avoit  intérêt  que  le  crim.e  ne  fût 
»  pas  commis  ,,  ou.  l'utilité,  de,  tous  géné-- 
«  ralement.  »• 

Ainfi,  le  fouverain  le  propofè  quelquefois 
de  corriger  le  coupable  ,  &  de  lui  faire 
;perdre  l'.envie  de  retomber  dans  le  crime  ,. 
'en  guériffant  le  mal  par  fon  contraire ,  &  en. 
ôtant  au  crime  la  douceur  qui  fert  d'attrait 
au  vice  ypariTamertume  de  la  douleur.  Cette, 
punition  ,  fi  le  coupable  en  profite  ,  tourne, 
■par  c.ela:même  à  l'utilité  publique  :  que  s'il 
pejfévere  dans  le  crime,,  le  fouverain  a  re- 
cours, à  des  .re.me.des  plus,  vjolens ,  &  même 
;à.la  mort. 

;  Quelquefois  le  /ouverain  le  propoiê 
.d'ô^ter  aux  coupables  les  moyens  de  com-. 
i mettre  de  nouveaux  crimes  ,  comme  en 
leur  enlevant  les  armes  dont  ils  pourroient. 
feièrvir  ,  en  les  enfermant  dans  une  pri- 
fon ,  en  les  chaffant  du  pays  ,  ou  même  en 
le»  tnetta»î  à  mort.  Xi  pourvoit  ew  msjiii^ 


P  E  I 

temps  à  laiïireté  publique,  non  feulement 
de  la  part  des  criminels  eux-mêmes,  mais 
encore  à  l'égard  de  ceux  qui  feroient  por- 
tés à  les  imiter  ,  en  les  intimidant  par  ces 
exemples  ;  aufTi  rien  n'eft  plus  convenable 
au  but  des  peines  ,  que  de  les  infliger  publi- 
quement ,  &  avec  l'appareil  le  plus  propre 
à  faire  imprclfion  iiir  l'elprit  du  commun 
peuple. 

Toutes  ces  fins  particulières  des  peines 
doivent  donc  toujours  être  fubordonnées 
&  rapportées  à  la  fin  principale  &:  derniè- 
re ,  qui  eft  la  fureté  publique ,  &  le  Sou- 
verain doit  mettre  en  ufage  les  unes  ou  les 
autres  ,  comme  des  moyens  de  parvenir  au 
but  principal  ^  enforte  qu'il  ne  doit  avoir 
recours  aux  peines  rigoureufes  ,  que  lorfque 
celles  qui  font  moindres  font  infuffifautes 
pour  procurer  la  tranquillité  publique.. 

On  demande  fi  toutes  les  avions  con- 
traires aux  loix  peuvent  être  légitimement 
punies.  Réponfe»  Le  but  même  des  peines  , 
&.la  conftitution  de  la  nature  humaine  , 
font  voir  qu'il  peut  y  avoir  des  actes  vi- 
cieux eu  eux-mêmes  ,  qu'il  n'eft  pourtant 
pas  convenable  de  punir  dans  les. tribunaux, 
humains. 

Et  I*.  les  aftas  purement  intérieurs  ^les 
fimples  penfées  qui  ne  fe  manifeftent  par 
aucun  adie  extérieur  préjudiciable  à  la  fo- 
ciété  j  par  exemple  ,  l'idée  agréable  qu'on 
£e  fait  d'une  mauvaife  adiion  ,  les  defirs  de 
la  commettre ,  le  deflein  que  l'on  en  forme 
fens  en  venir  à  l'exécution  ,  «Sic.  tout  cela 
«'eft  point  fujet  auxpeifiss  humaines ,  quand 
inême  il  arriveroit  enfuite  ,.par  hazard ,  que 
les  hom.mes  en  auroient  connoiiîànce,.. 

Il  faut  pourtant  faire  là-delfus  deux  ou 
trois  remarques  :  la  première  eft,  que  û 
ces  fortes  d'aâ:es  vicieux  ne.  font  pas  fujets 
aux  peines .hummv£3  ,  c'eft  parce  que  la 
fbibiefle  humaine  ne  permet  pas,  pour  le 
bien  même  de  la  fociété  ,  que  l'on  traite 
llhomme  à  toute  rigueur  :  il  faut  avoir  un 
jufte  fupport  pour  l'humanité  dansJes  cho- 
ies qui  ,  quoique  mauvaifes  en  elles-mê- 
mes ,  n'intéreilent  pas  confidérablement 
l'ordre  &  la  tranquillité  publique.  La  fé- 
conde remarque  ,.  c'eft  que  quoique  les 
aéies  purement  intérieurs  ne  foient  pas  alfu- 
jettis  aux  peines  civiles  ,  il  n'en  faut  pas 
tmçlix^  pour,  «la  que  ces  adies  ne.  foieat 


P  E  t  Sf 

pas  fournis  à  la  direâ:ion  des  loix  civiles» 
hnfin  ,  il  eft  inconteftable  que  les  loix  na- 
turelles de  la  religion  condamnent  formel- 
lement ces  fortes  d'adions. 

1^.  Il  feroit  très-rigoureux  de  punir  les 
fautes  légères  que  la  fragilité  de  la  nature 
humaine  ne  permet  pas  d'éviter ,  quelque 
attention  que  l'on  ait  à  fon  devoir  ^  c'eft 
encore  là  une  fuite  de  cette  tolérance  que 
l'on  doit  à  l'humanité. 

3°.  Il  faut  nécclfairement  laifTer  impunis- 
les  vices  communs  ^  qui  font  une  fuite  de 
la  corruption  générale,  comme  l'ambition  ^ 
l'avarice  ,  l'ingratitude  ,  l'hypocrifie  ,  l'en- 
vie ,  l'orgueil ,  la  colère  ,  &c.  car  un  fou- 
verain  qui  voudroit  punir  rigoureufement 
tous  ces  vice5  &  autres  fembiables,  feroit. 
réduit  à  régner  dans  un  défert  j  il  faut  fè 
contenter  de  punir  ces  vices  qua'nd  ils  por- 
tent les  hommes  à  des  excès  éclatans. 

Il  n'eft  pas  nécefî'aire  de  punir  toujours 
les  crimes  d'ailleurs  puniifables  j  il  y  a  des, 
cas  où  le  Souverain  peut  faire  grâce  ,   &, 
c'eft  de  quoi  il  faut  juger, par  le  but  "même, 
des  peines. 

Le  bien  public  eft  le  grand  but  Azs peines  :  ■ 
fi  donc  il  y  a  des  circouftances  où  en  fai- 
fant  grâce  on  procure  autant ,  ou  plus  d'uti- 
lité qu'en  puniflant  ,  alors  rien  n'oblige 
précifément  à  punir ,.  &  le  Souverain  doit, 
'tïfcr  de  clémence.  Ainfi,  fi  le  crime  eft  ca- 
ché,, qu'il  ne  foit  connu  que  de  très-peu 
de.  gens ,  il  n'eft  pas  toujours  nécefTaire , 
quelquefois  même  il  feroit  dangereux  de  le 
publier  en  le  punifîànt  ;  car  plulieurs  s'abf^ 
tiennent  de  faire  du  mal ,  .plutôt  par  l'igno- 
rance du  vice  ,. que  par  la connoiflânce  & 
lamour  delà  vertu.  Cicéron  remarque,  fiir 
ce  que  Solon  n'avoit  point  fait  de  loix  fur 
le  parricide.,,  que  l'on  a  regarda  ce  filence 
du  légiflateur  comme,  un  grand  trait  de 
prudence,  eu  ce  qu'il  ne  défendit  point 
une  chofe  dont  on, n'avoit  point  encore  vu 
d'exemple  , .  de  peiu*  que , .  s'il  en  parloit ,  il 
ne  femblât  avoir,  defléin  d'en  faire  prendre 
euvie  ,  plutôt  que  d'en  détourner  ceux  à 
qui  il  donnoit  des  loix. . 

On  peut  confidérer  lés  fèrvices  perfbn- 
nels  que  le  coupable  a  rendus  à  l'état ,  ou 
quelqu'un  de  fa  famille ,  &  s'il  peut  encore 
aduellement  lui  être  d'une  grande  utilité  ; 
ejiforte.  c^ue  VbT'^xeffiQR  que  feroit  la^vu^ 


§^  P  E  I 

de  fan  fupplice  ,  ne  produiroit  pas  autant 
de  bien  qu'il  ell  capable  lui-même  d'en  faire. 
Si  l'on  eft  fur  mer ,  &  que  le  pilote  ait 
com.mis  quelque  crime  ,  &  qu'il  n'y  ait 
d'ailleurs  fur  le  vailTeau  aucune  perfbnne 
capable  de  le  conduire  ,  ce  ferait  vouloir 
perdre  tous  ceux  du  vaiiFeau  que  de  le 
punir.  On  peut  auflî  appliquer  cet  exemple 
à  un  général  d'armée. 

Enfin  ,  l'utilité  publique  ,  qui  eft  la  me- 
fure  des  peines  ,  demande  quelquefois  que 
l'on  fafTe  grâce  ,  à  caufè  du  grand  nombre 
des  coupables.  La  prudence  du  gouverne- 
ment veut  que  l'on  prenne  garde  de  ne  pas 
exercer  d'une  manière  qui  détruife  l'état , 
la  juftice  qui  eft  établie  pour  la  conferva- 
tion  de  la  fociéîé. 

Il  y  a  beaucoup  d'autres  conlîdérations 
à  faire  fur  les  peines  ;  mais  comme  le  dé- 
tail en  ièroit  très-long  ,  je  me  contente- 
rai de  terminer  cet  article  par  quelques- 
unes  des  principales  réflexions  de  l'auteur 
de  ÏEfprit  des  Loir  fur  cette  importante 
matière. 

La  févérité  des  peines  eft  ,  dit-îl ,  toute 
entière  du  génie  du  gouvernement  defpo- 
tique  ,  dont  le  principe  eft  la  terreur  ^  mais 
dans  les  monarchies ,  dans  les  républiques , 
dans  les  états  modérés  ,  l'honneur  ,  la 
vertu  ,  l'amour  de  la  «patrie ,  la  honte  & 
la  crainte  du  blâme  ,  font  des  motifs  répri- 
mans  qui  peuvent  arrêter  bien  des  crimes. 
Dans  ces  états  ,  un  bon  légillateur  s'atta- 
chera moins  à  punir  les  fautes,  qu'à  les  pré- 
venir ^  il  s'appliquera  plus  à  donner  des 
mœurs ,  qu'à  infliger  des  fuppliccs.  Dans 
les  gouvernemens  modérés  ,  tout ,  pour 
un  bon  légillateur ,  peut  fervir  à  former 
des  peines.  N'eft-il  pas  bien  extraordi- 
naire qu'à  Sparte  ,  une  des  principales 
fût  de  ne  pouvoir  prêter  fa  femme  à  un 
autre  ,  ni  recevoir  celle  d'un  autre  ^  de 
n'être  jamais  dans  là  maifon  qu'avec  des 
vierges  ?  En  un  mot  ,  tout  ce  que  la  loi 
appelle  une  peine ,  eft  effeftivement  une 
peine. 

Il  feroit  aifé  de  prouver  que  dans  tous  , 
ou  prefque  tous  les  états  d'Europe ,  les 
peines  ont  diminué  ou  augmenté  à  mefure 
que  l'on  s'eft  rapproché  ou  éloigné  de  la 
liberté.  Le  peuple  romain  avoit  de  la  pro- 
bité j  cette  probité  eut  tant  de  force ,  (jue 


P  E  ï 

foufeut  le  légillateur  n'eut  befoin  que  de 
lui  montrer  le  bien  pour  le  lui  faire  lîiivre. 
Il  fembloit  qu'au  lieu  d'ordonnances ,  il  fuf- 
fifbit  de  lui  donner  des  confèiis. 

Les  peines  des  loix  royales ,  &  celles 
des  loix  des  douze  tables  ,  furent  prefque 
toutes  ôtées  dans  la  république  ,  foit  par 
une  fuite  de  la  loi  Valérienne ,  foit  par  une 
conféquence  de  la  loi  Porcia  3  on  ne  re- 
marque pas  que  la  république  en  fût  plus 
mal  réglée ,  &:  il  n'en  réfulta  aucune  lélioa 
de  police.  Cette  loi  Valérienne  ,  qui  dé- 
fendoit  aux  magiftrats  toute  voie  de  fait 
contre  un  citoyen  qui  avoit  appelle  au  peu- 
ple ,  n'infligeoit  à  celui  qui  y  contrevien- 
droit  que  la  peine  d'être  réputé  méchant. 

Dès  qu'un  inconvénient  fe  fait  feutir 
dans  un  état  où  le  gouvernement  eft  vio- 
lent 5  ce  gouvernement  veut  foudain  le 
corriger  \  &:  au  lieu  de  fonger  à  faire  exé- 
cuter les  anciennes  loix,  on  établit  une 
peine  cruelle,  qui  arrête  le  mal  fur  le  champ. 
Mais  on  ufe  le  reffort  du  gouvernement  : 
l'imagination  fe  fait  à  cette  grande  peine 
ainfi  qu'elle  s'étoit  faite  à  la  moindre  ^  ôc 
comme  on  diminue  la  crainte  pour  celle-ci, 
l'on  eft  bientôt  forcé  d'établir  l'autre  dans 
tous  les  cas.  Les  vols  liir  les  grands  che- 
mins étoient  communs  dans  quelques  états  j 
on  voulut  les  arrêter  \  on  inventa  le  fup- 
plice de  la  roue ,  qui  les  fafpendit  quelque 
temps  :  depuis  ce  temps,  on  a  volé,  comme 
auparavant  ,  fur  les  grands  chemins. 

Il  ne  faut  point  mener  les  hommes  par 
les  voies  extrêiries  j  on  doit  être  ménager 
des  moyens  que  la  nature  nous  donne  pour 
les  conduire.  Qu'on  examine  la  caufe  de 
tous  les  relâchemens  ,  on  verra  qu'elle  vient 
de  l'impunité  des  crimes ,  &  non  pas  de 
la  modération  des  peines.  Suivons  la  nature  , 
qui  a  donné  aux  hommes  la  honte  comme 
leur  fléau  j  &  que  la  plus  grande  par- 
tie de  la  peine  foit  l'infamie  de  la  fouftrir. 
Que  s'il  fè  trouve  des  pays  où  la  honte  ne 
foit  pas  une  "fuite  du  fupplice  ,  cela  vient 
de  la  tyrannie  ,  qui  a  infligé  les  mêmes 
peines  aux  fcélérats  &  aux  gens  de  bien. 
Et  fi  vous  en  voyez  d'autres  où  les  hom- 
mes ne  font  retenus  que  par  des  fupplices 
cruels  ,  comptez  encore  que  cela  vient ,  en 
grande  partie  ,  de  la  violence  du  gouverne^' 
ment ,  qui  a  employé  ces  fiipplices  pour  ds» 


P  E   I 

fautes  légères.  Souvent  un  légiflateur  qui 
veut  corriger  un  mal  ,  ne  fonge  qu'à  cette 
correftion  ;,  fes  yeux  font  ouverts  fur  cet 
objet ,  &  fermés  fur  las  inconvéniens.  Lorf- 
que  le  mal  eft  une  fois  corrigé  ,  on  ne  voit  | 
plus  que  la  dureté  du  légiflateur  ^  mais  il 
refte  un  vice  dans  l'état,  que  cette  dureté 
a  produit  :  les  efprits  font  corro^us ,  ils  fe 
font  accoutumés  au  defpotifme. 

Une  preuve  de  ce  que  les  peines  tiennent 
à  la  nature  du  gouvernement ,  peut  encore 
fe  tirer  des  Romains  ,  qui  changeoient  à 
cet  égard  de  loix  civiles  à  mefure  que  ce 
grand  peuple  changeoit  de  loix  politiques. 
Les  loix  royales ,  faites  pour  va\  peuple 
compofë  de  fugitifs ,  furent  très  -  féveres. 
L'efprit  de  la  république  auroit  demandé 
que  les  décem.virs  n'eulfent  pas  mis  ces 
loix  dans  leurs  douze  tables  j  mais  des 
gens  qui  afpiroient  à  la  tyrannie ,  n'avoient 
garde  de  fuivre  l'efprit  de  la  république. 
En  effet,  après  leur  expulfion ,  prefque  tou- 
tes les  loix  qui  avoicnt  fixé  les  peines  furent 
ôtées  :  on  ne  les  abrogea  pas  exprelfément  j 
mais  la  loi  Porcin  ayant  défendu  de  mettre 
à  mort  un  citoyen  romain  ,  elles  n'eurent 
plus  d'application,  Prefque  toutes  les  loix 
de  Sylla  ne  portoient  que  l'interdiéfion 
de  l'eau  &  du  feu  -,  Céfar  y  ajouta  la 
confîfcation  des  biens ,  parce  qu'il  en  avoit 
befoin  pour  fès  projets.  Les  empereurs 
rapprochèrent  les  peines  de  celles  qui  fost 
établies  dans  une  monarchie  :  ils  divife- 
rent  les  peines  en  trois  claffes  ^  celles  qui 
regardoient  les  premières  perfbnnes  de  l'é- 
tat ,  fublimiores  ,  &  qui  étoient  afTez  dou- 
ces \  celles  qu'on  infligeoit  aux  perfbnnes 
d'un  rang  inférieur  ,  medios ,  &;  qui  étoient 
plus  feveres  5  enfin  ,  celles  qui  ne  concer- 
noient  que  les  conditions  baffes ,  infimos , 
&  qui  furent  les  plus  rigoureufes. 

•  Il  efî  important  que  les  peines  aient  de 
l'harmonie  entr'elles ,  parce  qu'il  efl:  eflen- 
tiel  que  l'on  évite  plutôt  un  grand  crime 
qu'un  moindre  ,  ce  qui  attaque  plus  la  fo- 
ciété  ,  que  ce  qui  la  choque  moins.  Un  im- 
pofleurjqui  fe  difbiî  ConftantinDucas,  fuf- 
cita  un  grand  foiilevement  à  Conftantino- 
ple.  Il  fut  pris  &  condamné  au  fouet  j  mais 
ayant  acculé  des  perfbnnes  confîdérables  , 

il  fut  condamné ,  comme  calomniateur  ,  à 

Ltre  hrûlé.  Il  eiî  fingulicr  qu'on  eût  ainfî 


P  E  I  §7 

proportionné  les  peines  entre  le  crime  de 
lefë-majefté  &  celui  de  calomnie. 

C'eft  un  grand  mal  parmi  nous  ,  de  faire 
fubir  la  même  peine  à  celui  qui  vole  fur  un 
grand  chemin  ,  qu'à  celui  qui  vole  &  affaf- 
fîne.  Il  eft  vifible  que ,  pour  la  fureté  pu- 
blique, il  faudroit  mettre  quelque  différence 
dans  la  peine.  A  la  Chine  ,  les  voleurs  cruels 
font  coupés  en  morceaux ,  les  autres  non  : 
cette  différence  fait  que  l'on  y  vole ,  mais 
que  l'on  n'y  affaffine  -pas.  En  Mofcovie ,  où 
l'd peine  des  voleurs  &  celle  des  affallins  font 
les  mêmes,  on  affafrme  toujours  :  les  miorts , 
y  dit-on  ,  ne  racontent  rien.  Quand  il  n'y 
a  point  de  différence  dans  la  peine  ,  il  faut 
en  mettre  dans  l'efpérance  de  la  grâce. 
En  Angleterre  on  n'affalîine  point ,  parce 
que  les  voleurs  peuvent  efpérer  d'être  tranf^ 
portés  dans  les  colonies  ,  non  pas  les 
alfafîins. 

C'eft  le  triomphe  de  la  liberté ,  lorfque 
les  loix  criminelles  tirent  chaque  peine  de 
la  nature  particulière  du  crime  :  tout  l'arbi- 
traire ceffe  '^  la  peine  ne  dépend  point  du 
caprice  du  Légiflateur ,  mais  de  la  nature 
de  la  chofe  ^  &  ce  n'eft  point  l'honmie  qui 
fait  violence  à  fhomme.  Il  y  a  quatre  for- 
tes de  crimes  '^  ceux  de  la  première  efpece 
choquent  la  religion  ^  ceux  de  la  féconde  , 
les  mœurs  ^  ceux  de  la  troifieme  ,  la  tran-, 
quillité  ^  ceux  de  la  quatrième ,  la  fiireté 
des  citoyens.  Les  peines  que  l'on  inflige  doi- 
vent dériver  de  la  nature  de  chacune  de  ces 
efpeces.  (  Le  Cher.  DE  Jaucourt.  ) 

Peines  ,  e'ternité  des  (  Théolog,  ) 
Tout  homme  qui  ne  confulte  que  la  lumière 
naturelle  ,  &  cette  idée  ,  aufli  vraie  que  bril- 
lante ,  d'une  bonté  infinie  qui  conftitue  le 
principal  cara£lere  de  la  nature  divine  ,  ne 
peut  adopter  la  croyance  de  t éternité  des 
peines.  Deus  Optimus  ,  Maximus  ^  étoient 
les  titres  de  la  nature  divine  dans  le  langage 
des  païens  j  c'étoit  leur  ftyle  de  formule  , 
en  parlant  de  Dieu  ,  &  ce  flyle  ne  con- 
noiiîbit  point  un  Dieu  très-févere  &  impla- 
cable. Ce  ftyle  rcnfermoit  deux  éphhe- 
tes  ,  celle  de  la  bonté  &  celle  de  la  gran- 
deur fbuveraitie  '^  car  la  grandeur  fuprême 
n'eft  autre  chcfe  qu'une  magnanimité,  mu- 
nificence ,  effufîon  de  biens.  Cette  idée 
naturelle  du  fouverain  Être  ,  trouve  fà  con- 
firmation dans  l'évangile  ,  qui  ne  ceffe  de 


Sg  P  E  ï 

relever  la  bonté  de  Dieu  fîir  fes  autres  at- 
tributs. Faire  du  bien ,  ufer  de  miféricorde  , 
ceft  l'occupation  favorite  de  Dieu  :  châtier, 
punir  ,  ufer  de  rigueur  ,  c'eft  fou  œuvre 
non  accoutumée  &  malplaifante  ,  dit  l'é- 
criture. Or  ,  cette  peinture  de  la  bouté  de 
Dieu  paroît  incompatible  avec  les  peiiKs 
éternelles  de  l'enfer  ;  c'eft  pourquoi  dès  les 
premiers  fiecles  de  l'églife  ,  plulieurs  favans 
hommes  ont  cru  qu'il  ne  falloit  pas  prendre 
à  la  lettre  les  texte^  de  l'évangile ,  qui 
parlent  de  tourmens  &  de  fupplices  fans 
bornes  dans  leur  durée.  Tel  a  été  le  fcnti- 
ment  d'Origene  ,  de  S,  Jérôme  ,  &  d'au- 
tres pères  cités  dans  les  origeiûaim  de  M. 
Huet  ,  Z.  //.  quœjt.  II. 

Au  commencement  de  la  renaiffance  des 
lettres  dans  l'églife _,  les  Sociniens  embralîb- 
rent  la  même  opinion  ,  comme  la  feule  qui 
pût  être  compatible  avec  la  fouveraine 
bonté  de  Dieu  ,  &  la  feule  digne  du  chrif 
tianifme,  C'eft  en  vain  qu'on  a  tâché  de 
les  rendre  odieux  par  leur  fyftême  de  la  du- 
rée limitée  des  peines  de  l'enfer  '^  ce  fyftême 
s'eft  accrédité  tous  les  jours  davantage ,  & 
compte  aujourd'hui  au  nombre  de  ies  dé- 
fenfeiirs  les  plus  auguftes  prélats  de  l'églife 
anglicane ,  la  plupart  des  Arméniens  ,  & 
une  foule  incroyable  de  laïques  dans  tou- 
tes les  communions  du  chriftianifme.  L'an- 
gleterre  nomme  M.  Newton  à  la  tête  de 
ces  derniers. 

Mais  une  autorité  véritable  eft  celle  du 
dofteur  Tillotfon  ,  dans  fon  fermon ,  tra- 
duit en  françois  ,  fur  ï  éternité  des  peines  de 
l'enfer.  M.  le  Clerc  remarque  cependant , 
■  qu'il  y  a  eu  des  gens  de  bien  qui  ont  cen- 
furé  l'illuftrc  primat  d'Angleterre  ,  pour 
avoir  publié  une  dodrine  dont  les  méchans 
peuvent abufer.  »  Mais,  répond  ce  fameux 
»  miniftre  ,  on  reviendra  de  cette  cenfiire , 
»  fi  l'on  confidere  qu'il  fè  trouve  plufieurs 
•»  occafions  où  l'on  eft  obligé  de  décou- 
»  vrir  ce  qu'il  feroit  bon  d'ailleurs  de  tenir 
n  caché.  Si  perfbnne  n'élevoit  des  doutes 
w  fur  V éternité  des  peines ,  il  ne  feroit  pas 
))  befoin  de  toucher  cette  queftion  ^  mais 
»  depuis  que  tous  les  incrédules  prétendent 
»  démontrer  que  cette  do£èrine  de  l'évan- 
»  gile  n'eft  pas  conforme  à  elle-même , 
)>  parce  qu'elle  introduit  Dieu  ,  tout  jufte 
»  &  tout  bon  5  puniiTant  le  péché  avec  une 


P  E  ï 

»  fëvérité  Incompatible  avec  fa  juftice  & 
»  fa  bonté ,  on  eft  obligé  de  juftifier  les 
»  perfections  divines  ,  &  d'empêcher  que 
»  les  raifonnemens  qui  les  détruifent ,  ne 
»  s'accréditent  encore  plus ,  ôc  ne  jettent 
»  un  plus  grand  nombre  de  particuliers  dans 
»  la  licence  de  l'incrédulité. 

)>  Poigtorévenir  le  mal  qu'ils  pourroient 
»  faire  ,  &  pour  le  couper  par  la  racine  , 
»  il  eft  néceflaire  d'avouer,  que  fi  quelqu'un 
»  ne  peut  le  perfiiader  que  \qs  peims  éter- 
n  miles  foient  juftes  ,  il  vaut  mieux  qu'il" 
»  prenne  ce  que  l'évangile  en  dit  pour  des 
»  menaces  ou  pour  des  peines  comimina- 
»  toires ,  que  de  rejeter  l'évangile.  Il  vaut 
))  mieux  être  à  cet  égard  origénijle  qu'in- 
»  crédule  ,  c'eft-à-dire  rejeter  plutôt  ïéter- 
))  nité  des  peines  par  refpeét  pour  la  juf- 
))  tice  &  pour  la  bonté  de  Dieu  ,  &  obéir 
»  d'ailleurs  aux  préceptes  de  Jefus-Chrift  , 
«  que  de  rejeter  toute  la  révélation  ,  en  fe 
»  perfiiadant  qu'elle  contient  quelque  chofe 
»  de  contraire  à  l'idée  qu'elle  nous  donne 
))  elle-même  de  la  divinité  ,  &  quieftcon- 
«  forme  aux  lumières  de  la  nature  &  de 
»  la  raifon. 

M.  Camphuyfèn  ,  miniftre  ,  natif  de  Gor- 
cum  ,  &:  fameux  en  Hollande  par  fes  poé- 
fies  pieufes  ,  a  témoigné  dans  un  écrit  pu- 
blic ,  qu'il  avoit  été  tenté  de  rejeter  toute 
la  religion  chrétienne  dans  le  temps  qu'il 
avoit  cru  qu'elle  admet  dQS  peines  éternelles  y 
&  qu'il  n'étoit  revenu  de  lès  doutes  qu'en 
reconnoiftant  qu'on  pouvoit  entendre  au- 
trement les  menaces  de  l'évangile. 

La  crainte  des  peines  éternelles  qui  porte 
aux  bonnes  œuvres  ,  ne  peut  qu'être  utile  y 
dit  M.  Tillotfon ,  &  il  n'eft  pas  befoin  de 
délivrer  de  cette  crainte  ceux  fur  qui  elle 
produit  cet  effet  ^  mais  quand  il  s'agit  de 
gens  que  ces  peines  révoltent  contre  l'évan- 
gile ,  il  vaut  mieux  reconnoître  avec  eux 
des  peines  bornées ,  que  de  les  éloigner  de 
la  religion  chrétienne  ,  ou  de  leur  donner 
un  fi  grand  avantage  pour  la  combattre. 
C'eft  pourquoi  S.  Jérôme  gardoit  un  ju- 
dicieux tempérament  fur  ce  dogme  :  com- 
me nous  croyons  ,  dit  ce  père  de  l'églife  , 
qu'il  y  a  des  tourmens  éternels  pour  les 
démons ,  &  pour  ceux  qui ,  contre  leur  couf- 
cience  ,  nient  l'cxiftence  de  Dieu  ,  nous 
croyons  auflî  que  la  fentence  du  juge  eft 

modérée 


P  E  I 

mod(^rée  &  mêlée  cîe  clémence  envers  les 
autres  pécheurs  &  les  Impies  ,  les  tourmens 
qui  les  punifïênt  font  réglés  par  les  bienfaits 
de  la  miféricorde  divine;  mais  perfonne  ne 
fait  de  quelle  manière  &  combien  de  temps 
Dieu  doit  punir.  Difons  donc  feulement  : 
Seigneur ,  ne  me  reprends  point  en  ta  fureur, 
&  ne  me  châtie  point  en  ta  colère. 

Les  Théologiens  qui  font  dans  1  opinion 
de  Tillotfon  iur  les  bornes  des  peines  , 
croient  que  Dieu  a  propole  ces  menaces  en 
termes  illimités ,  non-feulement  pour  tenir 
les  hommes  dans  la  crainte  ,  mais  parce 
que  les  péchés  étant  d'une  infinité  de  for- 
tes ,  il  n'y  a  point  de  terme  limité  pour 
tous  en  commun  ;  &  c'eflmême  une  grande 
partie  de  la  peine  ,  que  de  n'avoir  aucune 
connoilfance  du  temps  auquel  elle  finira. 
L'Écriture-fainfe  a  nommé  éternels  des  fup- 
pliçes  dont  la  durée  efl  illimitée  à  l'égard 
des  créatures ,  &  dont  la  fin  n'efl  connue 
que  de  Dieu  ,  ce  qui  efl  la  fignification  pro- 
pre du  mot  Hébreu  CIj'7^y  ,  auquel  répond 
le  mot  àlav  en  Grec,  qui  marque  aulli  un 
temps  femblable.  L'idée  de  ces  fupplices  & 
de  leur  durée ,  quoique  limitée  ,  eu  afTez 
effrayante  pour  faire  trembler  les  plus  en- 
durcis ,  s'ils  y  font  quelque  attention.  Quant 
jaux  incrédules ,  ils  n'ont  pas  plus  de  peur 
des  fupplices  éternels  ,  qu'ils  ne  croient  pas , 
que  de  ceux  dont  on  vient  de  parler. 

L'Archevêque  Tillotfon  n'efl  pas  le  feul 
Théologien  d'Angleterre  qui  ait  combattu 
nettement  dans  fes  écrits  Véternité  propre- 
ment dite  àes  peines  de  l'enfer  ;  on  peut 
lui  joindre  Thom.  Burnet ,  defiatu  mortuor. 
ex  y  p.  z^o.  Swindcn,  dans  Vappendix 
de  fon  Traité  de  V enfer  \  l'Auteur  des  re- 
marques fur  le  lux  Orientalis  ;  Colliber, 
dans  fon  EJfai  far  la  Religion  révélée ,' 
Whitby  ,  dans  fon  appendix ,  fur  la  féconde 
Êpitre  aux  Theffalon.  &  l'illuflre  Samuel 
Glarke ,  dans  (ts  Sermons.  Ce  dernier  Théo- 
logien s'exprime  ainfi  fur  ce  lujet  ; 

»  A  l'égard  de  ï éternité  des  peines  de 
»  l'enfer ,  je  l'admets  autant  qu'elle  fe 
n  trouve  renfermée  dans  le  terme  de  «<M^9f , 
»  auquel  le  mot  à! éternité  répond ,  c'efl- 
»  à-dire  ,  qu'il  efl  certain  que  ces  peines  du- 
f>  reront  autant  que  l'exiflence  des  méchans 
«  qui  les  foufFriront ,  ou  pendant  ces  «»«  «f 
/>  Twf  futivm  ,  ces  période*  longs  &  déter- 
Tom<  XXV. 


?  E  T  8^ 

M  minés  ,  pendant  lefquels  leur  vie  fera  con* 
)»  ferv^e  par  la  PuifTance  divine  ;  enforte 
'>  que  rien  ne  terminera  leurs  tourmens, 
n  que  ce  qui  terminera  aufîi  leurvie&  leur 
n  condition  pour  jamais.  Si  l'Ecriture  en- 
»  tend  quelque  chofede  plus  par  cette  éter^ 
»  nité  des  peines  de  l'enfer  ,  c'efl  ce  que 
«  je  ne  déciderai  pas  pofirivement  ;  mais 
jy  comme  je  trouve  que  les  plus  anciens 
yy  Écrivains  eccléfiadiques  penchent  pour 
yy  cette  explication  ,  &  qu'elle  fufEt  pleine- 
yy  ment  aux  grandes  fins  de  la  Religion  ; 
»>  qu'elle  paroît  aufli  plus  conforme  à  la 
>»  bonté  divine  ,  fi  elle-même  ne  donne  un 
»>  nouvel  appui  à  la  juflice  de  Dieu;  que  d'ail- 
»  leurs  elle  prévient  toutes  les  chicanes  des 
w  incrédules  ;  &  qu'enfin ,  je  fuis  perfuadé 
»î  que  c'efl  le  vrai  fcns  des  exprcfîîons  de 
y>  l'Écriture,  je  m'y  tiendrai  pour  le  pré- 
»  fent,  laifïant  à  ceux  qui  prétendent  que 
»  l'Écriture  en  dit  davantage  ,  à  juflifier 
»  leur  opinion  ,  &  à  prouver  qu'elle  efl 
»  raifonnable.  n 

M.  Whiffon  efl  encore  plus  pofitif  que 
M.  Clarke  ;  car  il  déclare  que ,  fi  l'opinion 
commune  de  Véternité  des  pein€s  étoit  vé- 
ritablement un  dogme  de  la  Religion  chré- 
tienne ,  il  formeroit  contre  elle  une  difE- 
culté  infiniment  plus  grande  que  toutes  les 
objedions  des  incrédules  prifes  enfemble. 
{Le  chevalier  DE   Jaucourt.) 

Peines  che\  les  Romains ,  (  Jurifprud, 
Rom.  )  Il  y  avoit  difFérens  genres  de  pei- 
nes civiles  qui  étoicnt  en  ufage  chez  les  Ro- 
mains ;  nous  avons  promis  de  les  dérailler 
en  parlant  des  jugemens  publics  &  particu- 
liers de  leurs  tribunaux. 

Les  peines  ou  punitions  ufîtées  chez  ce 
peuple,  regardoient,ou  les  biens  ,  comme 
l'amende,  en  Latin  damnum y  autrement 
mulclai  ou  le  corps ,  comme  la  prilbn  ,  le 
fouet ,  ou  la  peine  du  talion  ;  ou  le  droit 
comme  l'ignominie  ,  l'exil  &  la  fervitude  * 
enfin  ,  quelques-uns  étoient  punis  de  mort. 

L'amende  ne  fe  prenoit ,  dans  les  premiers 
temps,  que  fur  les  moutons  &  fur  les  bœufs* 
mais  comme  cette  punition  d'amende  étoit 
inégale  ,  parce  qu'on  amenoit  des  bœuà 
&  des  moutons,  tantôt  d'un  grand  prix, 
tantôt  d'un  prix  très-vil  ;  dans  la  fuite ,  par 
la  Loi  Ateria ,  on  taxa  dix  deniers  pour 
chaque  mouton,  &  cent  deniers  pour  chaque 

M 


^o  P  E  I 

bœuf;  de  forte  que  la  plus  forte  amende 
de  ce  temps  éroit  de  3020  as.  La  prifon 
étoit  ou  publique  ou  particulière. 

La  prifon  publique  étoit  celle  où  on  en- 
fermoit  les  accufés ,  quand  ils  avoicnt  avoué 
leurs  crimes.  La  prifon  particulière  étoit  la 
fnaifon  des  Magiftrats  ou  de  quelques  par- 
ticuliers diflingués,  fous  la  garde  delquels 
on  metroit  les  acculés. 

La  fuftigation ,  qui  (è  faifoit  avec  des  ver- 
ges ,  précédoit  le  dernier  fupplice  ,  qui  étoit 
celui  de  la  mort.  La  baOonnade  étoit  plus 
d'ufâge  à  l'armée. 

Le  talion  ,  fuirant  la  Loi  des  douze  ta- 
bles ,  confifloit  à  rendre  injure  pour  injure  , 
dans  le  cas  d'un  membre  rompu  ,  à  moins 
que  l'accufé  n'eût  obrenu  de  la  partie  léfëe 
qu'elle  lui  remît  la    peine. 

L'ignominie  étoit  une  note  d'infamie , 
ainfi  appellée,  parce  qu'elle  ne  confiftoit 
que  dans  la  flétrifî'ure  du  nom.  Elle  ex- 
cluoit  de  toutes  charges  &  prefque  de  tous 
les  honneurs  qui  s'accordoient  aux  ci- 
toyens. 

On  ne  prononçoit  pas  à  la  vérité  le  mot 
d'^ar/Vdansrimpofition  de  cette  peine  ^  mais 
celui  d'interdidion  de  feu  &  d'eau  ,  laquelle 
étoit  néceiïairement  fuivie  de  l'exil  ;  car  il 
étoit  impoflible  que  quelqu'un  reilât  dans 
Rome  fans  i'ufage  de  l'eau  &  du  feu  :  mais 
fous  Augufte ,  la  déportation  fuccéda  à  cette 
interdiction  de  l'eau  &  du  feu.  La  reléga- 
tion étoir  une  peine  moins  rigoureufe  ,  car 
ceux  qui  y  ctoient  condamnés  confèrvoient 
le  droit  de  bourgeoilie  ,  dont  l'interdic- 
tion privoit ,  &  c'étoit  la  peine  à  laquelle 
on  condamnoit  les  gens  de  condition. 

On  vendoit ,  pour  être  rais  en  fervitude  , 
ceux  qui  n'avoicnt  pas  donné  leur  nom 
pour  le  cens ,  ou  qui  avolent  refufé  de  s'en- 
rôler après  avoir  été  appelles. 

Ceux  qui  étoient  condamnés  à  tnort 
étoient,  ou  décapités  d'un  coup  de  hache, 
après  avoir  efluyé  la  honte  du  fouet ,  & 
on  difoit  que  cette  peine  s'infligeoit  félon 
I'ufage  des  anciens  ,  more  majorum  ;  ou 
bien  ils  étoient  étranglas  dans  la  prifon  ap- 
pellée roi>«r  ;  ou  enfin  ,  jetés  en-bas  de  la 
roche  Tarpéienne  :  mais  il  paroît  que  ce 
genre  de  mort  fut  aboli  dans  la  fuite. 

Le  fupplice  ordinaire  des  efclaves  étoit 
la  croix  ou  la  fourche  ,  qu'ils  étoient  Gbligcs 


P  El 

de  porter  eux-mêmes  ,'  d'où  vient  que  le 
nom  furcifer  y  porte-fourche  ,  étoit  le  re- 
proche ordinaire  qu'on  faii'oit  aux  efclaves  ; 
cependant  quelques-uns  ont  prétendu   que 
cette   fourche  étoit  un  gibet.  Quelquetois 
on  imprimoit  certains  caractères  ,  avec    un 
fer  chaud  ,  iiir  le  front  des  efclaves  :  en  allant 
au  lieu  du  fupplice ,  ils  portoient  une  meule 
de  moulin  pendue  à  leur  cou  ;  c'étoient  des 
meu  es  de  15   à    18    pouces    de  diamètre. 
Quelquefois  encore  ,  pour  comble  d'igno- 
minie ,  après  que  les  cadavres  des  criminels 
avoient  été  traînés    dans   la  ville  avec  des 
crochets  ,  on  les  précipitoit  dans  des  puitS 
appelles  gemoniœ  ,  ou  dans  le  Tibre.  Nous 
ne  rapporterons  pas  les  autres  efpeces  de 
fupplices ,  qui   étoient   prefque  tous  arbi- 
traires ,  &  exercés  félon  le  caprice   ou  la 
cruauté  des  Princes.  Quant  aux  peines  mi- 
litaires ,  i'oye:{    l'article  fuivant.  {  D.  /.  ) 
Peines  UlinAlKEScheTiles  romains^ 
(  Art  milit.  des   romains.  )   Les   romains 
avoient  d'une  main   àes  récompenfes  k  la 
guerre ,  pour  animer  les  foldats  à  s'acquitter 
de  leur  devoir;  &  de  l'autre  main,  ils  avoient 
des  punitions  pour  ceux  qui  y  manquoient. 
Ces  punitions  étoient  de  la  compétence 
des  tribuns  &  des  préfets  avec    leur  con- 
feil,  &  du  général  même,  duquel  on  ne 
pouvoit  appeller  avant  la  loi  Porcia  ,  por- 
tée l'an  556, 

On  punifToit  les  foldâts ,  ou  par  des  pei^ 
/2^j- aifliâives  ,  ou  par  l'ignominie.  Les />«- 
nés  afflidives  confiftoient  dans  une  amende , 
dans  la  faifie de  leur  paie,  dans  la  balton- 
nade,  fous  laquelle  il  leur  arrivoit  quelque- - 
fois  d'expirer  ;  ce  châtiment  s'appclloit/u/- 
tuarium. 

Les  foldats  meftoient  à  mort ,  à  coupi  • 
de  bâton  ou  de  pierre  ,  un  de  leurs  cama- 
rades qui  avoit  commis  quelque  grand  cri-- 
me  ,  comme  le  vol  ,  le  parjure  ,  pour- 
quelque  récompenfe  obtenue  fur  un  faux: 
expoië  ,  pour  la  défertion ,  pour  la  perte  des 
armes,  pour  la  néghgencc  dan»  les  fenti— 
nelles  pendant  la  nuit. 

Si  la  baftonnade  ne  devoit  pas  aller  jus- 
qu'à la  mort ,  on  fe  fervoit  d'un  i'arment  àt: 
vigne  pour  les  citoyens ,  d'une  autre  ba-- 
guette,  ou  même  de  verges ,  pour  \es  aU 
liés.  S'il  y  avoit  un  grand  nombre  de  cou- 
pables ,  on  \zs.  décimoit , pu.  bien  on  grenoit 


P  El 

le  vingtième  ou  le  centième,  félon  la  grié- 
veré  de  la  faute  ;  quelquefois  on  fe  con- 
tentoit  feulement  de  les  faire  coucher  hors 
du  camp  ,  &  de  leur  donner  de  l'orge ,  au 
lieu  de  froment. 

Comme  les  punitions  qui  emportent  avec 
elles  plus  de  honte  que  de  douleur  ,  font  les 
plus  convenables  à  la  guerre  ,  l'ignominie 
étoit  auffi  une  des  plus  grandes  :  elle  con- 
lîfîoif  ,  par  exemple ,  à  donner  de  l'orge 
aux  foldats  ,  au  lieu  de  blé  ;  à  les  priver  de 
toute  la  paie  ou  d'une  partie  feulement. 
CettQ  dernière  punition  étoit  fur-tout  pour 
ceux  qui  quirtoient  leurs  enfeignes;  on  leur 
retranchoit  la  paie  pour  tout  le  temps  qu'ils 
avoient  lèrvi  avant  leur  laute.  La  troiiicme 
cfpece  d'ignominie  étoit  d'ordonner  à  un 
foldat  de  fauter  au-delà  d'un  retranchement. 
Cette  punition  étoit  ordinaire  pour  les  pol- 
trons :  on  les  puniflbit  encore  en  les 
expofant  en  public  avec  leur  ceinture  dé- 
tachée ,  &  dans  une  pofture  molle  &  effé- 
minée. Cette  expofition  fe  faifoit  dans  la 
rue  du  camp  appellée  Principia  ;  c'ell-là 
que  s'exécutoient  aufli  les  autres  châtimens. 
Enfin  ,  pour  comble  d'ignominie  ,  on  les 
faifoit  palfer  d'un  ordre  fupérieur  dans  un 
autre  fort  au-deflous ,  comme  de  Triariens 
dans  les  Piquiers  ou  dans  les  Vélites  :  il 
y  avoit  encore  quelques  autres  punitions 
peu  ufirées^,  dont  Julie  Lipfe  vous  donnera 
le  détail.  F'oye:{auJJi  l'article  MILITAIRE  y 
difcipline  des  Romains.  {  D.  J.) 

Peines  purifiantes, (  Cridq.facr.  ) 
L'opinion  qu'il  y  a  des  peines  purifiantes 
après  la  mort,  &  que  Platon  a  établie  dans 
le  Phœdon  ,  pag.  83  y  84 y  ^'<^"'  Franco/. 
&  dans  fon  Gorgias  ,  p.  3 ^6 )  357  i^^ 
communiqua  d'aflez  bonne  heure  aux  pères. 
Le  favant  Potter  remarque ,  qu'on  trouve 
cette  opinion  en  plufieurs  endroits  de  Clé- 
ment d'Alexandrie  ,  comme  in  (Irom.  lib. 
VI ,  pag.  134,  668  ,  JS^.  iln'eft  pas 
étonnant,  continue  Potter,  que  Clément, 
qui  goûtoit  avec  tant  de  plaifir  les  traditions 
judaïques  fur  les  peines  purifiantes  ,  &  les 
idées  philofophiques  des  Platoniciens  ,  & 
àts  Pythagoriciens  fur-tout ,  ait  donné  dans 
ce  fentiment.  Origene  ,  dans  fon  homélie 
fur  l'Exode  ,  reconnoît  femblablement  un 
feu  purgatif  :  mais  au  refle  ,  ce  feu  purgatif 
qu'ils  adoptent  eu   bien  différent  de  celui 


-  P  E  I  51 

quia  été  établi  depuis,  i**.  Selon  ces  pères, 
quoique  les  martyrs  &  les  juftes  foient  obli- 
gés d'y  pafler ,  s'ils  n'ont  rien  à  purifier 
ils  ne  fbuffrent  point  de  ce  feu.  2*.  Iln'elt 
point  defliné  à  ce  qu'on  nomme  les /j^'cA/x 
véniels  ,  mais  aux  crimes  &  aux  vices ,  ri 
TrtÔH.  3**.  Il  n'y  a  point  de  rachat  :  la  raifon 
en  ell,  que  ces  peines  purifiantes  étant 
néceffaires  pour  purger  les  vices  qui  fer- 
ment l'entrée  du  ciel ,  il  faut  que  l'ame 
foufïi-e  jufqu'à  ce  qu'elle  ait  couronné  fa 
purification.  I'ifc\  fur  z^s  peine  s  purifiantes  , 
\ts  remarques  de  Spencer  fur  le  IV^.  liv. 
d'Origene  contre  Celfe  :  ajoutez-y ,  fi  vous 
voulez ,  les  pafïàges  de  Grégoire  de  Nyfîê 
&  des  autres  pères  ,  recueillis  par  Forbe- 
fius ,  in  confultationibus  modeflis  ,•  &  enfin 
les  notes  de  M.  Simon.  {D.  J.) 

Peine  afflictive  ou  corpo- 
relle ,  efl  celle  qui  s'inflige  fur  la  perfonne 
même  du  condamné  ,  &  non  pas  feulement 
fur  Çts  biens  ;  comme  le  carcan  ,  le  fouet  » 
la  fleur-de-lys ,  le  banniflèment,  les  galè- 
res ,  la  peine  de  mort. 

Il  n'y  a  que  le  miniflere  public  qui  puifîè 
conchireà  unepfi/7ff  afiîiclive^  comme  étant 
feul  chargé  de  la  vindide  publique. 

Lorfqu'une  procédure  a  été  civilifee ,  le 
Juge  ne  peut  plus  prononcer  de  peine  af-^ 
flicUve  ,  à  moins  que  la  partie  publique  ne 
vienne  contre  le  jugement  de  civihfation 
par  tierce  oppofition*ou  par  la  voie  d'ap- 
pel ,  ou  que  la  partie  civile  n'interjette  ap- 
pel de  ce  même  jugement. 

Pour  l'ordre  des  peines  affiiclives ,  l'or- 
donnance de  1670  ,  tit.  z^  y  art.  23,  por- 
te ,  qu'après  h  peine  de  la  mort  naturelle  ,  la 
plus  rigoureufe  efl  celle  de  la  queffion , 
avec  réferve  des  preuves  en  leur  entier  ; 
des  galères  perpétuelles  ,  du  banniffemenc 
perpétuel ,  de  la  queffion  fans  réferve  des 
preuves  ,  des  galères  à  temps  ,  du  fouet  , 
de  l'amende-honorable  ,  &  du  banniiïement 
à  temps.    Vojei  Peine  CAPITALE.  (u4) 

Peine  d'amende  ,  c'eft  lorique  celui 
qui  a  contrevenu  à  quelque  loi,  eft  con- 
damné ,  pour  réparation ,  en  une  amende. 
Voje:[  Amende. 

Peine  arbitraire  ;  on  appelle  ainlî 
celle  qui  n'efl  point  fpécinée  précifémentpar 
la  loi  ,  mais  qui  dépend  des  circonftances 
&  de  l'arbitrage  du  juge. 

M  2 


^1  P  ET 

Peine  capitale  ,efl  «île  quî  emporte 

mort  naturelle  ou  civile  ;  ainfi  toute  peine 
afflidive  n'efl  pas  peine  capitale  ^  puil- 
qu'il  y  a  de  C(i&  fortes  de  peines  qui  n'em- 
portent ni  la  mort  naturelle,  ni  la  mort 
civile  ;  telle  que  la  fuftigation  ,  l'application 
de  la  marque  publique  fur  les  épaules ,  le 
carcan,  les  galères  au- delTous  de  dix  ans. 

PeIîJE  comminatoire,  eft celle  qui 
n'efl  pas  encourue  d'e  plein  droit  &  par  le 
fèul  fait ,  mais  pour  laquelle  il  taut  en- 
core un  fécond  jugement  qui  la  déclare 
.  encourue;  comme  quand  il  eit  dit  par  un 
premier  jugement ,  que  faute  par  une  par- 
tie de  faire  telle  chofe  dans  un  tel  temps  , 
•elle  fera  déchue  de  quelque  droit  ou  de 
quelque  demande  :  c^tie  déchéance  ,  qui 
eft  une  peine ,  n'eft  encourue  que  par  un 
fécond'  jugement ,  qui  déclare  que  faute  par 
ladite  partie  d'avoir  fait  telle  choie  dans  le 
temps  qui  avoit  été  prelcrit ,  elle  demeure  dé- 
chue ;  &  pour  que  la />f //2e  ne  loit  pas  co/;z- 
/w//2afo/Vf.^  il  faut  que  le  jugement  qui  pro- 
nonce la  déchéance  exprime ,  que  paflë  le 
temps  prefcrit,  elle  aura  lieu- en  vertu  du 
même  jugement ,  &  fans  qu'il  en  foit  befoin 
d'aurre. 

IjÇS  peines  prononcées  par  les  loix  con- 
tre les  crimes  ,  ne  font  jamais  réputées  com- 
minatoires. 

Il  en  eft  de  même  àes  peines  pronon- 
cées en  matière  civil?  par  les  loix  &  les 
ordonnances. 

Mais  les  peines  prononcées  par  lè  juge 
dans  le  cas  dont  on  a  parlé  ci-devant, 
&  dans  les  autres  cas  lemblables  ,  où  la 
peine  ne  doit  être  encourue  qu'au  cas 
que  la  partie  n'ait  pas  fatisfait  au  juge- 
ment ,  ne  font  ordinairement  que  commi- 
natoires. 

Peine  du  compromis  ,  eft  celle  qui 
eft  ftipulée  dans  un  compromis  pour  l'exé- 
cution d'icehi! ,  comme  quand  les  parties  fe 
foumettent  de  payer  une  certaine  fomme  , 
en  cas  d'inevécution  du  compromis  ou  de 
la 'entence  arbitrale.  Voyei^  COMPROMIS, 

Arbitre  &  Sentence  arbitrale. 

Peine  corporelle  ,  eft  la  mère 
chofe  que  neine  affiicfii-'e  ;  c'eft  celle  qui  s'e- 
xécute fiir  le  corps  ,  c'eft-à-dire  fur  la  per- 
fbnnemême  ,  &  non  pas  fur  (ts  biens  feu- 
iement.  V.  ci-dey,  PEINE  Afflictive. 


P  E  I 

Peine  de  c  orps,  eft  toute  auttechoft 

que  peine  corporelle:  on  entend'  par- là, 
dans  quelques  coutumes  ,  les  falaîres  des 
manouvriers.  Voye\  la  coutume  de  Sens , 
article  s.£^. 

Peine  du  double  ,  du  triple, 

DU  quadruple  ,  tft  celle  que  les  ordon- 
nances prononcent  contre  ceux  qui  com- 
mettent quelque  fraude  ou  contravention  : 
au  lieu  de  leur  faire  payer  le  fimple  droit , 
on  leur  fait  payer  le  double  ou  le  triple  , 
pour  avoir  voulu  frauder  le  droit ,  ou  pour 
n'avoir  pas  fatisfait  dans  le  temps  à  quelque 
formalité  prefcrite. 

Peine  de  faux,  c'eft  lorfque  quel- 
qu'un encourt  les  peines  prononcées  par 
les  loix  pour  le  crime  de  faux.  Koye^ 
Faux. 

Peine  grave  ,  s'entend  d'une  peine 
àQs  piusrigoureules,  comme  celle  de  mort 
ou  mutilation  de  membres  ,    Ùc. 

Peine  infamante,  eft  celle  qui  ôte 
l'honneur  à  celui  qui  eft  condamné  ,  comme 
la  peine  de  mort  ou  autre  peine  afflic- 
tive,  la  dégradation  ou  condam.nanon  k 
fe  défaire  de  fa  dignité ,  l'amende-hono- 
rable  ,  l'amende  en  matière  criminelle,  & 
la  condamnation  à  une  aumône  en  ma- 
tière civile. 

Peine  légale  ,  eft  celle  qui  eft  pro- 
noncée par  quelque  loi ,  ordonnance  ou 
coutume;  comme-une  amende,  une  nul- 
lité ou  déchéance  ,  faute  d'avoir  fait  quelque 
chofe,  ou  de  l'avoir  fait  dans  le  ^emps  pre(^ 
crif  par  la  loi  ;  comme  la  nullité  d'une  dona- 
tion, faute  d'infmuaticn  dans  les  quatre  mois. 

Ces  lortes  de  pf//2ej  courent  contre  tou- 
tes^  fortes  ce  perfonnes ,  fans  eipérance  de 
reftirution  ,  même  co  tre  les  mineurs ,  fauf 
leur  recours  contre  leur  tuteur,  au  cas  qu'il 
y  ait  négligence  de  fa  part. 

Peine  légère  ,  eft  celle  qui  eft  peu 
rigoureulc  ,  eu  égard  è  la  qualité  du  délit 
&  à  celle  de  l'accufé  ,  co  nme  i'admonirion 
&  l'aumône  en  matière  crim'nejle.    Voye-^^ 

Peine   capitale  ,  Peine  grave. 

Peine  de  mort  ,  eft  toute  condamna- 
tion qtn  doit  erre  fuivie  de  la  mort  naturelle 
ou  civile  du  condiimné. 

Peine  de  nullité  ,  cVftune  difpoft- 
tion  de  quelque  loi  ou  jugement ,  qui  pro- 
nonce là  nullité  de  quelque  ade  ou  procé- 


PET 

dure  ,  fbit  que  la  peine  Toit  vicleufe  en  clle- 
inême ,  foit  parce  que  Ton  n'a  pas  l'atisfait  à 
quelque  autre  choie  qui  devoir  précéder  ou 
accompagner  l'ade.  l^oye^  NULLITÉ. 
Peine  Pécuniaire  ,  ef} une  condam- 

narion  dont  l'eftèt  ell  leulement  d'obliger 
de  payer  une  lomme  d'argent  ,  comme 
une  amende  ou  une  aumône ,  des  kitcrcts  , 
&  réparations  civiles  ,  des  dommages  &  in- 
térêts. 

On  l'appelle  ainfi ,  pour  la  diftinguer  de  la 
peine  corporelle. 

Peine  de  la  plus  pétition.  Fby. 

ci-ap'ès  Plus  PÉTITION. 

Peine  du  quadruple  ,  efl  celle  qui 
confille  à  faire  paj  er  trois  tois  autant  que  ce 
qui  éroif  dû  originairement.  Kq>f:[PEINE 
DU  DOUBLE. 

Peine  du  talion,  eft  celle  qui  con- 
fifte  à  faire  loufFrir  au  comdamné  le  même 
traitement  qu'il  a  fait  à  autrui.  Voye\  Loi 

du  talion.  ^ 

Peine  des  téméraires  Plai- 
deurs c'eil  la  coi  damnation  àts  dépens , 
qui  eft  ordinairement  la  feule  peine  que  fup- 
portent  ceux  qui  fuccombent  dans  leur  de- 
mande ou  conrefîarion  ,  à  moins  qu'il  n'y 
ait  eu  vexation  ;  auquel  cas  il  y  auroitlieu  à 
accorder  des  dommages  &  intérêts.  V^oy. 
aux  Injîuutes  le  titre  de  pcena  temerè  liti^ 
gantium  ,  lib.  IV,   tit.  zG. 

Peine  du  triple  ,  ce  droit  confifle  à 
faire  payer  deux  fois  en  fus  autant  qu'il  éroir 
dû  pour  le  fimple  droit.  Voye\  ci-dei-'ant 
Peine  DU  DOUBLE.  [A) 

PEINE ,  adj.  fe  dit  en  Peinture  &  en 
Sculpture  y  &  même  en  Littérature  y  des 
ouvrage*;  où  rien  n'elî  fait  avec  fiiciiité,  & 
qui  annoncent  par-tout  la  peine  que  l'ar- 
tifîe  a  eue  à  le^  produire:  ces  fortes  d'ouvrages 
font  toujours  recherchée  ,  prononcés  jufqu'à 
en  êtrefecs  &  mefquins  ;  on  ditce  tableau  efî 
peiné  y  ouvrage  peiné. 

PEINTAT)E,f.f.  Pôule-Pei^ntade, 
Poule  de  Guinée,  Poule  d'Afri- 
que ,  Perdrix  des  Terres-Neu- 
ves ,  gallina  Guinea  y  Wil.  (/^(/?:  nat. 
Ornidîol.)  olfeau  de  la  groflêur  d'une  pou- 
le; il  a  un  pié  neuf  pouces  &  demi  de  lon- 
gueur ,  depuis  là  pointe  du  bec  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  la  queue  ,  &  dix  pouces  jufqu'au 
buut  des  ongles  :  les  aikb  étant  pliees,  s'é-  j 


P   E  I  55 

tendent  à  un  pouce  au-delà  de  l'origine  de 
la  queue.  La  tête  n'eft  pas  couverte  de  plu- 
mes; il  y  a  leulement  à  l'origine  du  bec  de 
quelques  individus  de  cette  eljîece  ,  un  petic 
bouquet  compofé  de  poils  roides  ,  afl'ez  lem- 
blables  à  des  foies  de  cochon.  La  peintade  a 
furie  front  une  efpece  de  corne  conique  y 
courbée  en  arrière ,  &  couverte  d'une  peau  de 
couleur  tauve ,  brune  &  rougeatre  ;  &  elle  a 
auiîi  des  membranes  charnues  d'un  très- 
beau  rouge ,  qui  pendent  à  côté  de  l'ou- 
verture du  bec  :  les  joues  font  bleuâtres 
dans  le  mâle  &  rouges  dans  la  femelle.  La- 
partie  fuperieure  du  cou  eft  couverte  de 
plumes  noires ,  femblables'  à  des  poils  ;  la 
partie  inférieure  a  une  couleur  cendrée  , 
tirant  fjr  le  violet.  Les  plumes  du  dos, 
du  croupion  ,  les  petites  des  ailes  ,  celles 
du  deflus  de  la  queue  ,  de  la  poitrine  ,  du 
ventre  ,  des  côtés  du  corps  &  des  jambes  ,. 
font  noires  ,  &  ont  des  taches  blanches , 
rondes  &  lymmétriques  ;  le  tour  de  ces 
taches  eft  purement  noir  ,  &:  le  refle  de  la 
plume  eft  d'un  noir  mêle  de  cendré.  Les 
taches  du  dos  font  plus  petites  que  celles 
des  autres  parties  du  corps,  &  il  n'y  a 
pas  de  couleur  cendrée  iur  les  plumes  de 
toutî;  la  face  inférieure  de  l'oi'eau.  Les- 
grandes  plumes  des  ailes  font  noirâtres  ,  &. 
ont  des  fâches  blanches.  La  queue  eil  arron- 
die comme  celle  à^s  perdrix ,  &  de  couleur 
grilè  ;  elle  a  des  tacheô.  blanches  ,  rondes 
&  entourées  de  noir.  Le  bec  eft  rouge  à 
fon  origine,  &  de  couleur  de  corne  vers 
lextrérnité.  Oh  ne  diftingue  le  mâle  de  la 
femelle  ,.  que  par  la  couleur  àcs  joues  donc 
il  a  été  fait  mention.  L  n  élevé  les  pein- 
tades  dans  les  balles- cours  comm.e  des 
poules  ,  &  elles  ont  été  apportées  d'Afri- 
que.  Ornithologie  de  M.  Briilbn.    Voyé\. 

Oiseau. 

PEINTRE,  f.  m.  (PfmO  Artifte  qui 
ftvit  repréfenter  toutes  iortes  d'objets  ,  par  le. 
fecours  èts  couleurs  &  du  pinceau. 

Le  bonheur  à'xxti.  Peintre  eft  d'être  né. 
avec  du  génie  ;.  ce  génie  eft  ce  feu  qui 
élevé  les  Peinf^es  au-deifus  d'eux-mêmes, 
qui  leur  fait  mettre  de  l'amedans  leurs  figu- 
res, &  du  mouvement  dans  leurs  compo- 
fitions.  L'expérience  prouve  lufîî  ànment 
que  tous  les  hommes  ne  naiftent  pas  avec 
un  génie  propre  aies  rendiePf//îfrfj..Nbu& 


54  P  E  ï  ' 

avons  vu  des  hommes  d'elprit ,  quiavoient 
copié  plufieurs  fois  ce  que  la  peinture  a 
produit  de  plus  fublime  ,  vieillir  le  pinceau 
&  la  palette  à  la  main  ,  fans  s'élever  au- 
delîus  du  rang  de  coloriftes  médiocres  & 
de  ferviles  deiiinateurs  d'après  les  figures 
d'autrui.  Les  efprits  les  plus  communs  font 
capables  d'être  des  Peintres  y  mais  jamais 
grands  Peintres. 

Il  ne  fuffit  pas  aux  Peintres  d'avoir  du 
génie,  de  concevoir  des  idées  nobles ,  d'ima- 
giner les  compofitions  les  plus  élégantes  ,  & 
de  trouver  les  expreffions  les  plus  pathéti- 
ques ;  il  faut  encore  que  leurs  mains  aient  été 
rendues  dociles  à  lé  fléchir  avec  précilion  en 
cent  manières  différentes ,  pour  fe  trouver 
capables'  de  tirer  avec  jufteiTela  ligne  que  l'i- 
magination leur  demande.  Le  génie  a  ,  pour 
ainii  dire  ,  les  bras  liés  dans  un  artifle  dont 
la  main  n'eft  pas  dénouée. 

Il  en  eft  de  l'œil  comme  de  la  main  ;  il  faut 
jque  l'œil  d'un  Peintre  foit  accoutumé  de 
jjanne  heure  à  juger ,  par  une  opération  fûre 
&  facile  en  même  temps  ,  quel  effet  doit 
faire  un  certain  mélange  ,  ou  bien  une  cer- 
taine oppolition  de  couleurs  ;  quel  effet  doit 
faire  une  figure  d'une  certaine  hauteur  dans 
Ain  grouppe  ;  &  quel  effet  un  certain  grouppe 
fera  dans  le  tableau ,  après  que  le  tableau  i'era 
4eolorié.  Si  l'imagination  n'a  pas  à  fa  difpo- 
iition  une  main  &  un  œil  capables  de  la 
ièconder  à  fon  gré,  il  ne  réfulte  àts  plus 
belles  idées  qu'enfante  cette  imagination, 
45u'un  tableau  grofller ,  que  dédaigne  l'ar- 
tifle  même  qui  l'a  peint  ;  tant  il  trouve 
j'œuvre  de  fa  main  au-deflbus  de  l'œuvre  de 
ion  efprit. 

L'étude  néceflairc  pour  perfeâionner  l'œil 
êi.  la  main  ,  ne  fe  fait  point  en  donnant 
-quelques  heures  dillraites  à  un  travail  in- 
terrompu ;  cette  étude  demande  une  atten- 
tion entière  ,  &  une  perfévérance  conti- 
nuée durant  plufieurs  années.  On  fait  la 
jnaxime  qui  défend  aux  Peintres  de  laiffer 
découler  un  jour  entier  ,  fans  donner  quel- 
<ques  coups  de  pinceau  ;  maxime  qu'on  ap- 
plique communément  à  tout-es  les  profef- 
lions ,  tant  on  la  trouve  judieieufe  :  nulla 
dies  fine  lineâ. 

Le  feul  temps  de  la  vie  qui  foit  bien 
^opre  à  faire  acquérir  leur  profeflion  à 
J'çeil  1^  à  la  main  ,  eli  le  temps  où  no^ 


P  E  I 

organes ,  tant  intérieurs  qu'extérieurs ,  achè- 
vent de  fe  former;  c'efl  le  temps  qui  s'écoule 
depuis  rage  de  quinze  ans  jufqu'à  trente.  Les 
organes  contradent  fans  peine  ,  durant  cts 
années ,  toutes  leurs  habitudes  ,  dont  leur 
première  conformation  les  rend  fufcep- 
tibles.  Mais  fi  l'on  perd  ces  années  pré- 
cieufes  »  fi  on  les  laifTe  écouler  fans  les 
mettre  à  profit,  la  docilité  des  organes  fe 
pafîè  ,  fans  que  nos  efforts  puiffent  jamais 
la  rappeiler.  Quoique  notre  langue  foit  un 
organe  bien  plus  fouple  que  notre  main  , 
cependant  nous  prononçons  toujours  ipal 
une  langue  étrangère  que  nous  apprenons 
après  30  ans. 

Un  Peintre  doit  connoître  à  quel  genre  de 
peinture  il  efl  propre ,  &  fe  borner  à  ce  gen- 
re. Tel  demeure  confondu  dans  la  foule ,  qui 
feroit  au  rang  des  illufhres  maîtres  ,  s'il  ne  fe 
fût  point  laiffé  entraîner  par  une  émulation 
aveugle ,  qui  lui  a  fait  tenter  de  fe  rendre  ha- 
bile dans  des  genres  de  peinture  pour  Icfquels 
iil  n'étoit  point  né  ,  &  qui  lui  a  fait  négliger 
ceux  auxquels  il  étoit  très-propre.  Les  ou- 
vrages qu'il  a  efîàyé  de  faire  font ,  fi  l'on 
veut,  d'une  clafîe  fupérieure  ;  mais  ne  vaut- 
il  pas  mieux  être  cité  pour  être  un  des  pre- 
miers faifeurs  de  portraits  de  fon  temps ,  que 
pour  un  miferable  arrangeur  de  figures  igno- 
bles &  eftropiées  ? 

Les  jeunes  Peintres  qui  ont  à  cœur  de 
réuflir  ,  doivent  encore  fe  garder  des  paf^ 
fions  violentes  ,  en  particulier  de  l'impa- 
tience ,  de  la  précipitation  &  du  dégoût. 
Que  ceux  qui  fè  trouvent  dans  une  for- 
tune étroite  ,  ne  défefperent  point  de  l'amé- 
horcr  par  l'application  :  l'opulence  détourne 
du  travail  &  de  l'exercice  de  la  main  ; 
la  fortune  eflplus  nuifible  aux  talens  ,  qu'elle 
ne  leur  eil  utile  :  mais  d'un  autre  coté  ,  les 
diflindions  ,  les  honneurs  &  les  récompen- 
fes  font  nécefîâires  dans  un  Etat ,  pour  y  en- 
courager la  culture  des  beaux  Arts  ,  &  y 
former  des  Artifles  fupérieurs.  Un  Pein- 
tre ,  en  Grèce ,  étoit  un  homme  célèbre  aufîi- 
tôt  qu'il  méritoit  de  l'être.  Ce  genre  de 
mérite  faifoit  d'un  homme  du  commun  unt 
perfonnage  ,  &:  il  l'égalolt  à  ce  qu'il  y  avoit 
de  plus  grand  &  de  plus  important  dans 
l'État  :  les  portiques  pubhcs ,  où  les  Pein^ 
très  expofoient  leurs  tableaux  ,  étoient  les 
lieux  où  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  illuûre  4aasi 


P  E  I 

ià  Grèce  fe  rendoit  de  temps  en  temps  pour 
en  juger.  Les  ouvrages  des  grands  maîtres 
fi'éfoient  point  alors  regardes  comme  des 
meubles  ordinaires  ,  deftinés  pour  embellir 
les  appartemens  d'un  particulier  ;  on  les 
réputoit  les  joyaux  d'un  Etat  &  un  tréior 
du  public  ,  dont  la  jouifî'ance  étoit  due  à 
tous  les  citoyens.  Qu'on  juge  donc  de  l'ar- 
deur que  les  Artiftes  avoient  alors  pour 
perfedionner  leurs  talens  ,  par  l'ardeur  que 
nous  voyons  dans  nos  contemporains  pour 
amafïerdu  bien  ,  ou  pour  taire  quelque  choie 
de  plus  noble  pour  parvenir  aux  grands  em- 
plois d'un  Etat. 

Quoique  la  réputation  du  Peintre  foit 
plus  dépendante  du  fuffrage  des  Experts  que 
celle  des  poètes,  néanmoins  ils  ne  (ont  pas  les 
Juges  uniques  de  leur  mérite.  Aucun  d'eux 
ne  parviendroit  que  long-temps  après  la 
mort,  à  la  dilHndion  qui  lui  eftdue,  fi  la 
deflinée  demeuroit  toujours  au  pouvoir  des 
autres  Peintres.  Heureuiejment  Tes  rivaux 
compatriotes  n'en  font  les  maîtres  que 
pour  un  temps.  Le  public  ,  qu'on  éclaire  , 
tire  peu-à-peu  le  procès  à  fon  tribunal  , 
&  rend  à  chacun  la  judice  qui  lui  eft  due. 
Mais  en  particulier ,  un  Peintre  qui  traite 
de  grands  fiijcts ,  qui  peint  des  coupoles 
&  des  voûtes  d'églife  ,  ou  qui  fait  de 
grands  tableaux  deftinés  pour  être  placés 
dans  tous  les  lieux  où  tous  les  hommes  ont 
coutume  de  fe  rafTembler  ,  eft  plutôt  connu 
pour  ce  qu'il  eft ,  que  le  Peintre  qui  tra- 
vaille à  des  tableaux  de  chevalet  deftinés 
pour  être  rentcrmés  dans  des  appartemens 
de  particuliers. 

De  plus  ,  il  efl:  des  lieux ,  des  temps  , 
des  pays  où  le  mérite  d'un  Peintre  eft  plu- 
tôt reconnu  qvi'ailleurs.  Par  e^remple  ,  les 
tableaux  expofés  dans  Rome  feront  plutôt 
appréciés  à  leur  jufte  valeur ,  que  s'ils  étoient 
expolés  dans  Londres  &  dans  Paris.  Le 
goût  naturel  des  Romains  pour  la  peintu- 
re ,  les  occâfions  qu'ils  ont  dé  s'en  nour- 
rir ,  fi  je  puis  parler  ainfi ,  leurs  liiœurs  , 
leur  inadiion  ,  4'occafion  de  voir  perpétuel- 
lement dans  les  éghfcs  &  dans  les  Palais  , 
des  chefs-d'œuvre  de  peinture  ,  peut-être 
fcufli  la  fenfibilité  de  leurs  organes  ,  rendent 
cette  niition  plus  capable  qu'aucune  autre, 
d'apprécier  le  mérite  de  leurs  Peintres  lans 
fc.  CûACOursdes  geas  du-métier.  Enfin,  un 


Peintre  s'eflfait  une  jufie  réputation  ,  quandi 
les  ouvrages  ont  un  prix  chez  les  étrangers  : 
ce  n'efi  point  afiez  d'avoir  un  petit  parti 
qui  les  vante  ,  il  hiut  qu'ils  foient  achetés  6c 
bien  payés.  Voilà  la  pierre  de  touche  de  leur 
valeur. 

Ce  qui  reflerre  quelquefois  les  talens  des 
Peintres,   dit  à  ce  fujet  M.  de  Voltaire  ,. 
&    ce  qui  fembleroit  devoir  les  éteindre  ,. 
c'efi:  le  goût  académique  ,  c'eft  la  manière- 
qu'ils  prennent  d'après  ceux  qui  préfident 
à  cet   art.  Les  académies  font   fans  doute 
très- utiles  pour  former  les  élevés  ,  fur-touc- 
quandlesdiredeurs  travaillent  dans  le  grand= 
goût  ;  mais  fi  le  chef  a  le  goût  petit ,  fi  fa' 
manière  efi  aride  &  léchée,  fi  Ç^^s  figures^ 
grimacent ,  fi  Ces  expreflions  font  infipides,- 
fi  fon  colori  eft  foible  ;  les  élevés  fubjugués; 
par  l'imitation  ,  ou  par  envie  de  plaire  à  un 
mauvais  maître  ,  perdent  entièrement  l'idée- 
de  la  belle  nature.  Donnez-moi  un  artifte 
tout  occupé  de  la  crainte  de  ne  pas  faifir  la- 
maniere  de  les  confrères  ,  fes  productions 
feront  comparées  &  contraintes.  Donnez-- 
moi  un  homme  d'un  elprit  libre  ,  plein  de' 
la  belle  nature  qu'il  copie ,  cet  homme  réul^ 
fira.  Prefque  tous  les  artiftes  fubhmes,  ow 
ont  fleuri  avant  les  établiflemerrs  des  aca- 
démies ,  ou  ont  travaillé  dans  un  goût  dif-- 
férent  de  celui  qui  régnoit  dans  ces  fociétés  j- 
prefque  aucun  ouvrage  qu'on  appelle  ^ta- 
démique  y  n'a  été  encore  dans  aucun  genre 
un  ouvrage  de  génie. 

Si  préfentement  le  ledeur  eft  curieux  de 
connoître  les  célèbres  Peintres  modernes  , 
il  en  trouvera  la  lifte  générale  fous  \es 
Artiftes  des  différentes  écoles  ;  mais  com- 
me les  noms  &  le  caradere  des  anciens 
Peintres  méritent  encore  plus  d'être  re- 
cueillis dans  cet  ouvrage  ,  voye'^  PEIN- 
TRES anciens,  {L&  chevah   de   Jau-* 

COURT.) 

Peintres  Grecs,  (Peint. antiq.)  Ils 
font  fi  célèbres  dans  les  écrits  de  lanti- 
quifé  ,  &  leurs  ouvrages  font  fi  liés  à  la 
connoifîance  de  la  peinture,  que  les  détails 
qui  Ifs  regardent  appartiennent  eftènrielle-- 
ment  à  V Encyclopédie.  D'ailleurs ,  ils  inté- 
rcflênt  prefque  également  les  littérateurs ,  les- 
curieux  &  les  gens  de  métier. 

Les  Peintres  de  la  Grèce  qui  ont  prati-' 
que  les  preaiiers  cet  art ,  font ,  lèlon  Pline  ,- 


5^  P  E  I 

Ardices  de  Corinthe  &  Téleplianes  de  Sy-- 
cione,  enfuire  parurent  Ciéophante  de  Co- 
rintlie ,  i'aiireur  de  la  peinture  monochrome , 
auquel  fuccéderent  Hygiémon  ,  Dinias  , 
Charmidas  ,  Eumarus  d'Athènes  &  Cimon 
de  Cléone  ;  mais  l'hifloire  n'a  point  fixé  le 
temps  où  ils  ont  vécu  ,  &  Pline  ne  nous 
dit  que  quelqu-es  particularités  des  deux 
derniers. 

Ludius  ,  Peintre  d'Ardéa  ,  différent  du 
Ludius  d'Augufte ,  qui  fit  quelques  peintu- 
res à  Cœré ,  ville  d'Etrurie  ,  paroît  avoir 
été  pofiérieur  à  Ciéophante  ,  à  Cimon  , 
auteur  des  premières  beautés  de  l'art.  Si 
donc  on  place  la  fondation  de  Rome  en  l'an 
753  avant  l'ère  chrétienne  ,  il  en  réfulteroit 
aficz  vraifemblablement  que  Ludius  auroit 
vécu  pour  le  plus  tard  vers  l'an  7^5  avant 
Jefus-Chrifl,  l'anonyme  de  Cœré  vers  l'an 
780  ,  Cimon  vers  l'an  795  ,  Eumarus  vers 
l'an  8 10  ,  Charmidas ,  Dinias  &  Hygiémon , 
vers  l'an  825  ,  &  Ciéophante  l'ancien  vers 
l'an  840. 

Bularque  ,  qui  le  premier  introduifit  l'u- 
fage  de  plufieurs  couleurs  dans  un  fèul  ou- 
vrage de  peinture,,  &  qui  étoit  contempo- 
rain du  Roi  Candaule  ,  vécut  vers  l'an  730 
avant  Jefus-Chrift.  Nous  n'avons  point  la 
fuite  âes  Peintres  Grecs  depuis  Bularque , 
c'efi-à-dire  ,  depuis  l'an  environ  730  juf- 
qu'à  la  bataille  de  Marathon  ,  qui  fe  donna 
fan  490, 

Panée  ou  Panxnus  peignit  cette  batail- 
le ;  &  comme  de  fon  temps  ,  l'ufage  de 
concourir  pour  le  prix  de  peinture  fut 
établi  à  Corinthe  &  à  Delphes  ,  il  fe  mit 
fur  les  rangs  le  premier  ,  pour  concourir 
avec  Timagoras  de  Chalcis ,  l'an  474  avant 
Jefiis-Chrilh 

Après  Panaenus  ,  &  avant  la  ÇO^.  olym- 
piade ,  parut  Polygnote  de  Thafos  ,  fils 
d'Aglaophon  ,  &  fùrnommé  quelquefois 
Athénien  y  parce  qu'Athènes  le  mit  au  nom- 
bre de  Tes  citoyens.  Il  eut  pour  contempo- 
rain le  Peintre  Micon  ,  NeCas  de  Thalbs , 
Démophile  qui  fit  des  ouvrages  avec  Gorga- 
nus  dans  un  temple  de  Rome. 

Vers  la  90^  olympiade  ,  c'efl-à-dire  , 
l'an  420  avant  Jefiis-Chrif} ,  parurent  un 
autre  Aglaoph&n  ,  différent  du  père  de 
Polygnote  ,  Céphiffodore ,  dont  le  nom  a 
ézé  commun  à  différens  Sculpteurs ,  Phry- 


P  El 

lus ,  &:  Evenos  d'Ephefe.  Vers  le  même 
temps  doivent  être  placés  deux  autres  Pein- 
tres, qu'Arifiote  a  mis  à  la  fuite  de  Poly- 
gnote ;  l'un  eft  Paufon ,  &  l'autre  Denys 
de  Colophon  ,  tous  deux  antérieurs  à  Tan 
404 ,  qui  fut  l'époque  des  grands  Peintres 
de  la  Grèce."  Polygnote  ,  en  peignant  les 
hommes,  les  rehaufla  ;  Paufon  les  aviHt , 
&  Denys  les  repréfenta  ce  qu'ils  ont  cou- 
tume d'être. 

Vers  l'an  41$,  vécurent  Nicanor  &  Ar- 
céfilaus  ,  tous  les  deux  de  Paros  ,  &  Ly- 
fippe  d'Egine  ;  ils  font  après  Polygnote , 
&  font  les  trois  plus  anciens  Peintres  en- 
caufiiques.  Briétés  ,  autre  Peintre  encaufii- 
que  ,  les  fiiivit  de  près  ;  il  eut  pour  fils  & 
pour  élevé  Paufias  ,  célèbre  vers  l'an  375. 
A  la  94^.  olympiade  ,  l'an  404  ,  Apol- 
lodore  d'Athènes  ouvrit  une  nouvelle  car- 
rière, &  donna  naiflance  au  beau  fiecle 
de  la  peinture.  La  quatrième  année  de  la 
95^  olympiade-,  l'an  397  ,  Zeuxis  ,  de  la 
ville  d'Héraclée ,  entra  dans  la  carrière  qu'A- 
pollodore  avoit  ouverte  ,  &  il  y  fit  de  nou- 
veaux progrès. 

Parhafius  d'Ephefe,  Timanthe  de  Cith- 
nos ,  Androcyde  de  Cyzique  ,  Euxénidas 
&  Eupompe  de  Sicyone  ,  ont  tous  été  con- 
temporains de  Zeuxis  ,  &  la  plupart  enri- 
chirent l'art  de  quelques  nouvelles  beautés. 
Eupompe ,  en  particulier ,  donna  le  com- 
mencement à  une  troifierae  claffe  de  Pein- 
tres à  l'école  Sycionienne  ,  différente  de 
l'Ionienne  ou  Afiatique,  &  de  l'Athénienne 
ou  Heîladique. 

Arifîophon ,  dont  Pline  rapporte  diffé- 
rens ouvrages  ,  fans  déterminer  le  temps  où 
il  vivoit ,  parce  que  c'étoit  un  Peintre  da 
fécond  rang  ,  doit  avoir  fuivi  de  fort-près 
les  artiftes  précédens ,  &  s'être  fait  con- 
noîtrc  vers  l'an  390.  Il  étoit  fils  d'Aglao- 
phon ,  célèbre  en  Tan  420  avant  l'ère 
chrétienne. 

En  l'an  380  commença  la  ioo«.  olym- 
piade ,  après  laquelle  Pline  met  Paufias  de 
Sycione  ,  dont  la  célébrité  appartient  à  la 
10 1^.  olympiade  ,  vers  l'an  376  :  il  fut ,  à 
proprement  parler  ,  l'auteur  de  la  belle 
encauftiquc  ;  il  inventa  la  ruption  de  la 
couleur  dans  le  noir  ,  comme  Zeuxis  l'avoit 
fait  dans  le  blanc. 
Pamphile  de  Macédoine  ayant  été  Téleve 

d'Eupompe 


P  E  I 

<S*Eupompe  &  le  maître  d'Apelle  ,  florif- 
foic  vers  la  364'.  Olympiade  ,  avec  Ctéfy- 
deme ,  Peintre  du  fécond  rang  ;  Eu  phranor, 
natif  de  llfthrae  de  Corinthe  ,  &c  Cydias 
de  Cythnos.  Caladès  ,  qui  compofà  de  pe- 
tits fujets ,  doit  être  placé  un  peu  après. 

A  la  1 07*  olympiade  ,  Tan  3^1,  Échion 
&:  Térimachus ,  habiles  Statuaires  ,  fe  firent 
encore  honneur  par  leur  pinceau  ,  ainii 
qu'Ariftolaiis  &  Méchopane  ,  Peintres  en- 
caufliques  ,  celui-là  fils  ,  celui-ci  élevé  de 
Paufias.  Antidotus  ,  autre  Peintre  encaufti- 
que  ,  les  fuivit  de  'près ,  &  appartient  en- 
viron à  l'an  348.  On  doit  placer  Calliclès 
environ  dans  le  même  temps. 

La  1 1 1*.  olympiade ,  autrement  l'an  551, 
nous  préfente  ,  fous  le  règne  d'Alexandre , 
Apelie  ,  Antiphyle  ,  Ariftide  le  Thébain, 
Afclépiodore  ,  Théomnefte  ,  Nicomaque  , 
Mélanthius  ,  Amphion  ,  Nicophane  , 
^tion  ,  Nicias  d'Athènes ,  enfin  ,  Proto- 
gene  &  quelques  autres  Peintres  du  pre- 
mier mérite. 

Tels  ont  été  dans  Tordre  chronologi- 
que les  principaux  Peintres  qui  ont  illuftré 
ia  Grèce  \  il  s'agit  maintenant  d'entrer 
dans  des  détails  plus  intérelïans  ,  je  veux 
dire  ,  de  faire  connoître  leurs  caraâreres  , 
leurs  talens  «Si  leurs  ouvrages.  Je  n'oublie- 
rai rien  ,  à  tous  ces  égards  ,  pour  fatisfaire 
la  curiofité  des  Lcéleurs  \  ôc  pour  leur  com- 
modité ,  je  vais  fuivre  Pordre  alphabétique. 

^tion  eft  fameux  par  fa  belle  &  grande 
compofition  ,  qui  repréfentoit  le  mariage 
d'Alexandre  &  de  Roxane.  Lucien  décrit 
avec  admiration  ce  chef-d'œuvre  de  Part  \ 
ôc  fur  fa  defcription  ,  on  ne  peut  s'empê- 
cher de  convenir  que  ce  tableau  devoir 
furpafl'er  infiniment,  pour  les  grâces  de  l'in- 
vention de  pour  Pélégance  des  allégories  , 
ce  que  nos  plus  aimables  Peintres  ,  &  ce  que 
l'Albane  lui-même  a  fait  de  plus  riant  dans 
le  genre  des  compofitions  galantes.  Emprun- 
tons la  tradudion  de  M.  PAbbé  du  Bos  j 
elle  eft  faite  avec  autant  de  goût  tk.  de  choix 
d'expreffions  ,  que  Pline  en  a  mis  en  par- 
lant d'un  tableau  d' Ariftide. 

Roxane  étoit  couchée  fur  un  lit  ;  la  "beauté 
de  cette  fille  ,  relevée  encore  par  la  pudeur  , 
lui  faifoit  baifler  les  yeux  à  l'approche 
d'Alexandre  ,  &  fixoit  fur  elle  les  premiers 
regards  du  fpedateur.  On  la  reconnoilfoit 
Tome  XXV. 


P  E  I  ^7 

fans  peine  pour  la  figure  principale  du  ta* 
bleau.  Les  amours  s'emprefibient  à  la  fervir. 
Les  uns  prenoient  fes  patins  de  lui  ôtoient 
fes  habits  j  un  autre  amour  relevoit  fon 
voile  ,  afin  que  fon  amant  la  vit  mieux  -, 
&:  par  un  fourire  qu'il  adrelToit  à  ce  prince , 
il  le  félicitoit  fur  les  charmes  de  fa  mai- 
trefiè.  D'autres  amours  faififlbient  Alexan- 
dre ,  &  le  tirant  par  fa  cotte -d'armes  ,  ils 
l'entraînoienc  vers  Roxane-,  dans  la  pofture 
d'un  homme  qui  vouloir  mettre  fon  dia- 
dème aux  pies  de  l'objet  de  fa  palïion  : 
Epheftion  ,  le  confident  de  l'intrigue  ,  s'ap- 
puyoit  fur  l'hyménée  j  pour  montrer  que 
les  fervices  qu'il  avoir  rendus  à  fon  maître  , 
avoient  eu  pour  but  de  minager  entre  Ale- 
xandre &  Roxane  une  union  légitime.  Une 
troupe  d'amours  en  belle  humeur  badinoit 
dans  un  des  coins  du  tableau  avec  le;>  armes 
de  ce  Prince. 

L'énigme  n'étoit  pas  bien  difficile  à  com- 
prendre ,  &  il  feroit  à  fouhaiter  que  les 
Peintres  xnoàemQS  n'euffent  jamais  inventé 
d'allégories  plus  obfcures.  Quelques-uns  de 
ces  amours  portoient  la  lance  d'Alexandre  , 
&c  ils  paroifioient  courbés  fous  un  fardeau 
trop  pefant  pour  eux  j  d'autres  fè  jouoienc 
avec  ion  bouclier  :  ils  y  avoient  fait  alleoir 
celui  d'cntr'eux  qur  avoitfait  le  coup  ,  &  ils 
le  portoient  en  triomphe  ;  tandis  qu'un  autre 
amour  ,  qui  s'étoit  mis  en  embufcade  dans 
la  cuirafie  d'Alexandre  ,  les  attendoit  au. 
partage  pour  leur  faire  peur.  Cet  amour  em- 
bufqué  pouvoir  bien  reflémbleràquelque  au- 
tre maîtreflè  d'Alexandre  ,  ou  bien  à  quel- 
qu'un des  Miniftres  de  ce  Prince  qui  avoit 
voulu  traverfer  le  mariage  de  Roxane. 

Un  Poëre  diroit  ,  ajoute  M.  l'Abbé  du 
Bos ,  que  le  dieu  de  l'hyménée  fe  crut  obli- 
gé de  récompenfer  le  Peintre  qui  avoit  célé- 
bré fi  galamment  un  de  fes  triomphes.  Cet 
artifte  ingénieux  ayant  expofé  fon  tableau 
dans  la  folemnité  des  jeux  olympiques  , 
Pronéféides ,  qui  devoir  être  un  homme  de 
grande  confidération  ,  puifque  cette  année- 
là  il  avoit  l'intendance  de  la  fête  ,  donna  fà 
fille  en  mariage  au  Peintre.  Raphaël  n'a  pas 
dédaigné  de  crayonner  le  fujet  décrit  par 
Lucien  :  fon  de  (fin  a  été  gravé  par  un  des 
difciples  du  célèbre  Marc-Antoine.  Enfin  , 
la  poéfie  même  s'en  eft  parée.  M.  de  Vol- 
taire en  a  emprunté  divers  traits ,  oout  ena- 

N 


^8  p  E  I 

bellir  la  polition  d'Henri  IV  &  de  Gabrielle 
d'Eftrée  ,  dans  le  palais  de  Tamour.  On  fai: 
par  cœur  les  vers  charmans  qu'il  a  imités 
de  l'ordonnance  du  tableau  à'Mtion  ,  ces 
vers  qui  peignent  Ci  bien  la  vertu  langui! - 
lànte  d'Henri  IV. 

,  Xe s  folâtres  plajfir s  dans  le  fein  du  repos  , 
Les  amours  enfantins  défarmoient  ce  héros  ; 
L'un    tenait   fa     cuirr.Jfe    en£or    de    fang 

trempée  , 
L^ autre  arcit  détache  fa  redoutable  épée  , 
Et  rioit  de  tenir  dans  fes  débites  mains 
Ce  fer  ,    l'appui  du    trône    &  Ve^roi    des 

humains. 

Mais  il  faut  convenir  que  ceft  ici  un 
des  fujcts  où  le  Peintre  peut  faire  des  im- 
prefïïons  beaucoup  plus  louchantes  que  le 
Poè'te.  Il  eft  auiïî  d'autres  fujets  plusavan- 

-tageux  pour  le  Poè'te  que  pour  le  T cintre. 
■  Agatharque  ,  de  Saraos ,  travailla  le  pre- 
mier 3  à  la  folliciration  d'Efchile  ^aux  embel- 
lilTèmens  de  la  fcene  ,  félon  les  règles  de  la 

■  perfpedtive  ,  fur  laquelle  il  compoia  mêrne 
un  Traité  pour  faire  des  décorations  en  ce 
genre.  Plutarque  ,  Vitruve  &  Suidas  nous 
apprennent  en  même-temps  ,  qu'il  floriflbit 
vers  la  75*  olympiade  ,  c'eft-à-dire  4S0 
ans  avant  Jefus-  Chrift, 

Aglaophon.  Athénée  cire  deux  tableaux 
d'Aglaophon  :  dans  Pu»  ,  Alcibiade  ,  reve- 
nant des  jeux  olympiques  ,  éroit  repréfenté 
couronné  par  les  mains  d^une  Olympiade 
&  d'uhe  Pyrhlade  ,  c'eft-à-dire  ,  par  les 
déefles  qui  préfidoient  à  ces  jeux  ;  &  dans 

-L'autre  ,  il  étoit  couché  fur  le  fein  de  la 
courtifane  Némea  ,  comme  fe  délavant  de 
fes  travaux.  Ce  dernier  tableau  d' Alcibiade 
nous  rappelle  celui  que  Lucrèce  fait  de 
Mars  couché  fur  le  fein  de  Vénus  ,  mor- 
ceau de  poéiie  comparable  aux  plus  beaux 
morceaux  d'Homiere.  La  grande  gloire 
à'Aglacphwi  eft  d'avoir  eu  pour  fils  & 
pour  élève  le  célèbre  Polygnote. 

Antîdotûs ,  élevé  d'Eu phranor  ;  diligen- 
tior  quàm  numercfor  ,   Ù  in  coloribus  feve- 

•  rus  ,  dit  Pline.  Il  fuf  plus  foigneux  que 
fécond   ,  &  ^rès-exaû   dans  fa   couleur  , 

■■  e'eft-à-dire  ;  qu'il  obferva  la  couleur  locale, 
Se  qu'il  ne  s'écarta  point  de  la  vérité.  Cet 
Antidotus  eut  pour  élevé  Nicias ,  Athénien  , 

"<5iîî  peignit  fi  parfaitement  les  femmes  ,,:& 


P  E  I 

ont  il  y  aura  de  plus  grands  éloges  à  rap-- 
^  orter  ;  car  il  conlcrva  avec  foin  la  vérité 
de  la  lumière  &  celle  des  ombres  ,  lumen 
&  umbras  cujîodivit  ,  c'eft-à-dire  ,  qu*l  y 
a  mieux  entendu  Je  clair-obfcur  ;  &  par 
une  fuite  néceflaire  ,  les  figures  de  fes  ta- 
bleaux prenoient  un  grand  relief ,  &  les 
corps  paroilToient  faillans. 

Antiphile  ,  né  en  Egypte  ,  contempo- 
rain de  Nicias  &  d'Apelle  ,  fe  montra  fors 
étendu  dans  fon  art  ,  &  réullic  également 
dans  les  grands  &  les  petits  fujets.  Il  pei- 
gnit Philippe  ,  &  Alexandre  encore  enfant  ; 
mais  il  s'acquit  beaucoup  plus  de  gloire  par 
le  portrait  d'un  jeune  garçon  qui  fouiïloit 
le  feu  ,  dont  la  lueur  éclairoit  un  apparte- 
m.enrd^ailleurs  fort  orné  ,  &  faifoit  briller 
la  beauté  du  jeune  homm-e.  Pline  loue  cet 
ouvrage  de  nuit  ,  &  avec  raifon  ;  car  il 
n'en  faut  pas  davantage  pour  prouver  que 
cette  pnrt^e  de  la  Peinture  ,  qui  confifte 
dans  la  belle  entente  des  refiers  &  du 
clair-obfcur  ,  étoit  connue  de  l'ingénieux 
Antiphile  ,  quoique  M^  Perrault  en  ait  re- 
fufé  rintelligenee  aux  anciens. 

Le  même  Antiphile  a  été  l'inventeur  dii 
grorefque  :  il  repréfenta  dans  ce  goût  Gryl- 
,lus  j  apparemment  POlympionique  de  ce 
nom ,  que  Diodore  place  à  la  cent  douzième 
Oîympiac'e  ,■  &  le  nom  de  Grylliis  fut 
confervé  dans  la  fuite  à  tous  les  tableaux 
qu-e  l'on  voyoit  à  Rome  ,  &.  dont  l'objst 
pouvoit  être  pîaifant  ou  ridicule.  C'eftainfî. 
que  l'on  a  nommé  en  Italie  ,  depuis  le 
renouvellement  des  arts,  bamlochades  ,  les 
periies  figures  faites  d'après  le  peuple  ,  ôc 
que  Pierre  Van  Laïr  ,  Hollandois  ,  fur- 
nommé  Bamboche  par  un  fobriquet  que 
m^éritoit  la  figure  ,  avoir  coutume  de  pein- 
dre. C'eft  encore  ahiii  que  nous  difons  une 
figure  a  calot  ,  quand  elle  eft  chargée  de 
quelque  ridicule  ,  ou  de  quelque  imperfec- 
tion donnée  psr  la  nature  ou  furvenue  par. 
accident  \  non  que  cet  habile  DeiTmateur 
n'ait  fait  ,  commx  Antiphile  ,  des  ouvra- 
ges d'un  aune  genre  :  mais  il  eft  fingulier 
de  voir  combien  de  monde  fe  Tcpete  dans 
les  opérations  ,  dans  celles  même  qui  dé- 
pendent le  plus  de  l'efprit; 

Apaturius  :  ce  pireftige  de  la  peinture' ,, 
qui  Gonîifte  à  éloigner  des  objets  dans  un 
tableau.  ,,£iiré  fuir. les  uns  ôc  rapprocheriez. 


P  E  I 

autres  ,  eft  un  prefcige  que  connoilîoient 
les  anciens  i  Apaturius  en  donna  des  preu- 
ves dans  une  décaiarion  de  théâtre  qu^il 
iîc  à  Tralles  ville  de  Lydie.  Nous  en 
parlerons  au  mot  Perspective,  C'efr 
Yitruve  feul  ,  liv.  VII ,  ckap.  v  ,  qui  nous 
a  confervé  le  fouvenir  du  Peintre  Apatu- 
rius ,  (ans  nous  apprendre  ni  fa  patrie ,  ni 
dans  quel  temps  il  vivoit. 

Apelle  j  né  Pan  du  monde  5671  ;  il  eut 
au  degré  le  plus  émincnt  la  grâce  &  Inélé- 
gance pour  caraélérifer  Ton  génie  ,  le  plus 
beau  coloris  pour  imiter  parfaitement  la 
nature ,  le  fecret  unique  d'un  vernis  pour 
augmenter  la  beauté  de  fes  couleurs ,  6c  pour 
conferver  fes  ouvrages.  Il  fe  décela  à  Pro- 
togene  par  fa  juftefiè  dans  le  deffin  ,  en 
traçant  des  contours  d''une  figure  {lineas) 
fur  une  toile.  Il  inventa  l'art  du  profil  pour 
cacher  les  défauts  du  vifage.  Il  fournit  aux 
aftrologues ,  par  Çts  portraits  ,  le  {ècours  de 
tirer  l'horofcope  ,  (ans  qu'ils  vilTènt  les  ori- 
ginaux. Il  mit  le  comble  à  fa  gloire  par  fon 
tableau  de  la  calomnie  ,  &  par  (a  Vénus 
Anadyomene  ,  que  les  Poètes  ont  tant 
célébrée  ,  &  qu^Augufte  acheta  cent  talens , 
c'eft-à-dire  ,  félon  le  P.  Bernard  ,  environ 
vingt  mille  guinées  ;  ou  ,  félon  Mrs.  Belley 
&  Barthelemi  ,  470000  liv.  de  notre  mon- 
noie.  Enfin  ,  Apelle  contribua  lui  feul ,  plus 
que  tous  les  autres  artiftes  enfemble  ,  à  la 
perfLx5tion  de  la  peinture  ,  par  fes  ouvrages 
&  par  fes  écrits  ,  qui  fubfiftoient  encore  du 
temps  de  Pline.  Contemporain  d'Ariitote  & 
d^Alexandre  ,  l'un  le  plus  grand  Philofo- 
phe  ,  lautre  le  plus  grand  conquérant  qu'il 
y  ait  'jamais  eu  dans  le  monde  ,  Apelle  eft  ' 
àuflî  le  plus  grand  Peintre. 

Il  vivoit  vers  la  1 1 1'.  olympiade  :  il  étoit 
de  Cos ,  fclon  Ovide  ;  d'Ephefe  ,  fuivant 
Strabon  ;  &  fi  Pon  en  croit  Suidas  ,  il  étoit 
originaire  de  Coloj.ihon  ,  6c  devint  citoyen 
d^Hphefe  par  adoption.  Cette  diverfité  de 
fentimens  femble  ijidiquer  que  plufieurs 
villes  fe  difputoient'.rhonneur  d'avoir  donné 
naiflance  à  ce  grand  Peintre  ,  comme 
d'autres  villes  fe  -font  difputé  l'homieur 
d'être  la  patrie  d'Homère. 

Les  hAbitans  de  Pergame  achetèrent ,  des 
deniers  publics  ,  un  palais  ruiné  où  il  y 
ayoit  quelques  peintures  d'Apelle  ;  non- 
feulement ,  dit  Solin  ,  pour  empêcher  les 


P  E  I  5>^ 

araignées  de  tendre  leurs  toiles  dans  une 
mai  fon  que  les  ouvrages  de  cet  excellent 
artifte  rendoi^nt  rcfptd;abîe  ,  mais  encore 
pour  les  garantir  des  ordures  des  oifeaux. 
Les  citoyens  de  Pergame  firent  plus  ,  ils 
y  fufpendirent  le  corps  d* Apelle  dans  un 
réièau  de  fil  d'or.  On  pourroit  expliquer 
ce  paflàge  ,  en  imaginant  qu'ils  firent  cou- 
vrir &  réparer  ce  vieux  palais  ,  qui  fans 
doute  étoit  inhabité  ,  ôc  dont  nous  dirions 
aujourd'hui  que  c'étoit  un  nid  de  chauve- 
fouris  ,  &c.  par  cette  explication ,  le  récit 
de  Sohn  n'auroit  rien  de  ridicule.  Mais  il 
n'importe  ,  il  fuffit  de  croire  que  tous  les 
foins  qu'on  prit  ,  eurent  pour  objet  l'illuf- 
tration  de  la  mémoire  d'Apclle  ,  de  la  cor- 
(èrvation  de  (es  ouvrages  :  leur  beauté  n'c- 
toit  rien  à  la  reficmblance  ;  ce  qui  fit  dire 
à  Apion  d'un  métopofcope  ,  qu'il  dre(ïbic 
des  jugemens  certains  fur  le  front  d'une 
tête  tirée  de  la  main  d'Apellc. 

C'eft  le  Peintre  fur  lequel  Pline  ,  ain(i 
que  tous  les  Auteurs  ,  s'eft  le  plus  étendu  , 
&  dont  il  a  le  mieux  parlé.  Voici  un  de  fes 
paflages  :  Pinxit  ù  quce  pingi  non  pcjfunt , 
tonitrua  ,  fulgura  ,  fulgetraque  ,  bronten  , 
ajîrapen  ,  ceraunobclian  appellant  :  inventa 
ejus  j  &  cœteris  proficere  in  arte.  Toutes  ces 
différences  de  noms  données  autrefois  à 
la  foudre  ,  ne  conviennent  plus  à  la  fim- 
plicité  de  nos  principes  phyfiques  ;  mais  il 
(èmble  que  l'art  devoit  être  bien  reflerré 
dans  les  grands  effets  de  la  nature  avant 
Apelle  ,  il  elle  lui  a  l'obligation  dont  parle 
Pline. 

Il  avoir  repréfcnté  Alexandre  ayant  le 
foudre  en  main  :  Digiti  cminere  vident ur  , 
&  fulnien  extra  t-abuLim  ejffe.  Cette  attitude 
indique  un  raccourci  des  plus  nobles  &  des 
plus  heureux  ,  &  cette  defcription  eft  vrai- 
ment fiite  par  un  homme  de  Part  ,  car 
Raphaël jie  (e  feroit  pas  exprimé  autrement, 
en  parlant  d'un  tableau  de  Klichel-Ange  : 
"  La  main  étoit  faiilanre  ,  &  le  foudre  pa- 
"  roiftoit  hors  de  la  toile.  « 

On  ne  peut  fe  réfoudre  à  quitter  Apelle, 
cet  homme  qui  a  réuni  tant  de  qualités  du 
cœur  &  de  l'efprit  ,  qui  a  joint  Pélévation 
du  talent  à  celle  du  génie  ,  &  qui  a  été 
enfin  aflez  grand  pour  fe  louer  Ç^ns  partia- 
lité ,  &  pour  fe  blâmer  avec  vérité  ;  on  ne 
peut  5  dis-je  ,  le  quitter  (ans  parler  dé  l'idée, 
N  a 


joo  P  E  I 

que  donne  k  defcriprion  d'un  de  Tes  ouvra- 
ges. C'eft  le  tableau  de  Diane  &  de  Tes 
nymphes  ,  dont  Pline  dit  '.•Quitus  vicijfe 
Homeri  ver  fus  videîur  idipfum  defcribentis. 
L'admiration  que  l'on  a  pour  Homère  ,  lui 
que  Phidias  voulut  prendre  pour  ion  leul 
guide  dans  Texécution  du  Jupiter  ,  qui  lui 
fit  un  honneur  immortel  ;  la  fupériorité  que 
l'antiquité  accorde  à  Apelle  ;  enfin  ,  la  réu- 
nion de  cts  deux  grands  hommes  fera  tou- 
jours regretter  ce  tableau. 

Pline  parle  fort  noblement  de  la  Vénus 
d'Apelle  ,  que  la  mort  Pempêcha  d'ache- 
ver ,  &  que  perfonne  n*o{a  finir.  "  Elle 
j>  caufoit  plus  d^admiration  ,  dit-il ,  que  fi 
»  elle  avoit  été  terminée  ;  car  on  voit  dans 
»  les  traits  qui  reftent  ,  la  penfee  de 
»  l'Auteur  ,  &  le  chagrin  que  donne  ce 
w  qui  n'efi:  point  achevé,redoublc  l'intérêt." 

Le  même  Pline  ,  pour  caracftérifer  encore 
plus  particulièrement  Apelle  ,  dit  de  lui  : 
Pracipua  ejus  in  arte  venufias  fuit.  La  ma- 
nière qui  le  rendit  ainfi  lupérieur  ,  confifioit 
dans  la  grâce  ,  le  goiit ,  la  fonte  ,  le  beau 
choix,  &  pour  faire  ufage  d'un  mot  qui 
réunilfe  une  partie  des  idées  que  celui  de 
venvjfas  nous  donne  ,  dans  le  morbidezza  , 
terme  dont  les  Italiens  ont  enrichi  la  lan- 
gue des  artiftes.  Quoiqu'il  foit  difficile  de 
lefufer  des  talens  fupérieurs  à  quelques-uns 
des  Peintres  qui  ont  précédé  celui-ci  ,  il 
faut  convenir  que  toute  l'antiquité  s-'eft 
accordée  pour  faire  Ton  éloge  ;  la  juftefie 
de  Tes  idées  ,  la  grr.ndeur  de  (on  ame  ,  fbn 
caradere  enfin  ,  doivent  avoir  contribué 
à  un  rapport  unanime.  Il  recevoit  le  Ctn- 
timcnt  du  public  pour  fe  corriger  ,  &  il 
l'enttndoit  lans  en  être  vu.  Sa  réponfe  au 
Cordonnier  devint  (ans  peine  un  proverbe  , 
parce  qu'elle  cft  une  leçon  pour  tous  les 
nommes  :  ils  font  trop  portés  à  la  décifion  , 
&  font  en  même  temps  trop  parefl'eux  pour 
étudier. 

Enfin  ,  Apelle  fut  in  cemulis  ienignus  , 
ôc  ce  fentiment  lui  fit  d'autant  plus  d'hon- 
neur ,  qu'il  avoit  des  rivaux  d'un  grand 
mérite.  Il  trouvoit  qu'il  manquoit  dans  tous 
les  ouvrages  qu'on  lui  préfentoit  :  Unam 
renerem  ,  quant  Grceci  charita  vacant  ;  cce- 
tera  omnia  ccntigijfe  :  feâ  hâc  fotâfbi  nemi- 
nem  parem.  Il  faut  qu^il  y  ait  eu  une  grande 
vérité  dans  ce  difcours  ,  &  qu' Apelle  ai: 


P  E  I 

pofïedé  véritablement  les  grâces ,  pour  avofr 
Forcé  tout  le  monde  d'en  convenir  ,  après 
l'aveu  qu'il  en  avoit  fait  lui-même.  Cepen- 
dant lorfqu'il  s'accordoit  Ç\  franchement  ce 
qui  lui  étoit  dû  ,  il  diloit  avec  la  même 
vérité  ,  qu''Amphion  le  furpafloit  pour  l'or- 
donnance ,  &  Afclépiodore  pour  les  propor- 
tions ou  la  corredtion.  C'eft  ainfi  que  B  a- 
phael ,  plein  de  jullefié  ,  de  grandeur  ôd 
de  grâce  ,  parvenu  au  comble  de  la  gloire  , 
reccMinoifloit  dans  Michel-Ange  une  fierté 
dans  le  goût  du  deffin  ,  qu  il  chercha  à 
faire  p-^fièr  dans  fa  manière  ;  &  ce^te  cir- 
conftitrice  peut  fervir  au  parallèle  de  Ra- 
phaël &  d'Apelle. 

Apollodore  ,  Athénien  ,  vivoit  dans  \à 
quatre-vingt-quatorzième  olympiade  ,  l'an 
du  monde  ^S^Ci'  Il  fut  le  premier  qui  re- 
préfenta  la  belle  nature  ;  qui ,  à  la  correélion 
du  defïin  ,  mit  l'entente  du  coloris  ,  cette 
magie  de  l'art  ,  qui  ne  permet  point  à  ua 
ipectareur  de  palîèr  indifféremment ,  mais 
qui  le  rappelle  &  le  force ,  pour  ainfi  dire  ,, 
de  s'arrêter.  Apollodore  ,  par  fon  intelli- 
gence dans  la  diftribution  des  ombres  &  des 
lumières  ,  porta  la  peinture  à  un  degré  de 
force  &  de  douceur  où  elle  n'étoit  poine 
parvenu  avant  lui.  On  admiroit  encore  ,  du 
temps  de  Plutarque  ,  le  prêtre  profterné  , 
&  PAjax  foudroyé  de  ce  grand  maître.. 
Pline  le  jeune  avoit  un  vieillard  debout  , 
de  la  main  de  cet  anifte  ,  qu'il  ne  fe  ladbit 
point  de  confidérer.  En  un  mot ,  dit-il  dans 
la  defcription  qu'il  en  fiiit ,  tout  y  eft  d'une 
beauté  à  fixer  les  yeux  des  maîtres  de  Part , 
&  à  charmer  les  yeux  des   plus  ignorans. 

Apollodore  profita  des  lumières  de  ceux 
qui  l'avoient  précédé.  Pline  en  parle  en  ces 
termes ,  liv.  XXXV  ,  ch.  ix  :  Hic  primus 
Jpeciës  exprimere  infîituit ,  primufque  glo^ 
riam  ,  penicillo  jure  coniulit.  Ce  que  M. 
de  Caylus  traduit  ainfi  :  "  Il  fut  le  premier 
."  qui  exprima  la  couleur  locale  ,  &  qui 
»  établit  une  réputation  fur  la  beauté  de 
»  fon  pinceau.  »  On  voit  par- là  que  du- 
temps  de  Pline  ,  &  fans  doute  dans  la  Grè- 
ce ,  la  couleur  &  le  pinceau  étoient  fyno- 
nymes  ,  comme  ils  le  font  aajourd'huL 
Avant  Apollodore  ,  aucun  tableau  ne  mé- 
rita d'être  regardé  ou  de  fixer  la  vue  ,  quat 
îeneat  oculos.  En  un  mot  ,  Apollodore  ou- 
vrit une  noavelie  carrière  ,  donna  naiflaiicc 


p  E  r 

au  beau  fîecle  de  la  peinture ,  Se  fut  le  pre- 
mier dont  les  tableaux  aient  arrêté  &  tenu 
comme  immobiles  les  yeux  des  fpeélateurs. 

Arcéjîlas.  Il  y  a  deux  anciens  peintres 
de  ce  nom  ,  &  un  ftatuaire.  Le  plus  illuftre 
des  peintres  étoit  de  Paros  ,  &  vivoit  à  peu 
près  dans  le  même  temps  que  Polygnote  , 
vers  la  quatre  -  vingt  -  dixième  olympiade  ; 
c'eft ,  au  rapport  de  Pline  ,  un  des  plus  an- 
ciens peintres  qui  aient  peint  fur  la  cire  & 
fur  rémail.  Paufanias  nous  apprend  qu'entre 
les  choies  curieufes  qu'on  voyoit  au  Pirée  , 
ctoit  un  tableau  d'Arcéfilas,  qui  repréfentoit 
Léofthene  &:  Tes  enfans  :  c'eft  ce  Léofthene 
qui ,  commandant  Parmée  des  Athéniens , 
remporta  deux  grandes  vidojres  ;  Pune  en 
Béotie  ,  Pautre  au-delà  des  Thermopiles  , 
auprès  de  la  ville  de  Lamia. 

Arifiide ,  natif  de  Thebes  ,  contempo- 
rain d'Apelle,  eft  un  peu  plus  ancien.  Quoi- 
qu'il n'eut  pas  Tes  grâces  &  Ton  coloris  , 
fes  ouvrages  étoient  d*un  prix  immenfe.  La 
bataille  des  Grecs  contre  les  Perfes  ,  qu'il 
peignit  ,  &  où  il  fit  entrer  dans  un  feul 
cadre  jufqu'à  cent  perfonnages,  fut  achetée 
plus  de  78000  liv.  de  notre  monnoic  ,  par 
le  tyran  Mnaibn.  Ariftide  excella  fur-tout 
à  exprimer  également  les  paffions  douces  & 
les  pallions  fortes  de  Pâme.  Attale  donna 
cent  talens  ,  environ  vingt  mille  louis  ,  d'un 
tableau  où  il  ne  s'agifToit  que  de  la  feule 
cxpreiïion  d'une  paifion  languiflante.  Le 
même  prince  offrit  fix  mille  grands  fefter- 
ces ,  c^;fl:- à-dire  environ  yyoooo  liv.  d'un 
autre  tableau  qui  fe  trouvoir  dans  le  butin 
que  Mummius  fit  à  Côrinthe  :  le  général 
romain  ,  fans  connoître  le  piix  des  beaux 
arts  ,  fut  fi  furpris  de  cette  offre  fplendide , 
qu'il  foupçonna  une  vertu  fecrete  dans  le 
tableau  ,  &  le  porta  à  Rome  -,  mais  cette 
vertu  fecrete  n'étoit  autre  chofe  que  le 
touchant  &  le  pathétique  qui  régnoit  dans 
ce  chef-d'œuvre  de  l'art.  En  effet  ,  on  ne 
peut  voir  certaines  fituations  fans  être  ému 
jufqu'au  foiid  de  l'ame.  Ce  chef-d'œuvre  , 
qui  repréfentoit  un  Bacchus  ,  étoit  fi  célè- 
bre dans  la  Grèce  ,  qu'il  avoir  pafle  en 
proverbe ,  ou  plutôt  il  fervoit  de  compa- 
raifbn  i  car  on  difoit  ,  beau  comme  k 
Bacchus. 

Pline  parle  à  fa  manière  ,  c'eft-à-dire  , 
comme  Kubens  auroit  pu  faire  d'un  tableau 


P  E  I  lor 

de  Raphaël  \  Pline  ,  dis-je  ,  parle  avec  les 
couleurs  d'un  grand  maître  d'un  autre  ta- 
bleau ,  où  le  célèbre  artifte  de  Thebes  avoit 
repréfenté  ,  dans  le  fac  d'une  ville  ,  une 
femme  qui  expire  d'un  coup  de  poignard 
qu'elle  a  reçu  dans  le  fein.  Un  enfant , 
dit-il  5  à  côté  d'elle ,  fe  traîne  à  fa  mamelle  , 
&:  va  chercher  la  vie  entre  les  bras  de  fa 
mère  mourante  :  le  fang  qui  l'inonde ,  le 
trait  qui  eft  encore  dans  fon  fêin  ;  cet  en- 
fant que  l'inftance  de  la  natute  jette  entre 
fes  bras  5  l'inquiétude  de  cette  femme  fur 
le  fort  de  fon  malheureux  fils  ,  qui  vient ,  au 
lieu  du  lait ,  fucer  avidement  le  fang  tout 
pur  5  enfin  ,  le  combat  de  la  mère  contre 
une  mort  cruelle  \  tous  ces  objets  repréfen- 
tés  avec  la  plus  grande  vérité ,  portoient  le 
trouble  &  l'amertume  dans  le  cœ^ur  des  per- 
lonnes  les  plus  indifférentes.  Ce  tableau  étoit 
digne  d'Alexandre  \  il  le  fit  tranfporter  à 
Pella ,  lieu  de  fa  naillance. 

Arijiolaûs ,  fils  &  élevé  de  Paufias  ,  fève- 
rijjimis  picîoribus  fuit ,  fut  un  des  peintres 
qui  prononça  le  plus  fon  deffin  ,  hc  donc 
la  couleur  fut  la  plus  fiere  ,  ou  plutôt  la 
plus  auftere  ;  car  ce  terme  de  feverus  ,  iî 
(bu vent  répété  par  Pline  ,  paroît  confàcré 
à  la  peinture  ,  &  femble  répondre  pleine- 
ment à  celui  à*aujîere ,  que  nous  employons 
en  cas  pareil. 

Afclépiodcre  ,  excellent  peintre  ,  &  dont 
les  tableaux  étoient  li  recherchés  ,  que 
Mnafon  ,  tyran  d'Élatée  ,  homme  vraiment 
curieux  ,  lui  paya  trois  cents  mines  ,  vingt- 
trois  mille  cinq  cents  livres ,  pour  chaque 
figure  de  divinités  qu'il  avoit  peintes  au 
nombre  de  douze  \  ce  qui  fait  en  tout  trois 
mille  fix  cents  mi  nés.  deux  cents  quatre  vingt- 
deux  mille  livres.  Le  même  tyran  donna 
encore  à  Théomnefle  ^  autre  artifte  ,  ceiec 
mines ,  ou  plus  de  fepr  mille  huit  cents  livres, 
pour  chaque  figure  de  héros  j  &  s'il  y  en 
avoit  aufTi  douze  ,  c'étoit  quatre-vingt-qua- 
torze raille  livres.  Afclépiodore  &  Théom- 
nefte  paroifïent  donc  fe  rapporter  au  temps 
d'Ariftide  ,  &  avoir  été  i^n  peu  plus  an- 
ciens qu'Appelle.  On  peut  placer  vers  le 
même  temps  Amphion ,  dont  Apelle  recon- 
noilTbit  la  lupériorité  pour  l'ordonnance  , 
comme  il  reconnoilToit  la  fupériorité  d' Af- 
clépiodore pour  la  juftefle  àts  proportions. 

Athénion  ^  de  Maionée  ^  étoit  élevé  de 


loi  P  E  I 

Ghucion  dt  Corinrhe  :  voici ,  dit  Pline  , 
fon  caradere  quanc  à  la  peinture  :  Aujic- 
rior  colore  &  in  aujieritate  jucundior  ,  ut  in 
ipfâ  piâurâ  eruditio  elucpat  ;  fier  ,  exadt  ,  & 
un  peu  fec  dans  fa  couleur  ;  cependant  agréa- 
ble, à  caufe  dti  favoir  &  de  l'efprit  qu'il  met- 
roit  dans  Tes  compofîtions.  Nos  peintres  dc- 
vroient  bien  profiter  de  cet  exemple ,  pour 
jie  pas  négliger  lesbelles-lettres ,  dont  la  con- 
noiflànce  efi  fi  propre  à  rendre  leurs  travaux 
recommandables.  Nous  avons  peu  de  pein- 
tres favans  &  inftruits  comme  l'étoient  les 
•Grecs.  On  peut  nommer  parmi  les  Italiens , 
Léonard  de  Vinci ,  le  Ridotti  ,  Baglione , 
Lomazzo  ,  Armenini ,  Scaramucia,  Vazari, 
&  plufieurs  autres  :  mais  les  François  n'en 
compteHt  que  trois  ou  quatre  j  Dufrefnoy , 
Antoine ,  Se  Charles  Coypel. 

Bularque  floriflbit  du  temps  de  Can- 
4aule  ,  roi  de  Lydie ,  qui  lui  acheta  au  poids 
de  Tor  -un  tableau  de  la  défaite  des  Magne- 
tes.  Or ,  Candaule  mourut  dans  la  dix-hui- 
tieme  olympiade  ,  Tan  708  avant  Tere  chré- 
tienne 5  ainfi  Bularchus  a  vécu  poftérieu- 
•rement  à  lere  de  Rome  ,  «S^  vers  Pan  730 
.avant  J.  C.  Pline  ,  en  difant  que  les  pein^ 
très  monochromes  avoient  précédé  Bular- 
que 3  fait  clairement  entendre  que  ce  fut  ce 
Peintre  qui  ,  le  premier  ,  intiojuifît  l'uiage 
de  plufieurs  couleurs  dans  un  feul  ouvrage 
de  pei^iture.  C'^cft  doiic  à  peu  près  vers  Tan 
730  avant  J.  C.  qu'on  peut  établir  l'époque 
de  la  peinture  polychrome  ,  &  vraifembla- 
blement  l'époque  de  la  repréCèntation  des 
"batailles  dans  des  ouvrages  de  peinture.  Ce 
fut  aùffi  l'époque  du  clair-obfcur.  Phne  aflure 
qu'au  moyen  de  la  pluralité  des  couleurs  qui 
■fe  firent  mutuellement  valoir ,  Part ,  jufques- 
"là  trop  uniform^e  ,  fe  diverfifia  ,  &  inventa 
•les  lumières  &  les  ombres  :  mais  puifqu'il 
ajoute  que  l'ufage  du  coloris ,  le  mélange , 
•&  la  gradation  des  couleurs  ,  ne  furent  con- 
nus que  dans  la  fuite ,  il  faut  que  le  clair- 
obfcur  de  Bularchus  ait  é'té  fort  imparfait, 
"comme  il  arrive  dans  les  çommencemens 
d'une  découverte. 

Caladès  vécut  à  peu  près  dans  la  cent 
fîxieme  olympiade,  &  peignit  de  petits  iu- 
Jets  que  l'on  mettoit  fur  la  fcene  dans  les 
comédies  ,  in  comicis  tabcllis  ;  mais  Puiage 
de  ces  tableaux  nous  eft  inconnu  :  peut- 
-être qu'à  ce  terme  comicis  répond  le  titre 


P  E  I 

»c»//«:/lXrTê< ,  donné  par  Elien  ,  var.  kijî.^^^ 
à  àts  peiiitres  ,  qui  ,  pour  apprêter  à  rire  , 
repréfentcrentTimothée  ,  général  des  Athé- 
niens ,  endormi  dans  fa  ten:<; ,  &  par-delTus 
(a  tête  la  Fortune  emportant  des  villes  d'uji 
coup  de  filet.  Dans  la  pluralité  de  ces  pein- 
tres ,  pour  un  feul  fujet  de  peinture  on 
découvre  d'abord  la  catachrcfe  d'un  pluriel 
pour  un  (ingulier.  C'étoit  un  feul  peintre 
KcûtxaMi- ,  qui  avoir  ainfi  donné  la  comédie 
aux  dépens  de  Timothée  ,  &  le  peintre 
borné  à  ces  (brtft  de  tableaux  comiques , 
comicis  tabellis  ,  étoit  Caladès.  M.  de  Cay- 
lus  donne  à  l'expreffion  de  Pline^unc  autre 
idée ,  mais  qu'il  ne  propofe  que  comme  un 
doute.  Il  croit  que  les  ouvrages  de  Caladès 
pouvoient  être  la  repréfentation  des  prin- 
cipales aéiions  des  comédies  que  Pon  de- 
voir donner.  C'eft  un  ufage  que  les  Italiens 
pratiquent  encore  aujourd'*hui  ;  car  on  voit 
lur  la  porte  de  leurs  théâtres  ,  les  endroits 
les  plus  intére flans  de  la  pièce  qu'on  doit 
jouer  ce  même  jour;  8c  cette  efpece  d'an- 
nonce repréfentée  en  petites  figures  coloriées 
fur  des  bandes  de  papier  ,  eft  expofée  dès 
le  matin.  Le  motif  aujourd'hui  eft  charla- 
tan :  chez  les  anciens  il  avoir  d'autres  objets; 
l'inftruftion  du  peuple  ,  pour  le  mettre  au 
fait  de  l'action  ;  le  delîr  de  le  prévenir  favo- 
rablement ;  enfin  l'envie  de  l'occuper  quel- 
ques momens  de  plus  par  des  peintures  faites 
avec  foin. 

Calliclès  peignit  en  petit  ,  félon  Pline  , 
de  même  que  Caladès  ,  parva  &  Calliclès 
fecit.  Ses  tableaux  ,  difoit  Varron  ,  n'avoient 
pas  plus  de  quatre.pouces  de  grandeur  ,  & 
il  ne  put  jamais  parvenir  à  la  fublimité  d'Eu- 
phranor.  Il  fut  donc  poftérieur  à  ce  dernier; 
ce  qui  détruit  l'idée  où  étoit  le  père  Har- 
douin ,  que  le  peintre  Calliclès  a  pu  être  le 
même  que  le  Sculpteur  Calliclès ,  qui  fit  la 
ftatue  deDiagoras,  vainqueur  aux  jeux  olym» 
piques ,  en  l'an  464  avant  l'ère  chrétienne. 

Cimon  Cléonien  ;  il  trouva  la  manière  de 
faire  voir  les  figures  en  raccourci  ,  &  de 
varier  les  attitudes  des  têtes.  Il  fut  auiïî  le 
premier  qui  reprcfenta  les  jointures  des  mem- 
bres ,  les  veines  du  corps  ,  &  les  différens 
plis  des  draperies  ;  c'eft  ce  qu'en  dit  Pline  , 
liv.  XXXV y  ch.  viij.  Entrons ,  avec  M.  de 
Caylus  5  dans  des  détails  de  Part  que  Cimon 
fit  connoître. 


P  E  I 

La  peinture  étoic  bornée  ,  dans  Ton  pre- 
mier âge  ,  à  former  une  tête  ,  un  portrait  ; 
on  ne  repréienuoit  encore  les  têtes  que  dans 
un  feul  alped  ,  c^eft-à-dirc ,  de  profil.  Ci- 
mon  hazarda  le  premier  d'en  delliner  dans 
toutes  fortes  de  fens  contraires  à  celui-ci  > 
&c  il  mit  par  ce  moyen  une  grande  variété 
dans  la  repréfentation  des  têtes.  Celles  qu'il 
deffinoit  regardoient  tantôt  le  fpeétateur , 
c'eft-à-dire,  qu'elles  fe  préfentoient  de  fiice  ; 
quelquefois  il  leur  faifoit  tourner  la  vue  vers 
le  Ciel ,  (k  d'autres  fois  il  les  fàifoit  re- 
garder en  bas.  Il  ne  s'agilïoit  cependant  en- 
core que  de  polîtions,  &  non  d'exprellions 
6i  de  fentiraens.  Le  grand  art  de  Cimon 
confiftoit  donc  à  avoir  ,  pour  ainfi  dire  , 
ouvert  le  premier  la  porte  au  raccourci  j 
ce  premier  pas  étoit  d'une  grande  impor- 
tance ,  &  il  méritoit  bien  qu'on  lui  en  fît 
honneur.  Peut-être  fit -il  pafler  dans  les 
attitudes  de  fes  figures  ,  la  même  variété  de 
poUtion  qu'il  avoit  imaginé  d'introduire  dans 
ces  têtesi,  quoique  Pline  n'en  difè  rien,  & 
qu'il  faille  en  effet  ne  point  trop  donner 
n-ux  artiftes  dans  ces  premiers  commence- 
mens  de  la  peinture  ,  où  tout  doit  marcher 
pas  à  pas. 

Quant  aux  autres  progrès  que  Cimon 
avoit  fait  faire  à  la  peinture  ,  ils  n'étoient 
pas  moins  importans.  il  entendit  mieux  que 
ceux  quil'avoient  précédé ,  les  attachemens, 
fans  quoi  les  figures  paroilîènr  un  peu  roi- 
des  ,  &  d'une  feule  pièce  ;  défaut  ordinaire 
des  artiftes  qui  ont  paru  dans  tous  les  temps. 
Lorfque  la  peinture  étoit  encore  dans  fcn 
enfince  ,  les  mains  &  les  bras  ,  les  pies  ôc 
les  jambes ,  les  cuifiss  6c  les  hanches  ,  la 
tête  ôc  le  cou  ,  &c.  tout  cda  dans  leurs 
ouvrages  étoit ,  comme  on  ,  dit  tout  d'une 
venue  ,  &c  les  figures  n'avoient  aucun  mou- 
venrvent.  Cimon  avoit  entrevu  la  néceiïité 
de  leur  en  prêter.  :  il  avoit  commencé  par 
donner  à  fes  têtes  des  mouvemens  diverfi- 
fiés  ;  il  étendit  cet  art  aux  autres  parties  de 
Tes  figures  •,  ce  qui  ne  pou  voit  fe  faire  qu'en 
arrachant  avec  iaflelTe  chaque  membre  en- 
femble. 

Venas  protuUt ,  dit  Pline  :  il  fit  paroître 
les  veines ,  c'eft-à-dire  ,  que  s'étant  apperçu 
des  effets  que  le  m.ouvement  produit  fur  le 
naturel  ,  en  changeant  la  firuation  des  muf- 


PEI  ,05 

nouvelle  firuation  ,  il  eflaya  d'en  enrichir- 
la  peinture  \  il  com.mença  par  la  repréfenta- 
tion des  veines  ;  il  étoit  bien  près  de  con- 
noitre  l'ufage  &  l'office  des  mufcles.  Com- 
me l'art  de  la  peinture  n'avoir  point  fait  ce 
même  progrès  dans  la  couleur  que  dans  le 
dclîin  ,  il  n'eft  pas  vraifemblable  que  le 
mot  venœ  foit  ici  une  exprelTion  figurée  de 
Pline ,  pour  fignifier  que  Cimon  avoit  animé 
la  couleur  ,  &  qu'il  y  avoit  pour  ainfi  dire 
mis  du  fang. 

Pr jeter  ea  in  vejîe  &  rugas  ù  Jînus-  in~ 
venit  ,  ajoute   Pline.  Avant  Cimon  ,  tout 
étoit ,  comme  l'on  voit ,  extrêmement  in- 
forme dans  la  peinture  :  les  figures  vues  de' 
profil  5  ne  favoient  fe  préfenter  que  dans 
un  feul  afpeâ;  ;  les  habillemens  étoient  ex- 
primés tout  aufTi  fimplement  ;  une  draperie 
n'étoit  qu'un  fimple  morceau  d'étoffe,  qui 
n'offroit  qu'une  furface  unie.  Entre  les  mains- 
de  Cimon  ,  cette  draperie  prend  un  carac- 
tère ;  il  s'y  form.e  des  plis»  j- en  y  voit  des' 
parties  enfoncées  ,  d'autres  parties  éminen- 
tes  qui  forment  des  finuoficés  ,  telles  que- 
la  nature  les  donne  ,  &:  que  doit  prendre 
une   étoffe  jetée  fur  un   corps  qui  a    du. 
relief. 

Pline  a  écrit  de  la  peinture ,  comme  au- 
roit  pu  faire  un  homme  de  l'art  qui  auroit 
eu  fon  génie.  If  s'attache  moins  à  donner, 
l'énumération  &  la  defcription  des  ouvra- 
ges ,  qu'à  établir  le  candere  de  chaque 
maître  i  &  quoiqu'il  le  faflè  avec  une  ex- 
trême concifion  ,  chaque  peintre  efï  carac- 
rérifé  &:  rendu  >:!connoi{îàbîc.  Voici  tcuc" 
le  paflage  de  Pline:  Hic  Cimon  y  cÊtcgra- 
pha  invenit  ,  hoc  tfl  obliquas  imagines  ,  & 
varié  for  mare  yulius  ,  rsfpicientzs ,  fufcipien- 
tes  ,  6?  defpicicntes  ;  articulis  etiam  memhr.i 
dijiinxit  y  venas  proîulit ,  prcetereaque  in  vejls 
&  rugas  &  finus  invenit.  Il  faut  donc  en- 
terrdre  par  le  mot  grec  çatagrapha  ,  &  en 
xMm  obliquas  imagines'^  non  des  viiàgesou. 
des-figures  de  profil ,  comme  le  père  Har- 
douin  le  croit,  mais  des  têtes  vues  en  nx- 
courci.  Le  mot  imago  ne  doit  point  être  pris 
ici  ppur  une  figure  ,.mais  feulement  pour- 
une  tête  ,  un  portrait. 

Cléophame  de- Corinthe  eft  l'inventeur  de 
la  peinture  monochrome  ,  ou  proprement 
dite.  Il  débuta  par  colorier  les  traits  du  vi- 


des toutes  les  fois  que.  la  figure  prend  une  jfàge  avec  de  b -terre  CBite.^$i-bl:oy£e^i,aii:iii 


104  P  E  I 

la  couleur  rouge  ,  comme  la  plus  appro- 
chante de  la  carnation  ,  fut  la  première  en 
ufage.  Les  autres  peintres  monochromes, 
&  peut-être  Cléophante  lui-même  ,  variè- 
rent de  temps  en  temps  ,  dans  le  choix  de 
la  couleur  des  figures ,  différente  de  la  cou- 
leur du  fond.  Peut-être  auflî  qu'ils  mirent 
quelquefois  la  même  couleur  pour  le  fond 
&  pour  les  figures;  on  peut  le  préfumer  par 
l'exemple  de  quelques-uns  de  nos  camayeux, 
pourvu  qu^on  n'admette  point  dans  les  leurs 
Tufage  du  clair-obfcur ,  dont  la  découverte 
accompagna  l'introdudion  de  la  peinture 
polychrome ,  ou  de  la  pluralité  des  couleurs. 

Cléfidès  vivoit  vers  Tan  du  monde  5700. 
On  rapporte  que  voulant  fe  venger  de  la 
reine  Stratonice ,  femme  d'Antiochus ,  pre- 
mier du  nom  ,  roi  de  Syrie ,  il  la  repréfenta 
dans  une  attitude  indécente  ,  &  expofà  fon 
tableau  en  pubhc  ;  mais  cette  princcllc  étoit 
peinte  avec  tant  de  charmes  dans  ce  tableau 
de  Clélidès  ,  qufe  fa  vanité  ,  ou  peut-être 
fon  bon  caractère  ,  lui  perfuada  de  pardon- 
ner à  la  témérité  de  l*arcifte  ,  de  le  récom- 
penfer,  &  de  laifTer  fon  ouvrage  où  il  l'avoit 
placé.  Quoi  qu'il  en  foir  ,  elle  montra  beau- 
coup de  grandeur  &  de  fagelTe ,  en  ne  pu- 
nifl'antx  point  Cléfidès  qui  l^avoit  peinte  en- 
tre les  bras  d'un  pêcheur  qu'on  Paccufoit 
d'aimer  ,  8c  qui  avoir  expofé  fon  tableau  fur 
le  port  d'Ephefe.  Michel- Ange  ,  Paul  Vero- 
nefe ,  le  Zuchero  ,  &  quelques  autres  mo- 
dernes ,  n'ont  que  trop  imité  Cléfidès ,  pour 
iatisfaire  leur  vengeance. 

Craf^rusy  d'Athènes ,  avoir  un  talent  par- 
ticulier pour  peindre  merveilleufement  le 
grotefque  ,  &  il  orna  de  fes  ouvrages  en 
ce  genre  ,  le  Panthéon  d'Athènes  ,  cet  édi- 
fice fuperbe  où  l'on  faifoit  tous  les  prépa- 
ratifs pour  la  célébration  des  fêtes  folem- 
nelles.  Craterus  eft  le  Teniers  des  Athé- 
niens, 

Ctéfiloque  ,  difciple  d'Apelle  ,  petulanti 
piclurd  innotuit  ,  fe  fit  connoître  par  la 
fougue  du  pinceau  ,  obéilfant  à  la  vivacité 
du  génie  ;  c'eft  ainfî  que  M.  de  Caylus  tra- 
duit ce  paflage  ,  un  peu  en  amateur  de 
peinture  ;  mais  il  reconnoîr ,  avec  raifon ,  que 
ron  peut  lui  donner  un  autre  fens  \  car 
Pline  ajoute  tout  de  fuite  :  Jove  Liber um 
par turi ente  depiclo  mitrato  &  muliebriter 
ingemifcente  inter   objietricia  dearum.  Cette 


P  E  I 

peinture  ridicule  pour  un  dieu  comme  Ju- 
piter ,  eft  forte  pour  un  païen  ,  &  peut 
être  furement  traitée  d'infolente  j  car  peut- 
on  jpenfer  autrement  d'un  tableau  qui  re- 
préfente  le  maître  des  dieux  accouchant 
de  Bacchus ,  &  coifé  en  femme ,  avec  les 
contorfions  de  celles  qui  font  en  travail , 
&  avec  le  cortège  des  déellès  pour  accou- 
cheuies  î  Cléfidès  ,  avons-nous  dit  ci-def- 
fus ,  peignit  une  reine  d'Egypte  dans  une 
attitude  encore  plus  indécente  j  mais  ce 
n'étoit  qu'une  reine ,  &  il  la  peignit  très- 
belle.  Pline  ,  dans  fon  hiftoire ,  met  en  con- 
trafte  ces  peintres  téméraires  avec  Habron , 
qui  peignit  la  Concorde  &  l'Amitié  ,  avec 
Nicéarque  qui  repréfenta  Hercule  confus  , 
humilié  de  ies  accès  de  rage  ;  &  avec  d'au- 
tres artiftes  ,  qui  avoient  confacré  leurs 
ouvrages  à  la  gloire  de  la  vertu  ou  de  la 
religion. 

Cydias ,  de  Cytnos  ,  étoit  contemporain 
d'Euphranor ,  &  comme  lui  peintre  encauf- 
tique;il  fit  entr 'autres  ouvrages  un. tableau 
des  Argonautes. 

Damophile  &  Gorgafus  font  joints  en- 
femble  dans  Pline  •■,  c'étoient  deux  habiles 
ouvriers  en  plaftique  ,  &  en  même  temps 
ils  étoient  peintres.  Ils  mirent  des  orne- 
mens  de  l'un  &  l'autre  genre  au  temple 
de  Cérès  ,  orncmens  de  plaftique  au  haut 
de  l'édifice ,  &  ornemens  de  peinture  à  fref- 
que  fur  les  murs  intérieurs  ,  avec  une  inf- 
cription  en  vers  grecs  ,  qui  marquoit  que  le 
coté  droit  étoit  l'ouvrage  de  Damophile, 
&  le  coté  gauche  l'ouvrage  de  Gorgafus. 
Avant  l'arrivée  de  ces  deux  peintres  Grecs 
à  Rome ,  les  temples  de  la  ville  n'avoient 
eu  ,  fuivant  la  remarque  de  Pline  ,  que  des 
ornemens  de  goût  étrufque  ,  c'eft-à-dire, 
des  ouvrages  de  plaftique  &  de  fculpture  à 
l'ancienne  façon  des  Etrufques  ,  &  non  des 
ouvrages  de  peinture  ,  qui  dans  l'Etruric 
même  étoient  d'un  goût  Grec.  On  peut  donc 
placer  au  temps  de  Damophile  Se  de  Gor- 
gafus ,  Pintroduétion  &  l'époque  de  la  pein- 
ture dans  la  ville  de  Rome ,  vers  Pan  414 
avant  l'ère  chrétienne. 

Démon  ,  natif  d'Athènes  ,  vivoit  du 
temps  de  Parrhafius  &  de  Socrate  ,  vers 
la  95'  olympiade ,  &  environ  408  ans  avant 
J.  C.  Il  s'attachoit  fort  à  l'exprefïîon ,  & 
fit  plusieurs  tableaux  qu'on  efVima  beau- 
coup. 


P  El 

coup.  Il  y  en  avolt  entr'autres  un  à  Rome ,  ' 
qui  repréfentoit  un  prêtre  de  Cybele,  que 
Tibère  acheta  60  grands  fefterces.  Démon 
fit  auffi  un  tableau  d'Ajax  ,  en  concurrence 
avec  Timanthe  ;  mais  l'Ajax  de  Timanthe 
fut  préféré. 

Denys ,  ou  plutôt  Dionyjius ,  de  Colo- 
phone,  ne  fit  que  des  portraits,  &  jamais 
des  tableaux  ;  d'où  lui  vint  à  jufte  titre ,  dit 
Pline ,  /.  XXXV,  c.x,\q  furnom  à'An- 
tropographus  y  c'eft-à-dire  Peintre  d'hom- 
mes. Nous  avons  eu  dans  le  xy'f.  fiecle  , 
un  peintre  flamand  femblable  en  cela  de 
fait  &  de  nom,  (car  on  le  nommoit  en 
latin  Dionyfius  )  au  Peintre  de  Pline  ;  & 
les  deux  Denys  ne  font  pas  les  feuls  qui 
aient  préféré  ce  genre  de  peinture  à  tout 
autre,  par  la  raifon  qu'il  eft  le  plus  lucratif; 
mais  ce  n'eft  pas  le  plus  honorable. 

Erigonus ,  broyeur  de  couleurs  de  Néal- 
cis  ,  devint  un  très-bon  Peintre ,  &  eut 
pour  élevé  Paufias,  qui  fe  rendit  célèbre; 
c'eft  ainfi  que  Polidore,  après  avoir  porté 
le  mortier  aux  difciples  de  Raphaël ,  fe  (tn- 
tit  en  quelque  forte  iq/piré  à-la  vue  à^s  mer- 
veilles qui  s'opéroient  fous  fes  yeux  ,  étu- 
dia la  peinture,  defîlna  l'antique,  devint 
à  fon  tour  élevé  de  Raphaël ,  &  eut  le  plus 
de  part  à  l'exécution  des  loges  de  ce  grand 
maître. 

Eumarus  d'Athènes,  Peintre  monochro- 
me ,  eft  nommé  dans  Pline  avec  Cimon 
de  Cléone.  Eumarus  marqua  le  premier, 
dans  la  peinture  ,  la  diffi^ence  de  l'homme 
&  de  la  femme,  dont  on  ne  peignoit  aupa- 
ravant que  la  tête  &  le  bufte;  il  ofa  aulïi 
ébaucher  toutes  fortes  de  figures  ,  les  au- 
tres Peintres  sellant  toujours  bornés  à  celle 
de  l'homme.  Cimon  enchérit  fur  les  décou- 
vertes d  Eumarus  ;  il  inventa  les  divers  af- 
pedls  du  vifage ,  diftingua  l'emmanchement 
des  membres ,  fit  paroître  les  veines  à  tra- 
vers la  peau  ,  &  trouva  même  le  jet  des 
draperies.  Voye^/bn  article. 

^///?/ir^/2or, natif  des  environs  de  Corin- 
the  dans  l'Iftme ,  floriflbit  dans  la  cent  qua- 
trième olympiade,  &:  fut  en  même  temps 
célèbre  ftatuaire,  &  célèbre  peintre  encauf- 
tique.  On  trouve  les  deux  genres  réunis 
dans  les  artiftes  de  l'antiquité,  comme  ils 
entêté  depuis  dans  Michel-Ange  à  la  re- 
naiffance  de  la  peinture.  Euphranor  fut  It 
Tome  XXV. 


.P  E  I 


|0< 


premier  qui  donna  dans  fes  tableaux  un  air 
frappant  de  grandeur  à  fes  têtes  de  héros 
&  à  toute  leur  perfonne ,  &  le  premier 
qui  employa  dans  l'encauffique  ,  la  juftefle 
des  proportions  que  Parrhafiusavoit  intro- 
duite dans  la  peinture  ordinaire. 

Pline,  parlant  d'Euphranor ,  en  dit  tout 
ce  qu'on  en  peut  dire  de  flatteur  pour  un 
artifte.  Voiti  fes  paroles  :  Docilis  ac  laho-' 
riofus ,  &  in  quocumque  génère  exceUens  , 
acfihi  czqualis.  Si  ces  épithetes  fe  rappor- 
toientà  l'art,  le  Dominiquain  pourroit  lui 
fervir  de  comparaifon.  Docile  aux  leçons 
de  la  nature  ,  le  travail  ne  l'efirayoit  point  : 
une  perfévérance  &  une  étude  confiante 
de  cette  même  nature,  l'ont  élevé  au-deflfus 
des  autres  artifteS|^  Pline  regardç  Euphra- 
nor comme  le  premier  qui  a  donné  aux 
héros  un  caraftere  qui  leur  fût  convenable  : 
Hic  primus  videtur  exprejfijje  dignitates 
heroum.  Il  feroit  aifé  d'en  conclure ,  que 
tous  les  héros  repréfentés  avant  lui  n'au- 
roient  pas  mérité  les  éloges  que  Pline  lui- 
même  a  donnés  aux  artiftes  plus  anciens; 
cependant  l'on  ne  doit  reprocher  à  l'hifto- 
rien  naturalise,  qu'une  façon  de  parler  trop 
générale  ,  &  un  peu  trop  répétée  :  on  peut 
dire ,  fur  le  cas  préfent ,  qu'il  y  a  plufieurs 
degrés  dans  l'excellence. Titien  eft  un  grand 
j  Peintre  de  portraits  ;  Vandick  a  mis  dans 
'  ce  genre  plus  de  fineflTe  ,  de  délicatefl^e  &C 
i  de  vérité.  Titien  n'en  eft  pas  pour  cela  un 
■  Peintre  médiocre.  Mais  ce  dont  il  faut  fa- 
I  voir  un  très-grand  gré  à  Pline  ,  c'eft  la  cri- 
'  tique  dont  il  accompagne  aflez  fouvent  fes 
éloges  ;  car ,  après  avoir  dit  d'Euphranor  , 
ufurpajfe  fymmetriam  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il 
s'étoit  fait  une  manière  dont  il  ne  fortoit 
point  ;  il  ajoute  :  Sed  fuit  univerjitate  cor- 
porum  exilior^  capitibus,  articuLifque  grart- 
dior.  Cette  manière  étoit  apparemment 
dans  le  goût  de  celle  que  nous  a  laiftee  le 
Parmefan  :  je  fais  qu'elle  eft  peut-être  blâ- 
mée ,  mais  elle  eft  bien  élégante.  Il  eft 
vrai  qu'on  ne  peut  reprocher  au  Peintre 
moderne ,  d'avoir  fait  comme  Euphranor, 
fes  têtes  trop  fortes,  ^i^s  emmanchemens 
trop  nourris. 

Euphranor  a  écrit  plufieurs  traités  furies 
proportions  &  les  couleurs,  I!  eft  Singulier 
qu'un  Peintre  qui  a  mérité  qu'on  le  içprît 
lur  les    proportions  ,    ait],  éci  it  fur  cett;,e 

O 


io6  P  E  I   . 

matière;  cependant  la  même  chofe  eft  arri- 
vée depuis  le  renouvellement  des  arts  à 
Albert  Durer. 

Gorgafus  &  Damoph'dc , habiles  ouvriers 
en  paftique ,  &  en  même  temps  Peintres  , 
font  joints  enfemble  dans  Pline!  /^o/e:^  ci- 
devant  Damophile  &  Gorgafus. 

Ludius,  Peintre  d'Ardéa  ,  paroît  avoir 
vécu  pour  le  plus  tard  vers  raifyô*;  avant 
l'ère  chrétienne.  Il  ne  faut  pas  oublier,  dit 
Pline ,  /.  XXX F ^  c.  x ,  le  Peintre  du  tem- 
ple d'Ardéa,  ville  du  Latium  ,  fur-tout pulf- 
qu'elle  l'honora,  continue-t-il,  du  droit  de 
bourgeoifie,  &  d'une  infcription  envers 
qu'on  joignit  à  fon  ouvrage.  Comme  l'inf- 
criptioii  &  la  peinture  à  frefque  fe  voyoient 
encore  fur  les  ruines  ^temple  au  temps 
de  Pline ,  il  nous  a  cOTfervé  l'infcription 
en  quatre  anciens  vers  latins  ;  elle  porte 
que  le  Peintre  étoit  Ludius  ,  originaire 
d'Étolie.  Oui  ,  dit-il  ailleurs  ,  il  fubfifte 
encore  aujourd'hui  dans  le  temple  d'Ardéa 
des  peintures  plus  anciennes  que  la  ville  de 
Rome,  &  il  n'y  en  a  point  qui  m'étonnent 
comme  celles-ci,  de  fe  conferver  fi  long- 
temps avec  leur  fraîcheur ,  fans  qu'il  y  ait 
de  toit  qui  les  couvre. 

Il  parle  enfuite  de  quelques  peintures  du 
même  Ludius  extrêmement  belles,  léga- 
lement bien  confervées  à  Lanuvium,  autre 
ville  du  Latium  ;  &  d'autres  peintures  en- 
core plus  anciennes",  qu'on  voyoit  à  Caeré , 
ville  d'Étrurie. Quiconque  voudra,  conclut- 
il  ,  les  examiner  avec  attention  ,  convien- 
dra qu'il  n'y  a  point  d'art  qui  fe  foit  per- 
fectionné plus  vîte  ,  puifqu'il  paroît  que  la 
peinture  n'étoit  point  encore  connue  du 
temps  de  la  guerre  de  Troie.  Ce  raifonne- 
ment  fuppdfe  une  origine  greque  aux  pein- 
tures de  Cœré  ,  comme  à  celles  d'Ardéa  ; 
à  la  peinture  étrufque,  comme  à  la  peinture 
latine. 

Lyfîppe  d^Egine  ,  Peintre  encauftique 
vécut  entre Polygnote  &  le  Sculpteur  Arif- 
tide,  c'eft-à-dire,  entre  l'an  430  6c  l'an 
400  avant  l'ère  chrétienne.  Un  de  fes  ta- 
bleaux qu'on  voyoit  à  Rome ,  portoit  pour 
infcription  :  Lyjîppe  rn' a  fait  avec  Le  jeu  ; 
c'eft  la  plus  ancienne  des  trois  infcriptions  , 
un  tel  m'a  fait,  qui  paroiffent  à  Phne  des 
infcriptions  fingulieres  dans  l'antiquité ,  au 
-lieu  de  la  formule  plus  modefte,  un  tel 


P  E  I 

nie  fa i foit.  Les  deux  autres  infcriptions 
étoient,rune  au  bas  d'une  table  qu'on  voyoit 
à  Rome ,  au  comice ,  &  qu'on  donnoit  à 
Nicias  ;  l'autre ,  qui  lui  fervoit  de  pendant , 
étoit  l'ouvrage  de  Philocharès  :  voici  pré- 
fentement  la  remarque  de  Pline  fur  ces 
trois  infcriptions  ,  dans  fa  préface  de  l'hif- 
toire  naturelle. 

»  Vous  trouverez,  dit-il,  dans  la  fuite 
»  de  cette  hiftoire  ,  que  les  maîtres  de  l'art, 
»  après  avoir  travaillé  &  terminé  des  chefs- 
»  d'œuvre  de' peinture  &  de  fculpture,  que 
»  nous  ne  pouvons  nous  laiTer  d'admirer, 
»y  mettoient  pour  toute  infcription  les 
»  paroles  fuivantes,  qui  pouvoient  mar- 
»  quer  à^s  ouvrages  imparfaits  \  Appelle  ou 
»  Polyclete  faifoit  cela.  C'étoit  donner 
»  leur  travail  comme  une  ébauche  ,  fe  mé- 
»  nager  une  reffource  contre  la  critique ,  & 
»  fe  réferver  jufqu'à  la  mort  le  droit  de- 
t>  retoucher  &  de  corriger  ce  qu'on  auroit 
»  pu  y  trouver  de  défedueux  ;  conduite 
»  pleine  de  modeftie  &  defageffe ,  d'avoir 
»  employé  par-tout  des  infcriptions  pareil- 
■»  les ,  comme  ïi  chaqjue  ouvrage  particu- 
»  lier  eût  été  le  dernier  de  leur  vie ,  &  que 
>^  la  mort  les  eût  empêchés  d'y  mettre  la 
»  dernière  main.  Je  crois  que  l'infcription 
»  précife  &  déterminée,  un  tel  Ca  fit  y 
»  n'a  eu  lieu  qu'en  trois  occafions.  Plus 
»  cette  dernière  formule  annonçoit  un 
»  homme  content  de  la  bonté  de  (qs  ou- 
>>  vrages ,  plus  elle  lui  attiroit  de  cenfeurs 
»  &  d'envieux.  ^ 

Ainfi  parle  Pline ,  dont  les  yeux ,  peut- 
être  quelquefois  trop  délicats  ,  étoient  bief- 
fés  des  plus  petites  apparences  de  vanité  & 
d'amour- propre. 

Méchopane  étoit  élevé  de  Paufias  :  Sunt 
quihus  placeat  diligentiâ  quam  intelUgant. 
foli  artifices ,  alias  durus  in  coloribus  &^ 
file  multus.  Ces  termes  veulent  dire  que 
fa  couleur  a  été  crue ,  &  qu'il  a  trop  donne 
dans  le  jaune  :  les  modernes  offrent  fans 
peine  de  pareils  exemples;  mais  l'intelli- 
gence ,  les  foins  ou  'la  précifion  ,  qui  ne. 
font  connus  que  des  feuls  artiftes,  préfen- 
tent  une  vue  bien  délicate  &  bien  vraie. 

Mélanthius.  Plutarque  rapporte  qu'Ara- 
tus ,  qui  aimoir  la  peinture  &  qui  s'y  con-  • 
noiflbit,  ayant  délivré  Sicyone  fa  patrie  des 
tyrans  qui  l'opprimoientj  réfolut  dedétiuirs 


# 


P  E  I 

les  monumens  qui  rappelloient  leur  fouve- 
lîir.  II  y  avoit  dans  la  ville  un  tableau  fa- 
meux, où  Mélanthius  aidé  de  Tes  élevés , 
parmi  lefquels  étoit  Apelle  ,  avoit  repré- 
îenté  Arjftrate,  l'un  de  ces  tyrans  ,  monté 
fui%un  char  de  triomphe. 

Dans  le  premier  moment ,  Aratus  ordon- 
na de  le  détruire  ;  mais  fe  rendant  bien- 
tôt aux  raifons  de  Néalque  ,  Peintre  habile , 
qui  demandoit  grâce  pour  une  auffi  belle 
peinture,  &:  qui  lui  faifoit  entendre  que 
la  guerre  qu'il  avoit  déclarée  aux  tyrans  , 
ne  devoit  pas  s'étendre  aux  arts ,  il  le  fit 
confentir  que  la  feule  figure  d'Ariftrate  fe- 
roit  effacée  ;  ainfi  on  laiiîa  fubfifter  celle  de 
la  Vi<ftoire  &  le  char;  &  Néalque,  qui  s'é- 
toit  chargé  de  cette  opération,  mit  feule- 
ment une  palme  à  la  place  de  la  figure  , 
ôt  cela  par  refpeél:  pour  un  ouvrage  fur 
lequel  il  ne  croyoit  pas  que  perfonne  ofât 
mettre  la  main. 

Dans  ce  dernier  paffage,  on  voit  deux 
témoignages  bien  précis  de  la  confidéra- 
tion  dans  laquelle  étoient  chez  les  Grecs 
les  ouvrages  des  grands  maîtres.  Un  Prince 
fait  céder  des  raifons  d'état  &  de  politi- 
que à  la  confervation  d'un  tableau  dont 
la  mémoire  étoit  odieufe ,  mais  qui  n'en 
étoit  pas  moins  admirable  par  la  beauté  de 
fon  exécution.  Un  Pe/'/z^re  habile  en  recon- 
noît  l'excelléhce,  &  préfère  la  gloire  d'a- 
voir contribué  à  fa  confervation,  à  celle 
qu'il  auroit  pu  acquérir  en  le  peignant  de 
nouveau  ,  ou  du  moins  en  y  mettant  une 
nouvelle  figure  de  fa  façon. 

Au  refte ,  Pline  nomme  Mélanthius  au 
nombre  des  Peintres  dont  les  chefs-d'œu- 
vre avoient  été  faits  avec  quatre  couleurs 
feulement.  Plutarque  ajoute  ,  que  dans  le 
tableau  du  tyran  de  Sicyone ,  Mélanthius  y 
travailla  conjointement  avec  les  autres  de 
fa  volée  ;  mais  qu' Apelle ,  qui  étoit  du  nom- 
bre ,  ni  toucha  que  du  bout  du  doigt  :  c'eft 
apparemment  parce  qu'il  étoit  encore  trop 
jeune. 

Métrodore  fut  choifi  par  les  Athéniens  j 
pour  être  envoyé  à  Paul  Emile  ,  qui  après  ! 
avoir  pris  Perfée,  roi  de  Macédoine,  leur  | 
avoit  demandé  deux  hommes  de  mérite,  l'un  I 
pour  l'éducation  de  fes  enfans,  &  l'autre  j 
pour  peindre  fon  triomphe.  Il  témoigna 
îbufaaiter  ardemment  que  le  précepteur  tût  ' 


P  E  I  107 

un  excellent  philofophe.  Les  Athéniens  lui 
envoyèrent.  Métrodore  ^  qui  excelloit  tout 
enfemble  ,  &  dans  la  philofophie  ,  &  dans 
la  peinture.  Paul  Emile  fut  très-contènt  à 
ces  deux  égards  de  leur  choix  :  c'eft  Pline 
qui  raconte  ce  fait,  liv.  XXXV,  c.  xj ; 
mais  fans  entrer  dans  d'autres  détails  fur 
les  ouvrages  de  Métrodore^  ce  qu'on  peut 
dire  de  certain,  c'eft  que  s'il  a  réuffi  dans 
ies  tableaux  ,  comme  dans  fon  élevé  P. 
Scipion  ,  il  faut  le  regarder  comme  un  des 
grands  peintres  de  l'antiquité.  Le  Père 
Hardouin  n'a  commis  que  des  erreurs  au 
fujet  de  ce  philofophe  &  de  cet  artifte,  qui 
florifiToit  dans  la  1 50e  olympiade. 

iVf/co/2  étoit  contemporain,  rival  &  ami 
de  Polygnote.  Pline  nous  apprend ,  que 
tous  les  deux  furent  les  premiers  qui  firent 
ufage  de  Pocre  jaune,  6c  que  tous  deux 
peignirent  à  frefque  ce  célèbre  portique 
d'Athènes ,  qui ,  par  la  variété  de  fes  pein- 
tures, fut  nommé  le  PceciLe  ;  mais  Micon 
fe  fit  payer  de  fon  travail ,  au  lieu  que  Po- 
lygnote ne  voulut  d'autre  récompenfe  que 
l'honneur  d'avoir  réuflî. 

Néalcès  s'acquit  une  très-grande  réputa- 
tion par  la  beauté  de  (es  ouvrages,  &  en- 
tr'autres  par  fon  tableau  de  Vénus.  Il  étoit 
également  ingénieux  &  folide  dans  fon  art. 
Il  repréfenta  la  bataille  navale  des  Egyp- 
tiens contre  les  Perfes;  &  comme  il  vou- 
loir faire  connoître  que  l'aélion  s'étoit  pafifée 
fur  le  Nil,  dont  les  eaux  font  femblables 
à  celles  de  la  mer ,  il  peignit  fur  le  bord 
de  l'eau  un  âne  qui  buvoit,  &  tout  auprès 
un  crocodile  qui  le  guettoit  pour  fe  jeter 
fur  lui.  Secondé  comme  Protogene  par  le 
hazard ,  il  ne  vint  à  bout ,  à  ce  qu'on  dit , 

de  repréfenter  l'écume  d'un  cheval  échaufl^é, 
qu'en  jetant  de  dépit  fon  pinceau  fur  fon 
ouvrage.  Pline  parle  beaucoup  de  Néalcès 
dans  fon  Hift,  nat.  lip.  xxxv ,  c.  xj, 

Nicias  d'Athènes,  habile  Peintre  encauf- 
tique ,  élevé  d'Antidotus ,  vivoit ,  comme 
Apelie,  en  lacent  douzième  olympiade, l'an 
332  avant  l'ère  chrétienne.  Il  fe  diftingua 
parmi  les  célèbres  artiftes  de  ce  temps  flo- 
riflant  de  la  peinture.  Il  fut  le  premier  qui 
employa  parmi  fes  couleurs,  la  cérufe  brûlée. 
On  dit  qu'il  excelloit  en  particulier  à  pein- 
dre les  femmes.  On  avoit  de  lui  un  grand 
nombre  de  tableaux  extrêmement  eftimés| 

O  z 


io8  .    ,P   ^  .^ 

entr'autres  celui  où  il  avoit  peint  la  def- 
cente  d'UlyfTe  aux  enfers. 

Praxitèle  faifoit  un  û  grand  cas  de  la  com- 
pofition  dont  Nicias  avoit  le  fecret ,  &  qn'ii 
appliquoit  fur  les  ftatues  de  marbre ,  que 
ce  les  de  fes  ftatues  où  Nieras  avoit  mis 
la  main,  méritoient,  felori  lui,  la  prété- 
rence  fur  tontes  autres.  Voilà  ce  que  dit 
le  texte  de  Piine,  //V.  XXXV,  ck.  xj. 
/Nous  ne^connoiiïons  plus  cette  pratique; 
&  comme  nous  n'Imaginons  pas  que  des  ver- 
ris,  ou  quelque  autre  préparation  fernbla- 
H^îe,  puiffent  être  appliqués  fur  une  ftatue  de 
marbre  fans  lui  nuire,  nous  c; oyons  trou- 
ver dans  ce  pafîageque'que  choie  d'abfurde: 
cependant  il  s'agit  ici  d'un  vernis  ,  qui  étoit 
peut-être  une  compofition""  de  cire  pré- 
parée.' 

Mais  il  y  a  de  bien  plus  grands  éloges 
à  faire  de  Nicias,  car  lumen  &  umbras  cuf- 
todivit  :  il  con(erva  avec  foin  la  vériré  de 
la  lumière  &  celle  des  ombres;  c'eft-àdire, 
qu'il  a  parfaitement  entendu  le  clair-obfcur  : 
&  par  une  fuite  néceflaire ,  les  figures  de 
fes  tableaux  prenoienr  un  grand  relief,  & 
les  corps  paroifroientfail!ans;-(4/^«ew/e/72i- 
ncrcnte  tabulis  piciura. ,  maxime  curavit. 
On  croiroit  que  Pline,  dans  ce  paffage, 
feroit  l'éloge  de  Polydore. 

Nicias  joignit  à  ces  grandes  parties ,  celle 
de  bien  rendre  les  quadrupèdes  ,  &  prin- 
cipalement les  chiens.  Nos  modernes  ne 
nous  fourniffent  aucun  objet  de  compa- 
raifon  ;  car  ceux  qui  ont  excellé  à  pein- 
dre les  animaux ,  n'ont  ordinairemenfchoifi 
ce  genre  de  travail ,  que  par  la  raifon  qu'ils 
é  oient  foibles  dans  l'exprelTion  des  figures , 
&  pour  ainfi  dire  incapables  de  traiter  les 
fujers  de  Thiiloire  &  les  grandes  pafîions. 
Ji  eft  vrai  que  Riibens  feplaifoit  à  peindre 
des  animaux ,  &  c'eft  à  fes  leçons  que  nous 
devons  le  fameux  Sneyders  j  mais  ces  far- 
tes d'exemples  font  rares. 

Parmi  les  tableaux  les  plus  eftimés  de 
Ncias,  on  admiroit  fur-tout  celui  où  il 
avoit  peint  la  defcente  d'Ulifife  aux  enfers. 
r.  refufa  de  ce  tableau  60  talens ,  181000  li  v. 
que  le  roi  Ptolomée  lui  ofFroit ,  &  en  fit 
préfent  à  fa  patrie.  • 

Les  Athéniens ,  par  reconnoifTance ,  éle- 
vèrent un  tombeau  à  fa  gloire,  &  lui  ac- 
■  cordèrent  les  honneurs  de  la  fépulture  aux 


P   E    I 

dépens  du  public  ,  comme  à  Conon ,  à  Tî- 
mothée ,  à  Miltiade  ,  à  Cimon  ,  à  Ha' mé- 
dius, &:  à  Ariftognion.  On  trouvera  d'au- 
tres dé;ails  allez  étendus  (ur  cet  admirable 
Peintre,  dans  Plme,^lien,  Paufanias, 
Stobée  &  P'utarque.  ^  * 

Nicomaque,  fils  &:  élevé  d'Ariftodeme, 
étoit  un  peu  plus  ancien  qu'Apelle.  On 
achetoif  fes  tableaux  pour  leur  grande  beau- 
ré,  àes  fommes  immenfes;  tabulœ  fingula 
oppidorum  venihant  opibus,  dit  Pline  ,  & 
cependant  perfonne  n'avoir  plus  de  facilité 
&  de  promptirude  dans  l'exécution.  Arifto- 
te,  tyran  de  Sicyone,  l'avoit  choifi,  pour  or- 
ner de  tableaux  un  monument  qu'il  faifoit 
élever  au  poète  Telefte ,  &  il  étoit  con- 
venu du  prix  avec  Nicomaque ,  à  condition 
néanmoins  que  l'ouvrage  feroit  achevé  dans 
un  temps  fixe.  Nicomaque  ne  fe  rendit  fur 
le  lieu,  pour  y  travailler,  que  peu  de  jours 
avant  celui  où  il  devoit  livrer  l'ouvrage.  Le 
tyran  irrité  alloit  le  faire  punir  ;  mais  le 
Peintre  tint  paro'e,  &  dans  ce  peu  de  jours, 
il  acheva  fes  tableaux  avec  un  art  admira- 
ble &  une  merveilleufe  cé\énxé\c6Uritatc 
&  arte  mira,  ajoute  le  même  Pline.  Les 
tableaux  de  Nicomaque ,  &  les  vers  d'Ho- 
mère ,  dit  Plutarque  dans  la  vie  de  Timo- 
léon  ,  outre  les  perftâ:ions  &  les  grâces 
dont  i's  brillent,  ont  encore  cet  avantage, 
qu'ils  paroiffent  n'avoir  coûf^  ni  travail , 
ni  peine  à  leur  auteur. 

Il  fut  le  premier  qui  peignit  Ulyfle  avec 
un  bonnet ,  &  tel  qu'on  le  retrouve  dans 
des  médailles  de  la  famille  Mamilia,  rap- 
portées par  Vaillant ,  Famil.  Boman.  Ma- 
milia ,2,3,4,  ^^^  années  614  &  616  de 
Rome,  environ  deux  cents  ans  après  les 
ouvrages  de  Nicomachus. 

Nicophanes ,  dit  Pline,  fut  fi  élégant, 
fi  précis,  que  peu  de  peintres  ont  égalé  fes 
ag'émens ,  &  jamais  il  ne  s'eft  écarté  de 
la  dignité  ni  de  la  nobleflTe  de  l'art  :  Nico^ 
phanes  eUgans  &  concinnus ,  ita  ut  venuf^ 
tau  ei  pauci  comparentur,  Cothurnus  ei  , 
&  graviras  artis, 

Pamphile ,  de  Macédoine ,  élevé  d*Eu- 
pompus  ,  &  contemporain  de  Zeuxis  &C 
de  Parrhafius ,  qu'on  place  enfemble  vers 
la  115e  olympiade,  c'eft-à-dire  vers  l'an 
du  monde  3604,  fut  le  premier  peintre 
verfé  dans  tous  les  genres  de  fcience  &ft  de 


PEl 

lutérature.  I!  a  mérité  que  Pline  dît  de  1 
lui;  P  rimus  in  picîurc.  omnibus  lir.tens  eru-  | 
ditus ,  prccdpui:  .iritkmcticcs  &  giomct'îcœ . 
Jzne  quitus  neg.:hat  artim  pcrfici  pcjfe.  11 
avoit  bien  raifcn  ,  puirq''e  les  règle-;  de  la 
perfpedive  ,  dont  les  peintres  font  conri- 
mieilement  ufsge  ,  6v  celles  de  l'archirec- 
ture  qu'ils  font  quelquefois  obligés  d'em- 
ployer, appa;  tiennent  les  unes  &  les  autre-^ 
à  la  géométrie.  Or,  la  néceflité  de  la  géo- 
métrie la  plus  fiiTiple  &  la  plus  élémentai- 
re ,  entraîne  la  nécefliré  de  l'arithmétique , 
pour  le  calcul  des  angles  &  des  côtés  des 
figures. 

Patnphile  fit  primus  in  piclurâ ,  mais 
d'une  façon  dont  nos  peintres  devroient 
tâcher  d'approcher  ;  c'eft  qu'étant  favant 
dans  fon  art ,  il  fut  omnihus  Utteris  eru- 
ditus.  Il  eut  le  crédit  d'établir-à  Sicyone  , 
enfuite  dans  toute  la  Grèce,  une  efpece 
d'académie  ,  où  les  feuls  enfans  nobles  & 
de  condition  libre  qui  auroient  quelque 
difpofition  pour  les  beaux-arts  ,  feroient 
înftruits  roigneuTement ,  avec  ordre  de  com- 
mencer par  apprendre  les  principes  du 
deffin  fur  des  tablettes  de  buis  ;  &  dé- 
fenfesaux  efclaves  d'exercer  le  bel  art  de  la 
peinture. 

En^  ,  Paniphile  mit  cet  art  in  primum 
gradum  LihcraUum  :  Pline  l'appelle  auffi  un 
art  noble  &  diftingué  ^  qui  avoit  excité 
l'emprefTement  des  rois  &  des  peuples.  Il 
aime  qu'el'efafTe  briller  l'érudition  ,  au  pré- 
judice même  du  coloris  ;  il  joint  avec  com- 
plaisance au  titre  de  peintre  ,  celui  de  phi- 
îoiophe  dans  la  perfonne  de  Métrodore, 
&  celui  d'écrivain  dans  Parrhafius,  dans 
Euphranor ,  dans  Apelle  &  dans  les  autre?. 
Quelquefois  même  il  femble  préférer  )a 
peinture  à  la  poéfie.  La  Diaiie  d'Apelle , 
au  milieu  de  fes  nymphes  qui  facrifient, 
paroît ,  dit-il ,  l'emporter  fur  la  Diane 
d  Homère  ,  lequel  a  décrit  le  même  fpefta- 
cle.  Si  les  vers  grecs,  qni  fubfiiloicnt  à  la 
louange  de  la  Venus  Anadyomene  du  mê- 
me Apeile,  a  voient  prévalu  fur  le  tableau 
qui  ne  fubiîftoitp'us ,  ils  rendoiem  toujours 
hommage  à  fa  gloire. 

Cependant  il  femble  que  nos  artiftes 
penfcnt  bien  différemment,  &  qu'ih  fe- 
coueni  la  littérature  &  les  fciences  comme  i 
un  joug  pénible,  pour  fe  livrer  en:iére-i 


P  E I  109 

ment  avx  opérations  de  l'œil  S/  c'e  h  main, 
L?»ir  préjugé  contre  l'étude  paroit  bien 
difficile  à  déraciner  ,  parce  que  malheureu- 
lement  prefque  tous  ceux  qui  ont  eu  des 
leures ,  n'ont  pas  excellé  dans  l'art;  mais 
Texemple  de  Léonard  de  Vinci  &  de  quel- 
ques autres  modernes,  fuffiroit ,  indépen- 
damment de  l'exemple  des  anciens  ,  pour 
juftifier  qu'il  eft  poffible  à  un  grand  pein- 
dre d'être  favant.  Enfin,  fans  favoir ,  com- 
me Hippias ,  tous  les  arts  &  toutes  les  fcien- 
ces ,  il  y  a  des  degrés  entre  cet  éloge,  & 
une  ignorance  que  l'on  ne  peut  jamais 
pardonner. 

Au  refte  ,  Pamphile ,  après  avoir  élevé 
des  efpeces  d'académies  dans  la  Grèce  ,  ne 
prit  point  d'élevés  qu'à  raifon  de  dix  ans 
d'apprentiffage ,  &  d'un  talent ,  »foit  par 
année  ,  foit  pour  les  dix  années  de  leçon  ; 
car  le  texte  de  Pline  eft  fufceptible  de  ces 
deux  fens.  Il  eft  cependant  vraifemblable 
qu'il  faut  entendre  un  talent  attique  par 
chaque  année.  Le  talent  attique  eft  évalué, 
par  MM.  Bellay  &  Barthélémy,  à  environ 
quatre  mille  fept  cents  livres  de  notre  mon- 
noie  aftueile  1778  ;  le  dodeur  Bernard 
l'évalue  à  deux  cents  livres  fterlings  cinq 
shellings.  Ce  fut  à  ce  prix  qu'Apelle  entra 
dans  l'école  de  Pamphile  ,  &  ce  fut  un 
furcroît  de  gloire  pour  le  maître.  Il  eut 
encore  l'avantage  d'avoir  Mélanthius  pour 
difciple ,  ce  Mélanthius ,  dont  Pline  dit  que 
les  tableaux  étoient  hors  de  prix.  Paufanias 
fut  aulïl  fon  élevé  :  nous  n'oublierons  pas 
fon  article. 

On  admiroitplufteurs  ouvrages  de  Pam- 
phile ,  entr'autres  fon  Ulyfte  dans  une  bar- 
que ;  fon  tableau  de  la  confédération  des 
Grecs  ;  celui  de  la  bataille  de  Phlius  au  midi 
de  Sicyone ,  aujourd'hui ,  Phoïca  ;  celui  de 
la  viftoire  des  Athéniens  contre  les  Per- 
(qs  ,  &c.  Ajoutons-y  un  portrait  de  famille 
dont  Pline  parle  ,  c'eft-à-dire,un  grouppe 
ou  une  ordonnance  de  plufieurs  parens  , 
Veft  le  feul  exemple  de  cette  efpece  rap- 
porté par  les  anciens  ;  non  que  la  chofe  n'ait 
été  facile  &  naturelle ,  mais  parce  qu'elle 
n'é:oit  point  en  ufage  ,  du  moins  chez  les 
Romains,  qui  rempliffoient  leur  ^//-////w  ou 
le  veftibule  de  leurs  maifons  de  fîmples 
buftes. 

Panée ,  ou  Panœiws ,  comme  dit  Pau- 


110  P  E  I 

fanlas ,  frère  du  fameux  Phidias ,  floriflfoit 
dans  la  5 5® olympiade,  ou  Tan  du  monde 
3560.  Il  peignit  avec  grande  diftindion  la 
fameufe  journée  de  Marathon,  où  les  Athé- 
niens défirent,  en  bataille  rangée,  toute 
l'armée  des  Perfes  :  les  principaux  chefs  de 
part  &  d'autre  étoient  dans  ce  tableau  de 
grandeur  naturelle ,  &  d'après  une  exa(Se 
reffemblance  ;  c'eft  de  là  que  Pline  infère 
les  progrès  &  la  perfection  de  l'art ,  qui 
néanmoins  fe  pef feélionna  beaucoup  dans 
la  fuite. 

Ce  fut  de  fon  temps  que  les  concours 
pour  le  prix  de  la  peinture  furent  établis 
à  Corinthe  &  à  Delphes,  tant  les  Grecs 
étoient  déjà  attentifs  à  entretenir  l'émula- 
tioH  des  beaux-arts  par  tous  les  moyens  les 
plus  propres  aies  faire  fleurir.  Panœnus  fe 
mit  le  premier  fur  les  rangs ,  avec  Tima- 
goras  de  Chalcis ,  pour  difputer  le  prix  à 
Delphes  dans  les  jeux  pythiens.  Timago- 
ras  demeura  vainqueur  ;  c'eft  un  fait ,  ajoute 
Pline ,  prouvé  par  une  pièce  de  vers  du 
même  Timagoras ,  qui  eft  fort  ancienne  , 
elle  a  dû  précéder  d'environ  cinq  cents  cin- 
quante ans  le  temps  où  Pline  écrivoit,  û 
nous  plaçons  la  vift oire  de  Timagoras  vers 
la  xxvii)<^  pythiade,  en  l'an  474  avant  Je- 
fusChrift. 

Panœnus  devoit  même  être  affez  jeune 
l'an  474,  feize  ans  après  la  bataille,  de 
Marathon  ,  puifqu'il  efl:  encore  queftion  de 
lui  dans  la  Ixxxiije  olympiade ,  l'an  448  ; 
qu'il  peignit  à  Élis  la  partie  concave  du 
boucher  d'une  Minerve,  ftatue  faite  par 
Colotès ,  difciple  de  Phidias.  Si  ce  mélange 
de  peinture  &  de  fculpture  dans  un  même 
ouvrage ,  révolte  aujourd'hui  notre  délica- 
teffe;  fi  nous  condamnons  comme  inutiles 
&  comme  cachés  à  la  vue  du  fpe<5lateur , 
des  ornemens  qui  ont  pu  cependant  être 
prefque  auffi  vifibles  en  dedans  qu'en  dehors 
d'un  bouclier,  du  moins  gardons  -  nous 
bien  d'étendre  nos  reproches  jufqu'à  l'hif- 
torien  ;  ce  feroitle  blâmer  de  fon  attention 
à  nous  tranfmettre  les  anciens  ufages  ,  & 
d'une  exaftitude  qui  fait  fon  mérite  &c  fa 
gloire. 

Panœnus  fit  encore  des  peintures  à  fref- 
que  à  un  temple  de  Minerve ,  dansl'Èlide; 
Si.  Phidias  fon  frère  ,  ce  fculpteur  fi  célè- 
bre ,  avoit  aufïi  exercé  l'art  de  la  peinture  ; 


P  E  I 

I  il  avoit  peint  dans  Athènes  l'Olympien^ 
I  c"eft-à-dire  ,  Periclès  :  •  Olympium  l'cri^ 
!  ckm ,  dignum  cognomine ,  pour  me  lérvir 
j  des  termes  de  Phne.  Hifloire  naturelle^  liv, 
XXXIV  ^chap.viij.     ^ 

Parrhaflus  ,  natif  d'Éphefe,  fils  &  dif- 
ciple d'Évenor ,  contemporain  &  rival  de 
Zeuxis ,  florilToit  dans  les  beaux  jours  de 
la  peinture,  vers  l'an  du  monde  3564, 
environ  quatre  cents  ans  avant  Jefus-Chnft, 
Ce  fameux  artiOe  réuffilToit  parfaitement 
dans  le  deffin  .  dans  l'obfevaiion  exafte 
des  proportions  ,  dans  la  nobleffe  des  atti- 
tudes ,  i'expreiîion  des  païïions ,  le  finiiïe- 
ment  &  l'arrondiflement  des  figures  y  la 
beauté  &  le  moelleux  des  contours  ;  en 
tout  cela  dit  Pline  ,  il  a  furpaflé  its  pré- 
déceffeurs ,  &:  égalé  tous  ceux  qui  l'ont 
fuivi. 

Le  tableau  allégorique  que  cet  homme 
célèbre  fit  du  peuple  d'Athènes,  brilloit  de 
mille  traits  ingénieux  ,  &  montroit  dans  le 
peintre  unerichefi^e  d'imagination  inépuifa- 
ble  ;  car ,  ne  voulant  rien  oubher  touchant 
le  caraélere  de  cette  nation  ,  il  la  repréfen- 
ta ,  d'un  côté ,  bizarre ,  colère ,  injufte ,  in- 
conftante  ;  &  de  l 'autre ,  humaine ,  docile  , 
&  fenfible  à  la  pitié  ;  dans  certain  temps  , 
fiere ,  hardie  ,  glorieufe  ;  &  d'autres  fois  , 
baffe ,  &  lâche  &  timide.  Voilà  un  rableau 
d'après  nature. 

C'efl:  dommage  que  Parrhafius  ait  ^k{- 
honoré  fon  pinceau ,  en  repréfentant  par 
délafl^ement  les  objets  les  plus  infâmes  : 
Ubiqut  cihhcr  ^  comme  dit  Pline  d^Arellius, 
nijijîagitus  injignem  corrupijfet  arum  ;  ce 
que  fit  en  effet  le  peintre  d'Ephefe  ,  par  fa 
peinture  hcencieufe  d'Atalante  avec  Méléa- 
gre  fon  époux,  dont  Tibère  donna  cent 
cinquante  mille  livres  de  notre  monnoie  , 
&  plaça  cette  peinture  dans  fon  apparte- 
ment favori. 

C'eft  encore  dommage  que  cet  homme 
fi  célèbre  ait  montré  dans  fa  conduite  trop 
d'orgueil  &  de  préfomption.  On  le  blâme 
peut-être  à  tort  de  fa  magnificence  fur  toute 
fa  perfonne.  On  peut  auffi  lui  paiTer  fon 
bon  mot  dans  fa  difpute  avec  Timanthe.  Il 
s'agififoit  d'un  prix  en  faveur  du  meilleur 
tableau  ,  dont  le  fujet  étoit  Ajax  outré  de 
colère  contre  les  Grecs  de  ce  qu'ils  avoient 
accordé  les  armes  d'Achille  à  Ulyffe  ;  Iç 


P  El 

prix  fut  adjugé  à  Timanthe.  «  Je  lui  cède 
»  volontiers  la  viéloire  ,  dit  le  peintre 
»  d'Ephefe,  mais  je  fuis  fâché  que  le  fils 
»  de  Telamon  ait  reçu  de  nouveau  le  même 
»  outrage  qu'il  effuya  jadis  fort  injufle- 
»  ment. 

On  voit  par  ce  propos  ,  que  Parrhafius 
étoit  un  homme  de  beaucoup  d'efprit;  mais 
c'étoit  fans  doute  un  artiflê  du  premier  or- 
dre ,  puifque  Pline  commence  fon  éloge  par 
ces  mots  remarquables,  qui  difent  tant  de 
chofes  :  Primas  fymmetriam pictura  dédit. 
Ces  paroles  fignifîent ,  que  les  airs  de  tête 
de  ce  peintre  éiox^nt.  piquans;  qu'il  ajufloit 
les  cheveux  avec  autant  de  nobleffe  que  de 
légèreté  ;  que  fes  bouches  étoient  aimables, 
&  que  fon  trait  étoit  aufïi  coulant  que  fes 
contours  étoient  juftes  :  c'efl  le  fublime  de 
la  peinture.  Hœc  ejl  in  piciurd  fub limitas  ; 
Jianc  ci  gloriam  conceffére  Antigonus^& 
JCcnocrates  ,  qui  de  piciurd  fer  ipfêrc.  Dans 
fon  tableau  de  deux  enfans  ,  on  trouvoit 
l'image  même  de  la  fécurité  &  de  la  fimpli- 
cité  de  l'âge  \fecuritas  &JîmpUcitas  œtatis. 
Il  faut  que  c^  enfans  aient'  été  bien  ren- 
dus ,  pour  avoir  infpiré  des  exprelïîons  qui 
peignoient  à  leur  tour  cette  peinture.  C'efl 
dommage  que  dans  un  artifte  de  cet  ordre  , 
nemo  infoUntiiis  &  arrogantiîis  fit  iifus  glo- 
ri  a  artis.  Il  fe  donna  le  nom  ^  ahrodiaos  ^ 
le  délicat,  le  voluptueux,  en  fe  déclarant 
le  prince  d'un  art  qu'il  avoit  prefqut  porté 
à  fa  perfection.  En  effet ,  on  ne  lit  point 
fans  piaifir  tout  ce  que  difent  de  ce  çrand 
maître,  Pline,  Diodore  de  Sicile  ,  Xéno- 
phon  ,  Athénée,  Elien  ,  Quintilien;  & 
parmi  les  modernes,  Carlo-Dati  :  mais  on 
n'eft  point  fâché  de  voir  l'orgueil  de  Par- 
rhafius puni ,  quand  il  fut  vaincu  par  Tim.an- 
the  ,  dans  le  cas  dont  j'ai  parlé  ci-defTus  ; 
cas  d'autant  plus  important  à  fa  gloire,  que 
les  juges  établis  pour  le  concours  des  arts 
4ans  là  G^ece ,  ne  pouvoient  être  foupçon- 
néi  d'ig  ;Oiance  ou  de  partialité. 

Paujias ,  natif  de  Sicyone,  fils  de  Brités 
&  fon  é'eve ,  flvjriiloit  vers  la  cj^  olym- 
piade. Il  fe  diflinguajdans  la  peinture  en- 
.cauftique,  &  en  décora  le4)rem.',er  les  voû- 
te's  &  les  lambris  _;  pinxit  &  illc  penicilLo 
parlete:.  Tkefpiis  ,  dit  Pline  ,  c.  xj.  C'étoit 
peut  êire  le  temple  des  Mufes  que  l'on 
voyoit  à  Thefpies ,  au  bas  de  i'Hélicon. 


P    E   I  TII 

*  Polygnote  avoit  orné  avant  lui  ce  même 
lieu  de  fes  ouvrages;  le  temps  les  avoit 
apparemment  dégradés  ou  effacés.  On  char- 
gea Paufias  de  les  refaire ,  &  ces  tableaux 
perdirent  beaucoup  à  la  comparaifon ,  ^wo- 
niam  non  fuo  génère  certajjet  j  mais  il  dé- 
cora le  premier  les  muts  intérieurs  des 
appartemens  ,  avec  un  fuccès  difîinguc; 
c'efl  ce  genre  queLudius  fit  enfuite  connoî- 
tre  à  Rome.  Paufias  y  apportoit  la  plus 
grande  facilité,  car  il  peignit  un  tableau  de 
ce  genre  en  un  jour  ;  il  efl  vrai  que  ce  ta- 
bleau repréfentoit  un  enfant ,  dont  les  chairs 
mollettes ,  rondes  &  pleines  de  lait  n'exi- 
gent qu'une  forme  générale,  fans  aucun 
détail  intérieur,  fans  aucune  exprefïion 
compofée  ;  enfin ,  fans  aucune  étude  de 
mufcles  &  d'émmanctiemens. 

Quand  l'occafion  le  demandoit ,  Pau- 
fias terminoit  fes  beaux  ouvrages  avec  beau- 
coup de  mouvement  dans  fa  compofition 
&  d'effet  dans  la  couleur.  On  admiroit  de 
fa  main  dans  les  portiques  de  Pompée  ,  un 
tableau  repréfentant  un  facrificede  bœufs, 
parmi  lefquels  étoit  un  bœuf  de  front  dont 
on  voyoit  toute  la  longueur  :  on  y  remar- 
quoit  fur-tout  la  hardieffe  avec  laquelle  il 
les  avoit  peints  abiblument  noirs  :  enfin  , 
les  facrifices  de  Paufias  indiquoient  non- 
feulement  l'art  du  raccourci ,  mais  une  in- 
telligence complète  de  la  perfpeétive. 

Il  devint ,  dans  fa  jeuneffe  ,  amoureux  de 
Glycere  ;  cette  belle  vendeufe  de  fleurs  le 
rendit  excellent  dans  l'imitation  de  la  plus 
légère  &  de  la  plus  agréable  produdionde  la 
nature.  Comme  elle  excelloit  dans  fart  de 
faire  des  couronnes  de  fleurs  qu'elle  verî- 
doit ,  Paufias ,  pour  lui  plaire,  imitoit  avec 
le  pinceau  ces  couronnes  ,  &  fon  art  éga- 
loit  le  fini  &  l'éclat  de  la  nature.  Ce  fut 
alors  qu'il  repréfenta  Glycere  affiie,  com- 
pofant  une  guirlandede  fleurs ,  tableau  dont 
Lucullus  acheta  la  copie  deux  talens  (neuf 
mille  quatre  cents  Uvres^  :  combien  auroit-il 
payé  l'original ,  qu'on  nomma  Stéphano" 
plocos  ,  la  faifeufe  de  couronnes  ?  Horace 
n'a  pas  oublié  cette  circonflance. 

Velcum  Paufiaca  torpes,  infane ,  tahella 
Qui  peccas  minus ,  atque  ego  cum ,  Sec, 

Le  prix  excefîif  que  Lucullus  mit  au  ta- 
bleau de  Paufias ,  ne  doit  pas  néanmoins 


111  P  E  I 

étonner  ceux  qui  ont  vu  de  nos  jour?  des 
fommes  pareilles  pour  les  bouquets  de  fleurs 
peints  par  Van-Huyfam ,  tandis  que  peut- 
être  ils  n'auroient  pas  donné  le  même  prix 
d'un  tableau  de  Raphaël.  On  pourroit  com- 
parer Baptifte  pour  cette  partie  feulement, 
au  célèbre  Paufias  dans  la  belle  imitation 
des  fleurs ,  à  laquelle  il  joignoit  une  grande 
facilité. 

Cependant ,  le  chef-d'œuvre  de  Paufias 
étoit  une  femme  ivre  ,  peinte  avec  un  tel 
,  efprit ,  que  l'on  appercevoit  à  travers  un 
vafe  qu'elle  vuidoit ,  tous  les  traits  de  foii 
vifage  enluminé ,  dit  Paufanias ,  /.  xxi.  M. 
Scaurus  tranfporta  à  Rome  tous  les  ta- 
bleaux du  peintre  de  Sicyone ,  qui  étoit  fa 
patrie  ,  &  où  il  avoit  fixé  fon  féjour;  &  il 
orna  des  tableaux  de  cet  artifl:e  le  fuperbe 
théâtre  qu'il  fit  conftruire ,  dans  le  deffein 
d'immortalifer  fon  édilité  ,  laquelle  en  effet 
acheva  la  ruine  &  le  renverfement  des 
mœurs  des  Romains. 

Pkilocharhs  ne  nous  eft  connu  que  par 
ce  que  Pline  en  dit ,  en  parlant  des  tableaux 
étrangers  expofés  dans  Rome.  «  Le  fécond 
»  tableau ,  dit-il ,  préfente  un  fujet  d'ad- 
»  miration  ,  dans  la  reflemblance  d'un  fils 
»  encore  jeune  ,  avec  fon  père  déjà  vieux, 
»  malgré  la  différence  des  deux  âges  clai- 
»  rement  exprimée  :  un  aigle  vole  au-def- 
w  fus ,  &:  tient  un  lion  dans  fes  ferres,  Phi- 
»  locharès  y  a  remarqué  que  c'étoit  Ibn 
>♦  ouvrage  ;  preuve  éclatante  ,  continue 
»  Pline,dupouvoirimmenfe  de  l'art,  quand 
»  on  n'envifageroit  que  ce  feul  tableau , 
»  puifque  le  fénat  &  le  peuple  romain  y 
»  contemplent  depuis  tant  de  fiecles,  en 
»  confidérationdePhilocharès  ,  deux  per- 
»  fonnages  d'ailleurs  très-obfcurs ,  Glau- 
»  cion  6c  fon  fils  Ariftippe.  » 

Il  ne  faut  pas  croire  que  Pline  reproche 
aux  Romains  de  s'être  dégradés ,  en  por- 
tant leurs  regards  fur  un  portrait  de  deux 
perfonnes  abjedes",  ce  fens  répugne,  & 
à  l'objet  prél'ent  de  l'auteur,  &  à  tous 
ces  principes  de  philofophie ,  &  à  la  ma- 
nière dont  il  nous  offre  plufieurs  autres 
tableaux ,  où  les  fujets  étoient  vils  ou  incon- 
nus. Il  ne  prétend  pas  plus  cenfurer  les  ad- 
mirateurs de  Glaucion&d'Ariflippe,  que  les 
panégyriftes  de  ce  malade  qu'Anftide  avoit 
peint ,  cgrum  fine  fine  Idudatum  ;  comme 


PET 

c'étoit  fur  la  fineffe  de  rexécutîondu/»^//z- 
trt  que  tomboient  les  admirations  §c  les 
louanges,  le  philofophe  s'en  fervoit  pour 
faite  connoître  les  charmes  de  l'art,  &  le 
citoyen  pour  les  faire  aimer. 

Ph'doxemc  d'Erythrée,  élevé  de  Nico- 
machus  ,  fuivit  la  manière  de  fon  maître. 
Pline  dit  de  Xm^cujus  tabula  nulli  poflfc" 
rendu  ;  c'eft  un  éloge  affez  fingulier.  Il  jou- 
te ,  qu'il  trouva  des  chemins  plus  courts 
encore  pour  peindre  promptement.  Il  tra- 
vailloit  donc,  dit  M.  de  Caylus,  comme 
le  Pellégrini,  qui  avoit  peint  la  banque  à 
Paris  ;  &  comme  Paul  Mathéi ,  qui  a  fait 
un  fi  grand  nombre  d'ouvrages  che  M. 
Crozat  l'ainé  :  l'un  &  l'autre  faifoient  ordi- 
nairement par  jour  une  figure  grande  comme 
nature;  mais  la  promptitude  &  la  facilité 
étoiejît  leur  feul  mérite. 

Polygnote  de  Thafe ,  île  de  la  mer  Egée  , 
étoit  fils  d'Aglaophon  dont  nous  avons  par- 
lé, &  qui  vivoit  avant  la  quatre-vingt- 
dixième  olympiade ,  temps  où  la  peinture  , 
n'avoir  pas  encore  fait  de  grands  progrés, 
il  fut  élevé  de  fon  père;  4)ais  comme  il 
eft  arrivé  depuis  à  Raphaël  &;  à  beaucoup 
d'autres,  le  difciple  furpafifa  bientôt  fon 
maître.  Guidé  par  fon  propre  génie  ,  il  ofa 
quitter  J'ancienne  manière  qui  étoit  dure^ 
feche  &  contrainte;  il  porta  tout  d'un  coup 
fon  art  de  l'enfance  prefqueàlaperfeâiion. 
Julqu'àlors  les  peintres  ne  s'étoient  fervi 
que  d'une  feule  couleur  ;  ce  qui  faifoit 
donner  à  leurs  ouvrages  le  nom  peu  avan- 
tageux de  /««i-o;)^  9/Jt.Aiiv  ou  fjiovoXfôov  que 
Quintilien  nous  rend  par  les  xiots  dejim" 
pLex  color. 

Polygnote  employa  quatre  couleurs,  par 
le  mélange  defquelles  il  donna  aux  femmes 
une  parure  brillante  qui  charma  les  yeux. 
Il  eut  la  gloire  de  trouver  le  fecret  des 
couleurs  vives  ,  des  draperies  éclatantes, 
&  de  multiplier  avec  dignité  le  nombre  ds 
ajufîemens.  Par  cette  nouveauté,  il  éleva 
les  merveilles  de  la  peinture  à  un  degré 
qui  n'étoit  pas  encore  connu.  Pline  nous 
apprend  que  Polygnote  &c  Micon  furent 
les  premiers  qui.£rent  ufage  de  l'ocre  jaune  , 
&  que  tous  deux  peignirent  à  frelque  ce 
célèbre  portique  d'Athènes  ,  qui  de  la  va- 
riété de  fes  peintures  fut  nommé  le  Facile, 
Mais  Micon,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  fe  fit 

payçr 


P  El 

payer  de  fofi  travail ,  au  lieu  que  Polygnote 
ne  voulut  d'aurre  récompenfe  que  l'honneur 
d'avoir  rëuflî  :  ce  beau  procédé  le  mit  en  un 
il  haut  degré  d'eftime  ,  que  les  Athéniens 
lui  donnèrent  droit  de  bourgeoiiîe  dans  leur 
ville  ,  &.  les  Amphydions  le  droit  d'hol^ 
pitalité  dans  toutes  les  villes  de  la  Grèce  , 
pour  tout  le  refte  de  (a  vie.  Des  récom- 
penfes  auffi  flatteufes  pour  l'amour-propre  , 
&  telles  que  les  Grecs  les  favoient  accor- 
der ,  ne  font  plus  en  ufage  ;  il  faut  croire 
que  fi  elles  exifioient ,  nous  verrions  plu- 
lieurs  de  nos  artiftes  décorer  des  temples 
fans  recevoir  aucune  rétribution  ,  ou  plu- 
tôt les  décorer  pour  en  avoir  d'aulîî  dif- 
tinguées> 

On  voyoit  à  Rome  ,  du  temps  de  Pline  , 
un  tableau  de  Polygnote ,  qui  repréfentoit 
un  jeune  homme  armé  de  fon  bouclier  ,  dans 
une  attitude  qui  laiflbit  en  doute  s'il  mon- 
toit  ou  s'il  defcendoit.  Pline  en  fait  beau- 
coup d'éloges ,  parce  qu'il  fe  trouve  une 
beauté  réelle  dans  une  attitude  indécifè  ,  & 
dans  une  contenance  mal  affurée  ,  qui  peint 
l'irréfolution  de  l'efprit.  Il  arrive  très-fou- 
vent  qu'un  foldat  qui  efcalade  ,  ou  qui  s'a-' 
yance  à  l'ennemi ,  s'arrête  tout-à-coup ,  fans 
favoir  d'abord  s'il  pourfuivra ,  s'il  continuera 
de  monter ,  ou  s'il  prendra  le  parti  de  def^ 
cendre.  Or  ,  ces  fortes  de  pofitions  vacil- 
lantes font  difficiles  à  être  bien  repréfentées 
par  un  peintre.  L'habile  artifte  dont  nous 
parlons  avoit  pourtant  faifi  celle-ci ,  &  l'ha- 
bile écrivain  de  la  nature  a  eu  foin  d'avertir 
qu'on  en  voyoit  à  Rome  le  tableau  fous 
le  portique  de  Pompée. 

Polygnote  fit  encore  plufieurs  autres  ou- 
vrages vantés  dans  l'hiftoire  ;  tels  font  en 
particulier  les  deux  tableaux  que  Paufanias 
a  décrits  ;  l'un  repréfentoit  laprife  deTroye 
&  le  rembarquement  des  Grecs  ;  l'autre  la 
defcente  d'Ulyffe  aux  enfers, avec  une  image 
de  ces  lieux  fouterrains  ;  fujets  magnifiques  , 
&  qui  ne  prêtent  pas  moins  à  la  peinture 
qu'à  la  poéfie.  Voye\  les  Mém.  des  In  fer. 
tom.  Vî y  in-4.°.  Il  fut  le  premier  qui  fut 
varier  l'air  du  vifage  ,  fec  &  dur  dans  if  n- 
cienne  peinture  ;  qui  donna  des  draperies 
fines  &  légères  à  (es  figures  de  femmes, 
&  le  premier  qui  les  coëfFa  d'une  mitre  de 
différentes  couleurs.  Auffi  heureux  en  ga- 
lanterie, que  noble  dans  (es  adions  ,  il 
Tome  XXV, 


PEI  jiy 

{ut  plaire  à  Elpinice  ,  (œuf  de  Cimon  & 
fille  de  Miltiade ,  ce  grand  capitaine  ,  dont . 
la  gloire  ne  fut  égalée  que  par  celle  de  fon 
fils.  Polygnote  vivoit  quatre  cents  vingt  an- 
nées avant  l'ère  chrétienne  :  ainfi ,  les  ta- 
bleaux dont  parle  Paufanias  ,  avoient ,  du 
temps  de  cet  auteur  ,  cinq  ou  fix  cents  aias 
d'antiquité.  < 

Protogene  ,  né  à  Caunium  en  Carie, 
ville  qui  dépendoit  de  Rhodes  ,  étoit  con- 
temporain d'Apelle  :  il  commença  par  pein- 
dre des  navires ,  &  vécut  long-temps  dans 
une  honnête  pauvreté  ,  la  fœur ,  je  dirai 
mieux  ,  la  mère  du  bon  efprit.  Il  peignit 
enfuite  des  portraits  &  quelques  fujets  fim- 
ples  ,  mais  auxquels  il  donna  un  fi  beau  fini , 
^;u'iLs  firent  l'admiration  des  Athéniens, c'efl- 
à-dire ,  du  peuple  le  plus  éclairé  qui  fût  au 
monde.  Tous  les  hifioriens  parlent  de  ce 
fameux  tableau  ,  qai  lui  coûta  fept  ans  de 
travail ,  de  l'Iabife  ,  chafïeur  célèbre  ,  petit- 
fils  du  foleil ,  &  qui  paflbit  pour  le  fonda- 
teur de  Rhodes. 

Protogene  ,  jaloux  de  la  durée  de  {es 
ouvrages  ,  &  voulant  faire  pafler  le  tableau 
d'Iabiie  à  la  po{ï^érité  la  plus  reculée  ,  le  re- 
peignit à  quatre  fois  ,  mettant  couleurs  fur 
couleurs ,  qui  prenant  par  ce  moyen  plus 
de  corps  ,  devoit  fe  conferver  plus  long- 
temps dans  leur  éclat ,  fans  jamais  difpa- 
roître  ;  car  elles  étoient  difpofées  pour 
fe  remplacer  ,  pour  ainfi  dire,  l'une  l'autre. 
C'eil  ainfi  que  Pline  s'explique;  comme  le 
remarque  M.  le  Comte  de  Caylus ,  pour 
caradérifer  le  coloris  de  ce  célèbre  arfi{îe. 

On  admiroit  en  particulier ,  dans  ce  ta- 
bleau ,  l'écume  qui  fortoit  de  la  gueule  du 
chien  ;  ce  qui  n'étoit  pourtant,  dit-on,  qu'un 
coup  de  hazard  &  de  défefpoir  du  peintre. 
On  failbif  auffi  grand  cas  de  fon  {àtyre  ap- 
puyé contre  une  colonne.  Protogene  y  tra- 
vailloît  dans  le  temps  même  du  fiege  de 
Rhodes  par  Démétrius.  Il  étoit  alors  logea  la 
campagne  ,  dans  une  maifon  près  de  la  ville. 
Démétrius  fit  venir  Protogene  dans  Çon 
camp  ;  &  lui  ayant  demandé  comment  il 
pouvoit  s'occuper  à  fon  beau  tableauijlfcns 
crainte,  &  s^iraaginer  être  en  lûreté  au  mi- 
lieu des  ennemis ,  Protogene  lui  répondit 
fpirituellemcnt ,  qu'il  favoit  que  Démétrius 
ne  faifoit  pas  la  guerre  aux  arts  ;  réponfe 

qui  plut  extrêmement  au  monarque  ,'  &  qui 

p 


IT4  ^  E  î 

fauva  RBodes.  C'eft  Aulugellc ,  /zV.  X  V  , 
ch,  iij  ,  qjui  rapporte  ce  fait  ,  un  des  plus 
frappans  que  1  hifioire  nous  ait  confervés. 
Cet  événement  du  tableau  qui  opère  le  fa- 
lut  d'une  ville  ,  ell  d'autant  plus  lingulier , 
que  le  peintre  vivoit  encore  ;  &  l'on  fait 
alTez  que  d'ordinaire,  les  hommes  atten- 
dent la  mort  des  auteurs  en  tout  genre , 
pour  leur  donner  les  éloges  les  plus  mé- 
rités ,  foir  qu'un  fentiment  d'envie  les  eon- 
duife  ,  foie  que  ce  qui  s'eft  exécuté  fous 
leurs  yeux  ne  leur  paroifîe  avoir  rien 
d'extraordinaire  ,  foit  enfin  que  leur  eftirae 
foit  produite  par  le  regret. 

Apelle  fit  connoître  aux  Rhodiens  le  mé- 
rite des  ouvrages  de  ce  laborieux  artifte  ; 
car  ayant  offert  d'acheter  trcs-chéremene 
tous  (es  tableaux  ,  les  compatriotes  de  Pro- 
togene  ouvrirent  les  yeux  fur  cette  offre , 
qui  étoit  férieufe  ,  &  .payèrent  fes  ou- 
vrages comme  ils  le  méritoient.^  Ariflote  , 
amateur  des  beaux  arts  autant  que  des 
fciences  ,.  &  de  plus ,  -ami  de  Protogene  , 
dont  il  efHmoit  les  taleas  ,  voulut  l'engager 
aux  plus  grandes  compofitions  &  aux  plus 
nobles  fu)ets  d'hiftoire  ,  comme  à  peindre 
les  batailles  d'Alexandre;  mais  Protogene 
téCiûa  toujours  à  cette  amoree  dangereufe , 
&  continua  fageraent  de:  s'en  tenir  aux 
peintures  de  fon  goût  &L  de  fon  génie. 

On  fait  qu' Apelle  &'  Protogene  travail- 
lèrent enfembde  à, un  tableau  qui  fut  con- 
fervé  préciëuiement.  Ce  tableau  avoit  été 
regardé  comme  un  miracle  de  l'art.  Et  quels 
étoient  ceux  qui.  Iç  confidéroient-  avec  le 
plus  de  complaifance  ?  c'étoient  des  gens 
du  métier ,  gens  en  eftet  plus  en.état  cjjue 
les  autres  de;  fentirles^  beautés  d'un  frmple 
deffin  ,  d'en,  appercevoir  ks  finefiès,  & 
d'en  être  affeftés.  Ce  tableau,  ou,  fi  l'on 
veut ,  ce  deiîin  ,  avoir  mérité  de  trouver 
place  dans.le  palais,  des  Cciars..  Pline  ,  qui 
parle  fur  le  témoignage  des  perfonnes  di- 
gnes de  foi ,  qui  avoient  vu  ce  tableau  avant 
«qu'il  eût  péri  dans  le  premier- incendie  qui 
coniuma  ie  palais  du  temps  d'Augufte  ,,  dis 
qu'^  n'j  re.narquoit  que  trois  traits ,  & 
încfne  qu'on  les  appercevoif  aYecaflez.de-. 
peine  :  la  grande  antiquité  de  ce-  tableau 
ne  permettoit  pas  que  cela  lût  auirerr^snt. 

B  ell  à  remarquer  ,,  que  s'il  n'offroit  A  la 
tue  quô  dé  fimj[>les  lignes  coupées.  dansJeur, 


P  E  ï 

longueur  par  d'autres  lignes ,  ainfî  que  M. 
Perrault  le  l'étoit  imaginé  ,  on  en  devoir 
compter  cinq ,  &  non  pas  trois.  Le  calcul 
eft  aifé  à  faire  ;  la  premitre  ligne  refen- 
due par  une  féconde  ligne,  &  celle-ci  par 
une  troifieme  encore ,  cela  fait  bien  cinq 
lignes  toutes  diflindcs  ,  par  la  précaution 
qu'on  avoit  prife,  en  les  traçant,  d'employer 
différentes  couleurs  Une  telle  méprife  dans 
une  chofe  de  fait ,  n'eft  que  trop  propre  à 
faire  fentir  l'erreur  de  ceux  qui  cherchent 
fans  ceffe  à  rabaifler  le  mérite  de  l'anti- 
quité. 

Nous  ne  dirons  rien  de  plus  de  la  vie  & 
des  adions  de  ce  grand  peintre  ,  finon  qu'il 
joignit ,  comme  tant  d'autres  ,  l'exercice  de- 
la  fculpture  avec  celui  de  la  peinture.  Du: 
relie  y  Apelle  lui  reprochoit  quelquefois  de 
trop  tatiguer  Ces  ouvrages  ,  &  de  ne  favoir 
pas  les  quitter.  Ce  défaut  a  fbuvent  jeté  dans- 
le  froid  quelques-uns  de  nos  modernes. 
Apelle  difoit  à  Ion  ami  :  Le  trop  de  loin  ell 
dangereux.  Mais  la  peintupe  n'efl  pas  la. 
feule  opération  de  l'cfprit  qui  doit  faire  at- 
tention à  ce  précepte. 

Pyreïcus  ,    dit  Pline  ,  arte  paucis  pojî 
ferendus  y  &  fur-tout  du  côté  de  la  beauté, 
du  pinceau  ;  mais  il  a  dégradé  fon  mérite  ^ 
tonjirinas  futrinafqiie  pinxit\  auflî  fut-iL 
nommé  rhyparographos  y  c'efi-à-dire ,  bas 
6*   ignoble.    Nous  p'juvons  donner   cette 
^épithete   à  prefque    tous  les  peintres  des> 
•  Pays-bas.  Il  paroît  que  les  Romains  étoient- 
fenfibles  à  la  l^d.'dion  que  caufoient   ces 
petits   genres ,  &  qu'ils  pardonnoient  aux: 
fujets  ea  faveur  de  la  belle  couleur ,  qui . 
véritablement  efl.  atfrayante.- 

Sérapion  éreit  un />f//2^re  de  détoration;. 
Les  €?recs  &  les  Romain.s  ont  eu  de  grands, 
décorateurs  de  théâtre  ;,  leurs  dépenlèsen-i 
ce  genre ,  &  leur  goût  pour  les  fpedacles  ,, 
ont  dû  produiredes  hommes  très -habiles 
daj)S  cette  paj-tie  ,   &  noas  pouvons  imagi- 
ner par  conféqucnt ,  que  la  facilite  du  gé-- 
nie  &   de  l'exécurioa  ,  devoir  être  nccel- 
faû^ment  appuyée  en  eux  par  la  connoii- 
faace  exaâe  de  la  perfpedive.  Plus  un  trait 
ell Tc^-pporté-dans^e grand,   &  plus  il  exige- 
d'exaditude  ôc  dt  vcrité  ;  &  la  perfpeèlive..- 
aérienne  éprouve  les  mêmes  néceliités- Se- • 
rapior^fe  dillingua  dans  l'art  des  décorations^; 
PJiae,aprè5  en  avoir  parléiur  ce  .tonjajoucey . 


y 


p  E  r 

qu'il  ne  pouvoir  peindre  la  figure  :  c'efl  une 
chofe  route  ordinaire.  A  la  relèrve  de  Jean- 
Paul  Panini ,  qui  a  fu  allier  plufieurs  par- 
ties de  b  peinture  ,  Bibiena  ,  Servandoni  , 
&  rous  ceux  qui  les  ont  précédés,  n'ont 
jamais  lu  reprélenter  une  figure ,  ni  même 
l'indiquer  en  petit  fur  le  plan  le  plus  éloi- 
gné. Si  Sérapion  ne  pouvoit  faire  aucune 
figure  ,  Dionyfius  au  contraire  ne  favoit 
peindre  que  des  figures  ;  ces  partages  fe 
rencontrent  tous  les  jours  :  cependant  les 
Dionyfius  feront  plus  aifément  Sérapions , 
que  les  Séraffions  ne  feront  Dionyfius  ;  car 
vnpei/ure  d  hiiloire  exprimera  toujours  (qs 
penlées  :  le  dellin  de  la  figure  conduit  à 
tour ,  &.  rend  tout  facile. 

Socrate  efi  peint  dans  ces  deux  mots  de 
Pline  ,  jure  omnibus  pîacet  :  cet  artilte  fut 
bienheureux  ;  il  fe  trouvoit  du  gourde  tout 
le  monde.  On  peur  dire  qu'il  eut  un  fort 
bien  diHérenr  du  divin  philofophe  dont  il 
portoir  le  nom.  C'eft  au  peintre  que  nous 
devons  la  compofition  fuivante  ,  &  qu'un 
philolophe  auroit  pu  imaginer.  Pour  expri- 
mer un  négligent  qui  fait  des  chofes  inu- 
tiles ,  il  peignit  un  homme  allis  par  terre, 
travaillant  une  narre  mangée  par  un  âne  , 
à  mefure  qu'il  la  terminoit.  D'aurres  pré- 
tendenr  que  Socrare  avoit  voulu  reprélen- 
ter un  mariimbécille  ,  donr  l'économie  four- 
nir aux  dépenlès  de  fa  femme  :  quoiqu'il 
en  foir ,  le  fujet  éroir  fi  bien  pe':nt ,  qu'il 
palla  en  proverbe  :  Ocnus  fpartum  torquens 
qiiod  afellus  arradit. 

Tiiéomnefie  ,  conremporain  d'Afclépio- 
dore  6c  d'Anllide ,  &  un  peu  plus  ancien 
qu'Apelie,  reçut  de  Mnafon  ,  le  prince  de 
fon  temps  le  plus  curieux  en  peinture  ,  cent 
mines  ,  c'efi-à-dire ,  près  de  8000  livres  de 
notre  monnoie ,  pour  chaque  figure  de  héros 
qu'il  avoir  repréfenrée  ;  &  s'il  y  en  avoir 
douze  ,  pour  répondre  aux  douze  divinirés 
d'Afclépiodore  ,  comme  il  y  a, beaucoup 
d'apparence  ,  cet  ouvrage  lui  fut  payé  en- 
viron 96000  livres. 

Timagoras  de  Chalcide  floriflbit  dans 
la  quarre-vingt-deuxieme  olympiade.  Il  dif- 
pura  le  prix  de  la  peinture  contre  Panée , 
dans  les  jeux  pythiens ,  le  vainquit ,  &  com- 
pofa  liir  fa  vidoire  un  poëme  qu'on  avoit 
encore  du  temps  de  Pline. 

Timanthe  étoit  natif  de  Sycionc ,  ou , 


P  E  I  iiy 

félon  d'autres ,  de  Cythné.  Ctt  artlfte  é 
renommé  avoit  en  partage  le  génie  de  l'in- 
vention ,  ce  don  précieux  de  la  nature  qui 
caradérifè  les  talens  lupérieurs ,  &  que  le 
travail  le  plus  opiniâtre  ,  ni  toutes  les  re{^ 
fources  de  l'art ,  ne  peuvent  donner.  C'eft  Tii 
manthe  qui  eft  l'auteur  de  ce  fameux  tableau 
du  facrifice  d'Iphigénie ,  que  tant  d'écrivains 
ont  célébré  ,  &  que  les  grands  maîtres  ont 
regardé  comme  un  chef-d'œuvre  de  l'art* 
Perfonne  n'ignore  que  pour  mieux  donner 
à  comprendre  l'excès  de  la  douleur  du  père 
de  la  vidime ,  il  imagina  de  le  reprélenter 
la  tête  voilée ,  laiflant  aux  fpedateurs  à  juger 
de  ce  oui  (e  paflbit  au  fond  du  cœur  d' Aga- 
memnon.  Velavit  ejus  caput ,  dit  Pline  ,  & 
Jibi  cuique  animo  dédit  œfiimandurn.  Tout 
le  monde  lait  encore  combien  cette  idée  a 
été  hcureulcment  employée  dans  le  Ger- 
manicus  de  Pouiïin.  Les  grands  hommes, 
&  iur-tout  [çs  peintres  ,  parlent  tous ,  pour 
ainli  dire  ,  le  même  langage  ,  &  le  tableau 
de  Timanthe  ne  fubfiltoit  plus  quand  le 
Pouflin  fit  le  fien. 

j  hne  ,  Up.  XXX r  ,  ch.  x  ,  en  carac- 
térilànt  les  divers  mérites  des  peintres 
grecs  ,  dit  au  fujet  de  Timanthe  ,  que  dans 
ies  ouvrages  on  découvroit  plus  de  chofes 
qu'il  n'en  prononçoit  ;  qu'étant  grand  par 
fon  art ,  il  étoit  encore  plus  grand  par  îoa 
génie  ;  &  que  s'il  repréfento  t  un  héros  ,  il 
employoit  tout  ce  que  la  peinture  avoit  de 
force.  Plutarque  parle  avec  de  grands  éloges 
d'un  tableau  que  ce  peintre  avoit  fait , 
du  combat  d'Aratus  contre  les  Etoliens  ; 
ce  n'eft  pas,  dit  Plutarque,  un  tableau, 
c'efi  la  chofe  même  que  l'on  voir  :  il  efl 
fingulier  que  Pline  ait  oubHé  d'en  faire 
mention  ,  car  il  n'a  pas  manqué  de  nous 
raconter  d'autres  détails  fur  Timanthe  , 
comme  fa  dilpute  contre  Parrhafius  ,  qui 
fe  pafïâ  à  Samos  ,  &  où  ce  dernier  tut 
vaincu.  Cette  même  hifioirc,  dont  j'ai  déjà 
parlé  ,  fe  trouve  dans  Athénée.  Mais  Pline 
a  loué  Timanthe  en  des  termes  qui  difent 
tout  :  Anem  ipfam  complexus  viros  pin- 
gendi  y  il  pratiqua  l'art  dans  tout  fon 
entier  pour  peindre  les  hommes.  Nous 
avons  eu  quelques  modernes  qui  n'ont  ja- 
mais pu  rendre  la  délicateffe  &  les  grâces 
que  la  nature  a  répandues  dans  les  femmes. 

Timomaque ,  natif  de  Bizance ,  vivoit  du 

Pa 


11^  PEI 

temps  de  Jules-Céfar.  II  mit  au  jour ,  en- 
tr'autres  produâions  ,  un  Ajax  &  une  Mé- 
dée  ,  que  le  conquérant  des  Gaules  plaça 
dans  le  temple  de  Vénus  ,  &  qu'il  acheta  qua- 
tre-vingts talens,  c'efl-à-dire,  au-delà  de  feize 
mille  quatre  cents  louis.  Timomaque  n'avoit 
pas  mis  la  dernière  main  à  fa  Médée  ,  & 
c'étoit  néanmoins  ce  qui  la  faifoit  encore 
plus  eflimer ,  au  rapport  de  Pline  ,  qui  ne 
peut  s'empêcher  d'admirer  ce  caprice  du 
goût  des  hommes.  La  pitié  cntre-t-elle  dans 
ce  l'entiment  ?  fe  fait-elle  un  devoir  de  ché- 
rir les  choies  à  caufe  de  l'infortune  qu'elles 
ont  eue  de  perdre  leur  auteur  avant  que 
d'avoir  reçu  leur  perfedion  de  fa  main  ?  Cela 
peut  être  ;  mais  il  arrive  auffi  quelquefois 
qu'on  fe  perfuade,  avec  raifon,  que  de  grands 
maîtres  altèrent  l'excellence  de  leurs  ou- 
vrages par  le  trop  grand  fini  doat  ils  font 
idolâtres. 

Quoi  qu'il  en  {bit ,  le  morceau  de  pein- 
ture dont  il  s'agit  étoit  admirable  par  l'ex- 
preflîon  ,  genre  particulier  qui  caradérifoit 
Timomaque  ;  car  c'eft  par-là  qu'Aufone  , 
dans  fa  tradudion  de  quelques  épigrammes 
de  l'anthologie  fur  ce  fujct  ^  vante  princi- 
palement ce  magnifique  tableau  ,  où  la  fille 
d'Oéms ,  fi  fameufe  par  fes  écrits  ,  étoit 
peinte  dans  l'inflant  q,u'elle  levoit  le  poignard 
fur  fes  enfans.  On  voit ,  dit  le  pocie  ,  la  rage 
&  la  corapaffion  mêlées  enfemble  fur  fon 
vifage  ;  à  travers  la  fureur  qui  va  commettre 
un  meurtre  abominable,  on  apperçoit  encore 
dts  reftes  de  la  tendrefle  maternelle., 

Immanem  exhaujit  rerum  in  divtrfa.  la" 

horem , 

Pingeret  ajfecfum  matris  in  amhiguum  , 

jra  fubeft  lacrymis  y  miferatio  non  caret 

ira  ; 

Alterutrum  videat ,  ut  fit.  in  atterutro. 

Cependant  cette  Médée  ,  fi  louée  par 
les  auteurs  grecs  &  latins,  fi  bien  payée 
par  Jules-Céfar  ,  n'étoitpas  le  chef-d!œuvre 
du  célèbre  artifie  de  BHance  :  l'on  n'eûi- 
moit  pas  moins  fon  Iphigénie  &  fon  Orefie, 
&  l'on  metîoit  fa  Gorgone  au  -  delîus  de 
toutes  fes  compofitions. 

Zeuxis  étoic  natif  d'Héraclée  ,  foit  d'Hé- 
raclée  en  Macédoine  ,  ou  d'Héraclée  près 
de  Crotone  en  Italie  ,  car  les  avis  font  par- 
tagés ;  il  florifloit  400  ans  avant  Jefus-Chrilî, 


P  E  I 

vers  la  quatre-vingt-quinzième  olympiade. 
Il  fut  le  rival  de  Timanthe  ,  de  Parrhafius, 
&  d' Apollodore ,  dont  il  avoit  été  le  dif- 
ciple  ;  mais  il  porta  à  un  plus  haut  degré  que 
fon  maître  la  pratique  du  coloris  &  du  clair- 
obfcur  :  ces  parties  eflentielles  ,  que  Pline 
nomme  la  porte  de  Part ,  &  qui  en  font 
proprement  la  magie  ,  firent  rechercher  les. 
ouvrages  de  Zeuxis  avec  empreflement  ;  ce 
qui  mit  bientôt  ce  célèbre  artiste  dans  une 
telle  opulence  ,  qu'il  ne  vendoit  plus  {es 
tableaux  ,  parce  que  ,  difoit-il ,  aucun  prix 
n'étoit  capable  de  les  payer  ;  difcours  qu'il, 
devoit  laitier  tenir  à  fes  admirateurs: 

Dans  le  nombre  de  fes  produdions  pit- 
torefques  ,  tous  les  auteurs  s'étendent  prin- 
cipalement fur  «elle  de  fes  raifins ,  &  du 
rideau  de  Parrhafius.  Ce  n'eft  point  cepen- 
dant dans  ces  fortes  de  chofes  que  confiiîe 
le  fublirae.  &  la  perfedion^  de  l'art  ;  de 
femblables  tromperies  arrivent  tous  les  jours 
dans  nos  peintures  modernes,  qu'on  ne  vante 
pas  davantage  par  cette  feule  raifon.  Des 
oifeàux  fe  iont  tués  contre  le  ciel  de  là 
peripedivedeRuel,  en  voulant  pafler  outre, 
fans  que  cela  foit  beaucoup  entré  "dans  Ik 
louange  de  cette  perfpedive.  Un  tableau 
de  M.  le  Brun,  fur  le- devant  duquel  étoit 
un  grand  chardon  bien  repréfenté  ,  trompa 
un  ane  qui  paflbit  ,  &  qui ,  fi  on  ne  l'eût 
e.npê.ché  ,  auroit  mangé  le  chardon-;  je  dis-, 
avec  M.  Perrault  ri: ange  ^  parce  que  le  chan-- 
don  étant  nouvellement  fait ,  l'âne  auroit  ^ 
intaiUiblement  léché  toute  la  peinture  avec  * 
fa  langue.  Quelquefois  nos  cuifiniers  ont 
porté  la  main  fur  des  perdrix  &  fur  des  cha- 
pons naïvem>ent  reprélentés  ,  pour  les  mettre 
à  la  broche;  on  en  a  ri,  &  le  tableau  ell 
demeuré  à  la  cuifine. 

Mais  des  tableaux  beaucoup  plus  impor- 
tans  de  Zeuxis  itoient  ,  par  exemple  ,  fon 
Hélerie  ,  qu'on  ne  voyoit  d'abord  qu'avec 
de  1  argent ,  d'où  vint  que  les  railleurs  nom- 
mèrent ce  portrait ,  Hélène  la  counifanne. 
On  ne  fait  point  fi  cette  Hélène  de  Zeuxis 
étoit  la  même  qui  étoit  à  Rome  du  temps 
de  Phne ,  ou  celle  que  les  Crotoniates  le 
chargèrent  de  repréfenter  pour  mettre  dans 
le  ternple  de  Junon.  Quoi  qu'il  en  foit ,  A 
peignit  fon  Hélène  d'après  nature  fur  leS 
cinq  plus  belles  filles  de  la  ville  ,  en  réunit- 
fant  tes  charmes  &  les  grâces  particulières  de 


ï>  E  I 

chacune,  pour  en  former  la  plus  belle  pcr- 
fonhe  du  monde  ,  que  fon  pinceau  rendit 
à  ravir. 

,'  On  vantoit  encore  extrêmement  fon  Her- 
cule dans  le  berceau  ,  étranglant  des  dra- 
gons à  la  vue  de  fa  mère  épouvantée.  Il 
prifbit  lui-même  linguliérement  fon  lutteur 
ou  fon  athlète  ,  dont  il  s'appIaudilToit  com- 
me d'un  chef-d'œuvre  inimitable.  Il  y  a  de 
t'appar'ence  qu'il  eftimoit  auffi  beaucoup  fon 
Athalante ,  pùifqu'il  la  donna  aux  Agri- 
gentins  ;  qu'il  n'ertimoit  pas  moins  fon 
Pan  ,  dont  il  fît  préfent  à  Archelaiis ,  roi 
de  Macédoine  ,  dans  le  temps  qu'il  em- 
ployoit  fon  pinceau  pour  rembellilTement 
du  palais  de  ce  monarque.  Je  nç  dirai  rien 
de  fon  Centaure  femelle  ;  il  a  été  décrit 
par  Lucien. 

Zeuxis  ne  fe  piquoit  point  d'achever 
promptement  fes  ouvrages  ;  &  comme  quel- 
qu'un lui  reprochoit  fa  lenteur ,  il  répondit , 
«  qu'à  la  vérité  il  étoit  long-temps  à  pein- 
»  dre,  mais  qu'il  peignoitaufli  pour  lon§- 
??   temps.  '  • 

Pline  parle  de  fà  Pénélope ,  in  quâ 
pinxijfe  mores  videtur  :  on  ne  peut  donner 
une  idéfe  plus  délicate  de  fon  efprit  &  de 
fon  pinceau  ;  car  il  ne  faut  pas  regarder 
ce  trait  comme  une  métaphore  fembla- 
blc  à  celle  où  le  même  auteur,  pour  ex- 
primer les  peintures  des  vaiffeaux ,  &  faire 
entendre  les  dangers  de  la  navigation ,  dit 
fi  noblement,  pericula  expingimus-^  cette 
belle  exprefïîon  ,  mores  pinxijje  videtur , 
doit- être  prife  ici  pour  une  véritable. défini- 
tion. Raphaël ,  parmi  les  modernes ,  a  iem- 
blablement  peint  les  moeurs,  &  a  fu  plus 
d'une  fois  les  exprimer.  On  fait  quelle  réu- 
nion de  grandeur  ,  de  fimplicité  &  de  no- 
blelfe  cet  illufîre  moderne  a  mife  dans  les 
fêtes  des  vierges  ,  mores  pinxit.  On  peut 
encore  peut-être  mieux  comparer  Léonard 
de  Vinci  à  Zeuxis  ,  à  caufe  du  terminé 
auquel  il  s'appliqupiîi 

Pline  ajoute ,  en  fînilTant  le  portrait  dé 
Zeuxis  ,  deprehenditur  tamen  Zeuxis  gran- 
dhr  in  capitibus  nrticulifqiie  :  ces  mots ,  de- 
prehenditur tamen  y  indiquent-ils  un  repro- 
che de  faire  des  têtes  &  fes  attachemens  trop 
lorts  ?  ou  le  mot  de  grandior,  qui  fiiit , 
marque-t-il  un  éloge  ?  &  Pline  veut-il  dire 
que  Zeuxis  faifoit  ces  parties  d'un,  grand 


>   El  117 

caradere  ,  d'autant  qu'il  le  loue  de  travail- 
ler avec  foin,  &  d'après  la  nature?  car  il 
ajoute  ,  alioqui  tantus  diligentiâ.  Je  ne 
décide  point  l'explication  de  cette  phraie 
latine. 

Verrius  Flaccus  ,  cité  par  Fefrus  ,  rap- 
porte que  le  dernier  tableau  de  Zeuxis  fut 
le  portrait  d'une  vieille  ,  qui  le  fit  tant  rire  , 
qu'il  en  mourut  ;  mais  11  le  fait  étoit  vrai  , 
comment  auroir-il  échappé  à  tous  les  autres 
auteurs  ?  Je  fupprime  ici  beaucoup  de  cho- 
ies fur  ce  grand  maître  en  peinture  ,  parcs 
qu'on  les  trouve  dans  Junius ,  &.  dans  la  via 
de  Zeuxis  ,  de  Parrhafius  ,  d'Apelle  &  de 
Protogene  ,  donnée  en  italien  par  Carlo- 
Dati  ,  &  imprimée  à  Florence  en  1667  , 
in- 12.  ' 

Enfin  ,  pour  compléter  cet  article  ,  je  ne 
dois  pas  taire  quelques  femmes  qui  ont 
exercé  la  peinture  dans  la  Grèce  ;- telles 
font  Timarete  ,  fille  de  Micon  ,  &  qui  a 
excellé  ;  Irène  ,  fille  &  élevé  de  Gratinus  ; 
Calypfo  ,  Alciflhene  ,  Ariilarete  qui  s'étoît 
formée  dans  fon  art  fous  fon  père  Néar- 
chus  ;  Lala  de  Cizique,  perpétua  virgo  ; 
épithete  finguliere  pour  ce  temps  ,  fi  elle  ne 
veut  pas  dire  tout  fimplement  qu'elle  ne 
fut  point  mariée.  Cette  fille  exerça  la  pein- 
ture à  Rome,  félon  M.  Varron  ,  cité  par 
Pline  ;  non-feulement  elle  peignit ,  mais 
elle  fit  des  ouvrages  cejîro  in  ebore  ;  ce  que 
M.  de  Caylus  traduit  généralement ,  en  di- 
fant  qu'elle  grava  fur  l'ivoire  :  elle  fit  Iç 
portrait  de  beaucoup  de  femmes , ,  &  le  fien 
même  dans  le  miroir  ,  nec  ullius  in  piclarâ  ^ 
velociormanusfuit.VQr(onnt  «'eut  le  pin- 
ceau auffi  léger,  ou  bien  ,  ne  montra  une 
auffi  grande  légèreté  d'outil ,  pour  m'expri- 
mer  -dans  la  langue  des  artiftcs.  Pline  fait 
encore  mention  d'une  Olympias..  i 

Plufieurs  de  ces  femmes  ont  fait  de  bong 
élevés  ,  &  laiffé  de  grands  ouvrages.  Je  ne 
puis  oppofer ,  avec  M.  de  Caylus ,  à  ces 
femmes  illufires,  qu'une  feule  moderne  ;  non 
que  les  derniers  fiecles  n'en  aient  produit 
qui  pourroient  trouver  ici  leur  place  ;  ^ÊÊki 
la  célèbre  Rofalba  Carieri  a  .fait  des  cho- 
{qs  fi-reraplies  dç  cette  charis  qu'Apelle 
s'étoit  accordée ,  qu'on  peut  la  comparer , 
à  divers  égards,"  aux  femmes  Peintres  à^l'à 
Grèce.  Les  fujcts  qu'elle  a  faits  n'ont  ce- 
pendant jamais  été  fort  étendus ,    car  elle 


ir8  P  E  î 

inn  travaillé  qu'en  mignature  &  en  paflel. 
{Le  Chevalitr  de  Jaucourt.) 

Peintres  Romai  \s  ,  (  Peint,  ant.  ) 
Pline  ne  compte  de  Peintres  romains  que 
les  iuivans,  rangés  ici  dans  l'ordre  chro- 
nologique. Fabius,  (urnomme  Piclor y  & 
qui  etoit  d.  l'iliultre  famille  des  Fabius  ; 
Pacuvius  ,  Sopolis  ,  Dionyiius  ,  Phinlcus  , 
Arellius  ,  Ludius  qui  fîuriiîoir  ious  Au- 
jguile;  Quinrus-Pedius  ,  Anriièius-Labeo, 
AmuiiusjTripilius  ,  Cornelius-Pinus ,  Ac- 
cius-Pnfcùs:  nous  indfquerons  leurs  carac- 
tères &  leurs  ouvrages  dans  le  même  ordre 
que  nous  venon:5  de  fuivre  au  mot  PEIN- 
TURE des  Romains. 

Peintre  de  batailles  ,  {Peint,  mod.  ) 
On  nomme  ainii  le  Peintre  qui  s'adonne 
particulièrement  à  cette  iorte  d'ouvrage.  Il 
Faut  que  dans  une  compoiition  de  ce  genre  , 
il  paroilTe  beaucoup  de  feu  &  d'adion  dans 
les  figures  &  dans  les  chevaux  ;  c'elf  pour- 
quoi  on  y  doit  préférer  une  manière  forte 
éi  vigoureufe  ,  des  touches  libres,  un  goût 
îicurté  ,  à  un  travail  fini ,  à  un  pinceau  dé- 
licat ,  à  un  deflin  trop  terminé.  Voici  les 
Peintres  célèbres  en  ce  genre. 

Caftelli  {Valérie)  ,  né  à  Gènes  en  1625  , 
mort  dans  la  même  ville  en  1659 ,  montra 
de  bonne  heure  Ton  inclination  à  peindre 
des  batailles  ,  &  eut  un  grand  fuccès  en  ce 
genre. 

Courtois  {Jacques)  ,  furnoramé  le  Bour- 
guignon ^  né  à  S.  Hippolyte  en  1621  , 
mort  à  Rome  en  1676,  fuivit  pendant  trois 
ans  une  armée  ,  en  delïîna  les  campemens  , 
les  fîeges  ,  les  marches  &  les  combats  dont  il 
étoit  témoin.  Michel- Ange  ayant  vu  de  Tes 
tableaux  de  bataille  ,  publia  par-tout  lès 
talens.  Il  règne  dans  lès  ouvrages  beawcoup 
ide  feu ,  &  lès  compofitions  font  loutenucs 
|)ar  le  coloris. 

Michel-Ange  des  batailles  reçut  ce  fur- 
îiom  de  fbn  habileté  finguliere  à  repréfen 
«er  CCS  fortes  de  fujets  ,  dans  lefquels  il 
jmettoit  une  imagination  viv-c  ,  une  grande 
dHjj^fTè  de  main ,  &  beaucoup  de  force. 
Un  a  gravé  quelques-unes  de  (es  batailles 
dans  le  ftrada  fàe  nome  ,  ou  il  mourut  en 

Parocel  (  Jofeph  )  y  élevé  de  Bourgui- 
gnon ,  a  excellé  à  reprélcnter  des  batailles  , 
jfai/aj^  poïJt  de  génie  ^    fan$  avoir  jamais4. 


P  E  î 

été  dans  des  camps  ni  fuivi  des  armées." 
Cependant  il  a  mis  dans  Tes  tableaux  ua 
n)ouveraent  &  un  fracas  prodigieux.  Il  a 
peint  avic  la  dernière  vérité  la  fureur  du 
foldat.  Aucuti  Peintre  y  luivant  fon  expref- 
fion ,  n'a  fu  mieux  tuer  Ion  homme.  Son 
fi\s{Charle.\)  ,  mort  en  1752  ,  briiloitaulS 
diins  le  geiire  de  Ion  père. 

Primatice  (  Le  ) ,  difciple  de  Jules  Ro- 
main ,  a  fait  avec  fuccès  ,  fur  les  defllns  de 
fon  maître,  des  batailles  de  duc  en  bas- 
relief;  c'étoit  le  temps  où  l'on  commençoit 
feulement  à  quitter  en  France  la  manière 
gothique  &  barbare. 

Rofa  {Saluator)  ,■  néANaplesen  kSiç  , 
fit  des  tableaux  d'hiitoirc  peu  eihmés  ,  mais 
réuflit  à  peindre  des  combats  &  des  figures 
de  lokiats ,  dont  il  faiiilîoit  admirablement 
l'air  &  la  contenance. 

Van  HucktembuTg  y  né  à  Harlem  ,  efl 
connu  par  dix  tableaux  qui  reprclentent  dix 
batailles  célèbres  du  prince  Eugène  :  1°. 
celle  deZanta ,  contre  les  Turcs  ,  en  1697  ; 
2°.  celle  de  Chiari ,  en  Italie  ,  contre  les  deux 
couronnes  ,  en  1701  ;  3**.  celle  de  Luzara , 
en  1702  ;  4°.  celle  de  Hochfledt ,  en  1704  ; 
5*.  celle  de  Caifano  en  Italie  ,  contre  le  duc 
de  Vendôme,  en  1705  ;  6°.  celle  de  Turin, 
en  1706  ;  7®.  celle  d'Oudenarde  ,  en  1708  ; 
8°.celledeMalplaquet ,  en  1709;  9°.  celle 
de  Peterwaradin  en  Hongrie  ,  contre  les 
Turcs  ,  en  1716  ;  10°.  enfin  ,  celle  de  Bel- 
grade ,    en  171 7. 

Van-dér-Peld  (  Guillaume)  ,  avoit  un 
talent  particulier  pour  reprélenter  des  vues 
&  des  combats  de  mer.  On  rapporte  que 
l'amour  pour  fon  art  l'engagea  à  s'embar- 
quer avec  l'Amiral  Ruyter ,  &  que  ànns 
le  feu  du  combat ,  il  defiinpit  tranquille- 
ment à  l'écart  Tadion  qui  fe  pafToit  fous  ïcs 
yeux  ;  mais  fon  fils  Guillaume  le  jeune  l'a 
encore  furpalfé  par  (es  talens  en  ce  genre. 
Ce  fils  mourut  à  Londres  en  1707  ,  corriblé 
des  bienfaits  de  la  nation  :  les  tableaux  lont 
portés  à  un  très-haut  prix. 

Van-der-Mulen  {  Antoine-François  )  ^ 
a  pris  pour  lujets  ordinaires  de  {\&  tableaux 
àe^  chaiïès  ,  des  fieges  ,  àes  combat  .s ,  âts 
marches  ou  des  campemens  d'armées  ;  ils 
font  l'ornement  de  Marly  &  Acs  autres  roai- 
ibns  royales. 

Verfchuur  [Henri)  y  né  à  Gorcum  ea 


PET 

1^17,  mort  en  1690  ,  avoit  un  go\it  io^ 
minant  pour  repréfentcr  des  batailies.  Il 
fuivit  l'arfnée  des  Etats  en  1672, .pour  pein- 
dre les  divers  campemens ,  les  marches , 
les  combats  ,  les  retraites.  Né  avec  un 
génie  vif  &  facile  ,  il  a  mis  dans  Tes  ta- 
bleaux tout  le  feu  que  requiert  ce  genre  de 
compolition. 

Vroom  {Henri  Corneille)  ,  né  à  Harlem 
en  156^,  avoit  un  rare  génie  pour  repré- 
fenter  des  batailies  navales.  L'Angleterre 
&  les  princes  d'Orange  l'occupèrent  à  pein- 
dre les  vidoires  que  ces  deux  puilfances 
avoient  remportées  fur  mer  contre  les  Efpa- 
gnols.  Enfin  ,  on  exécuta  de  très-belles  tapii- 
lèries  d'après  les  ouvrages  de  cet  artifîe. 

Peintre  de  fleurs  Ù  de  fruits,  {Peint.) 
Gn  appelle  ainïi  les  artilles  qui  fe  font 
attachés  particulièrement  à  ce  goût  de 
peinture  ;  c'efl  un  genre  qui  veut  être  traité 
d'une  manière  fupérieure.  Il  requiert  un 
choix  élégant  dans  les  fleurs  &  dans  les 
fruits  ,  l'art  de  les  groupper  &  de  les  alTor- 
dr,.une  touche  légère,  un  coloris  frais, 
Brillant ,  &  fur-tout  une  parfaite  imitation 
de  la  belle  nature.  Entre  les  artifles  qui 
fe  font  diftingués  dans  l'art  de  peindre  les 
fleurs  &  les  fruits ,  on  nomme  Van-Huy- 
fum,  Mignon,  de  Heera,  Nuzzy ,  Mon- 
noyer  &  Fontenay.  J'ai  parlé  des  trois  pre- 
miers à  l'arr/Wé' Ecole  ,  je  ne- dirai  ici 
qu'un  mot  ài<  trois  autres. 

Mario  Nu^i  y  plus  connu  fous  le  nom 
de  Mario  di  Fiori  ,  né  à  Penna  dans  le 
royaume  de  Naples  ,  mort  à  Rome  en  1673 , 
peignit  les  fleurs  &.  les  fruits  avec  cette 
vérité  qui  charme  &  féduit  les  fens;  aufli 
Smith  en  a-rt-il  gravé  plufieurspots  d'après 
lui. 

Mbnnoyer  {Jean-Baptifte) y  né  à  Lille 
en  1635 ,  mort  à  Londres  en  ^è<^^  y  a  peint 
àQs  tableaux  de  fleurs  qui  font  précieux 
par  la  fraîcheur  j  l'éclat  &  la  vérité  qui  y 
brillent. 

Fontenay  {J^an-Bàptifle  Slain  dé  )  ,  né 
»Caencaié54,  mort  en  171')  >  ^^oit  un 
talent  ém'.nent  à  rei.;réfenter  àc's  fleurs  & 
àts  fruits  ,  .l'js  groupper  avec  art ,  &  varier 
l'efprit  de  fa  compolition.  Les  infedes  pa- 
r-oiffcr-t  vivre  «lan  s  fes -tablenux  ;  les -fleurs 
s'y  perdent  lien  cfj  leur  beauté  , .  les  fruirs 
det  ieur-  ftaitiuur.  Oa  croit  voir  '  découler 


F  El  tif 

la  rofée  des  tiges ,  &  on  elî  térité  d'y  porter" 
la  main.  (  D.  J.  ) 

Peintre  ,  Marchand ,  f.  m.  {Commu- 
nauté. )  Les  maîtres  Peintres  compofent  à 
Paris  une  communauté  ,  dont  le  commerce 
comprend  tout  ce  qui  fe  peut  faire  en  pein- 
ture &  en  fculpture  ,  foit  doré,  foie  ar- 
genté r  foit  cuivré  ,  en  détrempe  &  à  l'huile. - 
Leurs  ouvrages  de  dorure  ,  s'ils  font  ordi- 
naires ^  Ibnt  dorés  d'un  or  qu'on  appelle  o^ 
pâle  ;  &  il  l'on  veut  qu'ils  foient  propres  , 
on  y  emploie  de  l'or  jaune.  Les  ouvrages 
argentés  s'argentent ,  les  uns  en  blanc  ,  & 
les  autres  en  jaune.  Les  ouvrages  cuivrés 
font  ceux  où  Ton  ne  fe  fert  que  d'or  faux  ,^ 
c'efl-à-dire  ,  de  cuivre  battu  en  feuille  & 
mis  en  œuvre  comme  l'or  fin. 

PEINTURE,  f.  f.  {Hiftoiredes  heauof 
Arts.  )  c'efi  un  art  qui ,  par  des  lignes  & 
des  couleurs,  repréfenre,  fui*  une  iurface 
égale  &   unie  ,  tous  les  objets  vifibles. 

L'imagination  s'eft  bien  exercée  pour 
trouver  l'origine  de  la  peinture  ;  c'eff  là- 
deffus  que  les  poètes  nous  ont  fait  les  contes 
les  plus  agréables.  Si  vous  les  en  croyez  yf 
ce  fut  une  bergère  qui ,  la  première ,  pour* 
conferver  le  portrait  de  fon  amant',  con-' 
duifit  avec  fa  houlette  une  ligne  fur  l'ombre- 
que  le  vifage  du  jeune  homme  faifoit  fur  ur»^ 
mur»  "L^peinture  y  difent-ils , 

La  brillante  peinture  eflfllle  de 
i  r amour  : 

C^efllui  qui-le  premier  yinCpirant- 

une  amante  y 
Aux  rayons  de  Phébus  guidant- 
fa  main  tremblante  y  -. 
Crayonna  fur  unmurrorrtbYe  de- 

fon  amant.,  * 

Les  diverfes  couleurs  y .  le  riche'" 
1  ajjbrtiment  y . 

j         liart  d'an  im  er  la  toile  Ù  de  trom-  - 

per  Vabfence  y.  ' 

■]         Ainji  que  d'autres  arts  y -lui  doi*- 
\  vent  la  naijfance.  ■ 

Ce  îontlàdes'apologues  ir/'cntés  pour  l'ex-- 
plication  de  cet^e  véricé  ,  que  les  objets,» 
m^ys  fous 'les  yeux  de  Thomme-,  femblent-' 
l'inviter' à  l'imitation -;  &-  la- nature  elle-- 
mêpne ,  qui,  par  J  y  moyen  ces  jours"  &>- 
des  ombres  ,  peint -toutes  choies,  foit  d  ins-' 
les  eaux  , .  foitrii^  les  corps  dontla  tui-fa^e^ 


Jio  P  E  i 

eft  polie  ,  apprit  aux  hommes  a  (àtlsfaire 
leurs  goûts  par  imitation. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  on  doit  placer  \apein- 
ture  parmi  les  chofcs  purement  agréables , 
puilque  cet  art  n'ayant  aucun  rapport  avec 
ce  qu'on  appelle  précifément  les  nécejjltù 
de  la  vie  y  e  tout  entier  pour  le  plâilir  àts 
yeux  &  de  l'efprit.  La  Poéfie  ,  fille  du  plai- 
iir  ,  n'a  femblablement  pour  but  que  les 
plaifirs  mêmes.  Si ,  dans  la  fuite  des  temps  , 
la  vertu  ,  pour  faire  fur  les  hommes  une 
imprcffion  plus  vive  ,  a  emprunté  les  char- 
mes de  l'une  &  de  l'autre  ,  ainfi  que  la  Ju- 
non  d'Homère  emprunta  la  ceinture  de  Vé- 
nus pour  paroître  plus  aimable  aux  yeux 
de  Jupiter;  fi  la  vertu  a  entrepris  d'enno- 
blir par-lA ,  &  de  relever  le  mérite  de  la 
poélie  &  de  la  peinture  ,  c'efl  un  bienfait 
que  ces  deux  arts  tiennent  d'elle  ,  &  qui 
dans  le  fond  leur  efî  abiolument  étranger  : 
Ce  n'efî  point  le  befoin  qui  leur  a  donné 
naifîânce  ;  elles  ne  lui  doivent  point  leur 
origine. 

Ce  font  deux  fœurs  dont  les  intentions 
font  les  mêmes  :  les  moyens  qu'elles  em- 
ploient pour  parvenir  à  leurs  fins  ,  fontfem- 
blables ,  &  ne  diffèrent  que  par  l'objet  :  fi 
l'une,  par  les  yeux  ,  fe  fait  un  chemin  pour 
aller  toucher  l'eiprit ,  l'autre  peint  immé- 
diatement à  Pefprit  ;  mais  la  peinture  faifit 
l'ame  par  le  fecours  des  fens  ;  &  c'efl  peut- 
être  dans  le  fond  le  plus  iûr  moyen  de  l'at- 
tacher. Elle  trompe  nos  yeux  par  cette  magie 
qui  nous  tait  jouir  de  la  préfence  des  objets 
trop  éloignés ,  ou  qui  ne  font  plus.  Son 
attrait  frappe  &  attire  tout  le  monde ,  les 
ignorans  ,  les  connoifîèurs  &  les  artifies 
mêmes.  Elle  ne  permet  à  perfonne  de  pafler 
indifféremment  par  un  Heu  où  fera  quelque 
excellent  tableau  ,  fans  être  comme  furpris  , 
fans  s'arrêter  ,  &  fans  jouir  quelque  temps 
du  pkifir  de  la  furprifc.  La  peinture  nous 
afFede'par  le  beau  choix,  par  la  variété, 
par  la  nouveauté  des  chofes  qu'elle  nous 
préfente  ;  par  l'hifloire  &  par  la  fable ,  dont 
elle  nous  rafraîchit  la  mémoire  ;  par  les  in- 
ventions ingénieuCès  ,  6c  par  fes  allégories , 
dont  nous  nous  faffons  un  plaifir  de  trou- 
ver le  fens  ,  &  de  critiquer  l'obfcurité. 

C'eft  un  des  avantages  de  la  peinture  , 
que  les  hommes ,  pour  être  de  grands  pein- 
tres ,  n'ont  guère  befoia  pour  fe  produire 


P  E  ï 

]  du  bon  plaifir  de  la  fortune  ;  cette  reïné 

du  monde  ne  peut  que  rarement  les  pri- 
ver des  fecours  nécefîaires  pour  manîfefter 
!  leurs  talens.  Tout  devient  palettes  &  pin- 
ceaux entre  les  mains  d'un  jeune  homme 
doué  du  génie  de  la  peinture.  Il  fe  fait  con- 
noître  aux  autres  pour  ce  qu'il  eft ,  quand 
lui-même  ne  le  fait  pas  encore.  Ajoutez 
que  l'art  de  la  peinture  n'eft  pas  .moins 
propre  à  attirer  autant  de-  confidération  à 
ceux  qui  y  excellent ,  qu'aucun  des  autres 
arts  qui  font  faits  pour  flatter  les  fens. 

Il  y  a  dans  la  peinture  des  avantages, 
que  les  objets  mêmes  qu'elle  imite  font 
bien  éloignés  de  procurer.  Des  monftres 
&  àts  hommes  morts  ou  mourans ,  que 
nous  n'oferions  regarder ,  ou  que  nous  ne 
verrions  qu'avec  horreur,  nous  les  voyons 
avec  plaifir  imités  dans  les  ouvrages  des 
peintres  ;  mieux  ils  font  imités ,  plus  nous 
les  regardons  avidement.  Le  malTacre  des 
Innocens  a  du  laifï'er  des  idées  bien  funeftes 
dans  l'imagination  de  ceux  qui  virent  réel- 
lement \qs  foldats  effrénés  égorger  les  en- 
fans  dans  le  fein  des  mères  fanglantes.  Le 
tableau  de  le  Brun  ,  où  nous  voyons  l'imita- 
tion de  cet  événement  tragique  ,  nous  émeut 
&  nous  attendrit  ;  mais  il  ne  InilTe  dans  notre 
efprit  aucune  idée  importune  de  quelque 
durée.  Nous  lavons  que  le  peintre  ne  nous 
afflige  qu'autant  que  nous  le  voulons ,  & 
que  notre  douleur ,  qui  n'efl  que  fupcrfi- 
cielle  ,  difparoîtra  prefque  avec  le  tableau  : 
au  lieu  que  nous  ne  ferions  pas  maîtres  ni 
de  la  vivacité ,  ni  de  la  durée  de  nos  fen- 
timens ,  fi  nous  avions  été  frappés  par  les 
objets  mêmes.  C'efl:  en  vertu  du  pouvoir 
qu'il  tient  de  la  nature  ,  que  l'objet  réel 
agit  fur  nous.  Voilà  d'où  procède  le  plai- 
fir que  la  peinture  fait  à  tous  les  hommes. 
Voilà  pourquoi  nous  regardons  avec  con- 
tentement àts peintures  y  dont  le  mérite  con- 
fiée à  mettre  fous  nos  yeux  Ôlqs  aventu- 
res fi  funeftes ,  qu'elles  nous  auroient  fait 
horreur  fi  nous  les  avions  vues  véritable- 
ment. '■    , 

Ceux  qui  ont  gouverné  les  peuples  dans 
tous  les  temps  ,  ont  toujours  fait  ufage  des 
peintures  &  des  flatues ,  pour  leur  mieux 
infpirer  les  fentimens  qu'iIs,vouloient  leur 
donner ,  foit  en  religion  ,  foit  en  politique. 
Quintilien  a  vu  quelquefois  les  accufateurs 

faire 


P  E  I 

faire  expofer  dans  le  tribunal  un  tableau 
où  le  crime  dont  ils  pourfuivoient  la  ven- 
geance étoit  xepréfenté ,  afin  d'exciter  en- 
core plus  efficacement  l'indignation  des  Ju- 
ges contre  le  coupable.  S.  Grégoire  de  Na- 
zianze  rapporte  Thifloire  d'une  courtifane , 
qui ,  dans  un  lieu  où  elle  n'étoit  pas  venue 
pour  faire  des  réflexions  féricufes  ,  jeta  les 
yeux  par  hazard  fur  le  portrait  de  Palémon  , 
philolopiflj^meux  par  fon  changement  de 
vie  ,  lequel  tenoit  du  miracle  ;  &  qu'elle 
rentra  en  elle-même  à  la  vue  de  ce  por- 
trait. Les  peintures  d'un  autre  genre  ne  font 
pas  moins  capables  ,  par  l'amorce  d'un  fpec- 
tacle  agréable  aux  yeux ,  de  corrompre  le 
cœur  &  d'allumer  de  malheureufes  pafllons. 

Mais  les  peintures  en  bien  &  en  mal 
font  une  impreffion  plus  forte  fur  les  hom- 
mes ,  dans  les  contrées  où  communément 
ils  ont  le  fentiment  très-vif,  telles  que  lont 
les  régions  de  l'Europe  les  plus  voJiines  du 
loleil ,  &  les  côtes  de  l'Ahe  &  de  l'Afri- 
que qui  font  face  à  ces  régions.  Qu'on  fe 
iouvienne  de  la  défenfe  que  les  tables  de  la 
loi  font  aux  Juifs  ,  de  peindre  &  de  tailler 
des  figures  humaines  :  elles  failoient  trop 
d'impreffion  fur  un  peuple  enclin  ,  par  fon 
caradere  ,  à  fe  paflionner  pour  tous  les 
objets  capables  de  l'émouvoir. 

Il  paroît  même  que  le  pouvoir  de  la  pein- 
ture eft  plus  grand  fur  les  hommes  que  celui 
de  la  poéfie  ,  parce  que  la  peinture  agit  fur 
nous  par  le  moyen  du  fens  de  la  vue .  lequel 
a  généralement  plus  d'empire  fur  l'ame  ,  que 
les  autres  fens  ,  &  parce  que  c'eftla  nature 
elle-même  qu'elle  met  fous  nos  yeux.  Les 
anciens  prétendoient  que  leurs  divinités 
avoient  été  mieux  fervies  par  les  peintres 
que  par  les  poètes. 

Au  refte  ,  il  ell  facile  de  comprendre 
comment  les  imitations  que  la  peinture  nous 
préfente  ,  font  capables  de  nous  émouvoir  , 
quand  on  fait  réflexion  qu'une  coquille  , 
une  médaille  ,  où  le  temps  n'a  laiffé  que 
àes  phantômes  de  lettres  &  de  figures  ,  ex- 
citent des  paffions  inquiettes  ,  le  defir  de 
les  voir  &  l'envie  de  les  pofl*éder.  Une 
grande  palfion  ,  allumée  par  le  plus  petit 
objet ,  eft  un  événement  ordinaire.  Rien 
n'ell  forprenant  dans  nos  ^ifioiTs  qu'une 
longue  durée  ,  dit  M.  l'Abbé  Dubos. 

Après  m'être  étendu  fur  les  charmes  de 
Tome  XXV, 


PEJ  12, 

là  peinture  ,  je  voudrois  pouvoir  découvrir 
l'origine  de  cet  art,  en  marquer  les  pro- 
grès &  \es  révolutions  ;  mais  tous  les  écrits 
où  les  anciens  avoient  traité  cette  partie 
hiilorique,  font  perdus  :  nous  n'avons ,  pout 
nous  confoler  de  cette  perte  ,  que  les  ouvra- 
ges de  Pline,  qu'il  faut  lire  en  entier,  & 
dont  par  conféquent  nous  n'entreprenons 
point  de  faire  ici  l'extrait.  C'efl  aflez  de 
remarquer  avec  lui ,  que  la  recherche  qui 
concerne  les  comracncemens  de  la  peinture» 
n'otiTre  que  des  incertitudes. 

Les  Egyptiens,  dit-il,  afîurent  que  cet  art 
a  pris  nailfance  chez  eux  fix  mille  ans  avant 
que  de  pafler  dans  la  Grèce  ;  oflentation 
manifeflement  frivole.  Il  ne  contefl:e  point 
à  l'Egypte  d'avoir  poffédé  les  Peintres  les 
plus  anciens  ;  il  reconnoiflbit  même  le  Ly- 
dien Gygès  pour  le  premier  inventeur  de  la 
peinture  égyptienne  ,  foit  qu'il  n'en  refiât 
plus  de  fon  temps  aucun  monument  , 
foit  que  les  ouvrages  y  méritaflent  peu  dé- 
tention ,  parce  que  la  politique  des  Egyp- 
tiens avoit  toujours  entretenu  la  peinture-, 
félon  Platon ,  dans  le  même  état  de  mé- 
diocrité ,  fans  aucune  altération  &c  fans  au- 
cun progrès  :  mais  les  Grecs  la  portèrent 
au  plus  haut  point  de  grandeur  &:  de  per- 
fcdion.  De  la  Grèce  elle  paffa  chez  les 
Romains  ,  fans  y  produire  cependant  des 
artifles  du  premier  ordre.  Elle  s'éteignit 
avec  l'Empire  ,  &  ne  reparut  dignement  en 
Europe  ,  que  fous  le  fiecle  de  Jules  II  & 
de  Léon  X. 

Cette  dernière  révolution  «produit  la  di(^ 
tindion  de  la  peinture  antique  &  de  la  pein- 
ture moderne.  La  première  fe  fubdivilè  en 
peinture  greque  &  romaine.  La  féconde  z 
formé  diverfes  écoles  ,  qui  ont  chacune  leur 
mérite  &  leur  caradere  particuHcr.  Si  donc 
vous  ktes  curieux  de  fuivre  l'hiftoire  com- 
plète de  la  peinture ,  vqye'{  PEINTURE 
antique,  PEINTRES  Grecs  &  PEINTURE 
des  Grecs ,  PEINTURE  des  romains , 

Peinture  moderne.  Ecoles,  ùc. 

Nous  avons  puifé  nos  recherches  dans 
un  grand  nombre  d'ouvrages  ,  pour  traiter 
tous  ces  articles  avec  foin  ,  &  c'efl  bien 
notre  faute  fi  nous  n'avons  pas  réuffi.  (  Le 
chevalier  DE   JaucOURT.) 

Peinture  ANTiQUE,(/ri/?.  des  Ans;) 
c'efl  celle  qui  d'Egypte  pafili  en  Grèce ,  ^ 


lit  p.  E  ï 

i3e  là  Grèce  à  Rome  ,  où  elle  fut  en  grande 
répuration  fous  les  premiers  empereurs , 
julqu'à  ce  qu'enfin  le  luxe  &  les  guerres 
ayant  diffipé  l'empire  Romain,  elle  s'étei- 
■gnit  ,  &  ne  reparut  en  Italie  que  quand  Ci- 
mabué  ,  vers  ie  milieu  du  treizième  fiecle  , 
retira  d'entre  les  mains  de  quelques- grecs  les 
déplorables  rcftes  de  ce  bel  art. 

Quoique  l'Egypte  ait  été  le  berceau  de 
la  peinture ,  elle  n'a  produit  aucun  chef- 
d'œuvre  en  "^c  genre.  Pline  n'en  cite  au- 
cun ,  &  Pérronne  écrit  que  les  Egyptiens 
ne  formèrent  que  de  mauvais  Peintres.  Il 
ajoute  même  ,  qu'ils  avoient  nui  beaucoup 
à  cet  art ,  en  inventant  des  règles  propres 
à  en  rendre  l'apprentifïâge^  moins  long  & 
la  pratique  moins  pénible. 

Parmi  les  morceaux  qui  nous  refler^t  de 
la  peinture  antigue.y.  on  remarque ,  i°.  à 
Rome,  la  noce  delà  vigne  Aldobrandine, 
&  les  figurines  de  la  p^yramide  de  Cefôus  ; 
il  n'y  a  point  de  curieux  qui  du  moins  n'en 
ait  vu  des  eftampes.  En  fécond  lieu  ^  les 
peintures  qui  font  au  palais  Barberin,  dans 
Rome,  &  qui  furent  trouvées  dans  des 
grottes  fouterraincs ,  lorfqa'on  jeta  les  fon- 
demens  de  ce  palais.  Ges  peintures  fonf  le 
payfage  ,  ou  le  nymphée  ,  dont  Lucas  Hol- 
iîenius  a.  publié  l'èftarape,  avec  une  expli- 
cation qu'il  avoit  faite  de  ce  tableau  ;  I3 
venus  reflaurée  ,  par  Carle-Maratte  ,  & 
une  figure  de  Rome  qui  tient  une  vidoire. 
Les  connoiiTeurs  qui  ne  favent  pasl'hiftoire 
de  ces  deux  frefques  ,  prennent  lune  pour 
être  de  Raphaël,  &  l'autre  pour  être  du 
Correge.  3°.  Onvoit.encore.au  palais.  Far- 
nefé  un  morceau  de  peinture  antique  ,  trou- 
vée dans  la  vigne  de  l'empereur  Adrien  ,  à, 
Tivoli,  &  un  relîe  de  plafond  dans  le  jardin 
d'un  particulier  ,  auprès  de  S.  Grégoire. 
4".  On  a  auffi  trouvé  plufieurs  autres  pein- 
tures antiques  dans  la  vigne  Farnefe  lijr  le 
mont  Palatin  ,  dans  l'endroit  qu'occupait 
autrefois  le  l^alais  des  empereurs.  Le  roi 
des  deux  Sicilcs.,  aujourd'hui  roi  d'Efpa^, 
gne  ,  lésa  fait  tranfporter  à  Naplcs.:  elles 
n'ont  point  encore  été  gravées.  5°.  On  îi 
trouvé,  en  T-7')2.  ,  en  fouillant  les  ruines 
d'Herculanum  ,  une  riche  eolleûion-,  de 
peintures  antiques ,  qui  doivent  former  un 
tréfor  unique  en  ce  genre..  Kqj^ei  HeR- 
CULANUM. 


5®.  Enfin  ,  plufieurs  particuHers  ontdarîs 
leurs  cabinets  quelques  morceaux  de  pein-» 
ture  antrque.  Le  doifteur  Mcad  ,  M.  iç 
Marquis  Capponi ,  M.  leGardinal:Mallimi,. 
M.  Grozat  &  autres.,  poirddoie.nt  p.lulieurs, 
de  ces  morceaux.. 

Quant  à  ce  qui.refte  dans  Içs. thermes 
de  Titus  ,  il.  n'y  a  plus  que  des  peintures 
à  derni-ellacées.    Il  ejlf  vrai  .Q||g||dant  que 
depuis  deux  fiecles  ,    on  en  <lHPiterré  un, 
grand  nombre  en   Italie  ,,  &  en  E(f)agne 
même  ;  mais  la  plupart  de  ces  peintures  lènt^ 
péries  ,^  &  il  ne  nous  en  eil  demeuré  que. 
les  dellms.y   ou  :  des  eftampes. .  Voye\  les , 
ouvrages  curieux  fur  cette  matière ,  tels  que  ■ 
Icpitture  amiche. délie  grotte  di  Bocca  -y  pac, 
M.  de  la.ChaulTe  ;  les  ouvrages  deBartoli  ,^ 
deBellori,    du  P.  Montfaucon  ,  &  autres... 
Les  peintures  du  tombeau  des  Nafons,  qu'on 
déterra  près  de  Poutemole  en  1674.  >    "s.. 
fubCUent   déjà  plus  ;  les  peintures    même... 
qu'on  déterra  il  y  a  environ  foixante-quinze. 
ans,   à  la  vigne.  Gorfini  ,  bâtiç  lur.le  Ja-i- 
nicule ,  font  détruites., 
•     Oa  connoît  .aifement  par  ce  détail  abrégé ,. , 
-qu'on  ne  peut,  fans  témérité  ,  entreprendra,- 
un  parallèle  de  lapeinture  antique,  avec  la., 
peinture  moderne,  fur  la  foi  des  fragmens, 
de  la.  peinture  ançique  ,    qui  nç  fubfifient 
plus  qu'en  images  ,  du  moins  parla  vé-. 
tuile.  D'ailleurs  ,  ce  qui  nous  refle ,   &  ca. 
qui  éîoit  peint  à  Rome  fur  les  murailles^ 
n'a  été  fait  que  long-temps  après  la  mort,: 
des  Peintres,  célèbres  de  la  Grèce. .  Or  ,  il., 
paroît  par,  les.  écrits  des  .anciens  ,  que  les. 
Peintres   qui   ont  travaillé,  à    Rome  fous^, 
Augufte,  &  fous  fes  premiers  fuccefleurs^,^ 
étoiçnt  très-inférieurs  au  célèbre  Apelle,  &,* 
à  fes  illuflres  contemporains.    Pline.,   qui; 
cort)pofoit;fon.hifloire  fous  Vefj?afien,,    & 
quand -les  arts  avoient  atteint  déjà  le  plusj. 
haurpoint.de  perfedion  où  ils  foient  par-, 
venus  fous  les.  em.pereurs  ,    ne  cite  point 
pariTii  les  tableaux  qu'il  conipte   pour  une. 
àe^  plus  grands  orneraens  de  la  capitale  de, 
l'univei's,  au.cun  tableau  qui  donne  lieu  de. 
croire  avoir  été  fait  du  temps,  âits  .Gélàrs.,^ 
On  ne  fauroit  donc  afleoir  fur  des  frag- 
mens d.e  la  peinture  antique  qui  nous  ref-, 
tent  ,&  f«r  de^'débris  de  tableaux  faits  dans 
Rome  fous  les  empereurs  ,  aucun  jugement,, 
certain  concernant  le  degré  de  perfeâ;ioii 


P  E  I 

'oô  lès  grecs  &  les  anciens  rotiiaîns  pouf- 
TOient  avoir  porté  ce  bel  art.  On  ne  fau- 
roit  même  décider  ,  par  ces  fragmens ,  du 
degré  de  perfedion  où  la  peinture  pouvoit 
être  lorfqu'ils  furent  faits  ;  quel  rang  tenoit 
entre  les  Peintres  de  fon  temps  ,  l'artifte 
qui  les  'fit  ,  ni  en  quel  endroit  étoit  fon 
ouvrage ,  &  s'il  paffoit  pour  un  ouvrage 
dtcellent  en  fon  genre. 

il  icroit  téméraire  de  décider  la  queftion 
de  la  prééminence  de  la  peinture  antique 
fur  ce  que  nos  tableaux  ne  font  point  ces 
effets  prodigieux  que  les  tableaux  des  an- 
ciens Peintres  ont  faits  quelquefois ,  fuivant 
les  apparences.  Les  récits  des  écrivains  qui 
nous  racontent  ces  effets  ,  font  exagérés  , 
&  nous  ne  favons  pas  même    ce  qu'il  en 
faudroit  rabattre  pour  les  réduire  à  l'exade 
vérité.  Nous  ignorons  quelle  part  la  nou- 
veauté de    l'art  de  la  peinture  peut  avoir 
eue  dans  l'impreffion  qu'on  veut  que  cer- 
tains tableaux  aient  faite  for  les  fpedateurs. 
Les  f  remiers  tableaux  ,  quoique  greffiers  , 
ont  dû  paroître  des  ouvrages  divins.  L'ad" 
iniration  pour  un  art  naiflant  ,  fait  tomber 
aifément  dans  l'exagération  ceux  qui  par- 
lent <le  ces  produdions  ;  &  la  tradition  ,  en 
recueillant  ces  récits  outrés ,  aime  encore 
*  quelquefois  à  les  rendre  plus  merveilleux 
qu'elle  ne  les  a  reçus.  On  trouve  même  dans 
ks  écrivains  anciens  xies  chofes  impoffibles  , 
données  pour  vraies ,  &  des  cliofcs  ordi- 
naires traitées  de  prodiges.   Savons  -  nous 
d'ailleurs  quel  effet  auroient  produit  fur  des 
hommes  auffi  fènfïbles  &:  aufli  difpofés  à  Ce 
paiîîonner  ,  que  l'étoient  les  compatriotes 
des  anciens  Peinrres  de  la  Grèce  ,  plufieurs 
tableaux  de  Raphaël ,  de  Rubens ,  &  d'An- 
nibal  Carrache  ? 

Enfin ,  nous  ne  fàvons  pas  même  quelle 
comparaifon    on    pouvoit    faire    autrefois 
entre  les  fragmens  de  peinture  antique  qui 
nous  refîent  ,    &   les  beaux  tableaux  des 
Peintres  de  la  Grèce  qui  ne  fublifletît  plus. 
Les  injures  du  temps  ,  &  les  ravages  des 
«  hommes  ,  plus  cruels  que  le  temps  même  , 
nous  ont  dérobé  les  moyens  de  prononcer 
d'une  façon  décifive  fur  la  peinture  des  grecs» 
Il  efl  probable  que  leurs  Peintres  réunif- 
foient  dans  leurs  ouvrages  les  beautés  que 
l'on  admire  dans  leurs  Sculpteurs  ;  cepen- 
dant on  n*accorde  communément  aux  Pein- 


P  E  I  ti3 

trts  grecs  que  le  defîîn  &  les  expreîïions , 
&  on  leur  ôte  la  fcience  de  la  perfpeftive  , 
de  la  compofition  &  du  coloris.  On  fonde 
ce  lentiment  fur  les  bas-reliefs  antiques  ,  &: 
fur  quelques  peintures  anciennes  qui  ont  été 
trouvées  aux  environs  de  Rome  ,  &  à  Rome 
même  dans  des  voûtes  fout-^rraines  des  pa- 
lais de  Mécène  ,  de  Tirus ,  de  Trajan  & 
des  Antonins.  Il  eflà  obferver  que  ces  pein- 
tures ,  dont  il  n'y  en  a  guère  que  huit  qui 
fe  fcient  confervées  en  entier ,  &  dont  quel- 
ques-unes ne  font  qu'en  mofaïques  ,  ne 
viennent  point  des  auteurs  grecs. 

TurbuU  ,  auteur  Anglois  ,  a  fait  ua 
traité  fur  la  peinture  des  anciens ,  en  un  poL 
//7-/0/.  imprimé  en  1740  ;  il  a  orné  fon  ou- 
vrage de  plufieurs  de  ces  morceaux  qui  ont 
été  deffinés  par  Caraillo  Paderini ,  &  gravés 
par  Mynde  ,  &  qui  font  le  feul  mérite  d'un 
livre  magrîifique  ,  dont  on  a  fujet  de  regret- 
ter le  papier  mal  employé.  Parmi  les  eftam- 
pes  de  cet  ouvrage  ,  il  y  en  a  deux  dont  les 
originaux  étoient  dans  le  cabinet  de  feu  M. 
Richard  Mead,  célèbre  médecin  de  Londres. 
Les  écrivains  modernes  qui  ont  traité  de 
la  peinture  antique  y  nous  rendent  plus 
fàvans  ,  fans  nous  rendre  plus  capables  de 
juger  la  quefîion  de  la  fiipériorité  <àes  Pein- 
tres de  l'antiquité  lur  les  Peintres  modernes. 
Ces  écrivains  fe.  font  contentés  de  ramafïèe 
les  -pairages  des  auteurs  anciens  qui  par- 
lent de  la  peinture ,  &  de  les  commenter 
en  Philologues  ,  fans  les  expliquer  par 
l'examen  de  ce  que  nos  Peintres  font  tous 
les  jours  ,  &  même  fans  appliquer  ces  paf^ 
fages  aux  morceaux  de  la  peinrure  anti- 
que qui  fubliffent  encore.  Ainli ,  pour  fe 
former  une  idée  auffi  diflinde  de  la  peinture 
antique  qu'il  foit  poffiible  deTavoir  ,  il  fau- 
droit  confidérer  féparément  ce  que  nous 
pouvons  favoir  de  certain  fur  la  compofi- 
tion ,  fur  l'expreffion  &  fur  le  coloris  àç9 
Peintres  de  l'antiquité.  •  ' 

'  A  l'égard  de  la  compofition  pittorefque,' 
il  faut  avouer  que  dans  les  monùmens  qui 
nous  refient,  les  Peintres  anciens  ne  pa- 
roiffentpas  fupérieurs  à  Raphaël,  à  Rubens, 
à  Paul  Véronefc  &  à  M.  le  Brun  ;  mais  il  ne 
faut  pas  dire  la  même  chofe  de  l'excellence 
des  anciens  dans  la  compofition  poétique  , 
comme  ils  étoient  grands  dcffinateui^,  ils 
avoient  toutes    fortes  de  facilités  pour  j 


1 24  P  E  ï 

réufiîr  ,  &  nous  ne  pouvons  douter  qu'Us 
n'y  aient  excellé.  Les  tableaux  d'Ariftide 
parloient  aux  yeux.  Les  auteurs  qui  nous 
en  parlent  avec  tant  de  goût  &  de  fentiment, 
ne  pouvoient  pas  fe  tromper  en  jugeant  de 
l'expreffion  dans  les  tableaux  ;  c'ell  par-là 
qu'Aufone  loue  £i  bien  la  Médée  de  Timo- 
niaque.  On  fait  avec  quelle  alîèûion  Pline 
vante  le  tableau  du  facrifice  d'Iphigénie. 
On  connoît  la  belle  defcription  du  tableau 
d'iEtion  ,  qui  reprcfentoit  le  mariage  d'A- 
lexandre &  de  Roxane  ,  le  tableau  de  Zcu- 
xis  repréfentant  la  famille  d'un  centaure  ,  & 
tant  d'autres  qui  prouvent  que  cette  partie  de 
Fart  étoit  portée  au  plus  haut  point  de  pcr- 
feclion  par  les  Peintres  de  l'antiquité.  Voye\ 
Peintres  anciens. 

II  fuffit  de  voir  l'Antinous  ,  la  Vénus  de 
Médicis  ,  &  plufieurs  autres  monumens 
femblables ,  pour  être  convaincu  que  les 
«Hicicns  favoient  du  moins  auffi  bien  que 
nous  defîlner  élégamment  &  corredement. 
Leurs  Peintres  avoient  mille  occafions  que 
les  nôtres  ne  peuvent  avoir  ,  d'étudier  le 
nu  ;  &  les  exercices  qui  étoient  alors  en 
ufage  pour  dénouer  &  pour  fortifier  les 
corps  ,  les  dévoient  rendre  mieux  confor- 
mes qu'ils   ne  le  font  aujourd'hui. 

Comme  le  temps  a  éteint  les  couleurs  , 
&  confondu  les  nuances  dans  les  fragmens 
qui  nous  refient  de  la  peinture  antique  foire 
au  pinceau  ,  nous  ne  faurions  juger  à  quel 
point  les  Peintres  de  l'antiquité  ont  excellé 
dans  le  coloris  ,  ni  s'ils  ont  furpafle  les 
grands  maîtres  de  l'école  Lombarde  dans 
cette  aimable  partie  de  la  peinture.  Il  y  a 
plus,  nous  ignorons  11  la  noce  de  la  vigne 
Aldobrandine  &  les  autres  morceaux  font 
d'un  grand  coldrifte  ,  ou  d'un  artifle  mé- 
diocre de  ce  temps-là.  Ce  qu'on  peut  dire 
de  certain  fur  leur  exécution  ,  c'eft  qu'elle 
cfl  très-hardie.  Ces  morceaux  paroiffent 
l'ouvrage  d'artifles  auffi  maîtres  de  leur 
pinceau  ,  que  Rubens  &  Paul  Véronefe 
l'étoient  du  leur.  Les  touches  de  la  noce 
Aldobrandine  ,  qui  font  très-heurtées ,  & 
qui  paroiflént  même  groffieres  quand  elles 
font  vues  de  près  ,  font  un  efïèt  merveilleux 
quand  on  regarde  ce  tableau  à  la  diftancc  de 
vingt  pas.  C'étoit  fans  doute  de  cette  diflance 
qu'il  étoit  vu  fur  le  mur  où  le  Peintre  l'avoit 
fait.   Voye\  NoCE  ALDOBRANDINE. 


P  E  I 

Il  femble  que  les  récits  de  Pline ,  &  ceux 
de  plufieurs  Auteurs  anciens ,  doivent  nous 
convaincre  que  les  Grecs  &  les  Romains 
excelloient  dans  le  coloris  :  mais  avant  que 
de  fe  laiflèr  perfuader  ,  il  eft  bon  de  faire  la 
réflexion  ,  que  les  hommes  parlent  ordinaire- 
ment du  coloris  par  comparaiibn  à  ce  qu'ils 
peuvent  avoir  vu.  On  ne  fauroitdonc  déci- 
der notre  quefiion  fur  des  récit?.  Il  faudroit , 
pour  la  juger  fans  réplique  ,  avoir  des  pièces 
de  com.paraifon  ,    &  elles  nous    manquent. 

Pour  ce  qui  concerne  le  clair-obfcur ,  & 
la  difiribution  enchantereffe  des  lumières  & 
des  ombres  ^  ce  que  Pline  &  les  autres  écri- 
vains de  l'antiquité  en  difent ,  eftfipofitif, 
leurs  récits  font  fi  bien  circonlknciés  &  fi. 
vraifémblables  ,  qu'on  ne  fauroit  difconve- 
nir  que  les  anciens  n'égalaflent,  du  moins 
dans  cette  partie  de  l'art,  les  plus  grands 
Peintres  modernes.  Les  paflagcs  de  ces  Au- 
teurs ,  que  nous  ne  comprenions  pas  bien 
quand  les  Peintres  modernes  ignoroient  en- 
core quels  prefiiges  on  peut  faire  avac  le 
fecours  de  cette  magie,  ne  font  plus  fi  diffi- 
ciles à  entendre ,  depuis  que  Rubens ,  Ces 
élevés  ,  Polidore  de  Caravage  &  d'autres 
Peintres  les  ont  bien  mieux  expliqués ,  les 
pinceaux  à  la  main  ,  que  les  commentateurs 
les  plus  érudits  ne  le  pouvoient  faire  dans 
des  livres. 

Il  paroît  réfulter  de  cette  difcuffion  ,  que 
les  anciens  avoient  pouffé  la  partie  du  del- 
fin  ,  du  clair-obfcur,  de l'exprefilon  &  de 
la  compofifion  poétique  ,  du  moins  auffi  loin 
que  les  modernes  les  plus  habiles  peuvent 
l'avoir  fait.  Il  paroît  encore  que  nous  ne 
faurions  juger  de  leur  coloris  ;  mais  que  nous 
connoifîbns  fuffifamment  par  leurs  ouvra- 
ges ,  fuppofé  que  nous  ayons  les  meilleurs  , 
que  les  anciens  n'ont  pas  réuffi  dans  la  com- 
pofition  pitforefque  auffi  bien  que  Raphaël  , 
Rubens ,  Paul  Véronefe  &  quelques  autres 
Peintres  modernes. 

Les  anciens  ont  très- bien  connu  la  perf^ 
pedive  &  la  projedion  des  ombres  ;  cepen- 
dant plufieurs  modernes  femblent  tâcher  • 
de  rabaiiîèr  les  lumières  des  anciens  en  ce 
genre ,  ou  du  moins  de  rabattre  de  leur  gloi- 
re ,  à  proportion  de  ce  qu'ils  ont  bien  voulu 
en  accorder  à  leurs  Statuaires  :  mais  ce  ju- 
gement n'eft  pas  équitable  ;  il  faut  confidé- 
rer  qu'il  nous  refle  très-peu  de  peinture» 


P  E  I 

anciennes ,  &  celles-là  mêmes  ne  font  pas 
de  la  première  beauté  ,  ni  des  grands  maî- 
tres de  l'art.  La  fortune  peut  avoir  contri- 
bué autant  que  le  temps  à  ce  défaire  ;  car  , 
ditCicéron,  quoique  l'injure  des  ans,  les 
outrages  du  fort  &  la  vétuflé  fafîênt  touc 
périr ,  ces  caufes  néanmoins  font  bien  da- 
vantage &  plutôt  funeiles  à  la  peinture ,  qu'à 
la  fculpture  :  il  arrive  même  fouvent  que 
dans  cette  perte  commune ,  ce  qu'il  y  a  de 
meilleur  diiparoît ,  &c  ce  qu'il  y  a  de  plus 
imparfait  refte.  Les  hommes  de  notre  lie- 
clé,  continue-t-il,  enchantés  à  la  vue  des 
peintures  nouvelles,  ne  font  attention  qu'à 
ce  qui  frappe  leurs  yeux ,  &  penfent  bien 
moins  favorablement  de  ce  qu'ils  ne  voient 
pas ,  parce  que  leur  imagination  n'çn  eft 
point  réveillée. 

J'ajoute  qu'il  convient  encore  de  difîin- 
guer  ici  ;  car  il  efl'fûr  qu'il  faut  avoii»  une  au- 
tre idée  des  peintures  greques ,  que  de  celles 
des  Latins.  Rome  ne  cultiva  les  arts  qu'après 
bien  des  fiecles,  &  leurs  Artiftes  en  pein- 
ture ne  fijrent  jamais  comparés  aux  Anifles 
de  la  Grèce. 

Mais  quant  à  Ceux-ci ,  le  témoignage  des 
anciens,  &  même  le  peu  d'ouvrages  qui 
nous  reftent  d'eux  ,  lailfent  peu  de  chofes 
à  defirer  fur  la  perfeâion  de  leur  art  en  ce 
genre.  Enfin ,  les  Auteurs  s'accordent  tous 
à  nous  en  donner  des  exemples  qui  ne  peu- 
vent convenir  qu'à  des  Peintres  du  premier 
ordre.  Apelle ,  difent-ils  ,  étoit  diflinguépar 
la  délicatefle  &  la  grâce  infinie  de  fon  pin- 
ceau ;  quelques-uns  comme  Afclépiodore , 
l'emportoient  fur  h\  par  la  difpofition  des 
figures  &  l'harmonie  généralf  du  tableau  : 
Apelle  cependant  les  effaçoit  tous.  Proto- 
gcne  ,  Pamphile,  Mélanthius  ,  Antiphile, 
Mnon  ont  tous  été  célèbres  ;  le  premier  par 
ion  exaditude ,  le  fécond  &  le  troifieme 
par  leur  compofition ,  le  quatrième  par  fa 
facilité ,  &  le  cinquième  par  fa  belle  imagi- 
nation. Mais  pourquoi  nous  arrêter  à  ces 
détails  ,  puifque  l'hifloire  que  nous  avons 
donnée  des  Peintres  Grecs ,  n'efl  qu'une 
preuve  répétée  de  cette  vérité.  Voye^  donc 
Peintres  Grecs  S'Peinture^^j' 
Grecs.  (  Le  chevalier  de  JaUCOURT.  ) 

Peinture  t/fj  Grecs  {Peint,  antique-.) 
c'eft  le  genre  de  peinture  le  plus  admira- 
ble de  l'antiquité. 


PE  I  125 

Après  avoir  fciit  en  gériéral  une  efpece 
de  parallèle  de  la  peinture  antique  avec  la 
moderne ,  il  importe  de  confidérer  en  par- 
ticulier celle  des  Grecs  ;  puifqu'elle  feule 
mérite  principalement  nos  regards.  Je  iàis 
que  fon  origine  n'offre  qu'incertitude  :  in- 
certitude pour  le  heu  ;  les  uns  vouloient 
qu'elle  eût  commencé  à  Sycione  ,  les  autres 
chez  les  Corinthiens  :  incertitude  pour  le 
nom  des  inventeurs  ;  on  noramoit  ou  Phi- 
loclés d'Egypte ,  ou  Cléanthe  de  Corinthe; 
incertitude  lùr  l'opération  primitive  qu'ils 
employèrent,  &  qui  fervit  de  préparation 
à  la  véritable  découverte  de  Part. 

On  difoit  à  la  véri^  que  ce  début  fut  le 
contour  d'une  figure  humaine,  tracée  autour 
de  l'ombre  d'un  corps  opaque  ;  mais  quand 
on  n'a  rien  à  dire  de  mieux  circonftancié 
fur  un  fait  de  cette  nature,  qui  fe  perd  dans 
l'obfcurité  des  temps  ,  c'eft  fe  fonder  Tur 
des  conjedures  ,  plutôt  que  fur  des  témoi- 
gnages authentiques.  On  ne  pouvoit  pour- 
tant mieux  faire  dans  l'hifloire  inconnue  de 
l'origine  d'un  art ,  que  de  partir  d'une  hy- 
pothefe  aflez  vraifemblable ,  ou  du  moins 
accréditée. 

A  la déhnéarion du  fimple  contour,  fùc- 
céda  une  autre  peinture  linéaire  plus  par- 
faite ,  qui  dillingua  par  le  deffin  ,  &  fans 
aucune  couleur  ,  les  traits  du  vifage  renfer- 
més dans  l'intérieur  du  contour.  Elle  eut 
pour  inventeur  Ardicès  de  Corinthe  ,  & 
Téléphane  de  Sicyone.  Ces  deux  auteurs 
des  portraits  deffinés  ,  furent  les  premiers 
qui  exercèrent  l'art  de  repréfentcr  la  figure 
fur  une  furface  égale  &  unie.  En  effet ,  la 
méthode  du  contour  extérieur  ne  marquant 
pas  les  traits  du  vifage  ,  &  ne  rendant  point 
la  perfonne  reconnoilTable ,  ne  repréfentoit 
point  la  figure.  Les  deux  artifies  que  nous  ■ 
venons  de  nommer ,  furent  aulll  les  pre- 
miers qui  écrivirent  fur  leurs  ouvrages  le 
nom  de  la  perfonne  repréfentée.  La  pré- 
caution auroit  été  fort  inutile  dans  la  pre- 
mière méthode,  qui  ne  repréfentant  point 
la  figure  ,  n'auroit  excité ,  par  l'addition  du 
nom ,  ni  la  curiofité  de  la  pofiériré  ,  ni  celle 
des  étrangers ,  ni  finalement  celle  de  per- 
fonne. Tels  étoient  les  ufages  préliminaires 
de  la  peinture  greque  avant  la  guerre  de 
Troye. 

Dans  la  fuite ,  les  Grecs  employèrent  la 


ja^  ï>  E  I       ^ 

peinture  proprement  dite  ,  la  peinture  co- 
loriée ;  &  il  paroît ,  au  rapport  de  Pline  , 
qu'elle  n'étoit  point  encore  connue  dans  le 
temps  de  la  guerre  de  Troye.  Cette  opinion  , 
qu'on  ne  trouve  combattue  par  aucun  an- 
cien auteur,  efl  d'un  très-grand  poids;  elle 
n'étoit  pas  feulement  appuyée  fur  le  filence 
d'Homère,  puifque  nous  voyons  en  général 
les  anciens  écrivains  admettre  dans  les  temps 
héroïques  plufieurs  faits  hiiloriques  ,  dont 
lepoëte  n'avoit  jamais  fait  mention.  Le  té- 
moignage de  ceux  qui  nous  ont  tranfmis 
celui  -  ci ,  doit  donc  avoir  toute  la  force 
d'une  preuve'  politive,  malgré  les  efforts- 
qu'ont  fait  quelques  favans  modernes  pour 
tâcher  de  la  réfuter. 

Après  qu'on  eut  inventé  en   Grèce  la 
•peinture  coloriée  ,  plus  recherchée  que  l'au- 
tre dans  les  opérations  ;    elle  fut  appellée 
peinture  monochrome ,  parce  qu'on  n'y  em- 
ploya   d'ahord  qu'une  feule   couleur  dans 
chaque  ouvrage ,  à  moins  que  nous  ne  don- 
nions le  nom  de  féconde  couleur  à  celle  du 
fond  fur  lequel  l'on  travailloit.  L'auteur  de 
cette  méthode  ,  l'inventeur  de  la  peinture  ' 
proprement  dite,    fut  Cléophante  de  Co- 
rinthe  :  il  débuta  par  colorier  les  traits  du 
vifage  avec   de  la  terre  cuite   &  broyée  ; 
ainlî  la  couleur  rouge,  comme  la  plus  ap- 
prochante de  la  carnation ,  fut  la  première 
en  ufage.  Les  autres  peintres  monochromes  , 
&  peut-être  Cléophante  lui-même  ,  variè- 
rent de  temps  en  temps  dans  le  choix  de 
la  couleur  des  figures ,  différente  de  la  cou- 
leur du  fond.  Peut-être  auffi  qu'ils  mirent 
quelquefois  la  même  couleur  pour  le  fond 
&  pour  les  figures  ;  on  peut  le  prélumer  par 
l'exemple  de  quelques-uns  de  nos  camayeux, 
pourvu  qu'on  n'admette  point  dans  {qs  leurs 
l'ufage  du  clair-obfcur  ,,  dont  la  découverte 
accompagna  l'introduéfion  de  la  peinture 
pioîychrome ,  ou  de  la  pluraUt^  des  cou- 
leurs. 

Ce  fut  Bularchus  ,  contemporain  du  roi 
Candaule  ,  qui  le  premier  introduifit  l'ufage 
de  plufieurs  couleurs  dans  un  feul  ouvrage 
de  peinture.  Au  moyen  de  la  plurahté  de  ces 
couleurs ,  l'art  ,  ,jufque-là  trop  uniforme  ,  fe 
diverfifia,  &  inventa  dans  la  fuite  les  lu- 
mières &  les  ombres.  Panaemus  peignit  la 
bataille  de  Marathon  ,  avec  la  figure  reflem- 
hlante  des  principaux  chefs  des  deux  armées. 


PEÏ 

Peu  après  Panxmus ,  parut  Polygnote  de 
Thafos,  qui  le  premier  donna  des  drape- 
ries légères  à  {qs  figures  de  femmes  ,  & 
qui  quitta  quelquefois  le  pinceau  pour  pein- 
dre en  encauftiqiie.  Damophile  &  Gorga- 
luB  enrichirent  d'ornemens  de  plallique  l'ex-' 
térieur  du  temple  de  Cérès  à  Rome.  Enfin  -, 
à  la  qiKirante-neuvieme  olympiade  ,  Apol- 
lodore  4'Athenes  ouvrit  une  nouvelle  car- 
rière ,  &  donna  nailïîmce  au  beau  fiecle  de 
la  peinture. 

Il  fut  fuivi  par  Zeuxis  ,  Parrhafius  ,  Ti- 
manthe  &  Eupompe  ,  qui  tous  ont  été  (es 
contemporains.  On  vit  enluite  paroître 
Paufias  ,  Pamphile  de  Macédome  ,  Euphra- 
nor ,  Caladès  ,  JEûon  ,  Antidotus  ,  Arifii- 
de  ,  j\fclépiodore ,  Nicomachus  ,  Melsn- 
thius  ,  Antiphile ,  Nicias  ,  Nicophane  , 
Apelle  &  Prorogene  ,  tous  excellens  ar- 
tiltes ,  qui  fè  font  illuffrés  à  jamais,  dans 
l'efpace  d'un  -fiecle  ,  en  diffé^ens  genres 
d'ouvrages. 

On  peut  partager  avec  Pline  les  peintu- 
res de  la  Grèce  en  un  certain  nombre  de 
clafîês.  La  première  préfente  les  plus  an- 
ciens,  qui  ne  font  pas  les  plus  habiles  ,  & 
qui  finillent  à  Polygnote  ,  vers  le  temps  de 
la  guerre  du  Péloponefe. 

La  féconde  claiîe  renferme  les  artiftes 
qui  ont  fnit  le  beau  fiecle  de  k  peinture 
depuis  la  fin  de  la  guerre  du  Péloponeiè , 
jufqu'après  la  mort  d'Alexandre-le- Grand. 
Il  ne  faut  cependant  mettre  dans  cette  liffe 
que  ceux  qui  exerçoient  alors  leurs  pin- 
ceaux fur  de  grands  fujets  &  dans  de  grands 
tableaux. 

La  troifieiflfe  clafTe  contient  ceux  qui  fe 
font  diff ingués  par  le  pinceau,  mais  dans 
de  petits  tableaux ,  ou  fur  de  petits  fu'jets. 
La  quatrième  claiTe  efl  compofée  de  ceux. 
qui  avoient  pratiqué  la  frefque ,  peinture 
qu'on  applique  fur  l'enduit  d'une  muraille. 
Parmi  ces  Peintres  ,  dit  Pline ,  il  n'y  en  a 
point  qui  fe  foient  fait  un  grand  nom.  Ils 
n'embellifToient  ni  murailles ,  dont  forne-- 
ment  n'auroit  été  que  pour  le  maître  du 
logis ,  ni  maifons  fiables  &  permanentes , 
qu'on  ne  pouvoit  pas  fauver  de  l'incendie. 
Piclorque  rei  communis  terrarum  erat ,  trait 
bien  flatteur  pour  l'art  &  pour  les  artiffes. 
Un  Peintre  appartenoit  à  l'univers  entier. 
Ces  grands-hommes  deflinoient  toytes   les 


P  E  I 

produélîons  de  leur  art  à  pouvoir  pafTer  de 

viilc  en  ville. 

.    La  cinquième  clafle  comprend  les  plus 

célèbres  Peintres  encauftiques ,  c'eft-à-dire, 

ceux,  qui  employoient  le  poinçon  &  non  le 

pinceau. 

La  fixierae  clalTe  eu  réfervce  pour  les 
Peintres  encauiliques  ou  autres  ,  comme 
Ctéfilochus  ,  qui  le  plaifoient  à  des  ouvra- 
ges de  peinture  infolentê. 

Enfin  ,  la  dernier£  clafTc  offre  à. notre  mé- 
moire les  femmes  célèbres  ,  qui  ont  réufC 
c;hez  eux  dans  la  peinture.  Ils  ne  croyoient 
pas  que  l'ignorance  ,  la  parelTe  &  les  amu- 
lem.ens  purement  frivoles  ,  dufTent  être,  le 
partage  de  la  moitié  du  genre  humain.. 

Tous  ces  artifîes  fe  formèrent  dans  les 
écoles  de  peinture  que  les  Grecs  avoient 
établies ,  &  auxquelles  ils  avoient  donné 
des  noms  fixes  comme  à  leurs  prdres  d'àr^ 
chitedure.  Leur  peinture  ri'avoit- d'abord 
eu  que  deux  diflinâion.s  ,  Théliadique  & 
rafiatjque  ,.  ou  l'attique  &  l'ionique  ,  car 
on  les  trouve  l'une  &,  l'aut/'e. fous  ces  deux 
noms  ;  mais.Eupompus  ,.  qui  éroit  de  Sir- 
cyone  ,  fe  rendit  fi  recomraandablc  par'fon 
talent,  que  l'on  ajouta  la  .ficyonienne  par 
rapport  à  lui.  Si  Plinerapporte  ce  fait  tout 
fimplemcnt  ,  fans  l'accompagner  d'aucun 
détail  ,  c'efl;  qu!on  .doit  préfumerque  les 
écoles  ou  les  différentes  manières  s'étant 
multipliées  dans  la  Grèce ,  on  abandonna  ce 
projet ,  &  l'on  ne  parla  plus  ,  comme  l'on 
fait  aujourd'hui  , .  qae.,des  rnaîtres  en  par- 
ticulier &   de  laurs  élevés.. 

On  peut.  cependaiK  comparer  ces  >pre- 
naiers  jîoms  à  ceux  que.  nous  donnons  en 
général,  &,  qui  nous  fervent  de,  points  de 
diflin^tion..  T£lle^  font,  les  écoles  de  ..Flo- 
rence, ,  de. Rome. ,  dePolog.ne,  de  Venile, 
de  France  ,  de  Flandre  ou.  d'Allemagne. 
L'étendue  ou  .l'éloignement  de  ces  pays  a 
exigé  ^perpétué  j'ufage  de  ces  diffindions. 
La  ,Grece  ,  plus .  refferrée  &  plus  réunie  , 
n'a  pas  eu  befoin.  de.les  continuer;  .mais 
elle  forma  .  des  artifîes  en  tout  genre ,  qui 
n'ignorerentrien  de  tqut  cç,qu<;nQus,fav,ons 
en  peinture. 

Les  grandes  compofitions,  héroïques  ,  .&; 
que  nous  appelions  l'hiftoire  ,  le,s  portraits , 
les  fujets  bas  ,  les  payfages ,  les  décorations, 
ks  arabefques ,    ornemens  faotaiJiques  6:. 


p-  E  r  lî^ 

travaillés  fur  des  fonds  d'une  feule  couleur  ;* 
les  fleurs  ,  les  animaux  ,  la  miniature  ,  les- 
camayeux ,  les  marbres  copiés ,  les  toiles 
peintes  ;  voilà  la  lilfe  des  opérations  des 
Grecs  du  côté  des  genres  de  peinture.  Il 
me  femble  que  nous  ne  peignons  en  au- 
cun autre  genre  ,  &  que  nous  n'avons  au- 
cun autre  objet.  Nous  ne  pouvons  donc 
nous  vanter  d'avoir  déplus  ,. que  la  peinture 
en  émail  ,  encore  je  ne  voudrois  pas  afîu- 
rer  qu'elle  fût  inconnue  aux  anciens  ;  mais- 
ce  qui  nous  appartient  fans  contredit,  c'efl- 
l'exécution  des  grands  plafonds  &  des  cou- 
poles^  Les.Grecs  ni  les  Romains  ne  paroi(~- 
(ent  pas  avoir  connu  ce  genre  d'ornement, , 
ou  du  moins  avoir  pratiqué  la  perfpedive-; 
jufqu'au  point  nécelfaire  pour  rendre  ce.S; 
décorations  complètes  :  les  modernes  peu- 
vent ,  au  contraire  ,  préfenter  un  très-grand.; 
nombre, de. ce§  chefs-d'œuvre  de  l'efprit  &. 
de  l'art.  ,     * 

On  gardoit  dans  l'antiquité ,  comme  on  ; 
garde  aujourd'hui ,  les  études  &  les  premiè- 
res penfées  des  artifîes  ,    toujours  pleines-, 
d'un  feu  proportionné  au  talent  de  leur  au~- 
teur ',  fouvent  au-deflus.  des  ouvrages  ter- - 
minés  ,  &  toujours  plus  piquans  :  ces  pre- 
miers tnùts,  plus  ou  moins  arrêtés  ^  font 
plus  ou  moins  effentiels  pour  la  peinture ,  , 
que  les  idées  jetées  fur  le  papier  ne  le.  font 
pour , tous  ,  les   autres    genres   d'ouvrages. 
Comme -aujourd'hui ,  on  fuivoit  avecplaifir  • 
les  opérations  de  l'efprit  d'un  artifle  ;  on  fè 
rendoit.  c%npte  des  raifons  qui,  l'avoient 
engagé  à  faire  .ces  changemens  en  terminant,  : 
{on  ouvrage  :  enfin,  comme  aujourd'hui,. 
on  cherchoit  à  en. profiter  ;  les  hommes  de. 
mérite  pour  s'en  nourrir  ou.s'en  échaufîèr  ;  . 
&  les  hommes  médiocres  ,  pour  les  copier 
fervilement.  Mais  .il  efl  temps  de  pafîèr  à. 
la  peinture  des  Romains  en  particulier,  (  Le.j 
chevalier  de  Ja  uc o  ur  t,  }  , 
;    P^I'NTURE  des  Romnias,  {peintuman,-^  . 
dque..  )  A  l'expiration  du  beau  fiecle  de  la  . 
peinture  greque,  .lequel,  avoit  commencé, 
par  A.pollodore ,  .en  l'an  404.  avant  Jefus-r 
Chrifl,  on  voit  en  304,  pour  la  premierCr- 
fois^un  jeune  Romain  prendre  le  pinceau.- . 
«On  a.  fait  aufli  ..de  bonne-heure  ,    dit 
?)  Pline  ,  honneur  à  la  peinture  chez  lea 
«  Romains;  car  une  branche  de  l'illuflre 
7)  famille  dès  Fabius  en  a  tiré  le  furaoni^ 


ii8  P  E  I 

«  de  P'iclor  ^  &  le  premier  qui  le  porta  , 
»  peignit  le  temple  de  la  déefle  Salus,  en 
«  l'an  de  Rome  450  :  l'ouvrage  a  l'ubliflé 
«  jufqu'à  notre  temps  ,  que  le  temple  a  été 
?>  brûlé  fous  l'empire  de  Claude.»  Il  y  a 
dans  ces  paroles  une  finefTe  &  une  exacti- 
tude finguliere  :  on  y  fent  une  différence 
entre  ce  que  Pline  dit ,  &  ce  qu'il  voudroit 
pouvoir  dire.  Il  voudroit  pouvoir  avancer  , 
que  l'art  avoit  été  pratiqué  fort  ancienne- 
ment à  Rome  par  è^fts  citoyens  ;  &  en  hif- 
torien  exàd,  il  joint  à  l'exprelîion  de  bonne- 
heure  la  détermination  de  l'époque,  qui  ne 
va  pas  à  400  ans  d'antiquité.  Il  voudroit 
pouvoir  ajouter  que  l'exercice  de  la  peinture 
y  fut  dès-lors  en  honneur  ,  &  il  dit  unique- 
ment qu'on  y  fît  honneur  à  la  peinture  : 
enfin  ,  il  voudroit  pouvoir  vanter  la  beauté 
àts  ouvrages  de  Fabius  ;  &  tout  l'éloge  qu'il 
en  fait ,  c'efl  qu'ils  s'étoient  coiifervés  juf- 
qu'au  règne  de  Claude. 

Le  feul  ouvrage  de  peinture  que  l'au- 
teur nous  falîe  remarquer  à  Rome  ,  dans  le 
fîecle  qui  fuivit  l'époque  de  Fabius  Pidor , 
<it^  un  tableau  que  Valérius  MefTala  fit 
faire  de  fa  viftoire  de  Sicile  en  l'an  264 , 
&  qu'il  expofa  fur  un  côté  de  la  curie  Hof- 
tilia.  Le  filence  de  Pline  fur  le  nom  du 
Peintre  ,  nous  fait  aflcz  comprendre  que 
1  artifte  étoit  Grec  ,  les  Romains  étendant 
déjà  pour  lors  leur  domination  fur  le  canton 
d'Italie  appelle  la  grande  Grèce  y  &  fur  la 
Sicile  pareillement  peuplée  de  Grecs. 
L'exemple  de  Valérius  MefTala  fut  fuivi 
dans  la  fuite  par  Lucius  Scipion ,  qui  après 
avoir  défait  en  Aiîe  le  roi  Antiochus  ,  étala 
dans  Rome  le  tableau  de  fa  vidoire  ,  en  l'an* 
190  avant  Jefus-Chrifl. 

L'année  fui  vante  189,  Fulvius  Nobilior 
afîîégea  &  prit  Ambracie  ,  où  Pirrhus  avoit 
autrefois  rafTemblé  plufîeurs  rares  produc- 
tions diQS  arts  cultivés  dans  la  Grèce.  Le  con- 
ful  Romain  ,  dit  Pline  ,  ne  laifîà  que  les 
©uvrages  en  plaflique  de  Zcuxis  ,  &  tranf- 
porta  les  mufes  à  Rome  :  c'étoient  neuf 
ftatues  ,  où  chaque  mufe  en  particulier  étoit 
repréfentée  avec  Çt&  attributs.  Tite-Live  dit 
aufîî  ,  que  Fulvius  enleva  d' Ambracie  les 
ilatues  de  bronze  &  de  marbre  ,  &  les  ta- 
bleaux ;  mais  il  paroît  que  les  tableaux  ne 
furent  "pas  tranfportés  à  Rome  ,  ou  qu'ils 
n'y  furent  pas  livrés  à  la  curiofité  du  public , 


P  E  I 

'  pulfque  Pline  ne  marque  qu'enfuîte  l'épo- 
que du  premier  tableau  étranger  qu'on  ait 
étalé  dans  la  ville.  Les  Romains  n'étoient 
point  encore  curieux  de  peinture ,  comme 
ils  l'étoient  de  fculpture  :  les  ftatues  des 
mufes  apportées  d'Ambracie  ,  furent  repré- 
fentées  chacune  dans  des  médailles  particu- 
lières ,  qu'on  trouve  expliquées  tort  ingé- 
nieufement  dans  Vaillant. 

Vers  l'an  180  ,  Caïus  Terentius  Lucanus  , 
fi  c'efè,  comme  l'a  cru  Vaillant  ,  le  frère 
de  Publius  ,  maître  du  poète  Térence ,  fut 
le  premier  qui  fit  peindre  à  Rome  des  com- 
bats de  gladiateurs. 

Paul  Emile  ,  deilrufteur  du  royaume  de 
Macédoine  en  168 ,  emmena  d'Athènes  à 
Rome  Métrodore  ,  qui  étoit  en  même  temps 
philofophe  &  Peintre.  Il  ne  vouloit  ua 
Peintre  que  pour  le  faire  travailler  aux  déco- 
rations de  fon  triomphe. 

Vers  l'an  154  ,  Pacuvius  ,  neveu  mater- 
nel d'Ennius  ,  cultivoit  à  Rome  &  la  poé- 
fie  &  la  peinture.  Entre  Fabius  Pidor  & 
lui  ,  dans  un  elpace  d'environ  150  ans  , 
Pline  n'a  point  de  Peintre  Romain  à  nous 
produire  :  il  dit  que  les  pièces  de  théâtre 
de  Pacuvius  donnèrent  plus  de  confidéra- 
tion  à  la  profeflion  de  Peintre  ,  &  que  ce- 
pendant après  lui  ,  elle  ne  fut  guère  exer- 
cée à  Rome  par  •  d'honnêtes  gens.  Qu'on 
juge  enfuite  fi  l'écrivain  a  prétendu  nous 
laiffer  une  grande  idée  des  Peintres  Ro- 
mains ! 

En  l'an  147,  Hoflilius  Mancinus,  qui,  dans 
une  tentative  fur  Carthage ,  étoit  le  pre- 
mier entré  jufques  dans  la  ville  ,  expofa  dans 
Rome  le  tableau  de  la  fituatlon  de  la  place, 
&  de  l'ordre  des  attaques.  L'année  fuivante, 
Mummius  ,  defirudeur  de  Corinthe  ,  fit 
tranfporter  à  Rome  le  premier  tableau  étran- 
ger qu'on  y  ait  expofé  en  public  ;  c'étoit 
un  Bacchus  d'Ariflide  le  Thébain,  dont  le 
roi  Attalus  donnoit  fix  cents  mille  féfîercesf, 
cent  dix-fept  mille  cinq  cents  livres  ;  mais 
le  général  Romain  rompit  le  marché  ,  dans 
la  perfùalion  qu'un  tableau  de  ce  prix  ren- 
fermoit  à^s  vertus  fecretes.  La  fomme  of- 
ferte par  Attalus  ne  paroîtra  pas  exorbi- 
tante ,  fi  l'on  confidere  qu'il  acheta ,  dans 
une  autre  occafion  ,  un  tableau  du  même 
Ariflide  cent  talens  ,  quatre  cents  foixante- 
dix- mille  livres  ;  &>  ce  dernier  fait  étant 

rapporté 


P  E   I 

rapporté  par  Pline  en  deux  diiFérens  en- 
droits ,  nous  ne  devons  point  y  foupçon- 
ner  de  Terreur  dans  les  chiffres ,  comme  il 
ne  nous  arrive  que  trop  fouvent  de  fup- 
pofer  des  fautes  de  copiftes  ,  &  même  des 
fautes  d'ignorance  dans  les  hiftoriens  de 
l'antiquité  ,  quand  ce  qu'ils  atterteut  n'ell 
pas  conforme  à  nos  idées  &  à  nos  ufages  j 
vrai  moyen  d'anéantir  toute  l'ancienne  hiC- 
toire. 

La  conduite  de  Mummius  fait  voir  que 
les  romains  n'avoient  point  encore  de  ion 
temps  le  goût  de  la  peinture  ^  quoiqu'ils 
euifent  celui  de  la  fculpture  depuis  la  fon- 
dation de  leur  ville.  Pour  un  tableau  que 
ce  général  rapporta  d'Achaïe  ,  il  en  tira  un 
fi  grand  nombre  de  ftatues  ,  qu'elles  rem- 
plirent 5  fuivant  l'exprefîion  de  Pline  ,  la 
ville  entière  de  Rome.  Nous  vQiyons  aulîî 
que  dans  la  Grèce  ,  le  nombre  des  fculpteurs 
&  des  ouvrages  de  fculpture  l'a  de  tout 
temps  emporté  fur  le  nombre  des  peintres 
&  des  ouvrages  Aq  peinture  ;  c'eft,  comme 
J'a  remarqué  M.  le  comte  de  Caylus  ,  que 
ces  deux  peuples  jaloux  de  s'éternifcr  ,  pré- 
féroient  \qs  monumens  plus  durables  à 
ceux  qui  l'étoient  moins. 

Cependant  peu  après  l'expédition  de 
Mummius  ,  les  romains  commencèrent  à  fê 
familiarifer  davantage  avec  un  art  qui  leur 
paroiiToit  comme  étranger.  On  vit  à  Rome 
pendant  la  jeunelle  de  Varron  ,  environ  l'an 
ICO  avant  J.  C.  Lala  de  Cyzique,  fille  qui 
vivoit  dans  le  célibat  &  dans  l'exercice  de  la 
peinture  j  on  y  voyoit  dans  ce  temps  -  là 
même  un  Sopolis  &  un  Dionyfius  ,  dont  les 
tableaux  remplirent  peu  à  peu  tous  l^s  cabi- 
nets. 

En  l'an  99,  Claudius  Pulcher  étant  Edile, 
fit  peindre  le  premier  la  fcene  pour  une 
célébration  des  jeux  publics^  &  il  eft  à  croire 
qu'il  y  employa  le  peintre  Sérapion  ,  Pline 
ajoutant  Ique  le  talent  de  cet  artifte  fë  bor- 
noit  à  des  décorations  de  fcene ,  &  qu'un 
feul  de  {qs  tableaux  couvroit  quelquefois  ,  au 
temps  de  Varron ,  tous  les  vieux  piliers  du 
forum.  Sylla  ,  quelque  temps  après  ,  fit 
peindredans  fa  maifon  deplaifance  de  Tuf- 
culum  ,  qui  paffa  depuis  à  Ciceron  ,  un  évé- 
nement de  la  vie  bien  flatteur  ^  c'étoit  la 
circonftance  où  ,  commandant  l'armée  l'an 
89  fous  les  murs  de  Noie ,  en  qualité  de 
TomeXXF.  ^ 


P  E   I  l^^ 

'  lieutenant ,  dans  la  guerre  des  Marfès  ,   il 
reçut  la  couronne  obiidionale. 

Les  LucuIIus  firent  venir  à  Rome  un  grand 
nombre  de  liatues  ,  dans  le  temps  apparem- 
ment de  leur  édilité ,  en  79  ^  &  l'ainé  des 
deux  frères  ,  le  célèbre  Lucius  Lucullus  , 
étoit  alors  abfent  :  on  ne  peut  donc  mieux 
placer  qu'en  cette  occaûmi  l'achat  qu'il  fit , 
félon  Pline  ,  dans  Athènes  ,  aux  fêtes  de 
Bacchus  ,  de  la  copie  d'un  tableau  de  Pau- 
fias  ,  pour  la  foinme  de  deux  talens  (  neuf 
mille  quatre  cents  livres)^  difproportion  tou- 
jours vifible  dans  le  nombre  des  ouvrages 
de  peinture  &  de  fculpture.  Lucullus  ramafîa 
dans  la  fuite  une  grande  quantité  des  uns 
&  des  autres  ^  &  Plutarque  le  blâme  de 
ce  goût  pour  les  ouvrages  de  l'art  ,  autant 
qu'il  le  loue  du  foin  qu'il  avoit  de  faire  des 
colIedHons  de  livres.   La  façon  de  penfèr 
de  Plutarque  ne  doit  pas  nous  furprendre  ; 
elle  a  des  exemiples  dans  tous  les  fiecle's  qui 
ont  connu  les  arts   &  les  lettres  ^  elle  en 
a  parmi  nous  ,  parce  qu'il  n'appartient  qu'à 
un  très-petit  nombre  de  favans  de  reffem- 
bler  à  Pline  ,  &  de  n'avoir  point  de  goût 
exclufif. 

Il  nous  marque  un  progrès  dans  la  curio- 
fité  des  particuliers  &  du  public  pour  la 
peinture  ,  vers  l'an  75  ,  en  difant  que  l'ora- 
teur Hortenfius ,  après  avoir  acheté  les  Ar- 
gonautes de  Cydias  cent  quarante-quatre 
mille  fefterces  (  vingt  huit  mille  cent  dix 
livres  ) ,  fit  bâtir  dans  fa  maifon  de  Tulculuni 
une  chapelle  ,  exprès  pour  ce  tableau ,  &que 
le  forum  étoit  déjà  garni  de  divers  ouvrages 
àe peinture ,  dans  le  temps  où  Craffus ,  avant 
de  parvenir  aux  grandes  magiftratures  ,  fe 
diftinguoit  dans  le  barreau. 

Pour  l'année  70,  on  trouve  une  apparence 
de  contrariété  entre  la  chronologie  de  Cice- 
ron &  celle  de  Pline  ,  fur  lâge  de  Timo- 
machus"  de  Bifànce  ,  peintre  encauftique. 
Ciceron  écrivoit  en  cette  année-là  fon  qua- 
trième difcours  contre  Verres  :  il  y  parle  de 
quelques  tableaux,  parmi  un  grand  nombre 
d'ouvra?es  de  fculpture  enlevés  à  la  Sicile  , 
&  transportés  à  Rome  par  l'avide  Préteur, 
«  Que  ièroit-ce ,  dit-il  à  l'occafion  de  ces 
w  tableaux  ,  fi  l'on  enlevoit  aux  habitans  ^ 
w  de  Cos  leur  Vénus ,  à  ceux  d'Ephefe  leur 
»  Alexandre,  à  ceux  de  Cyzique  leur  Ajax 
M  ou  leur  Médée  ?  »  Cet  Ajax  &  cette 

R 


ijo  PEI 

Médée  font  vifîblement  l'Ajax  &  la  Médée 
que  Jules-Céfar  acheta  depuis  à  Cyzique. 
Or  ,  félon  Pline ,  la  Médée  étoit  demeurée 
imparfaite  par  la  mort  de  Timomachus  , 
antérieure  à  l'an  70  ^  & ,  félon  le  même 
Ecrivain  ,  Timomachus  fut  contemporain 
de  Ce  far ,  dictateur  en  l'an  49.  Telle  eft 
la  difficulté ,  qui  difparoîtra ,  il  l'on  veut 
confidérer  que  Timomachus  a  pu  mourir 
vers  Tan  6ç)  ,  environ  vingt  ans  avant  la 
dictature  de  Céfir  ,  &  avoir  été  contempo- 
rain de  Céfar,  mais  contemporain  plus  an- 
cien, L'expreiîion  de  Pline ,  Ccvfaris  dicla- 
ioris  œtate^  fignifîe  donc  dans  le  temps  de 
Céfîir  ,  celui  qui  fut  dictateur ,  &  non  pas 
dans  le  temps  que  Céfar  étoit  di(fiateur. 

Il  faut  fouvent  faire  ces  fortes  d'attentions 
dans  la  chronologie  de  Pline ,  où  le  titre  des 
magiftratures  déiigne  quelquefois  l'époque 
des  événemens  ,  &  quelquefois  la  feule  dif- 
tiuifFion  des  perfonnes  d'un  même  nom ,  que 
des  leèteurs  pourroient  confondre.  Le  titre 
de  diclateur  ,  qu'il  donne  par-tout  à  Céfar  , 
eft  de  cette  dernière  efpece  j  mais  il  y  a  d'au- 
tres exemples  où  ,  par  les  titres  de  préteur  ^ 
êCEdile  ,  ou  à'Imperator  ,  il  indique  habile- 
ment les  dates  que  fa  méthode  élégante  & 
précife  ne  lui  permettoit  pas  de  fpécifier  plus 
particulièrement. 

Le  préteur  Marcius  Junius  (  c'étoit  l'an 
6j  )  fit  placer  dans  le  temple  d'Apollon ,  à 
la  folemnité  des  jeux  Apollinaires ,  un  ta- 
bleau d'Ariftide  le  Thébain.  Un  peintre 
ignorant ,  qu'il  avoit  chargé  immédiatement 
avant  le  jour  de  la  fête  de  nettoyer  le  ta- 
bleau 5  en  effaça  toute  la  beauté. 

Dans  le  même  temps ,  Philifcus  s'acquit 
de  l'honneur  à  Rome  par  un  fîmple  tableau , 
dans  lequel  il  repréfentoit  tout  l'attelier  d'un 
peintre  ,  avec  un  petit  garçon  qui  fouffloit  le 
feu. 

Le*  Ediles  Varron  &  Muréna  (  c'étoit  l'an 
<jo  )  firent  tranfporter  àRomeypourl'embel- 
liffement  du  comice,  des  enduits  à& peinture 
à  frefque  ,  qu'on  enleva  de  deflus  des  mu- 
r.ailles  de  brique  à  Lacédémone ,  &  qu'on 
çnchâffafoigneufemcnt  dans  des  quadres  de 
bois ,  à  caufe  de  l'excellence  des  peintures  : 
ouvrage  admirable  par  lui-même  ,  ajoute 
Pline.  Il  le  fut  bien  plus  encore  par  la  cir- 
conftance  du  tranfport. 

Pendant  l'édÀiité  de  Scgiirus ,  en  l'an  58  ^ 


PEI 

on  vît  des  magnificences  qui  nous  paroî- 
troient  incroyables  fans  l'autorité  de  Pline  , 
&  incompréhenfibles  fans  les  explications 
de  M.  le  comte  de  Caylus  fur  les  jeux  de 
Curion  ,  qui  fuivirent  d'aifez  près  ceux  de 
Scaurus.  Pour  ne  parler  que  de  la  peinture, 
Scaurus  fit  venir  de  Sicyone  ,  où  l'art  &  les 
artiftes  avoient  fixé  depuis  long-iemps  leur 
principal  {ejour,  tous  les  tableaux  qui  pou- 
voient  appartenir  au  public  ,  &  que  les  habi- 
tans  vendirent  pour  acquitter  leurs  dettes  de 
la  ville. 

Les  faélions  qui  régnoient  dès-lors  dans 
Rome,  &  qui  renverièrent  bientôt  la  ré-, 
publique  ,  engagèrent  Varron  &  Atticus  à 
lè  livrer  totalement  à  leur  goût  pour  la  lit- 
térature &  pour  les  beaux  arts.  Atticus  ,  le 
fidèle  ami  de  Cicéron ,  donna  un  volume  avec 
les  portrait  defiinés  de  plufieurs  illuftres  per- 
fonnages  ,  &  Varron  diftribua  dans  tous  les 
endroits  de  l'empire  romain  un  recueil  de 
fept  cents  figures,  pareillement  deiîînées  avec 
le  nom  de  ceux  qu'elles  reprélëntoient.  Le 
même  Varron  atteftoit  l'emprefléraent  du 
peuple  romain  pour  d'anciens  reftes  àepein-  - 
tures.  Quand  on  voulut  réparer  le  temple 
de  Cérès  ,  que  Démophile  &  Gorgafus 
avoient  autrefois  orné  d'ouvrages  de  pein- 
ture &  de  plaftique  ,  on  détacha  des  murs 
les  peintures  à  frefque  ,  &  on  eut  foin  de 
les  encadrer  j  on  difperfa  aufil  les  figures  de 
plaftique. 

Jules-Céfar,  parvenu  à  la  di6tature  l'an 
49  ,  augmenta  de  beaucoup  l'attention  6c 
l'admiration  des  Romains  pour  la  peinture  ^ 
en  dédiant  l'Ajax  &  la  Médée  de  Timo« 
machus  à  l'entrée  du  temple  de  Vénus  Gé- 
nitrix  :  ces  deux  tableaux  lui  coûtèrent  80 
taîens  ,  (376  mille  liv.  )  En  l'année  44  , 
qui  fut  celle  de  la  mort  de  Céfar  ,  Lucius, 
Munacius  Planeurs  ayant  reçu  le  titre  d'/z/z-, 
perator  ,  expofa  au  capitole  le  tableau  de 
Nicomachus  ,  où  étoit  repréfentée  l'image 
de  la  viâoire  ,  conduifant  un  quadrige  au 
milieu  des  airs.  Obfèrvons  que  dans  tous  ces 
récits  qui  regardent  Rome  ,  ce  font  des 
peintres  grecs  qu'on  y  voit  paroître  :  l'auteur 
nomme  cependant  pour  ces  temps-ci  Arel- 
lius  peintre  romain ,  qu'il  place  peu  avant  le 
règne  d'Augufte.  Arrêtons-nous  donc  fur  ce- 
peintre  de  Rome. 

Plijie  nous  donne    fon  portrait  eâ  ce» 


P  E  I 

mots  :  Romae  ceîeber  fuit  Ardlius  ,  nifi  fla- 
gitio  infigni  corrupijftt  arum  ,  femper  ali- 
cujus  faminae  amore  fiagrans^  &  ob  id  deas 
pingens  ,  fed  dikclarum  imagine  ,  lib. 
XXXr ,  c.  lo.  îl  fair9it  toujours  les  déeP 
fes  femblables  aux  courtifaues  ,  dont  il 
étoit  amoureux.  On  fait  que  Flora  étoit  fi 
Jbelle,que  Cécilius  Métellus  la  fit  peindre, 
afin  de  confacrer  fon  portrait  dans  le  tem- 
ple de  Caftor  &  Pollux. 

On  a  remarqué  que  ce  ne  fut  ni  la  pre- 
mière ni  la  dernière  fois  ,  que  le  portrait 
d'une  courtifane  reçut  un  pareil  honneur. 
La  Vénus  fortant  des  eaux ,  étoit  ,  ou  le 
portrait  de  Campafpe  ,  maîtrelTe  d'Alexan- 
dre-le-Grand  ,  félon  Pline  ,  ou  bien  celui 
de  la  courtifane  Phryné ,  félon  Athénée  , 
/.  XIU.  Augufte  le  confacra  dans  le  temple 
de  Jules-Céfar.  Les  parties  inférieures  en 
ctoient  gâtées  ,  &  perfonne  ne  fut  capable 
de  les  rétablir  ^  le  temps  acheva  de  ruiner 


le  refle  :  alors  on  fit  faire  une  autre  Vénus 
par  Dorotiiée  ,  &  on  la  fubftitua  à  celle 
d'Apelle.  Pendant  que  Phryné  fut  jeune  , 
elle  fèrvit  d'original  à  ceux  qui  peignoieni 
la  décffe  des  amours.  La  Vénus  de  Gnide 
fut  encore  tirée  fur  le  modèle  d'iine  courti- 
fane que  Praxitèle  aimoit  éperdument.  Arel- 
lius  n'eft  donc  pas  le  feul  peintre  ancien 
qui  peignit  les  déeffes  d'après  quelques-unes 
de  fes  maîtrefles. 

Le  chriftianifme  n'eft  pas  exempt  de  cette 
pratique  ^  nous  avons  plus  d'une  Vierge 
peinte  par  les  modernes  d'après  leurs  pro- 
pres amantes.  M.  Spon ,  dans  fes  mifcel- 
lan.  antiq.  érudit.  p.  i^  ■,  rapporte  l'expli- 
cation d'une  médaille  de  l'empereur  Julien , 
fur  laquelle  on  voit  d'un  côté  Sérapis  ,  qui 
reftemble  parfaitement  à  Julien ,  &  de  l'au- 
tre la  figure  d'un  Hermanubis.  Il  n'étoit 
point  rare  de  voir  des  ftatues  d'hommes 
toutes  femblables  à  celles  de  quelques  dieux. 
La  flatterie  ou  la  vanité  ont  fouvent  pro- 
duit cette  idée. 

Juftin  martyr  dit ,  en  fe  moquant  des 
païens  ,  qu'ils  adoroient  les  maîtreffes  de 
leurs  peintres  &  les  mignons  de  leurs  fculp- 
teurs  :  mais  n'a-t-on  pas  tort  de  rendre  les 
païens  refponfables  des  traits  d'un  Zeuxis 
ou  d'un  Lyfippe  ?  Ceux  qui ,  parmi  les 
chrétiens  ,  vénèrent  les  images  de  faint 
Charles  Borromée  ,    ne   vénèrent   qu'un 


P  E  I  131 

portrait  fait  à  plaifir,  Se  un  capn'ce  d'un 
maître  de  l'art ,  qui  a  peint  fort  beau  un 
fàint  qui  ne  l'étoit  guère.  Il  faut  fe  refou- 
dre à  fouffrir  cette  forte  de  licence  des 
artiftes,  parce  qu'elle  n'a  rien  de  blâmable, 
&  fe  repofèr  fur  eux  de  la  figure  &  de 
l'air  des  objets  de  la  dévotion.  Un  peintre 
de  Rome  fit  le  tableau  de  la  Vierge  fur  le 
portrait  d'une  fœur  du  pape  Alexandre  VI  ^ 
qui  étoit  plus  belle  que  vertueufe.  Nous  né 
connoilfons  les  dieux  par  le  vifage  que  lèlon 
qu'il  a  plu  aux  peintres  &  aux  Iculpteurs  , 
difoit  Ciceron  des  dieux  de  fbn  temps  , 
/ib.  I  y  de  natur.  Deor. 

Nous  ne  femmes  pas  auflî  difficiles  au- 
jourd'hui ,  dit  M.  de  Caylus  ,  que  Pline 
l'étoit  ;  contens  que  la  beauté  Ibit  bien 
rendue  ,  il  nous  importe  peu  d'après  quelle 
perfonne  elle  eft  deffinée.  Nous  defirons 
feulement  de  l'inconftance  à  nos  peintres, 
pour  jouir  d'une  certaine  variété  dans  les 


beautés  qu'ils  ont  à  repréfenter  ,  &  nous 
ne  faifons  de  reproches  qu'à  ceux  qui  nous 
ont  donné  trop  fouvent  les  mêmes  têtes  , 
comme  a  fait  Paul  Véronefe  entre  plufieurs 
autres.  Je  reviens  à  Augufte. 

Ce  fut  fùr-tout  cet  empereur  qui  orna 
les  temples  de  Rome  &  les  places  publi- 
ques ,  de  ce  que  les  anciens  peintres  de  la 
Grèce  avoient  fait  de  plus  rare  &  de  plus 
précieux.  Pline  ,  qui ,  de  concert  avec  les 
autres  écrivains  ,  nous  affure  le  fait  ea 
général ,  défigne  en  particulier  quelques- 
uns  de  ces  ouvrages  confàcrés  au  public  par 
Augufte  j  &  nous  devons  attribuer  aux 
foins  du  même  prince ,  l'expofition  de  plu- 
fieurs autres  tableaux ,  que  l'hiftorien  re- 
marque dans  Rome  ,  fans  dire  à  qui  l'on  en 
avoit  l'obligation  :  le  grand  nombre  fait 
que  nous  ne  parlerons  ni  des  uns  ,  ni  des 
autres. 

Agrippa  ,  gendre  d' Augufte  ,  iè  diftin- 
guoit  par  le  même  goût ,  &  Pline  aflute  , 
qb'on  avoit  encore  de  lui  un  difcours  ma- 
gnifique,  &  tout-à-fait  digne  du  rang  qui! 
tenoit  de  premier  citoyen  ,  fur  le  parti 
qu'on  devroit  prendre  de  gratifier  le  public 
de  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  tableaux  ^&  de 
ftatues  dans  les  maifons  particulières  de 
Rome  :  ce  n'eft  pourtant  pas  nous  faire  voir 
dans  cet  amateur  des  ovivx^gQS  àe  peinture  , 
un  homme  attentif  à  leur  confervation  ,  que 

R  z 


i3t  P  E  I 

d'ajouter  qu'il  en  confia  quelques-uns  dans 
les  étuves  des  bains  qui  portoient  fon  nom  , 
ni  nous  donner  une  grande  idée  de  fa  dé 
penfè  en  tableaux ,  que  de  nous  dire  pour 
toute  particularité  dans  ce  genre,  qu'il  acheta 
un  Ajax  &  une  Vénus ,  à  Cyzique  ,  3000 
deniers  (2350  livres)  :  quelle  différence  de 
prix  entre  l'Ajax  &  la  Vénus  d' Agrippa  ,  & 
TAjax  &  la  Médée  de  Jules-  Céfar  ,  tous 
achetés  dans  la  même  ville  ! 

Pline  parle    ici  de  Ludius  ,  qui  vivoit 
^us  le  règne  d'Augufte  ;  il  ne  faut  pas  le 
Confondre   avec   celui    qui  avoit  orné    de 
peintures  un  ancien  temple  de  Junon  dans 
Ja  ville  d'Ardée  ,  déjà  détruite  avant  la  fon- 
dation de  Rome.  Ce  Ludius  moderne  ré- 
"tablit  à  Rome  ,  du  temps  d'Augufte ,  l'ufage 
de  la  peinture  à  frefque.  Divi  Augufii  cetate 
Zudius  primus  inftituit  amœnijfimam  parie- 
tum  picluram.  Il  repréfenta  le  premier  ,   fur 
\t%  murailles ,  des  ouvrages  d'architefture 
&  àt^  payfages  j  ce  qui  prouve  la  connoif- 
fance  de  la  perfpedive  &  celle  de  l'emploi 
du  verd  \  car  fans  ces  deux  choies,   quelle 
idée  pourroit-on  fe  faire  de  ces  fortes  de 
tableaux  ?  On  ignoroit  avant  Ludius  l'amé- 
nité des  fujets  dans  les  peintures  à  frefque  \ 
on  ne  les  avoit  guère  employées  qu'à  des 
orncmens  de  temples  ,  ou  à  des  fujets  no- 
*bles  &  férieux ,  &  même  les  grands  artiftes 
de  la  Grèce  n'avoient  jamais  donné   dans 
ce  genre  de  peinture. 

Augufte  approuva  le  parti  qu'on  prit  d'ap- 
pliquer à  la  peinture  leiqeune  Quintus  Pé- 
dius  ,  d'une  des  premières  familles  de  Rome. 
Plme  femble  d'abord  en  vouloir  tirer  quel- 
que avantage  en  faveur  de  la  profeflion  j  ce- 
pendant il  ajoute  en  même  temps  ,  avec  fon 
exactitude  &  fa  fidélité  ordinaires  ,  une  cir- 
conftance    qui    affoiblit    totalement   cette 
idée  '■)  c'eft  que  le  jeune  Pédius  étoit  muet 
de  naiffance.  Il  convient  aufli  qu'Antiftius 
Labéo  ,  qui  avoit  rempli  des  charges  con- 
£dérables  dans  l'état ,  &  qui  avoit  refufé 
le  conft]lat  qu'Augufte  lui  offroit  ,  fe  donna 
un  ridicule  ,  en  s'attachant  à  faire  de  petits 
"  tableaux  ,  &  en  fe  piquant  d'y  réufîir.  En 
un  mot ,  l'on  animoit ,  l'on  eftimoit  les  ou- 
vrages de  l'art ,  &  l'on  méprifoit  ceux  qui 
en  faifoient  leur  occupation ,  ou  même  leur 
amufement.  Il  n'y  a  pas  long-temps  que 
l'oa  eu  ufoit  de  mênie  dans  ce  royaume 


P  £  I 

pour  toutes  les  études  &:  les  connoiflânces  r 
je  doute  que  les  grands  foient  bien  reve- 
nus de  ce  préjugé. 

La  mort  d'Augufte  fut  bientôt  iuivie  de 
la  décadence  des  arts  :  cependant  Pline 
parle  d'un  grand-prêtre  de  Cybele  ,  ou- 
vrage de  Parrhafius ,  &  tableau  favori  de 
Tibère,  eftimé  foixante  mille  fefterces  (onze 
mille  fept  cents  cinquante  livres  ) ,  que  ce 
prince  tenoit  enfermé  dans  fa  charribre  à 
coucher  \  &  d'un  tableau  chéri  d'Augufte  , 
un  Hyacinthe ,  qu'il  avoit  apporté  d'Alexan- 
drie ,  &  que  Tibère  conlacra  dans  le  tem- 
pie  du  même  Augufte.  Pline  naquit  au  mi- 
lieu du  règne  de  Tibère ,  l'an  25  de  Jefus- 
Chrift  ,  &  tout  ce  qu'il  ajoute  fur  la  pein- 
ture &  ftjr  les  peintres  pour  fon  temps ,  fe 
réduit  aux  remarques  fuivantes. 

Aux  deux  anciennes  manières  ,  dit-il  , 
de  travailler  l'encauftique  ,  on  en  a  ajouté 
une  troifieme  ,  qui  eft  de  fe  fervir  du  pin- 
ceau  pour  appliquer  les   cires  qu'on   fait 
fondre  à  la  chaleur  du  feu  -,   comme  ces 
peintures  réfiftoient  à  l'ardeur   du   foleil  , 
&  à  Ta  falure  des  eaux  de  la  mer  ,  on  les 
fit    fervir    à   l'ornement  des  vaiileaux  de 
guerre  \  on  s'en  fert  même  déjà  ,  remarque- 
t-il ,  pour  les  vaiftcaux  de  charge.  Ces  or- 
nemens  étoient  en  dehors  des  bâtimens  , 
fuivant  la  force  du  terme  latin  expingimus^ 
Il  nous  donne  une  étrange  idée  du  goût 
des  fuccefleurs  de  Tibère  pour  la  peinture.. 
L'empereur  Caïus  voulut  enlever  du  tem- 
ple de  Lanuvium  ,  à  caufè  de  leur  nudité, 
les  figures  d'Atalante  &  d'Hélène  ,  peintes 
par  l'ancien  Ludius  \  &  il  l'auroit  fait ,  {i 
la  nature  de    l'enduit  altéré    par  la  trop 
grande  vétufté  ,  ne  fe  fut  oppofée  à  l'exé- 
cution du  projet. 

L'empereur  Claude  crut  fignaler  fon  bon 
goût ,  &  donner  un  grand  air  de  dignité  à 
deux  tableaux  d'Apelle  ,  confacrés  au  pu- 
blic par  Augufte  ,  d'y  faire  eft^acer  la  tête 
d'Alexandre  le  Grand  ,  &  d'y  faire  fubfti- 
tuer  la  tête  d'Augufte  lui-même.  Pline  fe 
plaint  encore ,  ibit  de  pareils  changemens 
dans  des  têtes  de  ftatues  ,  changemens  qui 
tiennent  à  la  barbarie ,  foit  de  la  peinture 
des  mofaïques  de  marbre  ,  mifes  à  la  place 
des  tableaux,  8c  inventées  fous  le  même 
règne  de  Claude  j  environ  l'an  $0  de  Jefiis- 
Chrifi» 


P  E  I 

Le  règne  de  Néron  ,  fuccefleur  de  Clau- 
•de,  donna,  vers  i'aii  64  ,  Tépoque  des  mar- 
bres incruftés  les  uns  dans  les  autres  ^  & 
l'auteur  s'en  plaint  également ,  comme  d'un 
ufage  qui  portoit  préjudice  au  goût  de  la 
peinture  j  &  traite  enfin  d'extravagance 
réiervée  à  fon  fiecle ,  la  folie  de  Néron ,  qui 
iè  fit  peindre  de  la  hauteur  de  cent  vingt 
pies  romains.  La  toile  dont  les  peintres  ne 
s'étoient  pas  encore  avifés  de  faire  ufage , 
fût  employée  alors  pour  la  première  fois  , 
parce  que  le  métal  ou  même  le  bois,  n'au- 
roient  jamais  pu  fe  façonner  pour  un  pa- 
reil tableau  :  il  faut  donc  rapporter  auiîî  à 
l'an  64  de  Jefus-Chriff ,  l'époque  de  \3. pein- 
ture- fur  toile.  Voye^  ce  mot. 

Amulius,  peintre  romain,  parizt  fous  le 
règne  de  cet  empereur.  Il  travailloit  feule- 
ment quelques  heures  de  la  joiirnée,  & 
.toujours  avec  une  gravité  affeôée  ,  ne 
•  quittant  jamais  la  toge ,  quoique  guindé  fur 
des  échafauds.  Ses  peintures  étoisnt  con- 
;fintes  dans  le  palais  de  Néron  comme 
dans  une  prifon,  fuivant  l'expreflion  de 
Pline  ,  qui  a  voulu  marquer  pàr-là  les  in- 
convéniens  de  la  frefque. 

Le  même  Pline  admire  la  tête  d'une  Mi- 
nerve que  peignit  le  même  artifte  j  cette 
tête  regardoit  toujours  celui  qui  la  regar- 
.  doit  :  fpeclantem  fpeâans  quâcumque  adfpi- 
-  ceretur.  Cependant  ce  jeu  d'optique  ne  tient 
^point  au  mérite  perfonnel ,  &:  fuppoiè  (bu- 
ïement  dans  le  peintre  une  connoilfance  de 
cette  partie  de  la  perfpeiîtive.  On  montre 
en  Italie  plulieurs  têtes  dans  le  goût  de  celle 
d'Amulius.  Cet  artifte  n'étoit  mort  que  de- 
puis peu  ,  lorfque  Pline  écrivoit.  ' 

La  mémoire  du  peintre  Turpilius  ,  che- 
valier romain  &:  vénitien  de  naiffance  , 
étoit  pareillement  récente  j  il  avoit  embelli 
Vérone  de  Ïqs  ouvrages  de  peinture.  On 
peut  les  croire  auflî  beaux  qu'on  le  voudra  ;, 
on  fait  du  moins  qu'il  avoit  appris  {on  art 
dans  la  Grèce.  Piine ,  lib,  XXXF ,  cap.  vj , 
dit  qu'avant  lui  on  n'avoit  jamais  vu  de  pein- 
tres gauchers  ,  &  il  paroît  admirer  cette 
particularité  \  mais  l'habitude  fait  tout  pour 
le  choix  des  mains ,  &  il  ne  faut  pas  une 
grande  philofophie  pour  faire  cette  ré- 
flexion. D'ailleurs,  cette  habitude  entre  pour 
beaucoup  moins  qu'on  ne  l'imagine  dans  un 
-art  que  l'efprit  feui  conduit,  ôcquidoune 


p  E  I  ,33 

fans  peine  le  fsns  de  la  touche  ,  en  indi- 
quant celui  de  la  hachure  ,  &  qui  produit 
enfin  Vies  équivalens  pour  concourir  à  i'cx- 
prelTion  générale  &  particulière. 

Depuis  Turpilius  on  a  vu  des  peintres 
gauchers  parmi  les  modernes  ^  on  en  a  vu 
également  des  deux  mains.  Jouvenet,  atta- 
qué d'une  paralyfie  fur  le  bras  droit  quel- 
ques années  avant  fa  mort,  a  fait  de  la  main 
gauche  fon  tableau  de  la  Vijitation  qu'on 
voit  à  Notre  Dame  ,  &  qui  eft  un  des  plus 
beaux  qui  foient  fortis  de  fès  mains.  Ce  fait 
eft  plus  étonnant  que  celui  du  chevalier 
Turpilius,  puifque  Jouvenet  avoit  contrafté 
toute  fa  vie  une  autre  habitude  j  &  l'on  n'en 
a  fait  mention  à  Paris  que  pour  ne  pas 
oublier  cette  petite  fingularité  de  la  vie  d'un 
grand  artifte.  Pline  finit  l'article  de  Tur- 
pilius en  remarquant  ,  que  jufqu'à  lui  on 
ne  trouve  point  de  citoyen  de  quelque  con- 
fidération ,  qui  depuis  Pacuvius  eût  exercé 
l'art  de  la  peinture. 

Il  nomme  enfin  ,  fous  le  règne  de  Vefpa- 
fien  ,  vers  l'an  70  de  Jefus-Chrift,  deux 
peintres  à  frefque  ,  tous  deux  romains  , 
Cornélius  Pinus  &  Accius  Prifcus.  Fort  peu 
de  temps  après  ,  il  compofa  ,  fous  le  même 
règne  ,  fon  immenfe  recueil  d'hiftoire  na- 
turelle. Il  venoit  de  l'achever  lorfqu'il  en 
fit  la  dédicace  à  Titus ,  conful  pour  la 
fixieme  fois ,  en  l'an  78  de  Jefus-Chrift. 

L'année  fuivante  fut  celle  où  Titus  monta 
fur  le  trône  ,  au  mois  de  mars ,  &  Pline 
mourut  au  commencement  de  Novembre 
fuivant.  Cet  illuftre  écrivain  avoit  donc 
compofé  immédiatement  auparavant  fon 
grand  ouvrage  ,  avec  la  digreftîon  fur  la 
peinture  ,  morceau  des  plus  précieux  de 
l'antiquité. 

On  fait  que  Pline  entre  en  m.atiere  par 
des  plaintes  ameres  contre  fon  fiecle  ,  fur 
Ja  décadence  d'un  art  qu'il  trouve  infini- 
ment recommandable ,  par  l'avantage  qu'il 
a  de  conferver  la  mémoire  des  morts ,  & 
d'exciter  l'émulation  des  vivans.  Il  fait 
l'éloge  des  tableaux  comme  monumens  du 
mérite  &  de  la  vertu  ,  il  étend  cet  éloge 
aux  autres  ouvrages  qui  avoient  la  même 
deftination  ;  aux  figures  de  cire  que  les  Ro- 
mains confèrvoient  dans  leur  famille  j  aux 
ftatues  dont  ils  ornoient  les  bibliothèques  ^ 
iiux   portraits    defliaés  ,    que    Varou  OC 


134  P  E  I 

Pollion  mirent  en  iifao'e  ^  enfin,  aux  bou- 
cliers où  étoient  repréièntés  les  peribnnages 
illuftres  de  l'ancienne  Rome. 

Après  avoir  pris  les  Romains  du  côté  de 
l'honneur  &  de  la  vertu  ,  il  cherche  à  pi- 
quer leur  curiofité  ,  en  leur  indiquant  l'an- 
tiquité de  l'art  ,  &  en  s'arrêtant  au  récit 
de  quelques  peintures  plus  anciennes  que  la 
fondation  de  Rome.  Il  nomme  les  différen- 
tes villes  où  on  les  voyoit ,  &  il  diftingue 
le  mérite  de  ces  ouvrages  d'avec  l'abus 
qu'en  vouloit  faire  la  lubricité  d'un  empe- 
reur ,  tenté  d'en  tiret  deux  de  leur  place , 
à  caufè  de  quelques  nudités. 

Aux  motifs  d'une  curiofité  louable  ,  Pline 
joint  les  motifs  d'émulation  puifés  dans  le 
fein  même  de  la  ville  de  Rome  :  ilpropofe, 
par  une  gradation  fuivie  ,  l'exemple  des  ci- 
toyens qui  s'étoient  autrefois  appliqués  à 
l'exercice  de  la  peinture.  L'exemple  des 
héros  de  la  nation  qui  avoient  étalé  dans 
Rome  les  tableaux  de  leurs  vidèoires  j 
l'exemple  des  généraux  &  des  empereurs 
■qui ,  après  avoir  tran(porté  dans  la  capitale 
une  quantité  prodigieufe  de  tableaux  étran- 
gers ,  en  avoient  orné  \q%  portiques  des 
temples  &  les  places  publiques. 

Son  éloquence  &  fon  efprit  nous  char- 
ment par  des  traits  de  feu  &  par  des  ima- 
ges enchanterefi'es ,  qu'on  ne  trouve  en  au- 
cun autre  auteur  ,  ni  fi  fréquentes ,  ni  d'une 
il  grande  beauté  \  enfin  ,  par  une  énergie 
de  ftyîe  qui  lui  eft  particulière.  C'eft  ainfi 
que  ,  pour  donner  une  idée  d'un  tableau  où 
Apelle  avoit  repréfentu  un,  héros  nu ,  il 
déclare  que  c'étoit  un  défi  fait  à  la  nature. 
Il  dit  de  deux  hoplitites  ,  ouvrages  de  Par- 
rhafius  :  »  Celui  qui  court ,  on  le  voit  fijer  : 
))  celui  qui  met  les  armes  bas ,  on  le  fènt 
'))  haleter.  Apelle  ,  dit- il  ailleurs,  peignit 
»  ce  qui  eft  impofîible  à  peindre  ^  le  bruit 
M  du  tonnerre  &c  la  lueur  des  éclairs  «.  En 
matière  de  ftyîe  ,  comme  en  matière  de 
peinture ,  les  favantes  exagérations  font 
quelquefois  nécefiàires  ^  &  ce  principe 
doit  être  gravé  dans  l'efprit  d'un  peintre  , 
s'il  veut  parvenir  à  l'intelligence  de  ce  que 
Pline  a  écrit ,  &  de  ce  qu' Apelle  avoit 
exécuté. 

Il  eft   donc  vraifemblable  que  perfonue 

ne  s'avifera  jamais  de  traiter  Pline  en  qua- 

'  lité  d'hiftorieu  des  peintres ,  ou  d'enthou- 


PE  I 

fiafte  fans  connoiflance  de  caufè  ,  ou  de 
déclamateur  qui  joue  l'homme  pafiïonné  , 
ou  d'écrivain  infidèle  &  frivole.  Les  qua- 
lifications diamétralement  op'pofées  font 
préciiement  celles  qui  caraûérilbnt  ce  grand 
homme  |,  heure ufement  pour  fa  gloire  ^  heu- 
reufement  pour  celle  des  arts  ,  dont  il  a  été 
lepanégyrifte  ;,  heureufement  ,  enfin  ,  pour 
l'intérêt  de  la  littérature  &  des  fcieuQes , 
dont  il  a  été  le  dépofitaire. 

Voilà  ce  que  j'avois  à  dire  fur  Pline  & 
fur  \a  peinture  des  Romains  ;  c'eft  un  pré- 
cis de  deux  beaux  mémoires  donnés  par 
M.  de  Caylus  &  par  M.  de  la  Nauze  ,  dans 
le  recueil  de  littérature  ,  tom.  XXV,  (  Le 
'chevalier  DE  Jaucourt.) 

Peinture  moderne,  {beaux Arts.) 
L'art  de  la  peinture^  dit  M. l'abbé Dubos , 
après  avoir  été  long- temps  eufèveli  en  Occi- 
dent fous  les  ruifies  de  l'empire  romani  , 
le  réfugia  foible  &  languiffant  chez  les  Orien- 
taux ,  &:  renaquit  enfin  dans  le  treizième 
fiecle  ,  vers  l'an  12,40  ,  à  Florence  ,  fous 
le  pinceau  de  Cimabué.  Cependant  on  ne 
peignit  qu'àfrefque  &  à  détrempe,  jufqu'au 
quatorzième  fiecle  ,  que  Jean  de  Bruges 
trouva  le  lëcret  de  peindre  à  l'huile.  Il  ar- 
riva pour  lors  que  plufieurs  peintres  fe  ren- 
dirent illuftres  dans  les  deux  fiecles  fui- 
vans  ^  mais  aucun  ne  fe  rendit  excellent. 
Les  ouvrages  de  ces  peintres ,  fi  vantés  dans 
leur  temps  ,  ont  eu  le  fort  des  poéfies  de 
Ronfard  ^  on  ne  les  cherche  plus. 

En  1450  la  peinture  étoit  encore  grof^ 
fiere  en  Italie  ,  où  depuis  près  de  deux 
cents  ans  on  ne  ceftbit  de  la  cultiver.  On 
defiinoit  fcrupiileufement  la  nature  fans 
l'ennoblir  j  on  finiffoit  les  têtes  avec  tant 
de  foin  ,  qu'on  pouvoit  compter  les  poils 
de  la  barbe  &  des  cheveux  j  les  draperies 
étoient  de  couleurs  très- brillantes  &  re- 
hauflées  d'or.  La  main  des  arîiftes  avoit 
bien  acquis  quelque  capacité  ^  mais  ces 
artiftes  n'avoient  pas  encore  le  moindre 
feu  ,  la  moindre  étincelle  de  génie.  Les 
beautés  qu'on  tire  du  nu  dans  les  corps 
repréfentés  en  aâion ,  n'avoient  point  été 
imaginées  de  perfonne  ^  on  n'avoit  point 
fait  encore  aucune  découverte  dans  le  clair- 
obfcur ,  ni  dans  la  perfpeâ:ive  aérienne  , 
non  plus  que  dans  l'élégance  des  contours 
&  dans  lebegu  jetdes  draperies.  Les  peintres 


P  E  I 

fhvoîent  arranger  les  fiq^ures  d'un  tableau  , 
fans  favoir  les  difporer  fiayant  les  re.^les  de 
la  compofition  pittorcfque  ,  aujourd'hui  fi 
connues.  Avant  Raphaël  &  Tes  contetr.po- 
rains ,  le  martyre  d'un  faint  ne  touchoit  au- 
cun des  fpeâateurs.  Les  allirtans  que  le  pein- 
tre introduifoit  à  cette  aéiion  traî^ique  ,  u'é 
toient  là  que  pour  remplir  Tefpace  fie  la 
toile  ,  que  le  làint  &  les  bourreaux  laiiToient 
vuide. 

A  la  fin  du  quin2ieme  fiecle  ,  la  pein- 
ture ,  qui  s'acheminoit  vers  la  perfection  à 
pas  fi  tardifs  ,  que  ià  progreffion  étoit  im- 
perceptible ,  y  marcha  tout- à-coup  à  pas 
de  géant.  La /^f/'/z/z/re,  encore  gothique,  com- 
mença les  ornemens  de  plufieurs  édifices, 
dont  les  derniers  embelliffemens  font  les 
chers  d'œuvrede  Raphaël  &de  iks  contem- 
porains. 

Le  prodige  qui  arrivoit  à  Rome  arrivoiî 
en  même  temps  à  Veni/è,  à  Florence  ,  & 
dans  d'autres  villes  d'Italie.  Il  y  fortoit  de 
defibus  terre  ,  pour  ainfi  dire  ,  des  hom- 
mes illuftres  à  jamais  dans  leurs  p/ofef- 
fîons ,  &  qui  tous  valoieut  mieux  que  les 
maîtres  qui  les  avoient  enfeignés  j  des  hom- 
mes fans  précurfeurs  ,  &  qui  étoient  le« 
élevés  de  leur  propre  génie.  Venifc  fè  vit 
riche  tout- à-coup  en  peintres  excellens,  fans 
que  la  république  eût  fondé  de  nouvelles 
académies ,  ni  propofé  aux  peintres  de  nou- 
veaux prix.  Les  influences  heureufès  qui  fe 
répandoient  alors  fur  h\ peinture ,  furent  cher- 
cher, au  commencement  du  feizieme  fiecle  , 
le  Correge  dans  fbn  village  ,  pour  en  faire 
un  grand  peintre  d'un  caradere  particu- 
lier. 

Toutes  les  écoles  qui  Ce  formoient  aîloient 
au  beau  par  des  routes  différentes.  Leurs 
manières  ne  fè  reffembloient  pas  ,  quoi- 
qu'elles fulTent  fi  bonnes ,  qu'on  feroit  fâché 
que  chaque  école  n'eût  pas  fiiivi  la  fienne. 
Le  Nord  reçut  aufîi  quelques  rayons  de  cette 
influence.  Albert  Durer  ,  Holbein  ,  & 
Lucas  de  Leyde  ,  peignirent  infiniment 
mieux  qu'on  ne  l'avoit  encore  fait  dans  leur 
pays. 

Cependant ,  dans  le  même  climat  o:i  la 
nature  avoit  produit  libéralement  ,  &  fans 
fècours  extraordinaire  ,  les  peintres  fameux 
du  fiecle  de  Léon  X ,  les  récompenfès  ,  les 
foiiis  de  l'académie  de   S,  Luc  ^  établie 


PEi  ny 

par  Grégoire  XIII  &  Sixte  V  ;  l'attention 
des  fouverains  j  enfin ,  tous  les  efforts  des 
caufes  morales  n'ont  pu  donner  une  pofté- 
rite  à  ces  grands  artiltes  nés  fans  ancê- 
tres. L'école  de  Venife  &  celle  de  Flo- 
rence dégénérèrent  &  s'anéantirent  en  60 
ou  80  ans.  Il  eu  vrai  auehpeinrure  fe  main- 
tint à  Ronvj  en  fplendeur  durant  un  plus 
grand  nombre  d'années.  Au  milieu  du  fiecle 
dernier ,  on  y  voyoit  même  de  grands  maî- 
tres :  mais  ces  grands  maîtres  étoient  jdes 
étrangers  ,  tels  que  lePouflîn  ,  les  élevés  des 
Carraches  ,  qui  vinrent  faire  valoir  à  Rome 
les  talens  de  l'école  de  Boulogne  ,  &  quel- 
ques autres. 

Le  Poufiin  ,  en  trente  années  de  travail 
afTidu  dans  un  attelier  placé  au  milieu  de 
Rome  ,  ne  forma  point  d'élève  qui  fe  foit 
acquis  de  nom  dans  lu  peinture^  quoique  ce 
grand  artifle  fût  aufTi  capable  d'enfeigner 
fbn  art  ,  qu'aucun  maître  qui  jamais  l'ait 
profeflë.  Dans  la  même  ville ,  mais  en  d'au- 
tres temps ,  Raphaël  ,  mort  auffi  jeune  que 
l'étoient  (es  élevés ,  avoit  formé  ,  dans  le 
cours  de  dix  ou  douze  années ,  une  école  de 
cinq  ou  fix  peintres  ,  dont  les  ouvrages 
font  toujours  une  partie  de  la  gloire  de 
Rome. 

Enfin,  toutes  les  écoles  d'Italie,  celles 
de  Venife ,  de  Rome ,  de  Parme  &  de  Bou- 
logne ,  où  les  artifles  liipérieurs  fe  multipliè- 
rent fi  facilement  &  fi  promptement ,  en 
font  aujourd'hui  dénuées.  Le  lingulier  eft  , 
que  ce  fut  dans  des  temps  de  profpérité  que 
toutes  ces  écoles  s'appauvrirent  de  bons  fu- 
jets ,  &  qu'elles  tombèrent  en  décadence  : 
comme  leur  midi,  ajoute  ici  l'abbé  Dubos, 
s'étoit  trouvé  fort  près  de  leur  levant  ,  leur 
couchant  ne  fe  trouva  point  bien  éloigné  de 
leur  midi. 

La  peinture  qui  avoit  commencé  à  naî- 
tre en  Flandre  fous  le  pinceau  de  Jean 
de  Bruges  ,  y  refèa  dans  un  état  de  mé- 
diocrité jufqu'au  temps  de  Rubens,  qui, fur 
la  fin  du  feizieme  fiecle,  en  releva  la  gloire 
par  fes  talens  &  par  [es  ouvrages.  Alors  la 
ville  d'Anvers  devint  FAthenes  du  pays  au- 
delà  des  monts  ^  mais  {on  éclat  fut  de 
courte  durée.  Si  Rubens  laifla  des  élevés  , 
comme  Vandick  ,  Jordans  ,  Difpenbeck  , 
'  Yaa-Tulden  ,  cjui  fout  houueur  à  fà.  répi»t 


13^  P  E  î 

tation  ,  ces  élevés  font  morts  fans  difciples 
qui  les  aient  remplacés.  L'école  fie  Rubens 
a  eu  le  fort  des  autres  école  ^  je  veux  dire  , 
qu'elle  eft  tombée  quand  tout  paroifToit 
concourir  à  la  foutenir.  Mile  en  peut  être 
regardé  comme  fon  dernier  peintre. 

Il  fembloit  que  \^ peinture^  qui  a  pafTé 
en  France  plus  tard  qu'ailleurs ,  vouloit  y 
fixer  un  empire  plus'durable  :  il  eft  vrai  qu'il 
ne  tint  pas  à  François  I«.  de  la  faire  fleu- 
rir dans  le  bon  temps  j  il  s'en  déclara  le 
protecteur.  On  fait  avec  quelle  générofité 
il  payoit  les  tableaux  qu'il  commandoit  à 
Raphaël  :  fes  libéralités  attirèrent  des  pein- 
tres étrangers  dans  fon  royauir.e  :  il  combla 
de  faveurs  ,  &  l'on  peut  dire  d'amitié  , 
le  Rono  &  André  del  Sarto  ^  il  reçut  les 
derniers  foupirs  de  Léonard  de  Vinci.  Mais 
tous  ces  grands  maîtres  moururent  fans  élè- 
ves ,  du  moins  dignes  d'eux.  C'eft  propre- 
ment fous  Louis  XIV  ,  que  la  peinture 
commença  de  paroître  dans  ce  royaume, 
avec  le  Pouiïin.  La  France  a  eu  fous  fon 
règne  des  peintres  excellens  en  tout  genre , 
quoique  ce  ne  ibit  pas  dans  cette  profufion 
qui  fait  une  des  richeffes  de  l'Italie.  Cepen- 
dant ,  fans  nous  arrêter  à  un  le  Sueur  ,  qui 
neut  d'autres  maîtres  que  lui-même  j  à  un 
k  Brun  ,  qui  égala  les  Italiens  dans  le  def- 
fin  &  dans  la  compofition^  à  un  le  Moine  , 
qui  ne  leur  eft  guère  inférieur  ;,  j'ai  nommé 
dans  un  des  volumes  de  ce  dictionnaire 
près  de  vingt  peintres  François  ,  qui  ont 
laifle  des  morceaux  fî  dignes  de  recherche  , 
que  les  étrangers  commencent  à  nous  les 
enlever. 

Je  n'allègue  point ,  en  faveur  de  la  pein- 
ture Françoifè ,  les  académies  établies  par 
Colbert  pour  l'encouragement  de  cet  art. 
Le  génie  de  la  nation ,  fes  richefles ,  les 
immenfès  collections  de  tableaux  d'Italie 
amafles  par  Louis  XIV  ,  par  M.  le  Duc 
d'Oi-léans  ,  &  par  des  particuliers  ,  ont 
favorifé  plus  que  les  académies  le  goût  de 
cet  art  dans  le  royaume.  D'ailleurs  ,  ces 
fantômes  depafTions  ,  fi  je  puis  parler  ainfi, 
que  \a  peinture  fait  exciter  ,  en  nous  émou- 
vant par  les  imitations  qu'elle  nous  pré- 
fente, fatisfont  merveilleufement  à  ce  genre 
de  luxe  ,  à  notre  défœuvrement ,  à  notre 
ennui  ,  &  au  befoin  où  nous  fommes 
d'être  occupés  par  le  ipedacle  des  beaux 


P  E  I 

arts.  Mais  enfin  ,  notre  décadence  à  tant 
d'égards  ,  prévue  il  y  a  plus  de  foixante  any 
par  M.  de  Fontenelle  ,  ne  commence-t-elle- 
pas  à  fe  vérifier  fiir  la  peinture  ? 

Le  bon  temps  de  celle  des  Hollandois- 
eft  aufli  paffé  ^  encore  faut  il  convenir  que* 
quoique  leur  peinture  foit  admirable ,  par 
le  beau  fini ,  la  propreté  ,  le  moelleux  &: 
la  parfaite  intelligence  du  clair-obfcur  ,  ce- 
pendant elle  ne  s'eft  jamais  élevée  dans 
l'hiftoire  ,  &  n'a  jamais  réu/Pi  dans  ces  deux 
parties  de  l'ordonnance  d'un  tableau  ,  que 
nous  appelions  cnmpofition  poétique  &  com" 
po/ition  pittorefque. 

Depuis  deux  fiecles  les  Anglois  aiment 
hi  peinture  autant  &  phis  qu'aucune  autre 
nation  ,  fi  Ton  en,  excepte  l'Italienne.   On 
fait  avec  quelle  magnificence  ils  récompen- 
fènt  les  peintres  étrangers  qui  s  etabliffent 
chez  eux  ,   &  quel   prix  ils  mettent  aux 
beaux  ouvrages    de   peinture.    Cependant 
leur  territoire  n'a  point  produit  de  peintres 
d'un  ordre  fupérieur ,  tandis  que  leurs  poè- 
tes tiennent  un  rang  fi  diftingué  parmi  ceux 
des  autres  peuples.  On  voit  à   Londres , 
dans  l'hôpital  des  enfans  trouvés  ,  des  ta- 
bleaux d'hiftoire  faits  par  MM.  Hayman  , 
Hogarth  .   Wills  ,  Highmore  ,    qui  prou- 
vent   feulemient    que    ces    divers    artiftes 
poflédoient  les  qualités  propres  à  faire  les 
grands  peintres  ,  mais  non  pas  qu'ils  fuf- 
fent  de  cette  clafle.  Il  n'eft  guère  pofiîble 
qu'il  y  ait  en  Angleterre  des  peintres  d'hit 
toire  vraiment  habiles  ,  parce  qu'ils  y  man- 
quent  d'émulation  :  leur  religion  ne   fait 
chez  eux  aucun  ufage   des  fecours  de  la 
peinture  pour  infpirer  la  dévotion  \  leurs 
églifes  n'y  font  décorées  d'aucuns  tableaux  j 
tandis  que ,  par  une  raifon  contraire  ,   ils 
réuftiffent  parfaitement  dans  le  payfage  & 
les  marines.    Enfin  ,  1^%  peintres  Anglois 
ont  un  obftacle  à  furmonter  ,  qui  arrête 
les  progrès  de   leurs  talens  \  ce  font  ces 
gens  dont  la  profefllon  eft  da  vendre  des 
tableaux  ,   &  qui  ne  pouvant  faire  com- 
merce des  tableaux  àQ%  pemtres  vivans  de  la 
nation ,  prennent  le  parti  de  les  décrier , 
&  trouvent  en  cela  l'approbation  du  pays 
même. 

A  l'égard  de  la  peinture  àés,  habitans 
du  Nord  ,  on  fait  alfez  ce  qu'il  en  faut 
penfer.  Il  paroît  que  cet   art  ne  s'eft  pas 

approché 


P  E  I 

approché  du  pôle  plus  près  que  la  hauteur 
de  la  Hollande.  Je  dois  eacore  moins  m'ar- 
rêter  iur  la  peinture  Chinoife  ;  elle  n'ofFre 
qu'un  certain  goût  d'imitation  lèrvile  ,  où 
l'on  ne  trouve  ni  génie  ,  ni  deilin  ,  ni  in- 
vention ,  ni  corredion. 

Après  ce  que  nous  venons  d'expofer  fur 
l'état  actuel  &  les  viciilitudes  que  \z  pein- 
ture a  elfuyées  chez  les  divers  peuples  de 
l'Europe  depuis  la  renaiflance  des  arts  , 
il  efl  clair«que  tous  les  lîecles  &  que  tous 
\^  pays  ne  lont  point  également  fertiles 
en  beaux  ouvrages  de  ce  genre,  &  qu'ils  le 
font  plus  ou  moins  en  divers  temps.  Il  y 
a  des  liecles  où  les  arts  languiflent  ;  il  en 
eft  d'autres  où  ils  donnent  des  fleurs  & 
à'ts  fruits  en  abondance.  Làpeinture  né- 
ton  point  la  même  dans  .les  deux  iiecles 
qui  précédèrent  le  fiecle  de  Léon  X  ,  que 
dans  le  liecle  de  ce  Pontile.  Cette  fupé- 
riorité  de  certains  liecles  liir  les  autres  ell 
fi  connue ,  &c  le  lent  fi  bien  par  les  gens 
d'elpritdans  le  même  fiecle  où  ils  vivent, 
qu'il  elt  inutile  de  le  prouver.  Les  anna- 
les du  genre  humain  iront  mention  de  trois 
fiecles ,  dont  les  produdions  en  peinture 
ont  été  admirées  par  tous  les  fiecles  lui- 
vans.  Ces  fiecles  heureux  font  celui  de 
Philippe  &  d'Alexandre-le-Grand  ,  celui 
de  Jules  Céfar  &  d'Augufle ,  &  celui 
de  Jules  II  &  de  Léon  X.  Ce  font  ces 
trois  fiecles  qui  ont  formé  ladiftindion  de 
la  peinture  moderne  ,  dont  je  viens  de  don- 
ner l'hiffoire  ,  d'avec  la  peinture  antique  , 
dont  je  tâcherai  de  décrire  le  mérite  &  le 
caraâere  dans  l'article  fuivant. 

Perfbnne  n'ignore  qu'il  y  a  plufieurs  for- 
tes de  peintures  en  ufage  ;  favoir  ,  à  détrem- 
pe ,  en  émail ,  à  frefque  ,  à  huile  ,  en  mi- 
niature ,  à  la  mofaïque  ,  au  pallel ,  fur  le 
verre ,  (ur  la  porcelaine  ^  une  peinture 
Aîixte  ,  des  camayeux  ,  &c.  Voye\  chacun 
de  ces  mots. 

On  a  aufîi  eflayé  de  tracer  des  pein- 
tures fur  du  marbre  blanc  ,  avec  des  tein- 
tures particulières  &  propres  à  le  pénétrer. 
On  fait  encore  àts  peintures  avec  des  laines 
&  des  foies ,  qui  font  des  broderies  en  ta- 
piflcrie  ,  travaillées  à  l'aiguille  ou  au  méfier. 
Ne  peut-on  pas  mettre  parmi  les  différentes 
efpeces  de  peintures  ,  celle  qui  fe  fait  fur 
des  étoffes  de  foie  blanche ,  ou  fur  des  toiles 
Tome  XXr. 


P  E  I  137 

de  coton  blanc  ,  en  y  employant  feulement 
des  teintures  qui  pénètrent  ces  étoffés  & 
ces  toiles  ?  En  un  mot ,  l'induilrie  des  hom- 
mes a  trouvé  le  lecret  de  rt-préfenter  les 
images  vifibles  par  divers  moyens,  fur  quan- 
tité de  corps  très-diiîérens ,  verre  ,  pierre  , 
terre  ,  plâtre  ,  cuivre  rouge  ,  bois  ,  to^e  , 
&c.  On  n'a  point  craint  de  multiplier  les 
merveilles  d'un  art  enchanteur  ,  &  de  les 
répéter  à  la  vue  de  toutes  fortes  de  ma-» 
nieres.  On  a  connu  que  plus  on  étendroit 
les  preffiges  de  fa  magie,  plus  cette  variété 
frapperoit  nos  fens  avec  plaifir  ;  &  de  tel- 
les conjedures  font  rarement  trompées. 

Enfin,  un  moderne,  le  Sr.Picaut,  a  trou-  ■ 
vé  le  fecret  de  tranfporrer  fur  une  nouvelle 
toile  les  ouvrages  de  peinture  qui  dépé- 
rifîènt  Iur  une  veille  toile  ou  fur  du  bois. 
Les  preuves  qu'a  donné  cet  homme  in- 
dufirieux  de  cette'découverte  ,  ne  permet- 
tent pas  de  dquter  du  fait.  Le  fameux  ta- 
bleau qui  repréfente  S.  Michel  foudroyant 
\çs  Anges  rebelles ,  étoit  peint  fur  le  bois. 
Ce  tableau  que  Raphaël  peignit  en  i)^^, 
pour  François  premier  ,  a  été  tranlporté 
fur  toile  dans  fa  beauté  ,  en  1752- ,  parle 
fieur  Picaut  ;  &  le  18  odobre  de  la  mê- 
me année  ,  il  a  été  expofé  aux  yeux  du  pu- 
blic dans  le  palais  de  Luxembourg  ,  à  Paris. 
En  conféquence  ,  l'académie  de  peinture 
ayant  jug.é  que  le  fieur  Picaut  avoit  exé- 
cuté (on  opération  avec  un  grand  fuccès  , 
lui  a  donné  des  témoignages  authentiques 
de  (on  approbation.  Je  voudrois  bien  ofer 
ajourer  ,  que  cette  découverte  peut  afTurer  à 
la  poftérite  la  confervation  des  ouvrages  des 
peintres  célèbres  ,  &  les  garantir  de  l'ou- 
trage des  temps.  Article  de  M.  le  chepalier 
DE  JauCOURT. 

Peinture  arabesje^ue  ancienne, 
{Peint,  anc.)  C'elf  une  peinture  qui  con- 
filfoit  à  repréfenter  à  frelque ,  fur  les  murail- 
les ,  des  figures  de  caprice  ,  ou  des  compo- 
fitions  d'architedure ,  pour  férvir  d'orne- 
ment &  de  décoration. 

Il  y  a  quelques  morceaux  de  cette  pein'- 
ture  dans  des  tombeaux,  auprès  deNaples'; 
mais  c'elf  peu  de  chofe  ,  en  comparailon  de 
ce  qu'on  peut  voir  de  ce  genre  dans  les 
deflîns  recueillis  par  Pietro  Santo.  Bar- 
foli  j  Jean  d'Udine  ,  Raphaël  &  quelques- 
.  uns  de  fes  élevés  ,  pnt  imité  ces  anciennes 


13»  P  E  I 

grotefques ,  &  on  les  a  gravées  d'après  les 
ëtudes  qu'ils  en  avoient  faites. 

Ces  ornemens  fantaftiques  inventés  avec 
génie ,  paroifTent  à  bien  des  gens  n'exiger 
que  peu  ou  point  de  parties  de  la  perfpec- 
tive  ,  puifque  les  figures  feules ,  enlacées  & 
liéesHt  àcs  ornemens  légers  &  délicats,  font 
ordinairement  peintes  fur  le  fond  de  la  mu- 
raille ,  ou  fur  une  couleur  qui  la  fuppofe. 
Cependant  il  y  a  plufieurs  de  ces  grotef- 
ques  où  l'on  voit  des  compofitions  d'archi- 
tedure ,  dans  lefquelles  il  entre  par  confé- 
quent  des  colonnes ,  des  entablemens  & 
d'autres  membres  d'architedure:  toutes  ces 
parties  tendent  à  un  point  de  vue  ,  donné 
avec  autant  d'exaditude  que  pourroit  faire 
le  peintre  le  plus  au  fait  de  la  perfpedive  ; 
ainfi  l'on  doit  en  conclure  que,  fi  dans  des 
(iijets  où  le  défordre  femble  permis,  les 
anciens  ont  été  fi  réguliers  obfervateurs  de 
la  perfpedive ,  on  ne  peut  faas  injurtice  leur 
refufer  la  même  connoiflance  &  la  même 
attention  dans  des  ouvrages  plus  réfléchis. 

Les  peintures  arabefques  ont  été  mifes 
€n  ufage  par  les  anciens  ,  pour  couvrir  à 
peu  de  frais  ,  &  cependant  avec  goût ,  des 
murailles  nu-es  ,  telles  qu'on  les  voyoit  dans 
l'intérieur  de  leurs  maifons  ;  car  leurs  lo- 
gemens  particuliers  ne  nous  laiiîêntpasune 
grande  idée  de  leurs  ameublemens.  Pline 
cite  à  peine  ces  meubles  dans  la.  defcrip- 
tion  de  its  maifons  ;  preuve  qu'ils  ne  mé- 
ritoient  pas  une  grande  confidération.  Les 
Romains  faifoient  conliller  la  magnificence 
de  leurs  meubles  dans  des  ornemens  plus 
folides  ,  &  confidérablement  plus  coûteux 
que  nos  étoffes  &  nos  tapifîèries.  Leurs  lits 
defefiins  ,  leurs  vafes  ,  leurs  coupes,  leurs 
buffets  ,  leurs  planchers  ,  étoient  d'un  prix 
beaucoup  plus  considérable  que  tout  ce  que 
nous  employons  aujourd'hui.  Les  maifons 
particulières  des  grecs  étoient  encore  moins 
riches  à  la  ville  &  à  la  campagne ,  en  ce 
que  nous  entendons  par  le  terme  de  meuble^ 
que  celles  des  romains.  La  décoration  àts 
édifices  publics  étoit  le  feul  objet  des  foins 
&  de  la  dépenfe  des  grecs ,  &  cet  objet 
étoit  plus  noble  que  le  nôtre.  Mém.  de  Vac. 
des  infcr. 

Pour  ce  qui  regarde  la  peinture  arahef- 
qut  moderne  ,  voye'{  GROTESQUES, 
{Beaux  Ans,)  {D,J,) 


P  E  I 

Peinture  a  détrempe  ,  {Peint.) 

Voyei  GUACHE. 

Peinture  a  huile  ,  {Peint,  mod.} 

Dans  le  treizième  fiecle  de  l'ère  chrétien- 
ne ,  la  peinture  fut  rétablie ,  &  ce  fut  au 
commencement  du  quatorzième  qu'un  fla- 
mand nommé  Jean  de  Bruges  ,  employa 
des  couleurs  détrempées  dans  des  huiles. 
Avant  cette  découverte  ,  les  grands  ou- 
vrages fe  faifoient  en  mofaïque  ,  ou  à  frel- 
que  ,  ou  en  dérrempc.  La  mofaïque  ,  com- 
me on  (ait ,  eft  formée  par  des  pierres  de 
différentes  couleurs  ,  rapportées  artifiement 
les  unes  à  côté  des  autres  ,  &  qui  toutes 
enfemble  concourent  à  produire  un  effet 
général.  On  peint  à  frefque  fur  des  enduits 
tout  frais  de  mortier ,  &  où  les  couleurs 
s'imbibent;  détrenppant  les  couleurs  dans  la 
gomme  ,  on  peut  les  employer  par-tout ,  & 
c'eff  ce  qu'on  appelle  peindre  en  détrempe. 

La  peinture  d  huile  a  de  grands  avan-» 
tages  fur  toutes  les  autres  manières.  La 
mofaïque  demande  beaucoup  de  travail , 
&  elle  efl  difficilement  exade.  La  frefque 
ne  peut  être  retouchée  ;  &  fi  le  premier 
trait  n'efl  point  de  la  dernière  jufîefTe  ,  (i 
le  premier  coup  de  pinceau  ne  donne  pas 
la  nuance  exade  ,  il  faut  faire  regratter  l'en- 
duit ,  &  recommencer  ,  jufqu'à  ce  qu'enfin 
on  ait  achevé  l'ouvrage,  fans  avoir  com- 
mis la  moindre  crreur.Cette  exaditude,  qu'il 
faut  trouver  du  premier  coup,  efl  d'autant 
plus  difficile ,  que.  les  couleurs  ne  confèr- 
vent  point  les  nuances  qu'elles  ont  lorf^ 
qu'on  les  emploie  ;  elles  changent  à  me- 
liire  que  le  mortier  feche ,  &  il  faut  les 
avoir  employées  du  premier  coup  de  pin- 
ceau ,  non  pas  comme  elles  font ,  mais 
comme  elles  doivent  refter.  La  peinture  à 
détrempe ,  outre  ce  dernier  inconvénient 
de  la  peinture  à  frefque  ,  n'a  point  de  lo- 
lidité,  &  ne  permet  point  d'unir  les  couleur^ 
par  des  nuances  vraies  &  délicates. 

Mais  la  peinture  à  huile  donne  la  fa- 
cilité à  l'artifie  de  retoucher  fon  tableait 
auffi  fouvent  qu'il  le  veut.  Sur  une  pre- 
mière ébauche  dont  les  traits  ou  les  nuan- 
ces ne  lui  paroifTent  pas  convenables  ,  il 
emploie  une  féconde  couleur  différente  de 
la  première ,  &  qui  rtnd  avec  plus  de  vé- 
rité l'effet  qu'il  en  attend  ;  dans  cette  ma- 
nière ,  Tartifle  a  encore  l'avantage  d'ea»-r 


P  E  I 

ployer  les  couleurs  à-peu-près  comme  elles 
doivent  refter.  Les  ouvrages  à  l'huile  ne 
font  point  néceflites  d'être  toujours  à  une 
même  place  ,  comme  l'efl:  la  frefque  fur 
la  toile  ,  fur  le  bois  &  fur  les'raétaux  : 
ceux  à  l'huile  peuvent  être  tranfportés  par- 
tout ;  mais  ils  fe  confervent  moins  que 
la  trefque  ,  &  n'ont  qu'un  feul  point  de  vue. 

Cependant  ,  quoique  l'huile  donne  une 
très-grande  facilité  de  pinceau  ,  &  qu'elle 
rende  le  travail  plus  agréable  qu'aucun  au- 
tre corps  le  pourroit  faire ,  les  anciens ,  peu 
fenfibles  au  moment  préfent ,  travailloient 
toujours  pour  la  pollérité.  Or ,  il  eu  conf 
tant  que  l'huile  nous  a  fait  perdre  l'avan- 
tage de  la  confervarion.  Ce  n'ell  pas  tout, 
elle  altère  nos  couleurs ,  &  les  fait  jaunir 
par  la  lèule  imprellion  de  l'air.  Les  tein- 
tes poufl'ent  fouvent  avec  inégalité  ,  les 
ombres  noirciffent.;  enfin  ,  nos  couleurs 
&  nos  imprelfions  s'écaillent ,  &  les  pein- 
tures anciennes  étoietit ,  ce  me  femble  , 
à  l'abri  de  tous  ces  inconvéniens.  Nous 
pratiquons  l'huile  depuis  un  temps  afiez  con- 
lidérable  pour  en  connoître  les  eiFets  ,  & 
pour  avancer  que  l'on  ne  verra  aucune  de 
nos  peintures  ,  préparées  de  cette  façon  , 
dans  huit  cents  ans  ;  au  contraire ,  Pline 
a  pu  voir  celles  qui  fubfiiloient  dans  les 
ruines  d'Ardée ,  &  nous  voyons  encore 
aujourd'hui  des  refies  d'une  beaucoup  plus 
grande  ancienneté  dans  quelques  endroits 
de  ritahe,&même  jufquesdans  l'Egypte; 
auffi  ce  font  des  peintures  à  frefque. 

Le  pJ-fiel  a  de  grandes  beautés ,  il  efî 
fait  avec  des  craies  de  différentes  couleurs  ; 
mais  le  ieul  mouvement  de  l'air  le  détruit , 
&  on  ne  peut  le  conferver  qu'en  le  cou- 
vrant d'une  glace.  Derrière  les  glaces  ,  on 
y  peint  aufli  à  huile.  (Z).  /.) 

Peinture  chinoise  ,  (Peint.)  c'efl 

une  forte  de />^//2ri/r^  que  les  Chinois  font 
fur  des  éventails  ou  fur  la  porcelaine  ,  où 
ils  repré'èntent  des  fleurs  ,  des  îi-nimaux  , 
des  payfa^es  ,  des  figures  ,  &c.  avec  des 
couleurs  fines  &  brillantes.  Le  feul  mérite 
de  leur  peinture  eu  une  certaine  pro- 
preté &  un  certain  goût  d'imitation  fer- 
vile  ;  mais  où  l'on  ne  remarque  ni  génie  , 
ni   deflin  ,  ni  invention  ,  ni  corrtrdion. 

Peinture  des  Mexicains  fur  le  bois  ; 
{Peinture  d'Amérique.)   ©n  ne  i^ra  peut- 


PEI  rj^ 

'  être  pas  fâché  de  voir  ici  la  manière  donc 
les  Indiens  du  Mexique  fe  fervent  des 
couleurs  pour  peindre  fur  le  bois  ,  &  pour 
travailler  les  cabinets  &  autres  meubles  de 
cette  efpece  :  voici  le  fecret  de  cette 
peinture. 

On  prépare  la  couleur  dont  on  veut 
faire  le  fond ,  &  on  en  paffe  plufieurs  cou- 
ches fur  tout  l'ouvrage  ;  ce  qui  forme  une 
croûte  afîez  épaiflê ,  que  l'on  adoucit  & 
qu'on  égale  le  plus  qu'il  efl  poffible.  Pen- 
dant que  la  peinture  eft  encore  fraîche  , 
on  prend  un  poinçon  ou  une  baguette 
de  bois ,  le  plus  dur  qu'on  peut  trouver  , 
avec  quoi  l'on  deffine  les  figures  que  l'on 
veut  peindre  ;  on  fe  fert  de  l'autre  bout 
du  poinçon  ou  de  la  baguette  ,  qui  efl  ap- 
plati  en  forme  de  fpatule ,  pour  racler 
la  couleur  renfermée  dans  le  contour  de 
la  figure  :  dans  ce  vuide  ,  on  met  une  au- 
tre couleur  telle  que  la  figure  le  deman- 
de ;  &  s'il  y  en  doit  entrer  de  différen- 
tes, on  remplit  d'abord  tout  l'efpacc  de 
cells  qui  doit  dominer  ;  puis  on  dégarnit 
la  place  que  doivent  occuper  \cs  autres 
couleurs  ,  &  on  les  applique  les  unes  après 
les  autres  ,  comme  on  avoit  fait  la  pre- 
mière ,  jufqu'à  ce  que  tout  l'ouvrage  foit 
achevé. 

Pour  conferver  l'éclat  des  couIei;rs  & 
leur  donner  le  luffre,  ils  ont  differens  ver- 
nis compofés  d'huiles  tirées  de  divers  fruits. 

Dans  la  province  des  Yucatan ,  le  ver- 
nis le  plus  ordinaire  efl  une  huile  faite  avec 
certains  vers  qui  viennent  fur  les  arbres 
du  pays  ;  ils  font  de  couleur  rougeatre  ,  & 
prefque  de  la  grandeur  des  vers  à  foie.  Les 
Indiens  les  prennent,  les  font'  bouillir  dans 
un  chaudron  plein  d'eau  ,  &  ramafient 
dans  uii  autre  pot  la  graifle  qui  monte 
au-deflus  de  l'eau  :  cette  graiiTe  efi  le  ver- 
nis même.  Il  devient  dur  en  fe  figeant  ; 
mais  pour  l'employer ,  il  n'y  a  qu'a  le 
faire  chauffer  :  la  peinture  fur  laquelle  on 
a  palîe  le  vernis  ,  conterve  cette  même 
odeur  durant  quelque  temps  ;  mais  en  l'ex- 
pofant  à  l'air  pendant  quelques  jours  ,  l'o- 
deur fe  diffipe  entièrement.  Ce  font  aufiî 
les  huiles  de  ce  vernis,  qui  font  que  les 
'ouvrages  ainfi  verniifés  peuvent  fe  laver 
fans  être  endommagés.  Delà  vient  qu'on 
a  fait,  avec  le  bois  ainfi  peint  &  vernllfé, 

S    2 


i4<5  P  E  I 

quantité   de  vailTcaux  pour   l'ufage   ordi- 
naire.  {D.  J.) 

Peinture  pastorale  ,{Pe^nt.mod.) 
c'eft  ainii  qu'on  nomme  celle  qui  s'exerce 
fur  les  amufemens  de  la  campagne  ,  les 
bergeries  ,  les  marchés  ,  les  animaux.  Ce 
goût  efl  rufceptible  de  toutes  les  beautés 
dont  le  génie  du  peintre  eft  capable  pour 
imiter  la  belle  nature  ;  &  elle  plaît  à  tout 
le  monde.  Le  Caftiglione  (Benedi^i),  né  à 
Gênes  ,  &  mort  à  Manroueen  1670,  âgé  de 
54  ans  ,  efl  un  des  artiftes  du  dernier  fiecle 
qui  a  le  mieux  réufli  en  ce  genre.  La  dé- 
licarefîe  de  fa  touche  ,  l'élégance  de  fon 
defîln  ,  la  beauté  de  (on  coloris  ,  &  fon 
intelligence  du  clair-obfcur  ,  ont  rendu  Tes 
tableaux  précieux.  (D.  /.) 

Peinture  des  toiles  j{Peint  anc) 
l:^ous^mox\s2M]o\xrà^\ï\\\teintures des  toiles\ 
mais  je  me  fers  du  mot  de  Pline  ,  qui  jSnit 
le  chap.  xj  de  fon  XXXV^  ,  livre  ,  par 
nous  apprendre  la  façon  dont  les  Egyp- 
tiens peignoicnt  des  toiles  ,  ou  faiibient  des 
toiles  peintes.  Rapportons  d'abord  le  paf- 
fàge  en  latin ,  qui  efl  fort  curieux. 

PinguiH  &  vefies  in  yEgypto  interpauca 
mirabili  génère  ,  candida  vêla  poftquam 
attrii/ere  illinentes  non  coloribus  y  fed  co- 
lore m  for  b  end  bus  medicamentis.  Hoc  cum 
fecêre  non  apparet  in  velis  ,*  fed  in  cor- 
tinam  pigmenti  ferventis  merfa  y  poJLmo- 
mentum  extrahuntur  picla.  Mirumque  cum 
fit  unus  in  cortina  colos  ,  ex  illo  alius 
atque  alius  fit  in  vefle  y  accipientis  medica- 
menti  qualitate  mutatus.  Nec  pofiea  ablui 
potefi\  ira  cortina  non  dubiè  confufura 
colores  y  fi  picios  acciperet  y  digerit  ex 
uno  y  pingitque  dum  coquit.  Et  adufiœ 
vefies  firmiores  fiunt  y  quam  fi  non  ure- 
rentur.   Voici  la  tradudion. 

»  Dans  le  nombre  des  arts  merveilleux 
?j  que  l'on  pratique  en  Egypte ,  on  peint 
9J  des  toiles  blanches  qui  fervent  à  faire 
j>  des  habits  ,  non  en  les  couvrant  avec 
»  des  couleurs,  mais  en  appliquant  des  mor- 
?j  4^05  qui ,  lorfqu'ils  font  appliqués  ,  ne 
7)  paroiiîènt  point  fur  l'étofïè  ;  mais  ces 
«  toiles  plongées  dans  une  chaudière  de 
?>  teinture  bouillante,  font  retirées  un  inf- 
»  tant  après  coloriées.  Ce  qu'il  y  a  d'é- 
w  tonnant ,  c'eft  que  quoiqu'il  n'y  ait  qu'une 
n   couleur  ,  l'étoffe  en  reçoit  de  diffcren- 


P  E  I 

»  tt^ ,  félon  la  qualité  des  mordans ,  & 
»  les  couleurs  ne  peuvent  enfuite  être  em- 
yy  portées  par  le  lavage.  Ainli  une  liqueur 
»}  qui  n'étoit  propre  qu'à  confondra  \cs 
fi  couleurs  ,  fi  la  toile  eût  été  peinte  avant 
»  que  d'être  plongée  ,  les  fait  naître  toutes 
>j  d'une  feule  ;  elle  fe  difîribue  ,  elle  ptint 
»  la^toile  en  la  cuifant ,  pour  alnfi  dire  ; 
7î  &  les  couleurs  de  ces  étoffes  teintes  à 
yy  chaud  ,  font  plus  folides  que  fi  elles 
j>   étoient  teintes  à  froid. 

Cette  pratique  pour  exécuter  la  teinture 
des  toiles  ,  eff  en  ufage  dans  l'Europe  & 
en  Orient.  Il  eu  à  préfumer  que  l'Lide  « 
tiré  originairement  ce  fecret  de  l'Egypte  , 
qui  y  après  avoir  été  le  centre  des  arts  & 
des  fciences  ,  la  reffource  de  l'Afie  &  de 
l'Europe  ,  par  la  fertilité  de  fon  terroir , 
le  climat  le  plus  heureux  par  la  falubrité  de 
l'air ,  un  monde  par  la  multitude  des  na- 
turels du  pays  ,  &  par  l'aiîîuence  desétran- 
gers ,  n'eff  plus  aujourd'hui  qu'un£  terre 
erapeilée,  &  une  retraite  de  brigands  ,  pour 
avoir  perdu  de  vue  les  arts  &  les  fcien- 
ces ,  qui  faifoient  fon  bonheur  &  fa  gloire  : 
exemple  palpable  ,  qui  fufîiroit  feul  pour 
confondre  un  odieux  paradoxe  avancé  de 
nos  jours,  s'il  méritoit  d'être  férieufement 
réfuté.  La  Chine  connoît  aufli  la  prati- 
que de  teindre  les  toiles  ,  où  nous  l'avons 
trouvée  établie  dans  le  temps  de  fa  décou- 
verte. Plus  on  approfondit  les  arts,  du 
moins  quant  à  la  peinture ,  &  plus  on 
obferve  que  les  anciens  n'ignoroient  pref- 
que  rien  de  ce  qus  nous  favons  ,  &  de  ce 
que  nous  pratiquons.  Mémoire  des  Infcr. 
tom.  XXK  {D.  J.) 
Peinture  sur  verre,  {Peint. modJ) 
Cette  peinture  eu  toute  moderne,  &  les 
François  prétendent  que  ce  fut  d'un  pein-' 
tre  de  Marfeille ,  qui  travailloit  à  Rome 
fous  Jules  II ,  que  les  Laliens  l'apprirent. 
On  en  faifoit  autrefois  beaucoup  d'ufage 
dans  les  vitraux  des  églifes  &  des  palai»; 
mais  cette  peinture  eiï  aujourd'hui  telle- 
ment négligée  ,  qu'on  trouve  très-peu  de 
peintres  qui  en  aient  connoiffance.  Elle 
confifle  dans  une  couleur  tranfparente  , 
qu'on  applique  fur  le  verre  blanc  ;  car  elle 
doit  faire  feulement  fon  effet  quand  le 
verre  eft  expofé  au  jour.  Il  faut  que  les 
couleurs   qu'o»  y  emploie  foient   de  nar 


P  E  î 

ture  à  fe  fondre  fur  le  verre  >  qu'on  met 
au  feu  quand  il  eft  peint  ;  &  c'efl  un  art 
de  connoître  l'effet  que  ces  couleurs  feront 
quand  elle»  feront  fondues  ,  puift^u'il  y  en 
a  que  le  feu  fait  changer  confidérablement. 

Lorfque  cette  peinture  éroit  en  règne  ,  on 
fabriquoit  dans  les  fourneaux  des  verres  de 
différentes  couleurs ,  dont  on  compofoitdes 
draperies ,  &  qu'on  tailloir  fuivant  leurs 
contours,  pour  les  mettre  en  œuvre  avec 
le  plomb.  Le  principal  corps  de  prefque 
toutes  ces  couleurs  ,  eft  un  verre  afîez  ten- 
dre ,  qu'on  appelle  rocaille ,  qui  fe  fait  avec 
du  fablon  blanc  ,  calciné  plufieurs  fois  ,  & 
jeté  dans  l'eau  ,  auquel  on  mêle  enfuice 
du  falpêrre  pour  fervir  de  fondant. 

On  a  au  fil  trouvé  le  fecret  de  peindre  à 
l'huile  fur  le  verre,  avec  des  couleurs  rranf- 
parentes,  comme  font  la  laque,  l'émail ,  le 
verd-de-gris  ,  &  des  huiles  ou  vernis  co- 
lorés ,  qu'on  couche  uniment  pour  fervir 
de  fond  :  quand  elles  font  feches  ,  on  y 
met  des  ombres  ;  &  pour  les  clairs ,  on  peut 
les  emporter  par  hachures ,  avec  une  plume 
raillée  exprès.  Ces  couleurs  à  huile  iLr  le 
verre  fe  confervent  long-temps  ,  pourvu 
que  le  côté  du  verre  où  efî  appliquée  la 
couleur  ,  ne  fbit  pas  expofé  au  fokil. 
{D.J.) 

Peinture  ,  (Archnecl.)  Cet  arc  con- 
tribue dans  les  bâtimens,  i^.  à  la  légè- 
reté ,  en  les  failant  paroître  plus  exhaufTés 
&  plus  vafles  par  la  perfpedive  ; .  2°.  à  la 
décoration  ,  par  la  variété  des  objets  agréa- 
bles répandus  à  propos  ,  &  par  le  raccor- 
dement du  faux  avec  le  vrai  ;  3°*  enfin  , 
à,  la  richelfe  ,  par  l'imitation  des  marbres  , 
des  métaux  ,  &  autres  matières  précieufes. 

La  peinture  fe  difîribue  en  grands  fijjets 
allégoriques  pour  les  voûtes  ,  plafonds  & 
tableaux  ^  ou  en  petits  fujets  ,  comme 
ornemeas  grorefques  ,  fieurs  ,  fruits  ,  &c. 
qoi  conviennent  aux  compartimens  &  pan- 
neaux res  lambris. 

On  pratiqu-e  dans  les  bâtimens  trois  for- 
tes de  peinture  ;  la  peinture  à  frefque  ,  la 
mofaïque  ,^  &  la  peinture  à  l'huile.  La  pre- 
mière ,  qui  cft  la  plus  ancienne  &  la 
moins  finie  ,  fert  pour  les  dedans  des  lieux 
fpacieux  ,  tels  que  font  les  églifes ,  bafih- 
ques  ,  galeries ,  &  même  pour  les  dehors , 
fur  les  enduits  préparés  pour  la  retenir. 


P  El  141 

Cette  peinture  eft  particuliécement  propre 
pour  décorer  dçs  murs  de  jardins  ,  par  des 
vues  ,  des  perfpedives  ,  Ùc.  La  mofaïque  , 
quoiqu'elle  foit  moins  en  ufage  qu'aucune 
forte  de  peinture ,  efl  cependant  la  plus  du- 
rable. ^Tn peinture  à  l'hurle  convient  au  bois 
&  à  la  toile  ,  pour  orner  toutes  fortes 
d'appartemens.  (D.  J.) 
Peinture  double,  {Poe'fie,  artorat.) 

On  appelle  double  peinture  ,  celle  qui  con- 
fifle  à  préfenter  deux  images  oppofées ,  qui 
jointes  enfemble,fe  relèvent  mutuellement  ; 
c'efl  ainfi  que  Virgile  fait  dire  à  Enée  y 
lorfqu'il  voit  Hedor  en  fonge  :  "  Ce  n'é- 
jj  toit  point  cet  Hector  vainqueur  de  Pa- 
»  trocle ,  &  chargé  des  dépouilles  d'Achil- 
>j  le ,  ni  celui  qi^ ,  la  flamme  à  la  main  ,- 
»  embrafa  la  flotte  des  Grecs  !  fa  barbe  & 
?>  Çqs  cheveux  étoient  fouillés  de  fang  ,  & 
»  fon  corps  portoir  encore  les  marques  de 
«  toutes  les  bleflures  qu'il  reçut  fous  les 
»   murs    de  Troyc. 

Hei  mihi  ,  qualis  erat  !  quantiim  -  mu- 

tatus  ah  illo 
Heciore     qui    redit     exuvias    indutus 

Achillis  , 
Vel  Danaûm  Phrygios  Jaculatus  pup~. 

pibus  ignés  I 
Squallemem    ^barbam  y     &    concretos 

fanguine  crines  y 
Vu! ne  raque   ille  gerens  y    quce    circum 

plurima  muras 
Accepit  patries. 

JEnéà.  lib.  II ,  v.  274, 

Annibal  Caro,  dans  fa  traduâion  ita- 
lienne de  l'Enéide ,  a  rendu  cet  endroit  bien 
noblement. 

Lajfo  me  !    quale   &  quanta  era  mu- 

tato 
Da    quelV  Ettor  y    cke    ritorno   vef^ 

tito 
Dele   fpoglie    d'Achille  ,    è   rilucente 
Del  foco  y  ond'arfe  y  il  grand  napite 

argolico  ! 
Squallida   havea   la    barba  y     harredo 

il  crine  y 
E  rapprefa  di  fangue  :  il  petto  lacera 
Di    quante     unqua  ferite    al    patrio 

mura 
Hebbe  d'imorno. 


141  P  E  I 

C'efl  encore  en  ufant  d'une  double  pein- 
ture ,  que  Corneille ,  dans  le  récit  du  fonge 
de  Pauline ,  lui  fait  dire ,  en  parlant  de 
Sévère  ,  Acie  I  y  fcene  z  : 

Il  n'étale  point  couvert  de  ces  trifies 

lambeaux 
Qu'une    ombre    défole'e    emporte    des 

tombeaux  ,* 
IL  n^é  toit  point  percé  de  ces  coups  pleins 

de  gloire  , 
Qui  retranchant  fa   vie  ,  ajjurent  fa 

mémoire  : 
//  fembloit  triomphant ,  &  tel  que  fur 

fon    char , 
Victorieux    dans     Rome    entre    notre 

Céfar ,  &c. 

Concluons  que  la  double  peinture  efl 
d'un  merveilleux  effet  pour  le  pathétique  ; 
mais  comme  cette  adreife  eft  une  des  plus 
grandes  du  poëte  &  de  l'orateur  ,  il  faut 
la  fiivoir  ménager ,  l'employer  fobrement 
&:  à  propos.  {D.  J.) 

Peinture  d'impression,  {Peint.) 
peinture  de  diverfes  couches  de  couleurs  en 
huile  ou  en  détrempe  ,  dont  on  imprime  , 
dans  les  bâtimens ,  les  ouvrages  de  menui- 
ff  rie  ,  de  charpenterie  ,  de  maçonnerie  ,  & 
de  ferrurerie  ;  ou  qui  font  à  l'air  ,  ou  que 
l'on  veut  embellir,  &  mettre  d'une  même 
teinte.  Les  Italiens  dilent  imprimatura  , 
dont  quelques-uns  de  nos  peintres  ont  fait 
imprimature  y  &  d'autres  imprimures.  Le 
véritable  mot  françois  ell  imprefjloji  à 
huile  ,  ou  imprej/ion  à  détrempe  ,  iuivant 
la  liqueur  &  les  ingrédiens  qui  y  entrent. 
{D.  /.) 

PEINTURE ,  adj.  {Peinture;)  ce  qui 
n'eft  peint  ou  enduit  que  d'une  feule  cou- 
leur ,  fans  deflins  ni  fans  compartimens. 
On  le  dit  comme  par  oppofition  à  peint , 
qui  lignifie  une  chofe  peinte  avec  art  ;  ainfi 
on  dit  une  galerie  bien  peinte ,  lorfque  le 
peintre  l'a  ornée  de  difFérens  ouvrages  de 
peinture  ou  tableaux  ;  &  une  galerie  bien 
peinturée ,  quand  elle  a  été  imprimée  d'une 
feule  couleur.  {D.  J.) 

PEIPUS  ,  {Géog.  mod.)  en  langue  Ru{fe 
C\ud-Kow  ,  grand  lac  aux  confins  de  i'Ef- 
thonie ,  de  la  Livonie  ,  &  de  l'Ingrie.  Il 
reçoit  les  eaux  de  diverfes  rivières  ,  &  fe 
^^charge  dans  la  Neva ,  qui  porte  ït%  eaux 


P  E  K 

dans  le  golfe  de  Finlande.  Ce  lac  a  frenfe 
de  nos  lieues  communes  de  long ,  tantôt 
douze ,  tantôt  quinze  de  large.  En  1701  , 
le  Czar  Pierre  fit  conftruire  fur  ce  lac 
cent  demi-galeres  ,  qui  portoient  environ 
cinquante  hommes  chacune  ;  il  y  entretint 
cette  flotte  pour  empêcher  les  vaiflêaux 
Suédois  d'inmlter  la  province  de  Novogo- 
rod  ,  pour  être  à  portée  d'entrer  fur  leurs 
eôtes  ,  &  en  même  temps  pour  former  des 
matejots. 

PÉIRA ,  {Mufiq.  des  anc.)  la  première 
partie  du  nome  pyfhien  ,  fuivant  Pollux. 
Voye\  Pythien,  { Mufque  des  anc.) 
{F.  B.C.) 

PEISKER  ,  {HiJ?.  nat.)  en  latin  paci~ 
lias  y  ou  pifcis  fojjlis.  Les  Allemands  le 
nommentûuiîifchlammbeijfer y  ou  mordeur 
de  vafe  y  parce  qu'on  les  trouve  dans  le 
limon  ou  dans  la  vafe  qui  e(l  au  fond  de 
quelques  eaux.  C'efl  un  poiffon  qui  relfem- 
ble  à  une  anguille  ou  à  un  ferpent. 

PEISO ,  (  Géog.  anc.)  lac  de  la  Panno- 
nie.  Pline ,  lib.  III y  c.  xxiv  ,  dit  qu'if 
joignoit  la  Norique.  C'eft  aujourd'hui  le 
lac  de  Neufidler-Zée,  aux  confins  de  la 
Hongrie  &  de  l'Autriche. 

•PEITS  ,  {Géog.  mod)  petite  ville  d'Al- 
lemagne ,  dans  la  bafïé-Luface  ,  fur  la  rive 
droite  de  Sprée ,  à  deux  lieues  au-delfus  de 
Colbus.  Elle  a  des  mines  de  fer  dans  fes 
•environs. 

PEIUxM ,  {Géog.  anc)  Strabon ,  /.  XII, 
P'  5^7  ■>  donne  cette  place  aux  Toliflo- 
boges ,  de  même  que  celle  de  Blucium  ; 
il  ajoute  que  l'une  étoit  la  réfidence  du  roi 
Déjotarus ,  &  que  l'autre  étoit  dellinée  à 
garderies  tréfors. 

PEKELI ,  {Géog.  mod)  province  de  la 
Chine  ,  &  la  première  des  quinze  de  ce 
vafîe  empire.  Elle  eil  au  midi  de  la  grande 
muraille  ,  &  à  l'orient  d'un  bras  de  mer  ; 
fa  figure  cfl  un  triangle  redangle  :  l'air  y 
eft  très-froid ,  le  terrain  flérile  &  plein  de 
fable.  Peking  en  ell  la  capitale.  {D.  J.) 

PEKIA  ,  f  m.  {Botaa.)  nom  donné  par 
Pifon  à  un  arbre  des  Indes ,  qui  porte  un 
fruit  un  peu  plus  gros  qu'une  orange  ;  fon 
fucell  extrêmement  doux  &  agréable.  Laët 
parle  auiii  de  cet  arbre  ,  mais  ni  l'un  ni  l'au- 
tre n'en  ont  donné  la  defcription. 

PEKING,  {Géog.  mod)   ou  XunticQ 


P  E  L 

&  Carobalu  dans  quelques  relations  de 
voyageurs ,  grande  ville  de  la  Chine  ,  la 
capitale  de  l'empire ,  &  le  fiege  ordinaire 
des  empereurs.  Nous  en  parlons  par  cette 
feule  raifon  ;  le  Père  du  Halde  vous  en 
donnera  la  defcription.  On  lit  dans  les  let- 
tres édifiantes  ,  que  cette  ville  a  fix  lieues 
de  tour ,  de  3600  pas  chacune.  Ses  portes 
ont  quelque  chofe  de  plus  magnifique  que 
celles  de  toutes  les  villes  de  l'Europe  ;  elles 
font  extrêmement  élevées  ,  &  enferment 
une  grande  cour  quarrée  ,  environnée  de 
murailles  ,  fur  lefquelles  on  a  bâti  des  fal- 
lons  ,  tant  du  côté  de  la  campagne  ,  que 
du  côté  de  la  ville.  Le  palais  de  l'em- 
pereur a  deux  railles  d'Italie  en  longueur, 
un  en  largeur  ,  &  fix  de  tour.  Il  y  tient 
plus  de  trois  mille  concubines.  Longit.  fui- 
vant  les  pères  Jéfuites ,  Cafiini  &  Defpla- 
ces,  134"^.  8'  ;  &  fuivantlepereGaubil,  133, 
51,45  ;  lat.  39  ,  54 ,  Long,  orient ,  fuivant 
M.  le  Monnier,  133,  35  ;  lat.  39,  55. 
Long,  fuivant  le  père  Feuillée ,  133  ,  55  ; 
/ar.  39,  55.   {D.J.) 

PELACHE  ,  f  h  {Manufacl.  )  efpece 
de  peluche  groffiere ,  faite  de  fil  &  de  coton , 
dont  les  pièces  portent  dix  à  onze  aunes  de 
long. 

PE-LA-CHU  ,  ou  le  cirier  de  la  Chine  , 
arbre  qui  porte  de  la  cire  ,  (Hifl.  nat.  Bot.) 
La  Chine  produit  une  cire  fans  comparai- 
fon  plus  belle  que  la  cire  d'abeilles  ;  on  la 
recueille  fur  des  arbres  :  aufîi  les  Européens 
qui  en  ont  eu  les  premières  connoiflances  , 
i'ont-ils  appelléecir<r  d'arbres  ;  mais  les  Chi- 
nois l'appellent  pe-la  ,  ou  cire  blanche  , 
parce  qu'elle  eft  blanche  de  fa  nature  ,  & 
pour  la  diflinguer  de  la  cire  d'abeilles ,  qu'ils 
ne  blanchiiTent  pas. 

Le  pe~la  eft  produit  par  le  concours 
d'une  forte  d'arbres  ,  &  d'une  elpece  de 
petits  infedes.  Tous  les  arbres  ne  font  pas 
propres  à  porter  du  pe-la  :  les  Chinois  en 
connoiiîènt  deux  efpeces;  l'une,  qui  tient 
de  la  nature  du  buiflbn  ,  &  qui  peut  mieux 
fupporter  que  l'autre  une  grande  féchereiïe  : 
cette  efpece  fe  nomme  ka- la- chu  y  arbre 
ièc  ,  qui  porte  de  la  cire  L'autre  efpece  eft 
plus  grande  ,  &  devient  un  plus  bel  arbre 
dans  les  endroits  humides ,  que  dans  les 
endroits  fec;s  ;  c'eft  pour  cela  qu'on  l'ap- 
pelle choui-la-chu ^  arbre  d'eau  qui   porte 


P  E  L  143 

j  de  la  cire.  Je  ne  pourrois  prefqué  rien  dire 
du  choui-la-chu  que  fur  le  rapport  d'autrui  ; 
mais  je  connois  mieux  le  kan-la-chu  ,  que 
j'ai  eu  fouvent  fous  les  yeux. 

Etant  de  la  nature  des  buiffons ,  com- 
me j'ai  déjà  dit ,  il  ié  propage  de  lui-mê- 
me ,  en  pouffant  des  branches  fous  terre. 
De  plus  ,  il  porte  de  petits  fruits  à  noyau  , 
par  le  moyen  defquels  on  peut  multiplier 
très-fort  cette  efpece  d'arbriffeau.  Enfin  , 
les  branches  dantées  &  bien  arrofées  pren- 
nent aifément  racine. 

Dès  que  le  kan-la  chu  a  deux  ou  trois 
ans  ,  il  porte  des  grappes  d'un  grand  nom- 
bre de  pentes  fleurs  blanches  &  odorifé- 
rantes ,  qui  durent  épanouies  environ  un 
mois.  Tant  les  feuilles  que  les  grappes  de 
fleurs  &  les  nouveaux  jets ,  font  rangés 
de  deux  en  deux  dans  de  longues  fuites  ; 
de  forte  qu'une  branche  garnie  de  Çqs  fleurs 
&  de  Çts  feuilles  ,  fait  un  affez  beau  bou- 
quet. Cet  arbriffeau  eft  propre  à  tapiffer 
des  murailles  jufqu'à  la  hauteur  de  dix  pies , 
ou  à  être  employé  en  haies  dans  la  cam- 
pagne; il  fupporte  également  le  chaud  (i) 
&  le  froid  ,  &  réuffit  faos  culture ,  même 
dans  un  mauvais  terrain. 

Non-feulement  ces  arbres  ne  portent  pas 
la  cire  fans  être  mis  en  œuvre  par  une  ef- 
pece de  petits  in fedes  ,  mais  encore  ces 
infedes  ne  fe  trouvent  pas  d'eux-mêmes  fur 
ces  arbres  ;  il  faut  les  y  appliquer  :  rien  au 
refte  de  plus  facile  &  de  plutôt  fait  ;  & 
quand  on  en  a  garni  un  ,  c'eft  pour  toujours. 
Au  commencement  de  Thiver  ,  fur  les  ar- 
bres qui  ont  porté  de  la  cire  ,  on  voit  croî- 
tre de  petites  tumeurs  qui  vont  toujours  en 
croifîant ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  de  la 
groflxur  d'une  petite  noifette  :  ce  font 
autant  de  nids  remplis  d'œufs  d'infedes 
appelles  pela-tchong  ou  la-tchong.  Quand 
la  chaleur  du  printemps  eft  parvenue  au 
point  de  faire  épanouir  les  fleurs  de  l'arbre , 
elle  fait  aufli  éclore  les  petits  infedes:  c'eft 
le  temps  d'appliquer  des  nids  aux  arbres  qui 
n'en  ont  pas.  On  fait  àts  paquets  de  paille  ; 
fur  chaque  paquet  on  met  fept  ou  huit 
nids;  on  attache  les  paquets  aux  branches 
inclinées  ,  préférant  celles   qui  font  de  la 

(i)\\  fait  ici  autant  de  froid, &  beaucoup pliis 
de  chaud  ^u'cn  France. 


144  P  E  L 

groiïêur  du  doigt ,  &  dont  l'écof  ce  tû  plus 
vive  &  moins  ridée.  On  place  les  nids  im- 
médiatement,ou  prefque  immédiatement  fur 
l'écorce.  Si  rarbrifTegu  eft  haut  de  cinq 
pies  ,  il  peut  fupporter  un  ou  deux  paquets 
pour  chacun  de  fts  troncs  ,  &  à  proportion 
s'il  eu  plus  grand  ou  plus  petit.  La  trop 
grande  quantité  d'infedes  pourroit  l'épui- 
fer  en  deux  ou  trois  ans. 

Ces  kan-la-chu  ont  commencé  à  avoir 
des  feuilles  vers  le  milieu  d'avril  lyS^-:  le 
2.5  mai ,  les  fleurs  d*un  de  ces  arbres  ,  bien 
expofées  au  fbieil ,  ont  commencé  à  s'ou- 
vrir; ce  jour-là  même,  m'étant  fait  ap- 
porter des  nids,  Je  les  y  appliquai  ;  jls 
étoient  fermes  de  tout  côté, à-peu-près  ronds, 
excepté  qu'il  y  avoit  une  cannelure  fur  le 
côté  ,  par  lequel  chacun  d'eux  tenoit  à  une 
petite  branche.  Leur  enveloppe  extérieure 
€toit  un  peu  dure  ,  polie  ,  comme  vernil- 
fee  ,  &  de  couleur  de  marron  ;  elle  cou- 
vroit  uae  tunique  blanche ,  mince  &  molle , 
qui  étoit  la  (tvXt  enveloppe  intérieure. 
Dans  chaque  nid  étoit  un  nombre  prodi- 
gieux d'oeufs  ,  fi  petits  ,  qu'il  en  faudroit  une 
trentaine  pour  taire  la  grofieur  d'une  tête 
d'épingle.  Ces  œuts  étoient  d'un  jaune  fon- 
cé, &  de  iajfiguredesœui'sd'oifeaux.  Après 
que  les  infedes  en  font  forcis  ,  ils  ont  en- 
core à  ie  dépouiller  d'une  tunique  blanche. 
Ils  font  d'un  jaune  plus  foncé  que  les  œufs , 
applatis ,  ovales  dans  leur  contour ,  lequel 
cfl  bordé  de  franges.  Je  n'ai  pas  pu  difhn- 
guer ,  à  la  fimple  vue ,  fi  ces  franges  font 
des  pies. 

C'eff  le  30  de  mai  que  je  me  fuis  ap-' 
perçu  qu'ils  coramençoient  à  éclore.  A  peine 
lont-ils  lortis  de  l'œuf  ,  qu'ils  courent  fur 
les  branches  ;  ils  vont  fe  promener  fur  les 
feuilles  ,  ou  plutôt  y  chercher  une  ouver- 
ture pour  entrer  dans  l'arbre.  Ilsfe  collent 
fur  la  furface  de  l'arbre ,  y  font  un  en- 
foncement ,  s'y  incorporent ,  en  laifîant  au- 
dehors  une  couverture  ou  un  manteau  qui 
cache  leur  petit  corps. 
,  Le  6  Juin  ,  beaucoup  de  ces  infedes 
n'étoient  pas  encore  montés  fur  les  arbres, 
dans  un  endroit  peu  expofé  au  foleil.  Ayant 
retiré  d'un  arbre  nouvellement  planté  & 
malade  un  feul  nid  qui  y  étoit,  j'y  ai  vu  , 
iix  jours  après.,  de  petits  la-tchong  encore 
en   vie,  qui  n'étoient  pas  cntréç.   Deux 


P  E  L 

avoient  pénétré  dans  deux  feuilles  des  moins 
languifîantes  ;  d'autres  avoient  fait  un  peu 
de  chemin  par  terre  ,  pour  chercher  meil- 
leure fortune  fur  d'autres  arbres  ,,auili  nou- 
vellement plantés.  Après  que  les  infècfes 
font  entrés  dans  l'arbre  ,  je  ne  fais  ce  qu'ils 
y  font  ;  mais  je  crois  qu'ils  n'entrent  point 
dans  la  moelle  ni  dans  le  bois  ,  &  qu'ils 
s'en  tiennent  à  l'écorce  ;  en  un  mot ,  que 
ce  font  àts  infeèles  intercutaires  :  on  en 
trouvera  la  railon  dans  ce  que  je  vais 
ajouter. 

Le  7  juin  ,  le  pe~la  ou  la  cire  commença 
à  fe  déclarer  fur  un  ka-lan-chu  bien  expole 
au  foleil  :  *fc'étoient  des  filamens  d'une 
laine  très-fine,  qui  s'élevoient  lur  l'écorce 
tout  autour  des  infedes.  Ils  étoient  lortis 
fans  que  je  m'en  fuiîe  apperçu;  ils  étoient 
dîvifés  en  différentes  troupes  ,  &  fe  tou- 
choient  prefque  fur  l'écorce  ,  où  ils  paroif^ 
foient  immobiles.  En  ayant  déplacé  quel- 
ques-uns avec  la  pointe  d'une  aiguille ,  à 
peine  le  donnerent-ils  quelque  mouvement 
pour  reprendre  leur  première  lituation.  J'en 
vis  cependant  un  courir  fur  l'écorce.  Je 
dépouillai  plufieurs  arbres  de  leur  écorce, 
pour  chercher  àes  traces  de  ces  infedes , 
devenus  longs  d'environ  une  demi- ligne.  Je 
i>'en  trouvai  nulle  part  fur  le  bois  ,  qui  eft 
dur,  &  d'un  tiffu  ferré;  puis  ayant  divifé 
l'écorce  en  deux  pellicules ,  j'y  remarquai 
une  empreinte  des  la-tchong  dans  les  en- 
droits où  ils  étoient  attroupés.  Cette  em- 
preinte étoit  entre  les  deux  pellicules ,  af- 
fedantplus  l'extérieure  que  l'intérieure.  Les 
traces  des  la-tchong  avoient  pu  s'efîàcer 
ailleurs  ,  plutôt  fur  l'écorce  que  fur  le  bois. 

Peu-à-peu  la  cire  s'élève  en  duvet  ,  qui 
s'épaifSt  de  plus  en  plus  pendant  les  cha- 
leurs de  l'été ,  &  qui  couvre  de  tous  côtés 
les  infèdes  ,  les  défendant  à  la  fois  du 
chaud  ,  de  la  pluie  &  des  fourmis.  Je  m'at- 
tendois  qu'sprès  avoir  fait  fortir  de  la  cire 
en  un  endroit ,  ils  iroient  en  travailler  ail- 
leurs ;  mais  ils  n'en  ont  rien  fait  :  ils  n'ont 
garni  de  cire  que  quelques  endroits  au-de(- 
fus  des  branches  inclinées. 

Les  Chinois  difént  ,  que  fî  on  laiflbit 
trop  long-temps  la  cire  fur  farbre  ,  les  in- 
fedes ne  feroient  pas  leurs  nids.  Ils  la  re- 
cueillcnt'après  les  premières  gelées  blanches 
de  feptembre.  On  la  détache  avec  les  doigts 

fans 


P  E  L 

fans  aucune  difficulté;  enfuite  on  la  purifie 
de  la  manière  fuivanre.  On  mec  dans  de 
l'eau  bouillante  un  vafe  plein  de  riz  ,  qui  a 
lui-même  bouilli  cinq  ou  lix  minutes  dans 
l'eau ,  &  qui  efl  à  demi-fec ,  parce  qu'on 
CH  a  retiré  prefque  toute  l'eau  qu'il  a  pu 
laifîêr  échapp«r.  Dans  ce  riz  ainfi  apprêté  , 
on  enfonce  une  calotte  de  porcelaine  ,  l'ou- 
verture en  haut;  &  dans  cette  calotte  ,  on 
en  met  une  plus  petite ,  l'ouverture  en  bas. 
La  cire  brute  Ce  place  fur  la  furface  con- 
vexe de  la  petite  calotte ,  qu'on  incline  un 
peu  pour  donner  iffue  à  la  cire,  laquelle 
étant  fondue  par  la  chaleur  ,  coule  toute 
purifiée  dans  le  fond  de  la  calotte  infé- 
rieure ,  laifTânt  en-haut  toute  fa  cralïe. 

Cette  cire  eu  très-blanche  ,  luifante ,  & 
a  de  la  tranfparence  prefq^ue  jufqu'à  l'é- 
paifleur  d'un  pouce.  Elle  eft  portée  à  la 
cour  pour  les  ufages  de  l'empereur  & 
des  plus  grands  mandarins.  L'on  en  mêle 
une  once  avec  une  livre  d'huile  ;  ce  mé- 
lange prend  de  la  confiftance ,  &  forme  une- 
cire  peu  inférieure  à  la  cire  ordinaire.  En- 
fin ,  la  cire  d'arbre  efl  employée  à  guérir 
plufieurs  maladies.  Appliquée  fur  une  plaie  , 
elle  fait  renaître  les  chairs  en  peu  de  temps. 
Il  y  a  des  Chinois  qui ,  lorfqu'ils  ont  à  par- 
ler en  public ,  comme  pour  défendre  leur 
caufe  devant  les  mandarins ,  en  mangent 
une  once ,  pour  prévenir  ou  guérir  les  dé- 
faillances &  palpitations  de  cœur.  Lettres 
édifiantes  &  curieufes  des  MiJJlonnaires  de 
la  Compagnie  de  Jefus. 

PELADE,  f.  f.  {Lainage.)  C'eflle 
nom  de  la  laine  que  les  mégiffiers  &  cha- 
moifeurs  font  tomber ,  par  le  moyen  de 
la  chaux  ,  de  deflus  l«s  peaux  de  moutons 
&  brebis  ,  provenantes  des  abattis  des 
bouchers  :  on  l'appelle  aufli  pellure  ,  pelis, 
4ivalis. 

Les  laines  peWfj  font  fi  inférieures  aux 
laines  de  toifon ,  qu'il  n'eft  pas  permis  aux 
ouvriers  en  Sas  au  métier  ,  d'en  employer 
dans  leurs  ouvrages  ,  ainfi  qu'il  efl  porté 
par  l'article  XI  de  leur  règlement  du  30 
mars ,  1760  ;  leur  ufage  plus  ordinaire  ei\ 
pour  faire  les  trames  de  certaines  fortes 
d'étofïès ,  celles  de  toifon  étant  plus  pro- 
pres à  faire  les  chaînes. 

PELAGE  ,  roi  de  Léon,  (  Hijloire  d'Ef- 
pagne,  )  L'Efpagne  entière  étoit  foumiic 
Tome  XXV, 


P  E  L  145 

aux  maures  ,  &  ces  fiers  conquérans  ne 
croyoient  pas  qu'il  y  eût  encore  des  chré- 
tiens à  combattre  ;  cependant  quelques 
Efpagnols ,  trifles  &  déplorables  refies  de 
l'empire  des  Goths ,  ayant  eu  le  bonheur 
d'échapper  au  glaive  des  Mahométans  , 
s'étoient  réfugiés  avec  le  valeureux  Pelage  , 
parent  du  dernier  roi  Rodrigue ,  &  ifïii  , 
comme  lui ,  de  Recarede  ,  dans  les  mon- 
tagnes des  Afluries,  où  l'aridité  du  fol,  les 
finuofités  des  vallées  &  les  routes  difficiles» 
fouvent  impraticables ,  des  rochers  ,  les  met- 
foient  à  l'abri  de  la  pourfuite  &  de  la 
fureur  des  vainqueurs.  Le  nombre  de  ces 
fugitifs  ,  anciens  poflefleurs  de  l'Efpagne  , 
n'étoit  que  d'environ  cinquante  mille;  &: 
ce  nombre  étoit  encore  trop  confidérable  , 
relativement  au  produit  de  leurs  pofîefïions 
aduelles ,  qui  ne  s'étendoient  que  fur  quel- 
ques rochers  incultes ,  ou  dans  quelques  val- 
lées prefque  toutes  aufîl  arides  que  la  cime 
de  ces  rochers.  D'ailleurs ,  fans  alliés ,  fans 
provifions ,  fans  argent ,  fans  refTources  , 
ils  étoient  conflernés  ,  abattus  ,  par  la  ter- 
reur que  leur  donnoit  le  fouvenir  de  leurs 
concitoyens  maffacrés  ou  captifs.  D'abord 
ils  ne  fongerent  qu'à  pourvoir  à  leur  fureté 
&  à  la  confervation  de  leur  liberté;  ils 
s'occupèrent  enfuite  de  la  manière  dont  ils 
pourroient  fubfifler  &  fe  perpétuer  dans  ce 
pays  ,  qui  ne  pouvoit  avoir  pour  eux  d'au- 
tre agrément ,  que  celui  de  leur  fervir  d'a- 
f^'le.  La  forme  démocratique  peut  convenir 
à  une  fociéta  d'hommes  heureux  &  établis 
dans  de  riches  contrées  ;  mais  il  faut  né- 
cefTairement  un  chef  à  une  troupe  d'hom- 
mes vaincus  ,  profcrits  ,  fugitifs  ,  accablés 
par  les  rigueurs  du  fort ,  &  pourfuivis  par 
des  triomphateurs  cruels  &  implacables, 
Aufn  les  Goths  ,  réfugiés  dans  les  Afluries , 
eurent  à  peine  garanti  leur  retraite ,  autant 
qu'ils  l'avoientpu  ,  de  toute  invafion  ,  qu'ils 
s'occupèrent  des  moyens  de  rétablir  du 
moins  le  fimulacre  de  leur  ancienne  mo- 
narchie :  ils  avoient  fuivi  dans  ces  mon- 
tagnes Don  Pelage  ,  que  fa  naifîance  illuf- 
tre ,  fa  valeur  plus  illuflre  encore ,  fès  rare» 
qualités  &  Ces  éminentes  vertus  avoient 
rendu  fi  recomraandable  fous  le  malheureux 
règne  de  Rodrigue  fon  parent.  Ce  fut  fur 
!ui  que  les  Goths  jetèrent  les  yeux  ;  il« 
s'afTemblerent ,    &    l'élurent     pour     Icui. 


14^  P  E  L 

fouverain  vers  la  fin  de  feptembre  7^^  »  Vi- 
vant les  plus  exads  hiftoriens.  Il  ne  man- 
quoit  au  nouveau  roi    que  des  fujets  qui 
puflent  le  leconder,  &  un  royaume  capa- 
ble de  lui  offrir  quelques  reffources  ;   mais 
dénué  de  tout ,  Pelage  fuppléa ,  par  Ton  adi- 
vité  ,  fa  vigilance,  Tes  talens,  aux  fecours 
les  plus  indifpenfables  qui  lui  manquoient  ; 
&  ,  malgré  la  contrainte  de  fa  lituation ,  il 
releva,  même  avec  quelque  éclat,  l'ancienne 
çonftitution  ,   &   pofa  les  fondemens  d'un 
nouvel  état ,    qui  devoit  devenir   dans     la 
fuite  l'une  des  plus  vafles ,   des  plus  riches 
&  des  plus  refpeétables  monarchies  de  l'Eu^ 
rope.  Alahor ,   lieutenant  du  calife  en  Ef- 
pagne ,  méprifoit  trop  cette  troupe  de  Goths, 
pour  prévoir  que  dans  le  trifte  état  où  ils 
ëtoient  réduits ,  ils  penferoient  à  fe  donner 
un  roi.  Alahor  étoit  alors  dans  les  Gaules , 
&  fa  furprifefut  extrême  ,  lorfqu'il  reçut  la 
nouvelle  de  cette  éleâion  ;  mais  ne  croyant 
point  encore  ces  foibles  refîes  à^s  anciens 
Efpagnols  affez  formidables  ,  pour  qu'il  ïm 
néceffaire  de  faire  ,  pour   les  exterminer , 
des  préparatifs  bien  confidérables  y  il  crut 
qu'il  fuffiroit  d'ordonner  à  quelqu'un  de  Ççs 
principaux  officiers  ,  de  punir  l'audace  de 
ces  efclaves  échappés  à  fesfcrs.  Alchaman  , 
chargé  de  la  pourfuite  &  du  châtiment  des 
Goths  ,  s'avança  vers  les  montagnes  des  Af- 
turies  ,  plus  en  maître  qui  va  punir  ,  qu'en 
général   qui  marche  à  une  expédition  :  il 
s'engagea  inconfidérément  dans  les  rochers, 
peuplés  &  défendus  par  les  Chrétiens.  Pe- 
lage profita,  en  capitaine  habile,  de  l'im- 
prudence d' Alchaman  •  il  pofta  la  plus  gran- 
de partie  de  (qs  fujets  (  ils  étoient  tous  fol- 
dats  )  fur  la  cime  des  rochers ,  avec  ordre 
de  s'y  tenir  tranquilles  ,  jufqu'à  ce  qu'il  îhi 
attaqué  lui-même  dans  le  porte  qu'il  alloit 
prendre  avec  les  fiens  au-bas  de  ces  mê- 
mes rochers  ,   dans  la  caverne  de  Sainte 
Marie  de  Cavadonga.  Le  général  Maure , 
précédé  de  l'Evêque  Oppas  ,  fcélérat  qui , 
traître  à  fa  patrie  &  à  la  religion  ,  avoit 
vendu  Don  Rodrigue  fon  maître,  i^es  con- 
citoyens &  l'Efpagne  entière  aux  Infidèles  ; 
le  ■  "  ' 


gneu 


général  Maure  &  Oppas  cherchèrent  foi- 
leufement ,    de  finuoficé  en  finuofité  ,  la 


retraite  àts  Goths  :  ils  marchèrent  d'abord 

avec  beaucoup  de  précautions  ;  mais    ne  j 

voyant  ni  foldats  enneisis ,  ni  habitans  dans  I 


P  E  L 

cts  iéÇcYts ,  ils  hâtèrent  leur  marche ,  & 
arrivèrent  enfin  près  du  lieu   où  ils  appri- 
rent qu'étoit  Pelage  avec  une  petite  troupe. 
Alchaman ,    pour  épargner  le  fang  de  fès 
foldats,  envoya  l'évêque  Oppas  à  Pelage  ^ 
pour  lui  conieiller  de  fe  rendre  ,  de  livrer 
tous  les  fugitifs ,  &  de   s'en  remettre  à  la 
difcrétion  &  à  la  récompenfc  que  lui  don- 
neroit    Alahor.    Indigné  des  propofition« 
du  fcélérat  Oppas  ,  Pelage  rejeta  fcs  ofïres 
avec  mépris ,  lui  ordonna   de  fortir  de  fa 
préfence,  &  d'aller  rapporter  à  fes  maîtres, 
que  lui  &  (es  lùjets  combattroient  pour  la 
liberté  &  la  religion  jufqu'au    dernier  mo- 
ment de  leur  exiftence.  Alchaman ,  qui  ne 
s'étoit  poirit  attendu  à  cette  généreufe  ré- 
ponfe ,  furieux  de  la  réfifiance  qu'on  ofoir 
lui  oppofer ,  marcha    contre   Pelage ,    & 
commença  l'attaque  avec  la  plus  violente 
impétuolité;  mais  refferrés  entre  les  rochers  > 
les  Maures  s'embarraffoient  plus  les  uns  le» 
autres  y  qu'ils  n'incommodoient  les  GotJis  ; 
ceux-ci ,  mieux  exercés  à  combattre  fur  un- 
pareil  terrain  ,  foutinrent  le  choc  avec  fer- 
meté ;    &  agrelfeurs  à  leur  tour ,  mirent 
les  Mahométans  en  défordre.  Pelage  ,  fans 
leur  donner  le  temps   de  fe  reconnoître, 
s'élança  ,  k  la  tête  des  fiens ,  du  fond   de 
fa  caverne  fur  les  Maures ,  qui ,  effrayés  par 
la  vigueur  de  cette  nouvelle  attaque,  pliè- 
rent &  commencèrent  à  fe  difperler.  Alors 
ceux  d'entre  les  Goths  qui  ,  placés  fur  la 
cime  des  rochers ,  n'avoient  pas  encore  pris 
part  au  combat ,  firent  rouler  furies  Infidèles 
des  mafïès  énormes  de  pierre ,  fous  lefquel- 
les  ils  relièrent  enfevelis.  Dès  ce  moment, 
la  déroute  des  ennemis  fut  générale  ,  com- 
plète ,    &    l'on  afîùre   qu'en    très-peu  de 
temps  ,  \ts  Maures  perdirent  dans  cette  ac- 
tion cent  vingt-quatre  mille  hommes.  Al- 
chaman fut  du  nombre  des  morts ,  &  l'é- 
vêque Oppas  ,  fait  prifonnier  ,  périt  dans 
les  fupplices.  Quelques  Hifîoriens  contem- 
porains ,  aimant  mieux  rapporter  au  ciel  & 
au  dérangement  des  ioix  de  la  nature  ,  qu'à 
la  valeur  de   leurs  concitoyens  ,  cette  mé- 
morable viftoire,  ont  prétendu  que  par  un 
miracle  ,  très-étonnant  en  effet ,  les  traits 
lancés  par  les  Maures  retournoient  fur  eux- 
mêmes,  &  les   tuoient.  Ce  prodige  feroit 
aflùrément  fort  extraordinaire;  mais  il  n'y 
eut  de  prodigieux  dans  cette  bataille ,  que  la 


PEL 

valeur  &  l'héroïime  de  Pelage  &:  de  fon 
armée  ;  car  du  refte  ,  le  champ  de  bataille 
ctoir  très-défavorable  aux  Infidèles  ,  qui  ne 
pouvoient  ni  y  combattre  ,  ni  prefque  fe 
mouvoir  :  ce  qu'il  y  eut  de  prodigieux  en- 
core ,  fut  la  conduite  de  Pelage  ,  qui ,  rem- 
pli d'une  noble  confiance,  infpira  Ton  au- 
dace à  ces  mêmes  Goths,  qui  vaincus  tant 
de  fois  par  les  Mahométans ,  triomphèrent 
pourtant ,  fous  les  ordres  de  leur  fouverain 
intrépide  ,  avec  tant  d'éclat ,  d'une  armée 
puilîànte  ,  vicl;orieufe  &  formidable.  Le 
peu  de  Mahométans  que  la  fuite  avoit 
dérobés  à  la  colère  des  vainqueurs ,  gagnè- 
rent précipitamment  les  rives  de  la  Deva , 
où  ils  commencèrent  à  fe  croire  en  lûretc , 
lorfque ,  par  un  accident  fortuit  ,  &  plus 
miraculeux  pour  les  hifîoriens  du  huitième  ■ 
(iecle ,  que  les  caufes  de  la  défaite  des 
Maures  ,  une  partie  de  la  montagne  qui 
dominoit  cette  rive  de  la  Deva  ,  fe  déta- 
chant tout-à-coup ,  écrafa  &  cnfevelit  tous 
ceux  d'entre  les  Maures  envoyés  par  Ala- 
hor  à  cette  rhalheureufe  expédition  ,  &  qui 
n'étoient  pas  morts  ,  foit  dans  le  feu  du 
combat ,  foit  dans  la  retraite  des  fuyards.  La 
viâoire  de  Pelage  répandit  la  confferna- 
tion  parmi  les  Infidèles  qui  ,  redoutant  à 
leur  tour  les  armes  des  Chrétiens  ,  s'éloignè- 
rent des  rochers  des  Afluries  ,  qui  leur 
ctoient  devenus  fi  funefles.  Manuza,  ren- 
fermé dans  Gijon  avec  une  nornbreufe 
garnifon  Mahomctane  ,  effrayé  du  voifi- 
nage  des  vainqueurs  ,  fe  hâta  de  fbrtir  de 
la  place  où  il  commandoit;  &  fuivide  tous 
fèslbldats,  il  tâchoit  de  gagner  un  lieu  plus  j 
fur  ,  lorfque  Pelage  ,  averti  de  fa  retraite  ,  ; 
marcha  à  lui ,  le  rencontra ,  fondit  ,  à  la 
fête  des  fiens  fur  fa  troupe  >  la  tailla  en 
pièces ,  &  par  ce  fuccès  acheva  de  nettoyer 
les  Afiuries  des  Maures  ,  qui  dès-lors  n'o- 
ferent  plus  en  approcher ,  du  moins  pen- 
dant la  vie  de  ce  redoutable  guerrier.  Leur 
crainte  &  leur  éloignement  ayant  rendu 
le  calme  aux  Goths,  Pelage  confacra  ce 
temps  de  tranquillité  à  l'exécution  des  pro- 
jets vraiment  utiles  qu'il  avoit  formés  ; 
il  fit  confiruire  plufieurs  villes ,  en  rétablit 
quelques-unes  ruinées  par  les  Mahométans , 
fonda  &  répara  plufieurs  églifes  ;  mais  ne 
voulut ,  ni  entourer  aucune  ville  de  mu- 
railles ,  ni  permettre  la  conflrudion  d'au- 


P  E  L  ,4^ 

cune  forterefTe ,  afin  d'entretenir  la  valeur 
naturelle  de  les  fujets  ,  qu'il  croyoit  ne  pou- 
voir que  s'amollir  6c  fe  relâcher  par  la  fé- 
curité  que  leur  procureroient  des  remparts; 
&  des  forts.  Ce  n'elè  cependant  point  au 
génie  fèul  de  Pelage  qu'il  fiut  attribuer  lo 
bonheur  de  fon  règne  &  la  tranquillité  que 
lès  fujets  goûtèrent.  Les  Afluries  jouirent 
de  la  paix  ,  parce  que  les  Mahométans  n'a- 
voient  que  des  dangers  à  courir  dans  ce 
pays  rude  &  prefque  inaccefïible  à  de  nom- 
breufes  armées  ;  parce  que  la  conquête  de 
ce  pays  ne  leur  ofFroit ,  en  dédommagement 
des  foins ,  des  dépenfes  &  du  fang  qu'elle 
leur  coûteroit,  que  quelques  arides  rochers, 
quelques  hameaux  ,  quelques  villages  où  ils 
ne  pouvoient  efpérer  de  faire  aucun  butin. 
D'ailleurs ,  la  conquête  des  Gaules  tentoit 
plus  l'avidité  de  cette  nation.  Outre  ces 
caufes,  les  foulevemens  prefque  perpétuels 
&  les  guerres  civiles  qui  divifoient  entre 
eux  les  Mahométans  ,  contribuoient  autant , 
&  plus  encore  que  la  valeur  de  Pelage  ,  à 
maintenir  &  prolonger  la  paix  dans  les 
Afiuries.  Aimé  de  fes  fujets ,  qu'il  rendoit 
auffi  heureux  qu'ils  pouvoient  l'être  dans 
leur  fituation  ,  Pelage  fongea  aufîi  ,  même 
par  attachement  pour  fon  peuple  ,  à  affer- 
mir l'autorité  royale ,  &  à  rendre  la  cou- 
ronne héréditaire  dans  (a  famille ,  feul  moyen 
de  prévenir  le  défordre  &  les  troubles  qui 
trop  fouvcnt  agitent  les  royaumes  éledifs. 
Il  avoit  deux  enfans  de  la  reine  Gaudiofè 
fon  époufe  ,  Favila  &  Ormifinde  ;  il  s'affo- 
cia ,  du  confentement  de  la  noblefîè ,  le 
prince  Favila,  &  il  donna  en  mariage  la  prin- 
ceffe  Ormifinde  à  Don  Alphonfe ,  que 
bien  des  hifloriens  ont  regardé  comme  le  fils 
de  Pierre  ,  duc  de  Cantabrie  ,  de  la  mai- 
fon  royale  de  Recarede  :  mais  Alphonfô 
avoit  des  titres  encore  plus  rcfpedables  ; 
il  avoit  rendu  à  l'état  les  fervices  ks  plus 
iignalés ,  foit  par  fa  valeur  dans  les  combats, 
foit  par  fes  lumières  dans  le  confeil;  & 
ces  ftrvices  lui  méritèrent  ,  bien  plus  que  le 
hazard  de  fa  naiflance  ,  l'honneur  de  devenir 
l'époux  d'Ormifinde.  Pelage  continua  en- 
core de  gouverner  avec  autant  de  fageflê 
que  de  fuccès  ;  &  accablé  d'années  ,  il  mou- 
rut le  18  feptembre  7^7,  après  un  règne 
illuflre  &  glorieux  de  dix-neuf  années.  Ses 
fujets  le  regrettèrent ,  &  le  règne  du  faible 

T  z 


i4S 


P  EL 


Favila  leur  fit  bientôt  fentir  encore  plus 
amèrement ,  combien  étoit  irréparable  la 
perte  que  la  nation  avoit  faite ,  de  ce  ref- 
taurateur  célèbre  de  la  monarchie  des 
Goths.    Voye^  FavilA.  {  L.  C.) 

PEL  AGI(E ,  (  Ge'ogr.  anc.  )  îles  de  la  mer 
Méditerranée  ,  entre  la  Sicile  &  l'Afrique. 
Ptolomée,  lib.  IV ^  cap.  iij  ,  les  met  au 
nombre  de  trois  ;  favoir  ,  Cojjlra  y  Glau- 
conis  infula  ,  &  Melite.  {  D.  J.) 

PÉLAGIE ,  (  Géogr.  anc.  )  Pelagia ,  île 
confacrée  à  Saturne.  Avenius ,  ora  Mark, 
verf.  2  6'4  ,  fait  entendre  qu'elle  étoit  voi- 
fine  des  colonnes  d'Hercule. 

PELAGIANISME ,  héréfie  des  Péla- 
giens.     Voye\   V article  fuivant. 

^  PÉLAGIENS ,  (  Théolog.  )  anciens  hé- 
rétiques ,  ainfi  nommés  de  Pelage  leur  chef, 
&  fort  connus  dans  l'églife  par  les  écrits 
de  S.  Auguftin. 

Pelage,  auteur  de  cette  feâe  ,  étoit 
Anglois.  On  prétend  que  fon  nom  Anglois 
ctoit  Morgan  y  qui  fignifie  mer ,  que  l'on 
a  rendu  en  Grec  &  en  Latin  par  celui  de 
Pelage.  Il  étoit  moine,  mais  on  ne  fait  pas 
certainement  s'il  avoit  embraiîe  ce  genre  de 
vie  en  Angleterre  ou  en  Italie.  Les  Anglois 
prétendent  qu'il  avoit  été  moine  du  Monaf- 
tere  de  Banchor  ,  fans  décider  fi  c'étoit  de 
celui  qui  cû  iitué  dans  le  pays  de  Galles  ,  ou 
d'un  autre  de  même  nom  qui  étoit  en 
Irlande.  On  ajoute  qu'il  pafTa  en  Orient , 
où  il  commença  à  (emer  fes  erreurs  fur  la 
fin  du  quatrième  fiecle  ;  d'autres  difent  qu'il 
Vint  à  Rome  ,  &  qu'il  y  dogmatifa  au  com- 
mencement du  cinquième. 

On  peut  rapporter  à  trois  principaux 
points  les  erreurs  de  Pelage  &  de  Ces  difci- 
ples.  Elles  rouloient ,  i°.  fur  le  péché  ori- 
ginel ;  2°.  fur  les  forces  du  libre-arbitre  ; 
3®.  fur  la  nature  ,  l'exiflence  &  la  néceffité 
de  la  grâce. 

Quant  au  premier  article  ,  Pelage  enfei- 
gnoit,  1°.  que  nos  premiers  parens,Adam 
&  Eve  ,  avoient  été  créés  mortels  ;  que  leur 
prévarication  n'avoit  nui  qu'à  eux-mêmes , 
&  nullement  à  leur  poUéiité.  2°.  Que  les 
enfans  qui  naifTent  font  dans  le  même  état 
où  étoient  Adam  &  Eve  avant  leur  péché. 
3".  Que  ces  enfans  ,  quand  même  ils  ne 
lèroîent  pas  baptifés  ,  auroient  la  vie 
éternelle,    mais  non  pas  le  royaume  des 


PEL 

cieux  ;  car  ils  mettoient  entre  ces  deux  cho- 
fes  une  diflindion  ,  qu'eux  feuls  apparem- 
ment fe  piquoient  d'entendre. 

Quant  au  libre-arbitre ,  ils  prétendoient , 
1°.  qu'il  étoit  aufli  entier,  auffi  parfait,  &  auffi 
puiflant  dans  l'homme  ,  qu'ill'avoitété  dans 
Adam  avant  ia  chute.  2®.  Que  par  les  pro- 
pres forces  du  hbre-arbitre  ,  l'homme  pou- 
voit  parvenir  à  la  plus  haute  perfedion, 
vivre  fans  pallions  déréglées  ,  &  même  fans 
péché.  3°.  Julien ,  un  des  fedateurs  de 
Pelage,  ajoutoit,  que  par  les  feules  forces 
du  libre-arbitre  ,  les  Infidèles  pouvoient 
avoir  de  véritables  vertus  qui  les  rendifîènt 
parfaitement  bons  &  juiles ,  non-feulement 
dans  l'ordre  moral  &  naturel ,  mais  encore 
dans  l'ordre  furnaturel. 

Quant  à  la  grâce  ,  Pelage  foutint  d'abord, 
que  les    forces    naturelles  du  libre-arbitre 
fufîifoient  pour  remplie  tous  les  comman- 
demens  de   Dieu  ,  vaincre  les  tentations  ; 
en  un  mot ,  opérer  toutes  fortes  de  bonnes 
œuvres  dans  l'ordre  du   falut.  Mais  attaqué 
de  toutes  parts ,   &    poufîé    vivement  par 
les  Catholiques  ,  il  admit  d'abord  des  grâ- 
ces extérieures ,  comme  la  loi ,  la  prédica- 
tion de  l'évangile  ,  les  exemples  de  Jefus- 
Chrifî.  Il  alla  enfuite  jufqu'à  reconnoître  une 
grâce  intérieure  d'entendement  pour  les  vé- 
rités révélées ,  non  qu'il  la  jugeât  abfolu- 
ment  néceflaire ,  mais  fimplement  utile  pour 
en  faciliter  la  connoiflance.  Enfin,  il  admit 
une  grâce  intérieure  de  volonté,  mais  ré- 
duite prefqu'à  rien  ,  par  (es  fubtilités  &  par 
celles  de  {es  difciples  ;  car  il  foutenoit  que 
cette  grâce  n'étoit  néceflaire  que  pour  ache- 
ver les  bonnes  œuvres  ,  &    non    pour  les 
commencer  ;  qu'elle  n'étoit  pas  abfolument 
néceflaire  pour  opérer  le  bien  ,  mais  pour 
en  faciliter  l'opération  ;  &  enfin ,  que  cette 
grâce  n'étoit  point  gratuite  ,   puifque  Dieu 
ne  la  conféroit  aux  hommes    qu'en  confi- 
dération  de  leurs  mérites ,  &  à  titre  de  juf-- 
rice.    Or,  félon   eux,  ces  mérites  étoient 
purement  humains,  produits  par  les  feules- 
forces  de  la  nature.  S.  Augufi.  lib.  de  Gert, 
Pelag.  degrat.  Ê?  Ub.  arbitr.  degrat.  Chrijh 
&  contr.  Julian.  Tournély  y  Trait,  de  lu 
Grâce  y  tom.  ly  difput.    i  y    art.   j. 

On  voit  que  ce  fyflême  tend  à  anéantir 
la  néceffité  de  la  grâce.  Pelage  eut  pour 
principaux  difciples   Céleftius   &  Julien , 


P  E  L 

'ivêques  cI'Èclane  en  Sicile.  Condamné  en 
Afrique  &  en  Orient  par  divers  Conciles , 
il  trompa  le  pape  Zozime  par  une  feinte 
profelïlon  de  foi  ;  mais  ce  pontife  mieux 
inftruit  par  les  évêques  d'Afrique ,  condamna 
Pelage  &  Céleftius  dans  un  concile  tenu  à 
Rome  en  418:  leurs  erreurs  furent  profcri- 
tcs  de  toutes  parts  ,  tant  par  la  puiflance  ec- 
cléfiaftique  ,  que  par  l'autorité  féculiere.  On 
tint  fur  cette  matière  vingt-quatre  Conci- 
les ,  en  dix-neuf  ans  ;  &  les  empereurs 
Honorius  ,  Confiance  &  Valentinien  ,  ayant 
appuyé  par  leurs  loix  les  décifions  de  l'é- 
glife  ,  le  pélagianifme  parut  écrafé  ;  mais  il 
reparut  en  partie  dans  la  fuite  ,  fous  le  nom 
de  Je'mi-pe'lagianifme.  Voyez  SÉMI-PÉLA- 
GIANISME  ^SÉMI-PÉLAGIENS. 

Ce  fut  en  combattant  ces  hérétiques  ,  que 
S.  Auguflin  compofa  les  divers  ouvrages 
qui  lui  ont  mérité  le  titre  de  Docteur  de 
la  grâce.  C'efl  auffi  contre  eux  que  faint 
Prolpcr  a  fait  fon  Poëme  intitulé  ,  contre 
les  ingrats  ;  S.  Jérôme  ,  S.  Fulgencc  & 
plufieurs  autres  pères  ont  aufli  réfuté  les 
x^clcis  icns 

PEL AGONIE,  {Géo^.anc.)  Pelago- 
nia  y  contrée  de  la  Macédoine  ,  dont  la 
capitale  portoit  le  même  nom  ,  félon  Tife- 
Live  ,  lib.  XLV )  c.  xxix:  il  efl  vraifem- 
blable  que  cette  ville  fut  ruinée  du  temps 
de  la  Macédoine  ,  car  depuis  Tite-Live 
aucun  écrivain  n'en  fait  mention.  Les  ha- 
bitans  de  la  Pélagonie  étoient  appelles 
Pélagones  &  Pœones,  parce  que  leur  pays 
ëtoit  quelquefois  compris  dans  la  Pœonie. 
Cellarius  place  la  Pélagonie  au  midi  du 
mont  Hémus  ,  entre  la  Mygdonie  &  la 
Pœonie.  {D.  J.) 

PELAGUS.  [Lexic.  Ge'ogr.)  nom  dont 
les  Grecs  ufoient  pour  défigner  la  mer ,  & 
que  les  latins  reçurent  dans  leur  langue  ; 
quoiqu'il  iemble  ,  dans  fa  propre  fîgnifica- 
tion ,  vouloir  dire  la  haute  mer  y  Ptolomée 
néanmoins  donne  ce  nom  à  toutes  les  mers 
particulières.  Voje:;  Mer. 

Pclagus  efl ,  dans  Paufanias  ,  lib.  VIII ^ 
c.  xj  ,  une  forêt  d'Arcadie  ,  qui  faifoit  la 
borne  entre  les  Martinéens  &  les  Tégéens 

PEL  AINS,  f.  f.  pi.  {Comm.  de  la  Chine.) 
Ce  font  des  fatins  de  la  Chine  ,  mais  qui 
pafîent  par  les  mains  des  Indiens  ,  de  qui 
les  commis  de  la  compagnie  les  reçoivent 


PEL  145 

&  les  achètent  •  leur  longueur  efl  de  huit 
aunes  ,  fur  fept  leiziemes  de  largeur. 

PELAMYDEoi^  THON  D'ARIS- 
TOTE,  f.  f.  {Hifi.  nat.  Iclhiolog.)  lima^ 
ria  limofa  y  poilTon  de  mer ,  qui  efl  fort 
refîemblant  au  maquereau  par  la  forme  du 
corps ,  par  le  nombre  &  par  la  pofition  des 
nageoires  ,  &  qui  n'en  diffère  que  par  la 
couleur  &  par  les  taches  qui  font  fur  le 
dos.  Voyei^  MAQUEREAU. 

'Lzpelamyde  a  le  ventre  blanc  ,  &  le  dos 
efl  de  couleur  livide  &  quelquefois  blanc  : 
il  y  a  fur  les  côtés  du  corps  des  traits 
noirs  ,  fort  près  les  uns  des  autres  ,  qui 
s'étendent  depuis  le  dos  prefque  jufqu'au 
ventre.  On  confond  fouvent  ce  poifTon 
avec  la  bife ,  qui  lui  refîèmble  à  tous  égards 
par  la  forme  &  par  la  couleur  ;  il  en  diffère 
en  ce  qu'il  a  le  corps  ,  en  entier ,  liiTe  & 
fans  écailles  ;  au  lieu  que  dans  la  bife ,  la  par- 
tie qui  fe  trouve  au-defTous  de  la  nageoire 
des  ouies  efl  couverte  d'écaillés  :  les  traits 
noirs  Ats  côtés  du  corps  font  moins  près  les 
uns  des  autres  dans  la  bife ,  que  dans  la 
pelamyde.  Voyez  BiSE.  Rondelet,  Hifl. 
nat.  des  poijfjhns ,  part.  1 ,  liv.  Vlïly 
ch.  X.  Voyez  PoiSSON. 

PELARD  ,  Bois  ,  (  Comm.  de  bois.  ) 
Sorte  de  bois  à  brûler ,  dont  on  a  ôté  t'écorce 
pour  faire  du  tan. 

PELARDEAUX  ,  (  Marine,  )  voyez 
Palardeaux. 

P&LARGE,  f?  f.  (iW>'rA.)  fille  de 
Potnéus ,  qui  ayant  rétabli  à  Thebes  le  culte 
des  dieux  Cabires,  mérita  qu'après  fa  mort 
on  lui  décernât  les  honneurs  divins  ,  par  or- 
dre même  de  l'oracle  de  Delphes. 
^  PEL ASGICUiM  ARGOS,  {Géogr.  anc.  ) 
c'efl  un  des  noms  qui  furent  donnés  à  la 
ThefTalie.  Elle  en  a  fouvent  changé  ,  com- 
me Pline,  lib.  IVy  c.  vij y  nous  T'apprend. 
Celui-là  lui  appartient  lorfqu'elle  fut  habi- 
tée par  les  Pélafges  ,  peuples  del'Argie. 

PELASGES  ,  (  Ge'ogr.  anc.  )  Pelafgi  , 
ancien  peuple  de  la  Grèce  :  il  habita  d'abord 
l'Argie  ,  &  tiroit  fon  nom  du  roi  Pélaf^ 
gus  ,  fils  de  Jupiter  &  de  Niobé.  On  peut 
lire  dans  les  Mémoires  de  littérature  les 
favantes  recherches  de.M.  l'Abbé  Geinotz  , 
tom.  XIV y  &  tom.  XVI  y  in-4.''  fur 
l'origine  des  P^7a/^<fj' ^  &  leurs  difî^rentcs 
;  lïîigratioas  ;  c'efl  afTez  pour  nous  de  lesparr 


150  P  E  L 

courir  d'un  œil  rapide ,  d'après  Denys  d'Ha- 
lycarnafle  ,  /^V.  /. 

Les  Pélafges  ,  dit-il ,  après  la  fixieme 
génération  ,  laifîerent  le  Péloponefe  ,  & 
le  tranfporterent  dans  l'Hémonie ,  appellée 
depuis  la  Thejfalie.  Les  chefs  de  cette 
colonie  furent  Achaeus  ,  Phthius  &  Pelaf- 
gus ,  fils  de  Neptune  &  de  LarifTe.  Après 
avoir  chafTé  les  habitans  du  pays  ,  ils  s'y 
établirent  &  la  partagèrent  entr'eux ,  don- 
nant à  chaque  portion  le  nom  d'un  de  leurs 
commandans.  C'eft  delà  que  font  venus 
les  noms  de  Phthiolide ,  à'Achaïdt  &  de 
Pélafgionde. 

Après  la  cinquième  génération  dans  cette 
féconde  demeure ,  les  Curetés  ,  les  Léle- 
ges ,  &  divers  autres  habitans  les  chafle- 
rcnt:  une  partie  fe  lauva  dans  l'île  de  Crète, 
&  une  autre  partie  dans  les  îles  Cyclades  : 
quelques  -  uns  fè  retirèrent  fur  le  monr 
Olympe  ,  &  dans  les  pays  voifins  ;  d'autres 
dans  ia  Bxotie  ,  dans  la  Phocide  &  dans 
l'Eubée  ;  il  y  en  eut  qui  paflerent  en  Afie , 
&  qui  s'emparèrent  d'une  partie  de  la  côte 
de  l'Hellerpont  &  àts  îles  voifines  ,  en- 
tr'autres  de  celle  de  Lesbos  :  mais  la  plus 
grande  partie  alla  dans  le  pays  des  Dodo-, 
néens  leurs  alliés  ,  &y  demeurèrent ,  jufqu'à 
ce  que  ,  devenant  à  charge  au  pays  par  leur 
grand  nombre  ,  ils  furent  confeillés  par 
Toracle  de  paflèr  en  Italie  ,  appellée  alors 
Sj-turnic.  Pour  cet  effet  ,  ils  équipèrent 
une  flotte ,  fur  laqueMe  ils  rraverferent  la 
mer  Ionienne  ;  &  étant  venu  débarquer  à 
l'embouchure  du  Pô ,  ils  y  laiflérent  ceux 
d'entr'eux  qui  n'étoieat  pas  en  état  de  fup- 
porter  la  fatigue  de  l'expédition  qu'ils  mé- 
ditoient. 

Ceux-ci ,  avec  le  temps  ,  bâtirent  une 
ville ,  qu'ils  nommèrent  Spinx ,  du  nom 
de  l'embouchure  du  Pô  ,  fur  le  bord  de 
laquelle  ils  avoient  pris  terre.  Ils  s'y  firent 
reipeder  de  leurs  voifins  ,  &  eurent  pen- 
dant lorg-temps  l'empire  de  la  mer,:  mais 
dans  la  fuite  ,  ces  mêmes  voifins  les  ayant 
chafles  de  leur  ville  ,  qui  fut  enfin  fubju- 
guée  par  les  Romains  ,  cette  partie  àt^ 
pélafges  qui  s'étoient  établis  à  l'embou- 
chure du  Pô  ,    ceffa  d'être  connue   dans 

i'talie.  .         .  ,   , 

A  l'égard  de  ceux  qui  avoient  péné- 
tré dans  les  terres ,  ils  paflerent  les  mon- 


PE  L 

tagnes  ,  arrivèrent  dans  l'Umbrie  ,  voifins 
du  pays  des  Aborigènes,  &  s'y  rendirent 
maîtres  de  quelques  bourgades.  Ils  n'y  de- 
meurèrent néanmoins  pas  long-temps.  L'im- 
puifianceoù  ils  fe  virent  ce  réfifter  aux  habi- 
tans du  pays  ,  les  obligea  de  pafièrchcz  les 
Aborigènes  ,  avec  qui  ils  firent  alliance.  Ces 
derniers  les  reçurent  d'autant  plus  volon- 
tiers chez  eux ,  qu'ils  avoient  befoin  de  ce  fe- 
cours  pour  réfi/îer  aux  Sicules  qui  les  inquié- 
toient  fouvent.  - 

Cette  alliance  caufà  un  grand  change- 
ment en  Italie.  Les  Pélafges  &  les  Aborigè- 
nes fe  trouvèrent  afl'cz  forts  pour  s'emparer 
d'une  partie  de  l'Umbrie  &  de  la  ville  de 
Crotone  ,  dont  ils  firent  une  place  d'armes; 
ils  vinrent  même  à  bout  de  chafîer  les  Sicu- 
les ,  qu'ils  obligèrent  de  paffer  dans  l'île 
voifine  ,  appellée  Skanie  ,  &  à  laquelle  ils 
donnèrent  leur  nom. 

Ces  premiers  progrès  àts  Pélafges  furent 
fuivis  d'autres  encore  plus  grands.  Ils  con- 
quirent plufieurs  villes  ;  ils  en  bâtirent  de 
nouvelles,  &  devinrent  fort  puiffans  dans 
le  pays.  Mais  cette  fortune  ne  tut  pas  de 
longue  durée  :  affligés  de  diverfes  calami- 
tés ,  &  fatigués  par  les  guerres  continuelles 
qu'ils  avoient  fur  les  bras  ,  un  grand  nom- 
bre d'en  tr'euxrepaffa  en  Grèce ,  &  fe  difperfa 
en  divers  endroits:  il  n'en  refta  que  très-peu 
en  Italie ,  où  ils  fe  maintinrent  avec  l'aide 
des  Aborigènes.  Une  grande  partie  des  villes 
que  ces  peuples  avoient  poflédécs  ,  furent 
envahies  par  les  Tyrrhéniens,  qui  commen- 
cèrent à  s'établir  alors  dans  l'Itahe.  (  Le 
Chev.  de  Jaucou RT.) 

PELASGIE  ,  (  Géogr.  anc.  )  Pélafgia; 
nom  qui  fut  donné  pendant  long-temps  au 
Péloponefe.  La  Tofcane  &  diverfes  autres 
contrées  que  les  Pélafges  habitèrent,  furent 
aufli  appellées  Pélafgie. 

PELASGIOTIDE  ,  {Géogr.  anc.)  P<r- 
lagiftis  ou  Pela/gis  ,  contrée  de  la  Theffa- 
lie ,  dont  elle  faifoit  la  quatrième  partie , 
félon  Strabon  ,  lib.  IX,  p.  4;^o.  Son  nom 
venoit  des  Pélafges  qui  l'avoient  habitce.EIIe 
s'étcndoit  anciennement  jufqu'à  la  mer  ;  mais 
dans  la  fuite  ,  la  partie  maritime  de  cette 
contrée  fut  compri'é  fous  la  IMagnéfie.  Les 
peuples  s'appelloient  Pelafgiotce, 

PELATES,  f.  f.  pi.  {Amiq.  greques.) 
'TTihATcci  j  domefliques  particuliers  chez  lest 


P  E  L  .    ^.^  ^  MI 

Athéniens.  CVfoient  des   citoyens  libres  ,  T  deux  fegmens  inférieurs  AB,  AD^  lefqueU 


qui ,  par  pauvreté ,  fe  trouvoient  forcés  de 
fervir  A  gages  \  ils  n'avoient  aucun  fufFrage 
dans  les  affaires  publiques  ,  faute  d'avoir  un 
bien  fùfElant  pour  les  rendre  propres  à  don- 
ner leurs  voix  :  mais  ils  ne  refloient  fervi- 
teurs  qu'autant  qu'ils  le  jugeoient  à  propos  , 
&  queleurbefoin  lerequéroit;  car  ils  étoient 
libres  de  changer  de  maîtres  ;  &  s'ils  ve- 
noient  à  acquérir  quelque  bien  y  ils  pou- 
voient  fè  relever  entièrement  de  leur  état  de 
fervitude.  Potter ,  Archceol.  grœc.  tom.  ly 

P'  57- 
PELDRZIMOW,  PILGRAM,  (G/o^r.) 

ville  de  Bohême ,  dans  le  cercle  de  Bechin  , 
jadis  appartenante  aux  archevêques  de  Pra- 
gue ,  mais  aujourd'hui  foumife  immédiate- 
ment à  la  couronne  ,  à  titre  de  ville  royale, 
&  pofledant  elle-même  un  certain  nombre 
de  villages.  (D.  G.) 

PELE  ADES,  {Myth:)  C'étoient  des  filles 
qui  demcuroicnt  chez  les  Dodonéens.  Elles 
étoient  douées  du  don  de  "prophétie  ,  au  rap- 
port de  Paufanias  ,  qui  cite  d'elles  ces  paro- 
les :  "  Jupiter  a  été  ,  efl  &  fera.  O  grand 
n  Jupiter!  c'eft  par  ton  fecours  que  la  terre 
w  nous  donne  fes  fruits  ;  nous  la  difons  notre 
»  mère  à  jufle  titre.  »  (-f-) 

PELECIN,  {.m.pdecinusy  {Hifi.nat. 
Bot.)  genre  de  plante  à  fleur  papillionacée  ; 
le  piftil  s'élève  du  cahce  ,  &  devient  dans  la 
fuite  une  iilique  applatie ,  compofée  de  deux 
pièces  ,  qui  n'a  que  deux  capfules  ,  &  qui 
renferme  Aqs  fcmences  applaties ,  &  fembla- 
bles  ordinairement  à  un  petit  rein.  Tourne- 
fort  ,  Injî.  rei  herb.  Voyez  PlantE. 

PELE ,  {Géogr.  anc.)  nom  de  deux  villes 
de  Theffalie  ,  dont  l'une  obéiflbit  à  Euri- 
pyle,  &  l'autre  à  Achille.  Fêle  eu  encore 
une  île  fur  la  côte  d'Ionie  ,  proche  de  la 
ville     de   Ciazomene  ,    félon  Phne  ,    lib. 

XXXII  y     C,ij. 

PELECOÏDE,  Ç.  m.  en  Géométrie  ^  fe 
dit  d'une  figure  en  forme  de  hache. 

Telle  ei{\^ figure  BCDA,  PL  de  Géom. 
figure  45  y  contenue  fous  les  deux  quarts 
de  cercle  renverfés  AB  y  AD,  &  le  demi- 
cercle  BCD, 

L'aire  du  pélécoïde  eft  égale  au  qui. 
■/^C,  &  celui-ci  au  redangle -E" 5,  ce  qui 
fe  voit  à  l'œil  ;  car  le  pélécoïde  efl  égal  au 
quarré  AC ^   parce   qu'il  lui  manque  les 


fegmens  font  égaux  aux  deux  fegmens  BC  y 
CD  y  que  \t  pélécoïde  a  de  plus  que  le  quarré 
dans  fa  partie  fupéricure  ;  &  le  redangle 
BFED  contient  quatre  triangles  redanglcs , 
comme  BAFy  dont  chacun  efl  le  quart  du 
quarré  BCD  A. 

On  peut  trouver  encore-  d*autres  efpa- 
ces  circulaires  quarrables.  Voy.  LuNULE. 
(O) 

PELEGRINO  ,  (  Géogr.  mod.  )  monta- 
gne fort  haute  de  la  Sicile ,  dans  le  val  de 
Mazzara  ,  fur  la  côte  feptentrionale ,  près  la 
ville  de  Palerme.  Son  ancien  nom  efl  Erata 
ou  Eretae  y  comme  écrivent  Polybe  &  Dio- 
dore  de  Sicile. 

PELENDONES,  {Géogr.  anc.)  peuples 
de  l'Efpagne.  Pline,  lib.  III y  c.  iij  y  les 
comprend  fous  les  Celtiberes ,  &  ajoute ,  lib.. 
IV y  C.  XX  y  que  le  fleuve  Durius  avoit  fa 
fource  chez  eux.  Ptolomée ,  lib.  II y  c.  vjy 
leur  donne  trois  villes  ;  favoir ,  Vifomium^ 
Angujiobriga  &  Savia. 

Une  ancienne  infcription  rapportée  par 
Gruter ,  />.  z  t  i  y  n.  ^y  fait  mention  de  ces 
peuples  ,  &  écrit  Pellendones  y  au  lieu  que 
Pline  &  Ptolomée  difent  Pelendones, 

Genio  loci. 

Pellendones, 

Areacon. 

{D.J.) 
PELER  ,  v.  a6ï.  {Gram.)  c'efl  ôter  la 
peau  :  on  pMe  un  fruit  ;  une  étoffe  fe  pelé  ; 
on  pelé  un  arbre ,  une  terre. 

PELERIN ,  f  m.  {Hïfi.  mod.)  perfonne 
qui  voyage  ou  qui  parcourt  les  pays  étran- 
gers ,  pour  vifiter  les  faints  lieux  ,  &  pour 
faire  les  dévotions  aux  rehques  des  Saints. 
Voyei  Relique  ,  Jubilé  ,  &c. 

Ce  mot  efl  formé  du  Flamand  pelegrin  y 
ou  de  l'Italien  pelegrinoy  qui  fignifie  la  mê- 
me chofe ,  &  tous  ces  mots  viennent  ori- 
ginairement du  latin  peregrinusy  étranger  ou 
voyageur. 

On  avoit  autrefois  un  goût  exceffif  pour  les 
pèlerinages ,  fur-tout  vers  le  temps  des  croi- 
fades.  Voye:{  CROISADES  &  CROISÉ. 

Plufieurs  des  principaux  ordres  de  Che- 
valerie étoient  établis  en  faveur  des  pèle- 
rins qui  alloient  à  la  Terre-Sainte  ,  pour 
fe  mettre  à  couvert  des  violences  &  des 


i5t  P  EL 

infultes  des  Sarrafins  &  des  Arabes  ,  Ç^c, 
Tels  éroient  l'ordre  des  chevaliers  du  Tem- 
ple ou  des  Templiers  ,  des  Hofpitaliers ,  des 
chevaliers  de  Malte ,  Ùc.  V.  ORDRE  ,  TEM- 
PLIER ,  Malte  ,  ùc 

PÈLERIN  fe  dit  auiîi  d'un  faucon ,  &  c'en 
cfi  une  elpece. 

PELERINAGE,  {Hifl.  mod.)  voyage 
de  deVotion  mal  entendue  :  les  idées  des 
hommes  ont  bien  changé  fur  le  mérite  des 
pèlerinages.  Nos  rois  &  nos  princes  n'en- 
treprennent plus  des  voyages  d'outre-mer  , 
après  avoir  chargé  la  figure  de  la  croix 
fur  leurs  épaules  ,  &  reçu  de  quelque  prélat 
l'efcarcelle  &  le  bâton  de  pèlerin.  On  efl 
revenu  de  cet  emprefîement  d'aller  vifiter 
àts  lieux  lointains  ,  pour  y  obtenir  du  qicl 
des  fecours  qu'on  peut  bien  mieux  trouver 
chez  foi ,  par  de  bonnes  œuvres  &  une  dévo- 
tion éclairée.  En  un  mot ,  les  courfès  de 
cette  efpece  ne  font  plus  faites  que  pour 
des  coureurs  de  profefllon  ,  àts  gueux ,  qui , 
par  fuperflition  ,  par  oifiveté  ,  ou  par  liber- 
tinage ,  vont  fe  rendre  à  Notre-Dame  de 
Lorette ,  ou  à  S.  Jacques  de  Compoftelle  en 
Galice ,  en  demandant  l'aumône  fur  la  route. 
{D.  J.) 

PÈLERINAGE  DE  LA  MeCQUE  >  (i?f- 
ligion  Mahom.)  Tout  le  monde  fait  que 
les  Mahométans  en  général  fe  croient  obli- 
gés par  leur  Loi ,  de  faire  une  fois  en  leur 
vie  le  pèlerinage  de  la  Mecque  ;  ce  n'eft 
même  qu'une  ancienne  dévotion  qui  fe  pra- 
tiquoit  avant  Mahomet.  Il  eft  certain  que 
ce  lieu  (  le  Kabaa  de  la  Mecque  )  a 
été  vilité  comme  un'temple  confacrç  par  tous 
les  peuples  de  cette  prefqu'ile  Arabique , 
de  temps  immémorial ,  c'ell-à-dire  ,  avant 
Mahammed ,  de  même  qu'après  lui.  Ils  y 
venoient  de  toutes  les  parties  de  l'Arabie  , 
pour  y  faire  leurs  dévotions.  Le  Kabaa 
çtoit  plein  d'idoles  du  foleil ,  de  la  lune  &  des 
autres  planètes.  Les  pierres  même  de  l'édi- 
fice étoient  des  objets  d'idolâtrie  ;  chaque 
tribu  des  Arabes  en  avoit  tiré  une  ,  qu'ils 
portoient  par-tout  où  ils  s'étendoient ,  & 
qu'ils  élevoient  en  quelque  lieu  ,  fe  tour- 
nant vers  elle  en  faifant  leurs  prières  ,  ou 
la  mettant  à  l'endroit  éminent  d'un  ta- 
bernacle qu'ils  dreflbient  d'après  la  figure  du 
JCabaa . 

|1  y  a  beaucoup  d'apparence  qije  Mahant- 


P  E  L 

med  voyant  le  zèle  univerfel  qu'on  avoit 
pour  ce  temple ,  prit  le  parti  de  confacrer 
le  lieu  ,  en  changeant  les  rites  du  péleri~ 
nage  ,  de  même  que  le  but  &  l'objet  :  il 
ne  fe  contenta  pas  de  confirmer  la  tradi- 
tion reçue  ,  que  le  Kabaa  étoic  l'oratoire 
d'Abraham ,  fondé  par  la  diredion  de  Dieu  ; 
il  confirma  déplus  le /'f'/er/zzage,  &  lapro- 
cefEon  autour  de  la  chapelle  ;  &  il  enchérit 
même  fur  tout  ce  qu'on  en  croyoit  déjà  ,  en 
difant  que  Dieu  n'exauce  les  prières  de  per- 
fonne  en  aucun  endroit  de  l'univers ,  que 
quand  elles  font  faites  le  vifage  tourné  vers 
cet  oratoire. 

Les  Mahométans  font  néanmoins  aujour- 
d'hui partagés  fur  fa  néceffité  abfolue  :  les 
Turcs ,  les  petits  Tartares  &  autres  ,  pré- 
tendent que  le  précepte  oblige  tous  ceux  qui 
peuvent  fe  foutenir  avec  un  bâton  ,  &  qui 
ont  feulement  vaillant  une  écuelle  de  bois 
pendue  à  la  ceinture  ;  on  va  même  chez  les 
Chafay  (  une  des  quatres  grandes  (t&.tsi  du 
Mufulmanifme) ,  jufqu'à  enfeigner ,  que  cha- 
cun ell:  obligé  de  faire  le  pèlerinage  y  n'eût-H 
pas  un  fou  vaillant.  Les  Perfans  ,  au  contrai- 
re ,  foutiennent  qu'il  ne  faut  pas  prendre  le 
précepte  à  la  lettre ,  mais  avec  modifica- 
tion ;  &  que  les  Immans ,  qui  font  les  pre- 
miers fucceffeurs  de  Mahammed  ,  ont  décla- 
ré ,  que  l'obligation  du  pèlerinage  n'eft  que 
pour  ceux  qui  font  en  parfaite  fanté  ,  qui  ont 
afTez  de  bien  pour  payer  leurs  dettes ,  pour 
afîurer  la  dot  de  leurs  femmes ,  pour  donner 
à  leurs  familles  la  fubiiftance  d'une  année  , 
pour  laifler  de  quoi  fe  mettre  en  métier 
ou  en  négoce- au  retour  ,  &  pour  empor- 
ter en  même  temps  cinq  cents  écus  en  de- 
niers pour  les  frais  du  voyage  :  qu'enfin  , 
fi  l'on  n'a  pas  ces  moyens-là  ,  on  n'efl 
point  obhgé  au  pèlerinage  ;  que  de  plus , 
fi  on  les  a ,  &  qu'on  n'ait  pas  la  fanté  re- 
quife  ,  il  faut  faire  \t  pèlerinage  par  procura- 
tion. //  efl  avec  le  ciel  des  accçmmoder^ 
mens...  (D.  J.) 

PELERINE,  adj.  (Divin.)  nom  que 
les  Aftrologues  donnent  à  une  planète ,  lorf- 
qu'elle  fe  trouve  dans  un  figne  où  elle  n'a 
point  une  de  Ces  dignités  cirentielles ,  ÇfÇf 
Voyei  Dignité.  [G) 

PÈLERINE  ,  terme  de  marchandes  de 
modes;  c'eft  un  petit  ajuftement  ancien  ,  qui 
étoit  fait  de  chenille ,  de  gafe  ,  çle  taffetas  , 

ou 


P  E  L 

ou  de  /atin  ,  de  toure  couleur.  Les  fem- 
mes s'en  fervoienc  pour  couvrir  leur  cou 
ôc  leur  poitrine ,  &c  il  ne  dcbordoic  poiiit 
tout  autour  fur  leurs  habillemens  j  cela 
s'attachoit  par-devant  avec  de  petits  rubans 
de  foie. 

PELETHRONIUM  ,  (  Géogr,  anc.  ) 
I**.  Montagne  de  la  Theflàlie  ,  au  voifinage 
du  mont  Pélion.  Lucain  Pharfal  ,  Itb.  iv , 
y.  ^56',  parle  des  cavernes  de  cette  mon- 
tagne dans  ces  vers  : 

ïllic  femiferos  Ixionidas  centauros 
Fat  a  Phaletroniis  nubes  effudit  in. 
antris. 

1°.  Pelethrcnium  eft  auflî  une  ville  de 
Thelfalie  ,  fur  la  montagne  de  même  nom. 

PELIAS  ,  (  Géogr.  anc.  )  île  fur  la  cote 
de  Sicile  ,  aux  environs  du  promontoire 
Drepanum.  Il  eft  vraifemblable  que  c'eft 
celle  qu^on  ncmme  préfentement  Colomba- 
ra  ,  vis-à-vis  de  Trapani ,  &  près  de  la  côte. 
iD.J.) 

PELICAN  ,  fub.  m.  Onocrotale  , 
Grand  gosier  ,  Goettreuse  ,  Liva- 
NE  ,  onocrotalus  ,  five  pelicanus  ,  Aid. 
Fi.  X  ,  fig.  4  ,  oifeau  aquatique  de  la 
grandeur  du  cygne.  M.  Perrault,  de  l'aca- 
démie des  fciences  ,  a  donné  la  defcription 
de  deux  pélicans  morts  à  la  ménagerie  de 
Verfailles.  Ces  deux  oifeaux  différoient  par 
la  couleur  j  l'un  étoit  en  entier  d'un  blanc 
mêlé  d'un  peu  de  rouge  ,  ou  couleur  de 
chair  ,  à  l'exception  des  petites  plumes  du 
bord  fupérieur  de  l'aile  ,  &  des  premières 
grandes  plumes  extérieures ,  qui  avoient  du 
noir  &  du  gris  brun.  L'autre  pélican  étoit 
d'une  couleur  de  chair  plus  foncée  ,  &  les 
plumes  du  bord  fupérieur  de  l'aile  n'avoient 
point  de  noir.  Les  plumes  du  cou  étoient 
très-courtes  &;  fembbbles  à  du  duvet  ;  celles 
du  derrière  de  la  tête  avoient  un  peu  plus 
de  longueur  que  celles  du  cou.  La  pièce 
fupérieure  du  bec  étoit  plate  ,  &  prefquc 
de  la  même  largeur  dans  toute  fa  longueur, 
&  terminée  par  une  forte  d'ongle  crochu  , 
creux  par-defiôus  &  d'un  rouge  très-vif; 
les  côtés  du  bec  ,  au  lieu  d'être  dentelés 
comme  ceux  du  cygne  ,  étoient  tranchans  ; 
le  defïous  du  bec  avoir  une  couleur  grife 
pâle  j  le  milieu  étoit  bruii  &  les  bords 
Tome  XXV. 


PEL  153 

avoient  un  peu  de  rouge  mêlé  de  jaune. 
U  y  avoit  fous  la  pièce  inférieure  du  bec 
une  poche  compofée  de  deux  peaux  .  l'une 
intérieure  &  l'autre  extérieure  ;  celle .-  ci 
n'étoit  autre  cliofe  que  la  peau  du  cou  , 
qui  s^étendoit  le  long  de  la  pièce  i:  .fi rie ure 
du  bec  ;  cette  peau  ,  en  fe  dilatant ,  for- 
moit  un  grand  fac  ,  &  elle  avoir  beaucoup 
de  petites  rides  qui  relîembloient  à  du  duvet. 
Ces  deux  pélicans  n'avoient  à  chaque  pié 
que  quatre  doigts ,  tous  unis  enfemble  par 
une  membrane.  La  longueur  de  ces  oifeaux 
étoit  de  cinq  pies  ,  depuis  la-pointe  du  bec 
julqu'au  bout  des  ongles,  &  ils  avoient 
onze  pies  d'envergeure  :  la  longueur  du  bec 
étoit  d'un  pié  deux  pouces.  Le  pélican 
palïè  pour  avoir  les  plus  grandes  ailes ,  èc 
pour  voler  plus  haut  que  tous  les  autres 
oifeaux  :  il  le  nourrit  de  poiflôns  ;  il  en 
remplit  fa  poche ,  enfuite  il  fe  retire  fur 
quelque  montagne.  Mémoire  pour  fervir  à 
l'Hiftoire  naturelk  des  animaux ,  par  M. 
Perrault ,  tome  III ,  troijîeme  partie.  Voy. 
Oiseau. 

P4ucAN  ,  inftrument  de  chirurgie  dont 
orÉHJlirt  pour  arracher  les  dents.  La  for- 
meordinaire  de  cet  inftrument  eft  très- 
défe6tueu(ê  ;  notre  objet  n'étant  point  de 
faire  lenumération  des  inconvéniens  qui 
s'y  trouvent  ,  nous  allons  nous  borner  à 
la  defcription  exade  de  la  forme  qui  paroîr 
la  plus  avanrageufe.  On  peut  divifer  cet 
inftrument  en  quatre  parties  ,  qui  font  le 
corps  ,  le  manche  &  ce  qui  en  dépend  , 
le  pivot  &  la  branche.  Voye-j^la figure  ^  , 
PI.  XXV. 

Le  corps  eft  d'acier  ;  c'eft  une  canule 
à  jour  d'un  pouce  dix  lignes  de  longueur  , 
&  qui  a  plus  de  cinq  lignes  de  diamètre. 
Les  cô':és  de  cette  canule ,  ou  efpece  de 
niche,  font  deux  lam.es  d'acier,  planes  en 
dedans ,  légèrement  arrondies  en  dehors  , 
&:  qui  ont  une  ligne  d'épaiffeur. 

De  l'extrémité  antérieure  de  cette  ca- 
nule s'élève  une  tige  ,  qui  a  un  pouce  de 
long  &  trois  lignes  de  diamètre.  La  tige 
eft  fendue  par  fon  extrémité  ;  ce  qui  laiiîè 
deux  avances  ,  une  fupérieure  &  Pauirc 
inférieure  ,  lefquelles  font  percées  par  un 
trou ,  pour  contenir  une  demi- roue  ronde- 
La  face  antérieure  de  cette  demi-roue 
n'cft  point  circulaire  ,  comme  on  a  coutu- 

V 


154  P  E  L 

me  de  la  fabriquer  aux  pélicans  ordinai- 
res j  la  convexité  de  la  roue  regarde  la 
canule  ,  &  la  fece  antérieure  eft  une  cavité 
femi-lunaire  fuperficielle  :  elle  doit  repré- 
fenter  im  arc  ,  dont  la  corde  livrée  d'une 
corne  à  Tautre  ,  auroit  neuf  lignes  de  lon- 
gueur. L'épaiflèur  de  cette  demi-roue  eft  de 
deux  lignes  deux  tiers  :  il  y  a  un  trou  dans  le 
milieu  de  l'épailTeur  de  la  roue;  de  forte 
que  cette  dernière  s'ajuftant  entre  les  avan- 
ces de  la  tige  ,  elle  y  eft  arrêtée  par  un  clou 
à  rivure  perdue  ;  ce  qui  donne  un  petit 
mouvement  de  charnière  à  cette  pièce 
ajoutée. 

L'extrémité  poftérieure  de  la  canule  eft 
une  efpece  de  mitte  qui  porte  furie  man- 
che ,  &  qui  eft  percée-  dans  fbn  milieu  pour 
laifler  pafler  la  foie  d'une  vis. 

Le  manche  eft  compofé  de  deux  pièces  , 
donc  la  première  eft  une  double  vis ,  c'êft- 
à-dire,  quir  a  deux  pas  ou  deux  filets  ;  fa 
matière  eft  d'acier  ,  &  fa  longueur  eft  d'un 
pouce  fept  lignes  fur  deux  lignes  ,  de  dia- 
mètre ;  elle  a  une  foie  qui  a  environ  feize 
lignes  de  longueur  ,  &  qui  eft  qjindri- 
que  Tefpace  de  deux  lignes,  afin  4Éi|É|br- 
ner  facilement  dans  le  trou  que  nous  avons 
fait  obferver  dans  la  mitte  de  la  canule  :  le 
lefte  de  la  foie  eft  quatre  ,  pour  tenir  avec 
plus  de  fermeté  dans  le  manche. 

Il  efteftentiel  d'obferver  ici  ,  que  la  vis 
occupe  le  dedans  de  la  canule  ,  &c  qu'elle 
y  tient  par  une  méchanique  toute  iîngu- 
liere  ;  car  la  mitte  de  la  vis  étant  arrêtée 
par  la  furface  antérieure  de  la  mitte  de  la 
canule ,  elle  y  eft  tellement  engagée  ,  qu'elle 
n'en  peut  fortir  ;  &  fon  extrémité  anté- 
rieure,  taillée  comme  un  pivot  ,  roule  dans 
une  petite  cavité  gravée  à  l'extrémité  anté- 
rieure de  la  canule. 

La  féconde  pièce  du  manche  eft  d:'iv.oi- 
le  i  fa  figure  eft  celle  d'une  petite  poire  , 
&  fa  longueur  eft  d'un  pouce  ,  fur  dix 
lignes  de  diamètre  dans  l'endroit  le  plus 
krge.  Il  eft  percé  dans  le  milieu  de  fa  lon- 
gueur ,  pour  laiflèr  pafler  la  foie  quarrée  de 
la  vis  5  qui  eft  rivée  à  fa  patrie  poftérieure 
iur  une  rofette  d'argent  aflèz  folide. 

Le  vrai  pivot  qui  fè  rencontre  dans  la 
machine  eft  mobile  ;  &  c'eft  lui  qui  avance 
ou  retire  la  branche ,  par  un  méchanifme 
jiiduûrieux»  Sa  bafe  eft  une  efpece  de  gié- 


P  E  L 

'  deftnl  exactement  quatre  ,  &  dont  chaque 
furface  a  trois  lignes  de  largeur  ,  &  autant 
de  hauteur. 

Ce  piédeftal  eft  comme  (budé  fur  un 
rouleau  ,  aufïl  d'acier  ,  avec  lequel  il  iàit 
corps  y  &c  qui  fert  comme  de  borne  au 
pivot  5  en  gliflant  fur  la  furface  inférieure 
de  la  canule.  Il  eft  encore  percé  en  écrou  , 
pour  donner  pafl'age  à  la  vis  doot  nous 
avons  parlé  :  de  forte  qu'en  tournant  le 
manche  de  gauche  à  droite  >  ce  piédeftal 
s'approche  du  manche  :  au  contraire ,  quand, 
on  tourne  le  manche  de  droite  à  gauche  ,  it 
s'en  éloigne ,  &c  s'approche  de  la  partie_an- 
térieure  de  la  canule  ;ce  q^ui  donije  de  grands, 
avantages  à  la  machine. 

Il  s'élève  de  la  partie  fupérieure  du  pié- 
deftal une  tige  de  la  hauteur  de  fept  lignes, 
&  de  deux  lignes  &c  demie  de  diamètre  :• 
elle  eft  cxadlement  cylindrique  Tefpace  de 
près  de  trois  lignes  j  ôc  c'eft  cette  partie 
qui  eft  le  pivot  autour  duquel  la  branche 
tourne  :  le  refte  de  la  tige  eft  une  vis  fîmple-,, 
c'eft-à-dire  ,  qu'elle  n'a  qu'un  filet. 

La  branche  eft  un  crochet  d'acier  ,  dont- 
le  corps  a  environ  trois  pouces  de  longueur-; 
elle  eft  plate  du  côté  qu'elle  doit  toucher. 
la  canule  >  arrondie  de  L'autre  ,  &  percée- 
par  un  trou ,  afin  de  loger  la  tige  cylin- 
drique ou  le  pivot  autour  duquel  elle  tour-- 
ne^  Cette  branche  eft  tenue  ferme  dans, 
cet  endroit  ,  par  Iç  moyen  d'un  écrou  en 
forme  de  rofette  ,  qui  s'engage  dans  les 
pas  de  la  vis  iimple  que  j'ai  décrite  à  la  tige. 
Cette  branche  eft  ordinairement  djoite  , 
&  la  force  du  léyier  en  eft\plus  grande  j, 
il  eft  néanmoins, à  propos  d'avoir  des  bran-- 
ches  coudées  pour  l'extr-aâiion  des  dernie- 
r^es  dents ,  &  même  d'en  avoir  deux  dif- 
féremment contournées  ,  pour  s'en  fervir 
aux  deux  côtés,  de  la  mâchoire.  L'extré^. 
mité  antérieure  de  ces  branches  eft  un  cro>- 
chet  d'environ  cinq  lignes  ,  terminé  par 
deux  petites  dents  garnies  en  dedans  d'iné- 
galités tranfverfales  pour-mieux  s'appliquer 
contre  la  dent  qu'on  veut  arracher:  il  faut 
que  ce  crochet  foit  bien  trempé. 

Cet  inftru  ment  eft  un  des  meilleurs  dont 
on  puiflè  Ce  fervir  pour  l'extradlion  des 
dents.  On  le  prend  avec  la  main  droite  , 
fi  la  dent  qu'on  veut  arracher  eft  à  droite  >. 
&.  de  la  main  gauche  ,  fi  la  dent  eft  à  gaur. 


PEL 

the.  On  tourne  le  manche  pour  avan- 
cer la  branche  plus  ou  moins ,  fuivant  que 
la  dent  eft  plus  ou  moins  dans  le  fond  de 
la  bouche.  On  fait  afleoir  le  malade  par 
terre  ou  fur  un  couHîn ,  ôc  dans  un  en- 
droit où  le  -jour  éclaire  bien.  Le  chirur- 
gien derrière  le  malade  ,  lui  fait  appuyer 
la  partie  poftérieure  de  la  tête  fur  fes  cuif- 
fas  ,  qui  font  un  peu  approchées  Tune  de 
Tautrc  :  puis  le  malade  ayant  la  bouche 
ouverte  ,  le  chirurgien  porte  le  crochet  de 
Tinftrument  contre  la  dent  qu'il  veut  arra- 
cher ,  du  côté  qui  regarde  la  langue,  ob- 
fervant  d'avancer  les  dents  du  crochet  en- 
tre la  gencive  &  la  dent ,  autant  qu'il  eft 
polTible  ;  ce  qui  fe  fait  facilement.  Lorf- 
que  la  couronne  eft  ufée  par  la  carie ,  où 
qu'elle  a  été  caflée  par  les  tentatives  qu'on 
a  faites  pour  arracher  la  dent  ,  on  doit 
^voir  la  précaution  de  féparer  la  gencive 
du  collet  de  la  dent  ;  ce  qui  s'appelle  dé- 
chavjfer.  Voyez  Dechaussoir. 

Le  crochet  ainfi  pofé  ,  le  chirurgien 
doit  tenir  le  pélican  de  manière  qu'il  em- 
brafle  fon  manche  &  prefque  toute  la  ca- 
nule avec  les  quatre  doigts  ;  le  pan  doit 
être  appuyé  fur  la  branche ,  en  s^'alongeant 
prefque  fur  la  tête  du  crochet.  On  appro- 
che alors  la  cavité  femi-lunaire  de  la  demi- 
roue  ,  fur  les  deux  dents  voifines  de  celle 
qu'on  veut  arracher  :  on  peut  garnir  la  roue 
avec  le  coin  d'un  mouchoir  où  d'une  fèr- 
victte  fine. 

L'inftrument  en  place ,  comme  on  vient 
de  le  dire ,  il  ne  s'agit  plus  que  de  donner 
le  tour  de  main  pour  arracher  la  dent.  Ce 
tour  de  main  confifte  à  tirer  l'inftrument 
en  dehors  ,  en  foulageant  autant  qu'on 
peut  la  demi-roue  qui  appuie  fur  les  dents 
faines  ,  &  fort  près  de  la  gencive.  On  ob- 
ferve  que  les  dents  du  crochet  portent 
feulement  fur  la  dent  qu'on  arrache  ,  & 
on  culbute  la  dent ,  en  faifant  que  l'inftru- 
ment décrive  une  hgne  oblique  avec  la 
dent ,  en  élevant  un  peu  le  poignet ,  fi  c'eft 
à  la  mâchoire  inférieure ,  &  en  l'abaiftànt  , 
fi  c'eft  à  la  rnâchoire  fupérieure.  Si  l'on 
tiroit  horizontalement ,  on  n'arracheroit  pas 
la  dent  d'un  feul  coup  fans  éclater  beau- 
coup la  mâchoire  ;  dans  ce  cas  y  quand  on 
s'eft  apperçuquela  dent  s'eft  un  peu  penchée 
en  dehors ,  il  ne  faut  pas  faire  d'efforts  avec 


le  pélican  :  on  peut  achever  de  tirer  la  dent 
avec  les  doigts  ,  on  avec  un  davier. 

On  pince  enfuite  la  gencive  avec  deux 
doigts ,  pour  refterrer  l'alvéole  ,  &  on  fait 
gargarifer  [la  bouche  avec  de  l'eau  tiède  & 
un  peu  de  vinaigre.  {Y) 

PÉLICAN  ,  (  Chimie.  )  vaiflèau  de  verre  \ 
qui  fervoit  autrefois ,  en  chimie  ,  pour  les 
digertions  &  pour  les  circulations  des  li- 
queurs :  on  les  y  faifoit  entrer  par  un  bec 
ou  cou  étroit  ,  qu'on  bouchoit  enfuite  her- 
métiquement ;  la  figure  du  vai fléau  étoit  di- 
verfifiée ,  tantôt  ronde ,  tantôt  longue.  Or\. 
emploie  maintenant  en  fa  place  les  vaifleaux 
de  rencontre ,  qui  font  deux  matras ,  dont 
le  cou  de  l'un  entre  dans  celui  de  l'autre. 
(i>.7.) 

PÉLICAN  ,  (  Artillerie  )  On  a  donné 
ce  nom  à  une  pièce  d'artillerie  ,  qui  eft 
un  quart  de  coulcvrine  ,  portant  fix  livres 
de  boulet. 

PÉLICAN  ,  1.  m.  (  termt  de  btafon  ,  ) 
oifeau  qui  paroît  de  profil  fur  fon  aite  , 
les  ailes  étendues  comme  s'il  prenoit  l'effor  ^ 
fe  becquetant  la  poitrine  pour  nourrir  fes 
petits ,  au  nombre  de  trois. 

Les  gouttes  de  fang  qui  (emblent  (brtir 
de  fa  poitrine  ,  quand  elles  font  d'un  autre 
émail  que  l'oileau  ,  font  nommées  fa  piété. 

Le  pélican  eft  le  fymbole  de  la  tendrelîc 
des  pères  &  mères  pour  leurs  enfans ,  & 
de  l'amour  du  prince  pour  fes  peuples. 

Vivefay  de  la  Salle,  à  Ponteau- de- 
Mer  ,  en  Normandie  j  d'a:^ur  au  pélican 
d'or.^i  G,  D.  L.  T.  ) 

PÉLÏGNES  ,  LES  (  Géogr.  anc.  )  peu- 
ples d'Italie»  Strabon ,  lib.  v  ,  dit  que  le 
Sa^rus  les  féparoit  des  Maruccini.  Ils  eu- 
rent la  gloire  d'avoir  Ovide  pour  compa- 
triote ,  comme  il  le  dit  lui-même  ,  amort 
Eleg.  xr  ,  lib.  iij. 

Mantua  Virgilio  gaudet ,  Verona  Catulto  , 
Pelignae   dicar  gloria  gentis  ego, 

C'étoit  un  peuple  du  pays  Latin  ,  voi- 
fin  des  Marfes ,  dans  la  quatrième  région 
d'Italie  ,  &;  dont  la  capitale  étoit  Sulmo , 
patrie  d'Ovide  ,  aujourd'hui  Sul-Emona. 

Les  Pélignes  ,  autrefois  compris  fous 
le  nom  de  Samnites  ,  habitoient  donc 
dans  la  contrée  de  l'Italie  ,  qui  fait  au- 
V  i 


15^  P  E  L 

jourd'hui  partie  de  PAbru^e  méridiona- 
le ,  au  royaume  de  Naples  ,  du  coté  de 
la  ville  de  Salmona  ,  entre  la  Pefcara  & 
le  Sangre. 

PÉLING  ,  f.  m.  (  Comm.  de  la  Chine.  ) 
^tofFe  de  foie  qui  Te  fabrique  à  la  Chine. 
Il  y  en  a  de  blanche  j  de  couleur  ,  d'unie  , 
d'ouvrée  ,  de  fimple  ,  de  demi-double  & 
de  triple.  Entre  un  grand  nombre  d'*étof- 
fes  qui  fê  font  à  la  Chine  ,  la  plupart  de 
celles  que  les  Hollandois  apportent  en  Eu- 
rope ,  font  dtspélings  ,  parce  qu'ils  y  trou- 
vent un  plus  grand  profit.  Les  pélings  en- 
trent au  (H  dans  les  aflôrtimens  pour  le  né- 
goce du  Japon. 

PÉLION  ,  (  Geogr.  anc.)  i°.  Felîuson 
Pelios  ,  montagne  de  la  Theflalie  ,  dans  la 
partie  orientale  de  la  Magnéiîe.  Elle  s'éten- 
doit  le  long  de  la  péninfule  qui  formoit 
le  golfe  Pélafgique.  Dicéarque  ,  qui  eut  la 
commiiîion  de  mefurer  les  montagnes  de 
la  Grèce  ,  eftime  que  le  Pélion  eft  la  plus 
haute  de  toutes.  Il  lui  donne  dix  ftades  de 
hauteur  ;  Pline  dit  iijo  pas  ,  ce  qui  eft  la 
même  chofe  ,  c'çft- à-dire  ,  un  tiers  de  mille 
d'Allemagne. 

Les  Poètes  ont  feint  que  le  mont  Pé- 
lion  fut  mis  fur  le  mont  OlTa  parles  Géans> 
lorfqu'ils  voulurent  efcalader  le' ciel  \  c'eft 
ce  que  décrit  Virgile  dans  ces  vers  des  géor- 
giques  ,  Vb.  I ,  v.  %Si . 

Ter  funt  conati  imponere  Pelio   Ojfam  , 
Scilicet  5    atque    Ojfœ   frondofum  mvol- 
vere  Olympum. 

£t  Horace,  lib.  III y  Od.  ir. 

Fratrefque  tendentes  cpaco 

Pelion  impofuîjfe  Olympo., 

Ondifoit  q^ue  lesGéans,  aulïi-bien  que 
les  Centaures ,  avoient  leur  demeure  dans 
cette  montagne.  Son  nom  moderne  eft  Pe~ 
iras  ,  félon  Tzetzès  ^  Chiliad.  G  ,n.^. 

2°.  Pelion  ,  Pelium  ou  Pellium  ,  eft  une 
ville  des  Daflaretes  ,  dont  Tire-Live  , 
Ub.  XXX  ,  c.  xi,  dit  qu'elle  étoit  avanta- 
geufement  fituée  pour  faire,  des  courfe.s  dans 
j^  Macédoine.  (  D.  J.  ). 

PELISSE  ,  f.  f .  (  terme  de  Fourreur.  ) 
On.  appelle  pdi^zs  des.  rohei  de  chambre 


P  E  L 

fourrées,  faites  à-peu-près  comme  tes  v'e(^ 
tes  de  deflhs  que  portent  les  Turcs.  Oa 
nomme  peljfons  des  efpeces  de  jupons  de 
fourrures ,  dont  les  femmes  fe  fervent  pour 
les  garantir  du   froid. 

Pelisse  ,  (  terme  de  marchandes  de  mo- 
des ;  )  c'eft  un  grand  mantelet ,  qui  eft  fait 
comme  les  mantelets  ordinaires  qui  fert  aux 
mêmes  ufageis  j  mais  qtii  eft  beaucoup  plus 
long  ,  &  qui  defcend  aux  femmes  jufqu  a 
la  moitié  du  corps.  Les  deux  devants  font 
coupés  &  entaillés  en  long ,.  pour  pafîer  les 
bras.  Cet  ajuftement  eft  fait  des  mêmes 
étoffes  que  les  mantelets  ordinaires  j  ils  font 
aulTi  garnis  de  dentelle  ou;  d'hermine ,  & 
ont  un  cabochon. 

Il  y  a  auiTi  des  dcmi-pelijjes  qui  ne  font: 
pas  tout-à-fait  û.  longues  ,  mais  qui  font 
faites  de  même.. 

PELKIS  ,  (  Géogr.  mod.  )  M.  le  comte 
de  Mariigli  écrit  ainfi  ,  &  M.  de  Lille 
Belckis  j  bourg  de  la  Hongrie ,  &;  près  du 
Danube  ,  au  deflbus  de  Salankemen  ,  &:au 
deftiis  de  Belgrade.  Ce  bourg  eft  connu 
par  la  victoire  que  le  prince  Eugène  de 
Savoie  y  remporta  fur  les  Turcs,  en  165)7;. 
{D.J.) 

PELLA  ,  (  Gêogr.  anc.  )  1°.  ville  de 
delà  le  Jourdain.  Pline  Ub.  V ,  c.  xviij  , 
la  met  dans  la  Décapole,  &  la  loue  pour 
fes  belles  eaux.  Elle  étoit  du  royaume' 
d'Agrippa  ,  entre  Jabès  &  Gerafa.  Elle; 
devint  dans  la  fuite  des  temps  une  des  Epif-- 
copales  de  la  féconde  Paleftine. 

2°.  Pella  ,  ville  de  la  Theflàlic  y  feloft 
Etienne  le  géographe  ,  qui  en  met  une 
autre  dans  PAchaïe  ,  &  une  troillemedans. 
l'Ethiopie. 

3'*.  Pella..  La  plus  fameufo  des  villes  de^ 
ce  nom ,  eft  celle  de  la  Macédoine  ,  qui 
devint  capitale  de  ce  royaume  ,  après  que 
celle  d'Edeflè  eut  ceflé  de  l'être.  Pella  étoit 
fituée  à  rio  ftades  de  la  mer,  aux  con- 
fins de  l-'Emathie  :  Tite-Live,  /.  XL IV  y. 
c.  ult.  en  décrit  fort  exadbement  la  fitua- 
tion.  Elle  eft  ,  dit-il  f.  fur  une  élévation  en- 
tourée de  marais  ,  &  défendue  par  une: 
fortercffe  ;  enforte  que ,  pour  l'aiTiéger  ,  oiii 
ne  trouvoit  d'accès  d'aucun  côté.  On  ne: 
pouvôit  y  entrer  ni  en  fortir  ,  que.  par  urt 
leul  pont ,  qu'il  étoit  aifé  de  garder  avec; 
très-geu  de  monde  La  livierc  qui  couloit 


P  EL 

entre  la  ville  &  la  foruerefTe ,  fe  nommoit 
Lydias. 

Le  même  Hillorien  ,  Ub.  zi  ,  c.  xUj , 
nomme  Pella ,  vêtus  Regia  Macedonum  , 
parce  qu'elle  avoit  toujours  été  la  demeure- 
des  rois  de  Macédoine  depuis  Philippe  , 
filsd'Amyntasoufqu'à  Perfée.  Pline, //i-.  IV, 
cap.  X  ,  lui  donne  le  titre  de  Cofonie  Ro- 
maine; ôc  en  effet ,  nous  avons  une  médail- 
le d'Augufte  où  elle  porte  ce  même  titre. 
On  y  lit  cette  infcription  :  Col.  lui.  Aug. 
Pdle.  c'eil-à-dire  ,  colonia  Julia  Augufia 
Telia.  Dans  la  fuite  ,  elle  déchut  beaucoup 
de  fa  première  fplendeur  ,  puifque  Lucien 
rapporte  ,  que  de  Ton  temps  fes  habitans 
étoient  pauvres ,  &  en  petit  nombre.  Pré- 
fèntement  on  nomme  ce  lieu  Palatijia  , 
comime  qui  diroit  \ts  petits  palah. 

Mais  elle  fera  toujours  célèbre  dans 
Thiftoire,  par  la  nailTance  de  Philippe,  vain- 
queur de  la  Grèce,  &  d'Alexandre  ion  fils , 
vainqueur  de  l'Afie  :  ////  Pelloeo  qui  domuit 
Porum.  A  beaucoup  d'efprit,  &  à  de  gran- 
des qualités ,  Philippe  joignoit  des  foibles  , 
des  vices  honteux  ,  &  de  grands  défauts. 
Jaloux  du  méritegie  fes  Généraux ,  il  affec- 
toitde  les  mortifier,  quand  ils  fe  lignaloient 
par  de  belles  adions.  Arcadion  avoit  conçu 
contre  lui  tant  de  haine  que  pour  ne  le 
point  voir  ,  il  s'étoit  exilé  volontairement. 
Un  jour  Philippe  l'ayant  rencontré  à  Del- 
phes :  "  Jufqu'à  quand  ,  lui  dit-il  ,  av^z- 
»  vous  réfolu  de  courir  le  monde?»  Arcadion 
lui  répondit  par  une  parodie  d'un  vers 
d'Homère  :  "  Jufqu'à  ce  que  j'ai  trou- 
»>  vé  un  lieu  où  l'on  ne  connoUlè  point 
»  Philippe.  "  Le  vers  d'Homère  eft , 

v>  Jufqu'à  ce  que  vous  foyez  arrivé  chez  des 
w  peuples  qui  ne  connoifTent  point  la  mer. 
Cette  faillie  naïve  &  plailanre  ,  à  laquelle 
le  prince  ne  s'attendoit  point  ,  le  fit  rire  : 
il  invita  Arcadion  à  foupcr ,  &:  depuis  ils 
furent  toujours  amis. 

Un  jour  une  femme  s'avifa  de  lui  deman- 
der juftice ,  lorfqu'il  fortoir  d'un  repas  ;  il  la 
Xugea,&  la  condamna.  Elle  répondit  de  fens- 
froidî  J'en  appelle.  Comment,  dit  Philippe, 
de  votre  roi  ?  &  à  qui  ?  A  Philippe,  à 
ieuii  ,  repliqua-t-elle.  La  manière  dont  il 
leçut  cette  réponfe  ferait  hoimeur  au  toi , 


P  EL  157 

le  plus  fobre.  Il  examina  l'affaire  de  nou- 
veau ,  reconnut  l'injuftice  de fon  jugement, 
&  fe  condamna  à  le  réparer. 

Il  faut  mettre  entre  fes  foibles  fa  fênfî- 
bilité  pour  l'adulation  j  il  ne  fut  jamais  s^n 
garantir  :  il  récompenfa  d'un  royaume  les 
flatteries  de  Thraddée.  Théopompe  avoic 
écrit  l'hiftoire  de  ce  Prince ,  dont  il  ne  nous 
refre  que  quelques  fragmens.  On  fait  qu'a- 
près un  règne  de  vingt-quatre  ans,  il  fut 
adaffiné  par  Paufanias ,  au  milieu  de  deux 
Alexandres  ,  l'un  fon  gendre ,  &  l*autrefon 
fils. 

Celui-ci  découvrit ,  dès  fa  première  jeu- 
neffe ,  tout  ce  qu'il  feroit  un  jour.  Parvenu 
au  trône  de  fes  ancêtres  à  l'âge  de  dix-huit 
à  vingt  ans  ,  il  détrompa  les  gens  qui  ne  le 
connoiflbientpas ,  &  Démoflhene  même  , 
qui  le  traitoit  d'enfant.  Cet  enfant  lui  ré- 
pondit, :  "  J'ai  atteint  Tadolefcence  dans 
»  mon  pafTage  par  la  Tl>elîàlie  ,  d'où  je 
»  me  propote  en  peu  de  jours  d'arriver 
»  homme  fait  devant  les  murailles  d'Athc- 
"  nés.  »  Ce  fut  bien  autre  chofe  dans  la 
fuite  ,  quand  ,  au  milieu  de  fès  conquêtes 
rapides  ,  il  conftruifît  Alexandrie  &  Scan- 
deron ,  rétablit  Samaïkande ,  bâtit  des  villes 
jufques  dans  les  Indes  ,  établit  des  colonies 
au-delà  de  l'Oxus  ,  envoya  dans  la  Grèce 
les  obfervations  de  Babylone,  &;  changea 
le  commerce  de  l'Afie  ,  de  l'Europe  &  de 
l'Afrique,  dont  Alexandrie  devint  le  ma- 
gafin   général.   (  Le   Chevalier  de    Jau- 

COURT.) 

PELLACONTA,  {Géog.anc.)  fleuve 
de  la  Méfopotamie  ;  félon  Pline ,  lib.  VJ^ 
cap.  xxvj  ,  ce  fleuve  fe  jetoit  dans  l'Eu- 
phrate  ,  prefque  cinq  cents  flades  au  defTus 
de  Séleucie. 

PELLACOPAS,  {Géog.  anc.)  c'étoit 
un  des  lits  de  l'Euphrate ,  ou  un  caaat 
creufé  de  mains  d'homme ,  &  qui  n'avoit 
point  de  fource.  Arrien  ,  de  exped.  Alex^ 
Ub.  VII y  n°.  22  ,  en  donne  une  ample 
defcriprion. 

PELLŒtUS  ,Pagus  ,  (  Géog.  anc.  )  Alé-^ 
xandre  ,  félon  Pline, //3.  VI,  cap.  xxvi/„ 
donna  ce  nom  au  canton  ou  étoit  fîtuée 
la  ville  d'Alexandrie ,  qu'il  bâtit  à  l'embou- 
chure du  Tigre  ,  &  qui  fut  depuis  nomme 
Chara:ir,  (  D.  J.  ) 

PELLAGEi  f-  m^iTuriJ^rud..)^  tO.  un 


^15»  PEL 

droit  iîngulîer ,  appartenant  aux  feigiieurs 
•qui  ont  des  terres  de  ports  le  long  de  la 
Seine  ,  dans  les  bailliages  de  Mante  &  de 
Meulan;  il  confifte  à  percevoir  quelques 
deniers  fur  chaque  muid  de  vin  chargé  ou 
déchargé  en  leurs  ports.  Voye^^  le  Gloilaire 
du  droit  François ,  au  mot  pellage ,  &  ci- 
devant  le  mot  Pall  AGE.  {A) 

PELLANE  (  Géog.  anc.  )  PeUana  , 
ville  de  la  Laconie.  Paufanias  ,  lib.  III , 
cap.  xxj,  dit  qu'il  y  avoit  deux  chofes  re- 
marquables dans  cette  ville;  fa  voir  ,  le  tem- 
ple d'Efculape  ,  &  la  fontaine  Pellana.  On 
rapporte ,  ajoute-t-il,  qu'une  fille  étant  allée 
pour  y  puifer  de  l'eau  ,  &  y  étant  tombée , 
on  trouva  fon  voile  dans  une  autre  fontaine 
appellée  Lancea. 

PELLE  ,  f.  f.  {Injir.  d'ouvriers^  c'eft  un 
inftrument  de  bois  ,  propre  à  divers  arti- 
fans  &  ouvriers.  Celle  qui  fert  aux  bou- 
langers &c  pâtiiïiers,  pour  enfourner  leur 
pain  &  pâtifleries ,  a  le  manche  plat  &  très- 
long  ,  afin  de  pouvoir  atteindre  au  fond  du 
four.  Sa  palette,  qu'on  nomme  auÇiÀpeiiaire, 
cft  large  ou  étroite  ,  fuivant  les  pièces  de 
four  ,  ou  les  pains  qu'on  y  veut  placer  ; 
mais  toujours  très-mince  &c  très-plate ,  afin 
qu'ils  puiiTent  couler  fur  l'âtre  avec  plus  de 
facilité.  Les  pelles  les  plus  étroites  des  pâ- 
tifliers  &  des  Boulangers ,  fe  i-iomment  des 
pellerons. 

La  pelle  des  maçons ,  paveurs ,  jardiniers 
&  autres  tels  artifans  &  manouvricrs ,  a  le 
manche  rond  ôc  la  palette  un  peu  creufée 
en  dedans  ,  Ôc  eft  convexe  en  dehors  pour 
la  facilité  du  fervice. 

La  pelle  des  Gagne-deniers  mefureurs  de 
charbon ,  que  delà  on  nomme  Garçons  de 
la  pelle  ,  a  la  palette  très-large  &  prefque 
quarrée  ;  le  manche  ,  qui  eft  rond  &c  allez 
court ,  n'y  eft  pas  attaché  tout  droit  comme 
aux  autres  pelles ,  mais  forme  avec  elle  une 
efpece  d'angle  irrégulier  ;  le  manche  par  le 
bout  &  la  palette  tout-autour  font  ferrés. 
Savary.  (  D.  7.  ) 

Pelle,  (  Ujlenfile  de  ménage  ;  )  cet 
uftenfile  de  ménage  fait  partie  de  ce  qu'on 
appelle  \tfeu  d'une  cheminée?  elle  eft  de 
fer  ,  en  forme  de  palette  quarrée  ,  plus  ou 
moins  large  ,  fuivanc  l'ufage ,  avec  un  long 
manche  ,  aufïî  de  fer  ,  pour  la  tenir. 

Quand  les  feux  qui  fervent  dans  les  che- 


PEL 

rtiînées  des  plus  beaux  appartemefts  ont 
des  ornemens  d'argent  ou  de  cuivre  doré  , 
la  pelle  a  aufïî  le  fien  de  l'un  ou  de  l'au- 
tre métal  ,  qu'y  mettent  les  Orfèvres ,  s'ils 
font  d'argent  ;  &  les  Fondeurs  &  Doreurs 
fur  métal ,  s'ils  font  de  cuivre. 

Les  pelles  de  fer  communes  fo  font  par 
des  Serruriers  de  province  ,  &  fe  vendent 
à  Paris  par  les  clincaillers.  Les  pelles  po- 
lies &  d'un  ouvrage  achevé  ,  fe  fabriquent 
par  les  maîtres  de  la  ville.  {D.  J.) 

Pelle  ,  (  UJlenfile  de  Boulanger ,  )  dont 
ils  fe  fervent  pour  mettre  le  pain  au  four  ; 
il  y  en  a  de  longues  &  de  rondes  j  pour 
les  pains  longs  &  les  ronds. 

Pelle  à  tirer  la  Braife  ,  en  terme  de 
Boulanger ,  eft  un  inftrument  de  tôle,  large 
&  haut  de  bords ,  excepté  du  côté  deftiné 
à  recevoir  la  braife  ,  qui  n'en  a  point.  Elle 
eft  ainii  nommée  de  rufage  qu'on  en  fait 
pour  retirer  la  braife  du  four. 

PELLEN(EUS-MoNs  ,  (  Géogr.  anc.  ) 
nom  d'une  montagne  de  l'île  de  Chios,  & 
d'une  autre  montagne  de  la  Carie. 

PELLENÉ  ,  f.  f.  {Mythol.  )  nom  que  les 
habitans  de  Pellene  en  i^chaïe  donnèrent 
à  Diane,  qu'ils  honoroient  particulièrement. 
Plutarque  dit  que  ,  lorlque  l'on  portoit  la 
ftatue  de  Diane  Pelléné  en  procelïîon  ,  fou 
vifage  devenoit  fi  terrible  ,  que  perfonne 
n'oloit  la  regarder;  &  que  le  prêtre  qui 
la  fervoit  ayant  porté  la  ftatue  dans  l'Ionie  y 
tous  ceux  qui  la  virent  devinrent  infenfés. 
Mais  Plutarque  avoit  trop  d'efprit  pour 
donner  quelque  créance  à  ce  conte  ridicule. 
{D.J.) 

PELLENE  ou  Pelline ,  (  Géogr.  anc.  ) 
ville  du  Péloponefe ,  fituée  dans  l'Achaïe. 
Elle  étoit  célèbre  par  la  fabrique  de  certai- 
nes robes  (  p(^^A/va>v  lœnarum  )  fi  chaudes  , 
que  Pindare  les  appelle  un  doux  remède 
contre  les  vents  froids  ,  •X'^^Cf*''  ivJiixvov 
(fâffAAKcav  etlpScv.  Les  laines  de  cette  ville 
étoient  fi  eftimées,  dit  Poilus,  qu'on  en 
faifoit  des  robes  que  l'on  propofoit  pour 
prix  dans  divers  jeux  publics.  Cette  ville 
étoit  à  foixantc  ftades  du  golfe  de  Corin- 
the.  Un  difciple  d'Ariftote ,  nommé  Dicéar- 
que  ,  natif  de  Meftene ,  Mathématicien  , 
Hiftorien  &  philofophe ,  en  avoit  décrit 
le  gouvernement  ,  conjointement  avec 
celui  d'Atnenes  6c  de  Corinthe.  (!>./.) 


P  E  L 

PellenÉ  ,  (  Géog.  anc.  )  ancienne  ville 
des  Spartiates  ,  appellée  aujourd'hui  Ma- 
cropoulo.  C'étoit  proche  cette  ville  que 
Ton  avoit  conftruit  Paqueduc  de  Sparte ,  fur 
«ne  hauteur  ,  près  du  fleuve  Eurotas ,  & 
dont  on  voit  encore  des  reftes.  L'eau  cou- 
loir à  fl^ur  de  terre  dans  des  canaux  ,  juf- 
qu'au  vallon  ,  diftant  de  Sparte  d'environ 
une  lieue ,  où  fe  trouve  un  torrent  au-delTus 
duquel  l'aqueduc  s'élève  en  arcades  de  pier- 
res détaille,  plus  hautes  &:  plus  larges  que 
celles  des  deux  aqueducs  d'Athènes.  Les 
arcades  joignent  enlemble  deux  éminences, 
d'où  les  eaux  entroienc  autrefois  dans  une 
galerie  fourcrrainc ,  pour  fe  rendre  enfuite 
près  de  la  ville ,  dans  un  réfervoir  qui  eft 
aujourd'hui  à  découvert  j  ce  réfervoir  forme 
une  vafte  pièce  quarrée  ,  pavée  de  petits 
cailloux ,  qui  étoient  joints  avec  un  ciment 
aulU  dur  que  le  caillou  même.  Du  réfervoir 
l'eau  paflbit  dans  la  ville ,  &:  entroit  dans 
un  autre  aqueduc  compofé  de  cent  petites 
arcades  voifines  :  celui-là  prenoit  Ç^s  eaux 
à  deux  lieues  &  demie ,  dans  deax  canaux 
de  trois  pies  de  large,  fur  un  pié  de  pro- 
fondeur ,  qui  fe  rempli llbient  par  des  fai- 
gnées  qu'on  avoit  faites.au  krwjfeiis  &  au 
tifoa.  Mém.  des  Infcript.  tom.  XV.  {  D.  J.) 

PELLERON  ,  f.  m.  (  Injîrument  de  Bou- 
langer ,  )  pelle  longue  ôc  étroite ,  dont  les 
pâtiiïiers  ôc  boulangers  fe  fervent  j, ceux-ci 
pour  enfourner  leurs  petits  pains  ,  6c  les 
autres  pour  mettre  au  four  leurs  petits 
pâtés  j  tartelettes ,  darioles  ôc.  autres,  légè- 
res pièces  de  pâtiflcrie. 

PELLETERIE,  f..  f^  (Commerce  de 
peaux.  )  Le  mot  pelleterie  fignifie  toutes  for- 
tes de  peaux  garnies  de  poil,  deftinées  à 
faire  des  fourrures ,  telles  que  font  les  peaux 
de  martres,  d'hermines,  de  caftors ,  de 
loutres ,  de  tigres ,  de  petits-gris-,  de  foui- 
nes 5  d'ours  &ourçons,  de. loups,  de  pu- 
tois ,  de  chiens ,  de  chats ,  de  renards^de 
lièvres  ,  de.  lapins  ,,  d^agneaux  5i  aaSIes 
fèmblables. 

Les  plus  belles  ôc  lés  plus  précis*,,^  pel- 
leteries viennent  des  pays  froids  ,  particu- 
lièrement delà  Laponie,  de  Mofc^vie,  de 
Suéde  ,  de  Danemarck  ôc  de  Canada  : 
celles  des  pays  chauds  leur  font  inférieu- 
res ;  aufïî  les  appelle-t-on  ordinairement 
p^elleferies  communes, . 


P  E  L  i55r 

On  nomme  pelleteries  ornes  ou  non  appe- 
lées ,  celles  qui  n'ont  encore  reçu  aucune  fa- 
çon ni  apprêt ,  ôc  qui  font  telles  qu'ellçs  ont 
été  levées  de  delTus  le  corps  des  animaux. 

Ce  qu'on  appelle  fauvagine  ,  c'eft  autre 
choie  que  de  la  pelleterie  crue  ou  non  ap- 
prêtée ,  provenante  de  la  dépouille  de  plu- 
lieurs  animaux  fauvagesqui  peuvent  fe  trou- 
ver en  France. 

La  pelleterie  apprêtée  ou  ouvrée  ,  eft 
celle  qui  a  pafife  par  la  main  de  l'ouvrier  > 
qui  l'a  façonnée  &  mife  eu  état  d'être  em- 
ployée en  fourrure. 

Les  plus  grolîes  pelleteries  (è  préparent 
5c:y apprêtent  par  les  mégillîers,  ôc  les  plus 
fines  par  les  marchands  pelletiers;  mais  ce. 
font  les  derniers  qui  les  mettent  en  œuvre, 
Savary.{D.J.) 

PELLETIER  ,  f.  m.  (  Art  méchanique.  ) 
Marchand  qui  acheté ,  vend ,  prépare  & 
apprête  toutes  fortes  de  peaux  garnies  de 
leur  poil,  ôc  qui  les  emploie  aux  différens. 
ouvjages  de  fourrures. 

Les  Pelletiers  de  Paris  font  appelles  dans 
leursftatuts  5  maîtres  marchands  Pelletiers, 
Haubaniers ,  Fourreurs  , ,  Pelletiers  ,  parce 
qu'ils  font  commerce  de  pelleteries  ;  Hau- 
baniers ,.à  caufe  d'un  droit  qu'ils  payoienc 
anciennement  aa  roi ,  pour  avoir  la  faculté 
de  lortir  leurs  marchandifes  dans  les  foires, , 
halles  ôc  marchés  de  Paris  ,  ce  droit,  s'ap- 
pelloit  hauban.  Enfin  ,  Fourreurs  ,  parce 
que  ce  font  eux  qui  fourrent  ou  garnirent 
de  peaux  en  poil  les  juftaucorps  ,  robes, 
manteaux,  ùc.  ôc  qu'ils  font  des  aumuces,, 
manchons- &  autres  fortes  de  fourrures. 

Le  corps  de  Pelletiers  eft  régi  par  fîx 
maîtres-gardes  ,  trois  anciens  ôc  trois  nou- 
veaux :  le  premier  des  anciens  eft  appelle 
le  Gr^/2if- Gûr^e  ;.  il  eft  regardé  comme  le 
chef.de  la  communauté,  ôc  c'eft  lui  qui 
préfidedans  les  aflemblées.  Le  dernier  des 
nouveaux,  eft  chargé  du  détail  des  affaires  ; 
il  fait Ja  recette.&U  dépenfe  ,  &  rend  fes 
comptes  par-devant  les  maîtres  ôc  gardes  , 
au  bureau  de  la  pelleterie. 

Tous  les  ans ,  le  famedi  de  Pô»5Have  du  S. 
Sacrement ,  on  élit ,  à  la  pluralité  des  voix, 
deux  maîtres  &  gardes ,  un  ancien  &  un 
nouveau ,  à  la  place  du  premier  dés  anciens, 
ôc  du  plus  ancien  des  nouveaux  qui  fortent. 
.décharge, 


i6o  PEL 

Les  ftatuts  du  corps  de  la  pelleterie  onr 
été  donnés  par  Henri  III,  en  ijSy;  con- 
firmés ôc  augmentés  en  1618  par  Louis 
XIII ,  de  depuis  par  Louis  XIV ,  en  1648. 

Suivant  ces  ftatuts ,  perfonne  ne  peut 
être  admis  dans  le  corps ,  s'il  n'a  fait  quatre 
ans  d'apprentilî'age  ,  lervi  les  maîtres  en 
qualité  de  compagnon  pendant  quatre  autres 
années ,  ôc  fait  chef-d'œuvre. 

Il  n'eft  pas  permis  aux  maîtres  d'avoir 
plus  d'un  apprenti  à  la  fois  j  ôc  il  ne  doit 
être  ni  marié  "ni  étranger. 

Il  eft  défendu  aux  Pelletiers  ,  1°.  de 
prendre  aucuns  compagnons  à  leur  fervice , 
s'ils  n'ont  un  certificat  en  bonne  forme  des 
derniers  maîtres  qu'ils  ont  fervis. 

2*^.  De  mêler  de  la  marcKandife  vieille 
avec  de  la  nouvelle. 

3°.  De  fourrer  des  manchons  pour  les 
Merciers. 

4°.  De  travailler  &c  fourrer  pour  les 
Fripiers. 

5*.  De  faire  le  courtage  de  la  marchan- 
dife  de  pelleterie  &  de  fourrure. 

6°.  Enfin  ,  de  s'afîbcier  avec  des  mar- 
chands forains ,  ou  autres  qui.  ne  font  pas 
de  leur  corps, 

PELLICULE  ,  f.  m.  (  Gramm,  )  c'eft 
une  tunique  mince  &  déliée ,  ou  le  fragment 
d'une  membrane  ou  peau.  Voye:;^  Mem- 
brane. 

Ce  mot  eft  un  diminutif  de  pellis ,  peau. 
L'épiderme  ou  cuticule  eft  une  cuticule 
qui  couvre  le  derme  ou  la  peau,  yoye:^ 
Cuticule. 

Les  foupapes  des  veines  &  des  artères , 
font  des  pellicules  infenfibles  ,  qui  s'ouvrent 
&  fe  ferment  pour  la  circulation  du  fang. 
Foje;(_  Soupape. 

Quand  on  fait  évaporer  une  diftolution 
chimique  à  une  chaleur  douce  ,  jufqu'à  ce 
qu'il  fe  forme  en  delTus  une  peau  ou  une 
tunique  mince ,  on  l'appelle  évaporation  à 
pellicule  ,  dans  laquelle  on  ne  laiiTc  préci- 
fément  de  liqueur  qu'autant  qu'il  en  faut 
pour  tenir  les  fcls  en  fufion.  Voye:^ 
Évaporation. 

Pellicule  ,  (  Conchyl.  )  en  Latin  cortex. 
Ce  mot  ,  en  Conchyliologie  ,  eft  fouvent 
pris  pour  l'épiderme  i  c'eft  le  drap  marin ,  la 
fur-peau  d'une  coquille ,  laquelle  s^'ufe  dans 
le  roulis  de  la  mer ,  quand  le  poiftbn  eft  •! 


P  E  L 

'  mort.  On  l'ôte  auiïi  des  coquilles ,  en  les 
polilTant ,  pour  jouir  de  toute  leur  beauté; 
PELLISSIER  ,  f.  m.  (  Peaujferie;  )  c'eft 
celui  qui^  fait  &  qui  vend  des  pelijfes  ou 
des  peliftbns.  On  le  dit-  aufTi  de  ceux  qui 
préparent  les  peaux. 

PELODES  ,  (  Gécgr.  anc.  )  mot  grec  , 
qui  fignifie  vafeux.  On  l'a  donné  à  quel- 
ques golfes ,  à  caufe  que  leur  fond  étoic 
plein  devafe.  Ainfi  Pdcdesj  dans  Ptolo- 
mée,  /.  III,  c.  iij  ^  eft  le  nom  d'un  golfe 
fur  la  côte  de  la  Suhane  ;  c'eft  auffi  dans 
Strabon ,  /.  VU ,  p,  ^2.4 ,  Icnom  d'un  port 
de  l'Epire.  (£>./.) 

PELOIR  ,  (  terme  de  Mégijfier  ;  )  c'eft  un 
petit  bâton  dont  ces  ouvriers  fe  fervent 
pour  faire  tomber  la  laine  de  dcflus  les 
peaux  de  mouton.  Ces  peaux  ayant  pafte 
à  la  chaux  ,  la  laine  n'y  tient  prefque  plus  ; 
&  pour  la  faire  tomber  entiérem.ent ,  on 
les  étale  fur  le  chevalet ,  &  on  frotte  un 
peu  rudement  le  côté  de  la  laine  avec  un 
petit  bâton  rond  ,  de  la  longueur  d'environ 
un  pié  &  d'un  pouce  de  diamètre  :  cette 
opération  fait  tomber  la  laine  fur  le  champ. 
PÉLOPIDES,  LES  ,  f.  m.  (  HiJÎ. 
greque  ;  )  c'eft  le  nom  que  les  Grecs  don- 
nèrent à  la  malheureufe  famille  de  Pélops  : 
Sava  Pelopis  domus  ,  dit  Horace.  On  fait 
les  tragiques  fcenes  que  cette  famille  a  four- 
nies fans  cefle  au  théâtre  :  la  guerre  de 
Thebes ,  les  noms  de  Tantale ,  de  Thiefte  , 
d'Atrée  ,  d'Agamemnon,  d'Égifte,  de  Cli- 
temneftre  &  d'Orefte  ,  retracent  à  refpric 
les  plus  fanglantcs  cataftrophes.  {D.  J.) 

PÉLOPIES  ,  f.  f.  p.  (  Antiq.  greques.  ) 
TîAO'Trita ,  fête  que  célébroient  les  Eléens 
en  l'honneur  de  Pélops ,  pour  lequel  ils 
avoient  plus  de  vénération  que  pour  aucun 
autre  héros.  Vous  trouverez  toutes  les  céré- 
monies de  cette  fête  décrites  dans  Potter. 
Pau(anias  nous  apprend ,  qu'Hercule  fut  le 
pjjMaier  qui  facrina  à  Pélops  un  bélier  noir, 
c^mne  on  faifoit  aux  divinités  infernales. 
Da^^kfuite ,  les  magiftrats  d'ÉHde  fuivi- 
ren^^nême  exemple  ,  en  ouvrant  leurs 
pélopi§s  par  un  fcmblable  fàcrifice.  Pot- 
ter ,  AHkhceoL  grcec.  l.  II,  c.  xx  yjom.  /,  />. 
4Z^. 

PELOPIS,  {Géogr.  anc.)  Paufanias.  /. 
// ,  tr.  xxxiv  ,  dit  qu'on  donnoit  ce  nom  à 
de  petites  iles  de  Péloponefe ,  vis-à-vis  de 

Mcihana  , 


P  EL 

Melhana ,  &  que  ces  îles  étoient  au  nom- 
bre de  fept. 

PÉLOPONESE,  Pcloponefus, 
CGéog.  anc.J  aujourd'hui  la  Morée;  c'eft 
une  grande  prefqu'île  qui  faifoit  la  partie 
méridionale  de  la  Grèce,  &  qui  étoit  jointe 
à  la  leprentrionale  par  l'ifthmc  deCorinthe. 
Quoique  le  Péloponefe  ne  fût  qu'une  pé- 
ninfule,  Denis  le  Periégete ,  vers  403  , 
ne  laiiïe  pas  de  lui  donner  le  nom  d'//g, 
parce  qu'elle  ne  tient  à  la  terre  ferme  que 
par  une  ifthme  large  feulement  de  quelques 
ftades.  Pline  ,  /.  /A^,  c.  iv.  Strabon,  /.  //, 
p.  <^j ,  &  Pomponius  Mêla ,  /.  //,  c,  iij, 
difent  que  le  contour  du  Pcloponcf&  a  la 
figure  d'une  feuille  de  platane. 

Ce  pays  n'eut  pas  toujours  le  même 
nom  ;  il  fut  appelle  Appia  ,  fous  le  règne 
d'Appius;  Pelafgia  ,  fous  celui  de  Pelaf- 
gus  ;  Argos ,  fous  celui  d'Argus  ;  &  enfin 
Péloponefe ,  fous  Pélops. 

Le  Péloponefe  a  été  divifé  par  les  an- 
ciens fuivantle  nombre  de  fes  peuples  Si' 
de  (es  villes  ,  ce  qui  a  beaucoup  varié  ,  les 
peuples  ayant  changé,  &  les  villes  n'ayant 
pas  toujours  été  les  mêmes.  Ptolomée,  /. 
///,  c.  XV j ,  y  comprend  même  la  Corin- 
thie&claSicyonie;  mais  Pomponius  Mêla, 
/.  J/,  c.  iij^  partage  cette  péninfule  feu- 
lement en  fix  contrées  principales,  qui  font 
l'Argol'de ,  la  Laconie  ,  la  Meflenie,  l'É- 
lide  ,  l'Achaïe  propre  &;  l'Arcadie. 

L'Argolidc  ou  l'Argie  étoit  bornée  du 
côté  de  l'orient  par  le  golfe  Argolique  ; 
vers  l'occident ,  par  l'Arcadie  ;  au  midi , 
parla  Laconie;  &  au  feptentrion  ,  par  le 
golfe  Saronique.  Argos  étoit  la  principale 
ville  de  cette  province. 

La  Laconie  étoit  bornée  au  midi  par  le 
golfe  MefTéniaque  &  le  golfe  Laconique; 
à  l'orient ,  par  le  golfe  Argohque  ;  au  fep- 
tentrion ,  par  l'Argie;  à  l'occident,  par 
l'Arcadie  &  la  Mefîénie.  Sparte  en  étoit  la 
citadelle  &:  la  capitale. 

La  MeiTénie  étoit  lituée  dans  la  partie 
méridionale ,  entre  la  Laconie  à  l'orient , 
&  l'Eiide  à  l'occident.  Elle  avoit  l'Arca- 
die au  feptentrion  ,  &  s'étendoit  vers  le 
midi ,  entre  le  golfe  Mefféniaque  &  le 
golfe  Cypariflien.  Meffene  en  étoit  la  ville 
principale. 

L'Eiide  avoit  pour  confins,  au  nord, 
Tome  XXV, 


P  E  L  16^1 

TAchaïe  propre ,  au  levant  l'Arcadie ,  au 
midi  la  Meflenie ,  &  au  couchant  la  mer 
Ionienne.  La  capitale  fe  nommoit  Êlide, 

L'Achaïe  propre  avoit  pour  bornes  le 
golfe  de  Corinthe  du  côté  du  feptentrion, 
la  mer  Ionienne  à  l'occident ,  l'Eiide  6c 
l'Arcadie  au  midi  ,  &:  la  Sicyonie  ver* 
l'orient.  Patras  en  étoit  la  capitale. 

L'Arcadie  étoiten  pleine  terre,  éloignée 
du  bord  de  la  mer,  6c  avoit  au  levant 
l'Argie  &c  la  Laconie,  au  couchant  l'E- 
iide ,  au  feptentrion  l'Achaïe  propre  ,  au 
midi  la  Meflenie.  Elle  avoit  pour  capitale 
Mégalopolis. 

La  Corinthie,  qui  s'étendoit  dans  la 
partie  feptentrionale  Aw  Péloponefe  ^con- 
finoit  au  couchant  avec  la  Sicyonie  ,  aw 
midi  &  à  l'orient  avec  l'Argie,  &  étoit fé- 
parée  de  la  grande  Achaïe  par  le  golfe  &c 
l'ifthme  de  Corinthe,&  par  le  golfe  Saro- 
nique. 

La  Sicyonie,  la  plus  reflerrée  de  ces 
provinces ,  tiroit  fon  nom  de  fa  ville  capi- 
tale, appellée  Sicyone ,  &  avoir  pour  limi- 
tes à  l'orient  la  Corinthie,  au  couchant 
l'Achaïe  propre ,  au  feptentrion  le  golfe  de 
Corinthe,  &  l'Arcadie  du  côté  du  midi. 

Le  Péloponefe  eft  aujourd'hui  connu 
fous  le  nom  de  Morée  :  on  la  divife  pré- 
fentement  en  quatre  parties  ;  favoir ,  le 
duché  de  Clarence,qui  comprend  l'Achaïe^ 
la  Sicyonie  &  la  Corinthie;  le  Belvédère > 
autrefois  l'Eiide  8>c  la  Meflenie;  la  Saca- 
nie , autrefois  le  pays  d'Argos  ;  &cla Tza- 
conie,  qui  comprend  l'Arcadie  &  la  Laco- 
nie des  anciens  :  cette  dernière  partie  eft 
auflî  nommée  le  bras  de  Maina.  Ses  prin- 
cipales villes  font  Coron,  Clarence,  Argos, 
Belvédère ,  autrefois  Élis  ;  Maina ,  Leuc" 
trum;  Leontari,  Mégalopolis  ;  Coranto  ou 
Corto ,  Corinthus;  Militra  ,  S  parla;  Pa- 
tras ,  Napoli  de  Romanie ,  &c. 

Mahomet  II,  empereur  des  Turcs,  con- 
quit \t' Péloponefe  dans  le  quinzième fie- 
cle ,  fur  les  princes  Démétrius'  &  Thoma?, 
frères  de  l'empereur  Conftantin  Dracoiês, 
5c  fouverain  de  ce  pays.  Les  Turcs  en 
font  toujours  les  maîtres,  mais  tout  eft 
miférable  fous  leur  domination. 

On  donna,  dans  l'hifloire  de  l'ancienne 
Grèce ,  le  nom  de  guerre  du  Péloponefe  a 
celle  que  Us  peuples  de  ce- te  prefqu'île 


nj2  P  E  L 

enrreprirent  contre  les  Athéniens.  Cette 
guerre  célèbre  dura  (iepuis  la  deuxième 
année  de  la  87".  olympiade  ,  43 1  ans 
-avant  J.  C.  jufqu'à  la  94e.  o'ympiade ,  qui 
éft  l'an  404  avant  Jefus-Chrift  ,  que  la 
ville  d'Athènes  fut  prife.  (  Le  Chevalier 
DE  JaucOURT.) 

PELORDE,  voyei  Palourde. 

PÉLORIES  ,  (.  f.  pi.  (Antiq,  greq.  ) 
fête  célèbre  chez  tes  Theiïaliens  ,  afTez 
femblable  aux  faturnales  de  Rome.  Un 
certain  Pélorus  étant  venule  premier  aver- 
tir Pélafgus ,  que  par  le  moyen  d'une  ou- 
verture dans  la  vallée  de  Tempe ,  les  eaux 
qui  inondoient  le  pays  s'étoient  écoulées, 
ce  prince  en  conçut  tant  de  plaifir ,  qu'il 
régala  magnifiquement  Pélorus,  &:  voiJut 
même  le  fervir  à  table;  6>c  à  cette  occafion, 
il  inftitua  une  fête,  où  l'on  faifoit  des  ban- 
quets publics  en  faveur  des  étrangers,  & 
des  efclaves  mêmes,  qui  étoient  fervis  par 
leurs  maîtres.  Porter,  Archœol.  grczc.  l.  Il, 
c.xx^  tom.  J,  p.  42S.  ÇD.J.) 

VELOKUS  ,  (Géogr.  anc.)Pelorum, 
Peloris  &  Pelorias;  promontoire  qui  for- 
me la  partie  la  plus  orientale  de  la  Sicile  du 
côté  du  noid,  &  qui  défend  en  quelque 
manière  le  paiî'age  du  phare  de  Meffine. 
Agathamere  fixe  à  onze  ftades  le  trajet  de 
ce  promontoire  en  Italie.  Les  Grecs  &:les 
Latins  lui  ont  donné  le  même  nom  de 
Pélore.  Denis  le  Periégete ,  v.  472  ,  dit 
que  le  promontoire  Peloris  regarde  TAu- 
fonie  ;  &  Polybe,  /.  /,  c.  xlïj^  qui  écrit 
Pelorias ,  dit  que  c'eft  le  promontoire  fep- 
tentrional.  Ovide  _,  Silius ,  Italicus ,  Si  di- 
vers autres  auteurs  ,  parlent  de  ce  pro- 
montoire. Le  premier  dit ,  Mctamorph, 
L  Vlll.v.yxG: 

At  arcion 

jEquoris   expertem  fpeclat  boreanque 
Pelorus. 

Et  Silius  Italicus ,  l.  XIV  ^  V  y^i 

Celfus  arenofo  tollit  fe  mole  Pelorus. 

Servius  fait  une  remarque  fur  ces  vers 
de  Virgile,  AUneïd.  l.  ///,  v.  410-411. 

Aftubi  digreffum  Jïculœ,  te  admoyerit  or  ce 
Ventus  ;    6c   augufii  rare/cent  claujira 
Pelori, 


P  E  t 

Il  dît  que ,  félon  Salufte ,  le  promontoire 
Pelorus  fut  ainfi  nommé  ,  d'un  Pilote 
qu'Annibal  tua ,  croyant  qu'il  le  trahiffoir. 
J'ai  pourtant  lu  ,  ajoute-t-il,  que  ce  pro- 
montoire avoir  le  nom  de  Pelorus  avant 
cette  époque.  Quoi  qu'il  en  foit,  on  affure 
qu'Annibal  répara  fon  honneur  ,  en  fai- 
fant  élever  au  bord  de  la  mer  une  ftatue  9 
qu'il  nomma  Pélore  ^  du  nom  de  ce  mal- 
heureux Pilote.  On  l'appelle  aujourd'hui 
Cabo  délia  torre  di  Faro^  à  caufe  de  la 
tour  du  phare  de  Mefhne  ,  fituée  à  l'ex- 
trémité de  ce  promontoire,  fur  une  lon- 
gue pointe  aflfez  baffe.  (D.  J.) 

PELOTAGE,  LAINE,  (Lainage^) 
la  laine  pelotage  de  Vigogne;  c'eft  la  troi- 
fieme  forte  des  laines  de  Vigogne.  Oa 
VappeWe  pelotage,  parce  qu'elle  vient  d'E{^ 
pagne  en  pelotes. 

PELOTE  DE  MER,  (iTifi,  nat.  de  U 
mer:)  par  nos  auteurs ,  pila  marina  ;  em 
Ang'ois ,  the  fea-ball  ;  nom  d'une  fubf- 
tance  très-commune  ,  qu'on  trouve  fur  la 
rivage  de  la  mer  :  cette  fubftance  eft  ordi- 
nairement en  forme  de  balle  oblongue  , 
arrondie  ou  fphérique,  groffe  comme  le 
poing,  quelquefois  plus,  quelquefois  moins, 
lanugineufe,  de  couleur  obfcure ,  compo- 
fée  d'une  multitude  de  petites  fibrei  irrégu- 
lièrement amoncelée^  &  pelotonées. 

Les  naturaliftes  ne  font  point  d'accord 
fur  l'origine  de  ces  fortes  àe  pelotes  ;  ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'eft  qu'elles  fontcom- 
pofées  de  fubftances  fibreufes  de  plantes. 
Enfin  ,  Klein  a  prefque  démontré  qu'elles 
font  formées  des  fibres  &  des  feuilles  de 
l'algue  marine  dont  on  fait  le  verre ,  alga 
marina  vitriariorum;  ces  fibres  chevelues 
étant  tombées  dans  la  mer ,  y  font  bat- 
tues enfemble  ,  raffemblées  &  amoncelées 
par  les  vagues  en  pelotes  oblongues,  ova- 
les &  arrondies.  Voye^  Kleinius  ,  de 
tuhulis  marinis.  (D.  J.  ) 

Pelote  ,  f.  f.  terme  générique  de  corn'- 
mer  ce  i  maffe  que  l'on  fait  en  forme  de 
boule  de  diverfes  chofes  ;  une  pelote  de 
fil ,  de  laine  ,  de  foie  ,  de  coton. 

Pelote,  f.  f.  meuble  de  toilette \  ce 
font  plufieurs  petites  recoupes  de  drap 
enveloppées  d'un  morceau  de  velours ,  ou 
d'au treétoflFe  bien  proprement  coufue  ,  &C 
de  différentes  formes ,  qu'on  pôle  fur  U 


?  EL 

toilette  d'une  femme ,  pour  y  mettre  les 
épingles  dont  onfe  (ert  quand  on  la  coëfte 
ou  qu'on  l'habille  ,  ou  dont  elle  fe  lèrt 
elle-même. 

On  noriime  encore  pelote  un  petit  cof- 
fret ,  dans  lequel  les  femmes  ferrent  leurs 
boucles  ,  leurs  bagues  &  autres  chofes  de 
toilette. 

Pelote  a  feu.  On  appelle  ainfi ,  m 
terme  d^  artificiers  ,  unepelotedont  on  le 
fert  la  nuit  pour  éclairer  les  folTés  &  les 
autres  endroits  d'une  place  affiégée.  Elle 
fe  fait  comme  il  fuit. 

Prenez  une  partie  de  poix  réfine ,  trois 
parties  de  foufre  ,  une  livre  de  falpêtre  &C 
une  livre  de  groffe  poudre;  faites  fondre 
&  incorporer  le  tout  enfemble  avec  des 
ctoupes,  &  faites-en  des  pelotes. 

Pelote  ,  terrm  fie  Chandelier.  Les 
chandeliers  appellent  pelotes  de  coton,  les 
écheveaux  de  coton  qu'ils  ont  dévidés  pour 
faire  la  mèche  de  leur  chandelle.  Outre  les 
petites  pelotes  de  coton  dévidé ,  les  chan- 
deliers en  compofent  d'autres  très-grofTes, 
du  poids  de  vingt  à  trente  livres,  &  da- 
vantage, qu'ils  nommQXW. pelotes  d'étalage. 
Celles-ci  font  faites  d'écheveaux  entiers  , 
qu'on  tourne  ainfi  en  forme  fphérique  pour 
les  mieux  conferver.  On  les  pend  ordinai- 
rement au  plancher  des  boutiques  ;  ce  qui 
leur  a  fait  donner  le  nom  de  pelotes  d*éta- 

lage.CD.J.J 

Pelotes  ,  {Fonderie.  )  Les  Fondeurs 
de  petits  ouvrages  nomment  ainfi  le  cui- 
vre en  feuilles  qu'ils  ont  préparé  pour  met- 
tre à  la  fonte. 

On  réduit  le  cuivre  en  pelotes,  afin  de 
le  mettre  plus  commodément  dans  le  creu- 
fet  avec  la  cuiller  du  fourneau ,  qui  delà 
cft  appellée  cuiller  aux  pelotes. 

On  nomme  auffi  mortier  ^  maillet  aux 
pelotes^  ceux  de  ces  outils  qu'on  emploie 
à  cet  ufage  dans  les  atteliers  des  fondeurs. 

La  préparation  des  pelotes  eft  ordinai- 
lement  le  premier  ouvrage  des  apprentis. 

Pelotes  ,  (Maréchal.)  C'eft  une  mar- 
que blanche  qui  vient  au  front  des  chevaux; 
on  l'appelle  aucrement  étoile.  Les  mar- 
chands de  chevaux,  maquignons  &  autres, 
qui  fe  mêlent  du  commerce  des  chevaux  , 
mettent  les  pelotes  au  nombre  des  mar- 
ques qui  dénotent  un  bon  cheval. 


P  E  L  i6y 

Pelotes  ,  terme  de  Paum'.er;  ce  (oiA. 
les  balles  pour  jouera  la  paume,  avant 
qu'elles  foient  couvertes  de  drap;  on  les 
appelle  aufli  des  pelotons. 

Les  paumiers  doivent  ,  fuivant  leurs 
ftatuts ,  avoir  foin  que  les  pelo'es  foieiit 
bien  rondes ,  &  faites  de  morceaux  ou 
rognures  de  drap  ,  avec  une  bande  de 
toile  ,  &  ferrées  bien  fort  avec  de  la 
ficelle.  L'inftrument  dont  on  fe  fert  pour 
faire  les  pelotes ,  eft  une  efpece  de  billot, 
qu'on  appelle  chèvre. 

Les  maîtres  paumiers  prennent  la  qua- 
lité de  maîf-e-;  paumiers-raquetiers ,  fai- 
feurs  de  pelotes.  Voye^  Paumier. 

Pelotes, fv^o/^r/V^J  On  nomme  ainfi, 
dans  le  commerce  des  foies,  les  foies  grè- 
ges &  non-ouvrées ,  qui  viennent  ordi- 
nairement de  Mefiine  &  d'Italie  ,  &  qui 
font  pliées ,  ou  plutôt  roulées  en  grofles 
pelores.  (  D.  J.) 

Pelote  ,  terme  de  Tailleurs  ;  c'eft  une 
bande  de  lifiere  roulée  fur  elle-même,  ÔC 
coufue  dans  cet  état.On  s'en  fert  pour  dé- 
vider le  fil ,  la  foie  &  !e  poil  de  chèvre. 

Pelote  ,  {Verrerie  \  )  c'eft  J  dans  les 
fours  à  verre  ,  une  efpece  de  petit  établi 
de  terre,  couvert  de  braife  éteinte,  fur 
lequel  on  fait,  pendant  quelque  temps , 
repofer  le  plat  de  verre  au  fortir  du  grand 
ouvreau  ,  avant  de  le  mettre  dans  les  ar- 
ches du  four  à  recuire.  CD.  J.) 

PELOTER ,  v.  n./'eu  de  paume  ;  c'eft 
jouer  fans  s'affujettir  à  aucune  autre  règle 
de  ce  jeu,  finon  d'attendre  la  balle  &  de 
la  renvoyer.  Les  balles  perdues,  foit  à  la 
grille  ,  foit  au  trou  ,  foit  aux  filets ,  font 
perdues  pour  ceux  qui  les  perdent. 

Peloter,  fe  dit  encore  de  certaines 
fubftances  qui  s'amaflent  en  petit  tas ,  ainfi 
que  la  neige  qui  fe  pelote. 

Peloter,  v.  n.  terme  de  Pécheur  \ 
c'eft  jeter  de  petites  pelotes  de  mangeaille 
aux  poifibns ,  pour  les  amorcer  avant  que 
de  pêcher. 

PELOTON  ,  r.  m.  terme  de  Couturic' 
re  ;  petite  pelote  de  foie ,  de  laine  ,  de  fil  , 
de  coton,  ik  autres  matières  filées,  dévi- 
dées en  rond. 

On  nomme  auflî  peloton  une  efpece  de 
petit  couffinet  moins  gros  que  la  pelote, 
qu  on  remplit  ordinairement  de  ion  ,  6( 
X  1 


1^4  P  E  L 

qu'on  couvre  de  ferge,  d'étoffe  ou  de  ve- 
Ipurs  ,  pour  y  mettre  des  épingles. 

Peloton  ,  ou  plote ,  terme  de  Pau- 
mier;  balle  à  jouer  à  la  paume.  On  le  dit 
ordinairement  de  celles  qui  ne  font  pas 
encore  couvertes  ,  &  qui  ne  font  encore 
qu'en  corde. 

Peloton  ,  (  Fabrique  de  tabac.  )  On 
forme  de  gros  pelotons ,  ou  groflfes  pelo- 
tes de  tabac  :  comme  c'eft  au  fortir  du 
filage  qu'il  fait  fon  plus  grand  déchet ,  & 
qu'il  en  fait  moins  tant  qu'il  refte  en  pe- 
lotons ,  on  a  couTUîne  de  l'y  laifTer  le  plus 
long-temps  qu'il  eft  poffible  ;  après  qu'il 
a  été  en  pelotons,  on  le  roule  ;  ce  qui  s'ap- 
pelle le  mettre  en  rôles.  CD.  J.) 

Peloton,  en  terme  de  guerre^  eft  un 
petit  corps  quarré  de  40  à  50  hommes  , 
qu'on  tire  d'un  bataillon  d'infanterie  ,  & 
qu'on  place  entre  des  efcadrons  de  cava- 
lerie pour  les  foutenir,  ou  que  l'on  met 
en  embufcade  dans  àcs  paffages  étroits 
&  des  défilés,  qui  ne  pourroient  contenir 
un  bataillon  ou  un  régiment  entier. 

Ce  mot  eft  formé,  par  corruption  ,  du 
vieux  mot  françois  peloton ,  qui  fignifie  un 
tas  ou  un  paquet  de  fil  roulé. 

Les  grenadiers  font  généralement  ran- 
gés en  peloton  à  côté  des  bataillons.  P^oy. 
Bataillon.  Chambers. 
■  On  donne  auffi  le  nom  de  pelotons  à 
de  petits  corps  d'infanterie  ,  qu'on  em- 
ploie à  couvrir  les  angles  des  bataillons 
quarrés  &  triangulaires.  Le  peloton  a  tou- 
jours moins  de  cent  hommes. 

L'ordonnance  du  6  mai  17')')  donne  le 
nom  de  peloton  à  deux  compagnies  cou- 
plées ou  jointes  enfemble.  J^oyei^  Feu 
militaire  &  Évolutions.  {Q) 

PELOUSE,  f.  f.  (Jardin.)  Voye^ 
Tapis  de  gazon. 

PELTA,  f.  f.  (Littèrat.)  tIat»;  c'étoit 
un  bouclier  contourné ,  qui  étoit  particu- 
lier aux  amazones.  Dans  une  médaille 
greque  de  grand  bronze,  frappée  dans  Tin- 
t^rvalle  du  règne  de  Septime  Severe  à 
celui  de  Galien,  on  voit  d'un  côté  une  ama- 
zonne  ayant  au  bras  gauche  cette  forte  de 
bouclier.  On  remarque  au-deffous  un  bout 
de  draperie,  une  efpece  de  petite  ferviette, 
qui  aidoit  apparemment  à  tenir  le  bouclier 
plus  ferme ,  &  qui  pouvoit  encore  fervir 


P  E  L 

à  d'autres  ufages  ;  tel  paroît  le  pelta  quW 
donne  aux  amazonnes  furies  médailles, On 
s'en  fervoit  à  la  guerre,  comme  on  !e  voit 
dans  Virgile  ;  &:  il  faut  bien  que  fa  forme 
n'ait  pas  toujours  été  la  même  ;  car  félon 
Xenophon  ,  il  étoit  de  la  figure  d'une 
feuille  de  lierre;  félon  Pline  ,  d'une  feuille 
de  figuier  d'Inde;  &  félon  Servius  ,  de  la 
lune  demi-pleine.  CD.  J.) 

PELTtE,  (Géogr.  anc.  )  ville  de  la 
grande  Phrygie,  dont  parle  Strabon,  lib, 
XII ,  pag.  377.  Ptolomée,  lib.  r,  cap. 
ij ^  &  Xenophon,  lib.  I  :  on  l'appelle 
préfentement  ^elti  ^  félon  Leunclavius. 

PELTARI  A,  (Botan.)  genre  de  plante 
crucifère,  dont  la  fleur  eft  fuivie  d'une 
filicule  comprimée,  arrondie  &  fanséchan- 
crure  ,  &  qui  ne  s'ouvre  pas.  Linn.  gen, 
pi.  tetrad./ilicul.  On  n'en  connoît  qu'une 
efpece  ,  qui  eft  le  thlafpimontanum  de 
Clufius ,  Se  qui  fe  trouve  dans  les  monta- 
gnes d'Autriche.  {D) 

PELTE  ,  (Art  rnilit.  Arme.)  La  pelte 
étoit  un  petit  bouclier  rond  &  couvert  de 
cuir  ,  qu'îphicrate  fubftitua  chez  les  Athé- 
niens aux  grands  boucliers  dont  ils  fe  fer- 
voient  auparavant,  à  l'exemple  des  autres 
Grecs,  &avec  lefquels  ils  ne  fe  remuoient 
qu'avec  peine  ;  ce  qui  étoit  leur  faute.  L'u- 
tilité des  grands  boucliers  étoit  trop  vifi- 
ble  pour  qu'on  en  abolît  l'ufage.  L'inven- 
tion d'Iphicrate  ne  fut  adoptée  qu'en  partie 
dans  le  refte  de  la  Grèce;  &  dès-lors  on 
appella /?e/izrA2/7?«/2r  armé.,  ou  firapîenient 
oplites  ,  les  fantaftins  qui  conferverent 
l'ancien  bouclier,  &  l'on  donna  aux  autres 
le  nom  de  Peltari ,  tiré  du  nouveau  bou- 
clier dont  ils  fe  fervoienr.  (V.) 

PELUCHE ,  ou  PLUCKE ,  f.  f.  {Fa^ 
brique ,  J  étoffe  veloutée  du  côté  de  l'en- 
droit ,  compofée  d'une  trame  d'un  fimple 
fil  de  laine  ,  &  d'une  double  chaîne  ,  donc 
l'une  eft  de  laine ,  de  fil  retors  à  deux  fils^ 
&  l'autre  de  fil  de  poil  de  chèvre. 

La  peluche  fe  fabrique  de  même  que  les 
velours  &  les  pannes ,  fur  un  métier  à  trois 
marches.  Deux  àes  marches  féparent  & 
font  baifter  la  chaîne  de  laine  ,  &  la  troi- 
fieme  fait  lever  la  chaîne  de  poil  ;  alors 
l'ouvrier  lance  ou  jette  la  trame ,  &  la  fait 
pafter  avec  la  navette  entre  les  deux  chaî-.. 
lies  de  poil  &  de  laine,  mettant  enfuite  une 


P  E  L 

broche  de  léton  fous  celle  de  poil ,  fur  la- 
quelle il  la  coupe  avec  un  inftrument  def- 
tiné  à  cet  ufage ,  que  l'on  appelle  com- 
mimément  couteati\  ce  qu'il  fait  en  con- 
duifant  le  couteau  fur  la  broche ,  qui  eft 
un  peu  cavée  dans  toute  fa  longueur  ;  & 
c'eft  ce  qui  rend  la  furface  de  la  pluclie 
veloutée.. 

Quelques-uns  prétendent  que  l'invention 
de  la  pluche  eft  venue  d'Angleterre  ;  d'au- 
tres veulent  qu'elle  ait  été  tirée  de  Hollan- 
de, particulièrement  de  Harlem.  Quoi  qu'il 
en  foit,  il  eft  certain  que  ce  n'^ft  guère  que 
vers  l'année  1690,  qu'on  a  commencé 
d'en  fabriquer  en  France.  (D.  /,) 

Peluche,  f.  f.  (Soicric.J  C'eft  une  forte 
d'étoffe  toute  de  foie ,  dont  le  côté  de  l'en- 
droit eft  couvert  d'un  poil  un  peu  long; 
cette  efpece  de  peluche  fe  manufadure 
fur  un  métier  à  trois  marches ,  ainfi  que  les 
autres  peluches,  les  velours  &  les  pannes. 

Sa  chaîne  &c  fon  poil  doit  être  d'organ- 
{\n  filé  &  tordu  au  mouUn ,  fa  trame  de 
pure  &  fine  foie,  &  la  largeur  d'onze  vingt- 
quatrièmes  d'aune. 

Il  fe  fabrique  encore  une  autre  efpece 
de  peluche,  toute  de  foie,  qui  a  du  poil 
des  deux  côtés ,  dont  l'un ,  qui  eft  celui 
de  l'endroit ,  eft  court  &c  d'une  couleur  ; 
&  l'autre  ,  qui  eft  du  côté  de  l'envers ,  eft 
plus  long  &  d'une  autre  couleur  :  cette 
dernière  forte  de  peluche  eft  extraordi- 
naire, &  de  très-peu  d'ufage.  CD.  J.) 

Peluche  ,  urme  dejleurifli  ;  la  pelu- 
che eft  cette  touffe  de  feuilles  menues  &: 
déliées ,  qu'on  voit  dans  quelques  fleurs , 
comme  dans  les  anémones  doubles ,  dont 
elles  font  la  principale  beauté.  CD.  J.) 

PELURE,  f.  f.  {Gramm.)  eft  la  peau 
de  certains  légumes  ou  fruits  :  on  dit  la 
pelure  de  l'oignon ,  la  pelure  de  la  pomme 
&  de  la  poire  ;  la  peau  du  raiftn,  &  l'écorce 
du  citron. 

PELUS,  (Géogr.  anc.)  nom,  i^.  d'une 
île  voifine  de  celle  de  Chio  ;  2°.  d'une 
montagne  de  la  Tofcane;  3°.  d'un  tor- 
rent de  la  Sicile.  {D,  J.) 

PÉLUSE,  ÇGéog.  anc.)  Ptlufïum^ 
ville  d'Egypte ,  à  l'embouchure  du  bras  le 
plus  oriental  du  nil,&  le  plus  voifin  de  la  Pa- 
leftine  ;  c'eft  la  même  ville  que  Damiette  : 
on  la  nommoit  autrement  Abarlm  UTj- 


P  E  L  i(îj 

phon  ;  ou  ,  comme  difoient  les  Hébreux  , 
Python.  Les  Egyptiens  l'appelloient  Se' 
thron  ,  &  la  région  Séthroïte  ;  d'où  vient 
que  Pline  dit:  Quajuxtà  Pelufiume/?re- 
^io,  nomcn  habet  Bubaftitem ,  Sethroni- 
tem ,  Tanilem. 

Pélufe  étoit  comme  la  clé  de  l'Egypte 
du  côté  de  la  Phénicie  &  de  la  Judée, 
Ezéchiel ,  ck.  xxx  ,  v.iS  &  iG ^  en  parle 
fous  le  nom  de  Sin^  &  il  l'appelle  la  force 
de.  C Egypte. ,  ou  Le.  rempart  de  C Egypte, 
L'hébreu  j^/z ,  qui  fignifie  de  La  houe  ^  re- 
vient fort  bien  au  grec  pelu/lum,  qui  dérive 
depeLos  ,  &  qui  a  la  même  fignification. 
Strabon,  Lib.  XVII  .^pag.  8oz  ,  dit  que 
la  ville  de  Ptlujium  étoit  environnée  du 
lac  qu'on  appelloit  Barathra ,  &:  de  quel- 
ques marais.  Il  la  place  à  vingt  ftades  de 
la  mer,  &  il  donne  à  izs  murailles  un  égal 
nombre  de  ftades  de  circuit.  Elle  eft  mife 
dans  l'auguftamnique  par  Ammien  Marcel- 
lin,  qui  veut  qu'elle  ait  été  bâtie  par  Pelée; 
ce  qu'il  y  a  de  plus  fur ,  c'eft  qu'elle  fut 
fouvent  afliégée  ôcprife ,  quoique  difficile- 
ment. On  s'attaquoiî  d'autant  plus  à  cette 
place ,  qu'elle  donnoit  à  ceux  qui  en  étoient 
les  maîtres ,  l'entrée  libre  dans  l'Egypte. 
L'embouchure  la  plus  orientale  du  Nil  pre- 
noit  fon  nom  dans  cette  ville.  Lucain  dit  : 

Dividui  pars  maxima  NiLi 
In  vada  decurrit  Pe[nCia.i  fepti mus  amnls, 

Claude  Ptolomée ,  mathématicien  célè- 
bre ,  étoit  de  Pelîifium  ;  mais  il  fit  fon  fe- 
jour  à  Alexandrie ,  il  vivoit  dans  le  fé- 
cond fiecle.  Les  ouvrages  qu'il  a  laiftés 
lui  ont  acquis  une  très-grande  réputation  ; 
la  géographie  fur  -  tout  lui  doit  beaucoup  : 
{q.%  œuvres  ont  paru  à  Amfterdam  en  l'an 
161 8,  in-fol. 

Ifidore  ,  le  plus  favant  &  le  plus  célèbre 
des  difciples  de  S.  Chryfoftôme,  fut  fur- 
nommé  Ifidore  de  Pélufe  ,  parce  qu'il  fe 
retira  dans  la  folitude  au  voifinage  de  cette 
ville,  las  des  tracafteries  de  (qs  confrères. 
Il  vivoit  au  commencement  du  cinquième 
fiecle ,  &  mourut  en  440.  Ses  œuvres,  oii 
l'on  trouve  des  points  importans  de  dif- 
cipline  eccléfiaftique  très-bien  traités^  ont 
été  imprimés  plufieurs  fois;  mais  la  meil- 
leure édition  eft  celle  de  Paris,  de  1638, 
in-fol,  en  grec  &  en  latin»  Les  lettres  d,« 


i€6 


P   E  L 


cet  auteur  refpirent  la  candeur  5^  l'ërudî-  ' 
tion  r  elles  font  courtes  &bien  écrites  :  en 
voici  un  trait  curieux  fur  les  eccléfiai^iques 
de  Ton  temps.  «  Pourquoi,  dit-il,  lib.IV^ 
»  epift.  J7,  vous  étonnez-vous  de  ce  que  ^ 
»  fe  mettant  en  fureur  par  un  violent 
M  amour  de  domination,  ils  feignent  d'a- 
M  voir  des  différends  entre  eux  fur  des 
»  dogmes  qui  font  au  deffus  de  leur  porrée 
»  &  de  leurs  expreiîîons  ?  »  Quoi  !  déjà 
dans  le  cinquivUie  fiecle,  des  prélats  accu- 
fés  par  Kîdore  de  feindre  par  efprit  de  do- 
mination ,  &  de  feindre  fur  des  dogmes 
elfentiels  à  la  foi!  Ce  font  là  des  traits 
hiftoriques  qu'il  ne  fau*^  point  oublier. 

Peiufïum  étoit  auffi  le  nomd*un  port 
de  la  ThelTalie.  (D.J.) 

PELYSS  ,  (Géogr.  mod.)  Pdyjfa  ou 
Piffen^  petite  ville  de  la  baffe  Hongrie  , 
capitale  d'un  comté  de  même  nom ,  p'-ès  du 
Danube  ,  à  trois  lieues  fud-eft  de  Grau  , 
cinq  nord  de  Bude.  Long.  j6^,  3.6  ;  lut. 
47,  2(^. 

PELYX,  fiVfz//^.  //z/.  dts  anc.)  Sui- 
vant Poilux  ,  \t pdyx  hdix.  un  inftrument 
à  cordes  ou  de  percuffion;  car  il  dit  que 
c'étoit  un  des  inftrumens  des  chanteurs  , 
&  il  eft  clair  qu'un  chanteur  ne  peut  s'ac- 
compagner d'un  inftrument  à  vent.  (F. 
D,  C.J 

PEMBA,  {Géogr.  mod.)  iMle  de  la 
mer  des  Indes ,  proche  de  la  côte  orientale 
d'Afrique,  vis-à-vis  de  la  baie  de  S.  Ra- 
phaël ,  fur  la  côte  du  Méhnde.  Elle  eft  fi- 
tuée  à  4^.  50'.  de  latitude  méridionale, 
fous  les  56'^.  30'.  de  longitude,  vers  l'o- 
rient méridional  de  la  ville  de  Monbaza  : 
l'île  de  Pcmha  a  le  titre  de  royaume. 

2°.  Pcmha .^  petite  province  d'Afrique, 
au  royaume  de  Congo,  dont  la  capitale 
fe  nornme  Ban\a  :  c'eft  la  réfidence  du 
gouverneur  général.  Long,  mérid.  7,  28. 

PEMBRÔKE,  (Géogr.  mod. J  ville 
d'Angleterre ,  au  pays  de  Galles,  capitale 
de  Pembroke-Shire  ,  avec  titre  de  comté. 
Elle  a  deux  paroiiTes ,  eft  fortifiée  d'un 
château  ,  &  eft  fîtuée  fur  une  pointe  du 
port  de  Milfort,  3195  milles  de  Londres  : 
elle  envoie  deux  députés  au  parlement. 
Long.  /2  ,  43  ;  lat.  61 ,  48. 

C'eft  dans  le  château  de  cette  ville  que 
naquit  Henri  Vli,  roi  d'Angleterre^ dont 


P  E  M 

on  peut  lire  la  vie  écrite  par  Racon^ 
La  bataille  de  Bofworth,  en  1485  ,  mit 
Çin  aux  défoiations  dont  la  rofé  rouge  &  la 
rofe  blanche  avoient  rempli  l'Angle -erre. 
Le  trône,  touiour5<2nfanglancé  &  renver- 
fe  ,fnt  enfin  ferme  &  tranquille,  fienri  VI£ 
ayant  fu  vamcre,  fut  gouverner; fon  règne, 
qui  fut  de  2.4  ans ,  ôsf  prefque  toujours  pai- 
fibie ,  humanifa  les  mœurs  de  la  nation.  Les 
parlcmens ,  qu'il  afTembla  &  qu'il  ménagea, 
firent  de  fagesloix  :  le  commerce,  qui  avoit 
commencé  à  fleurir  fous  le  grand  Edouard 
m,  ruiné  pendant  les  guerres  civiles  , 
commença  à  ié  rétablir.  Henri  VII  eût  été 
fage,  s'il  n'eût  éfé  qu'économe;  mais  uns 
léfine  honteufe  &  des  rapineries  fifcales  , 
ternirent  fa  gloire  :  il  tenoit  un  regître  fecret 
de  tout  ce  que  lui  valoienr  les  confifcations. 
Son  hiftorien  nous  a  laiffé  un  trait  fort 
fingulier  de  fon  avarice.  Le  comte  d'Ox- 
ford étoit ,  de  tous  les  feigneurs  de  fon 
royaume  ,  celui  en  qui  il  avoit  le  plus  de 
coi.fiance,  &  qui  lui  avoit  rendu  les  plus 
grands  fervices.  Un  jour  le  roi  étant  allé 
le  voir  dans  fa  maifon  de  campagne,  il 
le  reçut  avec  toute  la  fplendeur  dont  il 
put  s'avifer.  Quand  le  roi  fut  prêt  à  partir, 
il  vir  en  haie  un  grand  nombre  de  gens  de 
livrée  magnifiquement  vêtus  :  le  comte 
avoit  peut-êtte  oublié  que  plufieurs  aftes 
du  parlement  défendoient  de  donner  des 
livrées  à  d'autres  qu'à  des  domeftiques  en 
fervice  ,  mais  le  roi  n'en  avoit  point  perdu 
la  mémoire.  Lorfqu'il  apperçut  ce  grand 
nombre  de  gens  portant  la  même  livrée  : 
»  Milord  ,  dit-il  au  comte,  j'avois  beau- 
»  coup  oui  parler  de  votre  magnificence, 
»  mais  el'e  furpafie  extrêmement  ce  qu'on 
»  m  en  avoit  dit  ;  tous  ces  gens- là ,  que  je 
»  vois  en  haie ,  font  apparemment  vos  do- 
»  mefliques  ordinaires.?  >>  Le  comte,  qui 
ne  comprit  pas  le  but  du  roi ,  répondit  en 
fouriant,  «  qu'il  n*avoit  pas  à  fa  livrée  lîn 
»  fi  grand  nombre  de  gens.  Par  ma  foi , 
n  Mylord,  répondit  le  roi  brufquement, 
»  je  vous  remercie  de  votre  bonne  chère  , 
»  mais  je  ne  foufFrirai  point  que  fous  mes 
»  propres  yeux  on  viole  ainfi  mes  loix.  » 
Il  en  coûta  quinze  cents  marcs  au  comte 
d'Oxford  pour  cette  contravention. (Z?./.) 
PEMBROKE-SHIRE,  (Géog.  mod.) 
province  d'Angleterre, à  l'occident  de  celle 


P  E  M 

de  Caermarthen,  dans  le  diocefe  de  Sitjirt- 
David.  Eile  eft  très-fertile ,  fur-tout  à  l'el), 
&  la  mer  l'environne  prefque  de  toutes 
parts.  Cette  province  a  95  milles  de  tour, 
&  contient  environ  420  mille  arpens  ,  45 
paroiiïes ,  &  9  villes  de  marché.  Il  faut 
remarquer  entre  fes  produftions  celle  de 
fon  chau<Tage  ,  appelle  culm  ,  qui  n'eft 
autre  chofe  que  la  pouffiere  du  charbon  de 
terre.  On  pétrit  cette  pouffiere  avec  un  tiers 
de  boue ,  &  elle  fait  un  très-bon  feu  d'une 
grande  utilité ,  parce  que  c'eft  le  meilleur 
de  tous  les  chauffages  pour  brûler  de  la 
chaux ,  &  pour  fécher  l'orge  dont  on  fait, 
de  la  bière.  Mais  le  plus  grand  avantage  de 
cette  pjovince  eft  le  port  de  Milford,  Mi/- 
ford-aifcn  ,  qui  femble  l'emporter  fur  tous 
\.^^  ports  de  l'Europe  ,  pour  fa  largeur ,  & 
la  fureté  qu'y  trouvent  les  vaifleaux  :  il  y 
a  feize  criques,  cinq  baies,  treize  rades, 
&  doit  par  cette  raifon  être  mis  au  nom- 
bre des  raretés  du  pays. 
PEMPHINGODES,adj.  {Lcxic.  Médi- 
cm.J  -îrifzipiyy^iiPAç-  •zjupiToj  ,  fièvres  diftin- 
guées  par  des  flatuofîrés  &  des  enflures, 
dans  lefquelles  on  éprouve  des  vents  qui 
fe  font  fentir  au  touclier  ;  ce  tenue  Grec 
a  été  employé  par  Hippocrate,  &  expli- 
qué fort  diverfement  par  Galien. 

PEMESEY, CGéogr.  /;zo<i Jaujourd'hui 
Pcvinfcy  ^  port  affez  fréquenté  dans  le 
comté  de  Suffex.  La  chronique  faxonne 
en  parle  fous  les  années  1046,  1052,  1087; 
il  avoir  été  donné  près  de  cent  ans  aupara- 
vant à  l'abbaye  de  Saint- Denis  en  France 
par  le  duc  Bertold  avec  Chicefter,  Haftmgs 
&  les  faiinesqui  en  dépendoient.  Il  eft  fur 
la  cote  méridionale  de  l'Angleterre  ,  & 
prefque  vis-à-vis  de  l'embouchure  de  la 
Candie  en  Ponthieu;  ce  n'eft  plus  qu'un 
bourg ,  avec  un  petit  havre  ;  mais  ce  havre 
eft  célèbre,  parce  que  c'eft  celui  où  Guil- 
laume-le-Conquérant  fit  fa  defcentepour 
la  conquête  de  l'Angleterre.  {D.  /.) 

PEN  ,  f.  m.  {Géogr.J  fui  vaut  Candem, 
fîgnifie  originairement  une  haute  monta- 
gns  ,  qui  fut  ainfi  appellée  parmi  les  an- 
ciens Bretons ,  &  même  parmi  les  Gau- 
lois, &  c'eft  de-là  que  l'on  appelle  Apen- 
nins, cette  haute  &:  longue  chaîne  de 
montagnes  qui  partagent  l'Italie  dans  toute 
fa  longueur.  Vojei  MoNTAGNE, 


PEN  167 

PENA-GARCIAjCG^'ogr.  mod.)petïte 
ville  de  Portugal ,  dans  la  province  de 
Beira.  Philippe  V  la  prit  en  1704;  mais 
il  fut  obligé  de  fe  retirer  à  l'approche  âes 
alliés.  Elle  eft  fur  les  confins  de  l'Eftra- 
madure  Efpagnole ,  à  fix  lieues  du  fud- 
eft  d'Idanhaveiha.  Long.  11  ,  43  ;  lat, 
39,30.  (D.  J.) 

PENAL,  adj.  {Jurifp.)  eft  ce  quia  rap- 
port à  quelque  peine,  comme  une  claufe 
pénale  ,  une  loi  pénale.  Voy.  Code  PÉ- 
NAL ,  &  aux  mots  CLAUSE  &  LoL  (AJ 

PÉNAL,  f.  m.  Ç Mefure  de  grains.]) 
efpece  de  mefure  de  grains ,  différente  fui- 
vant  les  lieux  où  elle  eft  d'ufage.En  Fran- 
che-Comté, le  pénal  eft  femblable  auboif- 
feaude  Paris  ;  à  Gray,  les  huit  pénaux  font 
quinze  boifîeaux  à  Paris,  ce  qui  eft  égal  à 
l'ânée  de  Lyon  -,  enforte  que  le  pénal  eft  à- 
peu-près  le  double  du  boiffeau  de  Paris.  A 
Bourbonne  le  pénal  de  froment  pefe  72  liv. 
poids  de  marc  ;  de  méteil  70 ,  de  feigle  68, 
&f  d'avoine  58  liv.  on  s'y  fert  aufli  du 
bichet.  Savary.  (Z).  /.) 

PÉNATES  ,  DIEUX,  {Mythologie  & 
Littérat.)  Les  dieux  pénates  étoient  regar- 
dés ordmairement  comme  les  dieux  de  la 
patrie  ;  félon  quelques-uns ,  ce  font  Jupi- 
ter, Junon  &c  Minerve;  félon  d'autres, 
ce  font  les  dieux  des  Samothraces,  qui 
étoient  appelles  divi potes^  dieux  puiftans, 
ou  cabires  ,  qui  eft  la  même  chofe  ;  car  , 
cabir ,  en  Phénicien  ou  Syriaque  ,  fignifie 
puijfant,  &  ces  dieux  font  Cé^ès,  Profer- 
pine.  Minerve  &:  Pluton  ;  quelques-uns  y 
ajoutent  Elizulape  &  Bacchus. 

Les  Grecs  ont  rendu  le  mot  pénates  par 
UctrpcoaufyPatriens; Tivi8?jjvt,  Généthliens'^ 
KTH'tcvf ,  Ctéjiens;  Uaxnji  ,  My chiens  ;  & 
EfK/oyç-,  Herciens;  mots  qui  fignifient  tous 
la  même  chofe.  Virgile  décrit  ces  pénates 
Herciens  dans  ces  vers  du  livre  II  de 
l'Enéide  : 

j^dibus  în  mediis  medioque  jub  mhe~ 

ris  axe 
Ingens   ara  fuit ,  jitxtaque   veterrimct 

laiirus 
Incunibens  am  ,   atque  umhrd  corn- 

plexa  pénates. 

»  Au  milieu  du  palais,  dans  un  endroit 
»  découvert ,  étoit  un  grand  autel,  tout 


i<^8 


P  E  N 


»  auprès  un  vieux  laurier  ,,  qui  de  Ton 
»  ombre  couvroit  l'autel  &  les  dieux 
»  pénates. 

Denis  d'Halicarn  affe  nous  peint  les  dieux 
pénates  apportés  de  Troye ,  tels  qu'on  les 
voyoit  dans  un  vieux  temple  à  Rome,  près 
du  marché  :  C'étoit ,  dit-il ,  deux  jeunes 
hommes  affis,  tenant  chacun  une  lance 
d'un  ouvrage  fort  antique,  &  avec  cette 
infcription,  denates  pour  pénates:  les  an- 
ciens ,  continue-t-il ,  qui  n'avoient  pas  l'u- 
fage  de  la  !ettreP,re  fervoient  de  la  lettre/5. 

Cicéron  diftingue  trois  ofdres  de  dieux 
pénates,  ceux  d'une  nation,  ceux  d'une 
ville  ,  &  ceux  d'une  maifon  :  en  ce  dernier 
fens,  les  dieux  pénates  ne  differoient  pas 
beaucoup  des  dieux  lares,;  c'étoient  les 
dieux  protefteurs  du  logis  :  on  leur  donna 
le  nom  de  pénates  ,  continue  le  même 
Cicéron,  du  mot pe nu ,  parce  qu'ils  veil- 
lent à  ce  qu'il  y  a  de  plus  fecret  dans  le 
domeftique  ;  ou ,  fi  l'on  aime  mieux ,  parce 
qu'on  les  mettoit  dans  l'endroit  le  plus  re- 
tiré de  la  maifon  :  In  penitijjimd  œdium 
parte.  Suétone  raconte,  que  dans  le  palais 
d'Augufte  il  y  avoit  un  grand  appartement 
pour  les  dieux  pénates,  c'eft-à-dire ,  pour 
les  dieux  lares  ;  un  jeune  palmier  étant  né 
devant  la  maifon  de  l'empereur,  il  le  fit 
apporter  dans  la  cour  des  dieux  pénates , 
avec  ordre  qu'on  eût  grand  foin  de  là 
culture.  Mais  il  faut  finir  par  un  fait  bien 
plus  important. 

Il  étoit  d'abord  défendu  à  Rome  d'ho- 
norer chez  foi  des  divinités  dont  la  reli- 
gion dominante  n'admettoit  pas  le  culte. 
Dans  la  fuite,  les  Romains  plus  éclairés 
fur  les  moyens  d'agrandir  l'état  ,  y  fouf- 
frirent  non-feulement  l'introdu(5lion  des 
dieux  particuliers ,  mais  l'autoriferenr  par 
le  gouvernement  politique  ;  puifqu'une  loi 
des  douze  Tables  enjoignoit  de  célébrer 
les  facrifices  des  dieux  pénates ,  Se  de  les 
continuer  fans  interruption  dans  chaque 
famille,  fuivant  que  les  chefs  de  ces  mêmes 
familles  l'avoient  prei'crit.  {D,  J.) 

PENAUTIER,  (Géogr.  mod.)  petite 
ville  de  France,  dans  le  haut  Languedoc  , 
fur  la  rivière  de  Frefquel,  à  deux  lieues  de 
Carcaflonne. 

PENCER  LA  FOSSE,  terme  de  Tan- 
neur j  c'eft  retirer  le  tan  de  la  foffe ,  afin 


P  E  N 

y  d'y  remettre  du  tan  nouveau  ,  pour  y  re- 
placer encore  les  cuirs. 

Pencer  les  plains,  terme  de  Tarî" 
neur ,  qui  fignifie  ôter  les  cuirs  du  plain  , 
&  y  remettre  de  nouvelle  chaux, 

PENCHANT  ,  INCLINATION  , 
(fynon.)  ces  deux  termes  font  relatifs  au 
goût  naturel  ou  acquis  ,  qu'on  a  pour  quel- 
que objet. 

L'inclination  dit  quelque  chofe  de  moins 
que  le  penchant.  La  première  nous  porte 
vers  un  objet,  8>c  l'autre  nous  y  entraîne, 
11  femble  auffi  que  Vinclination  doive  beau- 
coup à  l'édixation ,  &:  que  le  penchant 
tienne  plus  du  tempérament. 

Le  choix  des  compagnies  eft  effentiel 
pour  les  jeunes  gens  ,  parce  qu'à  cet  âge 
on  prend  aifémént  les  inclinations  de  ceux 
qu'on  fréquente.  La  nature  a  mis  dans 
l'homme  un  penchant  infurmontable  vers 
le  plaifir  ;  il  le  cherche  même  au  moment 
qu'il  croit  fe  faire  violence. 

On  donne  ordinairement  à  Vinclination 
un  objet  honnête  ;  mais  on  fuppofe  celui 
du  penchant  plus  fenfuel ,  &  quelquefois 
même  honteux.  Ainfi,  l'on  dit  qu'un  hom- 
me a  de  V inclination  pour  les  arts  &  pour 
les  fciences ,  &  qu'il  a  du  penchant  à  la 
débauche  &  au  libertinage.  Girard.(D.J.J 

PENCHER,v.aa.  &neut.((?r^/7z/77.) 
il  fe  dit  de  tout  corps  qui  s'écarte  de  la 
fituation  verticale,  &  même  horizontale. 
Cette  tour  penche  de  ce  côté.  La  balance 
penche  en  ma  faveur.  Il  penche  à  la  clé- 
mence. Ainfi  il  fe  prend ,  comme  on  voit , 
au  fimple  &  au  figuré. 

PENDANT,  f.  m.  {Hifl.  anc.  &  mod.) 
anneau  d'oreille  ,  c'eft  un  ornement  de 
quelque  matière  précieufe  que  portent  les 
femmes.  On  le  fufpend  à  l'oreille  par  wxv 
trou  pratiqué  à  cet  effet.  Les  pendans  d'o' 
reilles  font  fort  fouvent  enrichis  de  dia- 
mans  ,  de  perles  &  autres  pierres  précieu- 
ks.  Voye^  Dl AMANT  ,  PeRLE  ,  &c. 

Il  y  a  îong-tems  que  \t^ pendant  d^ oreilles 
ont  été  du  goût  de  l'un  &  de  l'autre  fexc 
Les  Grecs  &:  les  Romains  fe  fervoient  des 
perles  &c  des  pierres  les  plus  précieufes  pour 
parer  leurs  oreilles ,  avec  cette  différence 
remarquée  par  Ifidore  ,  Uv.  XV III  de  Jes 
origines,  ch.  xxxj ,  que  les  jeunes  filles 
avoient  un  pendant  à  chaque  orçille ,  6t. 

les 


P  E  N 

les  jeunes  garçons  n'en  avoient  qu'à  une  j 
feulement. 

Les  Grecs  nommoient  les  ptndans  cfc 
reilles  ,  K^tuctçnfif  ^  Jes  Latins  ,  inaures  ou 
jlalagmia.  Une  fervante  demande  à  Me- 
iiajcme  ,  acl,  III  ^  fc.i^.  de  lui  donner  de- 
quoi  acheter  des  boucles  &  des  pendans 
d'onilles. 

Amabo  ,  mi  Mencscme  ,   inaureis  da 

mihi 
Faciendas  pondo  duum  nummum  lla- 

lagrnia. 

Juvenal  nous  apprend  auflî ,  dans  fa  Satyre 
VI ,  que  les  Romains  nommoient  encore 
tlenchi  les  pendans  S  oreilles  : 

"Nil  non  permittit   mulier  tibi  ,  turpe 

putat  nil 
Cum  vir ides  gemmas  colla  circumdedit  , 

&  cum 
^Auribus     extenjîs     magnos     commifit 

elenchos. 

Les  Grecs  avoient  plufieurs  noms  difFé- 
rens  pour  exprimer  les  pendans  d'oreilles. 


P  E  N  169 

Subflringitque  comam  gemmis ,  fi»  colla 

monili 
Circuit  ,    &  baccis  onerat  candentibus 

aures, 

.  Séneque  n'avoit  donc  pas  grand  toit  de 
dire ,  qu'il  conuoillbit  des  femmes  qui  por- 
toient  deux  &  trois  patrimoines  au  bout 
de  chaque  oreille  :  Video  uniones  ,  dit-il  , 
non  fingulos  (ingulis  auribus  comparatos  , 
jam  enim  exercitatx  aures  oneri  ferendo 
funt  ;  junguntur  interfe  ,  6»  infuper  al  il 
binis  fuper  ponuntur  :  non  fatis  mulieri- 
bus  infania  viros  fubjecerat  ,  niji  bina  & 
terna  patrimonia  auribus  fingulis  pepen- 
diffent. 

On  fait ,  par  le  témoignage  de  Pline  , 
qu'Antonia  ,  femme  de  Drufus ,  ne  le  con- 
tentoit  pas  de  porter  elle- même  des  pendans 
d'oreilles  magnifiques  ,  mais  qu'elle  en  mit 
de  lèmblables  à  une  lamproie  dont  elle 
faifoit  fes  délices. 

Les  pendans  des  femmes  Européennes 
ne  font  rien  en  comparaifon  de  ceux  que 
portent  les  Indiens ,  tant  hommes  que  fem- 


Hefychius  &  Julius  Pollux  en  ont  remar-  1  mes  ,  qui  ont  la  mode  de  s'allonger  les 
que  quelques-uns.  Quant  à  la  forme  ,  à  la  1  oreilles,  &  d'en  augmenter  le  trou  ,  en  y 
matière  ,  au  poids  &  à  l'ouvrage  ,  il  n'y  a  |  mettant   des  pendans  grands    comme  ties 


point  eu  de  règle  certaine  \  chacun  a  fuivi 
Ion  génie ,  fes  forces  &  fa  vanité  j  &  le  luxe 
n'a  pas  été  moins  dans  cette  efpece  d'orne- 
ment ,  que  dans  tout  ce  que  l'ambition  & 
la  volupté  ont  pu  inventer  pour  fatisfaire 
l'orgueil  des  hommes.  Nous  apprenons  mêm.e 
de  quelques  infcriptions  rapportées  par 
Gruter ,  qu'il  y  avoit  des  femmes  &  des 


faucieres  ,   &  garnis  de  pierreries. 

Peyrard  dit  que  la  reine  de  Callicut  &  les 
autres  dames  de  fa  cour  ont  des  oreilles , 
qui ,  par  le  moyen  de  ces  owiemens  ,  leur 
de^fcendent  jufqu'aux  mamelles  ,  &  même 
plus  bas  :  le  préjugé  du  pays  eft  ,  que 
les  plus  longues  font  d'une  grande  beauté. 
Elles  y  font  des  trous  alfez  larges  pour  y 


filles  qui  n'avoient  d'autre  emploi  que  d'or- ApalFer  le  poing.  Il  n'eft  pas  permis  aux  Mon- 


ner  les  oreilles  des  femmes  ,  comme  nous 
avons  des  coëifeufès. 

Les  pendans  d'oreilles  étoient  du  nombre 
des  chofes  dont  les  mères  ornoient  leurs 
filles  ,  pour  paroître  devant  celui  qui  devoit 
être  leur  mari.  Ce  foin  eft  bien  dépeint  par 
Claudien  ,  fous  un  des  confulats  d'Houorius. 

At     velut    ojjîciis     trepidantibus    orq 

puelLv  , 
Spe  propiore  thori  mater folertior  ornât 
Adveniente  proco  ,  vejiefque  &  fingula 

comit 
Sape  manu^  viridique  angujiat  jafpide 

peclus  ; 

Tome  XXV, 


COIS  ,  qui  font  les  gens  du  peuple  ,  de  les 
avoir  aulTi  longues  que  les  Najres  ,  qui  font 
les  nobles  :  celles  des  premiers  ne  doivent 
pas  paifer  la  longeur  de  trois  doigts.  Aux 
Indes  occidentales  ,  Chriftophe  Colomb 
nomma  une  certaine  côte  Orega ,  à  caulè 
qu'il  y  trouva  des  peuples  qui  faifoient  dans 
leurs  oreilles  des  trous  alfez  grands  pour 
y  pafler  un  œuf.  Voye^  Oreille. 

Ils  fe  font  auffi  percer  les  narines  &  les 
lèvres  ,  pour  y  fulpendre  des  pendans  ;  ce 
qui  eft  pratiqué  par  les  Mexiquains  &  par 
d'autres  nations.  Voyei  Nez. 
,  Pendant  ,  terme  de  Blafon  ,  qui  fe  dit 
des  parties  qui  pendent  au  lambel  ,  au 


170 


P  E  N 


P  E   N 


nombre  de  deux  ,  trois  ,  quatre  ,  cinq ,  &c.  I  entre  les  croupes  de  la  montagne  ,  d'où  Tor- 


que l'on  fpécifie  en  blalbnnant. 

Les  pendans  irritent  les  gouttes  des  tri- 
glyphes  de  la  frife  dorique. 

De  S.  Jean ,  fcigneur  dudit  lieu ,  en  Bre- 
tagne ,  d'argent  à  la  fafce  vivrée  d'azur ,  au. 
lambel  de  quatre  pendans  de  même. 

La  Verne  ,  en  Bourgogne ,  de  gueules 
au  lambel  d'argent  de  deux  pendans.  Sa 
lîtuation  naturelle  eft  d'être  près  du  chef. 
Il  y  en  a  de  trois  ,  de  quatre ,  de  cinq  ,  de 
fix  &  de  fept  pendans. 

Pendant  ,  f.  m.  (Stéréotomie)  ; c'eft  un 
petit  vouflbir  de  voûtes  gothiques  fans 
coupe ,  fait  à  l'équerre. 

Pendant  ou  Flame,  voyei  Flame. 

Pendant  ,  f.  m.  (  terme  de  Cànturier.  ) 
Les  deux  pendans  du  baudrier  ou  du  cein- 
turon font  les  parties  qui  pendent  au-bas  du 
baudrier ,  &  au  travers  dcfquels  on  palFe 
l'épée. 

Pendant  fe  dit  auflî  de  la  partie  d'une 
boîte  de  montre  ,  à  laquelle  on  attache  la 
chaîne  ou  le  cordon.  11  eft  compofé  d'un  pe- 
tit bouton  qu'on  rive  à  la  boîte  ,  &  d'un 
anneau  qui  tient  à  ce  bouton  ,  par  le 
moyen  d*une  vis  ,  ou  d'une  goupille  qui 
paffe  à  travers  l'un  &  l'autre. 

Pendant  ,  (  Soierie.  )  On  appelle /'^/î- 
Jans  du  cajjîn  ,  les  tenons  qui  foutiennent 
les  planches  des  arcades.  Voye^  Arcades 
&  Cassin.     • 

PENDELI  ,  (  Géogr.  anc,  &  mod,  ) 
montagne  de  l'Attique,  dans  le  voifinage 
d'Athènes,  qu'on  voit  delà  au  nord-eft. 

Au  pié  de  cette  montagne  ei\  un  monaf- 
tere  du  même  nom  ,  l'un  des  plus  cclebres^e  poire  ,  montée 
de  toute  la  Grèce.  Il  eft  compofé  de  plus 
de  cent  Caloyers  ,  &  d'un  grand  nombre 
d'autres  perfonnes  qui  ont  là  des  revenus 
affez  conlidérables.  Ils  paient  tous  les  ans  , 
de  carach  ou  de  tribut ,  fix  mille  livres  de 
miel ,  pour  la mofquée  que  la  Sultane,  mère 
de  l'empereur  Mahomet  IV  ,  a  fait  bâtir  à 
Conftantinople  ^  ils  font  obligés  d'en  four- 
nir encore  autant ,  à  raifon  de  cinq  piaf- 
tres  le  quintal.  Ils  ont  rarement  moins 
de  cinq  mille  effaims  d'abeilles ,  outre  des 
terres  labourables  &  des  troupeaux  de  bre- 


,  dans  fa  defcription  d'A- 
a  montagne  de  S.  George 


tent  plufieurs  ruifleaux  ,  qui  fe  rendent  dans 
des  réfèrvoirs  pour  confêrver  du  poiffon  , 
&  pour  faire  tourner  les  moulins.  Ces  ca- 
loyers font  ombragés  de  diverfes  fortes  d'ar- 
bres ,  pour  modérer  la  chaleur  de  l'été  ,  & 
pour  ie  fournir  de  bois  pendant  l'hiver  ,  qui 
eft  aflez  vif  en  ce  lieu-là  ,  parce  que  le  haut 
de  la  montagne  eft  couvert  de  neige.  Ils 
ont  une  bibliothèque ,  qui  confifte  en  un 
grand  nombre  de  volumes  des  pères  Grecs. 
La  montagne  eft  un  rocher  entier  de 
marbre  blanc ,  &  ainfi  on  ne  doute  point 
que  ce  ne  foit  la  montagne  Pentelîcus  , 
dont  Paufanias  vante  fi  fouvent  le  marbre- 
A  une  lieue  &  demie  de  Pendeli ,  il  y  a 
un  village  appelle  Céfifia  :  Hérode  Atticus 
y  avoit  une  maifon  de  plaifance.  Ce  vil- 
lage eft  fitué  fur  un  ruiffeau  qui  vient  du 
mont  Pendeli  ,  &  qui  tombe  dans  le  Ce- 
phife.  On  y  découvre  quelques  anciennes 
murailles  de  marbre ,  proche  d'une  mofquée. 

La  Guilletiere 
thenes  ,  a  pris 

(  Agios  Georgios  )  pour  le  mont  Penthé- 
lique  ,  où  eft  le  monaftere  de  Medeli  ,  & 
il  a  pris  le  mont  Penthélique  pour  l'Anchef^ 
mus  5  mais  il  eft  certain  que  la  montagne  fi- 
tuée  à  deux  lieues  d'Athènes ,  où  eft  le  mo- 
naftere de  Medeli,  eft  le  mont  Penthélique  y 
car  c'eft  à  une  demi-lieue  au  defTus  du  cou- 
vent ,  que  fè  trouvent  les  carrières  d'où  l'on 
a  autrefois  tiré  le  marbre  pour  les  temples 
d'Athènes.  {  D.  J.) 

PENDELOQUE  ,  f.  f.  en  terme  de  met- 
teur en  œuvre.)  eft  une  pièce  taillée  en  forme 
fur  de  l'or  ou  de  l'ar- 
gent 5   qui  joue  au  moindre  mouvement. 
Les  pendeloques  fe  placent  ordinairement  au 
bas  d'une  croix ,  des  boucles  d'oreilles ,  êr. 
On  donne  le  nom   de  pendeloque   à  la 
pierre  même ,  lorfqu'elle  a  la  forme  de  poire. 
PENDENTIF  ,  f.  m.  (  Arckit.  )  c'eft 
une  portion  de  voûte ,   entre  les  arcs  d'un 
dôme  ,   qu'on  nomme  aufîî  fourche  ou  pa- 
nache ,  &  qu'on  taille  en  fculpture  ;  tels 
font  les  pendentifs  du  Val  -  de  -  Grâce  ,  8c 
ceux  de  S.  Louis  des  invalides  ,  à  Paris  , 


bis ,  avec  de  grands  vignobles  &  quantité 
d'oliviers.  La  fituation  de  ce  monaftere  eft 
fort  agréable  pendant  l'été  ,  à  cauiè  qu'il  eft 


où  l'on  a  repréfenté  les  quatre  évangéliftes. 
On  peint  encore  les  pendentifs  ,  &  ils  en 
paroiftent  alors  plus  légers,  comme  on  le 
remarque  à  la  plupart  de  ceux  des  dômes 


P  E  N 

de  Rome ,  &  particulièrement  à  ceux  de  S. 
Charles  a//i  Catinari  ,  ^  de  S.  André  délia 
Valle  ,  qui  font  du  Dominiquain. 

Pendentif  de  moderne  ,  c'efi  la  portion 
d'une  voûte  g-othique  entre  les  formerets , 
avec  doubleaux ,  ogives ,  liernes  &  tierce- 
rons. 

Pendentif  di  Valence^  efpece  de  voûte  en 
manière  de  cul-de-four  ,  rachetée  par  four- 
che. II  y  a  de  ces  pendentifs  aux  charniers 
neufs  des  SS.  Innocens.  On  les  appelle  de 
Valence  ,  parce  que  le  premier  a  été  fait  à 
Valence  en  Dauphiné  ,  où  on  le  voit  en- 
core ,  dans  un  cimetière  ,  porté  fur  quatr^ 
colonnes ,  &  où  il  couvre  une  fépuiture.  Da- 
viler.  {D,J.) 

PENDER,  £  m.  (Hif.  mod.)  doaeur 
parmi  Ïqs  gentils  Indiens ,  mais  ce  terme 
cft  fur-tout  aiFed:é  à  ceux  des  Brachmanes. 

PENDEKACHI  ,  {^Géogr.  mod.)  autre- 
ment nommé  Eregri ,  petite  ville  de  Grèce 
dans  la  Romanie  ,  avec  un  archevêque  fuf- 
fragant  de  Conftantinople.  Elle  eft  bâtie 
fur  \qs  ruines  de  l'ancienne  ville  d'HéracIée  , 
une  des  plus  belles  de  l'Orient ,  ii  même  on 
en  juge  par  lés  ruines ,  &  par  les  vieilles 
murailles  conftruites  de  gros  quartiers  de 
pierre  ,  qui  font  encore  iiir  le  bord  de  la 
iner-  Penderachi  eft  près  de  la  mer  ,  à  20 
lieues  fud-oueft  de  Conftantinople.  Long. 
45  ,  23  ^  lat.  40  ,  57. 

PENDEURS,  PENDOURS, f. m.  {Mar.) 
ï^^pendeur  eft  un  bout  de  corde  moyenne- 
ment longue  ,  à  laquelle  tient  une  poulie 
pour  paifer  la  manœuvre.  Les  provençaux 
<àïknt  pendour  j  &  ce  mot  eft  reçu  ailleurs 
auifi  bien  que  celui  de  pendeur. 

Pendeurs  de  balanciers  ,  ce  font  ceux  qui 
font  paftes  à  la  tête  des  grands  mâts  &  des 
mâts  de  mifaine ,  qui  pendent  fur  les  hunes , 
&  où  font  palîëes  \qs  balancines. 

Pendeurs  d'écoutes  de  civadieres  ,  pen- 
deurs de  bras  ;  ce  font  ceux  qui  fout  frappés 
au  bout  des  vergues ,  &  où  les  bras  font 
preflés. 

Pendeurs  de  caliornes  ;  ils  fervent  à  tenir 
les  poulies  de  caliorne  des  deux  mâts  ^  ils 
font  frappés  &  paftes  comme  ceux  des  ba- 
lancines. 

Pendeurs  de  palan  ,  ce  font  ceux  qui 
tiennent  les  poulies  où  font  paifés  les  palans 
des  deux  mâts. 


P  E  N  171 

PENDILLON  ,  f.  m.  (Horlog.)  c'eft  une 
verge  rivée  avec  la  tige  de  l'échappement  , 
pour  communiquer  le  mouvement  au  pen- 
dule ,  &  le  maintenir  en  vibration  j  cette 
pièce  eft  auftî  cippelléefourc/tette  :  ce  qui  lui 
a  fait  donner  ces  deux  noms  ,  c'eft  que  le 
pendillon  porte  une  broche  qui  entre  dans 
une  ouverture  faite  au  plat  de  la  verge  du 
pendule  5  &  on  l'appelle /owrcAe//^ ,  parce 
qu'elle  tient  lieu  de  broche  ,  dans  laquelle 
paffe  la  verge  du  pendule. 

PENDRE  ,  v.  a.  (Gr^zmm.)  attacher  quel- 
que choie  en  haut ,  par  fa  partie  fupérieurc. 
On  pend  les  cloches  ;  l'évêque  porte  une 
croix  pendue  à  fou  cou.  Il  fignifîe  auffi  traî- 
ner: pendre  ,  defcendre  trop  bas.  Il  y  a  long- 
temps que  votre  cotillon  pend.  Prndre  fe  dit 
aufti  du  fupplice  de  la  potence.  On  pend  £qu. 
épée  au  croc. 

^  PENDRE  ,  {Hiji.  nat.  Botan.)  plante  de 
l'île  de  Madagalcar.  Elle  a  la  feuille  pi- 
quante \  fès  fleurs  font  blanches  &  très- 
aromatiques.  Les  femmes  les  laiflent  trem- 
per dans  l'huile  ,  pour  en  frotter  leurs  che- 
veux. 

PENDULE,  f.  m.  {Méchan.)  eft  un  corps 
pefànt ,  fuipendu  de  manière  à  pouvoir  faire 
des  vibrations ,  en  allant  &  venant  autour 
d'un  point  fixe,  par  la  force  de  la  peianteur, 
V.  Vibration. 

La  pefànteur  eft  l'unique  caufe  des  vibra- 
tions du  pendule.  Si  le  corps  étoit  abfo- 
lument  libre  ,  &  abandonné  à  lui-même  , 
il  defcendroit  vers  la  terre ,  par  la  force  d© 
fa  gravité  ,  autant  qu'il  lui  feroit  pofTible  \ 
mais  étant  attaché  par  un  fîl ,  il  ne  peut 
obéir  qu'en  partie  à  l'effort  de  fa  gravité  , 
&  il  cft  contraint  de  décrire  un  are  de 
cercle. 

Les  vibrations*,  c'eft-à-dire,  les  defccntes 
&  les  remontées  alternatives  du  pendule  y 
s'appellent  auffi  ofcillations.  V.  OSCILLA- 
TION. 

Le  point  autour  duquel  le  pendule  fait 
les  vibrations,  ^^ -a-pp^Wi  centre  de  fufp en- 
Jion  ou  de  mouvement.  Voyez  CENTRE.  Une 
ligne  droite  ,  qui  paffe  par  le  centre  paral- 
lèlement à  l'horizon  apparent ,  &  perpendi- 
culairement au  plan  dans  lequel  le  pendule 
ofeille ,  eft  appelle  axe  d'ofcilLation,  Voyez 
Axe. 
'     Galilée  fut  le  premier  qui  iin^ina  de 


'i7t      .    .       P  E  N  . 

fuipendre  un  corps  grave  à  un  fil,  &  de 
inefurer  le  temps  dans  les  obfcrvations  ai- 
tronomiques,  &dans  les  expériences  d«phy- 
fîque  ,  par  fes  vibrations  ^  à  cet  égard ,  on 
peut  le  regarder  comme  l'inventeur  despen- 
du/es. Mais  ce  fut  M.  Huyghens  qui  le  fit 
fèrvir  le  premier  à  la  conftruélion  des  hor- 
loges. Avant  ce  philofophe ,  les  mefures  du 
temps  étoient  très-fautives  ou  très-péni- 
bles 'j  mais  les  horloges  qu'il  conftruifit 
avec  des  pendules ,  donnent  une  mefiire  du 
temps  infiniment  plus  exacte  que  celle  qu'on 
peut  tirer  du  cours  du  foleil  ^  car  le  loleil 
ne  marque  que  le  temps  relatif  ou  apparent , 
&  non  le  temps  vrai,  Foyei  Equation  du 

TEMPS. 

Les  vibrations  d'un  pendule  font  toutes 
fenfiblement  ifochrones ,  c'eft- à-dire,  qu'el- 
les fe  font  dans  des  efpaces  du  temps  fenfi- 
blement égaux.  V,  Isochrone. 

C'eft  ce  qui  fait  que  \e  pendule  eft  le  plus 
exaâ:  chronomètre  ,  ou  i'inftrument  le  plus 
parfait  pour  la  mefure  du  temps.  F.  Temps 
é»  Chronomètre. 

C'eft  pour  cela  aufll  qu'on  propofè  les 
différentes  longueurs  du  pendule  ,  comme 
une  mefure  &  invariable  &  univerfelle  des 
longueurs ,  pour  \ts  contrées^Sc  les  fieclesles 
plus  éloignés.  V.  Mesure. 

Ainfi  ,  ayant  une  fois  trouvé  un  pendule 
dont  une  vibration  eft  précifément  égale 
à  une  féconde  de  temps  ,  prife  fiir  le  mou- 
vement moyen  du  foleil ,  fi  le  pié  horaire 
(ainfi  que  M.  Huyghens  appelle  la  troi- 
fieme  partie  de  fon  pendule  à  fécondes  ) 
comparé  au  pié  qui  fert ,  par  exemple  , 
d'étalon  en  Angleterre,  eft  comme  392  à 
360  ^  il  fera  aifé  ,  par  le  calcul,  de  réduire 
à  fes  piés' toutes  les  autre%mefures.du  mon- 
de ,  les  longueurs  des  pendules  ,  comptées 
du  point  de  fufpenfion  jufqu'au  centre  de 
la  boule  ,  étant  les  unes  aux  autres  comme 
les  quarrés  des  temps  pendant  lefquels  fc 
font  les  différentes  ofcillations  :  éiles  font 
donc  réciproquement  comme  \ts  quarrés 
des  membres,  d'ofciilations  qui  fe  font 
dans  le  même  temps.  C'eft  fur  ce  principe 
que  M.  Monton  ,  chanoine  de  Lyon  ,  a 
compofé  un  traité  de  menfura  pojleris  tranf- 
mùtenda. 

Peut-être  même  feroît-il  à  fouhaiter  que 
'toutei  les  nations  vouluffent  s'accorder  à 


P  E  N 

avoir  une  mefure  commune  ,  qui  fêroît  ^ 
par  exemple  ,  celle  du  pendule  à  fécondes  : 
par-là  ,  on  éviteroit  l'embarras  &  la  diffi- 
culté de  réduire  les  unes  aux  autres  les  me- 
fures des  différentes  nations  5  &  fi  les  an- 
ciens avoient  fuivi  cette  méthode  ,  on  con- 
noîtroit  plus  exadlement  qu'on  ne  fait  au- 
jourd'hui ,  les  diverfes  mefures  dont  ils  fê 
fcrvoient. 

Cependant  quelques  favans  croient  que 
cette  méthode  a  des  inconvéniens.  Selon 
eux  ,  pour  réuffir  à  la  rendre  univerfelle , 
il  faudroit  que  la  pefanteur  fût  la  même 
à  tous  les  points  de  la  fiirface  de  la  terre. 
En  effet ,  la  pefanteur  étant  la  feule  caufê 
de  l'ofcillation  du  pendule  ,  &  cette  caufè 
étant  fuppofée  refter  la  même  ,  il  eft  cer- 
tain que  la  longueur  du  pendule  qui  bat  les 
fécondes  ,  devroit  être  invariable  ,  puifque 
la  durée  des  vibrations  dépend  de  cette  lon- 
gueur ,  &  de  la  force  avec  laquelle  les  corps 
tombent  vers  la  terre.  Par  conféquent  ,  la 
mefure  qui  en  réfulte  feroit  univerfelle  pour 
tous  les  pays  &  pour  tous  les-  temps  \  car 
nous  n'avons  aucune  obfervation  qui  noua 
porte  à  croire  que  l'adiion  de  la  gravité  foit 
différente  dans  les  mêmes  lieux ,  en  différens 
temps.  " 

Mais  des  obfervation^  ineouteftables  ont 
fait  connoître  ,  que  l'aftion  de  la  pefanteur 
eft  différente  dans  différens  climats  ,  &  qu'il 
faut  toujours  alonger  le  pendule  vers  le  pôle,. 
&  le  raccourcir  vers  l'équateur  :  ainli  on 
ne  fauroit  efpérer  de  mefure  univerfelle  que 
pour  les  pays  fitués  dans  une  même  lati- 
tude. 

Comme  la  longueur  du  pendule  qui  bat 
les  fécondes  à  Paris  ,  a  été  déterminée  avec 
beaucoup  d'exaâiitude  ,  on  pourroit  y  rap- 
porter toutes  les  autres  longueurs.  Pour 
rendre  la  mefure  univerfelle  ,  il  faudroit 
avoir ,  par  l'expérience ,  des  tables  des  diffé- 
rences des  longueurs  du  pendule  qui  bat- 
troit  les  fécondes  dans  les  différentes  lati-. 
tudes  ^  mais  il  n'eft  nullement  aifé  de  dé- 
terminer ces  longueurs  par  l'expérience,  avec 
la  précifion  néceflàire  pour  en  bien  con- 
noiire  les  différences  ,  qui  dépendent  quel- 
quefois de  moins  que  d'un  quart  de  ligne^ 
Pour  connoître  fa  quantité  de  Faâian  de 
la  pefanteur  dans  un  certain  lieu  ,  iJ  ne  fuffit 
pas  d'avoir  un^  horloge  à  peaduk  j  ^ui  batte 


P  E  N 

les  fécondes  avec  juileffe  dans  ce  lieu  ^  car 
ce  n'eft  pas  la  ieule  peianteur  qui  meut  le 
pendule  d'une  horloge  ,  mais  l'avion  du  rei- 
ibrt  ^  &  en  général ,  tout  l'aflèmblage  de  la 
machine  agit  fur  lui ,  &  fe  mêle  à  l'adion 
de  la  gravité  pour  le  mouvement.  Il  n'eft 
queftion  que  de  trouver  la  quantité  de  l'ac- 
tion de  la  feule  pefanteur  \  &  pour  y  par- 
venir ,  on  fe  fèrt  d'un  corps  grave  fufpendu 
à  un  fil ,  lequel  étant  tiré  de  fou  point  de 
repos,  fait  les  ofcillations  dans  de  petits 
©rcs  de  cercle ,  par  la  feule  ad  ion  de  la 
pefanteur.  Afin  de  favoir  combien  ce /«^/z- 
duh  fait  d'ofcillations dans  un  temips donné, 
on  fe  ièrt  d'une  horloge  s.  pendule  bien  ré- 
glée pour  le  temps  moyen ,  &  l'on  corfpte 
le  nombre  d'ofcillations  que  \q  pendule  d'ex- 
périence ,  c'ell- à-dire,  celui  liir  qui  la  pe- 
fanteur agit,  a  fait  pendant  que  le  pen- 
dule de  l'horloge  a  battu  un  certain  nom- 
bre de  fécondes.  Les  quarrés  du  nombre 
àcs  ofcillations  que  le  pendule  de  l'horloge 
&  \e pendule  d'expérience  font  en  un  temps 
égal  ,  donnent  le  rapport  entre  la  longueur 
du  pendule  d'expérience  ,  &  celle  du  pen- 
dule fimpîe  ,  qui  feroit  fes  ofcillations  par 
la  feule  force  de  la  pefanteur ,  &  qui  feroit 
ifochrone  au  pendule  compoie  de  l'hor- 
loge ,  &  qui  par  conféquent  battroit  les  fe- 
t:ondes  dans  la  latitude  oii  l'on  fait  l'expé- 
rience ,  &  cette  longueur  eft  celle  du  pen- 
dule que  l'on  cherche.  M.  Formey. 

Voilà  un  précis  de  ce  que  quelques  fa- 
vans  ont  penfé  fur  cette  mefure  nniverfelle 
tirée  àw  pendule  :  on  pourroit  y  répondre  , 
qu'à  la  vérité  la  longueur  du  pendule  neil 
pas  exactement  la  même  dans  tous  les  lieux 
de  la  terre  ;  mais  outre  que  la  différence 
en  efl  aiîez  petite  ,  on  ne  peut  disconvenir , 
comme  ils  l'avouent  eux-mêmes ,  que  la 
longueur  du  pendule  ne  demeure  toujours 
la  même  dans  un  mêmie  endroit  ^  ainli  les 
mefures  d'un  pays  ne  feroient  au  moins  fu- 
jettes  à  aucune  variation  ,  &on  auroit  tou- 
jours un  moyen  de  les  comparer  aux  me- 
fures d'un  autre  pays  avec  exadtitude^  ôc 
avec  précifion.  On  peut  voir  fur  ce  fujet 
les  réflexions  de  M.  de  la  Condamine  ,  dans 
les  Mémoires  de  t Académie  ,  année'i-AJ. 

M.  Huyghens  détermine  la  longueur  du 
pendule  qui  bat  les.  fécondes  à  troiS  pies 
troix  pouces  &,  trois  dixièmes  d'uu  pouce 


P  E  N  173 

d'Angleterre ,  fui  vaut  la  rédudion  de  M. 
Moor.  A  Paris  ,  MM.  Varin  ,  Deshayes  & 
de  Glos ,  ont  trouvé  la  longueur  du  pen- 
dule à  fécondes  de  440  lignes  |  j  M.  Go- 
din  de  440  lignes  ^  \  M.  Picard  de  440  &  4  ; 
&  il  trouva  la  mémiCL  dans  l'île  de  Heune  , 
à  Lyon  ,  à  Bayontie  &  à  Sette.  M.  de 
►  Mairan  ayant  répété  l'expérience  en  1735  , 
aveqpbeaucoup  de  foin  ,  l'a  trouvée  de  440 
lignes  ^l ,  qui  ne  diffère  de  la  longueur  de 
M.  Picard  que  de  ^V  de  ligne.  Ainfi  on 
peut  s'en  tenir  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces 
mefîjres  ,  pour  la  longueur  exacte  du  pen- 
dule à  fécondes  à  Paris.  Remarquez  que 
les  longueurs  des  pendules  fè  mefurent 
ordinairem.ent  du  centre  de  mouvement  , 
jufqu'au  centre  de  la  boule  ou  du  corps 
qui  ofcille. 

Sturm.ius  nous  apprend  ,  que  Riccioli  fut 
le  premier  qui  oblèrva  l'ifochronifme  des 
pendules  ,  propriété  fi  admirable  ,  &  qu'il 
en  fit  ufage  pour  la  mefure  du  tenips  : 
après  lui,  Ticho  ,  Langrenus,  Werdelin, 
Merfene  ,  Kircher  &  d'autres  ,  ont  trouvé 
la  même  chofe  ^  rhais  Huyghens  ,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit  ,  &{x  Je  premier  qui 
ait  appliqué  le  pendule  aux  horloges.  Voyei^ 
Horloge. 

Il  y  a  aies  pendules  fimples  &  compofes. 

Le  pendule  fim.ple  confifle  en  un  fèul 
poids  ,  tel  que  A  ,  confidéré  comme  un 
point  j  &  en  une  ligne  droite  inflexible, 
comme  C  A ,  regardée  comme  fi  elle 
n'avoit  aucune  pefanteur ,  &  fufpendue  au 
centre  C ,  autour  duquel  elle  peut  aifém.ent 
tourner.  PI.  Méckaniques  ,  fig,  ^ô, 

ht  pendule  compofé  confifèeen  phifieurs 
poids ,  fixés  de  manière  à  conferver  la  m.ême 
difiance ,  tant  les  uns  des  autres,  que  du 
centre  autour  duquel  ils  fout  leurs  vibra- 
tions. Voy,  Composé  &  Oscillation. 

Théorie  du  mouvement  des  pendules.  1®. 
Un  pendule  élevé  en  B  ,  retomibera  par 
l'arc  de  cercle  B  A,  &^  s'élèvera  encore ,  en 
décrivant  un  arc  A  D  de  mém.e  grandeur  , 
jufqu'au  point  Z),  aulîi  haut  que  le  premier, 
delà  il  retombera  en  ^  ,  &  fe  relèvera  juf- 
qu'en  B  ,  &L  continuera  ainfi  perpétuelle- 
ment de  monter  &  de  defcendre. 

Car  fuppofbns  que  HI  fbit  une  ligne 
horizontale  3  &  que  B  D  lui  foit  parallèle  i 


174  P  E  N 

fi  le  corps  A ,  que  l'on  confidere  ici  comme 
un  point ,  eft  élevé  en  B,,  la  ligne  de  direc- 
tion B  H ,  étant  une  perpendiculaire  tirée 
du  centre  de  pefanteur  B  Cm  la  ligne  hori- 
2ontàle  H  I  ,  tombe  hors  du  point  C,  & 
par  conféquent  l'adion  de  la  pefanteur 
n'eft  point  détruite  par  la  réfiftance  de  la 
verge  B  C  ,  comme  elle  l'eft  lorfque  la 
verge  cft  dans  une  lituation  verticale^  A  : 
le  corps  ne  fauroit  donc  refter  en  B  ;  il 
faut  qu'il  defcende.  Fby^{  Descente. 

Mais  ne  pouvant  ,  à  caufe  du  fil  qui  le 
retient  ,  tomber  perpendiculairement  par 
B  H  ^  il  fera  forcé  de  décrire  l'arc  B  A  : 
de  plus ,  quaiid  il  arrive  en  A  ,  il  tend  à 
s'émouvoir  fuivant  la  tangente  A  I ,  avec 
la  vîtelfe  qu'il  a  acquife  en  tombant  le  long 
de  l'arc  B  A  ^  &(.  cette  vî telle  eft  égale  à 
celle  qu'il  auroit  acquife  en  tombant  de 
la  hauteur  B  H  ou  F  A  ;  ^  coiimie  le  corps 
ne  peut  fe  mouvoir  fuivant  A  I ,  à  caufe  du 
fd  qui  le  retient  ,  il  eft  obligé  de  fe  mou- 
voir fur  l'^rc  A  D.Or  y  en  montant  le  long 
de  cet  arc ,  la  pefanteur  lui  ôte  à  chaque 
inftant  autant  de  degrés  de  vîtefle  qu'elle 
lui  en  avoit  donnés  lorfqu'il  defcendoit 
le  long  de  l'arc  BA;  d'où  il  s'enfuit  que 
lorfqu'il  fera  arrivé  en  Z) ,  il  aura  perdu , 
par  l'aftion  fucceflive  8c  répétée  de  la  pe- 
fanteur ,  toute  la  vîtelfe  qu'il  avoit  au  point 
A  :  donc  quand  il  fera  arrivé  en  Z)  ,  il  cef^ 
fera  de  monter  ,  &  redefcendra  par  l'arc 
D  A  y  pour  remonter  jufqu'en  B  ;  Se  ainfî 
de  fiiite.  f^oyei  Accélération  &  Pe- 
santeur. 

Ce  théorème  eft  confirmé  par  l'expé- 
rience dans  un  nombre  fini  d'ofcillations  : 
mais  fi  on  les  fuppofoit  continuées  à  l'in- 
fini 5  on  appercevroit  enfin  quelque  diffé- 
rence '<,  car  la  réfiftance  de  l'air,  &  le  frot- 
tement autour  du  centre  C,  détruira  une 
partie  de  la  force  acquife  en  tombant  :  ainfi, 
le  corps  ne  remontera  pas  précifcment  au 
même  point. 

C'eft  pourquoi  la  hauteur  à  laquelle  le 
pendule  remonte  diminuant  confidérablc- 
ment ,  les  ofcillations  celferont  enfin  ,  & 
le  pendaie  demeurera  en  repos  dans  la 
direâion  perpendiculaire  à  l'horizon,  qui 
eft  fa  dire<ftion  naturelle.  On  fait  cepen- 
dant abftraftion  de  la  réfiftance  de  l'air  & 
du  frottement  que  le  pendule  éprouve  à  fon 


P  E  N 

point  de  fufpenfion  ,  lorfqu'on  traite  de» 
ofcillations  des  pendules  ,  parce  qu'on  ne 
les  confidere  que  dans  un  temps  très-court  j 
&  que  dans  un  petit  efpace  de  temps  ces 
deux  obftacles  ne  font  pas  un  effet  fenfible 
fur  le  pendule.  Ainfi  les  vibrations  du 
même  pendule  ,  dans  les  petits  arcs  de  cer- 
cles inégaux ,  s'achèvent  dans  des  temps 
fenfiblement  égaux  ,  quoiqu'ils  ne  le  foient 
pas  géométriquement  ,  &  que  divers  in- 
convéniens  puillent  \qs  augmenter  ou  les 
diminuer.  ^ 

Les  ofcillations ,  dans  de  plus  grands  arcs  , 
/è  font  toujours  dans  un  temps  un  peu  plus 
long  ^  &  ces  petites  différences  ,  qui  font 
très-peu  de  chofe,  dans  un  temps  très-court 
&  dans  de  très-petits  arcs  ,  deviennent  {^a- 
fibles  lorfqu'elles  font  accumulées  dans  un 
temps  plus  confidérable  ,  ou  que  les  arcs 
diftérent  fenfiblement.  Or  ,  mille  accidens  , 
foit  du  froid  ,  foit  du  chaud  ,  foit  de  quel- 
ques faletés  qui  peuvent  fe  glilièr  entre  les 
roues  de  l'horloge ,  peuvent  faire  que  les 
arcs  décrits  par  le  même  pendule  ne  foient 
pas  toujours  égaux  ,  &  par  conféquent  les 
temps  marqués  par  l'aiguille  de  l'horloge  , 
dont  les  vibrations  du  pendule  font  la  me- 
fure  ,  fèroient  un  peu  plus  courts  ou  plus 
longs.  L'expérience  s'eft  trouvée  conforme 
à  ce  raifonnement  ^  car  M.  Derham  ayant 
fait  ofciller  dans  la  machine  pneumatique 
un  pendule  ^  qui  faifoit  fes  vibrations  dans 
un  cercle  ,  il  trouva  que  lorfque  l'air  étoit 
pompé  de  la  machine  ,  les  arcs  que  fon 
pendule  décrivoit  étoient  d'un  cinquième 
de  pouce  plus  grands  de  chaque  côté  que 
dans  l'air ,  &  que  fès  olcillations  étoient 
plus  lentes  de  deux  fécondes  par  heure.  Les 
vibrations  du  pendule  étoient  plus  lentes 
de  fîx  fécondes  par  heure  dans  l'air  ,  lorf- 
qu'on ajuftoit  le  pendule  de  façon  que  les 
arcs  qu'il  décrivoit  fulfent  augmentés  de 
cette  même  quantité  d'un  cinquième  de 
pouce  de  chaque  côté  ,  Tranf.  phiL  n°, 
294  \  car  l'air  retarde  d'autant  plus  le  mou- 
vement des  pendules  ,  que  les  arcs  qu'ils 
décrivent  font  plus  grands  :  le  pendule  par- 
court de  plus  grands  arcs  dans  le  vuide, 
par  la  même  raifon  qui  fait  que  les  corps 
y  tombent  plus  vite  ,  c'eft-à-dire,  parce 
que  la  réfiftance  de  l'air  n'a  pas  lieu  dans 
ce  vuide.  £nfin,M.  Derham  remarque,  que 


P  E  N 

Us  arcs  décrits  par  fon  pendule  étoient  un 
peu  plus  grands  ,  lorfqu'il  avoit  nouvelle- 
inent  nettoyé  le  mouvement  qui  le  faifoit 
aller. 

C'eft  pour  remédier  à  Tinégalité  du  mou- 
vement des  pendules  ,  que  M.  Huyghens 
imagina  de  faire  ofciller  les  pendules  dans 
des  arcs  de  cycloïde  ,  au  lieu  de  leur  faire 
décrire  des  arcs  de  cercle.  F'oyei  RÉSIS- 
TANCE &  Frottement. 

2°.  Si  le  pendule  fimple  eft  fufpendu 
entre  deux  demi  -  cycloïdes  CB  &l  CD 
(  PL  Méchan.  fig.  37  ,  )  dont  les  cercles  gé- 
nérateurs aient  leur  diamètre  égal  à  la  moi- 
tié de  la  longueur  du  fil  C^  ,  de  manière 
que  le  fil ,  en  ofcillant ,  s'applique  ou  fe  roule 
autour  des  demi-cycloïdes  ^  toutes  les  ofcil- 
lations ,  quelle  que  foit  la  différence  ou  l'iné- 
galité de  leur  grandeur  ,  feront  ifochrones , 
c'eft-à-dire  ,  fe  feront  en  des  temps  égaux. 
Car  puifque  le  fil  du  pendule  C  £"  eft 
roulé  autour  de  la  demi-cycloide  B  C ,  le 
centre  de  pefanteur  de  lu  boule  E  ,  que 
l'on  y  confidere  comme  un  point ,  décrira  , 
par  fon  développement  ,  une  cycloïde 
SEAD,  comme  on  le  démontre  par  la 
théorie  de  cette  courbe  :  or  ,  toutes  les 
afcenfions  &  defcentes  dans  un  cycloïde 
font  ifochrones  ,  ou  fe  font  en  temps 
égaux  j  c'eft  pourquoi  les  ofcillationsdu/jc/i- 
dule  font  auffi  ifochrones.  V.  CiCLOÏDE. 

Imaginons  préfentement ,  qu'avec  la  lon- 
gueur du  pendule  CA  on  décrit  un  cer- 
cle du  centre  C  ;  il  eft  certain  qu'une  por- 
tion très-petite  de  la  cycloïde  ,  proche  le 
fbmmet  A  ,  eft  pre/que  décrite  par  le  même 
mouvement  ;  car  fi  le  fil  C  J^  ne  décrit 
qu'une  très-petite  portion  de  la  cycloïde, 
comme  y^  Z  ,  il  ne  s'enveloppera  autour  des 
cycloïdes  C  É  ,CD,  que  par  une  petite  par- 
tie de  (on  extrémité  vers  C ,  &  les  points 
A  L  feront  fenfiblement  à  la  même  dif- 
tance  du  point  C  ;  c'eft  pourquoi  un  petit 
arc  de  cercle  fe  confondra  prelque  entière- 
ment a\:c  le  cycloïde. 

Ainfi  ,  dans  les  petits  arcs  de  cercle ,  les 
ofcillations  des  pendules  feront  fenfiblement 
ifochrones  ,  quoiqu'inégales  entr'elles  ,  & 
le  rapport  au  temps  de  la  defcente  per- 
pendiculaire par  la  moitié  de  la  longueur  du 
pendule ,  eft  le  même  que  celui  de  la  circon- 
féreuce  d'un  cercle  à  fon  diamètre  ,  comme 


P  E  N  175 

M.  Huyghens  l'a  démontré  pour  la  cycloïde. 
D'où  il  fuit ,  que  plus  les  pendules  qui 
ofcillent  dans  des  arcs  de  cercle  font  longs  , 
plus  les  ofcillations  font  ifochrones  ,  ce  qui 
s'accorde  avec  l'expérience  ^  car  dans  deux 
grands  pendules  d'égale  longueur  ,  mais  qui 
ofcillent  dans  des  arcs  inégaux  ,  pourvu 
néanmoins  que  l'un  de  ces  arcs  ne  foit  pas 
trop  grand  ,  à  peine  appercevra-t-on  quel- 
que inégalité  ou  différence  dans  le  nombre 
de  cent  ofcillations. 

D'où  il  fuit  encore  ,  que  l'on  a  une  mé- 
thode de  déterminer  l'efpace  que  parcourt , 
en  un  temps  donné  ,  un  corps  pefant  qui 
tombe  perpendiculairement  ;  car  ayant  le 
rapport  du  temps  d'une  ofcillation  au  temps 
de  la  chute  par  la  moitié  de  la  longueur  du 
pendule  ,  on  a  le  temps  de  la  chute  par 
la  moitié  de  la  longueur  du  pendule  :  d'où 
Ton  peut  détruire  l'efpace  qui  fera  parcouru 
dans  tout  autre  temps  donné  quelconque. 

C'eft  au  célèbre  M.  Huyghens  que  nous 
fommes  redevables  de  toute  la  théorie  des 
pendules  qui  ofcillent  entre  deux  demi- 
cycloïdes  ,  tant  par  rapport  à  la  théorie, 
qu'à  la  pratique  :  il  la  publia  d'abord  dans 
fon  korologium  ofcillatorium  ,  five  demonf- 
trationes   de  motu  pendulorum  ,  &e., 

Depuis  ce  temps,  on  a  démontré,  en 
beaucoup  de  manières  différe,ntes,  tout  ce 
qui  regarde  le  mouvement  des  pendules  ; 
&  le  célèbre  M.  Newton  nous  a  donné  , 
dans  fos  principes  ,  une  belle  théorie  fur  ce 
fiijet ,  dans  laquelle  il  a  étendu  aux  épicy- 
cloïdes  les  propriétés  que  M.  Huyghens 
avoit  démontrées  de  la  cycloïde. 

3°.  L'aâ:ion  de  la  pefanteur  eft  moindre 
dans  les  parties  de  la  terre  où  les  ofcillations 
du  mêm.e  pendule  font  plus  lentes ,  &  elle 
eft  plus  grande  où  elles  font  plus  promptes  5 
car  le  temps  d'une  ofcillation  ,  dans  la 
cycloïde ,  eft  au  temps  de  la  defcente  per- 
pendiculaire par  le  diamètre  du  cercle  géné- 
rateur ,  comme  la  circonférence  du  cercle 
eft  au  diamètre.  Par  conféquent ,  fi  les 
ofcillations  du  même  pendule  font  plus 
lentes  ,  la  defcente  perpendiculaire  des 
corps  pefans  eft  aufli  plus  lente  ,  c'eft-à- 
dire  ,  que  le  mouvement  eft  moins  accé- 
léré ,  ou  que  la  force  de  la  pefanteur  eft 
moindre  j  &  réciproquement. 
Aiufi ,  comme  Ton  trouve  par  expérience 


1^6  P  E  N 

que  les  ofcillations  du  même  pendule  font 
plus  lentes  près  de  l'équateur  que  dans  les 
endroits  moins  éloignés  du  pôle  ,  la  force  de 
la  pefanteur  eft  moindre  vers  l'équateur  que 
vers  \qs  pôles  j  &  delà  on  a  conclu ,  que  la 
figure  de  la  terre  n'eft  pas  précifémeut  une 
iphere,  mais  un  fphéroïde.  f^oje^  Figure 

DE    LA    TERRE. 

Auflî  M'.  Richer  trouva  ,  par  une  expé- 
rience faite  en  l'île  de  Cayenne  ,  vers  le 
quatrième  degré  de  latitude  ,  qu'un  pen- 
dule qui  bat  les  fécondes  à  Paris ,  devoit  être 
raccourci  d'une  ligne  &  un  quart ,  pour  ré- 
duire fes  vibrations  au  temps  d'une  ièconde. 

M.  Deshayes  ,  dans  un  voyage  qu'il  fit 
en  Amérique ,  confirma  l'obfervation  de  M. 
Richer  \  mais  il  ajoute ,  que  la  diminution 
établie  par  cet  auteur  paroît  trop  petite. 

M.  Couplet  le  jeune ,  à  fon  retour  d'un 
voyage  au  Bréfîl  &  eu  Portugal  ,  fè  réunit 
à  M.  Desjiayes  ,  quant  à  la  néceflîté  de 
raccourcir  le  pendule  vers  l'équateur  ,  plus 
que  n'avoit  fait  M.  Richer.  Il  obferva  ,  que 
même  à  Lisbonne  ,  le  pendule  à  fécondes 
doit  être  de  deux  lignes  \  plus  court  qu'à 
Paris  ^  ce  qui  eft  une  plus  grande  diminu- 
tion que  celle  de  Cayenne ,  telle  que  M. 
Richer  l'a  déterminée ,  quoique  Cayeiîne  ait 
24  d^l^rés  moins  de  latitude  que  Lisbonne. 
Mais  les  obfervations  de  M.  Couplet  n'ont 
point  paru  afTez  exactes  à  M.  Newcon  , 
pour  qu'on  pût  s'y  fier  :  Crajfioribus  ,  dit-il , 
hujus  obfervationibus  minus  fidendum  eji. 
Prop.  XX.  liv.  111  de  fes  principes. 

D'autres  auteurs  ont  prétendu  ,  que  la 
diminution  du  pendule  ne  fe  faifoit  point 
régulièrement  :  Mefîîeurs  Picard  &  de  la 
Hire  ont  trouva  la  longueur  du  pendule  à 
fécondes  exadlement  la  même  a  Rayonne  , 
à  Paris ,  &  à  Vranibourg  en  Danemarck  ;, 
quoique  la  première  ville  foit  à  43  degrés 
2  de  latitude  ,  &  la  dernière  à  53^^.  3'. 

C'eft  pourquoi  M.  de  la  Hire  préfume  que 
la  diminution  n'eft  qu'apparente  ^  que  la 
verge  de  fer  avec  laquelle  M.  Richer  me- 
fùra  fon  pendule  ,  peut  s'être  alongée  par 
les  grandes  chaleurs  de  l'île  de  Cayenne  ^ 
&  qu'ainfi ,  en  approchant  de  la  ligne  ,  le 
pendule  ne  devoit  pas  promptement  être 
raccourci ,  abftra6iion  faite  de  la  chaleur. 
Mais ,  en  premier  lieu  ,  on  pourroit  répon- 
dre ,  que  fuivant  la  table  donnée  par  M. 


P  E  N 

Newton ,  de  la  longueur  du  pendule  aux 
différentes  latitudes  ,  la  différence  des  lon- 
gueurs du  pendule  à  43  degrés  &  demi ,  & 
à  3  5  degrés ,  eft  alfez  petite  pour  avoir  été 
difficile  à  appercevoir  ;  car  cette  différence  ' 
n'eft  que  d'environ   4ô   de  ligne  :   à  plus 
forte  raifon  ,  la  différence  à  Rayonne  &:  à 
Paris  ,  fera-t-elle  encore  plus  infenfible.  A 
l'égard  de  l'obfervation  de  M.  de  la  Hire  , 
fur   l'accroiftëm.ent  des  verges  du  pendule 
par  le  froid  ,  &  leur  dilatation  par  la  cha- 
leur ,  M.  Newton  répond ,  que  dans  l'expé- 
rience que  M.  de  la  Hire  rapporte  ,  la  cha- 
leur de  la  verge  étoit  plus  grande  que  celle 
du  corps  humain ,  parce  que  les  métaux 
s  "échauffent  beaucoup  au  foleil  ,    au  lieu 
que  la  verge  d'un  pendule  n'eft  jamais  ex- 
pofée  à  la  chaleur  directe  du  foleil  ^  &  ne 
reçoit  jamais  un  degré  de  chaleur  égal  à  ce- 
lui du  corps  humain  \  d'où  il  conclut ,  qu'une 
verge   de  pendule  longue    d'environ  trois 
pies  ,  peut  être  ,  à  la  vérité  ,  un  peu  plus 
longue  en  été  qi^n  hiver ,  &  à  l'équateur 
que  dans  nos  climats ,   fi  on  a  égard  à  la 
chaleur  ^  mais  que  fon  alongement  ne  doit 
pas  être  aifez  grand  pour  produire  toute 
la  différence  que  Ton  obferve  dans  la  lon- 
gueur du  pendule.  M.  Newton  ajoute  qu'on 
ne  peut  point  attribuer  non  plus  cette  dif- 
férence aux  erreurs  des  aftronomes  Fran- 
çois \  car  quoique  leurs  obfervations    ue 
s'accordent  pas  parfaitement  entr'elles ,  ce- 
pendant la  différence  en  eft  Çi  petite ,  qu'elle 
peut  être  négligée  :  en  comparant  entr'elles 
ces  différentes  obfervations',  M.  Newton 
croit  qu'on  peut  prendre  deux  lignes  pour 
la  quantité  dont  le  pendule  à  fécondes  doit 
être  augmenté  fous  l'équateur. 

M.  de  Maupertuis ,  à  la  fin  de  Ion  Traité 
de  la  paralaxe  de  la  lune  ,  nous  a  donné 
un  précis  des  principales  opérations  qui 
ont  été  faites  pour  la  mefure  du  pendule  , 
dans  les  différens  endroits  de  la  terre  ,  par 
les  plus  habiles  obfervateurs  ,  &  il  y  joint 
les  obièrvations  qui  ont  été  faites  par  lui- 
même  ,  &  par  meftîeurs  Clairaut ,  Camus  , 
le  Morînier  ,  Ç/c.  à  Pello ,  pour  y  déter- 
miner la  longueur  au  pendule.  Il  déduit 
enfuite  de  ces  obfervations  ,  les  rapports 
de  la  pefanteur  en  différens  lieux ,  dont  il  a 
formé  une  table  :  il  trouva  ,  par  exemple  , 
qu'un  poids  de  1 00000  livres  à  Paris ,  pefè- 

roit 


P  E  H 

roit  à  Pello  100137 1.  &  à  Londres  lôooi'S. 
Voy.  Figure  de  la  terre.  Voy.  auffi 
les  ouvrages  de  Meilleurs  Bouguer  ,  la 
Condamine  y  Bofcowich  y  ^c  fur  cet  im- 
portant fujet. 

4°.  Si  deux  pendules  font  leurs  vibrations 
dans  des  arcs  femblables  ,  le  temps  de  leurs 
ofcillations  font  en  raifon  ibus-doublée  de 
kurs  longueurs. 

D'où  il  fuit  que  les  longueurs  des  pendu^ 
les  qui  font  leurs  vibrations  dans  des  arcs 
femblables  ,  font  en  railbn  doublée  des 
temps  que  durent  les  ofcillations. 

5*.  Les  nombres  des  ofcillations  ifochro- 
nes  faites  dans  le  même  temps  par  deux 
pendules  ,  font  réciproquement  comme  les 
temps  employés  aux  différentes  vibrations. 

Ainlî  ,  les  longueurs  des  pendules  qui 
font  leurs  vibrations  dans  de  petits  arcs 
{èmblables  ,  font  en  raifon  doublée  récipro- 
que âts  nombres  d'ofci Hâtions  faites  dans 
k  même  temps. 

,6°.  Les  longueurs  des  pendules  flifpen- 
dus  entre  deux  cycloïdcs ,  font  en  raifon 
doublée  des  temps  pendant  lefquels  fe  font 
ks  différentes  ofcillations. 

D'où  il  fuit  qu'elles  font  en  raifon  dou- 
blée réciproque  des  nombres  d'ofcillations 
faites  dans  le  même  temps  ;  &  que  les 
temps  des  ofcillations  faites  en  différentes 
cycloïdes ,  font  en  raifon  fous-doublée  des 
longueurs  despendules. 

7°.  Pour  trouver  la  longueur  d'un  pen- 
dule  y  qui  fafîe  un  certain  nombre  de  vibra- 
tions en  un  temps  donné  quelconque. 

Suppofons  que  l'on  demande  ÇO  vibra- 
tions dans  le  temps  d'une  minute ,  &  que 
Fon  demande  la  longueur  de  la  verge  ,  en 
comptant  du  point  de  fufpenfion  jufqu'au 
centre  d'ofcillation  ou  de  la  boule  qui  eft 
au  bout  ;  c'efl  une  règle  confiante  que  les 
longueurs  des  pendules  font  l'une  à  l'autre 
réciproquement  comme  les  quarrés  de  leurs 
vibrations.  Maintenant,  fuppofons  qu'ui 
pendule  iÇecondts ,  c'eft-à-dire  ,  qui  fait  6c 
vibrations  dans  une  minute ,  eft  de  39  pouce> 
&  T^  ;  dites  donc  ,  lequarré  de  50  ,  qui  efl 
de  2Ç.OO  ,  efl  au  quarré  de  60  ,  qui  eft  dt 
3600,  comme  39  îV  eft  A  la  longueur  di 
pendule  cherché  ,  que  l'on  trouvera  de  56 
pouces  i*. 

Tome  XXV^ 


P  E  N  "177 

"Remarque  pratique.  Puifque  le  produit 
des  termes  moyens  de  la  proportion  fera  tou- 
jours 14I1200,  c'eft-à  dire  ,  3600  X  39 
ïV  ,  il  n'y  a  feulement  qu'à  divifer  ce  nom- 
bre par  le  quarré  du  nombre  des  vibrations 
affigné  ,  &  le  quotient  donnera  la  longueur 
d'un  pendule  ,  qui  fera  précifément  autant 
de  vibrations  dans  une  minute. 

8*.  La  longueur  d'un  pendule  étant  con- 
nue ,  trouver  le  nombre  de  vibrations  qu'il 
fera  dans  un  temps  donné. 

Cette  queftion  eft  l'inverfe  de  la  première. 
Dites,  la  longueur  donnée  56  y\  eft  à  la 
longueur  du  pendule  à  fécondes ,  qui  fert 
de  modèle  ,  c'eft-à-dire  ici  ,  eft  à  39  tô  » 
comme  le  quarré  dts  vibrations  de  ce  der- 
nier pendule  dans  un  temps  donné  ;  par 
exemple  ,  une  minute  eft  au  quarré  des 
vibrations  cherchées  ;  c'efl-à-dire  ,  56  ^^ , 
39  î5  :  :  3^^^  >  2,500  ,  &  la  racine  quarréc 
de  2500  ou  50  ,  fera  le  nombre  des  vibra- 
tions que  l'on  demande. 

Mais  dans  la  pratique  ,  il  faut  agir  ici 
comme  dans  le  premier  problême  :  vous 
n'aurez  feulement  qu'à  divifer  141 1200  par 
la  longueur  ,  vous  aurez  le  quarré  du  nom- 
bre des  vibrations  ;  de  même  que  l'on  di- 
vife  ce  nombre  par  le  quarré  des  vibrations, 
pour  trouver  la  longueur. 

Sur  ces  principes  ,  M.  Derham  a  conf- 
truit  une  table  des  vibrations  des  pendules 
des  différentes  longueurs  dans  l'elpace  d'une 
minute. 


Longueur  da 

1                ' 

Longueur  du 

1 

petidule  en 

Vibratîonî  en 

pendule  en 

V  ibration  en 

pouces. 

une  minute. 

poucet. 

u  ne  minute. 

I. 

hs-  7. 

30. 

6%.  6. 

1. 

26J.  6. 

59.    2. 

68.0. 

4. 

5- 

187.  8. 
168.  0. 

40. 

59- S- 

6. 

i;3-  }• 

yo. 

;3.  ï- 

7. 

142.  0. 

60. 

48.  y. 

8, 

132.  8. 

70. 

44-  9. 

9- 

lis-  i. 

8g. 

41.  0. 

10. 

118.  8. 

90. 

59.  ^' 

20. 

84.  0. 

100. 

i7'S' 

178  P  E  N 

Remarquez  que  ces  loix  du  mouvement 
des  pendules  ne  s'obfervcront  pas  à  la  ri- 
gueur ,  à  moins  que  le  fil  qui  loutient  la 
boule  n'ait  aucun  poids  ,  &  que  la  pefan- 
teur  de  tout  le  poids  ne  foit  réuni  en  un  feul 
point. 

Cq{\.  pourquoi  il  faut  fe  fervir  ,  dans  la 
pratique ,  d'un  fil  très-fin ,  &  d'une  petite 
boule  ,  mais  d'une  matière  fort  pefante  ; 
fans  cela  ,  le  pendule  y  de  fimple  qu'on  le 
fuppofe ,  deviendroit  compofé  ,  &  ce  feroit 
prefque  la  même  chofe  que  fi  difïerens  poids 
çtoient  appliqués  à  difFérens  endroits  de  la 
xnême  verge  inflexible. 

L'ufage  des  pendules  y  pour  mefurer  le 
temps  dans  les  obfervetions  agronomiques , 
&  dans  les  occafions  où  l'on  a  befoin  d'un 
grand  degré  de  pfécifion  ,  eft  trop  évident 
pour  qu'il  foit  bôfoin  d'en  parler  ici. 

On  peut  régler  la  longueur  du.  pendule 
avant  fon  application  ,  &  la  faire  poijr 
battre  un  temps  demandé ,  par  exemple  , 
les  l'econdes ,  les  demi-fècondes ,  &c.  par 
Van.  4  ;  ou  bien ,  on  peut  la  prendre  à 
volonté  ,  &  déterminer  enfuite  les  temps 
des  vibrations  fuivant  Van.  8. 

Quant  à  l'ufage  des  pendules  ,  pour  la 
Kiefure  yes  difiances  inacceffiblçs  fort  éloi- 
gnées pjf  r  le  moyen  du  fon ,  Poye\  SoN  , 
Çhambers  ,  JVolf  r  &c.  (  O) 

Méthode  générale  pour  trouver  le  mou- 
vement d'un  pendule.  Soit  a  le  rayon  du 
cercle  que  décrit  le  pendule  ,  ou  la  longueur 
du  pendule-,  3,  l'abfcilTe  totale  qui  répond 
à  l'arc  du  centre  /  en  prenant  cette  abfcifle 
depuis  le  point  le  plus  bas;  af,  l'abfciffe 
d'une  portion  quelconque  de  cet  arc  ;  p  ,  la 
pefanteur  ;  w ,  la  vitefle  en  un  point  quelcon- 
qu€  ;  on  aura uu  =  z p  (3  —  oc).  Voye\ 
hs  articles  F9RCE  ACCÉLÉJLATRICE  6" 
Plan  iNCLINÉ.Et  le  temps  employéàpar- 
^ourir  un  arc.  quelconque  infiniment  petit  ^ 

mCiX  -fldX  I 

-  — —      _  V    — — - — ■ 

fera«/2fl«-*«        '^lax-xx       ^2.  p.^  b  -  x' 

Or  ,  lorfque  l'arc  defcendu  n'a  pas  beaucoup 
d'amplitude  ,  oç  çfl  petit  par  rapport  à  a  ; 

&  on  peut,  au  lieu  de   ^ 


2a X —XX 


ou 


A ,  écrire  j—  x  \7F^'^ :7^=^) 

^Q.  {  Vo^e\  Binôme  j  Approxima- 


P  E  N 
TioN  &  Exposant);  de  manière  qu« 
l'élément    du    temps   fera     à  -  peu  -  près 

^-Lp^y^  ra^  hx-7i         4aSlT'aVT^71c)  y 

&c.  quantité  qui  étant  intégrée  par  les 
règles  connues  ,  donnera  à-peu-près  le 
temps  d'une  demi-vibration  du  pendule.  On 
peut  même  ,  lorfque  l'arc  defcendu  eft 
fort  petit ,  négliger  entièrement  le  terme 

+  xdx 

if —  ./T )  &  âîors  ,  le  temps  de  h 

laV  2.aV  bx-  xx^  '  '^ 

defcente  du  pendule  fera  fenfiblement  le" 
même  que  celui  de  la  defcente  dans  une 
cycloïdc  qui  auroit  le  rayon  ofculateur  à 
fon  fommet  égal  au  rayon  du  pendule. 

On  voit  auflî  que  le  temps  de  la  defcente 
par  un  arc  de  cercle,  eft  en  général  un 
peu  plus  grand  que  celui  de  la  defcente 
par  un  tel  arc  de  cycloïde  :  de  plus  ,  il  eft 
aifé  de  comparer  le  temps  d'une  vibration 
avec  le  temps  de  la  defcente  verticale  d'un 
corps  le  long  d'un  efpace  quelconque  A; 
car  la  vitefle ,  à  la  fin  de  cet  efpàce  ,    eft 

vTTÂ  >  &  l'élément  du   temps  efl  .^^ 

dont  l'intégrale  efl  — i-^i  Or ,  le  temps  de  k 
^  p 

demi-vibration  eft  égal    à    l'intégrale   de 

-adx -dx  a 

.  ou  de 


^xa.^fxpSlb: 


n. 


^^la.'^xpy 


c'eft-à-dire  ,   (  en  nommant  c  la  circonfé- 

e  a 

rence  du  rayon  a  )  a  7^ ^   \J ^  a^f—-'  Donc 


Zp 


les  deux   temps    font  entre    eux    comme 
—~  à  ï^TÂ.  D'où  il  efl  aifé  de  tirer   les 

théorèmes  fur  les  T^e/z^w^^J". 

Dans  ces  théorèmes  on  fait  abfîra&'on 
de  la  réfiftance  de  l'air  ;  cependant  il  eft  boa 
d'y  avoir  égard  ,  &  plufieurs  géomètres  s'y 
font  appliqués.  V'oye:^  les  Mém.  de  Péter s-^ 
bourg  y  tom.  III  Ù  V.  Voyez  auflî  moa 
Ejjaifur  la  réfifiance  des  fluides  ,  an.  xcv  j^ 
xcvy  Ù  fuiv.  (O) 

Calcul  des  nombres  fignifie  ,  en  Méehckm 
nique  &  parmi  les  Horlogers ,  l'art  de  cal-s 
culer  le  nombre  des  roues  &  des  pignon» 
d'une  machine ,  pourleurfairefaii-eun  nom- 
bre de  révolutions  donné  dans  un  temp« 


P  E  N 

donné.  On  ne  peut  parvenir  à  cela  ,  qu'en 
modérant  la  vitefle  des  roues  par  un  pen- 
dule ou  balancier  dont  les  vibrations  (oient 
ifochrones.  Repréfentez  -  vous  un  rouage 
de  pendule  ,  la  roue  de  rencontre,  la  roue 
de  champ ,  la  grande  roue  ,  laquelle  doit 
faira^un  tour  en  une  heure  ;  le  mouvement 
lui  eu  communiqué  par  une  roue  adofîee  à 
une  poulie  ,    que  le  poids  fait  tourner  en 
tirant  en  en-bas  :  cette  roue  engrené  dans 
un  pignon  fixe  au  centre  ou  fur  la  même 
tige  que    la   grande  roue ,  qui   doit   faire 
un  tour  en  une  heure.  Cette  roue  engrené 
de  même  dans  le  pignon  fixe  fur  la  tige 
de  la  roue  de  champ  ;  cette  dernière  en- 
grené dans  le  pignon  de  la  roue  de  ren- 
contre ,  dont  la  viteflê  efl  modérée  par  les 
vibrations  du  pendule  ,  qui  ne  laifle  paffer 
qu'une  dent  de  la  roue  de  rencontre  à  cha- 
que vibration  au  pendule  ;  mais  comme  cha- 
que dent  de  la  roue  de  rencontre,    dans 
une  révolution  entière ,    frappe  deux  fois 
contre  les  palettes  du  pendule  y  il  fuit  que 
le  nombre  de  vibrations  ,  pendant  un  tour 
de   la  roue   de   rencontre  ,  efl:  double  de 
celui  des  dents  de  cette  roue  ;  ainfi  ,   li  les 
vibrations  du  pendule  durent  chacune  une 
féconde  ,   &  que  la  roue  de  rencontre  ait 
IÇ  dents,  le  temps  de  fa*révolution  fera 
de  30"  ou  une  demi -minute.  Si  on  fup- 
pofe  que  le  pignon  de  la  roue  de  rencen- 
tre  ait  fix  ailes  ou  dents  ,    &  que  la  roue 
de  champ  qui  le  mené  en  ait  24. ,  il  efl  ma- 
nifefte,  vu  que  les   dents  du   pignon   ne 
pafîent  qu'une  à  une  dans  celles  de  la  roue  , 
qu'il  faudra ,  avant  que  la  roue  de  champ 
ait  fait  un  tour  ,  que  le  pignon  en  ait  fait 
quatre ,  puifque  le  nombre  de  (es  dents  ell 
coHtenu  quatre  fois  dans  le  nombre  vingt- 
quatre  de  la  roue.  Mais  on  a  obfervé  que 
la  roue  de  rencontre  ,  &  par  conféquent  le 
pignon  qui  eu  fixé  par  la  même  tige  ,  em- 
ploie 30"  à  faire  une  révolution  :  par  con- 
féquent ,  la  roue  de  champ  doit  employer 
quatre  fois  plus  de  temps  à  faire  i>ne  révo- 
lution entière  ;  30'  x  4  =  120"  =  2'  ; 
ainfi  le  temps  de  la  révolution  eu  de  deux 
minutes. 

Préfentement ,  fi  on  fuppofe  que  le  pi- 
gnon fixé  fur  la  roue  de  champ  ait  fix  ailes  , 
&  que  la  roue  à  longue  tige  ait  60  dents,  il 
faudra  que  le  pisaonfaiTcdk tours,  ^v^t 


P  E  N     ~         17^ 

que  la  roue  en  ait  fait  un  ;  mais  le  4)ignon 
fixé  fur  la  tige  de  la  roue  de  champ  em- 
ploie le  même  temps  qu'elle  à  faire  une  ré- 
volution ,  &  le  temps  efl  de  2'  :  la  roue 
de  champ  en  emploiera  donc  dix  fois  da- 
vantage ,  c'eft-à-dire ,  20'  ou  1200"  ou 
vibrations  du  pendule.  Ainfi  l'on  voit  que 
le  temps  qu'elle  met  à  faire  une  révolution  , 
n'efl  que  le  tiers  de  3600"  ou  d'une  heure  , 
qu'elle  devoit  employer  à  la  faire.  Les 
nombres  fuppofés  font  donc  moindres  que 
les  vrais  ,  puifqu'ils  ne  fatisfont  pas  au  pro- 
blême propofé  ;  ainfi  on  fent  qu'il  efl  né- 
cefTaire  d'avoir  une  méthode  iure  de  trouver 
les  nombres  convenables. 

Il  faut  d'abord  connoîrre  le  nombre  des 
vibrations  du  pendule  que  l'on  veut  em- 
ployer pendant  le  temps  qu'une  roue  quel- 
conque doit  faire  une  révolution.  Voye\â 
r article  pendule  y  la  manière  de  déterminer 
le  nombre  des  vibrations  par  cette  règle , 
que  le  quarré  de  ce  nombre  ,  dans  un  temps 
donné ,  efl  en  ralfon  inverfè  de  la  longueur 
du  pendule.  Divifez  le  nombre  par  deux , 
&  vous  aurez  le  produit  de  tous  les  expo- 
fans  :  on  appelle  les  expo/ans  y  les  nom- 
bres qui  marquent  combien  de  fois  une  roue 
contient  en  nombre  de  dentures  le  pignoa 
qui  engrené  dans  cette  roue.  Ainfi  ,  fi  on  a 
une  roue  de  foixante  dents  ,  &  un  pignon 
de  fix  qui  y  engrené ,  l'e xpofant  fera  10 ,  qui 
marque  que  le  pignon  doit  faire  dix  tours 
pour  un  de  la  roue.  On  écrit  les  pignons 
au  deflus  des  roues  ,  &  l'expoiàn^  entre 
deux ,  en  cette  forte  : 


^  =  Pignons, 
io  =  Expofans, 
60  =  Roues. 

Lorfqu'il  y  a  plufieurs  pignons  &  roues,' 
on  les  écrit  à  la  file  les  uns  des  autres , 
en  féparant  les  expofans  par  le  figne  X 
(  multiplie  par)  dont  un  des  côtés  reprc- 
fente  la  tige ,  fur  laquelle  efl  un  pignon  & 
une  roue  ,  qui ,  ne  compofant  qu'une  pièce  , 
font  leur  révolution  en  temps  égaux.  Exem- 
ple : 

0778 
A2.Xi^X6X5  X7I,  &C,      . 
15      42     35     60  B 

'j  2.,  13,  6,  5,  7Î,  font  des  expofàa3l 

Z  2. 


i8o  P  E  N      ^ 

ou  les  quotiens  des  roues  divifés  par  leurs 
pignons  :  7  ,  7 ,  8  ,  les  pignons  :  1 5  ,  42. , 
35,  60  ,  les  roues  qui  engrènent  dans  les 
pignons  placés  au  defTus.  Les  X  marquent , 
comme  il  a  été  dit ,  que  le  pignon  7  &  la 
roue  1 5  font  fur  une  même  tige ,  ainfi  que 
le  fécond  pignon  7  &  la  roue  42  ;  de  même 
le  pignon  8  eft  fur  la  tige  de  la  roue  35. 

Théorème.  Le  produit  des  expofans  dou- 
blé efl  égal  au  nombre  àes  vibrations  du 
pendule ,  pendant  une  révolution  de  la  der- 
nière roue. 

Dc'monfiration.  La  roue  de  rencontre 
15,  ainfi.  qu'il  a  été  expliqué  ci-defîus  ,  ne 
lailfe  pafîêr  qu'une  dent  à  chaque  vibra- 
tion du  pendule  :  mais  comme  chaque  dent 
paiîè  deux  fois  fous  les  palettes  du  pendule  , 
le  nombre  des  vibrations  ,  pendant  une  ré- 
volution de  la  roue  de  rencontre,  eft  le 
double  du  nombre  de  dents  de  cette  roue  ; 
ainfi  on  doit  compter  '^o  vibrations  ou  2 
X  1 5  :  mais  le  pignon  7 ,  fixé  fur  la  tige  de 
la  roue  de  rencontre  ,  fait  fa  révolution 
en  même  temps  que  la  roue  fait  la  fienne  ; 
&  il  faut  qu'il  falîe  fix  révolutions  ,  pour 
que  la  roue  42  en  tafîe  une.  Le  nombre 
de  vibrations  pendant  une  révolution  de 
cette  féconde  roue  42  ,  fera  donc  fextuple 
de  celui  du  pignon  7  ,  qui  emploie  B  X  I 
à  faire  la  révolution  ;  ainfi  la  roue  42  em- 
ploiera 2  X  1 5  X  6  vibrations  à  faire  une 
révolution  entière.  Le  fécond  pignon  7  fixé 
fur  la  tige  de  cette  roue,  emploiera  autant 
'  de  temps  qu'elle  à  faire  une  révolution  : 
mais  il  faut  cinq  révolutions  de  ce  pignon 
pour  un  tour  de  la  roue  3');  ainfi  le  nom- 
bre de  vibrations  pendant  un  tour  de  cette 
dernière  roue  ,  fera  (2X15  X6)  X  ^ 
vibrations  :  le  pignon  8  emploiera  le  même 
temps ,  &  la  roue  60  ^  j  \  fois  davantage  , 
puifqu'il  faut  que  le  pignon  8  falTe  7  \  tours  , 
pour  que  la  roue  60  en  fade  un  :  ainfi  le 
nombre  des  vibrations  pendant  une  révo- 
lution de  cette  dernière  roue ,  fera  (  2  X 
1 5  X  6  X  O  X  7  î ,  ce  qui  eft  le  produit  de 
tous  les  expofans  multipliés  par  2.  C^efi  ce 
qu^ il  fallait  démontrer. 

Dans  un  rouage  ,  on  place  ordinairement 
les  plus  petits  pignons  vers  l'échappement , 
&  les  plus  gros  vers  le  moteur  :  on  place  de 
même  les  roues  plus  chargées  de  dentures  ; 
ce  qui  fait  que  les  plus  grands  expofans  fe 


P  E  N 

trouvent  vers  l'échappement  :  aind ,  dans 
l'exemple  précédent  ,  les  roues  35  &  42 
devroient  changer  de  place  ,  pour  que  les 
expofans  allaflent  en  décroiflant  de  A  vers 
B  en  cette  forte  : 

G        5        7       9 
^2Xi5XioX8X7X 
10      56      63 

Ce  qui  fait  un  rouage  qui  peut  être  employé 
avec  avantage  pour  toutes  les  parties.  On 
met  le  nombre  de  vibrations  ou  produit  des 
expofans  à  la  fin  ,  féparé  feulement  par  le 
figne  =  en  cette  forte  ; 

5       7      9 
2X15  X  10  X  8  X  7=i58oo. 

15       50     5(5    63 

Ce  qui  exprime  le  nombre  de  vibrations 
pendant  une  révolution  entière  de  la  der- 
nière roue  63. 

Lors  donc  que  l'on  fe  propofe  de  conf» 
truire  un  rouage,  il  faut  connoîrre  le  nom- 
bre de  vibrations  du  pendule  qu'on  veut 
appliquer  au  rouage  pendant  le  temps  que 
l'on  veut  qu'une  roue  emploie  à  faire  là 
révolution.  Suppofons  que  le  temps  foit 
"une  heure  ,  &  que  le  pendule  batte  les 
fécondes ,  c'eft-à-dire  ,  que  chaque  vibra- 
tion foit  de  k  durée  d'une  féconde  ,  une 
heure  en  contient  3600;  ainfi  pendant  la 
révolution  de  la  roue  ,  qui  fera  un  tour  en 
une  heure  ,  le  pendule  fera  3600  vibrations  , 
&  le  nombre  3600  eft  le  double  du  produit 
de  tous  les  expofans  2  x  r  x  j-  x  f  des  roues 
&  des  pignons  qu'il  faut  connoître.  Divifez 
le  nombre  3<5oo  par  2 ,  il  vient  1800 ,  qui  eft 
le  produit  des  trois  grandeurs  inconnues  r, 
s  )  t  y  mais  que  l'on  fait  devoir  aller  en  dé- 
croilfant  de  r  à  ^  ;  &  que  Texpofant  r ,  qui 
repréfenre  le  rochet  de  la  roue  de  rencontre, 
peut  être  double  du  triple  de  l'expofant  s  y 
qui  ne  doit  fùrpafler  le  troifieme  t  que  d'une 
unité  au  plus. 

Pour  trouver  les  trois  inconnues ,  on 
fuppofe  une  valeur  à  la  première  r,  &  cette 
valeur  eft  un  nombre  commode  pour  ètrt 
un  rochet  ,  &  eft  toujours  un  nombre  im- 
pair pour  une  roue  de  rencontre.  Suppo- 
sant que  r£=:3o,  on  le  dégage  facilement 
de  l'équation  1800=  rjf,  &  on  a  pour 
la  valeur  j  ^ ,  j  r  =  '  *  3  » = 60.  Préfentement^ 


P  E  N 

pulfque  s  &  t  font  égaux  ou  prefque  égaux , 
en  lùppofant  t  =  s  ^  on  aura  l'équation 
j  j  =  6o;donc  s  =  i'6o  :  alnii il  faut  extraire 
la  racine  quarrée  de  60  ;  mais  comme  elle 
n'eft  pas  exade  ,  on  prend  pour  expofant 
la  racine  du  quarré  le  plus  prochain ,  foit 
en  deffus  ou  en  deflbus  ,  &  on  divife  le 
produit  s  i  =  60  par  cette  racine  ,  &  le 
quotient  eft  l'autre  expofant ,  &  le  plus 
grand  efl:  celui  que  l'on  met  le  premier  : 
ainfi  dans  l'exemple  64  eft  le  quarré  le  plus 
prochain  de  60  ;  fa  racine  eft  8  :  on  divife 
60  par  8  ,  il  vient  jt  pour  l'autre  expofant. 

On  lej  difpofera  tous  en  cette  forte  : 

2  X  30  X  8  X  7t  =  3^00. 

Préfentement  il  faut  trouver  les  pignons 
&  les  roues  ,  ce  qui  n'eft  point  difficile. 
Pour  7^  on  prendra  8  pour  pignon  ,  & 
pour  roue  huit  fois  l'expofant  7Î  ,  ce  qui 
fait  60.  Pour  l'expofant  8  ,  on  prendra  un 
pignon  7  ,  &  la  roue  fera  56.  La  troifieme 
roue ,  qui  eft  le  rochet ,  efl  toujours  égaie 
au  premier  expofant  :. 

17       8 

a  X  30  X  8  X  7t  =  3.'^oQ 
30     56     60 

On  doit  obferver  ,  1°.  lorfque  l'expofant  cft 
un  mixte  ,  que  le  pignon  doit  toujours  être 
le  dénominateur  de  la  fradion  du  mixte  ,  ou 
un  multiple  de  ce  dénominateur,  s'il  eft 
trop  petit  pour  être  un  pignon  :  2°.  que 
s'il  y  avoif  trois  expofans  ,  s  t  u  y  non  com- 
pris le  rochet  ou  la,  roue  de  rencontre  ,  on 
devroit  extraire  la  racine  cubique  de  leur 
produit  :  cette  racine  cubique  ou  celle  du 
cube  le  plus  prochain  ,  fera  un  dey  expo- 
fans.    (D) 

Pendule  à  équation  à  fécondes  concentri- 
ques ,  marquant  les  mois  &  quantièmes 
des  mois  y  les  années  bijjextilcs  ,  &  qui 
va  trei\e  mois  ^ans  être  montée  y  par  M. 
Ferdinand  Beiithoud. 

La  fufpenfion  de  ce  pendule  eft  à  relTort; 
Féchappement  eft  celui  de  Grahara  ,  ren- 
verfé  ,  difpofé  pour  faire  àécùre  9Xi  pendule 
d'aufli  petits  arcs  que  l'on  veut. 

Le  rouage  du  mouvement  ejft  compofé 
d  une  roue  de  plas  que  les  pendules  à  quinze 
jours,  La  première  roue  du-  mouvement 


P  E  N  i5i 

engrené  dans  un  pignon  qui  fait  un  tour 
en  trois  jours  ;  la  tige  de  ce  pignoîi  ports 
trois  palettes  ou  dents  ,  qui  engrènent  lue- 
ceflîvement  dans  la  roue  annuelle,  fendue 
fur  366  dents  à  rochet ,  &  maintenue  par  un 
fautoir.  Cette  roue  porte  ,  comme  celle  de 
la  montre ,  (  voye\  MONTRE  }  une  ellipfe, 
qui  agit  fur  un  râteau  ,  dont  le  mouvement 
alternatif  fe  tranfmet  au  cadran  à'' équation , 
par  le  moyen  d'un  pignon  placé  fur  le  canon 
du  cadran  concentrique  à  celui  des  heures 
&  minutes  du  temps  moyen.  La  conltruc- 
tion  de  cette  pendule  étant  abfolument  fem- 
blable  à  celle  de  la  montre ,  je  pafTe  à.:ià. 
conftrudion  d'année  biifextile. 

Les  années  communes  &  biflextilès  "(ont 
marquées  par  la  révolution  d'un  petit  ca- 
dran ,  tel  que  celui  de  la  pendule  que  j'ai 
décrite.    Ce  cadran  reçoit  fon^mouvemenc 
de  la  roue  annuelle  de  366  dents  ,  fendues  : 
i\  rochet  ,  &  maintenues,  par  un   fautoir.. 
Des  chevilles  pofées  fur  cette  roue  agiffenc 
fur  l'étoile  de  huit  jours  ,    &  déterminent 
les  politions  de  ce  petit  cadran-,  divife  en: 
quatre  années. 

Pour  que  la. roue  annuelle  marque  exac- 
tement les  jours  du  mois  ,  il  faut  que  ,  pen- 
dant trois  années  confccutives  ,  les  dents 
de  cette  roue,  qui  répondent  au  29  février 
&  I'^^.  mars  ,  pafîént  le  même  jour  ,  tan- 
dis qu'à  l'année  brffextile  ,  ces  deux  mêmes 
dents  païTeat  en  deux  jours.  Venons  actuel- 
lement au  raoyenque  j'ai  employé.  L^ne  àes 
chevilles-  de  la  roue  annuelle  ,  qui  répond 
au  premier  janvier,  fait  tourner  l'étoile  de 
huit  rayons  d'un  huitième  de  fa  révolution, 
&  fait  indiquer  au  cadran -qui  porte  l'étoile  , 
la  première  ,  fécondé  ,  troifieme  année,  ou 
l'année  bifîèxtile  :  une  autre  cheville,  qui 
répond  au  28  février ,  fait  encore  tourner 
cette  étoile  d'un  autre  huitième.  La  palette 
qui  fait  mouvoir  la  roue  annuelle  ayant, 
tait  pafîcr  la  dent  qui  répond  au  29  février,, 
le  rayon  de  l'étoile  qui  fe  trouve  aduellé- 
raent  en  adion  avec  le  valet.,  ell  parvenu? 
à  l'angle  de  ce  valet  ,  lequel  achevé  de 
faire  parcourir  un  efpace  à  l'étoile ,  dont 
un  rayon'  vient  pofer  fur  une  troifieme- 
cheville  que  porte  la  roue  annuelle  ;  ce  qui, 
oblige  celle-ci  de  fe  mouvoir  de  la  quan- 
tité d'une  dent  ,  qui  répond  au  premier 
mars  ;  ainfi-  k  dent   qui  fait  fafTer  ks 


i82  P  E  N 

palette  ,  &  celle  que  le  valet  &  l'étoile  ont 
obligé  de  fe  mouvoir  ,  font  les  deux  dents 
qui  palTent  en  un  feul  jour  ;  ce  qui  donne 
les  années  communes  ,  qui  fe  fuccedent  trois 
fois  de  fuite  ;  &  comme  la  quatrième  doit 
avoir  un  jour  de  plus  ,  le  rayon  de  l'étoile 
qui  y  engrené  cÛ  entaillé ,  de  forte  qu'il 
n'a  point  d'adion  fur  la  cheville  du  premier 
mars  :  ainfi  les  deux  dents  du  29  février  & 
du  premier  mars  paflênt  en  deux  jours. 

Je  fais  marcher  cette  pendule  pendant 
treize  mois  ,  avec  deux  poids  égaux  de  dix 
livres  ,  qui  agiiîent  alternativement  fur  le 
rouage  ,  &  ne  defcendent  que  de  15  pouces. 
J'ai  réduit  la  chute  à  celte  quantité ,  pour 
éviter  les  incon"éniensqui  rélLiltent  de  l'ap- 
proche des  poids  contre  la  lentille  qui  par- 
"        court  de  très-petits  arcs. 

Le  cylindre  où  s'enveloppe  la  corde  qui 
porte  le  poids  ,  ell  un  mois  à  taire  fa  révo- 
lution ;  fon  diamètre  eft  d'environ  deux 
pouces;  enforte  que  pour  l'J  pouces  de 
chute  d'un  poids  moufle  ,  il  fait  fix  tours  î. 
Pour  doubler  le  temps  ,  j'ai  fixé  au  milieu 
de  la  boîte  ,  au  haut ,  une  poulie  où  pafTe  la 
corde  du  mouvement,  laquelle  paiîe  encore 
par  une  poulie  mobile  du  fécond  poids  ;  le 
bout  de  cette  corde  eft  enfin  fixé  au  côté 
de  la  boîte ,  oppofé  à  celui  par  où  defcend 
la  corde  depuis  le  cylindre  :  cette  même 
corde  porte  donc  deux  poids  à-peu-près 
d'égale  pefanteur ,  à  cela  près  que  le  fécond 
doit  être  plus  pefant  de  la  quantité  qu'il 
faut  pour  vaincre  le  trottement  des  pivots 
des  poulies.  Lorfque  le  premier  poids  def- 
cend de  quinze  pouces ,  la  corde  qui  mené 
le  mouvement  fe  développe  de  trente  pouces. 
Ce  poids  étant  arrêté  fur  une  planche  qui 
l'y  oblige ,  le  fécond  commence  à  defcendre, 
jufqu'à  ce  que  defcendu  au  même  point, 
il  ait  développé  la  corde  d'une  même  quan- 
tité. Ce  développement  de  60  pouces  répond 
/  à  treize  révolutions  du  cylindre  ,  qui  font 
mouvoir  la  pendule  pendant  treize  mois. 

De  r exécution  des  pendules  à  équation. 

La  difficulté  de  l'exécution  de  ces  fortes 
de  machines  dépend  en  partie  de  la  conf- 
truclion  que  l'on  a  adoptée  ;  en  général , 
la  plus  grande  difficulté  naît  de  la  courbe. 
C'eft  aufli  à  la  façon  de  la  tailler  que  je 
m'airêterai  ;  Icis  autres  parties  font  des  en- 


P  E  N 

grenages.  Or ,  pour  exécuter  le  moindre 
ouvrage  d'horlogerie ,  il  faut  favoir  faire 
des  engrenages ,  de  même  que  des  ajufte- 
mens  ,  avec  intelligence  ;  ainfi  ,  je  puis 
me  difpenfer  d'entrer  dans  les  détails  où 
m'entraîneroient  ces  difiïrens  objets  :  d'ail- 
leurs ,  ceux  qui  n'ont  qu'une  foible  connoif- 
fance  de  l'engrenage ,  doivent  recourir  à 
VarticlQ  Engrenage.  Voyez  ENGRENAGE 
&  l'explication  qui  précède  la  planche. 

Pour  tailler  une  courbe  ou  eUipfe  ,  il 
faut  commencer  par  remonter  la  cadrature 
d'équation  ;  former  des  repairs  ,  fi  c'eft  une 
conftrudioii  qui  en  exige  ;  attacher  le  ca- 
dran ;  mettre  la  roue  annuelle  en  place , 
ainfi  que  i'ellipfe  ,  &  le  levier  qui  doit 
appuyer  deffus  ;  percer  un  trou  à  ce  levier: 
ce  trou  doit  d'abord  fervir ,  1°.  à  tracer  la 
courbe  ;  2^.  à  porter  une  fraife  ou  lime 
circulaire  ,  dont  je  parlerai  bientôt  ;  &  enfin, 
il  doit  porter  un  cylindre  ,  pour  appuyer  fur 
i'ellipfe  lorfqu'elle  eft  finie.  Le  trou  doit 
être  percé  de  forte  que  ,  dans  les  diiiérens 
points  où  I'ellipfe  le  poufle  ,  il  faffc  à-peu- 
près  une  tangente  de  cette  courbe. 

Il  faut ,  après  que  cela  eft  ainfi  difpofé, 
mettre  en  place  les  aiguilles  du  temps  vrai 
&  moyen  ,  &  fixer  cette  dernière  à  foixante 
minutes  précifes. 

Alors  ,  faifant  mouvoir  celle  du  temps 
vrai ,  &  par  (on  moyen  le  levier  ou  râteau  , 
on  mettra  la  roue  annuelle  au  premier  jan- 
vier ;  par  exemple  ,  il  faut  voir  dans  une 
table  adéquation ,  foit  celle  de  la  con- 
noifTance  des  temps  ,  qui  a  pour  titre  ,  table 
du  temps  moyen  au  midi  vrai  y  ou  autres, 
la  quantité  dont  le  folcil  avance  ou  retarde 
le  premier  janvier  ,  par  rapport  au  temps 
moyen  ;  &  conduifant  l'aiguille  du  temps 
vrai  au  nombre  des  minutes  &  fécondes 
indiquées  ,  prendre  le  foret  avec  lequel  on 
a  percé  le  trou  du  levier  ou  râteau  ,  & 
marquer  un  point  lur  la  plaque  qui  doit 
former  la  courbe.  Cette  opération  faite  ,  il 
faut  faire  palTer  cinq  diviiions  de  la  roue 
annuelle  qui  répondent  à  cinq  jours  ;  ce  qui 
par  conféqucnt  donnera  le  cinq  janvier  :  on 
verra  dans  la  table  ^équation  dudit  jour , 
&  l'on  conduira  l'aiguille  du  temps  vrai  k 
la  quantité  que  marque  la  table  ;  &  comme 
au  premier  janvier  on  marquera  un 
point  fur  la  plaque  ,   ainfi  de  cinq  jouïs 


P  E  N 

en  cinq  jours  on  fera  de  même  ,  JLifqu'à 
ce  que  la  révolution  annuelle  foit  achevée. 
Les  points  marqués  par  le  foret  détermine- 
ront donc  la  figure  de  la  courbe  ;  il  ne 
s'agira  plus  que  de  la  tailler  :  lorlque  l'on 
aura  percé  un  trou  à  chaque  point  marqué  , 
on  pourra  ,  avçc  une  petite  fcie ,  couper 
cette  courbe  ,  en  ne  faiiant  qu'effleurer  les 
trous  ,  &  réfervant  pour  les  emporter  à 
la  faire  avec  une  lime. 

Une  courbe  taillée  avec  les  foins  que  je 
viens  d'indiquer  ,  pourroit  être  aflez  jufte  ; 
cependant ,  pour  y  donner  un  plus  grand 
degré  de  perfedion  ,  il  faut  l'égahfer  avec 
une  fraife  ou  lime  circulaire  d'environ  trois 
lignes  de  diamètre  :  cette  fraife  porte  deux 
pivots ,  dont  un  roule  dans  le  trou  qui 
a  fervi  à  marquer  la  courbe  ,  &  l'autre  eu 
porté  par  un  petit  pont  attaché  fur  le  râteau. 

La  fraife  mife  dans  cette  loge  porte  un 
cuivrot  ou  poulie  ,  dans  laquelle  on  fait 
palTer  une  corde  d'archet ,  par  le  moyen 
duquel  faifant  tourner  la  fraife  ,  on  em- 
porte la  matière  qu'il  y  a  de  trop  à  certaine 
partie  de  La  courbe.  Pour  cet  ettét ,  on  verra 
la  table  d'équation  :  voyez  EQUATION  , 
&  de  quelle  quantité  l'aiguille  du  temps 
vrai  diffère  du  nombre  des  minutes  &  fé- 
condes données  pour  tel  jour  :  mais  il 
faut  obferver  ,  avant  de  rien  limer  à  la 
courbe  ,  que  le  diamètre  de  la  fraife ,  que 
j'ai  fuppofé  de  trois  lignes  ,  éloigne  par 
confcquent  d'une  ligne  &  demie  le  râteau 
de  la  courbe  ,  de  plus  qu'il  ne  l'étoit  lorf- 
qu'il  a  fervi  à  la  tracer  ;  ce  qui  changera 
néceffairement  la  fituation  de  l'aiguille  du 
temps  vrai  :  ainfi ,  pour  faire  reprendre  à 
cette  aiguille  la  place  que  détermine  la 
table  d'équation  ,  il  faudroit  emporter  tout 
autour  de  la  courbe  la  grandeur  du  rayon 
de  la  fraife  ,  qui  ièroit  un  ouvrage  inu- 
tile ,  pénible  ,  &  qui  rendroit  la  courbe 
plus  petite  qu'elle  ne  doit  être.  Pour  parer 
cette  difficulté  ,  je  fais  le  levier  de  deux 
pièces  ;  celle  qui  agit  &  pofe  fur  la  courbe , 
peut  fe  mouvoir  féparéraent  de  l'autre  par- 
tie du  râteau  ;  de  forte  qu'on  éloigne  & 
approche  de  la  partie  qui  touche  la  courbe , 
jufqu'à  ce  qu'appuyant  fur  cetts  courbe  au 
point  où  elle  tÛ  trop  enfoncée  ,  l'aiguille 
marque  Vequation  répondante  audit  jour. 
Alors  ,  ayant  £xé  enfetnble  les  deux  parties 


PEN  183 

du  râteau ,  on  emportera  d'abord  de  cinq 
jours  toutes  les  parties  de  la  courbe  où  il 
y  a  trop  de  matière  ,  &  on  limera  les  in- 
tervalles lorfque  l'on  aura  fait  la  révolution. 

Enfin  ,  on  peut  après  cela  y  toucher  ùk 
chaque  jour ,  &  l'égaler  jufqu'à  ce  que 
l'aiguille  marque  exactement  l'équation  :  il 
ne  iera  plus  qucflion  que  de  lubflitU'jr  ,  en 
place  de  la  fraife  ,  un  rouleau  de  même 
diamètre  pour  tourner  dans  les  mênaes  trous, 
lequel  appuiera  fur  l'ellipfe. 

Pour  tailler  une  courbe  avec  beaucoup 
de  précilîon  ,  il  ne  fuffit  pas  de  divifer ,  par 
la  limple  vue  ,  chaque  divilion  des  minutes 
du  cadran  ,  en  des  parties  que  l'on  fuppofe 
être  de  trente  fécondes,  de  15^  de  10, 
de  5  >  ^<^.  il  faut  de  plus  les  divifer  en  effet 
avec  un  compas  ,  de  forte  que  chaque  divi?» 
fion  de  minutes  foit  divifée  en  douze  autrrjs 
parties,  plus  ou  moins,  fuivantlaprécilicaii 
que  l'on  voudra  donner  à  fa  courbe. 

Cadrature    d'équation  ,   confiruite  p  tar 
M.  Dauthiau. 

Les  (ècondes  font  concentriques.  La  tige 
du  rochet  pafîè  à  travers  le  pont  fixé  fcr  la 
platine  des  piliers.  Ce  pont  porte  le&.  deux 
:  roues  du  temps  vrai  &  moyen  ,  &  cdle  du 
cadran.  La  roue  du  temps  moyen  eft  menée 
par  le  pignon  qui  porte  la  tige  de  !^  r®ue  qui 
engrené  dans  le  rochet  d'échappé  m^ait. 

La  roue  du  mouvement  tait  fà  révolu- 
tion en  une  heure.  Sa  tige  paiïê  la  cadra- 
ture,  &  porte  quarrément  un  canon  fur 
lequel  ell  rivée  une  roue  de  champ  ,  qui 
fait  mouvoir  le  pignon  ,  dont  l'axe  efl  pa- 
rallèle au  plan  de  la  platiae.  Ce  pignon  eft 
pofé  &  tourne  entre  deux  petits  paîirs  fixés 
fur  une  roue  d'un  nombrt  de  dents  à  volonté. 
Cette  roue  engrené  dans  un  râteau  ,  dont 
un  bout  appuie  fur  rellipfc  :  la  pofition  de 
ce  râteau  dépend  de  celle  de  la  roue  an- 
nuelle ,  que  l'on  peut  faire  concentsiquô 
au  cadran  ,  on  qu'on  peut  également 
placer  hors  du.  centre. 

La  roue  annuelle  excentrique  au  cacJran 
efl  cependarit  préférable  ,  non-feulement 
parce  qu'elle  évite  des  frottemens,  mais 
encore  pour  la  facilité  de  tailler  la  courbe. 
Cependant  la  difpofition des  boîtes,  ou  la 
confiruâion  d'une  pièce  ,  ne  permet  gas. 
toujours  4^  ^^  placer  de  cette  Ibrtc» 


i84  P  E  N 

Le  pignon  engrené  dans  une  foue  de 
champ  de  même  nombre  que  celle  qui  fait 
mouvoir  le  pignon  ;  elle  eiï  d'un  diamètre 
plus  périt ,  pour  que  le  pignon  qui  eit  mené 
ait  la  grofleur  requife  pour  taire  mouvoir 
lui-même.  Koyq  ENGRENAGE  ,  &  ladef- 
cription  de  la  machine  à  engrenage  à  la 
tèiQ  de  la  planche. 

La  roue  de  champ  pourroit  ne  former 
qu'une  feule  roue  avec  celle  qui  engrené 
dans  la  roue  du  temps  vrai  :  mais  fi  cela 
étoit ,  en  tournant  l'aiguille  des  minutes  du 
temps  vrai ,  celle  des  heures  refleroit  im- 
mobile ;  ce  qui  feroit  un  défaut  d'autant 
plus  grand ,  que  par  celle  da  temps  moyen 
on  ne  peut  taire  tourner  ni  l'une  ni  l'autre 
aiguille  du  temps  vrai  ;  ainfi  il  taudroit 
Jes  faire  tourner  léparément  l'une  de  l'autre , 
fSc  faire  des  divifions  de  quarts  pour  l'aiguille 
des  heures,  correfpondantes  à  celles  des 
minutes.  V'ojei  l'article  Pendule  a 
SECONDES  ,  &  la  defcription  de  la  pen- 
dule  de  M.  Julien  le  Roi. 

Pendule  de  M.  Rivaz  à  deux  cadrans  &  à 
deux  aiguilles. 

Cette  pendule  a  deux  cadrans,  dont  un, 
qui  eft  excentrique,  fert  pour  taire  marquer 
par  une  aiguille  le  temps  vrai ,  &c  l'autre  les 
heures  &  minutes  du  temps  moyen. 

La  tige  de  la  roue  des  minutes  porte  un 

{Mgnon  mis  fous  la  roue  de  chauflee,  & 
a  roue  de  chauflee  eft  portée  par  la  tige 
qui  porte  le  pignon  ,  centre  du  grand  ca- 
dran ou  du  temps  moyen.  Une  tétme  tour- 
née fur  le  trou  même  du  pivot  du  pignon  , 
roule  dans  un  trou  fait  à  la  platine  ;  ainli 
la  pièce  placée  fur  la  platine,  &  mobile 
RU  centre  du  pignon  ,  fe  meut  circulaire- 
ment  liir  le  centre.  Le  pivot  du  pignon 
traverfe  un  pont  ;  il  eft  de  longueur  fulhiante 
pour  porter  faiguille  du  temps  vrai.  Un 
levier  appuie  fur  la  courbe  portée  par  la 
roue  annuelle  que  fait  mouvoir  le  pignon  ; 
ce  levier  fe  m,eut  fuivant  les  difFérens  dia- 
mètres de  la  courbe. 

Les  deux  pignons  font  d'égal  nombre 
&:  du  même  diamètre  ;  mais  celui  qui  mène 
«Il  plus  gros  que  l'autre.  L'un  de  ces  pignons 
fera  un  demi-tour  pafTé  pour  répondre  à 
k  variation  apparente  du  foleil  :  &  l'on  voit 
que  c'^fl  la  courbe  qui  détermine  la  quantité 


P  E  N 

de  Ton  mouvement  ,    ainti  qu'à  toutes  les 
conftruûions  de  cadrature  d'équation. 

Le  nombre  des  dents  de  la  roue  paroît 
d'abord  alfez  arbitraire  ;  cependant  c'cft  de 
la  nature  de  l'engrenage  de  cette  roue  avec 
les  pignons  ,  que  dépend  en  partie  le  balo- 
tage  de  l'aiguille  du  temps  vrai.  Les  pignons, 
pour  cet  etfet,  doivent  être  au  moins  de 
douze  ,  &  faire  douze  tours  pendant  que  la 
roue  en  fait  un. 

Cadrature  d'équation  à  heures  &  minutes 
du  temps  h-rai  ,  par  M.  RiVAZ. 

La  courbe  ,  en  faifant  monter  &  des- 
cendre le  levier  ,  fait  néceflairement  mon- 
ter &  defcendre  la  plaque  de  cuivre  qui 
pofe  fur  la  platine  du  mouvement  ;  cette 
plaque  a  une  entaille  formée  par  une  por- 
tion de  cercle  ,  dont  le  centre  ell  celui 
d'une  des  roues.  Une  vis  à  affiette  tient  à 
la  platine  ,  &  donne  la  liberté  à  la  plaque 
de  cuivre  de  fe  mouvoir.  Sur  cette  plaque 
ell  attaché  le  pont ,  par  le  moyen  de  deux 
vis.  Le  pont  &  la  plaque  forment  une  cage, 
dans  laquelle  fe  meuvent  la  roue  du  cadran 
&  le  pignon  ,  l'un  &  l'autre  ayant  un  centre 
commun. 

Ce  que  nous  avons  dit  en  faifant  la  det^ 
cription  àts  autres  pendules ,  fuppléera  aux 
autres  détails  que  nous  omettons  dans  la 
deicription  de  celle-ci  :  inutiles  pour  ceux 
qui  ne  connoiflent  point  l'art  ,  ils  feraient 
iuperflus  pour  ceux  qui  l'ont  étudié. 

On  pourroit  peut-être  croire  que  la  pefan- 
teur  du  cadran  doit  caufer  une  réfiftance 
qui  exigera  que  le  mouvement  ait  un  refïbrt 
plus  fort ,  ou  un  poids  plus  pefant  ;  mais 
fi  l'on  fait  attention  à  la  lenteur  du  mou- 
vement de  l'ellipfe  &  au  peu  d'efpace  par- 
couru ,  robjedion  fera  réduite  à  rien. 

Pendule  à  équation  de  M.  JuLIEN  LE  Roi. 

La  roue  fait  fa  révolution  en  3^5  jours. 
Sur  cette  roue  font  gravés  les  mois  de 
l'année  &  les  quantièmes  des  mois  ,  qui 
paroifîent  par  une  ouverture  faite  au  cadran 
à  l'endroit  de  6  heures.  Cette  roue  eft  con- 
centrique au  cadran  ,  &  mue  par  le  mou- 
vement dont  la  première  roue  porte  quarré- 
ment ,  du  côté  de  la  cadrature ,  un  pignon  de 
quinze  dents  ,  qui  fait ,  ainfi  que  la  roue ,  un 
tour  en  dix  heures,  &  engrené  dans  la  roue  de 

champ 


P  E  N 

champ  de  trente  dents.  Elle  efi:  rivée 
fur  la  pièce  qui  porte  itne  vis  fans  fin  , 
/impie  ,  laquelle  engrené  dans  la  roue  de 
trente  dents.  La  tige  de  cette  roue  paflTe 
à  travers  la  plaque  ,  &  porte  quarrément  le 
pignon  ;  ce  pignon  eft  de  quinze  dents  ;  il  en- 
grené dans  la  roue  annuelle  de  deux  cents 
dix-neuf  dents.  Le  prolongement  du  quatre 
du  pignon  pafTe  au  travers  du  cadran  :  il 
fert  à  faire  tourner  le  pignon  féparément 
de  la  roue  ;  il  tourne  à  frottement  fur  cette 
tige  j  par  le  moyen  d'un  relîbrt  qui  preflè 
la  roue  contre  Tailierte  de  ce  pignon. 

Les  fécondes  font  concentriques  au  cadran. 
La  tige  du  rochet  des^  fécondes    porte  un 
pignon    de  douze  dents  ,    lequel  pafîe  au 
travers  d'une  pièce  qui  a  le  même  centre 
de  mouvement  que  le  rochet.  Cette  pièce 
fe  meut   fur    un    pont   ,    pour   faire  une 
demi-  révolution  qui  produit  la  variation  de 
l'aiî^iille  du  temps  vrai.  La  roue  de  quatre- 
vingt-dix  dents   engrené    dans  le    pignon 
fixé  fur  la  tige  du  rochet  des   fécondes  : 
cette  roue  eft  portée  par  la  pièce  qui  a  le 
même  centre  de  mouvement  que  le  rochet , 
&  par  un  petit  pont  attaché  à  cette  pièce. 
La  roue  de  quatre-vingt-dix  dents  porte 
un  pignon  ^de  douze  dents  ,  qui  engrené 
dans  la  roue  du  temps  vrai  qui  a  quatre- 
vingt-feize    dents.  Cette  dernière  porte  à 
frorrement  la  roue  fixée  fur  le  canon   qui 
porte  l'aiguille  du  temps  vrai  ;  enforte  qu'on 
peut  faire  tourner  cette  roue  indépendam- 
ment de  la   roue   du   temps  vrai   :  cette 
première  roue  engrené  dans  celle  de  ren- 
voi. Ces  deux  roues  font  de  même  nora- 
brel  La  roue  de  renvoi  porte  un  pignon 
qui  fait  mouvoir  la  roue  du  cadran  :  ainfi 
en  faifant  tourner  l'aiguille  du  temps  vrai , 
celle  du  cadran  fe  meut  aufîî  ;  mais  celle 
du  temps  moyen  refte  immobile   ;    &   en 
la  faifant  tourner    ,   elle  ne  faft  pas'  mou- 
voir celle  d^  temps  vrai  ;  ce  qui  a  obligé 
de. faire  graver  fur  la  roue  annuelle  la  dif- 
férence du  temps  vrai  au  ternps  moyen  , 
pour  tous  les  jours  de  l'année  ,    afin   de 
remettre  les  aiguilles  à  l'équation'lo'rfque 
la  pendule  a  été  arrêtée.  La  roue   qui  fait 
mouvoir   celle   du    cadran    porte    quatre 
chevilles  ,   qui   fervent  à  lever  la  détente 
de  la  fdn  ne  rie  qui  fojine  les  ht;ur?;s  ^  les, 
quârtJdu  ternps  vrai.  -'.-./..a.*.  *-w.  ^ 

Tome  XXV. 


P  E  N  li^ 

La  tige  de  la  troifieme  roue  de  mouve- 
ment porte  un  pignon  de  neuf  dents,  qui 
fait  mouvoir  la  roue  du  temps  moyen  de 
foixante  &  douze  dents.  Le  coq  porte  une 
broche  qui  paflè  a  travers  la  fauiïè  pla- 
que ;  cette  broche  eft  conduite  par  une 
fourchette  ,  qui  porte  celle  des  roues  qui 
engrené  fur  le  râteau  ,  lequel  appuie  liVr 
Pellipfe  ou  courbe.  Les  ditFérens  diamètres 
de  l'ellipfe  font  avancer  ou  retarder  Paiguille 
du  temps  vrai ,  ce  qui  fe  fait  par  le  mouve- 
ment que  le  râteau  imprimée  au  chaffis.  Ce 
chalîis  entraîne  avec  lui  la  roue  qui  engrené 
dans  celle  du  temps  vrai.  Le  plus  petit 
rayon  de  la  courbe  répond  au  1 1  Fé- 
vrier ,  temps  oij  le  foleil  retarde  de  14  44"  ; 
&c  le  plus  grand  au  premier  Novembre  ; 
où  ,  au  contraire  ,  il  avance  de  1 6'  9".  La 
fomme  de  ces  deux  excès  du  temps  vrai 
fur  le  moyen  ,  donne  l'efpace  que  doic 
parcourir  la  roue  du  temps  vrai  ,  fans  que 
celle  du  temps  moyen  (e  meuve. 

Pendule  a  équation  ,  préfentée  en  îJ^Z  i 
l'Académie  des  Sciences  par  Ferdinand 
Berthoud.  Cette  pendule  marque  aujji 
tannée  bijjextile  ;  ce  qui  évite  de  retou-'' 
cher  aux  quantièmes. 

La  roue  de  barillet  de  (bnnerie  engre- 
né dans  un  pignon  qui  fait  un  tour  en  14 
heures.  La  tige  de  ce  pignon  patle  à  la 
cadrature  ,  &  porte  quarrcment  uneafïiette. 
Sur  le  prolongement  de  cette  tige  eft  ajufre 
un  cylindre  ,  qui  porte  une  dent  partagée 
en  deux  parties ,  dont  Pune  ,  plus  taillante 
que  l'autre  ,  peut  monter  &  defcendre  fur 
cette  tige  ,  dont  la  partie  qui  pafié  à  travers 
le  cylindre  eft  ronde. 

Dans  les  années  de  3(^5  jours  ,  la  partie 
la  moins  faillante  de  la  dent  fiit  palîèr 
364  dents  de  la  roue  annuelle  ,  &  les  deux: 
dents  de  cette  roue  ,  qui  reftent encore,  font 
prifa  par  la' partie  la  plus  faillante  de  la 
dent;  enforte  que  les  366  délits  de  la  roud 
annuelle  font  prifes  en  36;  fois  ,  qui  ré- 
pondent à  autant  de  jours. 

Une  étoile ,  divifée  en  huit  parties ,  eft; 
mue  par  deux  chevilles  ,  que  porte  la  roue 
annuelle  ,  dont  une  fait  pafTer  une  dent  de, 
Pétoile  le  3^  décembre',, a  minui;  ,  .& l'au- 
tre*'le'  25?  FeVfier  /  à7â  iiîeme^heure.  Cette*^ 
Aa 


lU  P  E  N 

étoile  porte  une  plaque  ,  qui  pafîè  entre  la, 
roue  annuelle  &  le  cadran  ,  où  eft  gravé 
première  ,  féconde ,  troifieme  année ,  &  an- 
née biirextile  ,  lefquelles  paroiflènc  alterna- 
tivement à  travers  une  ouverture  faite  pour 
eet  effet  au  cadran. 

Cette  méthode  de  marquer  les  années 
biflextiles  ,  ôc  de  faire  mouvoir  la  roue  an- 
nuelle ,  quoique  plus  (impie  que  celle  qu'on 
avoir  fuivie  ,  ne  m'ayant  point  farisfait  ,  j'ai 
cherché  depuis  un  nouveau  moyen  ,  qui 
étant  plus  (impie  ,  conferve  toute  la  (oli- 
dité  poITibiC  ;  ce  que  je  compte  avoir  trou- 
vé ,  comme  on  peut  le  voir  dans  une  pen- 
dule à  équation  où  je  Tai  appliquée.  La 
comparaifbn  de  ces  deux  conftruélions  m'a 
perfuadé  ,  que  Ton  ne  parvient  pas  fùrement 
à  faire  des  machines  limples  j  fans  avoir  vu 
ou  paflé  par  les  compofées. 

La  roue  du  temps  moyen  engrené  à  l'or- 
dinaire, dans  celle  de  renvoi  ,  dont  le  pignon 
engrené  dans  celle  du  cadran.  Sur  cette 
roue  eft  attachée  une  partie  de  cuivre  ,  qui 
porte  un  petit  pont  qui  fait  une  efpece 
de  cage  pour  Péroile  fendue  en  20  parties. 
Cette  étoile  porte  un  pignon  à  lanterne 
de  quatre  dentsî  ,  qui  engrené  dans  la 
roue  du  temps  vrai  :  c'eft  en  faifant  tour- 
ner l'étoile  de  Pun  ou  de  l'autre  côté ,  qu'on 
fait  avancer  ou  retarder  la  roue  du  temps 
vrai  ,  fans  que  celle  du  temps  moyen  fe 
meuve.  Le  levier  mobile  fert  à  produire 
cette  variation.  Une  partie  de  ce  levier 
porte  deux  chevilles  j  celle  de  la  partie  fu- 
périeure  fert  à  faire  retarder  l'aiguille  du 
temps  vrai  ,  de  l'autre  la  fait  avancer.  Ce 
font  les  diftcrentes  parries  de  la  pièce  ,  tail- 
lée en  limaçon  ,  qui  déterminent  la  quantité 
de  dents  qu'une  des  chevilles  doit  faire 
pafler  ,  ôc  dans  quel  fens  elle  doit  le  faire  : 
ces  pas  de  limaçons  font  déterminés  par 
l'équation  du  jour. 

Le  levier  peut  fè  mouvoir ,  non  feulement 
£n  tournant  lur  fês  pivots  ,  mais  encore 
ipontcr  &  baifler  fuivant  leur  longueur. 
L'ailiette  de  ce  levier  repofe  fur  une  pièce 
qui  a  mie  entaille  ,  laquelle  fe  préfente  ,  à 
chaque  24  heures  ,  à  11  heures  du  foir,  & 
kii  permet  de  s'y  enfoncer  :  alors  le  levier 
préfente  l'une  ou  l'autre  de  fes  chevilles  à 
î'étoile ,  <jui  ,  emportée  par  la  roue  des  mi- , 


P  EN 

nutes  du  temps  moyen  ,  rencontre  une  des 
chevilles  du  levier  ,  laquelle  s'engage  entre 
les  roues  de  l'étoile  ,  &  la  fiit  tourner  plus 
ou  moins  ,  fuivant  que  la  cheville  fe  pré- 
fente loin  ou  près  du  centre  ;  c'eft  cette 
quantité  qui  rcpréfcnte  l'équation  diurne. 
A  minuit  ,  l'entaille  dans  laquelle  l'afTiette 
étoit  dcfcendue ,  continuant  à  fe  mouvoir , 
fait  remonter  le  levier  par  un  plan  incliné 
fiit  à  l'entaille.  Le  levier  refte  élevé  jufqu'à 
onze  heures  du  foir  ;  ce  qui  empêche  les 
chevilles  qu'il  porte  de  s'engager ,  pendant 
tout  ce  temps  ,  dans  les  dents  de  l'étoile  , 
quoique  l'étoile  fafl'e  la  même  révolution  ,  • 
Se  foit  toujours  emportée  par  la  roue  des 
minutes. 

La  pièce  que  porte  cette»  roue  eft  pour 

faire  équilibre  ,  non- feulement  avec  l'étoile 
ik  fà  petite  cage  ,  mais  encore  avec  l*ai- 
guille  des  minutes  du  temps  moyen  ;  l'ai- 
guille du  temps  vrai  eft  d'équilibre  par  elle- 
même. 

J'ai  fait  graver  fur  la  roue  annuelle  ,  dans 
une  partie  au-defl'ous  de  celle  des  mois 
&  de  leurs  quantièmes  ,  la  différence  du 
temps  vrai  au  temps  moyen  ,  afin  que  fi  011 
laifïbit  la  pendule  arrêtée ,  on  la  puiliè  remet- 
tre à  Véquatfoa  fans  le  fecours  d'aune  table  r 
il  n'y  a  que  les  cas  particuliers  qui  obligent 
de  retoucher  à  cette  équation  ,  puifqu'en 
feifant  tourner  l'aiguille  des  minutes  du 
temps  moyen  ,  celles  du  temps  vrai  &  du 
cadran  tournent  aufïi. 

Je  joins  ici  une  table  particulière ,  que  j'ai 
drefïée  pour  tailler  la  courbe  :  elle  fert  à 
déterminer  l'efpace  qui  doit  être  compris 
depuis  chaque  pas  de  limaçon  jufqu'à  l'au- 
tre ;  &  pour  ne  rien  laifler  à  defirer ,  &  évi- 
ter rembarras  où  pourroient  fe  jeter  ceux 
qui  voudroient  exécuter  ces  lortes  de  pen- 
dules ,  je  jnarquerai  les  moyens  que  j'ai 
mis  en  ufage  pour  pluiieurs  de  ces  ouvra- 
ges ,  que  j^ai  exécutés  fur  ce  principe  avec 
beaucoup  de  facilité.  J*aurois  du  remettre 
ce  qui  regarde  l'exécution  pour  la  fin  deccr 
article  ,  que  je  terminerai  par  la  partie 
de  l'exécution  j  mais  comme  fes  moyens: 
d'opérer  pour  cette  Gonftru<5tion-ci  luî 
font  particuliers  ,  &  ne  peuvent  fervir 
à  d'autres  ,  il  m'a  paru  plus  naturel  de  les 
placer  immédiatement  après  la  defcription. 


PEN 

Au  moyen  d'une  vis  ,  je  puis  rendre  le 
kvier  immobile  au  point  que  je  veux.  Je 
fixe  d'abord  le  levier  ,  enforce  que  ni  l'une 
ni  l'autre  cheville  ne  puiflfent  s'engager  dans 
l'étoile  i  &  là  ,  je  trace  fur  le  plan  un  trait  , 
qui  (bit  fin  ik  près  du  levier  ,  qui  me  fert  de 
règle.  Je  marque  zéro  fur  ce  trait  ,  qui  me 
fèrvira  pour  tracer  les  parties  de  la  courbe  , 
où  ,  d'un  jour  à  l'autre  ,  l'équation  n'eft  ni 
augmentée  ni  diminuée.  Je  fais  changer  le 
levier  de  pofition  ,  ôc  le  place  de  force  que 
la  cheville  fupérieure  puifle  s'engager  ,  pour 
faire  tourner  une  dent  de  l'étoile  ,  ce  qui 
répond  à  cinq  fécondes ,  de  marque  i  fur  ce 
trait  ;  &  continuant  les  mêmes  opérations  , 
en  marquant  fuccelTivement  une  dent ,  z,  3 
&c.  jufqu'à  ce  que  le  levier  s'engage  aflez 
avant  dans  l'étoile  pour  faire  changer  fîx 
dents ,  lefquelles  feront  50  fécondes  ,  qui 
cft  la  plus  grande  quantité  dont  le  foleil 
varie  en  14  heures  i  fur  ce  coté  je  marque  , 
retarde  ,  afin  de  me  (buvenir  que  c'eft  pour 
faire  retarder  l'aiguille  du  temps  vrai.  En- 
fuite  ,  je  fais  palier  mon  levier  de  l'autre 
côté  du  trait  de  zéro  ,  &  je  marque  quatre 
traits  ,  avec  les  foins  que  j'avois  pris  pour 
les  autres  ;  c'eft-à-dire  ,  que  l*un  réponde 
à  l'enfoncement  qu'exige  U  cheville  infé- 
rieure pour  faire  tourner  l'étoile  d'une  dent , 
&  enfuite  de  1 ,  3 ,  jufqu'à  4,  qui  feront  10 
fecondcs  ,  &  marquer  de  ce  côté ,  avance. 
Ceci  détermine  donc  tous  les  enfoncemens 
des  pas  de  limaçon  -,  il  n'eft  plus  queftion 
que  de  leur  longueur  ,  qui  efl:  marquée  dans 
la  table  ci-après. 

La  roue  annuelle  ,  l'ellipfe  &  le  levier 
étant  ainfi  en  place  ,  je  fixe  le  levier  fur  le 
trait  du  zéro  ,  &:  fais  tourner  la  roue  an- 
nuelle ,  &  la  mets  au  18  de  Mai  ;  &  par 
un  trou  percé  au  levier  ,  je  marque  un  point 
fur  la  courbe  :  il  faut  enfuite  faire  paffer 
une  dent  de  la  roue  annuelle  ,  ce  qui  don- 
nera le  19  Mai  ,  &  mettre  le  levier  fur  le 
trait  I  ,  côté  du  retard  ;  marquer  un  point 
fur  la  courbe  avec  le  foret  ;  enfuite  faire 
palier  la  roue  annuelle  au  50  Mai  :  marquer 
encore  un  point  ,  &:  fuivre  ainfi  la  table  , 
jufqu'à  ce  que  la  révolution  annuelle  (oit 
faite.  Enfin  ,  percer  des  trous  fins  pour  tous 
les  points  marqués  ,  &  tirer  des  traits  de 
compas  pour  tous  les  trous  qui  fe  trou- 
vent à  la  mêiae  diAance  du  centre. 


P  E  N  1S7 

Tahle  pour  tracer   la  courbe  de  la  Vendule 

ci-d^ffus  ,    calculée  pour    les  années  bif- 
fextiles  &  communes. 


Du  1 1  Mai ,  le  levier  fera  fur  o  ju(^ 
qu'au  1 8  dudit  mois  j  du  1 9  ,  une  dent 
[du  cozé  retarde ,  jufqu'au  30  ;  du  5  i 
IMai ,  z  dents  jufqu'au  1 1  Juin  ;  du  1  z 
dudit,  3  dents ju (qu'au  18;  du  19  , 
Il  dents  jufqu'au  15  i  du  14,  3  dents 
fjufqu'au  28  ;  du  29  dudit  ,  2  dents 
jufqu'au  1 2  Juillet  ;  du  13  dudit ,  une 

dent  julqu'au  22  j  du  23  ,  o  juiqu'aa 

30. 


rs 


Du  31  Juillet,  une  dent  du  côté  <ivtf/i- 

ce  ,  jufqu'au  7  Août  ;  du   8  dudit  ,  2 
[dents  julqu'au  17    j   du  18  dudit  ,    $ 
dents  jufqu'au  28  ,  du  29  Août  ,  4 
dents  jufqu'au  4  Octobre  ;  du  y  dud. 
,  3  dentï  j  ufqu'au  1 5  ;  du  i  (>  ,   2  dents 
jufqu'au  23  ;  du  24  dud.  une  dent  juf- 
qu'au 30  ;  du  3 1  Octobre  ,  o  jufqu'au 
^5  Novembre. 

Du  6  Novembre  ,  une  dent  du  côte 
du  retard  ,  jufqu'au  11  ,    du  12  ,  2 
dents  jufqu'au  17  ;  du  18  ,    3   dents 
ijufqu'au  21;  du  23  ,  4  dents  juiqu'aa 
30;  du  r  Décembre  ,  y  dents  jufqu'au. 
Il  ;  du  12  ,   6  dents  jufqu'au  3  Jan- 
ivier  ;  dii  4  dud.  5  dents  jufqu'au  12  y 
[du  13  dud.  4  dents  jufqu'au  21  ;  du 
22  ,    3  dents  jufqu'au  27  ;  du  28  Jan- 
vier ,  deux  dents  jufqu'au  i  Février  ; 
du  2  dud.  une  dent  jufqu'au  8  ;  du  9  , 
o  jufqu'au  14  Février. 


Du  I  y  Février  ,  une  dent  du  côté 

avance  ,  julqu'au  21  ;  du  22  ,  2  dents 

^  ■  jufqu'au  I  Mars  ;  du  2  ,  3   dents  jul- 

.^     qu'au  16  ;  du.  ij  y  4.  dents  jufqu'au  27  ; 

a  (^  du  28  ,  3  dents  jufqu'au  i  Avril  ;  du  2 

dud.  4  dents  jufqu'au  8  ;  du  9  Avril  , 

3  dents  jufqu'au  22  ;  du  25  ,  2  dents 

jufqu'au  29  ;  du  30  ,  une  dent  jufqu'à* 

II   Mai  ;   du  12  ,  o  jufqu'au  18. 

Des  Pendules  a  heures  &  minutes  du  foleil , 
lefquelles  ne  marquent  point  le  temps 
moyen  de  celle  du  Père  Alexandre. 

La  roue  amuielle  fait  fa  révolution  e» 


f 

/ 

V 


X&8. 


P  E  N 


365  jours,  5  heures ,  48  minutes  ,58  fécon- 
des il  de  féconde. 

Je  dois  joindre  ici  les  nombres  des  roues 
8c  pignons  que  le  Père  Alexandre  a  em- 
ployés pour  cette  révolution  annuelle  af- 
ironomique.  Les  voici  pour  tout  le  rouage , 
comme  il  Ta  donné. 

Rochet  50  ,  pignon  88. 
Roue  moyenne  60. 

Pignon  10. 
Roucdes  minutes  ou  d'une  heure  80. 
La  roue  de  douze  heures  96. 

Pignon  7. 
Roue  fuivante  50. 

Pignon  7. 
Roue  pénultième  6cf. 

Pignon  8. 
Dernière  roue  annuelle  8  3 . 

Cette  révolution  aftronomique  eft  fort 
cx'aéle  ,  &  eft  fans  contredit  une  des  meil- 
leures que  Ton  ait  employées.  Ceux  qui 
voudront  faire  mouvoir  différentes  plarje- 
tés  ,  doivent  confuker  le  Père  Alexandre 
pour  les  calculs.  M.  Camus  ,  dans  fon 
Traité  de  Méchanique  jîatique  ,  trcifianc 
Partie  ,  a  donné  les  calculs  de  différens 
jourges  ;  il  y  a  joint  celui  d'une  révolu- 
tion annuelle  ,  qui  ne  diffère  de  la  révolu- 
tion annuelle  m.oyenne  du  ioleil,  que  d'une 
féconde  14  tierces.  En  voici  les  nombres. 
Une  roue  de  ii  heures  porte  un  pignon  4  , 
qui  engrené  dans  une  roue  de  25  i  celle-ci 
porte  une  pignon  7  ,  qui  engrené  dans  une 
roue  de  69  ;  celle-ci  porte  un  pignon  7  , 
qui  fait  mouvoir  la  roue  annuelle  de  83  , 
qui  fait  la  révolution  en  3  65  jours ,  5  heures , 
48  minutes ,  48  fécondes ,  46  tierces  :  une 
révolution  de  la  lune  termine  ce  qu^il  a  écrit 
du  calcul  àts  planètes. 

La  roue  aqnuelle  du  Pcre  Alexandre 
porte  une  ellipfe  ,  fur  laquelle  appuie  un 
Jevier,  qui  porte  le  pendule  fufpendu  par 
un  reffort  qui  paffe  bien  jufte  dans  une 
fente  d^un  coq  ,  fait  comme  ceux  des  pen- 
dules à  fécondes  ordinaires  j  le  reflbrt  peut 
monter  &  defcendrè  dans  cette  fente  :  c'ck 
le  coq  qui  donne  le  centre  d'ofcillation  du 
pendule  ;  ce  coq  eft  fixé  fur  la  cage  du 
mouvement.  Pour  produire  les  variations 
apparentes  du  foleil  ,  le  Père  Alexandre 
^t  allonger  &  ralei;itir  le  pendule  >  efet 


P  E  N 

quî  eft  produit  par  l'ellipfe  ,  ^ont  ics  dia- 
mètres font  donnés  en  raifon  de  l'alonge-" 
ment  ou  raccourciflem.ent  qu'exige  le  pen- 
dule pour  faire  avancer  ou  recarder  de  telle 
quantité  en  Z4  heures  :  il  eft  entré  là-deflus 
dans  des  détails  fort  étendus ,  qu'on  peut 
voir  dans  ion  Livre  ,  pag.  147.  Sa  théo- 
rie a  fans  doute  le  mérite  de  la  fimpliciré  / 
mais  pour  l'approuver  ,  il  ne  faut  pas  faire 
attention  aux  inconvéniens  que  la  pratique 
entraîne  ;  une  feule  erreur  détruit  tout  Pédi- 
fice  i  l'erreur  la  moins  fenfible  que  puifîe 
avoir  la  courbe  ,  produira  une  variation 
fenfible  aux  aiguilles  j  car  je  luppofe  que 
le  pendule  foit  trop  court  ,  par  Pinégaliié  de 
l'ellipfc ,  de  la  douzième  parcie  d'une  ligne  , 
le  pendule  avancera  de  12  fécondes  en  14 
heures  ,  ê'c.  Toutes  les  vibrations  qu'elle. 
fera  pendant  ce  temps  ,  fc  feront  en  moins 
de  temps  qu'elles  ne  devroient  ;  &  cette 
erreur  ,  multipliée  par  leurs  nom.bres ,  don- 
nera les  li  fécondes  pour  un  point  feule- 
ment ,  &  chaque  jour  même  difficulté  ;  & 
d'ailleurs  ,  cette  méthode  n'eft  pas  prati- 
cable avec  les  pendules  pefans  ,  tels  qu'on 
les  fait  aujourd'hui  ,  éc  dont  les  propriétés 
ont  été  bien  démontr'ées  de  nos  jours  par 
M.  de  Rivaz  :  &  enfin  ,  je  ne  fens  pas  trop 
l'avantage  d'un  pendule  qui  divife  lé  temps 
en  des  parties  inégales  feulement  :  il  écoit 
cependant  à  propcs  de  donner  une  idée  de 
cette  conftruàion  ,  pour  l'intelligence  de 
tout  ce  qui  a  rapport  à  l'équation  ;  &  de 
plus  ,  je  fuis  perluadé  que  la  connoiflcnce 
de  toutes  forces  de  méchanifmes  aide  beau- 
coup à  d'autres  couftru6tions  ,  pour  pro- 
duire certains  effets  ,  quoiqu'ils  n'aient  ce- 
pendant pns  de  relations  apparentes  avec  ce 
qui  en  a  fiit  naître  la  première  idée  \  ainfi  il 
n'y  a  rien  à  négliger  de  ce  qui  regarde  les  arts 
méchaniques  :  il  faut  cependant  toujours  fup- 
po(er  de  l'intelligence  dans  celui  qui  en  a  fait 
une  nouvelle  application  à  d'autres  objets. 

Defcription  d'un  moyen  particulier  de  faire 
une  révolution  annuelle  ajlronomiqiie  ;  dé 
marquer  les  quantièmes  du  mois  ,  les  mois 
de  l'année  ,  &  les  années  hijfextiles  ,  par 
M.  Amirauld  ,  Horloger  à  Paris, 

Cette  pièce  eft  exécutée  dès  1734  ;  & 
quoique  le  méchanifme  en  foit  allez  ingé- 
nieux poui  avoir  mérité  d^ctre  .préfenté  à 


P  E  N 

Paca^émîe-,  l'auteur  ne  l'a  pas  jugé  à  pto- 
pos  ,  &  cela  par  un  fentimcnt  de  modeftie , 
qui  ne  peut  que  lui  faire  honneur  i  car  de 
nos  jours  on  cherche  à  fe  faire  payer  de 
la  moindre  production ,  par  des  éloges  que 
l'on  n'a  pas  toujours  mérités  :  quoi  qu'il  en 
foit ,  il  a  bien  voulu  me  confier  cette  pièce , 
ik  je  crois  faire  un  préfent  au  public,  en 
rinierant  dans  le  dépôt  des  connoiflances 
humaines.  Je  penié  cependant  que  louvrage 
trop  compliqué  pourroit  être  réduit  à  une 
moins  grande  quantité  de  pièces  i  mais  rien 
n'eft  à  négliger  en  fait  d'arts  ,  fur-tout  lorf- 
que  la  compoiition  annonce  du  génie  &  un 
homme  qui  pofl'ede  fon  objet. 

La  roue  annuelle  fait  fa  révolution  en 
565  jours  dans  les  années  communes  ,  &  en 
366  dans  les  années  bifTextiles. 

Cette  roue  annuelle  fait  mouvoir  un  petit 
rouage  qui  lui  eft  particulier  ,  Se  qui  efc 
compofé  de  trois  roufs  Se  du  volant.  Elles 
font  placées  dans  une  petite  cage  formée  par 
la  platine  des  piliers  &  par  une  autre  pièce  ; 
la  tige  du  pignoiî  d'une  de  ces  roues  pafTe 
à  travers  cette  pièce  ,  &  porte  quarrément 
un  pignon  de  quatre  dents.  Ce  pignon 
engrené  dans  le  cercle  où  font  gravés  les 
quantièmes  du  m.ois ,  5c  lui  fait  faire  une 
révolution  en  3 1  jours.  La  roue  dont  nous 
venons  de  parler  fait  un  tour  chaque  jour, 
lorfque  les  doubles  détentes  ont  donné  la 
liberté  à  la  cheville  que  porte  cette  roue  de 
fe  dégager  &  de  faire  cette  révolution.  Ces 
détentes  font  le  même  effet  que  celles  d'une 
(bnnerie  ;  Tune  des  détentes  eft  portée  par 
le  quatre  d'une  tige  qui  pafle  à  travers  les 
platines.  La  partie  de  la  tige  qui  palfe  à  tra- 
vers l'autre  platine  ,  porte  quarrément  un 
levier ,  qui  eft  mu  par  une  roue  de  la  fonnerie 
qui  fait  un  tour  en  24  heures  ;  elle  porte  une 
cheville  qui  fait  agir  les  détentes  &  dégage 
les  chevilles  de  la  roue. 

Sur  la  platine  des  piliers,  au-defïbus  de 
la  roue  annuelle  ,  eft  fixé  un  barillet  ,  dans 
lequel  agit  un  rellort  qui  fait  tourner  la 
roue  annuelle  ,  au  moyen  d'un  enclique- 
tage  qu'elle  porte  ,  &  fur  lequel  agir  un 
rocher  qui  porte  l'arbre  du  .barillet  ,  dont  le 
quarré  va  jufqu'au  cadran,  &  fert  à  re- 
monter ce  petit  rouage  tous  les  quatre  ans 
feulement.  On  peut  envifager  ce  rouage 
comme  une  efpece  de  fonnerie  ,  donc  la 


PEN  iS^ 

plaque  efl:  la  roue  de  compte  ,  qui  fait  faire 
372  tours  à  la  roue  ,  qui  répondent  à  tous 
les  jours ,  &  font  tous  les  mois  de  5 1  jours. 

On  conçoit  que  cette  roue  n'étant  déga- 
gée qu'une  fois  chaque  jour  ,  à  ne  fuivre 
que  ce  méchanifme  la  roue  annuelle  feroit 
une  révolution  en  371  jours.  L'effet  de  la 
plaque  eft  donc  pour  faire  paftèr  le  nom- 
bre des  jours  dont  la  roue  annuelle  eft  com- 
pofée  pour  chaque  mois ,  lefquels  font  tous 
de  31  ,  comme  je  viens  de  le  dire ,  ôc  qui 
excède  celui  dont  tel  mois  eft  compofé  ;, 
enforte  que  fî  c'eft  un  mois  de  28  jours  , 
la  roue  fera  quatre  tours  en  un  feul  jour , 
par  le  moyen  de  la  partie  faillante  de  la 
roue  de  compte  ,  qui  fait  refter  la  détente 
levée  juiqu''à  ce  que  k  roue  ait  fait  quatre 
révolutions,  &  ainfi  des  autres  :  mais  la  roue 
annuelle  emporte  avec  elle ,  en  tournant ,  la 
roue  de  40.  Celle-ci  engrené  dans  un  pignon 
à  lanterne ,  fixé  fur  la  plaque  j  la  roue  de  40 
fait  donc  un  tour  en  quatre  ans.  Elle  porte 
une  plaque  ;  cette  plaque  a  une  entaille ,  où 
le  levier  entre  tous  les  quatre  ans  une  fois.- 
Ce  levier  eft  porté  par  la  roue  annuelle  ;  il 
lertpour  les  années  biflextilcs;  c'eft-à-dire, 
il  fait  que  la  roue  de  compte  préfente  une 
partie  faillante  moins  large,  &  qui  par  con- 
iequent  ne  fait  pafter  que  trois  jours ,  au  lieu 
de  quatre  qu'il  en  doit  paflér  dans  les  années 
communes  de  36;  jours ,  pui.^que  Pon  a  dit 
que  la  roue  annuelle  eft  calculée  pour  faire 
une  révolution  en  372  jours  ;  enforte  que 
chaque  mois  feroit  de  3 1  jours.  Le  mois  de 
février  de  l'année  commune  eft  donc  com- 
pofé de  quatre  jours  de  trop. 

La  partie  faillante  de  la  roue  de  compte 
a  une  largeur  qui  tient  la  détente  levée 
jufqu'à  ce  que  la  roue  ait  fait  trois  tours. 
Une  partie  du  levier  eft  mife  contre  la  par- 
tie faillante  de  la  roue  de  compte  ,  qui  ré- 
pond au  mois  de  février  ,  &  la  rend  plus 
large  d'une  quantité  qui  répond  à  un  jour  : 
ainii  ces  deux  parties  tiennent  levées  les  dé- 
tentes ,  &  permettent  à  la  roue  de  faire 
quatre  tours ,  qui  répondent  à  quatre  jours.. 
Le  levier  refte  dans  cette  pofîtion  pendant 
trois  années  ;  &  à  la  quatrième  ,  qui  eft 
la  bilTcxtile  ,  il  entre  dans  l'entaille  de  la 
plaque  ,  &  diminue  pour  lors  la  largeur 
de  Ta  dent  Taillante  Se  de  la  roue  de  compte  j 
de  forte  que  la  roue  ne  fait  que  trois  tours , 


190  P  E  N 

pendant  que  la  détente  refte  levée  ;  ainfi , 
îe  mois  de  février  eft  compofé  par-là  de  19 
jours  :  le  cercle  du  mois  marque  auilî ,  par 
ce  moyen  ,  les  quantièmes  du  mois  exade- 
ment.  Le  levier  porte  un  bras  ,  à  l'extré- 
mité duquel  il  y  a  un  pié  de  biche.  Le  bras 
du  levier  fert  à  faire  clianger  ,  à  chacun  de 
fcs  mouvemens ,  une  dent  de  1  étoile  de  fept 
rayons  ,  laquelle  porte  un  chaperon  où  iont 
gravés  les  jours  de  la  femaine. 

La  roue  annuelle  porte  douze  chevilles  , 
dont  chacune  fert ,  &  efl:  placée  à  propos 
pour  faire  palier  une  dent  de  l'étoile  ,  aulFi 
de  12  rayons.  Cette  étoile  porte  un  lima- 
çon de  I  i  pas ,  fur  lefquels  appuie  un  bras 
du  levier.  Ce  levier  monte  ôc  defcend  fui- 
vant  qu'il  y  eft  obligé  par  le  limaçon  ;  il  fert 
à  marquer  les  mois  de  l'année  ,  qui  font 
gravés ,  8c  paroilTent  alternativement  à  tra- 
vers l'ouverture  faite  pour  cet  effet  à  la 
plaque  ou  cadran.  Une  étoile  porte  une 
cheville  qui  fait  mouvoir  le  levier  mobile 
&  brifé  ,  qui  fait  tourner  lui-même  l'écoile 
de  huit  rayons.  Cette  étoile  porte  un  Hma- 
çon  de  quatre  pas  différens  ,  lefquels  font 
répétés  diamétralement  deux  fois  ;  ce  qui 
fait  huit  pas.  Elle  refte  huit  ans  à  faire  un 
tour  :  elle  pourroit  même  n'en  refter  que 
quatre ,  puifque  fon  ufagc  efl:  pour  marquer 
les  années  bidextiles  ;  mais  M.  Amirauld 
Ta  fait ,  afin  que  le  levier  ne  fût  pas  obligé 
de  faire  un  trop  grand  chemin  pour  fure 
paffer  une  dent  de  l''étoile ,  qui  ne  feroit 
pour  lors  que  de  quatre.  Les  pas  du  limaçon 
font  monter  &  defcendre  le  levier  ,  &  mar- 
quer les  années  communes  &  bilfextiles ,  qui 
paroiflent  comme  ceux  des  mois ,  au  travers 
de  la  plaque.  Chacune  des  étoiles  eft  main- 
tenue par  un  fautoir. 

On  peut  fixer  fur  la  roue  annuelle  une 
ellipfe  ,  6c  faire  fervir  par  ce  moyen  le 
mouvement  annuel  à  marquer  l'équation. 
C'eft,  en  l'envifageant  aulîi ,  fous  ce  point 
de  vue  ,  que  j'ai  cru  devoir  faire  connoître 
ce  méch.mifme  ingénieux.  Ferdinand 
Serthoud. 

Pendule  ,  RIciprocation  du.  On 
appelle  ainîi  un  petit  mouvement ,  prefque 
intenfîble ,  de  libration  ou  d'ofcillation  que 
doit  avoir  ,  fuivant  quelques  philofophes , 
un  long  pendule  attaché  fixement  à  un  plan- 
cher ,  &;  qu'on  y  laifï'c  en  repos. 


P  E  N 

'  Il  eft  certain  que  le  centre  de  gravitl" 
de  la  terre  change  continuellement  de  place , 
ne  fùt-cc  que  par  le  mouvement  du  flux 
&  reflux.  Voyci^  Flux  et  Reflux.  Or  ce 
mouvement ,  dans  le  centre  de  gravité  ,  doit 
produire  uns  altération  dans  la  direétion  & 
le  mouvement  des  graves.  Refte  à  favoir  il 
cette  altération  eft  fenfîble.  Pour  cela  ,  il 
faut  fulpendre  à  un  plancher  un  long  pen- 
dule ,  ôc  voir  û  ce  pendule  eft  dans  un  parfait 
repos.  Un  gentilhomme  de  Dauphins ,  nom- 
mé Calîgnon  de  Peirins ,  ami  de  Gaflèndi , 
ayant  fait  cette  expérience  fur  un  pendule 
de  trente  pies  ,  prétendit  y  avoir  obfervé  du 
mouvement  ;  ce  qui  occafîona  entre  les 
favans  une  difpute  ,  dont  on  peur  voir  le 
détail  dans  THiftoire  de  l'académie  ,  de 
1741  ;  depuis  ce  temps  ,  d'autres  favans 
ont  entrepris  de  répéter  la  même  expé- 
rience ,  éc  ont  trouvé  des  réfultats  diffé- 
rens ,  les  uns  tenant  j^ur  le  balancement , 
les  autres  le  niant.  Enfin  ,  M.  Bouguer  , 
dans  les  Mémoires  de  l' Académie  ,  de  ij£^, 
a  traité  cezic  matière  avec  beaucoup  de 
foin  ;  &  il  en  réfulte  que  la  réciprocation 
du  pendule  ,  lorlqu^'il  y  en  a  ,  tient  à  une 
cauCe  prochaine  bc  irréguliere  ,  &:  ne  peut 
être  mife  au  rang  des  phénomènes  géné- 
raux qui  dépendent  du  fyftême  du  monde, 
(O) 

Pendule,  {Phyfique.)  On  trouve  dans 
le  Journal  des  beaux  Ans ,  de  juin  1769  , 
&  décembre  1771  ,  des  expériences  fur  le 
pendule ,  que  deux  phylîcicns  difent  avoir 
faites  dans  les  Alpes ,  Se  deiquelles  il  pa- 
roît  réfulter,  que  la  pefànteur  efl  plus  grande 
au  fbmmer  qu'au  pié  de  ces  montagnes.  Par 
les  informations  qui  ont  été  faites  ,  il  paroît 
que  ces  expériences  font  fuppofées.  Cepen- 
dant ,  en  admettant  même  les  faits  avancés 
par  ces  deux  phyficiens  ,  je  fuis  bien  éloigné 
d'adopter  les  conféquences  précipitées  qu'on 
en  tire  contre  la  figure  de  la  terre  &  contre 
le  fyftême  de  la  gravitation.  J'ai  lu  à  l'Aca- 
démie des  Sciences  une  mémoire  très-court , 
imprimé  dans  le  fïxieme  volume  de  mes 
Opufcules  Mathématiques  ,  &  dans  lequel 
j''ai  fait  voir  ,  que  li  on  fuppofeune  chaîne 
de  montagnes  défigure  quelconque  ,  &  dont 
l'*étendue  foit  beaucoup  plus  grande  que  leur 
hauteur ,  la  pefanteur  fera  la  même  au  fom* 
net  6c  au  pié  de  ces  montagnes  y  il  leur 


P  E  N 

dcnfité  moyenne  eft  feulement  d'un  tiers 
plus  grande  que  la  denfité  moyenne  du  globe 
terrellre.  J'entends  ici  en  général ,  par  den- 
fité moyenne  d'un  corps  ,  celle  d'une  malIè 
homogène  ,  .qui ,  ayant  même  volume  & 
même  figure  que  le  corps  ,  exerceroit  la 
même  attraction.  A  l'égard  des  expériences 
rapportées  ,  qui  donnent  environ  28'  d'ac- 
célération 5  en  deux  miois  ,  à  un  pendule 
placé  dans  les  Alpes  à  mille  toifes  d'éléva- 
tion ,  je  les  explique  aifément  ,  en  fuppo- 
fant  que  la  denlité  moyenne  de  ces  mon- 
tagnes foit  à  la  denlité  moyenne  du  globe 
terreftre  ,  à  peu  près  comme  huit  à  trois  5 
6i  comme  la  diipolition  intérieure  des  cou- 
ches de  la  terre  peut  très-bien  être  telle ,  que 
fa  denfité  moyenne  foit  moindre  que  fa  den- 
lité à  la  furface ,  on  voit  qu'il  eft  très-pofïible 
que  la  denfité  des  Alpes  foit  à  la  denfité  de 
la  terre ,  au  pié  de  ces  montagnes  ,  en  rap- 
port beaucoup  moindre  que  de  huit  à  trois. 

Au  refte  ,  les  obfcrvations  de  l'auteur , 
en  les  fuppofant  vraies ,  ne  font  pas  géné- 
rales pour  toutes  les  montagnes  ;  car  M. 
Bouguer  a  trouvé  que  la  pelanteur  ,  à  Pi- 
chincha  dans  les  Cordelières  ,  étoit  plus 
petite  qu'à  Quito  ,  &  à  Quito  qu'au  bord 
de  la  mer.  Or  Pichincha  eft  élevé  au-defl'us 
du  niveau  de  la  mer  de  deux  mille  quatre 
cents  trente-quatre  toifes,  &  Quito  de  mille 
quatre  cents  foixantc-fix.  (O) 

Pendule  fimple  ,  (  AJîr.  )  Pour  faire  une 
table  des  longueurs  du  pendule  fur  toute 
la  furfàce  de  la  terre  ,  qui  foit  aflujettie  à 
toutes  les  obfervations  que  Pon  a  ,  il  faut 
commencer  ,  1°.  par  réduire  au  niveau  de 
la  mer  toutes  les  obfervations  ;  i°.  trouver 
par  chacune  de  ces  oblervations  Palonge- 
ment  total  fous  le  pôle  ,  en  employant  la 
proportion  des  quarrés  des  finus ,  des  latitu- 
des ,  &  le  pendule  équatorial  de  56  pouces 
7  lignes  il  ;  3°.  prendre  un  milieu  entre 
tous  les  alongemens  polaires  ainfi  trouvés  ; 
4°.  faire  la  table  entière  pour  toutes  les 
latitudes ,  fur  cet  alongement  moyen  ,  par  : 
la  proportion  ordinaire  ;  5**.  f^ire  à  coté 
de  toutes  les  latitudes  où  il  y  a  des  obfer- 
vations du  pendule  ,  la  différence  entre  le 
calcul  &  l'obfervation  ;  6°.  diftribuer  ces 
différences  proportionnellcmcnr  dans  les 
autres  loombres  intermédiaires  de  la  table  où 
Ton   manque   4^ob(èrYadons^  Ou   trouve  \ 


P  E  N  i^f 

une  table  du  pendule  dans  le  III*  livre  de 
Newton ,  une  dans  les  Tranfaclions  philo- 
fophiques  de  1734  ,  par  M.  Bradley  ,  & 
une  dans  M.  de  Maupertuis  ,  {figure  de  la 
terre  )  ;  mais  elles  ne  font  établies  que  fur 
la  iimple  théorie.  J'ai  calculé  la  table  fui- 
vante  fur  les  obfervations  pour  M.  Tru- 
daine ,  qui  avoit  formé  ,  en  ij66  ,  le  pro* 
jet  d'établir  dans  le  royaume  une  mefurc 
univerfelle  ,  tirée  de  la  longueur  du  pen- 
dule ,  ôc  je  l'ai  afllijettie  par  approximation 
aux  obfervations  faites  au  Pérou  ,  au  cap 
de  Bonne-Efpérance  ,  à  Paris  &c  en  Lapo* 
nie  ;  ce  qui  étoit  néceffaire  ,  à  caufe  des  pe- 
tites inégalités  que  la  fituation  des  lieux  , 
&c  peut-être  l'inégale  denfité  de  la  terre  , 
produifent  dans  les  obfervations. 


Latitudes. 

Alongement. 

Longueur  ahfclue. 

O^egrés, 

S 
10 

0   03 
0   09 

3  .SPouCylig.^  j  ccmie. 
56        7      24 
3^       7     30 

15 

20 

^5 

0    19  . 

0  33 

1  JO 

36        7     40 

3<î       7     54 
36       7     71 

30 
35 
40 

0  6^ 

0  89 

1  10 

36       7     90 
3(J       8     10 
36       8     31 

45 
46 

47 

1    30 

I    34 
1   3S 

36      8     51 
36       8     ss 
36      8     S9 

48 

45> 
50 

I  41 
I  4(> 
I   5ï 

36      8    63 
36      8    67 
3.6      8    7^ 

51 

52. 

5S 

I   55 
1  G^ 

36      8    76 
36      8    79 
16      8     5?o 

60 

65 

70 

1  87 

2  02 
2   1$ 

36      5?     oS 
36      9     13 
36      9     36 

75 
80 

85 

90 

1  27 
z  36 

2  42 
1  44 

36      5^    48 
3^       9    57 
y^      9    ^3 
3^       9     6f 

15X1  P  E  N 

La  manière  de  déterminer  exactement , 
8c  jufqu^à  un  cinquantième  de  ligne  ,  la 
longueur  du  pendule  (impie  ,  a  été  donnée 
avec  un  très- grand  détail  dans  les  Mém.  de 
l'Académie ,  pour  1735.  On  trouvera  dans 
le  livre  de  M.  Bouguer ,  fur  la  figure  de  la 
terre  ,  le  détail  des  corredtions  qu'il  faut 
faire  à  la  longueur  ôbiervée  ,  pour  tenir 
compte  des  effets  de  la  chaleur ,  de  la  ré- 
fiftance  de  Tair  ,  du  diamètre  de  la  boule 
dont  on  fe  fert ,  de  la  trop  grande  étendue 
des  arcs  décrits  par  le  pendule  ,  &  de  la 
force  centrifuge  qui  rend  le  pendule  à  fé- 
condes plus  long  qu'il  ne  feroit  ,  ii  la  terre 
étoit  immobile.  Voye^^  aulÏÏ  à  ce  fujet  le 
Traité  d'horlogerie  de  M.  Lepaute. 

M.  Deiiile ,  qui  avoit  fait  faire  en  Angle- 
terre un  inftrumenr  très-commode  pour  ces 
fortes  d'expériences  j  en  a  fait  préfent  à  PA- 
cadémie  des  Sciences ,  qui  ie  conferve  dans 
fon  cabinet  de  phyfique.  M.  de  la  Conda- 
mine  y  a  dépolé  de  même  un  pendule  in- 
variable j  qui  a  fervi  à  faire  des  expériences 
en  Afrique  ,  en  Amérique  &  en  Laponie  , 
comme  on  peut  le  voir  dans  mon  AJîrono- 
mie.  Ce  pendule  invariable  eft  actuellement 
aux  terres  auftrales  ,  oij  M.  Merfais  &  M. 
Dageîet  font  chargés  de  fiire  les  mêmes 
expériences.  0\\  trouvera  dans  le  Traité 
d'horlogerie  de  M.  Lepatite  ,  une  table  fort 
étendue  des  longueurs  du  pendule  ,  &  qui 
donnent  des  nombres  quelconques  de  vibra- 
tions. Cette  table  a  été  calculée  par  Ma- 
dame Lepaute.  (  M,  de  la  Lande.) 

Pendule,  (  f.  ( Horlogerie.  )  efpece 
d^horloge  à  pendule ,  exécutée  en  général 
avec  plus  de  précifîon  que  les  horloges  de 
.  cette  efpece ,  bc  qui  n'en  diffère  efléntielle- 
ment  que  par  la  difpofition  de  fes  par-ties , 
fur-tout  de  la  cage  ,  qui  reflemble  fort  à 
celle  des  montres. 

Dans  le  temps  où  l'on  commença  à 
appliquer  le  pendule  aux  horloges  ,  les  pre- 
mières dans  lefquelles  on  employa  ce  nou- 
veau régulateur  ,  furent  probablement  ap- 
pellées  d'abord  horloges  à  pendule ,  enfuite 
lîmplem.ent  pendules  ;  &  comme  ces  hor- 
loges n'étoient  que  d'une  grandeur  mé- 
diocre j  &  faites  avec  plus  de  précifîon  que 
les  autres  ,  il  eft  arrivé  delà  ,  que  malgré 
que  dans  toutes  les  horloges  on  ait  iubfti- 
tué  daiis  la  fuite  le  pendule  au  balancier , 


P  EN 

ii  n'y  a  eu  que  celles  d'une  certaine  gran* 
deur ,  dont  nous  venons  de  parler  ,  aux- 
quelles on  ait  donné  le  nom  de  pendu- 
les ,  les  autres  ayant  conferve  celui  à' hor- 
loges ,  comme  horloge  de  clocher  ,  de  cham- 
bre  ^  &c. 

On  diftingue  les  pendules  ,  en  général , 
en  pendules  à  poids  &  pendules  à  reilbrt. 
Dans  les  premières  ,  font  toutes  les  pen- 
dules à  grandes  vibrations ,  à  équation ,  ùc. 
Dans  les  fécondes ,  font  toutes  celles  d'une 
certaine  grandeur  ,  qui  ont  pour  principe 
de  mouvement  un  reffort  ,  comme  celles 
qui  fe  mettent  fur  un  pié  ,  fur  une  tablé  , 
qui  fe  plaquent  contre  un  mur  ,  ùc.  telles 
ibnt  font  ordinairement  \qs  pendules  à  quinze 
jours  i  à  fonnerie  j  les  pendules  à  quarts  , 
les  pendules  à  trente  heures  ,  les  pendules 
à  répétition  ,  les  pendules  à  trois  parties, 
c'eft-à-dire ,  celles  qui  répètent  Pheure  lorf- 
que  l'on  tire  le  cordon ,  &  qui  fonnent  en 
même  temj)s  l'heure  &  les  quarts  d'elles- 
mêmes.  Enfin ,  celles  à  quatre  parties  ,  qui, 
outre  les  propriétés  de  ces  dernières ,  ont 
encore  celle  d'être  à  réveil.  Il  y  a  encore 
des  pendules  à  carillon  &  des  pendules  a. 
remontoir  ,  qui  font  en  quelque  façon  à 
poids  &c  à  refîbrt,  la  force  motrice  originale 
étant  un  refibrt  employé  à  faire  former  la 
fonnerie  ,  &  en  même  temps  à  remonter 
un  poids  qui  fait  aller  le  mouvement.  VoyeT^ 
Remontoir. 

Pendule  d'equation  ,  (  Horlogerie.  ) 
efpece  de  pendule  co»ftruite  de  façon  qu'elle 
marque  &c  llieurc  du  temps  vrai ,  &  celle 
du  temps  moyen  5  au  moyen  de  quoi,  la 
différence  entre  ces  deux  efpeces  d'heures  , 
indique  l'équation  du  foleil.  Quoiqu'on  ait 
commencé  de  très-bonne  heure  à  faire  des 
horloges  curieufes  qui  marquoient  les  mou- 
vemens  des  planètes  ,  ùc.  cependant  leur 
mouvement  étoit  trop  irrégulier ,  pour  qu'on 
pensât  à  leur  faire  marquer  les  équations 
du  foleil ,  ces  horloges  avançant  ou  retar- 
dant fbuvent  d'une  demi-heure  en  très-peu 
de  temps ,  tandis  que  l'équation  du  foleil 
n'eft  que  de  feize  minutes  daîis  Teipace  de 
trois  mois.  Mais  dès  que  Ton  eut  appliqué 
le  pendule  aux  horloges  ,  le  mouvement 
de  ces  horloges  ,  ou  plutôt  de  cts  pendules  , 
en  devint  11  jûffe  par  rapport  à  celui 
dés'  horloges  ofdiifaires, 'qu'on' s'apperçut* 

bientôt 


'       P  E  N 

bientôt  que  pour  les  bien  régler ,  il  fal- 
loit  avoir  égard  à  l'équation  du  foleil  ;  ce 
qui  fit  apparemment  naître  l'idée  des  pen- 
dules adéquation. \3vvt  des  premières  dont 
on  ait  connoifTance,  eft  celle  qui  fe  trouva 
dans  le  cabinet  du  roi  d'Efpagne  ,  en  1699 , 
dont  parle  M.  Sully  dans  la  Règle  artifi- 
cielle du  temps.  Cette  pendule  marquoit 
l'équation  du  foleil,  au  moyen  de  deux 
aiguilles ,  dont  l'une  indiquoit  le  temps 
vrai ,  &  l'autre  le  temps  moyen  ;  &  c'eft 
de  cette  façon  qu'on  les  a  faites  en  Angle- 
terre. Le  même  M.  Sulîy  propofe  dans  le 
même  livre ,  de  faire  une  pendule ,  non  pas 
d'équation ,  mais  dont  l'inégalité  des  vibra- 
tions du  pendule  répondroit  à  l'ine'galité 
des  jours,  &c.  idée  qui  étoit  aufîi  venue 
au  R.  P.  D.  Alexandre,  Bénédiftin,  dès 
1699,  ce  qu'il  prouve  parle  certificat  de 
l'Académie  royale  des  Sciences  ,  qu'il 
rapporte  :  ce  Père,  dans  fon  Traité  des 
Horloges ,  s'efforce  de  prouver  la  beauté 
de  cette  invention;  mais  pour  peu  qu'on 
entende  l'horlogerie ,  on  verra  combien 
elle  eft  ridicule ,  &  que  les  pendules  ne 
font  pas  déjà  trop  précifes ,  pour  ajouter 
de  nouvelles  fources  d'erreur  dans  l'allon- 
gement &:  le  raccourciffement  périodique 
du  pendule;  ainfi  il  eft  inutile  de  parler  de 
cette  efpece  Ae pendules ,  qui  ne  font  réel- 
lement pas  des  pendules  d'équation. 

Pendule  en  tant  qu^  appliqué  aux  hor- 
loges. L'invention  des  horloges  à  pendu- 
le^ qu'on  appelle  (nwg\Qmtni  pendules  y  e{\. 
due  à  l'induflrie  heureufe  du  fiecle  pafte  : 
Huyghens  &  Galilée  s'en  difputent  l'hon- 
neur. Le  premier ,  qui  a  fait  un  volume 
confidérable  fur  ce  fujet,  déclare  qu'on  n'a 
exécuté  cette  efpece  d'horloge  qu'en  1657, 
&  qu'on  n'en  a  imprimé  la  defcription  qu'en 
1658.  Becker,  dans  fa  Nova  dimetiendi 
temporis  theoria^  fe  déclare  vivement  pour 
Galilée  ,  &  rapporte  (  à  la  vérité  de  la 
féconde  main)  toute  l'hiftoire  de  cette  in- 
vention, ajoutant  qu'un  nommé  Thejïler , 
horloger  du  père  du  grand-duc  de  Tof- 
cane  ,  qui  vivoit  de  fon  temps ,  avoit  fait 
la  première  pendule  à  Florence ,  fous  la 
direftion  de  Galilée  ,  Galileo  ,  &  qu'il  en 
avoit  envoyé  un  modèle  en  Hollande. 
L'académie  del  Cimentodit  expreffément, 
que  l'application  du  pendule  diumonwQment 
Tome  XXV, 


PEN  1^3 

des  horloges  avoit  été  d'abord  propofée  par 
Galilée ,  &  que  c'étoit  fon  fils  Vincenzo 
Galilei  qui  l'avoit  mis  le  premier  en  prati- 
que ,  en  1649. 

Quel  qu'ait  été  l'auteur  de  cette  inven- 
tion, au  moins  eft-il  certain  qu'elle  n'a 
re^u  fa  perfection  que  de  Huyghens ,  le- 
quel fait  remarquer  avec  foin ,  que  fi  Gali- 
lée en  a  eu  quelque  idée,  au  moins  ne  l'a-t- 
il  pas  portée  à  fa  maturité. 

C'eft  en  1662  que  M.  Fromentil  ,  Hol- 
landoi»,  a  fait  en  Angleterre  la  première 
pendule. 

Le  pendule  en  tant  qu'appliqué  à  l'hor- 
loge ,  eft  compofé  d'une  verge  d'acier  , 
fufpendue  à  un  point  fixe,  de  façon  qu'elle 
puifî^e  fe  mouvoir  librement  autour  de 
lui  ;  &  d'un  corps  grave  ,  auquel  on  donne 
la  forme  lenticulaire ,  afin  de  diminuer 
la  réfiftance  que  l'air  apporte  à  fon  mou^ 
vement. 

Ce  qui  rend  le  pendule  fi  fupérieur  aux 
autres  régulateurs ,  c'eft  que  perdant  fort 
peu  de  fon  mouvement,  il  eft  entretenu 
en  vibration  par  une  force  très-foible  à  fon 
égard  ,  &  dont  par  conféquent  les  inégali- 
tés influent  bien  moins  fur  fa  juftefie. 

Si  l'on  met  en  vibration,  dans  le  même 
temps  ,  un  pendule  &  un  balancier  joint  à 
fon  reffort,  l'expérience  fait  voir  qu'au 
bout  de  90  fécondes ,  le  dernier  aura  perdu 
tout  fon  mouvement,  au  lieu  que  l'autre 
le  confervera  pendant  dix  heures  &  plus, 
Ainfi  les  reftitutions  du  mouvement  fur 
le  pendule ,  font  à  celles  qu'exige  le  balan- 
cier ,  aidé  du  refîbrt,  à-peu-près  comme 
un  à  400. 

Plusieurs  caufes  concourent  à  cette  fu- 
périorité  du  pendule  fur  le  balancier  :  les 
particules  du  reffort  éprouvant  un  frotte- 
ment les  unes  fur  les  autres,  quand  il -re- 
prend fa  première  figure ,  la  force  qu'il  de- 
vroit  communiquer  au  balancier  en  eft  d'au- 
tant plus  diminuée;  mais  ce  qui  contribue 
encore  plus  à  la  perfeâiion  au  pendule ,  c'eft; 
la  fufpenfion.  Voye^  Suspension. 

L'expérience  a  montré  qu'un  long  pen" 
dule  donne  plus  de  régularité  qu'un  court, 
en  parcourant  les  mêmes  efpaces;  en  voici 
les  raifons. 

1°.  Sa  lentille  defcendant  par  un  plan 
moins  incliné ,  peut  être  beaucoup  plus 

Bb 


154  P  E  N 

pefante ,  parce  que  fon  mouvement  eft 
moins  difficile  à  reftituer,  &  parce  qu'il 
s'en  perd  une  moindre  quantité  ;  le  nom- 
bre des  ofcillations  dans  un  temps  quelcon- 
que, n'étant  pas  û  confidérable ,  &  l'air 
n'étant  pointfrappé  avec  autant  de  rapidité 
dans  chacune  d'elles. 

2^.  Pour  des  folides  de  figures  fembla- 
bles,  les  furfaces.  n'étant  point  comme  les 
maffes ,  mais  comme  les  quarrés  de  leurs 
racines  cubiques ,  les  réfiftances  de  l'air  de- 
viennent d'autant  moins  puiflantes»fur  les 
lentilles  fort  pefantes. 

3^.  Ces  vibrations  plus  lentes  rendent 
le  rouage  plus  fimple,  plus  conftammentle 
même,  &  moins  fujetà  l'ufure.  On  remar- 
que que  dans  les  pendu/es  à  fécondes,  par 
exemple  ,  les  trous  des  pivots  ne  s'ufent 
prefque  jamais. 

4°.  Par  toutes  les  raifons  précédentes, 
la  force  motriced'un  XowgpenduU  peut  être 
beaucoup  moins  confidérable  à  l'égard  du 
poids  vibrant;  &  les  inégalités  de  cette  force 
influent  beaucoup  moins  fur  la  jufteffe  des 
vibrations.  Enfin ,  les  longs  pendules  peu- 
vent décrire  des  arcs  beaucoup  plus  petits  , 
qui,  comme  il  efl:  démontré,  article Cy- 
CLOÏDE ,  approchent  davantage  Aqs  arcs 
cycloïdaux.  Voye:[  E£ai  d'' horlogerie  de 
M.  Berthoud.  Tome  II,  &  la  defcription 
des  Arts ,  imprimée  à  Neuchâtel. 

Pendule  à  iS  jours  ^  à  rejjort  &  à  fon- 
neric.  Il  fuffit  de  voir  la  difpoiîtion  des  roues 
du  mouvement,  pour  comprendre  de  quelle 
manière  elles  agiffent  les  unes  fur  les  au- 
tres ;  la  feule  différence  effentielle  entre  cet- 
te pendule  &  X?,  pendule  à  fécondes ,  c'efl: 
qu'au  lieu  de  la  poulie ,  il  y  a  ici  un  boulet 
denté  à  fa  circonférence. 

Pendules  à  quarts.  Les  hommes  étant 
toujours  portés  à  imiter,  ce  n'eft  qu'avec 
effort  qu'ils  fortent  des  routes  ordinaires. 
Ainfi,  la  fonnerie  des  heures  dans  les  pre- 
mières horloges  ayant  été  faite  avec  un  roua- 
ge particulier  ;  quand  on  voulut  leur  faire 
lonner  les  quarts ,  on  n'imagina  rien  de 
mieux  que  de  faire  aufli  un  rouage  pour  la 
jfonnerie  des  quarrs ,  quoique  ce  fût  em- 
ployer beaucoup  d'ouvrage  àproduire  peu 
d'effet  ;  ce  qui  efi  dire(5^ement  contraire  à 
la  fairie  méchanique,  qui  veut  que  la  com- 
plication des  machines  fait  toujours  propor- 


P  E  N 

tionnelle  à  celle  des  effets  qu'elles  produî- 
fent.  Plufieurs  horlogers  fentant  ce  défaut 
à^s pendules  à  quarts^  ont  voulu  y  remé- 
dier ,  en  les  faifant  fonner  l'heure  &  les 
quarts  parun  feul  rouage  ;  mais  jufqu'à  pré- 
fentil  y  en  a  peu  qui  aient  réuffi,  Xqmvs pendu- 
les pour  la  plupart  étant  fort  compliquées  :  il 
n'y  a  guère  que  quelques  habiles  horlogers 
&  mon  père  qui  en  aient  fait  avec  cette 
fimplicité ,  qui  eft ,  fi  cela  fe  peut  dire ,  la 
véritable  élégance  dans  les  machines. 

Repréfentez-vous  la  difpofitiondes  roua- 
ges du  mouvement,  de  la  fonnerie  des  heu- 
res ,  &  de  celle  àts  quarts  d'une  pendule 
à  quarts  ordinaire,  le  mouvement  ne  dif- 
férant enrien  effentiellement  de  la. pendule 
à  quinze  jours.  Quant  au  nombre  des  roues 
du  mouvement, les  voici  ; 

Barillet,  84-1 4 


2*  roue ,  .  . .  84-7 


3e  roue, 78-6 


roue  de  champ,  . . .  66-6 


roue  de  rencontre, ....  33-2 

I  verge  des  pa- 
lettes. 

pendule , . . . , 

Par  ces  nombres  ,  on  voit  que  la  troî- 
fieme  roue ,  ou  la  roue  à  longue  tige  ,  fai- 
fant un  tour  par  heure  ,  le  nombre  des  vi- 
brations du  pendule ,  dans  le  même  temps  , 
fera  de  9438  ;  &  par  conféquent,  que  la  lon- 
gueur de  ce  pendule  fera  de  cinq  pouces 
trois  lignes ,  ou  à-peu-prè.s ,  un  pendule 
de  cette  longueur  donnant  par  heure  9450 
vibrations.  Or,  par  les  nombres  des  pre- 
miers mobiles,  il  efî  clait  que  la  roue  à 
longue  tige  fait  foixante-douze  tours  pour 
un  du  barillet  ;  &  le  reffort  failant  fix  tours 
dans  le  barillet,  il  s'enfuit  q^ue  le  refiort» 


P  E  N 

avant  d'être  au  bas,  en  fera  faire  à  cette  roue 
'^}i ,  qui  équivaudront  à  autant  d'heures  ; 
&  ce  nombre  étant  divifé  par  24,  donnera 
le  nombre  de  jours  que  la  ptnduU  mar- 
chera avant  que  d'être  au-bas.  Quant  aux 
nombres  des  roues  de  la  fonnerie  ,  ils  fonr 
les  mêmes  que  ceux  dont  il  eft  parlé  à  X ar- 
ticle Sonnerie  :  ainfi  nous  y  renvoyons. 
La  fonnerie  des  heures  n'en  diffère  pas 
effentiellement  non  plus ,  fi  ce  n'eft  1°.  que 
cettejs^n^/^/?  fonnant  la  demie  par  lesquarts, 
un  tour  du  chapçron ,  au  lieu  d'équivaloir  à 
90  coups  de  marteau  ,  n'équivaut  qu'à  78, 
nombre  des  heures  qiCunependuà  doit  fon- 
ner  en  ii  heures;  &  1°.  que  le  détentil- 
lon,  au  lieu  d'être  levé  par  la  roue  des  mi- 
nutes toutes  les  heures ,  l'eft  par  un  cha- 
peron qui  appartient  aux  quarts  :  de  forte 
que  l'heure  ne  peut   fonner  qu'après  les 
quarts ,  &  qu'il  n'eft  point  néceflaire  que 
ce  détentillon  ait  une  partie  telle  que  celui 
d'une  pendule  à  fonnerie  ordinaire ,  pour 
faire  le  délai,  parce  qu'ici  la  fonnerie  des 
heures  eft  dirigée  par  celle  des  quarts;  & 
que  dès  que  ceux-ci  font  fonnés  ,  il  faut 
que  l'heure  parte.  Quanta  la  fonnerie  des 
quarts ,  voici  comme  elle  s'exécute.  La  roue 
des  minutes  porte  quatre  chevilles,  qui  lè- 
vent alternativement  le    détentillon   des 
quarts ,  pour  faire  détendre  la  fonnerie  des 
quarts  comme  à  l'ordinaire;  celle-ci  étant 
libre  ,  fdnne  de  la  manière  fuivante.  Une 
roue  porte  un  nombre  de  chevilles  égal  aux 
coups  de  marteau  que  les  quarts  doivent 
frapper  pendant  une  heure ,  c'eft-à-dire , 
dix;  &  comme  ces  dix  coups  doivent  être 
frappés  alternativement  par  deux  marteaux, 
dont  l'un  doit  toujours  partir  le  premier ,  fix 
de  ces  chevilles  font  d'un  côté  de  la  roue  & 
quatre  de  l'autre  ,  &  non  toutes  d'un  même 
côté  ;  ces  chevilles  lèvent  alternativement 
une  double bafcule  pour  les  deux  marteaux. 
La  fonnerie  des  quarts  ayant  été  mife  en 
liberté,  \3i pendule  fonne  un  certain  nom- 
bre de  quarts  qui  font  déterminés ,  de  mê- 
me que  dans  la  fonnerie  des  heures ,  par 
une  roue  de  compte  qui  entre  à  quarré  fur 
l'axe  de  la  roue  de  chevilles ,   &  qui  eft 
diviiée  en  quatre  parties  ,1,2,3,4,  pour 
un  quart ,  deuX  quarts ,  &c.  lorsque  l'ai- 
guille des  minutes  eft  fur  le  midi ,  dans 
i'inftant  que  les  quatre  quarts  font  fonnés ,  1 


P  E  N  Î95 

la  cheville  du  chaperon  leva  le  détentillon 
de  la  fonnerie  des  heures ,  au  moyen  de 
quoi  l'heure  fonne.  On  conçoit  bien  que 
le  nombre  des  tours  de  la  roue  de  chevilles 
de  la  fonnerie  des  quarts ,  par  rapport  à  ceux 
de  fon  barillet,  font  déterminés  de  façon, 
que  {\  la  pendule  va  18  jours,  par  exem-  ^ 
pie ,  cette  roue  fera  autant  de  tours  qu'il 
y  a  d'heures  dans  cet  intervalle  de  temps  ; 
c'eft  ce  qu'on  verra  facilement  parles  nom- 
bres de  cette  fonnerie.  On  concevra  de 
même ,  que  comme  la  fonnerie  des  heures 
ne  frappe  que  78  coups  en  12  heures ,  la 
roue  de  chevilles  de  cette  fonnerie  fera 
par  tour  du  chaperon  un  nombre  de  tours  , 
qui ,  multiplié  par  celui  de  (qs  chevilles ,  fera 
encore  égal  à  78.  Foye;^  là-deflus  V article 
Sonnerie. 

Nombre  des  roues  de  cette  pendule.  Mou- 
pemeiLt, 
Barillet,  84-14 


le  roue ,  . .  77-7 

( 

3e  roue , .  . . .  72-6 


roue  de  champ, . .  60-5 


roue  derencontre, . .  3 1-2 


pendule, .... 

Sonnerie  des  heures. 
Barillet,  84-14 


verge  des  palet- 
tes. 


le  roue,."..  78-8 


-  8  chevilles. 


roue  de  chevilles,  56-7 


Bb2 


m 


ic^6  P  E  N 

roue  d'étoquiau  ,  ...  56-6 


roue  du  volant, , . . . .  '48-6  pignon  du  vo- 
lant. 
Sonnerie  des  quarts. 

Barillet,  84-14 


1^  roue 


72-8 


10  chevilles, 
rouedechevilîes,6o-6 


roue  d'étoquiau, . . .  <^6-6 


roue  du  volant ,,..,,  48-6  pignon  du  vo- 
lant. 
/^av^;[  RÉPÉTITION,  Ç Pendule  à JYioK- 
LOGERiE ,  Montre,  &c.* 

Pendule  ,  (  Pfiyfiq.  génér.J  Entre  les 
découvertes  iur  le  pendule ,  les  Anglois  at- 
tribuent à  M.  Chriftophe  "Wren,  un  des 
plus  illuftres  Architectes  de  Ton  fiecle  ,  les 
.fuivantes.  Ils  prétendent  qu'il  a  trouvé  le 
premier,  que  \q pendule,  dans  un  tour  &:  re- 
tour ,  fe  meut  inégalement  en  des  temps 
égaux ,  félon  une  ligne  de  linus  ;  qu'il  pour- 
roit  fe  mouvoir  d'une  manière  circulaire  ou 
elliptique  ,  &  que  ces  vibranons  auroient 
les  mêmes  périodes  que  celles  qui  font  al- 
ternatives ;  que  par  la  jondion  de  plulieurs 
pendules ,  qui  dépendroient  les  uns  des  au- 
tres ,  on  pourroit  repréfenter  les  mouve- 
mensdes  planètes,  ou  d'autres  plus  embar- 
raffés  encore  ;  ce  qui  n'empêcheroit  pas  ces 
pendules  de  faire  fans  confu{ion,de  même 
que  les  planètes,  trois  ou  quatre  mouve- 
mens  difFérens  ,  en  agiflant  fur  le  même 
corps  en  divers  périodes  :  enfin  ,  qu'on 
pourroit  trouver  .une  mefure  univerfelle 
pour  l'ufage  ordinaire,  par  le  moyen  du 
pendule,  (^D.J.  ) 

PENDULIER  ,  f.  m.  (  fforlog.  )  nom 
que  les  horlogers  donnent  à  celui  qiji  fait 
des  pendules» 


P  E   N 

PÊNE o« PENNE,  {Géog,  mod.J  pe- 
tite ville  de  France ,  dans  le  LanguedoeP| 
près  ,de  l'Aveyron ,  avec  un  château  ruiné, 

PENE,  (  Géog,  mod.J  rivière  d'Alle- 
magne ;  elle  a  fa  iource  dans  le  duché  de 
Meckelbourg  ,  &  fe  décharge  dans  la  mer 
Bahique,  vis-à-vis  de  l'ile  de  Ruden. 
CD  J.J 

PÊNES,  (^ Marine -yj  ce  font  des  bou- 
chons de  laine ,  que  le  calfateur  attache  à 
un  manche ,  appelle  le  bdton  à  vadel ,  & 
dont  il  fe  fert  à  braire  le  vaiffeau.  (  QJ 

PÊNE ,  (  Rubanier,)  eft  le  refte  de  la 
pièce  que  l'on  emploie  jufqu'au  plus  près 
des  liffes  qu'il  eft  poûîble ,  au  moyen  de  la 
corde  à  encorder,  dont  on  a  parlé  à  l'ar- 
ticle  Corde  à  encorder;  ce  pêne  devenant 
inutile,  parce  qu'il  eft  trop  court,  n'eft  plus 
propre  à  ce  métier  :  il  fert  aux  religieufes  , 
qui  en  font  mille  petits  ouvrages  de  dé- 
votion. 

Pene,  f.  m.  C Serrurerie  ;  )  c'eft  dans 
une  ferrure  le  morceau  de  fer  que  la  clé 
fait  aller  &  venir,  en  tournant  fur  elle- 
même,  &  qui  ferme  la  porte  :  pêne  Vient  de 
penuluSy  verrou. 

Le  pêne  en  bord  a  lieu  aux  ferrures  de 
coffre  ;  il  pafle  le  long  du  bord  de  la  fer- 
rure :  lorfque  le  couvercle  du  coffre  eft 
fermé,  l'aubron  entre  dans  le  bord  de  la 
ferrure  ;  &  le  pêne  dans  l'aubron ,  lorfqu'on 
tourne  la  clé. 

Le  pêne  à  demi-tour  ou  à  relTort  a  lieu 
dans  une  ferrure,  où  il  eft  toujours  repoulTé 
par  un  refl^ort  qui  le  tient  fermé  ;  il  n'y  a 
que  l'aélion  de  la  clé  ou  la  preflion  d'un 
bouton  qui  le  tienne  ouvert. 

Le /'^/ze  dormant  eft  celui  qui  ne  va  que 
par  le  moyen  de  la  clé,  &  qui  refte  dans 
la  place  où  elle  l'a  conduit. 

Le  yP<;/ie  fourchu  ei^  le  même  que  le  pêne 
dormant ,  excepté  qu'il  a  la  tête  fendue,  &c 
qu'il  forme  àeux  pênes  en  apparence ,  en  fe 
montrant  au  bord  de  la  ferrure  par  deux 
ouvertures. 

Le  pêne  à  pignon  eft  celui  qui  eft  mu  par 
un  pignon  ;  ce  pignon  peut  chafTer  un  grand 
nombre  de  pênes  à  la  fois ,  comme  on  voit 
à  certains  coffres-forts. 

PENÉE,  (  Géog.  anc.J  Peneus  :  i °.  ficti- 
ve de  la  Theffalie ,  au  travers  de  laquelle  il 
,  couloit ,  félon  Strabon,  iiy,  IX,  Pompo- 


P  E  N 

ni  us  Mêla,  liv.  II,  chap,  iij  ^  dit  qu'il  fé- 
paroit  la  Theffalie  de  la  Phtiotide;  &  Pro- 
lomée,  liv.  III,  chap.  v//',  veut  qu'il  fé- 
parât  la  Theffalie  de  la  Pélafgiotide  : 
mais  ces  deux  géographes  entendent  feule- 
ment parler  de  la  Theffahe  propre,  que 
Strabon  appelle  ThcJJaHotidc. 

Ce  fleuve  avoit  fa  fource  dans  le  mont 
Pindus  ;  il  couloit  d'orient  en  occident ,  en 
ferpentant;  &:  après  s'être  accru  des  eaux  de 
diverfes  rivières,  il  fe  rendoit  dans  la  vallée 
de  Tempe  ,  pour  aller  enfuite  fe  jeter  dans 
le  golfe  Thermaïque,  entre  le  mont  Olympe 
&:  le  mont  OITa. 

Le  Pénée  eft  célèbre  chez  les  poètes  ;  cela 
vient  du  grand  nombre  de  lauriers  qui 
étoient  fur  fes  bords  :  on  y  en  voit  encore 
aujourd'hui  une  belle  quantité.  Il  a  perdu 
fon  ancien  nom  ;  on  l'appelle  préfentement 
la  Salamhria.  Elle  n'eft  guère  plus  groffe 
que  le  bras  de  la  Seine,  qui  paffe  à  Paris  de- 
vant le  quai  des  Auguftins;  mais  {^%  eaux 
font  plus  claires ,  &  pour  le  moins  auffi 
agréables  à  boire. 

2®.  Pensas  eft  encore  une  rivière  du  Pé- 
loponefe,  dans  l'Elide.  Elle  avoit  fon  em- 
bouchure fur  la  côte  occidentale ,  entre  la 
ville  Cyliene  &  le  promontoire  Clielonata, 
félon  Strabon  ,  liv.  f^III^p.  338.  Thevet 
&  Niger  prétendent  que  le  nom  moderne 
de  cette  rivière  eft  Igliaco. 

3*^.  Peneus ,  fleuve  delà  Sicile. 

4^.  Strabon ,  //V.  //,  pag.  531,  dît  que 
ce  nom  fut  donné  à  TAraxe,  fleuve  de 
l'Arménie ,  à  caufe  de  la  reffemblance 
qu'il  avoir  avec  le  Pénée  de  Theffalie. 
CD.JJ 

PENELOPE,  (My th.  J  fille  d'Icarius  , 
frère  de  Tyndare,  roi  de  Sparte,  fut  re- 
cherchée en  mariage ,  à  caufe  de  fa  beauté , 
par  plufieurs  princes  de  la  Grèce.  Son  père , 
pour  éviter  les  querelles  qui  auroient  pu 
arriver  entre  les  prétendans ,  les 'obligea  à 
en  difputer  la  poffeflion  dans  des  jeux  qu'il 
leur  fit  célébrer.  Uly  ffe  fut  vainqueur ,  &c  la 
princeffe  lui  fut  accordée.  Apollodore 
prétend  qu'Ulyffe  obtint  Pénélope  de  fon 
père,  par  la  faveur  de  Tyndare  ,  à  qui  le 
roi  d'Itaque  avoit  donné  un  bon  confeil  fur 
le  mariage  d'Hélène.  ('Foye^  HÉLÈNE  }. 
Icarius  voulut  retenir  à  Sparte  fon  gendre 
6c  fa  fille  ;  mais  Ulyffe ,  peu  après  fon  ma- 


P  E  N  197 

riage,  reprit  le  chemin  d'Ithaque  ,  fuivi  de 
fa  nouvelle  époufe. 

Ces  deux  époux  s'aimèrent  tendrement , 
de  forte  qu'Ulyffe  fit  tout  ce  qu'il  put  pour 
éviter  d'aller  au  fiege  de  Troye  :  mais  its 
rufes  furent  inutiles  ;  il  fut  contraint  de  fe 
féparer  de  fa  chère  Pénélope  ,  en  lui  laif- 
fant  un  gage  de  fon  amour.  Il  fut  vingt  ans 
fans  la  revoir;  &  pendant  une  fi  longue 
abfence ,  elle  lui  garda  une  fidélité  à  l'é- 
preuve de  toutes  les  follicitations.  Sa  beauté 
attira  à  Ithaque  un  grand  nombre  de  fou- 
pirans,  qui  vouloient  lui  perfuader  que  fon 
mari  avoit  péri  devant  Troye,  &  qu'elle 
pouvoir  fe  remarier.  Selon  Homère  ,  le 
nombre  de  {ts,  pourfuivanS  montoit  à  plus 
de  cent ,  fuivant  le  compte  qu'en  fait  Télé- 
maque  à  Ulyffe  :  «  Il  y  en  a  cinquante-deux 
»  de  Dulichium,  dit-il,  qui  ont  avec  eux 
»  fix  officiers  de  cuifine  ;  de  Sauios ,  vingt- 
>♦  quatre  ;  vingt  de  Zacynthe  ,  &  douze 
»  d'Ithaque.  Un  d'entre  eux  lui  faifoit  en- 
»  core  ce  beau  compliment  :  Si  tous  Us 
»  peuples  du  pays  d  Argos  avoient  le  hon- 
»  heur  de  vous  voir ,  fage  Pénélope ,  vous 
»  verriez  dans  votre  palais  un  bien  plus 
»  grand  nombre  de pourfuivans;  car  il  n^y 
»  a  point  de  femme  qui  vous  jbit  compa- 
»  rable  ,  ni  en  beauté ,  ni  en  /âge Je  ,  ni 
»  dans  toutes  les  qualités  de  Vefprit.  »  Pé- 
nélope{\iixo\x\Q)Vxs  éluder  leurs  pourfuites, 
&  les  amufer  par  de  nouvelles  rufes.  La 
première,  qu'un  dieu  avoit  infpirée,  dit 
Homère ,  pour  la  fecourir ,  fut  de  s'attacher 
à  faire  fur  le  métier  un  grand  voile ,  en  dé- 
clarant aux  pourfuivans,  que  fon  nouvel 
hymen  ne  pouvoit  avoirlieu  qu'après  avoir 
achevé  ce  voile  qu'elle  deftinoit  pour  en- 
velopper le  corps  de  fon  beau-pereLaërte , 
quand  il  viendroit  à  mourir.  Ainfi  elle  les 
entretint  pendant  trois  ans  durant ,  fans 
que  fa  toile  s'achevât  jamais ,  à  caufe  qu'elle 
défaifoit  la  nuit  ce  qu'elle  avoit  fait  le  jour; 
d'où  eft  venu  le  proverbe  ,  la  toile  de  Pe- 
nélope,  dont  on  fe  fert  en  parlant  (}iûs  ou- 
vrages qui  ne  s'achèvent  jamais. 

Ulyffe  avoit  dit  à  Pénélope ,  en  partant , 
que  s'il  ne  revenoit  pas  du  fiege  de  Troye  , 
quand  fon  fils  feroit  en  état  de  gouverner, 
elle  devoit  lui  rendre  ks  états  &  ion  pa- 
lais ,  &  fe  choifir  à  elle-même  un  nouvel 
époux,  Vingt  années  s'étoient  déjà  écoulées 


198  P  E  N 

depuis  rabfence  d'Uiyffe ,  &  Pénélope 
étoit  preffée,  par  ks  parêns  mêmes ,  de  Te 
remarier  ;  enfin  ,  ne  pouvant  plu5  différer, 
élie  propofeaux  pourfuivans,  par  l'infpira- 
don  de  Minerve,  l'exercice  de  tirer  la 
bague  avec  l'arc  ,  &  promet  d'époufer  celui 
qui  tendra  le  premier  l'arc  d'Uiyffe ,  &  qui 
fera  paffer  le  premier  fa  flèche  dans  plufieurs 
bagues  difporées  de  fuite.  Les  princes  ac- 
ceptent la  propofition  de  la  reine  :  plufieurs 
eflaient  de  tendre  l'arc ,  mais  fans  aucun 
fuccès.  Ulyffe  feul ,  qui  venoit  d'arriver , 
déguifé  en  pauvre  ,  en  vient  à  bout ,  &  fe 
fert  de  ce  même  arc  pour  tuer  tous  les 
pourfuivans.  Quand  on  vint  dire  à  Pénélope 
que  fon  époux  étoit  de  retour ,  elle  ne  vou- 
lut pas  le  croire  ;  elle  le  reçut  même  très- 
froidement,  au  premier  abord,  craignant 
qu'on  ne  voulût  la  furprendre  par  des  appa- 
rences trompeufes  :  mais  après  qu'elle  fe 
fut  affurée  ,  par  des  preuves  non  équivo- 
ques ,  que  c'étoit  réellement  Ulyffe,  elle  fe 
livra  aux  plus  grands  tranfports  de  joie  & 
d'amour. 

On  regarde  communément  Pénélope 
comme  le  modèle  le  plus  parfait  de  la  fidé- 
lité conjugale;  cependant  fa  vertu  n'a  pas 
laiffé  d'être  expofée  à  la  médifance.  La 
tradition  des  Arcadiens  inx  Pénélope  ^  ne 
s'accorde  pas,  dit  Paufanias ,  avec  lespoë- 
tes  de  la  Thefprotie  :  ceux-ci  veulent  qu'a- 
près le  retour  d'Uiyffe  Pénélope  lui  donna 
une  fille  ,  qui  eut  nom  Polyportke  ;  mais  les 
Mantinéens  prétendent  qu'accufée  par  fon 
mari  d'avoir  mis  elle-même  le  défordre 
dans  famaifon  ,  elle  en  fut  chaffée;  qu'elle 
ie  retira  premièrement  à  Sparte  ,  &  qu'en- 
fuite  elle  vint  à  Mantinée ,  où  elle  finit  les 
jours.  On  a  dit  aufïi  qu'avanj  depoufer 
Ulyffe  ,  Mercure ,  métamorphoie  en  bouc , 
avoir  furpris  Pénélope  ,  tandis  qu'elle  gar- 
doit  les  troupeaux  de  fon  père ,  &  l'avoit 
rendue  mère  de  Pan.  Mais  je  croirois  ,avec 
quelques  mythologues  ,  qu'il  faut  diftinguer 
la  reine  d'Ithaque  de  la  nymphe  Pénélope , 
mère  de  Pan.  * 

La  première  des  héroïdes  d'Ovide  eft 
de  Pénélope  à  Ulyffe.  Le  poète  fuppofe 
que  Pénélope  voyant  tous  les  Grecs  de 
retour  de  Troye ,  &  n'ayant  aucune  nou- 
velle de  fon  époux,  charge  tous  ceux  qui 
yDïjt  fiir  mer  d'une  lettre  à  Ulyffe.,  pareille 


P  E  N 

I  à  celle-ci,  dans  laquelle  font  exprimés,  avec 
beaucoup  d'art  &  de  délicateflé ,  ies  foins 

I  empreffés   &C  la   tendre  impatience  d'une 

'  femme  qui  aime  ardemment  fon  époux. 
Nous  avons  une  affez  beiie  tra':^éd!eTran- 
çoife  de  Pénélope ,  donnée  par  feu  M.  l'ab- 
bé Geneft,  en  1684,  q^'ieft  remplie  de  très- 
beaux  fenfimens  de  vertu,  (-f-j 

PÉNESTES ,  f.  m.  pL  {  Hijl.  Greq.  ) 
Ce  qu'étoient  les  Ilotes  à  Lacédémone  , 
le.';  Péneftes  l'étoient  en  Theffalie  ;  on  les 
traitoit  avec  la  même  dureté  ,  &  cette 
barbarie  fut  aufficaufe  qu'ils  fe  révoltèrent 
très-fou  vent.  L'humanité  des  Athéniens 
eut  fa  récompenfe  ;  leurs  efclaves  les  fervi- 
renr  toujours  fort  utilement  en  plus  d'une 
rencontre ,  comme  à  la  bataille  de  Mara- 
thon ,  dans  la  guerre  d'Égine  6i  au  combat 
d'Aeinuie.  fZ?.  /.  J 

PÉNÈTRABILITÉ,  f.  L  {Gramm.  ) 
ce  feroît  une  qualité  en  conféquence  de  la- 
quelle un  même  efpace  occupé  tout  entier 
par  un  corps  ,  pourroit  encore  en  recevoir 
un  autre.  On  fent  la  contradidfion  de  cette 
hypothefe.  Les  corps  font  perméables  à 
d'autres  corps ,  mais  ils  font  impénétrables 
les  uns  aux  autres. 

PÉNÈXRALE,  f.  m.  (Antiq,  rom.) 
lieu  où  étoient  les  ftatues  des  dieux  do- 
meftiques;  il  fe  prend  dans  Horace  pour 
toute  la  maifon,  comme  le  mot  pénates. 
Ce  poëte  appelle  le  palais  à^ h\\o\AQ  faufta 

penetralia ,  comme  le  palais  d'un  dieu, 
(D.  J.) 

PÉNÉTRATION  ,{A.(^ Gram.  )  c'eft 
la  facilité  dans  l'efprit  de  faifir ,  fans  fatigue 
&  avec  promptitude,  les  chofes  les  plus  dif- 
ficiles ,  &  de  découvrir  les  rapports  les  plus 
déliés  &  les  vérités  les  plus  cachées.  Le  tra-  . 
vail  opiniâtre  fupplée  quelquefois  à  \2.  péné- 
tration ;  on  a  de  la  pénétration  dans  un 
genre ,  &  l'on  eft  obtus  dans  un  autre.  La 
pénétration  s'accroît  par  l'application  ôcpar 
l'exercice  ;  mais  elle  eft  naturelle  ,  &  on 
ne  l'acquiert  point  quand  on  ne  l'a  pas. 

PÉNÉTRER  ,  v.  aa.  (Gram.J  terme 
relatif  à  l'aftion  d'un  corps  qui  s'infinue 
avec  peine  dans  l'intérieur  d'un  autre.  On 
dit  \'h.\xrn\à^\\.é pénètre  tout.  C'eft  une  forêt 
toufue ,  au  fond  de  laquelle  il  eft  difficile  de 
pénétrer.  Onne  pénètre  point  dans  ces  con- 
trées fjns  péril.  Il  q^  pénétré  de  cette  vérité  ; 


P  EN 

\\e^ pénétre  Aq  douleur  :  il  a  pénétré d^ns  les 
ténèbres  de  la  philofophie  platonicienne; il 
ne  faut  pas  qu'un  miniftre  Te  laiffe  facile- 
ment pénétrer.  D'où  l'on  voit  qu'il  fe 
prend  au  (impie  &:  au  figuré. 

PENGOUIN ,  Pinguin  ,  Oie  de  Ma- 
gellan; Pinguin  Batavorum,feu  an- 
fer  Magellanicus  Cliijîi.  'Willugh.  Oifeau 
de  la  grandeur  d'une  oie  ,  auquel  on  a 
donné  le  nom  de  pinguîn ,  parce  qu'il  eft 
très-gras.  La  face  fupérieure  de  cet  oifeau 
eft  noire,  &  l'inférieure  a  une  couleur  blan- 
che ;  le  cou  eft  couvert  de  plumes  noires , 
qui  forment  une  forte  de  collier.  Les  ailes 
font  courtes,  &  redemblentà  des  nageoi- 
res ;  les  plumes  de  la  face  inférieure  ont  une 
couleur  noire  ;  elles  font  courtes,  étroites, 
roides ,  &  fort  ferrées  lesHines  contre  les 
autres  ;  celles  de  la  face  fupérieure  font 
blanches ,  plus  courtes  &  plus  roides  que 
celles  du  deifous  de  l'aile  ;  il  y  aauffi  quel- 
ques plumes  noires  mêlées  parmi  les  plu- 
mes blanches.  Le  bec  eft  plus  fort  que  celui 
du  cormoran,  mais  cependant  moins  élevé. 
Les  pies  font  noirs ,  applatis ,  &  femblables 
pour  la  forme  à  ceux  de  l'oie  ,  mais  plus 
petits  :  la  queue  eft  très-courte.  Cet  oifeau 
quitte  rarement  la  haute  mer  ;  il  ne  vient 
fur  terre  que  dans  le  temps  de  l'incubation. 
Il  fe  nourrit  de  poifTons ,  &  fa  chair  n'a  pas 
un  goût  défagréable.  Willughbi ,  Omit. 
Voyez  Oiseau. 

PÉNIBLE,  adj.  ÇGramm.  )  qui  fe  fait 
avec  peine.  On  croit  que  l'algèbre  eft  une 
éxnât  pénible.  La  route  que  nous  avons  à 
faire  en  ce  monde  eft  courte ,  mais  il  y  a  des 
hommes  pour  qui  elle  aura  été  bien  péni- 
ble. La  connoiflance  des  langues  fuppofe 
un  exercice  de  la  mémoire,  loirg  ^pénible. 
Un  plaifir  qui  n'a  rien  àt  pénible  ,eft  com- 
munément iniipide. 

PÉNICHE  ,  C  Géogr.  mod.)  ville  forte 
de  Portugd  dans  l'Eftramadure ,  au  nord 
du  Tdge  ,  avec  k.\x\  port  &:  une  citadelle  ,  à 
quatre  lieues  de  Lisbonne.  Long.  8 ^  ^o 
lat.  T^C)  .,  i5. 

PÉNICK  ,  (Gé?fgr.  mod.  )  petite  ville 
d'Allemagne ,  clatis  le  cercle  di  la  haute 
Sdxe  ,  au  marquifat  de  MUhie,  Elle  eft  fur 
la  Mu  de  ,  à  trois  heues  eft  d'Altenbourg. 
Long,  -^o  ,  40  ;  lat.  So  ,  S4. 

PENIDE,  o«  SUCRE  jS OKGE -yen p-har- 


P  E  N  JS9 

macie ,  c'eft  une  préparation  de  fucre  que 
l'on  compofe ,  en  la  faifant  bouillir  avec 
une  décoction  d'orge ,  jufqu'à  ce  qu'elle  de- 
vienne caftante  ou  fragile ,  après  quoi  on 
la  verfe  fur  un  marbre  enduit  d'huile  d'a-^ 
mandes  douces,  &  on  la  pétrit  avec  les 
mains  comme  la  pâte  ;  &c  pendant  qu'elle 
eft  encore  chaude,  on  la  tire  en  petits 
bâtons  retors  comme  des  cordes.  V'oye:^ 
Sucre. 

Les  pénides  font  bons  contre  les  rhu- 
mes, pour  modérer  ou  adoucir  l'acrimonie 
des  humeurs  ,  provoquer  l'expeftoration  , 
&c. 

M.  de  Quinci  faifoit  ufage  de  pénides 
avec  un  mélange  d'empois ,  le  tout  mis 
en   bols ,  au  lieu  a  une  efpece   de  fucre 

PÉNIE  ,  f.  f .  (  Mythol.  )  la  déeft'e  de^ 
la  pauvreté.  Platon  raconte  que  les  dieux 
donnant  un  jour  un  grand  feftin ,  le  dieu 
des  richefles ,  qui  avoit  un  peu  trop  bu  , 
s'étant  endormi  à  la  porte  de  la  falle,  Pé- 
nie ,  qui  étoit  venue  là  peur  recueillir  les 
reftes  du  repas  ,  l'acofta ,  lui  plut ,  &  en 
eut  im  enfant,  qui  fut  l'amour.  Cette  fable- 
allégorique  veut  peut-être  dire,  que  l'a- 
mour unit  quelquefois  les  deux  extrêmes. 
(D.J.J 

PENIL  ,  f.  m.  {Anatom.)  partie  anté- 
rieure de  l'os  barré  qui  eft  autour  des  par- 
ties naturelles ,  &  qui  fe  couvre  de  poil  ; 
la  marque  de  la  puberté  ,  tant  aux  mâles 
qu'aux  femelles. 

Penil  ou  Pénis,  terme  d''Anatomie  , 
qui  fe  dit  d'une  partie  du  corps  humain  , 
que  l'on  appelle  auflli  la  verge  .^^^  caufe  de  fa 
forme  ;  ou  encore ,  par  excelknce ,  le  rnemy 
brt  ou  membre  viril  ^  à  caufe  que  c'eft  un 
des  principaux  organes  de  la  génération 
dans  i'efpece  mâle.  Voye\  nos  pi.  d'anale 
&  leur  explication.  Voyez  au^i  les  articl, 
GÉNÉRATION,S£MENCE,ERECTJON.y 

Male,  Femelle,  Testicule  ,  érc. 

Il  eft  attaché  à  la  partie  iiiféi  leure  de  l 'os 
ptbis ,  &  à  la  partie  iVipérieure  de  l'os 
iichion»  Son  corps  corf,fte  en  deux,  corps 
caverneux  &;  celui  de  i'uretre. 

Les  corps  caverneux  du /^t;?//,  appelles 
ai  ffi  corps  nerveux  ^Jpengieux ,  &c.  font 
anachés ,  de  part  &.  d'autre  ,  à  la  branche 
de  l'os  pubis  &  à  celle  de  l'os  ifi:hioii  >  ôc 


100  P  E  N 

delà  vont  en  augmentant  en  groffeur  & 
en  épaiiïeur ,  jufqu'à  ce  qu'ils  rencontrent 
le  corps  caverneux  de  Turetre  ,  où  ils  fe 
joignent ,  en  lailTant  fout  le  long  de  leur 
étendue  un  interftice  ou  un  canal ,  pour  fon 
pafîage  ;  ils  continuent  ainiî  d'aller  enfem- 
ble,  liés  l'un  à  l'autre  par  un  corps  mem- 
braneux appelle  fcpeum.  Les  fibres  de  cette 
cloifon  laiffent ,  d'efpace  en  efpace ,  un  petit 
écartement  entr'elles ,  par  où  les  deux  corps 
caverneux  communiquent  enfemble  ;  elle 
devient  très-mince  ,  &  va  toujours  en 
diminuant  vers  les  exrémités  arrondies , 
dans  lerquelles  ces  corps  fe  terminent  au 
ghnd.  rojei  CoRPS  CAVERNEUX  & 
Gland.  ^ 

Le  corps  caverneux  de  l'urètre  renferme 
l'urètre  ou  le  paffage  urinaire.  Sa  forme  , 
contraire  à  celle  des  autres  corps  caverneux, 
eft  plus  large  aux  deux  extrémités ,  &  plus 
petite  dans  le  milieu.  M.  Cowper  appelle 
le  Ifulhe  de  furetre  ,  cette  partie  enfermée 
entre  les  deux  origines  des  corps  caver- 
neux du  penil  :  fon  autre  extrémité 
dilatée  forme  le  corps  que  l'on  appelle  le 
gland.  Voyez  Uretrej,  &:c. 

Lejjenil  reçoit  des  artères  des  branches 
iliaques  internes  ,  &:  des  artères  ombili- 
cales ;  &  ces  artères  fe  divifant  enfin  en  un 
nombre  infini  de  branches ,  il  vient  autant 
de  veines  de  leurs  extrémités  capillaires. 
Dans  les  canaux  de  ces  veines ,  il  y  a  des 
ouvertures  qui  correfpondent  à  autant  de 
cellules ,  lefquelles  communiquant  entre 
elle^ ,  fe  déchargent  dans  des  canaux  vei- 
neux plus  confiidérables ,  &  coulent  fur  la 
furface  fupérieure  du  penil  :  quelques-uns 
d'eux  s'uniffent  aux  veines  du  prépuce  ; 
d'autres  compofent  un  gros  tronc,  appelle 
veine  du  penil ,  lequel  rampe  fur  le  dos  du 
penil  jufqu'aux  proftates  ,  fe  divife  en 
deux ,  &  entre  ^dans  l'iliaque  interne  des 
deux  côtés, 

-  Le  penil  reçoit  fes  nerfs  d'un  tronc  com- 
pofé  de  la  réunion  de  la  troiiieme  paire  de 
nerfs  de  Vos  facrum ,  &  d'une  branche  du 
grand  nerf  fciatique  ;  ces  nerfs  viennent 
gagner  les  corps  caverneux  ,  s'épanouiffent 
fur  leur  furface  fupérieure  ,  d'où  ils  fe  dif- 
tribuent  à  toutes  les  parties  du  penil. 

Les  canaux  lymphatiques  du  penil  font 
fort  nombreux  iur  fa  furface  ,  qui  eft  fous 


P  E  N 

la  peau  ;  ils  fe  déchargent  dans  leç  glandes 
inguinales.  f^oye{  Semence  &  Urine. 

Le  penil  z  deux  paires  de  mufcles ,  avec 
un  mufc'.e  impair;  ce  dernier  s'appelle /'^c- 
céUrateur  de  l'urine.  Sa  partie  fupérieure  , 
qui  couvre  le  bulbe  ,  fert  à  comprimer  les 
veines  qui  y  paffent  :  il  vient  du  corps  ca- 
verneux de  l'urètre ,  &  empêche  ,  par  ce 
moyen,  le  reflux  du  fang ,  dans  le  temps  de 
réreftion;  &  par  des  contrarions  répé- 
tées ,  il  chaffe  le  fang  du  bulbe  vers  le  gland. 
Son  alongement  fert  à  comprimer  le  canal 
de  l'urètre ,  &  à  forcer  la  fortie  de  la  fe- 
mence ,  ou  de  l'urine  qui  y  eft  contenue. 
f^.  Accélérateur. 

La  première  paire  de  mufcles  fe  nomme 
les  èrecleurs  du  penil  :  leur  aélion  foutient 
&  tire  \e penil\'i:r%  les  os  pubis;  &f  moyen- 
nant le  fecours  du  ligament  fufpenfoir  de 
la  verge  ,  la  veine  du  penil  s'applique  au 
ligament  tranfverfe  des  os  pubis.  Ainfi  le 
fang  refluant  ne  pouvant  aller  par  cette 
route  ,  il  eft  nécefîaire  que  les  corps  caver- 
neux fediftendent.  V^oye^  ÉRECTEUR  & 
Collatéral. 

La  dernière  paire  des  mufcles  font  les 
tranfverfes  dw  penil  ^  qui  varient  dans  diffé- 
rens  fujets ,  &:  qui  manquent  quelquefois  ; 
ils  fervent  à  dilater  la  partie  du  corps  caver- 
neux de  l'urètre ,  à  laquelle  ils  font  atta- 
chés. V.  TraNS  VERS  EUR. 

he penil  a  aufli  trois  glandes ,  qui  entêté 
d'abord  découvertes  par  M.  Cowper  :  elles 
fe  déchargent  toutes  dans  l'urètre  ,  &  à 
caufe  de  la  ténacité  de  la  liqueur  dont 
elles  font  la  fecrétion  ,  on  les  appelle 
glandes  muqueufes.  Voyez  Glandes 
MUQUEUSES. 

Toutl'affemblagedu  penil e^  enveloppé 
d'une  membrane  cellulaire  d'une  tifture  ad- 
mirable, qui  eft  encore  recouverte  d'une 
tunique  nerveufe  fort  ferrée,  &  celle-ci l'eft 
d'une  cuticule  &  d'une  peau.  La  duplica- 
ture  de  la  peau  fur  le  gland  fait  le  prépuce. 
VoyeT[  Prépuce. 

Il  eft  attaché  à  la  partie  inférieure  du 
gland  par  un  ligament  appelle  le  frein  ; 
voyez  Frein  :  par  un  autre  ligament  nom- 
mé le  fpjpenfoir  ^  il  tient  aux  os  pubis; 
voyeT^^  Ligament,  he  penil  fert  à  l'éva- 
cuation de  la  femence  &  de  l'urine.  A  la 
vérité ,  M.  Drake,  en  ccnfidérant  ia ftruc- 

ture  > 


P  EN 

ture  ,  penfe  qu'originairement  il  n'a  été 
deftiné  qu'à  l'évacuation  de  la  femence  , 
&  que  la  conduite  de  l'urine  n'efl;  point 
ce  que  la  nature  a  envifagé  dans  le  mécha- 
nifme  de  cette  partie.  Voyei  Semence  & 
Urine. 

Il  ajoute  un  autre  ulage  ;  celui  de  provo- 
quer l'amour ,  &  de  porter  à  la  propagation 
de  l'efpece.  Efïèdivement  ,  fans  un  pareil 
inftrument ,  la  femence  des  animaux  les 
plus  parfaits  ne  feroit  point  portée  au  lieu 
où  fe  fait  la  prolification  :  ajoutez  à  cela  , 
que  l'état  alternatif  d'éredion  &  de  dé- 
tention efl  abfolument  néceflfairc  ;  le  pre- 
mier ,  afin  que  cette  partie  pût  s'acquitter  de 
fes  fondions  ;  &  le  fécond  ,  pour  la  mettre 
en  fureté. 

Sans  une  éredion ,  il  efl  impoffible  de 
lancer  &  de  loger  la  femence  à  l'endroit  que 
la  nature  lui  a  defiiné  ;  &  il  cette  éredion 
étoit  perpétuelle  ou  confiante  ,  il  feroit  en 
quelque  forte  impoffible  de  la  garantir  d'in- 
jures ;  fans  parier  de  la  perte  du  defir  ,  qui 
feroit  une  fuite  de  l'éredion  confiante.  V. 
Priapisme. 

La  caufe  de  l'éredion  du  penil  vient  du 
làng  ,  qui  diflend  ou  qui  dilate  les  corps 
caverneux  ,  ainfi  qu'il  efl  évident  par  plu- 
fieurs  expériences  ,  entr'autres  par  celle  où 
on  lia  la  verge  d'un  chien  en  coït  ,  &  dans 
laquelle  on  ne  trouva  que  du  fang.  C'efl 
pourquoi ,  dans  le  corps  des  criminels  qu'on 
îailTe  iùfpendus  long-temps  après  leur  mort , 
la  verge  parvient  à  l'état  d'éredion  ,  à  caufe 
du  fang  qui  tombe  aux  parties  inférieures , 
^  qui  s'y  arrête. 

Le  corps  caverneux  de  l'urètre  efl  tendu 
par  les  mufcles  accéiéfateurs  qui  em- 
braffent  les  veines  de  fon  bulbe.  Voye:^ 
Erection. 

Article  nouveau  fur   le  Penil  ,  par  M. 
de   Halle r. 

Le  plus  grand  nombre  des  animaux  efl 
pourvu  d'une  partie  faillanre,  qui  caradé- 
rife  le  mn'e;  les  quadrupèdes  l'ont  en  gé- 
néral telle  que  l'homme  :  elle  efl  plus  pe- 
tite &  moins  fenfible  dans  les  oifeaux.  On 
la  reconnoît  cependant  daRS  les  grandes 
efpeces  ,  comme  dans  l'autruche  ,  le  cafuar, 
le  cygne  ,  l'oie.  Dans  les  quadrupèdes  à 
Tome  XXV, 


P  E  N  îoi 

fang  froid ,  il  efl  ou  fimpic  ou  double.  Il 
y  en  a  deux ,  &  prefque  quatre ,  dans  les 
ferpens  ,  chaque  verge  y  étant  divifée 
comme  en  deux  branches.  Les  poifîbns  à 
fang  chaud  ont  une  verge  comme  les  qua- 
drupèdes. On  n'efl  pas  également  d'accord 
fur  les  poifîbns  à  fang  froid.  On  a  cepen- 
dant des  témoins  qui  prétendent  l'avoir  vue 
dans  le  xiphia  ,  le  hufon  ,  &  même  dans  le 
faumon.  Les  infèdes  en  font  affez  géné- 
ralement pourvus  ,  même  les  plus  petits  , 
tels  que  le  ciron  &  la  puce  ;  il  me  paroît 
cependant  que  ce  penil  n'efl  fait  que  pour 
fentir  ,  &  qu'il  n'efl  pas  percé  pour  répan- 
dre la  liqueur  fécondante. 

Dans  la  clafTe  des  vers ,  les  efcargots  , 
les  vers  ronds ,  les  fangfues  ,  le  lièvre  ma- 
rin ,  &  plufieurs  autres  efpeces  ,  ont  un 
penil ,  &  même  deux. 

Dans  les  animaux  un  peu  compofés  ,  la 
place  de  cet  organe  efl  conflamment  au-de- 
vant de  l'anus.  Dans  les  animaux  plus  fim- 
ples  &  dans  les  infedes ,  cette  place  varie. 
Le  limaçon-ti  le  penil  au  cou  ,  la  demoi- 
felle  à  la  poitrine  ,  l'araignée  dans  un  des 
bras  ou  dans  une  antenne. 

Plufieurs  infedes  ont  dans  le  voifinage 
du  penil  des  crocs  ,  par  lefquels  ils  s'atta- 
chent à  la  femelle.  Le  limaçon  a  ,  outre 
le  pénis  ,  une  efpece  de  flèche  ,  avec  laquelle 
il  pique  l'animal  dont  il  veut  jouir. 

La  marque  caradériflique  du  mâle  efl 
compofee  ,  dans  l'homme  ,  du  penil  &  du 
gland  ;  le  penil  efl  compofë  de  deux 
corps  caverneux. 

Ces  corps  ,  égaux  &  femblables  entr'^eux, 
font  formés  par  un  tiffu  cellulaire  ,  extrê- 
mement ferré ,  &  qui  forme  un  fac  d'une 
fermeté  confidérable ,  malgré  laquelle  il  cedc 
quelquefois  à  l'impulfion  du  fang  artériel , 
&  foufïre  une  efpece  d'anévrifme. 

L'extrémité  poflérieure  de  chaque  corps 
caverneux  efl  éloignée  de  celle  de  l'autre 
côté  ;  elle  efl  rétrecie  à  fon  commence- 
ment ,  &  attachée  par  un  tiflii  cellulaire 
très-dur  ,  &  prefque  ligamenteux ,  à  la 
branche  montante  de  l'os  ifchium  ,  inté- 
rieurement ,  &  à  l'os  pubis  à  fon  union  avec 
rifchion. 

De  cette  origine  ,  les  corps  caverneux  fè 
portent  en-dedans  &  en-devant  ;  ils  fe  rap- 
prochent &  s'uniflènt  plus  antérieuremcat 

Ce 


201  P  E  N 

que  le  bulbe  de  l'urètre  :  ils  enferment  alors 
l'urètre  ,  &  lui  font  attachés  par  une  cel- 
Juloiité.  Dcs-lors  ,  le  pénis  efl  formé  de  trois 
corps  caverneux  ;  de  ceux  du  pénis  &  de 
celui  de  l'urètre,  qui  eflreçu  entre  les  pre- 
miers dans  un  léger  fillon  de  leur  partie 
fupérieure.  Leur  figure  efl  cylindrique  ,  maig^ 
applatie  :  ils  le  terminent  en  demi-cône , 
&  finiifent  dans  le  gland  même  ,  ou  plus 
bas  que  le  gland  ,  par  une  pointe  obtufe. 

L'intérieur  de  ces  corps  caverneux  efl 
creufé  ;  mais  la  cavité  eft  remplie  d'une  in- 
finité défibres  &  de  lames,  qui  partent  de 
la  furface  intérieure  de  l'enveloppe  ,  &  for- 
ment une  fubflance  fpongieufe  &  cellu- 
leufe.  Toutes  les  cellules  en  font  impar- 
faites &  ouvertes  de  tous  curés  y  &  une  li- 
queur quelconque  avance  fans  peine  ,  du 
commencement  du  corps  caverneux  jufqu'au 
gland.  Pvemplis  par  une  liqueur  ,  cqs  corps 
fe  gonflent  extrêmement ,  s'alongent  &  dur- 
cilfent.  Il  n'efl  pas  difficile  d'imiter  dans  le 
cadavre  un  changement  pour  lequel  la  na- 
ture les  a  formés. 

Pour  donner  plus  de  force  aux  corps  ca- 
verneux ,  ils  font  traverfés  par  un  grand 
nombre  de  filets  prefque  tendineux  ,  très- 
fermes  ,  qui  traverfent  leur  cavité  ,  &  qui 
vont  d'une  paroi  à  l'autre. 

Toute  la  longueur  du  corps  caverneux 
droit ,  efl  collée  au  corps  caverneux  gau- 
che ;  mais  les  facs  n'y  font  pas  formés. 
Des  lames  luifantes  &  très- fortes  defccn- 
dent  de  la  partie  fupérieure  de  chaque  fac , 
vont  en  fe  rétrecifîant  &  en  laifTant  àes 
intervalles  toujours  plus  larges  ,  &  fe  tcr- 
.  minent  à  la  partie  la  plus  bafle  du  fac.  Les 
communications  font  plus  nombreufes  & 
plus  ouvertes  à  la  partie  antérieure  du  corps 
caverneux  :  à  la  partie  poflérieure  ,  la  paroi 
mitoyenne  eff  prefque  complète. 

Chaque  corps  caverneux  a  un  mufcle 
particulier  ,  auquel  on  a  donné  le  nom  d'f- 
recleur  :  il  ne  mérite  pas  ce  nom  ;  il  éloigne 
plutôt  le  corpis  caverneux  de  l'os  pubis  ,  & 
rend  par  conféquent  le  paiTage  du  fàng 
plus  libre  par  la  veine  du  pénis.  Pour  faire 
Ja  fondion  d'éreâeur  ,  ces  mufcles  de- 
vroient  relever  le />e/2ij  ,  &  le  preÏÏèr  contre 
l'os  pubis  ;  mais  il  n'y  a  aucun  inftru- 
nient  propre  à  produire  ce  mouvement; 

L'éredeur  ainii  nommé  èft   attaché   à 


P  E  N 

l'ifchion  ,  plus  intérieurement  que  le  corp» 
caverneux  ,  par  des  fibres  tendineufes.  Il 
remonte  en-dedans  &»  en-devant  ;  il  atteint 
la  face  pofiérieure  de  ce  corps  ,  &  s'attache 
à  fon  enveloppe.  Ce  muiclc  paroît  donner 
au  pénis  la  diredion  la  plus  propre  à  porter 
au  fond  du  vagin  la  liqueur  fécondante  ,  en 
lui  faifant  faire  un  angle  demi-droit  avec 
l'os  pubis.  Il  peut  aufll  raccourcir  le  corps 
caverneux  ,  &  en  augmenter  la  tenfion^, 
quand  il  eff  aduellement  dilaté  par  le 
fàng. 

Le  ligament  du  pénis  fe  trouve  dans  les 
animaux.  C'efl  un  tiffu  cellulaire  ferme,  &: 
d'une  figure  à-peu-près  triangulaire  ,  qui 
defcend  de  la  fj^ncliondrofe  du  pubis  ,  fe 
rétrécit  en  arrière ,  &  s'attache  à  l'union 
des  deux  corps  caverneux ,  en  fe  confon- 
dant avec  la  cellulofité  dont  il  eil  enve- 
loppé. 

Cette  cellulofité  recouvre  les  facs  des 
corps  caverneux ,  elle  fe  continue  avec  eux  ; 
mais  elle  efl  plus  lâche  &  plus  dilatable  : 
on  peut  la  gonfler ,  &  l'air  paflé  d'elle  à 
la  cellulofité  du  fcrotum  &  du  fému?.  Elle 
fe  gonfle  très-confidérablement  quand  on 
y  pouffe  l'air.  La  peau  le  recouvre. 

Ruyfch  a  fait  deux  tégumens  de  cette 
cellulofité  ;  il  fépare  une  membrane  conti» 
nue  &  denfe  ,  qui  recouvre  plus  immédia- 
tement les  corps  caverneux ,  une  véritable 
cellulofité  placée  fous  la  peau.  Cette  flruc- 
rure  paroît  avoir  lieu  dans  les  grands  qua- 
drupèdes :  dans  les  hommes  ,  les  degrés  de 
laxité  paffent  imperceptiblement  &  pai» 
nuances ,  de  l'état  d'une  membrane  ferrée  à 
celui  d'une  cellulofité  cotoneufe.  Albinus 
a  relevé  cette  erreur  de  Ruyfch. 

La  peau  qui  couvre  le  pénis  ,  efl  tendue 
&  délicate;  elle  efl  attachée  ,  comme  dans 
le  reffe  du  corps  humain  ,  à  la  furface  exté- 
rieure des  corps  caverneux  ,  par  cette  même 
cellulofité  dont  nous  venons  de  donner  la 
defcription. 

La  partie  de  la  peau  qui  devroit  recou- 
vrir le  gland  ,  abandonne  le  pénis  dans  le 
petit  vallon  qui  marque  la  naiffance  du 
gland  :  elle  recouvre  le  gland  d'un  côté  ,  en 
changeant  de  ftrud ure  ;  mais  de  Fautre  , 
elle  ié  partage  en  le  couvrant  fans  s'y  arta- . 
-cher ,  revient  fur  elle-même  ,  &  fait  une 
lame  flottante  double ,   avec  une  duplica^- 


P  E  NT 

ture  cellulaire  ,  comme  dans  les  pauplereff. 

Le  commencement  du  prépuce  eft  atta- 
ché par  un  pli  cutané  double  ,  à  la  ceilu- 
lofiré  qui  entoure  i'uretre;  c'ell  le  frein  ,  plus 
lêrré  dans  les  enfans  ,  &  li  court  quelque- 
fois ,  qu'il  empêche  le  gland  de  Te  décou- 
vrir. 

La  féconde  partie  principale  du  pénis 
eft  le  gland ,  plus  court  &  plus  arrondi  dans 
l'efpece  humaine  »  que  dans  les  animaux. 
L'orifice  de  l'urètre  ell  placé  inférieurement 
fous  le  commencement  du  gland  :  à  chaque 
côté  de  cet  orifice,  ell  une  petite  éminence  ; 
c'eft  l'origine  du  gland  ,  qui  fe  replie  enfuite 
contre  le  pénis  ,  qui  recouvre  &  le  corps 
caverneux  de  l'urètre  &  ceux  du  pénis  , 
quand  ils  fe  prolongent  dans  le  gland  ,  & 
qui  ,  après  s'être  un  peu  applati  ,  fe  ter- 
mine par  une  éminence  prefque  parabo- 
lique ,  fous  laquelle  eft  placé  le  folTé  que 
nous  venons  de  nommer. 

La  partie  fuperficielle  de  ce  gland  eft  for- 
mée par  l'épiderme  très-fine  ,  mais  très-vi- 
iible  ;  par  un  corps  réticulaire  fort  pulpeux 
&  fort  déhcat ,  &  par  la  peau  pareillement 
très-tendre  ,  très-molle  ,  &  partagée  en 
floccons  afïez  mal  diftingués  par  des  fentes: 
ces  floccons  paroifïent  être  des  mamelons  ; 
du  moins  le  fentiment  en  e(l-il  très-exquis , 
&  fur-tout  à  la  partie  inférieure  du  gland  , 
à  celle  que  nous  avons  appellée  les  deux 
éminences.  Sous  cette  peau  ,  il  y  a  une 
cellulofité  courte  ,  fine  &  fans  graifle. 

On  ne  peut  pas  démontrer  dans  tous  \qs 
fujets  ,  les  glandes  qui  féparent  la  pommade 
qui  s'amalle  fous  le  prépuce  ;  elles  font 
Cependant  vifibles  quelquefois.  Ce  font  de 
très-petites  glandes  ièbacées  ,  afïèz  fermes, 
placées  dans  réminence  parabolique  du  gland 
&  dans  la  petite  fofTe  ;  il  y  en  a  plufieurs 
rangs.  On  en  a  vu  les  orifices  dans  la  go- 
norrhée ,   qui  leur  ell  particulière. 

L'urefre  compofe  ,  avec  Ion  corps  caver- 
neux, la  troifieme  partie  principale  de  la 
verge. 

Le  canal  commence  à  l'embouchure  de 
la  veffie  ,  &  finir  naturellement  à  la  partie 
inférieure  du  gland.  Il  n'eft  cependant  pas 
rare  de  voir  que  le  gland  eft  ians  canal , 
&  que  l'urètre  s'ouvre  Hu-deifus  de  fa  bafê. 
Ce  défaut  eft  fort  commun  dans  le  genre 
des  moutons,  &  dans  celui  des  boucs  :  il 


P  E  N  Î03 

n*eft  pas  rare  dans  l'homme  ,  &  cVft  à  cette 
ftrudure  vicieufe  qu'il  faut  rapporter  une 
grande  partie  Ats  prétendus  hermaphrodites. 
Dans  les  grands  oifeaux  &  dans  le  cafuar  ^ 
le  pénis  n'eft  pas  percé  ,  &  l'urètre  s'ouvr& 
à  part. 

L'urètre  defcend  en  fortant  de  la  veffie  ; 
il  paflê  horizontalement  par  la  proftate  ,  &; 
fon  ifthme  eft  dans  la  même  diredion  :  il 
fort  de  deiîous  la  fymphyfe  des  os  du  pu^- 
bis  ;  le  bulbe  l'embraflè  ,  il  remonte  ,  il  ar- 
rive à  la  partie  la  plus  fupérieure  de  la  iym-^ 
phyfe  :  dès-lors  ,  fa  direction  eft  variable  , 
il  defcend  dans  l'état  ordinaire  de  l'homme , 
&  continue  de  fe  porter  en-haut  dans  Yi- 
reélion. 

Cylindrique  en  général ,  l'urètre  a  trois 
élargilTèmens  particuliers.  Il  eil  plus  large 
à  fa  fortie  de  la  veffie ,  plus  étroit  dans  1» 
proftate  ;  plus  large  dans  cette  glande  même, 
plus  étroit  dans  l'ifthme  ;  plus  large  dan» 
le  bulbe  ,  cylindrique  dans  le  pénis  ;  u« 
peu  plus  large  fur  le  gland  ,  &  un  peu 
plus  étroit  à  l'orifice. 

Sa  fubftance  eft  continue ,  d'un  c^ih ,  à  l» 
tunique  nerveufe  de  la  veffie  ;  &  de  l'autre, 
à  la  peau  :  cette  peau  amené  avec  elle  l'é- 
piderme. L'urètre  devient  plus  fpongieux 
dans  fa  furface  extérieure  ;  c'eft  dans  fon. 
épaifteur  fongueufe  que  font  placés  les  finus. 
Il  n'eft  pas  mufculeux  ;  mais  ^oxx  fentiment 
eft  exquis  ,  &  fur-tout  à  la  bafe  du  gland. 
C'eft  à  cette  place  que  l'âme  rapporte  les 
douleurs  ,  dont  la  caufe  eft  au  commence- 
ment de  l'urètre  &  à  la  veflie  même. 

Toute  la  longueur  de  l'urètre  eft  pleine 
de  finus  muqueux ,  creufés  dans  la  fubftance 
fpongieufe  ,  &  ouverts  dans  la  cavité  par 
des  orifices  obliquement  tronqués.  Ces  finus 
commencent  à  la  place  où  les  glandes  con- 
glomérées ne  tourniflent  plus  de  Hqueur, 
pour  enduire  la  membrane  fenfible  de  l'u- 
rètre ;  c'eft  à  un  pouce  plus  antérieurement 
que  le  bulbe.  Une  traînée  de  finus  fe  con- 
tinue depuis  cette  place  jufqu'à  i'c^ificc 
de  l'urètre ,  par  le  miheu  de  fa  convexité  fu- 
périeure. J'en  ai  compté  jufqu'à  douze.  Ces 
linus  font  fouvent  à  double  :  un  finus  qui 
remonte  s'unit  avec  un  finus  qui  defcend  ; 
ils  ont  un  orifice  commun.  Il  n'eft  pas  rare' 
que  ces  finus  jettent  des  branches. 
l      D'autres   fmus  ,  mais  plus  petits ,   fool 

-Cci        :; 


ao4  P  E  N 

placés ,  &  dans  cette  ligne  &  à  fês  côtés  , 
plus  inférieurement  ;  j'en  ai  compté  jufqu'à 
cinquante.  C'eft  le  général ,  car  pour  le 
nombre ,  la  grandeur  &  la  direétion  de  ces 
Jfinus  ,  tout  cela  varie ,  &  ne  fauroit  être  ré- 
duit à  aucune  règle.  Leur  diredion  efl  tantôt 
contre  le  gland  ,  &  tantôt  contre  la  veflîe. 
Le  dernier  finus  efl  conflamment  très- 
grand  ,  très-comporé  ,  &  fept  ou  dix  linus 
s'y  réunifient  dans  une  feule  foflê. 

Je  n'ai  jamais  vu  de  glandes  s'ouvrir 
dans  les  finus  ,  &  je  ne  crois  pas  qu'ils 
commeniquent  entr'eux. 

Ces  fmus  tournifTent  une  mucofîté ,  qui 
défend  la  peau  de  l'urètre  de  l'âcreté  de 
l'urine  :  ce  font  eux  ,  &  fur-tout  les  plus 
voifins  du  gland  ,  qui  fourniffent  la  matière 
de  la  gonorrhée  ,  du  moins  dans  les  cas  les 
plus  communs  &  les  plus  firaples.  Quand 
on  irrite  l'urètre  par  des  injeâions  acres ,  ils 
fournifîènt ,  au  lieu  de  glaire  ,  une  liqueur 
jaunâtre  ,  prefque  fans  gluant ,  &  qui  pa- 
roît  brûler  l'urètre. 

Le  corps  caverneux  de  i'uretre  commence 
par  le  bulbe  qui  efl  placé  au  -  devant  de 
riflhme  ;  place  étroite ,  dans  laquelle  l'u- 
rètre efl  à  découvert  entre  la  proflate  &  le 
bulbe.  On  a  donné  ce  nom  au  commen- 
cement du  corps  caverneux  de  l'urètre  à 
caufe  de  fa  figure.  Il  commence  par  une 
groffeur  confidérable  ,  terminée  en  cul-de- 
iàc  contre  l'anus ,  &  légèrement  partagée 
par  un  fillon  ;  ce  bulbe  efl  couvert  par  l'ac- 
célérateur. L'urètre  efl  placé  au-defTous  de 
lui ,  à  fon  commencement  ;  mais  il  s'élève 
bientôt  des  deux  côtés  ,  embraffe  l'urètre 
&  l'entoure  entièrement.  Il  efl  vrai  que  fa 
partie  fupérieure  manque  quelquefois.  C'efl 
cette  enveloppe  fpongieufe  qu'on  appelle 
le  corps  caverneux  de  l'urètre. 

Arrivé  au  gland  ,  il  fe  replie  fur  lui- 
même  ,  s'clevc  &  forme  le  gland ,  ou  feul , 
ou  avec  la  fin  antérieure  des  corps  caver- 
neux du  penil.  Le  gland  s'amincit  en  re- 
venant en  arrière  ;  fa  figure  efl  un  peu  pa- 
rabolique ,  &  fe  termine  par  un  bord  renflé, 
qui  efl  féparé  du  penil  par  une  foffe. 

J'ai  vu  cependant  le  corps  caverneux  de 
furetre  finir  en  cul-de-fac ,  &  être  féparé 
du  gland  par  une  cloifon  membraneufe  : 
je  trouve  même  cette  cloifon  dans  tous  les 
?tujets  j   mais  çlle  efl  ordinairement  impar- 


P  E  N 

faite ,  &  le  corps  caverneux  de  Tufctre  com- 
munique avec  celui  du  gland. 

Le  corps  caverneux  de  l'urètre  &  celui 
du  gland ,  font  formés  par  des  lames  qui 
fortent  de  la  peau  de  l'urètre  ,  &;  qui  lailTent 
entr'elles  des  efpaces  vuides  ;  une  enveloppe 
membraneufe  le  termine  du  côté  dupenil. 
Malgré  ces  lames ,  il  y  a  une  continuation 
de  cavité  non-interrompue  depuis  le  buJbe 
jufqu'au  gland.  En  général ,  le  corps  caver- 
neux de  l'urètre  efl  plus  tendre  &  moins 
ferme  que  ceux  du  penil ,  avec  lefquels  {es 
cellules  ne  communiquent  point. 

L'urètre  a  des  mufcles  pour  le  dilater  & 
pour  le  comprimer.  L'accélérateur  efl  une 
gaine  mufculaire  y  qui  enveloppe  le  bulbe 
par  defîbus  &  par  les  côtés.  Ses  fibres  for- 
ment une  future  dans  le  milieu  de  la  face 
inférieure ,  en  fe  croifant.  Elles  s'attachent 
au  bulbe  même ,  &  au  tendon  commun  des 
tranfverfaux. 

L'accélérateur  reçoit  du  fpliinder  de  l'a- 
nus trois  paquets  de  fibres  ,  &  deux  dts 
autres  mufcles  tranfverfaux.  Les  premiers 
s'attachent  à  la  future  même  du  bulbe  & 
de  l'accélérateur  :  les  deux  autres  font  plus 
gros  &  plus  extérieurs  ;  ils  font  recouverts 
par  les  tranfverfaux  ,  &  fe  continuent  avec 
l'accélérateur.  C'efl  la  principale  origine  de 
ce  mufcle. 

Un  paquet  confidérable  de  fibres  du  tranf^ 
verfai  antérieur  fe  mêle  avec  le  premier 
paquet  du  fphinder  ,  &  s'unit  avec  lui  à 
fon  infèrtion  au  bulbe.  Il  fert  également 
d'origine  à  l'accélérateur,  &  quelquefois 
c'efl  lui  feul  qui  s'y  attache  ,  fans  fe  mêler 
au  fphinder.  Un  autre  paquet  du  tranfver- 
fal  finit  dans  la  ligne  blanche  même  du 
bulbe. 

Les  fibres  de  l'accélérateur  fè  terminent 
en  deux  queues  ,  qui  s'attachent  à  la  partie 
fupérieure  &  intérieure  du  bulbe  du  côté 
du  pubis  y  &  à  l'enveloppe  des  corps  ca- 
verneux dupenil  y  &  avant  leur  réunion 
après  elle. 

L'accélérateur ,  en  fè  contradant ,  trouve 
dans  le  fphinder  de  l'anus  un  point  fixe. 
Son  adion  fe  réunit  à  comprimer  le  bulbe  , 
&  à  pouffer  svec  force  ce  qui  peut  y  être 
enfermé  ,  l'urine  avec  la  femence.  Dans 
fon  adion  ,  on  fent  évidemment  la  coor- 
ttnàtoà,  du  fpbindcr* 


% 


P  E  N 

L'accélérateur  ferre  les  groflTes  artères  & 
les  veines  de  l'urètre. 

Le  tranfverfal  de  l'urètre  n'eft  pas  aflez 
connu  encore  ;  la  difficulté  de  fon  empla- 
cement en  rend  la  préparation  difficile.  Je 
lui  connois  deux  ou  même  trois  origines  , 
qui  routes  font  attachées  à  la  branche  de 
l'ifchion  ,  qui  remonte  depuis  la  tubérofité 
à  l'enveloppe  du  mulble  éredeur  ,  &  à  la 
branche  deicendante  du  pubis. 

Le  paquet  poftérieur  n'a  rien  de  commun 
avec  l'urètre  ;  il  Te  mêle  avec  le  fphinfter  & 
fait  l'office  de  lévateur  ;  il  embrafle  l'orifice 
de  l'intëflin. 

La  partie  moyenne  &  antérieure  appar- 
tient à  l'urètre.  Le  paquet  de  fibres  l'e  plus 
pofiérieur  fait ,  avec  le  même  mufcle  de 
l'autre  côté  ,  un  mufcle  digaftrique  au  de- 
vant du  bulbe ,  comme  je  viens  de  le  dire. 
Il  paroît  dilater  l'urètre.  Le  troifieme  forme , 
comme  je  l'ai  dit  pareillement ,  en  partie 
l'accélérateur.  Le  mufcle  entier  fecoue  le 
bulbe  ,  &  le  retire  en  arrière. 

Un  fécond  tranfverfal  eft  large  ;  mais  il 
eft  difficile  d'en  démontrer  l'étendue.  Son 
origine  eftau-delTus  du  précédent  ;  il  s'atta- 
che à  Tifthrae  devant  le  bulbe  ;    il  la  dilate. 

Je  fuis  moins  (ùr  du  comprelfeur  de  la 
proftate  d'Albinus,  qui  doit  être  placé  plus 
haut  que  le  tranfverfal ,  &  s'attacher  à  la 
face  interne  du  pubis  y  entre  le  bas  de  la 
fynchondrofe  &  le  grand  trou  ovale  :  il 
va  en  arrière  &  embraffe  la  profiate  ,  qu'il 
comprime  auffi  bien  que  l'orifice  de  l'urètre. 
Seroit-ce  peut-être  la  partie  élargie  du  fé- 
cond tranfverfal? 

Les  vaifTeaux  du  penil  font  nombreux. 
Ils  naiffent  généralement  <ies  artères  &  des 
veines  hypogaftriques. 

L'artère  obturatrice  donne  aflez  fouvent 
une  branche  ,  qui  fort  du  baffin  fous  l'os 
pubis  j  &  fe  joint  à  l'artère  dorfale  du 
penii. 

L'hémorrhoïdienne  moyenne  donne  des 
branches  à  l'entonnoir  de  la  vefTie ,  &  au 
commencement  de  l'urerre. 

La  véficale  inférieure  fait  fur  la  proftate 
un  réfeau  ,  avec  fa  compagne  ,  de  l'autre 
côté  ;  &  de  ce  réfeau  part  une  artère  iims 
paire  ,  qui  fort  du  balÈn  fous  la  fynchon- 
drofe du  pubis  ^  &  va  fè  joindre ,  comme 
la  précédente ,  à  l'artère  dorfale  du  peniU  [ 


P  E  N  îoç 

M.  Winflov  a  cru  que  cette  dorfale  naît 
confiamment  de  la  plus  inférieure  des  véfi- 
cales.  Je  l'ai  vu  en  tirer  fon  origine  ,  mais 
cela  eu  rare. 

L'artère  honteufe  ,  après  s'être  contour- 
née autour  du  mufcle  coccygien  ,  entre 
dans  un  vallon  placé  entre  la  tubérofité  de 
l'ifchion  &  l'anus  ;  elle  y  eu  recouverte 
d'une  membrane ,  qui  la  prefTe  contre  le 
mufcle  obturateur  interne ,  &  atteint  à  la 
fin  le,  mufcle  tranfverfal  de  l'urètre  :  elle 
donne  alors  une  branche  au  mufcle  ,  au 
bulbe  de  l'urètre  &  à  Téredeur  ,  &:  fe  par- 
tage. 

Sa  branche  fuperficielîe  ,  que  j'ai  nommée 
[^ artère  du  périnée  ,  donne  quelques  bran- 
ches au  bulbe  ,  à  l'accélérateur ,  àl'éredeur, 
&  devient  la  principale  artère  du  fcrotum  : 
elle  s'anaftomofe  avec  les  branches  qui  de 
l'artère  du  pénis  vont  au  fcrotum. 

La  branche  profonde  efl  l'artère  du 
pénis  :  elle  eft  couverte ,  dans  la  fituation 
dans  laquelle  on  a  coutume  de  la  prér 
parer,  du  tranfverfal;  elle  defcend  entre 
l'accélérateur  &  l'éredeur,  &  enfuite  entre 
l'éredeur  &  le  corps  caverneux  du  penil  ,* 
elle  pafîe  fous  la  fynchondrofe  du  pubis  y 
après  avoir  donné  de  groflés  branchés  au 
corps  caverneux  de  i'uretre  :  ces  branches 
fe  tont  un  paflage  entre  les  fibres  de  l'accé- 
lérateur. Une  de  ces  branches  perce  du  bulbe 
de  l'urètre  à  fon  corps  caverneux,  &  de  là 
à  celui  du  penil ^  avec  l'artère  profonde 
d'où  elle  communique. 

D'autres  branches  plus  petites  fe  portent 
à  l'accélérateur  ,  au  corps  caverneux  du 
penil  y  &c  à  l'éredeur. 

Arrivée  à  ce  terme  antérieur  de  la  fyn- 
chondrofe ,  cette  artère  fe  partage  encore 
une  fois. 

Dans  le  plus  grand  nombre  de  fujets, 
l'une  de  ces  divifions  eu  l'artère  dorfale  du 
pénis  y  qui  reçoit  des  branches  de  l'obtu- 
ratrice &  de  la  véficale.  Ces  branches  font 
ordinairement  petites  :  il  y  a  cependant 
des  fujets  dans  lelquels  elles  font  plus  gran- 
des que  l'artère  qui  provient  de  la  hon- 
teufe. 

Cette  artère  dorfale  rampe  parallèlement 
avec  fa  compagne  fur  le  dos  du  penil  ;  elle 
donne  des  branches  aux  corps  caverneux  , 
au  prépuce ,  &  le  contourne  dans  le  petit 


10^  P  E  N 

vallon  cf-eufé  à  la  bafe  du  gland  ,  pour  fe 
terminer  au  corps  caverneux  de  ce  gland  : 
elle  communique  près  du  gland  ,  avec  (à 
compagne  ,  &  donne  des  branches  au 
fcrotum. 

L'autre  branche  de  cette  divifion  eft  l'ar- 
tère profonde  du  pénis  y  ou  la  caverneufe  : 
elle  communique  par  une  grotîe  branche, 
avec  fa  compagne  ,  à  la  racine  du  pénis  ; 
elle  s'enfonce  dans  le  corps  caverneiDC  par 
un  tronc  ou  par  deux  troncs ,  &  paife  par 
fes  cellules  jufqu'au  commencement  du 
gland  ;  elle  donne  des  branches  nombreu- 
iès  aux  corps  caverneux  du  pénis  ,  &  à 
celui  de  l'urètre.  Ca  liqueur  qu'on  poulîe 
dans  cette  artère  ,  gonfle  avec  facihté  les 
corps  caverneux. 

Les  veines  font  à-peu-près  faites  de  même , 
mais  plus  nombreufes,  fouvent  plus  cuta- 
nées &  plus  abondantes  en  réfeaux  :  elles 
ont  des  valvules.  Il  y  a  (ur  la  face  anté- 
rieure de  la  velue  &  fur  (qs  deux  côtés  ,  des 
réfeaux  de  cette  efpece  „  formés  par  des 
veines  confidérables  :  il  en  réfulte  un  tronc  , 
qui  eiè  la  veine  dorfale  du  pénis. 

La  veine  honteufe  ,  compagne  de  l'ar- 
tère ,  après  avoir  donné  ,  comme  l'artère  , 
des  branches  au  bulbe  ,  à  l'accélérateur  ,  à 
l'éredeur ,  forme  avec  les  réfeaux  que  je 
viens  de  nommer  ,  la  veine  dorfale  du  jDf/z/j; 
cette  veine  efî  fans  paire  ;  elle  a  pour  bran- 
che.la  veine  du  prépuce,  qui  communique 
avec  le  corps  caverneux  de  l'urètre ,  &  fon 
tronc  fe  confume  au  gland.  Elle  a  quantité 
de  valvules  qui  dirigent  la  diredion  du  fang 
contre  le  tronc  ,  &  fuivent  les  loix  de  la 
circulation.  Il  y  a  une  veine  profonde  ou 
caverneufe  à\A  pénis  y  compagne  de  l'attere. 
Les  veines  cutanées  du  pénis  communiquent 
avec  le  corps  caverneux  de  l'urètre ,  &  avec 
le  fcrotum. 

Il  y  a  des  vaifleaux  lymphatiques  au 
pénis. 

Les  nerfs  de  cet  organe  font  des  plus 
confidérables;  aulG  efl-il  deftiné  à  fentir 
avec  plus  de  vivacité  qu'aucune  autre  partie 
du  corps  humain.  Le  frottement  y  excite 
des  convulfions  ,  quinenailîentdans  aucune 
partie  du  corps  humain  par  une  caufe  auflî 
légère. 

Les  nerfs  dorfaux  du  pénis  proviennent 
du  grand  ifchiadique  ;   ils  accompagnent 


P  EN 

l'artère  honteufe,  &  donnent  à-peu-près 
les  mêmes  branches  ;  ils  font  fuperficiels 
au  pénis  :  de  trois  grofîès  branches ,  deux 
font  plus  courtes  ;  la  troifieme  arrive  au 
gland. 

L'adion  du  pénis  eft  de  celles  que  la  pu- 
deur obfige  de  cacher  ;  mais  la  phyliolo- 
gie  ne  connoît  pas  ces  réferves.  La  nature 
efi:  toujours  férieufe  :  l'organe  dont  nous 
venons  de  parler  dî  celui  du  plus  important 
de  tous  fes  ouvrages  ,  de  la  propagation  àts 
efpeces. 

Le  pénis  a  dû  être  fans  tenfion  dans 
l'état  naturel.  L'homme  ert  deltiné  à  mille 
devoirs  incompatibles  avec  la  tenfion.  Il 
devoit  acquérir ,  avec  facilité ,  une  érec- 
tion ,  fans  laquelle  la  génération  devien- 
droit  impoflible.  La  volupté  ,  voix  per- 
fuafive  de  la  nature  ,  ne  naît  que  dans 
l'éreûion  :  fans  elle ,  la  liqueur  fécondante 
n'auroit  pu  être  portée  à  la  feule  place  à 
laquelle  elle  fatisfait  au  but  de  la  lagelïè  qui 
dirige  tout. 

Cette  éredion  fe  fait  {ans  doute  par  l'ac- 
cumulation du  fang  dans  les  trois  corps 
caverneux  ,  dans  ceux  du  pénis  au  com-^ 
mencement  de  l'éredion  ,  &  dans  celui 
de  l'urètre  au  moment  néceflaire  pour  la 
fécondation. 

On  a  coupé  à  des  animaux  l'organe  géné- 
rateur, dans  le  moment  même  où  il  alloît 
s'acquitter  de  fa  fondion  ;  les  corps  caver- 
neux fe  font  trouvés  remplis  de  fang.  On 
imite  l'éredion  dans  le  cadavre  ,  en  remplif^ 
fant  CCS  lacs  fpongieux  ou  par  les  artères  , 
ou  immédiatement. 

Pour  les  remplir  ,  il  faut  que  le  fang  s'y 
porte  avec  plus  de  vîteflè  par  \ts  artères  , 
&  qu'il  en  revienne  avec  moins  de  faci- 
lité par  les  veines.  C'efl  une  véritable  in- 
flammation. 

Les  caufes  éloignées  de  l'éredion  fe  ré- 
duifent  généralement  à  des  flimulus.  Le  plus 
naturel,  c'efl  l'abondance  de  la  hqueur  fé- 
minale  :  cette  caufe  eft  vifible  dans  les  oi- 
feaux  ;  le  phénomène  n'a  rien  d'obfcur  dan  j 
l'homme  même.  Le  befoin  eft  la  grande 
loi  de  la  nature  ;  la  liqueur  féminale  ,  accu- 
mulée ,  difpofée  à  s'acquitter  de  fa  deftina- 
tion  ,  excite  elle-même  l'organe  par  lequel 
elle^  doit  remplir  les  vues  de  la  nature. 
L'ufage  trop  fréquent  de  l'î^mour   cpuije 


« 


P  E  N 

cette  liqueur;  il  enlevé  en  même  temps 
la  principale  caufe  naturelle  de  l'éredion  : 
elle  feroit  inutile ,  dès  qu'elle  ne  peut  plus 
lervir  à  féconder  l'autre  iexe. 

L'imagination  ,  le  fouvenir  du  plaifir , 
toute  aflbciation  d'idées  qui  en  rappelle 
les  charmes  ,  trava-iiient  puiflitmment  à  l'é- 
redion ;  elle  feule  termine  toute  la  fonc- 
tion naturelle  de  la  génération  dans  le 
fonge. 

L'odeur  des  parties  génitales  de  la  femelle 
du  même  genre  agit  puifîîirament  chez 
tous  les  animaux  ,  &  toute  irritation  des 
parties  génitales  fait  le  même  effet  ;  la 
fVidion  du  gland  &  des  deux  petites  colli- 
nes qui  accompagnent  l'orifice  de  l'urètre  ; 
l'irritation  de  l'urine  retenue  pendant  le 
fomraeil;  la  préfence  d'une  matière  acre 
dans  l'urètre  ;  le  frottement  des  parties  voi- 
fines  ;  les  cantharides  ;  les  commencemens 
des  petits  ulcères  des  fmus  muqueux  ; 
des  remèdes  purgatifs  ;  des  lavemens  Ifi- 
raulans. 

Toute  convulfion  violente  dans  le  fyûè- 
me  nerveux,  a  produit  l'éredion  &  l'émif- 
fion  même  ;  l'épilepfie  ,  l'acUon  de  différens 
poifons. 

Il  paroît  que  toutes  ces  caufes  irritantes 
agifl'ent  à-peu-près  comme  dans  toute  autre 
partie  du  corps  humain.  Le  fang  fe  porte 
avec  force  à  toute  partie  enflammée  ;  elle 
fe  gonfle  ,  devient  rouge  &  chaude  ,  &  fon 
fentime||||jefl:  augmenté  à  l'extrême.  Dans 
l'éredion  ,  les  mêmes  phénomènes  fe  font 
appercevoir. 

Il  n'efl  pas  aifé  d'expliquer  cette  puif- 
fance  locale  des  nerfs  fur  les  artères  , 
mais  c'elf  un  fait  qui  ne  fàuroit  être  rais  en 
doute. 

Si  le  fang  veineux  revenoit  du  pénis  aux 
troncs  veineux  ,  avec  la  même  vîtefîe  avec 
laquelle  il  arrive  par  les  artères  ,  les  corps 
caverneux  ne  fe  gonfleroient  janiais  ;  en 
vain  y  viendroit-il  dix  fois  plus  de  fang  , 
s'il  en  revenoit  dix  fois  plus  qu'auparavant. 
On  a  donc  cru  ,  depuis  un  fiecle  ,  que 
dans  l'éredion  ,  le  retour  du  fang  veineux 
devoit  être  retardé  pendant  que  le  courant 
du  fang  des  artères  efl  accéléré. 

On  he  le  pénis  ^  on  en  lie  même  feu- 
lement les  veines  d'iris  un  animal  vivant  ; 
les  corps  caverneux  fe  gonflent ,  &  jufqu'à 


P  E  K  107 

la  gangrené  ,  dans  le  premier  de  ces  cas.  Si 
la  ligature  des  veines  feules  ne  produit 
qu'une  érediort  molle  ,  ctù  que  ces  veines 
communiquent  de  tout  côté  avec  les  veines 
cutanées  voifines  ,  &  qu'aucune  ligature 
ne  peut  empêcher  le  pénis  de  fe  décharger 
d'une  partie  de  fang.  On  a  ouvert  la  veiné 
du  pénis  dans  le  priapi{me  ,  &  toute  cette 
incommode  éredion  a  difparu.  Ces  der- 
nières expériences  paroiffent  prouver  qu'ef- 
fedivement  le  retardement  du  retour  du 
fang  par  les  veines  a  quelque  part  à  l'érec- 
tion ,  &  que  l'accélération  du  fang  artériel 
ne  la  produit  pas  feule. 

On  a  cru  faire  un  pas  de  plus  :  on  a 
cru  que  les  mulcles  éredeurs  comprimoient 
la  veine  dorfale  du  pénis  j  que  l'accéléra- 
teur pouvoit  gêner  le  retour  du  fang  ,  en 
ferrant  les  grolfes  veines  du  corps  caver- 
neux de  l'urètre.  L'éredeur  certainement 
efl  incapable  de  comprimer  la  veine  :  l'ac- 
célérateur paroît  faire  quelque  chofe  de  plus , 
&  on  pourroit  peut-être  répondre  à  une 
objedion.  ElTedivement,  l'accélérateur  ne» 
peut  pas  comprimer  également  ;  mais  il 
efl  avéré  que  l'irritation  nerveufe -produit 
une  éredion  ,  &  une  éredion  caufée  par 
la  congeffion  du  fang  ,  jàns  aucun  mufcle 
vifible  qui  puifîè  comprimer  les  veines. 
Telle  efl  l'éredion  du  mamelon  du  fcin  , 
caufée  par  la  fridion  :  l'épanchement  du 
lang  dans  une  cellulofifé  fous  la  peau  ,  qui 
fe  fait  dans  le  coq  d'Inde ,  a  de  l'analogie 
avec  cette  adion. 

Quel  que  foit  le  méchanifme  de  la  nature* 
pour  retarder  le  retour  du  fang  veineux  , 
ce  méchanifme  fe  fait  apparemment  par  le' 
miniffere  des  nerfs  ;  ce  font  eux ,  dont  la 
fenfibilité  portée  à  l'extrême  produit  l'érec-' 
tion.  Après  un  certain  âge  ,  la  vivacité  de 
leur  fentimenteff  aifoiblie ,  les  mêmes  caufes 
Simulantes  n'en  produKènt  plus.  Dès  que 
l'irritation  nerveufe  ceffe  ,  dès  qu'une  autre 
idée  déplace  celle  de  la  volupté  ,  les  organes 
retombent  dans  leur  état  naturel.    . 

L'éredion  n'efl  certainement  pas  une 
adion  de  la  volonté ,  qui  ne  fauroit ,  ni 
la  produire ,  ni  l'empêcher  immédiate- 
ment. C'eff  un  de  ces  mouveméns  qui 
réfultent  du  méchanifine  du  corps  ani- 
mal ,  mis  en  jeu  par  des  caufes  propor-^ 
tionnées. 


2o8  P  E  N 

Cette  éreâion  n'eft  pas  une  aâion  bien 
violente;  elle  peut  durer  un  temps  con- 
fidérable  fans  caufer. d'accident  ;  elle  n'ôre 
pas  les  forces  ;  elle  eft  l'ouvrage  de  la  fan  té 
la  plus  parfaite  :  mais  elle  n'accomplit  pas 
les  defTeins  de  la  nature  ;  c'cfl  l'émiffion  de 
la  liqueur  fécondante  que  demande  la  fa- 
gefTe  qui  gouverne  le  monde,  &  cette 
emifllon  ne  devient  pofiible  que  par  des 
efforts  bien  violens. 

L'urètre  eft  également  le  paflage  de  l'u- 
rine; mais  ,  pour  en  décharger  l'animal, 
la  contradion  de  la  tunique  mufculeufe 
de  la  veffie  fufBt  en  général  :  les  premiers 
commencemens  de  l'émiflîon  font  l'ou- 
vrage des  mufclesdu  bas-ventre  &  du  dia- 
phragme ,  &  les  dernières  gouttes  font  ex- 
pulfées  par  l'accélérateur. 

Il  faut  beaucoup  plus  d'efforts  pour  pouf- 
ier  la  liqueur  fécondante  dans  l'organe  def- 
tiné  pour  la  recevoir.  Dans  l'état  naturel , 
cette  éjiiflîon  ne  fe  fair  qu'après  Téredion 
la  plus  parfaite  ,  après  la  diftenfion  fur-tout 
des  corps  caverneux ,  du  gland  &  de  l'urètre. 
C'eft  une  maladie  que  cette  cmiiïion  (ans 
éredion^ 

Pour  la  produire  ,  il  faut  que  la  liqueur 
fécondante  forte  des  vélicules  féminales 
&  des  cellules  voifmes  du  canal  aétérent , 
&  qu'elle  foit  pouflee  dans  l'urètre.  La 
convulfion  de  tous  les  mufcles  voifins  con- 
court pour  produire  cet  effet.  Le  fphinder 
.  de  l'anus  fe  ferme  ;  il  prête  un  point  d'ap- 
pui au  lévateur  ,  qui  relevé  la  proftate  &  la 
vuide.  Le  mufcle  particulier  de  cette  glande, 
que  je  ne  connois  pas  lans  cette  définition  , 
concourt  fans  doute  au  même  effet. 

C'eft  peut-être  une  adion.  nerve.jfe  fim- 
ple  ,  qui  redreffe  les  petits  canaux  féminaires 
qui  traverfent  la  proftate.  Leur  extrémité 
fait  ,  dans  leur  état  ordinaire  ,  un  angle 
avec  la  partie  fupérieure  des  mêmes  canaux. 
Cet  angle  s'efface  apparemment  dans  l'émif^ 
flon  ,  &  le  canal  excrétoire  devient  droit , 
comme  les  vaifîeaux  ladiferes  le  deviennent 
dans  la  fuccion. 

Depuis  le  petit  vallon  de  l'urètre  .qui 
reçoit  le  fperme  ,  la  liqueur  eft  exprimée 
principalement  par  l'adion  alternative  de 
l'accélérateur ,  &  par  celle  d'une  partie 
des  tranfverfaux.  Cette  adion  eft  d'une 
grande  violence  ;   elle  doit  faire  fortir  la 


P  E  N 

liqueur  fécondante  par  l'urètre  comprima  : 
les  forces  qui  expriment  l'urine  ne  fuffifent 
pas  pour  cet  effet  ;  au  contraire ,  l'urine  eft 
retenue  pendant  tout  le  temps  que  la  liqueur 
fécondante  fort  de  fon  canal. 

La  convulfion  avec  laquelle  s'achève  cette 
émiflion  ,  eft  accompagnée  de  palpitation  , 
de  chaleur  ,  d'une  relpiration  laboricufe  ; 
ellelaiffe  après  elle  un  grand  affoibliffement. 
Ce  n'eft  cependant  pas  l'adion  nerveufè 
qui  brife  les  forces  de  l'animal  ;  je  dis  l'ani- 
mal ,  les  inledes  eux-mêmes  ne  furvivent 
que  de  peu  d'heures  à  la  fécondation  de  la 
femelle  ;  c'eft  plutôt  la  perte  de  la  liqueur 
fécondante  qui  fait  la  foibleffe  ;  elle  eft  la 
même  ,  quand  cette  liqueur  fe  perd  (ans 
éredion  &  fans  la  convulfion  qui  accompa- 
gne l'émiffion  naturelle. 

PENING  ou  PENNING ,  (  Comm.  ) 
le  denier  de  Hollande.  Il  vaut  un  cinquième 
de  plus  que  ne  valoit  le  denier  tournois  de 
France. 

PENINSULA  ,  (  Ge'og.  anc.  )  Pline, 
lip.  IV y  chap.  xpiij  y  donne  ce  nom  à  la 
partie  de  la  Gaule  lyonnoife ,  qui  s'étend 
vers  l'occident  &  avance  dans  l'océan.  Il  lui 
donne  625  milles  de  circuit,  en  commen- 
çant à  compter  aux  confins  des  Ofifmii , 
dont  le  pays  fe^terminoit  à-peu-près  dans 
l'endroit  où  eft  aujourd'hui  la  ville  de  Saint- 
Malo.  Pline  ajoute  que  l'ifthme  de  cette 
peninfule  avoit  125  milles  de  largeur. 

PENINSULE,  f.f.  c'eft,  en  (j^graph. 
une  portion  ou  une  étendue  de  terre  jointe 
au  continent  par  un  col  étroit ,  tout  le  refte 
étant  environné  d'eau.  Voy.  IsTHME. 

Ce  ipot  eft  compofédes  mots  \zùnspene 
&  infula  y  c'eft-à-dire  ,  prefqu'ik  ;  tel  eft 
le  Péloponefe  ou  la  Morée  ,  tels  font  aufli 
l'Italie  ,  la  Jutlande  ,  &C. 

On  a  aufïï  appelle  la  Cherfoncfe  penin-' 
fuie.  Voyei  CherSONESE. 

On  voit  que  la  mer  ,  attaquant  continuel- 
lement les  terres  ,  &  les  rongeant ,  les  con- 
trées maritimes  qui  doivent  fouffrir  le  plus  , 
s'altérer  ,  &  même  difparoître  à  la  longue  , 
font  les  peninfules  y  dont  la  petite  portion 
de  terre  qui  les  unit  au  continent ,  fe  rompt 
à  la  longue.  La  peninfule  doit  finir  par 
former  une  île. 

PENISCOLA,  {Géogr.  mod.)  ouPe- 
nofcola  ^  ville  d'Efpagnc  au  royaume  de 

Valence , 


P  E  N 

Valence ,  vers  le  bord  de  la  mer ,  au  nord 
d'Oropefa  ,  &  fur  une  pointe  de  terre  fort  éle- 
vée. Long.  13,6;  lat.  39 ,  15.  (  D.  7.  ) 

PÉNITENCE  ,  f.  f.  (  Théologie  ,  )  prlfc 
pour  l'exercice  de  h  pénitence  ^  peut  être 
définie  une  punition  volontaire  ou  impo- 
léepar  une  autorité  légitime  ,  pour  l'expia- 
tion des  fautes  qu'une  perfonne  a  commifes. 
Voye:^  PUNITION. 

Les  Théologiens  Catholiques  confiderent 
la  pénitence  tous  deux  ditférens  rapports  , 
ou  comme  vertu ,  ou  comme  Sacrement, 
A  ne  confidérer  la  pénitence  que  comme 
vertu  ,  on  la  définit  une  détefîation  fincere 
des  péchés  qu'on  a  commis  ,  jointe  à  une 
ferme  réfolution  de  n'y  plus  retomber  ,  & 
de  les  expier  par  des  œuvres  pénibles  & 
humiliantes':  l'Ecriture  &  les  Pères  donnent 
des  idées  exades  de  toutes  ces  conditions. 
La  pénitence  ,  confidérée  comme  vertu  ,  a 
été  de  tout  temps  abiolument  néceflaire  ,  & 
l'efl  encore  aujourd'hui ,  pour  rentrer  en 
grâce  avec  Dieu. 

Ils  définiflent  lapénitence  ,envifagée  com- 
me Sacrement ,  un  Sacrement  de  la  Loi  nou- 
velle ,  inftitué  par  Notre-Seigneur  Jefus- 
Chrifi-  pour  remettre  les  péchés  commis 
après  le  Baptême  :  c'eft  pourquoi  les  Pères 
l'ont  appellée  une  féconde  planche  ,  qui 
fauve  du  naufrage  de  la  mort  (pirituelle  ceux 
qui  ont  perdu  l'innocence  baptifmalé  : 
Se  Clin  da  pofl  naufragium  tabula  ejî  pceni- 
tentia.  Hyeronim.  in  cap.  iij.  If  ai  ce. 

L'inftitution  du  Sacrement  de  pénitence 
fuppofe  trois  chofes  ;  1°.  que  Jefus-Chriil 
a  donné  à  fon  Eglife  le  pouvoir  de  remet- 
tre \qs  péchés  commis  après  le  baptême  :  or, 
c'efl  ce  qu'on  voit  expreflement  dans  S. 
Jean  ^c.ocx  ,  f.  zi  y  zz  ^  Ê?  2.5  ,  &  ce 
qui  eft  attefté  par  toute  la  tradition.  2°. 
Que  ce  pouvoir  dont  l'Eglife  eu  revêtue ,  eft 
une  autorité  vraiment  judiciaire  ,  qui  influe 
réellement  dans  la  réraiflion  des  péchés 
commis  après  le  baptême ,  &  non  fimple- 
raent  déclarative  que  ces  péchés  font  rerais  , 
comme  il  paroît  par  S.  Matthieu ,  chap.  xij , 
"5^.  1$  y  &  par  la  pratique  confiante  de, 
l'Eglife  depuis  fon  établiflement.  3°.  Que 
l'Eglife  n'exerce  judiciairement  ce  pouvoir 
qu'en  fe  fervant  de  quelque  figne  fenfible 
qui  en  manifelk  l'ufage  ,  &  qui  en  dénote 
l'effet  ;  ce  qui  exige  une  accufation  de  fa 
Tome  XXy, 


P  E  N  109 

part  du  coupable,  &  uneabfolutiondela  part 
du  Minifirc  qui  exerce  cette  fondion  au  nom 
de  Jefus-Chrift. 

Les  Théologiens  font  partagés  fur  ce 
qui  conflitue  la  matière  du  Sacrement  de 
pénitence  :  le  plus  grand  nombre  penfe 
qu'elle  confifte  dans  les  trois  ades  du  pé- 
nitent ,  la  contrition  ,  la  confeflîon  &  la 
latisfadion:  d'autres  foutiennent  que  l'im- 
pofirion  des  mains  du  Prêtre  fait  la  matière 
de  ce  Sacrement.  Quant  à  la  forme ,  on  en 
peut  diflinguer  de  trois  fortes  ;  l'une  indica- 
tive ,  ego  te  abfoh'oà  peccatis  tuis^  in  nomi' 
ne  Patris  ,  &c.  c'efl  celle  qui  efl  en  ufage  de-  - 
puis  le  treizième  fiecle  dans  l'Eglife  Latine  , 
qui  employolt  auparavant  la  forme  dépréca- 
tive  :  l'autre  ,  déprécatlve  ou  conçue  en  for- 
me de  prières  ,  telle  que  celle  qui  eft  en  ufage 
chez  les  Grecs ,  &  qui  commence  par  ces 
termes  :  Domine  Jefu  Chrifie  ,fili  Dei  vivi , 
relaxa  y  remitte  ,  condona  peccata  ,  ^c.  Et 
enfin  ,  une  impérative  ,  comme  abfolratur , 
&c.  On  convient  que  ces  trois  formules  font 
également  bonnes. 

Le  concile  de  Trente  ,  feclion  ?  4  >  ^^ 
pcenit.  Can.  zo  ,  a  décidé  que  les  Prêtres  , 
&  par  conféqirent  les  Evêques ,  font  les 
feuls  Miniflres  du  Sacrement  de  pénitence  : 
mais  outre  la  puilîance  d'ordre  qu'ils  reçoi- 
vent dans  leur  ordination  ;  il  leur  faut  en- 
core une  puifTance  de  jurifdidion  ou  ordi- 
naire ,  comme  à  titre  de  Curé  ,  ou  de  jurif- 
didion  déléguée  ,  telle  que  l'approbation 
de  l'Evêque  ;  fans  quoi  ils  ne  peuvent  ni 
licitement  ni  validement  abfoudre ,  excepté 
dans  les  cas  de  néceffité. 

Pénitence  feditaufli  particulièrement  de 
la  peine  que  le  Confeffeur  impofe  pour  là 
iàtisfadion  des  péchés  dont  il  abfout.  V^oycT^ 
Absolution,  Confj;ssion. 

Pénitence  ,  chez  les  Chrétiens ,  efî 
une  peine  impoiée  après  la  confefïion  des 
péchés  ;  elle  étoit  fecrcte  ou  publique  , 
félon  que  l'Evêque  ou  les  Prêtres  par  lui 
commis  le  jugeoient  à  propos  pour  l'édi- 
fication des  Chrétiens  ;  plufieurs  faifoient 
pénitence  publique  ,  fans  que  l'on  fût  pour 
quels  péchés  ils  la  faifoient  ;  d'autres  fai- 
foeint  pénitence  en  fecret ,  même  pour  de 
grands  crimes  ,  lorfque  la  pénitence  publi- 
que auroit  caufé  trop  de  fcandale  ,  ou  les 
auroit  expofés  au   danger-   Le   temps  des 

Dd 


zio  P  E  N 

pénitences  étoit  plus  ou  moins  long  ,  félon 
les  ditfércns  ufages  des  Eglifes  ,   &  nous 
voyons  encore  une  grande  diverlité  entre 
les  Canons  pénitenciaux  qui  nous  refient  ; 
mais  les  plus    anciens  font  d'ordinaire  les 
plus  (ëveres.  S.    Bafiie  marque  deux   ans 
pour  le  larcin ,  fept  pour  la  fornication  , 
onze  pour  !e  parjure  ,  quinze  pour  l'adul- 
tère ,  vingt  pour  l'homicide  ,    &   toute  la 
vie  pour  l'apoUafie.  Ceux  à  qui  il  étoit  pref- 
crit  de  faire  pénitence  publique  ,    s'adrel- 
foient  à  l'Archiprêtre  ou  autre  Prêtre  péni- 
tencier ,  qin  prenoit  leur  nom  par  écrit  ; 
puis  le  premier  jour  de  carême  ,  ils  fe  pré- 
fentoient  à  la  porte    de   l'Eglife  en  habits 
pauvres  ,  iales  &  déchirés  ;  car  tels  étoient 
chez  les  anciens   les  habits  de  deuil  :  étant 
entrés  dans    l'Eglife  ,    ils    recevoient   des 
mains  du  Prélat  des  cendres  fur  la  tête  , 
&  des  ciliées  pour  s'en  couvrir  ;  puis  on 
les  mettoit  hors  de  l'Eglife  ,  dont  les  porr 
tes  étoient  aulîi  -  tôt  fermées  devant  eux. 
Les   pénitens  deraeuroient  d'ordinaire  en- 
fermés ,    &  pafToient  ce  temps  à  pleurer  &  à 
gémir ,  excepté  les  jours  de  fêtes  ,  auxquels 
ils  venoient   fe   prefenter    à  la    porte    de 
l'Eglife  ,  fans  y  entrer  :  quelque  temps  après 
on  les  y  admettoit ,  pour  entendre  les  lec- 
tures &  les  fermons  ,  à  la  charge  d'en  for- 
tir  avant  les  prières  :  au  bout  d'un  certain 
temps  ,  ils  étoient  admis  à  prier  avec  les 
fidèles ,  mais  proflernés  contre    terre  ;   & 
enfin  ,  on  leur  permettoit  de  prier  debout , 
jufqu'à  l'oiFertoire  qu'ils  fortoient  :  ainfi  il  y 
«voit  quatre  ordres  de  pénitens  ,   les  pleu- 
rans  y  les  auditeurs  ,  les  profiernés  y   Ù  les 
connitans  ou  ceux  qui  prioientdeboiit. 

Tout  le  temps  de  la  pénitence  étoit  di- 

vifé  en   quatre   parties ,  par  rapport  à  ces 

quatre  états  :  par  exemple  ,  celui  qui  avoit 

tué  volontairement  étoit  quatre  ans  entre 

hspleurans  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'il  fe  trouvoit 

à  la  porte  de  l'Eglife  aux  heures  de  la  prière  , 

&  demeuroit  dehors  revêtu  d'un   cilice  , 

ayant  de  la  cendre  fur  la  tête ,  &  le  poil 

non  rafé  ;  en  cet  état  ,  .il  fc  recommandoit 

aux  prières  des  fidèles  qui  entroient  dans 

l'Eghfe:   les  cinq  années  fuivantes  il  étoil^ 

'  au  rang  des   auditeurs  ,    &  entroit  dans 

l'Eglife  pour  y  entendre  les  inftrudions  ; 

après  cela  il  étoit  du  nombre  des  profiernés 

pendant  fept   ans  ,    &   enfin   ii  paflbit. 


P  E  N 

au  rang    des  connitans  y  priant   debout  y 
jufqu'à  ce  que  les  vingt  ans  étant  accom- 
plis ,   il  étoit  aumis   à   la  participation  de 
rEuchariftie  :  ce  temps  étoit  fouvent  abrégé 
par  les  Evêques  ,  loriqu'ils  s'appercevoient 
que  les    pénitens     méritoient   quelque  in*- 
dulgence  ;  que  fi  le  pénitent  mouroit  pen- 
dant le  cours  de  la  pénitence  ,  &  avant  que 
de  l'avoir  accomplie  ,  on  avoit  bonne  opi- 
nion de  ion  lalut  ,  &  l'on  oflTroit  pour  lui 
le    faint    Sacrifice.    Lorfque    les   pénitens 
éioient   admis  à  la    réconciliation  >    ils  fc 
prélentoicnt  à  la  porte  de  l'Eglife  y    où  le 
Prélat  les  taifoit  entrer  &  leur  donnoit  fab- 
f)lution   folemncUe  :    alors  ils  fe  faifoient 
faire  le  poil  ;  &  quittoient  leurs  habits  de 
pénitens  pour  vivre  comme  les  autres  fidè- 
les. Cette  rigueur  étoit  fagement  inflituée  , 
parce  que,    dit   S.    Auguftin»,  fi  l'homme 
revenoit  promptement  dans  fon  premier  état , 
il  regarderoit  comme  un  jeu  la  chute  du 
péché. 

Dans  les  deux  premiers  fiecles  de  l'Eglife , 
le  temps  de  cent  pénitence  ni  la  manière  n'é- 
toient  pas  réglés  ;  mais  dans  le  troifieme  , 
on  fixa   la  manière  de   vivre  des   pénitens 
&  le  temps  de  leur  pénitence.  Ils  étoient 
féparés  de  la  communion  des  fidèles  ,  pri- 
vés de  la  participation  ,   &  même  de  la  vue 
des   faints  myfleres  ,   obligés  de   pratiquer 
diverfes  aufiérités ,  jufqu'à  ce  qu'ils  reçurent 
l'abfolution.  La  rigueur  de  cette  pénitence 
a  été  fi  grande  en   quelques  Eglifes  ,  que 
pour  les  crimes  d'idolâtrie  ,  d'homicide  & 
d'adultère  ,  on  lailToit  les  pécheurs  enpéni^ 
tence  pendant  le  refle  de  leur  vie  ,  &  qu'on 
ne  leur  accordoit  pas  même  l'ablblution  à 
la  mort.   On  fe  relâcha   à  l'égard  des  der- 
niers ;  mais  pour  les  apoftats^  cette  lévérité 
a    duré   plus    long-temps.    Ce    point   fut 
réfolu   du    temps   de    Saint   Cyprien  ,    à 
Rome  &  à  Carthage  y  mais  on  n' accor- 
doit l'abfolution  ,  à  la  mort  ,  qu'à  ceux  qui 
l'avoient  demandée  étant  en  fanté  ;    &  fi 
par  hazard  le  pénitent  revenoit  de  fa  ma- 
ladie, il  étoit  oK'igé  d'accomplir  la  péni- 
tence.  Mais  jufqu'au  fixieme  fiecle  ,  quand 
les  pécheurs ,  après  avoir    fait  pénitence  , 
retomboient  dans  des  crimes ,   ils  n'étoient 
plus  reçus  au  bénéfice  de  l'abfolution  ,  & 
demeuroient  en  pénitence  féparés  de  la  com- 
munion de  l'Eglife,  qui  laifïbit  leur,  falut 


P  E  N 

entre  les  mains  de  Dieu  ;  non  que  l*on  en 
défefpérât ,  dit  S.  Auguflin  ,  mais  pour  main- 
tenir la  rigueur  de  la  difcipline  :  Non  defpe- 
rationc  venix  faâum  efl  ,  fed  rigore  difci- 
plince. 

Au  refte  ,  les  degrés  de  cette  pénitence 
ne  furent  entièrement  réglés  que  dans  le 
quatrième  fiecle  ,  &  n'ont  été  exadement 
obfervés  que  dans  l'Eglife  Greque.  Les 
Clercs  ,  dans  les  quatorze  premiers  fiecles  , 
étoient  fournis  à  la  pénitence  comme  les 
autres  :  dans  les  fuivans  ,  ils  étoient  feule- 
ment dépofés  de  leur  ordre  ,  &  réduits  au 
rang  des  laïcs  ,  quand  ils  tomboient  dans 
éts  crimes  pour  lefquels  les  laïcs  étoient  mis 
en  pénitence.  Vers  la  fin  du  cinquième  fiecle , 
il  s'introduifit  une  pénitence  mitoyenne  en- 
tre la  publique  &  le  fecrete ,  laquelle  fe  fai- 
foitpour  certains  crimes  commis  dans  les 
Monafleres  ou  dans  d'autres  lieux  ,  en  pré- 
fence  de  quelques  perfonnes  pieufes.  Enfin , 
vers  le  feptieme  fiecle ,  la  pénitence  publi- 
que pour  les  péchés  occultes  ,  cefîa  tout-à- 
fait.  Théodore  ,  Archevêque  de  Cantor- 
bery  ,  efl  regardé  comme  le  premier  auteur 
de  la  pénitence  fecrete  pour  les  péchés 
fecrets  en  Occident.  Vers  la  fin  du  huitième 
fiecle  ,  on  introduifit  le  rachat ,  ou  plutôt 
la  commutation  des  pénitences  impofées  , 
que  l'on  changeoit  en  quelques  bonnes  œu- 
vres ,  comme  en  aumônes  ,  en  prières  ,  en 
pèlerinages.  Dans  le  douzième  fiecle  ,  on 
imagina  celle  de  racheter  le  temps  de  la 
pénitence  canonique  avec  une  fomme  d'ar- 
gent ,  qui  étoit  appliquée  au  bâtiment  d'une 
Eglife,  &  quelquefois  à  des  ouvrages  pour  la 
€ommodité  publique  :  cette  pratique  fut  d'a- 
bord nommée  relaxation  ou  relâchement  y  & 
depuis  indulgence.  Voy.  INDULGENCE. 

Dans  le  huitième  fiecle  ,  les  hommes 
s'étant  tout-à-fait  éloignés  de  la  pénitence 
canonique  >  les  Prêtres  fe  virent  contraints 
à  les  y  exhorter  pour  les  péchés  fecrets 
&  ordinaires  ;  car  pour  les  péchés  publics 
&  énormes  ,  on  impofoit  encore  des  péni- 
tences très-rigoureu fes.  Dans  les  quator- 
zième &  quinzième  fiecles ,  on  commença  à 
ordonner  des  pénitences  fort  légères  pour 
des  péchés  très-griefs;  ce  qui  a  donné  lieu 
à  la  réformation  faite  à  ce  fujet  par  le 
Concile  de  Trente  ,  qui  enjoint  aux  Con- 
fcfTeurs  de  proportionner  la  rigueur  des  pé-- 


P  E  M  lîi 

nitences  à  l'énormitc  des  cas ,  &  veut  que 
\a.pénitence  publique  foit  rétablie  à  l'égard 
des  pécheurs  publics.  Tertull.  de  pœnit. 
S.  Cypr.  epift.  &  tract,  de  lapjis.  Laubef- 
pine  ,  obferv.  Morin  de  pxnit.  Godteau  p 
Hifloire  de  VEglife  ,  liv.  IV.  Fleury  . 
mœurs  des  Chrét.  n.  xxv. 

Pénitence  ,  dans  le  Droit  Canon  An-' 
^ois  ,  fe  dit  d'une  punition  eccléfiaftique  , 
que  l'on  inflige  particulièrement  pour  caufe 
de  fornication.   Voye:{  FORNICATION. 

Voici  ce  que  les  Canons  prefcrivent  à 
cet  égard.  Celui  qui  a  commis  le  péché  de 
fornication  ,  doit  fe  tenir  ,  pendant  quelques 
jours  de  dimanche  ,  dans  le  porche  ou  le 
veflibule  de  l'Eglife  ,  la  tête  &  les  pies 
nus  ,  enveloppé  dans  un  drap  blanc  ,  avec 
une  baguette  blanche  en  main  ,  fe  lamen- 
tant &  fuppliant  tout  le  monde  de  prier 
Dieu  pour  lui.  Il  doit  enfuite  entrer  dans 
l'Eglife  ,  s'y  proflerner  &  baifer  la  terre  ; 
&  enfin  y  placé  au  milieu  de  l'Eglife  fur  un 
endroit  élevé  ,  il  doit  déclarer  l'impureté  de 
fbn  crime,  fcandaleux  aux  yeux  des  hommes  j 
&  déteftable  aux  yeux  de  Dieu. 

Si  le  crime  n'efl  pas  de  notoriété  publi- 
que ,  les  Canons  permettent  de  commuer 
la  peine  »  à  la  requête  de  la  partie  ,  en  une 
amende  pécuniaire  au  profit  des  pauvres. 

Pénitence  ,  chez  les  Juifs ,  nommée 
thejourtha  ,  nom  qui  fignifie  changement 
ou  converjion.  La  véritable  pénitence  doit 
être  ,  félon  eux  ,  conçue  par  l'amour  de 
Dieu  ,  &  fuivie  de  bonnes  œuvres.  Ils  fai- 
foient  une  confefïîon  le  jour  des  expia- 
tions ,  ou  quelque  temps  auparavant.  lU 
impofoient  àts  pénitences  réglées  pour  les 
péchés  ,  &  ils  ont  chez  eux  des  péniten- 
ciers qui  marquent  les  peines  qu'il  faut  im-» 
pofer  aux  pécheurs  ^  lorfqu'ils  viennent 
confefîer  leurs  péchés.  Cette  confeffion  efl 
d'obligation  parmi  eux  ;  on  la  trouve 
dans  les  cérémonies  du  facrifice  pour  le 
péché  :  celui  qui  l'ofîroit  confefîbit  fbn 
péché  ,  &  en  chargeoit  la  vidime.  Ils  recoa- 
noifToient  un  lieu  defliné  à  la  purification 
des  âmes  après  la  mort  ;  on  offroit  dés 
facrifices  pour  elles  :  maintenant  ils  fe  con- 
tentent de  fimples  prières.  Ainfi ,  parmi  les 
péchés,  ils  en  diftinguent  de  deux  fortes; 
les  uns  qui  fe  pardonnent  dans  l'autre  vie, 
les  autres  qui  font  irrémiffibles.  Jofèpb 
Dd  ^ 


212  P    E    N 

nous  apprend  que  les  Pharifîensavoientune 
opinion  particulière  là-defTus.  Ils  enfei- 
gnoient  que  les  âmes  des  gens  de  bien  ,  au 
ibrrird'un  corps,  entroient  dans  un  autre  , 
mais  que  celles  des  méchans  alloient  d'abord 
dans  l'enfer.  Hérode  le  Tétrarque  ,  pré- 
venu de  ce  fentiment  ,  croyoit  que  l'ame 
de  S.  Jean  ,  qu'il  avoir  fait  mourir ,  eMÏt 
paflee  dans  la  perfonne  de  Jefus-Chrifî.  Le 
P.  Morin  ,  de  pcenitendâ  ,  le  P.  Lamy  de 
l'Oratoire  ,  introduction  â  V Écriture-Sainte. 

Voyez  Expiation  ,  Résurrection, 

PENITENCERIE  ,  f.  f.  {Jurifpr.  )  efl 
de  deux  fortes  ;  la  Pénitencerie  de  Rome  , 
Caméra  pœnitentiaria  ,  eft  l'Office  ,  Tribu- 
nal ou  Confeil  de  la  Cour  de  Rome  ,  dans 
lequel  s'examinent  &  fe  délivrent  les  bulles  , 
brefs  ou  grâces  ,  &  difpenfes  fecretes  qui 
regardent  les  fautes  cachées  ,  &  par  rap- 
port au  tor  intérieur  cfe  la  confcience  ,  foit 
pour  l'abfolution  des  cas  réfervés  au  Pape  , 
îbit  pour  les  cenlures  ,  foit  pour  lever  \ç.s 
cmpêchemens  de  mariages  contradés  fans 
difpenfe. 

Les  expéditions  de  la  Pénitencerie  ,  fe 
font  au  nom  du  Pape  ;  elles  font  fcellées  en 
cire  rouge ,  &  s'envoient  cachetées  à  un  Doc- 
teur en  Théologie  ,  approuvé  par  l'Evêque 
pour  entendre  les  confeffions  ,  mais  fans  en 
défigner  aucun  fpécialement ,  foit  par  fon 
nom  ,  foit  par  fon  emploi. 

Le  grand  Pénitencier  de  Rome  ,  au  nom 
duquel  le  bref  efl  expédié  ,  enjoint  auCon- 
fefîêur  d'abfoudre  du  cas  exprimé  ,  après 
avoir  entendu  la  confeffion  facramentelle 
de  celui  qui  a  obtenu  le  bref ,  en  cas  que 
k  crime  ou  l'empêchement  du  mariage  (bit 
fecrer.  Il  efl  enlliite  ordonné  au  ConfefTeur 
de  déchirer  le  bref  aufli-tot  après  la  con- 
feffion ,  fous  peine  d'excommunication  , 
fans  qu'ii  lui  foit  permis  de  le  rendre  à  la 
partie. 

Les  abfolutions  obtenues  &  les  difpenfes 
accordées  en  vertu  des  lettres  de  la  Péni- 
tencerie ,  ne  peuvent  Jamais  fèrvir  dans  le 
for  extérieur  ;  ce  qui  doit  fur-tout  s'obfer- 
ver  en  France  ,  où  les  tribunaux  ,  tant 
eccléfiaftiques  que  féculiers  ,  ne  reconnoil- 
iènt  point  ce  qui  dX  émané  de  \à  Péni- 
tencerie. 

En  France ,  la  Pénitencerie  eft  le  béné- 


P  E  N 

fîce  ou  le  titre  de  cehii  qui  efl  grand  Péni- 
tencier de  l'I-Lvêque  ;  c'efl-à-dire  ,  qui  a  le 
pouvoir  d'abfoudre  des  cas  réfervés. 
—La  Pénitencerie  eft  ordinairement  une 
àQs  dignités  des  Eglifès  cathédrales.  Voye:^ 
les  Loix  ecclefiajiiques  y  voyez  PÉNITEN- 
CIER. {A) 

PENITENCIER  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  ) 
qu'on  appelioit  auili  autrefois  Pénancier , 
Piatorum  exhedra  ,  efl  un  Eccléfiaftique  qui 
exerce  l'office  de  la  Pénitencerie. 

On  donnoit  au  commencement  le  titre  de 
Pénitenciers  à  tous  les  Prêtres  qui  étoient 
établis  par  l'Evêque  pour  ouir  les  confeilions. 
Anaflafe  le  Bibliothécaire  dit  ,  que  le  Pape 
Simpliciuschoifit  quelques-uns  des  Prêtres 
de  l'Eglife  Romaine  pour  préiider  aux  péni- 
tences :  les  autres  Evêques  firent  la  même 
chofe  ,  chacun  dans  leur  Eghfe. 

A  mefure  que  la  diflindiori  des  ParoifTes 
fut  établie ,  les  fidèles  alloient  à  confcfîe  à 
leur  propre  Pafteur. 

Il  n'y  avoir  que  les  Prêtres  qui  fe  confef- 
foient  à  l'Evêque ,  &.  les  laïcs  qui  avoient 
commis  quelqu'un  des  cas  dont  l'Evêque 
s'éîoit  réfervé  l'abfolution. 

Mais  bientôt  les  Evêques  établirent  dans 
leur  cathédrale  un  Pénitencier  en  titre  pour 
\ts  cas  réfervés  ;  &  pour  difîinguer  ces  Pé- 
nitenciers des  Confeffeurs  ordinaires  ,  aux- 
quels on  donnoit  auffi  anciennement  le  titre 
de  Pénitenciers  y  on  les  furnomma  grands 
Pénitenciers  ;  ils  font  auffi  nommés  ror^/Z/e 
de  VEvêque.  ♦ 

L'infVitution  des  grands  Pénitenciers  efl 
fort  ancienne.  Quelques-uns  la  font  remon- 
ter jufqu'au  temps  du  Pape  Corneille ,  qui 
fiégeoit  en  25 1.  Gomez  tient  que  cet  office  ne 
fut  établi  à  Ronse  que  par  Benoît  II ,  qui 
parvint  au  Pontificat  en  684. 

Il  efl  fait  mention  àts  Pénitenciers  dans 
les  Conciles  d'Y'ork  en  1194,  de  Londres 
en  1137,  &  d'Arles  en  1260.  Les  Péni- 
tenciers y  font  appelles  les  ConfeJJeurs  gé- 
néraux du  Diocefe. 

Le  quatrième  Concile  de  Latran  ,  tenu 
en  1215,  fous  Innocent  III,  ordonne  aux 
Evêques  d'établir  des  Pénitenciers  ,  tant 
dans  leur  cathédrale ,  que  dans  les  Eglifss 
collégiales  de  leur  Diocefe  ,  pour  les  foula- 
ger  dans  la  confeffion  des  cas  réfervés. 
Peu  après  ,   les  Evêc^ues  fe  déchargèrent 


/ 


P  E  M 

entièrement  Je  cette  fondion  fur  leur  grand 
Pénitencier. 

Le  Concile  d'Arles,  dont  nous  avons  déjà 
parlé  ,  ordonne  aux  Evêques  d'envoyer 
dans  les  campagnes ,  au  temps  de  carême , 
des  Prôrres  Pénitenciers  pour  abfoudre  des 
cas  réièrvés  ,'  &  que  ces  Prêtres  feront  tenus 
de  renvoyer  aux  Curés  pour  les  cas  ordi- 
naires. Un  Evéque  d'Amiens ,  qui  tonda 
dans  Ion  Eglife  la  Fénitencerie  en  1218, 
excepta  les  Curés  ,  les  Barons  &  les  autres 
Grands  du  Diocefe  ,  de  ceux  qui  pourront 
être  confeflfés  par  le  Pénitencier. 

A  Rome  ,  le  Pape  a  Ton  grand  Péniten- 
cier ,  qui  eft  ordinairement  un  Cardinal. 
Ce  grand  Pénnencier  préUde  au  tribunal 
de  la  Pénitencerie  ,  dans  lequel  s'accordent 
les  abfolutions  pour  les  fautes  cachées  ,  & 
des  difpenfes  pour  des  chofes  qui  regardent 
la  confcience  ;  il  a  fous  lui  un  Régent  de  la 
Pénitencerie ,  &  vingt-quatre  Procureurs  ou 
défenfeurs  de  la  facrée  pénitence  ;  il  eft 
aufli  le  chef  de  plufieurs  autres  Prêtres  P/- 
nitenciers  établis  dans  les  Egliles  patriarcha- 
les  de  Rome,  qui  le  viennent  conlulter  fur 
les  cas  difficiles. 

Enfin  ,  le  grand  Pénitencier  elî  le  Vi- 
caire de  l'Evêque  ,,pour  les  cas  réfervés.  Il 
eft  ordinairement  établi  en  dignité  dans  la 
cathédrale ,  ou  plutôt  de  perfonnat  ;  car  le 
grand  Pénitencier  n'a  point  de  jurifdiclion  , 
ni  dans  le  chœur  ,  ni  en-dehors  ,  ni  dans 
le  diocefe.  Il  a  fous  lui  un  ou  plufteurs 
fous-Pénitenciers  ;  mais  ceux-ci  ne  l'ont  pas 
en  titre  de  dignité  ni  de  bénéfice  ,  ils  n'ont 
qu'une  fimple  commiilion  vi^rbale  du  grand 
Pénitencier  ,-  laquelle  eft  révocable  ad' 
niitum. 

La  fondion  de  Pénitencier  a  toujours 
été  regardée  comme  fi  importante  ,  que  le 
Concile  de  Trepte ,  &  plufieurs  Conciles 
provinciaux  du  royaume,  ont  ordonné  que 
la  première  prébende  vacante  feroit  aflTec- 
tée  au  Pénitencier  ,  &  que  cette  place  fe- 
roit remplie  par  un  perionnage  doué  de 
toutes  \qs  qualités  néceffaires ,  &  qui  foit 
Dodeur,  ou  Licencié  en  Théologie  ou  en 
Droit  Canon  ,  âgé  de  quarante  ans ,  ou 
le  plus  idoine  que  l'on  pourra  trouver. 

Ce  Décret  du  Concile  de  Trente  a  été 
renouvelle  par  l'afiemblée  de  Meîun  en 
^579  j  P'^^r  les  Conciles  de  Bordeaux  &  de 


P    E  N  113 

Tours  en  1^83  ,  par  ceux  de  Bourges  en 
1584  ,d'Aixen  1585  ,  de  Bordeaux  en  1624, 
&  par  le  premier  Concile  de  Milan  fous  S. 
Charles. 

L'ufage  du  royaume  eft  ,  que  dans  les 
Egljfes  où  la  Pénitencerie  eft  un  titre  de 
Bénéfice,  il  faut  être  gradué  en  Théologie 
ou  en  Droit  Canon  pour  la  pofféder  , 
quand  même  ce  bénéfice  n'auroit  pas  titre  de 
dignité. 

Le  Pénitencier  eft  obligé  à  réfidence  ; 
c'eft  pourquoi  il  ne  peut  pofféder  en  même 
temps  un  Bénéfice-Cure  ;  auifi  le  Concile 
de  Trente  veut-il  qu'il  foit  tenu  préfent  au 
chœur  quand  il  vaquera  à  fon  rainiftere  ,  & 
fi  on  l'en  privoit,  il  y  auroitabus. 

La  fondion  d'Orficial  &  celle  de  Pro- 
moteur font  incompatibles  avec  celle  àe  Pé- 
nitencier. 

Le  Concordat  comprend  la  Pénitencerie 
dans  les  Bénéfices  qu'il  aflujettit  à  l'expeda- 
tive  des  Gradués. 

Mais  ,  liiivant  l'Ordonnance  de  1606  , 
les  dignités  des  Eglifes  cathédrales  en  font 
exceptées ,  &  conféquemment  la  Péniten- 
cerie dans  les  Eglifes  où  elle  eft  érigée  en 
dignité. 

Un  Eccléfiaftique  peut  être  pourvu  de 
la  Pénitencerie  par  réfignation  en  faveur  , 
ou  par  d'autres  voies  qui  en  rendent  la  col- 
lation nécefîaire.  Voy.  les  Conciles  du  Père 
Labbe  ;  les  Loixecclejîafiiques  d'Héncoun  ; 
Fevret ,  Traité  de  l'abus  ;  les  Mémoires  du 
Clergé,  6? Pénitencerie.  {A) 

PENITENS  ,  (  Théologie.  )  nom  de 
quelques  dévots  qui  ont  formé  des  Confré- 
ries ,  principalement  en  Italie  ,  &.  qui  fotK 
profefîion  de  faire  une  pénitence  pubhque  , 
en  allant  en  proceffion  dans  les  rues  cou- 
verts d'une  efpcce  de  fac  ,  &  fe  donnant  la 
difcipline. 

On  dit  que  cette  coutume  fut  établie  à 
Péroné  ,  en  1260,  par  les  prédications  pa- 
thétiques d'un  Hermite  qui  excitoit  les 
peuples  à  la  pénitence  :  elle  fe  répandit 
enfuite  en  d'autres  pays  ,  &  particulière- 
ment en  Hongrie  ,  où  elle  dégénéra  en 
abus ,  &  produifit  la  fede  des  Flagellans. 
Voje\  Flagellans. 

En  retranchant  les  fuperftitions  qui  s'é- 
toient  mêlées  à  cet  ulage  ,  on  a  permis 
d'établir  des     confréries    de    Pénitens  ea 


214  P  E  N 

divers  lieux  d'Italie.  Le  P.  MablUon  ,  dans 
fon  voyage  ,  dit  en  avoir  vu  une  à  Turin. 
Il  y  a  en  Italie  des  Pe'nitens  blancs  ,  auffi- 
bien  qu'à  Lyon  &:  à  Avignon.  Dans  d'autres 
villes  du  Languedoc  &  du  Dauphiné  ,  on 
trouve  des  Pe'nitens  bleus  &  des  Pe'nitens 
noirs.  Ceux-ci  affiflent  les  criminels  à  la 
mort ,  &  leur  donnent  la  fépulrure. 

Le  Roi  Henri  III  ayant  vu  la  procef- 
fîon  des  Pe'nitens  blancs  à  Avignon  ,  voulut 
y  erre  agrégé  ,  &  en  établit  depuis  une 
femblable  dans  l'Eglife  dis  Auguftins  ,  fous 
!e  titre  de  V Annonciation  de  Notre-Dame  , 
dans  laquelle  entrèrent  la  plupart  des  Prin- 
ces &  àts  Grands  de  fa  Cour.  Ce  Prince 
afljf|-oit  aux  procelîîons  de  cette  Confrérie  , 
fans  Gardes  ,  vêtu  d'un  long  habit  blanc  de 
toile  d'Hollande  ,  en  forme  de  lac  ,  ayant 
deux  trous  à  l'endroit  des  yeux ,  avec  deux 
longues  manches  &  un  capuchon  fort  pointu. 
A  cet  habit  étoit  attaché  une  difcipline  de 
lin  ,  pour  marquer  i'état  pénitent ,  &  une 
croix  de  fatin  blanc  fur  un  fond  de  velours 
tanné.  On  peut  voir  dans  les  Mémoires 
de  l'Etoile  l'effet  que  produifoient  ces  dé- 
votions. 

Pénitens  ,  (  Théolog.  )  eft  auffi  le  nom 
qu  on  a  donné  à  plufieurs  Communautés 
©u  Congrégations  de  perfonnes  de  l'un  ou 
l'autre  fexe  ,  qui  ayant  précédemment  vécu 
dans  la  débauche  &  le  libertinage ,  fe  font 
retires  dans  ces  maifons ,  pour  y  expier  parla 
pénitence  les  défordres  de  leur  vie  pafTée.  On 
a  auffi  donné  ce  nom  aux  perfonnes  qui  fe 
dévouent  à  la  converfion  des  débauchés  & 
des  femmes  de  mauvaife  vie. 

Tel  efl  en  particulier  l'Ordre  de  la  péni- 
tence de  fainte  Magdeleine  ,  établi  vers 
l'an  12-72,  par  un  bourgeois  de  Marfeille , 
nommé  Bernard  ,  qui  travailla  avec  zèle  à 
la  converfion  des  courtlfanes  de  cette  ville. 
Il  fut  fécondé  dans  cette  bonne  œuvre  par 
plufieurs  autres  perfonnes  ,  &  leur  fociété 
fut  enfin  érigée  en  Ordre  religieux  par  le 
Pape  Nicolas  III ,  fous  la  règle  de  faint 
Auguftin. 

On  ajoute  qu'ils  formèrent  auffi  un  Ordre 
religieux  de  femmes  converties ,  auxquelles 
«s  donnèrent  la  mênie  règle. 

La  Congrégation  dts  Pe'nitens  de  la 
Magdelaine  à  Paris  ,  doit  fon  origine  aux 
prédications  du  Pcrc  Jean  TifTeran ,  Cor- i 


P  E  N 

délier  de  Paris  ,  qui  ayant  converti  par  fès 
fermons  plufieurs  femmes  publiques  ,  établit 
cet inftitut  pour  y  retirer  celles  qui,  à  leur 
exemple  ,  voudroient  mener  une  vie  plus 
exemplaire.  Ce  fut  vers  l'an  12.94,  que 
Charles  VIII  leur  donna  l'hôtel  de  Bohai- 
nss  ;  &  en  1500 ,  Louis  y  Duc  d'Orléans, 
qui  régna  fous  le  nom  de  Louis  XII ,  leur 
donna  fon  hôtel  d'Orléans  ,  où  elles  demeu- 
rèrent jufqu'en  1 57-^9  1^^  1^  Reine  Cathe- 
rine de  Médicis  les  plaça  ailleurs.  Dès  l'an 
1497  »  Simon  ,  Evêque  de  Paris  ,  leur  avoit 
dreiïc  des  Statuts  &  donné  la  règle  de  S. 
Auguflin. 

Une  des  conditions  pour  entrer  dans 
cette  Communauté  étoit  autrefois  d'avoir 
vécu  dans  le  défordre ,  &  l'on  n'y  rece- 
voit  point  de  femmes  au-de0ùs  de  trente- 
cinq  ans.  Mais  depuis  la  réforme  qu'on  y  a 
établie  ,  en  1^16  ,  on  n'y  reçoit  plus  que 
des  filles ,  qui  portent  toujours  néanmoins  le 
nom  de  Pénitentes, 

Il  y  a  auffi  à  Séville  ,  en  Efpagne ,  une^ 
Congrégation  de  Pénitentes ,  du  nom  de 
Je/us  ;  ce  font  des  femmes  qui  ont  mené 
une  vie  licencieufe.  Elles  furent  fondées 
en  1550  ,  fous  la  règle  de  S.  Augufiin. 
Leur  Monaflere  eft  divifé  en  trois  quar- 
tiers ;  un  pour  les  Religieufes  profelTes  , 
un  pour  les  novices  ,  &  un  troifieme  pour 
celles  qui  font  en  corredion.Lorfque  celles- 
ci  donnent  des  marques  d'un  repentir  fin- 
cere  ,  on  les  fait  pafferau  quartier  des  novi- 
ces ,  &  fi  elles  ne  s'y  conduifent  pas  bien  , 
on  les  renvoie  à  la  corredion. 

hçs  Pénitentes  d'Orviete  font  une  Con- 
grégation de  Religieufes  inflituée  par  An- 
toine Simonulli ,  Gentilhomme  de  cette  ville. 
Le  monaftere  qu'il  bâtit  fiit  d'abord  deffiné 
à  recevoir  de  pauvres  filles  abandonnées 
par  leurs  parens  ^  &  en  danger  de  perdre 
leur  vertu.  En  1^60  ,  on  l'érigea  en  mai- 
Ibn  propre  à  recevoir  des  filles ,  qui  ayant 
mené  une  vie  fcandaleufe,  auroient  formé 
une  bonne  réfolution  de  renoncer  au  mon- 
de ,  &  de  fe  confàcrer  à  Dieu  par  des 
vœux  folemnels.  Leur  règle  eft  celle  des 
Carmélites. 

Ces  religieufes  ont  ceci  de  particulier  > 
qu'elles  ne  font  point  de  noviciat.  Tout  ce 
qu'on  exige  d'elles ,  c'cft  de  continuer  pen- 
dant quelques;  mois  à  porter  dans  le  Mo-r 


P  E  N 

naftere  l'habit  féculler  ,  après  quoi  on  les 
admet  à  faire  des  vœux. 

Pénitens  Indiens, ( Hifl. mod. 
fuperfi.  )  Rien  n'eft  plus  étonnant  que  ce 
que  les  voyageurs  nous  rapportent  -des 
auftérités  &  des  rigueurs  que  quelques  Bra- 
mines  ou  Prêtres  de  l'Indollan  excercent  fur 
eux-mêmes.  Les  vies  des  premiers  folitai- 
res  &  anachorètes  de  l'Egiife  chrétienne 
ne  nous  oftrent  rien  de  fi  frappant  que  les 
pénitences  que  s'impofent  ces  taaatiques  i Jo- 
lâtres  ,  que  l'on  nomme  Jouais  ou  Jagiiis. 
Ils  forment  plufieurs  fedes,  quidifterent  les 
unes  des  autres  ,  non  pour  la  dodrine  ,  mais 
pour  le  genre  de  vie  qu'elles  cmbralfentdans 
la  vue  de  plaire  à  la  divinité. 

Les  Vanapraftes  vivent  avec  leurs  fem- 
mes &  leurs  enfans  dans  les  déferts  &  les 
forêts  ;  ils  ne  fe  nourrifTent  que  de  plantes  , 
&  des  fruits  que  la  terre  donne  fans  qu'il 
foit  befoin  de  la  cultiver.  Quelques-uns  d'en- 
tr'cux  poufîent  le  fcrupule  jufqu'à  ne  point 
arracher  des  racines  de  la  terre  ,  de  peur 
de  déloger  quelque  amequi  pourroit  y  être 
pafTée. 

Les  SanjaJJî  ou  Sanias  renoncent  à  tous 
les  plailirs  du  monde.  Ils  s'interdifent  le 
mariage  ;  ne  prennent  de  la  nourriture 
qu'une  fois  le  jour  ;  ils  ne  fc  fervent  que 
de  vailTeaux  de  terre.  Ils  font  obligés  de  ne 
vivre  que  d'aumônes  j  fans  cependant  qu'il 
leur  foit  permis  de  toucher  de  l'argent.  Ces 
Pénitens  n'ont  point  de  demeure  fixe  ;  ils 
ne  peuvent  demeurer  plus  d'une  nuit  dans 
un  même  endroit.  Ils  portent  un  habit 
rouge  &  un  bâton.  Ils  ont  fix  ennemis  à 
combatre  ;  la  concupilcence  ,  la  colère , 
l'avarice  ,  l'orgueil  ,  l'amour  du  monde  ,  & 
le  defir  de  la  vengeance  ,  pour  s'élever  à 
ia  contemplation  des  chofes  divines.  Les 
SanJaJ/l (ont  delà  tribu  des  Bramines.  Ceux 
de  la  tribu  des  Kutterys  ou  nobles  ,  fe 
nomment  Ferma  amfa  ;  ceux  de  la 
tribu  des  Soudras  ou  du  petit  peuple  ,  fe 
nomment  Joguis  :  ces  derniers  font  moins 
réglés. 

Les  Avadomas  font  encore  plus  aufle- 
res  que  les  SanjaJJî.  Ils  quittent  tout  , 
femmes  ,  enfans  &  leurs  biens.  Ils  vont 
tout  nus  ;  cependant  quelques-uns  cou- 
vrent leur  nudité  avec  une  pièce  d'é- 
toffe.   Ils  fc  frottent  le  corps  ^vec  de  la 


P  E  N  2IJ 

fienre  de  vache.  Pour  demander  à  manger  , 
ils  ne  font  que  tendre  la  main  ,  fans  pro- 
férer une  parole  ;  d'autres  attendent  qu'on 
vienne  leur  apporter  des  alimens  pour  fe 
nourrir.  Ces  Pénitens  pratiquent  quelque- 
fois des  macérations  incroyables  ,  comme 
de  garder  pendant  long-temps  la  même 
pofture.  Les  uns  tiendront  pendant  plu- 
fieurs jours  les  deux  bras  élevés  ;  les  autres 
fe  font  fufpendre  par  les  pies  au-deflus  d'un 
feu  qui  rend  une  fumée  épailîe  ;  d'autres 
fe  tiennent  immobiles  ,  &  font  comme  en' 
extafe,  fans  paroître  s'appercevoir  de  ce 
qui  fe  paflc  autour  d'eux:  en  un  mot,  il 
n'y  a  fortes  d'auftérités  &  de  rigueurs  que 
ces  Pénitens  n'exercent  fur  eux.  Ils  n'en 
ont  d'autre  récompenlè  que  la  vénératbn 
qu'ont  pour  eux  les  Indiens  idolâtres.  Les 
femmes  poufTent  la  leur  jufqu'à  leur  baifcr 
dévotement  les  parties  que  la  pudeur  ne  per- 
met point  dénommer. 

PENITENTIEL  ,  adj.  qui  appartient  à 
la  pénitence.  Les  fept  "^Çe^wmespénitemiaux  j 
les  Canons  pénitentiaux. 

PENITENTIEL, (  T/iéolog.  ) pénitentiale, 
livre  eccléfiaftique  en  ufage  chez  les  Catho- 
liques. C'efl  un  recueil  de  Canons  qui  or- 
donnent le  temps  &  la  manière  de  la  péni- 
tence qu'il  falîcit  impofer  régulièrement  pour 
chaque  péché  ,  &  les  formulaires  des  prières 
dont  on  devoit  fe  fervir  pour  recevoir  ceux 
qui  entroient  en  pénitence  ^  &  pour  ré- 
concilier les  Pénitens  par  une  abfolution 
folemnelle. 

Les  principaux  ouvrages  de  ce  genre  font 
le  pénitentiel  de  Théodore  ,  Archevêque 
de  Cantorbery  ;  celui  du  vénérable  Bede  , 
Prêtre  Anglois  ,  que  quelques-uns  attribuent 
à  Ecbert  ,  Archevêque  d'York  ,  contem- 
porain de  Bede  ;  celui  de  Raban  Maur  , 
Archevêque  de  Mayence  ,  &  le  péniten- 
tiel  romain.  Ces  livres  ,  introduits  depuis  la 
feptieme  fiecle  pour  maintenir  la  difcipline 
de  la  pénitence  en  vigueur  ,  devinrent  très- 
communs  ;  &  la  liberté  que  chacun  fe  don- 
na d'en  faire ,  &  d'y  inférer  des  pénitences 
arbitraires  ,  contribuèrent  à  y  introduire  le 
relâchement  :  auffi  y  en  eut  -  il  plufieurs  de 
cette  dernière  efpece  condamnés  dans  le 
Concile  de  Paris ,  fous  Louis  le  Débonnaire , 
&  dans  divers  autres  Conciles.  Morin.,  de 
panU* 


11^  P  EN 

PENKRIDGE  ,  (  G/cgr.)  ville  d'An- 
gleterre ,  dans  la  province  de  Stafford" , 
lùr  la  petite  rivière  de  Penk.  Elle  eft  fameufe 
dans  le  royaume  par  l'es  foires  de  chevaux  , 
&  finguliérement  de  chevaux  de  felle. 
(D.G.) 

PENN  ACHES  ou  PANACHES  »  f.  m. 
(  Art  Milit.  )  ce  font  des  bouquets  de  plumes 
en  toufîè  ,  qu'on  portoit  autrefois  au  haut  du 
cafque. 

La  mode  dcspennaches  a  toujours  duré 
dans  les  armées  pour  les  Princes  &  pour  les 
Officiers  ,  jufqu'à  l'abolition  des  armures  de 
fer.  Les  plumets  que  les  Offici'crs  mettent  à 
leur  chapeau  font  une  efpece  de  diminutif  des 
jpennaches.  (  Q  ) 

PENNADE  ,  r.  f.  (Lang./ranp.)  vieux 
mot  qu'on  trouve  dans  Nicot  ,  &  qui  paroît 
à-peu-pr^fynonyme  à  ruade;  les  Italiens 
difênt  ,  qu'à  la  bataille  de  Fornoue  le  che- 
val du  Roi  Charles  VIII  fe  déchargea  A 
ruades  &  pennades  des  ennemis  qui  le  pref- 
foient ,  &  qu'il  étoit  perdu  fans  cela.  M. 
le  Duchst  ,  dans  fes  notes  fur  Rabelais  , 
liv.  I  y  ch.  <r;  ,  dit  quç  pennader  ^  dans  le 
langage  du  Languedoc  ,  c'eft  donner  du 
pié.  Voici  les  termes  de  Rabelais  ;  "  Afin 
»?  que  Gargantua  fût  toute  fa  vie  bon  che- 
»  vaucheur  ,  on  lui  fit  un  beau  grand 
n  cheval  de  bois  ,  qu'il  faifoit  pennader  , 
9i  fauter  ,  voltiger  ,  ruer  &  danfer  tout  en- 
9)  femble.  »    {D.  J.) 

PENNAGE  ,  f.  m.  terme  de  Fauconne- 
rie. On  appelle  pennage  tout  ce  qui  cou- 
vre le  corps  de  l'oifeau  de  proie.  Pennage 
blond  ,  roux  ,  noir  ,  baglé  ,  fleuri  ,  turtu- 
rin  ,  cendré  ,  &c.  félon  les  diverfes  couleurs 
que  les  oifeaux  portent  en  leur  robe.  L'oi- 
ièau  a  quatre  fortes  de  pennages  ;  i°.  le 
dupet ,  qui  eit ,  comme  la  chemife  de  l'oifeau , 
proche  fa  chair  ;  2°.  la  plume  menue  ,  qui 
couvre  tout  fon  corps  ;  3®.  les  vanneaux  qui 
font  les  grandes  plumes  de  la  Jointure  des 
ailes  ;  4°.  les  pennes  ^  qui  s'étendent  jufqu'à 
la  penne  du  bout  de  l'aile ,  qu'on  appelle 
cerceau.  (D.  J.  ) 

PENNE  ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eftie  point 
ou  le  coin  d'en-haut  des  voiles  latines  ou  à 
tiers  point.  On  dit  dans  une  galère  ,  faire 
la  penne  y  pour  dire  joindre  la  longueur  de 
fon  antenne  à  la  longueur  de  ion  arbre  ; 
ce  qui  fait  que  la  penns  de  la  voile  répond 


PEN 

au  bâton  de  l'étendard  ;  Se  cela  fait  une 
élévation  ,  où  l'on  fait  monter  un  moulTe 
quand  on  veut  faire  quelque  découverte  , 
comme  le  gabier  monte  au  haut  du  mât  pour 
faire  le  quart. 

Pennes  ,  f.  f.  pi.  (  Lainage  &fil ,  )  Çin- 
xrtmtnt paines  y  pefnes  ,  peinnes  ;  ce  font 
les  bouts  de  laine  ou  de  fil  qui  reftent  atta- 
chés aux  enfubles  ,  lorfque  l'étoffe  ou  la  toile 
efl  levée  de  defîùs  le  métier.  Les  pennes  de 
fil  fervent  à  enfiler  les  chandelles  en  livres. 
l^ts pennes  dtizmt  fe  hachent  &  fe  paflent 
au  tamis  ,  pour  faire  la  tapifîêrie  de  ten- 
ture. {D.J.) 

Penne  ou  Pannes  ,  terme  de  Faucon' 
nerie  ;  on  nomme  ainfi  les  longues  plumes 
des  ailes  ,  pennce  decuftatœ  ;  celles  de  la 
queue  s'appellent  Z'a/ri:.  l.es  pennes  croifées 
font  une  marque  de  la  bonté  de  l'oifeau. 
Toutes  les  pennes  des  ailes  ontleuris  noms , 
une  y  deux  ,  trois  ,  quatre  ,  cinq  ,  les  ra- 
meaux &  le  cerceau  ;  les  pennes  du  balai 
pareillement ,  le  milieu  ,  la  deux  ,  la  trois  , 
6'c.  Les  oifeaux  ont  douze  pennes  à  la 
queue. 

PENNES  ou  Pênes  (  les  ) ,  Geograph. 
Pennœ ,  ancien  village  à  use  lieue  de  la 
Méditerranée  ,  trois  de  Marfeille ,  quatre 
d'Aix,  où  Cybele  étoit  honorée  ,  comme 
le  preuve  un  bas-relief  en  marbre  qu'on  voit 
encore  fur  la  porte  de  l'Eglife  paroiffiale, 
avec  cette  infcription  : 

Matri  Deûm  magnas  ideœ 
Palatina:  ejufque  M.  Religionis 
AdPanonianas  .  .  Januarius . . 

Le  Marquis  de  Pênes  a  fait  faire  ,  à 
grands  frais ,  une  belle  fontaine  ,  avec  cette 
inlcription  : 

Utilitati  communia 
An.  D.zySj  L.  N.  Vento  Miles       ^ 

Marchio  des  Pênes , 
Patrice  procurât,  pro  nob,  ord. 
Addicfus  dirupit  petram  Ù 

Fluxerum  aquœ. 

Le  Sieur  Gombert ,  Curé  ,  aflure  que  ce 
Marquis  eft  plus  le  père  que  le  Seigneur  de 
fes vaffaux.  lia  fait  auffi  ce  diflique; 

Plebsfitiens^gemebundadiu  ,  nuncdeftne 

quœftus  : 
Prcebet  arnica  novi  dexteraMoJis  aguam. 

Ce 


P  E  N 

Ce  bon  Curé  travaille  depuis  qumïîe  ans 
à  un  fiidionnaire  chorographique  ,  hiflori- 
que  «&  littéraire  de  la  Provence.  Ce  projet 
patriotique  mérite  de  l'encouragement  pour 
l'exécution.  On  nous  affure  aufli  que  M. 
Papon  ,  Oratorien  à  Marfeille  ,  travaille  à 
une  Hiftoire  de  Provence.  Ses  talens  con- 
nus font  efpérer  un  bon  ouvrage.  (C) 

PENNINUS,  {Mytholog.)  divinité  gau- 
loife  ,  autrefois  honorée  chez  les  habitans 
des  Alpes  pennines  ;  on  repréfentoit  ce 
dieu  fous  la  figure  d'un  jeune  homme  nu, 
qui  n'avoit  qu'un  œil  au  milieu  du  front , 
&  on  lui  donnoit  l'épithete  de  Deus  opti- 
mus  ,  maximus.  (D.  J.) 

PENNOCRUCIUM  ,^  (  Geogr.  anc.  ) 
ville  d'Angleterre  ,  que  l'itinéraire  d'An- 
tonin  met  entre  Uxacona  &  Etocetum  , 
à  douze  milles  de  l'une  &  de  l'autre  de 
CQs  places  ;  c'efl  aujourd'hui  le  bourg  de 
Pengridge  dans  le  Stafford-Shire ,  environ 
aune  lieue  de  StafFord  ,  du  .côté  du  midi. 
{D.J.) 

PENNON  ,  f.  m.  {An  miUt.)  efpece 
de  bannière  ou  d'étendard  ,  à  longue  queue 
ou  en  pointe  ,  que  portoit  autretois  à  la 
guerre  un  gentilhomme  qui  y  alloit  avec 
içs  valTaux  pour  fervir  fous  les  Cheva- 
liers bannerets  ,  ou  qui  avoient  droit  de 
porter  la  bannière.  Le  pennon  étoit  en 
quelque  forte  le  guidon  du  Chevalier  ban- 
neret.  Le  pennon  difFcroit  principalement 
de  la  bannière ,  en  ce  que  celle-ci  étoit  quar- 
rée  &  que  \e  pennon  fe  terminoit  en  pointe  ; 
mais  pour  faire  du  pennon  une  bannière  , 
il  ne  s'agifl'oit  que  de  lui  couper  la  pointe  ; 
&  c'efl  ce  que  l'on  faifoit  lorique  le  gen- 
tilhomme étoit  autorilé  à  porter  bannière. 
Voye^  BannERET.  (0 

Pennon  ,  on  appelle  ,  en  terme  deBla- 
fon  ,  pennon  généalogique  ,  un  écu  rempli 
de  diverfes  alliances  des  maifons  dont  un 
gentilhomme  eft  defcendu.  Il  doit  com- 
prendre les  armes  du  père  &  de  la  mère  , 
de  l'aïeul  &  de  l'aïeule  ,  du  bifaïeul  & 
de  la  bifaïeule,  &  fert  à  faire  fes  preuves 
de  noblefle. 

Pennon  de  Vêlez  ,  {Géogr.  mod.) 
forteref΀  d'Afrique ,  dans  un  écueil  de  la 
méditerranée  ,  près  de 'la  ville  de  Vêlez. 
Elle  fut  bâtie  en  1508,  par  Dom  Pedre 
de  Navarre  ;  les  Maures  la  prirentea  152,^; 
Tome  XXl^. 


P  E  N  217 

les  Ëfpaghols  la  reprirent  d'aflaut  en  166 a.  , 
&  depuis  ce  temps  elle  leur  efl  demeurée. 
Long,  zj,  zo  ;   li2t.^£y    z^.   {D.J.) 

PENNY,  f.  m. (Afc/2/20/f.)  petite  mon- 
noie  d'argent ,  &  la  plus  petite  de  celles 
qui  fè  frappent  de  ce  métal  en  Angleterre  : 
elle  vaut  fix/'f-i/2>'j- ou  deniers  flerlings.  La 
pièce  de  douze  pennys  s' appelle  fchelling. 
^PENO-ABSOU,  f.  m.  {Baan.exot.) 
c'eil  un  arbre  de  l'Amérique ,  dont  parle 
beaucoup  Thevet  ;  il  a  l'écorce  odorante  ; 
fes  feuilles  reflemblent  à  celles  du  pour- 
pier ;  mais  elles  ibnt  plus  épailTes  ,  plus 
charnues  ,  &  toujours  vertes.  Son  fruit  eft 
de  la  grolîèur  d'un  orange  ;  il  contient  fix 
ou  dix  noix  faites  comme  nos  amandes  , 
mais  plus  larges ,  &  un  petit  noyau  dont 
on  tire  de  Thuile  pour  Papphquer  fur  les 
plaies  ;  cependant  le  fruit  efl  un  vrai  poifon. 

PENCE  A ,  f.  f.  (Hiff.  nat.  Botan)genrt 
de  plante  à  fleur  monopétale  ,  anomale  & 
découpée  profondément  en  plufieurs  par-*^ 
ties  ;  la  pièce  fupérieure  &  celle  d'en-bas 
font  en  forme  de  cuiller  ,  les  autres  pie- 
ces  rcflèmblent  à  un  cœur  ;  le  piffil  fort 
du  calice  ,  &  devient  dans  la  fuit^  un  fruit 
arrondi  ,  applati  &  divifé  en  deux  loges  , 
qui  renferment  une  femence  reflêmblante  à 
une  lentille.  Plumier  ,  Novaplant.  Amert 
gen.  Vevez Plante. 

PENOMBRE,  f.  f.  en  Aflwnomle  y 
lignifie  cette  ombre  faible  qu'on  obferve 
dans  les  éclipfes  avant  l'oblcurcifTement 
total  ,  &  avant  la  lumière  totale.  Ce  mot 
vient  des  mots  latins  pâinè  y  prefque,  & 
umbra  y  omhre.  Voye^  Ombre. 

'La.  pénombre  efl  principalement  fenlîble 
dans  les  éclipfes  de  lune  ,  car  on  voit 
cette  planète  s'obfcurcir  par  degrés  à 
mefure  qu'elle  avance  vers-Li  partie  la  plus 
épaifîe  de  l'ombre  de  la  terre  ;  au  contrai- 
re ,  il  n'y  a  point ,  à  proprement  parler  » 
de  pénombre  dans  les  éclipfes  de  fbleil; 
car  les  parties  du  foleil  qui  fe  cachent  à 
nos  yeux  ,  fe  cachent  &  s'obfcurciflènt 
tout  d'un  coup  &  fans  dégradation.  Cepen- 
dant on  peut  dire  que  les  endroits  de  la  terre 
où  une  éclipfe  de  foleil  n'efl  pas  totale  ,  ont 
la  pénombre  ,  parce  qu'ils  font  en  effet  dans 
l'ombre  par  rapport  à  la  partie  du  foleil  qui 
leur  efl  cachée. 

La  pénombre  vient  de  la  grandeur  du 
Ee 


ai8  P  E  N 

Cirque  in  foleil  ;  car  fi  cet  afîre  n^^toîr 
qu'un  point  lumineux  ,  il  n'y  auroit  qu'une 
ombre  parfaire  (ans  pénombre  ;  mais  comme 
le  foleil  a  un  diamètre  d'une  certaine  gran- 
deur ,  il  arrive  que  dans  les  éclipfes ,  certains 
endroits  reçcîivent  la  lumière  d'une  partie 
de  Ton  dilque  ,  fans  èuQ  éclairés  par  le 
difque  entier. 

Ainii  ,  fuppofons  que  S  foir  le  foleil  , 
{PI.  aflronom.fig.  ^y)  que  T  foit  la  lune  , 
&  que  l'ombre  de  cette  dernière  planète 
foit  projetée  fur  un  plan  ;  l'ombre  vraie  & 
propre  de  la  lune  T ,  favoir  G  H  y  fera 
environnée  d'une  ombre  imparfaite  ou  pé- 
nombre/^/ôc  GE  y  dont  chaque  portion 
eft  éclairée  par  quelque  partie  du  difque 
du  foleil. 

Le  degré  de  lumière  ou  d'obfcurité  efî 
différent  dans  les  différentes  parties  de  la 
pénombre  ,  félon  que  ces  parties  font  éclai- 
rées par  une  partie  plus  ou  moins  grande 
du  foleil.  Ainfi  ,  de  Z  en  /^ ,  &  de  £"  en  G , 
la  lumière  diminue  continuellement  ;  & 
dans  les  confins  G&^,  la  pénombre  fe 
perd  &  fe  confond  avec  l'ombre  même  , 
comme  elle  fe  confond  avec  la  lumière 
parfaite  dans  les  confins  E  &  L. 

Il  doit  y  avoir  de  la  pénombre  dans  tou- 
tes les  éclipfes  ,  foit  de  foleil  ,,foit  de  lune, 
foit  d'autres  planètes ,  premières  ou  fecon- 
daires  :  mais  l'effet  de  la  pénombre  efl  prin- 
cipalement remarquable  dans  les  éclipfes  de 
foleil  ,  pour  les  raifons  que  nous  allons 
rapporter. 

Dans  les  éclipfes  de  lune  ,  la  terre  efl  à 
la  vérité  entourée  par  la  pénombre;  mais 
la  pénombre  ne  nous  efl  fenfible  que  pro- 
che de  l'ombre  totale. 

La  raifon  de  cela  efl ,  que  la  pénombre 
cfl  fort  foible  à  une  diflance  confidéra- 
ble  de  l'ombre  ;  &  comme  la  lune  n'a  pas 
par  elle-même  une  lumière  auffi  vive  à 
Beaucoup  près  que  celle  du  foleil,  la  dimi- 
nution que  fon  entrée  dans  la  pénombre 
caufe  à  fa  lumière  ,  ne  devient  fenfible  que 
quand  la  pénombre  commence  à  être  forte. 
Âuffi  ,  rien  n'efl-il  plus  difficile  que  de 
déterminer  dans  les  éclipfes  le  moment  où 
la  lune  entre  dans  la  pénombre ,  ce  mo- 
ment devant  être  nécefîàireraent  incertain  , 
i&  par  conféquent  différent  pour  chaque 
^àahxssxmr,.  L'eiièt  de  la  pénombre ,  dans. 


P  E  N 

les  éclîpfes  de  lune,  efî  fî,peu  confidéra- 
ble  ,  que  la  lune  n'efl  point  ctniéz  éclip- 
iée  toutes  les  fois  qu'elle  tombe  dans  la 
pénombre.  Une  autre  difficulté  qui  empê- 
che de  reconnojtre  l'inflanr  de  l'entrée  dans 
la  pénombre  ,  c'eft  que  la  face  de  la  lune  , 
même  lorlqu'elle  eft  entrée  tout-à-fait  dans 
l'ombre  ,  n'efl  pas  entièrement  obfcurcie  , 
&  efl  couverte  d'une  lumière  rougeatre  qui 
empêche  de  la  perdre  entiérem.ent  de  vue. 
Mais  un  Aflronome  qui  feroit  placé  fur 
la  lune  dans  le  temps  d'une  éclipfe  de  lune  , 
verroit  alors  le  foleil  éclipfé ,  &  com- 
menceroit  à  voir  une  petite  partie  de  fon. 
dilque  couverte  fîrôt  qu'il  entreroit  dans 
la  pénombre  :.  ainfi  il  détermineroit  beau- 
coup plus  exactement  l'inflant  de  l'entrée 
de  la  lune  dans  la  pénombre  ,  que  ne  pour- 
roit  faire  un  obfervateur  placé  lur  la  terre. 

Ainfi  ,  l'œil  placé  en  /ou  en  i^ ,  verroit 
feulement  le  demi-diaraetre  du  foleil ,  le 
reffe  étant  caché  parla  lune.  Si  l'œil  avan^ 
çoit  de  /  vers  H ,,  il  verroit  continuelle- 
ment une  moindre  partie  du  foleil ,  julqu'à 
ce  qu'enfin  arrivé  dans  l'ombre  parfaite  ,  ii 
cefîeroit  toralemcnt  de  voir  cet  aflre.. 

C'efl  pour  une  femblable  raifon  que  nous 
avons  des  éclipfes  de  foleil  ,  quoique  l'om- 
bre de  la  lune  ne  touche  pas  la  terre  ,, 
pourvu  que  la  pénombre  feulement  l'atrei- 
gne  ;  &  e'efî  delà  que  vient  la  différence 
que  Ton  obfcrve  dans  \q5  éclipfes  de  foleil ,. 
félon  que  la  partie  cachée  par  la  pénom- 
bre eft  plus  ou  moins  grande,  au  heu  que 
les  éclipfes  de  lune  paroiffent  les  mêmcs- 
dans  tous  les  endroits  où  elles  font  vifibies. 

Quand  l'ombre  totale  parvient  jufqu'à 
la  terre  ,  on  dit  alors  que  l'éclipfe  du  foleil 
efl  totale  ou  centrale  ;  quand  il  n'y  a  que- 
la  pénombre  qui  touche  à  la  terre  ,  Péclipfe 
efl  partiale..  Fby^:^  ECLIPSE. 

La  pénombre  s'étend  à  l'infini  en  lon- 
gueur ,  parce  qu'à  chaque  point  du  dia- 
mètre du  foleil,  il  répand  un  efpace  infini 
en  longueur,  &  qui  eft  privé  de  la  lumière 
de  ce  point,  mais  non  delà  lumière  de  tous 
les  autres.  Les  deux  extrémités  outranchans 
de  la  pénombre,  font  formés  pardeux rayons 
rires  des  deux  extrémités  du  diamètre  de  la. 
t^rrt ,  &  qui  font  divergens  :.par  conféquenr 
la  pénombre  augmente  continuellement  eji. 
largeur  ,,&  efl.  aufli  infinie  en  ce  fens.  Tout 


P  E  N 

cet  efpace  infini  efl  la  pénomtre  ,  Ci  on  en 
excepte  le  triangle  d'ombre  qu'elle  ren- 
ferme. 

Cet  efpace  a  la  figure  d'un  trapefe,  dont 
un  des  côtés  efl  le  diamètre  de  la  terre  ;  le 
côté  oppofé  ,  parallèle  au  diamètre  de  la 
terre ,  eil  une  ligne  infinie  ,  c'eft-à-dire  ,  la 
largeur  de  la  pénombre  projetée  à  l'infini ,  & 
les  deux  autres  côtés  font  deux  rayons  tirés 
des  extrémités  du  diamètre  de  la  terre  ,  aux 
extrémités  du  diamètre  du  foleil ,  &  qui 
avant  que  d'arriver  au  foleil  ,  fe  croifent  en 
un  certain  point ,  où  ils  font  un  angle  égal 
au  diamètre  apparent  du  foleil  ;  cet  angle 
peut  être  appelle  angle  de  la  pénombre. 

La  pénombre  efl  d'autant  plus  grande 
que  cet  angle  ,  c'efi-à-dire  ,  que  le  diamè- 
tre apparent  de  l'aftre  efi  plus  grand  ,  la 
planète  demeurant  la  même  ;  &  fi  le  dia- 
mètre de  la  planète  augmente  ,  l'aftre 
demeurant  le  même  ,  la  pénombre  aug- 
mente. 

M.  de  la  Hire  a  examiné  les  difFérens 
degrés  d'obfcurité  de  la  pénombre  ,  &  les 
^  repréfentés  géométriquement  par  les  or- 
données d'une  courbe  ,  qui  font  entr'elles 
tomme  les  parties  du  difque  du  foleil  qui 
|||j^^lairent  un  corps  placé  dans  la  pénombre. 

Voilà  pour  aipfi  dire  l'abrégé  de  la  théo- 
rie géométrique  de  la  pénombre  ;  cette 
théorie  peut  s'appliquer  non-feulement  aux 
planètes  éclairées  du  foleil ,  mais  à  tout 
corps  opaque  éclairé  par  un  lumineux. 
Au  refle  ,  il  efè  bon  de  remarquer  que 
l'expérience  difîere  ici  de  la  théorie  à 
beaucoup  d'égards  :  les  ombres  d'un  corps 
&:  leur  pénombre  ,  telles  qu'on  les  obferve , 
ne  fuivent  point  les  loix  qu'elles  paroîtroient 
devoir  fuivre  ,  en  confidérant  la  chofe  ma- 
thématiquement. M.  Maraldi  ,  dans  les 
Mémoires  de  V Académie  de  /  72,  j  ,  nous 
a  donné  un  recueil  d'expériences  fur  ce  fujet, 
&  un  détail  des  bizarreries  fingulieres ,  aux- 
quelles l'ombre  &  la  pénombre  des  corps 
font  fujettes.  On  trouvera  à  Van.  OmbRE  . 
un  précis  de  ces  expériences.  (O) 

PENORCON  ,  {Luth)  efpece  de  pan- 
dore dont  on  le  fervoit  au  XVII  fiecle. 
Le  corps  du  penorcon  eft  plus  large  que 
celui  de  la  pandore  ,  de  même  que  le  man- 
che ,  qui  Fell  afîez  pour  porter  neuf  rangs 
de  cordes ,  ou  dix-huit  cordes  accordées 


P  E  N  11^ 

deux  à  deux  à  l'uniffon.  Le  penorcon  efî 
un  peu  plus  court  que  la  pandore.  (F* 
D.C.) 

_  PENRITH,  [Géogr.  mod)  ou  Panrethy 
ville  à  marché  d'Angleterre  ,  dans  le  Comté 
de  Cumberland ,  près  de  la  rivière  d'Eden  , 
qui  la  fépare  du  Weftmorland.  Elle  envoie 
deux  députés  au  Parlement  ,  &  efl  à  2141 
milles  S.  O.  de  Londres.  Long,  i  z  p  ^o  ; 
ladt.  50  j  z  o.  {D.  /.) 

PENSÉE,  f  f  (Métaphyfiq.)  opération, 
perception  y  fenfation  ,  confcience  ^  idée  , 
notion  ,  femblent  être  tous  des  termes 
fynonymes ,  du  moins  à  des  efprits  fuper- 
ficiels  &  pai-effeux,  qui  les  emploient  indif- 
féremment dans  leur  façon  de  s'expliquer  ; 
mais  comme  il  n'y  a  point  de  mots  abfo- 
lument  fynonymes ,  &  qu'ils  ne  le  font 
tout  au  plus  que  par  la  reffemblance  que 
produit  en  eux  l'idée  générale  qui  leur  efl 
commune  à  tous  ,  je  vais  exadement  mar- 
quer leur  différence  délicate  ,  c'efl-à-dire  , 
la  manière  dont  chacun  diverfifie  une  idée 
principale,  par  l'idée  accefîoire  qui  luiconf^ 
titue  un  caradere  propre  &  fingulier.  Cette 
idée  principale  que  tous  ces  mots  dont  je 
viens  de  parler  énoncent ,  efl  la  penfée  ; 
&  \qs  idées  acceffoires  qui  les  diflinguent 
tous  ,  enforte  qu'ils  ne  font  point  parfai- 
tement fynonymes  ,  en  font  les  diverfes 
nuances.  On  peut  donc  regarder  le  mot 
penfée  comme  celui  qui  exprime  toutes  les 
opérations  de  rame.Ainfi,j'appellerai/7e/z//(î 
tout  ce  que  l'ame  éprouve  ,  foit  par  des 
impreffions  étrangères  ,  foit  par  l'ufage 
qu'elle  fait  de  fa  réilexion.  Opération  ,  la, 
penfée  entant  qu'elle  efl  propre  à  produire 
quelque  changement  dans  l'ame  ,  &  par  ce- 
moyen  à  l'éclairer  &  à  la  guider»  Percep-^ 
tion  y  l'imprefiion  qui  fé  produit  en  nous, 
à  la  prélence  des  objets.  Senfation  ,  cette 
même  impreiîion  ,  entant  qu'elle  vient  par: 
les  lens.  Confcience  y  la  connoiffance  qu'on, 
en  prend.  Idée  ,  la  connoiffance  qu'on  eii: 
prend  comme  image.  'Notion  y  toute  idée 
qui  efl  notre  propre  ouvrage.  On  ne  peut, 
prendre  indiâTéremment  f  un  pour  l'autre  , 
qu'autant  qu'on  n'a  befoin  que  de  l'idée  prin- 
cipale qu'ils  lignifient.  On  peut  appeller  les. 
idées  limples  indifféremment  perceptions 
ou  idées  ;  mais  on  ne  doit  pas  les  appeller 
notions ,  parce  qu'elles  ne  font  pas  i'ou-. 
Ee  2 


îio  P  E  N 

vrage  de  l'efprit.  On  ne  doit  pas  dire  la 
notion  du  blanc  y  mais  la  perception  du 
hlanc.  Les  notions  à  leur  tour  peuvent  être 
coniidcrées  comme  images  ;  on  peut  par 
conféquentleur  donner  le  nom  à^ idées ^m-êi\5 
^zvadàs  (Zt\u\  aie  perceptions  :  ce  feroit  faire 
entendre  qu'elles  ne  font  pas  notre  ouvrage. 
On  peut  dire  la  notion  de  la  hardiejje  , 
&  non  la  perception  de  la  hardiej/e  ;  ou  , 
û  l'on  veut  faire  ufage  de  ce  terme ,  il 
faut  dire,  les  perceptions  qui  compofent  la 
notion  de  la  hardiejfe. 

Une  ehofe  qu'il  faut  encore  remarquer 
fur  les  mots  à^idée  &  de  notion  ,  c'efl  que 
le  premier  fignifiant  une  perception  confl- 
dérée  comme  image  ,  &  le  fécond  une 
idée  que  l'efprit  a  lui-même  formée ,  les 
idées  &  les  notions  ne  peuvent  appartenir 
qu'aux  êtres  qui  font  capables  de  réflexion. 
Quant  aux  bêtes  ,  fi  tant  eft  qu'elles  pen- 
fent  &  qu'elles  ne  foient  point  de  purs 
automates ,  elles  n'ont  que  des  fcnfations 
&  des  perceptions  ;  &  ce  qui  n'efî:  pour 
elles  qu'une  perception  ,  dévient  idée  à  notre 
ëgard  y  par  la  réflexion  que  nous  faifons  que 
cette  perception  repréfente  quelque  chofe. 
J/'oye^  tous  ces  mots  chacun  d  fon  article. 

Pensée,  Sentiment,  Opinion  , 
(  Synon.  Gram.  )  Ils  font  tous  les  trois 
d'uîàge  lorfqu'il  ne  s'agit  que  de  la  fimple 
énonciation  de  fes  idées  :  en  ce  fens  ,  le 
fentiment  eft  le  plus  certain;  c'efl:  une 
croyance  qu'on  a  par  des  raifons  ou  (bli- 
<îes ,  ou  apparentes.  U opinion  efl:  la  plus 
douteufe  ;  c'efl  un  jugement  qu'on  fait  avec 
«quelque  tondement.  La  perîfée  efl  moins 
fixe  &  moins  aflurée  ,  elle  jrent  de  la  con- 
jéâuîe.  On  dit  rejeter  &  -foutenir  wn  fen- 
timent ,  attaquer  &  défendre  une  opinion  y 
cicfapprouver  &  juflifier  une  penfe'e. 

Le  mot  de  fentiment  efl  plus  propre  en 
fait  de  goût  ;  c'efl  un  fentiment  général 
qu'Homère  efl  un  excellent  Poëte.  Le  mot 
^''opinion  convient  mieux  en  fait  defcience  : 
Vopinion  commune  efl  que  le  foleil  efl  au 
centre  du  rtïonde.  Le  mot  de  penfe'e  fe  dit 
plus  particulièrement ,  lorfqu'il  s'agit  de 
juger  des  événeraens  èts  chofes  ou  des 
aâions  àts  homm.es  ;  la  penfe'e  de  quel- 
ques politiques  efl,  que  le  Mofcovite  trou- 
veroit  mieux  fes  vrais  avantages  du  côté 
^  l'Afie  que  de  l'Europe^ 


P  E  N 

Les  fentimens  font  un  peu  foumîs  à 
l'influence  du  cœur  ;  il  n'eft  pas  rare  de 
les  voir  conformes  à  ceux  des  perfonnes 
qu'on  aime.  Les  opinions  doivent  beau- 
coup à  la  prévention  ;  il  efl  d'ordinaire  aux 
écoliers  de  tenir  celles  de  leurs  maîtres.  Les 
penfées  tiennent  aflez  de  l'imagination  ;  on 
en  a  fouvent  de  chimériques.  Synonymes 
françois.  {D.  /.) 

Pensée  ,  {Art  orat.  )  La  penfe'e  en 
général  efl  la  reprélentation  de  quelque 
chofe  dans  l'efprit ,  &  l'expreflion  efl  la 
repréfentation  dé  la  penfe'e  par  la  parole. 

hes  penfées  doivent  être  confidérées  dans 
l'art  oratoire  comme  ayant  deux  fortes  de 
qualités  :  les  unes  font  appellées  logiques  , 
parce  que  c'efl  la  raifon  &  le  bon  fens  qui 
les  exigent  ;  les  autres  font  des  qualités  de 
goût ,  parce  que  c'efl  le  goût  qui  en  dé- 
cide. Celles-là  font  la  fubflance  du  difcours  , 
celles-ci  en  fontraffaifonnement. 

La  première  qualité  logique  eiTentielIe 
de  la  penfée ,  c'efl  qu'elle  foit  vraie  ,  c'efl- 
à-dire  ,  qu'elle  repréfente  la  chofe  telle 
qu'elle  efl.  A  cette  première  qualité  tient 
la  jufleflc.  Une  penfée  parfaitement  vraie  , 
efl  jufle.  Cependant  l'ufage  met  quelque 
diflérence  entre  la  vérité  &  la  juflefle  dft  ^«1^ 
la  penfée  :  la  vérité  lignifie  plus  précisé- 
ment la  conformité  de  la  penfée  avec  l'ob- 
jet ;  la  juflefle  marque  plus  expreflement 
l'étendue.  \.^  penfée  ei\.  àonc  vraie  quand 
elle"  repréfente  l'objet  ;  &  elle  efl  jufle  , 
quand  elle  n'a  ni  plus  ,  ni  moins  d'éten- 
due que  lui. 

La  leconde  qualité  efl  la  clarté.  Peut- 
être  même  efl-ce  la  première  ;  car  une 
penfée  qui  n'eft  pas  claire  n'efl  pas  pro- 
prement -une penfée.  La  clarté  çonfifle  dans 
la  vue  nette  &  diflinéte  de  l'objet  qu'on  fe 
repréfente  ,  &  qu'on  voit  fans  nuage  ,  fans 
oblcuriré  :  c'efl  ce  qui  rend  la  penfée 
nette.  On  le  voit  féparé  de  tous  les  autres 
objets  qui  l'environnent  :  c'efl  ce  qui  la  rend 
diflinde.        , 

La  première  chofe  qu'on  doit  faire^j  quand 
il  s'agit  de  rendre  une  penfée  y  efl  donc  de 
la  bien  reconnoître  ;  de  la  démêler  d'avec 
tout  ce  qui  n'efl  point  elle  ;  d'en  faifir  les 
contours  &  les  parties.  C'efl  à  quoi  fe 
réduifent  les  qualités  logiques  àts  penfées  ;  • 
mais  pour  plaire  ,  ce  n'eit  pas  alîêz  d'êtr* 


P  EN 

fans  défaut  ,  il  faut  avoir  des  grâces;  & 
c'efl  le  goût  qui  les  donne.  Ainfi  tout  ce 
que  les  penfées  peuvent  avoir  d'agrément 
dans  un  difcours  ,  vient  de  leur  choix  & 
de  leur  arrangement.  Toutes  les  règles  de 
l'élocution  fe  réduifent  à  ces  deux  points  , 
choiiir  &  arranger.  Etendons  ces  idées 
d'après  l'auteur  des  principes  de  la  Lirré- 
rdture  ;  on  en  trouvera  les  détails  infîradifs. 

Dès  qu'un  fujet  quelconque  efl  propofé 
à  l'efprit  ,  la  face  fous  laquelle  il  s'annonce 
produit  fur  le  champ  quelques  idées,  Si 
l'on  en  confidere  une  autre  face  ,  ce  font 
encore  d'autres  idées  ;  on  pénètre  dans  l'in- 
térieur ;  ce  font  toujours  de  nouveaux  biejas. 
Chaque  mouvement  de  l'efprit  fait  éclore 
de  nouveaux  germes  :  voilà  la  terre  cou- 
verte d'une  riche  moiffon.  Mais  dans  cette 
foule  de  productions  ,  tout  n'eil  pas  le 
bon  grain. 

Il  y  a  de  ces  penfées  qui  ne  font  que 
êits  lueurs  faufles  ,  qui  n'ont  rien  de  réel  , 
fur  quoi  elles  s'appuient.  Il  y  en  a  d'inu- 


propofe  de  rendre 

aulïi  claires  que  l'eau  ,  &  auffi  infîpides.  Il 
y  en  a  de  baifes ,  qui  font  au-defTous  de 
la  dignité  du  iLijet.  Il  y  en  a  de  gigantel- 
ques  qui  font  au-defîus  :  toutes  produâions 
qui  doivent  être  mifes  au  rebut. 

Parmi  celles  qui  doivent  être  employées , 
s'offrent  d'abord  les  penfées  communes  , 
qui  fe  préfentent  à  tout  homme  de  fens 
droit ,  &  qui  paroiflTcnt  naître  du  fujet  fans 
nul  efîort.  C'eft  la  couleur  foncière  ,  Je 
tifîu  de  l'étoffe.  Enfuite  viennent  les  pen- 
fées qui  portent  en  loi  quelque  agrément  , 
comme  la  vivacité  ,  la  force  ,  la  richefîè  , 
la  hardieffe  ,  le  gracieux  y  la  fineffe ,  la 
nobleflé  ,  èv.  car  nous  ne  prétendons  pas 
faire  ici  l'énumération  complète  dt  tou- 
tes les  efpeces  de  penfées  qui  ont  de  l'a- 
grément. 

La  penfée  vive  efl  -celle  qui  repréfente 
fon  objet  clairement ,  &  en  peu  de  traits. 
Elle  frappe  l'efprit  par  fa  clarté ,  &  le 
frappe  vite  par  fa  brièveté.  C'eff  un  trait 
de  lumière.  Si  les  idées  arrivent  lentement, 
&  par  une  longue  fuite  de  lignes  ,  la  fè- 
couffe  momentanée  ne  peut  avoir  lieu.  Ainfi 
quand  on  dit  à  Médée  :  Que  vous  refle 


PEN  211 

moi  :  voilà  l'éclair.  Il  en  efl  de  même  du 
mot  d'Horace  ,  qu^il  mourut. 

La  penfée  forte  n'a  pas  le  même  éclat 
que  la  penfée  vive  ,  mais  elle  s'imprime 
plus  profondément  dans  l'efprit  ;  elle  y 
trace  l'objet  avec  des  couleurs  foncées  ; 
elle  s'y  grave  en  caraderes  ineffaçables. 
M,  Boffuet  admire  les  pyramides  des  Rois 
d'Egypte  ,  ces  édifices  faits  pour  braver  la 
mort  &  le  temps  ;  &  par  tin  retour  de 
fcntiment  ,  il  obferve  que  ce  font  des 
tombeaux  :  cette  penfée  efî  forte.  La  beauté 
s'envole  avec  la  jeunejfe  ;  l'idée  du  vol 
peint  fortement  la  rapidité  de  la  fuite. 

La  penfée  hardie  a  des  traits  &  des 
couleurs  extraordinaires  ,  quiparoiflènt  for- 
tir  de  la  règle.  Quand  Defpréaux  ofa  écrire  : 
le  chagrin  monte  en  croupe  &  galope  avec 
lui  ,  il  eut  befoin  d'être  raffuré  par  des 
exemples  ,  &  par  l'approbation  de  fesamis. 
Qu'on  fe  repréfente  le  chagrin  affis  der- 
rière le  cavalier  ,  la  métaphore  efl  hardie  ; 
mais  qu'on  foutienne  la  penfée   en  faifant 


ur  quoi  elles  s  appuient,  il  y  en  a 

tiles  ,   qui  n'ont  nul  trait  à  l'objet  qu'on  fe    galoper  ce  perfonnage  allégorique ,  c'étoit 
e.   Il  y  en  a  de  triviales  *  s'expofer  à  la  cenibre. 


l-il  contre  tant  d'ennemis  ?  Elle  répond  ,  I  fes  coups. 


On  fent  afîez  ce  que  c'efl  que  la  pen- 
fée brillante  ;  fon  éclat  vient  le  plus  fou- 
vent  du  choc  des  idées  : 

Qu* à  fon  gré  déformais  la  Fortune  me 

joue  y 
On  me  verra  dormir  au  branle  de  fa 

rouei 

«  Les  fccoufîês  de  la  fortune  renverfènt 
w  \qs  Empires  les  plus  affermis  ,  &  elles 
»   ne  font  que  bercer  le  Philolophe  »> 

XJidée  riche  efl  celle  qui  prélènte  à-Ia- 
fois  ,  non-feulement  l'objet ,  mais  la  ma- 
nière d'être  de  l'objet  ,  mais  d'autres  objets 
voifins  ,  pour  faire  ,  par  la  réunion  àts 
idées  ,  une  plus  grande  imprefiîon.  Prends 
ta  foudre  :  le  feul  mot  foudre  nous  peint 
un  dieu  irrité  ,  qui  va  attaquer  fon  ennemi 
&  le  réduire  en  poudre. 

Et  la   fcene  franfoife  efi   en  proie   à 
Pradon. 

Quel  homme  que  ce  Pradon  »  ou  pIutAt 
quel  animal  féroce ,  qui  déchire  impitoya- 
blement la  fcene  françoife  !  elle  expire  Ibus 


22i  P    E    N 

1.9.  peu  f£e  fine  ne  repréfente  l'objet  qu'en 
partie ,  pour  laifTer  le  refle  à  deviner.  On 
en  voit  l'exemple  dans  cette  épigramrae  de 
M.  de  Maucroix. 

Ami  y  je  vois  beaucoup  de  bien 
%     Dans  le  parti  qu'on  me  propofe  ; 
Mais  toutefois  ne  prejfons  rien  : 
Prendre  femme  efl  étrange  chofe  , 
On  doit  y  penfer  mûrement. 
Gens  fages  ,  en  qui  je  méfie  , 
M'ont  dit  que  c' efl  fait  prudemment 
Que  d'y  penfer  toute  fa  vie. 

Quelquefois  elle  repréfente  un  objet  pour 
un  autre  objet.  Celui  qu'on  veut  préfenter 
fe  cache  derrière  l'autre  :  comme  quand 
on  offre  l'idée  d'un  livre  chez  l'épicier. 

La  penfe'e  poétique  ,  efl  celle  qui  n'efl 
d'ufage  que  dans  la  Poéfie ,  parce  qu'en 
profe  elle  auroit  trop  d'éclat  &  trop  d'ap- 
pareil. 

La  penfée  naïve  fort  d'elle-même  du 
fujet ,  &  vient  fe  préfenter  à  l'efprit  fans 
être  demandée. 

Un  boucher  moribond  voyant  fa  femme 

en  pleurs , 

Lui  dit  :  ma  femme  )  fi  je  meurs  ) 
Comme  en  notre  métier  un  homme  tfl 

néceffaire  , 
Jacques  ,  notre  garçon ,  feroit  bien  ton 

affaire  ; 
C'efi  un  fort  bon   enfant  ,  fage  y    & 

que  ru  connois  ; 
Epoufe-le  ,    crois-moi  ^    tu  ne  faurois 

mieux  faire. 

Hélas  y  dit-elle  ^  fy  fongeois. 

Il  y  a  des  penfées  qui  fè  caraâérifènt 
par  la  nature  même  de  l'objet.  On  les  ap- 
pelle penfées  nobles ,  grandes  ,  fubli-mes  , 
gracieufes  ,  trifles  ,  Ùc.  félon  que  leur 
objet  efl  noble  ,  grand  ,  S'c. 

Il  y  a  encore  une  autre  efpece  de  pen- 
fées ,  qui  en  porte  le  nom  par  excellence , 
fans  être  défignée  par  aucune  quaHté  qui 
leur  foit  propre.  Ce  font  ordinairement  des 
réflexions  de  l'auteur  même  ,  enchâfTées 
avec  art  dans  le  flijet  qu'il  traite.  Quelque- 
fois c'efl  une  maxime  de  morale  ,  de  po- 
litique :  Rien  ne  touche  les  peuples  comme 


P  E  N 

la  bonté  i  d'autres  fois  c'efl  une  image  vîve. 
Trois  guerriers  (les  Horaces)  portoient  en 
eux  tout  le  courage  des  Romains. 

A  toutes  ces  efpeces  de  penfées  répon- 
dent autant  de  fortes  d'expreflions.  De 
même  qu'il  y  a  des  penfées  communes  ,  & 
des  penfées  accompagnées  d'agrément  ,  il 
y  a  aufli  des  termes  propres  &  fans  agré- 
ment marqué ,  &  àts  termes  empruntés  , 
qui  ont  la  plupart  un  caradere  de  vivacité  , 
deritheffe  ,  ÇiC.  pour  repréfenter  les  pen- 
fées qui  font  dans  le  même  genre  ;  car 
l'exprefiion  ,  pour  être  jufle  ,  doit  être 
ordinairement  dans  le  même  goût  que  la 
penfée. 

Je  dis  ordinairement ,  parce  qu'il  peut 
fe  faire  qu'il  y  ait  dans  l'exprefiion  un  ca- 
radere qui  ne  fe  trouve  point  dans  la  pen-- 
fée.  Par  exemple  ,  Texpreffion  peut  être 
fine  ,  fans  que  la  penfée  le  foit.  Quand 
Hyppolite  dit  en  parlant  d' Aricie  :  Si  je  la. 
hdiffois  y  je  ne  lafuiroispas  :  la  penfée 
n'efl  pas  fine  ,  mais  l'exprefiion  l'efl ,  parce 
Qu'elle  n'exprime  \n  penfée  qu'à  demi.  De 
même  l'expreffion  peut  être  hardie,  fans  que 
la  penfée  le  foit  ,  &  la  penfée  peut  l'être 
fans  l'exprefiion  :  il  en  efl  de  même  de  la 
noblefîe  ,  &  de  prefque  toutes  les  autres 
qualités. 

Ce  qui  produit  entr'elles  cette  différence  » 
efl  la  diverfité  des  règles  de  la  nature  , 
&  de  celles  de  l'art  en  ce  point.  Il  feroit 
naturel  que  l'exprefiion  eût  le  même  ca- 
radere que  la  penfée ,  mais  l'art  a  fès  rai- 
fons  pour  en  ufer  autrement.  Quelquefois 
par  la-  force  de  l'exprefiion  ,  on  donne  du 
corps  à  une  idée  foible  ;  quelquefois  par 
la  douceur  de  l'une  on  tem.pere  la  dureté 
de  l'autre  :  un  récit  efl  long  ,  on  l'abrège 
par  la  richefïè  des  exprefllons  :  un  objet 
efl  vil  ,  on  le  couvre  ,  on  l'habille  de  ma- 
nière à  le  rendre  décent  :  il  en  efl  ainfi 
des  autres  cas. 

Enfin  ,  fi  quelqu'un  me  demandoit  quel 
efl  le  choix  qu'on  doit  faire  des  penfées 
dans  l'élocution  ,  je  lui  répondrois  que  c'efl 
tout  enfemble  le  génie  &  le  goût  qui  peu- 
vent l'en  inflruire.  L'un  lui  fuggérera  \qs 
htWts  penfées  j  l'autre  les  placera  dans  leur 
ordre  ;  parce  que  le  goût  &  le  jugement 
n'adoptent  que  ce  qui  peut  prendre  la  teinte 
du  fujet ,  &  faire  un  même  corps-  avec  le 


P  E  N 

ïcfîe.   T^t  Chevalier  DE   Jaucourt. 

Pensée  ,  {Critiq.  facrée .)  Ce  terme  ne 
îignifie  pas  toujours  la  fimple  opération  de 
refprit  qui  penfe  ;  l'Ecriture  l'emploie  quel- 
quefois pour  un  deflein  ,  un  projet ,  une 
entreprilè.  In  illâ  die  peribunt  omnes  co- 
gitationes  eorum  y  Pf.  cxlv.  4 ,  leur  mort 
clans  ce  jour  même  rompra  tous  leurs  pro- 
jets. Neme  ai  enere  potefi  cogitationes  iju.sj 
Job.  xxiij  y  13  i  perfonne  ne  peut  em- 
pêcher les  defleins  de  Dieu.  Ce  mot  veut 
dire  encore  le  loin  qu'on  a  de  quelqu'un. 
Cogi ratio  illorum  apud  AltiJJlmiim  ;  Sap. 
r.  t6 f  le  Très-Haut  a  loin  d^s  jufles. 
Il  fe  prend  pour  doute  ,  fcrupule.  Quidco- 
gitationes  afcendunt  in  corda  veflra  ,*  Luc  y 
xxiv  y  z8.  Enfin  ,  il  fe  prend  pour  rai- 
fonnement  :  Ei'anuerunt  in  cogitationibus 
fuis  y  dit  faint  Paul  aux  Romains  ,  ;  ,  xxj  y 
en  parlant  des  Philofophes  Païens.  Ils  fe 
font  égarés  dans  leurs  vains  raifonnemens , 
c'eft-r.-dire  ,  qu'ils  ont  été  entraînés  à  l'ido- 
lâtrie par  de  faux  raifonnemens  ;  car  idole 
dans  les  Septante  eft  appellée  fJtctTahv  ,  & 
fàint  Paul  dit  kuctT'AiàSivAy  (Z).  .7.) 

Pensée  ,  en  Peinture  y  ell  une  légère 
efquilîe  de  ce  qui  s'efl  préfenté  à  l'imagi- 
nation ,  fur  un  fujet  qu'on  le  propole  d'exé- 
cuter. Ce  terme  diffère  de  celui  d'efquijje  y 
en  ce  que  la  penfe'e  n'eft  jamais  une  chofè 
digérée  ,  au  lieu  qu'une  efquifle  ,  quoique 
projet  d'ouvrage  ,  ne  diffère  quelquefois  de 
la  perfection  de  l'ouvrage  même  ,  que  parce 
qu'elle  eli  en  plus  petit  volume  ;  penfée 
n'a  pas  la  même  lignification  que  croquis. 
On  dit ,  j'ai  fait  un  croquis  de  la  penfée 
de  tel ,  mais  on  ne  dit  point  y  j'^i  fait  une 
penfée  de  \a  penfée  de  tel. 
\  Pensée,  herba  Trinitatis  y  {  Jardi- 
nage ,  )  eft  une  petite  fleur  qui,  comme 
la  violette  ,  a  trois  couleurs.  Ses  tiges 
rampantes  ,  garnies  de  feuilles  prcfque  ron- 
des ,  fe  partagent  en  rameaux  qui  produi- 
fent  des  fleurs  compofées  de  cinq  feuilles , 
Icfquelles  portent  un  calice  partagé  en  cinq 
parties  de  trois  couleurs  blanches  ou  jaunes , 
purpurines,  &  bleues.  Il  vient  après  ces 
fleurs  une  coque  qui  renferme  des  femen^- 
ces  qu'on  feme  fur  couche.  On  les  trans- 
plante dans  des  plates-bandes  le  long  àts 
rerralTes  ,  &  on  en  forme  les  malïls  &  les 
coquilles  des  grands  parterres.  Sa  culture. 


PEN  223 

clî  des  plus  ordinaires  :  elle  fleurit  au  prin- 
temps. 

Pensée  ,  couleur  de  ,  (  Teinture  ,  ) 
efpece  de  violet  tirant  fur  le  pourpre. 

PENSER,  SONGER,  RÊVER, 
(  Gramm.  &  Synon.  )  Voye^  Particle 
Pensée.  On  penfe  tranquillement  &  avec 
ordre  pour  connoître  fon  objet;  on Jonge 
avec  plus  d'inquiétude  &  fans  fuite  ,  pour 
parvetiir  à  ce  qu'on  fouhaite  ;  on  rêve  d'une 
manière  abflraite  &  profonde  ,  pour  s'occu- 
per agréablement.  Le  Poète  dramatique 
penfe  à  l'arrangement  de  fa  pièce.  L'hom- 
me ,  embarralTé  d'alFaires  ,  fonge  aux  expé- 
diens  pour  en  fortir.  L'amant  Iblitaire  rh'e 
à  fès  amours.  Girard.  (D.  J.) 

PENSHURST  ,  (  Géogr.  mod.  )  petit 
bourg  d'Angleterre  ,  dans  la  province  de 
Kent  ;  mais  ce  bourg  a  été  bien  illullré  le 
29  Novembre  1554  par  la  naillancc  de 
Sidney  (  Philippe  )  profond  politique  , 
Philofophefage,&  grand  homme  de  guerre. 
Favori  d'Eliiabeth ,  il  fut  couronné  des 
myrtes  des  amans ,  du  laurier  des  guer- 
riers ,  &  de  la  palme  des  Poètes. 

Il  fe  trouva  à  Paris  le  24  Août  1572  , 
jour  du  maffacre  de  la  faint  Barthélemi ,  & 
cette  horrible  boucherie  lui  rendit  odieufe 
la  religion  romaine.  En  1579»  ^^  préfenta 
à  la  reine  Elifabeth  un  mémoire  plein  de 
force  contre  Ion  mariage  avec  le  Duc 
d'Anjou  ;  &  ce  mémoire  a  été  imprimé 
dans  la  Cabala.. 

En  1582,  cette  Princelîe  le  fit  Cheva- • 
lier.  En  15^5  >  il  forma  avec  François 
Drake  le  projet  d'enlever  l'Amérique  aux 
Efpagnols  ;  mais  quelque  bien  concertée 
&  dirigée  à  tous  égards  que  fut  cette  en- 
treprife ,  on  en  tira  plus  de  profit  que  de 
gloire.  La  reine  elle-même  ,  par  tendrelïè 
pour  Sidney  ,  mit  oblbcle  à  fon  embarque- 
ment ,  &  le  nomma  gouverneur  de  Flel- 
fingue. 

Le  Chevalier  "Robert  Naunton  afllireque 
le  bruit  de  fon  grand  mérite  le  mit  ilr 
les  rangs  pour  la  couronne  de  Pologne  , 
mais  que  la  Reine  ne  voulut  point  l'ap- 
puyer ,  pour  ne  pas  perdre  le  premier  hom- 
me de  fon  temps.  Il  fut  blefle  à  mort  au 
combat  de  Zutphen  ,  le  22  Septembre  1 586, 
&  fon  corps^  fut  enterré  à  Londres  dan:; 
la  cathédrale'  de.  faint  Paul.  Le  Chevalier 


114  P  E  N 

Grévil  lord  Brookés  a  fait  fa  vie  ,  dont  ]c. 
ne  tirerai  qu'un  feul  trait. 

Il  y  rapporte  que  le  Chevalier  Sidney 
ayant  eu  la  cuiiTe  caflee  d'un  coup  de 
moufquet  ,  le  cheval  qu'il  montoit  tout  en 
fureur  l'obligea  à  quitter  le  champ  de 
bataille  ,  mais  qu'il  ne  laifla  pas  de  fe 
tenir  defîus  ,  comme  fur  le  brancard  le  plus 
convenable  pour  porter  un  homme  de  guer- 
re à  Ton  tombeau.  Dans  cet  état  il  pafTa 
auprès  du  refle  de  l'armée  que  Ton  oncle 
commandoit ,  &  la  perte  du  fang  l'ayant 
altéré,  il  demanda  à  boire  ;  on  lui  en  donna 
fur  le  champ  ;  mais  comme  il  portoit  la 
bouteille  à  la  bouche  ,  il  vit  un  pauvre 
foldat  qui  avoit  eu  le  même  fort  que  lui , 
&  qui  regardoit  la  bouteille  avec  avidité  : 
le  chevalier  qui  s'en  apperçut ,  lui  remit 
la  bouteille  avant  que  d'en  boire  lui-mê- 
me ,  en  lui  difant ,  "  bois  le  premier  ,  tu 
»  en  as  plus  befoin  que  moi  ;  »>  &  enfuite 
il  fit  raifon  à  ce  foldat.  «  Aimez  ma  mé- 
»  moire  ,  dit-il  à  fon  frère  immédiatement 
»  avant  que  de  mourir ,  chérifTez  mes  amis, 
»  &  contemplez  en  ma  perfonne  ce  que 
yy  c'efl  que  le  monde  avec  toutes  Cqs  vanités. 

Son  Roman  Philofophique  intitule  YAr- 
çadie  j  a  été  imprimé  très-fouvent  à  Lon- 
dres ,  &  traduit  dans  toutes  les  langues. 
Le  but  de  l'auteur ,  dans  les  caraderes  & 
les  fidions  de  ce  Roman  ingénieux ,  a  été 
de  rendre  fenfibles  par  des  exemples  les 
préceptes  arides  de  la  philofophie.  Par  rap- 
port aux  fujets ,  il  a  dépeint  les  diverfes 
lïtuations  de  faveur  &  de  difgrace ,  de  prof- 
périté  &:  d'adverlité ,  en  un  mot,  tout  ce 
qui  entre  dans  le  cours  de  la  vie  privée  , 
foit  en  bien  ,  foit  en  mal.  Outre  fon  ^r- 
cadie  ,  il  a  fait  d'autres  ouvrages  poétiques, 
mais  qui  n'ont  pas  eu  le  même  iùccès.  Il 
avoit  traduit  lespfeaumes  en  vers  Anglois  , 
&  ce  manufcrit  fe  trouvoit  dans  la  biblio- 
thèque de  la  Comtefle  de  Pembroke  fa 
fœur.  {D.  J.) 

PENSION,  ff.  {Jurifprud.)  fignifie 
en  général  une  certaine  rétribution  qui  fe 
paie  en  retour  de  quelque  chofe  que  l'on 
a  reçu. 

On  entend  quelquefois  par  le  terme  de 
penjîons  ,  les  cens  &  fervis  dus  au  Seigneur 
parle  tenancier,  quelquefois  les  fermages  dus 
par  l'emphytéotç  ou  fermier  au  propriétaire. 


P  E  N 

Le  terme  de  penfjon  fe  prend  auflî  poiTf 
le  falaire  que  l'on  paie  à  quelqu'un  pour 
fa  nourriture  ,  entretien  ,  éducation  ,  & 
autres  preflations. 

On  appelle  auffi  perron  ,  ce  qui  efî 
donné  ou  légué  à  quelqu'un  pour  fa  fub- 
fifîance. 

Penjïon  viagère  ,  eft  celle  qui  eft  donnée 
à  quelqu'un  fa  vie  durant  feulement. 

On  peut  ,  en  certains  cas  ,  réferver  une 
penfion  fur  un  bénéfice.  Voye\  VanicU 
fuivant.  {A) 

Pension  ecclésiastique,  ou  fur 

un  bénéfice ,  eft  une  portion  des  fruits  & 
du  revenu  d'un  bénéfice  ,  affignée  par  l'au- 
torité du  Pape  ,  &  pour  caufe  légitime  » 
à  un  autre  que  le  titulaire  du  bénéfice. 

On  peut  rélèrver  à  titre  de  penfion 
une  certaine  quantité  de  fruits  en  nature  9 
comme  tant  de  feptiers  de  grain ,  tant  de 
muids  de  vin  ;  mais  cette  portion  ne  doit 
pas  être  affignée  par  quotité  ,  comme  du 
tiers  ou  du  quart  ;  ce  ièrolt  une  efpece  de 
fedion  du  bénéfice  ,  laquelle  efl:  prohibée 
par  les  canons.  La  penfion  doit  être  d'une 
certaine  forame  d'argent ,  ou  d'une  cer- 
taine quantité  de  fruits;  &  en  l'un  & 
l'autre  cas  ,  elle  ne  doit  pas  excéder  le 
tiers  des  revenus. 

Il  faut  même  que  la  penfion  payée  ,  il 
refte  encore  au  titulaire  la  fomme  de  300 
livres  ,  franche  de  toute  charge  ,  fans  com- 
prendre dans  ces  300  livres  ,  le  cafuel  & 
le  creux  de  l'Eglife ,  qui  appartiennent  au 
curé  ,  ni  les  diftributions  manuelles  ,  fi  c'efl 
un  canonicat.  Telles  font  les  dilpofitions 
de  l'Edit  du  mois  de  Juin  1671. 

L'ulàge  des  penfions  eccléfiafiiques  efl 
fort  ancien  ,  puifque  dans  le  concile  de 
Chalcédoine  ,  tenu  en  4')  i ,  Maxime  ,  Evê- 
que  d'Antioche  ,  pria  l'afTemblée  d'affigner 
à  Domnus  fon  prédéceffeur  ,  une  certaine 
portion  des  revenus  de  fon  Eglife  pour  fa 
fubfiflance  ;  la  fixation  en  fut  laifTée  à 
Maxime. 

L'Evêque  d'Ephefe  fut  aufïî  obligé  de 
payer  chaque  année  ,  deux  cents  écus  d'or 
à  deux  Eveques  auxquels  il  avoit  été  fub- 
rogé. 

Mais  pendant  long-temps  ,  les  penfions 
ne  s'accordèrent  que  difficilement ,  &  pour 
des  çonfidérations  fort  importantes. 

Pqwç 


P  E  N 

Pour  pouvoir  pofTéder  une  penjîon  fur 
un  bénénce ,  il  faut  être  au  moins  clerc, 
tonfuré  ,  &  avoir  Vâg€  de  fept  ans. 

Les  laïcs  ne  peuvent  jouir  de  telles  pen- 
fions  \  on  excepte  néanmoins  les  cheva- 
liers de  faint  Lazare ,  iefquels  quoique  laïcs , 
&  même  mariés  ,  peuvent  pofieder  des 
f  enflons  eccUfiaJiiques  ,  mcme  jufqu'à  la 
valeur  de  500  ducats  ,  de  la  chambre 
apoftolique  y  mais  ils  perdent  ce  privilège , 
lor(qu*ils  convolent  en  troifiemes  noces. 

Le  concile  d*Aix  tenu  en  ijSj"  ,  déclare 
fimonisques  routes  penfions  fur  bénéfices  , 
lorfqu'elîes  ne  font  pas  autorifécs  par  le 
pape  ,  lequel  peut  feul  créer  des  penfions. 
Les  fignatures  de  cour  de  Rome  ,  pour 
la  création  ou  Tcxtinétion  d'une  penjion  , 
&  les  procurations  pour  y  confentir,  doi- 
vent être  indnuées  dans  trois  mois  au  greffe 
des  infinuations  eccléfiaftiqucs  du  diôcefe 
où  les  bénéfices  font  fitués. 

Les  Evêques  ni  leurs  grands-vicaires  , 
n'ont  pas  le  pouvoir  de  créer  des  penfions. 
L'Evêque  de  Tournay  a  cependant  été 
maintenu  dans  le  droit  de  poiîeinon  de 
créer  àcs  penfions  réelles  fur  les  cures  & 
autres  bénéfices  de  fon  diocefe  ,  pourvu 
qu'il  y  ait  jufte  caufe  de  le  faire. 

Les  caufes  légitimes  admifes  en  France 
pour  la  création  des /je/z/io/z^  font, 

i®.  Pour  que  le  réhgnant  ne  fbuffrepas 
un  préjudice  notable. 

z°.  Pour  le  bien  de  la  paix  ,  c'eft-à- 
dire  ,  dans  le  cas  d'un  bénéfice  en  litige  , 
mais  il  faut  que  ce  foit  fans  fraude. 

3°.  Dans  le  cas  de  permutation ,  pour 
compenfer  l'inégalité  des  bénéfices. 

4°.  Lorfqu'on  donne  un  coadjuteur  à  un 
bénéficier  infirme. 

Il  y  a  néanmoins  une  autre  efpcce  de 
penfion  ,  que  l'on  appelle  penfion  fans  caufe , 
pour  la  validité  de  laquelle  il  faut  obtenir 
d'abord  un  brevet  du  roi ,  &  le  faire  en- 
régiflrer  du  confentement  du  Bénéficier  fur 
lequel  la  penfion  eft  allignée  ;  enfuite  fe 
pourvoir  à  Rome  ,  pour  y  fiire  admettre 
la  penfion  ,  en  payant  le  droit  de  compo- 
nende. 

Les  bénéfices  qui  font  à  la  collation  du 
roi  ,  ne  peuvent  être  chargés  de  penfions  , 
jfi  ce  n'efl  en  vertu  d'un  brevet  du  roi ,  ou 
autres  lettres  émanées  de  lui. 
Tome  XXK 


PEN  125 

Anciennement  lorfque  le  roi  pendant  la 
régale ,  admettoit  une  réfignation  en  faveur 
faite  entre  fes  mains,  fouslaréferve  d'une 
penfion  ,  on  n'avoit  pas  befoin  de  fe  pour- 
voir à  Rome ,  pour  faire  autorifer  c|;ttepe/z- 
fion  :  mais  le  garde  des  fceaux  du  Vair  in- 
troduifitPufage  de  renvoyer  à  Rome ,  pour 
fiire  créer  &  autorifer  la  penfion.  Le  pape 
n'admet  point  la  penfion  ,  à  moins  que  l'on 
ne  fafle  une  nouvelle  réfignation  entre  (es 
mains  ;  mais  pour  ne  pas  préjudicier  à  la 
provifion  du  roi ,  on  met  dans  la  procu- 
ration ad  refignandum  ,  que  c'eft  à  l'effet 
de  faire  créer  la  penfion  en  cour  de  Rome  ; 
&  néanmoins  U  penfion  a  lieu  du  jour  du 
brevet  du  roi ,  lorfque  cela  efl  ainfî  porté 
par  le  brevet. 

On  ne  peut  créer  une  penfion  au  profit 
d'un  tiers  ,  qui  n'a  aucun  droit  au  béné- 
fice ,  fî  ce  n'eft  du  confentement  du  roi  ; 
ce  qui  ne  fe  pratique  ordinairement  que  fur 
des  bénéfices  confifloriaux  ,  &  quand  la 
penfion  eft  créée  dans  un  temps  poftérieur  ; 
à  l'admifïion  de  la  nomination  ;  en  ce  cas , 
il  faut  payer  à  la  chambre  apoftolique  un 
droit  de  componendc. 

En  France  on  peut  ,  du  confentement 
du  roi ,  &  de  l'autorité  du  pape  ,  réfèr- 
ver  au  lieu  de  penfion  fur  les  bénéfices 
confifloriaux ,  la  collation  des  bénéfices  qui 
en  dépendent. 

En  réfervant  une  penfion ,  on  ne  peut 
pas  flipulcr  qu'elle  ceffera  d'être  payée  lorf^ 
que  le  réfignant  aura  fait  avoir  au  rcfigna- 
taire  un  bénéfice  de  valeur  égale  à  la  pen^ 
fion. 

Le  collateur  ni  le  patron  ,  ne  peuvent 
pas  fe  réferver  une  penfion  fur  le  bénéfice 
qu'ils  donnent. 

Il  n'eft  pas  permis  non  plus  de  réfer- 
ver une  penfion  fur  un  bénéfice  dont  on 
fe  démet  pour  caufe  d'incompatibilité,  fur- 
tout  lorfque  le  bénéfice  que  l'on  garde  eft 
fuffifant  pour  la  fubfiflance  du  titulaire. 

Une;,  penfion  ne  peut  être  permutée  con- 
tre un  bénéfice  ;  ôc  en  cas  de  permuta- 
tion d'un  bénéfice  contre  un  autre  ,  on  ne 
peut  rélèrver  de  penfion  que  fur  le  béné- 
nce qui  fe  permute. 

Les  deux    permutans    ne   peuvent  pas 
créer  une  penfion ,  dont  la  joui{ïance  ne  doit 
commencer  qu'au  profit  du  furvivant. 
Ff 


# 


11^  P  E  N 

Mais  quand  le  bénéfice  eft  déjà  chargé 
d'une  penjîon  tdle  qu'il  la  peut  fupporter  , 
le  ré  lignant  peut  fe  réferver  une  penjîon  àe 
même  valeur ,  à  condition  qu'elle  ne  fera 
payable  qu'après  l'extindion  de  la  pre- 
mière. 

Un  bénéfice  peut  être  chargé  d'une  dou- 
ble penjîon  ,  pourvu  que  les  deux  penjions 
jointes  enfemble  n'excèdent  pas  le  tiers  du 
revenu  ,  non  compris  le  cafuel  Se  les  au- 
tres obventions. 

Il  y  auroit  fubreption  ,  Ci  l'on  n'expri- 
moit  pas  la  première  pf^yio/z  dont  le  béné- 
fice eft  chargé  ,  ou  lî  celui  qui  a  déjà 
une  penjîon  fur  un  autre  bénéfice  ,  ne  le 
déclaroit  pas. 

Lorfque  celui  qui  a  une  penjîon  fur  un 
prieuré  dépendant  d'une  abbaye  ,  eft;  en- 
liiite  pourvu  de  cette  abbaye ,  il  ne  con- 
ferve  plus  la  p.njîon  qu'il  avoir. 

On  ne  peut  pas  rélerver  de  penjîon  fur 
une  command crie  de  l'ordre  de  Malte  ou 
de  celui  de  faint  Lazare  ,  parce  que  ces 
commanderics  ne  font  pas  des  bénéfices. 

Il  en  eft  de  même  des  hôpitaux  ,  à  moins 
qu'ils  ne  foicnt  érigés  en  titre  de  bénéfice. 

Les  bénéfices  en  patronage  laïc  ne  peu- 
vent pas  non  plus  être  grevés  de  penfon  , 
fî  ce  n'eft  du  confentement  du  patron  laïc  ; 
&c  Cl  c'eft  un  patronage  mixte  ,  &  que  le 
bénéfice  vienne  à  vaquer  dans  le  tour  du 
patron  laïc  ,  la  penfion  demeure  éteinte. 

Les  penfions  ne  peuvent  pas  être  tranf- 
férées  d'une  perfonne  à  une  autre  ,  même 
du  confentement  des  parties  intérelTées. 

Le  pape  ne  peut  pas  admettre  la  ré- 
iîgnation  &  rejeter  la  penfion  j  car  l^axie 
ne  fe  divife  pas.. 

On  peut  inférer  dans  le  refcrit  de  Rome , 
que  la  penjicn  fera  payée  franche  &  quitte 
de  décimes  ,  de  de  toutes  les  autres  charges 
ordinaires ,  à  l'exception  du  don  gratuit  ,  à 
la  contributîbn  duquel  on  ne  peut  déroger 
par  aucune  claufe  ;  mais  les  curés  qui  ont 
îéfigné  fous  penjîon  après  quinze  ^innées 
de  (érvice  ,  ou  même  plutôt  à  caufe  de 
quelque  notable  infirmité  ,  font  ordinaire- 
ment déchargés  des  décimes  ,  par  les  con- 
trats paftes  entre  le  roi  &  le  clergé  5  & 
même  en  général  tous  pendonnaires  ne 
font  point  taxés  pour  les  décimes  ordinai- 
iiç§  ^  anciennes  j  mais  on  les  fait  contri- 


P  E  N 

buer  aux  dons  gratuits  à  proportion  de  leurs 
penjîcns. 

On  peut  donner  une  caution  pour  le 
paiement  de  la  penjîon  ;  cependant  au 
grand-confeil  on  n'admet  point  les  ftipu- 
lations  des  cautions. 

Qviand  la  penjîon  excède  le  tiers  des  re- 
venus du  bénéfice  ,  elle  eft  réductible  ad 
legitimum  mcdum.  Le  gfand-confeil  ex- 
cepte les  penjîcns  ré(ervées  fur  les  béné- 
fices qui  font  à  la  nomination  du  roi ,  lef- 
quelles,  fuivant  la  jurifprudence  de  ce  tri- 
bunal ,  ne  font  réductibles  qu'au  cas  feu- 
lement où  il  ne  refteroit  pas  au  titulaire 
de  quoi  foutenir  la  dignité  de  fes  fonctions. 

Le  réfignataire  d'un  bénéfice  fimple  à 
charge  de  penjîon,  Se  celui  quilui  fuccede 
par  réfignation ,  en  faveur  ou  permutation , 
ne  peuvent  pas  demander  la  rédud:ion  de 
la  penfion  ;  mais  le  pourvu  per  obitum  , 
le  peut  faire  ;  Se  même  fi  c'eft  une  cure 
ou  autre  bénéfice  à.  réfidence  ,  le  réfigna- 
taire lui-même  peut  demander  la  réduc- 
tion de  la  penfon  au  tiers  ;  ou  quand  elle 
n'excéderoit  pas  le  tiers ,  il  peut  encore 
la  faire  réduire  ,  s'il  ne  lui  refte  pas  300 
livres  ,  les  charges  payées. 

Les  penfions  font  auffi  fu jettes  à  dimi- 
nution ,  pour  les  mêm.e«  caufes  pour  lef- 
quelles  on  accorde  une  diminution  au  fer- 
mier ;  mais  cette  diminution  momentanée 
cefie  quand  la  caufe  a  ceflc. 

Dans  le  cas  d'union  du  bénéfice  ,  la 
penfion  qui  eft  créée  ,  n'eft  pas  réduc- 
tible. 

La  minorité  du  bénéficier  qui  s'eft  chargé 
de  payer  la  penfion  ,  n'eft  pas  un  moyen 
de  reftitution. 

Enfin  ,  quelque  exceflîveque  Coiilz pen- 
fion ,  cela  ne  rend  pas  la  réfi'gnation  nulle. 

Une  penfion  ne  peut  être  vendue  5  il  y 
auroit  fimonie. 

Il  n'eft  pas  permis  de  ftipuler  que  le 
réfignant  rentrera  dans  fon  bénéfice  ,  faute 
de  paiement  de  \ipenfi.on.  Cependant,  à 
défaut  du  paiement ,  le  réfignant  peut  ufer 
du  regrès,  qu'en  appelle  regrh  de  droit  ; 
Se  pour  cet  effet  ,  il  doit  obtenir  fentence. 

Quand  le  regrcs  n'eft  pas  admJs  ,  on, 
adjuge  quelquefois  une  penfion  alimentaire 
au  rcfignsnt  ,  m.ais  différente  de  c.el^p  qui 
avait  été  ftijulée. 


P  E  N 

Les  penjions  s'éreigncMC  par  la  mort  du 
penfionnaire  ,  ou  par  fbn  mariage  ,  par  (à 
profeiïlon  religieufe  ,  &  par  les  autres cau- 
ies  qui  font  vaquer  le  binéface  de  plein 
droit ,  enfin  ,  par  le  rachir  de  la  penjion  j 
ce  qui  ne  fe  peut  faire  qu'eit  veftu  d'un 
concordat  autorifë  par  le  pape,  f'oyei^ 
Gigas  ,  de  penjion.  eccléjiajî.  quxfi.  8.  Pin- 
fbn  ,  de  penf,  RcbufFe ,  fur  le  concordat  ; 
Chopin  ,  de  facr.  polit.  Fevret  ,  hs  loix 
eccléjîajîiques  j  Fuet  ,  Drapier  ,  &  les 
mets  BÉNÉFICE  ,  Regrés  ,  Résigna- 
tion. (A) 

Pension  ,  (  Lktérat.  )  l'ufage  des  (bu- 
verains  d'accorder  des  récompenfes  pour 
des  fervices  importans  ,  ou  même  fans  au- 
cun fervice ,  eft  fort  ancien  dans  le  monde, 
il  n'y  a  que  la  manière  de  gratifier  qui 
ait  varié.  Les  rois  d'Orient  ,  au  lieu  de 
penjîons ,  donnoient  des  villes  &:  des  pro- 
vinces qui  dévoient  tout  fournir  pour  l'en- 
tretien de  ceux  qui  en  étoient  gratifiés. 
Les  tributs  même  que  les  rois  exigeoient 
des  villes  Se  des  provinces ,  avoient  cha- 
cun leur  deftination  particulière.  Une  telle 
province  payoit  tant  pour  le  vin ,  une 
autre  tant  pour  la  viande  ;  celle-là  tant 
pour  les  menus  plaifirs ,  &  celle-ci  tant 
pour  la  garde-robe.  Dans  les  provinces 
deftinées  à  fournir  la  garde  -  robe  d'une 
femme  ,  l'une  étoit  pour  fa  ceinture  ,  l'au- 
tre pour  fon  voile  ,  l'autre  pour  des  ha- 
bits }  &  chacune  de  ces  provinces  por- 
toit  le  nom  des  parures  qu'elle  fournif- 
fbit.  Artaxercès  donna  à  Thémiftocle  Mag- 
néfie  fur  le  Méandre  ,  pour  (on  pain.  Thu- 
cydide prétend  que  ce  capitaine  grec  en  ti- 
roit  cinquante  talens ,  c'eft-à-dire  au  moins 
cinquante  mille  écus.  Lampfaque  ,  le  plus 
beau  vignoble  d'Afie  ,  étoit  pour  fon  vin  ; 
&  Myonte  ,  fi  fertile  en  pâturages  &  en 
poillbn  ,  lui  fut  donnée  pour  fa  table.  Mais 
une  chofe  remarquable ,  c'eft  que  du  temps 
de  Plutarque ,  les  dcfcendans  de  Thémii- 
tocle  jouiflbient  encore  par  la  faveur  du 
roi  de  Perfe  ,  des  prérogatives  accordées 
à  Thémiftocle  même  ,  il  y  avoit  près  de 
fix  cents  ans.  (£)./.) 

PENSIONNAIRE  ,  f.  m.  {Hifi^.  mod.  ) 
le  dit  d'*une perfonne  quia  une  penfion ,  un 
appointcment ,  ou  une  fomme  annuelle  , 
payable  fa  vie  durant  à  titre  de  reconnoif- 


P  E  M 


i? 


/ànce  ,  mi/e  fur  Pétat  d'un  prince  ou  d\ine 
compagnie  ,  fur  les  biei>sd'un  p'uticuiier  , 
ou  autres  (èmblabîes  ,^<i/. 

Dan?  l'églifè  romaine /'il  eft  fort  ordi- 
naire de  mectre/des  penfions  fur  des  béné- 
fices :  on  les  accordoit  autrefois  avec  la 
plus  grande  facilité,  fous  pretfcxte  d'infir- 
mités ,  de  pauvreté,  ùc.  îvlais  depuis  le 
douzième  fiecle  ,  ces  prétextes  avoient  été 
portés  fi  loin  ,  que  les  titulaires  des  bé- 
néfices étoient  un  peu  plus  que  des  fermiers. 
Cela  détermina  les  puiflluices  fpirituelles  à 
fixer  les  caufes  &  le  nombre  des  penfions. 
Il  n'y  a  prélenrement  que  le  pape  qui  puifiè 
créer  des  penfions  ;  elles  ne  doivent  jamais 
excéder  le  tiers  du  revenu  ,  étant  arrêté 
qu'il  doit  toujours  en  refter  les  deux  tiers  au 
titulaire. 

La  penfion  une  fois  établie  ,  fubfifte  pen- 
dant toute  la  vie  du  penjîonnaire  ,  quoique 
le  bénéfice  pafie  à  un  autre  :  faute  de  payer 
la  penfion  pendant  plufieurs  années ,  le  ré- 
fignant  peut  demander  à  rentrer  dans  le  bé- 
néfice. La  penfion  fe  perd  par  les  mêmes 
voies  que  le  bénéfice  ,  par  le  mariage- ,  par 
l'irrégularité  ,  par  le  crime  j  mais  elle  peut 
être  rachetée  par  une  fomme  d'argent  , 
pourvu  qu'elle  ne  ferve  pas  de  titre  clérical 
au  psnfionnaire  ,  6c  qu'elle  ait  été  créée  de 
bonne  foi  fans  aucune  paction  fimoniaque. 
Fleury  ,  injîitut.  au  droit  eccléjiajîique  , 
tome  I, 

Penjîonnaire  ,  eft  audî  un  nom  que  l'on 
donne  au  premier  miniftre  des  états  de  la 
province  d'Hollande.  J^oye^  États. 

Le  penfionnaire  eft  préfident  dans  les 
afïèmblées  des  états  de  cette  province  ;  il 
propofe  les  matières  fur  lefquelles  ou  doit 
délibérer  j  il  recueille  les  voix  ,  forme  Se 
prononce  les  réfolutions  ou  décifions  des 
états  ,  ouvre  les  lettres ,  confère  avec  les 
miniftres  étrangers ,  &c. 

Il  eft  chargé  d'avoir  l'infjJeéiion  des  fi- 
nances ,  de  maintenir  ou  de  défendre  les 
droits  de  la  province  ,  de  foutenir  l'auto- 
rité des  états  ,  &  d'avoir  l'œil  à  l'obferva- 
tion  des  loix  ,  &c.  pour  le  bien  ou  la  prof- 
périté  de  l'état.  Il  aftifte  à  l'afiemblée  des 
conseillers  députés  de  la  province  ,  il  re- 
préfente  la  ibuveraineté  en  l'abfence  des 
états  ;  &  il  eft  un  député  perpétuel  des 
états  généraux  des  Provinces  -  unies.  Sa 
®  Ff  2 


2i8  P  E  N 

commlffion  n'eft  que  pour  cinq  ans  :  après 
quoi  ,  on  délibère  s'il  fera  renouvelle  ou 
non.  Il  n'y  a  point  d'exemple  ,  à  la  vérité  , 
qu'il  ait  été  révoqué  ;  la  mort  eft  la  feule 
caufe  qui  met  un  terme  aux  fon6tions  im- 
portantes de  ce  miîiiftre  :  on  l'appelloit  au- 
trefois avocat  de  la  province.  Le  titre  de 
penfionnaire  ne  lui  fut  donné  que  du  temps 
que  Barnevclt  fut  élevé  à  cette  charge.  Gro- 
tius  Pappelle  en  latin  Adfejfor  juris-perims  ; 
Mercula,  advocatus  gencralis  ;  Matihaeus  , 
profefleur  en  Leyde  ,  conjîliarius  penjlo- 
narius  >  qui  eft  la  qualité  que  les  états  lui 
donnent  dans  les  ades  publics. 

Penfionnaire  ,  fe  dit  aulTî  du  premier 
miniftre  de  la  régence  de  chaque  ville  dans 
la  province  de  Hollande.  V.   PROViNfcH. 

Sa  charge  coniifte  à  donner  fon  avis  fur 
les  matières  qui  ont  rapport  -au  gouverne- 
ment ,  foit  de  la  ville  en  particulier  ,  oude 
Tétat  en  général  ;  de  dans  les  aflemblees  des 
états  des  provinces ,  il  parle  en  faveur  de 
fà  ville  en  particulier. 

Néanmoins  la  fondion  de  ces  penfion- 
naires  n  eft  pas  égale  par-tout.  Dans  quel- 
ques villes  ils  donnent  feulement  leurs  avis  , 
&  ils  ne  fe  trouvent  jamais  aux  aftemblées 
des  magiftrats ,  à  moins  qu'ils  n'y  foient 
expreifément  appelles  j  dans  d'autres ,  ils  s'y 
trouvent  toujours  ;  &  dans  d'autres ,  ils  font 
même  des  propofitions  de  la  part  des  bour- 
guemeftres ,  ^i  rirent  leurs  concluions.  On 
les  appelle  pcnfionnaîres  ,  à  cau(e  qu'ils 
reçoivent  des  appointemens  ou  une  penfion. 

Gentilshommes  penfionnaîres ,  c'eft  un€ 
compagnie  de  gentilshommes ,  dont  la 
charge  confifte  à  garder  le  roi  dans  fa  pro- 
pre maifon  i  c'eft  dans  cette  vue ,  qu'ils  font 
cxpeAans  dans  la  chambre  de  préfence. 

Henri  VII  eft  le  premier  qui  les  ait  mis 
fur  pié  ;  ils  font  quarante  :  chacun  d'eux  eft 
obligé  d'entretenir  trois  chevaux  qui  portent 
en  croupe  ,  &  un  valet  qui  doit  être  armé  j 
de  forte  qu'à  proprement  parler,  ilscompo- 
fent  un  corps-de-gardc  ;  c'eft  pourquoi  ils 
doivent  paftèr  en  revue  devant  leurs  propres 
officiers  j  mais  le  toi  les  difpenfe  ordinaire- 
ment de  ce  devoir ,  auquel  ils  fe  font  obligés 
par  ferment.  Leurs  Officiers  font  un  capi- 
taine 5  un  lieutenant ,  un  enfeigne  ,  &  un 
clerc  de  contrôle  •-,  leurs*armes  ordinaires 
ibm  la  Uaclve  d'aimes  doiée  ,  avec  laquelle 


P  E  N 

ils  accompagnent  le  roi  ,  quand  il  va  à  la 
chapelle  royale  ,  ou  lorfqu'il  en  revient.  Ils 
le  reçoivent  dans  la  chambre  de  préfence  , 
ou  quand  il  fort  de  (on  appartement  privé  , 
de  même  que  dans  toutes  les  grandes  folem- 
nités.  Leur  penfion  eft  de  cewt  livres  fterlings 
par  an. 

PENSILVANIE  ,  (  Géog.  mod.)  pro- 
vince de  l'Amérique  feptcntrionale  ,  bor- 
née au  nord  par  le  pays  des  Iroquois  i  à  l'O- 
rient par  le  nouveau  Jerfey  j  au  midi  par  le 
Mariland,  &  à  l'Occident  par  le  pays  des 
Oniaionrkes ,  ou  fi  vous  voulez  ,  par  le  Ca- 
nada. Elle  s'étend  depuis  le  quarantième 
jusqu'au  quarante-deuzieme  degré  de  lati- 
tude ;  &  la  largeur  eft  à-  peu-près  égale  ,. 
fe  trouvant  comprife  entre  le  2.94*^.  50  & 
le  3©!^.  de  long, 

Charles  II ,  roi  d'Angleterre  ,  gratifia  de 
cette  province  en  1 68 1 ,  Guillaume  Pen  de  la 
feéîe  des  Quakers ,  homme  d'un  rare  mé« 
rite  5  &  qui  a  donné  ion  nom  à  cette  pro- 
vince. L'air  y  eft  doux  &  pur.  Le  terroir  y 
eft  généralement  bon.  Il  produit  des  fruits 
de  toute  cfpece  ,  du  froment ,  de  l'orge  >. 
de  l'avoine  ,  du  feigle ,  des  pois  ,  des  fè- 
ves ,  toutes  fortes  de  racines ,  du  gibier ,  ùc^ 
Les  oifeaux  domeftiques  font  les  coqs 
d'Inde ,  les  faifans ,  les  pigeons ,  les  per- 
drix j  &c.  On  y  trouve  auffi  beaucoup  d'oi- 
feaux  {àiivages  ,  comme  cygnes  ,  oies  grifes. 
&  blanches ,  canards  &  autres.  La  terre  e(È 
arroice  de  diverlcs  fources  &  de  rivières  , 
qui  abondent  en  poifibn ,  comme  eftur» 
geons,  alofcs ,  anguilles  ,  fi^c. 

Les  Anglois  occupent  dans  cette  pro- 
vince fix  contrées  qu'ils  nomment  Chejîer,. 
Buckingham  ,  Newcajïle  ,  Kentfiiffex  y 
&  Philadelphie  ,  qui  eft  la  capitale.  L'inté- 
rieur du  pays  eft  habité  par  quelques  na- 
tions d'Indiens ,  qu'on  dit  être  au  nombre 
d'environ  fix  mille  âmes  >  ce  font  ces  gens- 
là  que  l'illuftre  Pen  a  gagnés  par  fes  bien- 
faits. Ces  Indiens  font  grands  ,  bien  propor- 
tionnés ,  hofpitaliers  ,  èc  d'une  probité  qui 
leur  eft  aulîi  naturelle  que  la  bravoure  chez: 
les  Spartiates ,  &  M.  Pen  eft  un  fécond  Ly- 
Gurgue  :  **  Quoiqu'il  ait  eu  la  paix  pour  objet,^ 
j,  comme  Lycurgue  a  eu  la  guerre  ,  ils; 
yy  fe  reffemblent  dans  la  voie  finguliere  où  ils 
,,  ont  mis  leur  peuple  ,  dans  l'afcendant 
„  qu'ils  ont  eu  fur  de?  homoies  libres  >  daiîs. 


P  E  N 

»>  les  préjugés  qu'ils  ont  vaincus  ,  dans  les  ' 
w  paffions  qu'ils  ont  foumifes.  »  (£)./.) 

PENSUM  ,  r.  m.  (  Littérat.  )  Penfum 
étoit  proprement  une  certaine  quantité  de 
laine  qu  on  donnoit  chaque  jour  aux  fileufes 
pour  leur  tâche  j  on  la  pefoit,  &:k'eft  delà 
qu'on  l'a  nommée  pp/z/îym  ,  môrqu'on  ade- 
puis  étendu  fur  ce  qui  eftimpofé  comme  un 
travail  réglé  &  ordinaire. 

PENTACHORDE ,  f.  m.  (  Mufiquedes 
anciens ^XyxQ  compoféede  cinqcordes,  dont 
PoUux  attribue  l'invention  aux  Scythes.  On 
avoit  fur  cet  inftrument  la  confonnance  de 
la  quinte  ,  outre  celle  de  la  tierce  &  de  la 
quarte  que  donnoit  déjà  la  rétracorde.  Il  eft 
dit  du  muficien  Phrynis ,  que  de  fa  lyre  à 
cinq  cordes  il  tiroit  douze  fortes  d'harmo- 
nies :  ce  qui  ne  peut  s'entendre  que  de  douze 
chants  ou  modulations  différentes ,  &  nul- 
lement de  douze  accords ,  puifqu'il  eft  ma- 
nifefte  que  cinq  cordes  n'en  peuvent  former 
que  quatre ,  la  deuxième  ,  la  tierce  /  la 
quarte  &  la  quinte,  d'où  l'on  peut  tirer  une 
preuve  que  ce  mot  harmonie  ,  le  prend 
prefque  toujours  parmi  les  Grecs  pour  la 
iimple  modulation ,  le  fimple  chant,  {a) 

PENTACLE,  f.  m.  {Magie.)  c'eft  le 
nom  que  la  magie  des  Exorci'ines  donne  à 
un  fceau  imprimé  ou  fur  du  parchemin  vierge 
fait  de  peau  de  bouc ,  ou  fur  quelque  métal, 
or.,  argent,  cuivre ,  étain  ,  plomb  ,  (jc.  On 
nepeut  faire  aucune  opération  magique  pour 
exorcifer  les  efprits  ,  fins  avoir  ce  fceau  qui 
contient  les  noms  de  Dieu.  Lepentacle  fefait 
en  renfermant  un  triangle  dans  deux  cercles  : 
on  lit  dans  ce  triangle  ces  trois  mots  ;  fcr- 
matio  ,  reÇormatio  ,  transformatio.  A  côté 
du  triangle  eft  le  mot  agla ,  qui  eft  très-puif- 
fànt  pour  arrêter  la  malice  des  efprits.  Il  fiur 
que  la  peau  fur  laquelle  on  applique  le  fceau 
foit  exorcifée  &  bénite.  On  exorcife  aulTi 
l'encre  &  la  plume ,  dont  on  fe  fert  pour 
écrire  les  mots  dont  on  vient  déparier.  Après 
cela  on  encenfe  le  pentack  ;  on  l'enferme 
trois  jours  &  trois  nuits  dans  un  vafe  bien 
net  ;  enfin ,  on  le  met  dans  un  linge  ou  dans 
un  livre  que  l'on  parfume  &  que  l'on  exor- 

(/»)  Mufonius  au  chap.  7  defon  ita'néDe  luxu  Grœcor.  rapporte  que  les  cordes  le  cet  inftrument 
étoient  des  lanières  de  peaa  de  bœuf,  &  qu'on  les  pinçoit  avec  la  corne  du  pié  d'une  chèvre,  en 
■guife  de  pleâlrum.  (F.  D.  C.  ) 

On  entendoit  encore  pu  pentachorde,  an-ordre  ou  fy'ftême  formé  de.cinqfons  ;C*eft  eu  ce  dernier 
-feas ^c ia  quinte  ou  diapirne,  s'appelk)i«-quelqaefois-^»/«ribârrfe. /S^ 


P  £  N  lis 

elfe.  Voilà  les  fadaifes  qu'on  lit  dans  le  livre 
intitulé  Encheiridion  Leonis  Papoe  ,  ou- 
vrage miférable ,  qui  n'a  fervi  qu'à  gâter  da- 
vantage les  efprits  crédules  &  portés  à  la  fu- 
perftition.  (!>./.) 

PENTACOSIOMEDIMNES ,  f.  m.  pi. 
(  Hift.  anc.  )  nom  donné  à  la  première  clafle 
des  habiians  d'Athènes ,  compofée  des  ci- 
toyens qui  avoient  de  revenu  annuel  cinq 
cents  medimes  ou  mefi.ires  ,  tant  en  grains 
qu'en  chofes  liquides.  Commefls  étoient  les 
plus  opulens ,  c'étoit  d'entr'eux  qu'on  tiroit 
les  premiers  magiftrats  ,  félon  la  difpofition 
des  loix  de  Solon. 

PENTACROSTICHES  ,  fubft.  m.  pî. 
(  Litîérat.  )  vers  dii^ofés  de  manière  qu'on  y 
trouve  toujours  cinq  acroftiches  de  même 
nom  en  cinqdivifîonsde  chaque  vers.  Voy, 
Acrostiche. 

PENTADÉCAGONE,  f.  m.  (  Géom.) 

FÉ>je:(^  QUINDECAGONE. 

PENTADACTYLUS  ,  (  Géog.  anc.  ) 
montagne  d'Egypte  proche  du  golfe  arabi- 
que ,  félon  Pline ,  /.  VI ^  ch.  xxix.  Prolo- 
mée  ,  /.  IV,  c.  v ,  qui  en  fait  aufli  mention, 
la  place  près  de  Bérénice.  On  lui  avoit  donné 
le  nom  de  Pentadaclylus ,  à  caufe  qu''ellc 
s'élevcit  en  cinq  pointes  ou  fommets. 

PENTAGI  ou  PENTAGIOI ,  (  Géog. 
mod.  )  ville  ruinée  dans  la  Livadie ,  à  l'entrée 
du  golfe  de  Salone.  M.  Spon ,  voyage  de 
Grèce  ,  tom.  II,  p.  z&,  croit  que  c'eiî  l'an- 
cienne ville  CEanthéa ,  que  Pauianias,  l.  X , 
ch.  ^5,  place  dans  le  golfe  CriffcEUS ,  entre 
Amphiflà  ôc  Naupa6bus.  Il  remarque  uni- 
quement qu'il  y  avoit  un  temple  confacré  à 
Venus  ,  de  un  autre  confacré  à  Diane ,  dans 
une  forêt  épaiflé  plantée  de  cyprès  êc  de  pins. 
Les  fondemens  de  la  ville  paroifîént  fur  une 
prefqu'île  ,  qui  eft  prefqu'environné  de 
deux  petites  baies.  Vers  le  milieu  il  y  a  une 
égiife  greque  ,  où  l'on  voit  îepiédeftal  d^une 
ftatue ,  .avec  la  dédicace  à  Jupiter  reftau- 
rateur  ,  par  Auxuntius  Novatus.  /.  O. 
M.  refiitutori  Auruntius  Novatus.  P, 
{D.J.) 

PENTAGLOTTE  ,  Lî.{  Gram.  )  Dio- 


ijo  P  BN 

tionnaire  fait  en  cinq  IsLngues.Lz penîaglotle 
de  Jean  Juftiniani. 

-PENTAGONE,  ù  m.  en  Géométrie  , 
figure  qui  a  cinq  côtés  &  cinq  angles.  Voy. 
Figure. 

Ce  mor  eft  compofé  de  TgvTê ,  cinq ,  &c 
'}ovna.  ,   an[:;le.  Foje;[PoLiGONE. 

Si  les  cinq  côtés  ibnt  égaux ,  &  que  les 

angles  le  foient  aulïî ,  la  ngure  s'appelle  un 

pentagone    régulier    (  tel   que    la  jtg.    47. 

Géom.  )  la*piupart  des  citadelles  (ont  des 

•  Tentagcnss  réguliers,  Fo^ci^Citadelle. 

La  propriété  la  plus  conlîdérable  d^un 
Fentagone  eft  qu'un  de  Tes  côtés ,  par  exem- 
ple D  E ,  t^  égal  en  puillàiice  aux  côtés 
d'un  angle  &  d'un  décagone  infcrit  dans  le 
même  cercle  A  B  CD  E ,  c'eft-à-dire ,  que 
le  quarré  du  coïé  D  E  eu.  égal  à  la  fomme 
des  quarrés  des  côtés  D  a  èc  D  b.  Voyei^ 

EXAGONE  Ù  DÉCAGONE. 

La  furface  du  dodécaèdre ,  qui  eft  le  qua- 
trième corps  régulier ,  eft  compoféede  douze 
pentagones.  Voye:^  DodÉcaedre.  Cham- 
btrs.   {E) 

Le  côté  du  décagone  étant  trouvé  (  art. 
DÉCAGONE  )  on  peut  trouver  aifément  le 
côté  d\i  pentagone ,  puifqu'il  n'y  a  qu'à  dou- 
bler l'angle  ou  centre  du  décagone,  &c  pren- 
dre la  corde  de  l'arc  qui  foutient  cet  angle. 
On  peut  aulïi  le  trouver ,  mais  moins  com- 
modément, parla  proportion^  ci-de(îus,  en 
cherchant  l'^hypothénufe  d'un  triangle  rec- 
tangle dont  le  rayon  &  le  côté  du  décagone 
foient  les  deux  côtés.   Voye:^  Hypothe- 

NUSE. 

PENTAMETRE ,  f.  m.  (  Littérat.  )  dans 
la  poéfîe  greque  &  latine ,  forte  de  vers  com- 
pofé de  cinq  pies  ou  mefures.  Voye^  Pié  & 
Vers. 

Ce  mot  vient  du  grec  'nîm ,  cinq ,  & 
fj.iTg6v  y  mefure. 

Les  deux  premiers  pies  d'un  vers  penta- 
mètre peuvent  être  dactyles  ou  fppndées  , 
félon  la  volonté  du  poëte  ;  le  troifîeme  eft 
toujours  un  fpondée ,  ôc  les  deux  derniers 
font  anapeftes.  On  le  fcande  ordinairement 
.  en  laiflant  unecéfure  longue  après  le  fécond 
&  le  quatrième  pié ,  enforte  que  ces  deux 
céfures  forment  comme  le  cinquième.  On  le 
j  oint  ordinairement  aux  vers  hexamètres  dans 
les  élégies ,  les  épîtres ,  les  épigrammes ,  & 
■autres  petites  pièces.  Il  n'y  a  point  de  pièce 


P  E  M 

compofée  de  vers  pentamètres  feuîs.  Ployer 
Hexamètre. 

PENTAPARTE  ,  f.  m.  (  Méchaniq.  ) 
machine  à  cinq  poulies  ,  dont  trois  font  à 
la  partie  fupérieure  ,  &  deux  à  la  partie  infé- 
rieure. 

PENTAPHÎLOIDE  ou  potentille. 
(  Bot.  Jard.  )  en  latin  pentaphilloïdes  ou 
potentilla  ,  en  anglois  cinquefoiL 

Caractère  générique. 

Le  calice  eft  d'une  feule  feuille  légère- 
ment découpée  en  dix  fegmens  dont  il  s'en 
trouve  alternativem.ent  un  plus  petit  îk.  re- 
courbé :  cinq  pétales  attachés  dans  Tinté- 
rieur  du  calice  forment  la  fleur  d'où  fore 
une  toufte  de  douze  étamines  en  forme  d'a- 
lêne terminée  par  des  fommets  figurés  en 
croiflans  :  ces  étamines  environnent  un  em- 
bryon fituéau  centre  delà  fleur:  il  eft  com- 
pofé de  plufîeurs  germes  raflèmblés  en  tête  ; 
chacun  eft  furmonté  d'un  ftyle  très-délié  at- 
taché à  foncôté  &  couronné  par  un  ftigmate 
obtus.  L'enfemble  de  ces  germes  devient  une 
petite  fphei-e  où  font  attachées  &  grouppées 
nombre  de  très-petites  femences  arrondies, & 
qui  eft  renfermée  dans  le  calice  qui  eft  per- 
manent. Elle  diffère  de  la  quinte-feuille,  en  ce 
que  fes  feuilles  ne  font  pas  rangées  en  main 
ouverte  à  l'extrémité  du  même  pédicule. 

Ejpeces. 

1.  Pontentille  ou  pentaphilloîde  à  feuilles 
empennées  à  tige  boifèufe. 

Potentilla  foliis  pinnaiis  ,    caule  fruâi- 
cofo.  Hort.  Cliff. 
Shrubby  cinqucfoil. 

2.  Potentille  à  feuilles  empennées  dente- 
lées ,  à  tige  rampante. 

Potentilla  foliis  pinnatis  ferratis  ,  cault 
repente.  Flor.  Lapp. 

Potentilla  With  Winged  faw'd  leaves 
and  a  crcepingjlalk. 

j.Potentilleï  feuilles  empennées  alternes, 
à  cinq  feuilles  ovales  crénelées ,  à  tige  droite. 

Potentilla  foliis  pinnatis  alternis  ,  foliolis 
quinis  ovatisy  crenatis,  caulê^reclo,  Hort,  Cliff. 

Potentilla  with  alternate  ivinged  lea-' 
ves ,  &c. 

4î  Potentille  à  feuilles  digitécs ,  lancéo- 


P  E  N 

lées ,  dentées ,  un  peu  velues  de  deux  côtés 
à  ti^e  droite. 

Potenîilla  foliis  digitatis  ,  lanceolatr 
fcrratis  ,  utrinque  fubpilofis  y  caule  erecic. 
Linn.  Sp.  pi. 

Potenîilla    witfinger  piaped  leaves  ,   Scc. 

y.  Pctentille  à  cinq  feuilles  en  forme  dt 
coins ,  découpées  velues  par  deiïous  ,  à 
tige  droite. 

Potentillafoliis  quinatis  cuneiformibus  , 
incifvs  ifubtus  tomentojis  ,  caule  ereclo.  Linn. 
Sp.  pi. 

Potentilla  with  wedge-shapcd  Icbes  te 
îhe  leaves  ,  &c. 

6.  Potentille  à  feuilles  digitées ,  dont  les 
bouts  font  dentés  à  tiges  très-grêles  &  traî- 
nantes ,  à  réceptacles  velus. 

Potentilla  foUis  digitatis  ,  apice  conni' 
vénti-ferratis  ,  caulihus  fili-formibus  pro- 
cumbentibus  ,    receptacuUs    hirfutis.    Hort. 

cnjf. 

Potentilla  with  very  Jlender  triling 
jiûlks. 

7.  Poîentille  à  feuillies  en  treffie  ,  à  tige 
rameufe  &  droite  ,  dent  les  pédicules  s'élè- 
vent au-dellus  des  joirits. 

Potenîilla  foliis  ternatis  ,  caule  ramofo 
ereclo  ,  pedunculis  fuprà  gernicula  enatis. 
Hcrt.  Upfnl 

Potentilla  with  leaves  growing  by 
îhrees  ,  5cc. 

;  %.  Potentille^  feuilles  en treffle ,  à  folio- 
les ovales ,  à  crans  obtus  ^  à  tige  rameufe , 
à  longs  pédicules. 

Potentilla  foliis  ternatis  ,  foliolis  ovatis  , 
obtufe  crenatis  ,  caule  rafnofo  3  pedunculis 
longioribus.  Mill. 

Potentilla  with  leaves  growing  by 
threef  obîufely  crenateed  ^  &Ci 

9.  Potentille  à  feuilles  ,  à  fept  &  à  cinq 
folioles  empennés  &  velus ,  à  tige  droite  &c 
rameufe. 

Pofenîilla  foliis  feptenis  quinatifque  , 
foliolis  p  nnatO'incifis  pilofis  ,  caule  ereclo 
ramofo.  Mill. 

Potentilla  with  fei'en  and  five  leaves 
whofe  lobe  ,  are  cmwinged ,  hairy  ,  &c. 

10.  Potentille  à  fept  &  à  cinq  folioles 
lancéolés  ,  à  dentures  empennées ,  velues 
des  deux  côtés ,  à  tige  druite  &:  à  pétales 
cordiformes. 

Potentilla    foliis   feptenis    quinatifque.  , 


PE  N 


^3^ 


foliolis  lanceolaîis  ,  pennato-d^ntatis  ,  utrin' 
lue  pilofis  ,  caule  ereclo  corymbofo  ,  ptta- 
lis  cordatis.  Mill. 

Potentilla  with  feven  and  five  leaves 
whofe  lobes  are  fpear  shaped  ^  &c.  Voyer 
Plante  ,  argentine. 

L'efpecen°.  i.  eft  un  arbrifleau  qui  s  e- 
eve  environ  à  quatre  pies  fur  plufieurs  tiges 
'Oibles  &  finueufes  :  ces  tiges  (ont  cou- 
N'crtes  d'une  écorce  dontPépidermeefI:  tou- 
jours gercé ,  &  le  renouvelle  annuellement  : 
les  bourgeons  font  garnis  de  feuilles  à  cinq 
lobes  ,  dont  les  trois  fupérieurs  fe  réunifient 
à  leur  bafe.  Ces  lobes  font  étroits  &  entiers. 
Les  feuilles  font  foutenues  par  un  pédicule 
délié  qui  fort  d'une  membrane  feche&  très- 
mince  ,  de  couleur  de  noifette.  Les  fleurs 
naiflent  au  bout  des  bourgeons  en  bouquets, 
mais  elles  s'épanouiffent  les  unes  après  les 
autres.  Miller  dit  qu'elles  parolfTent  en  juil- 
let; dansnos  jardins  elles  fe  montrent  dès 
la  fin  de  mai ,  mais  elles  fe  fuccedent  long- 
temps. Elles  font  allez  grandes  &  forment 
comme  des  rofes.  Leur  jaune  brillant  eft 
d'un  effet  d'autant  plusagréable  qu'il  reflôrc 
mieux  fur  le  fond  du  feuillage  dont  le  verd 
eft  d'un  ton  bleuâtre  obfcur  :  cet  arbufteeft 
un  des  premiers  qui  pouflent  au  printemps. 
Il  convient  donc  d'en  mettre  fur  les  devants 
des  bofquets  d  avril.  Ses  fleurs  lui  afîîgnent 
une  place  dans  ceux  de  juin  &  d'été;  on  en 
fait  des  très-jolies  haies.  Ce  joli  arbuftie  le 
multiplie  aifémient  de  marcottes  &z  par  les 
furgeons  qu'il  pouffe  de  fon  pie.  Il  aime  unç 
terre  fraîche  &  un  peu  d'ombre.  Il  croît  de 
lui-même  au  nord  d'Angleterre  ,  ôc  dans 
quelques  autres  parties  feptentrionales  de 
l'Europe ,  aux  terres  humides  &c  maréca- 
geufès. 

La  féconde  efpece  efl  commune  en  An- 
gleterre ,  en  Allemagne  &  au  nord  de  la 
France.  Elle  pafîe  pour  aflringente  Se  vul- 
néraire. Son  abondance  eft  une  marque  cer- 
taine de  la  fcérilité  du  fol. 

La  troifîeme  croît  naturellement  fur  les. 
Alpes  &  fur  quelques  montagnes  de  la  Ger- 
maiiie.  Elle  aime  l'ombre  &  l'humidité. 

Uefpece  n°.  4.  eft  indigène  du  midi  de  la 
France  &  de  l'Itahe  :  les  fleurs  font  blan- 
ches: c'eft  une  plante  bifannuelle. 

La  Potentille ,  n°.  5 .  fe  trouve  fur  les  Alpes. 
iSc  autres  lieux  rudes  de  l'Euiope.  La  rociuc 


231  ;     PEN 

eft  épaifle&cliirnue  ,  les  tiges  rougcâcres , 
les  fleurs  jaunes.  Sa  plante  eft  vivace. 

La  fixieme  efpece  eft  indigène  de  P Autri- 
che. Elle  eft  vivace  :  Tes  fleurs  blanches  font 
grouppées  iur  des  pédicules  longs  &  déliés 
qui  nailîent  immédiatement  de  la  racine. 
On  la  multiplie  en  automne  par  Tes  coulans 
comme  les  fraifiers.  Elle  aime  un  fol  frais 
&  les  lieux  ombragés. 

La  feptieme  habite  les  Alpes  :  c'eft  une 
plante  bifannuelle  ;  les  fleurs  font  blanches 
&  naiflènt  des  joints  des  tiges. 

L^potentilk,  n°.  8.  eft  aufli  bifannuelle  : 
elle  diffère  de  la  précédente  par  fes  fleurs  qui 
font  plus  larges,  &  le  ton  de  fon  vcrd  qui 
eft  plusobfcur. 

La  neuvième  efpece  croît  d'elle-même  en 
Italie  &  en  Sicile  :  c'eft  une  plante  bilan- 
iiuelle.  Ses  fleurs  font  jaunes  ,  fes  tiges  pur- 
purines &  velues  s'élèvent  à  près  de  deux 
pies. 

Enfin  U  dixième  efpece  eft  naturelle  du 
midi  de  la  France  &  de  l'Italie  :  c'eft  une 
plante  bifannuelle.  Les  fleurs  font  d'un 
jaune  pâle  &  naiflènt  au  bout  des  tiges  qui 
s'élèvent  à  près  de  deux  pies:  elle  fleurit  en 
juillet.  Il  y  a  encore  bien  des  efpeces  de  ce 
genre  dont  le  détail  nous  auroit  conduits  trop 
loin.  Voy.Xts  Species  plantarum  deLinneus. 
(  M.  le  Baron  de  TscHOUDI.  ) 

PENTAPOLE  ,  f.  L  en  Géographie  ; 
c'eft  proprement  Se  en  général  un  pays  où 
il  y  a  cinq  villes. 

Ce  nom  a  été  donné  à  plufieurs  contrées, 
particulièrement  à  la  vallée  où  étoient  les 
cinq  villes  infâmes  j  qui  furent  détruites  par 
une  pluie  de  feu  d<.  de  pierre  du  temps 
d'Abraham.  On  croit  communément  que 
ce  paysétoit  l'endroit  où  eft  à-préfent  le  lac 
Afphaltite  ou  la  mgr  Morte.  Sanfon  le  place 
dans  le  voifinage  de  ce  lac ,  mais  fans  en 
apporter  aucune  preuve.  D'Herbelot  l'ap- 
pelle h pentapnle  des  iodomites. 

La  plus  célèbre  pentapole  étoit  la  penta- 
pole  cirénaïque  ou  la  pentapole  d'Egypte  , 
dont  les  cinq  villes  étoient  Bérénice  ,  Arfl- 
Boé  ,  Ptolémaïs ,  Cyrene  &  Apolîonia. 

Chez  les  anciens  géographes  &Hiftoriens 
il  eft  fait  aulTi  mention  de  la  pentapole  de 
Lybie,  que  l'on  appelle  aujourd'hui  m^firata^ 
de  la  pentapole  d'Italie ,  &  de  la  pentapole 
de  l'Alie  mineure.  Charniers.  {  E) 


P  E  N 

Pentapole  ,  (  Géog.  anc.  )  en  grec 
'^'tV'TA'îruhi^,  Ce  nom  qui  veut  dire  cinq  villes^ 
a  été  donné  à  plufieurs  contrées  où  il  y 
avoir  un  pareil  nombre  de  villes  principales. 

1°.  Pentapole  étoit  une  contrée  de  l'Afîe 
mineure.  Hérodote,  /.  /,  n°.  1 44,  dit  qu'elle 
étoit  habitée  par  lesDoriens ,  &  qu'elle avoit 
auparavant  été  appellée  Hexapole.  x°.  C'étoit 
une  contrée  de  la  PhrygiePacatiane.  5°.  C'é- 
toit une  contrée  de  l'Egypte ,  dont  une  des 
cinq  villes ,  félon  le  concile  de  Chalcédoine , 
s'appelloit  Ticelia.  4°.  C'étoit  enfin  une 
ville  de  l'Inde  au-delà  du  Gange.  Ptolomée, 
liv.  VII  y  ch.  ij ,  la  place  dans  le  golfe  du 
Gange  ,  au-delà  de  l'embouchure  de  ce 
fleuve  appellée  citra  Deorum. 

Pentapole  du  Jourdain,  la ^  (  Géog, 
anc.  )  l'Ecriture-Sainte  ,  fap.  x.  6.  donne 
ce  nom  à  cinq  villes  de  la  Paleftine  \  fivoir  , 
Sodome  ,  Gomorrhe  ,  Adama  ,  Séboïm  , 
Segor.  Ces  cinq  villes  étoient  condamiiées 
à  périr  entièrement ,  mais  Loih  obtint  la 
confervation  de  Segor,  autrement  appel- 
lée Bala.  Sodome  ,  Gomorrhe  ,  Adama  , 
&  Séboïm  furent  confumées  par  le  feu  du 
ciel  ;  &  en  la  place  or  elles  étoient  fituées , 
fe  forma  le  lac  Afphaltite ,  ou  lac  de  So- 
dome (D.J.) 

Pentapole  de  Lybie  ,  fo  ,  (  Géog. 
anc.  )  contrée  d^'Afrique  dans  la  Cyxénaïque. 
Elle  fut  nommée  Pentapole  ,  à  caufe  de  fes 
cinq  villes  principales  dont  Pline,  /.  V,  ch. 
V ,  nousaconfervélesnoms.LaCyrénaïque, 
dit-il,  ou  la.  Pentapole  y  eft  principalement 
célèbre  par  fes  cinq  villes  qui  font  Bérénice, 
Ariinoé ,  Ptolémaïde  ,  Apollonie  &  Cy- 
rene. 

Pentapole  des  Philistins  ,  la  , 
(  Géog.  anc.  )  contrée  de  la  Paleftine ,  ôC 
proprement  le  pays  des  PhiUftins.  Ces  peu- 
ples avoient  plufieurs  bourgades  depuis 
Joppé  jusqu'aux  confins  de  l'Egypte  ,  foit 
fur  le  bord  de  la  mer ,  foit  dans  les  terres  : 
mais  il  y  en  avoir  cinq  principales  ,  qui 
avoient  entr'elles  une  alliance  réciproque,  8c 
formoient  comme  une  efpece  de  républi- 
que. Les  cinq  villes  qui  donnèrent  le  nom 
de  Pentapole  à  ce  pays ,  font  Azot  >  Gaza  , 
Afcalon  ,  Gath  &  Accaton. 

PENTAPOLITAIN  ,  adj.  qui  eft  d'une 
pentapole.  La  Doârrtne  de  Papellius  ,  qui 
commença  à  iè  répandre  à  Ptolémaïde  dans 

la 


P  E  N 

îa  pentapole  d'Egypte  ,  s'appelle  pentapo- 
iitaine. 

PENTAPROST ADE  ,  f.  f.  (mjf.  anc.) 
nom  colkâ:  f  des  dignités  des  cinq  premiers 
officiers  'le  l'emnire  grec. 

PENTASTICHE  ,  ou  PENTASTî- 
QUE  ,  C  t.  enFcejie  ;  c'efl  une  fcrophe  ou 
diviiion  d'un  poifme ,  compose  ds  cinq  vers. 

Voyei  Strophe  ou  Stamce. 

Ce  mot  eiî  formé  du  grec  ^îvtî  ,  cinq  ;, 
&  de  f/'/of  ,  l'ers. 

PENTASTYLE  ,  ou  PENTASTI- 
QUE  ,  f.  m.  en  terme  d'Architecture  ,  fe  dit 
d'un  ouvrage  où  il  y  a  cinq  rangs  de  colonnes 
à  la  face  de  devant.  Voye^  CoLONNE. 

Tel  fut  le  portique  commencé  par  l'em- 
pereur Gallien  ,  &  qui  devoit  aller  depuis  la 
porte  Flaminiene  jufqu'au  mont  Milvius , 
c'eft-'A-dire  ,  depuis  le  Porto  del  popolo  juf- 
qu'au Porte-mole. 

PENTATEUQUE  ,  f.  m.  (  Théoîog.  )  ! 
compofé  de  Trr;Ê  ,  cinq  ,  &  de  -nv/ja  ,  inf- 
trument,  volume.  C'eft  le  nom  que  les  Grecs, 
&  «près  eux  les  Chrétiens  ,  ont  donné  aux 
-cinq  livres  de  Moïie,  qui  font  au  commen- 
cement de  l'ancien  teflament  ;  lavoir  ,  la  ge- 
nefe  ,  l'exode  ,  le  lévitique ,  les  nombres  , 
&  le  deutéronome  ,  auxquels  les  Juifs  don- 
noient  par  excellence  le  nom  de  Loi  ;  parce 
que  la  partie  la  plus  eiTèntielle  de  ces  livres 
contenoit  la  loi  que  Moïfe  reçut  de  Dieu  fur 
le  mont  Sinaï. 

Une  pofTeffion  immémoriale  ,  &  des  rai- 
fons  détaillées  par  les  plus  habiles  commen- 
tateurs de  l'écriture  ,  prouvent  que  Moïfe 
éfl  l'auteur  du  Pentateuque.  Nous  ne  nous 
arrêterons  ici  qu'aux  raifons  de  quelques 
nouveaux  critiques  ,  tels  que  M.  Simon  & 
M.  Leclerc  ,  qui  ont  contellé  cet  ouvrage  à 
Moïfe.  On  trouve  ,  difent-ils  ,  dans  \c  Pen- 
tateuque y  plufieurs  choies  qui  ne  convien- 
nent point  au  temps  &  au  caradere  de  ce  lé- 
jgilîareur. L'auteur,  rzz//;2.  xijy  parle  très-avan- 
tageulement  de  Moïfe  :  d'ailleurs  il  parle  tou- 
jours en  troifieme  perfonne  ;  le  Seigneur 
parla  à  Moïfe  &  lui  dit ,  &<:.  Moïfe  parla  à 
Pharaon  ,  ùc.  Quelle  apparence  que  Moïfe 
eût  fait  lui-même  fon  éloge  ,  &  n'eût  pas 
parlé  en  première  perfonne  ;  2.^.  le  récit  delà 
mort  de  Moïfe  ,  qui  ié  trouve  à  la  fin  des 
nombres  ,  n'eft  certainement  pas  de  ce  légif- 
1  aietJr  ,  non  plus  que  le  détail  de  fes  funérail- 
Tome  XXV. 


P  E  N  i33 

\zi ,  &:  la  comparaifon  qu  on  y  voit  enti-c 
lui  &  les  prophètes  {es  fucccffeurs  ;  3°.  on 
remarque  dans  le  texte  du  Pentateuque  quel- 
ques endroits  défedueux  ,    par  exemple  , 
Exode  xij.  8,  on  voit  que  Moïfe  parle  à  Pha- 
raon ,  ians  que  l'auteur  marque  le  com.men- 
cement  de  fon  dilcours.  Le  Pentateuque  fa- 
maritain  l'a  fjppléé  ,  ce  IJu'il  fait  encore  eh 
beaucoup  d'autres  cnâvoïts  :  enfin  on  voit 
dans  le  Pentateuque  des  traits  qui  ne  peuvent 
guère  convenir  à  un  homme  comme  Moïfe, 
né  &  élevé  dans  l'Egypte  ,  comme  ce  qu'il 
dit  du  Paradis  terreltre  ,  des  fleuves   qui 
l'arrofoient  &  qui  en  fortoient ,  des  villes  de 
Babylone ,  d'Araf ,  de  Refen  ,  de  Chalamé  , 
de  l'or  du  Phifon  ,  du  bdellium  ,  &  de  la 
pierre  de  Sohem  que  l'on  trou  voit  en  ces 
pays-là.  Ces  particularités  ,  li  curieufement 
recueillies ,  femblent ,  dit-on  ,  prouver  que 
l'auteur  du  Pentateuque  étoit  de-delà  l'Eu- 
phrate  :  ajoutez  ce  qu'il  dit  de  l'arche  de 
Noé  5  de  fa  confîrudion ,  du  lieu  où  elle 
s'arrêta ,  du  bois  dont  elle  fut  bâtie ,  du  bi- 
tume de  Babylone ,  Ùc.  Ces  dernières  remar- 
ques ont  fait  croire  à  quelques-uns  ,  que  le 
lévite  envoyé  par  AfTaradon  aux  Cuthéens 
établis  dans  la  Samarie  ,  pourroit  bien  avoir 
compofé  le  Pentateuque  ,  &  que  les  Juifs 
auroient  pu  le  recevoir  ,  avec  quelques  lé- 
gères différences  ,  de  la  main  des  Samari- 
tains :  d'autres  fe  font  imaginé  que  le  Penta' 
teuque ,  en  l'état  où  nous  l'avions ,  n'étoit 
que  l'abrégé  d'un  plus  grand  ouvrage  ,  com- 
pofé par  àçis  écrivains  publics  ,  chargés  de 
cette  tondion  chez  les  Juifs. 

Dom  Calraet ,  qui  fè  propofè  cts  objec- 
tions dans  fon  didionnaire  de  la  Bible  ,  y  ré- 
pond par  trois  réflexions  générales  ;  i*.  que 
pour  débouter  Moïfe  de  lapofTelîiôn  où  il  efl 
depuis  tant  de  fieclcs  de  pafîèr  pour  l'au- 
teur du  Pentateuque  y  poflbflion  appuyée  du 
témoignage  de  la  fynagogue  &  de  l'églife  , 
des  écrivains  facrés  de  l'ancien  &  du  nou- 
veau feflame'nt  ,  de  Jefus-Chrifl  &:  des 
Apôtres  ,  il  faut  certainement  des  preuves 
fans  réplique  &  des  démonflrations  :  or  il  eft 
évident  que  les  objedions  propofces  font 
fort  au-deffous  même  des  preuves  folides  ; 
car  2**.  les  additions  ,  les  tranfpofitions  ,  les 
omiiîions,  les  confufions  qu'on  lui  reproche, 
&  qu'on  veut  biennepascontefler  ,  ne  déci- 
dent pas  que  Moïfe  ne  foit  pas  l'auteur  dU 


134  P  E  N 

livre ,  elles  prouvent  feulement  que  l'on  y 
a  retouché  quelque  chofe  ,  (oit  en  ajoutant , 
fbit  en  diminuant.  Dieu  a  permis  que  les  li- 
vres (acres  ne  ioient  pas  exempts  de  ces  for- 
tes d'altérations  qui  viennent  de  la  main  des 
copiiles  ,  ou  qui  (ont  une  (uite  de  la  longueur 
desdecles.  Si  une  légère  addition  ou  quelque 
changement  fait  au  ecxte  d'un  auteur  ,  luffi- 
loit  pour  lui  ôter  fon  ouvrage  ,  quel  écrivain 
feroit  (ûr  de  demeurer  en  po(re(îîon  du  fien 
pendant  un  fiecle  ?  ^°.  Les  fyflêmes  de  M. 
Leclerc  &  de  M.  Simon  font  dénués  de 
vraifemblance.  Ces  écrivains  publics  ne  doi- 
vent leur  exiilence  qu'à  l'imagination  de  M. 
Simon.  Le  prêtre  ou  le  lévite  envoyé  par 
AfTaradon  aux  Cuthéens  ne  peut  être  l'au- 
•  teur  d'un  livre  cité  dans  plulieurs  ouvrages 
qui  pa(rent  conftaramcntpour  être  antérieurs 
au  temps  de  ce  lévite.  La  loi  a  toujours  été 
pratiquée  depuis  Moï(e  julqu'à  la  captivité  ; 
elle  étoit  donc  écrite  :  on  en  mit  un  exem- 
plaire dans  l'arche  &  il  fut  trouvé  (ous  Jolias: 
enfin  les  Juifs  &  les  Samaritains  avoient  trop 
d'éloignement  les  uns  pour  les  autres  pour 
le  communiquer  leurs  écrits  facrés  :  d'ail- 
leurs on  verra  ci-de(îbus  lequel  du  Pentateu- 
que  hébreu  ou  du  Pentateuque  famaritain  e(l 
une  copie  de  l'autre.  Diclioiin.  de  la.  Bible  ^ 
tome  III ,  lewe  P.  pa^.  i6i&  i6z. 

Mais  l'aveu  qu'on  fait  que  les  additions 
reprochées  au  Pentateucjue  font  d'Eidras  , 
qui  après  la  captivité  retoucha  &  mit  en 
ordre  les  livres  faints ,  donnent  matière  à 
une  autre  objedion  des  incrédules  :  car  , 
difcnt-ils,  Il  Ei'dras  a  ainfi  travaillé  furies 
livres  faints  ,  quelle  preuve  a-t-on  qu'il  ne 
les  ait  pas  notablement  altérés ,  ou  même 
totalement  fuppofés  ? 

Abbadie  répond  à  cette  difficulté  ,  i°. 
que  les  pfeaumes,  les  prophètes,  les  livres 
de  Salomon  rapportent  une  infinité  de  traits 
comme  Moïfe  ,  &  par  conféquent  que  le 
Pentateuque  fubfifioit  avant  tous  ces  au- 
teurs :  2**.  qu'Efdras  n'a  eu  nul  intérêt  ,  (bit 
perfonnel ,  foit  politique ,  de  changer  la 
forme  des  livres  faints  :  3"'  <5u'il  ne  l'a  pas 
fait  à  f  égard  de  ceux  de  Moïfe  ,  parce  que  fa 
phrafe  &  fa  manière  d'écrire  e(l  toute  diffé- 
rente de  celle  de  Moïfe  ;  &  que  d'ailleurs 
s'il  en  avoit  été  ainfi  ,  il  leur  auroit  donné 
une  meilleure  forme  ,  félon  Spinofa  même  , 
i|ui  accufe  les  livres  de  Moïfe  d'être  mal 


P  E  N 

écrits  &  mal  digérés  :  on  peut  voir  ces  té- 
ponfes  étendues  dans  Abbadie  ,  traité  de  la 
vérité  de  la  religion  chrétienne  y  tom.  Ip 
fecl.  5  ,  chap.  xij  &  xiij. 

On  diflingue  deux  Pentateuques ,  ou  plu- 
tôt deux  fameules  éditions  du  Pentateitque  y 
quife  font  long-temps  diiputé  la  préférence , 
tant  par  rapport  à  l'ancienneté  que  par  rap- 
port au  caradere  :  celui  des  Juifs  appelle  le 
Pentateuque  judaïque  ou  hébreu  y  écrit  en 
caradere  chaldéen  ou  afly-rien  ;  &  celui  des 
Samaritains  ,  écrit  en  caradere  (amaritain  ou 
phénicien  :  on  (outientque  l'un  &  l'autre  cil 
l'ancien  Pentateuque  hébraïque.  A  confidé- 
rcr  le  texte  en  général ,  ils  font  alTez  confor- 
mes l'un  à  l'autre ,  puifqu'ils  contiennent  les 
paffages  dont  nous  avons  parlé  ci-delfus  y. 
attribués  aux  copilfes ,  quoique  le  iamaritain 
en  contienne  un  ou  deux  qui  ne  fc  rencon- 
trent point  dans  l'hébreu  ;  le  premier  eff  ua 
pafîage  qui  le  trouve  dans  le  deutéronorae  , 
xxvij.  4.  où  il  elf  commandé  de  bâtir  ua 
autel  &  d'offrir  àzs  facrifices  fur  le  mont 
Ebal ,  ou  plutôt  fur  le  mont  Gariz^im  ;  ce 
qui  e(t  une  interpolation  manifefte  ,  faite, 
pour  autorifc;-  le  culte  des  Samaritains  ,  & 
montrer  qu'il  ne  le  cédoit  point  en  antiquité, 
au  culte  qu'on  rendoit  à  Dieu  dans  le  temple 
de  Jérufalem.  Voye^  SAMARITAINS. 

Cependant  M.  Whiilon  déclare  qu'il  ne 
voit  pas  la  raifon  d'accufer  de  corruption 
fur  ce  point  \q  Pentateuque  famaritain  ,  que 
ce  reproche  tombe  plutôt  fur  le  Pentateuque 
hébreu  ,  &  il  fbutient  très-(érieu(ement  que 
le  premier  efl  une  copie  très-fidele  des  livres 
de  Moïfe  ,  qui  vient  originairement  de  la  fé- 
paration  àts  dix  tribus  ,  du  temps  de  Jéro- 
boam :  mais  le  contraire  efl:  évident  par  les 
additions  qu'on  attribue  à  Efdras ,  qui  vivoit 
plufieurs  fiecles  après  Jéroboam. 

Mais  la  difiTérence  la  plus  fenfibîe  efl  dans 
les  lettres  ou  caraèleres.  Le  Pentateuque  hé- 
breu étant  en  caradere  chaldéen  ou  aflyrien  , 
&  le  famaritain  en  ancien  caradere  phéni- 
cien ;  il  fembleroit  par-là  que  ce  dernier  efl 
plus  ancien  que  le  premier  ;  mais  M.  Pri- 
deaux  penfe  que  le  Pentateuque  des  Samari- 
tains n'efl  qu'une  copie  tirée  en  d'autres  ca- 
raderes ,  fur  l'exemplaire  compofé  ou  réparé 
par  Ëfdras  ;  1°.  parce  que  toutes  les  interpré- 
tations de  l'édition  d'Efdras  s'y  trouvent;  2*. 
par  l'inattention  que  l'on  a  eue  d'y  mettte  àos 


P  E  N 

lettres  (èmblables  à  celles  de  l'alphabet  hé- 
breu, qui  n'ont  rien  de  commun  avec  les 
lettres  de  l'alphabet  faraaritain  ,  variations 
qui  ne  font  venues  que  de  ce  qu'on  a  trans- 
crit le  Pentateiique  de  l'hébreu  vulgaire  en 
famnritain  ,  &  non  du  làmaritain  en  hébreu. 

Ajoutez  à  cela  que  Mrs.  Simon  ,  Alix  & 
plufieurs  autres  (avans  ,  prétendent  que  le 
caraâere  chaldéen  ou  aflyrien  a  toujours  été 
en  ufage  parmi  les  Juifs  ,  &  que  le  famaritain 
ou  ancien  caraâere  phénicien  n'avoit  jamais 
été  ulité  parmi  eux  avant  la  captivité ,  de 
quelque  manière  que  ce  fût ,  ni  dans  les  li- 
vres, ni  fur  les  médailles. 

Uflcrius  penfe  que  le  Pentateuque  famari- 
tain a  été  corrompu  par  un  certain  Dofitée  , 
dont  parle  Origene ,  &  M.  Dupin  croit  que 
c'ell  l'ouvrage  de  quelque  famaritain  moder- 
ne qui  l'a  compilé  de  divers  ex;  mplaires  des 
Juifs  répandus  dans  la  Palefhne  &  dans  la 
Babylonie  ,  auflibicn  que  dans  la  verfion  des 
fepranre  ,  parce  qu'il  efl  qu  Iquefois  confor- 
me à  l'hébreu  &  quelquefois  au  grec  :  mais  il 
s'en  éloigne  auflifort  iouvent.  Le  texte  fama- 
ritain avoit  été  inconnu  depuis  le  temps  d'O- 
rigenc  &  de  S.  Jérôme  ,  qui  en  avoient  quel- 
quefois tait  mention.  D'ans  les  derniers  fiecles 
on  en  rapporta  quelques  exemplaires  d'O- 
rient, &  le  père  Morin  en  fit  imprimer  un  en 
163 1  ,  qu'on  trouve  dans  la  Polyglotte  de  le 
Jai ,  &  plus  correâ  dans  celle  de  Valton.  La 
comparaifon  qu'on  en  a  faite  avec  le  texte 
hébreu ,  a  fait  penfer  à  plufieurs  favans  qu'il 
étoit  plus  pur  &  plus  ancien  que  celui-ci  : 
de  ce  nombre  font  le  père  Morin  &  M.  Si- 
mon. Le  commun  des  théologiens  penfe  que 
le  Pentateuque  famaritain  &  celui  des"  Juifs 
ne  font  qu'un  feul  &  même  ouvrage  ,  écrit 
en  la  même  langue ,  mais  en  caraâeres  dit- 
férens  ;  &  que  les  diverfités  qui  fe  rencon- 
trent entre  ces  deux  textes,  ne  viennent  que 
de  l'inadvertence  ou  de  la  négligence  des 
copiftes  ,  ou  de  l'afFedation  des  Samaritains 
qui  y  ontglifle  certaines  chofes  conformes  à 
leurs  intérêts  &  à  leurs  prétentions  \  que  ces 
additions  y  ont  été  faites  après  coup,  &  que 
originairement  ces  deux  exemplaires  étoient 
entièrement  conformes  :  fuivant  cela  il  faut 
dire  que  le  Pentateuque  des  Juifs  cfl  préfé- 
rable à  celui  des  Samaritains  ,  comme  étant 
exempt  àts  altérations  qui  fe  rencontrenr 
dans  ce  dernier.  Calmet,  Diâ.  de  la  Bible , 


PEN  ïjy 

tom.  III)  lettre  S  ,  au  mot  Samaritain, 
pag.  454 ,  disert,  furie  Pentateuque. 

Nous  terminerons  cet  article  par  le  récit 
de  ce  que  pratiquent  les  Juifs  dans  la  ledure 
du  Pentateuque.  Us  font  obligés  de  le  lire 
tout  entier  chaque  année ,  &  le  divifent  en 
paragraphes  ou  fedions,  qu'ils  diftinguent  en 
grandes  &  petites.Les  grandes  comprennent 
ce  qu'on  a  accoutumé  de  lire  dans  une  fe- 
maine.  Il  y  en  a  cinquante-quatre ,  parce  que 
dans  les  années  intercalaires  des  Juifs  il  y  a 
ce  nombre  de  femaines.  Les  petites  ferions 
font  divers  endroits  qui  regardent  certaines 
matières.  Les  Juifs  appellent  quelques-unes 
de  ces  fèdions ,  fbitgrandes ,  foit  petites  jfeC' 
tions  ouvertes.  Celles-là  commencent  par  un 
commencement  de  ligne  :  Il  c'eft  une  grande 
fcâion  ,  on  y  marque  trois  fois  la  lettre  phéy 
au  lieu  que  les  petites  n'ont  qu'une  lettre  ; 
&  ils  nomment  ks  Autres  fec^ions  fermées  , 
elles  commencent  par  le  miUeu  d'une  ligne. 
Si  elles  font  grandes  ,  ont  y  met  trois  fa- 
mech  y  ou  un  feu!  fi  elles  font  petites.  Ces 
fedions  font  appellées  du  premier  mot  par 
lequel  elles  commencent  :  ainli  la  première 
de  toutes  s'appelle  berefchit ,  qui  cft  le  com- 
mencement de  la  genefe.  Chaque  grande 
ledion  fe  fubdivifc  en  fept  parties  ,  parce 
qu'elles  font  lues  par  autant  de  différentes 
perfonnes.  C'e/l  un  prêtre  qui  commence , 
enfuite  un  lévite  ;  &  dans  le  choix  des  au- 
tres leâeurs  ,  on  a  égard  à  la  dignité  ou  à  la 
condition  des  gens.  Ap||6  le  texte  de  Moïfe 
ils  lifent  auffi  un  paragraphe  de  la  paraphrafe 
d'Onkelos.  On  a  fait  une  femblable  divifion 
des  livres  prophétiques  dont  on  joint  la  lec- 
ture à  ceux  de  Moiïè.  Le  perc  Lami ,  dont 
nous  empruntons  ceci ,  penfe  que  cette  di- 
vifion e{\  très-ancienne  chez  les  Juifs  ,  & 
qu'elle  a  donné  lieu  à  celle  que  l'églife  a  faite 
des  livres  fàints  ,  dans  les  ledures  diftribuées 
qu'on  en  fait  dans  fes  offices.  Quoi  qu'il  en 
(bit ,  elle  a  lieu  parmi  les  Juifs  ,  qui  marquent 
exaâement  ces  feclions  ,  tant  du  Pentateu- 
que que  des  hvres  prophétiques ,  dans  leurs 
bibles  &  dans  leurs  calendriers.  Lami  de  l'O- 
ratoire ,  întroduct.  à  V Ecriture  f aime. 

PENTATHLE  ,  f.  m.  {Jeux  des  Grecs 
&  des  Rom.  )  nom  des  cinq  exercices  qui 
compofoient  les  jeux  publics  de  la  Grèce, 
&  enfuite  de  l'Italie  :  ces  combats  font  ren— 
fermés  dans  ce  vers  grec. 

Gg  i 


1^6  P  E  N 

AKyct  j  ToJlatKUisv  f  JlîcrKoy  y  kitavra, ,  TraK  î^ 

<f  le  faut ,  la  courfe  ,  le  palet ,  le  Javelot  & 
j>  h  lutte.  »  On  coiironnoit  les  athlètes  q'  i 
^.voient  \  a'ncu  de  (iilte  dans  ces  fortes  de 
combats  ;  il  n'y  avoit  qu'un  feul  prix  pour 
ces  cinq  exercices. 

L'amufement  du  peuple  ,  naturellement 
avide  de  Ipedacles,  n'ell  pas  l'unique  but 
Que  les  anciens  fe  foient  propofé  dans  l'inf- 
^itution  des  divers  exercices  qui  compofoient 
\ts  jeux  publics  de  la  Grèce  &  de  l'Italie.  Ils 
ont  eu  principalement  en  vue  d'endurcir  les 
çprpsau  travail ,  &  en  leur  procurant  par-là 
«ne  fanté  plus  vigoureufe ,  de  les  rendre  plus 
propres  au  pénible  métier  des  armes  ;  c'efl  à 
quoi  tendoit  ordinairement  toute  leur  gym- 
naftique ,  &  les  hommes  y  trouvoient  des 
i^eflburces  merveilleufès  pour  l'accroifle- 
ment  de  leurs  forces  &  de  leur  agilité  :  ces 
deux  qualités  s'y  perfedion noient  plus  ou 
moins ,  fuivant  le  choix  des  exercices.  Il  y  en 
a^yoit  quelques-uns  par  Tulage  defquels  le 
corps  entier  devenoit  ou  plus  robulle  ou  plus 
ipuple.  La  lutte  y  par  exemple^  &  le  pan- 
crace produifoient  le  premier  effet;  la  danfe 
4c  la  paiilme  produifoient  le  fécond.  Il  y 
en  avoit  d'autres  qui  n'opéroient  que  fur 
certaines  parties  ;  c'eft  ainfi  que  les  jambes 
acquéroient  à  la  courfe  une  plus  grande 
légèreté  ;  que  le  pugilat  augmentoit  la  vi- 
g^ueur  &  la  fouplelfe  àts  bras;  mais  nul 
exercice  peut-être  ne  les  fortilioit  plus  effi- 
cacement que  celuitBb  difque.  V.  DiSQUE. 
(D.J.) 

PENTATONON  ,  f.  m.^étoit,  dans 
Tancienne  Mufique  ,  le  nom  d'un  intervalle 
que  nous  appelions  ^u]ourà^\\u\Jixte  fuper- 
fiue.  Voyei  SiXTE.  Il  eil  compofé  de 
quatre  tons  ,  d'un  femi-ton  majeur  ,  &  d'un 
femi-ton  mineur ,  d'où  lui  efl  venu  le  nom 
àt  pentatonon  ,  qui Tignifie  cinq  tons. 

'  PENTAUREA  ,^  (  Hijl  mt.  )  nom 
d'une  pierre  fabuleufe  ,  inventée  par  Ap- 
pollonius  de  Thyane ,  qui  avoit  la  faculté 
^'attirer  toutes  les  autres- pierres  ,  comme 
ifàimant  attire  le  fer. 

"^  PENTE ,  f  f  terme  relatifs  la  fituation 
Bprizontale  ;  tout  ce  qui  s'écarte  de  cette  fi- 
tajation  ,  enlbrte  qu'une  àts  parties  du  plan 
nefte  dans  la  ligne  horizontale ,  &  l'autre  def- 
ccnde  aiirdeflbus ,  ell  en  pente.  Un  corps 


P  E  M 

mis  flïr  une  furface  en  pente  defcend  de 
lui-même.  Ce  terme  fe  prend  au  fimple  6c 
au  figuré;  la  peine  de  cette  colline  efl 
douce  ;  la  pente  naturelle  au  vice  trt  rapi- 
de :  nous  avons  tous  une  pente  à  la  gour- 
mandife ,  ath  vol  &  au  menfonge. 

Pente  ,  {Architeâure.)  inclinaifon  peu 
fènfible  ,  qu'on  tait  ordinairement  pour  fa- 
ciliter l'écoulement  des  eaux;  elle  elî  réglée 
à  tant  de  lignes  par  toile  ,  pour  le  pavé  & 
les  terres  ,  pour  les  canaux  àts  aqueducs  ,. 
pour  les  conduites  ,  &  pour  les  chenaux  &: 
gouttières  des  combles. 

On  appelle  contie-peme ,  dans  le  canal; 
d'un  aqueduc  ,  ou  d'un  ruifleau  de  rue  ,  l'in- 
terruption d'un  niveau  de  pente  y  caufée  paç 
malfaçon  ou  parl'afibiblifîement  du  terrain  y 
enforte  que  les  eaux  n'ayant  pas  leur  cours, 
libre,  s'étendent  ou  relient  dormantes. 

Pente  de  cliênau  y  plâtre  de  couverture 
conduit  engkcis  ,  fous  la  longueur  d'un  che- 
neau  ,  de  part  &  d'autre  ,  depuis  Ion  haut. 

Pente  de  comble  y  c'ell  l'inclinaifon  des 
côtés  d'un  comble  ,  qui  le  rend  plus  ou- 
moins  roidc  fur  la  hauteur  par  rapport  à 
fa  bafe.  {D.  J.)  _       * 

Pente  ,  bande  qui  entoure  le  ciel  d'un 
dais  ou  d'un  lit  fur  le  haut  des  rideaux  ;  on 
donne  le  même  nom  aux  bandes  d'étofîè: 
qu'on  attache  fur  les  bords  des  tablettes 
d'une  bibliothèque^ 

Fe  N  T  E  ,  tabac  mis  â  la  ,  (  Fabrique  de 
tabac.  )  pendu  parla  queue,  fur  des  cordes 
ou  fur  des  perches  ,  après  que  les  feuilles  ont 
été  enficelees  ;  dans  les  lieux  où  l'on  fabri- 
que du  tabac  ,  on  a  de  grands  altrelJers  cou- 
verts çoux  mettre  les  tabacs  à  la  pente  :. 
c'ell  là  qu'ils  fechcnt  &  qu'ifs  prennent  cou- 
leur. Il  ne  faut  pas  croire  néanmoins  qu'on 
les  taffc  lécher  afïêz  pour  les  tnettre  en 
poudre  ;  on  le  contente  de  leur  lailTer  éva- 
porer leur  plus  grrnde  humidité  ,  &  les  faire 
amortir  ou  mortifier  fulïifamment  pour  pou- 
voir être  filés ,  à-pcu-près  comme  on  file  le 
chanvre,  &  enluite  être  mis  en  rÔles  ou- 
rouleaux.  Saraiy.  (  D.  J.  ) 

PENTECOMAilQUE  ,  f  m.  {Ififi, 
anc.  )  en  général  un  gouverneur  de  cinq^ 
bourg.T. 

PENTECONTACORDE,  (  Luth.  ) 
nom  que  Fabio  Colonna  ,  noble  napolitain  , 
de  l'iliullre  famille  des  Colonnes  ,,  a^oÏA 


P  E  N 

Sonné  à  un  inflrument  à  cordes  qu'il  atoit 
fait  conflruire.  Cet  inflrument  s'appelloit 
Pente  conta  corde ,  parce  qu'il  avoit  cin- 
quante cordes  inégales  ;  l'auteur  l'avoit 
encore  nommé  Samhucj.  Uncea  ,  parce  qu'il 
étoit  un  Acidemico  linceo  ;  chaque  ton  y 
étoit  divifé  en  quatre  parties  ,  pour  pouvoir 
moduler  dans  les  trois  genres  ,  le  diatonique, 
le  chromatique  &  l'enharmonique.  Fsbio 
Golonna  doit  avoir  fait  un  traité  fur  cet  inl- 
irument  Tous  le  titre  délia  fambuca  Uncea  , 
ou  deW  infiritmento  mujico  perfetco  ,  im- 
primé en  1718  in-^^. 

Meriènne  à  la  Prop.  z  j  du  liv.  VI  de 
fes  Harmoniques  ^  nous  parle  du  mono- 
corde de  Fabio  Colon na  ,  par  le  moyen  du- 
quel chaque  ton  étoit  divifé  en  cinq  parties 
prefque  égales  ,  dont  trois  faiioient  un  fèmi-  < 
ton  majeur  ,  &  deux  un  femi-ton  mineur; 
c'efl  ce  qui  me  fait  foupçonner  qu'il  y  a  une 
faute  dans  l'ouvrage  dont  j'ai  tiré  la  defcrip- 
tion  du  Pente  conta  corde  ,  &  que  dans  cet 
inflrument  auiîi  le  ton  étoit  divifé  en  cinq, 
&  non  en  quatre  parties.  Au  refle  Mer- 
fenne  dit  au  même  endroit  que  cette  in- 
venrion  n'appartient  pas  à  Fabio  Colonna  , 
qui  avouoit  lui-même  la  tenir  d'un  autre: 
il  ajoute  que  dès  l'an  15 37  ^^  avoit  com- 
mencé à  fabriquer  en  Italie  un  archi-cym- 
halum  ,  où  chaque  ton  devoit  être  divifé 
en  cinq  parties.  (  F.  D.  C.  ) 

PENTECO^TAIN  ,  f.  m.  Livre  ecclé- 
liafliquc  des  Grecs  qui  contenoit  leur  office 
depuis  Pîîque  julqu'à  la  Pentecôte. 

PENTECOSTALES,  f.  f.  pi.  (  ThéoL) 
étoient  autrefois  en  Angleterre  des  ofîrandes 
pieufes  qu«  les  paroiliiens  faifoient  à  leurs 
curés  à  la  itxt  de  la  Pentecôte  ,  &  que 
les  éghies  ou  paroilfes  inférieures  faiioient 
auili  quelquefois  dans  le  même  temps  à 
l'Egii  è  mère  principale.  V.  OFFRANDE 
eu  Qblation. 

Ces  of&andes  s'appelloient  aufîî  deniers 
^pentecoflaux  ,  &  on  les  diviloit  en  quatre 
parties,  dont  l'une  éroi  pour  le  curé,  la 
féconde  pour  les  pauvres  ,  la  troifieme 
pour  les  réparations  de  l'éghlè  ,  &  la  qua- 
trième pour  l'évêque  du  diocefe. 

PENTECOfE,  f.  f.(rA/o%..)  Çkt 
îohin  elle  qu'on  célèbre  dans  l'églife  chré- 
tienne le  cinquantième  jour  après  Pâque  , 


!>  E  N  257 

fur  les  Apôtres  ,  rapportée  dans  les  A3es  , 
chap.  xj  ,  V.    i   Ù  fuiv. 

Ce  mot  vient  du  grec  -nvriKoroç ,  quin- 
quagefimus  ,  cinquantième ,  parce  que  la 
Pentecôte  fe  célèbre  cinquante  jours  après 
Pâque. 

Dans  la  primitive  Eglife  ,  la  Pentecôte 
finiffoit  le  temps  Pafchal  ou  le  temps  de 
Pâque  ;  &  Tertullien  &  S.  Jérôme  remar- 
quent ,  que  durant  tout  ce  temps  on  cé- 
lébroit  l'office  debout ,  &  qu'il  n'étoit  pas 
permis  de  jeûner ,  &c. 

Les  Juifs  ont  aufli  ane  îtte  appellée 
Pentecôte  ,  qu'ils  folemnifent  cinquante^ 
jours  après  Pâque  ,  en  mémoire  de  ce  que 
cinquante  jours  après  leur  fortie  d'Egypte  y 
Dieu  donna  à  leurs  pères  la  loi  fur  le 
mont  Sinaï  par  le  miniflere  de  Moïfe.  Ils 
la  nomment  la  fête  des  femaines  ,  parce 
qu'on  la  célèbre  à  la  fin  des  fept  femaines 
qui  fuivent  Pâque  ;  ou  le  jour  des  pré~- 
mices  y  parce  qu'on  y  offi'oit  les  prémices 
du  froment ,  dont  la  moifTon  comraençoif 
alors,  félon  quelques-uns,  &  félon  d'au- 
tres ,  s'achevoit.  Ces  prémices  confifloient 
en  deux  pains  levés  ,  de  deux  affarons  de 
farine ,  ou  de  trois   pintes  de  farine  cha- 


en,  mémoire  de  la  deicente  du  Saini^Sfgrit  1  JuiJ}  ,  part.  XII  y  clu  iv,- 


cun  ,  non  par  chaque  famille  ,  mais  ai^ 
nom  de  toute  la  nation  ,  comme  l'infinue 
Jofeph  ,  Antiq.  liv.  III  y  chap.  x.  Onj 
immoloit  aufli  difFérentes  vidimes  ,  comme' 
deux  veaux  &  un  bélier  en  holocaufle  j. 
fept  agneaux  en  hoflies  pacifiques  ,  &  uq 
bo'ic  pour  le  péché.  Num.  xxxiij  ,    2.7. 

Les  Juifs  modernes  célèbrent  la  Pente-^ 
cote  pendant^  deux  jours  qui  font  gardés^ 
comme  les  fêtes  de  laque,  c'efî-à-dire  ,. 
qu'on  s'abflient  de  tout  travail ,  &  qu'ont 
ne  traite  d'aucune  affaire  ,  excepte  qu'on"; 
peut  toucher  au  feu  &  apprêter  à  manger. 
Ils  tiennent  par  tradition  que  la  loi  a  été- 
donnée  ce  jour-là  fur  le  mont  Sinaï  ;  c'eft 
pourquoi  ils  ont  coutume  d'orner  la  fyna-- 
gogue  &  les  autres  lieux  où  l'on  fait  la. 
fedure  de  la  loi  ,  &  même  leurs  maifons  ,. 
avec  des  rofes  ,  des  couronnes  de  fleurs- 
&  de  fefîons  ,  pour  reprefenter  ,  difent-ils,,* 
la  verdure  dont  le  mont  Sinaï  étoit  revêtu* 
dans  cette  faifon.-  Le  foir  du  fécond  jour' 
de  la  fête  on  fait  Vabdala.  Voyez  AbdalA?- 
ou  Habdala.  Léon  de  Moden.'C4k&msd£-€> 


138  P  E  N 

Buxtorf  ajoute  à  ces  pratiques  quelques 
autres  cérémonies  particulières  &  propres 
aux  Juifs  d'Allemagne  ;  comme  de  taire 
un  gâteau  fort  épais  ,  compofé  de  fept  cou- 
ches de  pâte,  qu'ils  appellent ^/zai',  &, 
lelon  eux ,  ces  lept  épailîèurs  de  pâte  re- 
préfentent  les  fept  cieux  que  Dieu  fut  obligé 
de  remonter  depuis  le  fommet  -<le  cette 
montagne  jufqu'au  ciel  des  cieux  où  il  tait 
la  demeure.  Buxtorf,  Imag.  Jud.  apud  Cal- 
met  5  Diciionn.  de  la  Bible  ,  tom.  III , 
lettre  P  ,   au  mot  Pentecôte. 

PENTECOULORE ,  f.  m.  (  H^.  & 
Marine  anc.  )  bâtiment  à  cinquante  rames. 

PENTE  Lie  UM  MARMOR,  {Hifl. 
ijat.  )  nom  donné  par  les  anciens  à  un 
marbre  ftatuaire  d'un  beau  blanc  ,  & 
çn  malTes  fort  grandes. 

PENTES YRINGUE ,  f.  f .  (  Litterat.  ) 
machine  de  bois  à  cinq  trous,  où  l'on  en- 
«avoit  chez  les  Grecs  les  jambes  ,  les  bras 
&  la  tête  des  criminels  ,  afin  qu'ils  ne 
puffent  fe  remuer.  Ariftote  ,  lii-\  III j 
c/i.  X  y  en  parlant  d'un  orateur  célèbre  , 
nommé  Peuiippe  ,  qui  quoique  paralytique, 
tachoit  de  brouiller  l'état ,  ajoute  :  Il  eft 
étrange  que  cet  homme  ,  arrêté  par  une 
maladie  pire  que  \a  pemefyringue  ,  ait  l'ef- 
prit  11  remuant.  Cette  métaphore  agréable 
en  grec  ,  perd  fa  grâce  dans  notre  langue , 
parce  que  des  figures  qui  repréfentent  des 
images  ne  touchent  point  les  perfonnes  à 
qui  ces   images  font  inconnues.    (D.J.) 

PENTEXOCHE  ,  (  Hiji.  nat.  )  nom 
donné  à  une  pierre  femblable  à  une  nèfle. 

PENTHEMIMERIS  ,  dans  la  poéfie 
greque  &  latine  ,  c'efi  une  partie  d'un  vers 
compoléede  deux  pies  &  d'une  Ij-ilabe  lon- 
gue ,  comme: 

Nos  patrl  \  ce  fi.\  nés  ,  &c. 

Ce  mot  eft  grec  ,  '7nviiy.iuift< ,  &  formé 
de  T5VTS ,  cinq  ,  de  wmtvç  ,  moitié  y  &  de 
//êfoc ,  partie  ,  c'eft-à-dire  ,  cinq  demi- 
mefures  ,  chaque  pré  ,  dans  la  poéfie  gre- 
que ,  étant  compofé  de  deux  demi-mefures, 
<fe  la  fyllabe  longue  en  formant  une.  Voy. 
Césure. 

PENTHESE  ,  f.  f.  (  ffifl.  eccléf.  )  on 
a  donné  ce  nom  dans  î'Eglife  d'Orient  à 
la  fête  de  la  Purification  ,  qui  fe  célèbre 
le  a-  février. 


P  E  N 

PENTHIEVRE ,  (  Géogr.mod.  )  ancien 
Comté  dans  la  Bretagne  ,  érigé  en  Duché- 
Pairie  par  Charles  IX  ,  l'an  1 569  ,  en  fa- 
veur de  SébatHen  de  Luxembourg.  Cette 
Pairie  appartient  aujourd'hui  à  M.  le  duc 
de  Penthievre  ,  &  comprend  les  terres  de 
Guincamp,  Moncontour,  la  Roche-Emard, 
Lambale  ,  Lanizu  &  Jugon. 

PENTHORUM ,  f.  m.  (  Botan.  )  genre 
de  plante  dont  voici  les  caraderes  ,  lèlon 
LinniEus.  Le  calice  cft  très-petit ,  durable , 
&  compofé  d'une  feule  feuille  divifée  dans 
les  bords  en  cinq  fegmens  ;  il  n'y  a  point 
de  fleurs  ;  les  étamines  ibnt  dix  filets  foyeux, 
deux  fois  aufll  longs  que  le  calice  ,  &  per- 
manens  ;  les  bofl'ettes  des  étamines  font 
arrondies  &  tombent  très-promptement  ; 
l'embryon  du  pillil  eft  diviié  en  cinq  par- 
ties ,  &  (e  termine  en  cinq  Hyles  ,  qui  ibnt 
coniques  ,  droits  ,  obtus  ,  &  de  la  longueur 
des  étamines  ;  le  fruit  eiî  une  capfule  con- 
tenant cinq  loges  ;  les  graines  ibnt  noni- 
breufes  ,  petites  &  applaties.  {D.  J.) 

PENTICAPÉE,  (  Ge'ogr^  anc.)  ville 
qui  ,  fuivant  Strabon  &  d'autres ,  étolt  la 
capitale  du  Bofphore  Clmmérien  ,  &  le 
léjour  ordinaire  de  fes  rois.  Dans  une  mé- 
daille de  Pœrifade  ,  au  revers  qui  repré- 
fente  Pallas  ,  on  trouve  à  la  partie  infé- 
rieure du  fiege  de  cette  divinité  le  mono- 
gramme, ou  le  commencement  du  nom 
de  Penticape'e.  Ce  monogramme  efl  fin- 
gulier  ,  le  n  renferme  l'A  ,  &  le  renferme 
de  manière  qu'il  forme  le  N  qui  devroit 
le  fuivre  ;  au-defius  ,  paroît  un  trait  qui 
ajoute  à  la  première  fyllabe  le  T  qui  com- 
mence Ja  féconde  ,  &  diftinguc  ainfi  le  nom 
de  Penticape'e  de  celui  des  anciens  Pano- 
mitains  qui  l'abrégeoient  quelquefois  fur 
leurs  médailles  par  un  monogramme  tout 
femblable  ,  mais  compofé  des  trois  pre- 
mières lettres  feulement.  Le  trident  placé  au- 
defîbus  du  monogramme  de  Penticape'e  , 
exprime  la  fituation  de  cette  ville  fur  les 
bords  de  fon  détroit ,  à-peu-près  comme 
dans  nos  cartes  &  plans  géographiques  un 
peu  étendus  ,  nous  marquons  le  cours  des 
rivières  par  des  flèches  couchées.  {  D.  J.) 

PENTIERE  ,  f.  f.  (ChaJTe.  )  efpece  de 
grand  filet  fait  de  mailles  quarrées  &  à 
lofanges.  On  prend  à  lapentiere  les  becaflès 
&  autres  oifeaux  de  paflâge. 


P  E  N 

PENTLAND-FIRTH,  {Géog.  mod.) 
en  latin  mare  Picticum.  C'eil  cette  partie 
de  la  mer  leptentrionale  ,  qui  eft  entre  le 
comté  de  Cathnef  dans  le  nord  d'Ecofle , 
&  les  Orcades  ,  &  qui  a  24  milles  de 
large.  La  marée  y  efl  fi  forte,  que  dans 
deux  heures  de  temps  les  petits  bâtimens  la 
traverfent. 

On  dit  que  ce  détroit  tire  Ton  nom  du 
naufrage  qu'y  fit  la  flotte  des  Pides  ,  après 
avoir  *été  repouflee  par  les  hal)itans  du 
comté  de  Cadmet  d'un  côté  ,  &  par  ceux 
des  Orcades  de  l'autre.  Leurs  vailTeaux  fu- 
rent engloutis  par  les  tournans  d'eau  pro- 
duits par  les  concours  des  marées  oppolées 
qui  viennent  de  l'Océan  Calédonien  &  de 
la  mer  d'Allemagne  ,  &  des  grands  rochers 
de  ces  îles  qui  fe  trouvent  en  cet  endroit. 
Chaque  pointe  de  rocher  fait  une  nouvelle 
marée  ;  &  ces  marées  agilîent  enfemblc 
avec  tant  de  violence  >  même  quand  le 
temps  efl  calme  ,  qu'on  diroit  que  les  va- 
gues vont  fe  joindre  aux  nuées ,  &  toute 
la  mer  en  elt  couverte  d'écume.  Mais  rien 
n  efl  plus  épouvantable  qu-e  lorlque  ,  dans 
une  tempête  ,  les  veaux  maiins  font  mis 
en  pièces  contre  les  rochers. 

Il  y  a  deux  temps  où  l'on  peut  tra^^er- 
fer  ce  détroit  fans  danger  ;  favoir  ,  dans 
le  temps  du  refiux  &  dans  celui  de  la  haute 
marée  ,  quoiqu'alors  il  y  ait  àçs  tournoie- 
mens  d'eau  darvgereux  pour  les  petits  vaif^ 
liaux  ;  mais  les  mariniers  les  connoifîenry 
&  font  fi  bien  expérimentés  ,  qu'ils  \es  évi- 
tent,  ou  paflènr  pardefTus  avec  beaucoup 
d'adreffe.  {D.  J.) 

PENFURE,  nf.  {Serritr.)  morceau 
de  fer  plat  replié  en  rond  par  un  bout  , 
pour  recevoir  le  mameloa  d'un  gond  ,  & 
qui  attaché  fur  le  bord  d'une  porte  ou  d'un 
contrevent ,  fert  aie  faire  mouvoir ,.  à  l'ou- 
vrir ,   ou  à  le  fermer. 

Penture  flamande  y  c'efl  une  penture 
faite  de  deux  barres  de  fer  fbudées  l'une 
contre  l'autre  &  repliées  en  rond  ,  pour 
faire  pafîêr  le  gond.  Après  qu'elles  font 
foudées ,  on  \qs  ouvre ,  on  les  fépare  l'une 
de  l'autre  autant  que  la  porte  a  d'épailTeur , 
&  on  les  courbe  enfuite  quarrément  pour 
les  faire  joindre  des  deux  côtés  contre  la 
porte.  On  met  quelquefois  des  feuillages 
fur  ces  iijftes  de  penture^ 


P  E  N  139 

Penture  de  gouremaUy  (Marine.) 
Voyez  Ferrure  de  goupemail. 

Penture  de  /abords ,  Voyez  Fer- 
rure. 

Penture  à  gonds  ,  {  Marine.  )  ce 
font  des  bandes  de  fer  ,  ou  des  plaques 
qu'on  cloue  en  quelque  endroit  pour  y 
faire  entrer  un  gond  (ur  lequel  elles  fe  meu- 
vent comme  fur  un  pivot ,  pour  s'ouvrir 
&  fe  fermer.   [Z  ) 

PEiNULA  ,  f.  f.  (  Litterat.  )  efpece  de 
manteau  des  Romains  ,  long  ,  étroit  ,  &' 
qui  n'étoit  ouvert  que  par  le  haut.  On  Is 
vêtoit  en  pafTant  la  tète  par  cette  ouver- 
ture,  &  on  ne  le  prenoit  que  pour  fe' 
garantir  de  la  pluie  &  du  froid  ;  c'étoic 
proprement  un  manteau  de  campagne , 
quoiqu'on  le  portât  auill  en  ville  dans 
les  grands  froids.  Horace  parle  du  penula 
dans  Ton  épître  à.Bullatius-,  Ep.xj  ,  lii;!,. 
il  lui  dit  : 

Incolumi  Rhodes- y  &  Alitylene  pulchrai 

facit,  quod 
Penula  folfiitio^ 

T)  Si  votre  efprit ,  mon  cher  Bullatias  ,. 
w  étoit  dégagé  des-  pafiîons  qui  le  tourmen- 
>^  tent  ,.  vous  ne-  trouveriez  pas  plus  de^ 
yy  plaifir  à  demeurer  à  Rhodes  ou  à  Mi- 
»  tylene  ,.  toutes  charmantes  que  font  ces- 
yy  villes,  qu'à  porter  un  gros  manteau  au 
yT  mois  de*  juin.  »• 

Spartien  remarque  qu'Adrien  faifant  la 
fonâion  de  tribun  du  peuple ,-  eut  un  heu- 
reux préfage  de  la  continuation  de  cette 
dignité  dans  fa  perfonne  par  la  perte  qu'il 
ftt  de  fbn  manteau  appelle  peiiula ,  que  les 
tribuns  portoient  dans  le  temps  de  pluie- 
ou  de  neige  ^  &  dont  les  empereurs  ne  fe- 
fcrvoient  jamais.  7ribunus  plebis  faclus  efl 
candide  &  quadrato^  &  iterum  cojf.  in 
que  magiflratu  ad  perpetuam  tribunitiam 
poîeftatem  ,  omenjibifacium  ajjirit  y  quoS 
penulfts  amiferit  y  quibus  mi  tribuni  ple~ 
bis  pluvix  tempore  folebant  ;  imperatores. 
amem  nunquam.   {D.  J.) 

PENULTIEME ,.  adj.  (  Gramm.  }  dans 
un  ordre  de  chofes  ,  c'efi  celle  qui.  occupe 
la  place  d'avant  la  dernière.  La  pénultième 
leçon.  Le  pénultième  de  fà  clafîè. 

PEON/.  na.  {Poefle  greq.)  c'eft-à-dire. 


140  P  E  O  P  E  P 

pie.  Les  anciens  comptoient  quatre  fortes  !  même  nom.  Elle  produifoit  d'excellent  vin  &: 
de  pies  qui  s'appelloient  péons.  On  leur  ?  de  très-bonnes  olives.  Pline,  lip.XlV^ 
donna  ce  nom  parce  qu'on  les  employoit  ;  chap.  vij  ,  dit  que  le  médecin  ApoUodore 
particulièrement  dans  les  hymnes  d'Apol-  j  confeillant  le  roi  Ptolomée  ^  touchant  le 
Ion  ,  qu'on  nommoit  Pcean.  Le  premier  i.  vin  qu'il  devoit  boire  ,  préi'éra  celui  de  Pé- 
ft  compofé   d'une  longue    &  xyo\s  \  parethus.  Ov'xàt ,  Métam.  l.  Vil ,  v.^'/O^ 


brèves ,  comme  colligere  ;  le  fécond  eft 
compofé  d'une  brève  ,  une  longue  &  deux 
brèves,  comme  rejohere ^  le  troifieme  eft 
compofé  de  deux  longues ,  une  brève  &  une 
longue,  comme  communicant i  &  le  qua- 
trième ell  compofé  de  trois  brèves  &  une 
longue  ,   comme  t^meritas. 

PEONE,  {Jardinage.)  Voyez  PI- 
VOINES. 

PEONIEN  EPIBATE,  rythme, 
(  Mufique  anc.  )  le  rythme  pconien  épibate 
étoit  compofé  ,  1°.  d'un  frapé ,  ou  d'une 
longue;  2,*^.  d'un  levé ^  ou  d'une  autre 
longue  ;  3°.  d'un  double /ra/?^'^  ou  de  deux 
longues  ;  4°'  ti'un  l^^^'  >  ou  d'une  cinquième 
longue.  (-1-I--1-1) 

PEONIQUE ,  rythme  ,  (  Miiftq.  anc.  ) 
étoit  un  des  trois  rythmes  de  la  mufique 
vocale  des  anciens  ;  les  deux  autres  ctoient 
le  rythme  dadylique  ,  &  le  rythme  ïam- 
bique. 

On  rapportoit  au  rythme  pionïque  non- 
feulement  les  quatre  péons  ,  mais  auiîi  tous 
les  autres  pies,  dont  la  mefurc  fe  battoit 
à  deux  temps  inégaux,  fuivant  la  propor- 
tion de  3  à  Z  ,  ou  de  2,  à  3 

Piutarque  nomme  le  rythme  pe'onique 
dans  la  proportion  feiquilatere  ou  de  3  à  2 , 
compofé  d'une  longue  &  de  trois  brèves  ; 
&  comme  cette  longue  dans  cet  afTem- 
blage  peut  occuper  quatre  places  diffé- 
rentes ,  cela  forme  autant  de  pies  diffé- 
rens  appelles  péons  .-1,2,3,4,  parce 
qu'ils  étoient  finguliérement  ufités  dans  ces 
hymnes  d'ApoFlon,  qu'on  novc\md\t  pccans. 
Voyez  Rythme  ù  Pcean. 

PEOTE  ,  f.  f  (  Marine.  )  c'eft  une 
cfpece  Àt  chaloupe  très-légère  qui  efî  en 
ufage  parmi  les  Vénitiens.  Comme*  cette 
.  forte  de  petit  vaiffeau  va  d'une  très-grande 
vîtelfe  ,  ils  s'en  fervent  quand  ils  veulent 
envoyer  des  avis  en  diligence. 

PEPARETHE  ,  (  Géogr.  anc.  )  Pepa- 
rethus  ,  île  de  la  mer  Egée  fur  la  côte  de 
la  Macédoine,  félon  Ptolomée,  liv.  IJI^ 
chap.    xiij  ,    qui  y  place   une  ville    de 


tau  reloge  des  olives  de  cette  île  : 


■^^  gy'^^os  y  nitidœque  ferax  Peparethos 

OLlVtX. 

Des  géographes  modernes  appellent  cette 
lie  Lernene  ,   Saraquino  ,  &  Opida. 

Dioclès  né  dans  l'île  de  Péparethe  ,  efl 
le  premier  des  Grecs  qui  ait  écrit  de  l'ori- 
gine de  Rome-  Il  vivoit  avant  la  féconde 
guerre  de  Carthage  ;  car  Piutarque  in  Ro~ 
mido  ,  nous  apprend  que  cet  auteur  avoit 
été  copié  en  piuiieurs  endroits  par  Trabius 
Piclor. 

Je  dois  obferver  en  pafTant  que  les  Grecs 
ont   eu    plufieurs    écrivains    du    nom    de 
Dioclès.    C'elt  Dioclès    de    Rhodes    qui 
étoit    auteur    d'une    hifîoire    d'Etolie'  ;  le 
même ,  ou  un  autre  Dioclès  avoit  fait  une 
hiftoire  de  Perfe.   Diogene  Laerce  fe  (ère 
très-fouvent  des  vies  des  philofophes  écrites 
par  un  Dioclès  ,  qui  eft ,    félon  les  appa- 
rences ,  différent  de  ceux  dont  on  vient 
de  parler.  On  doit  encore  diliingucr  entre 
les  hommes  de  ce  nom  ,  deux  Dioclès  de 
Caryfle  ,   l'un   médecin  ,  qui   vécut   dans 
un  temps  peu  éloigné  d'Hippocrate  ,  dont 
il  égala  prefque  la  réputation  ,  fi  l'on  en 
croit  Pline  >  qui  le    cite   fouvent  ;  l'autre 
Dioclès  de  Caryfte ,   étoit  un  rhéteur  du 
temps  d'Augulle  ,  de  qui  Séneque  fait  men- 
tion dans  (a  première  controverfe.  Dioclès 
d'Athènes  eft  un_pcëte  comique  fouvenc 
cité    par  Athénée.    Dioclès  d'Elée  eft  un 
muficien  qui  ne  nous  eH:   connu  que  par 
Suidas.  (  D.  J.  ) 

PEPASME  ,  f  m.  terme  de  Médecine  , 
qui  fignifie  l'adion  de  digérer  &  de  mûrir 
les  humeurs  morbifiques.  V^qye\  MATU- 
RATION ,  Digestion,  ùc. 

PEPASTIQUE  oK  PhPTlQUE,  adj*. 
terme  de  Médecine  ,  c'eft  le  nom  qu'on 
donne  à  une  forte  de  médicament  ,  dont 
la  confiftance  eft  fembl^ble  à  celle  d'un 
emplâtre,  &  qui  a  la  propriété  de  guérir 
les  humeurs  vicieulès  &  corronrç»ues ,  en 

les 


P  E  P 

les  dirpofant  à  la  fuppuration.  Vqyei  MU- 
RISSANT &  Digestif. 

Ce  mot ,  ainfi  que  le  mot  pepafme  , 
eu  i'orraé  du  mot  grec  '^n-^ra.mv  ,  digérer  ou 
mûrir. 

Les  beurres,  les  racines  de  mauve  ou 
fleurs  de  lis ,  les  oignons  &  les  feuilles  de 
l'oxylapathura  pafîent  pour  de  bons  pepaf- 
iiqiies  ou  maturadfs. 

PEPERIN  ,  f.  m.  (  Architecl,  )  forte  de 
pierre  grifè  &  ruftique ,  dont  on  fe  lèrt  à 
Rome  pour  bârir. 

PEPHNON  ,  {Géogr.  anc.)  ville  de  la 
Laconie  ,  félon  Etienne  le  géographe.  Pau- 
fanias  ,  liv.  III ,  chap.  ocxi-j  ,  qui  en  fait 
une  ville  maritime  ,  la  met  à  vingt  flades'de 
Thalami ,  &  ajoute  qu'il  y  avoit  au-devant 
une  petite  île  fort  femblable  à  un  rocher , 
&  qui  s'appelloit  de  même  nom.  Je  m'é- 
tonne que  Paufanias  ait  donné  le  nom  d'i/f 
à  un  miférable  petit  rocher ,  dont  le  fom- 
met  n'a  pas  plus  d'étendue  que  ce  qu'il 
y  a  de  terre-plein  au  haut  de  Montmar- 
tre ;  mais  le  pays  natal  de  Caflor  &  de 
Pollux  méritoit  d'être  ennobli ,  &  voilà 
pourquoi  Paufanias  en  parle  magnifique- 
ment. [D.  J.) 

PEPIE  ,  f.  f.  maladie  qui  attaque  la  vo- 
laille ;  elle  confille  en  une  petite  peau  ou 
tunique  blanche  &  déliée  ,  qui  leur  vient 
au  bout  de  la  langue ,  &  qui  les  empêche 
de  le  nouiiir. 

Cette  maladie  vient  ordinairement  faute 
d'eau  ,  ou  d'avoir  bu  de  l'eau  bourbeufe , 
ou  mangé  des  alimens  fales  ;  on  la  guérit 
en  arrachant  la  petite  peau  avec  les  doigts  , 
&  en  frottant  la  langue  avec  du  fel. 

Les  faucons  en  particulier  font  fort  fujets 
a  cette  maladie  ,  elle  leur  vient  fur-tout 
<i'avoir  mangé  de  la  chair  puante  ou  cor- 
rompue. J^oyei  Faucon. 

PEPIN  ,  f.  m.  {Hifi.  nat.  Bot.)  graine 
<îc  certains  arbres  que  l'on  nomme  parti- 
culièrement arbres  fruitiers  à  pépin  ;  com- 
me le  poirier  ,  le  pommier  ,  le  coignaffier, 
&  le  cormier.  On  donne  auffi  le  nom  de 
pépin  aux  graines  de  quelques  autres  ar- 
bres &  arbrilîêaux  ,  comme  l'oranger ,  la 
vigne  ,  le  grofciUier,  l'épine-vinette  ,  quoi- 
qu'il n'y  ait  entre  les  femences  de  ces  der- 
niers arbres  &  celles  des  premiers  ,  ni 
analogie  ,  ni  reffemblance  :  mais  l'ufage  a 
Tome  XXV, 


P  E  P  t4i 

]  prévalu.  Comme  on  s'eft  fort  attaché  de 
tout  temps  à  fèmer  les  pépins  des  arbres 
fruitiers  pour  leur  multiplication  ,  on  a 
donné  le  nom  de  pépinière  aux  terrains 
qui  fervoient  à  femer  les  pépins.  Sur  la 
culture  des  différentes  fortes  de  pépins  , 
voyez  l'article  des  arbres  qui  les  produi- 
fent  &  le  mot  PEPINIERE. 

PEPIN  LandEIN  on  le  Vieux  , 
[Hift.  de  France.)  Maire  du  palais  d'Auf- 
trafie. 

Pepin  d'HerisTAL,  prince  ou  duc 
d'Aultrafîe. 

Pépin  le  Bref  ,  roi  de  France  ,  pre- 
mier roi  de  la  féconde  race  ,  &  le  vingt- 
deuxième  depuis  la  fondation  de  la  Mo- 
narchie. 

Ces  trois  princes  fe  font  rendus  fameux  ; 
mais  celui  dont  la  vie  jette  un  plus  grand 
éclat ,  &  qui  mérite  plus  d'être  développée  , 
eft  fans  contredit  le  troifieme  ,  que  fa  pe- 
tite taille  fit  (iirnommer  le  Bref\  &  que 
la  force  de  fon  génie  eût  dû  faire  furnom- 
mer  le  Grand.  Ce  fut  un  tyran  bien  habile  ; 
il  précipita  du  trône  des  rois  dont  l'ori- 
gine fe  perdoit  dans  l'antiquité  la  plus  re- 
culée, &  que  les  françois  avoient  révérée 
d'abord  comme  célefte.  Ce  n'eft  pas  le  feul 
trait  qui  attefle  fes  talens  :  on  doit  fur- 
tout  l'admirer  ,  parce  que  n'ayant  eu  qu'une 
puifîânce  ufurpée ,  il  parvint  à  faire  per- 
dre l'idée  de  Ion  ufurpation  ,  &  à  nelaifler 
voir  que  le  titre  de  roi ,  contre  lequel  la 
poilérité  n'a  point  réclamé.  Les  exploits 
des  premiers  Mérovingiens ,  le  nombre  & 
l'éclat  de  leurs  vidoires  ,  l'étendue  de  leurs 
conquêtes  ,  l'amour  &  le  refped  des  fran- 
çois pour  les  defcendans  du  célèbre  ,  du 
grand  Clovis  ,  ne  furent  pas  capables  d'ar- 
rêter l'ufurpateur.  Mais  avant  que  d'entrer 
dans  les  détails  de  fà  vie ,  &  de  fcruter 
les  deffeins  de  fà  pohtique,  on  ne  fauroit 
le  dilpenfèr  de  faire  connoîrre  quels  furent 
Ces  aïeux.  Les  hifloriens  s'accordent  à  dire 
que  Charles  Martel ,  fon  père  ,  étoit  arriere- 
petit-fils  de  Pepin.  le  Vieux  Se  d'Arnou  ; 
le  premier  fut  maire  du  palais  fous  Dago- 
bert  premier,  &  le  fecoad  fut  gouverneur 
de  la  perfonne  de  ce  prince.  Si  nous  en 
croyons  les  écrivains  du  temps  ,  Pepin 
&  Arnou  ,  pofïederent  dans  le  plus  émi- 
nent   degré ,    tous    les   talens    que   leurs 


îV-  P  ^  ^ 

places  cxigeoient  ;  ils  exaltent  fùr-tout  leur 
fidélité.  La  conduite  de  Dagobert  premier, 
tant  qu'il  fut  fous  leur  tutelle ,  &  en  quel- 
que Ibrte  fous  leur  empire,  jette  quelques 
Ruages  fur  ce  tableau.  Les  comraencemens 
du  règne  de  ce  prince  ,  ofïrent  peu  d'ac- 
tions louables;  on  en  découvre  au  con- 
traire plufieurs  qui  font  dignes  de  la  plus 
févera  "cenfure  :  on  doit  blâmer  fur-tout  (à 
conduite  envers  Clotaire  fécond  ,  fon  père  , 
qui  lui  donna  le  royaume  d'Auflrafie;  il 
fi'en  eut  pas  plutôt  reçu  le  fceptre,  qu'il 
k  menaça  d'une  guerre  par  rapport  à  quel- 
ques comtés  que  Clotaire  s'étoit-  réfervés. 
Dagobert  étoit  dans  un  âge  trop  tendi-e , 
il  étoit  trop  defpotiquement  gouverné  pour 
que  l'on  puifle  s'en  prendre  diredement  à. 
lui,  mais  à  Pépin,  Ce- m-iniftre  doit  en- 
core être  regardé  ,  comme  l'un  des  prin- 
cipaux auteurs  de  la  divifion  qui  s'intro- 
duifit  dans  la  monarchie.  La  France,  de- 
puis Clovis  ,  n'avoit  formé  qu'unfeul  em- 
pire ,  qui  fe  partageoit  en  plufieurs  royau- 
mes ,  lorfque  le.  roi  laiiToit  pluiieurs  en- 
fans:  ainfi  on  la  vit  divifée  en  quatre  par- 
ties fous  les  fils  de  Clovis  ,  &  fous  ceux 
de  Clotaire  premier  ;  mais  lorfqu'ûn  royau» 
me  venoit  à  vaquer  ,  il-  étoit  partagé  ; 
il  fe  confon doit  dans  les  trois  autres.  Sous 
ia  vie  de  Pépin  ^  il  n'en  fut  pas  de  même. 
Clotaire  fécond  ,^pi'ès  la  défaite  &  h 
mort  des  rois  de  Bourgogne  &  d'Auftra- 
fie  ,  fes  coufins  ,  dont  il  fut  le  vainqueur 
&  l'ex-terminateur.,  v-oulut  enfin  réunir  ces 
deux  royaumes  ;  Içs  maires  qui ,  par  cette 
réunion,  dévoient  être  fupprimés ,  s'y  op- 
poférent-,  ils  empêchèrent  même  qu'on  n'en, 
féparât  quelque  partie  ;  ils  fe  comportèrent 
moins  en  lieutenans.  du  monarque  ,  qu'en 
régens.  du.  royaume.  Clotaire  ne  fe  décida 
à  mettre  Dagobert  fur.  le  trjône  d'Auilra- 
iîe  ,  que  parce  qiie  fon  autorité  y.  étoit 
prefque  entièrement  méconnue.  Ilferoitce-. 
pendant  injufte  d'accufer  Pépin  de  cette 
révolution  ,  il  ne  fit^  que  la  fou  tenir  ;Ra~ 
don ,  fonprédécelTeur^,  l'avoitcommencéc: 
mais  il  étoit  d'autant  plus. blâmable  dans  la. 
guerre  qu'il  fufcita  à  Clotaire  ^  qu'il  étoit. 
redevable  de  fon  élévation  à  ce  prince  ; 
c'étoit  Clotaire  qui  l'avoit-  fait-  maire  du 
palais.  Il  paroît  que  Dagobert  lui-même, 
Ic&dûu.taU'ambitioudç  ce  minière,  aulïirtôt 


F  E  P 

que  fon  âge  lui  permit  de  l'apprécier  ;  on 
ne  voit  pas  qu'il  l'ait  employé  dans  les 
négociations  importantes  :  il  le  deftitua 
même  de  k  mairie  d'Aufirafie  ,  lorfqu'il 
confia  les  rênes  de  cet  état  à>  Sigebert  fe- 
cand,  fon  fils  :  il  le  mortifia  au  point  de- 
lui  donner  un  luccefleur,  lui  vivant.  Tous 
les  hilloricns  rendent-  hommage  au  génie 
fupérieur  de  Pépin  ,  &  leur  témoignage 
Uniterme  en  ce  point,  accufe  fa  "fidélité.. 
Si  Dagobert  l'eût  cru,  incapable  d'abufer 
des  droits  de  ù  charge ,  ne  l'auroit-il  pas 
mis  auprès  de  la  perfonne  de  fon  fils?  De- 
quelle  utilité  n'étoieat  pas  les  confeils  d'un 
miniUre  qui  avoit  déj-i  l'expérience  de  deux 
règnes  ?  Pépin  ,  écarté  de  la  mairie ,  cher» 
cha  tous  les  moyens  d'y  rentrer  ;  il  en- 
tretint des  intelligences  dans  l'Auflrafie  ^ 
s'y  fit  des  créatures;  il  s'attacha  fur-tout 
Cunibert ,  évêque  de  Cologne,  prélat  qui 
pouv-oit  donner  à  fon  parti  la  plus  haute 
confidé-ration.  On  fait  quel  étoit  alors  l'af- 
cendant  des  évêques  fur  l'efprit  des  peu- 
ples.. La  conduite  de  Pepin^  après  la  mort 
de  Dagobert ,  naontre  bien  qu'il  avoit  re- 
gardé ,  comme  un  exil ,  fon  fejour  à  la  cou? 
de  ce  prince;  il  quitta  la  Neuftrie ,  où  il 
ne  pouvoit-  plus-  figurer  qu'en  fubalterne, 
La  mairie  de  ce  royaume  &le  gouvernement 
de,la,perf9nnede,Clçvis-.feGond,  fils  puîné 
de  Dagobert,  avoient  été  conférés  àEga: 
nouvelle  preuve  qu'on  le  regar<ècit  comme 
un  ef^it  dangereux  qu'il  falloit  éloigner 
des  affaires.  Son  entrée  en  Auflrafie-,  avoit 
tout  l'éclat  &  toute  la  pompe  d'un  triom- 
phe; il  étoit  accompagnée  d'une  multitude 
de  feigneurs. de  fes  amis,  que  Dagobert 
avoit  retenus  auprès  de  fa  perfonne  ,  par 
les  mêmes  motifs  d'inquiétude  que  l'am- 
bition, de  Dagobert  avoit  fait  naître.  Cu- 
nibert,,  cet  évêque.  qu'il  s'étoit  attaché  , 
brigua  pour,  lui  le  fuSrage  des.  grands  , 
qui  n'avoienç.  point- entièrement  perdu  le 
ibuvenir  des  carefîes  que  fa  main  pohti- 
que  leur  avoit  anciennement  prodiguées  : 
enpeu.de-  temps,  il  fe  trouva  armé  de 
toute  l'autorité  ;  Adalgife  lui  céda  fa  place. 
Ce  mot  c/(c/a  dont -nous  ufons  d'après  la 
plupart  des  hifioriens.,  nous-  paroît  peu 
convenable  au  fujet  ;  quelque  orageux  que 
foit  le  miniftere ,  on  ne  le  quitte  point 
lâns.  regret;   il  a  des  attraits  qui  nous  ^ 


p  E  I> 

atfaclient  malgré  nous  ;  l'ambitieux  iufte 
pour  le  conferver  par  rapport  à  lui-même  , 
le  fage  pour  aiTurer  les  deflinées  des  peu- 
ples,  &  en    mériter  le  fufFrage.  Pépin  , 
placé  pour   la  féconde   fois  à  la  tête  du 
royaume  d'Auih-afic ,  fe  lia  avec  Ega  ,  fon 
collègue  en  Neuftrie-;   au  moins  leur  plan 
lèmble  trop  conforme  pour  n'avoir   point 
été  concerté  :  ils  ne  voyoient  pcrfonne  au- 
delTus    d'eux  ;  ils    étoient  les  tuteurs ,   ils 
étoient  les    maîtres  de   deux  rois  enfans  ; 
Sigebert  fécond  avoit   à  peine  huit    ans , 
Clovis  fécond  n'en  avoit  pas  cinq  accom- 
plis ;  ils  n'omirent  rien  pour  s'attirer  toute 
la  confîdération  :  ils   ouvrirent  les  tréfors 
publics ,  ils  les  verfercnt  avec  profufion  ; 
&  fous  prétexte  de  réparer  les  ufurpations, 
les  violences  ,  les  opprefGons  véritablis  ou 
liippofées  du  dernier  règne  ,  ils  parvinrent 
à  rendre  odieufe  la  mémoire  de  Dagobert. 
Ce  n'efl  pas  qu'on  les  blâme    d'avoir  fait 
ces  refîitutions ,  c'efldans  les  rois  un  de- 
voir indifpenfable  &  facré  d'être  jufles  ;  & 
fi  Dagobert  s'étoit  écarté  de  ce  principe  , 
il  étoit   de  la  gloire  de  fes  fucceffeurs  de 
réparer  le   mal  que  l'abus  d-e  ces  princi- 
pes pou  voit  avoir  occafioné;  on  ne  blâme 
que  la  conduite   trop  flatreufe  de   fes  mi- 
nières. Pipin  &  Ega  firent  clairement  con- 
noître  ,   qu'ils   avoient   moins  en    vue  les 
profpérités  de  l'état  >  que  leur  bien  parti- 
culier. En  fîétrifîant  la    mémoire  du  feu 
roi ,  ils  attachoient  fur  le    trône  la    haine 
qu'ils  excitoient  contre  lui ,  &  on  ne  peut 
douter  que  ce  n'ait  été  une  des  caufes  de 
la  chute  de  la  première  race.  On  refpeda 
encore  la  perfonne   du  roi ,  mais    moins 
par  amour  que  par  une  ancienne  habitude. 
On  commença  à  haïr  la  royauté  ;  on  aima 
la  mairie  ,  on  la  regarda  comme  un  frein 
qui  devoit  arrêter  la  marche  des  rois  ,  & 
Ton  fe  plut  à  la  voir  armée  du  fouverain 
pouvoir.  Pepljsi  mourut  dans  la  troifieme 
année  de  fon    nouveau    minifîere  ,  adoré 
des  grands  qu'il  avoit  fu  flatter  ,  &  du  peu- 
ple ,  envers    qui  il  s'étoit    montré    jufte. 
Grlmoalde  ,  fon  fils ,  héritier  de  (ts  fen- 
timens ,  adopta  le  même  plan ,    &  le  dé- 
ploya avec  trop  de  vivacité.  Une  loi  d'état 
avouée  par  une  fage  politique  ne  permettoit 
pas  à  un  fils  de  pofTéder  les  grandes  char- 
ges ,  lorfque  fon  père  les  avoit  polTédées. 


P  E  P  143 

Othon,  jeune  feigneur  Auflralîen,  briguoit 
la  mairie;  &  invoquoit  cette  loi  pour  éloi- 
gner Grimoalde  ,  qui ,  voyant  que  ce  jeune 
feigneur  alloit  lui  être  préféré ,  termina  la 
difpute ,  &  le  fît  afrafliner^Ce  fut  par  ce 
crime  que  cet  ambitieux  s'approcha  de  Si- 
gebert ;  il  changea  bientôt  les  fcntimens  de 
ce  jeune  monarque ,  dont  le  règne  avoit 
été  marqué  par  d'heureux  préfages'  ;  au  lieu 
de  développer  en  lui  \q%  talens  d  un  roi  , 
il  le  plongea  dans  l'excès  de  la  dévotion: 
c'étoit  alors  la  fureur  des  fondations  reli- 
sieufes  ;  Sigebert  ne  put  échapper  à  la  con- 
tagion ;  Grimoalde  eut  foin  de  lui  fourni? 
l'argent  que  cqs  fortes  de  dépenfes  exigent. 
Ce  miniiîre  fè  rendoit  très-cher  à  cer- 
taines perfonnes  ,  qui  aimoient  moins  le 
monarque ,  que  la  main  qui  le  dirigeoit. 
Sigebert  rcgardoit  comme  un  homme  très- 
précieux  ,  un  minifîre  qui  ruinoit  fon  tré- 
fcr  aux  dépens  du  public.  On  prétend  que 
Sigebert ,  pénétré  de  reconnoifîance ,  adopta 
pour  héritier  ,  par  fon  teftament ,  Childe- 
bert ,  fils  du  minifîre  ,  qui  lui  fournifToit 
les  moyens  de  faire  tant  de  bonnes  œu- 
vres. Ce  flit  fur  ce  teflament ,  faux  ou  véri* 
table  ,  qu'après  la  mort  de  Sigebert  fécond , 
Grimoalde  s'appuya  pour  mettre  la  cou* 
ronne  fur  la  tête  de  Childebert ,  fon  fils  ; 
il  fit  difparoître  prefque  auffi-tôt  Dagobert 
fécond  ,  &  le  relégua  en  EcofTe.  Ce  nou- 
veau crime  étoit  néceffaire ,  le  teflament 
ne  pouvant  avoir  fon  effet  qu'au  défaut  de 
poftérité  mafculine.  Plufieurs  chofes  favo* 
rifoient  cette  révolution  ;  les  Auftrafiens 
ne  voyoient  plus  parmi  eux  de  roi  de  l'an- 
cienne race  ;  ils  ne  Vouloient  pas  foufFrir 
que  le  royaume  fût  réuni  à  celui  de  Neuf* 
trie;  foit  par  un  motif  de  gloire  na- 
tionale ,  foit  que  par  cette  réunion  on  fup- 
primât  les  grandes  charges  y  que  les  fei- 
gneurs,  étoient  bien  aifes  de  conferver  ,  elle 
ne  s'accomplit  cependant  pas,  Childebert 
fut  détrôné  ,  &  Grimoalde  fut  obligé  de 
paroître  en  criminel  devant  Clovis  fécond  » 
qui  le  punit  de  fon  attentat.  Développons  , 
s'il  efl  pofEble  ,  la  caufe  de  la  cataflrophc 
de  ces  ufurpateurs  ,  difons  comment  il  fuc- 
comba  dans  une  entreprife  qui  réufîît  à 
Pépin  le  Bref,  arriere-petit-fils  de  fa  fœur 
Begga  :  nous  en  appercevons  plufieurs  ; 
d'abord  on  doit  préfumer  que  les  cris  d'Im» 

Hh  2 


244  P  E  P 

nichilcle  contre  lui  ne  furent  point  impui{- 
fans  :  une  reine  n'eft  jamais   fans  courti- 
ians  ou   fans   amis:  heureufes    celles    qui 
ikvenc  préférer  le  petit  nombre  de  ceux-ci 
à  la  tourbe  dei  autres.  Il  ei\  bien  difficile 
d'abufer  une  mère  ,   rarement   on  trompe 
fa  vigilance  ,  fa  foUicitudc  ;  on  ne  voit  pas 
qu'Imnichilde  ait  été  dupe  deféclipfe  de 
Dagobert  :  il  efl  certain  que    l'on    favoit 
en  Neuilrie  que  ce  prince  exiftoit  en  EcofTe; 
le    teilament   de  Sigebert   fécond ,  paflbit 
même  pour  une  fable  :  le  couronnement 
de  Childebert  ne  pouvoit  donc  être  regardé 
que  comme  une  ufurpation ,  &  les  Fran- 
çois fe  croyoient  toujours  liés  par  leur  fer- 
ment à  l'ancienne  race  ;  ils  ne    croyoient 
pas  qu'il  leur  fût   permis  dans  aucun  cas 
de  renoncer  à  l'obéiffance  envers  leur  roi. 
On  verra  par  la   conduite  de  Pépin  que 
ce  préjugé,   ou  plutôt  cette  utile  vérité  , 
fut  un  des  principaux  obllacles  que  ren- 
contra fon  ambition  ;  il  lui  fallut  pour  le 
vaincre  faire  parler  le  miniflre  d'un  dieu. 
A  ces  cauiès  ,  dont  quelques-unes  fe  font 
préfcntées  à  certains  écrivains  ,   j'en    vais 
ajouter  une  qui  me  paroît  plus  puifTante  ; 
elle  efl  échappée  à  tous    les    hifloriens  , 
même  à  tous  les  critiques.   M.  l'abbé  de 
Mably ,  ce  favant  fi   plein   de    notre  hif^ 
Toire ,    ne    l'a    point  apperçue  ,    ou  il  a 
négligé  de  nous  en  faire  part.  Si   Childe- 
bert eût    été  maintenu   fur    le    trône  ,  la 
charge  de  maire  auroit  été  infailliblement 
fupprimée  ;  alors  les  grands  qui  commen- 
çoient  à  la    regarder  comme  un  bouclier 
contre  les  entreprifes    des  rois  ,  fe  trou- 
voient   fans    défenfeut  &  fans    appui  ;  ils 
allaient  trembler  fous  un  prince  qui  alioit 
réunir    la    royauté    &   la    marne ,    qu'ils 
étoient  parvenus  à  faire  regarder  comme 
deux   dignités  rivales  ,  &  dont   l'autorité 
de  l'une  balançoit  celle  de  l'autre.  Il  n'étoir 
nullement  à  préfùraer  que    Childebert  eût 
lailTé  fubfifler  une  charge  qui  lui  avoit  fervi 
de  degré  pour  monter  fur  le  trône  de  (^es 
maîtres  ,  &  les  en  précipiter.  Les  grands 
ne  dévoient  pas  être  tranquilles  fur  l'am- 
birion  de  Grimoalde  :  c'étoit  par  un  crime 
qu'il  avoit  acquis  la  mairie  :  c'étoit  par  un 
autre  crime  qu'il  avoit  placé  la  couronne 
fur  la  tête  de  fon  fils.  L'hifloire  ne  nous  a 
point  dévoilé  fes  autres  excès  ;  mais  il  faut 


P  E  P 

croifid  que  ceux  que  nous  venons  d'expofer  ne 
furent  pas  les  feuls.  L'auteur|des  obferpa-» 
tions  fur  l'hifioire  y  écrivain  inappréciable  , 
mais  dont  j'ofe  ici  combattre  le  fentiment  , 
femble  louer  la  modération  d'Erchinoalde  ou 
Archambaut ,  maire  du  palais  de  Neuflrie  , 
qui ,  fuivant  lui ,  eut  la  générofité  de  punir 
l'ufurpateur ,  quoiqu'il  fût  de  l'intérêt   de 
fon  ambition  de  le  favorifer  ,  &   que  fon 
fuccès  en  Auflraiie  fat  devenu  un  titre  pour 
lui  en  Neuflrie.  On  voit  que   cet  auteur, 
dont  je  Cens  d'ailleurs  tout  le  mérite ,  re- 
garde le  fupplice  de  Grimoalde  comme  l'ou- 
vrage d' Archambaut ,  fon  collègue  ;  &  l'hif- 
toire  attelle  que  ce  fut  celui  des  grands  du 
royaume  d'Aufîrafie.  S'il  y  contribua  ,  ce 
ne  fut  pas  volontairement ,  mais  feulement 
parc#  qu'il  eût  été  dangereux  de  ne  pas  fe 
déclarer  dans  une  conjondure  auffi  impor- 
tante: il  ne  faut  pas   croire  qu'il  fut  libre 
d'ambition  :  plus   fage  que   fon  collègue  , 
il  attendoit  le  fuccès  pour  fe  décider.  Ses 
vues  intérefTées  ne  tardèrent  pointàfema- 
nifefler  :  en  efî'et ,  au  lieu  d'ordonner  le  re- 
tour de  Dagobert,  il  le  tint  toujours  danS; 
fon  exil ,  &  fe  réferva  la  mairie  d'Auflralie  ,, 
qu'il  eût   fallu  rétablir  fi  ce  prince  eût  re- 
monté fur  le  trône.  On  ne  m'objedera  pas 
qu'il  fut  retenu  par  Cîovis  ;  ce  monarque  , 
toujours  occupé  de  fa  dévotion  ,  avoit  bien 
peu    d'influence    dans  l'état  ;  rarement  il 
fortoit  de  fon  oratoire ,  où  il  ne  s'occupoit 
que  du  foin  de    décorer  quelque   rehque. 
Mais  ce  qui  achevé  de  dévoiler  ce  maire  , 
c'ell  le  mariage  qu'il  fit  contrader  à  Cîo- 
vis ;  il  lui  fit  époufer  Batilde  ,  une  efclave 
par  qui  il  s'étoit  fait  fervir  à  table  :  voilà 
quelle  fut  la  femme  que  ce  traître  ne  crai- 
gnit pas  de  faire    époufer  à  fon    roi.  Ne 
connofToit-il  pas  mieux  les  convenan  es  ? 
&  croira-t-on  qu'il  agiifoit   fans  intérêt  ? 
Quelle  reconnoiffance  ne  devoit-il   pas  fe 
promettre    de  la  part  d'un^i^rinceiTe  dont 
il  étoitle  créateur?  Dagobert  II  fut  cepen- 
dant rappelle  ,  non     par    l'infpiration    du 
maire  ,  mais  par  Childeric  II  ,  qui  lui  ren- 
dit la  couronne  de  l'Auflrafie.  La  mairie  de 
ce  royaume  fut  rétablie ,  &  c'eil   ce    qui 
prouve  ou  que  les  rois  étoient  lans  auto- 
rité ,  ou  qu'ils  étoient  abfolument  dépour- 
vus de  poHtique.   Cette    charge  fortit  un 
^  inilaût  de  la  famille  dos  F^pm.  Mais  avant 


P  E  P 

de  quitter  l'article  d-'  Grimoalde ,  obfer- 
vons  un  trait  qui  attefle  fon  génie  ;  ce  fut 
cette  attention  de  donner  à  Ton  fils  un  nom 
que  plufieurs  rois  avoient  porté  ;  ainfi  li 
la. famille  de  l'ufurpateur  étoit  nouvelle, 
fon  nom  ne  l'éroit  pas.  Un  nommé  Vul- 
foade  fut  fait  Maire  du  palais  de  Dago- 
bert ,  mais  après  (a  mort,  elle  paflà  à  Anfe- 
gifile ,  mari  de  Begga  ,  fœur  de  Grimoal- 
de :  ce  nouveau  Maire  eut  un  règne  bien 
court,  il  périt  aflaffiné  par  un  ennemi  domes- 
tique qu'il  avoit  fait  élever  avec  un  foin 
extrême.  Pépin  ,  fon  fîls  ,  que  l'on  dif- 
tingue  par  le  furnom  ^  H  enflai  ^  vengea 
fa  mort  :  il  tua  l'afTiflm  au  milieu  d'une 
foule  de  complices.  Cette  intrépidité  lui 
captivant  l'efprit  des  feigneurs  ,  on  lui  con- 
fia à  lui  &  à  Martin  fon  coufin ,  le  gou- 
vernement d'Auilrafie  ,  qu'ils  polïéderent 
l'un  &  l'autre  conjointement  y  non-feule- 
ment avec  le  titre  de  Maire  y  mais  encore 
avec  celui  de  prince  ou  de  duc.  Les  fei- 
gneurs leur  retufercnt  le  tiire  de  roi  ,  lans 
doute  pour  conferver  le  droit  de  recourir, 
à  celui  de  Neuilrie ,  s'il  leur  prenoit  envie 
de  leur  impofer  des  devoirs  qu'ils  ne  ju- 
geoient  point  à  propos  de  remplir.  C'eft 
ainfi  que  les  feigneurs  tenoient  dans  une 
efpece  de  dépendance  les  deux  princes  qu'ils 
avoient  jugé  à  propos  de  fe  donner.  Pépin 
&  fon  collègue  adoptèrent  le  plan  que 
*Pepin  le  Vieux  leur  avoit  tracé  :  c'étoit 
de  captiver  l'efprit  des  peuples  en  aff'edant 
l'extérieur  àts  vertus  ,  &  en  déployant  tout 
le  fafledes  talens.Leurs  prédécefleurs  étoient 
parvenus  à  avilir  la  perfonne  des  rois  , 
qui  ne  (brtoient  plus  de  l'enceinte  de  leur 
palais ,  &  à  faire  redouter  la  royauté  ;  ils 
femerent  de  nouveaux  germes  de  diicorde 
entre  les  Neuflriens  &  les  Auftrafiens ,  dont 
ils  craignoient  toujours  la  réunion  ;  ils 
avoient  bien  prévu  qu'on  leur  contelleroit 
à  la  cour  de  Thierri  la  qualité  de  princes:  ils 
décrièrent  les  mœurs  d'Ebroin ,  fon  Maire  , 
qui  travaiiloit  à  raffermir  la  puiflance  des 
rois ,  &  qui  par  conléquent  ne  devoit  point 
être  aimé.  Ils  accordèrent  aux  Auitrafiens 
une  liberté  voiline  de  la  licence ,  &  qui 
ne  pouvoir  manquer  d'être  enviée  de  la 
part  des  Neuftriens.  Yt^  feigneurs  quit- 
toient  à  l'envi  la  cour  de  Thierri ,  où  ré- 
gnoit  une  éternelle  difcorde.  Pépin  &  Mar- 


PEP  24^ 

tin  Te  croyant  fupérieurs  en  force  ,  déployè- 
rent l'étendard  de  la  guerre  ,  &  menacè- 
rent la  Neuftrie  ;  ils  fe  promettoient  l'en- 
tière conquête  d'un  royaume  qui  renfer- 
moit  dans  fon  fein  le  germe  d'une  chute 
prochaine.  Cette  première  guerre  ne  leur 
réulîit  cependant  pas  ;  le  génie  &  la  valeur 
d'Ebroin  ,  Maire  du  palais  de  Thierri, 
firent  échouer  leurs  brigues ,  ou  du  moins 
retarda  le  fruit  que  les  Aufirafiens  s'en 
étoient  promis.  Pépin  voyoit  fes  efpéran- 
ces  prelque  détruites  ;  il  avoit  perdu  une 
grande  bataille  ,  &  fon  collègue  ,  afîiégë 
dans  Laon  ,  avoit  été  obligé  de  fe  rendre 
à  Ebroin ,  qui  le  punit  comme  fédirieux. 
Thierri,  fon  vainqueur^  faifoit  des  prépa- 
'  ratifs  pour  entrer  en  Aufirafie.  Défefpérant 
de  l'arrêter  les  armes  à  la  main  ,  il  fit  afîâf- 
finer  Ebroin  par  un  feigneur  nommé  Her~ 
menfroi.  L'hiiloire  ne  i'accufe  pas  dircéle- 
ment  d'avoir  ordonné  ce  meurtre  ,  mais  il 
efl  certain  qu'il  l'autorifa  par  le  favorable 
accueil  cju'il  fit  à  Hermenfroi ,  qui  fut  com- 
blé de  les  bienfaits.  Délivré  de  ce  rival  , 
auquel  il  attribuoit  le  fuccès  de  la  bataille 
qu'il  avoit  perdue,  Pépin  employa  les  négo- 
ciations dont  le  feu  des  guerres  avoit  retardé 
l'adivité  :  un  traité  de  paix  qu'il  con- 
clut avec  Varaton  ranima  fon  efpoir.  Les 
otages  qu'il  conl'entit  de  donner  font  une 
preuve  que  l'état  de  fes  affaires  n'étoit  pas 
avantageux  ;  &  la  paix  qu'on  lui  accordoit 
dans  un  temps  où  \qs  Allemands  &  tous 
les  peuples  d'au-delà  du  Rhin  fe  révol- 
toient  contre  la  domination  Aufirafienne , 
&  où  la  perte  d'une  bataille  rendoit  fa 
ruine  inévitable,  démontre  l'intelligence  des 
feigneurs  de  Neufi:rie  &  de  Varaton  lui- 
même  avec  cet  ambitieux.  Les  fadions  con- 
tinuoient  à  la  cour  de  Thierri ,  &  la  dé- 
chiroient  avec  fureur.  Varaton  tint  une  con- 
duite oppofée  à  celle  d'Ebroin  ;  il  vouloic 
fe  faire  aimer ,  il  ne  put  réuflir  à  l'être. 
Son  miniffere  pacifique  ne  put  écarter  la 
haine  qui  s'attachoit  au  trône  &  à  t^ÊkcQ 
qui  l'approchoit  :  fa  modération  ne ^^vit 
qu'à  accélérer  la  chute  de  (es  maîtres.  Sa 
mort  ouvrit  la  porte  à  de  nouvelles  bri- 
gues, fa  veuve  appuyoit  de  fon  crédit 
Bertin  ,  fon  gendre.  Pépin  qui  avoit  inté- 
rêt de  l'éloigner ,  après  n'avoir  fu  le  gagner, 
appuya  fes  concurrens  &  s'apphqua  à  1« 


ît^  P  E  P 

rendre  odieux  &  méprifable.  Les  hifloriens 
nous  ont  repréfenté  ce  Maire  fous  les  plus 
odieufes  couleurs  ;  à  les  enrendre ,  c'étoit  un 
homme  d'un  extérieur  ignoble,  un  général 
fans  expérience,  un  foldat  fans  courage, 
un  minière  dms  ame ,  fans  efprit  &  fans 
talens.  L'auteur  des  obfervations  fur  l'hii- 
toire  de  France  ,  n'a  pas  craint  d'appuyer 
plufieurs  de  Tes  réflexions  fur  ce  tableau  : 
mais  il  efl  clair  qu'il  n'a  point  été  guidé 
par  cent  critique  judicieufe  qui  relevé  le 
mérite  de  les  ouvrages.  Ne  s'eft-il  pas  ap- 
perçu  qu'il  avoit  été  fait  par  des  mains  in- 
fidelles,  par  des  écrivains  vendus  aux  Pépin} 
Si  l'on  en  croit  les  hiftoriens  du  temps  , 
Il  l'on  en  croit ,  dis-je  ,  ces  flatteurs  ,  tous 
les  miniftres  qui  s'oppoferent  aux  entreprilès 
des  Pépin  ,  ne  s'attachèrent  qu'à  faire  le 
malheur  des  peuples  ,  &  furent  moins  fem- 
blables  à  des  honjjmes  qu'à  des  monflres  , 
tandis  que  les  Pepiji  furent  des  héros  ,  des 
faints.  Mais  l'hifloire  détruit  la  flatterie  des 
panégyrifles  ;  elle  attefte  que  cts  prétendus 
monflres  verfcrent  leur  fang  pour  raffermir 
la  puifTance  des  rois  que  cts  prétendus 
faints  précipitèrent  du  trône  ;  les  fujets  de 
Thierri  qui  voj'oient  que  le  duc  d'Auflra- 
Jie  récompenfoit  avec  magnificence  tous 
ceux  qui  paflbient  à  fa  cour  ,  exigeoient  des 
facrifices  contirAiels  de  la  part  du  monar- 
que ,  dont  le  refus  le  plus  légitime  ne 
manquoit  pas  d'être  traité  d'afFreufe  tyran- 
nie. Ils  s'évadoient  fur  le  plus  léger  pré- 
texte. Pépin  dut  être  embarrafle  du  nombre 
prodigieux  de  mécontens  qui  fe  rendoient 
chaque  jour  autour  d«  lui:  il  eût  fallu  des 
tréfors  inépuifables  pour  afîbuvir  la  cupidité 
de  ces  transfuges  :  lorfqu'il  crut  qu'il  étoit 
temps  de  porter  les  tempêtes  en  Neuflrie , 
il  envoya  des  députés  à  Thierri ,  le  fom- 
mer  de  rappeller  tous  les  mécontens,  & 
de  les  fatisfaire  :  &  fur  fon  refus  ,  il  lui 
déclara  qu'il  marchoit  contre  lui  pour  l'y 
contraindre.  Il  étoit  en  état  de  juftifier  fcs 
me|»ces  ;  non-feulement  fcs  troupes  étoient 
groffies  d'une  infinité  de  transfuges  ,  il.  y 
avoit  encore  une  infinité  de  traîtres,  qui  n'c- 
toient  reftcs  dans  le  camp  de  Thierri  que 
pour  y  porter  k  ravage  avec  plus  de  fuc- 
cès  :  ces  perfides  avoient  donné  des  otages 
à  Pépin.  Il  n'cft  donc  pas  étonnant  que 
la  viftoire  fe  foit  rangée  de  fon  côté  :   le 


'     P  E  P 

Maire  du  palais  (Bertier)  fut  tu^  par  des 
confpirateurs  ,  quelques  jours  après  la  perte 
d'une  bataille  fanglante  qui  fe  donna  près 
de  Leucofao  :  Thierri  qui  y  avoit  allîflé 
prit  la  fuite,  &  ne  s'arrêta  que  quand  il 
fut  dans  Paris.  Pépin  généreux  ,  parce  qu'il 
gagnoit  à  l'être,  abandonna  à  fon  armée 
les  dépouilles  des  vaincus  ,  &  fembla  ne 
fe  réferver  que  la  gloire  des  fuccès  :  tous 
les  prifonniers  faits  à  la  journée  de  Leu- 
cofao ,  furent  remis  en  liberté  fur  leur 
parole.  Cette  modération  affèdée  lui  con- 
cilia tous  les  cœurs,  &  la  Neuflrie  ne  lui 
oflfî-it  qu'une  conquête  aifée.  Paris  fut  forcé 
de  le  recevoir  :  il  y  parut  dans  l'appareil 
d'un  triomphateur.  Il  s'aflljra  de  la  per- 
fonne  de  Thierri ,  &  le  fit  obferver  fans 
cependant  lui  faire  aucune  violence.  Tous 
ceux  des  Neuflriens  qui  i'étoient  réfugiés 
à  fa  cour  ,  furent  rétablis  dans  leurs  biens 
&  leurs  dig  nités  ;  les  privilèges  qu'ils  avoient 
ambitionnés  leur  furent  accordés  ;  mais  il 
lé  montra  fur-tout  très-foigneux  de  mé- 
nager les  gens  d'églifê.  Pépin  affedoit  de 
ne  rien  entreprendre  fans  avoir  auparavant 
pris  le  confeil  des  grands  qui ,  en  revan- 
che ,  lui  accordèrent  tout ,  excepté  le  titre 
de  roi.  M.  de  Mably  croit  que  ce  fut 
par  un  effet  de  fa  modération ,  qu'il  négli- 
gea de  le  prendre  ;  mais  les  François 
n'étoient  pas  encore  difiîofés  à  le  donner. 
Charles-Martel ,  qui  n'avoit  pas  moins  de 
dextérité  ,  &  qui  avoit  bien  plus  de  talens 
&  de  génie ,  le  quêta  inutilement  ;  &  quoi 
qu'en  dilè  l'excellent  auteur  que  j'ai  déjà 
plufieurs  fois  cité  ,  le  titre  de  Maire  de 
Neuflrie  que  prit  Pépin  après  fa  vic- 
toire-, ne  fut  point  de  fon  choix,  il  fut 
obligé  de  s'en  contenter.  "  Pépin  ,  c'efl 
»j  ainfi  que  s'exprime  M.  de  Mably  ,  qui 
»  s'étoit  fait  une  habitude  de  fa  modération, 
»  ne  fentit  peut-être  pas  dans  le  moment 
«  qu'il  en  recueilloit  le  fruit ,  tout  ce  qu'il 
•»  pouvoit  fe  promettre  de  fa  vidoire  ,  de 
»)  l'attachement  des  Auftrafiens ,  &  de  la 
«  reconnoifl^ance  inconiidérée  des  François 
>j  de  Neuflrie  &  de  Bourgogne  :  peut-être 
»  auffi  jugea-t-il ,  qu'il  étoit  égal  pour  fes 
»  intérêts  ,  que  Thierri  fût  roi  ou  moine. 
fj  L'ambition  éclairée  fe  contente  de  l'auto- 
w  rite  ,  &  néglige  des  titres  qui  la  rendent 
;>  prefque    toujours  odieufe  ou  fufpej^e. 


P  E  P 

»  Pépin  laifîâ  &  Thierri  Ton  nom ,  Tes  palais 
7j  &  fon  oifiveré  ,  &  ne  prit  pour  lui  que  la 
j)  mairie  des  deux  royaumes  qu'il  avoir  déli- 
7>  vrés  de  leur  tyran.  »  L'idée  que  préfente 
ce  tableau  eft  contraire  à  celui  que  nous  ofï]  c 
Fhifloire.  M.  de  Mably  iembie  vouloir 
coatefler  à  Pépin  la  gloire  d'avoir  fu  pré- 
parer les  événeirrens  ,  &  peu  s'en  faut  qu'il 
n'attribue  au  hazard  la  conduite  de  cet  hom" 
me  étonnant.  Si  Pépin  ne  condamna  pas 
Thierri  à  languir  dans  l'obfcurité  d'un  cloî- 
tre ,  c'eft  qu'il  y  voyoit  encore  trop  de 
danger,  c'efl  qu'il,  étoit  retenu  par  l'exem- 
ple encore  récent  de  Grimoalde  ,  &  non 
parce  qu'il  regardoit  la  couronne  avec  in- 
différence. Un  miniftre  qui  s'étoit  fait  dé- 
férer le  titre  de  prince  ,  &  qui  ne  paroil> 
Ébit  jamais  en  public  qu'avec  le  fiîile  de 
la  royauté,  ne  fera  jamais  placé  au  rang 
des  efprits  modérés,  Thierri  ne  doit  pas  être 
confondu  parmi  les  princes  oififs ,  tel  que 
nous  le  repréfente  l'auteur  accrédité  que 
j'ofe  combattre  :  ce  monarque  parue  tou- 
jours à  la  tête  de  fes  armées.  M.  de  Mably 
applaudit  encore  à  la  mort  de  Bertier  qu'il 
appelle  un  tyran  ;  mais  étoit-ce  un  crime 
dans  ce  miniftre  de  vouloir  ramener  les 
grands  fous  le  joug  d'une  autorité  légitime , 
qu'ils  avoient  prefque  entièrement  fecoué  ? 
Pépin,  après  avoir  confié  la  garde  de 
Thierri  à  un  nommé  Notberg  qui  lui  étoit 
vendu  ,  partit  pour  fa  principauté  :  fa  cour 
marquoit  bien  que  toute  l'autorité  étoit  entre 
îes  mains.  Une  expédition  qu'il  fit  au-delà  du 
Rhin,  d'où  il  revint  vidorieux  ,  fèrvit  en- 
core à  affermir  fa  puiffance  ,  &  fixa  tous  \qs 
yeux  fur  lui..  Ce  fut-  pour  tranquiJlifer  les 
grands  ,  qu'il  remit  en- vigueur^  les  affem- 
blées  générales  dont  on  avoit  prefque  perdu 
k  mémoiro  :  les  grands  qui  voroient  dans 
ces  alfemblées ,  ne  dévoient  pas  craindre 
l'abus  d'autorité  ;  ils  durent  regarder  la 
Mairie  avec  indifférence  >  elle  ne  devoir 
pas  leur  être  bien  chère,  puisqu'elle  leur 
devenoit  fuperflue.  Pépin  Çq  garda  cepen- 
dant bien  de-  rendre  ces  aflemblées .  trop 
fréquentes  ;  il  voulut  les  faire  defirer  :  la 
première  qu'il  ordonna  fç^  tint  fous  Clo- 
vis  III,  fantôme  de  royauté  qu-'il  n'avoit 
pu  fe  difpenfer  de  montrer  aux-  peuples. 
Une  obfcrvation  importante  ,  c'efi:  que 
P:ephi  n'y  parut  pas  j  il  étoit  probabiement  , 


P  E  P  247 

retenu  par  la  crainte  de  fe  compronriettre  , 
il  n'eût  pu  y  occuper  que  la  féconde  place  , 
&  il  vouloit  infenlibiement  ériger  en  doute 
fi   la    première   ne  lui  étoit   pas  due  :  I(^ 
rôle  fervile  qu'il  fit  jouer  à  Thierri ,  ainfl 
qu'à  Clovis  II ,  à  Childebert  &  à  Dago- 
bert  III ,  fait  préfumer  qu'il  feroif  parvenu 
à  le  taire  croire.  Les    grands  officiers  de 
la  Couronne  devenoient  officiers  du  prince 
d'Auflrafie  &  du  Maire  de  Neuflric.  Pépia 
avoit  un  référendaire  &  de  cqs  fortes  d'in- 
tendans  appelles  domejliques  y  par  rapport 
aux.maifons  dont  on  leur  confioit  le  foin^. 
On  ne  peut  cependant  s'empêcher  de  faire 
une  réflexion  far  la,  brièveté  du  règne  de 
Thierri  &  de  (qs  fuccefîêurs  ;  depuis    la 
cataifrophe  de  ce  prince  arrivée  en  689^ 
jufqu'au  cotironnement  de  Pépin   le  brej-\ 
il  ne  s'efl.  écoulé  que  73.  ans  ,  &  pendant 
cet  intervalle  ,    on  voit   fix   rois  :    Pepiix 
d'Hériftal  en  vit  dilparoître  trois  dansl'ef- 
pace  de  vingt-deux  ans.    Thierri  mourus 
dans  la  vigueur  de   l'âge  ,  un  an  après  fa 
défaite;  Clovis  II ,  au  fortir  de  l'enfance;.. 
Childebert  III  ne  parvint  point   à    l'âgs 
viril  ;  \qs  hifloriens,  dont  j'ai  fait  entrev^oir- 
quelle  pouvoir  être  la  trempe  ,  ne  s'expli- 
quent point  fur  le  genre  de  leur  mort  ;  ils . 
difent  bien  que  Pépin  Iqs    fit   foigneufe- 
ment  obferver  ,  &  ne  peuvent  le  juffifier 
d'avoir  trempé  dans   plufieurs  afîàifinats. 
Le  miniflere ,  nous  dirions  mieux  le  règne 
de  Pépin  )  n'ofîre  plus  rien  à  nos  obfèr- 
vations  ,  finon  qu'il  voulut  rendre  fà  prin- 
cipauté héréditaire  dans  fîi  famille ,  &  per- 
pétuer les  .  fers  dont  fes  ancêtres  ,  &  lui- 
même,  avoient-  chargé  les  rois  de  Neuf- 
trie.  Il  defiina  la  principauté  d'Auftrafie  à 
Drogon  fon  aine , .  &-  la  mairie  de  Neuf- 
trie    &    de  Bourgogne  à  Grimoalde  fon 
cadet  ;  mais  ce  qui  montre  que  fa  puiffance 
étoit  fans   bornes.,   c'efl   que    Grimoalde 
étant  •  mort ,   iL  fit  pafîèr  la  mairie  ,   qui  ; 
jufqu'alors    n'avoit    été   confiée   qu'à    dea 
hommes  mûrs ,  à Théodoalde,  jeune  enfanîj 
qui  avoit  à  peine  fix  ans  ;  ainfi  Dagobert'j,. 
âgé   de  douze  ans , .  eut  un  miniflre  plua 
enfant  que  lui',  &-qui  devoit  le  gouver- 
ner fous  la  tutelle  de    Pleffrudt ,    veuve 
de  Pépin.  Qyit  peut-on  imaginer  de  plus, 
humiliant ,    de   plus    dégradant    pour    lat 
royauté?  cet  ade  dç.defpotiiinefut  lecdeif- 


14S  P  E  P 

nier  de  fa  vie  ;  il  mourut  en  7^4  ^^  ^^ 
décembre.  Son  furnom  d'Heriftal  lui  fut 
donné  d'un  château  où  il  lit  fon  princi- 
pal féjour  :  outre  Drogon  &  Grimoalde 
qu'il  avoit  eus  de  Fledrude  ,  &  dont  la 
mort  avoit  précédé  la  fienne  ,  il  lailîoit 
plufieurs  fils  naturels  ;  Charles  ,  fils  d'Al- 
paide ,  &  Childebran ,  dont  on  ne  fait 
quelle  fut  la  mère.  La  veuve  Piedrude  , 
placée  à  la  tête  de  la  régence  ,  n'omit  rien 
pour  juilifier  le  choix  de  fon  mari  :  elle 
fit  renfermer  dans  les* priions  de  Cologne 
Charles-Martel  ,  dont  le  génie  lui  faifoit 
ombrage  :  elle  prit  alors  les  rênes  du 
royaume  d'Auftrafie ,  au  nom  de  fon 
arriere-fils  Arnout  ,  fils  de  Drogon  ,  & 
envoya  Théodoalde  à  la  tête  d'une  armée 
fe  faifir  de  la  mairie  de  Neuflrie  &  de 
Bourgogne.  Les  feigneurs  ,  attachés  à  la 
perfonne  de  Dagobert ,  crurent  que  c'étoit 
i'inflant  favorable  de  lui  rendre  une  partie 
de  l'autorité  ;  ils  lui  inlpirerent  des  fenti- 
mens  dignes  de  fa  naillance  &  de  fon 
rang  ,  &  le  déterminèrent  à  marcher  con- 
tre Théodoalde  &  contre  Piedrude.  Une 
vidoire  lui  ouvrit  les  portes  de  l'Aufira- 
fie  ;  mais  Charles-Martel  ,  ayant  rompu 
les  hens  où  le  retenoit  fa  marâtre  ,  les 
lui  ferma  prefqlis  aufli-tôt.  L'Auilraiie  qui 
fupportoit  impatiemment  le  joug  d'une 
femme  ,  proclama  Charles-Martel ,  dont 
les  exploits  étonnans  eflPacerent  tous  ceux 
de  fa  race.  "  C'étoit  un  homme  ,  dit  M. 
»  de  Mably  ,  qui  avoit  toutes  les  quaUtés 
»  de  l'cfprit  dans  le  degré  le  plus  éminent  ; 
«  fon  ambition  audacieufe  ,  bruyante  & 
«  fans  bornes ,  ne  craignoit  aucun  péril  : 
?)  auffi  dur ,  aufll  inflexible  envers  fes  enne- 
»  mis ,  que  généreux  &  prodigue  pour  fes 
»  amis  ,  il  força  tout  le  monde  à  recher- 
»  cher  fa  protedion  :  après  avoir  dépouillé 
ji  fa  belle-mere  &  fes  treres  ,  il  regarda 
»  la  mairie  que  Dagobert  avoit  conférée  à 
?)  Ramfroi  ,  comme  une  portion  de  fon 
y)  héritage  ;  il  lui  fit  la  guerre  ,  le  défit , 
?j  &  comme  fon  père  ,  il  réunit  au  titre 
»  de  prince  ou  de  duc  d'AulIrafie  celui 
ji  de  Maire  de  Neufirie  &  de  Bourgogne. 
»  Pépin  avoit  été  un  tyran  adroit  &  rufé , 
}}  Charles-Martel  ne  voulut  mériter  que 
»  l'amitié  de  {es  foldats  ,  &  fe  fit  craindre 
w  de  tout  le  refle  :  il  traita  les  François 


P  E  P 

»  avec  une  extrêmb  dureté  ;  il  fit  plus  ,  il 
»  les  méprifa  :  ne  trouvant  par-tout  que 
»  des  loix  oubliées  ou  violées  ,  il  mit  à  leur 
"  place  fa  volonté.  Sûr  d'être  le  maître 
>j  tant  qu'il  auroit  une  armée  afiedionnée 
»j  à  fon  fervice  ,  il  l'enrichit  fans  fcrupule 
»  des  dépouilles  du  clergé  ,  qui  polîedoit 
y>  la  plus  grande  partie  des  .richeifes  de 
»  l'état,  &  qui  fut  alors  traité  comm-  les 
»  Gaulois  l'avoient  été  dans  le  temps  .o  la 
>9  conquête.  Charles-Martel ,  continue  M. 
»>  de  Mably  ,  qui  nous  paroît  avoir  parfai- 
>j  tement  vu  cet  homme  célèbre  ,  n'igno- 
»  roit  pas  que  les  Mérovingiens  avoient 
»  d'abord  dû  leur  fortune  &  enfuite  leur 
»  décadence  à  leurs  bénéfices  ,  il  en  cré^ 
>j  de  nouveaux  pour  le  rendre  aufll  puiflant 
'>  qu'eux  ;  mais  il  leur  donna  une  forme 
y>  toute  nouvelle  ,  pour  empêcher  qu'ils  ne 
»>  caufiffent  la  ruine  de  fe^  fuccefieurs.  Les 
y>  dons  que  les  fils  de  Clovis  avoient  faits 
«  de  quelques  portions  de  leurs  domaines, 
j>  n'étoient  que  de  purs  dons ,  qui  n'im- 
»  pofoient  aucuns  devoirs  particuh^rs ,  & 
y>  ne  conféroient  aucune  qualité  diltindive  : 
»  ceux  qui  les  recevoient  ,  n'étant  obligés 
y>  qu'à  une  reconnoiiîance  générale  &  indé- 
»  terminée ,  pouvoient  aifément  n'en  avoir 
»  aucune ,  tandis  que  les  bienfaiteurs  en 
»  exigeoient  une  trop  grande ,  &  delà 
»  dévoient  naître  des  plaintes ,  des  repro- 
»  ches  ,  des  haines  ,  des  injulîices  &  des 
»  révolutions.  Les  bénéfices  de  Charles- 
yy  Martel  furent  au  contraire  ce  que  l'on 
»  appella  depuis  àesjîe/s  ,  c'eft-à-dire ,  des 
»  dons  faits  à  la  charge  de  rendre  au  bien- 
y»  faiteur,  conjointement  ou  féparément,  des 
»  fervices  militaires  &  domefliques  ;  par 
»  cette  pohtique  adroite  ,  le  Maire  s'acquit 
»  un  empire  plus  ferme  fur  (es  bénéficiers  , 
y>  &  leurs  devoirs  défignés  les  attachèrent 
«  plus  particulièrement  au  maître  :  cette 
yf  dernière  expreffionparoîtra  peut-être  trop 
>j  dire ,  c'eft  cependant  l'exprefïion  propre  y 
»  puifque  ces  nouveaux  officiers  furent 
»  appelles  du  nom  de  vajfaux  ,  qui  figni- 
»  fioit  alors ,  &  qui  lignifia  encore  pen- 
>j  dant  long-temps  ,  des  officiers  domefli- 
»  ques.  Toujours  vidorieux  ,  toujours  fur 
»  de  la  fidéhté  de  fon  armée ,  il  regarda 
w  les  capitaines  qui  le  fuivoient  comme  le 
7>  corps  entier  de  la  nation.  Il  méprifa  trop 

7i  les 


P  E  P      ^ 

w  les  roÎ5  Dagobert ,  Ciiilp^ric  &c  Thierri 
>>  de  Cheiles ,  dont  il  avoit  fait  Tes  premiers 
»  fujets ,  pour  leur  envier  leur  titre.  »  Cette 
dernière  phrafe  nous  î»aroît  plus  fartueufe 
que   vraie  :  Charles  pduvoit  méprifer  la 
perfonne  des  rois  qu'il  avoit  dégradés ,  mais 
non  pas  leur  titre  ;  s'il  ne  le  demanda  pas , 
c'eft  qu'il  prévoyoit  encore  des  obftacles  , 
&  qu'il  avoit  trop  d'élévation  dans  Tame 
pour  s'expofer  à  la  honte  d'un  refus.  M.  de 
Mably  ne  me  paroît  point  avoir  faifi  cette 
furprife  où   la   mort   de  Thierri   jeta   les 
François  :  ce  dut  être  un  fpeftacle  bien  fin- 
gulier ,  bien  étonnant,  de  voir  tout  un  peu- 
ple trembler  devant  fon  maître ,  l'admirer, 
&  lui  refufer  cependant  le  titre  de  roi ,  que 
l'on  n'ofoit  rendre   aux   princes  du  fang 
royal.  Charles  -  Martel  gouverna  avec  ce 
derpotifme  jufqu'à  fa  mort ,  qui  arriva  en 
741  :  il  termina  fa  vie  par  une  difpofition 
qui  montre  jufqu'où  il  avoit  -élevé  fa  puif- 
fance  ;  il  difpofa  de  la  France  comme  d'un 
ancien  patrimoine  ;  il  donna  l'Auftrafie   à 
Carloman  fon  fils  aine ,  &  Pepin-k-Bref^ 
dont  nous  allons  maintenant  nous  occuper, 
eut  la  Neuftrie  &  la  Bourgogne  ;  Grifon  , 
fon  fils  naturel  ,  obtint  quelques  comtés  qui 
ne  dévoient  pas  fuffire  à  fon  ambition.  Ce 
partage  fut  confirmé  par  les  capitaines  de 
îes  bandes  &  les  officiers  de  fon  palais  ;  on 
ne  parla  non  plus  de  la  race  royale  que  fi 
elle  eût  été  entièrement  éteinte. 

Pépin  ,  à  la  mort  de  Charles ,  fe  trouvoit 
dans  une  pofition  fort  critique ,  fort  embar- 
raiïante  :  redouté  des  grands  &  du  clergé, 
qui  avoient  à  fe  plaindre  des  dédains  avec 
lefquels  on  les  avoit  traités ,  &:  haï  du  peu- 
ple qui  étoit  toujours  attaché  à  la  perfonne 
de  (qs  rois ,  il  n'avoit  pour  lui  que  les  gens 
de  guerre.  Il  fut  affez  fage  pour  compren- 
dre que  fa  puiflfance  ne  feroit  jamais  bien 
affermie  ,  tant  qu'elle  ne  feroit  appuyée 
que  fur  la  terreur.  Il  fongea  donc  à  rega- 
gner les  efprits ,  que  la  fierté  de  fon  père 
avoit  aliénés  ,  &:  cacha  fous  une  feinte  mo- 
dération les  fers  que  fon  ambition  préparoit. 
Quelques  gens  d'églife,  fur-tout,  ferépan- 
doient  en  murmures  contre  le  gouverne- 
ment de  Charles ,  &  faifoient  courir  les 
bruits  les  plus  injurieux  à  fa  mémoire  ;  ils 
profitoient  de  ^ignorance  oii  les  guerres 
avoient  plongé  les  François ,  &  leur  fai- 
Tome  XXV. 


P  E  P  149 

foîent  adopter  les  fables  tes  plus  groflieres: 
ils   publioient  que  Charles  étoit  damné, 
pour  engager   Îqs   fucceffeurs^  à  reftituer 
les  biens  dont  ils   avoient  été  dépouillés. 
Pépin,  au  lieu  de  les  punir  ,  feignit  d'ajou- 
ter foi  à  leurs  contes ,  trop  ridicules  pour 
croire  qu'il  en  ait  été  la  dupe  :  il  les  plaignit, 
il  les  abufa  par  de  vaines  promeUes ,    & 
bientôt  il  en  fit  les  principaux  inftrumens 
de  fes  profpérités.  L'indocilité  des  peuples 
de  la  France  qui  menaçoient  de  fecouer  le 
joag ,  lui  fervit  de  prétexte  pour  éluder  leurs 
importunités ,  &  pour  conferver  aux  mili- 
taires les  bénéfices    dont    ils    étoient   en 
poiTeflion ,  &  dont  il  n'auroit  pu  les  priver 
fans  danger.  Pépin  ne  put  cependant  fe 
difpenfer  de  faire  un  roi  ;  il  y  fut  fur-tout 
déterminé  par  les  continuelles  révoltes  des 
tributaires  ,  qui  fe  prétendoient  dégagés  de 
leurs  fermens ,  fi  la  race  des  Mérovingiens 
venoit  à  s'éteindre,  ou  fi  on  lui  ravifToit 
le  fceptre.  Il  étoit   moins   défavantageux 
pour  lui  de  fouffrir  pour  quelques  inftans  un 
fantôme  de  royauté  fur  le  trône  ,  que  d'ê- 
tre obligé  de  reflferrer  fa  domination  :   il 
confentit  donc  au  couronnement  de  Chil- 
déric  III.  Si  Carloman  fon  frère  ne  recon- 
nut pas  ce  monarque  ,  ce  n'eft  pas  qujil  fut 
plus  hardi  que  Pépin,  ainfi  que  le  fuppofe 
M.  l'abbé  de  Mably ,  mais  c'eft  que  l  Auf- 
trafie  étoit  accoutumée  à  fe  paffer  de  roi  : 
&  qu'il  n'en    étoit  pas   de  même   de  la 
Neuftrie.  Pépin  ne  tarda  pas  à  s'apperce- 
voir  combien  la  pofition  de  fon  frère  étoit 
plus  avantageufe  que  la  fienne  ;  il  fentoit 
tous  les  avantages  de  la  principauté  ,  il 
mit  tout  en  œuvre  pour  l'engager  à  la  lui 
céder  ;   le  génie  de  Carloman  ,  qui  étoit 
plus  propre  à  ramper  dans  les  détails  d'une 
adminiftration  fubalterne,  qu'à  régler  les 
deftinées  d'un  grand  peuple ,  lui  permet- 
toit  de  tout  efpérer.  Il  s'étoit  apperçu  de 
l'imprefîion  qu'avoit  fait  fur  l'efprit  fie  ce 
prince  le  bruit  de  la  damnation  de  leur  père: 
il augmerita  les  terreurs  dont  il  étoit  frappé, 
&  le  fortifia  tant  par  lui-même  que  par  des 
prélats  qu'il  eut  foin  de  mettre  à  (&s  côtés , 
dans  la  pieufe  réfoluiion  d'entrer  dans  un 
monaftere  &  d'y  expier  les  égaremens  de 
Charles- Martel.  Pépin  cacha  au  fond  de 
fon  cœur  la  joie  que  lui  caufoit  cette  re- 
traite j  il  reçut  les  adieux  de  fon  frère  i  * 

li 


15°  P  E  P         . 

non  fans  un  grand  aîtendrifTemenf  ,  & 
s'empara  de  fes  érats  avec  la  plus  grande 
célérité  :  il  s'apprêtoit  à  donner  au  monde 
un  fpeclacle  bien  difFérenr.  Il  ménagea 
Drogon ,  fils  de  Carloman  ,  auquel  il  ne 
fît  aucune  part  des  érats  que  fon  père 
avoit  pofTédés  ,  &  fongea  à  achever  ce 
grand  ouvrage  que  Tes  aïeux  aVoient  com- 
mencé. Non  moins  habile  dans  les  combats, 
aufïï  courageux  que  Charles,  auffi  ambi- 
tieux ,  mais  moins  fier ,  il  étoit  difficile  de 
l'empêcher  d'arriver  au  trône  ,  où  les  peu- 
ples n'avoient  pu  voir  jufqu'alors  que  les 
cendans  de  Mérouée.  Les  guerres  que  lui 
luicira  Grifon  Ton  frère ,  ne  fervirent  qu'à 
augmenter  la  haute  idée  que  l'on  avoit 
conçue  de  fes  talens.  Grifon  étoit  fils  de 
Charles ,  &  ne  pouvoir  l'oublier  :  il  avoit 
déjà  fait  connoître  Ces  fentimens  dans  plu- 
lieurs  guerres  qui  avoient  donné  beaucoup 
de  peine  à  fes  frères.  Sa  fierté  qui  ne  lui 
permettoit  pas  de  fléchir  ;  fon  efprit  re- 
muant ,  inquiet ,  avoit  engagé  Pépin  à  le 
reléguer  dans  la  fortereffe  de  Neufchâtel  ; 
mais  depuis  il  l'avoit  rappelle  à  fa  cour , 
il  lui  avoit  donné  plufieurs  comtés ,  &:  l'on 
peut  dire  que  fi  ce  jeune  prince  eût  fu  fe 
confCtnter  du  fécond  rang  ,  rien  n'auroit 
manqué  à  fon  bonheur.  La  retraite  de  Car- 
loman  lui  parut  une  occafion  favorab'e  de 
recommencer  fes  intrigues.  Il  fe  plaint  de 
ce  qu'au  lieu  d'une  principauté  ,  on  ne  lui 
donne  que  des  terres  qui  le  font  dépendre 
d'un  maître.  Il  déclame  contre  Pépin ,  qu'il 
peint  fous  les  plus  odieufes  couleurs;  & 
lorfque  fes  déclamations  lui  ont  attaché  uh 
parti  ,  il  paffe  dans  la  Germanie  ,  où  il 
exhorte  les  peuples  à  féconder  fon  reffen- 
timent.  Les  Saxons  furent  les  premiers  à 
adopter  {qs  projets  de  vengeance.  Pépin 
ne  tarda  point  à  entrer  en  Sa,xe ,  iPporta 
le  fer  &  le  feu  dans  cette  province ,  qu'il 
fournit  à  de  nouveaux  tributs.  Grifon  forcé 
de  tuir,  fe  retira  dans  la  Bavière  ,  &  s'em- 
para de  ce  duché.  Odillon  ,  beau-frere  de 
Pépin  ,  qui  en  éroit  duc,  venoit  de  mou- 
rir ;  &  Taffillon  fon  fils  ,  qui  n 'avoit  que 
fix  ans  ,  n'étoit  point  en  état  de  défendre 
ion  pays.  Carloman,  touché  des  .défordres 
qu'occafionoit  la  rivalité  de  fes  frères ,  écri- 
vit au  pape  Zacharie  :  il  le  conjuroit  de 
fcàire  fon  poflible  pour  rétablir  la  paix  entre 


,.      P  E  P 

eux.  Zacharie ,  flatté  d'une  démarche  qui 
tendoit  à  donner  une  nouvelle  confidéra- 
tion  à  fon  fiege  ,  envoya  des  ambafladeurs 
à  Pépin  ^  qui  lui  parlèrent  avec  un  zèle 
vraiment  apofliofique.  Ces  ambaffadeurs 
reçurent  un  favorable  accueil  ;  mais  Pépin 
ne  jugea  pas  à  propos  d'interrompre  (qs 
defleins.  Dès  que  la  faifon  lui  permit  d'eh- 
trer  en  campagne,  il  fe  rendit  dans  la  Ba- 
vière ,  qu'il  pftcourut  moins  en  ennemi 
qu'en  triomphateur  :  il  pourfuivit  les  parti- 
fans  de  Grifon  jufqu'à  l'Enn ,  où  il  les  força 
de  lui  rendre  hommage  ,  &  de  reconnoître 
pour  duc  Taflîlon  fon  neveu.  Les  princi- 
paux furent  forcés  de  le  fuivre  à  Metz  , 
moins  pour  orner  fon  triomphe ,  que  pour 
donner  aux  peuples  un  exemple  de  fa  mo- 
dération. Pépin  ,  devenu  l'arbitre  de  la 
defliinée  de  fes  ennemis ,  ne  fe  fervit  de 
(q^  viéloires  que  pour  les  accabler  du  poids 
de  fa  grandeur  ;  il  leur  pardonna  à  tous , 
donna  à  Grifon  la  ville  du  Mans ,  avec  12 
comtés  confidérables.  Le  peuple,  ébloui  de 
fa  gloire  ,  fe  répandoit  en  éloges  :  ce  fut 
alors  qu'il  laiflfa  entrevoir  le  defîr  qu'il  avoit 
de  prendre  la  couronne.  Les  grands  qui 
l'avoient  fuivi  dans  fes  différentes  expédi- 
tions ,  &  qui  tous  avoient  admiré  fa  valeur, 
lui  laiflToient  entrevoir  des  dîfpofitions  favo- 
rables ,  ainfi  que  les  prélats  qu'il  avoit  com- 
blés de  carefTes ,  &  qui  pour  la  plupart  lui 
étoient  redevables  de  leurs  dignités.  Ces 
deux  ordres,  admis  aux  délibérations  pu- 
bliques, ne  craignoient  plus  l'abus  d'au- 
torité ,  &  peu  leur  importoit  que  Pépin 
régnât  fous  le  titre  de  duc  ,  de  maire,  de 
prince  ou  de  roi:  ils  n'étoient  plus  retenus 
que  par  un  fcrupiile  de  confcience.  Les 
François  étoient  perfuadés  qu'il  n'appar- 
tient qu'à  Dieu  de  détrôner  les  rois ,  &  crai- 
gnoient d'attirer  fes  vengeances  fur  eux  , 
s'ils  reupnçoient  à  la  foi  qu'ils  avoient  jurée 
à  Childéric.  Pépin  feignit  d'applaudir  à  ce 
fcrupule  :  mais  comme  il  favoit  qu'il  n'eft 
que  trop  facile  d'abufer  des  efprits  déjà 
(éduits  par  leurs  penchans  ,  il  propofa  de 
confulter  Zacharie ,  pour  qui  il  avoit  té- 
moigné les  plus  grands  égards  ;  &  fur  leur 
confentement,  il  envoya  à^%  ambalTadeurs 
à  Rome,  demander  fi  les  Fiançois  pou- 
voient  dégrader  leur  fouverain  légitime  > 
5i  renoncer  à  fôn  obéifiance. 


P  E  P 

Burchard  ,  évéque  de  Versbourg  ,  Sc 
Fulrade  ,  tous  deux  chefs  de  cette  mémo- 
rable ambaiTade  ,  propoferent  la^  queftion 
d'une  manière  propre  à  faire  connoître  quelle 
réponfe  ils  foîliciroient.  Après  avoir  fait  un 
éloge  pompeux  fur  les  belles  qualités  de 
Pépin  ^  &  une  fatyre  amere  fur  la  famille 
royale,  ils  demandèrent  lequel  on  devoir 
décorer  du  diadème  ,  ou  de  celui  qui  fans 
crédit ,  paré  d'un  vain  titre ,  vivoit  tranquille 
auprès  de  fes  foyers  ,  fans  s'occuper  àQ^ 
intérêts  de  la  nation;  ou  de  celui  qui  ,  fans 
cefTe  les  armes  à  la  main ,  veilloit  pour  la 
défendre  ou  pour  étendre  fa  gloire.  L'inté- 
rêt qui  avoit  fait  propofer  ce  prétendu  pro- 
blême ,  diéla  la  réponfe.  Il  y  avoit  long- 
temps que  les  papes  afpiroient  au  bonheur 
de  fe  faire  un  état  indépendant,  des  débris 
de  celui  de  Conftantinople  :  l'efpoir  de  ré- 
gner un  jour  dans  la  capitale  du  monde  , 
infpira  l'oracle.  Zacharie  répondit  que  celui- 
là  devoit  être  roi  qui  avoit  en  main  !a  puif- 
fance.  Tel  fut  le  fuprême  décret  qui  préci- 
pita Childéric  III  du  trône  de  fes  pères ,  & 
qui  éteignit  en  luil'ilîuftre  race  de  Mérouée  : 
elle  comptoir  trois  cents  cinq  ans  de  règne. 
Pépin  n'avoit  pas  reçu  la  parole  du  pon- 
tife ,  qu'il  avoit  ordonné  les  cérémonies  de 
Ton  inauguration  ',  Ô4  comme  il  craignoit 
que  le  peuple,  par  fon  inconftance  ordinaire, 
n'entreprît  de  le  faire  defcendre  du  trône  où 
il  s'apprêtoit  à  monter,  il  voulut  rendre  fa 
perfonne  plus  refpeftable,  en  imprimant  fur 
fa  couronne  les  carafteres  auguftes  de  la 
religion.  Ce  fut  par  un  effet  de  fa  politique 
qu'il  fe  fit  facrer.  Cette  cérémonie,  incon- 
nue i'jfqu 'alors  dans  l'inauguration  des  rois, 
étoit  empruntée  des  Juifs.  Bertrade,  fem- 
me de  Pépin  ,  fut  couronnée  pendant  la 
même  céréînonie.  Le  commencement  d«i 
règne  de  Pépin  fut  fignalé  par  des  viéloi- 
res  remportées  furies  Saxons  r^lÉités.  Ces 
peuples  ,  toujours  malheureux  dans  leurs 
guerres  contre  les  Auftrafiens,  nepouvoient 
le  réfoudre  à  leur  payer  les  tributs  auxquels 
on  les  avoit  fournis  :  leur  indocilité  leur 
caufa  de  nouveaux  ravages ,  toutes  leurs 
provinces  furent  pillées  :  réduits  à  deman- 
der la  paix ,  ils  ne  l'obtinrent  qu'en  aggra- 
vant le  fardeau  dont  ils  prétendoient  fe 
débarraffer.  Ils  ajoutèrent  trois  cents  che- 
veaux  à  un  tribut  de  cinq  cents  bœufs  auquel 


P  E  P  i5r 

ils  étoient  déjà  afïujeîtis  ;  &  ce  qui  augmen- 
toit  la  honte  de  cette  fervitude  ,  ils  dévoient 
les  amener  eux-mêmes  &:  les  préfenter  dans 
l'affemblée  du  champ  de  Mars.  Cependant 
Zacharie  ne  put  recueillir  le  f  uit  de  l'ora- 
cle qu'il  avoit  rendu.  Il  s'étoic  flatté  qu'on 
lui  donneroit  l'Exarcat  &  la  Pentapole  , 
que  les  Lombards  venoient  de  conquérir 
fur  les  Grecs  :  il  mourut  fur  ces  entrefaites. 
Etienne  II ,  fon  fucceffeur  ,  brûla  comme 
lui  du  defir  de  régner  fur  ces  riches  pro- 
vinces. Non  moins  politique  que  Zacharie, 
Etienne  commença  par  s'afiTurer  de  lapro- 
tedion  de  Pépin,  qui  feul  étoit  en  état  de 
le  mettre  en  poiïeflion  du  pays  dont  il 
ambitionnoit  la  domination.  Il  envoya  des 
députés  à  la  cour  du  monarque ,  qui  raffura 
de  fa  protection  &  de  fon  amitié.  Le  pon- 
tife fe  rendit  enfuite  à  la  cour  d'Adolphe, 
roi  des  Lombards  :  alors  paroiffant  animé 
d'un  zèle  légitime  pour  fon  fouverain  ,  il 
lui  fit  les  inftances  les  plus  vives ,  afin  de 
l'engager  à  faire  la  paix  avec  l'ftnpereur  de 
Conflantinopîe,  &  à  lui  reftituer  les  terres 
qu'il  avoit  conquifes.  Aftolphe  devina  aifé- 
ment  le  motif  du  voyage  d'Etienne  :  il 
avoit  connu  les  intrigues  de  fon  prédécef- 
feur;  il  fentoit  bien  ,  par  la  nature  de  (qs 
demandes ,  qu'il  n'afpiroit  qu'à  lui  fufciter 
un  ennemi.  Il  n'omit  rien  pour  l'engager  à 
changer  de  réfolution;  il  s'offrit  même  de 
lui  rendre  plufieurs  places  dont  il  avoit  fait 
récemment  la  conquête  ;  mais  le  pontife 
étoit  affuré  de  la  protection  de  Pépin,  il 
fut  inflexible.  Il  paffa  les  Alpes  ,  §>c  vint  à 
Pontis  ,  dans  le  Parfois  ,  où  la  cour  alla 
le  recevoir.  Pépin  lui  témoigna  les  plus 
grands  égards  ,  &  le  pape ,  en  reconnoif- 
fance  ,  n'oublia  rien  pour  confacrer  l'ufur- 
pation  de  ce  prince.  Il  lui  donnS  l'abfolu- 
tion  du  parjure  dont  ils'étoit  fouillé  en  dé- 
pofant  Childéric,  auquel ,  en  fa  quahté  de 
maire  du  palais  de  Neuftrie ,  il  avoit  fait 
ferment  d'obéiffance.  Pépin  ,  plein  de  re- 
cannoiffance  pour  tant  de  fervices  ,  ne  de- 
mandoit  qu'à  paffer  les  Alpes  ;  mais  comme 
il  ne  pouvoit,  ou  plutôt  comme  il  ne  vou- 
loit  rien  entreprendre  fans  l'agrément  des 
feigneurs,  qu'il  eût  été  très-dangereux  de 
mécontenter ,  il  convoqua  une  affemblée  à 
Querci  fur  l'Oife ,  dont  la  conclufion  iv\t 
très-contraire  aux  efpérances  d'Etienne  :  \çs 

Il  a 


iji  P  E  P 

leigneurs  reprérenterent  à.  Pe/>ln  qu'il  ne  ^ 
de  voit  point  quitter  Tes  états  pour  aller ,  fans 
profit  &  fans  intérêt ,  verfer  le  fang  de  fes 
peuples  ,  fans  autre  motif  que  de  ruiner  un 
roi  Ton  allié ,  &  qui  n'avoit  rien  fait  dont 
hs  François  puîTent  s'offenfer  :  ils  déclarè- 
rent qu'il  failoit  attendre  qu'Etienne  eût  des 
motifs  de  plaintes  plus  légitimes  ,  avant 
d'entreprendre,  la  guerre  contre  les  Lom- 
bards. Cet  avis  ayant  prévalu,  on  envoya 
des  ambaffadeurs  à  defîein  de  prévenir  tout 
prétexte  de  guerre;  mais  Pépin  avoit  choifi 
ces  ambaffadeurs  :  ils  rendirent  la  guerre 
indifpenfable.  Ils  exigèrent  d'Aftolphe  , 
qu'il  leur  remît  l'Exarcat  &  la  Pentapole  , 
fur  lefquelles  il  n'avoit  aucune  apparence 
de  droit.  Ces  provinces  dépendoient  de 
l'empire  grec  :  ce  n'étoit  pas  à  Pépin  , 
mais  à  l'empereur  à  les  réclamer  &  à  fe 
plaindre.  Aftolphe  confentoit  cependant  à 
faire  le  facrifice  d'une  partie  de  fes  droits , 
&  propofoit  de  renoncer  à  la  fouveraineté 
de  Rome  qui  dépendoit  de  Ravenne ,  capi- 
tale de  l'Exarcat ,  &  à  remettre  plufieurs 
places  qu'il  avoit  conquifes  récemment  dans 
la  Romagne. 

Tant  de  modération  de  la  part  du  prince 
■lombard  ne  fut  pas  capable  de  rétablir  le 
calme  ;  on  lui  envoya  de  nouveaux  ambaf- 
fadeurs  qui  lui  expoferent ,  de  la  part  d'E- 
tienne ,  les  motifs  fur  lefquels  il  appuyoit 
fa  réclanation  :  mais  tandis  que  l'on  amu- 
foit  les  Lombards  par  àes  ambafladeurs , 
Pépin  difpofoit ,  en  faveur  du  faint-fiege  , 
des  terres  de  leurs  conquêtes.  La  guerre  fut 
réfolue  dans  l'afieroblée  du  champ  de  Mars  ; 
on  avoir  eu  le  temps  de  pratiquer  les  fei- 
gneurs  ,  &  de  leur  infpirer  des  fentimens 
conformes  à  ceux  du  pontife.  Pépin ,  avant 
de  paffer  en  Italie  ,  prit  toutes  les  mefures 
qui  dévoient  affurer  le  fuccès  de  fes  def- 
feins.  Le  rendez  -  vous  général  de  l'armée 
fut  marqué  au  Val-de-Maurienne.  A  voir 
{qs  immenfes  préparatifs ,  il  étoit  facile  de 
connoître  de  quel  côté  fe  rangeroit  la  vic- 
toire :  il  avoit  fous  fes  enfeignes  toutes  les 
nations  qu'enferment  l'iflel ,  l'Elbe ,  la  mer 
d'Allemagne  ,  l'Océan ,  les  Pyrénées ,  la 
Méditerranée  &:  les  Alpes  ;  il  lui  étoit  aifé 
d'opprimer  un  prince  qui  n'occupoit  qu'une 
partie  de  l'Italie.  Dès  que  le  roi  des  Lom- 
bards eut  reçu  des  nouvelles  de  l'approche , 


P  E  P 

des  François ,  il  s'avança  pour  leur  fermer 
le  paffage  des  Alpes  :  Pépin  s'étant  rendu 
maître  du  Pas  de  Suze  ,  lui  envoya  des 
ambalTadeurs  pour  l'engager  par  un  dernier 
effort  à  faire  l'entier  facrifice  de  fes  droits  ; 
il  lui  ofFroit  deux  mille  fous  d'or  de  dédom- 
magement. Cette  propofition  étoit  peu  ca- 
pable de  féduire  un  conquérant ,  plus  ambi-: 
tieux  de  gloire  que  de  richeffes:  Aftolphe 
lui  fit  un  généreux  refus ,  &  refta  fur  la 
défenfive ,  fans  le  braver  &  fans  le  crain- 
dre. Mais  la  fortune  qui  jamais  n'avoit  trahi 
le  monarque  françois,  le  fervit  encore  dans 
cette  occafion.  Aftolphe  fut  forcé  d'abord 
de  faire  une  retraite  ;  il  revint  fur  fes 
pas  ,  mais  c'étoit  en  vain  qu'il  vouloir 
rappeller  la  viftoire ,  il  fut  réduit  à  fuir; 
&c  la  perte  qu'il  éprouva  dans  la  première 
bataille  ,  ne  lui  permit  pas  de  reparoître 
en  campagne. 

Pépin  ,  devenu  maître  des  pafTages  ^ 
répand  la  terreur  &  l'effroi  dans  toute  la 
Lombardie  ;  il  met  tout  en  cendres  fur  fa 
route  ,  &  arrive  devant  Pavie  dont  il  fait 
le  ftege.  Aftolphe  craignant  de  tomber  en- 
tre fes  mains,  confentit  aux  conditions  que 
l'on  daigna  lui  prefcrire  :  il  donna  quarante 
otages ,  &  renonça  à  fes  conquêtes  par  un 
ferment  folemnel.  La  paix  fembloit  être 
rétablie  &:  ne  î'étoit  pas.  Aftolphe  ne  pou- 
voit  fe  réfoudre  aux  pénibles  conditions 
que  l'on  venoit  de  lui  prefcrire  :  il  profita 
de  l'abfence  de  Pépin  ,  &  alla  alTiéger  le 
pontife  dans  Rome.  Cependant  ,  avant  de 
livrer  les  premiers  aflauts  ,  il  eflaya  de 
gagner  les  h'abitans  :  il  leur  envoya  ua 
héraut  leur  promettre  toutes  les  bontés 
qu'ils  pouvoient  attendre  d'un  fouverain 
généreux  ,  s'ils  vouloient  le  recevoir  &  lui 
livrer  Etienne  :  mais  les  Romains  qui  fe 
flattoient  de  voir  un  jour  dans  l'élévation 
de  leur  pteptife  ,  une  image  de  leur  an- 
cienne Ijplendeur  ,  rejetèrent  fa  propofi- 
tion :  ils  lui  répondirent  qu'ils  préféroient 
la  guerre  à  fes  ptomeffes,  &  fe  préparèrent 
à  foutenir  l'afTaut.  Pépin  fut  bientôt  inftruit 
de  ces  nouvelles.  Etienne  lui  écrivit  les 
lettres  les  plus  preffantes ,  afin  de  l'en- 
gager à  repafter  les  Alpes  :  il  faifoit  les 
plaintes  les  plus  ameres  de  ce  qu'il  étoit 
retourné  dans  (ts  états ,  avant  que  d'avoir 
forcé  Aftolphe  d'exécuter  les  loix  qu'il  lui 


P  EP 

avoit  împorées.  Pepln  affembîà  aufli-tôt  les 
feigneurs  ,  &C  leur  communiqua  fa  réfolu- 
tion  ;  le  plus  grand  nombre  le  preffa  de 
l'exécuter:  il  fit  aufli-tôt  (es  préparatifs,  &: 
prit  la  route  de  la  Lombardie.  Il  avoit  mis 
le  pié  dans  ce  royaume  ,  avant  qu'Aftol- 
phe  qui  éioit  devant  Rome  ,  eût  pu  rame- 
ner fon  armée  ,  pour  couvrir  Ton  pays.  Ce 
prince  n'eut  d'autre  reflburce  que  d'aller 
s'enfermer  dans  Pavie,  fa  capitale;  ce  fut 
de  là  qu'il  envoya  demander  grâce  à  Pepin^ 
s'offrant  à  lui  livrer  toutes  les  places  qui 
faifoient  le  fujet  de  cette  guerre  :  on  pré- 
tend qu'il  jura  de  fe  foumettre  aux  loix  de 
Pcpin ,  &  de  regarder  foH  royaume  com- 
me ^lef  de  Ton  empire.  • 

Pépin  ,  fatisfait  des  foumiffions  d'Aftol- 
phe  ,  lui  laiiTa  la  vie  <S>c  la  couronne  ;  mais 
les  fermens  qu'il  avoit  déjà  profanés  ne  lui 
paroifTant  point  un  gage  aiïiiré  de  fa  foi , 
il  ne  repaiïa  dans  fes  états  qu'après  avoir 
vu  le  traité  exécuté,  au  moins  quant  à  (es 
parties  les  plus  importantes  :  le  pape  reçut 
au(fi-tôt  les  clefs  de  pl'jfieurs  places  ;  & 
pour  en  perpétuer  la  mémoire  ,  le  pape 
fit  graver  fur  une  table  cette  infcription 
dont  on  voit  encore  les  traces  :  Ce  prince 
pieux  amontri  aux  autres  princes  le  chemin 
d'enrichir  Pcglife  ,  en  lui  donnant  CExar- 
cat  de  Ravenne»  Cette  libéralité  de  Pépin 
étoit  au  moins  indifcrette;  mais  fi  la  politi- 
que le  blâme  d'avoir  enrichi  un  chef  déjà 
trop  redoutable  ,  par  fon  empire  abfolu  fur 
les  confciences  ,  elle  le  loue  de  l'autre  de 
s'être  réfervé  la  fouveraineté  des  terres  de 
la  conqut3te  :  ce  prince  n'en  donna  que  le 
domaine  utile  à  Etienne,  &;  s'y  comporta 
au  furplus  comme  dans  les  autres  provin- 
ces de  fa  domination  ;  il  donna  le  gouver- 
nement de  Ravenne  à  l'archevêque  &  aux 
tribuns,  pour  lui  en  rendre  compte  à  lui- 
même.  Après  avoir  donné  des  marques  de 
ion  autorité  dans  toutes  les  autres  villes , 
Pépin  repritia  route  de  fes  états,  &  emporta 
le  tiers  des  tréfors  qui  étoient  dans  Pavie  , 
pour  fe  dédommager  des  frais  de  la  guerre. 


P  E  P  253 

avec  d'autant  plus  de  confiance  ,  qu'il  ne 
croyoit  pas  cette  infraftion  fuffifante  pour 
occafioner  une  rupture  avec  Pépin  ,  &c 
pour  déterminer  ce  prince  à  pafler  une 
troifieme  fois  en  Italie  :  il  efpéroit  d'ailleurs 
qu'Etienne  fe  contenteroit  du  facrifice  qu'il 
avoit  été  obligé  de  lui  faire.  Mais  fa  mort , 
qu'un  accident  occafiona ,  fit  tout-à-coup 
changer  la  face  des  affaires.  Didier,  aupa- 
ravant fon  connétable ,  &  alors  fon  concur- 
rent ,  mit  le  comble  à  la  joie  du  pontife  ; 
ce  nouveau  monarque  ,  qui  fentoit  le  prix 
de  l'amitié  de  la  cour  de  Rome,  &:  plus 
encore  de  celle  de  France ,  au  commence- 
ment d'un  règne ,  promit  de  fe  refferrer  dans 
les  bornes  les  plus  étroites  de  la  Lombar- 
die. Pépin  reçut ,  fur  ces  entrefaites ,  des 
ambafifadeurs  de  la  part  de  l'empereur  d'o- 
rient. Les  hifloriens  qui  font  mention  de 
cette  ambaflfade  ,  ne  difent  pas  quel  en 
étoit  le  motif;  mais  on  préfume  que  c'étoit 
pour  réclamer  l'Exarcat  &  la  Pentapole  , 
dont  on  venoit  de  le  dépouiller  contre  tout 
droit  &  fans  aucun  prétexte,  puifqu'il  n'a- 
voit  fait  aucune  démarche  dont  Pépin  eût 
à  fe  plaindre  :  peut-être  aufl[i  étoit-ce  pour 
implorer  le  fecours  de  ce  monarque  contre 
les  Bulgares  qui  défoloient  la  Thrace ,  6c 
menaçoient  Conftantinople.  Les  ambaiïa- 
deurs  firent  à  Pépin  de  très-riches  préfens  ; 
entr'autres  curiofités,  ils  lui  donnèrent  un 
orgue  qui  étoit  d'autant  plus  précieux  ,  que 
c'étoit  le  premier  que  l'on  eût  vu  en  occi- 
dent. Le  monarque  françois  étoit  alors  au 
plus  haut  degré  de  gloire  oi^i  un  prince  pût 
afpirer  :  maître  prefque  de  toutes  les  Gau- 
les &  de  la  plus  belle  partie  de  la  Germa- 
nie, il  avoit  vaincu  les- Lombards  6si  affuré 
la  couronne  de  ces  peuples  fur  la  tête  de 
Didier.  L'afcendant  de  fa  fortune,  &  leurs 
précédentes  défaites ,  ne  purent  en  impofer 
aux  Saxons  ;  ces  peuples  indomtables  le 
forcèrent  de  faire  àes  préparatifs  de  guerre. 
Mais  leur  indocilité  ne  fervit  qu'à  les  expo- 
fer  à  de  nouveaux  malheurs  :  Pépin  rafa 
leyrs  principales   forterefiTes ,  les  battit  en 


traité  ,  foupiroient  après  l'éloignement  de 
leur  vainqueur.  Il  leur  reftoit  quelques 
places  qu'ils  s'étoient  obligés  de  rendre  par 
le  traité  :  Adolphe  en  éluda  la  reftitution 
fous  différens   prétextes  :  il  ïo,^  retenoit 


Les  Lombards,  honteux  de  cet  humiliant^ -^ufieurs  rencontres  ;  &  après  en  avoir  fait 


un  affreux  carnage  près  d'un  lieu  appelle 
Sittin  f  il.  les  força  de  recevoir  la  paix  &C 
de  continuer  les  tributs  auxquels  ils  étoient 
affujettis. 
Les  Saxons  auroient  été  punis  avec  plus 


254     .  P  E  P 

de  révérité,  û  le  vainqueur  n'eût  été  rap-  ' 
pelle  par  les  troubles  de  l'Iralie.  Didier 
avoit  repris  les  projets  d'AftoIphe  ;  &  quoi- 
qu'il s'y  (ùt  engagé  par  ferment,  il  refuToit 
àp  rendre  plufîeurs  places  comprifes  dans 
le  traité  de  Pavie  ;  il  avoit  même  com- 
mis plusieurs  hoftilirés  contre  le  pape. 
Après  avoir  exercé  le  ravage  dans  la  Pen- 
tapole  ,  il  avoit  chafTé  le  duc  de  Bénévent, 
&  mis  le  duc  de  Spolette  dans  les  fers  , 
pour  les  punir  l'un  &  l'autre  de  leur  atta- 
chement aux  Romains.  Paul  I,  frère  d'E- 
tienne II ,  lui  avoit  fuccédé.  Ce  nouveau 
pontife  ne  montroit  pas  moins  de  zèle  pour 
les  intérêts  du  faint-fiege  :  fes  clameurs  ne 
manquèrent  pas  d'intéreifer  Pépin.  Didier 
ayant  tout  à  redouter  de  la  part  de  ce 
monarque ,  fe  rendit  à  Rome,  où  il  s'en- 
tretint avec  Paul  fur  les  moyens  de  réta- 
bilr  le  calme.  Le  pape  le  conjura  par  tout 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  faint ,  de  faire  juftice 
au  faint-liege ,  &  de  lui  rendre  les  places 
qu'il  s'efforçoit  de  retenir  contre  la  foi  des 
traités  :  il  le  pria  de  fe  reiïbu venir  de  la 
parole  qu'il  avoit  donnée  à  Pépin ,  difant 
que  cette  parole  devoit  être  regardée  com- 
me donnée  à  faint  Pierre  lui-même.  Didier 
y  confentit  ;  mais  à  cette  condition  que 
Pépin  lui  rendroit  les  otages  qu' Adolphe 
lui  avoit  livrés.  Le  pontife,  inftruit  dans 
l'art  de  tromper,  feignit  d'être  fatisfait  de 
cette  réponfe  ,  &  {congédia  Didier  ,  après 
lui  avoir  donné  des  marques  de  réunion  qu'il 
croyoit  (inceres.  Mais  ce  prince  fut  à  peine 
forti  de  fa  préfence  ,  que  Paul  écrivit  à 
Pépin  pour  lui  recommander  de  retenir  les 
otages ,  &  pour  le  folliciter  d'envoyer  une 
armée  en  Italie.  Mais  comme  il  'craignoit 
d'éprouver  les  vengeances  de  Didier ,  fi  ce 
roi  parvenoit  à  découvrir  fa  perfidie ,  en 
interceptant  fes  lettres  ,  il  en  donna  d'au- 
tres à  (qs  ambafTadeurs ,  chargés  de  les  re- 
mettre ,  par  lefquelles  il  priait fon protecteur 
de  donner  la  paix  aux  Zo/rzJ^rJj,  l'aflurant 
qu'aucun  peuple  fur  la'  terre  n'étoit  plus 
digne  de  fon  amitié.  Didier  ne  s'apperçut 
de  l'artifice  du  pontife  ,  que  quand  les  am- 
bafTadeurs françois  lui  apportèrent  de  nou- 
velles menaces.  Il  fentit  alors  qu'il  falloit 
obéir  ,  ou  fe  réfoudre  à  voir  fondre  fur  la 
Lombardie  ces  tempêtes  qu' Aftolphe  n'avoit 
pu  conjurer.  Il  rendit  une  partie  des  villes. 


P  E  P 

&  s'obligea  ,  par  de  nouveaux  ferment , 
à  rendre  les  autres  dans  un  délai  fixé  :  mais 
comme  il  ne  pouvoit  fupporter  plus  long- 
temps les  hauteurs  à^  Pépin  .^  il  fongea  à 
augmenter  fes  forces  par  des  alliance^".  Il 
entretint  des  correfpondances  fecrettes  avec 
l'empereur  de  Conflantinople,  &c  s'atta- 
cha le  duc  de  Bavière,  en  lui  donnant  une 
de  fes  filles  en  mariage.  11  fit  cefiTer  les 
hoftilités  des  Lombards  ,  &  fe  rendit  à 
Rome  :  il  permit  au  pape  d'envoyer  des 
commififairespour  prendre  connoifiance  de 
toutes  les  places  qu'il  réclamoit,  &  pour 
fonger  au  moyen  de  les  reprendre  fans 
exciter  le  murmure  de  ceux  auxquels  il 
en  avoit  tonfié  le  gouvernement  :  mais  , 
pour  lui  prouver  que  fes  intentions  étoient 
pures  ,  il  lui  remit  à  l'inftant  tout  ce  qu'il 
lui  avoit  pris  dans  les  duchés  de  Spolette 
&  de  Bénévent  :  il  écrivit  encore  aux 
habitans  de  Naples  &  de  Cayette  ,  de 
laiffer  au  pape  la  libre  jouififance  de  tout 
ce  qu'il  réclamoit  dans  leur  territoire.  Pe^ 
pin  étoit  alors  occupé  contre  les  Aquitains, 
auxquels  il  faifoit  une  guerre  opiniâtre  : 
il  avoit  remporté  plufieurs  viéloires  fur 
ces  rebelles  ,  fans  avoir  pu  les  réduire. 
Didier  voyoit  avec  une  joie  fecrette  ,  que 
ces  peuples  oppofoient  une  puifiance  re- 
doutable à  fon  ennemi  ;  il  fongea  à  mul- 
tiplier les  embarras  de  Pépin ,  fans  cepen- 
dant l'attaquer  ouvertement.  TaffiUon,  duc 
de  Bavière  ,  follicité  par  Luitperge  ,  fille 
du  prince  lombard ,  rentra  dans  {qs  états  ; 
& ,  fous  prétexte  d'une  maladie ,  ce  duc 
refufa  de  continuer  la  guerre  d'Aquitaine 
où  il  s'étoit  fignalé.  Mais  le  génie  de  Pépin 
rompit  toutes  (as  mefures  ,  &  le  rendit 
encore  une  fois  maître  de  la  deftinée  de 
fes  ennemis.  Gaifre  ,  duc  d'Aquitaine  ,  fut 
trahi  &  tué  par  fes  propres  foidats,  après 
avoir  erré  en  fugitif  dans  une  province  où 
il  avoit  commandé  en  roi.  TafTilîon ,  crai- 
gnant que  fon  oncle  ne  le  punît  de  fa  dé- 
ftdion  ,  fut  obligé  d'imploter  la  médiation 
du  pape,  qui  flatté  de  fe  voir  l'arbitre  de 
fon  fort  ,  obtint  fa  grâce.  Le  roi  des  Lom- 
bards ,  fe  voyant  privé  de  cet  allié  ,  n'ofa 
plus  fe  flatter  de  pouvoir  tirer  vengeancç 
des  humiliations  qu'il  avoit  reçues.  Pépin  ^ 
au  comble  de  la  gloire  ,  eut  encore  celle 
'de    fe    voir    rechercher   par    Conftantin 


P  E  P 

Copronlme ,  qui  ,  du  fond  de  l'orient  , 
lui  envoya  des  marquer  de  (on  eftime  , 
&  des  ambaffadeurs  chargés  de  lui  de- 
mander Giftile  ,  fa  fille  ,  qu'il  vouloir  faire 
époufer  à  fon  fi!,s ,  préfomptif  héritier  de 
l'empire.  Mais  Pépin  ,  foit  qu'il  fût  peu 
flatté  de  l'honneur  de  cette  alliance,  foit, 
comme  il  eft  plus  probable,  qu'il  craignit 
d'indifpofer  la  cour  de  Rome ,  refufa  d'y 
confentir  :  il  leur  répondit  qu'il  ne  pouvoit 
donner  fa  fille  à  un  prince  hérétique  ,  parce 
qu'ayant  pris  le  faint-fiege  fous  fa  protec- 
tion ,  il  avoir  fait  ferment  d'être  l'ennemi 
de  fes  ennemis. 

Si  l'on  réfléchit  fur  la  conduite  de  ce 
monarque  ,  &  fur  le  refus  qu'il  fit  efiTuyer 
à  l'empereur  de  Conftantinople  ,  on  pourra 
croire  que  fon  ambition  ne  fe  bornoit  pas 
au  triple  diadème  qu'il  avoir  pofé  fur  fa 
tête.  Les  intérêts  de  la  religion  ne  le  tou- 
choient  point  afifez  pour  lui  faire  négliger 
les  moyens  de  s'agrandir.  La  raifon-  dont 
il  venoit  d'appuyer  fon  refus,  n'étoit qu'un 
prétexte  :  il  étoit  en  alliance  déclarée  avec 
le  calife  des  Sarrafins;  &  la  croyance  de  ce 
chef  des  Mahométans  n'étoit  pas  apure- 
ment auffi  orthodoxe  que  celle  de  l'empe- 
reur de  Conftantinople.  Tout  nous  porte 
à  penfer  qu'il  avoir  envie  de  porter  le  théâ- 
tre de  la  guerre  en  Thrace ,  &  d'étendre 
fes  conquêtes  jufqu^aux  rivages  du  Pont- 
Euxin.  Ses  complaifances  pour  le  faint-fiege 
étoient  moins  un  effet  de  fon  zèle  que  de 
fa  politique.  Les  troubles  qui  divifoient  les 
efprits  dans  la  capitale  de  l'onent ,  étoient 
très  -  propres  à  lui  en  applanir  la  route. 
A  la  faveur  de  ces  troubles ,  il  auroit  con- 
quis le  trône  des  Grecs  avec  plus  de  fa- 
cilité qu'il  n'étoit  monté  fur  celui  de  Cqs 
maîtres. 

Tels  étoient  fans  doute  les  projets  de 
Pépin,  au  moins  ils  font  conformes  à  fon 
ambition ,  lorfqu'une  maladie  le  conduifit 
au  tombeau  ;  &  ce  fut  dans  ce  trifte  mo- 
ment qu'il  déploya  toute  la  grandeur  de 
fon  ame.  Sa  famille  l'approche  ,  &  témoi- 
gne déjà  par  fa  douleur  de  quels  regrets 
elle  va  honorer  fa  mémoire  :  lui  feul  re- 
tient fes  larmes;  &  s'il  fonge  à  la  mort, 
ce  n'eft  que  pour  lui  dérober  quelques 
inftans  ,  afin  d'aHTurer  la  tranquillité  de  fes 
peuples.  Après  avoir   placé  des   gouver-  | 


P  E  P  255 

neurs  &  des  juges  dans  toutes  les  villes 
rebelles  de  l'Aquitaine,  il  partage  fes  états 
entre  fes  fils  ;  &  comme  il  connoiffbit  à 
Charles,  l'ainé  de  ces  princes  ,  de  plus 
grands  talens  qu'à  Carloman  fon  frère  , 
il  lui  donne  l'Auftrafie  ,  où  il  étoit  plus 
à  portée  de  connoître  ce  qui  fe  pafToit 
au  delà  des  Alpes.  Il  joint  à  cet  état 
l'Aquitaine  ,  où  il  avoit  encore  apperçu 
quelques  femences  de  révolte.  Carloman 
eut  la  Bourgogne  &  la  France  ,  c'eft-à- 
dire,  la  Neufirie.  Pépin  ,  après  avoir  ainfi 
réglé  le  deftin  de  fes  peuples  &  de  (es 
enfans  ,  régla  les  cérémonies  de  ias  funé- 
railles :  il  prefcrivit  jufqu'à  la  manière  qu'il 
vouloit  que  fon  corps  repofât  dans  le  tom- 
beau. Il  demanda  à  être  inhumé  dans 
l'attitude  d'un  pénitent ,  les  mains  jointes , 
îa  face  contre  terre  :  tels  furent  les  der- 
niers inftans  de  Pépin,  Heureux  à  com- 
battre ,  il  fut  habile  à  gouverner.  Il  n'eut 
qu'un  reproche  à  fe  faire  ,  celui  d'avoir 
violé  fes  fermens  envers  fon  fouverain. 
Au  refte  ,  fon  élévation  ne  fut  préparée 
ni  par  des  profcriptions,  ni  âes  afi^affinats: 
fier  &  populaire  tour -à- tour,  il  ne  dé- 
ploya que  l'appareil  des  vengeances  ,  &C 
n'en  fit  jamais  reffentir  les  effets.  Les 
grands,  trop  foibles  pour  ofer  être  rebel- 
les ,  furent  des  fujets  obéifl^ans  ;  &  l'in- 
docilité des  princes  tributaires  ,  réprimée 
par  fes  armes  ,  eût  fait ,  s'il  eût  vécu  plus 
long-temps  ,  fuccéder  des  jours  calmes  à 
des  jours  orageux.  La  France  ,  forcée  de 
plier  fous  le  joug  ,  refpefta  ,  dans  cet 
ulbrpateur,  un  roi  citoyen  qui,  en  ren- 
dant fes  fujets  heureux  ,  juftifîa  fes  titres 
pour  commander. 

La  ndbîefiTe ,  appellée  au  gouvernement , 
eut  tout  l'éclat  du  pouvoir  fans  en  avoir 
la  réalité  ;  &C  lorfque  fes  privilèges  étoient 
les  plus  multipliés  ,  elle  étoir  réduire  à 
la  plus  entière  dépendance  :  cette  dépen- 
dance n'avoit  cependant  rien  de  fervile. 
Pépin  avoit  l'art  d'enchaîner  les  cœurs  , 
&:  fart  plus  grand  encore  de  le  cacher. 
Le  génie  de  ce  prince  préhdoit  feul  aux 
délibérations  publiques  ;  &  lorîiqu'il  paroif- 
foit  (e  dépouiller  de  fa  puiffance  ,  il  en 
étendoir  les  limites.  Les  papes  furent  com- 
blés de  biens  &  d'honneur  ;  mais  il  les 
leur  vendit ,  en  rejetant  fur  eux  la  honte 


1^6  P  E  P 

du  parjure  dont  il  s'étoit  fouillé.  Enfin  , 
ce  prince  qui ,  dans  un  corps  petit,  ren- 
fermoit  l'ame  d'un  héros  ,  tiendroit  un 
rang  plus  honorable  dans  nos  annales  , 
s'il  n'y  rempliffoit  le  vuide  qui  fe  trouve 
entre  Charles -Martel  &  Charlemagne  , 
qui  tous  deux  ont  écliprë  fa  fplendeur. 
Sa  mort  arriva  le  24  feptembre  768  , 
dans  la  cinquante-cinquième  année  de  fon 
âge  ,  la  vingt-fixieme  depuis  la  mort  de 
Charles-Martel ,  &  la  dix  -  feptieme  de 
fon  règne  comme  roi  de  France.  Ce  fut 
Pépin  qui  établit  ces  intendans  appelles 
mijfi^  qui  furent  d'une  fi  grande  utilité 
fous  la  féconde  race  ,  &:  dont  les  princi- 
pales fon(flions  étoient  de  punir  les  juges 
qui  ,  par  leur  lenteur ,  pouvoient  opérer 
la  ruine  des  familles  qui  leur  demandoient 
juftice.  [M'Y.) 

PEPINIERE ,  f.  f.  (Jardin.)  C'eft  un 
terrain  deftiné  à  multiplier ,  cultiver ,  6c 
élever  des  arbres  de  toutes  fortes  ,  jufqu'à 
ce  qu'ils  foient  en  état  d'être  placés  à 
demeure.  On  y  feme  les  noyaux ,  les 
pépins  ,  les  noix  ,  les  amandes ,  &  géfié- 
ralement  toutes  les  graines  qui  doivent 
fervir  à  la  multiplication  des  différentes 
efpeces  d'arbres  fruitiers ,  &  des  diverfes 
fortes  d'arbres  qui  font  propres  à  peupler 
les  forêts ,  à  planter  les  pofTeflîons  rurales , 
&  à  embellir  les  parcs,  les  jardins,  &  les 
approches  des  châteaux  &  maifons  de  plai- 
fance  :  d'où  il  fuit  que  le  terrain  d'une  pé- 
pinière doit  être  diftribué  en  différentes  par- 
ties ,  relativement  à  la  diverfité  de  culture 
&:  à  la  variété  des  objets  qu'on  fe  propofe 
d'y  élever. 

Après  qu'on  aura  traité  de  la  qualité  du 
terrain  propre  à  former  une  pépinière,  de 
l'expofition  qui  lui  convient ,  &  de  l'éten- 
due qu'elle  doit  avoir  ,  on  entrera  dans 
le  détail  des  femés  &:  des  greffes  ,  de  la 
culture  &la  tranfplantation,  des  boutures, 
&  des  branches  couchées  ;  enfin  ,  des 
précautions  &  des  foins  qu'exige  la  pre- 
mière éducation  des  arbres  pendant  leur 
jeuneffe. 

Le  terrain  d'une  pépinière  doit  être 
de  médiocre  qualité  :  fi  on  la  plaçoit  dans 
un  fol  bas ,  humide  &  gras  ,  il  y  auroit 
autant  d'inconvénient  que  de  la  mettre 
dans  une  terre  fechej  légère  ôc  trop  fu- 


P  E  P 

'  perfici^lle.  Loin  de  confidérer  en  ceci  le 
premier  progrès  des  arbres,  c'eft  la  qua- 
lité du  fol  où  on  fe  propofe  de  les  mettre, 
qu'il   faut   avoir  principalement   en   vue. 
Si  l'on    tire  les  arbres  d'un   terrain   fort 
limoneux  &:  trop  fubftantiel  ,   ils  auront 
à  courir   les  rifques  de  paffer  dans   une 
terre  fort  inférieure  ,   ou  tout   au  moins 
médiocre,  &  dans  l'un  ou  l'autre  cas  ils 
languiront ,   dépériront ,  ou  feront  long- 
temps à  fe  remettre  du  changement.^  S'ils 
viennent  au  contraire  d'un  mauvais  fonds  , 
d'un  terrain  pauvre  ,  ingrat ,  ou  ufé ,  les 
plants  font  maigres ,  fecs ,  &  leurs  racines 
lont  foibles ,  minces  &  courtes  ;  ce  n'eft 
pour  ainfi  dire  que  du  chevelu.  De  tels 
plants  font  d'une  conftitution  languifîante 
qu'on    ne   peut    rétablir ,    ils   reprennent 
difficilement ,  &  ne  font  jamais  des  arbres 
vigoureux  ,  quand  même  on  les  planteroit 
dans    un  bien  meilleur   fol.   Il   faut  donc 
établir  les  pépinières  dans  un  terrain  d-e 
moyenne  qualité,  qui  foit  de  deux  à  trois 
pies  de  profondeur,  qui  ait  du  corps  &  de 
la  fubftance  ,  fans  être  gras  ,  ni  humide  , 
qui   foit  meuble  ,    fertile  ,  6c  en  bonne 
culture. 

'  Le  levant  eft  la  meilleure  expofition 
que  l'on  puiffe  choifir  pour  une  pépinière, 
&  il  vaudroit  mieux  la  placer  au  nord  qu'au  " 
midi ,  qui  eft  le  plus  mauvais  afpeft  pour 
le  premier  progrès  des  arbres.  La  fituation 
que  l'on  doit  préférer  enfuite,  eft  celle  des 
coteaux ,  pour  éviter  fur-tout  l'humidité 
permanente  ,  qui  eft  l'obftacle  le  plus  con- 
traire à  la  formation  des  atbres  fruitiers  , 
des  arbres  toujours  verds ,  &c. 

L'étendue  que  doit  avoir  une  pépinière 
dépend  de  tant  de  circonftances ,  qu'on  ne 
peut  guère  la  déterminer  qu'avec  connoif- 
fance  des  arrangemens  particuliers,  qui  en 
doivent  décider.  Cependant  en  examinant 
la  portée  de  chaque  objet  qui  doit  y 
entrer  ,  on  pourra  donner  une  notion 
générale  ,  qui  fera  juger  de  Tefpace  conve- 
nable au  fervice  qu'on  en  voudra  tirer.  On 
fait  communément  ce  calcul,  qu'un  arpent 
royal  contient  quarante-huit  mille  quatre 
cents  pies  quarrés;  qu'en  mettant  les  jeunes 
plants  en  ligne  de  deux  pies  de  diftance  , 
6c  les  plants  à  un  pié  l'un  de  l'autre  ,  un 
arpent  en  contiendra   vingt-quatre  mille 

^      deux 


P  E  P 

deux    cents.    Mais    on    n'examinera    pas 
qu'il  faut  de  l'efpace  pour  les  clôtures  , 
les  allées  ,   les  femis  ,  &  pour  les  places 
vuides,  parce  que  tout  ne  peut  être  rempli , 
attendu  que  quand  on  a  vuidé  un  canton  , 
il  faut  le  remettre  en  culture  ^  qu'il   y  a 
d'ailleurs  -des  arbres  qui  périffent ,  d'autres 
dont  la  greffe  manque  ,  d'autres  aulîî  qui 
font  défedlueux  j  qu'enfin  ,  il  faut  attendre 
plu  fleurs  années  pour  greffer  les  fijjets  dont 
on    veut   faire    de   hautes    tiges.   Il   faut 
donc  compter  que  la   moitié   de  l'empla- 
cement {je  trouvera  employée  en  clôtures  , 
en   allées ,    en    femis  ,    &    autres   places 
iiécelî'aires  au  fervice  ^  en  forte  que  l'autre 
moitié    ne     pourra     contenir     qu'environ 
douze  mille  plants ,  dans  la  fuppofîtion  des 
diflances   que  l'on  a  dites.   Mais   comme 
il  y  a   toujours  des  plants  qui   meurent  , 
ou  qui  font  défeâ:ueux ,  ou  qui  manquent 
à  la  greffe  ,  c'eft  un  quart  à  déduire  :  ainfî 
reihe  à  neuf  mille  plants.  Et  en  confidérant 
qu'il  faut  trois  ans  pour  élever  un  pêcher 
«ain  .  quatre  ou  cinq  ans  pour  un  poirier 
nain  ,  &  fept  à  huit  ans  pour  les  arbres  à 
hautes  tiges ,  il  en  réfulte  que  la   meflire 
commune  lera  de  cinq  ans  pour  l'éducation 
des  neuf  mille  plants,  &  que  par  confé- 
•quent  une  pépinière  d'un  arpent  ne  pourra 


P  E  P  257 

tranfplantés  à  demeure  ,  un  arpent  de  pépi- 
nière ne  pourra  guère  fournir  par  an  que 
mille  plants  de  ces  arbres.  Ainfî  on  peut 
eflimer  que  pour  faire  un  établiflème.nt 
complet  de  pépinière  où  on  voiîdroil  élever 
de  toute  forte  d'arbres  ,  il  faudroit  fîx 
arpens  d'emplacement ,  qui  pou rroient  four- 
nir tous  \qs  ans  dix  à  douze  mille  plants  , 
fans  y  comprendre  les  jeunes  plants  qu'on 
peut  tirer  àQ%  fèmis  au  delà  du  fervice  de 
la  pépinière. 

Les  arbres  fruitiers  font  communément 
l'objet  principal  àQS  pépinières  :  fi  on  veut 
Ce  borner  à  ce  point ,  on  pourra  divifer  le 
terrain  en  fix  parties  "égales ,  dont  la  pre- 
mière fera  deflinée  à  j^lacer  le  femis  des 
différentes  graines  qui  doivent  fervir  au 
peuplement  de  la  pépinière  ;  la  féconde 
place  fera  aflignée  aux  pêchers  ,  &  aux 
abricotiers  ^  la  troifieme  ,  aux  cerifiers  , 
&  aux  pruniers  ;,  la  quatrième ,  aux  poiriers; 
la  ciraquieme ,  aux  pom.miers  '-,  &  la  fixieme, 
aux  noyers  ,  châtaigniers  ,  &c.  mais  fî  l'on 
fe  propofe  de  généralifer  l'objet  de  la 
pépinière  ,  en  y  admettant  de  tout  ,  il 
faudra  comprendre  dans  la  fliflribution  fix 
autres  parties  égales  ,  dont  la  première  , 
qui  deviendra  la  feptieme  ,  ièrvira  à  élever 
des  mûriers  blancs  ^  dans  la  huitième  ,  des 


ormes ,  des  tilleuls,  des  marronniers  d'inde. 


par  an.  Et  en  examiinant  encore  que  les 
files  pour  certains  arbres  font  trop  ferrées 
à  deux  pies  ,  &  que  les  plants  font  fbuvent 
trop  proches  à  un  pié  pour  avoir  de 
J'aifàuce  ,  il  faut  encore  déduire  un  tiers 
•du  produit  de  la  pépinière ,  qui  n'ira  plus 
qu'à  quinze  cents  plants.  Ce  calcul  peut 
conduire  à  déterminer  que  quand  on  ne 
veut  élever  que  des  arbres  fruitiers  ,  un 
quart  d'arpent  doit  fuflire  à  un  particulier 
qui  a  des  jardins  un  peu  confîdérables  à 
entretenir  ,  &  qu'il  faut  trois  ou  quatre 
arpents  à  un  marchand  jardinier  ,  qui  ne 
s'attache  qu'à  cette  partie ,  &  qui  pourroit 
vendre  tons  les  ans  fix  mille  plants  d'arbres 
fruitiers.  Mais  fi  l'on  veut  élever  en 
même  temps  dès  arbres  forefliers  ,  &  de 
curiofité  ,  il  faut  augmenter  le  terrain  à 
proportion  de  l'étendue  des  objets  que  l'on 
veut  embralfer  y  &  comme  il  faut  fix  à 
ièpt  ans  pour  former  la  plupart  des  grands 
arbres  ,  &  les  amener  au  point  d'être 
Tome  XXr, 


&  des  peupliers  j  dans  la  neuvième  ,  des 
arbres  étrangers  ^  dans  la  dixième  ,  des  ar- 
briiîèaux  curieux  ^  dans  la  onzième  ,  des 
arbres  toujours  verds  ;  &  dans  la  douzième, 
des  arbres  forefliers ,  parmi  lefqueîs  la  char- 
mille fera  comprife.  J'entrerai  dans  le  détail 
de  la  culture  de  chacun  de  ces  objets  en  par- 
ticulier ,  pour  éviter  les  répétitions ,  &  fim- 
plifier  les  idées  autant  qu'il  fera  pofîlble  de 
le  faire  fans  prolixité.il»* 

La  meilleure  expofition ,  &  la  terre  la 
mieux  qualifiée ,  doivent  décider  l'empla- 
cement du  femis  ;  on  entend  par  la  meil' 
leure  expofition ,  celle  qui  a  fbn  afjîed:  au 
fud-efl ,  &  qui  efl  défendue  par  des  haies  , 
des  murs ,  ou  de  grands  arbres  du  côté  du 
nord  3  mais  il  ne  f:iut  pas  que  ces  arbres 
couvrent  le  terrain  de  leurs  branches ,  ni 
que  leurs  racines  puiffent  s'y  étendre ,  ce 
qui  feroit  un  double  inconvénient  ,  pire 
que  le  défaut  d'abri.  La  qualification  de 
la  terre  coiififie  à  ce  qu'elle  foit  la  plus 

Kk 


258  P  £  P 

faine  ,  la  plus  légère  ,  &  la  plus  meuble  de 
l'emplacement ,  dont  on  emploiera  pour  le 
fèmis  une  fixieme  partie  ,  quand  il  s'agira 
d'une  petite  pépinière  ;  &:  feulement  la  dou- 
zième partie  environ,  pour  une  grande  pépi- 
nière ,  attendu  que  l'on  feme  la  plupart  des 
graines  des  grands  arbres,  dans  la  place 
même  où  ils  doivent  être  élevés  ,  &  qu'il 
faut  peu  de  plants  pour  le  renouvellement 
de  ces  fortes  d'arbres,  qui  font  long-temps 
à  fè  former. 

On  peut  aufli  préferver  le  canton  du  fe- 
mis ,  &  favorifer  fes  progrès  ,  en  l'environ- 
nant d'une  paliifade  f  dont  la  hauteur  fe  dé- 
termine par  l'étendue  du  femis^  cette  palif- 
fade  doit  être  formSe  ,  pour  le  mieux ,  avec 
des  arbres  toujours  verds  qui  donnent  en 
tout  temps  le  même  abri. 

Il  fera  encore  très-à-propos  de  diftribuer 
le  terrain  du  femis  en  iix  parties  ,  dont  la 
première  fervira  pour  les  noyaux  des  difFé- 
rens  arbres  fruitiers  de  ce  genre  ^  la  féconde, 
pour  les  pépins  des  pommiers ,  &c.  la  troi- 
îieme ,  pour  les  graines  des  arbriffeaux  j 
la  quatrième  ,  pour  celle  des  grands  ar- 
bres qui  lèvent  la  première  année  j  h  cin- 
quième ,  pour  les  fèmences  des  arbres  qui 
ne  lèvent  que  la  féconde  année  ^  &  la  fixie- 
me ,  pour  les  arbres  toujours  verds ,  qui  fè 
plairont  dans  la  place  la  plus  mal  expofée  & 
la  moins  défendue. 

Le  canton  du  femis  n'exige  pas  autant 
de  profondeur  de  terre  que  le  refte  de  la 
pépinière  ;  il  fuffira  de  l'avoir  fait  défoncer 
d'un  pié  &  demi  :  du  refle  ,  ce  terrain 
doit  être  en  bonne  culture  depuis  un  an  , 
bien  nettoyé  de  pierres  ,  de  mauvaifes 
herbes  ,  &c,  &:  il  eft  à  propos  ,  pour  la 
facilité  de  la  cultuMjju  de  le  diflribuer  en 
planches  de  quatre  pies  de  largeur  ,  dont 
les  fèntiers  de  féparation  donneront  au 
moins  1 5  pouces  d'aifance  pour  le  fervice. 
Sur  la  façon  de  femer ,  on  peut  obferver 
que  c'eft  un  mauvais  ufage  de  répandre  les 
graines  à  plein  champ  j  cette  pratique  eft 
fujette  à  un  double  inconvénient  ,  d'abord 
l'impofTibilité  de  remuer  la  terre  autour' 
des  jeunes  plants  épars ,  &  enfîiite  la  diffi- 
culté de  démêler  6c  enlever  les  mauvaifes 
herbes  parmi  les  bons  plants»  Il  efl  donc 
bien  plus  avantageux  de  femer  les  graines 
eu  rangées  j  il  eil  inditféreat  de  les  diriger 


P  E  P 

fur  la  longueur  ou  la  largeur  des  planches, 
pourvu  qu'on  lailfe  depuis  fix  pouces  jufqu'à 
un  pié  de  diftance  entre  les  rayons  ,  rela- 
tivement au  plus  ou  moins  de  progrès  des 
arbres  pendant  les  deux  ou  trois  premières 
années.  Si  l'on  feme  les  graines  en  rayons  , 
il  faudra  donner  à  ces  rayons  une  profon- 
deur proportionnée  au  volume  de  la  graine  j 
pour  les  plus  groffes ,  ou  creufera  le  rayon 
de  deux  à  trois  pouces  ^  pour  les  moyen- 
nes ,  il  fufîîra  de  faire  un  fillon  ,  de  la 
façon  qu'on  le  pratique  pour  fêmer  des 
pois  ^  &  dans  ces  deux  derniers  cas  ,  on 
recouvre  &  on  nivelé  le  terrain  avec  le 
râteau.  Mais ,  à  l'égard  des  menues  graines ,, 
il  y  faut  plus  d'attention  :  le  rayon  ne  doit 
avoir  qu'un  pouce  de  profondeur  ^  &  aprèsr 
que  les  graines  y  feront  (èmées ,  on  les  re- 
couvrira avec  le  terreau  le  plus  fin  &  le  plus 
confommé,  que  l'on  répandra  foigneufe- 
ment  avec  la  main ,  en  forte  que  les  graines 
n'en  fbient  couvertes  que  de  l'épaiffeur  de 
demi-pouce  j  &  on  fe  difpenfera  de  niveler 
le  terrain  ,  afin  que  l'humidité  puiffe  mieux 
fe  raffembler  &  fe  conferver  autour  des 
graines. 

On  peut  fèmer  en  diiïerens  temps ,  & 
c'efl  une  circonflance  qui  mérite  de  l'at- 
tention. Il  y  a  des  graines  qui  mûrilTent 
dès  l'été  :  on  pourroit  les  femer  auffi-tôt 
après  leur  maturité  ,  fion.n'avoit  à  crain- 
dre de  les  voir  germer  &  pointer  avant 
l'hiver  ,  dont  les  intempéries  en  détrut- 
roient  un  grand  nombre  j  il  vaut  mieux 
remettre  cette  opération  à  l'automne  oit 
au  printemps.  Entre  ces  deux  partis  ,  le 
volume  de  la  graine  doit  décider.  La  fin 
d'odobre  &  le  mois  de  novembre  feront 
le  temps  convenable  pour  les  groffes  graines, 
&  même  pour  les  médiocres  ,  mais  il  faut 
attendre  le  commencement  du  printemps 
pour  toutes  les  menues  graines  ,  fur-tout 
celles  des  arbres  réfineux.  Il  y  a  cependant 
des  précautions  à  pj-endre  pour  faire  atten- 
dre les  graines  ,  dont  la  plupart  ne  fè' 
confèrvent  qu'en  les  mettant  dans  la  terre 
ou  dans  du  fable  ,  en  un  endroit  fec  & 
abrité.  On  ne  peut  entrer  ici  dans  tout 
ce  détail ,  non  plus  que  dans  la  diflindion 
de  quelques  efpeces  d'arbres  qui  ,  étant 
délicats  dans  leur  jeunellè  ,  demandent  à 
être  abrités  pendant  les  premiers  hivers  j 


P  E  P 

pour  s'en  inftruire  ,  on  pourra  recourir  à 
l'article  de  chaque  arbre  en  particulier.  On 
conçoit  bien ,  au  furplus  ,  qu'il  faut  arrofer 
les  lëmis  dans  les  temps  de  haie  &  de 
féchereffe ,  les  farder  ,  béquiller  ,  cultiver, 
&c.  A  l'égard  du  temps  &  de  la  force  auxquels 
les  jeunes  plants  doivent  être  mis  en  pépi- 
nière ,  on  en  parlera  dans  les  différens 
2K-ticles  qui  fui  vent. 

Les  pêchers  &  les  abricotiers  ,  après 
le  femis  ,  doivent  occuper  la  meilleure 
place  de  la  pépinière  ,  &  toujours  la  plus 
iàine  j  ce  n'eii  que  pour  la  curiofité  ,  que 
l'on  s'avifè  de  faire  venir  ces  arbres  de 
noyau  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  fe  procurer  de 
nouvelles  variétés  ^  car  il  n'y  a  que  cinq 
ou  fix  efpeces  de  pêchers  ,  dont  les  noyaux 
perpétuent  l'efpece.  D'ailleurs ,  ces  arbres  , 
loriqu'ils  font  francs  ,  ne  durent  pas  long- 
temps j  l'ufage  eft  de  les  greffer  pour  les 
accélérer  ,  les  perfedionner  ,  &  les  faire 
durer.  Comme  on  ne  plante  pas  à  beaucoup 
près  autant  d'abricotiers  que  de  pêchers , 
ces  premiers  ne  doivent  occuper  qu'une 
petite  partie  du  quarré  deftiné  à  ces  deux 
efpeces  d'arbres  ^  &  en  général ,  on  ne  doit 
former  que  le  quart  de  ces  arbres  pour  le 
plein-vent.  Les  fujets  propres  à  greffer 
l'abricotier  &  le  pêcher  ,  font  les  pruniers 
de  damas ,  de  cerifette  ,  &  de  Saint- Julien  , 
l'amandier  ,  les  plants  venus  de  noyaux 
d'abricots  &:  de  pèches  ^  il  y  a  des  efpeces 
d'abricotiers  &  de  pêchers  ,  qui  réuflîffent 
mieux  fur  quelques  uns  de  ces  fujets  ,  que 
fur  d'autres.  Le  terrain  fec  ou  humide  , 
dans  lequel  on  fe  propofe  de  placer  ces 
arbres  à  demeure  ,  doit  auffi  fèrvir  de 
règle  pour  la  qualité  des  fujets  :  c'eft  fur 
toutes  ces  circonflances  qu'il  faut  le  déter- 
miner pour  le  choix  du  fujet.  On  plante 
ces  fujets  en  files  éloignées  l'une  de  l'autre 
depuis  deux  pies  jufqu'à  trois  ,  félon  l'ai- 
fànce  que  l'on  peut  fe  donner  :  on  place 
dans  ces  lignes  les  plants  depuis  un  pié 
jufqu'à  deux  de  diftance.  Le  mois  de 
novembre  eft  le  temps  le  plus  propre  à  faire 
cette  plantation  :  on  les  rabat  à  lîx  ou  huit 
pouces  pour  les  greffer  enfuite  en  écuffon 
au  mois  d'août  de  la  féconde  année.  A 
l'égard  des  noyaux  de  pêches  &  d'abricots , 
ainfi  que  les  amandes  ,  il  vaut  mieux  les 
femçr  en  place ,  ôc  dans  ce  cas  on  pourra 


P  E  P  25^ 

les  greffer  la  iriême  année  ,  le  tout  pour 
former  des  arbres  nains.  Quant  aux  iujets 
que  l'on  veut  élever  pour  le  plein- vent , 
il  ne  faudra  les  greffer  à  hauteur  de  tige 
qu'au  bout  de  quatre ,  cinq  ,  ou  fîx  ans  , 
lorfqu'ils  auront  pris  une  force  fuffifante. 
Tous  ces  arbres  doivent  fe  tirer  de  la  pépi- 
nière après  qu'ils  ont  un  an  de  greffe  ;  celles 
qui  ont  pouiié  trop  vigoureulement  ,  font 
autant  à  rejeter  que  celles  qui  font  trop 
foibles  ^  on  doit  préférer  à  cet  égard  les 
pouffes  d'une  force  médiocre.  Il  refte  à 
obferver  que  les  amandes  douces  à  coquille 
dure  font  les  micilleures  pour  former  àes 
fujets  propres  à  la  greffe  ,  &  que  les  aman- 
des douces  à  coquille  tendre  font  bien 
moins  convenables  ,  parce  que  les  plants 
qui  en  viennent  font  plus  fujets  à  la 
gomme. 

Les  cerifiers  &  les  pruniers  feront  placés 
enfuite.  Les  fujets  propres  à  greffer  le 
cerifier  ,  font  le  merifier  pour  élever  de 
grands  arbres ,  &  le  cerifier  mahaleb ,  que 
Ton  nomme  canot  en  Bourgogne,  &  canout 
à  Orléans  ,  pour  former  àts  plants  d'ua 
médiocre  volume.  On  rejette  pour  fîijet  la 
cerifè  rouge  commune  ,  parce  qu'elle  n'eft 
pas  de  durée  ,  &  que  fes  racines  pouffent 
des  rejetons.  On  tire  ces  fujets  du  femis 
au  bout  de  deux  ans ,  pour  être  plantés 
en  pépinière ,  dans  les  diftanccs  expliquées 
à  l'article  précédent  ^  &  on  peut  les  greffer 
dans  l'année  fuivante  en  écuffon  à  œil  dor- 
mant ,  foit  pour  avoir  des  arbres  nains  , 
foit  pour  les  laiffer  venir  à  haute  tige  avec 
le  temps  ,  mais  on  peut  attendre  auffi  que 
la  tige  des  iiijets  foit  formée  ,  pour  les 
greffer  alors  à  la  hauteur  de  fix  ou  fept 
pies.  A  l'égard  du  prunier  ,  on  le  multiplie 
également  par  la  greffe  fur  à^^  fujets  de 
damas  noir  ,  de  cerifette  ou  de  Saint- 
Julien.  On  tire  auflî  ces  fujets  du  femis  à 
l'âge  de  deux  ans  j  on  les  plante  &  on 
les  efpace  dans  le  temps  &  de  la  façon 
qui  a  été  ci-deffus  expliquée  \  enfuite  on  les 
greffe  en  écuffon  ou  en  fente  ,  lorfqu'ils 
opt  pris  une  groffeur  fuffifante. 

Le  poirier  fe  multiplie  aufîi  par  la 
greffe  en  fente  ou  en  écuffon  ,  fur  franc 
ou  fur  coignafîîer  :  on  nomme  francs  ,  les 
fujets  qui  font  venus  de  culture  en  femant 
des  pépins  de  poires,  pour  les  diftinguer 

Kk  2 


i^o  P  E  P 

des  poiriers  faiivages  ,  que  l'on  peut  tirer 
des  bois,  mais  qui  ne  font  pas  aufll  coni^e- 
nables  que  les  fujets  francs  ,  parce  que  ces 
fauvageons  confervent  toujours  une  âcreté 
qui  fe  communique  aux  fruits  que  l'on  greffe 
defTus.  Les  fujets  francs  de  poirier  feront 
tirés  du  fèmis  au  même  âge  ,  plantés  dans 
le  même  temps ,  réglés  à  pareille  diftance , 
&  greffés  de  la  façon  qu'on  Ta  dit  pour 
les  arbres  qui  précèdent.  A  l'égard  des  fîi- 
jets  de  coignafîier ,  on  les  élevé  de  deux 
façons  :  quelquefois  on  tire  des  jeunes 
plants  aux  pies  d'anciens  troncs  de  coignaf- 
fiers  ,  que  l'on  nomme /tz^t^j  ,  &  que  l'on 
tient  en  réferve  pour  ce  fèrvice  dans  un 
coin  de  Icipépiniere  ;  mais  le  plus  commun 
ufage  ,  qui  efl  aufii  la  voie  la  plus  courte  , 
c'efl  de  faire  des  boutures.  On  les  plante 
de  bonne  heure  au  printemps  ,.  de  la 
groffeur  d'un  petit  doigt  &  d'un  pié  de 
long ,  en  rangées  ,  &  à  pareille  difiaiice  que 
les  plants  enracinés  ,  &  on  les  enfonce  de 
moitié  dans  la  terre.  Il  faut  avoir  foin , 
pendant  la  première  année  ,  de  ne  laiffer 
fiibfîller  que  la  plus  haute  des  branches 
qui  ont  pouffé  ,  &  de  fùpprimer  tous  les 
autres  rejetons  avant  qu'ils  aient  plus  de 
deux  pouces:  on  les  greffe  en  écuffon  fur 
le  vieux  bois  !a  féconde  année.  Les  poiriers 
greffés  fur  franc  font  propres  à  fonner  de 
grands  arbres  à  plein-vent  5  car  on  ne  fc 
■détermine  à  les  m-ettre  en  efpalier  ,  que 
dans  les  terrains  fecs  &  légers ,  parce 
^qu'ils  font  trop  long- temps  à  fe  mettre  à 
fruit.  Les  poiriers  greffés  fur  coignafîier 
conviennent  particulièrement  pour  les  ter- 
res humides,  &  pour  l'efpalier  ^  comme  on 
plante  beaucoup  plus  de  poiriers  à  ce  der- 
nier ufagc  ,  que  pour  le  plein- vent  ,  la  pé- 
pinière doit  être  fournie  de  deux  tiers  de 
poiriers  greffés  fur  coignafîier  ,  contre  un 
tiers  des  autres.  Ce  n'efl  qu'après  deux  ou 
trois  ans  de  greffe  que  ces  arbres  font  en 
état  d'être  plantés  à  demeure. 

Il  eft  aufli  d'ufage  de  multiplier  le 
pommier  par  la  greffe  ,  en  fente  ou  en 
écuiïbn  ,  fur-  franc  ,  fur  le  doucin  ,  ou  fur 
Té  pommier  de  paradis.  On  noirwne  francs  ^ 
les  fijjets  élevés  de  pépins  de  pomme  , 
comme  on  vient  à^  le  dire  pour  le  poirier  : 
&  il  y  a  même  raifon  pour  les  préférer  aux 
pommiers  Ikuvages ,  que  l'on  tire  des  bois. 


P  E  P 

il  faudra  auffi  les  conduire  &  les  élever 
de  la  même  façon.  Le  doucin  ,  pour  la 
hauteur  &  pour  la  durée  ,  tient  le  milieu 
entre  le  pommier  franc ,  &  le  pommier 
de  paradis.  Les' pommiers  greffés  fur  le 
doucin  5  ne  font  que  des  arbres  d'une 
moyenne  flature  ^  mais  ils  croiffent  vite  , 
&  donnent  promptement  de  beaux  fruits.  A 
l'égard  du  pommier  de  paradis  ,  c'efl  un 
excellent  fujet  pour  form.er  de  petits  arbres, 
qu'on  peut  même  admettre  dans  les  jardins 
d'agrément.  Le  doucin  &  le  paradis  vien- 
nent aifément  de  boutures  qui  fe  plantent 
comme  celles  du  coignafîier,  &  fe  greffent 
aufîl  la  féconde  année  fur  le  vieux  bois. 
Tous  ces  arbres  ne  doivent  être  tirés  de  la 
/?f/?//z/V/-e  qu'après  deux  ou  trois  ans  de  greffe  ^^ 
mais ,  comjne  on  prend  beaucoup  plus  de' 
plants  greffés  fur  franc  que  fur  d'autres  fu- 
jets, il  faut  élever  du  double  plus  de  ceux-ci-; 
que  des  autres.. 

Les  noyers,  châtaigniers,  &  autres  arbres 
de  ce  genre  ,  s'élèvent  en  femant  les  grai- 
nes dans  l'endroit  même  de  la  pépinière. 
où  on  veut  les  élever.  Après  avoir  con^ 
fervé  ces  graines  dans  du  fable  ,  en  lieu 
fèc  pendant  l'hiver  ,  on  les  plante  de  deux 
pouces  de  profondeur  ,  &  à  quatre  d'inter- 
valle ,  dans  des  lignes  de  deux  ou  trois 
pies  de  diftance.  Après  la  féconde  année 
on  élague  les  jeunes  plants ,  &  on  enlevé 
cewK  qui  font  trop  ferrés  pour  garnir  les 
places  vuides  ,.  en  forte  pourtant  que  tous 
les  plants  fè  trouvent  au  moins  à  un  pié . 
de  diftance  :  on  continue  d'élaguer  ces 
arbres  dans  les  années  fuivantes  ,  mais  avec 
beaucoup  de  ménagement ,  c'eft-à-dire  , 
en  ne  retranchant  les  branches  qu'à  mefure 
que  les  arbres  prennent  de  la  force  ^  cepen- 
dant s'il  y  a  fur  une  tige  foible  des  bran- 
ches qui  s'élancent  trop  ,  on  les  coupe 
au  trois  ou  quatrième  œil.  Nul  autre  foin. , 
que  d'aider  ces  arbres  à  former  une  tige 
droite  ^  au  bout  de  cinq  ou  fix  ans  ils  auront 
affez  de  groffeur  &  d'élévation  pour  être 
tranfplantés  à  demeure.   , 

Le  mûrier  blanc  eft  d'une  fi  grande 
utilité ,  qu'on  ne  fauroit  trop  s'attacher  à  le 
multiplier ,  à  l'élever ,  &  à  le  répandre  dans 
tous  les  pays  dont  le  terrain  peut  lui 
convenir.  Sur  la  culture  de  cet  arbre ,  oa 
pourroit  s'en  tenir  à  renvoyer  le  ledeur  au 


P  E  r 

ffiôt  Mûrier  ^  mais  l'objet  efi  affer  intéref^ 
fànt  pour  ne  pas  craindre  de  fe  répéter.  On 
peut  élever  le  mûrier  blanc  de  femence 
ou  de  bouture  :  par  le  premier  moyen  ,  on 
fe  procure  une  grande  quantité  de  plants  , 
mais  dont  les  feuilles  font  de  petite  qua- 
lité 'j  au  lieu  que  de  l'autre  façon  ,  on  n'a 
pas  une  fi  grande  quantité  de  plants  ,  mais 
aufll  on  les  a  plus  promptement  &  d'aufli 
bonnes  feuilles  ,  que  celles  des  arbres  dont 
on  a  coupé  les  branches  pour  en  faire  des 
boutures.  On  {ème  la  graine  dans  le  canton 
de  la  pépinière  deftiné  au  fèmis.  Lorfque 
lés  planches  dont  on  veut  fe  fervir*|»font 
en  bon  état  de  culture  &  bien  nimees , 
0n  y  trace  en  travers  des  rayons  de  fix  à 
huit  pouces  de  diftance  ,  &  d'un  pouce  de 
profondeur  ,  en  appuyant  le  manche  du 
râteau  fur  la  planche  ;  on  y  femera  la  graine 
aufll  épais  que  celle  de  laitue  ,  &  on  la 
recouvrira  avec  di  terreau  de  couche  bien 
confommé ,  que  l'on  répandra  avec  la  main 
fur  les  rayons  ,  en  forte  que  les  graines  ne 
ibient  recouvertes  que  d'un  demi  -  pouce 
d'épaiifeur ,  &  on  lailfera  les  planches  en 
cet  état ,  fans  les  niveler.  Il  faut  une  once 
de  graine  pour  femer  une  planche  de  trente 
pies  de  long  fur  quatre  de  largeur.  Le 
temps  le  plus  convenable  pour  cette  opé- 
ration ,  eft  le  mois  d'avril ,  du  lo  au  20  *j 
on  pourra  prendre  la  précaution  de  garnir 
les  planches  d'un  peu  de  grande  paille  , 
pour  ne  lailîèr  pénétrer  l'air  &  le  foleil 
qu'à  demi  ,  &  pour  empêcher  que  la  terre 
ne  foit  battue  par  les  arroièmens  ,  qu'il 
ne  faudra  faire  qu'au  befoin,  &  avec  bien 
du  ménagement.  Au  bout  d'un  an ,  les 
jeunes  plants  les  plus  forts  ,  &  les  autres 
après  deux  ans  ,  feront  en  état  d'être  mis 
en  pépinifre  y  &  on  les  plantera  à  un  pié 
de  diftance  en  rangées  éloignées  de  trois 
pies  ^  au  printemps  fuivant ,  on  retranchera 
toutes  les  branches  latérales  \  mais  les 
autres  années- ,  il  ne  faudra  le*  élaguer 
qu'à  proportion  que  la  principale  tige 
prendra  du  foutien  &  de  là  force.  Si  ce- 
pendant il  y  a  fur  une  tige  foible  des 
branches  qui  s'élancent  trop  ,  il  faudra  les 
couper  au  trois  ou  quatrième  œil.  Quand 
ces  arbres  auront  quatre  ans  ,  ils  feront  en 
état ,  pour  le  plus  grand  nombre ,  d'être 
îraiî^'ÎJïîités  à  demeure  j  mais  il  fera  plus 


P  E  P  i(Jf 

arfé  &  bien  plus  court  d'élever  le  mûrier 
blanc   de    bouture  ,   qu'il   fera    inutile  de 
greffer,  &  qu'il  faudra  planter  dans  l'endroit 
•■nême  où  l'on  (è  propofè  d'élever  ces  arbres. 
Voyei  la  façon  d'élever  ces  boutures  ,  au 
mot  Mûrier.  Il  n'y  a  qiîe  le  mûrier  d'Ef- 
pagne  qui  fe  multiplie  de  graine  ,  fans  (^'^^ 
Tes   feuilles   s'abâtardilfent  j  à  l'égard  des' 
mûriers  communs  que  l'on  élevé  de  femen- 
ce ,    il  n'y  en  a   qu'un  petit  nombre   qui 
aient  des   feuilles   de   bonne  qualité,  eir 
forte  qu'il  faut  greffer  ceux  qui  font  dé- 
feâ:ueux  à  cet  égaçd  :  on  peut  les  greffer 
à  tout  âge  en  écuflbn  à  œil  dormant,  ou 
à  lifïlet.    La  meilleure  feuille  pour  les  vers 
&:  pour  la  foie  ,   eft  celle  de  l'arbre  que 
l'on  nomme  la  reine  bâtarde.  Il  y  a  cepen- 
dant de  l'inconvénient  à  avoir  des  mûriers  ■ 
greffés  ^  on  prétend  que  tes  arbres  ,  à  l'âge 
de   25   ou    30  ans,   nleurent  fubitement  , ^ 
quoiqu'ils   foient   dans   un    état    floriffaiit.  - 
On  s'en  plaint  beaucoup  dans  le  Languedoc^  - 
la  Provence  ,  les  Cevennes  ,    6?c.  Il  y  a 
donc  un  gtand  avantai^e  à  élever  le  mûrier" 
blanc  de  bouture  ,  puifque  c'eft  la  voie  la' 
plus  facile   &  la  plus  courte  ^  qui  donne 
de  beaux  arbres    &  de  longue  durée. 

L'orme,  le  tilleul,  le  marronnier  d'Inde,  > 
le  peuplier ,  ùc,  méritent  de  trouver  place  - 
dans  une  grande  pépinière.    On  multiplie  • 
l'orme  defèmence,  que  l'on  doit  conduire - 
de  la  même  manière  que  celle  de  mûrier.  • 
On  élevé  le  tilleul  de  branches  couchées  5  • 
il   faut    avoir   pour   cet    effet  ,    dans  un  ■ 
canton    de  \a   pépinière^    des  fbuches   ou - 
mères  de  tilleuls  de  l'efpecc'  de  Hollande  ,  • 
dont  on  couche  les  rejetons,  qui  ont  d'aifez 
bonnes   racines  -au  bout  de   l'année  pour 
être    plantés  en  pépinières.  On  femé   fur 
place  les  marrons  dînde  ,  comme  les  noix  ^  - 
&  on  les  conduit  de  la  même  façon.  Oa 
élevé  le  peuplier'  de  boutures   de   12  ou 
15  pouces  de  longueur-,    que  l'on  plante 
fur  place  en  rangées  ,    &  à  la  diftance 
ufitée  pour  les  arires  de  pareille  grandeur  j 
lé  principal  foin  qu'on  doive  donner  à  ces 
arbres ,  c'eft  de  les  redrcflTer  &  de  ne  \qs 
élaguer  qu'avec  ménagement  ,    à    mefure 
qu'ils  prennent  de  la  force  &  du  foutien.- 
Mais    on    greffe    fur    forme    comme    en 
écuifon,  foit  à  la  poufîè  ou  à  l'œil  dor"- 
I  maut  5  les  efpeces  curieufès  de  ce  genre 


t(Jt  P  E  P 

d'arbre.  Comme  l'orme  ne  pointe  pas  airé- 
ment ,  &  qu'il  eft  fujet  à  fe  garnir  d'une 
trop  grande  quantité  de  menues  branches 
qui  le  chifTounent  ,  il  faudra  les  couper 
entièrement ,  après  latroilîeme  année  ,  à  un 
pouce  de  terre  :  on  ne  leur  laiiFera  enfuite 
qu^un  rejeton  ,  qui  s'élèvera  promptement 
au  bout  de  cinq  ou  fix  ans.  La  plupart  de 
tous  ces  arbres  feront  en  état  d'être  placés 
à  demeure  ,  favoir ,  le  peuplier  à  cinq  ans , 
l'orme  à  lix  ,  le  tilleul  à  fept ,  &  le  mar- 
ronnier à  huit  ans. 

Les  arbres  étranger»  doivent  être  élevés 
&  conduits  relativement  à  la  groffeur  de 
leurs  graines.  Les  plus  grofles  ,  comme  le 
gland  ,  peuvent  être  femées  dans  le  canton 
même  de  \2i  pépinière  où  l'on  fè  propofe  de 
les  cultiver  ;  à  l'égard  des  plus  menues  & 
même  des  médiocres ,  il  faudra  les  élever 
dans  le  femis  ^  &  comme  partie  de  ces 
arbres  font  afTez  délicats  pour  exiger  qu'on 
les  garantiffe  des  gelées  pendant  les  deux 
ou  trois  premiers  hivers  ,  il  feroit  à  propos 
de  les  lèmer  dans  des  terrains  ou  dans  des 
caifTes  plates  ,  pour  les  ferrer  fous  quelque 
abri  durant  la  faifon  rigoureufe.  Ces  dif- 
férens  arbres  fe  mettent  en  pépinière  ,  à 
mefure  qu'ils  acquièrent  une  force  fuffifante. 
La  plupart  de  ces  graines  lèvent  la  pre- 
mière année  ,  d'autres  ne  paroilfent  qu'à 
la  féconde  ,  &  quelques  unes  ne  viennent 
complètement  que  la  troifîeme  ^  il  faut  que 
la  patience  engage  à  les  foigner  &  les  atten- 
dre. Il  y  a  tant  de  variété  dans  le  progrès 
de  ces  arbres  ,  &  dans  la  façon  de  les 
conduire  ,  qu'il  n'eft  pas  poflîble  d'entrer 
dans  aucun  détail  à  ce  fujet. 

Les  arbriffeaux  curieux  doivent  avoir 
leur  canton  particulier  \  ils  feroient  retar- 
dés &  fbuvent  étouffés  par  les  grands  arbres , 
fi  on  les  mettoit  avec  eux  ^  &  d'ailleurs  , 
on  peut  ferrer  davantage  les  arbriffeaux , 
tant  pour  les  rangées  ,  que  pour  la  diftance 
d'un  plant  à  l'autre.  Du  refte  ,  on  doit 
leur  appliquer  ce  qui  a  été  obfervé  lùr  les 
grands  arbres. 

Les  arbres  toujours  verds  doivent  né- 
ceflairement  être  placés  féparément  de 
ceux  qui  quittent  leurs  feuilles  ,  moins 
pour  éviter  la  bigarrure ,  &  faire  une 
forte  d'agrément ,  que  parce  que  ces  arbres 
veulent    être    foigaés    diiïëremmeut   des 


PEP 

autres.  Les  arbres  toujours  verds  deman- 
dent rexpofition  la  plus  fraîche  ,  la  plus 
ombragée  ,  &:  la  mieux  tournée  au  nord  \ 
néanmoins  il  faut  \qs  placer  fainement , 
car  ils  craignent  l'humidité  fur  toutes  cho- 
fès  ;  mêmes  confeils  pour  les  diftinâtions 
à  faire  fur  le  femis  (\qs  graines  ,  fur  les 
attentions  pour  les  préferver  ,  &  fur  l'âge 
de  les  tirer  du  femis  j  mais  il  n'en  eft  pas 
de  même  fur  la  iaifon  propre  à  les  planter 
en  pépinière.  Ces  arbres  fè  conduifent 
tout  différemment  de  ceux  qui  quittent 
leurs  feuilles  ;  ceux-ci  doivent  fè  planter 
en  tUtomne  ,  ou  de  bonne  heure  au  prin- 
temps i  la  tranfplantation  des  arbres  tou- 
jours verds  ne  fe  doit  faire  au  contraire  que 
dans  des  faifons  douces  &  afTurées ,  c'efè- 
à-dire ,  immédiatement  avant  la  fève  ,  dans 
le  temps  de  fon  repos ,  &  quand  elle  ceife 
d'être  en  mouvement.  Ces  circonftances 
fe  trouvent  communément  dans  le  com- 
mencement des  mois  d'avril,  de  juillet, 
&  de  feptembre  ;  il  faut  profiter  dans  ces 
faifons  d'un  temps  fombre  &  humide  , 
pour  les  changer  de  place  ^  cette  opération 
ne  leur  réulTit  généralement  que  pendant 
leur  première  jeunefFe  ,  encore  doit  -  oii, 
les  planter  ,  le  plus  qu'il  eft  poflîble ,  avec 
la  motte  de  terre  à  leur  pié  ^  &  une  pré- 
caution encore  plus  indifpenfâble  ,  c'eft  de 
les  couvrir  de  paille ,  &  de  les  arrofer 
habituellement,  mais  modérément ,  jufqu'à 
ce  que  leur  reprife  foit  affurée.  Il  fiiit  delà 
qu'on  ne  peut  les  laifTer  long  -  temps  en 
pépinière  ,  &  qu'il  faut  les  mettre  à  de- 
meure le  plutôt  que  l'on  peut. 

Enfin  ,  les  arbres  foreftiers  feront  placés 
dans  le  reftant  de  la  pépinière  :  on  fe 
conformera  ,  pour  la  façon  de  les  élever 
&  de  les  conduire  ,  fur  la  qualité  des 
graines  &  fur  Ja  nature  des  arbres ,  rela- 
tivement à  ce  qui  vient  d'être  dit  fur  les 
arbres  étrangers. 

Il  refte  à  parler  de  la  culture  nécefTair» 
à  la  pépinière  y.  qui  confifte  fur- tout  en  trois 
labourages  par  an ,  qui  doivent  être  faits 
très-légérement  avec  une  pioche  pointue, 
&  non  avec  la  bêche  ,  qui  endommageroit 
les  racines  des  jeunes  plants  j  mais  le  prin- 
cipal objet  à  cet  égard  doit  être  d'empê- 
cher les  mauvaifes  herbes  :  on  peut  les 
comparer  à  des  infe(^es ,  qui  font  d'autaut 


P  E  P 

plus  voraces  ,  que  leur  vie  eft  de  courte 
durée.  Les  herbes  de  toutes  fortes  inter- 
ceptent les  petites  pluies ,  les  rofées ,  les 
vapeurs ,  &c.  &  elles  pompent  évidemment 
les  Tues ,  les  fels  ,  &  l'humidité  de  la  terre  j 
en  forte  qu'on  doit  regarder  l'herbe  comme 
le  fléau  des  jeunes  arbres  ,  &  fur-tout  des 
nouvelles  plantations.  Un  autre  foin  eflen- 
tiel ,  c'eft  l'élaguement  qu'exigent  les  diffé- 
rens  arbres.  La  plus  forte  taille  fe  doit  faire 
après  les  grands  froids  paffés  :  on  doit 
enfuite  les  vifiter  durant  la  belle  faifon  , 
pour  retrancher  ,  accourcir  ,  &  émonder 
les  branches  folles  ,  nuifibles  ou  fùperflues , 
avec  cette  attention  pourtant  ,  de  traiter 
les  arbres  toujours  verds  avec  beaucoup 
de  réfêrve  à  cet  égard  ^  on  doit  leur  laiifer 
plus  de  branches  qu'on  ne  leur  en  ôte. 
Il  faut  aufli  confèrver  aux  arbrilTeaux  fleu- 
rilTans  leur  figure  naturelle  en  buiifon  , 
pour  les  placer  dans  des  bordures  ou  dans 
des  bofqiiets  ,  &  diriger  pour  la  paliflade 
les  arbres  qui  y  font  deftinés.  Enfin  , 
la  grande  attention  du  jardinier  doit  fe 
porter  à  llirveiller  continuellement  les  écuf- 
fons ,  qui  exigent  abfolument  des  Ibins  ha- 
bituels. 

Obfervations  nouvelles  fur  les  pépinières. 
Après  avoir  créé  de  beaux  femis  de  toutes 
les  efpeces  d'arbres ,  rien  n'importe  plus 
aip  propriétaire  qui  veut  borner  fa  terre  de 
files  d'arbres ,  planter  ou  repeupler  des  bois, 
revêtir  les  lieux  vagues  &  les  côtes  arides , 
border  les  chemins  &  les  ruiffeaux,  aligner 
des  allées,  fê  ménager  des  bofquets ,  difper- 
fer  des  remifes  ,  enrichir  fes  potagers  ,  fes 
vergers  ,  fes  murs  d'excellens  fruits  j  rien  , 
dis-je  ,  n'importe  plus  au  cultivateur  qui  a 
formé  ces  utiles  projets ,  que  d'établir  &  de 
faire  foigner  fous  ks  yeux  de  belles  pépi- 
nières. 

Les  arbres  foreftiers  ,  les  arbres  d'ali- 
gnement &  de  décoration  ,  ne  réuiïîront 
jam.ais  parfaitement  qu'ils  n'aient  été  élevés 
fous  la  même  température  &  dans  un 
fonds  de  terre  analogue  à  celui  où  l'on 
fe  propofe  de  les  fixer.  Leur  repriiè  •& 
les  progrès  de  leur  végétation  (èrout  bien 
plus  affurés ,  loriqu'ils  n'auront  pas  fouifert 
un  long  tranfport  ,  &  qu'on  pourra  les 
arracher  dans  le  moment  avec  toutes  les 
précautions  convenables  :  d'ailleurs ,  où  le 


P  E  P  i€i 

cultivateur  pourroit-il  trouver  des  arbres 
auiîi  bien  venans  ,  aufli  exadfement  dreffés, 
que  ceux  qui  croiifent  fous  fes  regards  at- 
tentifs ,  éclairés  ,  &  j'oièrai  dire  fécon- 
dans  ? 

A  ces  avantages  s'en  joignent  de  plus 
grands  encore  à  l'égard  des  arbres  fruitiers. 
Rien  de  plus  fâcheux ,  rien  toutefois  de  plus 
commun  ,  que  de  recevoir  des  marchands 
pépiniériftes  une  efpece  pour  une  autre  , 
ordinairement  inférieure  en  qualité  à  celle 
qu'on  leur  avoit  demandée  \  non  feulement 
le  cultivateur  tenant  le  regiftre  le  plus 
exaft  des  efpeces  qu'il  a  greffées  ,  ne  pourra 
courir  aucun  rifque  de  les  confondre  ,  mais 
il  s'attachera'  même  à  multiplier  les  meil- 
leures ^  il  portera  l'attention  jufqu'à  préférer 
les  individus  de  ces  efpeces  qui  offrent  les 
plus  beaux  fruits  j  il  ne  coupera  fes  greffes 
que  fur  des  branches  modérées  &  fécon- 
des ,  attention  dont  l'oubli  fait  que  les 
arbres  ne  fe  mettent  que  bien  tard  à  fruit , 
&fouvent  ne  parviennent  jamais  à  beaucoup 
rapporter. 

Cette  négligence  eft  pourtant  très-corn-  ■ 
mune  dans  \ts  pépinières  marchandes  ;  il 
y  arrive  même  qu'on  y  continue  de  greffer 
une  rangée  de  fujets  avec  des  bourgeons 
herbacés  pris  iijr  les  greffes  nouvelles  qui 
s'y  trouvent  reprifes  çà  &  là  :  il  n'eft  pas 
moins  familier  aux  pépiniériftes  mercenaires 
de  greffer  fiir  de  mauvais  fauvageons ,  dont 
la  fève  crue  ou  indigente  dénature  les  ef- 
peces au  point  de  les  rendre  méconnoiffa- 
bles. 

Le  cultivateur  jaloux  de  perfeâionner  les 
dons  de  la  nature  ,  unira  chaque  elpece  à  la 
forte  de  fiijet  qui  pourra  communiquer  à  fon 
fruit  le  plus  de  feveur ,  de  douceur  ,  de  vo- 
lume &  de  coloris  ,  ou  qui  contribuera  à  le 
rendre  à  fon  gré  plus  tardif  ou  plus  précoce , 
&dont  la  féconde  influence  doit  faire  plutôt 
rapporter  l'arbre ,  &  plus  abondammiCut.  V, 
le  mot  Greffe. 

En  parcourant  ks  pépinières ,  il  fè  plaira 
à  y  préparer  pour  la  taille  &  le  paliffage 
les  fruitiers  nouvellement  greffés  ^  il  y 
ébauchera  la  figure  qu'il  fe  propose  de  leur 
faire  prendre  quand  ils  feront  placés  ^  il 
leur  ménagera  par  avance  un  petit  nombre 
de  boutons  à  fruit  5  ou  du  moins  quelques- 
unes  de  ces  branches  fages  qui  fè  difpolènt 


:^^4  P    E    P 

à  devenir  fertiles  ^  il  pourra  leur  confèrver 
jces  branches  ,  malgré  la  tranfplantation  , 
parce  qu'il  fauras'y  prendre  de  manière  à  ne 
la  faire  fentir  que  le  moins  pofTibîe  à  ces  ar- 
bres privilégiés,  &  il  parviendra  ainfi  à  pré- 
venir de  deux  ou  trois  ans  les  prémices  de 
.leur  fécondité  &  la  perfe<9:iou  de  leurs 
formes. 

Les  arbres  deftinés  à  l-ornement,  les 
^arbriffeaux  rameux  dont  il  voudra  former 
des  haies  ,  des  lifieres ,  des  paliflades  ,  il 
aura  commencé  dans  la  pépinière  même  à 
Jes  affujcttir  au  cifeau  ^  il  y  verra  épars 
des  murs ,  des  pilaftres  ,  des  obélifques  , 
,<ies  arcs  ^  un  jour  il  y  pourra  faire  enkver 
Aes  arbres  grands  &  forts  dont  les  touffes 
,>déja  deffinées  vont  figurer  dans  l'inftant  ^ 
,&  comme  un  architeéèe  trouve  féparéesdans 
?{ès  valtes  atteliers  les  pièces  différentes  qui 
oloivent  feryir  à  l'exécution  de  {qs  plans ,  il 
.trouvera  de  même  à  fà  portée  tous  les  mor- 
ceaux qu'il  n'aura  qu'à  réunir  pour  en  com- 
.pofer  un  jardin  :  ou  pourra  croire  ,  par  ion 
effet  fubit  &  gracieux  ,  qu'il  l'a  créé  d'un 
ièul  regard,  ou  l'on  doutera  fi  un  génie  bien- 
faifant  ne  l'a  pas  une  nuit  fait  éclore  du 
fein  de  la  terre  pour  eç  offrir  le  fpeftacle  à 
/on  réveil. 

Comme  ces  arbres  fruitiers  auront  été 
jélevés  dans  une  terre  franche  &  non  fumée  , 
•jls  feront  parfaitement  fains  j  ils  feront 
par- là  même  des  jets  éiionnans  ,  une  fois 
^qu'ils  feront  fixés  dans  les  terres  choifies 
El  perfectionnées  qu'il  leur  deftine  pour 
/lemeiu-ç  j  leurs  progrès  feront  d'autant  plus 
/affarés  ,  qu'on  aura  pu  les  arracher  avec 
,des  racines  belles  &  longues ,  parce  qu'ils 
^(étoient  plantés  dans  la  pépinière  à  une  dif- 
^ance  \qs  uns  des  autres  au  moins  double 
jde  celle  que  les  pépiniériftes  marchands  , 
iqu.i  ne  tirent  qu'au  plus  grand  nombre  d'in- 
dividu^ ,  ne  leur  donnant  encore  qu'à 
regret  •  par  la  même  raifon  ,  ces  arbres  fe- 
ront gros  du  pié  ,  robuftes  ,  étoffés  ,  & 
pleins  d'une  fève  pure  Sç  féconde  :  bientôt 
ils  offriront  aux  regards  du  cultivateiu*  des 
iiruits  dont  la  beauté  &  le  volume  tiendront 
/]u  prodige  ,  &  qui  en  portant  à  fa  boucJie 
iine  faveur  délicieufe  ,  dans  /on  fang  une 
;-ofée  falutaije  ,  le  récompenferont  de  tou- 
|es  fes  peines  ,  fi  l'on  peut  donner  le  nom 
^f  peinçs  à  de?  foins  pleins  4?  ^'oût  & 


1»  E  P 

d'efpérance  ,  qui  étoient  plutôt  de  vrais 
plaifirs  :  &  tous  ces  biens  ,  qu'ils  feront 
encore  plus  doux  quand  il  pourra  les  com- 
muniquer ,  fur-tout  au  peuple  fi  intéreffant 
des  villages ,  qui  manque  .de  fruits  bons  & 
fàlubres  ! 

C'eft  dans  ces  mêmes  pépinières  que 
s'élèvent  en  un  petit  efpace  ces  colonies 
d'arbres  &  de  buiffons  différens ,  dont  il 
couvrira  bientôt  le  front  des  montagnes 
&  les  rives  des  eaux ,  qu'il  iè  propofe  de 
ranger  aux  bords  des  chemins  où  le  voya- 
geur va  trouver  de  l'ombre  &  des  fruits,, 
&  de  difperièr  fur  la  furface  des  campagnes 
par-tout  utilement  ojnées  comme  un  autre 
Eden.  Quel  plaifir  d'y  voir  en  mouvement 
de  tous  côtés  des  bandes  d'ouvriers  que 
ces  plantations  occuperont  fans  ceffe  ,  & 
de  leur  rendre  ,  par  les  récompenfes  de 
leurs  travaux  ,  finou  les  douceurs  de  l'âge 
d'or  ,  &  celles  de  la  communauté  des  biens, 
qui ,  grâce  à  de  bonnes  obfervations  ,  ne 
peuvent  plus  paffer  pour  des  chimères  , 
&  qui  ièroient  celles  à^s  âmes  fènfibles  , 
du  moins  quelque  équivalent  de  la  proprié- 
té ,  laquelle  ,  à  la  honte  de  nos  gouverne- 
mens  ,  qui  font  parvenus  à  ôter  à  l'homme 
focial  jusqu'aux  reffources  de  l'homme  iàu- 
vage ,  manque  totalement  aux  4eiix  tiers  du 
peuple  ,  bien  plus  à  plaindre  que  les  efcla- 
ves  ,  qu'on  traite  au  moins  comme  les  trou- 
peaux ! 

Tant  que  les  p/pinieres  &  les  plantations 
demandent  des  foins  ,  elles  occupent  la 
bêche  &  les  boyaux  de  ces  pauvres  gens  .j 
les  arbres  parvenus  à  une  certaine  force  ,, 
il  faut  élaguer  j  on  les  paie  avec  les  bran- 
ches abattues.  Ce  feroit  une  belle  choie 
que  de  leur  planter  des  lieux  vagues  qui 
acheveroient  de  fournir  à  leur  chauffage  j 
car  alors  feulement  les  peines  décernées 
contre  les  voleurs  de  bois  cefferoient  d'être 
atroces  ,  &  commenceroient  d'être  exac- 
tement exécutées  :  c'efl  pour  ces  malheureux 
qu'il  importe  de  voir  s'étendre  le  goût  de 
planter:  leur  mieux  être  eiïle  plus  touchant 
intérêt  des  occupations  rurales.  Si  je  ne 
l'avois  pas  en  vue  ,  je  ne  iàis  ij  je  prendrois 
la  peine  de  dire  ce  que  l'expérience  m'en  a 
appris  ;  &  loin  d'avoir  fait  une  digreiîîon, 
je  ne  fuis  entré  que  plus  avant  dans  mon 
Çiijet, 
■  On 


P  E  P 

On  appelle  nourrices  ou  berceaux  ,  de 
petits  efpaces  de  terre  partagés  àc  figurés  , 
&C  même  dans  certains  cas  relevés  en  plate- 
bandes  ,  où  Ton  élevé  à  une  petite  diftance 
les  uns  des  autres  de  très-jeunes  fujets  qu'on 
a  tirés  des  femis  dès  la  féconde  &  quelque- 
fois dès  la  première  année.  Plu(icurs  efpeces 
d'arbres  délicats  ,  rares  &  précieux  ,  doi- 
vent palier  par  cette  première  éducation  , 
avant  qu'ils  reçoivent  la  féconde  dans  les 
grandes  pépinières  ;  il  en  eft  même  quel- 
ques-uns ,  en  particulier  ceux  qui  ne  (buf- 
frent  fans  rifques  les  tranfpîantations  que 
Jorfqu'ils  font  encore  très-jeunes  ,  qu'on 
ne  doit  tirer  de  ces  premières  écoles 
que  pour  les  fixer  immédiatement  dans 
leurs  demeures.  On  établit  ces  petites 
pépinières  dans  un  morceau  de  terre  choifi 
&  bien  défendu  j  mais  pour  accoutumer 
par  degrés  à  la  nature  commune  du  fol  ,  les 
différentes  efpeces  le  plus  (ouvent  exoti- 
ques ,  au  lieu  de  relever  les  planches  uni- 
quement avec  le  même  mélange  de  terres 
qu'on  avoir  donné  aux  femis  ,  on  n'ajoute 
que  moitié  de  ce  mélange  à  la  terre  com- 
mune j  &  au  lieu  que  les  femis  faits  dans 
des  caifïès  ou  des  pots  ,  palïbient  les  hivers 
fous  un  vitrage  ,  on  fe  contente  de  placer 
ces  berceaux  à  une  expofition  chaude  ; 
tout  au  plus  les  couvre-t-on  de  baguettes 
cintrées  ,  habillées  de  longues  pailles  ,  tant 
que  dure  le  froid  le  plus  âpre  j  ainfi  les 
jeunes  arbres  fe  font  peu-à-peu  au  climat, 
dont  ils  nepourroient  fupporter  la  rigueur  , 
fi  on  les  y  expofoit  tout  d'un  coup.  Voye-{ 
Alaterne  j  Cypre^s  ,  Phyllirea  ,    fi'C. 

Au  bout  d'un  ou  de  deux  ans  ,  on  tire 
des  berceaux  ceux  d'entre  les  petits  arbres 
qu'on  n'y  doit  pas  lailTer  jufqu'à  leur  plan- 
tation à  demeure  ,  K  on  les  plante  dans 
les  pépinières  ,  en  les  efpaçant  de  deux 
pies  éc  demi  ou  trois  pies  :  là  ils  le  forti- 
fient par  les  cultures  ,  &  parviennent  en 
peu  d'années  à  la  taille  convenable  ,  pour 
être  fixés  aux  lieux  oii  on  les  veut  :  cepen- 
dant il  eft  des  cas  où  il  les  faut  encore 
plus  forts.  Veut-on  fe  procurer  des  arbres 
d'alignement  qui  produifent  vite  leur  effet , 
ou  qui  foient  aflèz  gros  &  afïèz  élevés 
pour  en  faire  des  remplacemens  ,  c'efl-à- 
dire  ,  pour  ne  pas  déparer  par  une  dif- 
proportion  choquante  ,  des  lignes  où  ce  qui 
Tome  XXF, 


P  E  P  i€^ 

Irefte  d'arbres  a  déjà  beaucoup  gagne  depuis 
la  plantation  j  enfin  fe  propofe-t-on  de 
planter  des  plaines  ouvertes  &  fréquentées  , 
où  il  convient  de  n'employer  que  des  arbres 
capables  de  réfîfter  aux  heurts  des  beftiaux  , 
&  d'affronter  les  vents  ;  dans  ces  vues  y 
on  tire  des  pépinières  des  arbres  de  quatre 
à  cinq  pouces  de  tour  ,  pouf  les  planter 
cinq  ou  fix  pies  les  uns  des  autres  ,  dans 
des  lieux  particuliers  où  on  les  cultive  , 
jufqu'à  ce  qu'ils  aient  pris  huit  ou  dix 
pouces  de  tour  pcr  le  bas  ;  &:  ces  lieux  , 
qui  ne  font  pas  ordinairement  fort  étendus  , 
s'appellent  bâtardieres. 

Les  pépinières  demandent  en  général  de 
bien  plus  grands  emplacemens  que  les 
bâtardieres  &  les  berceaux  \  on  doit  fur- 
tout  en  établir  de  fort  confidérables  , 
lorfqu'on  a  delfein  de  repeupler  ou  de 
créer  des  bois  ,  &  de  faire  dans  fa  terre 
autant  de  plantations  que  la  charrue  &  la 
faux  peuvent  le  permettre. 

Mais  fi  votre  terre  eft  d'une  grande 
étendue  ,  il  s'en  faudra  bien  que  le  fol  y 
foit  par-tout  le  même  ;  fes  différentes  & 
principales  efpeces  s'étendront  par  cantons  , 
&  c'cft  la  première  connoiffance  qu'il  vous 
faut  acquérir.  Etudiez  dans  chacun  la  na- 
'^ure  de  la  terre  ,  fondez  fa  profondeur, 
découvrez  fes  couches  diverfes ,  diftinguez 
fes  parties  intégrantes  ,  fâchez  ce  qu'elle 
retient  d'eau  ,  comment  les  rayons  folaires 
&  la  gelée  agilfent  fur  elle  ,  ^c.  interro-» 
gez-la  enfuite  par  la  voie  de  l'expérience  > 
difperfez  dans  chacun  de  ces  cantons  un 
petit  nombre  d'arbres  de  chaque  cfpece  ; 
ce  feront  comme  autant  d'explorateurs ,  qui 
bientôt  vous  apprendront,  ou  par  leur  végé- 
tation brillante  ,  ou  par  leur  afpeft  lan- 
guiflant  ,  fi  ce  canton  convient  ou  ne 
convient  pas  à  l'établilfement  d'une  colonie 
de  leur  efpece.  Obfervez  aufïi  quels  font 
les  arbres  qui  y  croifiènt  naturellement  , 
&:  ce  qui  refte  de  ceux  qu'on  y  a  autrefois 
plantés  ;  ne  négligez  pas  de  confulter  les 
bons  livres  qui  vous  diront  les  arbres  qui 
fe  plaifent  dans  tels  fols  ,  &  rappeliez- vous 
ceux  qu'en  voyageant  vous  avez  vu  croître 
dans  des  terres  femblables. 

Muni  de  ces  connoifïànces  importantes 
&  certaines  ,  établifïèz  dans  chacun  de 
ces  cantons  une  pépinière,  proportionnée  à 

L  1 


1^6^  I>E  I> 

Çpn  érendue  ,  6^  uniquement  peuplée  des 
çfpeces  d'arbres  que  vous  êtes  afîuré  qui 
pourront  y  réulTir.  Sont-ils  bientôt  en  état 
4^être  plantés  à  demeure  ,  il  convient  à 
<;e  moment  de  faire  une  étude  plus  appro- 
fondie du  canton  :  Peipece  du  fol  vous 
montrera  des  variétés  ,  des  nuances  qu^il 
■vous  faut  connoîrre  i  la  terre  ,  dans  Tes 
diverfes  configurations ,  y  préfente  divers 
^fpcds  :  ici  coulent  ,  là  fe  précipitent  les 
eaux  ,  ailleurs  elles  demeurent  ftagnantes. 
\[  n'eft  pas  une  de  ces  circonftances  qui 
ne  doive  iervir  à  déterminer  les  efpeces  | 
d'arbres  d'entre  celles  qui  compofent  la 
pépinière  du  eantorï ,  que  vous  devez  planter 
de  préférence  dans  chacun  de  Tes  différens 
endroits  :  c.'eft  faute  d'avoir  pris  des  pré- 
cautions femblables  ,  que  Pon  voit  périr  ou 
languir  tant  de  plantations  qui  ont  prodi- 
gieufement  coûté..  Mais  vous  ,  cultivateur 
lage  ,  qiii  n'abandonnez  pas  entièrement 
ces  opérations  importantes 
ignorantes  &  mercenaires  ,  ne  méprifèz 
4ucun  de  ces  loins  ;  bientôt  vos  terres 
©ftrironc  de  toutes  parts  à  vos  yeux  les 
grouppes  riants  de  vos  jeunes  arbres  y  des 
côtjeaux^ ,  naguère  nus  &  arides ,  revêtus  de 
riches  t-ajllis-,.  &  jufqu^aux  marais  portant 
des boiSsdontvos.eiiîans un  jpur, béniflanU 
votre  mémoire,  tirjerx^nt  le  plus  grand  parti. 
Si  l'oiî  demandé  k  préfent  quel  fonds  en 
général  convient,  le  mieux  aux  pépinières  , 
la  queftion  fera  bientôt  réfolue.  Que  la 
terre  y  foit.  très-fubftantiçlle  ,  ks  arbres 
qu'on  y  aura  élevés  ne  s'accoutumeront 
que  très- dJâÊcile ment  aux  fols  d'une  qualité 
moindre  où  l'on  voudra  les  établir  ,  &  ne 
pourro^ît  p^as  du  tout-  s'accommoder  des 
plus  maigres  ;  mais  fi  la  terre  y  eft  trop 
aride  ,  il  y  a  bien  plus  d*inconvéniens  :  ce 
n'eft  qu'avec  beaucoup  de  temps  &  de 
•jjeine  qu'on  y  pourra  élever  des  arbres  ; 
ils  demeureront  fluets  j.  on  les  verra  deve- 
nir rachiriques ,  noueux  &  mouflus  :  dans 
quelque  bon  terroir  qu'on  les  plante- en  fuite , 
iJs;  ne  pourront  jamais  fe  rétablir  parfai- 
tement. Une  terre  franche  ,  onâueurc  ,  non 
fumée ,.  plutôt  forre  que  légère ,  paflàblement 
profonde  ,  fraîche  fans  être  huwide ,  mêlée 
même  de  quelques  gravois  ,  en  un  ipot 
une  terre  moyenne  ,  pr.rticipant  égale.- 
a?ieiiC>*s'ilfe]3eut,  de  l'argile.  &.(i».r*i£k:  5. 


F  E  ^ 

qui  (ont  les  deux  extrêmes  des  fortes  de- 
fols  dont  le  globe  eft  revêtu  ,  eft  celle  qu'il 
faut  préférer  pour  y  établir  des  pépinières,. 
Les  arbres  qu'on  y  aura  cultivés  ne  pour- 
ront manquer  de  réuffir  dans  des  terres 
de  quaUtés  femblables ,  qui  font  fort  com- 
munes ;  ils  feront  d'étonnans  progrès  dahst, 
les  meilleurs  terroirs  ,  &  ne  laiiîèront  pas. 
que  de  croître  paiïablement  dans  les  plus 
mauvais. 

A  l'égard  des  exportions  ,  les  plus 
chaudes  doi\ent  être  rcfervées  aux  petites 
pépinières  d'arbres  exotiques  qu'on  veut 
habituer  au  climat.  Pour  les  grandes  ,. 
compofées  de  fruitiers  ,  d'arbres  foreftiers 
&  d'arbres  étrangers  peu  délicats  ,  durs  ,  6'c. 
les  afpeâs  froids  qui  endurciflent  les  écor- 
ces,  font  peut-être  préférc;bles  ,  à  l'excep- 
tion cependant  des  pépinières  àts  pêchers. 
&  abricotiers  ,  où  les  jeunes  greffes  périf- 
fent  fouvent  au  nord  &  au  midi  ,  &  qui 
à  des  mains  j  paroillént  demander  le  couchant  1  mais 
il  n'eft  point  de  pépinière  qui  ne  doive, 
être  exactement  défendue  contre  les  bef^ 
tiaux  ,  &  dont  le  fol  n'exige  une  pïépa- 
riition  conveiiable. 

Après  avoir  environné  votre  terrain  dc: 
foflés  au  moins  larges  de  fe.pt  pies  ,  plantez- 
fur  le  bord,  extérieur  de  la  berge  deux, 
lignes  divergentes  d'aubepins  cioifés  en 
fautoir  :  deux  perches  horizontales  liées 
avec  des  harts  contre  des  pieux  fichés  en 
devait  d'cfpace  en  efpace  ,  protégeront, 
cette  haie  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  forte  &. 
armée  de  toutes  fes  épines  ,  contre  les; 
bêtes  qui  pourroient  monter  par  les  taluts.. 
Dans  les  terres  quT  rebutent  l'épine  blan-. 
che ,  on  lui  fubftituera  différens  arbrllfeau». 
hériflés  ou  très-rameux.  Il  eft  des  heux; 
où  l'on  pourra  fe  f^.iTer  de  foffés  :  dans>  ' 
ceux  où  le  bois  eft  à  bas  pri^  ,  une  palif-- 
(^àt  y  ou  un  clayonnage  ,  un  mur  (ce  la. 
où  les  pierres  abondent ,  formeront  même.- 
unC' meilleure  clôture  ;  mais  les  folTcs  ont. 
un  avantage  qui  n'eft  point  à  négliger., 
Que  l'on  plante  à  demeure  des  fruitiers, 
en  plein  vent  ,  vers  les  bords  intérieurs^, 
de  la  berge  ,  l'amas,  de.teire qui  fe  trouvera- 
autour,-  de  leursr  rat:ines: ,.  procureia  à  ces, 
arbres  la  plus,  belle,  croiflance. 

A  moins  que  le- fol  ne  fe  trouve  profond.,, 
^Gjeu2{i  &-.  feus.  ,^  ii,  ftia  fQiiY£iJi;  xïéç&l^U^ 


P  E^P 

^  toujours  très-utile  de  le  faire  effondrer  ; 
par  cette  opération  on  extirpe  les  pierres 
trop  groiïes  qui  metrroienr  obftacle  à  la 
végétation  ,  on  enterre  8c  Ton  difperfe 
le^  petites  qui  la  favorifent  ,  en  procurant 
récoulement  aux  eaux  ,  &  en  empêchant 
la  terre  de  trop  s'affaifTer  j  les  racines 
paradtes  font  arrachées  ,  les  infcdies  mis 
en  fuite  ,  leurs  logemens  renverfés  ,  leurs 
chryfalides  ,  leurs  larves  ,  leurs  oeufs  pré- 
cipités ;  mais  ,  ce  qui  eft  encore  plus  im- 
portant ,  on  prépare  aux  jeunes  arbres  une 
couche  épaifle  de  terre  ameublie  que  leurs 
racines  pourront  aifémcnt  pénétrer.  Au 
fond  de  cette  couche  ,  elles  puiferont  les 
fucs  de  la  bonne  terre  qu'elle  renferme  , 
&  qui  étoit  à  la  furface.  Ce  lit  profond 
de  terre  meuble  conferve  toujours ,  même 
par  les  plus  grandes  féchereflès  ,  une  cer- 
taine fraîcheur  ,  au  point  que  nous  avons 
vu  des  terres  ,  auparavant  feches  &  arides , 
demeurer  pénétrées  depuis  l'etFondrement 
d'une  humidité  modérée  3c  falutaire. 

Il  faut  choilîr  ,  autant  qu^on  peut ,  le 
mois  de  mai  pour  fiire  cette  opération  ; 
alors  les  eaux  de  l'hiver  fe  font  écoulées  j 
il  règne  un  air  delîéchant  qui  fait  que  la 
terre  fe  divife  mieux  tandis  qu'on  la  remue  : 
d'ailleurs  elle  fe  trouvera  bien  reprife  ,  & 
aura  tout  l'afFai  fie  ment  convenable  pour 
le  mois  d'oétobre  fuivant ,  temps  bon  pour 
planter  ,  où  Fon  commencera  la  plantation 
de  la  pépinière  ;  &  pour  ne  pas  laifler  la 
terre  oifîve  ,  on  y  mettra  des  haricots  ou 
des  grains  femés  par  rayons  ,  dont  les 
cultures  réitérées  la  tiendront  dans  le  meil- 
leur état  ,  &  empêcheront  les  mauvaifes 
herbes  d'y  croître.  S'il  n'a  pas  été  pofîible 
de  faire  effondrer  en  mars^,  on  faifira  juf- 
<iu'au  mois  de  juin  une  fuite  de  jours 
propres  à  ce  travail  ;  alors  il  convient  de 
différer  la  plantation  de  la  pépinière  jufqu'à 
la  fin  de  novembre  :  mais  ii  l'on  a  été 
contraint  d'attendre  jufqu'au  mois  de  fep- 
tembre  ,  qui  donne  encore  d'afTez  beaux 
jours ,  on  ne  pourra  planter  que  le  prin- 
temps  fuivant ,  &  il  fera  même  plus  lage 
d'attendre  à  la  féconde  automne.  Qu'on 
fe  garde  bien  de  faire  effondrer  l'hiver  ; 
les  pluies ,  fur-tout  les  neiges  ,  pétrifient 
la  terre  fous  la  bêche  &:  fous  les  pies  , 
au  point  qu'elle  demeure  toujours  com- 


P  E  P  1^7 

ça6b  &  indocile  ,  &  les  mauvaifes  herbes 
le  multiplient  teUement  à  la  furface,  qu'on 
ne  peut  les  détruire  même  à  force  de  bras. 

Bien  plus  ;  fi  le  terrain  defliné  à  l'éta- 
bliflement  d'une  pépinière  ,  fe  rrortve 
couvert  de  chiendent ,  Teffondrement  leul , 
quoique  bien  fait  ,&  dans  une  faifon  cchi- 
venable  ,  ne  fufïîroit  pas  pour  opérer  fon 
entière  deflrudion  :  dans  ce  cas  ,  il  eft 
nécelîairc  de  cultiver  des  patates  dans  ce 
terrain  ,  l'été  d'avant  le  printemps  où  l'on 
fe  propofe  de  fouir.  Ce  moyen  efl  le  feul 
pour  fe  débarrafler  de  cette  plante  fi  nui- 
fible  aux  arbres ,  dont  l'opiniâtreté  défole 
le  cultivateur  ,  &  qui  fe  multiplie  d'autant 
plus,  qu'en  bêchant  on  la  découpe  en  plus 
petits  morceaux. 

Lorfque  la  terre  ,  effondrée  &  fuffifam- 
ment  rabaifïée  ,  fera  exad;ement  applanie 
fuivant  les  pentes  naturelles  du  lieu  ,  & 
lorfque  le  terrain  fera  bien  clos  ,  il  fera 
temps  de  fonger  à  fa  diflribution. 

Une  large  porte  pour  l'entrée  des  voi- 
tures ,  deux  routes  pour  leurs  pafl'ages  qui 
fe  croiferont  ,  &  quatre  carreaux  ,  divilés 
chacun  en  autant  de  chemins  moins  larges 
de  moitié  que  les  premiers  \  ces  pièces 
moyennes  ,  découpées  à  leur  tour  en  quatre 
par  des  fentiers ,  donneront  des  commo- 
dités ,  établiront  de  l'ordre  ,  &  laiflèront 
par-tout  circuler  l'air  au  profit  des  jeunes 
élevés.  Qu'on  plante  fur  les  chemins  prin- 
cipaux des  poiriers  &  des  pommiers  en 
plein  vent  ,  des  pruniers  &  des  cerifiers 
au  bord  des  chemins  de  la  féconde  lar- 
geur ;  différens  fruitiers  en  quenouilles  oa 
en  buidbns  le  long  des  fentiers  ,  y  ren- 
droient  la  promenade  charmante.  Tapiflez 
les  allées  d'une  belle  herbe  ,  bordez -les 
de  rofiers  ,  terminez-les  par  des  berceaux  , 
vous  aurez  joint  l'agréable  à  Tutile  ,  comme 
la  nature  les  joint  toujours  ;  &  qu'efi-ce 
qui  vous  empêchcroit  même  de  tracer  vos 
pépinières  fur  un  deflïn  plus  élégant  ;  par 
exemple  ,  de  les  percer  en  étoile  avec  une 
ceinture  qui  en  couperoit  tous  les  triangles 
circulaircment  ? 

Lorfque  vous  aurez  tiré  des  pepini-res 
établies,  en  différens  endroits  de»  votre 
terre  ,  ce  qu'il  falloir  d'arbres  pour  la 
planter  ,  il  vous  fera  facile  de  les  convertir 
en  autant  de  bois  3  vous  n'aurez  qu'à  choifii 

Lïi 


2^8  P  E  P 

dans  chaque  carreau  un  certain  nombre 
des  plus  beaux  fujets  pour  les  laifler  s'é- 
lever ;  recoupez  les  autres  fur  pie  pour 
former  le  taillis  j  arrachez  les  plus  rameux 
ôc  les  replantez  derrière  les  arbres  des 
allées  en  lifîeres  foumifes  au  croiflant  ;  & 
fî  ces  pépinières  ,  comme  nous  l'avons 
confeillé  d'abord  ,  le  trouvent  établies  dans 
des  terres  en  friche ,  couvertes  de  landes, 
ou  de  peu  de  valeur  pour  les  grains  ,  vous 
aurez  créé  ,  par  les  bois  qui  leur  fuccé- 
deront ,  fans  avoir  à  regretter  un  meilleur 
emploi ,  des  revenus  qui  deviendront  im- 
portans  ,  confîdérés  dans  leur  enfemble  , 
en  même  temps  que  vous  aurez  embelli 
&  varié  la  perfpedbive  champêtre  ,  que  ces 
différentes  malles  de  verdure  ,  élevées 
d'efpace  en  efpace  ,  couperont  agréa- 
blement. 

Le  temps  de  tranfplantcr  les  jeunes 
fujets  des  femis  dans  la  pépinière  ,  Tâge 
qu'ils  doivent  avoir  ,  les  diftances  qu^'il 
faut  leur  donner  ,  fe  trouvent  dans  les 
articles  des  efpeces  au  mot  Plantation. 
On  verra  combien  ces  circonftances  dé- 
pendent du  naturel  de  chaque  arbre  ,  & 
que  Ton  feroit  des  fautes  fans  nombre  , 
û  l'on  vouloir  fuivre  à  cet  égard  une  règle 
commune.  Nous  dirons  feulement  ici  qu'il 
eft  eflentiel  de  planter  les  differens  genres 
de  fauvageons  fruitiers  par  petites  maflès  , 
interrompues  par  des  maffes  d'arbres  dif- 
férens  :  on  greffera  tous  les  individus  de 
chacune  d'une  même  efpece  •,  &  c'eft  un 
des  principaux  moyens  de  prévenir  la  con- 
fufion. 

L'année  qui  fuît  la  plantation  de  \z  pépi- 
nière y  contentez  -  vous  de  faire  houer 
toutes  les  fois  que  l'exigera  le  progrès  des 
mauvaifes  herbes  ;la  bêche  ,  à  moins  qu'elle 
ne  fut  maniée  avec  une  extrême  dexté- 
rité ,  feroit  nuifible  au  plant  nouveau  qui 
n'eft  point  affermi  ;  elle  couperoit  Ces 
racines  encore  tendres  &  rares  ,  &  le 
remertroit  dans  l'état  où  il  étoit  lorfqu'on 
Ta  confié  à  la  terre  ,  fî  même  elle  n'en 
failbit  périr  une  partie.  Dès  la  féconde 
année  ,  fans  préjudice  aux  façons  à  la  houe, 
deux  labours  ,  fa  voir,  un*en  mars^  &  l'autre 
en  novembre  ,  deviendront  utiles  ;  mais 
il  cciiviendra  que  le  fer  des  bêches  foit 
jCQurt ,  &  ^u'if  n'approche  pas  de  trop  près 


PE  P 

le  pie  des  jeunes  arbres.  Plus  ils  prendront 
de  force  ,  plus  avant  aufîi  il  faudra  bêcher  ; 
&  alors  ,  loin  de  craindre  d'approcher  de 
leurs  pies  ,  il  fera  bon  de  foulever  &  de 
retourner  la  terre  à  l'entour  :  mais  il  efl 
des  arbuftes  à  racines  délicates  ;  il  eft  des 
arbres  ,  comme  la  plupart  des  arbres  réiî- 
ncux  ,  qui  ne  veulent  être  que  houés  , 
&  dont  la  bêche  retarderoit  infiniment  les 
progrès  ,  ainii  que  l'expérience  nous  l'a 
appris.  Voye:{_  les  mots  Pin  ,  Sapin  , 
Meleze  j   ùc. 

L'effondrement  &;  les  différentes  façons 
à  donner  aux  pépinières  ,  fe  marchandent 
à  la  perche  ou  à  l'arpent  ,  avec  des  ma- 
nouvriers.  Dans  la  plupart  de  nos  pro- 
vinces ,  ces  fortes  d'ouvrages  ne  font  qu'à 
trop  bon  compte  ,  par  le  nombre  prodi- 
gieux &  la  mifere  extrême  de  ces  hommes , 
auxquels  c'eft  un  faint  devoir  de  pro- 
curer du  travail  ,  d'en  régler  le  prix  fur 
leurs  bcfoins ,  &  ,  pour  le  dire  en  paflant  , 
fur  le  prix  actuel  du  blé. 

De  quelque  efpece  que  foit  le  jeune 
plant  5  que  la  ferpette  le  refpedte  la  pre- 
mière année  *  vous  pourriez  cauper  tel 
bourgeon  qui  devoir  décider  du  dévelop- 
pement d'une  racine.  A  l'égard  des  arbres 
réfineux  ,  le  fer  ne  doit  pas  les  approcher 
tant  qu'ils  font  en  pépinière  ;  mais  dès  la 
féconde  année  ,  les  fruitiers  fauvageons  en 
attendent  quelques  fecours .-  élaguez-  les  du 
bas  dans  le  mois  de  juin  ;  par  ce  moyen  , 
vous  donnez  plus  d'elîbr  à  la  féconde  fève  qui 
va  le  mettre  en  mouvement  ,  &  dont  vous 
attendez  le  fuccès  des  greffes  \  vous  pré- 
parez un  jeu  libre  à  la  main  ,  une  place 
nette  aux  écuffons  5  &  pour  la  mi- juillet , 
où  vous  commencerez  de  les  pofer  ,  fcs 
bourrelets  boifeux  auront  déjà  ferme  les 
bords  des  bleffures  au  m.ois  d'avril  fuivanr. 
Vous  grefferez  en  ente  les  fujets  où  l'é- 
cufîon  aura  manqué  ,  à  l'exception  de  ceux 
d'entre  les  premiers  ,  deftinés  à  porter  des 
pêches  ,  qui  fe  trouveront  dans  le  même 
cas  :  vous  vous  contenterez  de  les  recou- 
per à  deux  ou  trois  pouces  de  terre  ,  afin 
de  leur  faire  pouffer  un  jet  droit  ,  dont 
la  vigueur  garantira  la  reprife  des  écufïbns 
que  vous  y  devez  inférer  au  mois  de  juiliec 
de   cette  ttoifleme   année»    Foje^  le  mQt 

GREffZi, 


P  E  P 

Ceft  ici  le  lieu  d'infifter  fur  toutes  les 
précautions  à  prendre  pour  ne  pas  con- 
fondre les  efpecesi  &  voici  les  principales 
après  celles  donc  nous  avons  déjà  parlé. 
Ne  coupez  vos  greffes  que  fur  des  arbres 
dont  vous  avez  vu  les  fruits ,  &  ne  portez 
à  la  fois  que  deux  paquets  bien  étiquetés 
defpeces  différentes  j  ne  confiez  le  foin 
de  grelfer  qu'à  des  mains  fûres  ;  marquez 
exaètement  fur  un  regiftre  en  règle  ,  les 
noms  des  efpeces  avec  lefquelles  vous 
aurez  greffé  telles  rangées  ou  telles  maflès  ; 
ayez  foin  fur-tout  d'y  déligner  clairement 
la  place  qu'elles  occupent  dans  Pordre  de 
la  pépinière. 

Les  jets  provenus  àcs  greffes  ,  doivent 
être  traités  luivant  leur  deftination.  Qu'on 
veuille  en  former  des  buiflbns  &  des  éven- 
tails î  on  les  pince  au  quatrième  ou  au 
fixieme  bouton  \  des  demi-tiges  ?  on  les 
coupe  la  féconde  année  à  quatre  pies  & 
demi  de  terre  :  veut-on  les  élever  en  plein 
vent  ?  il  faut  les  foutenir  dès  leur  naif- 
fance  contre  des  échalas  bien  droits.  Les 
premières  années  on  fe  contentera  de 
retailler  en  chicots  les  branches  irrégu- 
lieres  ou  vagabondes  ,  de  recouper  par  la 
moitié  les  branches  latérales  trop  fortes  , 
&  de  retrancher  celles  qui  affameroient  la 
flèche  ,  attendant  pour  déshabiller  la  tige  , 
qu'elle  ait  pris  une  grofîeur  convenable  & 
de  juftes  proportions. 

Pour  ce  qui  concerne  les  arbres  foreftiers 
&  d'alignement  ,  il  faut  ,  les  premières 
années  ,  laifl'er  jaillir  librement  leurs  bran- 
ches de  tous  côtés  ,  fe  réfoudre  à  ne  les 
voir  que  fous  la  forme  de  buiiïbns  ,  en 
un  mot  ,  les  abandonner  prefque  entière- 
ment à  la  nature.  Ayez  feulement  ibin  de 
redrefler  ceux  qui  fe  tourmentent  ou  qui 
s'inclinent  ,  &  qu'ils  foient  tous  furmontés 
d'une  flèche  droite  &  diftinéte  ,  que  vous 
guiderez  ,  s'il  eft  nécefl'aire  ,  le  long  d'une 
baguette  liée  contre  le  haut  de  la  tige. 
L'année  qui  précédera  leur  transplantation  , 
vous  commencerez  feulement  à  les  élaguer 
du  pié  ;  ce  n'eft  qu'au  mois  de  juin  d'avant 
l'automne  où  vous  devez  les  arracher  , 
que  vous  dépouillerez  le  refte  de  la  partie 
de  leur  tige  qui  doit  être  nue.  Ceft  par 
ce  moyen    feul    que    vous  formerez  des 


2^9 

braveront   les 


carreaux 
z  égale  . 


arbres  fermes  fur  leur  bafe  ,  qui  porteront  |  s'attachera  déformais   à    établit  des  pépi- 


P  E  P 

fièrement  leurs  cimes  ,  & 
coups  de  vent. 

Rarement  les  arbres  de  vos 
feront-ils  d'une  croiflance  aflè 
pour  que  vous  les  puiflez  faire  arr.':cher 
tous  à  la  fois  :  lors  donc  que  vous  aucez 
enlevé  les  plus  forts  ,  il  faudra  les  rem- 
placer ;  mais  que  ce  remplacement  |p  fe 
fafle  qu'avec  des  brins  allez  gros  &  grands  , 
pour  qu'ils  ne  luivent  pas  de  trop  loin  .les 
progrès  des  arbres  qui  demeurent.  Pour 
cet  effet  ,  vous  les  tirerez  d'un  femis  an- 
cien que  vous  avez  éclairci  &  lai  fié  fè 
fortifier  dans  cette  vue.  Afin  d'affurer  leur 
reprife  ,  d'autant  plus  importante ,  que  s'ils 
périfîbient  ,  de  nouveaux  brins  remplacés 
pour  une  féconde  fois  fe  trouveroient  trop 
arriérés  ;  plantez-  les  avec  des  précautions 
particulières  ,  &  rapportez  même  à  leur 
pié  une  bonne  quantité  de  terre  fubftan- 
tielle  &  graffe. 

Soit  que  vos  carreaux  aient  été  dégarnis 
fuccçffivement  ,  foit  qu'ils  aient  été  vuidés 
à  la  fois  9  fi  vous  les  voulez  replanter  , 
il  eft  nécefl'aire  d'y  rétablir  la  terre  épui- 
lée  :  faites- les  labourer  de  la  profondeur 
de  deux  fers  de  bêche  ,  &  les  applanifTèz 
exadbement }  alors  vous  y  ferez  .répandre 
des  engrais  :  mais  le  fumier  eft  celui  dont 
vous  devez  le  moins  vous  fervir  ;  il  rend 
les  arbres  trop  difficiles  fur  les  alimens  , 
&  attire  les  vers  qui  rongent  leurs  racines. 
Les  marnes  ,  les  terres  des  chemins  ,  des 
mares  ,  des  pâtis  ,  des  bords  des  haies  , 
les  pailles  ,  les  feuilles  ,  les  cendres  ,  ^c. 
fans  avoir  les  mêmes  inconvéniens  ,  feront 
fur  la  végétation  des  effets  à  -  peu  -  près 
femblables. 

Nous  venons  de  voir  par  une  heureufe 
fermentation  tous  les  efprits  fe  porter 
avec  chaleur  vers  tous  les  arts  nourriciers 
de  premier  befoin  :  les  plantations  n'ont 
pas  été  oubliées  ,  on  en  a  fur-tout  beau- 
coup parlé  ,  &  il  n'eft  guère  de  perfonnes 
qui  ,  fuivant  le  torrent  de  la  mode  ,  n'aient 
planté  au  m.oins  quelques  peupliers  d'Italie, 
dont  la  prompte  végétation  flattoit  l'efpric 
de  jouiffance  perfonnelle  qui  caradiérifè  le 
fiecle.  On  eft  déjà  dégoûté  de  cet  arbre  ; 
il  n'a  pu  foutenir  la  réputation  prodigieufe 
qui    l'a  devancé ,  &  il  faut  efpérer  qu'on 


270  P    £   P 

nieras  d'arbres  plus  uciles  ,  &  alTez  divers 
dans  leurs  efpeces  &:  dans  leurs  appétits  , 
pour  s'accommoder  de  difïerens  terrains. 
Les  pépinières  royales  doivent  encourager 
&  multiplier  les  plant.itions  ;  mais  il  s'en 
faut  bien  qu'on  ait  retiré  de  cet  écablil- 
fèmenc  tous  les  avantages  qu'on  étoit  en 
àfàit  d'en  attendre.  Que  font  -  elles  en 
effet  ,  qu'un  pur  objet  de  fade  ?  Qu'en 
cjre-t-on  ,  que  des  arbres  qui ,  étalés  fur  les 
cliaufiTées  &c  les  remparts  ,  en  peuvent 
impofer  au  voyageur  ,  tandis  qu'il  trou- 
veroit  nu  l'intérieur  de  nos  terres  ,  s'il 
vouloir  .y  pénétrer  ?  On  y  élevé  des  arbres 
de  pur  agrément ,  comme  tilleuls ,  maron- 
niers  d'Inde  ,  platanes  ,  ùc.  dont  on  fait 
préfent  aux  plus  imporcans  perfonnages  ; 
ce  qu'on  y  cultive  d'arbres  utiles  eft  donné 
par  milliers  aux  perfonnes  les  plus  riches , 
èc  quelquefois  même  hors  des  provinces  : 
ûinfi  le  bien  va  toujours  fe  déplaçant  & 
s'entallànt  ,  fans  jamais  fe  diftribuer  &  fe 
répandre. 

Je  dois  dire  en  deux  mots  comment  les 
pépinières  royales  deviendroient  véritable- 
ment utiles.  Qu'on  y  cultive  uniquement 
les  arbres  dont  le  bois  eft  propre  aux  mé- 
tiers &  aux  arts  ;  les  maronniers  francs  , 
pour  leurs  fruits  farineux  ;  les  pommiers 
6c  poiriers  à  cidre  ,  ceux  dont  le  fruit  eft 
très-bon  à  cuire  ou  fécher  ;  les  pruniers 
d'altelîe  ,  de  roche-courbon ,  &c.  dont  le 
fruit  féché  eft  une  excellente  nourriture 
pour  le  peuple  :  qu'on  diftribue  ces  arbres 
aux  communautés  des  villages  dans  de  juftes 
.proportions  ;  qu'on  entretienne  &  qu'on 
inftrui(e  dans  ces  pépinières  ,  devenues 
des  écoles  un  peu  plus  importantes  que 
celles  de  deiîîn  ,  un  élevé  pour  chaque 
arrondifl'emenr  de  trois  ou  quatre  villages  ; 
qu'il  en  forte  avec  des  marques  honorables  , 
&  aille  établir  une  pépinière  commune 
dans  fon  canton  ,  où  il  profeftera  l'art 
d'élever  ,  de  planter  &  d'entretenir  les 
arbres  j  je  vois  fortir  alors  de  cet  établif- 
fement  tout  le  bien  qu'on  en  peut  attendre: 
je  ne  m'amuferai  pas  à  le  démontrer.  Il 
eft  des  chofes  qu'il  faut  fentir  ,  &  il  eft 
inutile  de  convaincre  ceux  qu'on  ne  peut 
perfuader  ;  d'ailleurs  ,  fi  je  m'érendois 
davantage  ,  je  ferois  peut-être  tenté  de 
m'élever  contre  l'efprit  qui  a  préfidé  à  nos 


P  E  P 

meilleurs  établiftèmens  ,  qui  a  tourné 
tout  leur  fruit  au  profit  de  l'orgueil  , 
de  l'avidité  &  de  l'opulence  ,  &  achevé 
de  dellécher  le  peu  de  canaux  qui 
alloient  encore  fuftenter  la  çlafle  aftxeu' 
iement  nombreuiè  des  indigens  qui  re- 
crute annuellement  celle  des  pauvres  y  qui 
eft  elle  .-  même  recrutée  par  les  ailes  des 
derniers  rangs.  (  M.  U  Baron  DE 
TSCHOUDI.  ) 

PÉPITES  ,  f.  f.  (  Hijl.  nat.  Minéral.  ) 
en  efpagnol  pépitas.  Ce  font  des  malles 
d'or  vierge  ,  que  l'on  trouve  dans  quelques 
mines  du  Chily  ,  du  Potofi  ,  &  du  Pérou  , 
mais  particulièrement  dans  les  lavaderos  , 
ou  dans  certaines  couches  de  terre  de  ce 
premier  royaume.  Il  eft  allez  ordinaire 
de  voir  des  pépites  de  4  ,  de  <j  ,  de  8  , 
&  dé  1 0  marcs  j  les  plus  groflès  dont  les 
Efpagnols  confervent  la  mémoire  ,  font  les 
deux  qui  furent  trouvées  dans  un  lavadero 
de  la  province  de  Guiane  ,  près  de  Limaj 
l'une  étoit  de  64  marcs  ,  l'autre  de  45. 
Cette  dernière  avoir  cela  de  fingulier  , 
qu'on  y  trouvoit  de  l'or  de  trois  titres 
dift^érens  ;  il  y  en  avoir  de  1 1  ,  de  18  ,  6c 
de  21  carats.  Foye^  Or. 

PEPLUS  minor  ,  fubft.  m.  (  Botan.) 
efpece  de  tithymale  ,  nommée  par  Tour- 
nefort  ,  tithymalus  arjiuus  folio  rotundiore 
acuminato  ;  en  effet  ,  fes  feuilles  font 
prefque  rondes  ,  un  peu  pointues:  fes  fleurs 
(ont  des  godets  découpés  en  plufîeurs  quar- 
tiers ;  il  leur  fuccede  ,  quand  elles  font 
tombées  ,  de  petits  fruits  liflès  ,  relevés 
de  trois  coins  ^  &  divifés  en  trois  cellules 
remplies  chacune  d'une  fèmence  oblongue  : 
fa  racine  eft  menue  ,  fîbrée.  Toute  la 
plante  jette  du  lait  quand  on  la  rompt  , 
&  ce  lait  eft  un  fi  violent  purgatif,  qu'on 
ne  l'emploie  qu'extérieurement  pour  faire 
tomber  les  verrues.   {D.  J.) 

Peplus  ,  f.  m.  (  Antiq.  rom.  )  TiTrKot  , 
habit  de  femme  ou  de  déeftè.  Manteau 
léger ,  fans  manches ,  brodé  ou  broché  d'or 
ou  de  pourpre  ,  attaché  avec  des  agraffes 
fur  l'épaule  ou  fur  le  bras. 

Voilà  l'habillement  dont  on  paroic 
anciennement  les  ftatues  ,  ou  autres  repré- 
fentations  des  dieux  &  des  déefï'es.  C'efl 
pour  cela  qu'Homère  donne  l'épithete 
de   divin  au  peplus  de  Vénus  ,    &  dil 


PE  P 

que  les  grâces  Tavoient  fait  de  leurs  pro- 
pres doigts. 

On  voie  dans  les  monumens  anciens  , 
que  les  pepli  s'actachoient  par  des  agrafTes , 
per  fibulûs  ,  tantôt  lur  repaule  droite  , 
tantôt  fur  la  gauche  ,  quelquefois  fur  les 
deux  épaules  ,  ôc  fouvent  au  deOous  des 
mamelles  fur  le  bras  droit  ;  d  où  il  paroit 
qu'Euftathe  n'a  pas  allez  confulté  les 
antiques  ,  quand  il  prétend  que  le  peplus 
couvroit  toujours  le  coté  gauche  ,  &  que 
fes  deux  ailes  ,  comme  il  le  nomme  ,  du 
devant  &  du  derrière  ,  ne  s'*attachoient 
enfemble  que  du  côté  droit. 

Le  nom  de  voile  fut  donne  à  tous  les 
pepli  confacrés  aux  divinités  céleftes  j 
témoin  ce  que  dit  Virgile  du  fameux 
peplus  de  Minerve  à  Athènes  ,  taie  dece 
vélum  folemni  in  tempore  portant  ;  aufîl 
dans  Porphyre  ,  le  ciel  eft  appelle /jep/o^ , 
comme  le  voile  des  dieux. 

Ces  pepli  n'étoient  pas  toujours  traî- 
nans ,  maisquelquefoisretrouflés,  oumême 
attachés  par  des  ceintures.  -Ils  laiflôient 
communément  une  partie  du  corps  nu  &: 
à  découvert  ,  comme  chez  les  Lacédémo- 
niens  ,  qui  les  attachoient  par  des  agrafTes 
fur  les  deux  épaules.  AulTî  quand  Homère 
dit  de  Minerve  ,  qu'elle  fe  développa  de  fon 
peplus  pour  endotrer  le  liarnois  ,  ce  pocte 
par  ces  paroles  nous  la  repréfente  toute 
nue  ;  ce  qui  n'ctoit  pas  une  choie  nou- 
velle à  cet'ce  déefle  ,  puifqu^il  en  coûta  la 
vue  à  Tyréiias. 

Après  tout ,  les  pepli  n'ont  pas  feulement 
éxé  donnés  aux  femmes'  &c  aux  déciles  > 
mais  aufïi  aux  dieux  &  aux  hommes  5 
c'eft  cft  qu^on  peut  recueillir  des  monumens 
anciens  qui  nous  relient ,  indépendamment 
du  témoignage  d'Efchyle  ,  de  Théocrite , 
&  autres.  Dans  Sophocle  ,  le  manteau 
fatal  que  Déjanire  envoie  à  Hercule  ,  y 
ç^ft  fouvent  appelle  du  nom  de  peplos  ;  &c 
Euftathius  qui  en  fait  la  remarqiae  ,  cite 
ejicore  à  ce  fujet  Eur^'pide.  Eichyle  parle 
des  pepli  du  roi  de  Perfe  ,  de  Xénaphon, 
de  ceux  de  l'arménien-  Tigranes.  Synéfius, 
appelle  du  nom  de  peplos  ,  la  robe  triom- 
phale des  Romains.  Je  ne  àiïs,ùi:nÂyJipe0os 
des  époux  6c  des  époufes. 

Du  relie  ,  nous  lavons  que.  ces  pepli 
«loioîl.  d'QJtdiiiâirc:  blaucs.  On.  ie5.  faifoit. 


PEP  ^Jl 

dans  l'orient  de  byflus  ,  &  ils  formoient 
une  étofte  très-légère.  Il  faut  encore 
ajouter  qu'on  les  faifoit  de  diverfes  cou- 
leurs ,  verficclores  ;  de  forte  que  dans 
Momere  ,  la  mère  d'Hedor  cherche 
d'offrir  à  Minerve  celui  qui  fe  trouveroic 
être  le  plus  grand  &  le  plus  bigarré  : 
c'eft  auiïl  ce  que  fait  Hélène  à  1  égard 
de  Tékmaque  ,  dans  l'Odylîee,  Delà  vient 
qu'Elchyle  déligne  un  peplus' ,  par  le  mot 
de  lo'utK^A  ,  à  caufe  de  la  bigarrure  ,  variis- 
liciis  tecius  ;  mais  indépendamment  de  la 
couleur,  \t  peplus  étoit  d'ordinaire  brodé  , 
frangé  ,  &  tillu  d'or  ,  &  de  pourpre.  Tels, 
croient  fur- tout  ces  pepli  bar  bar  ici  ,  dont 
parle  Efchyle  ,  &  qu'il  repréfente  fort  dif- 
férens  de.  ceux  qui  étaient  ufitésen  Grèce  , 
pepli  dorici. 

Enfin  ,  le  mot  de  p:plus  lignifie  quel- 
quefois un  drap  miortuaire  ;  mais  alors  ils 
etoient  très-limp!es  ,  &  fans  bigarrure  ,  du 
moins  chez  les  Grecs  ;  Efchyle  ,  dans  fon 
Agamemnon  ,  dit  que  le  peplus  dont 
Patrocle  fat  enveloppé  ,  étoit  limple ,  fans, 
bigarrure  j  au  lieu  que  quand  il  parle  des. 
fuiiérailles  d'Hedor  ,  il  lui  donne  un 
peplus  ou  drap  mortuaire  teint  de  pour- 
pre j  ainli  qu'il  pouvoir  convenir  à  m\ 
barbare  ,  à  l'égard  des  Grecs.  Tous  ces  faits 
font  juftifiés  par  une  infinité  de  palfages; 
qu'il  eut  été  trop  long  de  citer  ici. 

Acéfée  ,  fam^eux  brodeur  de  Patare  en 
Lycie  ,  fut  celui  qui  fit  pour  la  Pallas  des. 
Athéniens  le  voile  facré  ,  que  les  Grecs> 
nommoient  peplone.  C'étoit  un  homme 
admirable  en  fon  genre.  Minerve  elle- 
même  avoit  donné  à  fès  mains  une  grâce, 
divine.  (£>./.) 

Peplus  de  Minerve  ,  (  Litt.  )  Life^ 
ce  qu'on  a  dit  au  moi  Peplits,)  j'ajou- 
terai feulement  que  le  peplus  de  Minerve- 
étoit  une  robe  blanche  fans  manche  ,  & 
toute  brochée  d'or  ,  fur  laquelle  on  voyoit 
reprélentées  les  grandes  adionsde  la  déelTe, 
de  Jupiter  ,  Se  des  héros.  On  porroit  ce- 
peplus  dans  les  procellions  des  grandes 
panathénées  ,  qui  fe  fiifoient  tous  les  cinq;^ 
ans  ;  ou  plutôt  on  tranfportoit  ce  voile; 
,  célèbre  fur  un  vaifieau  le  fong  du  Cérami- 
(que  ,  jufqu'au  temple  de  Cérès ,  d'où  orb 
le  ramenoit  aulîî-tôt  ,  pour  le  conferveir 
dans,    la    citadelle.    Les:  dames    romaines; 


172  P  E  P 

imitèrent  Pufage  d'Athènes  ,  en  offrant 
tous  les  cinq  ans  en  grande  pompe  une 
robe  magnifique  à  Minerve.  {D.  J.) 

PEPO  ,  r.  m.  (  Hijî.  nat.  Bot.  )  genre 
de  plante  ,  auquel  on  a  donné  le  nom  de 
citrouille  ,  &  dont  les  fleurs  (ont  campa- 
niFormes  ,  ouvertes  ,  &  profondément 
découpées.  Il  y  a  deux  fortes  de  fleurs 
fur  cette  plante  :  les  unes  n'ont  point 
d'embryon  ,  &  font  ftériles  ;  les  autres 
font  fécondes ,  &  placées  fur  un  embryon  , 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  oblong 
ou  rond  ,  charnu  ,  creux  dans  fon  intérieur , 
ôc  couvert  quelquefois  d'une  écorce  dure  , 
&  remplie  de  tubercules.  Ce  fruit  fe  divife 
fbuvent  en  trois  parties  ,  ôc  renferme  des 
femences  applaties  ,  entourées  d'une  efpece 
d'anneau  ,  &  attachées  à  un  placenta 
fpongieux.  Tournefort  ,  injîitut.  rei  herb. 
Voye-^  Plante. 

PEPSIE  ,  pepjis  ,  terme  de  Médecine  , 
qui  fignifie  la  coclion  ou  digejlion  des 
viandes  ou  des  humeurs  du  corps.  VoycT^ 
CocTioN  ù  Digestion.  Ce  mot  eft 
grec  ,  -Tri-iif  ,  qui  fignifie  bouillonnement. 

P  E  P  T  I  Q  U  E. ,  terme  de  Médecine. 
Koje:^  PÉpastique. 

P  E  P  U  Z  A  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  de 
Phrygie.  Elle  donna  fon  nom  aux  héré- 
tiques ,  appelles  Pépu^iens.  Ces  hérétiques  , 
dit  faint  Epiphane  ,  T/ieref.  XL  VIII  , 
fecl.  xiv  ,  avoient  une  grande  vénération 
pour  un  certain  lieu  de  Phrygie  ,  où  fut 
bâtie  autrefois  la  ville  de  Pepu^a.  Elle 
étoit  entièrement  détruite  du  temps  de 
faint  Epiphane.  La  notice  d'Hiérocles 
attribue  cette  ville  à  la  Phrygie  capa- 
tiané  ,  6c  lui  donne  le  dix-huitieme  rang. 
{D.J.) 

PEPUZIENS  ,  f.  m.  pi.  {WJI.  eccléf.  ) 
ancienne  fedte  d'hérétiques  ,  autrement 
appelles  Phrygiens  ou  Cataphryges.  Voy. 
Cataphryges.  Ils  prirent  le  nom  de 
PépuT^ens  ,  parce  qu'ils  prétendoient  que 
Jefus-Chrift  étoit  apparu  à  une  de  leurs 
prophète  flès  dans  la  ville  de  Pepuza  en 
Phrygie  ,  qui  étoit  pour  eux  la  cité  fainte. 
Ils  attribuoient  aux  femmes  les  fondions  du 
facerdoce  ,  &  enfeignoient  les  mêmes 
erreurs  que  les  Montaniftes  dans  le  on- 
zième fîecle.  Fbje:j_ Montanistes. 
PEQUÉA  ,    (  Bifi.  nat.  Bot.  )  arbre 


P  £  Q^ 

qui  fe  trouve  dans  le  Brefil ,  &  qui  efi:  de 
deux  efpcces  :  la  première  produit  un 
fruit  femblible  à  l'orange  ,  mais  dont  la 
peau  eft  plus  épaifle  ,  &:  dont  le  jus  eft 
doux  comme  du  miel  j  la  féconde  efpece 
paflè  pour  fournir  le  bois  le  plus  dur ,  & 
incorruptible.  Les  Portugais  le  nomment 
fétis. 

PÉQUIGNY  ,  (  Géog.  mod.  )  petite 
ville  ,  ou  ,  pour  mieux  dire  ,  bourg  de 
France  ,  dans  la  Picardie  ,  fur  la  rive 
gauche  de  la  Somme  ,  à  trois  lieues  au 
dçfibus  d'Amiens.  Il  eft  remarquable  par 
lentrevue  de  Louis  XI  ,  roi  de  France  , 
&  d'Edouard  ,  roi  d'Angleterre  ,  fur  un 
pont  qui  fut  fait  exprès.  Long.  ig.  jj. 
lat.  4S.  ^8. 

Péquigny  (  Bernardin  de  )  ,  prit ,  comme 
on  voit ,  le  nom  de  cette  petite  ville ,  oii 
il  naquit  en  16^2  ,  &  fe  fit  capucin.  Il 
mourut  à  Paris  en  1709  ,  après  avoir 
donné  une  expofition  latine  des  Epîtres  de 
S.  Paul ,  imprimée  à  Paris ,  en  1705  ,  in-fof, 
&enfrançois  ,  en  1714.  Il  fit  en  françois 
un  petit  abrégé  de  fon  ouvrage  ,  qui  eft 
eftimé. 

Cette  ville  eft  remarquable  par  un  camp 
de  Céfar  fur    le   fommet  d'une  éminence 
qui  commande  tous  les  lieux  d'alentour  , 
à  une  petite  demi-lieue  dé  ce  bourg.  Au 
pie  ,  la  Somme  ,  •  deux  grandes  prairies  à 
deux  de  fes  côtés  ,  en  face  une  campagne 
fertile  ,    pouvoient  fournir    ce   qui    étoit 
nécefïàire   à  un  camp.    Il   étoit  de  figure 
triangulaire,  long  de  4yotoifes  ,  &  large 
de  3JO.  On  fait  que  Céfar  féjourna  long- 
temps à  Amiens  ,    qu'il    en  fit  fà   place 
d'armes,   qu'il  y  afTcmbla  les  états  de  la 
Gaule  ,  &  qu'il  en  avoit  fait  le  centre  de 
routes  les  légions  répandues  dans  les  con- 
trées voifines.    Il   en  avoit  une    chez  les 
Morins  ,    une  autre  chez  les  Nerviews  , 
une  troifîemc  chez  les  Effuens  ,  une  qua- 
trième chez  les  Rémois  ;  mais  il  en  établit 
jufqu'à  trois  dans  le  Belgium  feul  ;   pro- 
vince qui  s'étendoit  depuis  Arras  jufqu'à 
Beauvais ,  Amiens  étant  au  centre.  Or  où 
pouvoit-il  en  placer  une  partie  plus  com- 
modément qu'au  camp  de  Péquigny  ,   dit 
M.   de   Fontcnu    dans  un  mémoire  lu  à 
l'académie  des  infcriptions   en  1755  »  & 
rapporté  au  tome  XV y  édiu  in-îz,  p.  tz^  ? 
*  Le 


P  E  R 

Le  pont  de  Péquigny ,  une  des  clefs  de 
TAmiénois  &  du  Vimeux ,  efl  renommé 
dans  i'hifloire  par  la  fameufe  entrevue  de 
Louis  XI  avec  Edouard  IV  en  147^  , 
dont  Philippe  de  Coraines  nous  a  laifle 
le  détail.  On  a  fouvent  trouvé  fur  le 
terrain  de  ce  camp  des  médailles  romaines  ; 
c'eft  delà  que  font  venues  la  plupart  des 
belles  médailles  d'or  de  feu  M.  Houlon  , 
chanoine  d'Amiens ,  grand  amateur  d'an- 
tiques :  elles  paflerent  au  cabinet  de  M.  le 
préfident  de  Maifons  ,  &  après  fâ  mort 
dans     celui   de  M.  Duvau. 

Le  fonds  du  camp  de  Céfar,  en  terres 
labourables  ,  appartient  au  chapitre  de 
S.  Martin,  de  Péquigny  ,  fondé  en  1066 
par  Euftache  de  Péquigny  ,  &  par  (t^ 
deux  frères  Jean  &  Hubert.  Le  titre  ori- 
ginal les  appelle  Princoniipares.  Les  biens 
de  cette  ancienne  &  illufîre  maifon  étant 
tombés  dans  celle  d'Ailli ,  au  xiv^fiecle, 
font  depuis  fondus  ,  fous  le  règne  de 
Louis  XIII ,  dans  la  maifon  d'Albert ,  en 
la  perfbnne  d'Honoré  d'Albert  ,  duc  de 
Chaulnes  ,  maréchal  de  France  ,  frère  du 
fameux  duc  de  Luynes. 

Les  barons  de  Péquigny  ,  comme  vidâ- 
mes nés  de  l'églife  d'Amiens  ,  c'eft-à-dire 
comme  Çqs  avoués  ou  défcnfeurs  ,  ont 
voulu  relever  ,  depuis  plus  de  mille  ans ,  du 
bras  de  S.  Firmin  y  martyr  ,  &  fe  font 
déclarés  vaflaux  de  l'évêque  d'Amiens.  (C) 

PÉRAGRATION,  f.  f.  {Comput.) 
On  appelle  mois  de  péragration  ,  ou  mois 
périodique ,  le  temps  que  la  lune  eil  à 
parcourir  tout  le  zodiaque ,  &  à  revenir 
au  même  point  d'où  elle  étoit  partie.  Ce 
temps  efl  de  fept  "jours  ,  fept  heures  ,  & 
43  minutes.  Ce  mot  vient  du  latin  pera- 
gratio  y  qui  lignifie  aciion  de  parcourir. 
La  lune  a  un  autre  mois  ,  qu'on  appelle 
fynodique ,  ou  de  conjonction  y  qui  ell  de 
29  jours  &  demi  ;  c'eft  le  temps  qu'elle 
eft  entre  la  conjondion  avec  le  foleil  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  revenue  à  la  même 
conjondion.  (  £>.   /.  ) 

PÉRAGU ,  f.  m.  {Hifl.  nat.  Bot.  exot.) 
arbriflèau  du  Malabar  :  fa  racine  infufée 
dans  du  petit-lait  acidulé ,  eft  eftimé  pour 
la  lienterie  ,  la  colique  ,  &  les  tranchées 
qui  proviennent  d'inflammation  ;  fa  poudre 
répandue  lur  les  puflules ,  les  delleche  ; 
Tome  XXV^ 


P  E  R  173 

le    (ne   des  feuilles    pris    intérieurement , 
chafTe  les  vers  des  inteflins.  {D.  /.  ) 

PERAMBULATION^'^/2f/or//; 
(  Jurifp.  )  fignifie  en  Angleterre  l'arpen- 
tage ou  la  vifite  d'une  forêt  ,  &  de  fes 
hmites ,  faite  par  des  officiers  de  juftice  ; 
ou  par  d'autres  nommes  pour  cet  efïèt , 
afin  de  déterminer  les  bornes  de  la  forêt  y 
&  de  fixer  ce  qui  y  efl  compris ,  ou  ce 
qui  n'y  efl  pas  compris.  Voye-{  PUR-LIEU 

&  Forêt. 

En  général ,  le  terme  de  perambuladon 
chez  les  Anglois ,  efl  fynonyme  à  ce  que 
nous  appellerions  defcente  fur  les  lieux  , 
faite  à  l'eflet  d'en  déterminer  l'étendue , 
&  d'en  fixer  les  limites.  Et  en  effet ,  on 
pratique  la  pérambuhtion  en  matière  de 
bornage  ,  aufli-bien  qu'en  matière  de  pur- 
lieu.    Voyei  Bornage. 

PERCALLE,  f.  f.  {Comm.  des  Indes.) 
Les  percalles  font  des  toiles  de  coton 
blanches  ,  plus  fines  que  grofîès  ,  qui  vien- 
nent des  Indes  orientales,  particuhérement 
de  Pondichery.  Les  percalles  portent  fept 
aunes  &  un  quart  de  long ,  fur  une  aune 
&  un  huit  de  large. 

PERCE.  Voyei  LoCHE. 

Perce,  f.  f.  {Luth.)  outil  dont  les 
faâeurs  de  mufettes  fe  fervent  pour  per- 
forer \ts  chalumeaux.  Cet  inflrument  efl 
compofé  d'une  longue  tige  d'acier  cylin- 
drique ,  emmanchée  par  une  de  fes  extré- 
mités dans  une  poignée  ,  comme  une  lime  ; 
à  l'autre  extrémité  efl  une  mèche  femblable 
à  celle  de  bedouets.   Voy.  Bedouet. 

PercE-A-MAIN  ,  outil  dont  les  fadeurs 
de  mufettes  fe  fervent  pour  percer  \ts  trous 
qui  forment  les  difFérens  toas  de  cet  in(- 
trument.    Voye^  Part.  Perce. 

Cet  outil  ne  diffère  de  la  perce ,  qu'en 
ce  que  fa  tige  &  fa  mèche  font  beaucoup 
plus  courtes. 

PERCE-BOURboN  ,  efl  un  outil  dont 
les  fadeurs  de  mufettes  fe  lèrvent  pour 
percer  les  trous  des  bourdons.  C'eft  une 
efpece  de  foret  emmanché  comme  une 
lime ,  que  l'on  appuie  contre  l'en  :roit  du 
bourdon  où  l'on  veut  faire  un  trou ,  pen- 
dant que  la  pièce  d'ivoire  dont  le  bourdan 
efl  fait ,  tourne  iur  le  tour  à  lunette    Foy. 

Tour  a  lunette  &  Tour  entre 
DEUX  peintes. 

Mm 


274  P  E  R 

PERCE-FEUILLE,  f.  f.  {ITiJi.  nat. 
Bot.  )  Ce  genre  de  plante  eft  nommé 
hupleuron  par  Tournefort.  Il  y  en  a  deux 
cipeces  principales,  la  perce-feuille  vivace 
&  la  perce-feuille  annuellf.  La  perce-feuille 
vii'dce  ^  nommée  par  le  vulgaire  oreille- 
de-liepre  y  en  anglois  the  hare''s-ear ,  efl 
le  bupleuron  vulgatiffimum  ^  feu  folio  fub- 
rotundo,  I.  R.  H.  309. 

Sa  racine  eil  petite,  ridée,  verdâtre  , 
fibrée  ,  d'un  goût  acre.  Elle  poulTe  une 
tige  à  la  hauteur  d'un;  ou  de  deux  pies  , 
grêle  ,  lifle  ,  cannelée ,  noueufe  ,  vuide 
en  dedans  ,  rameufe,,  de  couleur  quelque- 
fois rcxigcârre  ,,  d'autrefois  verte  :  fes 
feuilles ,  fur-tout  celles  de  la:  tige  ,  font 
longuettes  ,  étroites  ,  fimples  ,  nerveufes,, 
&  rangées  alternativement  ;  lès  fleurs 
naiflent  au  fommet  de  la  tige  ,  &  des 
rameaux  en  ombelles  ,  de  couleur  jaune  , 
femblables  à  celles  du  fenouil-;,  chacune 
d'elles  cil  compofée  de  plufieurs  pétales 
difpofés  en  rolè.  Quand  les  fleurs  font 
tombées ,  il  leur  lùccede  de«  femences 
oblongues  ,  alTez  fén-iblables  à  celles  du 
perfil  ,  cannelées,  gfiles,  d'un  goût  acre. 
Cette  plante  croît  abondamment  aux  lieux 
montagneux  ,  argileux  ,  le  long  des  haies  , 
&  parmi  les  brouflailles  ;  .elle  fleurit  en 
juillet  &  août ,  &  fa  graine  mûrit  en 
feptembre  &  odobre.  Elle  fçrt  enméde-. 
cine  ;  fes  feuilles  paflent  pour  dérerfives 
&  defficatives  ;  fa  iemenca  eft  réputée 
difculîive  &  apéritive. 

La  perce  -feuille,  annuelle  y  Bupleuron 
perfoliatum  ,  rotundi''foliU'm  ,  aimuum  , 
I.  R.  H.  310,  ne  diffère  àz^  la  précé-. 
dente  ,  qu'en  ce  qu'elle  efl  annuelle ,  & 
fe  multiplie  de  graine.  On  lui  donne  des 
vertus  affringenres.  (  D.    /.J 

PERCE- MOUSSE ,  f.  f..  {Hifl.  nam. 
Bot.  )  efpece  de  capillaire  ,  que  Tourne- 
fort  nomme  mufcus  capillaceus  y  major  y 
pediculo  Ù  capitula  craffiorihus  y  Î.R.H. 
5^0.  Sa  racine  elt  longue  ,  menue,  flbrée. 
Ses  tiges  font  hautes  de  quatre  à  lix 
pouces  ,  garnies  àts  le  bas  jufqu'au  milieu 
des  petites  feuilles  étroites ,  longuettes  & 
jaunâtres  ;  mais  du  milieu  jufqu'au  haut  , 
ces  tiges  font  nues  &  unies.  Il  naît  à 
leurs  fommets  une  petite  tête  oblongue  , 
pleine  de  fine  pouiliere ,  qui  tombe  lorfque 


P  E  R 

cette  tête  penche  ,  &  qu'elle  s'ouvre  â  la 
manière  de  plufieurs  autres  efpeces  dé 
mouffes  \  cette  poufliere  efl,  félon  toute 
apparence  ,  la  graine  ipêrae  dé  la  plante,. 
{D.  J.) 

PERCE-NEIGE ,  f.  f.  narciffo-leucoium^ 
{Hifl.Mdt,  Bot,)  genre  de  plante  à  fleur 
liliacée-.>  compofée  de  fix  pétales  ,     tantôt 
égaux   &  tantôt  inégaux  ,,  &  difpofés  en, 
forme  de  cloche  fuf pendue.  Le  calice   dé 
cette  fleur  dévient  dans  la    fiaite   un  fruit 
arrondi     &   divifé    en     trois  loges  ,    qui 
renferme  des  femences'deiâ;ip.ême  forme, 
que  le  fruit. .  Ajoutez  aux  caraâeres  de  ce, 
genre,. que  la  racine  ef^  bulbeyfe-  Tour-., 
nefort,  înft.  relkçrb,,  ^oy.  PLANTE. 

Perce-neigEj,  {Mat.  med.)  L'oignon^ 
perce-neige,  efl  un  émétique  doux  , .  dontr 
la  v^rtu  fut  découverte  par  hazard,  félon, 
robfervation  du  D. ,  Michel  Valentin  ^, 
rapportée  dans  les  Èphe'mérides  d'Allema^. 
.gne  y  aimc'fi.  l'jxj--,  pag.  2.56'.  .L'obfer-- 
vateur  rapporte  qu'une,  payfanne  ayant - 
vendu  des  oignons,  de  p€rc<-«e/g-een  guife. 
de  ciboulette  ,  toutes  les  perfonnes  qui  > 
en  mangèrent  furent  furprilès  de  vomi!-, 
femens  ,  qui:  n'eurent  ;  aucunes  fuites  itr^ 
cheufès.  (  3  ) 

,    PERCÉ-OREILLE,     OREILLERE  ,^ 
forficula  auricularia,-  (  Hiji.  nat.  Infect.  )  j 
infe^le    que-   M.    Linnasus   a    mis    dans  la.^ 
-claffe    des     coléoptères.    Cet    auteur    en 
difli.ngue   deux-    efpeces.   La    première    fe.. 
trouv-e  dans  les    terres   enfemerjcées  :  cet, 
infede    eil    alongé   ,     il    a  deux  longues 
antennes,,  compofées    chacune  de    treize 
OU;  q.uat<3rze.    anneaux  ;;  le    ccrcelet    efî- 
applati ,    tronqué  pardèyant,    &,   arrondi 
par  derrière;    le   milieu    efl   noir,    &   le - 
refl&  a  une  couleur  plus  pâle.    Les  élytres 
fontrd*un    roux-  pâle  ;    les  ailes  s'étendent 
au  delà  des  élytres,    &  ont  â  leur  extré-^- 
miié  une  tache  blanche  ovoïde  y   le  ventre 
a    une.    couleur    rouffâtre;     la  queue   cH. 
fourchue;    elle  a   deux  fortes   de  pointes- 
crochues  &   de  fubf^ance  de   corne,    qui 
fe  touchent   par  l'extrémité.  On  a  donné 
le   nom    dé   perce- oreille   &  d'oreillere  à 
cet  infede ,    parce    qu'on    prétend    qu'il 
cherche    à    entrer    dans    les  oreilles    des 
perfonnes  qui  s'endorment  fur   la  terre. 
Le    pcrc^^oreflle  de  la  féconde   efpece 


P  E  R 

Ce  ffouve  dans  les  fumiers  ;  il  eft  plus  petit 
de  moitié  que  le  précédent  ;  il  en  diffère 
principalement  en  ce  qu'il  efl  d'un  brun 
châtain  ,  &  qu'il  n'a  que  dix  anneaux  dans 
chaque  antenne.  Linnjei  faun.  fucc.  infeci. 
an.  2746.    Fby.  Insecte. 

PERCE-PIERRE,  f.  f.  {Hifi.  namr. 
Bot.  }  plante  nommée  percepier  anglorum 
par  J.  B.  3.  74.  Ger.  Emac.  1594-  Raii , 
hifi.  I.  209.  fynopf.  Boerh.  Ind.  Alt.  2. 
93.  mais  par  Tournefort ,  alchlmilla 
montana  y  mini  ma  ^  I.  R.  H.  508.  C'eft, 
félon  lui ,  une  efpece  à'alchimilk  ou  de 
pié-de-lion. 

C'eft  une  petite  plante  bafîè,  ordinai- 
rement rampante  ,  dont  la  racine  eft 
fibreufe  ,  &  qui  pouflê  plufieurs  tiges  à 
la  hauteur  de  la  main  ,  rondes  ,  velues  ,  & 
revêtues  de  petites  feuilles  difpofées  alter- 
nativement ,  à  l'endroit  des  nœuds  un 
peu  cotonneufes ,  &  découpées  en  trois 
parties.  Il  fort  de  leurs  aifTelles  de  petites 
fleurs  à  étamines  ,  dilpoiees  en  grappes  ;\ 
cinq  pétales  ;  elles  font  foutenues  par  un 
calice  divife  en  quatre  parties.  Quand  la 
fîeur  eft  tombée ,  il  lui  fuccede  de  petites 
(émences  rondes  ,  enfermées  feparémcnt 
dans  des  capfules  fermées  par  le  calice. 
Cette  plante  croît  dans  des  lieux  arides ,  & 
dans  les  terres  en  friche  :  elle  palTe  pour  être 
diurétique.  {  D.J.) 

Perce-pierre  ouFenouil  marin, 
(  Diet.  &  Mat.  mcd.  )  Cette  plante  a  un 
.goût  vif  &  aromatique  fort  agréable  ,  qui 
la  fait  employer  à  titre  d'aflaifonnemcnt , 
flir-touf  pour  les  marinades.  Les  huîtres 
tïiarinées  de  Dieppe  &  àt^  côtes  voiiines, 
doivent  en  partie  à  cette  plante  l'agrément 
de  leur  aftaifonnement.  La  perce-pierre  , 
confite  au  vinaigre  ,  qu'on  apporte  à  Paris 
de  Boulogne  ,  efl  fort  bonne  en  falade  , 
fbit  feule ,  foit  employée ,  comme  four- 
niture ,  avec  la  laitue  ,  &  les  autres  plantes 
purement  aqueufès.  Elle. réveille  l'appétit, 
aide  à  la  digeftion  ,  (^c. 

Cette  plante  eil  fort  rarement  employée 
à  titre  de  remède  :  cependant  on  lui  attri- 
bue les  qualités  apéritive  ,  diurétique  ,  em- 
ménagogue ,  &  même  la  lythontriptique.  Il 
eft  très-vraifembiable  qu'elle  poflede  en  effet 
les  premières  :  quant  à  la  dernière  ,  elle 
n'en  doit  évidemment  la  réputation ,  comme 


P  E  R  17J 

les  faxîfrages  ,  qu'à  je  ne  fais  quelle  in- 
duction tirée  on  ne  peut  pas  plus  gratuite- 
ment ,  du  fol  pierreux  où  croît  naturelle- 
ment cette  plante.  (3) 

Perce -PIERRE  ,  f.  m.  alauda  non 
criflata  ,  (  Hifi.  nat.  Icht.  )  poiffon  de 
mer  lilTe  &  Çiihs  écailles  ;  on  lui  a  donné  le 
nom  de  perce-pierre  y  parce  qu'il  vit  dans 
des  trous  de  rochers  :  il  diffère  de  la  co- 
quillade  en  ce  qu'il  n'a  point  de  protubé- 
rance fur  la  tête  en  forme  de  crête  ,  ce 
qui  lui  a  fait  donner  le  nom  à^ alauda  non 
crifiata.  Voye^  CoQUILLADE.  Le  perce* 
pierre  a  la  tête  petite  &  ronde  ;  les  dents  de 
la  mâchoire  fupérieure  fè  trouvent  entre 
celles  de  la  mâchoire  inférieure  quand  la 
bouche  efl  fermée.  Les  yeux  &  l'ouver- 
ture de  la  bouche  font  petits.  Ce  poif- 
ibn  a  quatre  petites  nageoires  près  des 
ouies ,  deux  de  chaque  côté  ;  une  fur  le 
dos  ,  qui  s'étend  prefque  depuis  la  tête  jus- 
qu'à la  queue  ;  &  une  autre  auprès  de  i'anus 
qui  s'étend  auliî.  jufqu'à  la  queue.  Il  vit  de 
petits  poiiîbns-.  Sa  chair  eft  molle  &  de 
mauvais  goût.  Rondelet ,  Hifi.  hat.  des 
poijfons  y  part.  ly  lip.  Vl  y  chap.  Voy. 
Poisson. 

PERCÉ  ,  adj.  (  Arch.  )  épithete  qu'on 
donne  aux  ouvertures  qui  diflribuent  les 
jours  d'une  façade.  Ainfi  on  dit  qu*un 
pan  de  bois  ,  un  mur  de  face  efl  bien 
percé  y  lorfque  les  vuides  (ont  bien  pro- 
portionnés aux  folides.  On  dit  aulli  qu'une 
églife  ,  un  veflibule  ,  un  falon  efl  bien 
percé  y  lorfque  la  lumière  y  eft  répandue 
fuffifamment  &  également.  On  dit  auffi 
un  percé  y  pour  une  ouverture  artiflement 
pratiquée  ,  qui  conduit  la  vue  d'un  lieu  dans- 
un  autre.  {  D.    J.) 

Percé  ,  en  terme  de  blafon  ,  fe  dit 
d'une  pièce  qui  efl  percée  ;  &  qui  fait  voir 
en  elle  une  elpece  de  trou. 

La  forme  de  ce  trou  doit  s'exprimef 
dans  le  blafon  :  ainfi.  une  croix  qui  a  un 
trou  quarré  ,  ou  qui  efl  percée  au  centre  , 
fe  blafonne  au  quarré  percé  ;  ce  qui  vaut 
mieux  que  de  dire  au  quartier  percé  y 
comme  Leigh  s'exprime.  On  dit  en  France, 
percé  en  quarré  :  quand  le  trou  efl  rond , 
il  faut  dire  ,  percé  en  rond.  C'efl  ce  que 
Gibbon  nomme  en  latin  perforata  y  à 
cauiè   que   tous  les   trous  faits    avec    des. 

Mm  2 


17^  P  E  R 

perçoirs  ou  des  tarières  ,    font  ronds.    S^ 
le  trou  au  centre  efl  en  forme  de  lofange 
on  dit  ,    percé  en  lofange. 

Tout  ce  (\u\  e{{  percé  ,  c'eft-à-dire  ,  le 
trou  doit  toujours  être  de  la  couleur  du 
champ  ou  dei'écu,  parce  qu'il  efl  naturel 
que  le  trou  d'une  pièce  laifle  voir  ce  qui 
eft  deflbus  :  ainli  quand  on  voit  de  ièm- 
blables  figures  au  centre  d'une  croix ,  qui 
ne  font  pas  delà  couleur  de  l'écu  ,  on  ne 
doit  pas  fuppofer  que  la  croix  Ibit  percée  y 
mais  que  cette  figure  eft  une  autre  pièce  ; 
on  doit  par  conféquent  l'exprimer  en  bla- 
fonnant.   Voye^   CrOIX  ,    &c. 

Bologne  en  Dauphiné,  d'argent  à  une 
patte  d'ours  en  pal ,  percée  en  rond  de 
iix  pièces,  3*  2-.   i. 

De  Huchet  de  Cintré  du  Breuil,  du 
diocefe  de  Saint- Malo  ,  en  Bretagne  y 
d'aT^ur  à  fjx  billettes  percées  d'argent. 

De  Bologne  d'Alanfon ,  en  Dauphiné  , 
d'argent  à  la  patte  dours  de  fable  en  pal , 
les  griffés  en  haut  y  cette  patte  percée  de 
Jix  trous. 

Les  macles ,  \çs  rufires  &  les  molettes 
font  percées. 

PERCEINTES,  PRÉCEINTES, 
CEINTES  ,  f.  f.  {Marine.)  Les  perceintes 
font  des  rebords,  cordons  ou  pièces  de 
bois  ,  qui  régnent  en  dehors  le  long  du 
bordage  d'un  navire  ,  &  qui  fervent  à  la 
liaifon  àts  tillacs.  Voy.  CEINTES,  PL  /_, 
fi-g.  2  ;  les  préceintes  cotées  4  ,  ^fig.  2  ,• 
lespréceinteT  cotées  O.Voy.  auj/i  FI.  IV y 
fig.  I,  72«.  163,  164,  165  &  166  y  les 
première,  féconde,  troifieme  &  quatrième 
perceintes.  (Z) 

PERCEMENT  ,  f.  m.  {ArchiteB.)  nom 
général  qu'on  donne  à  toute  ouverture 
faite  après  coup  pour  la  baie  d'une  porte 
ou  d'une  croifée  ,  ou  pour  quelque  autre 
fujet.  Les  percemens  ne  doivent  pas  fè  faire 
dans  un  mur  mitoyen  ,  fans  y  appeller  les 
voifins  qui  y  font  intérelTés.  Sur  quoi  on 
doit  confulter  les  articles  zoj  Ù  Z04-  de 
la  coutume  de  Paris.  Voye\  auffi  MuR 
MITOYEN.   {D.  /.  )" 

Percement,  {Hifl.  nat.  Minéral.) 
C'efî  ainfi  qu'on  nomme  dans  les  mines  mé- 
talliques ,  une  galerie  qui  part  du  centre 
d'une  montagne  ou  d'une  mine  que  l'on 
exploite  j  &:  qui  delà  va  fe  terminer  en  pente 


P  E  R 

à  la  furface  de  la  terre  ou  dans  un  vallotî,^ 
Il  fert  à  écouler  les  eaux  ,  &  l'on  a  recours 
à  ce  moyen  ,  qui  eft  fouvent  fort  coûteux  , 
lorfque  les  eaux  font  fi  abondantes  que  les 
pompes  ordinaires  ne  peuvent  point  fuffire 
à  les  épuiler.  On  ne  peut  point  toujours 
former  un  percement  ;  cela  n'efi  pratica- 
ble que  lorfque  la  mine  qu'on  exploite  efl 
au  delTus  du  niveau  à^s  plaines  ou  d'une 
rivière.  Voye\  l'article  MiNES. 

PERCEPTION  ,  f.  f.  {Mécaphyfiq.  ) 
La  perception  y  ou  l'imprefllon  occafionée 
dans  l'ame  par  l'adion  des  fens  ,  efè  la 
première  opération  de  l'entendement  : 
l'idée  en  efï  telle  ,  qu'on  ne  peut  l'ac- 
quérir par  aucun  difcours  ;  la  feule  réflexion 
fur  ce  que  nous  éprouvons  quand  nous 
fommes  afFeélés  de  quelque  fenfation  ,  peut 
la  fournir.  Les  objets  agiroient  inutilement 
fur  les  fens  ,  &  l'ame  n'en  prendroit 
jamais  connoifTance  ,  fi  elle  n'en  avoit 
pas  la  perception.  Ainfi  le  premier  &  le 
moindre  degré  de  connoilîànce  ,  c'efl  d'ap- 
percevoir. 

Mais  puifque  la  perception  ne  vient  qu'à 
la  fuite  des  irapreffions  qui  fe  font  fur  les 
fens,  il  efl  certain  que  ce  premier  degré 
de  connoifTance  doit  avoir  plus  ou  moins 
d'étendue  ,  félon  qu'on  efl  organilé  pour 
recevoir  plus  ou  moins  de  fènlations  dif- 
férentes. Prenez  des  créatures  qui  foient 
privées  de  la  vue  ,  d'autres  qui  le  foient 
de  la  vue  &  de  l'ouie ,  &  ainfi  fuccefîî- 
vement  vous  aurez  bientôt  des  créatures 
qui  étant  privées  de  tous  les  fens  ,  ne  rece- 
vront aucune  connoifTance.  Suppofez  au 
contraire,  s'il  efl  poflible ,  de  nouveaux 
fens  dans  àts  hommes  plus  parfaits  que 
nous  ne  le  fommes  ;  que  de  perceptions 
nouvelles  !  par  conféquent  ,  combien  de 
connoifTances  à  leur  portée  ,  auxquelles 
nous  ne  faurions  atteindre  ,  &  fur  \tÇ-^ 
quelles  même  nous  ne  faurions  former 
des  conjedures  ! 

Nos  recherches  font  quelquefois  d'autant 
plus  difficiles ,  que  leur  objet  efl  plus  fim- 
ple  ;  les  perceptions  en  font  un  exemple. 
Quoi  de  plus  facile  en  apparence  que  de 
décider  fi  l'ame  prend  connoifl'ance  de 
toutes  celles  qu'elle  éprouve?  Faut-il  autre 
chofe  que  réfléchir  fur  foi -même?  Pour 
réfoudre  cette  queftion  y    que  les  philoib>» 


P  E  R 

phes  ont  embarraflee  de  difficultés  y  qui 
certainement  n'y  ont  pas  été  mifes  par  la 
nature  ,  nous  remarquerons  que  ,  de  l'aveu 
de  tout  le  monde  ,  il  y  a  dans  l'ame  des 
perceptions  qui  n'y  font  pas  à  Ton  infu.  Or 
ce  fentiment  qui  lui  en  donne  connoil- 
fance ,  je  l'appellerai  confcience.  Si ,  comme 
le  veut  M.  Locke  ,  l'ame  n'a  point  de 
perception  dont  elle  ne  prenne  connoif^ 
iance,  en  forte  qu'il  y  ait  contradidion 
qu'une  perception  ne  foit  pas  connue  ,  la 
perception  &  la  confcience  ne  doivent  être 
prjfes  que  pour  une  feule  &  même  opé- 
ration. Si  au  contraire  le  fentiment  oppofé 
étoit  le  véritable  ,  elles  feroient  deux 
opérations  diftindes  ;  &  ce  feroit  à  la 
confcience  ,  &  non  à  la  perception  ,  que 
commenceroit  proprement  notre  connoil- 
fance. 

Entre  plufieurs  perceptions  dont  nous 
avons  en  même  temps  confcience ,  il  nous 
arrive  fouvent  d'avoir  plus  confcience  des 
unes  que  des  autres,  ou  d'être  plus  vive- 
ment avertis  de  leur  exiilence.  Plus  même 
la  confcience  de  quelques-unes  augmente  , 
plus  celle  des  autres  diminue.  Que  quel- 
qu'un (bit  dans  un  Ipedacle  où  une  mul- 
titude d'objets  paroifTent  fe  difputer  fes 
regards  ,  fon  arae  fera  afTaillie  de  quantité 
de  perceptions  ,  dont  il  efl:  confiant  qu'elle 
prend  connoifîànce  :  mais  peu  à  peu  quel- 
ques -  unes  lui  plairont  &  l'intérelTeront 
davantage  ;  il  s'y  livrera  donc  plus  volon- 
tiers. Dès-là  il  commencera  à  être  moins 
afFedé  par  les  autres.  La  confcience  en 
diminuera  même  inlenfiblement  jufqu'au 
point  que,  quand  il  reviendra  à  lui,  il  ne 
fc  fouviendra  pas  d'en  avoir  pris  connoif- 
fance.  L'jUuiion  qui  fe  fait  au  théâtre  en 
cft  la  preuve.  Il  y  a  des  momens  où  la 
confcience  ne  paroîf  pas  fe  partager  entre 
l'adion  qui  fe  palîe  &  le  refle  du  fpec- 
tacle.  Il  fembleroit  d'abord  que  l'illufion 
devroit  être  d'autant  plus  vive  ,  qu'il  y 
auroit  raoms  d'objets  capables  de  dillraire. 
Cependant  chacun  a  pu  remarquer  qu'on 
n'eft  jamais  plus  porté  à  le  croire  le  feul  té- 
moin d'une  fcene  intéreflante  ,  que  quand 
k  lpe£tacle  ell  bien  rempli..  C'efl  peut- 
être  que  le  nombre  ,  la  variété  &  la  ma- 
gnificence des  objets  remuent  les  fens  , 
échauffent ,   élèvent  l'imagination  ,  &  par 


P  ER 


^77 


là  nous  rendent  plus  propres  aux  impre^ 
fions  que  le  poète  veut  faire  naître.  Peut- 
être  encore  que  les  fpedateurs  fe  portent 
mutuellement ,  par  l'exemple  qu'ils  fe  don- 
nent ,  à  fixer  la  vue  fur  la  fcene.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  cette  opération  par  laquelle 
notre  confcience  par  rapport  à  certaines 
perceptions  ,  augmente  fi  vivement,  qu'elles 
paroiffent  les  feules  dont  nous  ayions  pris  ^ 
connoifîànce  ,  je  l'appelle  attention.  Ainfi 
être  attentif  à  une  choiè,  c'efl  avoir  plus 
confcience  des  perceptions  qu'elle  fait  naî- 
tre ,  que  de  celles  que  d'autres  produifent , 
en  agiffànt  comme  elle  fur  nos  lens  ;  &  l'at- 
tention a  été  d'autant  plus  grande  ,  qu'on 
fe  louvient  moins  de  ces  dernières. 

Je  diflingue  donc  de  deux  fortes  de  per^ 
ceptions  parmi  celles  dont  nous  avons  conf- 
cience ;  les  unes  dont  nous  nous  fouve- 
nons  au  moins  le  moment  fùivant  ,  les 
autres  que  nous  oublions  auflî  -  tôt  que 
nous  les  avons  eues.  Cette  difiindion  efl 
fondée  fur  l'expérience  que  je  viens  d'ap- 
porter. Quelqu'un  qui  sed  livré  à  l'illufion  , 
fp  fouviendra  fort  bien  de  l'imprefCon  qu'a 
fait  fur  lui  une  fcene  vive  &  touchante  ; 
mais  il  ne  fe  fouviendra  pas  toujours  de 
celle  qu'il  recevoit  en  même  temps  du  refie 
du  fpedacle. 

On  pourroit  ici  prendre  deux  fentimens 
différens  de  celui-ci.  Le  premier  feroit  de 
dire  ,  que  l'ame  n'a  point  éprouvé ,  comme 
je  le  fuppofe  ,  les  perceptions  que  je  lui 
fais  oubher  fi  promptement  ;  ce  qu'on  af^ 
faieroit  d'expliquer  par  des  raifons  phy- 
fiques.  Il  ef^  certain,  diroit-on,  que  l'ame 
n'a  des  perceptions  qu'autant  que  l'adion 
des  objets  fur  les  fens  fe  communique  au 
cerveau.  Or  on  pourroit  fuppofer  les  fibres 
de  celui-ci  dans  une  fi  grande  contention 
par  l'impreffion  qu'elles  reçoivent  de  la 
fcene  qui  caufe  l'illufion  ,  qu'elles  réfifle- 
roient  à  toute  autre.  D'où  l'on  concluroit 
que  l'ame  n'a  eu  d'autres  perceptions  que 
celles  dont   elle  conferve  le  fouvenir. 

Mais  il  n' efl  pas  vraifemblableque  quand 
nous  donnons  notre  attention  à  un  objet, 
toutes  les  fibres  du  cerveau  foient  égale- 
ment agitées;  en  forte  qu'il  n'en  refie  pas 
beaucoup  d'autres  capables  de  recevoir 
une  ira.  refîion  différente.  Il  y  a  donc  lieu 
de  pxéfumer   qu'il   fe  paf]fe   en    nous  des 


17^  p  E  r; 

perceptions  dont  nous  ne  nous  {ôuvenons  pas 
le  moment  d'après  que  nous  les  avons  eues. 

Le  fécond  fentimenrferoit  de  dire  qu'il  ne 
fe  faic  point  d'imprefilon  dans  les  fens  qui 
ne  fe  communique  au  cerveau  ,  «Se  ne  pro- 
duife  par  conféquent  une  perception  dans 
l'ame. ,  Mais  on  ajouteroit  qu'elle  efî  fans 
confcience  ,  ou  que  l'ame  n'en  prend  point 
connoifTance.  Mais  il  efî  impoffible  d'avoir 
l'idée  d'une  pareille  perception.  J'aimerois 
autant  qu'on  dît  que  j'apperçois  (ans  apper- 
cevoir. 

Je  penfe  donc  que  nous  avons  toujours 
confcience  des  imprellions  qui  fe  ïofk  dans 
l'ame  ,  mais  quelquefois  d'une  manière  fi 
légère  ,  qu'un  moment  après  nous  ne  nous 
en  fouvenons  plus.  Quelques  exemples  met- 
tront ma  penfée  dans  tout  fon  jour. 

Qu'on  réfléchiffe  fur  foi-même  au  fortir 
d'une  ledure,  il  femblera  qu'on  n'a  eu 
confcience  que  àts  idées  qu'elle  a  fait  naî- 
tre ;  il  ne  paroîrra  pas  qu'on  en  ait  eu  da- 
vantage de  la  perception  de  chaque  lettre  , 
que  de  celle  des  ténèbres  ,  A  chaque  fois 
qu'on  baiiîe  involontairement  la  paupicra. 
Mais  on  ne  fe  laifTcra  pas  tromper  par  cette 
apparence  ,  fi  l'on  fait  réflexion  que  fans 
la  confcience  de  la  perception  des  lettres , 
on  n'en  auroit  point  eu  de  celle  des  mots  , 
ni  par  conféquent  des  idées. 

Cette  expérience  conduit  naturellement 
à  rendre  raiîbn  d'une  chofc  dont  chacun  a 
fait  l'épreuve  ;  c'efl  la  vitefîc  étonnante 
avec  laquelle  le  temps  paroît  quelquefois 
s'être  écoulé  :  cette  apparence  vient  de  ce 
que  nous  avons  oublié  la  plus  confidérable 
partie  des  perceptions  qui  fe  font  fuccédées 
dans  notre  ame. 

C'efl  une  errreur  de  croire  que  tandis 
que  nous  fermons  des  milliers  de  fois  \qs 
yeux  ,  nous  ne  prenions  point  connoiiïance 
que  nous  fommes  dans  les  ténèbres.  Cette 
erreur  provient  de  ce  que  la  perception  des 
ténèbres  eft  li  prompte  ,  li  flibite ,  &  la 
confcience  fi  foible  ,  qu'il  ne  nous  en  refle 
aucun  fouvenir.  Mais  que  nous  donnions 
notre  attention  au  mouvement  de  nos  yeux, 
cette  même  perception  deviendra  fi  vive , 
que  nAus  ne  douterons  plus  de  l'avoir  eue 

Non  feulement  nous  oublions  ordinaire- 
ment une  partie  de  nos  perceptions  y  mais 
quelquefois    nous    lés    oublions    toutes  , 


quand  nous  ne  fixons  point  notre  attend 
tion  ,  en  forte  que  nous  recevons  \ts  per» 
ceptions  qui  fe  produifent  en  nous ,  fanx 
être  plus  avertis  àts  unes  que  des  autres  ; 
la  confcience  en  efi  fi  légère ,  que  fi  l'on 
nous  retire  de  cet  état ,  nous  ne  nous 
fouvenons  pas  d'en  avoir  éprouvé.  Je 
fuppofe  qu'on  me  préfente  un  tableau  fort 
compofé  ,  dont  à  la  première  vue  les  parties 
ne  me  frappent  pas  plus  vivement  les  unes 
que  les  autres ,  &  qu'on  me  l'enlevé  avant 
que  j'aie  eu  le  temps  de  le  confidérer  en 
détail;  il  eil  certain  qu'il  n'y  a  eu  aucune 
de  {ts  parties  fenfiblcs  qui  n'ait  produit  en 
moi  àt?>  perceptions  ;  mais  la  confcience 
en  a  é^é  ïi  foible  ,  que  je  ne  puis  m'en 
fouvenir:  cet  oubli  ne  vient  pas  de  leur 
durée.  Quand  on  fuppoferoit  que  j'ai  eu 
pendant  long-temps  les  yeux  attachés  fur 
ce  tableau  ,  pourvu  qu'on  ajoute  que  je 
n'ai  pas  rendu  tour-à-tour  plus  vive  la 
confcience  des  perceptions  de  chaque  par- 
tie ,  je  ne  ferai  pas  plus  en  état ,  au  bout 
de  pluiieurs  heures ,  d'en  rendre  compte  , 
qu'au  premier  infîant. 

Ce  qui  fe  trouve  vrai  des  perceptions 
qu'occafione  ce  tableau  ,  doit  l'être  par  la 
même  raifon  de  celles  que  produifent  les 
objets  qui  m'environnent  :  fi  agi  (Tant  fur 
les  fens  avec  àt^  forces  prefque  égales ,  ils 
produifent  en  moi  des  perceptions  toutes 
à-peu-près  dans  un  pareil  degré  de  viva- 
cité ;  hi  fi  mon  ame  fe  laiffe  aller  à  leur 
imprefiion  ,  fans  chercher  à  avoir  plus 
confcience  d'une  perception  que  d'une  au- 
tre ,  il  ne  me  refîera  aucun  fouvenir  de  ce 
qui  s'efl  paiTé  en  moi.  Il  me  lemblera.  que 
mon  ame  a  été  pendant  tout  ce  temps  dans 
une  efpcce  d'aflbupiiTement,  où  elle  n'étoit 
occupée  d'aucune  pen(ée.  Que  cet  état 
dure  plufieurs  heures,  ou  feulement  quel- 
ques fécondes  ,  je  n'en  l'aurois  remarquer  la 
différence  dans  la  fjite  des  perceptions  que 
j'ai  éprouvées ,  puifqu'elles  font  également 
oubliées  dans  l'un  &:  l'autre  cas.  Si  même 
on  le  taifoit  durer  àts  jours ,  des  mois , 
ou  des  années ,  il  arriveroit  que  ,  quand 
on  en  fortiroit  par  quelque  feniarion  vive , 
on  ne  fe  rappelleroit  pluiieurs  années  que 
comme  un  moment. 

Concluons  que  nous  ne  pouvons  tenir, 
aucun  compte  du  plus   grand  nombre  de 


P  E  R 

nos  perceptions  ;  non  qu'elles  aient  éré  fans 
conlcicnce  ',  mais  parce  qu'elles  font  ou-* 
bllëes  un  Inftant  après.  Il  n'y  en  a  donc 
point  dont  l'ame  ne  prenne  connoifîance. 
Ainfi  la  perception  &  la  confcience  ne  font 
qu'une  même  opération  fous  deux  noms  : 
en  tant  qu'on  ne  la  confidere  que  comme 
une^  impreffion  dans,  l'ame  ,  on  peut  lui 
conferver  celui  de  perception  ;  en  tant 
qu'elle  avertit  l'ame  de  fa  préfence ,  on  peur 
lui  donner  celui  de  confcience.  Voy.  VEf- 
fai  far  l'origine  des  connoiffances  humai- 
nes y  de  qui  ces  réflexions  font  tirées. 

Perception  ,  (Gram.)  fe  dit  encore 
de  la  récolte  ou  recette  des  fruits  d'un 
bénéfice  ,  &  de  la  manière  de  raffembler 
fes  impôts  affis  lur  le  peuple. 

PERCER ,  V.  aa.  (  Gramm.  )  C'eft 
pratiquer  une  ouverture.  Il  fe  prend  au 
fimple  &au  figuré.  On  dit  percer  un  mur, 
percer  la  foule  ,  /(frcfr  les  nuits  ,  percer  dsim 
immonde, /î^rc^r un  complot ,  &c. 

Percer  >  ^n  terme  de  boUtonnier  y  c'eft 
f^ire  quatre  trous  les  uns  après  les  autres 
A  l'endroit  tracé  par  la  marque  ,  avec  une 
pointe  montée  fur  une  molette  ou  petite 
roue  tournée  dans  la  poupée  avec  la  grande 
roue  du  rouet  ,  au  moyen  de  la  corde  , 
qui  de   l'une    tombe    fur   l'autre..    Vqye^^ 

Pointes. 

Percer  V aiguille  ^  terme  d*epingliér; 
c'èft  former  le  trou  d'une  aiguille  par  le 
moyen  d'un  petit  poinçon  d'acier  bien 
trempé  ,  que  l'on  frappe  avec  un  marteau 
fur  l'enclume  de  chaque,  côté^  du.  p^at  de. 
la  tcte  de  l'aiguille. . 

Percer,,  en  terme  de^clomier ,  faifeur 
d^ aiguille  de  chirurgien  ;  c'eft  marquer,  le. 
t?ou  de  l'aiguille  fans  enlever  la  pièce.. 

Percer  ,  (  Jardinage.  )  fe  dit  des  tra- 
ces qu'on  fait  lur  une  couche  pour  y  femer 
des  raves  :  on  dit  encore  faire  de  beaux 
perces  ,  quand  on  ouvre  des  routes  dans 
lUje  forêt  ,  des  allées  dans  un  bois. 

Percer  une  étoffe  y  {Lainage.)  on  le 
dit  des  étoffes  qui  ,  à  force  d'être  foujées , 
deviennent  trop  étroites  ,&:  perdent  de  la 
largeur-  ordonnée,  par  les  réglerr.ens. . 

Percer  ,  en  terme  de  potier  ; .  c' eu 
faire  des  trous  autour  d'un  réchaud  &  à  fa 
grille ,    pour  donner  de  l'air  au  feu. 

Percer  ,  en  terme  de  jaflneur  y    c'eft 


P  E  R  279 

l'aâion  de  faire  légèrement  un  trou  dans 
la  tête  du  pain  avec  un  prime  ,  pour  don- 
ner pafîâge  au  fyrop  quiy  defcend.  V^oye\ 
Prime  &  Syrop. 

Percer  ,  terme  de  chaffe  y  fe  dit  & 
d'une  bête  qui  tire  de  long  ,  &  s'en  va 
fans  s'arrêter,  &  du  piqueur  qui  percf  dans 
le  fort  :  le  cerf  a  percé  dans  le  bois  ,  il 
fait  percer  dans  ce  fort. 

PERCEUR,  f  m.  {Marine.)  Les 
perceurs   font  ceux  dont   le  métier  eft    ds, 
percer  les  navires  pour  les  cheviller.  Selon 
l'ordonnance  du  roi  de  France  de  l'année- 
1681  ,   une  même  perfonne  peut  exercer 
les  métiers  de  charpentier,  de  caifateur  & . 
àt  perceur  de  vaiffeaux.  . 

Perceur  ,  f.  m,  Ceft'  un  poinçon 
dont  le  cloutier  faifèur  d'aiguilles  courbes 
fe  fert  pour  marquer  &  commencer  la 
chaflè  de  fon  aiguille;  il  ne  diffère  du 
troqueur  qu'en  ce  qu'il  a.  la  pointe  plus 
épaifle. 

PERCHANS,  f  m.  (  Oifelier)  oifeau  « 
attaché  par  le  pie  ,  &  que    l'on  tire  avec 
une  ficelle  pour  le  faire  voltiger  ,   apperce- 
voir  de.s  oifeawx  qui  pafîent ,   lesappelier 
&  les  faire  prendre.. 

PERCHE,  f  f  perça  ,  {mfî.nat.  Ich.) 
On  a  donné  ce  nom  à  un  poiffon  d'eau 
douce  &  à  un  ;  poiffon  de  m -r  >  qui  diffe-  ■ 
rent  l'un  de  f  autre.  La  perche  d^  eau  douce 
a  le  corps  large ,  fort  applati  pour  un  poiffon 
de  rivière , .  &  couvert  de  petites  écailles  ; 
les  rrageoires  &  la  queue  font  rouges  ;  elle 
a  fur  le  dos  deux  nageoires  dont  la  pre- 
mière eft  j'a  plus  grande  ,  deux  aux  ouks  , 
deux  fous  le  ventre , .  &  une  au  -dcffous 
de  l'anus  :  la  bouche  eft  petite  &  dépourvue 
de  dents.  La  chair  de  ce  poiffon  eft  dure  & 
difîicilc  à  digérer.  Rondelet ,  hiftoire  natur. 
des  poiffons  y   II  partie  ,  ch..  xix. 

hz  perche  de  mer  eft  roufîè,  elle  a  la 
bouche  petite  &  les  dents  fort  pointues. 
Les  côtés  du  corps  font  traveries  par  des 
traits  dont  les  uns  font  rouges  &  les  autres 
noirs  ;  la  partie  antérieure  du  ventre  eft 
beaucoup  plus  pendante  que  la  poftérieure  : 
il  y  a  une  longue  nageoire  fur  le  dos, 
deux  aux  ouies  ,  deux  au  ventre  ,  &  une 
longue  au-deffous  de  l'anus ,  qui  fe  trouve 
fitué  prefqu'au  milieu  du  ventre.  Ce  poifibn 
a  la  chair  d'an  meilleur  fuc  que  la  perche. 


2go  P  E  R 

de  rivière ,  elle  eu.  rendre  ,  molle ,  friable 
&  facile  à  digérer.  Rondelet ,  hifi.  nat. 
des  poijjons  y  première  pan.  Uv.  VI y  ch. 
viij.    Voyei  PoiSSON. 

Perche  ,  f.  f.  {Arpent.  )  longue  me- 
fure  dont  on  fe  fert  dans  l'arpentage  ,  ou 
la  mefure  des  terrains.    Voyei  MESURE. 

Chez  les  anciens  Romains  la  perche , 
penica y  étoit  de  lo  pies;  &  encore  au- 
jourd'hui beaucoup  de  géomettres  lui  don- 
nent cette  même  longueur  :  on  l'appelle  au- 
trement catena  ,  funis  y   &  decempeda. 

En  Angleterre  ,  X-a perche  d'ordonnance  , 
ou  établie  par  la  loi ,  eiî  de  i6  pies  & 
demi  ,  &  pour  le  bois  taillis ,  ^c.  elle  efl 
de  i8  pies  ;  40  perches  quarrées  font  une 
vergée  ou  un  quart  d'arpent ,  &  160  font  un 
arpent.  Foy^:^ Arpent. 

En  France  la  perche  ordinaire  varie  fui- 
vant  les  différentes  provinces  ,  ou  les  dif- 
férentes coutumes  ;  c'eft  à  celui  qui  va  faire 
àits  arpentages  dans  un  pays  ,  d'en  prendre 
connoiiîànce  chez  le  juge  du  lieu.  A  Paris 
la  perche  contient  trois  toifes  ou  .18  pies  \ 
pour  les  travaux  royaux  elle  a  22  pies. 
Ainfi  laj^^rc^f  quarrée  ,  mefure  de  Paris, 
eft  un  quarré  qui  a  trois  toiles  de  long  , 
fur  trois  de  large.  L'arpent  contient  100 
perches  quarrées  ,  c'efl-à-dire  ,  en  le  con- 
{idérant  comme  un  quarré  ,  qu'il  contient 
10  perches  de  longueur  fur  10  perches  de 
Jargeur.   Chambers.  (E.) 

Perche  d'arpenteur  y  {.m.  (Arpent.) 
inftrument  compofé  de  deux  règles  qui 
peuvent  s'étendre  jufqu'à  16  pies.  Ces  rè- 
gles divifées  en  pies  &  en  pouces,  font  ac- 
compagnées d'une  pinnule  mobile  :  &  fur 
leurs  bords  on  marque  les  chaînons  de  la 
chaîne  dont  on  fait  ufage.  Cet  inftrument, 
qui  n'eft  guère  en  ufage  qu'en  jAngleterre  , 
jfèrt  dans  l'arpentage  à  prendre  aifément  ces 
diflances.    (D.  J.) 

Perche  ,  f.  f.  On  appelle  ainfi ,  dans 
le  nivellement  y  des  bâtons  bien  droits , 
équarris  par  en  haut ,  &  armés  d'un  carton 
coupé  à  i'équerre.  On  nomme  encore  per- 
che une  melurc  employée  dans  l'arpentage 
àts  terres ,  &  dont  la  longueur  vaut  20  ,  22 
pies  courans  en  pluiieurs  jurifdidions ,  & 
18  feulement  dans  le  Parifis.    (i^) 

Perche  (le),  (Geogr.  mod.)  petite 
province  de  France  ,  bornée  aii  nord  par 


P  E  FI 

la  Normandie  ;  au  midi  par  le  Dunois  6c 
le  Maine  ;  au  levant  par  la  Bcauce  ;  &  au 
couchant  par  la  rivière  de  Sarte.  Elle 
n'a  que  15  lieues  de  longueur  fur  12  de 
largeur. 

Ce  pays  a  pris  fon  nom  d'une  grande 
forêt  appellée  perticus  faltus  ,  dont  il  eft 
fait  mention  dans  pluiieurs  auteurs  ,  juf- 
qu'à l'an  1000.  L'hiftoire  de  fes  comtes 
eft  embrouillée  ,  mais  c'eft  alîéz  de  dire 
ici ,  que  Jacques  de  Château  -  Gontier 
céda  {qs  droits  du  comté  de  Perche  à  Saint- 
Louis  ,  qui  par  cette  ceffion  réunit  cette 
petite  province  à  la  couronne  de  France. 
Une  chofe  bizarre,  c'eft  qu'elle  fe  trouve 
de  trois  différens  diocefes  ,  de  celui  du 
Mans  ,  de  celui  de  Chartres ,  &  pour  la 
plus  grande  partie  ,  de  celui  de  Séez  ;  mais 
pour  la  juftice,  le  Perche  relevé  entière- 
ment du  parlement  de  Paris  :  fa  coutume 
a  été  rédigée  premièrement  en  1505  >  & 
(econdement  en   15^8, 

Les  lieux  principaux  du  Perche  font  Mor- 
tagne  ,  Bellime  ,  &  Nogent-le-Rotrou. 

C'efl  dans  le  Perche  y  je  ne  fais  où  ,  que 
naquit  vers  le  milieu  du  xvj  fiecle  Jacques 
de-Lorens  ,  poète  françois ,  riche  &  cu- 
rieux en  tableaux ,  mais  malheureux  en 
ménage,  n'ayant  jamais  pu  s'accorder  avec 
fà  femme.  Il  lui  fit  après  fa  mort  cette 
épitaphe  ; 

Ci  git  ma  femme  ;  o  quelle  ifi  bien  y 
Pour  fon  repos  &  pour  le  mien  ! 
{D.J.) 

Perche  (  col  de  la)  ,  (Geogr.  mod.) 
C'eft  l'un  des  paflages  de  France  en  Efpa- 
gne  par  les  montagnes.  On  entre  du  Rouf- 
fiUon  dans  l'Efpagne  par  le  col  de  la  Per- 
che. Louis  XIV y  fit  bâtir  une  fortereffe  qu'il 
appella  de  fon  nom  le  Mont-Louis. 

Perches  ,  f.  f  pi.  {Archit.)  Ce  font 
dans  l'architedure  gothique  certains  piliers 
ron^s  ,  menus  &  tort  hauts  ,  qui  joints 
trois  ou  cinq  enfemble  ,  portent  de  fond 
&  fe  courbent  par  le  haut  pour  former  des 
arcs  &  nefs  d'ogives  qui  retiennent  les 
pendentifs.  Voye\  ces  mots.  Ces  perches 
font  imitées  de  celles  qui  iervoient  à  la 
confîruction  àts  premières  ternes  &  ca- 
banes.' 

Perche 


P  E  R. 

Perches  a  feu,  (  Artificier.  )  Voyei 
Lance  a  feu. 

Perche  ,  Porte-perches  ,  Passer 
a  la  perche  5  terme  de  manufaclure  en 
laine  ,   V.  fart.  Laine  ,  &  tart.fuivant. 

Perche,  {Lainage.)  C'eft  un  certain 
morceau  de  bois  de  la  groffeur  du  bras  , 
long  d'environ  quinze  pies  ,  pendu  en  l'air 
par  les  deux  bouts ,  fur  lequel  les  em- 
plaigneurs  ou  laineurs  étendent  l'étoffe  pour 
la  lainer  ou  tirer  à  poil.  On  dit  tirer  un 
drap  à  la  perche  ,  pour  dire  ,  le  lainer  ,  en 
tirer  le  poil  avec  les  chardons  fur  l^perche. 

Perche  de  Uffes  ,  (  HauteliJ/erie.  ) 
long-morceau  de  bois  rond  fait  au  tour , 
de  trois  pouces  de  diamètre  ,  &  de  toute 
la  longueur  du  métier.  Cette  perche  pofe 
àes  deux  bouts  fur  \qs  fiches  &  crochets 
de  fer  qu'on  nomme  des  kardilliers  ;  elle 
fert  à  ouvrir  &  croifer  la  chaîne  de  l'ou- 
vrage par  le  moyen  des  liffes  qui  y  font 
enfilées. 

Perche  ,  (  Jardinage.  )  eft  un  long 
bâton  qui  fert  à  fbuteuir  les  arbres  de 
haute  tige  ,  à  faire  des  treillages  ,  des 
haies  ,  des  paillaffons.  On  le  fèrt  dans  le 
nivellement  &  dans  les  grands  alignemens , 
de  perches  armées  de  cartons  blancs  coupés 
à  l'équerre. 

Perche  ,  f.  f.  (  Commerce  de  bois.  ) 
morceau  ou  pièce  de  bois  long  ,  en  forme 
de  groffe  gaule ,  ayant  un  bout  beaucoup 
plus  menu  que  l'autre.  Les  perches  font 
ordinairement  de  bois  de  châtaignier  ,  ou 
de  bois  d'aulne.  Elles  fervent  à  faire  des 
efpaliers ,  âes  treilles  &  des  perchis  ou 
clôtures  de  jardins.  On  les  vend  à  la  botte  , 
chaque  botte  compofée  d'un  certain  nom- 
bre ,  fuivant  qu'elles  font  plus  ou  moins 
grofles. 

Perches  d'à  val  ans  ,  font  parmi  les 
marchands  de  bois  ,  des  perches  qui  lèrvent 
à  conduire  les  trains.  Il  en  faut  fix  pour 
un  train  ,  quatre  de  14  à  15  pies  ,  &  deux 
de  17  à  18  ,  toutes  d'environ  10  pouces 
de  circijit.  On  fait  une  coche  à  une  de 
leurs  extrémités  pour  s'en  fèrvir  avec  plus 
de  facilité  ,  &  l'autre  bout  s'aiguife  &:  fe 
garnit  d'un  fer  qui  a  deux  cornes  recour- 
bées en  dehors. 

Perche  ,  (  Teinturier.  )  Ce  mot  fe  dit 
de  certains  longs  bâtons  placés  en  i'air  pour 
Tomt  XXK, 


P  E  R  î8i' 

y  poler  les  choies  que  l'on  veut  faire  fécher. 
Les  teinturiers  ont  ô.es  perches  à  leurs  fe- 
nêtres pour  y  faire  fécher  les  étoffes  ,  les 
foies  ,  les  laines  &:  les  fils  qu'ils  ont  teints. 
Les  blanchiffeurs  d'étoffes  en  ont  aufll  pour 
étendre  leurs  draps  &  leurs  ferges ,  après 
\qs  avoir  blanchis.  Les  ftatuts  des  uns  & 
des  autres  règlent  la  hauteur  à  laquelle 
leurs  perchés  doivent  être  placées  loriqu'elles 
font  fur  la  rue. 

Perche  ,  (  Injlrument  de  tourneur.  ) 
L'arc  ou  la  perche  eft  au  tourneur  ce  qu'eft 
la  plume  à  un  écrivain  ,  c'eft-à-dire  ,  fi 
néceffaire  ,  qu'il  eft  impoffible  de  s'en 
paffer.  On  peut  fè  fervir  de  l'un  ou  de 
l'autre  en  les  attachant  pardeffus  le  tour. 
La  perche  doit  être  à-pen-près  perpendi- 
culaire au  milieu  des  jumelles  ,  &  l'extré- 
mité du  côté  du  tourneur  doit  avancer 
tant  fbit-peu  au  delà  des  mêmes  jumelles. 
On  fait  ordinairement  ces  perches  de  bois 
de  frêne  ,  de  fau  ,  d'if ,  d'érable  ,  &  par- 
ticulièrement de  buis ,  qui  eft  toujours  le 
meilleur  ,  fur- tout  fî  on  en  trouve  fans 
nœud.  La  perche  doit  donc  être  une  pièce 
de  bois  de  plante  droite  ,  de  la  longueur 
de  7  à  8  pies  ,  de  l'épaiffeur  du  bras  en 
fou  gros  bout ,  allant  en  diminution  juf^ 
qu'à  l'autre  ,  &  un  peu  planée  pardeffous 
à  la  manière  d'un  cerceau.  On  la  perce 
par  fon  gros  bout  ,  &  on  l'arrête  avec 
une  fiche  de  fer  rond  à  une  pièce  de  bois 
attachée  au  plancher ,  de  manière  qu'elle 
puiffe  tourner.  Elle  doit  être  fupportée 
environ  vers  la  troifieme  partie  de  fa  lon- 
gueur fur  une  tringle  de  bois  un  peu  plus 
groffe  que  le  bras ,  longue  environ  de  deux 
pies,  &  arrêtée  horizontalement  à  deux 
nontans  de  bois  attachés  au  plancher.  P, 
Plumier  ,  élem.  du  tour  ^pag.  i  ,  thap.  ij, 
{D.J.) 

Perche  ,  f.  f.  {terme  de  chajfe.  )  Om. 
appelle  perches ,  les  deux  greffes  tiges  du  ! 
bois  ou  de  la  tête  du  cerf,  du  -daim  , 
du  chevreuil  ,  (i-c.  où  font  attachés  les 
andouillers.  Quand  le  cerf  entre  dans  fa 
féconde  année  ,  il  pouffe  les  deux  petites 
perches  ,  5c  dans  fa  troifieme  année  les 
perches  qu'il  pouffe  font  femées  d'an- 
douillers. 

$  PERCHÉ  ,  ÉE  ,  adj.  (terme  de  Blaf.) 
fe  dit  des  oifeaux  pofés  fur  les  branckes- 

Nn 


$ît  P  E  R 

(î'arbres  ,  fleurs  ,  bâtons ,  &c.  d'un  autre 
émail.  Porte  d'azur  à  l'épervicr  à  vol  étendu , 
lié  ,  perché  &  grilleté  d'argent. 

Âuriol  de  Lauraguel ,  diocefe  de  Nar- 
bjone  ,  d argent  au  figuier  de  fînople  ,  un 
oifeau  et  fable  perché  au  haut  de  t  arbre. 

DeRohïllo  de  Quenhuen,  en'Bretagne, 
de  gueules  a  une  fleur- de- lys  d'or  &  deux 
oifeaux  Sargent  affrontés  &  perchés  fur 
les  retours. 

De  Leaumont  de  Puigaillard  ,  en  Guien- 
Jie  ,  d'azur  au  faucon  d'argent  perché  de 
même. 

Jean  de  Leaumont ,  feigneur  de  Pui- 
gaillard ,  baron  de  Brou  ^  de  More  , 
capitaine  de  50  hommes  darmes ,  gou- 
verneur d'Angers  ,  ayant  un  jour  raflemblé 
environ  9000  hommes  pour  une  expédition 
fur  la  Rochelle  ,  le  capitaine  Lanoue  le 
prévint  &  l'attaqua  :  le  combat  fut  très- 
vif  de  part  &  d'autre.  Mon  cher  Puigail- 
lard 5  vous  êtes  bleffé  ,  lui  dit  un  de  fes 
coufins  \  mais  je  ne  fuis  pas  mort  ,  répon- 
clit-il  5  &  continua  de  combattre.  Il  ne 
fe  retira  que  lorfqu'il  vit  que  fes  efforts 
pour  rallier  &.  ra  limcr  fes  troupes  étoient 
abfolument  inutiles.  Le  même  Jean  de 
Leaumont  de  Puigailk'*d  fut  chevalier  des 
ordres  du  roi  à  la  troi/Isaie  proinotion 
laite  le  31  déce:nbre  1580  I!  y  a  aduel- 
lement  un  grand  prieur  de  Touloufè  de 
cette  maifon.  (G.  D.  L.  T.  ) 

PERCHÉE  DE  TERRE  ,  (  Jurifp.  ) 
eft  une  certaine  étendue  de  terre  qui  con- 
tient en  fuperfîcie  une  perche  en  quarré  , 
ou  fur  tout  fens.  La  perche  ou  mefure  eft 
communément  de  22  pies  de  long  ^  ce  qui 
fait  pour  la  perchée  484  pies  quarrés  de 
fuperfi:ie  :  dans  d'autres  endroits  ,  la  per- 
che ,  q  l'on  appelle  auffi  verge  ou  corde , 
n'a  qiie  18  Ou  20  pies.  {A) 

PERCHER  (se),  v.ti.{Chafe.)  Ilfe 
d;it  des  ci(èiux  qui  (è  pofent  fur  les  arbres. 
Il  y  a  des  oifeaux  qui  [e  perchent  ^  comme 
le  corbeau  ,  le  moineau  ,  la  corneille  ,  la 
grue  ,  &c.  &  il  y  en  a  qui  ne  fe  perchent 
^oint  ,  jcomme  la  perdrix  ,  la  caille  , 
l'alouette  ,   Çf-c. 

PERCHIS  ,  f.  m.  (  terme  de  Jardin.  )  Il 
fir^nifîe  quelquefois  une  clôture  faite  avec 
des  perches,  &  quelquefois  un  treillage  qui 
s^j^  pâs  £aii  av£C  às.%  échilas. 


P  E  R 

PERÇOIR  ,  f.  m.  (  outil  ^ouvriers.) 
inftrument  avec  lequel  on  perce.  Les  ou- 
vriers en  fer  difent  plus  ordinairement 
poinçon  ou  mandrin  ,  qite  perçoir  ou  per- 
çoire  ,  quand  ils  veulent  fignifier  Vinftru- 
ment  de  fer  pointu  &  acéré  avec  lequel 
ils  percent  le  fer  ou  à  chaud  ou  à  froid. 

Le  perçoir  du  tonnelier  eft  une  elpece 
de  foret  dont  il  fe  fert  pour  percer  les  pièces 
de  vin. 

Les  fèrruriers  ont  des  perçoirs  ou  per- 
çoires  pour  forer  les  clefs  j  &  les  armuriers 
en  ont  aufli  de  très -gros  pour  forer  les 
canons  àe^  armes  à  feu. 

PERÇOIRE  ,  f.  f.  (  outil  d'ouvriers.  ) 
ou  perçoir  ,  outil  dont  fe  fervent  les  ferru- 
riers ,  taillandiers  ,  maréchaux  &  autres 
ouvriers  qui  travaillent  les  m.étaux,  &  par- 
ticulièrement le  fer. 

La  perçoire  eft  un  morceau  de  fer  rond 
&  troué  ,  ou  une  efpece  de  groife  virole 
percée  à  jour  ,  fur  laquelle  on  appuie  une 
pièce  de  métal  pour  y  faire  un  trou  avec  le 
poinçon  ou  le  mandrin. 

Les  ferruriers  ont  des  perçoires  d'en- 
clume ,  &  d'autres  d'établi.  Il  y  en  a  des 
unes  &  des  autres  ,  de  rondes  ,  de  quar- 
rées ,  de  plates ,  de  barlongues ,  d'ovales ,  &c, 
(uivant  la  fi\::ure  du  trou  qu'on  veut  percer. 

PERCOTE  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  de 
la  Troade  ,  que  Srrabon  ,  livre  Xlll  , 
pag.  590 ,  place  entre  Abydos  &  Lamplà- 
que.  Ter  cote  fut  ,  félon  Plutarque,  une  àt% 
villes  qu'Artaxerxe  donna  à  Thémiftocle 
pour  l'entretien  de  iaz  meubles  &  de  iQ% 
habits.  {D.  J.) 

PERCOWÏTZ  ,  (Comm.)  Ceft  un 
poids  de  Ruffle  ,  fuivant  lequel  on  compte 
pour  le  chargement  des  vaiiîèaux.  Leper- 
cotviti  contient  30  pudes  ,  ou  325  livres 
d'Allemagne  qui  ibnt  de  14  onces. 

PERCUNUS  ,  (  Idoldirie.  )  Si  l'on  en 
croit  Hartfnock  ,  dijjirtat.  X  ,  de  cultu 
deorum  Prujf.  c'eft  le  nom  d'un  faux  dieu 
des  anciens  Pruiîiens.  Ces  peuples  ,  dit-il  , 
entretenoient  un  feu  perpétuel  à  l'honneur 
de  ce  dieu  ^  &  le  prêtre  qui  en  étoit  chargé, 
étoit  puni  de  mort ,  s'il  le  laifibit  éteindre 
par  fa  fa^ite.  Les  Pruiîiens  croyoient  que 
quand  il  tonnoir  ,  le  dieu  Percunus  parloit 
à  leur  grand-prêtre  ,  qu'ils  nommoient 
Juive,  Alors  ils  fè  prcilernoieat  par  tf^nei 


I>  E  R 

pour  adorer  cette  divinité  ,  &  la  prier  d'é- 
pargner leurs  campagnes.  Ce  qu'il  y  a  de 
vrai ,  c'eft  que  nous  n'avons  aucune  con- 
noiflànce  de  la  religion  des  Borniflîens, 
ou  anciens  Pruffiens  ,  fi  tant  eft  qu'ils 
eulTent  une  religion  ^  nous  ne  fomines  pas 
plus  éclairés  fur  leurs  mœurs  &  leurs  ufages. 
On  raconte  ,  comme  une  merveille ,  que  , 
fous  l'empire  de  Néron  ,  un  chevalier 
romain  eût  pafTé  de  Hongrie  dans  ce  pays- 
là  pour  y  acheter  de  l'ambre.  Ainfi  tout 
ce  que  Hartfnock  dit  de  ces  peuples  & 
de  leurs  dieux  ,  doit  être  mis  au  nombre 
des  fables  de  fon  imagination.  {D,  J,) 

PERCUSSION  ,  f.  f.  en  phyfiqui  ,  eft 
rimpreflîon  qu'un  corps  fait  lijr  un  autre 
qu'il  rencontre  &  qu'il  choque  j  ou  le  choc 
&  la  collifion  de  deux  corps  qui  fè  meu- 
vent ,  &  qui  en  fe  frappant  l'un  l'autre  , 
altèrent  mutuellement  leur  mouvement. 
V.  MouvEMExNT  ,  Communication  , 
Choc  ,  Collision  ,  «St. 

La  percujfion  eft  ou  direâe  ou  oblique. 

La  percujfion  direfte  eft  celle  où  l'im- 
pulfion  fe  fait  fuivant  une  ligne  perpen- 
diculaire à  l'endroit  du  contad  ,  &  qui 
de  plus  pafte  par  le  centre  de  gravité  com- 
mun des  deux  corps  qui  fe  choquent. 

Ainfi  ,  dans  les  fpheres  ,  la  percujfion 
eft  dirééîe  ,  quand  la  ligne  de  dirediion 
de  la  percujfion  paffe  par  le  centre  des 
deux  fpheres ,  parce  qu'alors  elle  eft  aufli 
perpendiculaire  à  l'endroit  du  contaéè. 

La  percujfion  oblique  eft  celle  où  l'im- 
pulfion  fe  fait  fuivant  une  ligne  oblique 
â  l'endroit  du  contaél  ,  ou  fuivant  une 
ligne  perpendiculaire  à  l'endroit  du  contaél , 
qui  ne  paife  point  par  le  centre  de  gravité 
Ae%  deux  corps.  Voyei^  Oblique. 

C'eft  une  grande  queftion  en  mathémati- 
que &  en  phyfique  ,  que  de  favoir  quel  eft 
le  rapport  de  la  force  de  la  pefânteur  à  celle 
de  la  percujfion.  Il  eft  certain  que  cette 
dernière  paroît  beaucoup  plus  grande  :  car, 
par  exemple  ,  un  clou  qu'on  fait  entrer 
dans,  une  table  avec  des  coups  de  marteau 
aifez  peu  forts ,  ne  peut  être  enfoncé  dans 
la  même  table  par  un  poids  immenfe  qu'on 
mettroit  deifus.  On  fèntira  aifément  la 
raifbn  de  cette  différence  ,  fi  on  fait  atten- 
tion à  la  nature  de  la  pefanteur.  Tout 
corps  qui  tombe  s'accélère  en  tombant , 


maïs  Ta  vîtelTe  au  commencement  de  fa 
chute  eft  infiniment  petite  ,  de  façon  que 
s'il  ne  tombe  pas  réellem.cjit ,  mais  qu'il 
fbit  foutenu  par  quelque  chofe  ,  l'effort 
de  la  pefanteur  ne  tend  qu'à  lui  donner  , 
au  premier  inftant ,  une  vîtelfe  infiniment 
petite.  Ainfi  un  poids  énorme  ,  appuyé 
fur  ww  clou  ,  ne  tend  à  def:endre  qu'avec 
une  vîteffe  infiniment  petite  ;  &  comme 
la  force  de  ce  corps  eft  le  produit  de  fa 
mafl~e  par  la  vîteftè  avec  laquelle  il  tend 
à  fè  m^ouvoir  ,  il  s'enfuit  qu'il  tend  à 
pouffer  le  clou  avec  une  force  très-petite. 
Au  contraire ,  un  marteau  a\'ec  lequel  011 
frappe  le  clou  ,  a  une  vîteflb  &  une  maffé 
fixées  ,  &:  par  conféquent  fa  force  eft  plus 
grande  que  celle  du  poids.  Si  on  ne  vouloit 
pas  admettre  que  la  vîteffe  aéluelle  avec 
laquelle  le  poids  tend  à  fe  mouvoir ,  eft 
infiniment  petite  ,  on  ne  pourroit  au  moins 
s'empêcher  de  convenir  qu'elle  eft  fort 
petite  ,  &  alors  l'explication  que  nous 
venons  de  donner  demeureroit  la  même. 
Voyc-{  fur  cette  queftion  tarticU  FoRCE 
accélératrice. 

On  agite  encore  une  autre  queftion  qui 
n'eft  pas  moins  importante.  On  demande 
fi  \ç.%  loix  de  la  percujfion  des  corps  ,  telles 
que  nous  les  oblèrvons  ,  font  àes  loix  né- 
ceffaircs ,  c'eft-à-dire  ,  s'il  n'eût  pas  pu  y 
en  avoir  d'autres  j  par  exemple  ,  s'il  eft 
néceffaire  qu'un  corps  qui  vient  en  frapper 
un  autre  de  même  maffe  ,  lui  com.munique 
du  mouvement ,  &  s'il  ne  pourroit  pas  iè 
faire  que  les  deux  corps  reftaffent  en 
repos  après  le  choc.  Nous  croyons  ,  & 
nous  avons  prouvé  aux  articles  DYNA- 
MIQUE ù  Mechanique  ,  que  cette 
queftion  fe  réduit  à  favoir  fi  les  loix  de 
l'équilibre  font  néceffaires  ;  car  dans  la 
percujfion  mutuelle  de  deux  corps  ,  de 
quelque  façon  qu'on  la  confidere ,  il  y  a 
toujours  des  mouvemens  qui  fe  détruifent 
mutuellement.  Or  ,  fi  les  mouvemens  ne 
peuvent  fè  détruire  que  quand  ils  ont  un 
certain  rapport ,  par  exemple  ,  quand  les 
maffes  font  en  raifbn  inverfe  des  vîteffes, 
il  n'y  aura  qu'une  loi  pofiible  d'équilibre , 
&  par  conféquent  qu'une  manière  de 
déterminer  ies  loix  de  la  percujfion.  Car 
fuppofbns  ,  par  exemple,  que. deux  corps 
M ,  m,  fe  viennent  choquer  diredemeat 
Nn  i 


iH4 


P  E  R 


®    de  plus,  il  faut  que  les 
a — u  iè  détruifent  mu- 


eu  lèas  contraires  avec  àQS  vîteflès  A  ^  a  ^ 
&  que  V  ^  V  j  foient  les  vîteflès  qu'ils 
doivent  avoir  après  le  choc  ,  il  efi  certain 
que  \&s  vîteflès  A  ^  a  ^  peuvent  être  re 
gardées  comme  compofées  des  vîteflès 
F"&  A—V,  &LU,  a  —  u.  Or,  i'^.  les 
vîteflès  V  y  u  y  qui  font  celles  que  les 
corps  gardent ,  doivent  être  telles  qu'elles 
ne  fè  nuifènt  point  l'une  à  l'autre  ^  donc 
elles  doivent  être  égales  &  en  même  fens  , 
donc  V=-u:  i 
vîteflics  A  —  f^ 
tuellement  ,  c'efl^*à-dire ,  que  la  mafl^e  M 
jnultipliée  par  la  vîtefl!e  A — K  doit  être 
égale  à  la  mafl^e  m  multipliée  par  la  vîtefle 
a  —  u  ,  ou  fl^-^/(  parce  que  la  vîtelFe 
—  u  qui  eft  égale  à  F^ ,  eft  en  ièns  con- 
traire de  la  vîteflè  a ,  &  qu'ainfi  a  —  u 
cft  réellement  a  -^  u)  ;  on  aura  donc  M  A 
.—  MF=^ma-{~m   ^;   donc  F  = 

—r: ;  dou  Ion  voit  que  ion  deter- 

mine  facilement  la  vîtefl'e  F ,  &  qu'elle 
ne  peut  avoir  que  cette  valeur.  Mais  s'il 
y  a  voit  une  autre  loi  d'équilibre  ,  on 
auroit  une  autre  équation  que  MA  — 
MF=:zma-\-mFj  &  par  conféqi»ent 
une  autre  valeur  de  F  :  ainfi  la  queflion 
dont  il  s'agit  fe  réduit  à  favoir  s'il  peut  y 
avoir  d'autres  loix  de  l'équilibre  que  celles 
qui  nous  font  connues  ,  par  le  raifbnne- 
ment  &  par  l'expérience  ^  c'eft-à-dire  , 
s'il  efl:  nécefTaire  que  les  maflès  foient 
précifément  en  raifon  inverfe  des  vîtelTes 
|)0ur  être  en  équilibre.  Cette  queftion  mé- 
îaphyfique  eft  fort  difficile  à  refondre  ; 
cependant  on  peut  au  moins  y  jeter  quel- 
que jour  par  la  réflexion  fuivante.  Il  eft 
certain  que  la  loi  d'équilibre ,  lorfque  les 
jnafTes  font  en  raifon  iiiverfe  des  vîteffes  , 
eft  une  loi  néceffaire  ,  c'eft-à-dire ,  qu'il 
y  a  ncceffairement  équilibre  lorfque  les 
niafTes  de  deux  corps  qui  fe  choquent  di- 
redement  ,  font  entr 'elles  dans  ce  rapport. 
Ainfi  ,  quelles  que  puiffent  être  les  loix 
générales  des  percujfions ,  il  eft  incontef- 
table  que  deux  corps  égaux  &.  parfaite- 
ment durs  ,  qui  fe  choquent  directement 
avec  des  vîteflès  égales,  refteront  en  repos  ^ 
&  fî  l'un  de  ces  corps  étoit  double  de 
l'autre  ,  &  qu'il  n'eût  qu'une  vîteflè  fous- 
doubk  ^  ils  refteroieut  ^ufii  uécefl^iremem 


PER 

'  CH  re{)OS  Vuti  &  l'autre.  Or  ,  fi  la  loi 
d'équilibre  dont  on  doit  fe  fervir  pour 
trouver  les  loix  du  choc ,  étoit  différente 
de  cette  première  loi  ,  il  paroîtroit  difïï- 
cile  de  réduire  à  un  principe  général  tout 
ce  qui  regarde  les  percuJJIons.  Suppofons, 
par  exemple  ,  que  la  loi  d'équilibre  que 
les  corps  obfervent  dans  le  choc  ,  foit  telle 
que  les  malfes  doivent  être  en  raifon  di- 
refte  des  vîtelfes ,  au  lieu  d'être  en  raifon 
réciproque  ,  on   trouveroit  dans  l'exemple 

précèdent  F  c=:  —.y—      ,   d  ou    1  on  voit 

que  fi  les  maffes  M  bi.  m  étoient  en  raifon 
inverfo  des  vîteflès  A  ^  a  ^  on  trouveroit 
que  les  corps  M  &(.  m  devroient  fe  mou- 
voir après  le  choc,  &  qu'ainfi  il  n'y  auroit 
point  d'équilibre  ,  quoiqu'il  foit  démontré 
qu'il  doit  y  avoir  équilibre  alors  j  ainfi  la 
formule  précédente  fèroit  fautive  ,  au  moins 
pour  ce  cas-là  j  &  par  conféquent  il  fan- 
droit  différentes  formules  pour  les  diffé- 
rentes hypothefes  de  percujfwn  :  cet  in- 
convénient  n'auroit   pas    lieu    en    fuivant 

r  iT^  M  A  —  ma 

notre  première  formule  F  =  — -; — • —  ; 

&  il  faut  avouer  qu'elle  paroît  en  cela 
beaucoup  plus  conforme  à  la  fimplicité  ÔC 
à  l'uniformité  de  la  nature.  Quoi  qu'il  en 
foit  ,  nous  nous  attacherons  à  cette  der- 
nière formule  ,  comme  étant  la  plus  con^ 
forme  à  l'expérience  ,  &  fuivie  aujourd'hui 
par  tous  les  philofophes  moderaes.  Foye:(^ , 
fur  la  nécefTité  ou  la  contingence  des  loix 
du  mouvement ,  la  préface  de  la  nouvelle 
édition  de  mon  traité  de  Dynamique  ,  1759. 

Defcartes  paroît  être  le  premier  qui  ait 
penfé  qu'il  y  avoit  àes  loix  de  percujfwn  , 
c'eft-à-dire  ,  dex  loix  fuivant  lefquelles  les 
corps  fe  communiquoient  du  mouveirlent  : 
mais  ce  grand  homme  n'a  pas  tiré  d'une 
idée  fi  belle  &  fi  féconde  ,  tout  le  parti 
qu'il  auroit  pu.  Il  fe  trompa  fur  la  plupart 
de  ces  loix  ,  &  les  plus  zélés  des  fe£tateurs 
qui  lui  reftent  ,  l'abandonnent  aujourd'hui 
fur  cç  point.  M«.  Huyghens  ,  Wiren ,  & 
Wallis  font  les  premiers  qui  les  aient  don- 
nées d'une  manière  exafte  ,  &  ils  ont  été 
fiiivis  ou  copiés  depuis  par  une  multitude 
d'auteurs. 

On  peut  diftinguer  au  moins  dans  !a 
f]}éçul.^tion  trois  fortes  de  corps ,  des  co.ps 


P  E  R 

parfaitement  durs  ^  des  corps  parfaitement 
mous  ,  &  des  corps  parfaitement  élaf- 
tiques. 

Dans  les  corps  fans  refTort ,  foit  par- 
faitement durs ,  foit  parfaitement  mous , 
il  eft  facile  de  déterminer  les  loix  de  la 
percujjîon  ^  mais  comme  les  corps ,  même 
les  plus  durs  ,  ont  une  certaine  élafticité  , 
&  que  les  loix  du  choc  des  corps  à  reffort 
font  différentes  des  loix  du  choc  des  corps 
fans  relfort ,  nous  allons  donner  féparément 
les  unes  &  \qs   autres. 

Nous  ne  devons  pas  cependant  négliger 
de  remarquer,  que  le  célèbre  M.  Jean 
Bernouilli ,  dans  fon  difcours  fur  les  loix 
de  la  communication  du  mouvement  ,  a 
prétendu  qu'il  étoit  abiurde  de  donner  les 
loix  du  choc  des  corps  parfaitement  durs  : 
la  raifon  qu'il  en  apporte  efè  ,  que  rien  ne 
iè  fait  par  faut  dans  la  nature  ,  natura  non 
operatur  per  faltum  ,  tous  les  chajigemens 
qui  arrivent  s'y  font  par  des  degrés  infen- 
fibles  ;  ainfi  ,  dit  il ,  un  corps  qui  perd 
ion  m.ou l'émeut  ne  le  perd  que  peu-à-peu 
&  par  des  degrés  infiniment  petits  ,  & 
il  ne  fauroit  ,  en  un  inftant  &  fans  gra- 
dation ,  paiTer  d'un  certain  degré  de  vîteife 
ou  de  mouvement ,  à  un  autre  degré  qui 
en  diffère  confidérablement  :  c'eft  cepen- 
dant ce  qui  devroit  arriver  dans  le  choc 
des  corps  parfaitement  durs  ^  donc ,  conclut 
cet  auteur ,  il  eft  abfurde  d'en  vouloir 
donner  les  loix ,  &  il  n'y  a  point  dans  la 
nature  de  corps  de  cette  efpcce. 

On  peut  répondre  à  cette  obje£lion  , 
I®.  qu'il  n'y  a  point  à  la  vérité  de  corps 
parfaitement  durs  dans  la  nature,  mais  qu'il 
y  en  a  d'extrêmement  durs ,  &  que  le 
changement  qui  arrive  dans  le  mouvement 
de  ces  corps ,  quoiqu'il  puifîé  fe  faire  par 
des  degrés  infenfîbles ,  iè  fait  cependant 
en  un  temps  li  court ,  qu'on  peut  regarder 
ce  temps  comme  nul  j  de  Ibrte  que  les 
loix  du  choc  des  corps  parfaitement  durs 
font  presque  exaâiemenî  applicables  à  ces 
corps  ^  1°.  qu'il  eft  toujours  utile  dans  la 
ipéculation  de  coniidérer  ce  qui  doit  arriver 
dans  le  choc  des  corps  parfaitement  durs , 
pour  s'aflurer  de  la  différence  qu'il  y  auroit 
entre  les  chocs  mutuels  de  ces  corps  & 
ceux  des  corps  que  nous  connoilfons  ^ 
3*^.  que  le  principe  d'où  part  M.  Berjiouiili, 


que  la  nature  n  opère  jamais  par  faut  , 
n'eft  peut-être  pas  aufiî  général  &  auffî 
peu  fufceptible  d'exception  qu'il  le  prétend. 
Les  loix  du  cîioc  peuvent  en  fournir  un 
exemple.  Imaginons  deux  boules  parfaite- 
ment égales  &;  élaftiques,  qui  viennent  iè 
choquer  avec  des  vîteftès  égales  en  fens 
contraires,  il  eft  certain  qu'à  l'inftant  du 
choc  le  point  de  contaft  commun  perd 
tout  d'un  coup  toute  fa  vîtelfe  j  &  comme 
on  ne  peut  pas  fuppofer  la  matière  aâuel- 
ment  divifce  à  l'infini ,  il  eft  impoflible 
que  ce  point  perde  toute  fa  vîtelîè  ,  fans 
qu'une  petite  partie  qui  lui  ièra  voifine 
dans  chaque  fphere  ,  ne  perde  aufli  la 
fienne  :  voilà  donc  deux  corps  qui  perdent 
tout  d'un  coup  leur  mouvement ,  fans  que 
cette  perte  fe  faife  par  des  degrés  infen- 
fibîes. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  nous  allons  expofcr 
les  loix  du  choc  des  corps  durs ,  &  celles 
des  corps  mous  ,  telles  que  l'expérience 
&  le  raifonnement  les  confirment.  Ces 
loix  font  les  mêmes  ,  quant  au  réfultat; 
mais  la  manière  dont  iè  fait  la  commu- 
nication du  mouvement  entre  les  corps 
durs  &  entre  les  corps  mous  ,  eft  diffé- 
rente. Ceux  -  ci  changent  de  figure  par 
le  choc ,  &  ne  la  reprennent  plus  ,  de 
façon  que  leur  mouvement  change  auffî 
par  degrés.  Les  corps  durs  au  contraire  ne 
changent  point  de  figure  ,  &  fe  commu- 
niquent leur  mouvement  dans  un  inftant. 

Pour  trouver  le  mouvement  que  doivent 
avoir  après  le  choc  deux  malles  qui  fè 
frappent,  en  fens  contraire,  avec  des 
vitellès  connues,  ou  iè  fervira  de  la  for- 
mule ci-deifus.   V  =  —rr~——* 

M  +  m 

Si  l'une  des  maflès ,  comme  m  ,  étoit 
en  repos  ,   alors  la  vîteflè  a  feroit  égale  à 

zéro  ,  od  Ion  auroit  K=  ~^f, .»  pour  la 

vîteffè  commune  des  deux  maflès  après 
le  choc . 

Enfin  fi  cette  maffè  m  ,  au  lieu  de  iè 
mouvoir  dans  une  direâiion  oppofée  à 
celle  de  la  maffè  ilf,  iè  mouvoit  dans  le 
même  fens  avec  une  vîteflè  a  (  qui  fût 
moindre  que  la  vîtefl!è  A ,  afin  que  la 
malfe  M  pût  l'attraper  )  ,  en  ce  cas  il 
i  faudroit  changer  le    figne  du  tcimQ  où 


lU  PEU., 

a  fe   trouve   dans  la  formule    ci-defrus , 

&  on  aura  V  =  -^J-^  peur  la  vîteffe 

que  doivent  avoir  après  le  choc  deux 
malles  M  ,  qui  alloient  du  même  côte 
avant  le  choc.  La  vîtefle  après  le  choc 
étant  connue  ,  il  fera  aifé  de  trouver  la 
quantité  du  mouvement  de  chacun  des 
corps  après  le  choc ,  car  ces  quantités 
de  m.ouvement  feront  M  F  Si.  m  y ,    ou 

m  MA'-i-  Mma  «  mMA  :+mma  .  par  COnfé- 
"       M  +   m  Af  +  w         '       .    '  j 

quent  ,  retranchant  ces  quantités  de 
mouvement  des  quantités  de  mouvemaCnt 
que  les  corps  avoient  avant  le  Cxioc , 
on  aura  ce  qu'ils  ont  perdu  ou  gagné  de 
quantité  de  mouvement  ;  perdu  ,  fi  la  dif- 
férence eft  pofitive  ,  &  gagné ,  fi  elle  eft 
négative  j  on   aura  ainfi  MA  —  M  V= 

M  -h  m 

m  M  a-  mMA  .  ^^     ^^  ^gg  différentes  for- 

Af    -l-   OT  '  " 

mules  on  tirera  aifément  les  Ioîk  fuivantes  , 
que  nous  nous  contenterons  d'expofer. 

Loix  de  la  percuflion  dans  les  corps  fans 
rejfort.  i°.  Si  un  corps  en  mouvement, 
comme  A  ,  Vlanc.  méch.  fig.A^  ,  choque 
direâ:eraent  un  autre  corps  en  3 ,  le  pre- 
mier perdra  une  quantité  de  mouvement 
précifément  égale  à  celle  qu'il  communi- 
quera au  fécond^  de  forte  que  les  deux 
corps  iront  enfemble  après  le  choc ,  avec 
une  égaie  vîteiîe  ,  comme  s'ils  ne  faifoient 
qu'une  feule  maffe.  Si  A  eft  triple  de  B , 
il  perdra  un  quart  de  fon  mouvement  :  de 
forte  que  s'il  parcouroit  avant  le  choc  24 
pies  en  une  minute  ,  il  ne  parcourra  plus 
après  le  choc  que  18  pies ,    &c. 

2°.  Si  un  corps  en  mouvement  A  en 
rencontre  un  autre  B  ,  qui  foit  lui-même 
déjà  en  mouvement  ;  le  premier  augmen- 
tera la  vîteffe  du  fécond  ^  mais  il  perdra 
moins  de  fon  mouvement  que  fi  le  fécond 
corps  étoit  en  repos  j  puifque  pour  faire 
aller  les  deux  corps  enfemble  ,  après  Je 
choc  ,  comme  cela  eft  néceffaire  ,  le  corps 
A  a  moins  de  vîteffe  à  donner  au  fécond 
corps ,  que  quand  ce  fécond  corps  étoit 
en  repos. 

Suppofons,   par  exemple,  que  le  corps 


P  E  R 

A  ait  douze  degrés  de  mouvement ,  & 
qu'il  vienne  à  choquer  un  autre  corps  B , 
moindre  de  la  moitié ,  &  en  repos ,  le 
corps  A  donnera  au  corps  B  quatre  degrés 
de  mouvement  &  en  retiendra  huit  pour 
lui  :  mais  fi  le  corps  choqué  B  a  déjà  trois 
degrés  de  mouvement  lorfque  le  corps  A 
le  choque,  Je  corps  A  ne  lui  donnera 
que  deux  degrés  de  mouvement  ^  car  A 
étant  double  de  B  ,  celui-ci  n'a  befbin  que 
de  la  moitié  du  mouvement  de  A  pour 
aller  avec  une  vîteffe  égale  à  celle  dé  A, 

3°.  Si  un  corps  A  en  mouvement , 
choque  un  autre  corps  B  qui  foit  en  repos  , 
ou  qui  fe  meuve  plus  lentement  ,  foit 
dans  la  même  direâion  ,  foit  dans  une 
direôion  contraire ,  la  fbmme  des  quantités 
de  mouvement ,  (  c'eft-à-dire  ,  des  produits 
des  maffes  par  les  vîteffes  )  fi  les  corps  fe 
meuvent  du  même  côté  ,  ou  leur  diffé- 
rence s'ils  fe  meuvent  en  fens  contraires, 
fera  la  même  avant  &  après  le  choc. 

4°.  Si  deux  corps  égaux  ^  &  5  viennent 
fe  choquer  l'un  l'autre,  fijivant  des  direc- 
tions contraires  ,  avec  des  vîteffes  égales  , 
ils  refteront  tous  deux  en  repos  après  le 
choc. 

PJufieurs  philolbphes  ,  &  entr'autres 
Defca'rtes  ,  ont  foutenu  le  contraire  de 
cette  loi ,  &  ont  prétendu  que  deux  corps 
égaux  &  durs  venant  fe  choquer  arec  des 
vîteffes  égales  &  contraires ,  dévoient  refter 
en  repo?.  Leur  principale  raifon  eft ,  qui! 
ne  doit  point  y  avoir  de  mouvement  perdu 
dans  la  nature.  Mais  ,  en  premier  lieu ,  il 
eft  queftion  ici  de  corps  parfaitement  durs  , 
tels  qu'il  ne  s'en  trouve  point  dans  l'univers  ; 
&  par  conséquent ,  quand  la  prétendue  loi 
de  la  confervation  auroit  lieu  ,  elle  pour- 
roit  n'être  pas  applicable  ici.  2°.  Le  choc 
des  corps  élaftiques  dont  les  loix  font  con- 
firmées par  Jl'expérience  ,  nous  fait  voir  que 
la  quantité  de  mouvement  n'eft  pas  toujours 
la  mêmiC  avant  &  après  le  choc  ,  mais 
qu'elle  eft  quelquefois  plus  grande  &  quel- 
quefois moindre  après  le  choc  qu'avant  le 
choc.  3°.  On  peut  démontrer  directement  la 
fauffeté  de  l'opinion  cartéfienne  de  la  ma- 
nière iiiivante.  Toutes  les  fois  qu'un  corps 
change  fon  mouvemicnt  eu  un  autre  ,  le 
mouvement  primitif  peut  être  regardé 
\  comme  compofé  du  nouveau  mouvement 


P  E  R 

«ju'il  prend  ,  &  d'un  antre  qui  eft  détruit. 
Suppofoiis  donc  que  les  corps  M  ,  M  ^ 
égaux  ,  qui  viennent  en  fens  contraire  fe 
choquer  avec  les  vîtefles  A  ,  A  ^  rejaillif- 
fent  après  le  choc  avec  ces  mêmes  vî- 
tefi'es  A ,  A  ,  cvi  fens  contraire  ,  comme 
le  veulent  ks  Cartéfiens ,  c  eft-à-dire  , 
avec  les  vîteiîès  —  A  ,  —  A  y  il  efl  certain 
que  la  vîtefle  A  de  ïun  des  corps  avant 
le  choc  ,  eft  compofée  de  la  vîtelîë  —  A  , 
&  de  la  vîtelTe  i  A ,  &(.  qu'ainfi  c'eft  la  vî- 
tefle 2  A  qui  doit  être  détruite  j  c'eft-à- 
dire  ,  que  les  corps  M ,  M  ,  animés  en  fens 
contraire  des  vîtefles  i  A  ,  i  A  ,  fe  font 
équilibre.  Or ,  cela  pofé  ,  ils  doivent  fe 
faire  équilibre  aufli  étant  animés  des  vî- 
tefl"es  Amples  A  ,  A  en  fens  contraire  j  car 
il  n'y  a  point  de  raifon  dv  difparité  :  donc 
les  deux  corps  dont  il  s'agit  doivent  rcfter 
en  repos  après  le  choc. 

5°  Si  un  corps  A  choque  directement 
un  autre  corps  B  en  repos  ,  fa  vîteife 
après  le  choc  fera  à  fà  vîtefle  avant  le 
choc  ,  comme  la  mafl"e  de  A  cii  à  la  fomme 
des  malfcs  A  hL  B  -^  par  conféquent  (i  les 
lîiaflbs  A  B  font  égales  ,  la  \'îtelié  après  le 
choc  fera  la  moitié  de  la  vîteife  avant  le 
choc* 

6°.  Si  un  corps  eu  mouvement  A^  cho- 


corps    qji  fe 
&  dans  la 


que   directement    un   autre 

ineuve   avec   moins  de  vîteife  , 

mêine  direâioii,   la  vîteflfe  après  le  choc 

fera  égale  à   la  fomme  des  quantités   de 

înouvement    divifée    par'    la   Ibmme  des 

inaifes. 

7°.  Si  deux  corps  égaux ,  mus  avec  des 
TÎtefles  diiféreiites  ,  fe  choquent  directe- 
ment l'un  &:  l'autre  en  feus  contraire  ,  ils 
iront  tous  deux  enfembie  après  le  choc  , 
avec  une  vîteflê  commune  ,  égale  à  la 
moitié  de  la  diflTérence  de  leurs  vîtefles 
avant  le  choc. 

8®.  Si  deux  corps  A  bc  B  ù  choquent 
-direât^inent  en  fens  contraire  avej  des 
vîtefles  qui  foient  en  raifon  inverfe  de 
leurs  malfes  ,  ils  demeureront  tous  deux 
en  repos  après  le  choc. 

9°.  Si  deux  corps  A  &c  B  ie  choquent 
directement  en  feus  contraire  avec  des 
vîteifes  égales  ,  ils  iront  enfembie  après 
le  choc  avec  une  vîteife  commune  ,  q  ji 
(èra  à  la  vîteife  de  cliacuu  des  corps  avant 


P  E  R  287 

le  choc ,  coinme  la  différence  des  maffes 
efl  à  leur  fomme. 

ic°.  La  force  du  choc  direCt  ou  per- 
pendiculaire ,  eft  à  celle  du  choc  oblique  , 
toutes  chofès  d'ailleurs  égales  ,  comme  le 
finus  total  eft  au  finus  de  l'obliquité,  f^oy. 
Décomposition. 

Loix  de  la  percuffion  pour  les  corps 
élajiigues.  11°.  Dans  les  corps  à  relfort 
parlait ,  la  force  de  l'éiafticité  eft  égale*  à 
la  force  avec  laquelle  ces  corps  font  com- 
primés j  c'eit-à-  dire  ,  que  la  collifion  des 
deux  corps  l'un  contre  l'autre  ,  eft  équiva- 
lente à  la  quantité  de  mouvement  que  l'un 
ou  l'autre  des  deu^a  acquerroit  eu  perdroit , 
fi  les  corps  étoient  parfintement  durs  & 
fans  reflbrt.  Or  ,  comme  la  force  dxi  ref- 
fort  s'exerce  en  ieï,s  contraire  ,  ï\  faut  re- 
trancher le  mouvement  qu'elle  produit  du 
mouvement  du  corps  choquant,  &  l'ajouter  à 
celui  du  corps  choqué  j  on  aura  de  cette 
manière  les  vîtefles  après  la  percufllon.  Voye^^ 
Elasticité. 

11^.  Si  un  corps  vient  frapper  direc- 
tement un  obftacle  imimobile  ,  le  corps  & 
lobftacle  étant  tous  deux  clafliques  ,  ou 
l'un  des  deux^  feulement ,  le  corps  fera 
réfléchi  dans  la  même  ligne  fuivant  la- 
quelle il  étoit  venu  ,  &  avec  la  même 
vîteffe.  Car  s'il  n'y  avoit  de  reflbrt  ni 
dans  le  corps  ,  ni  dans  1  obftacle  ,  toute  la 
force  du  choc  feroit  employée  à  iîjrmor.ter 
la  réflftance  de  l'obftacle  j  &  par  confé- 
quent,  le  mouvement  feroit  catiérem.ent 
perùu  :  or ,  cette  force  du  choc  efl  em> 
ployéc  ici  à  bander  le  reflbrt  d'un  des 
corps  ,  ou  de  tous  les  deux  ;  de  forte 
qi'e  quand  le  r^;flbrt  eft  entièrement  bcindé , 
il  fe  débande  avec  cette  mxme  force,  Se 
par  conféquent  repouife  le  corps  choquant 
avec  une  force  égale  à  celle  qu'il  avoit ,  & 
fait  retourner  ce  corps  en  arrière  avec  la 
vîteif.^  qj'il  avoit  ava^it  le  choc.  De  plus  , 
le  refljrt  fe  débande  dans  la  même  ligne 
iiiivant  laquelle  il  a  été  bandé,  pui:qu'on 
fuppofe  ({ue  le  choc  eft  direCt  ^  d'où  il 
s'enfuit  q;i'il  doit  repoufîèr  le  corps  cho- 
quant dans  la  même  ligne  droite  fuivant  la- 
quelle ce  corps  eft  venu. 

11^,  Si  un  corps  élaftique  vient  frapper 
obliquement  un  obftacle  immobih  ,  il  fe 
rtjflcchira  de  manière    que  l'au^lc  ds  ré- 


288  P  E  R 

flexion  fera  égal  à  l'angle  d'incidence.  Fbye{ 
-Réflexion  &  Miroir. 

14^*.  Si  un  corps  élaft  '.'-c  A  ,  choque 
direci^ement  un  autre  corps  B  en  repos ,  qui 
lui  foit  égal  ^  après  le  choc  ,  A  demeurera 
en  repos  ,  &  i?  ira  en  avant  avec  la  même 
vîtefTe  &  fuivant  la  même  direction  que  le 
corps  A  avoit  avant  le  choc. 

Car  fi  les  corps  n'étoient  point  élafliques, 
chacun  auroit  après  le  choc  la  même  direc- 
tion ,  &  une  vîîeiTe  commune,  égale  à  la 
moitié  de  la  vîtellè  du  corps  A  \  mais  comme 
le  refîbrt  agit  en  fens  contraire ,  avec  une 
force  égale  à  celle  de  la  compreiïion ,  il 
doit  repoufler  A  avec  la  moitié  de  la 
vîteffe ,  &  par  conféquent  arrêter  fon 
mouvement  ^  au  contraire  ,  il  doit  poullër 
en  avant  avec  cette  même  moitié  de  vî- 
teffe le  corps  B  ,  dont  '  la  vîtelîe  totale 
fera  par  conféquent  égale  à  celle  du  corps 
A  avant  Je  choc. 

Donc  puifque  A  ^  {PL  Méch,  fig.  41 ,  ) 
transfère  toute  fa  force  à  J? ,  -B  la  trans- 
férera de  mêine  kC,CkD,ècDàE. 
Donc  ,  fi  on  a  plufieurs  corps  élaftiques  , 
égaux  qui  fe  touchent  l'un  l'autre  ,  & 
que  A  vienne  choquer  3  ,  tous  les  corps 
intermédiaires  refteront  en  repos  ,  &:  le 
dernier  feul  E  s'en  ira  avec  une  vîteffe 
égale  à  celle  avec  laquelle  le  corps  A  a 
choqué  B. 

1 5°.  Si  deux  corps  élaftiques  égaux  A  , 
B  ,  fè  choquent  directement  en  fens  con- 
traire avec  des  vîteffes  égales ,  ilsfe  réflé- 
chiront après  le  choc  ,  chacun  avec  la  vî- 
teffe qu'il  avoit ,  &  dans  la  même  ligne. 
Car  ,  mettant  à  part  le  reffort ,  il  eft  cer- 
tain que  ces  deux  corps  refteroient  en 
repos  :  or  ,  toute  la  force  du  choc  eft 
employée  à  la  compreffion  du  reffort ,  & 
le  refîbrt  fe  débande  en  fens  contraire  , 
avec  la  même  force  par  laquelle  il  a  été 
bandé  '■,  donc  il  doit  rendre  à  chacun  de 
ces  corps  leurs  vîteffes  ,  puifqu'il  agit  éga- 
lement iur  chacune. 

16^.  Si  deux  corps  à  reffort  égaux  ^  & 
B  fè  choquent  direéiement  en  fèns  contraire 
avec  des  vîteffes  inégales  ,  après  le  choc  ils 
fe  réfléchiront  en  faifant  échange  de  leurs 
vîteffes. 

Car  fuppofons  que  les  corps  fè  choquent 
avec  les  vîteffes   Ç  -\~  c   ^,C  ;    siils  fe 


P  E  R 

choqiioient  avec  la  même  vîteffe  C  ,  ils 
devroient ,  après  le  choc  ,  fe  réfléchir  avec 
cette  même  vîteffe.  Si  B  étoit  en  repos  , 
&  que  A  le  choquât  avec  la  vîteffe  c ,  3 
prendroit  la  vîteffe  c  après  le  choc  ,  &  A 
demenreroit  en  repos».  Donc  l'excès  c  de 
la  vîteffe  de  A  fur  celle  de  5 ,  eft  transféré 
entièrement  au  corps  B  ;  ainfi  A  fe  meut 
après  le  choc  avec  la  vîteffe  C  ,  &  5  avec 
la  vîteffe  C-i-  c. 

Donc  les  deux  corps  s'éloignent  l'un  de 
l'autre  après  le  choc  avec  une  vîteffe  égale 
à  celle  avec  laquelle  ils  s'approchoient 
avant  le  choc. 

17°.  Si  un  corps  élaftique  A  ,  choque 
un  autre  corps  B  qui  lui  foit  égal ,  &  qui  ait 
un  moindre  degré  de  mouvement  fuivant 
la  même  direôion ,  ces  deux  corps  iront 
après  le  choc  fuivant  la  même  direction , 
&  feront  échange  de  leurs  vîteffes. 

Car  fi  A  eft  fuppofé  choquer  avec  la 
vîteffe  C  +  c  ,  le  corps  B  qui  n'ait  que 
la  vîteffe  C  ;  il  eft  évident  que  des  vîteffes 
égales  C  5  &  C ,  il  ne  peut  réfulter  aucun 
choc  j  ainfi  tout  fe  paffe  de  la  même  ma- 
nière que  fi  le  corps  A  choquoit  le  corps 
B  en  repos ,  avec  la  feule  vîteffe  c.  Or  , 
dans  ce  cas  A  refteroit  en  repos  après  le 
choc ,  &  donneroit  à  5  la  vîteffe  entière 
c.  Donc  après  le  choc  B  aura  la  vîteffe 
C  -^  c,  ik  A  ne  gardera  que  la  vîteffe  C  ; 
&  chacun  de  ces  deux  corps  confervera  la 
même  direction. 

1 8°.  Si  un  corps  en  mouvement  A  choque 
un  autre  corps  B  aufii  en  mouvement ,  le 
choc  fera  le  même  que  fi  le  corps  A  ve- 
noit  choquer  le  corps  B  en  repos  ,  avec  la 
différence  des  vîteffes. 

Donc  ,  puifque  la  force  élaftique  efl 
égale  à  la  percujfwn  5  il  s'enfiiit  que  cette 
force  agit  fur  le  corps  A,  B  ,  avec  la  diffé- 
rence des  vîteffes  qu'ils  avoient  avant  de  fè  • 
rencontrer. 

19**.  Oh  propofè  de  déterminer  les  vîtef- 
fes que  doivent  avoir  après  le  choc  deux 
corps  élaftiqucs  quelconques  ,  qui  fè  ren- 
contrent &  fe  frappent  direftement  avec 
des  vîteffes  quelconques.  Si  un  corps  à 
reffort  A  ,  choque  un  autre  corps  à  reffort 
B  qui  foit  en  repos  ,  ou  qui  fe  meuve 
moins  vite  que  A  ,  voici  comment  on 
trouvera  la  vîteffe  de  l'un  des  corps  j  par 

exempel. 


V  E  K 

lexemple ,  de  A  après  la  percuflîon.  On 
fera ,  comme  la  fbmme  des  deux  mafîes 
eft  au  double  de  l'un  des  deux  corps 
qui  dans  ce  cas-ci  eft  B  ;  ainfi  la  dif- 
férence des  vîtelTes  avant  le  choc  «ft 
à  une  autre  vîtefTe  ,  qui  étant  fouftraite 
de  la  vîteflë  du  corps  A  avant  le  choc  , 
&  dans  d'autres  cas  lui  étant  ajoutée , 
donnera  la  vîteffe  qui  lui  rcfte  après  le 
choc. 

Pour  déterminer  cette  loi  générale   du 
choc  des  corps  élaftiques  ,  on  n'a  befbin 
que   du  principe    foivanl  •^    fi  deux   corps 
«laftiques  fè  viennent  choquer  diredlement 
avec  des  quantités  de  mouvement  égales , 
c'eft-à  dire  ,    av€c  àcs  vîtefTes   en   raifbn 
inverfè  de  leurs  maffes  ,  ils    retourneront 
après   le  choc  en  arrière  ,  chacun  avec  la 
TÎtelTe  qu'il  avoit  avant  le  choc.  En  efïèt , 
fi  les  corps  dont  il  s'agit  étoient  parfaite- 
ment durs  ,  nous  avons  vu  qu'ils  refteroient 
en  repos  ,    &  qu'ils   fe  feroient  équilibre , 
parce  que    leurs  mouvemens  feroient  dé- 
truits.  Or ,    l'efFet   du  reflbrt  parfait ,  tel 
qu'on   le    fuppofè   ici  ,    eft    de   rendre    à 
chaque   corps   en  fens  contraire    le  mou- 
vement   qu'il    a    perdu  ^    donc    \qs   deux 
•corps  rejailliront  avec  leurs  vîtefles  primi- 
tives. 

Or,  nous  avons  vu  que  dans  le  choc  de 
deux  corps  durs ,  il  y  a  toujours  deux  quan- 
tités de  mouvement  égales  &  contraires 
qui  iè  détruifent  j  c'eft  pourquoi  ces  quan- 
tités de  mouvement  doivent  être  rendues  à 
chacun  à^s  corps  en  fens  contraire  ,  pour 
avoir  leur  quantité  de  mouvement  après 
le  choc  ,  &  par  conféquent  leurs  vîtefles. 
Par  exemple  ,  dans  le  cas  où  les  deux  corps 
M  j  m ,  vont  du  même  côté  avant  le 
choc  avec  les  vîteftes  A  ^  a  ^  nous  avons 
vu  <jue  leur  vîtelfe  commune   V  après  le 

MA  _i    m  a 

choc  feroit  en  les  confidérant 


P  E  R.  2S9 

"'ft  la  quantité  de  mouvement  iJf  F,  c'eft- 
à- dire  ,  l'en  retranchant,  on  aura  pour 
la  quantité  de  mouvement  du  corps  M 
après  le  choc ,  en  le  fuppofant  à  reflbrt , 

MM  A mM/ljL.zMma 

;  &  ajoutant  cette 


même    quantité  de  mouvement    à   m  F", 
on  aura  pour  la  quantité  de  mouveinent  du 

iMA^JL-tK/na m  Ma 

corps  m  après  le  choc 


>    I   ntma 


M 


+  ' 


comme  àes  corps  durs  \  d'où  il  s'enfuit 
que  la  quantité  de  mouvement  que  le 
corps  A  a  perdue,  c'eft- à- dire,  MA  — 
MV^  &  qui  a  dû  être  détruite  dans  le 

m  MA — .m  Ma 

choc ,  eft 


M 


+ 


5    ajoutant    cette 


quantité  de  mouvement  en  ièns  contraire 
Tome  XXV, 


Par  le  moyen  de  ces  deux  formules ,  on 
déterminera  aifëment  la  loi  dont  il  s'agit , 
&  les  fuivautes. 

20°.  Si  un  corps  à  reflbrt  A  choque 
directement  un  autre  corps  en  repos  B , 
la  vîteflë  de  A  après  le  choc ,  fera  à 
fà  vîteflè  avant  le  choc ,  comme  la  dif- 
férence des  maflTes  eft  à  leur  fomme  j  & 
la  vîteflè  de  B  ^près  le  choc  -,  fera  à 
la  vîteflè  de  A  avant  le  choc  ,  comme  le 
double  de  la  mafTe  de  ^  eft  à  la  fomme 
des  «lafîes. 

Aiafi  la  vîtefTe  de  A  après  le  choc 
eft  à  la  vïteS^Q  de  B  ,  comme  la  dif- 
féreiKe  des  maflbs  eft  au  double  de  la 
maflè  A^ 

2ï®.  Si  deux  corps  à  i-eflbrt  A  Se  B  ^ 
Ce  choquent  direftcment  en  fèns  con- 
traire avec  des  vîtefTés  qui  foient  en 
raifbn  inverfe  de  leurs  maffes  ,  ils  re- 
jailliront après  le  choc ,  chacun  de  fon 
côté,  avec  la  même  vîtefTe  &  fuivant  la 
même  diredion  qu'ils  a\oieut  avant  le 
choc. 

22°.  Dans  le  choc  direft  des  corps ,  la 
vîteflb  refpeâive  demeure  toujorus  la  même 
avant  &  après  le  choc  ;  c'eft-à-dire  ,  que 
quand  les  corps  vont  tous  deux  du  même 
côté,  la  différence  des  vîtefTes  eft  la  même 
avant  &  après  le  choc  ,  &  que  quand  ils  fe 
choquent  en  fens  contraire  ,  la  difTérence 
ou  la  fomme  des  vîtolTes  après  le  choc  , 
eft  la  même  que  leur  fomme  avant  le 
choc  j  favoir  ,  la  difTérence  fi  les  corps  fè 
meuvent  dans  le  même  fens  après  le  choc  , 
&  la  fbmme  s'ils  s'éloignent  Tun  de  l'autre 
après  -le  choc  fuivant  des  diredions  cou* 
traires. 

Oo 


15)0  P   E   R 

Ainfi  les  deux  corps  s'é'oigrient  l'un  dé 
l'autre  après  le  choc  ,  avec  la  même  vîtelTe 
qu'ils  s  approchoient  l'un  de  l'autre  avant  le 
choc. 

23^.  Dans  le  choc  des  corps  à  r  effort ,  la 
quantité  de  mouvement  n'eft  pas  toujours  la 
même  avant  &  après  le  choc  j  mais  elle  aug-  . 
mente  quelquefois  parle  choc,  &  quelquefois 
elle  diminue. 

Ainfi  Defcartes  &  Ces  feâateurs  fe  trom- 
pent ,  lorfqu'ils  foutiennent  que  la  même 
ijuantité  de  mouvement  Xubfifte  toujours 
dans  l'univers. 

24°.  Si  deux  corps  à  reffort  A  Si  B 
fe  choquent  ,  la  fomme  des  produits 
des  maifes  par  les  quarrés  des  vîtelîès  , 
èft  toujours  la  même  avant  &  après  le 
choc. 

C'eft  le  célèbre  M.'  Huyghens  qui  a  le 
premier  découvert  cette  loi  j  &  ceux  qui 
foutiennent  que  les  forces  vives  des  corps  , 
c'eft-à-dire  ,  les  forces  des  corps  en  mou- 
vement ,  font  les  produits  des  malles  par 
ies  quarrés  de  leurs  vîteffes  ,  s'en  fervent 
pour  prouver  leur  opinion  j  car  ces  philo- 
fophes  font  voir  que  non  feulement  dans 
le  choc  des  corps  ,  mais  aufli  dans  toutes 
les  queftions  de  dynamique  ,  la  fbmme 
des  maffes  par  les  quarrés  des  vîteffes  fait 
toujours  une  quantité  confiante.  Or  , 
comme  il  eft  naturel  de  penfer,  félon  eux, 
que  la  force  des  corps  en  mouvement 
■demeure  toujours  la  même  ,  de  quelque 
manière  qu'ils  agifl'ent  les  uns  fur  les 
autres  ,.  ces  auteurs  en  concluent  que 
xette  force  eft  donc  le  produit  de  la 
malfe  par  le  quarré  de  la  vîteffe ,  &  non 
gar  la  vîkffe  fimple.  V^oyei  FORCES 
VIVES. 

15**.  Pour  déterminer  le  mouvement  de 
deux  corps  A  &  B,{Jig.  42  ,  )  qui  fè  cho- 
quent obliquement  ,  foit  que  ces  corps 
aient  du  reffort  ou  n'en  aient  point  -,  le 
mouvement  du  corps  A  fiiivant  A  C  ,  peut 
■fe  décompofer  en  deux  autres  ,  dans  les 
dirè6^;ions  AE  &l*A  D  ;  &  le  mouve- 
ment du  corps  B  fuivant  B  C,  peut  aufll 
fe  décompofer  en  deux  autres  fuivant  B  F 
HBG  ;  &cks  vîteffes  fuivant  AD  &cBF 
feront  aux  vîteflés  fjivant  A  C  &c  B  C  , 
comirfô  les  lignes  droites  AD,  B  F,  A  C  , 
&5C  ;  or  commî  les  droites  A  JE  èiBG 


P  E  R 

font  pafàlleles ,  les  forces  qui  agifi!èi]t  /ùî- 
vant  ces  direéHons  ne  font  oppoféesenrien  , 
&  par  conféquent  on  ne  doit  point  y  avoir 
égard  pour  déterminer  le  mouvement  que 
les  deux  corps  fe  communiquent  par  le 
choc  j  mais  comme  les  lignes  AD  èi.BFy 
ou  ce  qui  revient  au  même ,  E  C  &i.  G  C  y 
compofent  une  même  ligne  perpendicu- 
laire k  J)  C  y  il  s'enfuit  que  le  choc  eft 
le  même  que  fi  les  corps  A  di  B  ih  cho- 
iquoient  directement  avec  des  vîtefiès  qui 
fuiîënt  entr'elles  com-me  E  C  ^  GC.  Tout 
k  réduit  donc  à  trouver  la  vîtefle  de  A  êi. 
B ,  fuivant  les  règles  données  ci-deflus.. 
Suppofons  ,  par  exemple  ,  que  la  vîteiîe 
du  corps  A  ,  après  le  choc  dans  la  perpen- 
diculaire E  C  ,  foit  repréfentée  par  C  H  ; 
comme  le  mouvement  fuivant  A  E  n'eft 
point  changé  par  le  choc  ,  on  fera  CK=i 
A  E ,  &  on  achèvera  le  parallélogramme 
H  C  Kl;  la  diagonale  C  I  repréfentera 
le  mouvement  de  A  iaprès  le  choc  ^  car 
après  le  choc  ,  le  corps  fe  mouvra  fiii- 
vant  h.  direction  C I ,  èc  avec  une  vîtelïè 
qui  fera  comme  C I.  On  trouvera  de  la 
même  manière  ,  que  le  corps  B  fe  ré- 
fléchira fjivant  la  diagonale  du  parallélo- 
gramme C  M  ,  dans  lequel  L  M  =  BG  ^ 
en  fuppofant  que  la  vîteflè  B  F  (e  change 
après  le  choc  en  ÙL  ;  ainfi  les  vîteffes 
après  le  choc  ièront  entr'elles  comme  C  /  à 
CM. 

Centre  de  percujfwn  eft  le  point  dans  le™ 
quel  le  choc  ou  l'impulfion  d'un  corps  qui 
en  frappe  un  autre  ,  eft  la  plus  grande  qu'il 
eft  .poflible.  V.  Centre. 

Le  centre  de  pepcujjion  eft  le  même  que 
le  centre  d'ofcillaiion ,  lorfque  le  corps  cho- 
quant fè  meut  autour  d'un  axe  fixe.  V*  Os- 
cillation, 

Si  toutes  les  parties  du  corps  cho- 
quant fe  meuvent  d'un  mouvement  pa- 
rallèle &  avec  la  même  vîteffe  ,  le 
centre  de  percujfwn  eft  le  mêfve  que  le 
centre  de  gravité.  Voye^  Gravité  ^ 
Centre. 

Sur  les  loix  de  la  percujfwn  des  cOrps 
irréguliers  ,  élaftiques  ou  non  ,  voye[  mon 
traité  de  Dynamique. 

J'y     ai  -déterminé    ,   art.    lôç   de    la 

fecopclc   édition  ,   les    loix  de    cette  per- 

■  cuJJi(M  par  uiBS  méthode  fort  fiaipk.  Cette 


PEU 

Jiîcthocîe  fuppofe  en  général  que  le  tnoti- 
vement  d'un  corps  après  Je  choc  eft  toujours 
compofé  d'un  mouvement  du  centre  de 
gravité  en  ligne  droite  ,  &:  d'un  mouve- 
ment de  rotation  autour  de  ce  centre  , 
lequel  mouvement  çCt  =  o  dans  le  cas  de 
la  percution  direâ:e.  On  peut  voir  fur  cela 
un  plus  grand  détail  dans  l'article  cité  de 
mon  trai'é  de  Dynamique,   (0) 

PERDICCAS,  {WJf.  ancien.)  lieu- 
tenant d'Alexandre  ,  fut  alfocié  à  la  gloire 
de  fes  conquêtes^  Adroit  courtifan  &  brave 
guerrier  ,  ce  fut  par  fon  courage  &  fa 
dextérité  qu'il  s'infinua  dans  l'efprît  de 
fon  maître ,  qui  épancha  tous  fès  iècrets 
dans  fon  fein.  Le  héros  enlevé  par  une 
mort  prématurée  ,  ne  laiffa  point  d'enfans 
pour  lui  fuccéder  ^  fes  lieutenans  ,  com- 
pagnons de  ks  victoires ,  crurent  avoir 
des  droits  pour  réclamer  fon  héritage. 
Perdiccas  ,  auquel  il  avoit  remis  fon  an- 
neau royal  ,  s'en  faifbit  un  titre  pour  être 
fbn  fucceffeur  ^  &  fè  flattant  de  régner 
fous  le  titre  de  régent ,  il  fît  afTembJer  \gs 
chefs  de  l'armée ,  &  leur  repréfènta  que 
Roxane  étant  enceinte  ,  il  falloit  confier  la 
régence  à  quelqu'un  capable  d'en  fbutenir 
le  p^ids.  Néarque  éleva  la  voix  ,  &  dit  : 
«  W  n'y  a  que  le  fang  d'Alexandre  qui 
»  foit  digne  de  nous  donner  un  maître  : 
»  fongeons  qu'il  a  laifTé  un  fils  de  Barcine, 
»  c'efl  lui  qui  doit  être  fon  fucceffeur.  » 
Cet  avis  étoit  trop  contraire  aux  intérêts 
de  chaque  particulier  pour  être  fuivi  :  tous 
les  chefs  ,  frappant  de  leur  javelot  leur 
bouclier  ,  s'écrièrent  que  les  fils  de  Barcine 
&  de  Roxane  n'avoient  aucun  droit  de  com- 
mander à  des  Macédoniens  ,  que  c'étoient 
des  demi-efclaves  dont  le  nom  feroit  un 
opprobre  en  Europe.  Les  partifans  de 
Perdiccas  foutinrent  qu'il  avoit  été  défigné 
par  Alexandre  ,  &  il  alloit  être  proclamé 
roi ,  fi  Méléagre  ,  chef  de  la  phalairge 
macédonienne  ,  n'eût  excité  une  fedition 
pour  s'oppofer  à  fon  élévation.  On  étoit 
prêt  d'en  venir  aux  mains  ,  Icrfqu'un  par- 
ticulier obfcur  propofa  de  reconnoître 
Aridée  ,  frère  d'Alexandre  ,  &  comme 
lui ,  fils  de  Philippe.  Cette  propofition  fut 
reçue  avec  un  appîaudiflement  général. 
Olympias  craignant  que  c^  prince  ,  fruit 
d'ttn  amour  adultère,  ne  fût  im  obftacle 


P  E  R  25>r 

à  la  grandeur  future  de  fou  fils ,  lui  avoit 
fait  prendre  un  breuvage  qui  a\oit  altéré 
fa  raifbn  ,  &  ce  fut  fon  imbécilité  qui 
prépara  fon  élévation.  Tous  les  grands  fè 
flattant  de  régner  fous  fon  nom  ,  lui  don- 
nèrent leur  voix.  L'empire  fut  partagé 
entre  les  généraux  foik  le  titre  de  gcu- 
verneurs.  Perdiccas  chargé  de  la  tutele 
du  prince  majeur ,  fut  véritablement  roi  j, 
il  crut  ne  pouvoir  mieux  s'appîanir  le  che- 
min au  trône  qu'en  époufànt  Cléopatre  , 
fœur  d'Alexandre.  Fier  de  cette  alliance, 
il  ne  vit  plus  dans  les  autres  gouverneurs 
que  les  exécuteurs  de  £es  volontés  ;  mais 
ne  voulant  pas  vivre  dans  fa  dépendance , 
ils  fe  liguèrent  tous  contre  lui.  Il  ufa  de 
la  plus  grande  célérité  pour  difîiper  cet 
orage  :  il  marcha  contre  Ptolomée  ,  fe 
faifant  accompagner  d'Aridée  &  du  jeune 
prince  dont  Roxane  venoit  d'accoucher. 
Il  fe  fervit  de  ces  fantômes  peur  faire 
croire  qu'il  n'étoit  armé  que  pour  défendre 
dewyi  princes  trahis  par  des  gouverneurs 
am.bitieux.  Dès  qu'il  fe  fut  approché  de 
Pelufe  ,  il  fe  vit  abandonné  des  vieux 
ibldats  ,  qui  fervoient  à  regret  contre  Pto- 
lomée. Il  y  eut  plufieurs  efcarmouches  où 
le  roi  d'Egj'pte  eut  toujours  l'avantage  : 
les  Macédoniens  imputèrent  leurs  défaf» 
très  à  l'imprudence  de  leur  chef.  La  pha- 
lange ,  plus  irritée  ,  &  plus  indocile  , 
éclata  en  m.enaces  ;  cent  des  principaux 
ofîiciers  ,  qui  avoient  Python  à  leur  tête  , 
pafîerent  dans  le  camp  de  Ptolomée.  Après 
cette  défeôion ,  Perdiccas  ,  refté  fans  dé- 
fenfèurs  ,  fut  affafîîné  dans  fa  tente  par  iei 
propres  foldats.  (  T-n.) 

PERDICITES,  (  Hif.  nat.)  nom 
donné  par  quelques  naturaliftes  à  une 
pierre  de  la  couleur  des  plumes  d'unç 
perdrix. 

PERDICIUM,  (  Bât.)  genre  de  plante 
à  fleur  compofée  de  plufieurs  fleurons  her- 
maphrodites au  centre  ,  &  de  fleurons  fe- 
melles à  la  circonférence,  tous  portés  par 
un  placenta  ras  :  ces  fleurons  ont  leur 
pavillon,  découpé  comme  en  deux  lèvres, 
dont  la  plus  grande  eft  recoupée  en  trois 
lobes  ,  &  l'autre  eu  deux  \  les  femences 
qui  leur  fijccedent  font  couronnées  d'une 
aigrette  fimple.  Linn,  gen.  pi.  fyng.  pol,^ 
^fuperf  -      ' 

Oo  i 


ipi  P  E  R. 

Les  trois  cfpeces  que  M.  Linné  com- 
prend dans  ce  genre  ,  croiliènt  en  Afri- 
que ou  dans  les  pays  chauds  de  l'Ainé.- 
rique.  (  D.  ) 

PERDITION  ,  f.  f.  (  Critique  facrée.  ) 
Ce  mot  fignifie  dans  l'écriture ,.  i*^.  perte  , 
ruine.  Perditio  tua.  îfrad  5  Ofée. ,  xiij  j 
9  :  «  votre  ruine  fie  vient  que  de  vous  , 
Ifraël.  »  z°.  Le  tombeau  ,  le  fépulcre. 
t<  Quelqu'un  ,  dit  le  Pfalmifte  ,  Pfal. 
«  Ixxxvij  ,  12  ,  racontera- t-il  votre  vé- 
»  rite  dans  le  tombeau  ?  »  in  perdftione, 
{D.   J.) 

PERDOTTE,  £.. m,  [Idolâtrie.)  nom 
propre  d'un  faux  dieu  des  anciens  habitans 
de  PruiTe  :  c'étoit  leur  Neptune,  ou  leur 
dieu  de  la  mer  ^  d'où  vient  qu'il  étoit  honoré 
finguîiérement  par  les  mateJots  &  les 
pêcheurs.  Ils  lui.  ofïroient  des  poifToiis  en 
facrifice  \  enfuite  leurs  prêtres  tiroiejit  les 
aufpices  ,  examinant  les  vents-,.  &  leiu: 
prédifoient  le  jour  &  le  lieu  où  ils  pour- 
roient  faire  une  heureufe' pêche,  Hartfnock , 
Dijftn.  X  ^  de  cultu  deorum  FruJfiorum.y 
a  forgé  tous  ces  contes  ,  femblables  à 
ceux  qu'il  a  imaginés  fur  le  dieu  Perennus,. 

PERDRE  ,  V.  aa.  (  Gramm,  )  Q\Çl  Iç 
eorelatif  de  conferver  ;  il  marque  la  priva- 
tion d'une  chofe  précieufe  qu'on  pofledoit: 
perdre  la  vie  ,  la  faute  ,  l'innocence  \  perdre 
le  fa:ig  ,  perdre  une  bataille  ;,  perdre  fon 
père  ,  fa  mère  ^  ^  £&%  amis  \  perdre  fur 
nne  marchandife  5  perdre  fon  temps.  Il  a 
quelques  autres  acceptions  ,.  comme  dans 
ces  phrafès  :  il  èft  perdu  d'amour  3  c'eft 
lin  homme  que  je  perdrai  ;  je  le  perds 
de  vue  '-,  il  s'eft  perdu  dans  ces  forêts  j 
fai  perdu  la  confiance  que  j'avois  en  lui  j 
je  perds  le  £1  de  fon  difcours  ,.  les  idées  fè 
perdent  ,    &c. 

PERDREAUX,  f,  m.  pliin  { Arti/Ieric 
milii.  )  Les  perdreaux  font  plu  (leurs  gre- 
nades qui  partent  enfemble  d'un  même 
mortier  avec  une  bombe ,  comme  une 
compagnie  de  perdreaux  ,  dont  la  bombe 
repréfente  la  mère  perdrix.  Le  mortier  qui 
j^tte  la  bombe  ,  eft  un  mortier  ordinaire , 
mais  dont  le  bord  ,  dans  fon  contour  & 
dans  fon  épaifléur,  contient  treize  autres 
petits  mortiers ,  dans  chacun  defquels  eft 
ftne  grenade.  On  met  le  iëu.à  la  luii^iere  du 


P  E  R: 

gros  mortier,,  qui-  a  communication  avec 
celle  des  petits.,  La  bombe  &  les  grenades 
partent  dans  le  inême  moment.  C'eft  \n\ 
italien  nc^nmé  Pétri ^  qui  fit  fondre  d'abord, 
ces  fortes  de  mortiers.  (  D.  J.) 

PERDRIX,.  Perdrix    grise,   Per- 
DRis,  Perpris  gringette  ,  Perdrix? 
goache  ou  gouache  ,  Perdrix  Crie- 
CHE  ,  perdix   cinerea  ,  Aldrovandi ^  WilU 
oifeau  qiii   a   environ,  un  pié   &  un  demi- 
pouce  de,  longueur  ,  depuis   la  pointe  du- 
bec  iufqu'à  l'extrémité    de   la   queue  ,  &> 
plus  d'un  pié  fîx  pouces-  d'envergeure  ;  la 
front ,    les  côtés    de  la  tête   8<  la  gorge, 
font  d'un  roux  clair  ;    le  deffus    de  la  tête- 
eft  d'un    brun  rouffâtre   mêlé   de   petite^ 
lignes  loHg:itudinales  jaunâtres.   Il  y  a  au, 
delTous  des  yepx  de  petites   excroiffances-. 
de  chair  rouge  :  la  face  fupérieure  du  coa 
a  des  bandes   traufverfales  de  cendré  ,  de. 
noir,   &  d'un  peu  de  roux  :  les  plumes  du, 
dos ,  du  croupion  ,   &  celles  du  deffus   de- 
là queue  ,   ont  les  mêmes  couleurs-,  &  it 
y  a  au  bout  de  chaque  pliune   une  banda 
étroite.  &  tranfverfaîe    de  couleur  roufTe  :. 
la  partie  inférieure  du  cou  &  la  poitrine  y. 
font  d'un  cendré  bleuâtre  mêlé  de  petitesr 
taches,  roufiès  &  de  bandes  noires  trauf- 
verfales^  il  y  a  au  bas.  de  la  poitrine  une 
large  bande  en  forme   de  fer  à  cheval  de 
couleur  de  marron  :  les  plumes  des  côtés- 
du  corps  font  de  même  couleur  que  celles 
de  la  poitrine;    elles  ont  chacune  près  de 
l'extrémité   une    large    bande  tranfverfale. 
roufTe  ;  le  bas-ventre  eft  d'un  blanc  fale 
&  jaunâtre  ;   le5  plumes   àcs  jambes  ,  & 
celles  du  dcffous  de  la  queue ,  font  rouf- 
fâtres  &  traverfées    de  taches  noirâtres  5. 
le    milieu  de  chaque  plume   a  une  tache 
blanche  longitudinale  ,   en  fuivant  la  direc- 
tion du  tuyau  ;  les  petites  plumes  des  ailes 
&.  les  grandes  des  épaules  ,  opt  les  mêmes 
couleurs  que  celles  du  dos  ,   &.  de  plus  de 
grandes  tacjies  rouifes  ;  chaque   plume  a 
aufîl  une  ligne   d'un  blaix;  rouffâtre  ,  qui 
s'étend  félon  la  longueur  des  tuyaux; 'les 
grandes  plumes  des  ailes  font  brunes  & 
rayées  tranfverfalement  de  blanc  rouffâtre  ; 
la  queue  eft   compofée  de  vingt  plumes  ; 
les  fix  du  milieu  ont  les  mêmes  couleurs 
que  le  dos  ;  les  fept  autres  de  chaque  côté 
fout  roufles  J  àTexcejption  de  la  pointe  qui 


P  E  R 

cft  cendrée  ^  le  bec  ,  les  pies  &  les  ongles 
ont  une  couleur  cendrée  bleuâtre  :  le  mâle 
3  un  ergot  obtus  à  la  partie  poftérieure 
du  pié.  (  *  ) 

Les  couleurs  des  perdrix  grifes  varient  j 
on  en  trouve  qui  font  prefque  entièrement 
blanches  ,  &  qui  ont  de  petites  lignes 
brunes  tranverfales  en  forme  de  zigzag. 
Cet  oifeau  multiplie  beaucoup  ^  la  femelle 
pond  feize  ou  dix- huit  œufs  ^  les  petits  qui 
en  fortent  vivent  tous  en  fbciété  avec  le 
père  &  la  raere  pendant  tout  l'hiver  ,  jufqu'à 
ce  que  chaque  mâle  cherche  à  s'appareiller 
gvec  inie  femelle.  Ornhh.  de  M.  Briflbn  , 
tome  I,  Voyei  OiSEAU. 

Perdrix  de  la  nouvelle  Angleterre  , 
perdix,  novee  Angliœ  ,  Klein,  avi.  Elle  eft 
plus  petite  que  la  perdrix  grife  ^  elle  a 
la  tête ,  le  cou  ,  le  dos ,  le  croupion ,  les 
petites  plumes  des  ailes ,  &  celles  du  def- 
fus  de  la  queue,  d'un  brun  tirant  fur  le 
roux  mêlé  de  noir  j  il  y  a  quelques  petites 
taches  blanches  fur  la  partie,  fupérieure  du 
Qou  :  la  gorge  eft  blanche  ^  la  poitrine ,  le 
ventre,  &:les  côtés  du  corps,  font  jaunâtres 
&  traverfés  par  des  bandes  noires  :  il  y  a  de 
chaque  côté  de  la  tête  une  bande  longitiiT 
diuale  ,  qui  commence  à  l'origine  du  bec  , 
qui  palîe  fur  les  yeux,  &  qui  s'étend  jufques 
derrière  la  tête  :  les  jambes  &  les  plumes 
du  delTous  de  la  queue  ont  une  couleur 
jaunâtre,  marquée  de  taches  de  couleur 
de  marron  j  les  grandes  plumes  des  ailes 
&  celles  de  la  queue  , .  font  brunes.  On 
trouve  cet  oifeau  à  la  nouvelle.  Angleterre 
&  à  la  Jamaïque.  Ornith.  de  M.  Briifon, 
tome  1.  Voye[  OiSEAU. 

Perdrix  BLAx\CHE  ,  Arbenne,  lago- 
pus  avis  y^  Aldrovar^di  ^  Will.    oifeau  que 


P    E   ?v  te^.y 

I  M.  Briflbn  a  mis  dans  le  genre  des  gélino' 
tes  ,  &  qu'il  a  décrit  fous  le  nom  de' 
gélinote  blanche.  Il  eft  \m  peu  plus  gros 
que  la  perdrix  rouge  ^  il  a  environj^uii 
pié  deux  pouces  de  longueur  depuis  la 
pointe»  du  hec  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  j  il  change  de  couleur  au  printemps  , 
comme  laplupart des  autres  animauxblancs, 
oL  il  eft  prefque  entièrement  blanc  pendant 
l'hiver  j  il  y  a  fur  les  côtés,  de  la  tête  une 
petite  tache  noire  entre  les  yeux  &  le 
bec  j  le  tuyau  de  la  féconde  des  grandes 
plumes  de  l'aile  &  des  quatre  qui  fuivent  ,, 
eft  noirâtre  j  les  quatre  plumes  du  milieu 
de  la  queue  font  blanches  \  toutes  les 
autres  ont  une  couleur  noirâtre ,  à  l'ex- 
ception de  la  pointe ,  qui  eft  blanche  ;  les 
pies ,  &  même  les  doigts ,  font  couverts 
jufqu'à  l'origine  des  ongles,  de  plumes 
blanches  ^  il  y  a  au  deffus  des  yeux  une 
petite  bande  de  mamelons  charnus  ,  d'un 
très -beau  rouge  ^  le  bec  eft  noir,  &  les 
ongles  ibnt  bruns.  Pendant  l'été  cet  oifeau 
eft  en  partie  brun  ,  &  en  partie  blanc  \  il 
a  aufl]  quelquefois  un  peu  de  couleur  de 
marrojn  rayée  tranfverfalement  de  noir. 
Qn  le  trouve  dans  le  pays  du  nord,  &c 
m>ême  en  France  &  en  Italie  fur  les  hautes 
montagnes.  Ornith.  de  M.  Briflbn ,.  tome  I. 
Voyci  Oiseau. 

Perdrix  du  Brésil,  perdix  brafi- 
liana  jambu  dicla  Pifoni  ,  Will.  Cette 
perdrix  a  la  grofleur  de  nos  perdrix  ;  elle 
eft  en  entier  d'une  couleur  jaunâtre  ,  obA 
cure  ,  mêlée  de  brun  ;  elle  fe  perche  fur 
les  arbres  j  fes  œufs  font  d'un  très  -  beau 
bleu  :  c'eft  un  oifeau  du  Brefil.  Ornith,  dq 
M.  Briflbn  ,  tome  I ,  Koyei  OiSEAU. 

Perdrix,  DE   LA    Chine  ,    perdix. 


(*)  Ce  genre d'oifèau  a  été  réuni  par  M.  Linné  avec  les  gélinotes  &les  tetrals  oucoqsde  bruyerci 
M.  Briffon  ,  qui  l'a  féparé  ,  le  diftingue  du  faifan  par  la  queue  courte,  &  de  la  gélinote  par  les  pies 
nus..  Quoi  qu'il  en  foit  des  fyftêmes ,  ces  oifeaux  font  du  nombre  des  gallinacés ,  dont  ils  ont  la 
corps  &  le  vol  un  peu  pefant  ,1e  bec  en  cône  courbé,  les  jambes ,  la  ftrufture  interne  &  les  habitudes. 
Elles  ont  près  des  yeux,  de  chaque  côtéde  la  tête,  un  efpaee  nu,  papille  &  coloré;  les  jambes 
couvertes  de  plumes  jufqu'au  talon  ,  &  le  refte  des  pies  nus  :  toutes  celles  qu'on  connoît  ont  la 
queue  courte.  Quant  aux  habitudes,  les  perdrix  font  ,  comme  les  autres  gallinacés,  des  oifeau» 
pulvérateurs  :  elles  vont  ordinairement  par  troupes  ou  compagnies.  Dans  le  temps  des  amours  ,  il  y  • 
a  fouyentde  grands  combacs  parmi  les  mâles;  mais  quand  l'appariation  elV  faite,  le  mâle  ne  quittç, 
pas  (a  femelle  :  celle-ci  pond  en  terre  au  milieu  de  l'herbe,  dans  un  creux,  où  elle  conftruit  un 
îiid  fans  beaucoup  de  fiçon.  Les  petits  courent  &  cherchent  leur  nourriture  dès  qu'ils  font  nés.  Les 
.végétaux,  les  grains,  Cw.  font  leur  principale  nourriture. 

Kouiiie  difcui^roa&pa*  quelles  efpeces  doivsat  êtrea/rignéss.àce  gexire-j  cu-ea-être  e^clues^  ^1>.-  i 


an  P  E  R 

fineafis.  Cette  elpece  de  perdrix  e{l  nn 
peu  plus  ^ro&  que  notre  perdrix  rouge  j 
€lie  a  eavirou  un  pié  fix  lignes  de  lorigueur 
d^uis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'entréinité 
de  la  queue  ,  &  un  pié  quatre  povices 
jufqu'au  bout  des  ongles.  II  y  a  de  chaque 
côté  de  la  tête  quatre  bandes  longitudi- 
nales ,  qui  commencent  toutes  à  l'origine 
du  bec ,  &  qui  s  étendent  jufqu'au  derrière 
de  la  tête  :  la  première  ,  c'eft- à-dire  , 
celle  qui  fe  trouve  au  deitus  des  autres  , 
paife  Tur  les  yeux  ^  elle  eft  la  plus  large 
&  noirâtre  :  la  féconde  eii  blanche  j  la 
troifîeme  noirâtre ,  &  la  dernière  a  une 
couleur  rouflatre.  Le  femmet  de  la  tête 
eft  d'un  brun  mêlé  de  petites  taches  blan- 
■  châtres ,  &  la  gorge  a  une  couleur  blanche  ;, 
les  phjmes  du  dos ,  du  croupion  ,  &  celles 
du  delfus  de  la  queue  ,  font  rayées  tranf- 
verfalement  de  brun  &  de  rouliâtre  j  [es 
piumes  des  ailes  font  brunes  ,  &  ont  aufil 
des  bandes  tranfverfales  blanchâtres  ,  qui 
forment  fur  chaque  côté  de  la  plume  un 
petit  arc  de  cercle  ;  la  queue  eft  roufla- 
Xxe  ,  ^  a  des  bandes  tranfverfales  noires  ; 
le  bec  eft  noirâtre  ^  les  pies  font  roux  : 
le  mâle  a  un  ergot  long  de  deux  lignes  & 
demie  à  chaque  pié.  On  trouve  cet  oifeau 
à  la  Chine.  Ornith.  de  M.  Briflbn.  Voye^ 
Oiseau. 
Perdrix  de  Damas  ,   Perdrix  de 

Syrie  ,  pa-di»  damafcena  Bcllonii  ,  Will. 
On  a  mis  cet  oifeau  dans  le  genre  des 
gélinotes  ,  8t  M.  BrifTon  l'a  décrit  fous  le 
nom  de  gélinote  des  Pyrénées.  Il  eft  à- 
peu  près  de  la  groffeur  de  la  perdrix  grife  ; 
il  a  dix  pouces  de  longueur  depuis  la 
pointe  du  bec  jufqu'au  bout  des  ongles  ^ 
Je  deft'us  de  la  tête  ,  la  face  fupérieure  du 
cou  &  le  dos  ,  ont  différentes  couleurs 
mêlées  enfemble  ,  telles  que  le  noir  ,  le 
roux  ,  le  jaunâtre  ,  &  le  verdâtre  ,  le 
croupion  eft  rayé  tranfverfalement  de  noir 
&;  de  roux  \  les  petites  pkimes  des  ailes 
font  d'un  brun  tirant  fur  le  marron  \  les 
grandes  ont  une  couleur  verdâtre  ,  mêlée 
de  jaunâtre  ,  à  l'exception  de  la  pointe 
•  qui  eft  noire  j  les  joues  font  fauves  :  il  y  a 
derrière  les  yeuYi  wne  petite  ligne  noire  '^ 
Je  tour  des  yeux  &  la  gorge  o»it  cette 
/  même  couleur  ;,  le  deffus  de  la  face  infé- 
rieure di^  cou  eft  olivâtre  j  le  deiibus  eft 


P  E  R 

roux ,  terminé  par  une  bande  noire ,  8^ 
{ëparé  de  la  couleur  olivâtre  par  une  féconde 
bande  de  la  nîême  couleur  ^  ces  bandes 
entourent  le  cou  comme  un  double  collier  5 
les  plumes  de  la  poitrine  ,  du  ventre  ,  des 
côtés  du  corps ,  &  celles  de  la  face  infé- 
rieure des  ailes  ,  font  blanches  ^  la  couleur 
àes  grandes  plumes  des  ailes  eft  cendrée  ; 
elles  ont  l'extrémité  brune  &  le  tuyau  noir  : 
il  ya  feize  plumes  dans  la  queije  ^  les  deux 
du  milieu  ont  prefque  le  double  de  la 
longueur  des  autres  \  toutes  ces  plumes 
font  de  couleur  cendrée  ,  mêlée  coufufé- 
ment  d'olivâtre.  On  trouve  cet  oifeau  ea 
Syrie  &  fur  les  Pyréuées. 

On  a  donné  le  nom  de  perdrix  de  Damas  j 
à  une  variété  de  la  perdrix  grife ,  comme 
dans  différentes  provinces  de  France  ,  fous 
le  nom  de  perdrix  grife  de  la  petite  efpece. 
Elle  ne  diffère  de  la  vraie  perdrix  grifè  , 
qu'en  ce  qu'elle  eft  plus  petite  ,  &  qu'elle 
a  le  bec  plus  alongé.  Ornith,  de  M.  Bri{^ 
fon.  P^oyei  OiSEAU. 

Perdrix  franche  ,  voyei  Perdrix 

ROUGE. 

Perdrix  de  Grèce  ,  voyei  Barta- 
velle. 

Perdrix  de  la  Guiane  ,  grosse 
Perdrix  du  Brésil  ,  gallina  fihejiris  , 

macucagna  Brafilienfibus  dicla.  Marg,  Will. 
Cette  efpece  de  perdrix  eft  plus  grofte 
qu'une  poule  5  elle  a  le  bec  noir  ,  &  ^ong 
de  plus  d'un  pouce  &  demi  '^  la  tête  &  le 
cou  font  variés  de  petits  points  noirs  & 
d'un  jaune  obfcur  -^  la  gorge  eft  blanche  j 
le  dos  ,  la  poitrine  ,  le  ventre  &  les  jambes 
ont  une  couleur  cendrée  ,  obfcure  \  les  pe- 
tites plumes  des  ailes  font  brunes  ,  &  ont 
des  lignes  noires  en  zigzag  ^  les  grandes 
plumes  font  entièrement  noires  :  cet  oifeau 
n'a  point  de  queue.  Ses  œufs  font  un  peu 
plus  gros  que  ceux  dès  poules  ,  &  d'un  bleu 
verdâtre.  On  le  trouve  dans  la  Guiane  & 
au  Brelîl.  Ornith.  de  M.  Briifou  ,  tome  /. 
Voyei  Oiseau. 
Perdrix  de  montagne  ,-  vojf^Oco- 

COLIN. 

Perdrix  de  montagne  du  Mexique  ^ 

voyel  OCOCOLIN    DU    MiXiQUE. 

Perdrix  rouge  ,  Perdrix  aux 
piÉs  ROUGES  5  Perdrix  franche  , 
Perdrix  gaille  ,  gaïe  ou  .gavi,e  , 


P  E  R 

PeRNISSE^,  perdtxrufuy   Wîlî.  h?iperdrîx 
rouge  ell  un  peu  plus  grofiè  que  \à  perdrix 
grii'e.  Elle  a  près  d'uu  pié  un  pouce  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'ex- 
tréiiiité  de  ta  queue  ,    fec  un  pié  fix  pouces 
d'envergeure.  Le  devant  de  la  tête  eft  d'un 
gris  brun,  &  le  derrière  d'un   gris   tirant 
lur  le  roux  \  la  gorge  a  une  couleur  blanche 
qui  eft  entouric  d'une  bande  noire  \  cette 
bande  commence  aux  narines  ,  pâlie  fous 
les  yeux ,  &  va  fe  terminer  fous  la  gorge  , 
où  elle  forme  une  forte  de  collier  :  il  y  a 
au/ÎI  de  chaque  côté  de  la  tête  une  bande 
fongitudinale   blanche.  Les  plumes    de  la 
face    intérieure  &  des  côtés  du  cou  font 
cendrées,  &  ont  chacune  deux  taches  noires 
à  leur  extrémité ,  une   de  chaque  côté  du 
tuyau  \    la  face  fupérieure  eft   d'un  brun 
roux  ^    les  plumes    qui  font  près  du  der- 
rière de  la  tête  ont  chacune  à  leur  extrémi- 
té deux  taches   noires  &  oblongues  ;,  les 
plumes    du  dos ,  du   croupioii ,    du  deflus 
de  la  queue ,   &  celles  des  ailes ,  font  d'un 
gris  brun  j  la  poitrine  eft  cendrée  ^  les  plu- 
mes du  ventre,    des  jambes  ,  &  celles  du 
delfous  de  la  queue ,  ont  une  couleur  rouife  ^ 
celles  des  côtés  du  corps  font   cendrées  à 
leur  origine  ;    elles    ont  enfuite  une  raie 
tranfver^le  blanche   ,     fuivie  d'une  autre 
raie  noire  ^  enÇia  leur  extrémité  eft  rouife. 
Il  y  a   feize    plumes   dans  la  queue  :  les 
quatre  du  milieu  font  d'un  gris  brun  ^  celle 
qui    ks  fuit  de    chaque  côté  a   les  barbes 
extérieures  ronfles ,   &  les  intérieures  d'un 
gris  brun  ^   toutes  les  autres  font  entière- 
ment rouflcs.  L'iris  des  yeux ,   le  bec  &  les 
pies  ont  une  belle  couleur  rouge. 

Les  couleurs  de  la  perdrix  rouge  varient. 
On  trouve  de  ces  oilèaux  prefque  entière 
ment  blancs  ou  blanchâtres  ,  à  l'exception 
de  la  tête  qui  eft  d'un  brun  roux.  Le  bec  & 
les  pies  relient  toujours  rouges.  Omit  h.  de 
M.  Briifon,   tome  1.   Foyei  OiSEAU. 

Perdrix  rouge  de  Barbarie, 
perdix  Barbara  ,  Klein.  Cet  oifeau  eft  un 
peu  plus  penr  que  la  perdrix  griie.  Il  a 
environ  un  pié  de  Ijni^ujur  depuis  la  pointe 
du  bec  jufqu'au  bout  des  ongles,  &  un  pié 
fept  pouces  d'envergeure.  Le  deflus  de  la 
tête  eft  couleur  de  marron  j  cette  couleur 
devient  plus  obfcurc  derrière  la  têre,  & 
elle  far  me  fur  le  cou  une  forte  de  coliicr 


P  E  R  itjy 

parfomé  de  taches  blanches  &  rondes  j  hs 
côtés  de  la  tête  &  la  gorge  font  d'un 
cendré  clair  &  bleuâtre  ,  &  il  y  a  près 
de  l'endroit  ùqs  oreilles  une  tache  qui  tire 
fur  le  brun.  La  partie  fupérieure  du  cou 
&  le  dos  ont  une  couleur  bnuie  cbfcure 
tirant  fur  le  cendré  j  le  croupion  eft  cen- 
dré. Les  grandes  plumes  des  épaules  & 
celles  du  deifus  àts  ailes  font  d'un  beau 
bleu ,  à  l'exception  des  bords  qui  ont  une 
couleur  de  marron.  La  partie  inférieure 
du  cou  ,  au  deflbus  du  collier  ,  eft  d'uu 
cendré  clair  ^  le  ventre  ,  les  plumes  du 
deflous  de  la  queue ,  &  celles  de  la  face 
inférieure  des  ailes  {ont  d'un  brun  clair  ^ 
la  poitrine  eft  couleur  de  rofe  pâle  \  les 
plumes  des  côtés  du  corps  font  cendrées 
.  près  de  la  racine  ^  elles  ont  enfuite  une 
bande  blanche  tranfverfale  dans  leur  mi- 
lieu ,  &  leur  extrémité  eft  de  couleur 
orangée.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font 
d'un  brun  obfour  tirant,  fur  le  cendré  j  les 
moyennes  ont  la  même  couleur ,  mais,  plus 
claire.  Le  bec,  le  tour  des  yeuxi,  &  les, 
pies  font  d'un  très-beau  rouge.  Le  m.âle 
a  fur  la  patte  poftérieure  du  pié  un  petit 
ergot  obtus.  On  trouve  cet  oifèau  en  Barba- 
rie. Ornitk.  de  M.  Briifon  ,  tome  I.  f^oy» 
Oiseau. 

Perdrix  rousse  des  Antilles  , 
voyei  Pigeon  violet  de  la  Mar- 
tinique. 

Perdrix  du  Sénégal  ,  perdix  fene- 
galerijjs ,  oifeau  du  genre  des  perdrix.  Il 
eft  un  peu  plus  grand  que  noire  perdrix 
rouge.  Il  a  environ  un  pié  deux  pouces 
de  longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à 
l'extrémité  de  la  queu^  tout  le  corps  eft 
varié  de'roux,  de  bn«ifec  de  blanc  fale  j 
le  deflTus  de  la  tête  eft  roux,  &  n'a  point 
de  taches  j  les  côtés  font  d'un  blanc  iàle  , 
&  ont  de  petites  taches  longues  &  brunes  ^ 
la  gorge  eft  aufli  d  un  blanc  fale  y  mais  elle 
n'a  point  de  taches.  Il  y  a  flir  les  côtés 
de  la  tète  trois  petites  bandes  qui  pren- 
nent leur  origine  à  la  racine  du  bec  ^  la 
bande  du  milieu  eft  blanche  ,  &  les  deux 
autres  font  noires  ^  la  fupérieure  s'étend 
juiques  fur  le  derrière  de  la  tête ,  &  les 
deux  autres  feulement  derrière  les  yeux; 
le  cou  eft  roux  &  marqué  de  taches  brunes 
<k  de  ijlauc  iaie.  Il  y  a  à  cliaquc  pié  iieux 


iciS  p  E  a 

ergots.  On  trouve  cet   oifeaii  au  Sénégal. 
Ornhh  de  M.  Briiron.    Voye\  OiSEAU. 
Perdrix  ,  C  ChaJJe.  )  On  donne  ,  comme 

"^'•on  voit  ,  Je  nom  de  perdrix  à  plufieurs 
oifeaux  de  diiFérens  pays ,  tels  que  hperdr/z 
<le  Grèce  ,  celle  de  Damas  ,  celle  de  la 
■Guadaloupe,  &c,  mais  ce  nom  eft  parti- 
culièrement attribué  aux  efpeces  que  nous 
appelions  en  Europe  perdrix  grife  ,  perdrix 
rouge  ,  &  perdrix  blanche.  Cette  dernière 
cfpece  ne  fe  trouve  communément  qu'en 
Savoie  &dans  les  Alpes.  Voye:^  Arbenne. 
La  perdrix  grife   &  la   rouge,  qui  font 

-''communes  en  France,  ont  dans  les  mœurs, 
aufli-bien  que  dans  la  forme  &  le  plumage, 
des  différences  qui  en  font  des  efpeces 
très-féparées  ^  aufli  ne  fe  mêlent-elles  point 
enfemble,  même  dans  les  lieux  où  l'abon- 
dance des  unes  &  des  autres  les  met  fouvent 
en  préfence  dans  le  temps  de  l'effervefcence 
commune.  Cependant  lorfque  le  nombre 
des  mâles  perdrix,  rouges  excède  celui  des 
femelles ,  on  voit  quelques-uns  de  ces  mâles 
«'attacher  à  une  'paire  de  perdrix  grifes  ,  la 
fuivre  conflamment ,  &  donner  des  mar- 
ques d'empreffement  &  d'amour.  Mais  on 
n'a  jamais  vu  aucuneperdrix  rouge  en  venir 
avec  une  grife  jufqu'à  l'accouplement.  Cet 
amour  étranger  n'a  d'effets  que  la  jaloufie. 
Il  trouble  feulement  le  ménage  j  &:  ces 
foins  afîidus  ne  produifent  qu'une  importu- 
nité  fans  fruit.  La  manière  dont  les  deux 
«fpeces  fe  nourriifent  cft  à-peu-près  la  même. 
Elles  vivent  de  grain,  de  fomcnces,  d'œufs 
de  fourmis ,  de  petites  araignées ,  &  d'au- 
tres infeâes  qui  Ce  trouvent  dans  les  cam- 
pagnes &  dans  les  bois. 

Les  perdrix  gt^s  s'apparient  dès  la  fin 
de  février,  ou  ailcommencement  de  mars, 
lorfque  les  grandes  gelées  font  paffées.  Il  y 
a  pendant  les  premiers  jours  beaucoup  de 
combats  entre  les  mâles ,  &  même  entre 
les  femeUes ,  jufqu'à  ce  que  le  choix  mutuel 
foit  fait  d'une  manière  fixe  ,  &  que  la  pa- 
riade  foit  décidée.  Le  temps  doux  avance 
ce  moment  ^  &  à  mefîire  que  la  chaleur 
augmente  ,  la  fermentation  de  l'amour  de- 
vient plus  forte  dans  ces  oifeaux.  Les  mâles 
font  plus  empreffés  ,  &  les  femelles  plus 
dociles.  Ils  s'accouplent  vers  le  commen- 
cement d'avril ,  &  les  femelles  pondent 
à  la  fin  de  ce  mois ,  ou  au  commencement  i 


P  E  R 

de  mai.  Le  nombre  des  œufs  varie  ordinai- 
rement félon  l'âge  de  la  perdrix.  A  deux  & 
trois  ans  la  ponte  eft  fouvent  de  dix-huit 
œufs.  Elle  diminue  enfuite,  &  ceffe  pref- 
qu'entiérement  à  fix  ans.  Alors  la  perdrix 
eft  déjà  vieille ,  &  il  ne  lui  refte  plus  guère 
qu'une  année  à  vivre.  Elle  dépofc  fês  œufs 
dans  un  nid  fait  prefque  fans  apprêt.  Ce 
n'eft  qu'une  fente ,  au  fond  de  laquelle  font 
arrangés  quelques  brins  de  paille  ou  d'her- 
be feche  ,  &  quelques  feuilles.  Les  jeunes 
perdrix  ne  choififfent  pas  même  avec  beau- 
coup de  foin  le  lieu  où  elles  placent  ce  nid. 
Mais  celles  que  l'âge  &  l'expérience  ont 
inftruites ,  y  apportent  beaucoup  d'atten- 
tion. Elles  choififfent  un  endroit  élevé  ,  à 
l'abri  de  l'inondation  ,  &  environné  de 
brouffailles ,  qui  le  dérobent  à  la  vue,  8c 
en  défendent  l'entrée.  De  plus  lorfqu'elles 
quittent  leurs  œufs  pour  aller  manger  , 
elles  ont  foin  de  les  couvrir  avec  des  feuilles. 
Koyei  Instinct. 

Le  temps  de  l'incubation  eft  de  viïigt-deux 
jours.  Pendant  ce  temps  le  mâle  refte  aux 
environs  du  nid ,  &  accompagne  fa  femelle 
iorfqu'elle  relevé  pour  chercher  à  vivre.  Les 
petits  étant  éclos  ,  le  père  &  la  mère  pren- 
nent foin  en  commun  de  les  conduire.  Ils 
les  promènent  dans  les  prés,  aux  bords 
des  bois  ,  découvrent  pour  eux  les  fourmii- 
lieres  ,  les  appellent  prefque  continuelle- 
ment ,  &  leur  indiquent  les  infeètes  &  les 
graines  qui  font  propres  à  leur  nourriture. 
La  perdrix  grife  donne  à  fos  petits  des  foins 
plus  empreffés  &  plus  aâifs  qu'aucune  autre 
efpece.  Leur  tendrefîé  va  jufqu'à  une  jalou- 
fie cruelle  à  l'égard  des  perdreaux  qui  ne  font 
pas  de  leur  compagnie.  Dans  les  pays  fort 
peuplés  de  gibier  ,  on  voit  communément 
les  vieilles  perdrix  pourfuivre  avec  fureur 
les  petits  les  unes  des  autres,  &  les  affom- 
mer  a  coups  de  bec.  Lorfque  quelque  péril 
vient  à  menacer  la  famille ,  le  père  &  la 
mère  ,  pour  l'en  détourner  ,  s'y  préfentent 
eux  mêmes  avec  un  courage  qui  étonne  dans 
des  animaux  aufîi  foibles.  Si  c'eft  un  chaf- 
feur ,  ou  un  chien  qui  les  menace ,  ils 
fe  montrent  d'abord  ,  fuient  enfuite  en 
traînant  l'aile  ,  laiffent  aux  pourfuivans 
l'efperance  de  les  joindre  ^  &  quand  ils  les 
ont  fuffifamment  éloignés ,  ils  revolent  à 
leurs  petits. 

Les 


P  E    R 

Les  perdrix  grifès  vivent  réunies  en 
farr^illes  ,  qu'on  nomme  compagnies  ,  juf^ 
qu'au  temps  où  l'amour  les  fépare  &  les 
apparie.  Celles  même  qui  n'ont  point  pondu , 
ou  dont  les  œufs  ont  été  détruits  par  quel- 
que accident ,  fe  remettent  en  compagnie 
dans  le  mois  de  juillet ,  &  y  relient  jufqu'au 
temps   de  la  pariade. 

Les  perdrix  rouges  différent  en  cela  des 
grifes  ,  quant  aux  mœurs.  Elles  ne  font  pas  , 
à  beaucoup  près  ,  aulfi  étroitemicnt  liées  par 
compagnies.  Les  petits  même  qui  ont  été 
élevés  enfèmble  ,  &  qui  font  de  la  même 
famille  ,  fe  tiennent  toujours  à  quelque  dif- 
tance  l'un  de  l'autre  j  ils  ne  partent  pas 
enfcmble  ,  &  ne  vont  pas  tous  du  mêm.e 
côté.  Les  perdrix  grifes  ,  lorfqu'elles  ont  été 
forcées  de  fe  féparer ,  fe  rappellent  aufîîtôt 
avec  beaucoup  de  vivacité  &  d'inquiétude. 
Cela  n'arrive  guère  parmi  les  perdrix  rou- 
ges ,  qu'entre  le  mâle  &  la  femelle  dans  le 
temps  de  l'amour.  Les /»er^/Vx  rouges  s'appa- 
rient ainfi  que  les  grifes  ^  mais  aufîî-tôt  que 
la  femelle  couve,  le  mâle  la  quitte,  &  la 
lailTe  feule  chargée  du  foin  de  fes  petits. 
ha  perdrix  grifè  s'apprivoifè  aifement  j  elle 
fe  familiarife  avec  les  paffans  le  long  des 
chemins  ,  &  en  lui  donnant  à  manger  pen- 
dant l'hiver  ,  ou  l'engage  aifement  à  pé- 
nétrer jufques  dans  les  maifons.  La  perdrix 
rouge  conferve  toujours  un  caraâ:ere  plus 
farouche  ,  &  l'éducation  domeftique  en  eft 
plus  difficile.  Voyei  Faisanderie. 

Les  perdrix  ^nies  habitent  volontiers 
les  plaines  fertiles  ^  elles  fe  plaifent.  fiir- 
tout  dans  celles  qui  font  fécondées  par  des 
engrais  chauds  ,  tels  que  la  marne  ,  &c. 
Elles  ne  font  tranquilles  ,  qu'autant  qu'elles 
ont  des  remifes  à  portée  d'elles  ^  mais  en 
général  elles  ne  ie  jettent  dans  les  bois  que 
pour  éviter  la  pourfuite  des  oifeaux  ou  des 
chalfeurs ,  &c  elles  en  fortent  dès  que  le 
péril  eft  paffé.  \-.&s  perdrix  routes  cherchent 
naturellement  les  montagnes  fourrées  de 
bruyères  &  de  jeunes  bois.  Si  elles  relèvent 
dans  les  plaines ,  c'eft  pour  aller  vivre ,  & 
les  bois  font  leur  habitation  propre.  Voye^ 
Gibier. 

Tout  le  monde  fait  quelle  reffource  on 

tire  des  perdrix  ,  fb it  pour  l'agrément  de 

la  table  ,  foit  pour  le  plaifir  de  la  chafFe. 

C'eft  pour  réunir  ces  deux  objets  ,  qu'on 

Tome  XXr. 


P  E  R  297 

prend  tant  de  foins  pour  la"  confcrvation 
de  ces  oifeaux.  La  m.aniere  de  les  chaiTcr 
la  pliis  ordinaire  ,  eft  avec  des  chiens  cou- 
chans  qui  les  arrêtent  ,  &  indiquent  au 
chalfeur  le  lieu  où  elles  font.  Le  chalfeur 
doit  alors  les  tourner  ,  chercher  à  les  ap- 
percevoir  ,  &  les  tuer  devant  fon  chien  , 
foit  à  terre  fi  elles  tiennent ,  foit  au  vol 
fi  elles  viennent  à  partir.  Les  heures  les  plus 
convenables  pour  cette  chailê  foiit ,  dans 
l'automne  ,  depuis  dix  heures  jufqu'à  midi  , 
&  depuis  deux  heures  jufqu'à  quatre.  Le 
matin  ,  à  midi  &  le  foir,  les  perdrix  relè- 
vent pour  manger  ,  &  alors  elies  font  pref- 
que  toujours  en  mouvement.  On  prend  les 
perdrix  pendant  la  nuit  avec  des  filets  , 
appelles  les  uns  traîneaux ,  les  autres  pen^ 
tieres.  Mais  ces  fortes  de  chafTes  qui  n'ap- 
partiennent qu'aux  braconiers  ,  ne  méritent 
pas  qu'on  en  donne  des  leçons.  Il  eft  une 
autre  manière  de  les  prendre  pendant  le 
jour  ,  qui  peut  être  utile ,  &  qui  tend  à  la 
confèrvation  fans  rien  prendre  flir  l'ufàge. 
On  a  un  filet  rond  monté  fiir  àes  cerceaux 
qui  lui  donnent  la  figure  d'un  cône  fort 
alongé  \  on  l'appelle  tonnelle.  On  tend  ce 
filet  dans  un  chaume  ,  &  on  l'afTujettit  de 
manière  que  les  mailles  d'en  bas  touchent 
exaâement  la  terre  ,  &  que  les  pies  des 
perdrix  ne  puifleut  pas  s'y  embarraifer.  On 
place  enfuite  en  avant  de  la  tonnelle  deux 
filets  conducteurs  ,  qu'on  nomme  ailiers  , 
qui  partent  de  l'embouchure  de  la  tonnelle, 
&  dont  l'intervalle  va  en  s'élargifTant.  Lorf- 
que  cet  attirail  eft  préparé  ,  le  chaiTeur 
porte  devant  lui  une  toile  jaune  tendue  fur 
un  chaffis  ,  8>c  qu'on  appelle  vache ,  parce 
qu'elle  en  a  la  couleur.  Cette  vache  a  un 
trou  placé  à  la  hauteur  de  l'œil  ,  au  moyen 
duquel  le  chaiTeur  voit  ce  qui  fe  paife  devant 
lui.  Toujours  caché  derrière  cette  toile  ,  il 
va  chercher  une  compagnie  de  perdrix  ,  qui 
marchant  devant  cet  objet  fans  en  être 
affez  effrayée  pour  prendre  fon  vol»,  eft 
conduite  pas  à  pas  ,  d'abord  entre  less 
ailiers  ,  &  delà  dans  la  tonnelle  même. 
Alors  le  chaftèur  jette  fa  vache  ,  court  à 
fon  filet ,  &  fàifit  les  perdrix  dont  il  laiffe 
aller  les  femelles  ,  &  tue  les  cot^s.  Par  ce 
moyen  il  ôte  la  furabondance  des  mâles , 
fans  courir  le  rifque  ,  comme  avec  le  fufi!, 
d'en  bleifcr  inutilement,  onde  fe  méprendre. 


198  P  E  R 

Il  naît;  orclinairemeiit  dans  l'e/pece  desp€r- 
drix  un  tiers  de  coqs  plus  que  de  femelles.. 
Il  eft  important  pour  la  reproduftion  d'ôter 
cet  excédant ,,  afin  que  les  paires  ne  foient 
point  troublées  au  temps  de  la  ponte.  On 
garde  aufli  pour  cela  dans  des  cages  quel- 
ques poules  privées.  On  les  porte  le  foir  dans 
les  endroits  où  l'on  a  r-e marqué  trop  de 
eoqs.  Elles  appellent ,  &  leur  chant  attire 
les  mâles  qu'on  tue  alors  à  coups,  de  fufil. 
On  nomme  chanterelles  .j  les  perdrix  deftir 
nées  à  cet  ufage. 

Perdrix  ,  (  Diète,  )  Cet  oifeau  eft  dès 
long-temps  fameux  parmi  les  alimens  \qs 
plus  exquis  &  les  plus  falutaires  ^  fupériorité 
réelle  qu'a  la  chair  de  la  perdrix  .^  à  ces 
deux  titres  ,  fur  Iss  autres  chairs  que  man- 
gent \ei  hommes  ^^c'eft  detre  véritablement 
iiicculente  fans  être  grafle..  Elle  peut  con- 
venir par  cette  qualité  finguliere  à  tous  les 
fojets,  foit  vigouFeuXy  foit  délicats,  tant 
à  ceuK  qui  font  en  pleine  fànté, ,,  qu'à  ceux 
qui  font  en  convalefcence. 

Je  ne  (iiis  ce,  qu'il  faut  croire  d*«ne  opi- 
nion qui  eft  répandue  parrni  le  peuple  , 
fàvoir  que  le  glouton  le  plus,  décidé  ne 
fàuroit  manger  une /WAtZ/vx  tous  le.s  jours 
pendant  un  mois  entier. 

PERDU,  voye^  l'article  PerdRE.  On 
dit  en  peinture  que  les  contours  des  objets 
reprcfentés  dans  un  tableau  font  perdus  , 
lorfqu'ils  ne  fe,  détachent  pas.,  de  leur 
fond. 

Perdu  (bois ) ,,( comm. dcbois, y Eaire 
flcttei;  du  bois  à  bois  perdu  ,  veut  dire 
le  jeter  dans'  de  petites .  rivières .  qui  ne 
peuvent  porter  ni  train  ,,  ni  bateau  j.pour 
le  raifemblcr  à  leurs,  embouchures  dans 
de  plus  grandes  ,  &  en  former  des  trains,, 
ou  en  char.ger  des  bateaux. 

Lorlqu'il  y  a  piufieurs  marchands  qui 
jettent  leurs  bois  à  bais  perdu  à^nsÏQ  même 
temps  &  dans  le  même  ruiffeau  ,.  ils  ont 
coutume  de  marquer  chacun  le  leur  à  la 
tête  de  chaque  bûche ,  avec  un  marteau  de 
fer  gravé  des  premières-  lettres,  de  leii|- 
nom  ,  ou  de  quelque  autre  figure  à  leur 
volonté  ,  afin  de  les  démêler  quand  on. les 
tire  à  bord.  Ils  ont  aufîi,  à  communs  frais  , 
des  perfonnes  qui  parcourent  les  rives  de 
ces  petites  rivières  de  deux  côtés  ,  & 
çui  avec  de  longues  perches  armées  d'iui 


P  E  R 

croc  de  'fer  ,  remettent  à  flot  les  bois- 
qui  donnent  à  la  rive  &  qui  s'y  arrêtent,. 
(  D.  7.  ) 

PERDUELUO  ,    {Hijl,   rom.)  Nos 
auteurs  traduifent  toujours  ce  mot  par  rébel- 
lion ,  crime  de  rébellion  ^  mais  ce  n'eft. 
point  cela.  Perduellio  étoitun  crime  qu'on: 
pourfuivoit  deygnt  le  peuple  dans  fes  aifem-- 
blées  par  centuries.  On  appelloit /»er^z/e///.y ,. 
celui  qui  étoit  coupable  de  quelque  attentat, 
contre  la  république.  Les  anciens  dpnnoient 
le  nom  à& perduelles  miYiQxm&mis ,  comme; 
on  le,  voit  dans  Plante  ,,  Amphit^  acl^  I  ,^ 
fc.  j  ,  V,  94.  On  réputoit  coupable  de  per- 
duellion  celui  qui  ayoit  violé  les  loix  qui 
-favorifoient  le  droit  des  citoyens  ,   &  la, 
liberté  du  peuple  ::tel  étoit,  par  exemple  ,. 
celui  qui   avoit    donné   atteinte   à  la   loi^ 
Porcia,  établie  l'an  de  Rome  556,    par 
P.  Porcius  Lœca  ,  tribun  du  peuple  ^  ou  à 
la  loi  Sempronia  :  ou  en  trouve  un  exemple ,. 
concernant  la  loi  Porcia  dans  Valere  Ma- 
'yiime  ,  exemple,  3.  La  première  de  ces  loix  ; 
.'déf^ndoit  de  battre  ou  de  tuer  un  citoyen, 
romain  ^  la  féconde  défcndoit   de  décider  • 
de  la.  vie  d'un  citoyen  romain  fans  l'ordre  ; 
du  peuple  ,    à  qui  appartenoit  le  droit  légi-. 
time   de  fe  rélërver  cette    connoiltancc   ^ 
aufTi  étoit-ce  un  crime  de  lefe-majefté  ,  ou  ; 
de  perduellion  des  plus  atroces  ,  que  d'y 
donner  atteinte.  Voy,  ce  qu'en  dit  Ciceron ,  ^ 
Kerr.liv.I^  ch^  v.  .Tite-Liye ,  L  XXVI  ^  ^ 
c.iij,{D._J.). 

.PERE  ,  £  m.  {Droit  naturel.  )  relation  . 
là  plus  étroite  qu'il  y  ait  dans  la  nature. 
(ç  Xu  es  père  <f   dit  le  bramine  infpiré  ,  ton  . 
M  enfante  eft  un  dépôt  que  le  ciel  t'a  confié  \ 
)>  c'eft  à  toi  d'en  prendre,  foin.  De  fa  bonne 
»  ou  de  fa  mauvaife  éducation ,  dépendra  le  : 
:»  bonheur  ou  le  malheur  de  tes  jours  :  far-- 
ftdeau  honteux  de  Ja  fociété ,  fi  le  vice 
»  l'emporte  ,  il  fera  ton  opprobre  j  utile  à 
»  fa  patrie  ,.s'il  eft  vertueux,  il  fera  l'hou- . 
)>_neur  de  tes  vieux  jours», 
\     On  ne  connoît  jamais  bien  la  joie  des, 
>/7fr^^  ni, leurs  chagrins,  dit  Bacon,  parce 
qu'ils  ne  peuvent  exprim.er  leurs  plaifirs,, 
&    qu'ils   n'ofcnt  parler   de   leurs   peines, . 
L'amour  paternel  leur  rend  \qs  {o'ms  &  les 
fatigues  plus  fijpportables  ^  mais   il  rend  _ 
aufli  les  malheurs  &  les  pertes  doublement 
ameres.j  toutefois  fi  cet  état  augmente  lfiS  = 


VEK 

•inquiétudes  de  la  vie ,  il  ed  mêlé  de  plaîfirs 
indicibles ,  &  a  l'avantage  d'adoucir  les  hor- 
reurs &  l'image  de  la  mort. 

Une  femme ,  des  enfans ,  autant  d'otages 
qu'un  homme  donne  à  la  fortune.  Un  père 
de  famille  ne  peut  être  méchant, ni  vertueux 
impunément.  Celui  qui  vit  dans  le  célibat, 
devient  aifém.ent  indifférent  fur  l'avenir  qui 
ne  doit  point  l'iatéreilèr  ^  mais  un  père  qui 
doit  fe  fuivre  dans  fa  race ,  tient  à  cet  avenir 
par  des  liens  éternels.  Auiïi  remarque-t-on  en 
particulier  ,  que  les  pères  qui  ont  fait  la 
fortune  ou  l'élévation  de  leur  famille , 
aiment  plus  tendrement  leurs  enfans  ^  fans 
doute,  parce  qu'ils  les  envifagent  fbus  deux 
rapports  également  intérelTans,  &  comme 
leurs  héritiers  ,  &  comme  leurs  créatures  : 
il  eft  beau  de  fe  lier  ainli  par  fes  propres 
bienfaits. 

Mais  que  l'avarice  &  la  dureté  des  pères 
•cfl  condamnable  &  mal- entendue  ,  puif- 
qu'elle  ne  tourne  qu'à  leur  préjudice  !  Leurs 
•enfans  eu  contra£tent  une  bafieire  de  fenti- 
mens ,  un  efjjrit  du  fourberie  &  de  mauvaife 
conduite  qui  les  déshonore,  &  qui  fait  mé- 
|)rifer  une  famille  enhere  :  c'eft  d'ailleurs  une 
grande  fottife  d'être  avare  ,  pour  faire  tôt 
'OU  tard  des  prodigues. 

C'efl:  une  autre  coutuitte  fort  mauvaife  , 
*quoiqu'ordinaire  chez  les  pères  ,  de  mettre 
i^QS  le  bas  âge  entre  leurs  enfans  des  diftinc- 
tions  ôc  des  prééminences  ,  qui  produifent 
enfuite  des  difcordes ,  lorfqu'ils /ont  dans  un 
âge  plus  avancé,  &  caufeut  des  divisons 
•dans  les  familles. 

Il  eft  honteux  de  facf  ifîer  des  enfans  à  Ion 
ambition  par  desdeftinations  forcées  ^  il  faut 
feulement  tâcher  de  tourner  de  bonne  heure 
Jeurs  inclinations  vers  le  genre  de  vie 
dont  on  a  fait  choix  pour  eux ,  quand  ils 
n'étoient  pas  encore  dans  l'âge  de  £c  décider  j 
mais  dès  qu'un  enfant  a  une  répugnance  ou 
un  penchant  bien  marqué  pour  une  autre 
vocation  que  celle  qu'on  lui  deftinoit ,  c'eft 
la  voix  du  deftin  ,  il  y  faut  céder. 

Oîi  remarque  prefque  toujours  dans  une 
nombreufe  famille  ,  qu'on  fait  grand  cas 
d'un  des  aines  ,  qu'il  y  en  a  un  autre  parmi 
les  plus  jeunes  qui  fait  les  délices  du  père  & 
de  la  mère  ;  &  ceux  qui  font  entre  deux  Ce 
Voient  prefque  oubliés  ^  c'eft  une  injuftice  ^ 
le  droit  d'aiiiefle  eu  eft  une  autre.  Enfin,  les 


P  E  K  i^^ 

cadets  réuflîflent  très-rarement,  ou  [Jour 
mieux  dire  ,  ne  réufllfFent  jamais ,  lorfque 
par  une  prédileâ:ion  injufte ,  l'on  a  pour  l'a- 
mour d'eux  déshérité  les  aines. 

L'obligation  naturelle  qu'a  le  père  dô 
nourrir  Ces  enfans ,  a  fait  établir  le  mariage , 
qui  déclare  celui  qui  doit  remplir  cette- 
obligation  j  mais  comme  les  enfans  n'ac- 
quièrent de  la  raifou  que  par  degrés ,  i]  ne 
fiiffit  pas  aux  pères  de  hs  nourrir  ,  il  faut 
encore  qu'ils  les  élèvent  &  qu'ils  les  condui- 
fent  j  déjà  ils  pourroicnt  vivre  ,  &  ils  ne 
peuvent  pas  fe  gouverner.  Enfin  ,  quoique 
la  loi  naturelle  ordonne  ^ux  pères  de  nourrir 
&  d'élever  leurs  enfans  ,  elle  ne  les  oblige, 
pas  de  les  faire  héritiers.  Le  partage  des 
biens,  les  loix  fur  ce  partage,  les fuccefiions 
après  la  mort  de  celui  qui  a  eu  ce  partage  , 
tout  cela  ne  peut  être  réglé  que  par  la  fo- 
ciété  ,  &  par  conféquent  par  des  loix  poli- 
tiques ou  civiles.  Il  eft  vrai  que  l'ordre  poli- 
tique ou  civil  5  demande  ordinairement  que 
les  enfans  fuccedent  aux  pères  ;  mais  il  ne 
l'exige  pas  toujours,  f^oyei  M.  de  Montef- 
quieu. 

Quant  à  l'origine  &  à  l'étendue  du  pou* 
voir  paternel ,  voy.  Pouvoir  patern'el; 
c'eft  une  matière  délicate  à  traiter.  (Z>.  J.) 

PerE  nature/ ,  eft  celui  qui  a  eu  un  en-^ 
faut  d'une  perfonne  avec  laquelle  il  n'étoit 
point  marié  ^  dans  ce  cas  le  père  eft  tou- 
jours incertain,  au  lieu  que  la  raere  eft 
certaine. 

Père  légitime  ^  eft  celui  qui  a  eu  un 
enfant  d'un  mariage  légitime  j  pâte rcji  quem 
nuptiœ  demonjivAnt, 

^EKE  putatif  ^  eft  celui  qui  eft  réputé  le 
père  d'un  enfant ,  quoiqu'il  ne  le  foit  pas  ea 
eifet.  • 

PeRE  adoptif  ,  eft  celui  qui  a  adopté 
quelqu'un  pour  ion  enfant.  V,  Adoption. 

\^es  ptrcs  &  mères  doivent  des  aîimens  à 
leurs  enfans  ,  ibit  naturels  ou  légitimes ,  du 
moins  jufqu'à  ce  qu'ils  loient  eu  état  de 
gagner  leur  vie. 

Les  enfans  doivent  auffi  des  alimens  à 
leur  père  &  mère  ,  au  cas  que  ceux-ci  tom-- 
bcnt  dans  l'indigence. 

Chez  les  romains ,  le  pouvoir  des  pere$ 
fur  leurs  enfans  étoit  extrêmement  étendu  5 
ils  dévoient  tuer  ceux  qui  leur  nailToient 
avec   des    difformités    confidérables  j    ils 

Pp   2 


'Se6  P  E  R 

avoient  auflî  droit  de  vie  &  de  mort  fur  ceux 

même  qui  étoient  bien  conftitués  ,  &  pou- 

voient  les  vendre  ^  ils   pouvoient  aufli  les 

cxpofer  &  leur  faire  fouffrir  toutes  fortes  de 

fiipplices. 

Les  Gaulois  &  plufieurs  autres  nations 
pratiquoient  la  même  cho'fe  *,  mais  ce  pou- 
voir trop  rigoureux  fut  reftreiut  par  Jufti- 
nicn  ,  &  préfèntement  les  pères  n'ont  plus 
fur  leurs  enfans  qu'un  droit  de  corre<âion 
modérée. 

Quant  aux  autres  droits  attachés  à  la  qua- 
lité de  père,   v.  GaRDE  ,  EMANCIPATION 

&  Mariage  ,  Puissance  paternelle  , 
Secondes  noces. 

Les  enfans  doivent  porter  honneur  & 
relpeâ:  à  leurs  père  &  mère  j  c'eft  la  loi 
divine  qui  le  leur  commande. 

hcs  pères  font  obligées  de  doter  leurs  en- 
fans ,  &  finguliérement  leurs  filles  ^  mais 
cette  obligation  naturelle  ne  produit  point 
d'aétion  civile. 

hepere  &  le  fils  font  cenfës  une  m.êmé 
pcrfonnc  ,  foit  par  rapport  à  leur  fuifrage 
ou  témoignage,  foit  en  matière  de  dona- 
tions. 

La  foccenion  des  meybîes  &  acquêts  des 
enîans  décédés  fans  enfans  ,  appartient  aux 
pères  &  mères ,  comme  plus  proches  pareus. 
f^.  Acquêts  ,  Progrés  ,  Succession  , 
Retour. 

En  matière  criminelle  ,  le  père  eft  refpon- 
iàble  civilement  du  délit  de  fon  fils  mineur. 

yoyei  aux  inftitut.  les  titres  de  patria  po- 
tejîate  ,  de  nuptiis.  [A) 

Pere  ,  (  Critiq,  facrêe.  )  Ce  terme  , 
outre  la  fignilîcation*  du  pere  immédiat ,  en 
a  quelques  autres  daus  l'écriture  qui  y  ont 
un  rapport  indireft.  Dieu  eft  nommé  pere 
de  tous  les  hommes  ,  comme  créateur  & 
confervateur  de  toutes  les  créatures.  Fere 
défigne  quelquefois  Taïeul  ,  le  bifaïeul , 
l'auteur  même  d'une  famille,  quelque  éloigné 
qu'il  eu  foit  \  ainfi  Abraham  eft  dit  le  pere 
de  plufieurs  nations.  Fere  marque  encore 
îes  rois  ,  les  magiftrats  ,  les  fiipérieurs  ,  les 
maîtres  \  il  dénote  aufii  les  perfonnes  k^ées, 
fcribo  vobis  ,  patres  ,  /.  Joan.  ij  13.  Il 
marque  enfin  l'auteur  ou  l'inventeur  de  quel- 
que chofe.  Satan  eft  pere  du  menfonge. 
Joan.  viij.  44.  Jubal  fuit  pater  canemium 
ç^tharâ^  Gcn,  /V,  il.  Jubal  fiit  le  premier 


PER 

qui  inftrulfit  les  hommes  à  jouer  de  îa  cy- 
thare ,  ou  qui  inventa  cet  inftrument  de  mu- 
fique.  (Z>.  /.) 

Pères  conscripts  ,  (H//?.  Rom.)  en 
latin  patres  confcripti  ,  nom  qu'on  donnoit 
aux  fénatcurs  de  Rome  ,  par  rapport  à 
leur  âge  ,  ou  à  caufb  des  foins  qu'ils  pre- 
noient  de  leurs  concitoyens.  «  Ceux  qui 
»  compofoient  anciennement  le  confêil  de 
»  la  république  ,  dit  Salufte ,  avoient  le 
»  corps  sffîbibli  par  les  années  ^  mais  leur 
»  efprit  étoit  fortifié  par  la  fageffe  &  par 
)j  l'expérience,  w 

Il  n'en  étoit  pas  de  même  au  temps  de 
cet  hiftonen  j  d'abord  fous  les  rois ,  le  nom 
de  pères  confcripts  n'appartenoit  qu'à  deux 
cents  fénateurs ,  qui  s'accrurent  tellement 
dans  la  fiiite  ,  que  l'on  en  comptoit  .jufqu'à 
neuf  cents  fous  Jules-Céfar ,  au  rapport  de 
Dion. 

Pere  de  l'église  ,  (  Hijf.  eccléf.  ) 
On  nomme  pères  de  féglife  ,  les  écrivains 
eccléfiaftiques  grecs  &  latins  ,  qui  ont  fleuri 
dans  les  lix  premiers  fiecles  du  chriftia- 
iiifme. 

On  en  compte  vingt- trois,  favoir,  S.  Am- 
broifè ,  S.  Athanafe  ,  Athénagore  ,  S.  Au- 
gtiftin,  S.  Bafile,  S.  Chryfoftôme,  Clément 
d'Alexandrie  ,  S.  Cyprien  ,  S.  Cyrille  d'A- 
lexandrie ,  S.  Cyrille  de  Jérufalcm ,  S.  Gré- 
goire de  Naziance,  S.  Grégoire  de  Nyflt;  , 
S.  Grégoire  le  grand  ,  ♦.  Hilaire ,  S.  Jérô- 
me ,  S.  Irenée ,  S.  Juftin ,  La<^ance ,  S.  Léon  y, 
Minutius  Félix  ,  Origene  ,  Tertullien  8c 
Théodoret.  On  leur  joint  S.  Bernard  ,  qui 
a  fleuri  dans  le  xij  fiecle.  Mais  nous  parle- 
rons de  chacun  fuivant  l'ordre  des  temps. 

Ces  hommes  célèbres  à  tant  d'égards  , 
méritent  bien  que  nous  difcourions  d'eux 
dans  ce  diâionnaire  avec  beaucoup  de  re- 
cherche ,  à  caufe  de  leur  foi  ,  de  leur 
piété  ,  de  leur  gloire  ,  de  leurs  vertus  ,  de 
leur  zèle  pour  les  progrès  de  la  religion,  8c 
de  leurs  ouvrages  ,  dont  nous  pouvons  tirer 
de  grandes  lumières  j  cependant,  comme 
en  matières  de  morale ,  de  dogmes ,  &  for 
quelque  fujet  que  ce  foit  ,  il  n'y  a  point 
d'hommes  ,  ni  de  fociété  d'hommes  infailli- 
bles ici- bas  \  comme  on  ne  doit  aucune 
déférence  aveugle  à  quelque  autre  auto- 
torité  humaine  que  ce  foit  ,  en  fait 
de  fciences  &:  de  religion  5  il    doit  ctr« 


P  iE  R 

permis  d'apporter  dans  l'examen  des  écrits 
despens  ,  la  inême  méthode  de  critique 
&  de  difcuflion  qu'on  emploie  dans  tout 
autre  auteur  humain.  Le  refpeft  même  , 
qui  n'eft  dû  qu'à  l'autorité  divine,  iuppofe 
toujours  le  diicernement  de  la  droite  raifon, 
afin  de  ne  poii-it  prendre  pour  elle  ce  qui 
n'en  a  que  l'apparence  ,  &  d'éviter  de 
rendre  à  l'erreur  un  hommage  quin'efldû 
qu'à  la  vérité  éternelle. 

Jufiin.  martyr,  {Saint)  étoitdeNaploufe 
en  Paleftine.  Il  fit  honneur  au  chriftianifme 
par  fà  fcience  &  par  la  pureté  de  fes  mœurs, 
&  confirma  fà  doctrine,  par  fa  confiance 
dans  la  foi ,  dont  il  fut  martyr  l'an  167.  Il 
nous  refte  de  lui  deux  apologies  pour  les 
chrétiens,  un  dialogue  avec  le  juifTry- 
phon  ,  deux  écrits  adrelTés  aux  gentils ,  & 
un  traité  de  iunité  de  Dieu  ,  &c. Les  meil- 
leures éditions  font  celles  de  Robert  Etienne 
eni55i&i57i,  en  grec  i  celle  de  Com- 
melin  ,  en  1593  ■>  ^"  K^^^  ^  ^"  \àXÏi\  ^  celle 
de  Morel  en  1656,  greque  &  latine  ^  & 
enfin  celle  de  dom  Prudent  Marau ,  béné- 
diélin  ,'  en  1742. ,  in- fui. 

Il  paroît  que  faint  Juftin  a  eu  le  premier 
fur  le  célibat  &  la  continence  d^s  idées 
telles  qu'elles  lui  ont  fait  regarder  le  ma- 
riage comme  ayant  par  lui-même  quelque 
chofe  d'imipur  ^  du  moins  fes  expreifions 
à  ce  fujet  donnèrent  lieu  depuis  à  Tatien 
ion  difciple  de  traiter  nettement  le  mariage 
de  débauche  &  de  fornication  réelle. 

Irenée,  {Saint)  célèbre  évêque  de  Lyon  , 
né  dans  la  Grèce  vers  l'an  120  de  Jelîis- 
Chrift  ,  fut  difciple  de  Papias  &  de  faint 
Polycarpe.  Il  devint  le  chef  des  égîifes  d^s 
Gaules  ,  &  les  gouverna  avec  2ele  jufqu'à 
l'an  202  ,  qu'il  finit  ks  jours  fous  l'empire 
de  Sévère.  Il  avoit  écrit  en  grec  plufieurs 
ouvra;^es  ^  il  ne  refte  qu'une  verfion  latine 
alfez  barbare  ,  de  cinq  livres  qu'il  com- 
pofa  contre  les-hérétiques  ^  quelques  frag- 
inens  grecs  rapportés  par  divers  auteurs  , 
&  une  lettre  du  pape  Viâor  ,  fur  le  jour 
de  la  célébration  tle  la  Pâque  ,  qu'on  trouve 
dans  Eutebi.  Les  meilleures  éditions  de  (ks 
œuvres  font  ceLeS  d'Erafme  en  i52(5  ,  de 
Grabe  en  1702,  &  du  P.  Malfueten  171OJ 
mais  ilyfa.it  joindre  les  curieufès  dillèrta- 
tions  c[ue  Dodwel  a  compofées  fur  \qs  écrits 
dfe  S.  Irénée  pour  eu  faciliter  l'intelligence  , 


Dijfèrt'atîones  in  Ircnceum  ,  imprimées  à 
Oxford  en  1689  ,  in-%^.  Ces  diifertatioiis 
ne  font  pourtant  que  \ç.%  prolégomènes  d'un 
ouvrage  étendu  que  ce  iàvant  projetoit  de 
publier  fur  la  nature  des  héréfies  qui  fè 
formèrent  dans  l'églife  primitive. 

Photius  prétend  que  ce  père  a  corrompu  ,• 
par  des  raifonnemicns  ci^ranges  &  peu  foli- 
des ,  la  fimplicité  &  l'exadie  vérité  Aqs  dog- 
mes de  l'églife.  ^os  critiques  delircroieut 
qu'il  eût  traité  les  vérités  delà  religion  avec 
toute  la  gravité  qui  leur  convient ,  &  qu'il 
eût  communément  appuyé  \qs  dogmes  de 
notre  foi  fur  des  fondemens  plus  folides 
que  ceux  dont  il  fait  ufage.  Ses  livres 
contre  \qs  héréfies  ne  font  pas  toujours 
remplis  de  raifonnemens  vrais  &  concluans. 
S.  Irenée  embrafià  l'opinion  des  Millénai- 
res :  il  avoit  fur  le  temps  de  la  mort  de 
Jefus-Chrift  un  fentiment  tout  particulier, 
prétendant  que  Notre-Seigneur  étoit  âgé  de 
plus  de  40  ans  quand  il  commença  de  prêcher 
l'évangile.  Il  a  pofé  une  maxime  qui  a  été 
adoptée  par  plufieurs  -dnires pères  ;  c'eftque 
toutes  \qs  fois  que  l'Ecriture-Saiute  rapporte 
quelque  aâicn  des  patriarches  ou  des  pro- 
phètes fans  la  blâmer  ,  quelque  mauvaife 
qu'elle  nous  paroifi"e  d'ailleurs ,  il  ne  faut 
pas  la  condamner,  njais  y  chercher  un  type. 
Enfin  il  a  jeté  les  iemences  d'une  opinion 
dangereufe  ,  foutenue  dans  la  fuite  ouver- 
tement par  S.  Auguftin.,  c'efi  que  tout  ap- 
partieiit  aux  fidèles  &  aux  jufies. 

Atkénagore,  phiîofophe  chrétien  d'Athè- 
nes ,  fe  dirtingua  dans  le  ij  fiecle  par  fou 
zèle  pour  la  foi  ,  &  par  fa  icîence.  On  a 
de  lui  nue  apologie  pour  les  chrétiens  , 
adrelfée  à  Marc  Aurele  Autoniu ,  &  à 
Lucius-Aurele  Commode  ,  l'an  179 ,  fi 
nous  en  croyons  Baronius^  ou  l'an  168  ,  fî 
nous  en  croyons  Dodwel.  Sou  autre  ou- 
vrage ell  fur  la  réfurre£lion  des  morts.  Ces 
deux  écrits  fe  trouvent  dans  la  bibliothèque 
des  pères  ,  &  à  la  fin  des  éditions  de  S.  îuÇ- 
*in.  Les  œuvres  d'Athénagore  ont.  été  im- 
primées à  Oxford  en  1682  ,  par  les  foins 
de  l'évêque  Fell,  en  grec  &  en  latin, 
avec  des  notes  :  on  les  réiinprima  à  Leip- 
fick  en  1684  &  1686.  Il  faut  y  joindre  la 
dilîcrtation  du  P.  Nourry ,  qui  eft  la  troi- 
fieme  du  fécond  toiue  de  ion  Apparatu^ 
ad  bibL  veter.  pàtruuu 


^Athénag^oras  n'eft  pas  bien  purgé  de  toute 
hétérodoxie  ,  félon  l'opinion  de  plu  (leurs 
critiques.  Ils  trouvent  qu'il  eft  rempli  d'idées 
platoniciennes.  Il  abandonne  la  providence 
particulière  de  toutes  cliofes  aux  anges  que 
Dieu  a  établis  fur  chacune  ,  &  laifTe  à 
l'Etre  fuprême  une  providence  générale^ 
cette  opinion  vient  ?.i  effet  des  principes  de 
la  philofophie  de  Platon.  Il  admet  auflî 
dtux  fortes  de  mauvais  anges  :  l'une  com- 
prend ceux  que  Dieu  créa  ,  &  qui  s'acquit- 
tèrent mal  de  la  commiiTion  qu'ils  avoient 
reçue  de  gouverner  la  matière  ^  l'autre  ren- 
ferme ceux  qu'ils  engendrèrent -par  le  com- 
merce qu'ils  eurent  avec  les  femmes.  Athé- 
nagore  n'a  pas  bien  appliqué  le  pafTage  de 
l'évangile  qui  blâme  ceux  qui  répudient 
«ne  femme  pour  en  époufer  une  autre  ^ 
car  il  s'en  fert  à  condamner  les  fécondes 
noces  ,  qu'il  traite  fans  détour  d'honnête 
adultère.  Je  ne  dirai  rien  des  fanlfes  idées 
qu'on  lui  reproche  au  ftijet  de  la  Trinité  ^ 
on  peut  lire  lur  cet  article  les  origenicnœ  de 
M.  Huet  ,  LU  ^  c.  iij.  Quant  au  ftylc  de 
ce  philofophc  chrétien  ,  il  eft  pur  &  bien 
attique  ,  mais  un  psu  trop  chargé  d'hyper- 
bates  &  de  parenthcfès. 

Oî^a  quelque  raifon  d'être  furpris  que  ce 
père  de  téglife  ait  été  inconnu  à  Euièbe  , 
à  S.  Jérôme ,  &  à  prefque  tous  les  autres 
écrivains  eeclénaftiques  \  car  on  ne  le  trouve 
vcité  que  dans  un  ouvrage  d'Epiphanes» 

M.  Huet  parle  amplement  d'un  rowan 
qui  a  paru  fous  le  nom  d'Athénagoras ,  & 
qu'il  conjeéiure  être  de  Philander  ^  ce  ro- 
man ,  dont  on  ne  connoît  qu'une  tradudion 
■françoife  ,  eft  intitulé;  »  Du  vrai  &  parfait 
w  ^mour  \  écrit  en  grec  par  Athcnagoras  , 
»)  philofophe  athénien  ,  contenant  les 
w  amours  honnêtes  de  Théogone  &  de 
y>  Charide  ,  de  Phérécidès  &  de  Mélan- 
»  génie.  Paris ,   1599  &  161 2.  ,  in.-l^.  » 

Clément  d'Alexandrie  (  Saint  )  ,  après 
avoir  étudié  dans  la  Grèce ,  en  Italie  & 
«n  orient ,  renonça  aux  erreurs  du  paga- 
nifme  ,  &  fut  prêtre  &  catéchifte  d'A- 
lexandrie, en  190.  Il  mourut  vers  l'an  220  : 
il  nous  refte  de  lui  plufieurs  ouvrages  en 
grec ,  qui  ont  été  traduits  en  latin  :  ils 
font  remplis  de  beaucoup  d'érudition.  Les 
principaux  font*  les  ftromates  ,  l'exhorta- 
tioû  aux  gentils  ,   &  k  pédagogue.  On  a 


T>ER 

perdu  un  de  k%  ouvrages  divifé  en  huit  li- 
vres ,  &  intitulé ,  les  hypotypofes.  Hervet 
a  traduit  le  premier  ces  traités  de  grec  ea 
latin.  Heinlius  en  a  donné  une  édition  à 
Leyde  ,  en  1616 ,  6c  enfuite  en  i<529  ^ 
in  fol.  C'eftla  meilleure  de  toutes.  L'édition 
de  Paris  en  1641  ,  eft  moins  corredte  6c 
moins  belle. 

Tous  les  critiques  ne  font  pas  également 
reuiplis  d  admiration  pour  faint  Clément 
d'Alexandrie.  iVl.  Dupin  étoit  d'avis  de 
retrancher  tous  les  endroits  du  pédagogue 
où  il  eft  parlé  de  péchés  contraires  à  la 
chafteté.  M.  Buddeus  obferve  ,  d'après  lui^ 
que  ce  père  a  tranfporté  dans  le  chriftia- 
nifme  plufieurs  choies  Aqs  dogmes  6c  des 
expreilTons  de  la  philofophie  ftoïcienne.  Il 
repréfente  fon  gnoftique  (ou  l'homme  chré- 
tien )  comme  un  homme  entièrement 
exempt  de  pa/lions.  On  defircroit  de  l'or- 
dre dans  les  livres  des  ftromates  ,  ainii 
que  dans  l'ouvrage  du  pédagogue  :  le  ftylc 
en  eft  auflî  trop  négligé  ,  6c  manque  d'une 
gravité  convenable  ^  S.  Clément  fait  pro* 
feflion  de  n'y  point  garder  de  méthode* 
Cependant,  en  matière  de  morale,  la  iiaifon 
des  penfccs  6c  l'ordre  des  fujets  qu'on  traite 
ne  font  pas  des  chofes  indifférentes. 

On  trouve  encore  que  les  raifonnemens 
de  ce  père  de  léglife  font  d'ordinaire  vagues  ^ 
obfours.  fondés  ou  fur  de  pures  (iibtilitésj 
ou  fur  de  vaines  allégories  ,  ou  fur  de 
faufles  explications  de  paflagcs  de  l'Ecriture» 
On  lui  reproche  davoir  cherché  à.étaler 
une  érudition  mal  placée  ^  d'avoir  jeté  fur 
le  papier  ,  fans  dallez  mûres  réflexions  -, 
tont  ce  qui  lui  venoit  dans  refj>rit  ^  enfin 
d'avoir  débité  quelquefois  àes  maximes  où 
vifiblement  fauftes  ,  ou  fort  outrées.  Il  eft 
vrai  qu'en  condamnant  févérement  les 
mœurs  de  fou  fîecle  ,  il  diftingue  rarement 
l'ufage  légitime  des  choies  indifférentes  de 
leur  nature  ,  d'avec  l'abus  le  plus  criminel  j 
mais  il  feroit  aile  de  défench-e  l'opinion 
qu'il  avoit  fur  le  falut  des  païens  ,  regar- 
dant la  philofopliie  comme  le  moyen  que 
Dieu  leur  avoit  donné  pour  y  parvenir. 

TertulUen  ,  (  Quintu^  Septimius  Florens 
T^r/w/Z//2/2i/j^  prêtre  de  Carthage  ,  6c  l'un 
des  hommes  célèbres  que  l'Afrique  ait  pro- 
duits ,  étoit  fils  d'un  centenier  'dans  la 
milice.  Il  fe  fit  dirétiea  ,  6c  fo  maria  aprçs 


-jé 


-m 


fôn  boptême  :  il  prit  enfuite  la  prétrife ,  & 
alla  à  Rome.  Il  fe  fépara  de  réglife  catho- 
lique au  commencement  du  iij  fiecle,  6c 
£e  fit  montanifle  ,  fe  laiflant  ieduire  par 
des  révélations  ridicules.  Il  parvint  à  une 
extrême  viciilefTe  ,  &  mourut  fous  le  règne 
d'Autonin  Caracalla  ,  vers  l'an  216.  Les 
meilleures  éditions  de  Ces  œuvres  font  celles 
de  Rigault  &  de  Venife  ,  en  1746  ,  in-fo/. 

On  remarque  dans  fes  écrits  un  génie 
auftere ,  une  imagination  allumée  ,  un  ftylc 
énergique  &  impétueux  ,  mais  dur  &  obf- 
cur.  Ses  plus  grands  admirateurs  convien- 
nent que  les  raifonnemens  de  Tertullisn 
«ont  pas  toute  la  juftefTe  &  la  folidité  que 
demanderoient  les  matières  importantes 
qu'il  difcutç.  Le  P.  Ceillier  &  M.  Dupin  , 
gvouent  que  Tertuliien  a  débité  ,  étant 
encore  dans  le  fein  de  l'églife  ,  des  règles 
de  morale  exceflivement  outrées ,  &  qu'il 
a  fait  paroître  dès  fes  premiers  ouvrages 
beaucoup  de  pfnchant  aux  feutimens  les 
plus  rigides.  En  effet ,  qu'on  lile  les  écrits 
de  ce  père  de  tégUfe,  avant  qu'il  donnât 
dans  le  monîanifme  .  tout  y  relpire  ce 
tour  d'efprit  auftere  , .  qui  ne  fait  pas  garder 
un  jufte  milieu  dans  iès  jugemens  \  cette 
imagination  africaine  qui  grofîit  \q.s  objets  , 
cette  impétuofité  qui  ne  laiffe  pas  le  temps 
de  les  confidérer  avec  attention. . 

Dans  le.  traité  de  l'idolâtrie  qu'il  écrivit 
ayant  que  d'être  j  montanifte ,  il  condamne 
tout  métier  ,  toute  profeflîon  qui  regardoit 
\ts  chofes  dont  les  païens  pouvoieut  faire 
quelque  abus  par  des  aftes  d'idolâfrie  . 
quand  même  on  n'auroit  pas  d'autres  m,oycns 
pour  fubfifter. .  Il  dédame,  coaire  toutes 
iôrtes  de.  couronnes  ,,  &  principalement 
contre  celles  de  laurier^  Gomm^e  ayant  du 
rapport  à  l'idolâtrie.  Il  blâmic  la  recherche 
&  l'exercice  des  emplois  publics  ^  il  en- 
ièigne  >  qu'il  eft  abfolum.ent  défendu  aux 
chrétiens  de  juger  de  la. vie  &  de  l'honneur 
des  hommes  j  ce  qui ,  dit  M.  Nicole,  eft 
manifeftement  contre  la  doftrine  &  contre 
la  pratique  de  l'églife.  Il  fe  déclare  vive- 
ment contre  les  fécondes  noces  , .  fur-tout 
dans  fès  livres  de  la  monogamie.  Enfin , 
il  regarde  com.me  incompatible  la  qualité 
d'empereur  &:  celle  de  chrétien. 

Origene  ,  l'un  des  plus  favans  écrivains 
ccçléfîaftiques  de  la  primitive  églife  ,  .  au 


P  E  R  303; 

iij  fîecle,  naquit  à  Alexandrie  Tan  18$ 
de  Jefus-Chrift  ;,  il  eut  pour  maître  S.  Clé- 
ment d'Alexandrie ,  &  lui  fuccéda  dans  la 
place  de  catéchifte.  Il  mourut  à  Tyr  ,  l'an 
254  ,  à  6(^  ans.  Ses  ouvrages  font  fort 
connus  :  les  principaux  qui  nous  reftent , 
font  5  1°.  un  traité  contre  Celfe  ,  dont 
Spencer  a  donné  une  bonne  édition  ca 
grec  &  en  latin  ,  avec  des  notes  \  2°.  des 
Jiomélics  avec  des  commentaires  fur  1  Ecri- 
ture-Sainte ^  3°.  la  philocalie  ^  4°.  àes- 
fragmens  de  fes  hexaples ,  recueillis  par  le 
P.  Montfaucon  ,  en  deux  volumes  in-folio  ; 
5°.  le  livre  des  principes,  dont  nous  n  avons  . 
plus  qu'une  verfion  latine.  La  plus  ample 
édition  de  toutes  les  œuvres  d'Origene  ,  eft 
celle  du  P.  de  la  Eue ,  bénédidtin  ,  en  grec  . 
&  en  latin. 

Son  traité  dé  la  prière  qui  n'avoit  jamais 
été  imprimé  ,  le  fut  en  grec  &  en  latin  à 
Oxford  ,  l'an  1686.  Sa  réponfe  au  philofo- 
phe  Celfus ,  qui  eft  un  des  meilleurs  livres 
de  ce  célèbre  écrivain ,   a  été   publiée  en 
françois  ,  en   1700  :  c'eft  M.    Bouhereau 
qui  eft  l'auteur  de  cette  verfion. 
'     M. ,  Dupin  a  difcuté  fort .  au  long  tout  - 
ce  qui  regarde  la  vie  &  les  ouvrages  de  ce  ■ 
père  de  tégUfe.  Il  n'eft  pas  le  feul  \  il  faut 
lui  joindre,  1°.  M.  de  la  Mothc-le-Vayer  ,, 
vie  de  Tertuliien  &d'Origene,  Paris,  1675,  . 
/^-8°."2°.  l'hiftoire  des  mouvemens  arrivés 
dans  Féglifè  au  fujet  d'Origene  &   de  fa 
doélrine.  Le  P.  Doucin  ,  jéfuite  ,  eft  l'au- 
teur de  ce  dernier  ouvrage  imprimé  à  Paris 
en  1700^  il  contient  auffi  un  abrégé  de  la . 
vie  d'Origene. . 

'■    Ou  ne  peut  le  lire  ,  .dit  Baylé  ,  fiins  dt'^- 
piorer  le  fort  bizarre  de  l'e/jjrit  humain,. 
Les  mœurs  d'Origene  étoient  d'une  pureté, 
admirable  \  fon  zele  pour  l'évangile  étoit 
très-ardent  ;  affamé  du  martyre  ,  il  foutint 
avec  une    ccnftance   incroyable  Its   tour-- 
imens  dont  les  perfécuteurs  de  la  foi  fe  fer- 
yirent  contre  lui  ^  tourmens  d'autant  plus., 
infupportables,  qu'on  les  faifoit  durer  long- 
temps ,.  en  évitant  avec, foin  qu'il,  n'expirât . 
dans  la  torture.    Son   eff»rit    fut   grand  ,,. 
beau,   fublime  j  fon  favoir   &   fà  ledure 
très-vaftes ,  &  néanmoins  il  tomba  dans  un 
prodigieux  nombre  d'héréfies  ,  dont  il  n'yr 
en  a  aucune  qui  ne  foit  monftrueufe  j  ce. 
fout  les  termes  du  P.  Doucin  -^  &  appa->- 


304  P  E  R 

remmefit  il  n'y  tomba  qu'à  caufè  qu'il  avoit 
tâché  de  fauvcr  de  Tinfulte  àes  païens  les 
vérités  du  chriftianifme  ,  &  de  Içs  rendre 
même  croyables  aux  phiiofophes  ,  ce  qu'il 
defiroit  avec  une  ardeur  extrême  ,  ne  dou- 
tant pas  qu'avec  eux  il  ne  convertît  l'univers. 
Tant  de  vertus ,  tant  de  beaux  talens  ,  un 
motif  fi  plein  de  zèle  ,  n'ont  pu  le  garantir 
des  erreurs  dans  les  matières  de  la  foi. 

On  ne  s'imagine  pas  ordinairement  que 
^  les  erreurs  de  ce  rare  génie  aient  quelque 
liaifon  ^  elles  femblent  être  la  produdion 
d'un  efprit  vague  &  irrégulier  j  cependant 
il  paroît ,  après  un  peu  d'examen  ,  qu'elles 
coulent  d'une  même  fource  ,  &  que  ce  (bi^ 
des  faufîètés  de  fyftêmes  qui  forment  une 
chaîne  de  conféquences;  C'eft  dans  iès 
trois  livres  des  principes  qu'il  a  développé 
&  établi  fes  héréfies  ,  tellement  liées  ,  qu'on 
les  voit  toutes  naître  d'un  même  principe. 

L'origénifme  charnel  ne  dura  guère  ,  & 
fut  plus  aifé  à  détruire  que  l'orrgénifme  fpi- 
rituel  qui  éîoit  une  manière  de  quiétifme. 
Le  charnel  fut  abhorré  de  tout  le  monde  j 
ceux  mêmes  qui  en  étoient  infedlés  n  oferent 
produire  aux  yeux  des  hommes  une  doc- 
trine de  cette  efpece  :  mais  l'origéniime 
fpirituel ,  dont  les  feéiateurs  ,  félon  S.  Epi- 
phane  ,  étoient  irréprochables  du  côté  de 
la  pureté  ,  ne  peut  être  éteint  qu'après 
plus  de  deux  fiecles ,  &  ce  n'a  pas  été  pour 
toujours. 

Cyprîen  (  Saint  )  ,  natif  de  Carthage  , 
y  enfeigna  la  rhétorique  avant  que  d'être 
chrétien.  Après  fa  converlion,  arrivée  en 
Z^6 ,  il  prit  le  nom  de  Cécile ,  8c  fut  déclaré 
évêque  de  Carihage ,  en  248.  Il  eut  la  tètQ 
tranchée  dans  laperfécution  de  Valérien ,  en 
2,58.  Les  meilleures  éditions  de  fès  œuvres 
font  celles  de  Pamélius  ,  e*n  1568  ;  de  Ri- 
gault,  en  1648  j,  d'Oxford,  en  1682  ;  & 
finalement  celle  de  M.  Baluze  ,  avec  m\e 
préface  de  dom  Prudent  Maran ,  bénédictin. 
M.  Lambert  Ponce  a  publié  les  œuvtcs  de 
S.  Cyprien  en  françois  ,  &  dom  Gervais  , 
ancien  abbé  de  b  Trappe  ,  a  écrit  fa  vie. 

La  féconde  nailfancè  du  nouvel  homme 
dans  et  père  de  téglife ,  hâta  fes  progrès 
dans  la  piété  ,  fans  le  mettre  à  l'abri  des 
erreurs  humaines.  Il  fê  trompa  dans  fbn 
•opinion  de  la  défenfe  de  foi-même,  en 
•la  condamnant  même  pour' fauver  fa  vie 


P  E'R. 

contre  les  attaques  d'un  injufle  agrefTeur. 
Il  outra  les  idées  de  la  religion  dans  fès 
louanges  du  célibat  ,  de  la  continence ,  de 
l'aumône  ÔC'du  martyre  j  mais  il  eft  fort  ex- 
cufable  ,  n'ayant  foûté  de  tels  principes  que 
dans  le  deffein  de  porter  \cs  hommes  à  des 
vertus  dont  ils  ne  franchifîènt  guère  les  li- 
mites. Ainfî  le  défaut  de  jufleflb  dans  [on 
jugement  efl:  en  quelque  forte  compenfé  par 
la  droiture  de  fon  intention  j  au  refte^,  quoi- 
que ce  foit  un  des  pères  qui  ait  le  mieux 
écrit  en  latin  ,  M.  de  Fénélon  a  remarqué 
que  fon  ftyle  &  fa  diâion  fentent  l'enflure 
de  fon  temps  &  la  dureté  africaine.  Il  ajoute 
qu'on  y  trouve  encore  des  ornemens  afîéc- 
tés  ,  &  particulièrement  dans  l'épître  à  Do- 
uât ,  que  S.  Auguftincite  néanmoins  comme 
une  pièce  d'éloquence. 

Minmius  Félix  naquit ,  à  ce  qu'on  croit  ^ 
en  Afrique  ,  au  commencement  du  iij  fîecle. 
Nous  avons  de  lui  \n\  dialogue  intitulé 
Oclavius ,  dans  lequel  il  introduit  un  chré- 
tien &  un  païen  qui  difputent  enfemble. 
M.  Rigault  a  publié ,  en  1643  ,  une  bonne 
édition  de  ce  dialogue  ;  on  l'a  fondue  de- 
puis dans  celle  des  œuvres  de  S.  Cyprien  , 
en  1666:^  mais  l'édition  la  plus  recherchée 
eft  celle  de  Jean  Davies  ,  à  Cambridge , 
en  1678  ,  &;  réimprimée  à  Londres  ,  en 
171 1.  M.  Perrot  d'Ablancourt  a  aufïï  mis 
au  jour  une  traduâiou  françoilë  de  Minutius 
Félix. 

Je  foufcris  volontiers  aux  éloges  que 
Laéîance  &  S.  Jérôme  ont  faits  du  dialo- 
gue de  Minutius  Félix  ,  quoique  l'auteur 
me  paroiflé  avoir  trop  effleuré  Ibii  fujet  \ 
mais  on  peut  moins  le  juflifier  fur  d'autres 
reproches  plus  importans.  Il  femble  faire 
regarder  les  fécondes  noces  comme  un 
•véritable  adultère  j  il  condamne  fans  aucune 
exception  l'ufage  des  couronnes  de  fleurs  j 
enfin,  féduit  par  la  force  de  fbn  imagina- 
tion ,  il  ne  fe  contente  pas  de  louer  le 
figne  de  la  croix  que  faifoient  les  chrétiens 
en  mémoire  de  la  crucifixion  de  notre 
Sauveur ,  il  prétend  que  ce  figne  eft  naturel 
à  tous  les  hommes  ,  &  qu'il  entroit  même 
dans  la  religion  des  païens.  Apolog.  c.  xxjx, 

Laâance  étoit  africain  ,  félon  Baronius  5 
&  félon  d'autres  ,  étoit  natif  de  Fermo 
dans  la  Marche  d'Ancone.  Il  florifToit  au 
commencement  du  iv  iiecle  3   il  étudia  la 

rhétcriqu* 


P  E  R 

TÎietoriqiie  fous  Arnobe ,  &  fut  cholfi  par 
l'empereur  Confîanrin  pour  être  précepteur 
de  (on  fils  Crifpe  Céfar.  La  plus  ample 
édifion  de  Tes  œuvres  eft  celle  de  Paris 
^1748  ,  en  deux  volumes  in-^°. 

Lts  inilitufions  divines  en  fept  livres  , 
font  le  principal  ouvrage  de  Ladance. 
S.  Jérôme  trouve  qu'il  renverfe  mieux  les 
erreurs  iz^  païens  ,  qu'il  n'eft  habile  à 
étabiir  les  dogmes  des  chrétiens.  Il  lui 
reproche  de  n'erre  pas  exempt  de  Fautes  , 
&  de  s'erre  plus  appliqué  à  l'éloquence  & 
à  la  philofbphie,  qu'à  l'étude  de  la  théo- 
logie. Quoi  qu'il  en  foit ,  c'eft  de  tous  les 
anciens  auteurs  eccléfiaitiqucs  latins ,  celui 
qui  a  le  mieux  écrit  dans  cette  langue.Il  évita 
le  mauvais  tour  d'expreilions  de  Tertullien 
&de  S.  Cyprien,  préférant  la  netteté  du  ftyle 
à  l'enflure  &  au  gigantefque  ;  mais  adoptant 
les  idées  de  Tes  prédéceflcurs  ,  il  condamne 
abfolument  la  délenfe  de  foi-même  contre 
tout  agrefleur ,  &  regarde  le  prêt  à  ufure 
comme  une  elpece  de  larcin. 

On  lui  a  attribué  le  traité  de  la  mort  des 
perfécmeurs  ,  que  Baluze  a  donné  le  pre- 
mier au  public  ;  mais  quelques  favans  dou- 
tent que  ce  traité  foit  de  Ladance,  & 
le  P.  Nourry  prétend  qu'il  efl  de  Lucius 
Cœcilius  ,  qui  vivoit  au  commencement 
du  vj  fiecle. 

Hilaire  {Saint)  ,  évêque  de  Poitiers , 
lieu  de  fa  naiflance  ,  &  docteur  de  l'églifè  , 
quitta  le  paganifme,  &  embralFa  la  religion 
chrétienne  avec  (a  femme  &  fa  fille.  Il 
mourut  en  368  ,  après  avoir  mené  une  vie 
agitée  de  troubles  &  de  difputes  qu'il  eut 
fans  celle  avec  les  ariens.  Cependant  il  a 
fait  plufieurs  ouvrages  :  .outre  un  traité 
fur  le  nombre  feptenaire  ,  qui  s'ell:  perdu  , 
il  a  écrit  douze  livres  fur  la  Trinité  ,  & 
des  commentaires  fur  l'écriture.  Les  béné- 
didins  ont  publié  le  recueil  de  (qs  œuvres  , 
en  1686 ,  &  le  comte  Scipion  MafFey  en  a 
mis  au  jour  à  Vérone  ,  en  1730, une  nou- 
velle édition  fort  augmentée. 

Saint  Jérôme  appelle  S.  Hilaire  le  rhônc 
de  l'éloquence  latine  ,  latince  eloquentix 
rhodanus.  Je  laifTe  à  expliquer  cette  épi- 
there  ;  je  dirai  feulement  que  les  commen- 
taires de  l'évêque  de  Poitiers  fur  l'écriture  , 
font  une  fimpîe  compilation  d'Origene  , 
dont  il  fe  faifoit  lire  les  écrits  par  Héliodore. 
Tome  XXV, 


P  E  R 


3oy 


Athanafe  (Saint)  ,  patriarche  d'Ale- 
xandrie ,  étoit  égyptien  ;  il  affilia  au  con- 
cile de  Nicée  en  325  ,  &  obtint  ,  l'année 
fuivante  ,  le  fiege  d'Alexandrie  ,  dont  il 
fut  dépolfédé  en  335.  Il  éprouva  plufieurs 
fois ,  pendant  le  cours  de  fa  vie ,  les  faveurs 
&  les  diigraces  de  la  fortune.  Erîfin  ,  après 
avoir  été  tantôt  exilé  ,  tantôt  rappelle  par 
divers  empereurs  qui  fe  fuccéderent  ,  il 
mourut  le  3  mai  373.  Il  n'efi:  point  l'auteur 
du  fymbole  qui  porte  Ion  nom. 

Ses  ouvrages  roulent  principalement  fur 
la  défenfe  des  rayfieres  de  la  Trinité  ,  de 
l'Incarnation,  delà  divinité  du  Verbe  & 
du  Saint-Efprit.  Nous  en  avons  trois  édi- 
tions eftimées  ,  celle  de  Commelin  ,  en 
1600  ;  celle  de  Pierre  Naunius  ,  en  1617  ; 
&  enfin  c^e  du  P.  Montfaucon.  M.  Her- 
man  a  doimé  la  vie  de  S.  x\thana{è  en 
françoi?, 

Cepere  de  Véglije  paroît  ne  s'être  attaché 
qu'à  la  défenfe  des  .dogmes  du  chrifiia- 
nifme  :  il  y  a  peu  de  principes  de  morale 
dans  Çqs  ouvrages  ;  &  ceux  qui  s'y  ren- 
contrent ,  fi  vous  en  exceptez  ce  qui  re- 
garde la  fuite  de  la  perfécution.  &  de 
i'épifcopat  ,  n'y  font  pas  traités  dans 
l'étendue  qu'ils  méritent  :  c'efl  le  juge- 
ment qu'en  porte  M.  Dupin. 

Cyrille  (Saint)  ,  patriarche  d'Alexan- 
drie ,  fuccéda  à  Théophile  fon  oncle,  le 
6  oâobre  412.  Après  avoir  fait  des  com- 
mentaires lur  l'évangile  de  faint  Jean  , 
&  fur  plufieurs  autres  livres  de  l'écri- 
ture,  il  mourut  en^  444.  Jean  Aubert  , 
chanoine  de  Laon ,  publia  fes  ouvrages 
en  grec  &  en  latin  ,  en  i<^38  ,  en  fix 
tomes  in-folio. 

Les  critiques  les  trouvent  obfcurs  ,  diffus 
&  pleins  de  lùbtiHtés  métaphyfiques.  Nous 
avons  fa  réponle  à  l'empereur  Julien  ,  qui 
reprochoit  aux  chrétiens  le  culte  de  leurs 
reliques.  S.  Cyrille  lui  répond  que  ce  culte 
étoit  d'origine  païenne  ,  &  que  par  confé- 
quent  l'empereur  avoit  tort  de  le  blamer> 
Cyrill.  contra  Julian.  lib.  X ,  p.  Jjff. 
Dans  le  fond  ,  cette  coutume  ,  réduite  à  fè? 
jufies  bornes ,  pouvoit  avoir  alors  un  ufage 
fort  utile.  Ilferoit  plus  difficile  de  jufiifier 
la  faute  que  fit  Cyrille  d'Alexandrie ,  en 
érigeant  en  martyr  un  moine  nommé  Âm- 
mofiius  y  qu'on  avoir  condamné  pour  avoir 

Qq 


3c^  P  E  P. 

infuîté  &  bîeîî'é  Ôr^fte- ,-  gouvërneuf  î'O- 
main  ,  au  rapport  de  Socrate  ,  dans  Ion 
hifioire  ecclefiafiique.  Je  pafle  à  S.  CjTille 
de  Jérufalem  ,  que  j'aurois  dû  nommer  le 
premier. 

Cyrille  {Saint)  y  patriarche  de  Jéru- 
falem ,  fuceéda  à  Maxime ,  en  3Ço  ;  & 
après  bien  des  révolutions  qu'il  éprouva  fur 
fon  fiege  ,  il  mourut  le  i8  mars  386.  Il 
nous  refte  de  ce  père  de  Véglife  ,  dix-huit 
catechefes  adreiîees  aux  catéchumènes  y 
&  cinq  pour  les  nouveaux  baptifés.  On  a 
encore  de  lui  une  lettre  écrite  à  l'empereur 
Confiance  y  fur  l'apparition  d'une  croix 
lumineufe  qui  fut  vue  fur  la  ville  de  Jéru- 
falem. La  meilleure  édition  des  œuvres  de 
S.  Cyrille,  efl:  celle  du  P.  Toiutée,  en 
grec  &  en  latin.  M.  Grancolas  ,  dodeur 
de  Sorbonne  ,-  les  a  traduites  en  François 
avec  des  notes.  Tout  le  monde  peut  les 
lire  ;  &  il  elles  ne  paroiflent  pas  compofées 
fuivant  les  règles  d£  l'art ,  il  n'en  faut 
point  blâmer  l'auteur  ,  puifqu'il  avoue  lui- 
même  ,  en  quelque  manière  ,  les  avoir  faites 
à  la  hâte  &  fans  beaucoup  de  préparation. 

Bajile  le  grand  {Saint)  _,  naquit  à 
Céiàrée  en  Cappadoce ,  vers  l'an  328.  Il 
alla  achever  fes  études  à  Athènes,  où  il 
lia.  une  étroite  amitié  avec  S.  Grégoire  de 
Naziance.  Il  fut  élu  évêque  de  Célarée  en 
369  ,  &  travailla  à  la  réunion  des  églifes 
d'orient  &  d'occident,  qui  étoientdivifées 
au  fujet  de  Méluc  &  de  Paulin  ,  deux 
ëvêques  d'Antioche.  Enfuite  il  écrivitcontre 
Apollinaire  &  contre  Euiîathe  de  Sébafle. 
Il  mourut  en  379.  La  meilleure  édition 
de  fes  œuvres  eli  celle  du  P.  Garnier,  en 
grec  &  en  latin,  Paris  175 1  ,  trois  volu- 
mes in-folio.  M.  Herman ,  doâeur  de  Sor- 
bonne ,  a  donné  fa  vie  ,  avec  une  tradudion 
des  afcetigues  de  ce  père  de  réglije. 

Erafrae  taifoit  un  grand  cas  de  l'éloquence 
de  S.  Bafile  ;  fon  flyle  efl  pur  &  fes  ex- 
prefllons  élégantes.  Ses  lettres  fur  la  difci- 
pline  eccléliaftique ,  font  très-inflrudives  ; 
&  l'on  trouve  en  général  dans  Ces  ouvrages 
beaucoup  d'érudition.  Mais  il  s^iï  fait  , 
comme  (es  prédcceffeurs  ,  des  idées  outrées 
de  la  patience  chrétienne.  Il  établit  que 
tout  laïque  qui  s'eft  défendu  contre  des 
brigands ,  doit  être  fufpendu  de  la  com- 
muniop ,  &  dépofé  s'il  eft  du   clergé.  Il 


P  E  R 

penldit  àufli  qu'il  n'eft  pas  permît  à  un 
chrétien  d'avoir  des  procès,  pas  même  pour 
les  vêtemens  qui  lui  font  néceflaires  pour 
couvrir  fon  corps.  Morale  régulière , 
XLIX  y  cap.  j  y  p.  4^^  ;  tom.  II. 

Grégoire  de  Na\iance  (Saint)  ,  naquit 
dans  le  bourg  d'Arianze  ,  près  de  Naziance 
en  Cappadoce,  vers  l'an  32.8.  Il  acheva 
{es  études  à  Athènes  avec  S.  Bafile ,  qui- 
fut  le  plus  cher  de  {ç;s  amis.  Il  devint 
évêque  de  Conflantinople  en  379 ,  & 
mourut  dans  fa  patrie  le  9  i^^^i  391.  Ses 
ouvrages,  qui  confiftent  en  55  difcours 
ou  fermons  ,  en  plufieurs  pièces  de  poéfie  , 
&  en  un  grand  nombre  de  lettres,  ont  été 
imprimés  en  grec  &  en  latin ,  en  1609  ^. 
2  vol.  in-fol.  avec  dcs-notes. 

La  piété  de  ce  père  n'eft  pas  douteufè  , 
mais  l'on  s'apperçoit  que  fon  ardente  paf- 
fion  pour  la  retraite  le  rendit  d'une  hu- 
meur trifle  &  chagrine;  c'eft  ce  qui  le 
fil  aller  au-delà  des  Jufles  bornes  dans  le 
zèle  qu'il  témoigne  contre  les  hérétiques. 
Le  renoncement  aux-  biens  de  ce  monde  , 
lorfqu'on  ne  peut  les  conferver  fans  piér- 
judice  du  falut ,  femble  être  plutôt  un. 
vrai  commandement  qu'un  fimple  confeil , 
à  quoi  Grégoire  de  Naziance  paroît  néan- 
moins lerapporter.  A.  l'égard  de  fon  flyle  y 
ilellpeu  châtié  ,  quelquefois  dur,  &  preC» 
que  toujours  excelïïvement  figuré. 
,  M.-  Dupin  a  remarqué  que-  ce  père  de 
l'églife  a&de  trop  les  allufions  ,.lescom- 
paraifbns  &  les  antithefes.  Erafine  trouve 
auflj  qu'il  aime  les  pointes  &  les  jeux  de 
mors.  Les  études  d'Athènes  étoient  fort 
déchues  quand-  S;  Grégoire  de  Nazisnce 
&  S.  Bafile  y  allèrent  :  le  raffinement 
d'efprit  avoit  prévalu  ;  ainfi  ]es  pères  ,  in{^ 
truits  par  les  mauvais  rhéteurs  de  leur 
temps ,  étoient  néceffairement  entraînés 
dans  le  préjugé  univerfel. 

Mais  il  connut  par  expérience  les  menées, 
les  cabales  ,  les-  intrigues  &  les  abus  qui 
régnent  dans  les  fynodes  &  darxs  les  conciles; 
an  en  peut  juger  par  fa  répfonfe  à  une  invi- 
tation preftante  qu'on  lui  fit  d'affifier  à  un 
concile  folemncl-  d'évêques  qui  devoit  fè 
tenir  à  Conflantinople.  "  S'il  faut ,  répon- 
»  dit-il ,  vous  écrire  franchement  la  vérité, 
M  je  fuis  dans  la  ferme  réfolution  de  fuir 
V  toute  alfemblée  d'évêques ,  parce  que  j  e 


^  P  E  R 

»  iTai  jamais  vu  fynode  ni  concile  qui  ait 
9>  eu  un  bon  fuccès ,  &  qui  n'ait  plutôt 
w  augmenté  que  diminué  le  mal.  L'elprit 
»  de  difpute  &  celui  de  domination  (  croyez 
y>  que  j'en  parle  fans  fiel  )  y  font  plus  grands 
w   que  je  ne  puis  l'exprimer.  » 

Il  falloît  bien  qu'alors  le  mal  fut  grand 
dans  les  afîêrablées  eccléfiaftiques  ,  car  on 
■lit  les  mêmes  proteftations  &  les  mêmes 
plaintes  de  S.  Grégoire  ,  répétées  ailleurs 
■avec  encore  plus  de  force.  -**  Jamais  ,  dit-il 
yy  dans  un  de  Ces  autres  ouv-rages  ,  jamais 
*>  je  me  trouverai  dans  aucun  lynodc:  on 
ff  n'y  voit  quedivifions ,  que  querelles  ,  que 
«  myfleres  honteux  qui  éclatent  avec  des 
»  hommes  que  la  fureur  domine.  ^>  Quoi  ! 
•des  évêques  allemblés  pour  la  religion  , 
&:  dominés  par  la  fureur  !  Quel  cas  doit- 
on  faire  de  leurs  ftatuts  &  de  leurs  déci- 
fions,  puhque  rcfprit  de  l'évangile  ne  les 
•animoit  point  ?  Remarquez  que  les  termes 
grecs  qu'emploie  S.  Grégoire,  font  beau- 
coup plus  énergiques  que  ma  foibJe  tra- 
duâion. 

Grégoire  de  N^Jfe  (  Saint  )  ,  naquit 
en  Cappadoce  ,  vers  l'an  331;  il  étoit 
frère  de  S.  Bafile,  futélu  évêque  de  Nyflc 
€ri  372 ,  &  mourut  le  9  mars  396.  Le 
P.  Fronton  du  Duc  a  donné  une  édition 
<le  Çqs  œuvres  en  1605. 

On  y  trouve  beaucoup  d'allégories ,  un 
'ilyle  dftedé  ,  des  raifonnemens  abftraits  , 
&  àts  opinions  fingulieres.  On  attribue 
tous  ces  défauts  à  fon  attachement  pour 
ics  livres  d'Origenc. 

Ambroife  (  Saint  )  ,  fils  d'Ambroife 
■prétetdu  prétoire  àts  Gaules  ,  naquit ,  félon 
la  plus  commune  opinion ,  à  Arles  ,  vers 
l'an  340.  AniciusProbus  l'envoya  en  qualité 
•de  gouverneur  ,  dans  l'Emilie  &  laLigurie  ; 
il  devint  enfuite  évêque  de  Milan  en  374 -, 
convertit  S.  Auguftin  ,  &  mourut  en  397 , 
âgé  de  57  ans.  La  meilleure  édition  defes 
-œuvres  eft  celle  de  Paris  ,  donnée  par  les 
-bcnédidins,  en  1^91,  en  2  vol.  in-fol. 
'Paulin  ,  prêtre  de  Milan ,  qu'il  ne  faut  pas 
-confondre  avec  laint  Paulin  ,  a  écrit  fa  vie. 
Saint  Ambroife  eft  le  premier ,  eft  pref- 
<iue  le  feul  des  ptres  ,  qui  a  entrepris  de 
-donner  une  efpece  d'abrégé  d'une  partie 
conlidérable  de  la  morale,  dans  (es  trois 
livres  des  offices.  On.  doit  lui   favoir  gré  » 


P  E  R  507 

d^avoir  rompu  la  glace ,  en  raflemblant 
dans  cet  ouvrage  quantité  de  bonnes  & 
excellentes  choies  ,  dont  ia  pratique  ne 
peut  que  rendre  les  hommes  vertueux.  Il 
eft  vrai  que  le  traité  de  ce  père  de  Ve'glife 
eft  bien  au  deflbus  du  chef-d'œuvre  de 
l'orateur  de  Rome  ,  qu'il  s'eft  propofé 
d'imiter ,  foit  pour  l'élégance  du  ftyle ,  (bit 
pour  l'économie  de  l'ouvrage  &  l'arrange- 
ment des  matières ,  foit  pour  la  folidité  àts 
penfées  &  la  juftcflTe  des  raifonnemens.  II 
eft  encore  vrai  q;e  les  exemples  &  les 
palTages  de  -l'écriture  ,  qui  font  la  princi- 
pale partie  de  ce  hvre  chrétien  ,  n'y  font 
pas  toujours  heu^ufement  appliqués  ou 
expliqués.  Enfin  ,  S.  Ambroiiè  a  femé  dans 
cet  ouvrage  &  dans  les  autres  écrits ,  les 
idées  outrées  de  fes  prédécefleurs  fur  l'éten- 
due de  la  patience  chrérienne  &  le  mérite 
du  célibat.  Il  a  même  adopté  la  faufte  lé- 
gende du  martyre  de  fainte  Thecle  ,  pour 
en  tirer  un  argument  en  faveur  de  l'excel- 
lence de  la  virginité. 

Au   milieu   de  ces  idées  portées    trop 
loin  contre  le  mariage  ,  il  femble  en  avoir 
eu  d'autres   fur  l'adultère  entièrement  op- 
pofées  à   fes  principes  ;  du  moins    il  s'eft 
exprimé  fur  ce   crime    d'une    façon    qui 
donne  lieu  à  la  critique.  En    parlant  -du 
patriarche    Abraham    &    d'Agar  ,  il    dit 
qu'avant  la  loi  de  Moïfe  &  celle  de  l'évan- 
gile ,  l'adultère    n'étoit    point  défendu  :  il 
entend  peut-être  par  adultère  le  concubi- 
nage ;  ou  bien  le  fens  de  S.  Ambroife  eft 
qu'avant    Moïfe    l'adultère    n'étoit    point 
défendu  par    une  loi  écrite  qui   décernât 
quelque  peine  contre  ceux  qui  le    com- 
mettoient.  •  Mais    on    pourroit    répliquer 
qu'Abraham   n'avoir  nul  befoin  de  la  loi 
écrite  pour  lavoir  que  l'adultère  eft  illicite. 
II  faut  donc  avouer    que    S.    Ambroife  ^ 
S.Chryfoftôme,  &  à^zmrtspercs  de  Ve'glife^ 
s'étant  perfuadés  k  tort  que  les  faints  per- 
fonnages   dont  il  eft    fait    mention    dans 
l'écriture ,  étoient  exempts  de  tous  défauts  » 
ont  excufé  ou  même  loué  des  chofes  qui 
ne  pouvoient  ni  ne  dévoient  être  louées 
ou  cxcufées. 

Chryfoftome  (  Saim  Jean  )  ,  naquit  à 
Antioche  ,  vers  l'an  347*  H  étudia  la  rhé- 
torique fous  Libanius ,  &  la  phiiofophie 
fous  Andragathe.  Il  fut  élu  patriarche  de 

Qq2 


3o8  P  E  R 

Conftantinople  en  397  ,  &  mourut  en  4<^7  ,  ' 
à  60  ans.  Les  meilleures  éditions  de  les 
«Euvres ,  font  celle  de  Henri  Savilc  à  Ox- 
ford ,  en  1613,  8  tom.  in-fol.  tout  en 
grec  ;  celle  de  Cornmelin  &  de  Fronton 
du  Duc ,  en  grec  &  en  latin  ,  10  vol.  in-fol. 
&  enfin  celle  du  P.  Monifaucon  en  grec 
&  en  latin  ,  avec  des  notes  ,  Paris  ,1718  , 
in-fol.  en  13 -vol.  M.  Herman  ,  dodeur 
de  Sorbonne,  a  écrit  fa  vie:  il  fft  bien 
difficile  de  la  connoître  au  bout  de  treize 
fiecles. 

Tous  les  ouvrages  où  S.  Chryfoftôme 
traite  de  morale,  font  remplis  de  beau- 
coup de  bonnes  &  de  balles  choies  ;  mais 
il  faut  fe  fouvenir  que  c  eft  un  orateur  qui 
y  parle  ,  &  qu'il  eft  excufable  s'il  n'eft  pas 
toujours  exact  dans  fes  expreffions  ou  dans 
fes  penfées  :  l'imagination  échauffée  des 
orateurs  ,  les  porte  bien  davantage  à  émou- 
voir les  pallions ,  qu'à  établir  folidement 
la  vérité.  C'efl  ainfi  qu'en  louant  ce  que 
firent  Abraham  &  Sara ,  d'après  le  récit 
de  la  Genefe  ^c.xx  yV.  i  ùfuiv.  S.  Chry- 
foftôme  s'eft  laifle  trop  entraîner  à  Ton 
•génie.  Il  fe  fert ,  dit  le  P.  Ceillier ,  .d'ex- 
pVeffions  très-fortes  &  très-dures  ,  pour 
peindre  le  danger  auquel  Abraham  expofa 
iJara.  En  effet,  rempli  d'idées  confufes  fur 
ce  fujet  inoportant ,  il  s'eft  exprimé  non 
feulement  d'une  manière  peu  propre  à 
éclairer  ,.  mais  encore  capable  de  faire  de 
fâcheufes  impreflions  fur  l'efprit  de  (ts 
auditeurs  &  de  les  ledcurs.  lia  donné  de 
fauffes  idées  de  morale ,  en  voulant  juftifier 
l'expédient  dont  Abraham  fe  fervit  pour 
empêcher  qu'on  attentât  à  fa  vie  ,  s'il  étoit 
reconnu  pour  mari  de  Sara  ;  en  un  mot , 
il  femble  avoir  ignoré  qu'il  n'efl  pas  permis 
de  fauvei  fes  jours,  ni  ceux  d'un  autre  ^ 
par  un   crime. 

Le  meilleur  auroit  été  d'avouer  de  bonne 
foi  qu'il  y  avoit  eu  de  la  foibleffe  dans  le 
fait  d'Abraham  &  de  Sara.  L'hiiîoire  fainte 
ne  nous  détaille  pas  ici ,  non  plus  qu'en 
une  infinité  d'autres  endroits ,  toutes  les 
circonftances  du  fait ,  qui  feroient  nécef^ 
faires  pour  juger  sûrement  du  bien  ou  du 
mai  qu'il  peut  y  avoir.  Ainfi  l'équité  & 
la  bonne  critique  veulent  également  que 
l'on  ne  condamne  pas  des  adions  qui ,  quel- 
que apparence  d'irrégularité  qu'elles  aient 


P  E  R 

d'abord ,  font  telles  qu'il  efl  très  -  facile 
d'imaginer  des  circonflances  qui  y  étant 
connues  ,  jufiifieroient  pleinement  la  con- 
duite de  ceux  que  l'on  rapporte  limplement 
avoir  fait  ceci  ou  cela ,  lans  aucune  mar- 
que de  condamnation.  Or  ,  qu'eil-ce  que 
dit  Moïfe  ?  Abraham  alloit  en  Egypte  , 
pour  fe  garantir  de  la  famine  qui  régnoit 
&  s'augmentoit  de  jour  en  jour  dans  le 
pays  de  Canaan  ;  car  c'eft  une  pure  ima- 
g  nation  que  d'alléguer  ici  ,  comme  tait 
S.  Ambroife ,  un  ordre  de  Dieu  qu'Abra- 
ham eût  reçu ,  &  auquel  il  ne  put  fe 
difnenfer  d'obéir  ,  au  péril  même  de  l'hon- 
neur de  fa  femme.  Le  patriarche  ,  en 
approchant  d'Egypte  ,  fit  réflexion  que  s'il 
y  étoit  reconnu  pour  mari  de  Sara  ,  qui, 
quoique  dans  un  âge  afl'ez  avancé  ,  étoit 
encore  d'une  beauté  à  donner  de  l'amour, 
il  courroit  lui-même-  rifque  que  quelque 
égyptien  n'attentât  à  fa  vie  ,  pour  lever  , 
en  fe  défailànt  de  lui ,  l'obftacle  qui  s'op- 
pofoit  à  la  poffeflion  de  Sara. 

Voilà  tout  ce  que  l'on  peut  inférer  des 
termes  de  l'hiftorien  facré.  Il  n'y  a  pas 
la  moindre  chofe  qui  infinue  qu'Abraham 
pensât  à  voir  de  (&s  propres  yeux  fa 
femme  entre  les  bras  d'un  autre;  ni,  par 
conféquent ,  qu'il  fe  pafsât  dans  fon  ame 
un  combat  entre  la  jaloufie  &  la  crainte 
de  la  mort  ,  tel  que  le  repréfente  l'ima- 
gination de  S.  Chryfoftôme.  Au  contraire', 
comme  il  ell  permis  ,  &  jufie  même  de 
fuppofer  que  ce  faint  homme  n'étoit  ni 
indifiérent  fur  le  chapitre  de  l'honneur 
de  fa  femme ,  ni  peu  avifé  ,  il  y  a  tout 
heu  de  croire  qu'il  avoit  bien  examiné  la 
fituarion  préfente  des  chofes ,  &  projeté 
des  mefures  très-apparentes  qui  accordaf- 
fent  le  foin  de  fa  propre  confervation  avec 
celui  de  l'honneur  de  fa  femme. 

Ou  il  craignoit  qu'on  ne  voulût  lui  en- 
lever fa  femme  ,  pour  en  jouir  par  bruta* 
litç  ;  &  eti  ce  cas-là  ,  on  fe  feroit  fort 
peu  embarraifé  qu'elle  eût  un  mari  ou  non  , 
fur- tout  un  mari  étranger  ,qui  par-là  n'étoit 
nullement  redoutable:  ou  il  appréhendoit 
qu'on  ne  le  tuât  pour  époufer  Sara  ;  & 
c'efî-là  apparemment  cette  penfée  qui  feule 
lui  fit  prendre  le  parti ,  de  concert  avec 
elle  ,  de  ie  dire  feulement  fon  frère  ,  afin 
qu'on  inférât  delà  qu'il   n'étoit  point  fon 


PEU 

mari  >  fur  quelque  fondement  qu'on  dût 
croire  que  ces  deux  qualités  ne  pouvoient 
être  réunies  en  une  feule  perfonne. 

Or,  dans  cette  fuppolition  ,  il  pouvoit  ef- 
pérer  de  rendre  inutiles  par  quelque  adrcfle , 
les  deffeins  &  les  efforts  de  ceux  qui  feroient 
frappés  de  la  beauté  de  Sara  ,  en  difant , 
par  exemple  ,  qu'elle  avoit  ailleurs  un  mari, 
ou  qu'elle  n'étoit  pas  en  état  de  fè  marier 
pour  quelqu'autre  railon  ,  ou  qu'elle  deman- 
îloit  du  temps  pour  y  penfer ,  &  autres 
rufes  légitimes  que  les  clrconflances  auroient 
fournies  ;  de  forte  que  par  ces  moyens  ,  ou. 
il  auroit  éludé  les  follicitations ,  ou  il  fe 
lèroit  ménagé  la  dernière  relfource  dans 
une  retraite  lêcrete. 

Tout  cela  étoit  d'autant  plus  plaufible  , 
qu'il  comptoit  fur  Taffiftaiice  du  ciel  , 
éprouvée  tant  de  fois  ,  &  qui  parut  ici  par 
l'événement.  Efl-il  befoin  d'aller  cher- 
cher autre  chofe  pour  mei^re  la  conduite 
d'Abraham ,  en  cette  occafion  ,  à  l'abri 
de  tout  reproche  ?  Mais  S:  Chryfoflôme 
auroir  perdu  l'occafion  de  faire  briller  fon 
éloquence  &  la  fubtilité  de  fon  efprit  , 
en  repréfentant  l'agitation  d'un  cœur  faiii 
de  pallions  vives  &  oppofécs ,  &  en  prê- 
tant à  ceux  dont  il  parle  ,  des  penfées  con- 
formes à  ces  mouvemens. 

Jérôme  (  Saint  )  y  naquit  à  Stridon  , 
ville  de  l'ancienne  Pannonie  ,  vers  l'an  340 
de  Jefus-Chrift.  Il  fit  {qs  études  à  Rome  , 
où  il  eut  pour  maître  le  grammairien 
Donat ,  célèbre  par  fes  commentaires  fur 
Virgile  &  fur  Térence.  Il  apprit  l'hébreu  à 
Jérufalem  ,  vers  l'an  376  ,  &  fe  rendit  à 
Confîantinople  vers  l'an  380,  pour  y  en- 
tendre S-  Grégoire  de  Naziance.  Deux  ans 
après  il  devint  fecretaire  du  pape  Damafe  , 
publia  un  livre  contre  Helvidius ,  &  enfuite 
mit  au  jour  fa  défenfe  de  la  virginité  contre 
Jovinien.  Ce  fut  dans  le  monaftere  de 
Bethléem  qu'il  écrivit  contre  Vigilance:  il 
eùtaufïi  quelques  difputes  avec  S.  Aqgulîin. 

Il  voyagea  dans  la  Thrace ,  le  Pont ,  la 
Bythinie ,  la  Galatie  &  la  Cappadoce.  Il 
mourut  l'an  420 ,  âgé  d'environ  80  ans. 
Ses  œuvres  ont  d'abord  été  recueillies  par 
les  foins  de  Marianus  Vidorius.  Il  s'en  fit 
une  autre  édition  à  Paris ,  en  1^2.3  ,  en  9 
vol.  in-fol.  Le  P.  Martianay ,  bcnédidin 
de  la  .congrégation  de  faint  Maur  ,  en  a 


.     .      „.,      P  E  R.  309 

depuis  publie  une  nouvelle  édition  qui  palTc 
pour  la  meilleure.  On  y  a  joint  fa  vie  , 
faite  par  un  auteur  inconnu.  D'un  autre 
côté ,  le  P.  Petau  ,  dans  la  chronique  du' 
fécond  tome  de  fon  Hvre  de  docirina  tem- 
porum  y  a  donné  la  date  des  voyages  & 
des  principaux  écrits  de  S.  Jérôme. 

C'efl  de  tous  les  pères  latins  celui  qui 
pafTe  pour  avoir  eu  le  plus  d'érudition  ; 
tous  les  critiques  ne  conviennent  cependant 
pas  de  fa  grande  habileté  dans  la  langue 
hébraïque  ,  quoiqu'il  ait  mis  au  jour  une 
nouvelle  verfion  latine  du  vieux  tcflament 
fur  l'hébreu  ,  &  qu'il  ait  corrigé  l'ancienne 
verfion  latine  du  nouveau  ,  pour  la  rendre 
conforme  au  grec.  C'efl  cette  v^fion  que 
l'éghfe  latine  a  depuis  adoptée  pour  l'ufr.ge 
public  ,  &  qu'on  appelle  vulgate.  Il  a  fait 
des  commentaires  fur  les  grands  &  petits 
prophètes ,  fur  l'eccléfiafte  ,  fur  l'évangile 
de  S.  Matthieu ,  fur  les  épîtres  de  S.  Pau.1 
aux  Galates  ,  aux  Ephéfiens  ,  à  Tite  ,  &  à 
Philémon.  Il  a  encore  compofé  quantité 
de  traités  polémiques  contre  Montan  , 
Helvidius,  Jovinien,  Vigilance,  Rufin  , 
les  pélagiens  &  \ts  origénilfes  ,  outre  des* 
lettres  hifloriques.  Enfin  il  a  traduit  quel- 
ques homélies  d'Origenc  ,  &  a  continué  la 
chronique  d'Eufebe. 

Si  S.  Jérôme  eût  joui  du  loifir  nécefîaire 
pour  revoir  {&s  ouvrages  après  les  avoir 
compofés  ,  il  en  auroit  lans  doute  retranché 
quantité  de  chofes  qui  montrent  qu'il  écri- 
voit  avec  une  grande  précipitation,  &  fans 
fe  donner  la  peine  de  méditer  beaucoup. 
Delà  vient  que  dans  fon  épître  aux  Ephé- 
fiens, il  fuit  tantôt  Origene  ,  tantôt  Di- 
dyme ,  tantôt  ApoUinaire ,  dont  les  opinions 
étoient  entièrement  oppoiées.  Il  nous  ap- 
prend lui-même  la  manière  dont  il  com- 
pofoit  fes  écrits.  Après  avoir  lu  ,  dit-il , 
d'autres  auteurs ,  je  fais  venir  mon  copifte  , 
&  je  lui  dide  tantôt  mes  penfées  ,  tantôt 
celles  d'autrui ,  fans  me  fouvenir  ni  de 
l'ordre ,    ni    quelquefois   des    paroles ,   ni 

même    du    fens Itaque  y     ut  Jim- 

pUciter  fatear  y  legi  hœc  omnia  y  Ù  in 
mente  mea  plurima  coacervans  y  acci:o 
notario y  vel  mea  y  vel  aliéna  ciBavi  ;  nec 
ordinis y  nec  verborum  interdîim  y  necfen- 
fuum  memoriam  retentans.  Comment,  in 
epifl.  ad  Calât:  tom.  IX,  p.  i  ^8 .  D> . .  .,• 


310  P  E  R 

D'abord  que  mon  copifte  ell  arrivé  ,  dit-il 
dans  fa  préface  fur  la  même  épître ,  je  lui 
diâe  tout  ce  qui  me  vienr  dans  la  bouche  ; 
car  fi  je  veux  un  peu  rêver  pour  dire  quel- 
que cliofe  de  meilleur  ,  il  me  critique  en 
lui-même  ,  retire  fa  main ,  fronce  le  lourcil , 
&  témoigne  par  toute  fa  contenance  qu'il 

n'a  que    taire   auprès    de  moi 

jiccito  notario  ,  aut  fiadm  diclo  quidquid 
in  biiccam  venerit  ,  aut  Jl  paululiim  po- 
luero  cogitare y  melius  aliquid  prolamrus  y 
tune  me  Bacims  ille  reprehendit ^  manum 
contrahit  y  frontem  rugac  y  C^  fe  frujîra 
adejje  y  toto  geftu  corporis  y  contejîatur. 
Prœfat.  ^  lïb.  III,  comm.  in  Gai.  tom. 
VI.  pag.zSs. 

Plein  d'un  trop  grand  amour  pour  la 
vie  foIit:aire  ,  la  fainteté  de  cette  vie,  celle 
de  la  virginité  &  du  célibat ,  il  parie  en 
plulîeurs  endroits  trop  défavantageulèment 
àts  fécondes  noces.  Il  fut  pendant  long- 
temps admirateur  &  difciple  déclaré 
d'Origene  ;  enfuite  il  abjura  l'origéniime , 
€n  quoi  il  mérite  d'être  loué  :  mais  il  feroit 
à  fouhairer  qu'il  eût  montré  moins  de 
violence  contre  les  origénilies ,  en  ne 
(iiggérant  pas  aux  empereurs  les  loix  pour 
leurs  profcriptions  ,  comme  il  reconnoît 
lui-même  :  il  pouvoir  renoncer  ù  l'erreur  , 
fans  maltraiter  les  errans.  Pour  quelle  foi- 
bîeffe  aura-f-on  de  la  condefcendance  ,  li 
l'on  n'en  a  pas  pour  celles  qu'on  a  foi-même 
éprouvées?  Son  naturel  vif  &  impétueux  , 
&  la  ledure  des  auteurs  profanes  fatyri 
ques  ,  dont  il  emprunta  le  flyle  ,  ne  le 
laifîerent  pas  le  maître  de  fes  expreillons 
piquantes  contre  fes  adverfiires  ,  &  en 
particulier  contre  Vigilance  ,  prêtre  de 
Barcelone,  auquel" il  avoit  donné  lui- 
même  le  titre  de  faint  y  dans  une  lettre  à 
Paulin. 

Enfin,  dit  le  fameux  évêque  d'Avran- 
çhes ,  il  feroit  à  (ouhaiter  que  ce  faint  doc- 
teur eût  eu  plus  d'égalité  d'amc  &  de  modé- 
ration ;  qu'il  ne  fe  fût  pas  laiflé  emporter 
fi  aifémefH:  à  fa  bile ,  ni  s'abandonner  à 
des  opinions  contraires  ,  félon  les  circon- 
tances  des  affaires  &  des  temps  ;  enfin 
qu'il  n'eût  pas  chargé  quelquefois  d'injures 
les  plus  grands  hommes  de  fon  fiecle  ;  car 
îi  faut  avouer  que  Rufin  l'a  fouvent  repris 
avec  raifbn  ;  &  qu'il  a  lui-même  fouvent 


P  E  R 

Acc\^(l  Rufîn  fans  le  moindre  fondement,' 
Origeniana  y  p.  zo^  &  zoG. 

Augufiin  (  Saint  )  y  naquit  à  Tagafîe 
dans  l'Afrique  ,  le  13  novembre  354.  Son" 
père  nommé  Patrice  y  n'étoit  qu'un  petit 
bourgeois  de  Tagaffe.  Sa  mère  s'appelloit 
Monique  y  &  étoit  remplie  de  vertu.  Leur 
fils  n' avoit  nulle  inclination  pour  l'étude. 
Il  fallut  néanmoins  qu'il  étudiât  ;  fon  père 
voulant  l'avancer  par  cette  voie ,  l'envoya 
faire  fes  humanités  à  Madeure  ,  &  fà 
rhétorique  à  Carthage ,  vers  la  fin  de 
l'an  371.  Il  y  fit  des  progrès  rapides  ,  & 
il  l'cnlèigna  en  380.  Ce  fut  alors  qu'il  prit 
une  concubine ,  dont  il  eut  un  fils  qu'il 
appella  Adeodat  y  Dieu^donné  ,  prodige 
d'elprit ,  à  ce  que  dit  le  père  y  &  mort  à 
16  ans.  Sainr  Augufiin  embralîa  le  raani- 
chéifme  à  Carthage  ,  où  fa  mère  alla  le 
trouver  pour  tâcher  de  le  tirer  de  cette 
héréfie,  &  de  4à  vie  libertine. 

Il  vint  à  Rome  ,  enfuite  à  Milan  peur 
y  voir  fàint  Ambioife  ,  qui  le  convertit  l'an 
3B4 ,  &  le  baptifa  l'an  387  ;  fut  ordonné 
prêtre  l'an  391  ,  &  rendit  des  fèrvices 
très-importans  à  l'églife  par  fa  plume.  Il 
mourut  à  Hippone  ,  durant  le  iiege  de  cette 
ville  par  les  Vandales  ,  le  28  août  430  , 
âgé  de  76  ans. 

On  trouvera  le  détail  de  fa  vie  épifco- 
pale  &  de  (ç^s  écrits  ,  dans  la  bibliothèque 
de  M.  Dupin ,  dans  les  acfa  eruditorum  , 
i<^83  ,  &  dans  Moréri.  La  meilleure  édition 
des  œuvres  de  ce  père  y  efl  celle  qui  a  paru  ^ 
à  Paris  par  les  foins  des  bénédidins  de  fàint  ** 
JVIaur  ;  elle  eft  divifée  en  10  vol.  in-fol. 
comme  quelques  autres  ;  mais  avec  un 
nouvel  arrangement,  ou  une  nouvelle  éco- 
nomie dans  chaque  tome.  Le  I  &  le  II 
furent  imprimés  l'an  1679  î  ^^  ^  parut  en 
1680;  le  IV  en  1681  ;  le  V  en  1683; 
le  VI  &  VII  en  1685  ;  le  VIII  &  le  IX 
en  1688  ;  &  le  X  en'  1690  :  ce  dernier 
volume  contient  les  ouvrages  que  fainE 
Augufîin  compofa  contre  les  Pélagiens.  Son 
livre  de  la  cité  de  Dieu  ,  efl  celui  qu'on 
eflime  le  plus. 

Mais  l'approbation  que  \ts  conciles  & 
\qs  papes  ont  donnée  à  faint  Augufiin  fur 
fa  dodrine  ,  a  fait  le  plus  grand  bien  à  fa 
gloire.  Peut-être  que  fans  cela  les  moli- 
niftes  du  dernier  fiecle  auroient  mis  à  néant 


P  E  R 

ïôn  autorité.  Aujourd'hui  toute  réglife  1 
romaine  eft  dans  l'engagement  de  refpeder 
le  fyflême  de  ce  pert  fur  ce  point  ;  cepen- 
dant bien  des  gens  penfent  que  fa  dodrine  , 
&  celle  de  Janfénius  ,  évêque  d'Ypres  , 
font  une  feule  &  même  chofe.  Ils  ajoutent 
que  le  concile  de  Trente ,  en  condamnant 
les  idées  de  Calvin  fur  le  franc-arbitre , 
a  néceflairement  condamné  celles  de  faint 
Auguftin  ;  car  il  n'y  a  point  de  calvinifle  , 
continue-t-on ,  qui  ait  nié  4e  concours 
de  la  voioncé  humaine ,  &  la  liberté  de 
notre  ame ,  dans  le  fens  que  faint  Auguftin 
a  donné  aux  mots  de  concours  &  de  liberté. 
Il  n'y  a  point  de  calvinifte  qui  ne  recon- 
noifle  le  franc-arbitre,  &  fon  ufage  dans 
la  converdon  ,  en  prenant  ce  mot  félon  les 
idées  de  l'évêque  d'Hippone.  Ceux  que  le 
concile  de  Trente  a  condamnés ,  ne  rejet- 
tent le  franc-arbitre  qu'entant  qu'il  lignifie 
la  liberté  d'indifférence  ;  les  thomiftes  le 
rejettent  auITi,  &  ne  laiffcnt  pas  de  pafTer 
pour  très-catlioliques.  En  un  mot ,  la  pré- 
détermination  phyfique  des  thomifles,,  la 
nccefîité  de  faint  Augultin, ,  celle  êit% 
janféni-iles ,  celle  de  Calvin  ,  font  au  fond 
la  même  chofe  ;  lyéanmoins  les  diomiftes 
renoncent  les  janfénifles  y  &  les  uns  &  les 
autres  prétendent  qu'on  les  calomnie , 
quand  on  les  accufe  d'ei^feigncr  la  doc- 
trine de  Calvin. 

Les  arminiens  n'ayant  pas  les  mêmes 
ménagemens  à  garder,  ont  abandonné  faint 
Augultin  à  leurs  adverfaires,  en  le  recon- 
noiflant  pour  un  auffi  grand  prédefiinateur 
que  Calvin  lui-même  ;  &  bien  des  gens 
croient  que  les  jéfuites  en  auroient  fait 
autant ,  s'ils  avoient  ofé  condamner  un 
dodeur  de  Téglife  ,  que  les  papes  &  les 
conciles  ont  tant  approuvé. 

Un  favant  critique  françois  loue  princi- 
palement faint  Auguftin  d'avoir  reconnu 
fon  infufïîfance  pour  interpréter  l'écriture. 
Ce  ptre  de  l'églife  d'occident  a  très-bien 
remarqué,  dit  M.  Simon,  les  quaUtés 
néceflaires  pour  cette  befogne;  &  comme 
il  étoit  modefle ,  il  a  avoué  ingénuement 
que  la  plupart  de  ces  qualités  lui  man- 
quoient ,  &  que  même  l'entreprife  de 
répondre  aux  manichéens  étoit  au-deffus 
de  fes  forces.  AuIII  n'eft-il  pas  ordinarre- 
meat  heureux  dans  fcs  allégories ,  ni  dans 


P  E  R  511 

le  fens  littéral  de  l'écriture.  Il  convient 
encore  lui-même  s'être  extrêmement  prefTé 
dans  l'explication  de  la  Genefe  ,  &  de  luiî 
avoir  donné  le  fens  allégorique  quand  il  ne 
trouvoit  pas  d'abord  le  iens  littéral.  Quand 
donc  l'églife  nous  alTure  que  ceux  qui 
ont  enfeigné  la  théologie  ,  ont  pris  ce 
père  de  l'égUfe  d'occident  pour  leur  guide , 
ces  paroles  du  bréviaire  romain  ne  figni- 
fient  pas  que  les  opinions  de  l'évêque 
d'Hippone  foient  toujours  des  articles  de 
foi  ,  &  qu'il  faille  abandonner  les  autres 
pères  lorfqu'ils  ne  s'accordent  pas  avec 
lui. 

Le  plus  fâcheux  efl  que  les  fcholafîiques 
aient  emprunté  de  làint  Auguftin  la  morale 
&  la  manière  de  la  traiter  ;.  car  en  établif^ 
fant  des  principes  ^il  a  étalé  plus  d'art  que 
de  favoir  &  de  juftefle.  Emporté  par  1<1 
chaleur  de  la  difpute  ,  il  paffe'  ordinaire- 
ment d'une  extrémité  a  l'autre.  Quand  il 
fait  la  guerre  aux  ariens ,  on  le  croiroit 
fàbellien.  S'agit-il  de  réfuter  les  fabeUiens  , 
on  le  prendroit  pour  arien.  Difpute-t-il 
contre  les  pélagiens  ^  il  fe  montre  mani- 
chéen. Attaque-t-il  les  manichéens  ,  levoilA 
prefque  pélagien.  Il  ne  diffimule  point  fà 
conduite ,,  &  reconnoît  avoir  dit  bien  des 
chofes  à  la  légère  ,.  &  qui  demanderoient 
la  lime. 

Je  penfe  qu'on  doit  mettre  dans  ccne 
claiïe  ion  opinion  que  Sara  pouvoit ,  en  iè 
(èrvant  du  droit  qu'elle  avoit  fur  le  corps 
de  fon  mari  ,  l'engager  à  prendre  Agar 
pour  femme.  Il  s'efl  encore  trompé  plus 
fortement ,  en  décidant  que  par  le  droit 
divin  tout  appartient  aux  juftes  ou  aux 
fidèles  ,  &  que  les  infidèles  ne  poiTedent 
rien  légitimement. 

Mais  fon  opinion  fur  la  perfécution 
pour  caufe  de  religion  ,  eft  d'autant  plus 
inexcufable  qu'il  avoit  été  d'abord  dans  des 
fcmimens  de  douceur  &  de  charité.  Il  com- 
mença par  Vefprit  6r  finit  par  la  chair.  Il 
ofa  le  premier  étabhr  l'intolérance  civile  ,. 
maxime  contraire  à  l'évangile ,  à  toutes 
les  lumières  du  bon  fens  ,  à  l'équité  natu- 
relle ,  à  la  charité ,  à  la  bonne  politique. 
S'il  eût  vécu  quelques  années  de  plus  ,  il 
auroit  fenti  les  mauvalfes  fuites  de  (on 
principe ,  &  le  tort  qu'il  avoit  eu  d'aban- 
donner le  véritable  ;  il  auroit  vu  l'arianifoie 


311  P  E  R 

triomplier    par   les   mêmes  voies  dont  il 
avoir  approuvé  l'ufage  contre  les  donatifîes. 

Léon  I  (  Saint  )  ,  dodeur  de  l'églifè  , 
monta  fur  le  fiege  de  Rome  après  Sixte 
III,  le  10  mai  440.  Il  s'attacha  beaucoup 
à  faire  oblerver  la  difcipline  eccléfiaflique  , 
&  mourut  à  Rome  le  1 1  novembre  461.  Il 
nous  refle  de  lui  quantité  de  fermons  &  de 
lettres.  La  meilleure  édition  de  Ces  œuvres 
eft  celle  du  père  Quelnel ,  à  Lyon  ,  en 
1700 ,  in-foL  r-      r  , 

M.  Dupin  trouve  que  laint  Léon  n'eit 
pas  fort  fertile  fur  les  points  de  morale  , 
qu'il  les  traite  légèrement,  &  d'une  manière 
qui  n'eft  ni  ondueufe  ,  ni  touchante.  Il  y 
a  plus  :  fa  morale  glace  d'effroi  fur  la 
manière  de  traiter  les  hérétiques  ;  car 
oubliant  tout  principe  d'humanité  ,  il 
approuve  ^ans  détour  l'efRilion  du  fan  g. 
C'efl:  à  lui  fur-tout  qu'on  auroit  dû  répéter 
le  difcours  que  Jefus-Chrifî  tint  à  (es 
apôtres  pour  arrêter  la  lougue  de  leur  zèle  : 
»*  vous  ne  favez  de  quel  efprit  vous  ttts.  ?> 

Théodoret  y  év^êque  de  Cyr  en  Syrie 
au  cinquième  fiecle  ,  l'un  des  favans 
pères  de  l'églifè  ,  naquit  en  3^^-  Simple 
dans  fa  maifon  ,  il  embellit  fa  patrie  de 
deux  grands  ponts  ,  de  bains  pubhcs  ,  de 
fontaines,  &  d'aqueducs.  Il  montra  pen- 
dant quelque  temps  beaucoup  d'attache- 
ment pour  Jean  d' Antioche  &  pour  Nefîo- 
'  rius ,  en  faveur  duquel  il  écrivit.  Les  uns 
croient  qu'il  mourut  en  4$  i  ,  &  d'autres 
reculent  la  mort  jufqu'à  l'an  470.  La  meil- 
leure édition  de  fes  œuvres  eft  celle  du 
père  Sirmond  ,  en  grec  &  en  latin  ,  en 
4  volumes  in-fol.  Le  père  Garnier  ,  jéfuite  , 
y  joignit  en  1684  un  cinquième  volume, 
pour  compléter  toutes  les  œuvres  de  ce 
Tpere^  de  l'églifè. 

Il  eft  bien  difficile  de  juftifier  l'appro- 
bation que  donna  Théodoret  à  l'adion 
d'Abdas  ou  Abdaa  ,  évêque  de  Suze  ,  ville 
de  Perfe  ,  qui  du  temps  de  Théodofe  le 
jeune  brûla  un  des  temples  où  l'on  adoroit 
le  teu  ,  &  ne  voulut  point  le  rétablir.  Le 
roi  (nommé  Ifdeberge)  en  étant  averti 
par  les  mages  ,  envoya  quérir  Ab:las  ,  & 
après  l'avoir  ccnfuré  avec  beaucoup  de 
douceur  ,  il  lui  enjoignit  de  faire  rebâtir  le 
temple  qu'il  venoit  de  détruire  ,  le  mena- 
çant,    au    cas    qu'il  y    manquât ,    d'ufer 


P  E  R 

d'une  efpece  de  repréfailles  fur  les  églifetf 
des  chrétiens  ;  en  efïèt ,  cette  menace  fut 
exécutée  fur  le  refus  obftiné  d'Abdas  ,  qui 
aima  mieux  perdre  la  vie  &  expofer  les 
chrétiens  à  une  infinité  de  maux ,  que 
d'obéir  à  un  ordre  ii  jufte.  Théodoret , 
qui  rapporte  ztixt  hiftoire  ,  admire  le  refus 
d'Abdas,  ajourant  que  c'eût  été  une  auiii 
grande  impiété  de  bâtir  un  temple  au  feu  , 
que  de  l'adorer. 

Mais  la  dicifion  de  Théodoret  n'eft  pas 
judicieufe,  parce  qu'il  n'y  a  perfonne  qui 
puilfe  (è  difpcnfer  de  cette  loi  de  la  reli- 
gion naturelle  :  «  il  faut  réparer  par  refti- 
•>■)  tution  ou  autrement ,  le  dommage 
'j  qu'on  a  fait  à  fon  prochain,  >>  Abdas  , 
fimple  particulier  &  fujet  du  roi  de  Perfe  , 
en  brûlant  le  temple  des  mages  ,  avoit  ruiné 
le  bien  d'autrui ,  &  un  bien  d'autant  plus 
privilégié  i^u'il  appartenoit  à  la  religion 
dominante.  D'ailleurs ,  il  n'y  avoit  point 
de  coraparaifon  entre  la  conftrudion  d'un 
temple  fans  lequel  les  Perfes  n'auroient  pas 
lailTé  d'être  auili  idolâtres  qu'auparavant , 
&  la  deftrudion  de  plufieurs  églifes  chré- 
tiennes. En  vain  répondroit-on  que  le 
temple  qu'il  auroit  rebâti  auroit  fervi  A 
l'idolâtrie ,  ce  n'eût  pas  été  lui  qui  l'auroit 
employé  à  cet  ufage. 

Grégoire  I  (  Saint  )  ,  furnommé  le 
Grand  ,  naquit  à  Rome  d'une  famille 
patricienne.  Pelage  II  l'envoya  nonce 
à  Conftantinople  pour  demander  du  fecours 
contre  les  Lombards  ,  mais  il  ne  réuffit 
pas  dans  fes  négociations.  Sa  nonciature 
étant  finie  par  le  décès  de  l'empereur 
Tibère,  qui  mourut  en  ^82,  il  revint  â 
Rome  ,  fervi;  quelque  temps  de  fecre- 
taire  au  pape  Pelage  ,  &  enfuite  il  fut 
élu  pape  lui-même  par  le  clergé ,  par 
le  fénat ,  &  par  le  peuple  romain  ,  le 
3  fcptembre  590. 

Il  parut  par  fa  conduite  qu'on  ne  pou- 
voit  pas  choifir  un  homne  qui  fût  plus 
digne  de  ce  grand  pofte  ;  car  outre  qu'il 
étoir  favant,  &  qu'il  travailloit  par  lui- 
rftême  à  l'inftruclion  de  l'églifè  ,  foit  en 
écrivant ,  foit  en  prêchant  \  il  avoit  l'art 
de  ménager  l'efprit  des  princes  en  faveur 
des  intérêts  temporels  &  fpirituels  de  la 
religion  ,  &  nous  verrons  dans  la  fuite 
qu'il  pouiTa  cet  art  trop  loin. 

II 


Il  entreprît  la  converfion  des  Angloîs 
Tous  le  règne  d'Ethelred,  &  en  vint  à 
bout  fort  heureufement  par  le  fecours  de 
Berthe  ,  femme  de  ce  prince  ,  qui  contribua 
extrêmement  à  la  converfion  du  roi  fon 
époux ,  &  à  celle  de  fes  fujets. 

Le  père  Maimbourg  dit  «  que  ,  comme 
»  le  diable  fe  fervit  autrefois  des  artifices 
»  de  trois  impératrices  ,  qui  furent  femmes 
»  l'une  de  Licinius,  l'autre  de  Conftan- 
»  tius ,  &c  la  troifîeme  de  Valens  ,  pour 
»  établir  Théréfie  arienne  en  orient  ;  Dieu 
M  pour  renverfer  fur  fon  ennemi  fes  ma- 
y>  chines ,  6c  le  combattre  de  (es  propres 
w  armes ,  fe  voulut  auffi  fervir  de  trois 
»  illuftres  reines  ,  Clotiide  ,  femme  de 
»  Clovis ,  Ingonde ,  époufe  de  faint  Erme- 
«  negilde,  &c  Théodelinde,  femme  d'Agi- 
»  lulphe ,  pour  fanélifier  l'occident ,  en 
»  convertiffant  les  Francs  du  paganifme  , 
»  &  en  exterminant  l'arianifme  de  l'Eipa- 
»  gne  &  de  l'Italie  par  la  converfion  des 
»  Vifîgoths  6c  des  Lombards.  » 

Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  le  zèle 
que  faint  Grégoire  témoigna  contre  l'ambi- 
tion du  patriarche  de  Conftantinople  ,  étoit 
mal  réglé.  Mais  il  n'eft  pas  certain  qu'il  ait 
fait  détruire  les  beaux  monumens  de  l'an- 
cienne magnificence  des  romains  ,  afin 
d'empêcher  que  ceux  qui  venoient  à  Rome 
ne  fiffent  plus  d'attention  aux  arcs  de 
triomphe,  &c.  qu'aux  chofes  faintes  du 
chnftianifme.  On  doit  porter  le  même  ju- 
gement de  l'accufation  qu'on  lui  intente 
d'avoir  fait  biûler  une  infinité  de  livres 
païens ,  &c  nommément  Tite-Live.  Il  eft 
vrai  cependant  qu'il  regarda  l'étude  de  la 
critique  ,  de  la  littérature  &  deTantiquité, 
comme  indigne  non  feulement  d'un  miniftre 
de  l'évangile  ,  mais  encore  d'un  fimple 
chrétien  ;  c'eft  ce  qu'il  déclare  dans  une  let- 
tre à  Didier ,  archevêque  de  Vienne. 

Sur  la  fin  de  fon  pontificat ,  quoiqu'il 
eût  fur  les  bras  toutes  les  affaires  chrétien- 
nes, il  compofa  fon  antiphonaire  ,  &c  s'ap- 
pliqua principalement  à  régler  l'office  & 
le  chant  de  l'églife.  Il  mourut  le  lo  mars 
604. 

S'il  étoit  vrai  qu'après  fa  mort  on  eût 

brûlé  une  partie  de  fes  écrits ,  on  pour- 

roit  en  conclure  que  la  gloire  de  ce  pontife , 

auffi-bien  que  celle  de  quelques  autres  an- 

Tomc  XXV, 


P  E  Pv  315 

cîe  ns  pères ,  relTemble  aux  fleuves ,  qui,  de 
très-petits  qu'ils  font  à  leur  fource ,  devien- 
nent très -grands  lorfqu'ils  en   font   fort 
éloignés.  Il  eft  certain  ,  généralement  par- 
lant ,  que  les  objets  de  la  mémoire  font 
d'une  nature  très-différente  de  celle  des 
objets  de  la  vue.  Ceux-ci  diminuent  à  pro- 
portion de  leur  diftance,  &  ceux-là,  pour 
l'ordinaire  ,  grofliffent  à  mefure  qu'on  eft 
éloigné  de  leur  temps  &  de  leur  lieu:  omnid 
poji  obitumfingit  majora  vétuflas. 
I      On  fit  du  vivant  de  faint  Grégoire  tant 
:  de  copies  de  fes  ouvrages ,  qu'ils  ont  pref- 
'  que  tous  pafte  jufqu'à  nous.  Le  père  Denis 
de  Sainte-Marthe  les  a  publiés  en  1697, 
avec  fa  vie  ,  fous  le  nom  d'Hifioire  de  faint 
'  Grégoire  le  Grand.   M.  de  Gouffainyllle 
j  avoir  déjà  mis  au  jour  une  édition  des  œu- 
vres de  ce  pontife ,  en  1675. 

Les  dialogues  qui  portent  le  nom  de 
^ faint  Grégoire^  6>c  que  le  bénédiftin  de 
,  Saint-Maur ,  reconnoît  lui  appartenir ,  ne 
j  font  pas  dignes ,  de  l'aveu  de  M.  Dupin  , 
!  de  la  gravité  du  difcernement  de  ce  iaint 
!  pape ,  tant  ils  font  pleins  de  miracles 
j  extraordinaires  &  d'hiftoires  fabuleufes  :  il 
I  eft  vrai  qu'il  les  a  rapportées  fur  le  téinoi- 
!  gnage  d'autrui  ;  mais  il  ne  devoir  pas  fi  lé- 
gèrement y  ajouter  foi  ,  ni  les  débiter 
comme  des  chofes  confiantes. 

Il  fe  montra  bien  plus  précautionné  fur 
les  traits  de  la  calomnie  ;  car  il  la  profcri- 
voit  rigoureufement  comme  un  monftre 
d'autant  plus  dangereux  qu'il  eft  difficile  à 
découvrir  :  aufili  n'écoutoit-il  les  délateurs 
I  que  fur  des  preuves  de  leurs  délations  plus 
claires  que  le  jour.  Il  craignoit  tant  encore 
de  s'y  tromper,  quoique  innocemment  , 
qu'il  fe  difpenfoit  lui-même  de  juger  des 
accufâtions  portées  à  fon  tribunal. 

Il  ne  fut  pas  moins  févere  fur  le  devoir 
de  chafteté  des  eccléfiaftiques ,  eftimant 
qu'un  homme  qui  avoit  perdu  fa  virginité, 
ne  devoir  point  être  admis  au  facerdoce.  Il 
exceptoit  ièulement  de  cette  rigueur  les 
veufs,  pourvu  qu'ils  euftent  été  réglés  dans 
leurs  mariages ,  &  que  depuis  fort  long- 
temps ils  eufl^ent  vécu  dans  la  continence. 
Il  écrivit  tant  de  chofes  fur  la  difcipline 
eccléfiaftique  ,  les  rites ,  &  les  cérémo- 
nies minutieufes  ,  que  toutvint  à  dégéné- 
rer en  triftes  fuperftitions  ;  on  ne  s'attacha 

Rr 


3T4  I>  E  R 

plus  dans  les  conciles  qu'à  de  vains  raf- 
finemens  fur  l'extérieur  de  la  religion  , 
&:  leurs  canons  eurent  plus  d'autorité  que 
l'Ecriture. 

Son  commentaire  en  3  5  livres  fur  Job  , 
offre  un  des  ouvrages  des  plus  diffus  & 
des  moins  travaillés  qu!ûn  connoiiTe.  C'eft 
■un répertoire  immenfedi  moralités  &  d'al- 
légories appliquées  fans  ceffe  au  texte  de 
Job ,  mais  qu'on  pourroit  également  appli- 
quer à  tout  autre  livre  de  l'Ecriture;  & 
plufieurs  même  de  ces  moralités  &  de  ces 
allégories,  manquent  de  juftefîe  &  d'exac- 
titude. 

D'ailleurs  ,  faint  Grégoire  déclare  dans 
les  prolégomènes  de  ce  commentaire,  qu'il 
a  dpdaigné  d'y  fuivre  les  règles  du  langage. 
«  J'ai  pris  à  tâche  ,  dit-il,  de  négliger  l'art 
»  de  parler  que  les  maîtres  des  fciences 
»  humaines  enfeignent  ;  je  n'évite  point  le 
»  concours  choquant  des  mêmes  confon- 
»  nés; je  ne  fuis  point  le  mélange  des  bar- 
,»  barifmes,;.  je  méprife  le  foin  de  placer 
»  comme  il  taut  les  préposions  ,  &  de 
»  mettre  les  cas  qu'elles  régiffent  ^  parce 
»  que  je  trouve  indigne  de  moi  d'affujettir 
»  aux  règles  de  Donat  les  paroles  des  ora- 
»  clescéleftes.>> 

Mais  n'y  a-t-il  aucun  milieu  entre  la 
trop  grande  recherche  de  l'élégance  du 
flyle  ëccellede  fa  netteté  ,  quia  tant  d'in- 
fluence fur  le  but  qu'on  doit  fe  propofer , 
d'être  entendu  de  tout  le  monde  .^  11  temble 
que  pour  enfeigner  aux  hommes  la  rehgion 
&  leurs  devoirs,  il  ne  convient  jamais  de 
les  rebuter  par  un  langage  ba  bare.  Après 
tout,  excufons  ces  défauts  du  flyle  de  faint 
Grégoire ,  en  profitant  des  bonnes  chofes 
qu'il  a  répandues  dans  fes  écrits. 

Il  eft  plus  aifé  de  concevoir  qu'il  s'étoit 
mis  dans  i'efprit  que  l'étiide  des  lettres  hu- 
maines gâtoit  l'étude  des  lettres  divines, 
que  d'accorder  la  liaifon  de  (qs  principes 
touchant  la  contrainte  de  la  confcitnce; 
le  peu  d'uniformité  de  Ces  maximes  à  cet 
égard ,  paroît  mantfeflement  en  ce  qu'il 
lî'approuYoit  pas  que  l'on  forçât  les  JAiifs 
à  le  faire  baptifer,  &  qu'il  approuvoir 
que  l'on  contraignît  les  hérétiques  à  rentrer 
dans  l'églife ,  du  moins  par  des  voies  indi- 
^eftes  :  cela ,  dit  -  il ,  peut  s'exécuter  en 
/deux   manières  ,  l'une   en   traitant  à   la 


P  ER 

rigueur  les  obftinés,  l'autre  en  faîfant  Jtr 
bien  à  ceux  qui  fe  convertiffent  ;  &  quand 
même  ,  ajoute-t-il ,  ces  gens  ne  feroient 
pas  bien  convertis ,  on  gagnera  toujours 
beaucoup,  en  ce  que  leurs  enfans  devien- 
dront bons  catholiques  :  aut  ipfas  ergOy 
aut  toriim  filios  Lucramur  ,  Lih.  IV ^  ^P^ft' 
Vf.  Machiavel  n'a  pas  pouffé  le  raffinement 
plus  loin. 

Mais  le  principal  trait  de  la  vie  de  faint 
Grégoire  ,  que  tous  les  moraliftes  ont 
condamné,  c'eft  la  proftitution  des  louanges 
avec  laquelle  il  s'mfinua  dans  l'amitié  de 
l'horrible  ufurpateur  Phocas,  &  de  la  reine 
Erunehaut,  une  des  méchantes  femmes  de 
la  terre. 

Le  traître  &  barbare  Phocas  étoit  encore 
tout  dégoûtant  d'un  des   plus  exécrables 
parricides  que  l'on   puiffe   lire    dans    les 
annales  du  monde.  Il  venoit  de  faire  égor- 
ger en  fa  préfence  l'empereur  Maurice,, 
fon  maître,  après  avoir  donné  à  cet  infor- 
tuné père  ,  le  trifte  fpeé^acle  de  voir  moi> 
rir  de  la  même  manière  cinq  petits  princes- 
fes  enfans.  Le  père  Maimbourg  vous  dé- 
tsiliera   cette  horrible    adion  ,    &    vous 
peindra  le  caraftere  du  cruel  &  infâme 
Phocas  ;  c'eft  affez  de  dire  qu'il  réuniffoit 
en  lui  toutes  les  méchantes  qualités  qu'on- 
peut  oppofer  à  celles  de  l'empereur  Maur 
rice.  Saint  Grégoire  a  la  foibleffe  de  fé^ 
liciter  le  monftre  Phocas  de  fon  avènement 
à  la  couronne;  il  en  rend  grâces  à  Dieu., 
comme  du   plus  grand  bien  qui  pouvoitu 
arriver  à  l'empire.  Il  lui  écrit  trois  épîtres  à; 
ce  fujet,  //^.  //,  epifi.  ^8 ,ind.  6^^  46' 
&  46^.  Quel  aveuglement,  quelle  chute 
dan«  faint  Grégoire  !  Un  pape  qui  ne  veut 
pomr  recevoir  dan^les  ordres  facrés  ,  &qui 
dépolè  avec  la  dernière  rigueur,  un  prêtre 
qui  n'eft  coupable  que  d'avoir  eu  dans  fa 
vie  un  moment  de  foibleffe ,  écrit  à  Phocas 
trois  lettres  de  félicitation ,  ians  même  lui' 
témoigner  dans  aucune ,  qu'il  eût  defiréque- 
Maurice  &  fes  enfans  n'euffentpas  i'ouff 
fert  le  dernier  fupphce  L 

Quant  à  ce  qui  regarde  la  reine  Bruner 
haut,  je  rappoi ferai  ieulement  ce  que  dit 
le  père  Daniel  daiis  fon  Hifi.  de  France  .y. 
tome.I,.i<  Saint  Grégoire  ,.  qui  avoit  befo;a- 
»  de  l'autorué  de  Brunehautpour  fecondef 
,  »  les  miflionnaires  d'Angleterre  .  ôi  goiat. 


P  E  R 

5>  fe  conferver  en  Provence  le  périt  patri- 
*>  moine  de  l'églife  romaine  ,  lui  faifoit  la 
f>  cour  en  louant  ce  qu'elle  faifoit  de  bien, 
»  fans  toucher  à  certaines  aélions  particu- 
»  lieras  ou  qu'il  ignoroit,  ou  qu'il  jugeoit 
»  à  propos  de  diffimuler.  Plufieurs  bonnes 
■»  œuvres  ,  dont  l'hiftoire  lui  rend  témoi- 
>>  gnage ,  comme  d'avoir  bâti  des  monaf- 
>»  teres  ,  des  hôpitaux ,  racheté  des  captifs, 
»  contribué  à  la  converfion  d'Angleterre , 
f>  ne  font  point  incompatibles  avec  une 
*>  ambition  démefurée ,  avec  les  meurtres 
i>  de  plusieurs  évêques ,  avec  la  perfécution 
»  de  quelques  faints  perfonnages ,  &  avec 
»  une  poUtique  auffi  criminelle  que  celle 
»  dont  on  lui  reproche  d'avoir  ufé  pour  fe 
>>  conferver  toujours  l'autorité  abfolue.  » 

Cependant ,  dans  toutes  les  lettres  que 
S.  Grégoire  lui  écrivit ,  il  l'a  peinte  comme 
une  des  plus  parfaites  princeffes  du  monde  ; 
&  regarde  la  nation  françoife  pour  la  plus 
heureufe  de  toutes ,  d'avoir  une  femblable 
reine  douée  de  toutes  fortes  de  vertus ,  iiv. 
II ^  epifi.  8 ,  Voilà  donc  ,  dans  la  vie  d'un 
feul  homme ,  deux  exemples  mémorables 
de  la  baffe  fervitude  où  l'on  tombe,  pour 
vouloir  fe  foutenir  dans  les  grands  portes. 

Les  fiecles  fuivans  offrent  peu  de  dofteurs 
qui  méritent  quelques  louanges ,  par  leur 
favoir  en  matière  de  religion  ou  de  morale. 
Cette  dernière  fcience ,  fe  corrompant  de 
plus  en  plus  ,  devint  feche ,  décharnée , 
miférablement  défigurée  par  toutes  fortes 
de  fuperftitions,  &  par  les  fubtilités  épi- 
neufes  de  l'école.  Enfin,  il  n'eft  plusquef- 
tion  dans  l'hiftoire ,  des  ptres  de  l'églife ,  fi 
l'on  en  excepte  le  feul  fondateur  de  Cler- 
vaux ,  à  qui  l'on  a  donné  le  nom  de  dernier 
des  faints  pères. 

Saint  Bernard^  dont  M.  le  Maître  a 
fait  la  vie  dans  notre  langue  ,  naquit  au 
village  de  Fontaine  en  Bourgogne,  en  109 1. 
Il  vint  au  monde  fort  à  propos  dans  un 
fiecle  de  brigandage ,  d'ignorance  &  de  fu- 
perftitions, &  fonda  cent  monafteres  en 
différens  lieux  de  l'Europe.  Je  n'ofe  dire 
avec  le  cardinal  Baronius,  qu'il  n'a  point 
été  inférieur  aux  grands  apôtres  ;  je  crain- 
drois  de  répéter  une  impiété;  mais  il  a  été 
puiffant  en  œuvres  &  en  paroles  ,  par  les 
prodiges  qui  ont  fuivi  fa  prédication  &:  (^s 
difcours.  >         ^ 


P  E  R  3Ty 

Ce  fut  avec  raifon,  dit  un  hiftorien 
philofophe  ,  que  le  pape  Eugène  III  , 
naguère  difciple  de  faint  Bernard  ,  choifit 
fon  premier  maître  pour  être  l'organe  de 
la  féconde  croifa<ie.  llavoit  fu  conciher  le 
tumulte  des  armes  avec  l'auftérité  de  fon 
état  ;  il  étoit  parvenu  à  cette  confidération 
perfonnelle  qui  eft  au-deffus  de  l'autorité 
même. 

A  Vezelai  en  Bourgogne ,  fut  dreffé  un 
échafaud  dans  la  place  publique,  en  1 146, 
où  faint  Bernard  parut  à  côté  de  Louis  le 
Jeune ,  roi  de  France.  Il  parla  d'abord  , 
&  le  roi  parla  enfuite.  Tout  ce  qui  étoit 
préfent  prit  la  croix  ;  Louis  la  prit  le  pre- 
mier des  mains  de  faint  Bernard.  Il  s'étoit 
acquis  un  crédit  fi  fingulier ,  qu'on  le  choi- 
fit  lui-même  pour  chef  de  la  croifade  :  il 
avoir  trop  d'efprit  pour  l'accepter.  Il  refufa 
l'emploi  de  général ,  &:  fe  contenta  de 
celui  de  prophète. 

Il  fe  rendit  en  Allemagne  ,  donna  la 
croix  rouge  à  l'empereur  Conrad  III;  pre- 
choit  en  françois  aux  Allemands ,  &  pro- 
mit de  la  part  de  Dieu,  des  vidoires  figna- 
lées  contre  les  infidèles.  Il  fe  trompa  ;  mais 
il  écrivit  beaucoup  ,  &  fut  mis  au  rang  des 
pères  de  Péglife.  Il  mourut  le  10  août  1 1 53  5 
à  foixante-trois  ans. 

La  meilleure  édition  de  fes  œuvres  a  été 
mife  au  jour  par  le  père  Mabillon ,  à  Paris  , 
en  1690,  &  elle  forme  2  vol.  in- fol.  Son 
ftyle  ,  au  jugement  des  critiques  ,  eft  fort 
mélangé  ,  tantôt  vif,  tantôt  concis  & 
ferré;  fa  fcience  eft  très-médiocre.  Ilentaffe 
péle-mêie  l'écriture- fainte  ,  les  canons  & 
les  conciles  ;  femblable  au  cardinal  qui 
avoir  placé  dans  fon  cabinet  le  portrait  de 
J.  C.  entre  celui  d'Alexandre  VI ,  &  de  la 
dame  Vanotia  fa  maîtreffe.  Il  déploie  par- 
tout une  imagination  peu  folide  ,  &  très- 
féconde  en  allégories. 

Enfin  des  fiecles  lumineux  ont  appris 
la  vraie  manière  d'expliquer  l'écriture,  6c 
de  traiter  folidement  la  morale  ;  ils  ont 
éclairé  le  monde  fur  les  erreurs  où  les 
pères  de  féglife  font  tombés.  Mais  quand 
nous  confidérerons  que  les  apôtres  eux- 
mêmes  ont  eu  pendant  long-temps  leurs 
préjugés  &  leurs  foibleffes  ,  nous  ne  ferons 
pas  étonnés  que  les  miniftres  qui  leur  ont 
fuccédé^  &qui  n'étoient  favorifés  d'aucun: 

Rr  1 


3ï€  P  ER 

fecours  extraordinaire  du  ciel ,  n'aîent  pas 
eu  dans  tous  les  points  des  lumières  fuffi- 
fantes  pour  les  préferver  des  erreurs  infé- 
parables  de  l'humanité. 

D'abord,  il  paroît  clairement  que  l'idée 
du  règne  de  mille  ans  fur  la  terre  dont  les 
faints  jouiroient  avec  J.  C.  a  été  l'opinion 
des  p&res  des  deux  premiers  fiecles.  Papius 
(  apud  Eufeb.  Hift.  eccUf,  J  ,  Ji) .  )  ayant 
affuré  qu'il  tenait  des  apôtres  cette  doélrine 
flatteufe  ,  elle  fut  adoptée  par  les  grands 
perfonnages  de  fon  temps ,  par  faint  Juftin , 
faint  Irenée  ,  Népos ,  Vidorin  ,  Laftance, 
Sulpice-Sévere,  Tertullien,  Quintus  Ju- 
Hus ,  Hilarion  ,  Commodianus  &  autres  , 
qui  croyoient ,  en  la  foutenant,  défendre 
une  vérité  apoftolique.  Voyez  les  anticjui- 
lés  de  Bingham,  &  les  Mém.  pour  l  hift. 
ecclif.  de  M.  deTillemonr. 

Les  mêmes  pens  ont  été  dans  une  fé- 
conde erreur,  au  fujet  du  commerce  des 
mauvais  anges  avec  les  femmes.  Ils  vivoient 
tians  un  temps  où  l'on  croyoit  affez  com- 
munément que  les  anges  bons  &  mauvas 
étoient  corporels ,  &  par  conféquent  fuje  s 
aux  mêmes  pafîions  que  nous  ;  ce  fenti- 
ment  leur  paroiffoit  établi  dans  les  livres 
facrés.  C'eft  particulièrement  dans  le  livre 
d'Enoch  qu'ils  avoient  puifé  cette  idée 
touchant  le  mariage  des  anges  Se  des 
filles  des  hommes.  Cependant  ,  dans  le 
fuite  ,  les  ptrts  reconnoiiïant  que  les  an- 
ges dévoient  être  tout  fpirituels ,  ils  ont 
déclaré  que  les  efprits  n'étoient  capables 
d'aucune  paflion  pour  les  femmes ,  &  que 
par  les  enfans  &  les  anges  de  Dieu,  dont, 
il  eft  parlé  dans  l'Ecriture,  on  doit  enten- 
dre les  filles  des  hommes ,  celles  deja  race 
de  Caïn. 

Mais  une  erreur  qui  a  Jeté  dans    leur 

efprit  les  plus    profondes    racines  ,   c'eft 

l'idée  qu'ils  fe  font  prefque  tous  formée  de 

la  fainteté  du   célibat.  Delà,  vient  qu'on 

■  trouve  dans  leurs  ouvrages,  &  fur  -  tout 

dans  ceux  des  pcrts  grecs,  des  expreffions 

fort  dures  au  fujet  des  fécondes  noces  ;  en 

forte  qu'il  eft  difficile  de  les  excufer  fur 

ce  point.  Si  ces  expreffions  ont  échappé  à 

leur  zele^  elles  prouvent  combien  on  doit 

.être  en  ga*rde  contre  \ts,  excès  du  zèle;  car 

dès  qu'en  matière  de  morale ,  on  n'apporte 

pas  une  raifon  tranquille  à  l'examen  du 


P  E  R 

vrai ,  îl  eft  impoffible  que  la  raifon  foît 
alors  bien  éclairée. 

Le  nombre  des  pères  de  VègUfe  qui  con- 
damnent les  fécondes  noces ,  eft  trop  grand, 
leurs  expreffions  ont  trop  de  rapport  en- 
femble ,  pour  admettre  un  fens  favorable , 
&  pour  ne  pas  donner  lieu  de  croire  que 
ceux  qui  fe  font  exprimés  moins  durement 
que  les  autres ,  n'en  étoient  pas  moins  au 
fond  dans  les  mêmes  idées,  qui  fe  font  in- 
troduites de  fort  bonne  heure. 

Saint  Irenée  ,  par  exemple ,  traite  la  Sa* 
maritaine  de  fornicatrice ,  pour  s'être  ma- 
riée piufieurs  fois;  cette  penfée  fe  trouve 
auffidans  faint  Bafile  &  dans  faint  Jérôme. 
Origene  pofe  en  fait  que  les  fécondes  no- 
ces excluent  du  royaume  de  Dieu.  Voye'{ 
les  Orig&nianaào.  M.  Huet ,  lïv.  II ^  queft, 
xip ,  §  3 .  Saint  Bafile ,  parlant  de  ceux  qui 
ont  époufé  plus  de  deux  femmes,  dit  que 
cela  ne  s'appelle  pas  un  mariage  ,  mais  une 
polygamie ,  ou  plutôt  wnQ  fornication  mi- 
tigée. C'eft  en  conféquence  de  ces  prin- 
cipes, qu'on  flétrit  dans  la  fuite  autant 
qu'on  put  les  fécondes  noces ,  &  que  ceux 
qui  les  célébroient  ,  étoient  privés  de  la 
couronne  qu'on  mettoit  fur  la  tête  des 
mariés.  On  leur  impofoit  encore  une  péni- 
tence ,  qui  confiftoit  à  être  fufpendui  de 
la  communion. 

Les  premiers  pères  qui  fe  déclarèrent  fi 
fortement  contre  les  fécondes  noces, 
embrafferent  peut-être  ce  fentiment  par 
la  confidération  qu'il  faut  être  plus  par- 
fait fous  la  loi  de  l'évangile ,  que  fous  là 
loi  mofaïque ,  &:  que  les  laïques  chrétiens 
dévoient  obferver  la  plus  grande  régula- 
rité qui  fût  en  ufage  parmi  les  eccléfiafti- 
ques  de  la  fynagogue.  S'il  fut  donc  trouvé 
à  propos  d'interdire  le  mariage  d'une  veuve 
au  fouverain  facrificâteur  des  juifs ,  afin 
que  cette  défenfe  le  fît  fouvenir  de  l'atta- 
chement qu'il  devoir  à  la  pureté,  on  a  pu 
croire  qu'il  falloir  mettre  tous  les  chrétiens 
fous  le  même  joug.  Peut-être  auffi  que  la 
première  origine  de  cette  morale  févere, 
fut  le  defir  d'ôter  l'abus  de  cette  efpece  de 
polygamie ,  que  le  divorce  rendoit  fré- 
quente. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  cette  idée  outrée 
qu'ont  eu  les  pères  fur  la  fainteté  dU 
célibat,  il  leur  eft  arrivé,  par  une eonf*»' 


P  ËR 

^iiéricè naturelle,  d'avoir  approuvé l'aiflion 
de  ceux  &  de  celles  qui  fe  ruent,  de  peur 
de  perdre  leur  ch^fteté.  Sainr  Jérôme  , 
faint  Ambroife  &:  faint  Chryfoftôme  ont 
été  dans  ce  principe.  La  fuperftition  honora 
comme  martyres  quelques  faintes  femmes 
qui  s'étoient  noyées  pour  éviter  le  vio'e- 
ment  de  leur  pudicité  ;  mais  ces  fortes  de 
réfolutions ,  courageufes  en  elles-mêmes  , 
ne  laiffent  pas  d'être  en  bonne  morale  une 
vraie  foibleffe  ,  pour  laquelle  feulement 
letat  &lescirconftancesdes  perfonnes  qui 
y  fuccombent,  donnent  lieu  d'efpérer  la 
miféricorde  d'un  Dieu  qui  ne  veut  point  la 
mort  du  pécheur. 

S.  Ambroife  décide  que  les  vierges  qui 
ne  peuvent  autrement  mettre  leur  honneur 
à  couvert  de  la  violence  font  bien  de  fe 
donner  la  mort;  il  cite  pour  exemple  fainre 
Pélagie  ,  &  lui  fait  dire  que  la  foi  ôte  le 
crime.  Saint  Chryfoftôme  donne  les  plus 
grands  éloges  à  quelques  vierges  qui  avoient 
été  dans  ce  cas  ;  il  regajde  ce  genre  de 
mort  comme  un  baptême  extraordinaire  , 
qu'il  compare  aux  fouffrances  de  Notre 
Seigneur  Jefus-Chrift,  Enfin,  les  uns  & 
les  autres  femblent  avoir  envilagé  cette 
acïion  comme  l'effet  d'une  infpiration  par- 
ticulière de  l'efprit  de  Dieu;  mais  l'efprit 
de  Dieu  n'infpire  rien  de  femblable.  La 
grande  raifon  pourquoi  l'Etre  fuprême  dé- 
fend l'homicide  de  foi-même  ,  c'eft  qu'en 
qu^ité  d'arbitre  fouverain  de  la  vie,  que 
nous  tenons  de  fa  libéralité,  il  n'a  voulu 
nous  donner  fur  elle  d'autres  droits  que 
celui  de  travailler  à  fa  confervation.  Ainfi 
nous  devons  feulement  regarder  comme 
dignes  de  ia  pitié  de  Dieu  ,  des  femmes  qui 
ont  employé  le  trifte  expédient  de  fe  tuer 
pour  exercer  leur  vertu. 

Je  vais  plus  loin  ;  je  penfe  que  les  pères 
ont  eu  de  faufTes  idées  fur  le  martyre  en 
général ,  en  y  invitant ,  en  y  exhortant 
avec  beaucoup  de  force ,  &  en  louant  ceux 
qui  s'y  étoient  offerts  témérairement  ;  mais 
cedefîr  du  martyre  eft  également  contraire 
&t  à  la  nature,  &:  au  génie  de  l'évangile 
qui  ne  détruit  point  la  nature.  Jefus-Chrift' 
n'a  point  abrogé  cette  \o\  naturelle ,  une 
des  plus  évidentes  &  des  plus  indifpenfa- 
bies ,  qui  veut  que  chacun  travaille,  en  tant 
qu'en  lui  eft,  à   fa  propre  confervation. 


P  E  R 


317 


L'avantage  de  lafociété  humaine,  &  celui 
de  la  fociété  chrétienne ,  demandent  égale- 
ment que  les  gens  de  bien  &  les  vrais  chré- 
tiens ne  foient  enlevés  du  monde  que  !è 
plus  tard  qu'il  eft  poflible,  &  par  confé- 
quent  qu'ils  ne  s'expofent  pas  eux-mêmes 
à  périr  fans  néceflité.  Ces  raifons  font  ft 
claires  &  fi  fortes,  qu'elles  rendent  très- 
fufpeft ,  ou  d'ignorance,  ou  de  vanité,  ou 
de  témérité,  un  zèle  qui  les  foule  aux  pies 
pour  fe  faire  une  gloire  du  martyre  en  lui- 
même  ,  &  le  rechercher  fur  ce  pié-là.  Le 
cœur  des  hommes,  quelque  bonne  que  foit 
leur  intention ,  eft  fujet  à  bien  des  erreurs 
&  Aqs  foibleftés;  elles  fe  gliftent  dans  les 
meilleures  aftions,  dans  les  plus  héroïques 
&  les  plus  éclatantes. 

Une  humeur  mélancolique  peut  auflî 
produire  ou  féconder  dé  pareilles  illufions. 
Rien,  après  tout,  ne  feroit  plus  .propre  à 
détruire  le  chriftianifme ,  que  fi  ces  idées 
du  martyre  ,  defirable  par  lui-même,  de- 
venoient  communes  dans  les  fociétés  des 
chrétiens;  il  en  pourroit  réfulter  quelque 
chofe  de  femblable  à  ce  que  l'on  raconte 
de  l'effet  que  produffirent  fur  l'efprit  des 
auditeurs,  les  difcours  véhémens  d'un  an- 
cien philofophe  ,  Hégéfius ,  fur  les  miferes 
de  cette  vie.  Enfin ,  Dieu  peut ,  en  confi- 
dération  d'une  bonne  intention,  pardonner 
ce  que  le  zèle  a  de  mal  réglé;  mais  la  témé- 
rité demeure  toujours  témérité  ,  &  fi  l'on 
peut  l'excufer ,  éXo.  ne  doit  faire  ni  l'objet 
de  notre  imitation,  ni  la  matière  de  nos 
louange^. 

Il  eft  certain  que  les  pères  mettent  fans 
ceffe  une  trop  grande  différence  entre 
fhomme  &  le  chrétien ,  &  à  force  d'outrer 
cette  diftinclion,  ils  prefcrivent  des  règles 
impraticables.  La  plupart  des  devoirs  dont 
l'évangile  exige  l'obfervation,  font  au  fond 
les  mêmes  que  ceux  qui  peuvent  être 
connus  de  chacun  par  les  feules  lumières 
de  la  raifon.  La  religion  chrétienne  ne  fait 
que  fuppléer  au  peu  d'attention  des  hom- 
mes ,  &  fournir  des  motifs  beaucoup  plus 
puiffans  à  la  pratique  de  ces  devoirs ,  que 
la  raifon  abandonnée  à  elle  n'eft  capable 
d'j^n  découvrir.  Leslumieres  furnaturelles , 
toutes  divines  qu'elles  font,  ne  nous  mon- 
trent rien  par  rapport  à  la  conduite  ordi- 
naire de  la  vie ,  xjue  les  lumières  naturelle^ 


^it  P  E  R 

rîi'adoptenr  par  les  réflexions  exa£î:es  de  la 
pure  philofophie.  Les  maximes  de  l'évan- 
gile ,  ajoutées  à  celles  des  philofophes ,  font 
jnoins  de  nouvelles  maximes  ,  que  celles 
qui  éfoient  gravées  au  fond  de  l'ame  rai- 
/bnnable. 

^n  vain  la  plupart  d^ pères  ont  regardé 
le  prêt  à  ufure  comme  contraire  à  la  loi 
Xiaturelle ,  ainfi  qu'aux  loix  divines  &  hu- 
jnaines;  il  eft  cerrain  que  quand  ce  prêt 
ji'efl:  accompagné  ni  d'extoriîons  ,  ni  de 
violations  des  loix  de  la  charité ,  ni  d'aucun 
autre  abus ,  il  eft  aufli  innocent  que  tout 
autre  contrat. 

Je  ne  dois  pas  fupprimer  un  défaut  com- 
mun à  tous  les  pères  ,  &  qu'on  a  raifon  de 
condamner  ;c'eft  leur  goûtpaffionné  pour 
jes  allégories,  dont  l'abus  eft  d'une  dange- 
reufe  conféquence  en  matière  de  morale. 
î-ifez  fur  ce  fujet  un  livre  de  Dan,  W^itby , 
intitulé,  Dijfertatio  de fcripturarum  inter- 
pretatione  ,  fecundîim  patrum  commenta- 
rios.  Lond.  1714,  in-^^.  Si  J.  C.  &  fes 
apôtres  ont  propofé  àes  images  &:  des  allé- 
gories ,  ce  n'a  été  que  rarement ,  avec  beau- 
,coup  de  fobriété,  &  d'une  manière  à  faire 
fentir  qu'ils  ne  les  donnoient  que  comme 
,des  chofes  propres  à  illuftrer,  &  à  rendre 
en  quelque  façon  fenfibles  au  vulgaire  grof- 
jfier ,  les  vérités  qu'ils  avoient  fondées  fur 
des  principes  également  fimples ,  folides  , 
,&  fuffifans  par  eux-mêmes. 

Il  ne  fuffit  pas  de  voir  quelque  confor- 
ynité  entre  ce  que  l'on  prend  pour  figure  , 
&  ce  que  l'on  croit  être  figure;  il  faut 
jeneoreêtre  afTuré  que  cette  reffembiance  a 
jété  dans  l'efprit  &  dans  l'intention  de  Dieu; 
/ans  quoi  l'on  court  grand  rifque  de  donner 
fes  propres  fantaifies  pour  les  vues  de  la 
fagefife  divine.  Rien  n'eft  plus  différent  que 
le  tour  d'efprit  des  hommes;  &  il  y  a  une 
infinité  de  faces  par  lefquelles  on  peut  en- 
cvifagerle  même  objet,  foit  en  lui-même, 
foit  en  le  .comparant  avec  d'autres.  Ainfi 
l'un  trouvera  une  conformité ,  l'autre  une 
autre,  aufHfpécieufe,  quoique  différente , 
iSc  même  contraire.  Celle  qui  nous  paroif- 
foit  la  mieux  fondée ,  fera  effacée  par  u-ne 
nouvelle  qui  nous  a  frappé  depuis  ;  de  forte 
qu'ainfi  l'Écriture-Sainte  fera  en  bute  à  tous 
les  jeux  de  l'imagination  humaine.  Mais 
l'exp^riience  a  affez  fait  voir  dans  quels 


P  E  R 

égaremens  on  fe  jette  ici,  faute  de  règle 
&  de  bouffole.  Les  pères  de  Cèglife  fuffi- 
roient  de  refl:e ,  quand  ils  n'auroient  jamais 
eu  d'imitateurs  ,  pour  montrer  le  péril  de 
cette  manière  d  expliquer  le  livre  le  plus 
refpeftable. 

Après  tout ,  il  eft  certain  que  les  apôtres 
ne  nous  ont  pas  donné  la  clé  des  figures 
ou  des  allégories  qu'il  pouvoir  y  avoir  dans 
l'Ecriture-Sainte  ,  outre  celles  qu'ils  ont 
eux-mêmes  développées  ;  &cela  fuffit  pour 
réprimer  une  curiofité  que  nous  n'avons 
pas  le  moyen  de  fatisfaire.  Enfin ,  les  allégo- 
ries font  inutiles  pour  expliquer  la  morale 
évangélique ,  qui  eft  toute  fondée  fur  les 
lumières  les  plus  fimples  de  la  raifon. 

Il  femble  encore  que  les  pères  fe  font 
plus  attachés  aux  dogmes  de  pure  fpécu- 
lation  ,  qu'à  l'étude  férieufe  de  la  morale , 
&  qu'en  même  temps  ils  ont  trop  négligé 
l'ordre  &  la  méthode.  Il  feroit  à  fouhaiter 
qu'en  abandonnant  les  argumens  oratoires , 
ils  fe  fuffent  piqués  de  démontrer  par  des 
raifons  folides  les  vertus  qu'ils  recomman- 
doient.  Mais  la  plupart  ont  ignoré  l'art  cri- 
tique qui  eft  d'un  très-grand  fecours  pour 
interpréter  l'Ecriture-Sainte  ,  &  en  décou- 
vrir le  fens  littéral.  Parmi  les  pères  grecs , 
il  y  en  avoir  peu  qui  entendiffent  la  langue 
hébraïque;  &'parmi  les /^cr^i  latins,  quel- 
ques-uns même  n'étoient  pas  affez  verfés 
dans  la  langue  grecque. 

Enfin ,  leur  éloquence  eft  communément 
fort  enflée ,  fouvent  déplacée,  &  pleine  de 
figures  &  d'hyperboles.  La  raifon  en  eft  > 
que  le  goût  pour  l'éloquence  étoit  déjà 
dépravé  dans  le  temps  que  les  pères  ont 
vécu.  Les  études  d'Athènes  même  étoient 
déchues  ,  dit  M.  de  Fénélon ,  dans  le  temps 
que  S.  Bafile  &  S.  Grégoire  de  Nazianze 
y  allèrent.  Les  raflînemens  d'efprit  avoient 
prévalu  ;  les  pères ,  inftruits  par  les  mauvais 
rhéteurs  de  leur  temps,  étoient  entraînés 
dans  le  préjugé  univerfel. 

Au  refte ,  toutes  leji  erreurs  des  pères 
ne  doivent  porter  aucun  préjudice  à  leur 
gloire ,  d'autant  qu'elles  font  bien  compen- 
fées  parles  excellentes  choies  qu'on  trouve 
dans  leurs  ouvrages.  Elles  deviennent  en- 
core excufables  en  confidération  des  défauts 
de  leurs  fiecles,  des  rentations  &  des  con-c 
jon(Stures  dans  lefquelles  il§  fe  font  trouvés, 


P  E  R  P  E  R  ^îo 

Enfin,  fa  foi  qu'ils  ont  profefTëe,  la  reVi- Igr'ini,   a  été  employé  pour  îa  première 


gion  qu'ils  ont  étendue  de  toutes  parts, 
malgré  les  obflacles  &  les  perfécutions , 
n'ont  pu  donner  à  perfonne  le  droit  de 
faillir  comme  eux.  (  Le  chevalier  de  Jau- 

COURT.  ) 

PEREAN,  f.  m.  (Cirler.)  chaudière 
plus  longue  que  large,  dans  laquelle  on 
fond  la  cire  pour  la  première  fois ,  pour  la 
metrre  en  oain. 

:  PEREASLAW,  Cpéog.  mvd.J  ville 
de  Pologne  ,  au  palatinat  de  Kiovie  ,  fur 
le  Tribiecz.  Les  Polonois  l*ont  cédée  à  la 
Ruiîie.  Elle  eft  à  lo  lieiies  fud-eft  deKiovie. 
Long.  5o  ,  icj-^lat.  45)  ,  46.  (D.  J.y 

PÈRECZAS  ,  (  t^éog.  mod.)  petite 
ville  de  la  H<r.! ce-Hongrie,  capitale  d\m 
comté  de  même  noin  ,  à  18  lieues  de 
Torkai.  long.  3g.  45;  //a/.  49.  44. 

PEREE  ,  (G^og.  anc.  )  Ferce-t.  Ce 
mot  vient  du  g-ec  ^ffc//t*,qui  fignifie  au 
delà.  On  a  donné  le  nom  de  Percca  à 
<iive-reç  contrées  &  à  -divers  lieux  qui 
étoient  au  delà  de  la  mer ,  au  delà  de 
quelques  fleuves  ,>  ou  au  delà  d'une  autre 
contrée. 

Auifi,   i^.  on  nomma  Peraa^  Pèrée,. 
une  contrée  au  delà  du  Jourdain  ,  à  l'orient* 
du  fleuve;  mais  la  Perée  propre   étoit  la 
feule  partie  méridionale    qui  compre«oit 
lés  tribus  de  Ruben  6c  de  G«d.- 
.     i'^.  Percea  Rhodiorum  ,  contrée  d'Afie,- 
qui  faifoir  partie  de  la  Carie.  G'étoit   une 
contrée   maritime  vis-à-vis  de  l'île  de 
Rhodes,  &  à  laquelle  on  donna  le  nom 
•de   Peréc  des  Rhodiens  ,   parce  que  ces> 
,peuples    San  rendirent    maîtres   ancien-^ 
nement.  • 

3'^.  Etienne  le  géographe  donne  lé  nom 
de  Perœa^  à  un  petit  pays  d'Afie  fUr  le 
bord  du  Tigre  ;  z°.  à  un  canton  du  terri- 
toire de  Corinthe  ;  6c-  }*^Jà  une  petite  ville 
de  Syrie.  CL>.  J.  ) 

PEREGRINAIRE ,  f.  m;  (^ITifl.  ecc.J 
nom  qu'on  donnoit ,  dans  les  anciens  mo- 
nafteres,  à  un  moine  chargé  de  recevoir  &• 
d'amuier  les  étrangers  qui -venoienivifeer 
le  monaftere. 

PEREGPJNE,(c.oMRruNïON)^y?. 
tccUfiaftique.  C'eft-une  dégradation  des 
clercs  ,  par  laquelle  on  les  réduifoit  à  un 
ordre  inierieuc  ;  ce  moi  cominunhn  pjré^  , 


fois  dans  le  troifîeme  canon  du  conci'c  de 
Riez  ,  au  fujet  d'Armemanus,  loriqu'i!  fut 
dégradé  dî  fonévechéd'Embnm,  &  qu'on 
lui  permit  de  fe  retirer  dans  toute  églilé  cà 
Ton  voudroit   charitablement  lé  fouffrir  , 
pmir  y  confirmer  feulement  les  néophytes, 
fans  pouvoir  faire'  aucune  fonction   épi(- 
copale ,  que  dans  ladite  égUfe  où  il  feroit 
reçu  par  charité:  Le  P.  Petau  prétend  qu'on 
appelloit    cette    dégradation    communion, 
pérégrine,  parce  qu'elle  réduifoit  ceux  qui 
étoient  ainfi  dégradés  au  mén1e  état  des- 
clercs étrangers  ,  qui  avoient  bien  des  let- 
tres formées  ,  maivqui  ne  pouvoient  faire 
des  fonétlons  eeclefiaftiques ,  jufqu'à  ce  que- 
leurs  lettres  eufTent  été  examinées  par  le 
fynode  oul'évéquedu  lieu.  Parle  fécond" 
canon  du  concile  d'Agde  ,   il  efl:  dit  que^ 
les  clercs  rebelles,  réduits  à  la  communie^' 
pérégrine  ,    peuvent  être    rétablis.    Nou5' 
renvoyons  les  Ciirieux  de  plus  grands  dé- 
tails,  à  une  ample  dififertation  que  Marci- 
Antoine  Domir^ici ,  jurifconfulte  canonif-- 
te,  a  fait  imprimer  en  1645  fur  la  commU" 
nion  pérégrine.  (  D.  /.  ) 

PÉRÉGRINE  ,  (  Bijout.  )  La  perle  ainfi^ 
nommée  eft  cène  fameufe  perle  dont  l'eau  , 
la  figure,  ta  beauté,  en  un  mor  la- perfec- 
tion fièrent  une  teîfe  impreflion  fur  un  mar- 
chand connoiffeur,  qu'après  Tavoir  vue  ,  A 
ofabien  en  donner  cent  mille  écus,  en  fon-' 
géant,  dit-il  à  Philippe  IV  ,  quand  il  la  liii' 
préfenta ,  qn'il  y  avoir  encore-un  roi  d*Ef^ 
pagne  au  monde; 

PEREGRimCL'angwe  làtinnO  ^ 
Romains-  appelloienr  peregrinos  ,  tous^R 
peuples  fournis  à  leur  domination  ,  à  qui 
ils  avoient*  laiffé  leur  ancienne  forme  dé 
gouvernenrem  ;  dicebant  pertgrifium  qui 
fuis-- legihua  uteremr.  Var-ro  >  L,  IF ^  di 
ling^lat.fD.J.J. 

PEREGRÎNÎTÉ,  f:  f:  (  'G?am:&Jùrîf:) 
fignifie  l'état  de  celui  qui  eft  étranger  danS 
un  pays  :  on  appelle  vie  de  pérégrinité'y 
l'incapaeitétéAihante  de  ja  qualité  derrani 
ger.  FojK^f  AUBÀIN  .6-  ÉTRAN^GÈR.  f^J 

-,  PER E  KO  P ,  ou  P  ER  C  O  P  S  ,  o« 
P,RECOP;  (  G«;V  W.  J  ville  de  là 
Crimée,- fituée  fur  la.  cô/e-  orientale  d* 
l'ifthme  qui  joint  là  Crimée  à  la  terre 
ferme ,  à-  une  petite  diftiinceda  rivage  du 


^lo  P  E  R 

Palus-Méotide.  Cet  ifthms  n^ayam  quune 
demi-lieue  de  largeur- en  cet  <  ndroit ,  on 
regarde  avec  raifon  la  vil'u-;  àeiPérékop , 
comme  la  clé  de  la  Crimée  ;  cependant 
ce  n'eft  qu'un  fort  vilain  petit  trou  d'en- 
viron 60  feux  ,  avec  un  château  ruiné  à 
moitié.  Les  Turcs  font  en  poffeffion  des 
deux  meilleures  places  de  la  prefqu'île 
de  Crimée ,  qui  iont  la  ville  de  Caffa  , 
&  le  port  de  Baluclava  ,  fltués  à  44^. 
44'.  de  lut.  fur  le  rivage  méridional  de  ce 
pays. 

Pcrékop ,  qui  veut  dire  terre  fojfoyce  , 
eft  le  nom  que  les  Polorois  ont  donné  à 
cet  endroit  :  les  Tartares  l'appellent  Orka- 
py ,  nom  magnifique  qui  fignifie  la  porte 
d'or  ;  ce  n'eft  cependant  que  la  porte  d'un 
trou.  (D.  J.) 

PERELLE ,  f.  f.  (Hlfl.  nat,  Mlnêralog.) 
C*eft  uneefpece  de  terre  compofée  de  par- 
ticules en  petites  écailles;  elle  eft  feche  au 
toucher,  &  d'une  couleur  qui  tire  fur  le 
gris.  On  la  trouve  en  Auvergne,  dans  le 
voifinage  de  Saint-Flour;  elle  eft  attachée 
aux  jochers.  On  s'en  fert  dans  la  teinture  , 
&  Ton  prétend  que  c'eft  une  efpece  de 
lichen  ou  de  mouffe  qui  fe  forme  à  la  fur- 
face  des  rochers  ,  de  même  que  l'orfeille. 
C'eft  vralfemblablement  la  chaleur  du 
foleil  qui,  en  deiféchant  cette  fubftance  ,lui 
donne  la  confîftance  d'une  terre. 

PEREMPTION  d'inftance,  f,  f. 
(^  J urïj prudence^)  eft  l'anéantiffement  d'une 
procédure ,  qui  eft  regardée  comme  non- 
avenue,  lorfqu'il  y  a  eu  difcontinuation 
de  pourfuites  pendant  trois  ans. 
^lÉlletire  fon  origine  de  la  \o\properan- 
dum,  au  code  de  Judiciis,  fuivant  laquelle 
tous  les  procès  criminels  dévoient  être  ter- 
minés dans  deux  ans,  &  les  procès  civils 
dans  trois  ans,  à  compter  du  jour  de  la 
conteftation  en  caufe. 

Mais  cette  loi  ne  produlfoit  pas  l'ânéan- 
tiftement  des  procédures  par  une  difcon- 
tinuation  de  pourfuites,  comme  il  a  lieu 
parmi  nous  ;  la  litifconteftation  perpétuoit 
même  l'aftion  pendant  40  ans. 

La  \o\  properandum  a  toujours  été  fuivie 
en  France ,  du  moins  ainfi  qu'il  eft  juftifié 
par  l'anci-en  ftyle  du  parlement  ;  mais  la 
péremption  étoit  autrefois  encourue  par 
une  difcondnuation  dç  procédure  pendant 


PER 

un  an ,  â  moins  que  l'on  n'obtînt  des  lettres 
de  relief  contre  le  laps  d'une  année. 

Dans  la  fuite  Xs.  péremption  ne  tut  acquife 
qu'au  bout  de  trois  ans;  elle  étoit  déjà 
i  fi  ée  avant  l'axxiûima^Kce  de  1 539  ,  puif- 
qu^  celle-ci  porte,  an.  /  20,  que  doréna- 
v  ant  il  ne  lera  expédié  des  lettres  de  relè- 
vement de  la  péremption  d'inftance. 

Cette  pratique  ayant  été  négligée,  on 
!a  renouvella  par  l'ordonnance  de  Rouf- 
(illon ,  art.  iS  ,  qui  porte  que  l'inftance 
intentée  ,  quoique  conteftée  ,  fi  par  le  laps 
de  trois  ans  elle  eft  difcontinuée  ,  n'aura 
aucun  effet  de  perpétuer  ni  de  proroger 
l'aftion;  ains  aura  la  preii:ription  fon  cours, 
comme  fi  ladite  inftance  n'avoir  été  formée 
ni  introduite,  &  fans  qu'on  pulfi^e  dire  ladite 
prefcription  avoir  été  interrompue. 

L'ordonnance  de  1629,  art.  ^1  .^  or- 
donne l'exécution  de  celle  de  RouffiUon 
dans  tout  le  royaume* 

Cependant  la  péremption  n'a  pas  lieu  ea 
Dauphiné ,  ni  en  Franche-Comté ,  fi  ce 
n'eft  au  bout  de  30  ans. 

En  Artois,  &  au  parlement  de  Bordeaux , 
elle  a  lieu  au  bout  d'un  an  de  cefiation  de 
procédures. 

Au  parlement  deTouloufe  \2i péremption 
de  3  ans  a  lieu  ;  mais  on  obferve  fur  cela 
pluneurs  dïftindions ,  qui  font  expliquées 
par  M.  Bretonnier ,  au  mot  péremption. 

Le  parlement  de  Paris  a  fait ,  en  1691^ 
un  arrêté  fur  les  péremptions ,  portant  : 

1°.  Que  les  inftances  intentées ,  bien 
qu'elles  nefoient  conteftées,  ni  les  afligna- 
tions  fuivies  de  çonftitution  &  de  préfen- 
tationde  procureur  par  aucune  des  parties, 
feront  déclarées  péries,  en  cas  que  l'on 
ait  cefle  &  difcontinué  les  procédures  pen- 
dant 3  ans ,  &  n'auront  aucun  effet  de 
perpétuer  ni  de  proroger  l'adion ,  ni  d'in-r, 
terrompre  la  prefcription. 

2°.  Que  les  appellations  tomberont  eo 
péremption,  &  emporteront  de  plein  droit 
la  confirmation  àts  fentences  ,  fi  ce  n'eft 
qu'en  la  cour  les  appellations  foient  con- 
clues ou  appointées  au  confeil. 

3^.  Que  les  raifons  réelles  &  les  inftances 
de  criées  des  terres ,  héritages ,  &  autres 
immeubles ,  ne  tomberont  en  péremption 
lorfqu'il  y  aura  établifiement  de  commifi» 
faire  ,  &  baux  faits  en  conféquence. 

4^Qu€ 


P  E  R 

4°.  Que  la  péremption  n'aura  lieu  dans  les 
affaires  qui  y  font  fujettes,  fi  la  partie  qui  a 
acquis  la  péremption  reprend  Tinftance ,  fi 
elle  forme  quelque  demande ,  fournit  des 
défenfes,  ou  Ci  elle  fait  quelqu'autre  procé- 
dure ,  &  s'il  intervient  quelque  appointe- 
ment  ou  arrêt  interlocutoire  ou  définitif, 
pourvu  que  lefdites  procédures  foicnt  con- 
nues de  la  partie  &:  faites  par  (on  ordre. 

La  péremption  n'eft  point  acquife  de 
plein  droit  ;  il  fiùt  qu'elle  foit  demandée 
&  prononcée  ;  &  la  moindre  procédure 
faite  avant  la  demande ,  fuffit  pour  couvrir 
la  péremption.^ 

Au  confeil  du  roi ,  il  n'y  a  jamais  de 
péremption. 

Au  parlement ,  elle  n'a  pas  lieu  pour 
les  appellations  conclues  ou  appointées  au 
confeil. 

On  juge  auffi,  aux  requêtes  du  palais, 
que  les  inftances  appointées  ne  périlîent 
point. 

On  tient  pour  maxime  au  palais ,  que 
le  décès  d'une  des  parties  ou  de  fon  pro- 
cureur ,  empêche  la  péremption. 

Il  y  a  certaines  matières  dans  lesquelles 
la  péremption  n'a  point  lieu ,  telles  que  la 
caufe  du  domaine,  de  régale,  les  appella- 
tions comme  d'abus,  &  en  général  toutes 
les  caufès  qui  concernent  le  roi ,  le  public 
ou  la  police ,  l'état  des  perfonnes ,  &  les 
procès  criminels ,  à  moins  qu'ils  ne  foient 
civilifes. 

Voyei^  le  traité  des  péremptions  de 
Menelet;  les  notes  fur  Dupleffis,  tr.  des 
prefcrip.  liv.  II,  ch.  j ,  feà.  ÇL;  le  recueil 
de  qucft.  de  Bretonnier,  au  moz  péremp- 
tion; &  ci -après  les  mots  Peremptoirh  & 

PÉRIMÉ. 

PÉREMPTOIRE,  adj.  mafc.  &  fém. 
(Jurifpr.)  Ce  dit  de  ce  qui  franche  toute 
difficulté ,  comme  une  raifon ,  ou  un 
moyen  ,  ou  une  exception  péremptoire. 
L'ordonnance  de  i  GGj ,  tit.  5  ,  art.  5  , 
veut  que  dans  les  défenfes  foient  employées 
les  fins  de  non-recevoir ,  nullités  des  ex- 
ploits ou  autres  exceptions  péremptoires  -, 
fi  aucunes  y  a ,  pour  y  être  préalablement 
fait,  droit.  Voye[  Exception  ,  Moyen  , 
Nullité,  Péremption. 

PÉRÉNA  (la),  Géogr.  moâ.  c'eft 
k  même  ville  qu'on  nomme  aujourd'hui 

jomt  xxr. 


PER  3ir 

Coquimbo ,  &  qui  fut  bâtie  par  Pctro  de 
Valdevia,  en  1544.  Les  arbres  y  font  fi 
chargés  de  fruits  ,  que  les  habitans  font 
obligés ,  au  commencement  de  l'été ,  d'en 
abattre  une  moitié  ,  pour  que  les  arbres 
puifîent  fupporter  le  refte.  V.  Coqùimbo. 

PERÉQUATEURS  ,  f.  m.  pi.  {Ant. 
rom.  )  gens  prépolés  à  la  répartition  égale 
des  impôts  fur  les  campagnes.  Ils  furent 
infticués  (bus  Conftantin  appelle  h  Grand. 
Le  but  de  leur  fondion  étoit  louable  ; 
mais  comment  s'en  acquittoient-ils  î 

PÉRESKIA,  f.  f  {liift.  nat.  bot,)  genre 
de  plante  à  fleur  en  rofe ,  compofée  de  plu- 
fieurs  pétales  difpofés  en  rond.  Le  calice 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  rond ,  charnu , 
mou  &  garni  de  petites  feuilles,  qui  ren- 
ferme ordinairement  trois  femencés  ron- 
des &  applaties.  Plumier,  nova  plant.  Amer, 
gêner.  V.  Plante. 

Elle  a  été  ainfi  nommée  par  le  P.  Plu- 
mier, en  l'honneur  du  célèbre  Peirefc, 
l'un  des  beaux  génies  François,  &  des 
plus  fa  vans  hommes  du  XVII'.  fiecle. 

La  fleur  de  la  pères kia  eft  blanche ,  en 
forme  de  rofe,  &  compofée  de  plufieurs 
pétales  difpofés  en  rond.  Son  calice  fe 
change  en  un  fruit  mou  ,  charnu^  de  cou- 
leur jaunâtre,  de  figure  fphérique,  &  en- 
vironné de  Éni^les.  Il  contient  dans  le  mi- 
lieu quantiteoe femencés  plates ,  arrondies, 
&c  enfermées  dans  un  mucilage.  Le  P.  Plu- 
mier n'établit  qu'une  efpece  de  ce  genre 
de  plantes;  (avoir ,  pereskia  aculeata  ,  flore 
albo ,  fruclu  flavefcente ,  plant,  nov.  gêner. 
Elle  croît  dans  quelques  provinces  des  Indes 
efpagnoles,  d'où  elle  a  été  tranfportée  dans  . 
les  colonies  angloifes  ,  où  elle  eft  appellée 
goosberry ,  &  par  les  HoUandois  blad  apple, 
(D.  J.) 

PERESLAW  REZANSKI,  {  Géùgr. 
mod.  )  ville  de  l'empire  ruffien ,  capitale 
du  duché  de  Rézan,  au  bord  méridional 
de  l'Occa ,  mais  à  quelque  diftance  de 
cette  rivière ,  fur  une  petite  hauteur.  Long, 
5^  ,  x8  ;  ht.  54  ,  ^6". 

Pereslaw  Soleskoi  ,  {Géogr.  mod.) 
ville  de  l'empire  rudien,  dans  le  duché 
de  Roftow,  entre  Mofcow  &  Archangel, 
fur  un  lac.  Long.  57,  ^^;  lat,  56*,  %^^ 


322  P  E  R 

PEREYRA,  {WJi.  nat.  bot.)  zxhtt^ 
des  Indes  orientales^  qui  eft  de  la  même 
-  nature  que  celui  qu'on  appelle  guayavier. 
3on  fruit  eft  verd  &  jaune  à  Pinrérieur; 
il  a  la  forme  d'une  poire  ,  blanchâtre  à 
1^'intérieur ,  &  d'une  fubftance  molle  comme 
celle  d'une  poire  trop  mûre  :  on  en  fait  de 
très-bonnes  confitures. 

PERFECTION,  f.  f.  (Mêtaphyjlque.) 
C'eft  l'accord  qui  règne  dans  la  variété  de 
plufieurs  chofes  différentes ,  qui  concou- 
rent routes  au  même  but.  Tour  compofé- 
éîit  dans  certaines  vues ,  eft  plus  ou  moins 
parfait  ,  à  proportion  que  (es  parties 
s'aflortiilent  exactement  à  ces  vues.  L'œil, 
par  exemple  ,  eft  un  organe  de  plufieurs 
pièces  qui  doivent  toutes  fervir  à  tracer 
une  image  claire  &  diftinde  de  l'objet 
vifible  au  fond  de  la  rétine.  Si  toutes  ces 
pièces  fervent  autant  qu'elles  en  font  ca- 
pables ,  à  cet  ufage ,  Pœil  eft  cenfé  parfait. 
La  vie  de  l'homme ,  en  tant  qu^elle  défigne 
ralllmblage  de  fes  adions  libres ,  eft 
tenfée  parfaite,  fi  toutes  fes  adlions  ten- 
dent à  une  fin  qui  leur  foit  commune 
avec  les  adlions  naturelles  j  car  delà 
jféfulte  cet  accord  entre  les  adtions  natu- 
relles &  les  adions  libres,  dans  lequel 
confifte  la  perfeclion  de  la  vie  humaine. 
Au  contraire ,  Vimperfeâion  ou  le  mal  mé- 
taphyfique,  confifte  dan^ÉI  contrariété 
de  diverfes  chofes  qui  ^IRarteut  d^'un 
.même  but. 

Toute  perfection  a  une  raifbn  générale , 

■  par  laquelle  on  peut  comprendre  pourquoi 
le  fujet  en   qui  réfide   la  perfeâion ,  eft 

:  difpofé  de  telle  manière  &  non  autrement. 
:  On  peut  l'appelier  la  raifort  détermânante 

■  de  la  perfeâion.  Il  n'y  a  point  d'ouvrage 
.  de  la  nature  ou  de  l'art ,  qui  n'ait  fa  def- 

tination  ;  c'eft  par  elle  ,  en  y  rapportant 

.  tout  ce  qu'on  obferve  dans  le  fujet ,  qu'on 

-  eftime  fa  perfeâion.  C'eft  ,  par  exemple , 

de  la  combinaifon  d'une  lentille  concave 

'  placée  à  Toppofire  d'une  lentille  convexe 

,  dans  un  tube ,  que  réfulte  la  pofïibiliié 

de  voir  diftindtement  un  objet  éloigné , 

•  comme  s'il  étoit  prochain.  On  démontre 

que  les  lentilles  doivent  être  d'une  telle 

grandeur  Se  d'un  tel  diamètre  plutôt  que 

d'un  autre;  que  le  tube  doit  être  conftruit 

ainfi  3c  non  autrement  j  6c  on  démontre , 


~  P  E  R 

dis-j,e ,  la  perfeâion  de  chacune  de  ces 
parties,  &  confequemment  celle  du  tout, 
par  leur  rapport  au  but  qu'on  fe  propofe 
d'appcrcevoir  les  objets  éloignés. 

Si  la  raifon  déterminante  eft  unique, 
la  perfeâion  fera  fimple;  s'il  y  a  plufieurs 
railons  déterminantes  ,  la  perfeâion  eft: 
compofée.  Si  un  pilier  n'eft  planté  quç 
pour  foutenir  quelque  voûte  ,  il  aura  toute 
la  perfeâion  qu'il  lui  faut.,  pourvu  que  (a 
grofleur  ou  la  force  foit  lufiSfante  pour 
porter  ce  poids;  mais  s'il  s'agit  d'aune  co- 
lonne deftinée  à  orner  auffi-bien  qu'à  fou- 
tenir, il  faut  la  travailler  dans  cette  double 
vue.  Les  fenêtres  d'une  maifon  ont  une- 
perfeâion  compofée ,  -en  tant  qu'elles  fervent 
à  introduire  la  lumière ,  &  à  procurer  utt 
point  de  vue  agréable.    , 

Il  y  a  auflfi  des  raifons  prochaines  &  des- 
raifons  éloignées ,  primariœ ,  fecondariçe  , 
qui  déterminent  \z  perfâion  prochaine  oiï 
éloignée  d'une  chofe.  Toute  perfeâion  a 
fes  règles,  par  lefqi^elles  elle  eft  explicable. 
Lorfque  diverfes  règles  qui  découlent  des. 
différentes  raifons  d'une  perfeâion  com- 
pofée, fe  contrarient,  cette  collifion  pro-- 
duit  ce  qu'on  appelle  exception  ;  favoir  , 
une  détermination  contraire  à  la  règle  néç^ 
de  la  contrariété  des  règles.  Une  perfeâion. 
fimple  ne  fauroir  être  fujette  à  exception  ; 
elle  n'a  lieu  que  dans  la  perfeâion  com-- 
pofée.  Dès  qu'il. n'y  a  qu'une  règle  à 
obferver,  d'où  naitroit  le  cas  d'une  colli- 
fion? Mais  auiîi-tôt  qu'il  s'en  trouve  feu-' 
lement  deux ,  leur  oppofition  dans  certain; 
cas,  peut  produire  des  exceptions. 

h^  perfeâion  d'une  maifon ,  par  exemple  ^ 
embrafle  plufieurs  objets ,  la  pofition  y 
diftribution  commode  des  appartemens ,. 
proportion  de  fes  différentes  parties,  or- 
nemens  intérieurs  &  extérieurs  :  un  habile 
architeéle  ne  perd  rien  de  vue  ;  mais  chaque 
chofe  entre  dans  fon  p^an  à  proportion  de 
fon  importance;  &  quand  il  ne  iauroit  tour 
allier  ,  il  laifle  ce  dont  on  peut  le  plus, 
aifément  fe  paOTer. 

Les  défauts  occafionés  par  les  exceptions  y, 
ne  font  pas  des  défauts  réels,  &  la  per- 
feâion  du  fujet  n'en  eft  point  altérée^ 
Placer  l'idée  de  la  perfâicn  dans  l'accord 
des  chofes  qui  ne  fauroient  être  conciliées  ^ 
^^ee  feroit  fuppofer  l'impofïible.  Ainii,  ks. 


m 


PEU 

exccptwns  qui  ne  naiflent  que  de  cette 
impofTibilité  ,  n'ont  rien  qui  nuife  à  la 
perfeclion  du  fujet.  Un  œil  eft  parfait , 
quoiqu'il  ne  puiflè  pas  faire  tout-à-la-fois 
les  fondions  du  rélefcope  ôc  du  microf- 
cope;  parce  qu'un  même  organe  ne  fauroit 
les  allier ,  &  que  l'ur.e  &  l'autre  nuiroient 
à  la  véritable  perfccihn  de  l'œil ,  qui  con- 
fifte  à  découvrir  diftindtement  ce  qui  eft  à 
la  portée  du  corps. 

Le  principe  des  exceptions  fe  trouve  dans 
la  raifon  déterminante  de  la  perfeclion  du 
tout,  qui  doit  toujours  prévaloir  fur  la 
perfeclion  d'une  partie.  Ceft  un  principe 
capital  pour  écarter  les  jugemens  faux  & 
précipités  fur  la  perfeâion  des  chofes  ;  il 
faut  en  embraflcr  toute  l'économie  pour 
railbnner  pertinemment.  Qui  ne  connoît 
qu'une  partie ,  &  forme  fes  décifions  là- 
defliis,  court  grand  rifque  de  s'égarer  ,  &: 
lie  réuflit  que  par  hafard.  h^i.  perfection  du 
tout  eft  l'objet  de  quiconque  travaille  d'une 
manière  fenfée  à  quelque  ouvrage  que  ce 
foit  :  on  n'ira  pas  facrifier  les  commodités 
d'une  maifon  entière,  pour  rendre  une 
falle  parfaite.  En  un  mot ,  dans  un  tout , 
chaque  partie  a  fa  perfeâion  qui  lui  eft 
propre  ;  mais  elle  eft  relative  &  fubor- 
donnce  à  celle  du  tout,  au  point  que  trop 
de  perfeclion  dans  une  partie ,  feroit  une 
vraie  imperfcdbion  dans  le  tout. 

La  grandeur  de  la  perfeclion  fe  mefure 
par  le  nombre  des  déterminations  de  l'être 
qui  s'accordent  avec  les  règles.  Plus  il  y  a 
de  convenances  entre  les  déterminations 
&  les  règles,  plus  la  perfeâion  s'accroît", 
ou  bien ,  m.oins  un  fujet  a  de  défauts  réels 
&  véritables,  plus  il  a  de  perftâion. 

PERFECTIONNER,  v.  za.{Gram.) 
corriger  les  défauts ,  avancer  vers  la  per- 
fection, rendre  moins  imparfait.  On  fe 
perfcâionne  foi-même  ;  on  perfeâionne  un 
ouvrage.  L'homme  eft  compofé  de  deux 
organes  principaux  ;  la  tête ,  organe  de  la 
raifon 5  le  cœur,  exprelïîon  fous  laquelle 
on  comprend  tous  les  organes  des  pâmons; 
l'eftomac ,  le  foie ,  les  inteftins.  La  tête , 
dans  Pétat  de  nature,  n'î!iflueroir  prelqueen 
rien  fur  nos  déterminations.  Ceft  le  cœur 
qui  en  eft  le  principe;  le  cœur,  d'après 
lequel  l'homme  animal  feroit  tout.  Ceft 
Tart  qui  ^ perfeâionne  l'organe  de  la  raifon  ; 


les  opérations,  eft 


P  E 

tout  ce  qu'il  eft  dans 
artificiel.  Nous  n'avons  pas  eu  le  même 
empire  fur  le  cœur;  c'eft  un  organe  opi- 
niâtre, fourd ,  violent ,  paiîîonné ,  aveuglé. 
Il  eft  refté  ,  en  dépit  de  nos  efforcs ,  ce 
que  la  nature  l'a  fait;  dur  ou  fenfible, 
foible  ou  indomtable ,  pufiUanime  ou  té- 
méraire. L'organe  de  la  raifon  eft  comme 
un  précepteur  attentif  qui  le  prêche  fans 
ceflè;  lui,  femblable  à  un  enfant,  il  crie 
fans  cefle  ;  il  fatigue  fon  précepteur ,  qui 
finit  par  l'abandonner  à  fon  penchant.  Le 
précepteur  eft  éloquent  ;  l'enfant ,  au  con- 
traire ,  n^'a  qu'un  mot  qu'il  répète  fans  fe 
lafter,  c'eft  oui  ou  non.  Il  vient  un  temps 
où  l'organe  de  la  raifon ,  après  s'être  épuifé 
en  beaux  difcours ,  &c  inftruit  par  expé- 
rience de  l'inutilité  de  fon  éloquence,  fe 
moque  lui-même  de  fes  efforts  ;  parce  qu'il 
fait  qu'après  toutes  fes  remontrances,  il 
n'en  fera  pourtant  que  ce  qu'il  plaira  au 
petit  defpote  qui  eft  là.  C'eft  lui  qui  dit 
impérieufement  ;   car  tel   eft   notre    bon 
plaifir.  C'eft  un  long  travail  que  celui  de 
fe  perfeâionner  foi -même. 

PERFECTISSIMAT,  f.  m.  perfcâijfi* 
matus,  {Jurifp.)  Cétoit  le  rang,  la  di* 
gnité  de  ceux  auxquels  on  donnoit  chez 
les  Romains  le  titre  de  perfeâijfimus.  On 
donnoit  ce  titre  à  quelques  gouverneurs 
de  province,  &  à  certaines  autres  pcr- 
fonnes  chargées  de  quelque  adminiftration. 
Le  ritre  de  perfeâijfime  étoit  moindre  que 
celui  de  clarijftme. 

Il  en  eft  parlé  au  cod.  lib.  I,  tit.  de  natur. 
liber.  &  lib.  II ,  tit.  de  quœjî.  Voy.  Cujâs 
&  G odefroi ,  yî/r  le  tit.  ^z  du  liv.  I,  lexicon 
juridicum  Calvini.  Alciat.  {  A^ 

PERFIDE ,  adj.  {Gram.  )  ^  PERFIDIE , 
f.  f.  (  Morale.  )  La  Bruyère  dit  que  la 
perfidie  eft  un  menfonge  de  toute  la  per- 
fonne  ,  fi  l'on  peut  parler  ainfi  ;  c'eft 
mettre  en  œuvre  des  fermens  &  des  pro- 
mefïes  qui  ne  coûtent  pas  plus  à  faire  qu'à 
violer.  On  tire  ce  bien  de  la  perfidie  des 
femmes ,  qu'elle  guérit  de  la  jaloufic. 

Perfidie,  f.  f.  en  Mujîque ,  eft  un 
terme  emprunté  des  Italiens ,  &  qui 
fignifie  une  affc6lation  de  faire  toujours  la 
même  chofe,  ou  de  pourfuivrc  le  même 
defïin ,  de  confervcr  le  même  mouvement., 
le  même  chant,  \es  mêmes  .pafïàgcs  ^ 

Ss  z 


■324  P  E  R 

les  mêmes  figures  de  notes.  V.  Dessin, 
Mouvement,  Chant,  &c.  Telles  font  ' 
les  baflès  continues  ,  comme  celles  des 
chaconnes ,  ôc  une  infinité  de  manières 
d'accompagnement  qui  dépendent  du  ca- 
price du  compofiteur. 

Ce  terme  n'eft  point  ufité  en  France,  & 
je  ne  fais  s'il  a  jamais  été  écrit  en  ce  fens 
ailleurs  que  dans  l'abbé  Broflard.  (S) 

PERFIQUE,  f.  f.  {Mytholog.)  déelTe 
des  anciens,  qui  rendoitles  plaifirs  parfaits. 
Les  hommes  n'ont  pas. eu,  je  crois,  de 
divinité  qui  fît  pliis  mal  Tes  fonélions.  Ou 
eft  le  plaiiir  entièrement  pur  &  parfait? 
Rien  n'efl:  plus  vrai,  ni  n  a  été  dit  d''une 
manière  plus  touchante,  que  la  plainte  de 
Lucrèce  lur  la  petite  pointe  d'amertume 
qui  fe  mêle  à  tous  nos  plaifirs  : 

Adeo  de  fonte  leporum 
Surgit  amari  aliquid,  mcdiifque  in  jloribus 
angit. 

Sur  le  duvet,  fur  le  lit  le  plus  voluptueux 
&  le  plus  doux ,  entre  des  draps  de  iatin, 
fur  le  fein  d'une  femme  dont  la  blancheur 
efface  celle  du  fatin  même  qui  l'enve- 
loppe ,  il  fe  trouve  toujours  ,  je  ne  fais 
comment ,  une  feuille  de  rofe  qui  nous 
blelTe. 

PERFORANT ,  eft  le  nom  qu'on  donne 
en  Anatomie ,  à  deux  mufcles  de  la  main 
&  du  pié ,  qu'on  appelle  auilî  ,  à  caufe 
de  leur  aétion  ,  Jléchijfeurs  communs  des 
■  doigts,  Voyei^  nos  pi.  anat.  ù  leur  explic. 
Voye[  Perforé. 

Le  perforant  de  la  main ,  ou  le  profond, 
eft  fitué  le  long  de  la  partie  interne  de 
î'avant-bras,  &  eft  couvert  par  le  perforé. 
Il  vient  charnu  de  la  partie  externe  & 
fupérieur  du  cubitus  &  du  ligament  in- 
terofleux  j  &:  après  avoir  formé  un  corps 
charnu  &  allez  épais ,  il  fe  divife  en  quatre 
tendons  ronds  qui  palfent  fous  le  ligament 
annulaire ,  &c  à  travers  les  fentes  des  ten- 
dons du  perforé ,  s'infèrent  à  la  partie  in- 
terne &  fupérieure  de  la  troifieme  pha- 
lange de  chaque  doigt.  V,  Doigt. 

Le  perforant  du  piç  eft  le  nom  d'un 
mufcle  'du  pié  ,  appelle  auffi  profond ,  & 
à  çauje  de  fon  aâ:ion  ,  fkhijfeur  de  la 
troiiieme  phalange  des  doigts  du  pié  ,  ou 


P  E  R 

grand  flechijfeur.  Ce  mufcle  eft  fitu^  à  îa 
partie  poftérieure  de  la  jambe  ,  entre  le 
tibia  &  le  péronné  ,  &  fur  le  ligament 
interoftèux. 

Ce  mufcle  vient  de  la  partie  fupérieure 
&  çoftérieure  du  tibia  &  du  péronné  ;  &: 
paflànt  derrière  la  malléole  interne  6c  le 
ligament  qui  joint  le  tibia  avec  le  calca- 
neum  ,  il  fe  divife  en  quatre  tendons  qui , 
paflànt  par  les  trous  du  perforé  ,  s'infè- 
rent à  la  troifieme  phalange  des  petits 
orteils. 

Il  y  a  une  mafle  ou  fubftance  charnue 
qui  vient  du  calcaneum  ,  &  qui  joint  le 
tendon  de  ce  mufcle  dans  l'endroit  où 
commencent  les  lombricaux.  M.  Winflow 
l'appelle  Vcccejfoire  du  long  flechijfeur  ,  & 
d'autres  anatomiftes  h  carré. 

PERFORATIF,  inftrument  de  chi- 
rurgie ,  voye^^  Trépan. 

PERFORE,  f/z  Anatomie  y  nom.  de  deux 
mufcles  des  doigts  de  la  main  &  du  pié , 
ainfi  appelles  parce  que  leurs  tendons  font 
percés  par  ceux  du  perforant.  On  les  ap- 
pelle quelquefois  _^éc^/^z/r5  de  la  féconde 
phalange ,  à  caufe  de  leur  a6tion ,  &  q^jçX- 
qneÇois  fuMi mes  i  à  caufe  de  leur  fituation. 
yoye:^  nos  pi.  d'Anat. 

Le  perforé  de  la  main  eft  fitué  le  long 
de  la  partie  interne  de  l'avant  -  bras.  Il 
vient  tendineux  du  condile  interne  de 
l'humérus,  &  de  la  partie  fupérieure  & 
antérieure  du  radius;  enfuite  il  fe  partage 
en  quatre  parties,  &  palfe  fous  le  liga- 
ment annulaire  ;  d'où  il  envoie  différens 
tendons  qui  fe  bifurquent  à  la  partie  fupé- 
rieure &  interne  de  la  féconde  phalange 
de  chaque  doigt.  C'eft  par  cette  fente  ou 
trou  que  paflent  les  tendons  du  perforant. 
Le  perforé  du  pié  eft  un  triufcle  du  pié 
appelle  aufifi  fléchijfur  du  pié  &  fublime. 
Il  eft  fitué  fous  la  plante  du  pié,  &:  vient 
de  la  partie  inférieure  du  calcaneum  ,  & 
envoie  un  tendon  à  la  jéconde  phalange 
de  chacun  des  quatre  petits  orteils.  Dans 
ce  mufcle,  comme  dans  le  perforé  de  la 
main ,  il  y  a  une  fente  à  chaque  tendon 
pour  kifler  pafl'er  les  tendons  du  perforant. 
PERGAME  ,  (  Géogr.  ancienne.  )  Fer^ 
gamum ,  Pergamia  ,  Pergamea  Se  Perga- 
mus  y  font  les  noms  de  plufi.eurs  lieux  âc 
•  villes. 


P  É  R 

I®.  Virgile  appelle  Pergamum,  la  cita- 
delle de  Troye,  &  prend  fouvenc  cette 
forterefTe  pour  Troye  elle-même. 

z^.  Pergamum  ,  ville  de  la  Thrace  dans 
les  terres  ,  félon  Ptolomée ,  /.  XXX ,  c.  xj. 

3°.  Pergamum  ,  ou  Pergamea ,  ville  de 
Pile  de  Crète.  Velléius  Paterculus  dit 
qu'Agamemnon  ayant  été  jeté  dans  cette 
île  par  la  tempête ,  il  y  fonda  tro/s  villes , 
Mycenes ,  Tégée  &  Pergame  ;  cette  der- 
nière en  mémoire  de  fa  vidtoire.  Virgile , 
JEneid.Uh.îlî^  v.  z:?Z,  attribue  cepen- 
dant la  fondation  de  cette  ville  à  Enée  , 
à  qui  il  Fait  dire  : 

Ergo  avidus  muros  optatce  molior 

vrbis  y 
Pergameam^z/e  voco. 

Plu tarque  , //z  Xjcz/r^o,  dit  que  les  ha- 
bitans  de  Pile  de  Crète  montroient  le 
tombeau  de  Lycurgue  dans  le  territoire 
de  Pergame. ,  près  du  grand  chemin. 

4°.  Pergamum ,  ou  Pergamus ,  ville 
de  PAfie  mineure  ,  dans  la  grande  Myfîe , 
félon  Strabon  ,  qui  dit  que  le  fleuve 
Caïcus  l'arrofoit.  Pline ,  liv.  F,  c.  xxx , 
y  joint  le  Selinus  &  le  Cetius.  Sa  (îtuation 
étoit  donctrès-avantagcufe.  Ce  fut  d'abord 
une  forterefle  bâtie  fur  une  montagne, 
Lyfimachus ,  Pun  des  fuccefleurs  d'Ale- 
xandre ,  y  mit  fes  tréfors ,  &  en  confia 
le  gouvernement  à  Philétorrus,  qui,  profi- 
tant des  conjondares ,  s'en  appropria  la 
fuccefîîon.  Pergame  devint  dans  la  fuite 
la  capitale  des  rois  Eumenès  Ôc  des  Attales. 

La  magnifique  bibliothèque  que  les  rois 
de  Pergame  drcfierent  ,  &  le  temple 
d'Efculape ,  furent  les  principaux  orne- 
mcnsde  cette  ville.  Plutarque  nous  apprend 
que  Marc-Antoine  fit  préfent  à  Cléopatre 
de  la  bibliothèque  de  Pergame ,  drelfée 
par  Eumepès ,  &  dans  laquelle  il  y  avoir 
denx  cents  mille  volumes.  Le  roi  d'Egypte 
qui  vivoit  du  temps  d'Eumenès  ,  vit  avec 
chagrin  que  les  foins  du  roi  de  Pergame 
croient  capables  d'effacer  la  gloire  de  la 
bibliothèque  d'Alexandrie  ;  &  l'émulation 
de  ces  princes  fit  naître  plufieurs  impoftu- 
res  en  fait  de  livres. 

Pour  ce  qui  regarde  Efculape ,  il  eft 
nommé  Pergaméen  dans  Martial ,  Bpig. 
xvij  5  /.  IVi  Se  nous  apprenons  de  Tacite , 


PER  3ij 

Annal,  t.  III ^  c.  lxiij\  ad  annum  775  , 
que  quand  on  fit  à  Rome  la  recherche  des 
faux  afyles,  les  preuves  de  l'afyle  de  l'Ef- 
culape  des  Pergaméens  fe  trouvèrent 
valables. 

Pergame  fit  bâtir  un  temple  à  Pempe- 
reur  Augufte  &:  à  la  ville  de  Rome. 
Strabon,  liv.  XIII ,  p.  4x9-,  vous  dira 
les  hommes  illuftres  dont  elle  fut  la  patrie». 
On  fait  que  Galien  &  Oribaze  ,  toqs  deux 
grands  médecins ,  font  du  nombre.  Difons 
prcfentement  un  mot  des  rois  de  Pergame.. 

Ce  royaume  commença  vers  l'an  470 
de  Rome ,  par  Philétœrus,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  \  mais  ni  lui ,  ni  fon  fucce fleur  , 
ne  prirent  le  nom  '  de  roi.  Attale  I  fe 
donna  le  premier  cette  qualité  ,  &  il  crue 
le  pouvoir  faire  fans  arrogance ,  après  la 
gloire  qu'il  avoit  acquife  en  gagnant  une 
bataille  contre  les  Gaulois.  Il  s'allia  avec 
les  Romains ,  &  fe  rendit  exprès  à  Athè- 
nes pour  nuire  à  Philippe  ,  roi  de  Macé- 
doine. Alors  toute  la  ville ,  hommes , 
femmes  ,&  prêtres  avec  leurs  habits  facer- 
dotaux,  furent  au  devant.de  lui.  Peu  s'en 
fillut  qu'on  ne  contraignît  les  dieux  à  lui 
rendre  le  même  honneur.  Cependant  il 
trouva  plus  conforme  à  fa  dignité  de  com- 
muniquer par  écrit  fes  propofitions,  que 
de  commettre  fa  modeftie  à  la  néceiïité 
d'étaler  lui-même  fes  fervices,  6c  de  re- 
cevoir d'un  peuple  flatteur  une  infinité 
d'applaudilïèmensj  c'eft  Tite-Live  qui  le 
dit,  liv.  XXXI.  La  guerre  fut  conclue 
contre  Philippe.  Ce  fut  alors  que  ,  pour 
honorer  ^Attalus  ,  on  propofa  d'ajouter 
une  nouvelle  tribu  aux  dix  anciennes ,  Se 
de  la  nommer  Attalide.  Ce  Prince  régna 
44  ans,  &  en  vécut  72.  H  aima  les  philo- 
fophes,  fe  fervit  de  fes  richefles  en  homme 
magnanime,  fut  fidèle  aies  alliés^  &  éleva 
très-bien  fes  quatre  fils. 

Eumenès  II ,  l'ainé  de  tous ,  lui  fuccéda. 
Il  étoit  d'un  tempérament  infirme ,  mais 
d'une  grandeur  de  courage  qui  fuppléoit 
à  la  foiblefïe  de  fon  corps.  Il  aimoit  fou- 
verainement  la  gloire  ;  il  fur  magnifique  , 
&  combla  de  bienfaits  plufieurs  villes  gre- 
ques,  &  plufieurs  particuliers.  Il  étendit 
au  long  &:  au  large  les  bornes  de  fes  états , 
&  ne  fut  redevable  de  cet  agrandififèment 
qu'à  fon  induftiie  6c  qu'à  fa  prudance.  li 


yi6  P  E  R 

fe  tint  inviolablement  attaché  à  l'alliance 
des  Romains ,  &  il  en  tira  de  grandes 
utilités.  Il  mourut  fort  âgé ,  l'an  596 ,  laif- 
fant  la  •  tutele  de  fon  fils  à  fon  frère 
Attale. 

Celui-ci  commença  fa  régence  par  une 
action  glorieufe  ,  ce  fut  de  rétablir  Ariara- 
the  dans  le  royaume  de  Cappadoce.  Il  fe 
fîgnalapar  plufieurs  autres  faits  ,  &  mourut 
Tan  616  y  enfuite  de  quoi  fon  pupille  Attale 
III  régna  feul. 

Ce  prince  fut  furnommé  Philometor ,  en 
vertu  de  fa  piété  pour  fa  mère ,  qui  même 
fut  caufedef^  mortj  car,  comme  il  lui 
creufoit  un  tombeau  ,  il  fut  frappé  du  foleil 
fur  la  tête ,  &  mourut  en  fept  jours.  Il  aima 
extrêmement  l'agriculture  ,  &  même  il 
compofa  fur  ce  fujet  deslivres  qui  n'étoient 
pas  inconnus  à  Varron  ,  à  Pline  &  à  Colu- 
mele.  Il  entendoit  très-bien  la  matière  mé- 
dicale &  la  fonte  des  métaux  ;  mais  il  ternit 
fes  vertus  &.  fes  ralens  par  un  penchant  à  la 
cruauté.  Il  fit  mourir  plufieurs .  perfonncs 
illuftres,  ce  qui  le  jeta  dans  une  trifte 
mélancolie  ;  il  fe  couvrit  alors  ,  pour  ainfi 
dire ,  de  lac  &:  de  cendre  ,  abandonna  le 
foin  des  affaires ,  &c  ne  s'occupa  que  du 
foin  de  fon  jardin.  Il  mourut  environ 
l'an  611  ;  &  comme  il  n*avoit  point  d'en- 
fans ,  il  inftitua  pour  fon  héritier  le  peuple 
romain.  * 

Ainfi  finit  le  royaume  de  Pergame ,  qui 
dansj'efpace  de  150  années  étoit  devenu 
fort  puifïant,  &  où  la  magnificence  fut  C\ 
éclatante ,  qu'elle  pafîa  en  proverbe.  Il  fuffit 
de  lire  les  poètes  &  leurs  commentateurs  , 
pour  n'en  pas  douter  : 

Attalicis  conditionibus 
Nunquam  dimoveas. 

C'efl  Horace  qui  parle  ainfi  des  richeffes 
d' Attale.  Properce  en  dit  bien  davantage  : 

Nec    mihi   tune  fulcro  Jîernatur    leclus 

eburno  , 

Nec  fit  in  Aitatico  mors  mea  mixta  toro» 

Eleg.  xiij  ,  /.  //. 

AttaVcas   fupra     vejles ,     atque     omnia 

magni7 

Gemmea  fint  ludis ,  îgnihus  ijia  dabis. 

Elcg.  xvij  ,7/V.  îîî. 


P  E  R. 

Les  tapifîèries  ne  furent  connues  à  Rome 
que  depuis  qu'on  y  eut  tranfporté  celles 
d'Attalus.  Ce  prince  fut  l'inventeur  de  la 
broderie  d'or  :  aurum  intexere  in  eâdem 
Afi  ,   invenit  Attalus  rex. 

Enfin,  je  ne  dois  pas  oublier  de  dire 
que  l'émulation  de  Ptolomée  ,  rgi  d*Egypte, 
&d^Eumenès,  roi  de  Pergame,  à  qui 
drefîeroit  une  plus  belle  bibliothèque,  fut 
caufe  que  le  roi  d'Egypte  fit  interdire  le 
tranfport  du  papier  ;  m.ais  Pon  trouva  à 
Pergame  l'art  de  préparer  des  peaux ,  c'efl- 
à-dire  ,  le  parchemin ,  pour  y  fuppîéer. 
C'efl  donc  encore  à  cette  ville  de  Myfie 
qu'eft:  due  la  gloire  de  Pinvention  d'une 
chofe  qui  afTurc  aux  hommes  une  forte 
d'immortalité. 

M.  l'abbé  Sevin  a  donné  dans  le  recueil 
des  Infcriptions ,  tom.  X^I,  in-^°.  trois 
favans  mémoires  fur  les  rois  de  Pergame; 
cq{ï  l'hiftoire  complette  de  ce  royaume  : 
il  faut  la  lire ,  elle  ne  laifie  rien  à  defirer. 
J'ajouterai  feulement  qu'Athénodore ,  fur- 
nommé  Cordylion  ,  célèbre  philofophe 
ftoïcien  ,  étoit  de  Pergame  ,  où  il  demeura 
une  grande  partie  de  fa  vie  ,  confidéré 
de  tout  le  monde,  &  refufant  conflam- 
ment  les  grâces  &  les  honneurs  que  les 
rois  Ôc  les  généraux  voulurent  lui  faire. 
Caton  le  jeune  étant  en  Afie  à  la  tête 
d'une  armée ,  ôc  ayant  oui  parler  du  grand 
mérite  de  cet  homme  illuflre,  fbuhaita 
extrêmement  de  l'avoir  auprès  de  lui  ;  mais 
perfuadé  qu'une  fimple  lettre  ne  pourroic 
l'engager  à  fortir  de  fa  retraite  ,  il  prit  le 
parti  de  fe  rendre  lui-même  à  Pergame, 
capitale  du  royaume  d' Attale  ;  &  à  force 
de  Ibllicitations  &  de  prières  ,  il  engagea 
Athénodore  à  le  fuivre  dans  fon  camp ,  5c 
delà  à  Rome,  où  il  revint  avec  lui  en 
triomphe,  plus  content  de  l'acquifition qu'il 
venoit  de  faire ,  que  Lucullus  Ôc  Pompée  -ne 
pouvoient  l'être  de  toutes  leurs  conquêtes. 
Athénodore  demeura  jufqu'àfamort  avec 
Caton  ,  dans  la  mailbn  duquel  il  mourut , 
ainfi  que  nousPapprcnd  Strabon ,  /.  XIV, 
pag.  Gj^.  {Le  chevalier  DE  Jau COURT.  ) 

PERGAMO  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  bâtie 
fur  les  ruines  de  Pergame  ,  dans  la  grande 
Myfie ,  &  dont  on  peut  voir  l'article  n°.  4. 

Pergamo  efl  une  ville  de  la  Natolie  ,  à 
34  milles  de  Smyrnc,  &  à  10  deThyatire. 


P  E  K 

EllceftafTife  au  pie  d'une  montagne  qu'elle 
a  au  nord ,  dans  une  belle  plaine ,  fertile 
en  grains ,  où  paflent  ie  Titanus  &c  le 
Caïcus ,  qui  fe  déchargent  dans  la  rivière 
d'Hermus.  Voici  ce  qu'en  diroit  M.  Spon 
dans  le  dernier  fiecle. 

A  coté  de  la  ville  palle  le  ruifleau  ra- 
pide appelle  anciennement  Sdinus ,  qui 
court  au  S.  S.  E.  àc  le  va  rendre  dans  le 
Caïcus,  De  Tautre  côté  duSelinus,  il  y  a 
une  églife  qui  portoit  le  nom  de  Sainte- 
Sophie  y  8c  qui  eft  convertie  préfentement 
en  mofquée.  Dans  le  quartier  oriental  de 
la  ville  ,  on  voit  les  ruines  d'un  palais  j 
c'étoit  peut  -  être  la  demeure  des  rois  du 
pays.  Dvi  toutes  les  colonnes  qui  enrichif- 
foient  cet  édifice ,  il  n'en  refte  que  cinq 
de  marbre  poli ,  hautes  feulement  de  1 1 
pies ,  Ôc  Ton  en  voit  encore  quelques-unes 
de  l'autre  coté  de  la  rue. 

Vers  k  pointe  méridionale  de  la  ville 
il  y  a  aux  deux  cotés  du  grand  chemin , 
deux  petites  collines  artificielles  ,  fur  lef- 
quelles  éroient  deux  forts  pour  garder 
l'entrée  de  la  ville ,  &  au  levant  il  y  en 
avoir  deux  autres  femblables.  On  voit  près 
delà  un  grand  vafe  de  marbre  de  1 1  pies 
de  tour ,  gravé  d'un  bas-relief  d'hommes 
à  cheval. 

Le  long  de  la  montagne ,  vers  le  S.  O.  fe 
voient  les  ruines  d'un  aqueduc ,  quia  encore 
fix  arcades  ,  fur  un  rujflcau  i  &  au  midi  de 
ces  arcades ,  il  y  en  a  ilx  autres  avec  de 
grandes  voûtes ,  que  les  Turcs  appellent 
kijferai.  Delà ,  en  tirant  encore  plus  vers  le 
S.  on  apperçoit  les  ruines  d'un  th.-atre  fur  le 
penchant  de  la  colline. 

Parmilcs débris  de  marbre,  on  trouve  une 
in  fcripdon  ancienne,  confacrée  par  le  fénat 
&  par  le  peuple  de  Pergame  à  l'honneur 
de  Caïus  Antius  Aulus  Julius  Quadratus. 
L'infcription  porte  qu'il  avoit  été  deux 
fois  coiîfui ,  Se  procoii'ul  d'Afie;  qu'il  avoir 
cuplufieurs  emplois  dans  diveries  provinces 
particulières  en  Candie  6c  en  Cypre  ;  enfin , 
qu'il  avoit  été  éparque  de  Syrie,  fous  l'em- 
pereur Trajan  j  &c  grand  bienfaiteur  de  Per- 
game.       ^  ». 

Les  chrétiens  de  Pergamo  (ont  aujour- 
d'hui en  pauvre  état ,  paifqu'ils  ne  font 
qu'au  nombre  d^une  douzaine  de  familles 
qui  cultivent  la  terres  la.  ville  nett  pea- 


P  E  R  317 

plée  que  d'environ  deux  mille  Turcs.  Voilà 
les  fuccelTeurs  des  Eumenès  &  des  Attales. 

Télephe  ,  grammairien  ,  naquit  à  Per- 
gamo vers  l'an  118  de  Jefus-Chrift.  Il 
compofa  l'hiftoire  de  fa  patrie ,  les  vies 
des  poètes  comiques  &  tragiques,  &  un 
grand  traité  des  loix ,  des  ulages  &:  des 
tribunaux  d'Athènes.  {D.J.) 

PERGANTIUM  ,  (  Géog.  anc.  )  ville 
de  la  Liguric.  C'cft  aujourd'hui  Bregançon, 
fur  la  cote  de  Provence,  vis-à-vis  des  îles 
d'Hieres;  car  la  Ligurie  s'efi  autrefois 
étendue  jufques-là. 

PERGASE,  f.  f.  {Hiji.  d'Athènes,) 
l'une  des  démarchies  ou  intendances ,  félon 
lefquelles  le  pays  de  l'Attique  étoit  diftri- 
bué.  La  Pergafe  fe  trouvoic  dans  la  triba 
érechthéide.  {D.J.) 

PERGE ,  {Géog.  anc.)  Perga,  ville 
de  Pamphylie  ,  félon  Strabon ,  /.  XIV, 
p.  66j  ;  Ptolomée  ,  /.  F",  c  v  ;  ôc  Pline  , 
l.  y ,  c.  XXV ij.  Elle  étoit  dans  les  terres 
à  8  milles  de  la  mer,  Ortehus  dit  qu'on 
la  nomme  préfentement  Pirgi, 

Pomponius  Mêla  /.  /,  c.  xiv  ,1a  place 
entre  les  fleuves  Ceftron  &c  Catara<5tes  ;  8c 
il  nous  apprend  qu'il  y  avoit  un  temple  de 
Diane  Pergés  ,  ainil  appellée  du  nom  de 
cette  ville.  Ce  temple ,  félon  Strabon ,  étoic 
lîtué  fur  une  hauteur  voifine  ;  il  écoit  fore 
ancien',  8>c  on  l'a%t)it  en  grande  vénération, 
ainfi  que  l'attefte  Cicéron.  Pcrg.vfanum  an- 
tiquijjimum  ùfancli[fimum  Diancefcimus  ejfe, 
id  quoque  a  te  nudatum  Ù  fpoliatum  ejfe ,  ex- 
ipfa  Diana  quod  habebat  auridetraclam  ,  at- 
que  ablatum  ejft  dico.  Orat.S,  in  Verr-em. 
Quoique  la  Diane  d'Ephefe  furpafsât  la 
Diane  de  Perge,  celle-ci  ne  lailfoit  pas 
d'avoir  bonne  part  à  k  dévotion  des  peu- 
ples. 

Il  s'y  fàifoit  tous  les  ans  une  nombreuib 
afTemblée  i  c'eft  alors  fins  doute  que  l'oiî 
y  chantoit  les  hymnes  que  Damophila, 
comtemporainede  Sapho,  avoit  compofées 
en  1  hoîmeur  de  cette  déefîc  ,  &c  qui  fe 
chantoient  encore  au  temps  d'Apollonius 
de  Tyane.  Il  y  a  plufieurs  médailles  qui 
parlent  de  la  Diane  de  Perge,  n5f>*î« 
«fTt/UK.  Voyei^^  Spanheim  de  prxflant.  & 
ufu  numifmat.  pag.  ySz. 

Il  eft  fait  meîition  de  Perge  dans  les 
^â:esdes  apôtres,  c.  xiij ^  y.  24.  Com-op 


3i8  P  E  R 

elle  n'éroît  pas  maritime ,  il  faut  que  faint 
Paul  ait  remonté  le  fleuve  Ceftron  pour  y 
arriver ,  ou  qu'il  ioir  allé  par  terre  ,  dans 
le  de  flein  qu'il  avoir  d  y  annoncer  Pévangile. 

Perge  efi;  à  préfenr  en  un  trifte  état  :  le 
fîege  archiépifcopal  en  a  été  transféré  à  At- 
talia ,  Tune  des  1 4  villes  qui  en  dépendoient 
auparavant. 

'  Le  fameux  géomètre  Apollonius ,  dont 
on  a  un  traité  des  Jeclicns  coniques ,  étoit 
natif  de  Pcrge.  Il  vivoit  fous  la  1 34  olym- 
piade ,  vers  Tan  244  de  Jefus-Chrift  ,  & 
au  commencement  du  règne  de  Ptolomée 
Evergetes ,  roi  d'Egypte.  Il  étudia  long- 
temps à  Alexandrie  fous  les  difciples  d'Eu- 
clide ,  &;  il  miitau  jour  pluiieurs  ouvrages , 
dont  il  ne  nous  refte  que  celui  des  fections 
coniques  ,  que  plufieurs  auteurs  anciens 
ou  modernes  ont  commenté  ou  traduit. 
Nous  avons  encore  le  commentaire  qu'Eu- 
tocius  d'Afcalon  fit  fur  les  quatre  premiers 
livres  de  cet  ouvrage  ,  avec  quelques  lem- 
mes  &  corollaires  de  fa  façon.  Nous  avons 
aufli  au  nombre  de  65  ,  les  lemmes  que 
Pappus  difpofa  fur  les  coniques  d'Appollo- 
nius.  Entre  les  modernes ,  il  faut  lire 
(Vincentio)  Viviani ,  de  maximis  &  mi- 
nimis  geomeîrica  divinatio  ,  in  quintum 
librum  conicorum  Apollonii  Pergœi.  Flo- 
rence 1659  ,  in-fol.  {D.  J.) 

PERGÉE,  adj.  (Mythol.)  furnom  de 
Diane  pris  d'une  ville  de  Pamphylie ,  où 
cette  déefle  étoit  honorée.  La  Diane  Pergée 
eft  repréfentée  tenant  une  pique  de  la  main 
gauche  ,  &  une  couronne  delà  droite;  à  fes 
pies  eft  un  chien  qui  tourne  la  tête  vers  elle, 
ôc  qui  la  regarde ,  comme  pour  lui  deman- 
der cette  couronne  qu'il  a  méritée  par  ^ts 
fervices.  {D.  T.  ) 

PERGUBRIOS  ,  f.  m.  (  Idolâîrie.  ) 
nom. propre  d'un  faux  dieu  des  anciens 
Lithûai-iiens  &:  PruiTiens ,  félon  Hartfnock , 
dans  fa  deuxième  dilTertation  defeftis  vet. 
Prufwrum.  Cet  auteur  ,  fertile  en  fictions, 
dit  que  ce  dieu  préfidoit  aux  fruits  de  la 
terre  ;  que  ces  anciens  peuples  célébroient 
ia  fête  le  zi  mars,  en  paflant  la  journée  en 
réjouifîance,  enfeftins,  &particuliérernent 
à  boire  une  grande  quantité  de  bière. 
iD.J.) 

PERGULARIA  ,  (  Botan.)  genre  de 
plante  à  fleur  monopétale  en  foucoupp>, 


P  E  R 

dont  le  limbe  eft  divifé  en  cinq  lobes  uiî 
peu  contournés  à  gauche ,  comme  dans  les 
pervenches ,  ùc.  Le  calice  eft  d'une  feule 
giece  ,  à  cinq  dents  :  au  dedans  de  la  fleur 
font  cinq  étamines  &  un  nedaire  de  cinq 
pièces  en  fer  de  flèche ,  qui  enveloppe  un 
double  ovaire  ,  lequel  fe  change  en  deux 
tollicLiles  droits  contenant  plufieurs  femen- 
ces.  Linn.  gen.  pi.  manis  pentan.  dig.  Cet 
auteur  en  indique  deux  efpecescjuicroif- 
fenten  Afie.fD; 

PERGUS,  oz/Pergusa  ,  {Géog.  anc.  ) 
lac  de  Pile  de  Sicile ,  à  5  milles  de  la 
ville  d'Enna ,  du  coté  du  midi.  Les  poètes 
diîent  que  c'eft  près  de  ce  lac  que  Piuton 
ravit  Proferpine.  Commeles  anciens avoient 
beaucoup  de  vénération  pour  le  lac  de 
Pergus ,  on  croit  que  c'eft  de  ce  lac  dont 
Claudien  entend  parler  dans  ces  vers. 

Admittit  in  altum 
Cernenteis  oculos  ;  &  late  pervius  humox 
Ducit  in  off^nfos   liquida   fub   gurgite 

vifus: 
Imaque  perfpicui  prodit  fecreta  profundi. 

Ce  lac  a  quatre  milles  de  circuit  ;  &  au  lieu 
qu'il  fe  trouvoit  autrefois  au  milieu  d'une 
forêt ,  aujourd'hui  fes  bords  font  plantés 
de  vignes  :  on  n'y  voit  point  de  poillons  , 
mais  on  y  pourroit  pêcher  une  prodigieufe 
quantité  de  couleuvres.  (D.  J.) 

PÉRI,  f.  m.  {terme  de  roman  ûjîatiq.) 
Les /j/r/^y  font ,  dans  les  romans  des  Per- 
fans ,  ce  que  font  dans  les  nôtres  les  fées  ; 
le  pays  qu'ils  habitent  eft  le  Genuijîan  , 
comme  la  féerie  eft  le  pays  où  nos  fées 
réfident.  Ce  n'eft  pas  tout  ;  ils  ont  des  péris 
femelles,  qui  font  les  plus  belles  de  les 
meilleures  créatures  du  monde  ;  mais  leurs 
péris  maies  (qu'ils  nomment  dires,  Scies 
Avahes gium)  font  des  efprits  également 
laids  &  méchans,  des  génies  odieux  qui 
ne  Ce  plaifent  qu'au  mal  &  à  la  guerre. 
Voye:^ ,  fi  vous  ne  m'en  croyez  pas  , 
la  bibliothèque  orientale  de  d'Herbelot, 
{D.  /.) 

§PERI,  lE  ,  adj.  {terme  de  Blafon.) 
fe  dit  d*un  meuble  qui  (e  trouve  au  centre 
de  l'écu  ,  &  eft  d'une  très-petite  propor- 
tion. 

Péri  fe  dit  plus  Qrdinairement  d'un  petit 

bâtQ» 


P  ER. 

îînton   pofè  en  bande  ou  en  barfc  qui  fert  ' 
de  brifure,  &  ell  auiS^poré  au  centre  de 

ïéœ.n  . 

Lepine  de  Grainville  ,  proche  Gifors , 
en  Normandie  ;  d'azur  à  trois  molettes 
d'éperon  d^or  y  un  trèfle  de  même  péri  au 
centre.  {G.  D.  L.  T.  ) 

PERIANTHIUM,  (  Botan.  )  calice 
particulier  de  la  fleur.  Ce  mot ,  dans  le 
fyftême  de  Linnzeus  ,  défigne  cette  efpece 
de  calice  qui  eil  compofé  de  plufieurs 
feuilles  ,  d'une  feule  feuille  divifée  en 
divers  fegmens,  qui  environnent  la  partie 
inférieure  de  la  fleur.  {  D.  J.) 

PÉRIAPTE ,  f  m.  (  Medec.  anc.  ) 
Les  anciens  nommoient  periaptes  les  re- 
mèdes qu'on  mettoit  extérieurement  fur 
foi ,  pour  prévenir  de  certains  maux ,  ou 
pour  les  guérir ,  Ùc.  Pline  dit  que  de  fon 
temps  quelques  gens  croyoient  rendre  les 
chevaux  infatigables  à  la  courfe ,  en  leur 
attachant  des  dents  de  loup.  On  portoir 
fur  foi  certaines  pierres  précieufes  contre 
la  jâuniffe,  le  mal  caduc  ,  ^c.  Ces  prati- 
que* fuperflicieufes  fe  font  perpétuées  juf- 
qu'à  nous  ,  &  fe  perpétueront  jufqu'à  la 
fin  des  (iècles.  Les  hommes ,  dans  tous  les 
temps  &  dans  tous  les  pays  ,  ont  un  grand 
fonds  de  crédulité  pour  ces  fortes  de  re- 
mèdes, qui  n'ont  d'autre  vertu  que  celle 
qu'ils  empruntent  d'une  imagination  vive- 
ment frappée.   {  D.  J.^ 

PÉRIBOLE  ,  f  m.  (  Littér.  )  efpace  de 
terre  planté  d'arbres  &  de  vignes ,  qu'on 
iaiffoit  autour  des  temples  :  il  étoit  ren- 
fermé par  un  mur  confacré  aux  divinités 
du  lieu;  &  les  fruits  qui  en  provcnoient 
appartenoient  aux  prêtres.  C'efl  ce  que  les 
Latins  appelloient  templi  conceptum  y  félon 
Hoffraan ,  qui  cite  les  notes  de  Saumaife 
fur  Solin.  Peribolus  étoit  le  même  que 
facellum  ,  lieu  fans  toit  &  confacré  aux 
dieux.  L,Q  pe'ribole  des  églifes  des  premiers 
chrétiens  ,  contenoit  des  cellules,  de  petits 
jardins ,  des  bains,  des  cours  ,  &  des  por- 
tiques ;  ces  lieux  étoient  des  afyles  pour 
ceux  qui  s*y  étoient  réfiigiés  ,  comme 
nous  l'apprend  une  conflitution  de  Théo- 
dofe  &   de    Valentinien.  {D.  J.) 


PÉRTBOLE  ,  f.|f.  (Lexicog.  medîc.  ) 
TêpjoOMi,  de  'TriptCawiiv  ,  environner  ;  terme 
employé  fréquemment  par  Hippocrate,  & 
en  difi^rens  fens  dans  (ts  ouvrages.  Il  de- 
figne  communément  un  tranfport  àts  hu- 
meurs ,  ou  de  la  matière  mprbifique  des 
parties  internes  fur  la  furface  du  corps. 
{D.J.) 

PERIBOLOS,  (  Critiq.fac.)  Ce  mot 
grec  déligne  dans  Ezéch.  xlvij ,  J  y  l'en- 
ceinte ,  la  clôture  ,  la  baluflrade ,  le  mur 
qui  entouroit  le  parvis  deftiné  pour  les 
prêtres.  Il  fignifie  ,  dans  le  I  1.  des  Machab. 
xjv ,  4.8  y  une  galerie  qui  environnoit  le  . 
fanduaire.  {  D.  J.  ) 

PERIBOLUS  ou  PERIBOLUM  , 
(  Ge'og.  anc.  )  Denis  de  Byfànce  ,  p.  zo y 
dans  fa  defcription  du  Bofphore  de  Thrace  , 
dit  qu'après  le  bois  d'Apollon  on  trouvoit 
le  Peribolus  y  où  les  Rhodiens  attachoient 
leurs  vaifleaux  pour  les  garantir  des  tem- 
pêtes. Il  ajoute  que  de  fon  temps  il  en 
demeuroit  encore  trois  pierres ,  &  que  le 
refle  étoit  tombé  de  vieillefîè.  Le  mot 
^ipi$oKo(  &  peribolus ,  dans  la  defcription 
dont  Denis  de  Byzance  l'accompagne , 
femble  dire  que  c'étoit  un  môle ,  une 
muraille ,  ou  un  quai  revêtu.  Pierre  Gylles , 
de  Bofphoro  trac.  /.  Ily  c.  viij  y  juge  que 
ce  lieu  efl  le  même  que  les  pêcheurs  nom- 
ment aujourd'hui  Rhodacinion  ;  &  il  fonde 
ce  jugement ,  non  feulement  fur  le  rapport 
des  noms  ,  mais  encore  fur  la  lituation 
des  lieux  :  Denis  de  Byzance  plaçant  le 
lieu  où  les  Rhodiens  attachoient  leurs 
vaifleaux,  précifément  dans  l'endroit  ap- 
pelle au]ourd'hu\  Rhodacinion.  On  n'y  voit 
préfentement  qu'une  grofle  pierre  qui  fort 
au  deflus  de  l'eau  ,  &  qui  tient  à  d'autre^; 
pierres  qu'on  jeta  autrefois  dans  l'eau 
pour  y  fonder  un  môlequiformoit  un  port. 

Periobolus  eft  un  mot  grec  qui  fignifie 
proprement  une  enceinte.  La  tradudion 
des  Septante  d'Ezéchiel ,  c.  xlij  y  v.  j  ^ 
emploie  ce  terme  pour  fignifier  un  mur 
du  parvis  des  prêtres  qui  avoit  50  coudées 
de  long ,  ce  qui  étoit  to«te  la  longueur 
des  apparteraens  qui  cnvironnoieot  ce 
I  parvis.  {D.  J.) 


C*)  Les    cadets  de    Bourbon  brifcm  IcHrs    armes    d'un  bâton    féri  en  bande;    &    lés   bâcars 
d'un   bâton  féri  en  barre. 

Tome  XXV.  Te 


330  P  E  R 

PÊRICARÎ3E,r.  m.  (Anatom.)  cap- 
fule  membraneufe  ,  ou  poche  dans  laquelle 
le  cœur  eil  renfermé.   Voje:{  CCEUR. 

Ce  mer  d\  formé  des  mots  grecs  Tipi , 
autour  y  &  «*p/.'*  ,  c.vur.  Le  péricarde  efl 
compose  de  deux  membranes  :  leur  figure 
cil  conique  cortme  celle  du  cœur  ;  &  le 
cœur  n'y  eil  point  trop  ferré ,  afin  de  pouvoir 
faire  aiiément  les  battem^ehs.  V.  CcEUR. 

Le  péricarde  environne  tout  le  cœur 
inférieurement  ;  il  fe  colle  dans  toute  la 
longueur  de  fa  furface  intérieure  au  dia- 
phragme ,  dont  on  ne  peut  le  féparer. 
Antérieurement  il  en  couvre  le  plan  con- 
vexe ;  &  s'élevant  un  peu  plus  haut  ,  il 
adhère  d'abord  poftérieurement  &  obli- 
quement à  la  veine  cave  ;  il  donne  enfuitc 
la  faux  ou  cette  petite  cloifon  qui  fe  trouve 
entre  la  veine  cave ,  l'aorte  ,  &  l'artere 
pulmonaire  ;  il  donne  une  gaine  au  canal 
artériel,  tient  alors  à  l'artere  pulmonal^re, 
entre  l'artere  &  la  veine  de  ce  nom  ; 
forme  une  faux  très-fenfible.  La  partie 
antérieure  du  pmcar^f  tient  avec  la  partie 
pofîérieure  à  cette  faux  ;  elle  efl  divifée 
en  deux  parties  par  les  bronches  :  la  fupé- 
rieure  eA  entre  les  grandes  artères  &  la 
divifîon  de  la  trachée-artere  ,  &  devant 
cette  trachée  il  fe  continue  à  l'inférieure  , 
qui  diftingue  le  finus  pulmonaire  de  la 
plèvre  ;  &  fous  le  finus  il  adhère  au  dia- 
phragme. Il  fe  termine  latéralement  aux 
jnfertions  des  vaifTeaux  pulmonaires  ,  ,aux- 
quels  il  donne  des  gaines  dans  le  poumon  , 
outre  celles  qu'ils  ont  de  fa  membrane 
externe  &  le  rilTu  cellulaire  ;  car  le  péri- 
carde eft  fait  de  deux  fortes  membranes 
réparées  par  un  tiflu  cellulaire.  On  diffin- 
gue  aifément  deux  lames  dans  l'endroit  où 
les  nerfs  pafTent  au  cœur  ,  car  ils  y  fèrpen- 
tQni  dans  les  interfaces  de  cts  deux  mem- 
branes :  ^extérieure  de  ces  lames  avec  le 
tifTu  cellulaire,  donne  des  gaînes  à  l'aorte  , 
â  l'artere  pulmonaire ,  aux  veines  caves  & 
pulmonaires.    Voye-{  Vinfiow. 

Nous  ne  manquons  pas  d'obfervations 
qui  nous  apprennent  que  le  péricarde  ne 
fe  trouve  pas  toujours  non  feulement  dans 
le  chien  &  dans  plufieurs  autres  animaux  , 
.mais  dafls  l'homme  même.  Vieufîens  fait 
mention  de  plufieurs  hommes  d'une  fanté 
parfaite  j  qui  û'ayoiejit  point  (^ç  péricarde  ; 


P  E  R 

il  s'accorde  en  cela  avec  Colombus.  Ces 
obfervations  font-elles  bien  certaines?  Ce 
fac  fort  mince  dans  certains  animaux  ,  &: 
qui  dans  l'homme  fe  colle  quelquefois  au 
cœur,  n'en auroit-il  pas  impofé  à  ceux  qui 
les  ont  faites  ?  Il  fe  trouve  en  effet  fort 
&  charnu  ,  même  dans  les  amphibies  , 
comme  dans  le  crocodile  &  dans  la  tortue. 
Le  poilTon  qu'on  nomme  lamproie  ,  a  un 
péricarde  prefque  cartilagineux  ;  &  Von. 
trouve  très-certainement  cette  même  cap- 
fule  dans  le  hérifîbn  ,  qui  en  manque  ,  ainfi 
que  le  chien  de  mer ,  fi  l'on  veut  croire 
d'autres  auteurs. 

On  oblerve  dans  le  péricarde  une  eau 
qui  parou  filtrée  par  des  artères  exhalantes 
de  toutes  ces  parties,  &  cette  eau  lèrt  à 
humeéter  le^cœur  ,  qui  ,  defTéché  par  fon 
mouvement  continuel  ,  eût  néceffairemenc 
contradé  àts,  adhérences  avec  les  parties 
voifmcs ,  comme  je  l'ai  obfervé  dans  un 
cadavre  que  j'ouvris ,  &  dans  lequel  je 
trouvai  le  cœur  collé  par-tout  au  péricarde  y 
qui  étoit   plus    épais    qu'à  ion    ordinaire. 

Les  auteurs  ne  font  pas  d'accord» fur 
cette  hqueur.  Quelques  -  uns  prétendent 
qu'elle  n'eff  point  naturelle ,  &  qu'elle  efl 
l'effet  forcé  des  agonies  qui  furviennent  à 
l'article  de  la  mort.  En  effet ,  les  anato- 
mifîes  font  embarraffés  pour  favoir  d'où 
cette  hqueur  peut  venir,  &  quels  en  fonr 
les  vaifïeaux  fecréfaires.  Les  uns  admet- 
tent des  glandes  pour  la  filtrer;  d'autres 
prétendent  que  ce  font  des  artères  exha- 
lantes. Le  dodeur  Keil  ,  dans  fon  Traité 
des  fecrétions  animales  _,  prétend  que  la 
liqueur  àa  péricarde  doit  être  la  plus  fluide 
de  toutes  celles  qui  fe  féparent  dans  le 
corps ,  parce  que  les  parties  s'uniffent  les 
premières ,  &  font  féparées  les  premières  ; 
car  as  partial  les  qui  s'unifTent  les  premiè- 
res doivent  avoir  la  plus  grande  force  attrac- 
tive ,  par_  conféquent  elles  doivent  être 
plus  fphériques  &  plus  folides:  donc  elles 
doivent  fe  toucher  par  moins  de  furface  , 
&  par  conféquent  avair  plus  de  fluidité- 
Voyei  Fluidité. 

Supplément  d  V article   que  Von   vient 
de  lire. 

Le  péricarde   fait  un   Ç^c  membraneux 
particulier  a  différent  du  médiaflin  ,  quoiquÊ- 


P  E  R 

recouvert  par  cette  membrane  prefque 
par-tout.  Il  en  eft  cependant  éloigné  anté- 
rieurement dans  l'intervalle  de  deux  lames 
du  médiailin,  où  le  thymus  ell  placé  devant 
le  péricarde  avec  des  glandes  ,  de  la  graifle 
&  des  vailTeaux.  Il  en  eft  féparé  pofté- 
rieuremcnt  par  rœlophagc  ,  &  inférieu- 
rement  dans  toute  fa  bafe  ,  qui  fe  colle 
immédiatement  au  diaphragme. 

Cette  dernière  adhéfîon  n'eft  pas  entiè- 
rement particulière  à  l'homme.  Dans  les 
animaux  ,  la  pointe  du  péricarde  s'étend 
jufqu'au  diaphragme  &  s'y  colle.  XI  eft:  vrai 
que  dans  l'homme  ,  dont  le  cœur  eft  à-peu- 
près  placé  tranfverralement ,  le  diaphragme 
eft  attaché  à  une  beaucoup  plus  grande  éten- 
due du  péricarde  :  c'eft  la  partie  moyenne 
du  tendon  ,  &  du  côté  gauche  l'union  de 
ce  tendon  avec  \z%  chairs  ,  &  la  chair 
même  qui  eft  collée  au  péricarde  ^  la  der- 
nière à  la  courbure  du  cartilage  de  la  cin- 
quième ou  de  la  fixieme  côte. 

Dans  le  fœtus  cette  attache  eft  légère  , 
&  on  fepare  aifément  le  péricarde  avec 
le  fcalpel.  Dans  l'adulte  la  cellulofité  eft 
plus  courte  &  plus  ferrée.  Pour  détacher 
le  péricarde ,  fans  biefïêr  une  des  deux 
parties  ,  il  faut  commencer  par  la  pointe 
Ju  péricarde  y  &  l'y  détacher  avec  loin  : 
éts  qu'on  a  détaché  utic  petite  portion  , 
le  refte  fe  fépare  (ans  peine. 

Il  paroît  probable  que  la  lîtuatlon  droite 
de  l'homme,  &  la  pofition  tranfverfale  du 
cœur ,  font  les  caufes  de  cette  adhéfîon. 
Elle  fe  retrouve  dans  l'ourang-outang  , 
qui  marche  droit.  Le  péricarde  s'attache 
d'ans  l'adulte  à  la  convexité  du  diaphragme  ; 
la  même  caufe  qui  Ty  attache  ,  paroît  y 
avoir  collé  le  péricarde.  Le  poids  du  cœur 
paroît  rétrécir  la  celluîofité ,  qui  dans  le 
fœtus  fait  un  lien  allez  lâche  entre  les 
deux  parties. 

La  figure  du  péricarde  n'eft  pas  celle 
du  cœur,  &  ce  n'eft  pas  une  chofe  aifee 
que  d'en  donner  une  idée.  En  général  il 
a  (a  bafe  au  diaphragme  ;  il  fe  dilate  enfuite 
comme  une  bouteille  ,  &  fè  rétrécit  dans 
fa  partie  fupérieure.  Il  eft  beaucoup  plus 
ample  que  le  cœur,  puifqu'il  renferme ,  outre 
le  cœur  ,  les  troncs  des  grandes  artères  & 
àts  grandes  veines. 

Sa  face  antérieure  touche  fupéricurement 


&  ioféneurement  le  fternum  ;  dans  fa  partie 
moyenne  les  poumons  embraffent  le  péri- 
carde ,  &  fe  jettent  entre  ce  fac  &  le  fter- 
num. Dans  la  manière  ordinaire  de  pré- 
parer les  poumons  ,  ils  font  repoulïes  par 
l'air  qui  entre  dans  la  poitrine  ouverte  ,  & 
quittent  \t  péricarde.  On  rétablit  leur  gran- 
deur naturelle  en  les  fouffîant. 

Les  attaches  du  péricarde  aux  gros  vaif- 
feaux  du  cœur ,  font  telles  que  je  vais  les 
décrire.  Il  commence  par  la  veine  pulmo- 
naire fupérieure  au  côté  droit  ;  il  s'attache 
à  fà  branche  inférieure  plus  en  arrière  que 
la  veine  cave.  Ilpalfe  de  cette  veine  à  la 
veine  cave  fupérieure  ,  au  deflus  de  (à 
fortie  de  l'oreillette ,  par  une  ligne  pres- 
que tranfverfale ,  mais  qui  remonte  en 
pafîant  vers  la  gauche.  De  la  veine  cave, 
le  péricarde  palîc  à  l'aorte  ;  fon  attache  y 
forme  un  croilTant  dont  la  pointe  droite, 
eft  la  plus  haute ,  &;  s'attache  à  l'origine 
de  l'artère  lous-claviere  droite-  l^t  péricarde 
defcend  enfuite  ,  il  remonte  toujours  collç 
à  l'aorte,  &  la  corne  gauche  du  croiflant 
s'attache  à  l'origine  du  conduit  artériel  ; 
ctue  corne  eft  un  peu  plus  haute  que  la 
droite.  La  plus  grande  partie  du  conduit 
artériel  eft  renfermée  dans  la  cavité  du 
péricarde.  Il  s'attache  enfuite  à  l'artère 
pulmonaire  ou  à  fa  branche  ,  &  en  defcend 
à  la  veine  pulmonaire  du  même  côté  ,  pour 
fe  coller  à  fon  tronc  fupérieur  &  à  l'infé- 
rieur près  de  leur  divifion. 

Achevons  la  defcription  des  attaches 
poftérieures  du  péricarde.  Je  commencerai 
par  celle  de  la  veine  pulmonaire  fupérieure 
du  côté  droit.  Le  péricarde  pafle  au  tronc 
iriférieur  de  la  veine  de  ce  nom ,  &  dans 
l  intervalle  des  deux  troncs  à  la  membrane 
du  finus  gauche.  II  s'attache  enfuite  à  toute 
la  largeur  du  finus  gauche,  à  la  veine 
pulmonaire  gauche  ,  ou  bien  à  fes  deux 
branches  &  à  la  racine  de  l'oreillette  gauche. 
Du  finus  gauche  ,  il  s'élève  au  tronc  de 
l'artère  pulmonaire  ,  à  la  droite  de  l'origine 
de  là  branche  gauche  &  à  cette  branche  , 
à  toute  la  face  poftérieure  de  l'arrere  pul- 
monaire droite  jufqu'à  l'origine  de  fa  bran- 
che inférieure ,  &  enfuite  à  la  branche 
fupérieure. 

De  l'artère  pulmonaire  ,  le  péricarde 
pajîè  à  l'aorte  au   defllis  de    la   branche 

Tt  2 


33»  .  PEK-   . 

pulmonaire  droite,  à  la  droite  du  conduit 
artériel  ,  dont  il  renferme  une  partie  plus 
ou  moins  grande.'  De  ce  terme  il^  s'attache 
à  la  face  poftérieurc  de  l'arcade  de  l'aorte , 
prefque  tranfverfalement  fous  le.  commen- 
cement des  grolTcs  branches  jufqu'à  la  fortie 
de  l'artère  fous-claviere  du  côté  droit. 

L'adhéfion  antérieure  &  poflérieure  du 
péricarde  forme    un    anneau  qui  embrafîe 
les  deux  grandes  artères ,  en  excluant    les 
grofles  branches  de  l'aorte   &    une  partie 
du   conduit   artériel  ;   la   branche   gauche 
de  l'artère  pulmoriaire  &  une  partie  plus  ou 
moins  grande  de  la  branche  droite.  Le  péri- 
carde n^  eu  cependant  pas  contigu  à  toute  la 
circonférence  ,  il  ne  l'efl  pas  à  une  partie  de 
fa  convexité  qui  regarde  l'artère  pulmonaire. 
De  l'aorte  le  péricarde  pafïè  à  la  veine 
cave  fupérieure  ,    il  s'y  colle  poflérieure- 
ment  ,    &  enfuite  antérieurement,  &.  fait 
un  cercle  autour  de  cette  veine  ;  il  repafl'e 
à  l'artère  pulmonaire  droite  &  à  la  divifion 
de  la  veine  pulmonaire  droite  fupérieure ,  en 
s'attachant  à  fa  divifion. 

Des  deux  côtés  de  l'anneau  qui  com- 
prend les  deux  artères,  la  cavité  pollé- 
rieure  du  péricarde  fè  continue  avec  fa 
cavité  antérieure  ,  d'un  côté  entre  la  veine 
cave  &  l'aorte,  &  de  l'autre  entre  l'artère 
pulmonaire  droite  &  l'oreillette  de  ce  côté, 
&  enfuite  entre  la  veine  pulmonaire  du 
même  côté  ,  &  le  finus  gauche. 

Il  n'y  a  plus  qu'une  attache  du  péricarde 
à  ajouter ,  mais  c'efl  la  principale.  De  la 
veine  pulmonaire  droite  inférieure  ,  le 
péricarde  defcend  prefque  perpendiculai- 
rement jufqu'à  la  veine  cave  inférieure. 
Dans  tout  cet  intervalle  il  s'attache  à  la 
réunion  des  deux  finus.  Il  cmbrafle  la 
veine  cave  inférieure  ,  &  forme  un  cercle 
autour  d'elle  fans  s'y  attacher. 

Le  péricarde  eff  donc  percé  d'un  trou 
pour  laifler  pafîer  la  veine  cave  fupérieure  , 
d'un  fécond  pour  l'inférieure,  d'un  troi- 
fleme  pour  les  deux  grandes  artères  ,  d'un 
quatrième  pour  la  branche  droite  de  l'ar- 
tère pulmonaire ,  &  de  deux ,  trois  ou 
quatre  pour  les  quatre  veines  pulmonaires. 
Dans  toutes  les  attaches ,  le  péricarde 
fe  colle  aux  gros  vaifleaux-du  cœur;  une 
partie  de  fon  tifîii  (e  continue  avec  ces 
vailTcaux  fous  une  forme  cellulaire. 


P  E  R 

La  partie  intérieure  du  péricarde ,  p!uS 
lifTe  &  plus  denfe  ,  devient  la  membrane 
extérieure  de  chaque  vaifîeau  ,  en  ren- 
fermant la  cellulofité  extérieure ,  &  fe 
continue  avec  la  membrane  extérieure  du 
cœur. 

Il  y  a  deux  culs-de-fac  poftérieurs  du 

péricarde.  Celui   du  côté  gauche  eft   plus 

!  court  ;  il  eft  formé  par  l'attache   du  péri^ 


carde  à  la  racine  de  la  branche  gauche  de 
l'artère  pulmonaire  &  du  conduit  artériel. 
Celui  du  côté  droit  eft  plus  long ,  il  eft 
placé  à  la  droite  de  la  branche  gauche  de 
l'artère  pulmonaire. 

Deux  autres  culs-de-fac  font  antérieurs. 
Celui  du  côté  droit  eft  placé  du  côté 
extérieur  de  l'aorte  ,  entre  cette  artère  & 
la  veine  cave  ,  au  dcflbus  de  l'artère 
fous-claviere  droite.  Celui  du  côté  gauche 
eft  formé  par  l'attache  ^u  péricarde  au  bord 
gauche  de  l'aorte ,  à  la  droite  du  conduit 
artériel.  Il  eft  joint  au  cul-de-fac  droit  , 
&  fait  avec  lui  un  croilîant. 

Ce  fac  membraneux  eft  compofé  d'un 
tiflu  cellulaire ,  plus  ferré  ,  ù  mefure  qu'il 
eft  intérieur,  &  plus  lâche  vers  fa  furface. 
Je  n'y  reconnois  aucune  autre  diftinâioa 
de  parties  ou  de  lames  ;  il  n'y  a  aucune 
fibre  tendineufè  ni  mufculeufe  ;  tout  ce 
que  quelques  auteurs  ont  avancé  là-deflûs  , 
eft  contraire  à  l'évidence. 

Comme  le  péricarde  eft  d'une  grande 
étendue ,  il  a  plufieurs  troncs  d'artères  & 
de  veines  très-petites  ,  anaftomofés  les 
uns  avec  les  autres.  J'en  fais  trois  clafîes» 
Les  artères  fupérieures  &  moyennes  vien- 
nent de  la  mammaire  ,  de  fes  branches 
médiaftines  &  de  la  petite  artère  qui  ac- 
compagne le  nerf  phrénique ,  &  qui  elle- 
même  naît  d'une  médiaftinc.  Les  artères 
antérieures  &  intérieures  naiftent  de  la 
'phrénique  &  par  plufieurs  petits  troncs, 
&  de  celui  qui  remonte  à  la  poitrine  avec  le 
nerf  du  diaphragme..  Les  artères  de  la  bafe 
qui  appuie  fur  le  diaphragme  ,  naiflent 
de  la  phrénique  ;  elles  traverfent  les  fibres 
tendineufes  de  cette  cloifon  pour  venir  au 
péricarde  :  il  y  en  a  d'autres  qui  du  péri-^ 
carde   fe   rendent    au  diaphragme. 

Les  artères  péricardines  poftérieures 
viennent  d'un  petit  tronc  que  donne  ou 
l'aorte  même,  ou  la  fous-davi^re  gauche, 


P   E  R 

&  quelquefois  la  mammaire  :  d'autres  naif- 
fent  des  artères  bronchiales  ;  il  y  en  a  même 
qui  s'y  rendent  depuis  le  poumon.  Les  ar- 
tères de  rœfophage  en  fournilTent  quelques- 
unes.  D'autres  naiflent  des  coronaires  &  des 
branches  qu'elles  donnent  aux  grands  vaif^ 
féaux  du  cœur.  Toutes  ces  artères  commu- 
niquent enfemble. 

Il  y  a  de  même  un  grand  nombre  de  petits 
troncs  veineux,  nés  de  celui  qui  accompagne 
le  nerf  phrénique  ,  des  vemes  médiaftines  , 
des  thyraiques  ,  de  la  veine  cave  ,  de  l'inter- 
coflale  fupérieure ,  de  la  bronchiale ,  de  l'a- 
zygos  ,  des  œfophagiennes  ,  des  phréniques  ; 
elles  forment  des  réfeaux|>lus  apparens  que 
les  artères.  ^ 

Il  y  a  plufieurs  paquets  de  glandes  con- 
globées  applanies  fur  \q  péricarde;  il  y  en  a 
d'antérieures  que  recouvre  le  médiaftin  ;  il 
y  en  a  de  fupérieures  entre  les  grandes  ar- 
tères àc  les  bronches  ;  il  y  en  a  de  poftérieu- 
res  attachées  aux  bronches.  Ces  glandes  ont 
leurs  vaifîeaux  lymphatiques  qui  rampent  en 
partie  fur  le  péricarde  y  &  qui  fe  ren- 
dent au  conduit  thorachique  ;  elles  font 
de  la  clafîè  des  lymphatiques  ,  &  n'ont  au- 
cune part  à  l'eau  du  péricarde  ,  dont  je  vais 
parler. 

Il  n'y  a  aucune  glande  fimple  daas  le  pé- 
ricarde même. 

Je  ne  connois  pas  les  nerfs  du  péricarde  : 
un  grand  nombre  de  petits  nerfs  le  traver- 
fent  pour  fe  porter  au  cœur  ,  mais  Je  n'o- 
fcrois  affirmer  qu'ils  laiflent  des  branches 
dans  la  fubfîance  du  péricarde.  Quelques  ex- 
périences femblent  prouver  qu'il  n'y  a  qu'un 
(èntiment  fort  obtus. 

Comme  il  eff  plus  ample  que  le  cœur, 
on  a  cru  afïez  généralement  que  cet  efpace 
eft  rempli  par  une  liqueur  particulière. 
Les  modernes  l'ont  révoquée  en  doute  , 
&  ont  regardé  comme  l'effet  d'une  ma- 
ladie ,  lorfqu'ils  en  ont  rencontré  dans  la 
capacité  du  péricarde.  Ils  ont  allégué  de 
npmbreufes  obfervations  faites  fur  l'homme 
dans  {on  état  de  fanré  ,  lorfqu'il  avoit  été 
enlevé  par  une  mort  lubite  ,  &  fur  les  ani- 
maux. 

Je  ne  faurois  me  prêter  à  ce  fentiment. 
J'ai  trouvé  conffamraent  de  l'eau  dans  le 
péricarde  des  quadrupèdes  que  j'ai  diflé- 
(|ués  vivans  :  on  çn  a  trouvé  dans  plufieurs 


,      P  E  R-     .  335 

nommes  tues  par  cas  fortuits  ,  ou  par  urj 
accès  d'apoplexie  ,  écrafés  par  la  foudre  , 
ou  punis  du  dernier  fupplice  ;  &  je  l'ai 
trouvé  conflamment  dans  le  dernier  de  ces 
cas.  Il  s'en  eft  trouvé  dans  toutes  les  clafles 
d'animaux  ,  dans  la  falamandre  aquatique  , 
dans  les  ferpens ,  dans  les  poiffons  ,  dans 
les  rnoules. 

L'eau  du  péricarde  eft  jaunâtre  dans  les 
adultes  ,  rougeâtre  dans  les  enfans  &  un  peu 
falée  ;  elle  ell  de  la  claffc  albumineufe  :  la 
chaleur  &  l'acide  minéral  en  coagulent  une 
quantité  plus  ©u  moins  grande  ;  &  dans  le 
bœuf  &  dans  le  cheval ,  elle  relfemble  à  de 
la  colle  fondue.  La  pourriture  lui  donne  de 
l'alcalefcence. 

l\  lui  arrive  aflez  fouvent  de  former  àçs 
filets  &  des  membranes  ,  de  petites  lames 
même.  Cts  liens  attachent  fouvent  le  péri- 
carde au  cœur  ,  ou  à  quelque  place  parti- 
culière ,  ou  même  à  toute  fa  furface  ;  c'efè 
dans  ces  fùjets  qu'on  a  cru  voir  le  cœur  k 
découvert  &  fans  péricarde.  La  même  ma- 
tière paroît  dans  d'autres  fujets  fous  la  forme 
de  poil  qui  fortiroit  de  la  furface  du  péri- 
carde &  du  cœur  :  on  a  appelle  ces  cœurs  ve- 
lus. Comme  cette  liqueur  fe  trouve  dans 
toutes  les  clafTcs  des  animaux,  elle  doit  être 
d'une  utilité  générale  &  confidérable.  On 
croit  afîêz  qu'elle  diminue  le  frottement  au. 
cœur  violemment  agité  dans  tous  les  mo- 
mens  de  la  vie ,  &  qui  pourroit  fe  blelîêr 
en  fe  frottant  contre  le  flernum  ,  les  bron- 
ches ,  &  les  autres  parties  folides  Çqs  voi- 
fines. 

Le  péricarde  lui-même  paroît  être  d'une 
nécefilté  indifpenfable.  On  n'a  pas  trouvé 
d'animal  qui  en  foit  dépourvu.  Il  efî  affez 
évident  qu'il  borne  les  mouvemensdu  cœur, 
&  qu'il  les  affujettit  à'unc  certaine  régularité. 
La  pointe  du  cœur,  par  exemple  ,  ne  fait 
qu'ofciller  de  derrière  en  devant ,  &  de  de- 
vant en  arrière  ,  fans  s'égarer  ni  à  droite  ni 
à  gauche.  J'en  ai  fait  l'expérience  ;  j'ai  ou- 
vert le  péricarde  dans  l'animal  vivant  ;  le 
cœur  n'a  plus  eu  de  mouvement  régulier  ;  il 
s'eff  égaré  dans  toutes  les  diredions  imagina- 
bles ,  &  s'efl  déplacé  d'une  manière  difïe- 
rente  à  chaque  pouls.  "Lz  péricarde  y  d'ail- 
leurs, foutient  le  cœur,  lefufpend  ,  l'afFer- 
mit  par  le  moyeu  du  diaphragme  &  des  gros 
vaifîeaux. 


334  P   E  R 

On  dirputoît  autrefois  furrorigine  de  l'eau 
du  péricarde.  On  la  cherchoit  dans  les  glan- 
des lymphatiques  ou  dans  quelque  glande 
iimple  du  péricarde.  On  cft  aiTez  convaincu 
de  nos  jours  que  c'eft  une  vapeur  exhalante 
difpofée  à  fe  coaguler ,  qui  s'eleve  de  toute 
la  furface  du  cœur  &  du  péricarde.  On 
voit  dans  l'animal  vivant  la  furnée  s'élever 
vifiblement  du  cœur ,  &  l'injeâion  de  l'eau 
ou  de  la  colle  de  poilîbn  fondue  ,  en  imite  la 
fecrétion  ;  ces  liqueurs  fuintent  avec  facilité 
de  toute  la  iurface  du  cœur  &  du  péri- 
carde. 

Des  veines  doivent  repomper  l'eau  du 
péricarde  y  à  proportion  qu'elle  fort  des 
artères  ;  c'eft  encore  une  opération  de  la 
nature  que  l'art  imite  fans  peine.  L'eau 
iojeûée  dans  les  veines  fort  de  la  furface 
du  cœur  &  du  péricarde.  Quand  cette 
reforption  ne  répond  plus  à  l'excrétion  , 
l'eau  du  péricarde  s'accumule ,  il  s'en  amafle 
des  livres  entières ,  elle  fait  une  hydropilie 
particulière  qut  n'eft  pas  encore  afîêz 
connue  ,  mais  qu'on  découvre  afîêz  fou- 
vent  dans  les  cadavres.  Cette  eau  trop 
abondante  doit  prefïêr  le  cœur ,  &  caufer 
cette  anxiété  qui  eu  le  fentiment  attaché 
aux  grands  obllacles  de  la  circulation. 
(//.  D.  G.) 

PÉRICARDIAIRE,  adi.  (Médec.)  épi- 
thete  qu'on  a  donnéeaux  vers  qui  s'engen- 
drent dans  le  péricarde  ou  la  capfule  du  cœur. 
Kojq  Vers  &  péricarde. 

M.  Andry  met  les  vers  péricardiaires  au 
nombre  des  douze  efpeces  de  vers  qui  peu- 
vent s'engendrer  dans  le  corps  de  l'homme  ; 
ces  vers  occafionent  quelquefois  des  con- 
vullions,  dont  le  paroxyfme  ne  dure  que 
fort  peu  de  temps ,  mais  revient  continuel- 
lement. 

Ceux  qui  font  attaqués  de  cette  maladie  , 
ont  le  vifage  extrêmement  pâle  ,  le  pouls 
petit ,  de  grands  maux  de  poitrine  &  d'ef- 
tomac  ,  quelquefois  aufli  des  palpitations 
du  cœur,  voyei  PALPITATION.  M.  Andry 
ajoute  que  ces  vers  caufent  quelquefois  des 
morts  fubites. 

.  Ces  v€rs  ont  la  même  caufe  &  la  même 
origine  que  les  autres;  il  faut  y  employer 
les  mêmes  remèdes.  Voy.  VeRS  6"  VER- 
MIFUGE. 

On  a  éprouvé  quel'élixir  de  Garrus  dojxijé 


P  E  R. 

par  cuillerées  ,  feroit  fort  utile  dans  la  {yn- 
cope  eau  fée  par  ces  vers. 

PERICARDINE,^/2  Anawmie ,  nom 
des  artères  &  des  veines  qui  fe  diftribuent 
au  péricarde.  Voye\  PÉRICARDE. 

PERICARPE  ,  f.  m.{Botan.)  Ce  mot 
déligne  tout  ce  qui  environne  le  fruit  des 
végétaux ,  foit  membrane ,  cofïe  ou  pulpe  , 
de  -jM  ,  autour  y  &  /af^è^^frult;  mais  dans 
le  fyftême  des  botanifles  modernes  ,  le 
péricarpe  eft  l'enVeloppe  des  graines  de 
chaque  plante  ;  il  efl  formé  par  le  germe  du 
piftil  grolli ,  &  ne  fe  trouve  pas  dans  tous 
les  fruits. 

On  diftingue  huit  efpeces  de  péricarpes  ; 
favoir  ,  la  capfule*,  la  coque ,  la  filique ,  la 
goufîè,  le  fruit  à  noyau  ,  la  pomme  ,  la 
baie  ,  &  le  cône. 

La  capfule,  capfulay  efl:  compoféede  phi- 
lîeurs  panneaux  elafliques  ,  renfermant  des 
graines  dans  une  ou  plufieurs  loges ,  d'où 
viennent  les  dénominations  de  caplules  uni- 
loculaires  &  multiloculaires. 

La  coque ,  conceptaculum  y  a  les  pan- 
neaux mous. 

La  ûlique ,  Jiliqua  y  eu  compofée  de  deux 
panneaux  qui  s'ouvrent  d'un  bout  à  l'autre , 
&  qui  font  fépaféspar  une  cloifon  raembra- 
neufe. 

La  goufîe ,  legumen  ,  eu  un  péricarpe  ob- 
long  à  deux  cofîes ,  &  les  femences  font  at- 
tachées aux  limbes  fupérieures  de  chacune. 

Le  fruit  à  noyau,  drupa^  eu  compofë 
d'une  pulpe  charnue  contenant  un  noyau. 

La  pomme  ou  fruit  à  pépin  ,  pomum  y  a 
une  pulpe  charnue,  où  font  les  graines,  dans 
une  enveloppe  membraneufc. 

La  baie ,  hacca ,  a  une  pulpe  fucculcnte 
qui  renferme  les  femences. 

Le  cône  ,  flrobilusy  efl  compofé  d'écailles 
contournées  par  le  haut.  {D.  J.) 

PERICHONDRE,  Ç.m.en  Anatomie, 
membrane  qui  recouvre  les  cartilages,  & 
qui  efî  à  leur  égard  ce  que  le  périoftc  eil  aux 
os.  Voye:^  PÉRIOSTE. 

PERICHORES  (jeux),  {Ant.greq.) 
Les  Grecs  donnoicnt  ce  nom  aux  jeux  qui 
n'étoient  ni  facrés  ni  périodiques ,  &  dans 
lefquels  les  vainqueurs  reccvoient  pour 
prix  ,  non  une  fimple  couronne  ,  comme 
dans  les  grands  jeux  ,  mais  ou  de  l'aî-gent 
ou  quelque  chofç  d'équivalent  :  on  donnoit 


PEU 

des  pliioles  d'argent  à  Marathon  ,  un  bou- 
clier d'airain  dans  les  jeux  célébrés  à  Argos 
en  l'honneur  de  Junon.  Dans  les  théoxé- 
nies  ,  le  prix  étoit  une  forte  de  robe 
appellée  lœna.  Dans  les  racées ,  les  vain- 
queurs recevoient  des  amphores  de  quelque 
jpétal  ;  en  un  mot ,  toutes  les  récompenfes 
étoient  lucratives  ,"&  par  conféquent  igno- 
bles :  auflî  ces  jeux  ne  fe  célébroient  que  pour 
les  habitans  des  villes  &  bourgs  du  voifina- 
ge,  comme  l'indique  le  nom  même  ;  car 
périchore  veut  dire  poijin  y  voijinage. 
{D.  J.) 

PERICLITER,  y.n.  {Gram.)  être  en 
péril  :  cette  affaire  périclite  entre  fes  mains  ; 
cet  effet  périclite. 

PERICLYMENUM ,  f.  m.  (Hift.  nat. 
Bot.  }  genre  de  plante  à  fleur  monopétale , 
en  forme  de  tuyau  ,  profondément  décou- 
pée ,  &  foutenue  par  un  calice ,  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  mou  ,  ou  une  baie 
qui  renferme  une  femence  applarie  & 
arrondie.  Tournefort ,  Ifijh  rei  htrb.  Voy. 
Plante. 

Tournefort  compte  deux  efpeces  de  ce 
genre  de  pîante;  celle  de  Virginie  ,  toujours 
verte  ;  &  celle  des  Indes  ,  à  fleur  jaune  :  il 
faut  y  joindre  celle  du  Chily  que  nous  al- 
lons décrire. 

Le  périclymenum  du  Chily  s'élève  en 
forme  d'arbriffeau  divifé  en  plufieurs  bras  , 
couverts  d'une  écorce  grife-brune  :  chaque 
rameau  finit  par  un  bouquet  de  fleurs , 
dont  le  nombre  eft  indéterminé  ,  tantôt 
pair ,  tantôt  non  pair  :  chaque  fleur  efl: 
un  tuyau  rouge-de-fang  ,  rond  ,  terme 
par  le  bas  ,  &  ouvert  par  le  haut ,  découpé 
en  quatre  lobes  jufques  vers  fa  partie 
moyenne.  Des  parois  internes  delà  fleur, 
fortent  quatre  étamines  jaunes  ,  enfilées 
par  un  ftyle  plus  long  que  ne  font  les  éta- 
inines  :  la  fleur  étant  pafTée,  le  calice 
devient  un  fruit  femblable  à  nos  olives  , 
en  grofTeur  &  en  couleur  ,  revêtu  d'une 
peau  fort  mince.  Il  renferme  une  chair 
douçâtre ,  blanche  &  gorameufe  ,  &  con- 
tient un  noyau  dur  ,  offeux.  On  emploie 
cet  arbrilTeau  pour  teindre  e»  noir  les 
étoffes  qui  ne  fe  déchargent  pas  comme 
celles  d'Europe  ;  cette  teinture  fe  fait  en 
partie  avec  de  la  terre  noire  du  pays  ,  en 
partie  avec  le  bois  de  cette  plimtc ,  brilé 


P  E  R  35> 

en  petits  morceaux  :  on  fait  bouillir  le  tout 
enierable  dans  de  l'eau  commune,  jufqu'à 
fuiliiantc  cuiffon.  {D.  J.) 

PERICRANE,  f.  m.  [Ancitom.)  nom 
que  les  anatomilfes  donnent  à    une  mem-« 
brans  (olide  &  épailTe  qui  couvre  le  crâne 
par  dehors,  F'oje;^  CrANE. 

Ce  mot  efl  formé  des  mots  grecs  Tsp/  ^ 
autour  J  &  ^çovttiv  ,  crâne.  Quelques  auteurs 
donnent  à  cette  membrane  le  nom  général 
de  périoficy  à  caufe  qu'elle  efl  adhérente 
à  Tos:  d'aatres  la  divifent  en  deux  mem- 
branes; &  ils  appellent  jp^ricra/2ff  celle  des 
deux  qui  enveloppe  immédiatement  le  crâne  , 
&  périofie  celle  qui  efl  plus  extérieure.  En 
effet ,  le  pe'ricrâne  efl  une  double  membra- 
ne ,  compofée  ,  comme  beaucoup  d'au- 
tres,  de  deux  tuniques.  On  crok  qu'il 
prend  ion  origine  de  la  durc-mere  ,  qui 
pafTant  à  travers  les  futures  du  cerveau  , 
forme  cette  membrane  épaifîè  par  différens 
filamens  :  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'efl 
qu'on  trouve  que  le  pe'ricrâne  efl  attaché  à 
la  dure-mere  par  des  fibres  qui  traverfent  les 
futures. 

Vers  l'origine  des  mufcles  temporaux ,  les 
deux  tuniques  du  pe'ricrâne  fe  partagent  ; 
l'extérieure  pafie  pardeffus  ces  mulcles  ,  &, 
l'intérieure  demeure  toujours  adhérente  au 
crâne.  Fbje:^  PÉRIOSTE. 

PERIDOT ,  f.  m.  {Hifi.  nat.  Litholog/^ 
C'efl  le  nom  que  les  joailliers  françois 
donnent  à  une  pierre  précieufe  d'une  cou- 
leur verdâtre,  qui  tire  un  peu  fur  lejaune. 
Quelques-uns  ont  cru  que  cette  pierre  étoit 
leprajius  des  anciens  ;  d'autres  ,  avec  plus 
de  probabilité  ,  ont  conjeduré  que  le  pe'ri- 
dot  étoit  la  chryfographe.  Quoi  qu'il  en 
foit  de  ces  fentimens  ,  M.  Lehmann  ,  dé 
l'académie  4e  Berlin,  a  publié  ,  en  1755  , 
un  mémoire  dans  le  recueil  de  cette  aca- 
démie ;  il  y  fait  voir  les  erreurs  des  auteurs 
fur  la  pierre  que  les  anciens  appelloient 
<^hryfoprafe  y  qu'ils  ont  confondue  avec  la 
chryfolite ,  le  chryfoberille  ,  le  prajius  , 
ou  le  prajitisy  l'émeraude ,  les  topazes ,  ^'c. 
En  fuite  il  nous  apprend  avoir  trouvé  en 
Siléfie ,  près  d'un  village  appelle  Kofemit^  ^ 
une  pierre  à  qui  il  prétend  que  convient 
le  nom  de  chry/oprafe.  Cette  pierre  ef! 
d'un  verd  céladon  ou  verd  pomme  ;  elk 
n'a  que  très-peu  de  tranfparence  ;  elle,  efi 


33^  P  E  R 

ordinairement  remplie  de  taches  blanches 
qui  nuifent  à  fa  pureté  ,  &  la  couleur  en 
eft  en  général  trouble.  Au  refte ,  cette 
pierre  prend  un  très-beau  poli ,  &  fe  taille 
en  facettes.  Cette  pierre  ,  que  M.  Lehmman 
appelle  chryfoprafe ,  fe  trouve  dans  des 
couches  en  morceaux  détachés  ou  fragmens , 
qui  font  ordinairement  renfermés  dans  de 
l'asbeiîe  ,  qui  leur  fert  d'enveloppe  ou  de 
matrice  ;  &  ces  fragmens  font  accompa- 
gnés de  pierres  d'un  beau  verd  ,  un  peu  ten- 
dres ,  &  mêlées  d'une  terre  verte  :  ces 
pierres  ne  prennent  point  le  poli.  V^oje^les 
Mémoires  de  l'académie  de  Berlin  y   année 

Il  efl  certain  que  la  pierre  que  M.  Leh- 
nann  appelle  chryfoprafe^  efl  d'une  couleur 
verte  très-agréable  ;  mais  fon  peu  de  tranf- 
parence  ,  &  les  défauts  dont  elle  efl  rem- 
plie ,  l'empêcheront  d'être  eflimée  des 
joailliers.  ( — ) 

PERIDROME,  f.  m.  {Archit.  anc.) 
C'eft  ,  dans  un  périptere  ,  l'efpace  ,  la 
galerie ,  l'allée  qui  règne  entre  les  colonnes 
&  le  mur.  Les  péridromes  étoient  des  pro- 
menades chez  les  Grecs.  Voye2  Saumajfc 
fur  Solin.  {D.  J.) 

PERIÉGETE,  f.  m.  {Amiq.  greq.) 
'lespe'riégetesyU^çi^yyncti ,  étoient  des  minii- 
tres  du  temple  de  Delphes.  Ce  terme 
doit  être  conièrvé  ,  parce  que  le  raotd'//2- 
terprete  n'exprime  pas  entièrement  le  mot 
grec  ;  le  mot  de  guide  ne  l'exprime  pas 
non  plus.  Ces  minières  étoient  guides  & 
interprètes  tout  enfemble.  Ils  s'occupoient 
à  promener  les  étrangers  par  toute  la  ville 
de  Delphes  ,  pour  les  délennuyer  du  long 
féjour  qu'ils  étoient  obligés  d'y  faire  ;  ils 
leur  montroient  les  offrandes  que  la  piété 
àts  peuples  y  avoit  confacrées  ,  ils  leur  ap- 
prenoient  par  qui  telle  flatue  *,  tel  tableau 
avoit  été  donné ,  quel  en  étoit  l'artifle ,  dans 
quel  temps ,  &  à  quelle  occafion  on  l'avoit 
envoyé  ;  enfin  c'étoicnt  des  gens  pleinement 
inflruits  de  toutes  les  antiquités  de  la  ville  & 
du  temple. 

PERIELESE ,  {Miijîque.)  terme  de  plain- 
chant.  C'efl  l'interpofition  d'une  ou  plufieurs 
notes  dans  l'intonation  de  certaines  pièces  de 
chant  pour  en  aflurer  la  finale ,  &  avertir  le 
chœur  que  c'efè  à  lui  de  reprendre  &  pour- 
rwivre  ce  qui  fuit. 


P  E  R 

H^périélefe  s'appelle  autrement^j:(^<f/7ce  ou 
petit  neiime^  &  le  fait  de  trois  manières  ;  fa- 
voir ,  1°.  par  circonvolution  ;  2°.  interci- 
dence  ou  diaptofe  ;  3°.  ou  par  Cmple  du- 
plication, ^oy.  ces  mots.  (iS) 

PERIER,  f.  m.  terme  de  fondeur.  C'efl 
un  morceau  de  fer  emmanché  au  bout  d'une 
perche  \  on  s'en  fert  à  ouvrir  les  fourneaux  , 
pour  faire  couler  le  métal ,  lorfque  les  fon- 
deurs veulent  jeter  quelques  ouvrages  en 
bronze.  {D.  J.) 

PÉRIGÉE  ,  f.  m.  terme  d'ajîronomie  , 
qui  fignifie  le  point  de  l'orbite  du  foleil 
ou  de  la  lune  ,  où  cts  planètes  font  le  plus 
près  de  la  terre  ,  ou  en  général  le  point 
de  la  plus  petite  diffance  d'une  planète  à 
la  terre.  Périgée  efl  oppofé  à  apogée,  Voy. 

Apogée.    Voyei  auffî  Périhélie  & 
Aphélie. 

PERIGNAT  ,  (  Géogr.  Antiquités.  ) 
bourg  de  l'Auvergne  ,  près  de  l'Allier  , 
à  trois  heues  du  Clermont ,  fur  le  chemin 
de  cette  ville  à  Lyon  ,  d'environ  •  cent 
cinquante  feux.  On  y  a  découvert  une 
colonne  milliaire  pofée  du  temps  de  Trajan. 
Bergier  en  fait  mention ,  liv.  III ,  chap. 
38  i  Se  les  mémoir.  de  Vacad.  des  infcript. 
tome  VII,  édition  in- z  z  y    fjjo  y  pag. 

^57'  (C-) 

PERIGORD  (le)  ,  (Géogr.  mod.)  pro- 
vince de  France ,  qui  a  au  nord  l'Angou- 
mois ,  au  levant  la  Saintonge  ;  à  l'orient  d'hi- 
ver ,  elle  touche  le  Bafadois  &  le  Bourdelois; 
au  midi ,  elle  a  l'Agénois  ;  à  l'orient  d'été  ,  le 
Quercy  &  le  Limofin. 

Son  nom  vient  de  celui  des  anciens  peu- 
ples Petrocorii  ou  Petricorii ,  qu'on  a 
corrompu  dans  le  cinquième  fiecle  en 
Petricordii.  Ces  peuples  ,  qui  font  connus 
dans  les  commentaires  de  Céfar  ,  étoient 
alors  du  nombre  des  Celtes  ,  6c  Augufle 
les  mit  fous  l'Aquitaine.  Cette  province 
ayant  été  divifée  en  deux  fous  Valenti- 
nien  I ,  les  Petricorii  furent  attribués  à  la 
féconde  ,  &  eurent  pour  métropole  Bor- 
deaux ;  leur  capitale  s'appelloit  Vefuna  y 
comme  nous  l'apprenons  de  Ptolomée  : 
mais  dans^  le  quatrième  fiecle  ,  la  ville 
quitta  entièrement  ce  nom  pour  prendre 
celui  du  peuple  Petricorii  y  d'où  on  fit 
Petricordium  &  Petricorium  ^  aujourd'hui 
Périgueux, 

Le 


P  E  R 

Le  Tengord  vint  au  pouvoir  deî  Gochs 
dans  le  commencement  du  V  fiecle  ;  dans 
le  fulvan-t  il  fut  pris  fur  eux  par  les  François. 
Les  rois  de  Ncuftrie  Mérovingiens  lont 
pofîedé  jufqu'au  temps  du  duc  Eudes  , 
qui  fe  rendit  abfolu  dans  l'Aquitaine  j  & 
ce  fut  Pépin,  père  de  Charlemagne,  qui 
conquit  le  Périgord  fur  Gaifre,  petit  -  fils 
d'Eudes.  Les  Carlovingiens ,  qui  ont  régné 
dans  la  France  occidentale  ,  Ont  eujufqu'au 
dixième  iiecle  le  même  pays  ,  qu'ils  gou- 
vernoient  par  des  comtes  ,  qui  nV  pient 
que  de  /impies  officiers. 

Dans  la  fuite  des  temps  ,  Charles  ,  duc 
d^lrléans  ,  comte  de  Périgord ,  ayant  été 
fait  prifonnier  par  les  Anglois  ,  vendit , 
Tan  1437  ,  ion  comté  de  Périgord  ï  Jean 
de  Blois ,  comte  de  Penthievre  ,  qui  le 
laiiïa  à  fon  fils  Guillaume.  Celui-ci  n^eut 
qu^une  fille  ,  nommée  Françoije  ,  qui 
époufa  Alain  ,*  firc  d'Albert ,  bilàïeul  de 
Jeanne  d'Albret ,  reine  de  Navarre.  Jeanne 
apporta  tous  fcs  états  en  mariage  à  Antoine 
de  Bourbon  ,  père  de  Henri  IV  ,  qui  ayant 
fuccédé  au  royaume  de  France  après  la 
mort  de  Henri  III  ,  unit  à  la  couronne 
le  Périgord  ,  avec  fes  autres  biens  patri- 
moniaux. 

Le  Périgord  2i  environ  trente-trois  lieues 
de^long  fur  vingt-quatre  de  large.  On  le 
divife  en  haut  &  bas  Périgord,  ou  bien 
en  blanc  &  en  noir.  Périgueux  cft  la 
capitale  de  tout  le  Périgord.  Sarlat  eft 
la  principale  ville  du  bas  Périgord ,  nommé 
Périgord  noir ,  parce  qu'il  eft  plus  couvert 
de  bois. 

Les  rivières  de  cette  province  font  la 
Dordogne  ,  la  Vezere ,  l'Ifle  ,  &  la  haute 
Vezere  :  ces  trois  dernières  ne  font  navi- 
gables que  par  le  fecours  des  éclufes.  L'air 
du  pays  eft  pur  &  fec.  Il  abonde  en  mines 
djexcellent  fer,  &  fes  montagnes  font  cou- 
vertes de  noyers  &  de  châtaigniers.  Il  s'y 
trouve  aufïi  quelques  fources  d'eaux  médi- 
cinales. 

Mais  le  Périgord  doit  à  jamais  fe  glori- 
fier d'avoir  donné  le  jour  à  M.  de  Fénélon  , 
archevêque  de  Cambrai.  On  a  de  lui  cin- 
quante-cinq ouvrages  dilFérens  ;  tous  partent 
d'un  cœur  plein  de  vertu  ,  mais  fon  Télé- 
maque  l'infpire.  On  apprend .  enlelifant  , 
à  s'y  attacher ,  dans  la  bonne  comme  dans 
TomQ  XXV. 


P  E  R  537 

la  mauvaife  fortune ,  à  aimer  fon  père  Se 
la^  patrie  ,  à  être  roi  ,  citoyen  ,  ami  , 
elclave  même  fi  le  fort  le  veut.  Trop 
heureufe  la  nation  pour  qui  cet  ouvrage 
pourroit  former  un  jour  un  Télémaque  6c 
un  Mentor  ! 

"  Il  a  fubftitué  dans  ce  poème  une  profc 
"  cadencée  à  la  verfification  ,  &  a  tiré 
"  de  fes  fi6lions  ingénieufes  ,  une  morale 
»>  utile  au  genre  humain.  Plein  de  la  le(5ture 
»  des  anciens  ,  Se  né  avec  une  imagination 
»  vive  &  tendre  ,  il  s'étoit  fait  un  ftyle 
»  qui  n'étoit  qu'à  lui  ,  Se  qui  couloir  de 
»  iburce  avec  abondance. 

"  Les  éditions  du  Télémaque  furent 
»  innombrables.  Il  y  en  a  plus  de  trente 
"  en  anglois ,  &  plus  de  dix  en  hollandois. 
"  C''eft  en  vain  qu'en  examinant  ce  poëme 
'>  à  toute  rigueur  ,•  on  a  cru  y  reprendre 
'>  des  defcriptions  trop  uniformes  de  la  vie 
»  champêtre; il  eft  toujours  vrai  que  cec 
»  ouvrage  eft.  un  des  plus  beaux  monu- 
»  mens  d'un  fiecle  floriflant.  Il  value  à 
»  (on  auteur  la  vénération  de  toute 
»  l'Europe  ,  Se  lui  vaudra  celle  des  fieclcs 
"  à  venir. 

"  Les  Anglois  fur  -  tout  ,  qui  firent  la 
»>  guerre  dans  fon  diocefe  ,  s'empreflèreat 
'»  à  lui  témoigner  leur  refpedt.  Le  duc 
»  de  Malborough  prenoit  autant  foin  qu'on 
»  épargnât  fes  terres  ,  qu'il  en  eût  pris 
'>  pour  celles  de  fon  château  de  Blenhein. 
»  Enfin  M.  de  Fénélon  fut  toujours  cher 
»  au  duc  de  Bourgogne  qu'il  avoir    élevé. 

Voici  (on  épitaphe,  quin'eft  pas  un  éloge , 
mais  un  portrait. 

Omnes  dicendi  lepores  virtuti  facravit  ac 
veritati  ;  Ù  dàm  fapientiam  fpirat ,  femetip' 
fum  infcius  retexlt.  Bono  patries  unie}  inten- 
tas ,  regios  principes  ad  utilitatem  publicam 
infiituit.  In  utrâque  fortunâ  fibi  conftans  ; 
in  profperâ  aulœ  favores  ut  dàtn  prenfaret  , 
adeptes  etiam  abdicavit  ;  in  adverfâ  Deo 
inagis  adkcejît.  Gregcm  fibi  credtum  , 
ajjidud  fovit  prcefentiâ  ,  verbo  nutrivit  , 
exemple  erudivit  ,  opibus  fubkvavit.  Ex' 
teris  perindè  carus  ac  fuis  ,  hos  &  illos 
ingenii  famâ  ,  ù  comitate  morum  ,  fibi 
devinxit.  Vitam  laboribus  exercitam  ,  cla- 
ram  virtutibus  ,  meliore  vitâ  commutavit  , 
feptimo  januarii  ,  anno  M.  DCC.  XV 
œtatis     LXIV. 

Vv 


33S  P  E  R 

Montagne {M'ichd  de  )  ,  ne  en  Pérîgord 
en  1535  ,  a  trop  de  partifàns  pour  que 
j'oublie  de  parler  de  lui  à  Tartiele  de  Ton 
pays-.  Il  a  vécu  tous  les  règnes  de  Français  I  , 
Henri  1 1 ,  François  II ,  Charles  ÎX  ,  Henri  ÏII 
&  Henri  IV  ,  étant  mort  en  1591 ,  âgé  de 
S9  ans. 

Il  fe  montra  ,  dans  le  cours  de  fa  vie  , 
bon  citoyen  ,  bon  fils,  bon  ami  ,  bon 
voifin,  enfin  un  galant  homme.  Ce  n'en 
eft  pas  une  petite  muque,  que  d'avoir  pu 
fe  vanter ,  au  milieu  de  la  licence  des  guerres 
civiles  ,  de  ne  s'y  être  point  mêlé  ,  ù  de 
n'avoir  mis  la  main  ,  ni  aux  biens ,  ni  a 
ta  bourfi  de  perfonnc.  Il  aflure  ,  de  plus  , 
qu'il  a  fouvent  foufferr  des  injuftices  évi- 
dentes, plutôt  que  de  fe  réfbudre  à  plaider  , 
en  forte  que  (ur  (i:s  vieux  jours  il  étoit 
encore  ,  dit -il  ,  vierge  de  proch  ù  de 
querelles. 

Sa  morale  éroit  ftoïcienne  en  théorie  , 
&  Çfis  mœurs  épicuriennes  y  e'eft  un  point 
fur  lequel  il  dit  lui-même  ,  qu'il  a  le  cœur 
ajje:^  ouvert  pour  publier  hàvdiment  fa  foi  MeJJe. 
Il  avoue  encore  qu'il  refllembleroit  volontiers 
à  un  certain  Romain  que  peint  Cicéron  ,  en 
difant  que  "  c^étoit  un  homme  abondant  en 
w  toutes  fortes  de  commodités  &  de  plaiiirs , 
»  conduifant  une  vie  tranquille  ôc  route 
"  fienne ,  Tame  bien  préparéecontre  la  mort, 
»  la  fu perdition ,  6'c  ".  Voilà  en  eJEFet  le 
portrait  de  Montagne  ,  &  qui  même 
auroit  peut-être  été  plus  reflemblanc ,  s'il 
avoit  ofé  traduire  à  lu  lettre  celui  qu'a  fait 
Cicéron  de  ce  Romain:  mais  ce  que  Mon- 
tagne n'a  pas  jugé  à  propos  de  faire  d'un 
feul  coup  de  pinceau  ,  il  feroit  aifé  de  le 
retrouver  en  détail  ,  h  Von  prenoit  la  peine 
de  raflembler  tous  les  traits  où  il  s'eft  peint 
en  diiférens  endroits  de  fes  Ejfais. 

On  ne  peut  nier  que  cet  ouvage  nefoit 
rempli  d'efprit  ,  de  grâce  &  de  naturel. 
Il  eft:  d'autant  plus  aifé  d^en  être  féduit  , 
que  fon  ftyle ,  tout  gafcon  de  tout  antique 
qu'il  e(è  ,  a  une  certaine  énergie  qui  plaît 
infiniment.  Il  écrit  d'ailleurs  d'une  manière 
qu'il  femble  qu'il  parle  à  tout  le  monde 
avec  cette  aimable  libené  dont  on  s'en- 
tretient avec  Ces  amis.  Ses  écarts  même  , 
par  leur  refiemblance  avec  le  défordre 
©idinaire    des    convcrfations    familières  Se 


PE  R 

enjouées ,  ont  je  ne  fais  quel  charme  dont 
on  a  peine  à  fe  défendre. 

C'eft:  dommage  qu'il  refpe(5i;e  affèz  peu 
fes  letteurs ,  pour  entrer  dans  des  détails 
puériles  &  frivoles  de  fes  goûts  ,  de  fes 
aâ;ions ,  &  de  fes  pcnfées.  "  Que  nous 
»  importe  de  favoir  ,  difoit  avec  raifoiT 
»  Scaligcr  ,  Ci  Montagne  aimoit  mieux  le 
yy  vin  blanc  que  le  clairet  ?  »  maison  trouve 
dans  fon  ouvrage  des  chofes  bien  plus  cho- 
quantes, comme  quand  il  nous  parle  du  foin 
qu'il  prenoit  de  fe  tenir  le  ventre  libre  ,  &c 
d'avoir  particulière   commodité  de  lieu  &  de 

fiege  pour  ce  fervice. 

Je  lui  pardonne  encore  moins  les  oBfcé- 
nités  grofïieres  dont  fon  livre  eft  parfemé  , 
&  dont  la  plupart  ne  font  propres  qu'à 
faire  rougir  les  perfonnet  les  plus  effron- 
tées. Cependant  ,  malgré  tous  ces  défauts , 

;  (es  écrits  ont  des  grâces  lingulieres  ;  &  il 
faut  bien  que  cela  foit  ainli,  puifque  le 
temps  &  les  changemens  de  la  langue 
n'ont  point  altéré  la  réputation  de  leur 
auteur. 

Je  ne  puis  ici  me  difpenfer  de  parler  d'une 
cenfure  que  Montagne  a  publiée  fort  naïve- 
ment contre  lui-même  &  fur  laquelle  per- 
fonne  ne  s'eft  avifé  de  le  contredire  ;  e'eft 

;  ce  qu'il  dit  àt  fa  manière  d'^écrire  à  bâtons 
rompus  5  d'un  ftyle  découfu  ,  mal  lié,  qui 

'■■  ne  va  qu'à  faut  s  ù  à  gambades  ,  pour  parler 

'  fon  langage. 

La    caufe    de  ce    défaut  ne    vient    pas 

:  abfblument  du  génie  même  de  Montagne  , 

'qui  l'a  entraîné  fans  raifon  d'un  Ri  jet  dans 
un  autre  ,  fans  qu'il  ait  pu  donner  plus 
d'ordre  &  plus  de  fuite  à  fes  propres 
penfées  :  mais  ce  défuît  provient  en  partie 
le  je  ne  fais  combien  d'additions  qu'il  a 
fiites   çà  Se  fà  dans  fon    livre  ,   toutes   les 

:  Ibis  qu'on  eff  venu  à  le  réimprimer.  On 
n'a    qu'à    comparer    les   premières  éditions 

'  des  Ejfais  avec  les  fuivantes ,  pour  voir 
à  t'œil  que  cqs  fréquentes  additions  ont 
jeté   beaucoup    de  déibrdre  dans  des   rai- 

■  fonnemens  qui  étoient  originairement  clairs 
Se  fuivis.  Après  tout,  on  feroit  fouvent 
fâché  de  perdre  les  additions  que  Mon- 
tagne a  inférées  dans  fc>n  livre ,  quoiqu'elles 
le  défigurent  dans  plufieurs  endroits  ,  de 
la  manière  dont  elles  y  font  enchâfïees. 
De    toutes  les    éditions  des   Ejfais  de 


P  E  R. 

Montagne,  il  n'y  en  a  aucune  d'authen- 
tique que  celle  de  TAngelier  ,  miie  au  jour 
à  Paris  en  ij'95  ;  mais  Tédition  publiée  à 
Londres  en  1724  ,  celles  de  Paris  en  lyiy 
&  1759  >  données  par  M.  Cofte  ,  font  les 
meilleures  que  nous  ayons  de  cet  ouvrage. 
{M.  le  Chevalier  DE  JaUCOURT.  ) 

PÉPvIGUEUX  ,  r.  m.  (  Hijî.  natur.  ) 
lapis  petrcCorius  ;  nom  d'une  fubftance 
minérale  noire  ,  pefanre  &  compaéle  , 
difficile  à  pulvérifer.  Elle  ic  trouve  en 
Périgord  ,  en  Gafcogne  5c  en  Dauphiné  ; 
on  Pappelle  auffi  Périgord  ou  pierre  de 
Périgord.  Les  émailleurs  s'en  fervent  pour 
colorer  leurs  émaux  ,  &  les  potiers  de 
terre  pour  colorer  &  noircir  le  vernis  , 
ou  la  couverte  qu'ils  donnent  à  de  cer- 
taines poteries.  Il  y  a  lieu  de  croire  que 
cette  fubftance  n'eft  autre  chofe  que  celle 
qui  eft  plus  connue  fous  le  nom  de  ma- 
gfi^fie  ou  manganefe.  Voyez   cet  article.  On 


PER.  339 

dît  qu*élle  eft:  déterfue  &  aftrîngente ,  ce 
qui  vient  de  la  partie  ferrugineufe  qui  entre 
dans  fa  compolition. 

Perigueux  (  Géogr.  mod.\en  latin  , 
Vèfuna  ,  Vefunna  ,  Petrocori ,  Petrocorii  , 
civitas  Petroceriorum  ou  Petrocoriorum  , 
capitale  du  Périgord. 

La  tour  Véfune  ,  le  refte  d'un  amphi- 
théâtre ,  &  quelques  autres  monumens  , 
font  des  preuves  de  l'ancienneté  de  cette 
ville  ,  qui  fut  ruinée  en  divers  temps  par 
les  Barbares.  La  tour  Véfune  eft  de  forme 
ronde  ;  fà  hauteur  va  au  delà  de  cent  pies  ; 
l'épailTeur  de  la  muraille  ,  qui  eft  encore 
aftez  entière  ,  eft  d'une  toifè  ;  en  dedans 
elle  eft  enduite  d'un  ciment  de  chaux  & 
de  tuile  ;  elle  n'a  ni  portes  ni  fenêtres , 
en  forte  qu'on  y  entre  par  deux  foutcrrains 
qui  y  conduifent.  (■*■) 

Il  y  a  dans  cette  ville  un  évêché  ancien  , 
fufFragant  de  Bordeaux ,  un  préfîdial  ,  un 


(^  )  M.  le  Beuf  rapporte  au  tome  X/des  Mém.  de  l'/icad,  des  infcript.  édit.  in-it,  neuf  infcriptions 
anciennes,  encaftrées  dans  les  murs  des  cafetnes  de  cette  ville  :  la  plus  curieufe  eft  celle  d'une  colonne 
milliaire  ,  dreflée  pour  marquer  la  première  lieue  gauloife  de  la  capitale  du  pays  ,  à  l'endioii  où  elle 
ctoit  placée  : 

DOMIN.    ORBIS 
ET     PacIS    ImP.    C. 

M.  Annio  Flo 

RIANO.    P.    F. 
INV.    AUG.   P.    M, 

T,  p.  p.  Procos 
p.  L. 

C'eft  l'unique  infcription  que  l'on  connoifle  qui  porte  le  nom  de l'empereor  Florien ,  hellène  fe 
trouve  dans  aucune  colleftion. 

Cette  extrême  rareté  des  monumens  de  Florien  ,  vient  de  la  brièveté  de  fon  règne  ,  qui  ne  fut  que 
de  deux  mois  &  demi,  Probus  l'ayant  vaincu  3c  forcé  de  s'ouvrir  les  veines  ;  ou  ,  félon  Vopifcus  , 
ayant  été  tué  par  fes  foldats  à  Tarfe  en  Cilicie  en  176.  On  drefla  à  la  mémoire  de  cet  empereur, 
comme  à  celle  de  Tacite,  fon  frère  de  mère,  un  cénotaphe  à  Terni  en  Italie,  dont  ils  étoienc 
originaires.  * 

Le  titre  dedominus  orbîs  é»  p»cti  eft  fingulier ,  quant  à  la  première  partie  :  pour  la  deuxième  ,  il 
s'accorde  avec  les  médailles  de  ce  prince  ,  dans  lefquelles  on  ûM^acatororhis ,  paxœterna  ,pax  Augu/ii. 
Ces  légendes  ontrapport  aux  victoires  de  Floiien  lur  lesBatbares  qui  troubloient  la  paix  de  l'empire; 
les  deux  lettres  P.  L.  nous  apprennent  l'ufage  de  cette  colonne,  &  fignihent  prima  leuca.  La  Table 
Théod.  fait  mention  de  trois  routes  qui  concluifoient  de  Perigueux  à  Saintes  ,  à  Bordeaux  ,  à  Limoges. 
La  maifon  du  férainaire  de  Perigueux,  où  la  colonne  a  été  autrefois  tranfportée,  eft  à  l'extrémité  de 
la  cité  ,  fur  la  route  du  nord-oueft  qui  conduit  à  Saintes.  Il  eft  probable  que  cette  colonne  étoit 
placée  prefque  au  bout  delà  plaine  ,  vers  la  fource  du  ruiffeau  de  Toulon  ^  à  demi-lieue  de  la  cité, 
félon  notre  manière  de  compter  aujourd'hui,  qui  eft  d'évaluer  une  lieue  gauloife  à  une  de  nos 
demi-lieues. 

M.  l'abbé  le  Beuf  rapporte  au  même  endroit  l'explication  d'une  table  pafchalc  gravée  fur  le  mur  da 
chœur  de  l'ancienne  cathédrale,  d'une  ftruâiure  d'environ  l'an  j  100.  Ce favant  fait  remonter,  contre; 
le  fcntiwcnt  de  Scaliger ,  ceHC  infcription  à  l'an  1 163  od  pâque  fe  trouvoii  le  14  de  mars.  (  C.) 

Vvij 


340  P  E  R. 

bailliage  ,  une  éledion,  &  un  collège  tlirgé 
ci-devant  par  les  jéfuires.  L'évêché  rap- 
porte environ  35000  livres  de  rente  ,  de 
renferme  plus  de  430  paroifl'es.  S.  Front 
fut  le  premier  évêque  de  cette  ville  dans  le 
IV  fieclc.  / 

Périgueux  eft  dans  un  bon  pays,  mais 
pauvre  ;  elle  ne  paie  point  de  taille ,  & 
la  banlieue  paie  peu  d'impofitions.  Elle 
eft  fituée  fur  llfle  ,  à  18  lieues  S.  O  de 
Limoges  ,  à  16  S.  E.  d^Angoulême,  à  25 
au  N.  E.  de  Bordeaux  ,  &  à  106  au  S.  O. 
de  Paris. 

Rauconnet  (  Aymar  )  étoit  de  cette 
-ville.  Il  pafla  pour  un  des  favans  hommes 
de  Ton  fiecle.  Cujas  lui  dédia  fes  notes  i/z 
Juin  Fauli  recept.  fent.  Il  fut  d  abord  con- 
feiller  au  parlement  de  Bordeaux  ,  puis 
préfident  en  l'une  des  chambres  des  en- 
quêtes du  parlement  de  Paris.  Les  Guifes , 
qui  le  haïflbient  ,  le  firent  mettre  à  la 
Baftillc ,  &  l'accuferent  d'avoir  eu  un  com- 
merce criminel  avec  fa  fille.  Il  fut  fi  touché 
de  fa  détention ,  qu'il  fe  fit  mourir  ,  âgé 
de  60  ans.  On  n'a  jamais  vu  une  famille 
plus  malheureufe  que  la  fienne.  Sa  fille  finit 
les  jours  fur  un  fumier  j  fon  fils  fut  exécuté 
à  mort  ,  Se  fa  femme  périt  d'un  coup  de 
foudre.  (D.J.) 

PERIHELIE  ,  f.  m.  terme  d'afirono- 
mie.  C^eft  le  point  de  l'orbite  d'une  pla- 
nète ,  dans  lequel  cette  planète  eft  à  fa 
plus  petite  diftancc  du  foleil.  V.  Plamete  , 
Soleil  ,   6'c. 

Le  périhélie  eft  oppofé  à  Y  aphélie ,  ^oje^ 
Aphélie.  Les  anciens  aftronomes  fubfti- 
tuoient  le  périgée  2.u  périhélie  ,  parce  qu'ils 
mettoient  la  terre  au  centre.  Fbje^  Aphélie 

&  PÉRIGÉE. 

Lar  terre  eft  dans  fon  périhélie ,  &  par  con- 
féquent  le  foleil  dans  Ton  périgée  ,  lorfque 
le  diamètre  du  foleil  nous  paroît  le  plus 
grand  ;  car  c'eft  alors  que  le  foleil  eft  le 
plus  près  de  nous  qu'il  eft  pofîible  ,  puifque 
les  objets  les  plus  éloignés  paroififent  plus 
grands  à  mefure  qu'ils  s'approchent.  Feye^ 
Apparent.  (  O) 

PÉRIL,  RISdUE,  DANGER, 
{  Synon.  )  Danger  regarde  le  mal  qui  peut 
arriver.  Péril  ÔC  rifque  ,  regardent  le 
bien  qu'on  peut  perdre  ;  avec  cette  difFé- 
lence  ,  q^ue  péril  dit  quelque  choie  de  plus 


P  E  R 

grand  &:  de  plus  prochain  &  que  rifque 
indique  d'une  façon  plus  éloignée  la  pofti- 
bilité  de  l'événement.  Delà  ces  expref- 
fions  ,  en  danger  de  mort  ,  au  perd  de  la 
vie  ,  fauf  à  en  courir  les  rifques.  Le  foldat 
qui  a  Phonneur  en  recommandation,  ne 
craint  point  le  danger ,  s'expofe  au  péril  , 
&  court  tranquillement  tous  les  rifques 
du  métier.  Danger  ,  s'emploie  quelquefois 
au  figuré ,  pour  fignificr  un  inconvénient  : 
je  ne  vois  aucun  danger  à  fonder  fcs  inten- 
tions avant  que  de  lui  propofer  cette  aftaire. 

PERILEUCOS  ,  (  Hifî  natur.  )  nom 
donné  par  quelques  auteurs  à  une  efpece 
d'agate  blanche. 

PÉRIMÉ,  adj.  {Jurifp.)  fc  dit  de  ce 
qui  eft  anéanti  par  l'effet  de  la  péremption  , 
comme    une    inftance   périmée  ou     périe. 

Voye-^^  PÉREMPTION. (-(4) 

PERIMELE,  {Géogr.  anc.)  îie  de  la 
mer  Ionienne  ,  &  Pune  des  cinq  Echinades. 
Ovide  en  parle  dans  le  VIII  Uv.  *de  fes 
Métamorphofes  : 

Ut  tamen  ipfe  vides  ,  procut  una  recejfu 
Infula  ,  grata   mihi  ,    Perimclen  navita 
dicit^ 

{D.J.) 

PERIMETRE  ,  f.  m.  terme  de  géo-- 
métrie  ,  c'eft  le  contour  ou  l'étendue  qui 
termine  une .  figure  ou  un  corps.  Voye'^ 
Figure. 

Ge  mot  eft  formé  des  mots  grecs  crépi  , 
autour  ,  &  f^ÀT^ov  ,  mefure.  Les  périmètres 
des  furfaces  ou  figures  ,  font  des  lignes  ; 
ceux  des  corps  font  des  furfaces.  Voye'^ 
Surface. 

Dans  les  figures  circulaires  ,  Sec.  le 
périmètre  eft  appelle  périphélie  ou  circon- 
férence. Voyez  PÉRIPHÉLIE.  Charniers. 
iE) 

PERIMULA  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  de 
l'Inde  au  delà  du  Gange  ,  félon  Ptolomée  , 
qui ,  lih.  VII ,.  c.  ij ,  la  place  fur  la  Cher- 
fonefe  d'or.  Pline  ,  lib.  VI ,  cap,  xx  ,  Se 
lib.  IX ,  c.  XXXV ,  donne  le  nom  de  Péri- 
mula  à  un  promcmtoire  de  l'Inde  ,  aux 
environs  de  l'embouchure  du  fîeuve  Indus , 
du  côté  de  l'orient  :  il  ajoute  qu'il  s'y 
pêehoit  des  perles  ,.    &  que  fur.  ce.  pro- 


PE  R 

monroire  ,  il  y  avoic  une  ville  fort  com- 
merçance. 

PERINALDO  ,  (  Géogr.  mod.  )  bourg 
du  comté  de  Nice  ,  dont  je  ne  parle  que 
parce  qu'il  a  donné  la  naiflance  ,  en  161^  , 
au  grand  Caffini ,  ôc  en  1665  ,  à  M.  Ma- 
raldi   Ton  neveu. 

Cajjîni ,  (  Jean-Dominique  )  ,  aftronome 
du  premier  ordre ,  fut  attiré  en  France 
par  M.  Colbert  en  i66<)  ,  &  y  fut  reçu 
membre  de  l'académie  des  fciences.  Il 
mourut  en  1712,  âgé  de  87  ans,  lailîant 
des  enfans  diftingués  dans  Tartronomie.  On 
a  des  mémoires  précieux  fur  les  planètes , 
fur  la  méridienne  ,  8c  fur  la  comète  qui 
parut  en  1651.  Il  découvrit  en  1671  ,  le 
rroifieme  éc  le  cinquième  fatellites  de 
Jupiter.  Voye:^  Jupiter  &  le  mot 
Astronomie. 

Maraldi  (  Jacques-Philippe  )  vint  en 
France  en  1687  ,  &  fut  reçu  de  l'académie 
des  fciences.  Il  a  fait  un  catalogue  des 
étoiles  fixes  ,  plus  exa6t ,  dit -on  ,  que 
celui  de  Bayer  5  mais  cet  ouvrage  n'eft 
ciicore    que    manufcrit. 


Ses  obfervations 
fur  les  abeilles  ont  été  inférées  dans  les 
mémoires  de  l'académie  des  fciences  , 
année  1712.   Il  mourut  en  1719  ,  à64ans. 

PERINDE  -  VALERE  ,  (  Jurifpr.)  , 
eft  le  nom  que  l'on  donne  à  un  refcrit  de 
Gour  de  Rome  ,  dans  lequel  eft  cette  claufe. 
L'efîet   de    ce  refcrit   eft    de   valider  une 
provifion  qui  auroit  pu  être  attaquée  pour 
quelque  défiut  qui  s'y  trouvoit  renfermé. 
Ces  fortes  de  refcrits  ne  s'obtiennent  que 
quand  les  provifions  ont  été  expédiées  par 
bulles  j  car  quand  elles  ont  été  expédiées 
par  fîmplc    iîgnature  ,   on  les  rectifie  par 
une    autre  fignature    appellée   eut   prias   y 
à   laquelle  on  met  la   même  date   qu'à  la 
première.    Il    n'en   eft  pas  de    même    des 
refcrits    ou    provifions  avec  la  claufe  per- 
ind}-valere  ,    elles    n'ont    d'effet    que    du 
jour  de   leur  date  5  de   forte  que    fi  encre 
les  premières    provifions  &  les  nouvelles  , 
quelqu'un   en  avoit  obtenu  de  régulières  , 
elles  prévaudroient.  Voyei^  Amidénius  y  dt 
ftylo  datariœ  y.  c.  ix.{  A) 

PÉRINÉE  ,  f.  m.  (  Anat.  )  eft  le  nom 
que  les  anatomiftes  donnent  à  Pefpace  qui 
eft:  entre  le  fondement  &  les  parties  géni- 


P  E  R  34 

raies.  C'eft  proprement  la  future  ligamen- 
teufe  qui  joint  enfemble  ces  deux  parties. 
Les  latins  l'appellent  interflvmincum. 

Ce  mot  eft  formé  des  mots  grecs  TSf  / , 
autour  y   ÔC  vAiîiv  ,  habiter. 

PÉRINÉE  (  maladie  du)  ^  {  Médecine..  ) 
l'endroit  placé  entre  le  fondement  Ôc  les 
parties  génitales  ,  connu  fous  le  nom  de 
périnée  ,  qui  dans  les  hommes  occupe 
Tefpace  qui  fe  trouve  entre  le  gros  inteftin 
&  Puretre  ;  mais  qui  ,  dans  les  femmes  , 
eft  entre  le  niême  gros  boyau  &  le  vagin  , 
&  fe  trouve  iujet  à  quelques  maladies  par- 
»ticulleres. 

Souvent,  ^ns  les  hommes  ,  la  contufion 
du  périnée  produit    wie  fupreftion  d'urine; 
dans  les  femmes  ,   le  déchirement  de  cet-te 
jjartie  ,  fuite  d'un  accouchement  trop  dif- 
ficile ,    ou   du    peu    de    précaution   d'une 
fage-femme  dans  l'accouchement  ,    venant 
à  caufer  une  efcarre  ,  laifte  après  fa  fépa- 
ration    une    incontinence   d'excrémens  ,   à 
laquelle  on   ne    peut   remédier.  Les  aLcès 
de  cette  partie  ,  les  ulcères ,  les  blclTures  , 
les  fiftules  ,  les  hémorrhagies ,  fe  guériflent 
plus  difficilement  qu'autre  part.  Le  calcul 
qui  s'y  trouve  attaché  doit  être  enleyié  par 
la  fedion.  Le  fentimcnt  du  froid  qu'éprou- 
vent  les  femmes    enceintes  ,    fe  rapporte  ' 
aux   fignes  qui  annoncent  la  mort  de  l'en-' 
fant    dans  le    fein    de  fa    mère.   Enfin   U 
tumeur  qui  arrrive  à  cette  partie  dans  les 
hommes ,  eft  fouvent  fuivie  de  la  fupreflîon 
d'urine.  (£?./.) 

PERIN-KARA  ,  f.  m.  (  Sot.  exot.  ) 
grand  olivier  fauvage  ,  qui  croît  dans  le 
Malabar.  Son  fruit  efl  de  couleur  bleue- 
purpurine  lorfqu'il  eft  mur  ,  &  d'un  goût 
douçâ'-re,  mêlé  de  quelque  acidité;  mais 
fa  couleur  eft  jaunâtre  quand  il  eft  verd  , 
&  alors  fon  goût  eft  très-auftere. 

PERIN-NINOURI  ,^(  Bot.  exot.  )  nom 
qu'on  donne  ,  dans  VHortus  éÊabbaricus  , 
à  un  arbrilTcau  du  Malabar  ,  qui  porte  des 
baies ,  dont  le  noyau  contient  fix  amendes. 
Cet  arbrifïeau  méritoit  d'être  caradérifé 
plus  au  long.  {  D.J.) 

PERIN   PANEL,  {Bot.  exot.)  arbrif- 
feau  du  Makbar  ,    portant  des    fleurs  en 
grappes,  &  des  baies  oblongues,  qui  ren- 
ferment   quatre    femences.    Il  donne    des- 
fleurs  &  du  fruit  toute  l'année.  On  com- 


34i  P  E  R 

pofe  de  fès  fleurs  &  de  Ton  fruit  ,  avec 
un  peu  de  poivrc-!ong  ,  &  de  graine  de 
cumin ,  une  boiflbn  vantée  dans  le  pays 
pour  la  toux  ,  Pafthme  ,  èc  autres  maladies 
des  poumons.  On  fe  fert  de  fes  feuilles 
&  de  Ton  écorce ,  cuites  dans  une  infufîon 
de  riz  ,  pour  les  appliquer  en  forme  de 
cataplafmes  fur  les  tumeurs  qu-'on  veut 
amener  à  fuppuration. 

PERINTHE  ,  (  Géogr.  anc.  )  Pcrin- 
tus  ,  Terinthos  ;  ville  nommée  autrement 
Héraclée  de  Thrace ,  fituée  fur  la  Pro- 
pontidej  félon  Ptolomée , //3.  III ,  c.  xj  , 
à  54*^.  &  50'  de  long,  &c  ^i^.  10.  de 
latit.  è 

Ce  fut  cette  ville  qui  réfifta  la  première 
aux  Perfes  ,  &  dont  la  prife  facilita  à 
Mécabife  ,  lieutenant  de  Darius,  la  con- 
quête du  refte  de  la  Thrace.  Hérodote 
rapporte  qu'il  ne  put  s'en  emparer  que  par 
le  (ecours  des  Péoniens  ,  qui  l'attaquèrent 
à  J'improvifte.  On  fait  le  plaiiant  défi  que 
les  Périnthiens  firent  alors  aux  Péoniens  ; 
ils  les  appellerent  en  trois  fortes  de  duels  , 
l'un  d'hommes ,  Pautre  de  chevaux  ,  & 
le  troifieme  de  chiens  ;  &:  comme  ils  fe 
réjouîfloient  en  chantant  l'hymne  de  la 
viâroire  ,  qu'ils  avoient  déjà  remportée 
dans  le  premier  &  le  fécond  défi  ,  les 
Péoniens  profitant  du  moment  favorable 
où  les  Périnthiens  étoient  ,  plongés  dans 
i'ivreflè  &  la  fécurité  ,  les  taillèrent  en 
pièces  ,  &:  fe  rendirent  maîrrcs  de  leur 
capitale. 

Philippe  ayant  formé  le  projet  de  fubju- 
gner  la  Grèce  ,  ravagea  les  terres  des 
Périnthiens ,  Ôc  tâcha  de  s'emparer  de 
leur  capitale  ;  mais  les  Athéniens  fecou- 
rurent  vivement  Périnthe ,  &  Philippe  fut 
obligé  d'abandonner  cette  entreprife.  C'eft 
à  ce  fujet  que  les  Périnthiens  firent  en 
faveur  des  Athéniens  leurs  bienfaiteurs ,  un 
décret  dlf^^lus  honorables  ,  dont  Démof- 
îhene  a  donné  le  détail  dans  fa  harangue 
pour  Ctéiîphon. 

Ce  fut  un  Hcraclius,  prince  de  Canf- 
tantinople  ,  qui  changea  le  nom  de  cette 
ville  en  celui  d'Héraclée.  Elle  efl:  fameule 
par  fon  exarque  ,  dont  l'évêque  de  Conf- 
îantinojple  relevoic  encore  fous  l'empereur 


PER 

Conftantîn.  Cette  prééminence  dura  juf. 
qu'au  premier  concile  de  Conftantinople , 
qui  en  dépouilla  Héraclée  ,  pour  attacher 
tous  les  honneurs  du  patriarchat  au  fiege 
de  la  nouvelle  P.ome. 

Cette  ville  eft  encore  afïèz  peuplée  pour 
le  pays  ,  mais  on  n'y  trouve  plus  que 
quelques  vertiges  de  fon  ampithéatre  fi 
vanté  par  les  anciens  ;  cependant  M. 
Buonaroti  ,  dans  fes  obfervations  ,  fupra 
alcuni  Medaglioni  Antichi  ,  a  raflemblé 
tout  ce  que  l'hiftoire  &  la  fable  difenc  de 
Périnthe  \  l'ouvrage  eft  digne  du  nom  de 
l'auteur  :  dans  la  race  de  Michel-Ange ,  il 
n'eft  pas  permis  d'être  un  homme  mé- 
diocre. (  D.  /.  ) 

PERIOCHA  ,  mot  purement  latin  Se 
dérivé  du  grec  Têf/oKi? ,  argument  ou  fom- 
maire  qui  indique  ce  qu'un  difcours  contient, 
^oje^  Argument. 

PÉRIODE  ,  f.  f.  en  terme  (TaJJrono- 
mie  ,  eft  le  temps  qu'une  planète  met  à 
fiire  fa  révolution  ,  ou  la  durée  de  ion 
cours ,  depuis  qu'elle  part  d'un  certain 
point  des  cieux  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  retourne 
à  ce  même  point. 

La  période  du  foleil  ,  ou  plutôt  de  la 
terre,  eft  de  365  jours  ,  5  heures  49 
minutes.  Celle  de  la  lune  eft  de  27  jours , 
7  heures  ,  43  minutes.  Voye\^  Soleil  ) 
Lune  ,  6'c.  Les  périodes  des  comètes 
iont  encore  inconnues  pour  la  plupart.  Il 
y  en  a  néanmoins  quelques-unes  dont  on 
croit  connoirre  les  périodes  :  une  ,  par 
exemple  ,  dont  on  fait  que  la  période  eft 
de  7)  à  7<5  ans  &  qu'on  a  revue  en 
1759  ;  une  autre  dont  on  croit  que  la 
période  eft  de •129  ans  ,  &  qu'on  attend 
en  1789  ou  1790;  une  autre  enfin  dont 
on  croit  que  la  période  eft  de  575  ans  , 
c'eft  la  fameufe  comète  de  1680.  Voyei^ 
Comète. 

H  y  a  une  admirable  harmonie  entre 
les  diftances  des  planètes  au  foleil  ,  &: 
leurs  périodes  autour  de  cet  aftre  ,  la  loi 
de  cette  harmonie  eft  que  les  quarrés  des 
temps  périodiques  font  toujours  comme 
les  cubes  des  moyennes  diftances  au  foleil. 
Voye-{^  Planète.  Voici  ces  périodes  ^ 
CCS  moyennes  diftances. 


P  E  R 


Jours. 

Saturne 10579 

Jupiter 4332- 

Mars <?86 

La  Terre.,.       365 

Vénus 2.14 

Mercure....  87 


Heures 

6 

II 

^3 
6 

16 

2? 


5^ 

20 

9 
49 
15 


" 

Moy.  dift. 

z6 

953800 

35 

5101 10 

30 

151569! 

30 

I 00000 

i4 

71333 

53 

38710 

Période  ,  en  terme  de  chronologie  , 
fignifie  une  époque  ou  un  intervalle  de 
temps  pai  lequel  on  comte  les  années ,  ou  une 
fuite  d'années  au  moyen  de  laquelle  le  temps 
cft  mefuré  de  différentes  manières  ,  dans  dif- 
férentes occafions  ,  àc  par  des  nations  diffé- 
rentes, ^oy.  Temps. 

Telles  (ont  les  périodes  callippique  &  mé- 
thonique  ,  qui  étoient  deux  différentes  cor- 
refttons  du  calendrier  grec  j  lapénoJe  julienne 
inventée  par  Jof.  Scaliger  j  la  période  vido- 
ricnne ,  ùc. 

PÉRIODE  CALLIPPIQUE,  ainfl  nomméc  dc 
Callipus  Ton  inventeur  ,  eft  une  fuite  de  76 
ans  qui  reviennent  continuellement  ,  &  qui  , 
étant  écoulés ,  redonnent  les  pleines  &:  les 
nouvelles  lunes  au  même  jour  de  l'année 
folâire. 

L:\  période  callippique  a  été  inventée  pour 
perfedionner  hpériode  méthonique  de  19  ans  ; 
cette  dernière  période  ne  fe  trouvant  pas  aflèz 
exade  ,  Callippus  ,  athénien ,  la  multiplia 
par  4,  &  forma  ainfl  la.  période  callippique. 
V.  Callippique. 

Période  constantinopolitaine  ,  efi:  la 
période  dont  fe  fervent  les  Grecs  :  elle  elt  la 
même  que  la ;7mode  julienne.  if^oje:^PERioDE 
julienne. 

période  dïonysienne  ,  ainfl  appellée  dc 
Denis  le  Petit,  fon  inventeur ,  eft  la  même 
chofe  que  la  période  vidorienne.  Voy.  Pé- 
riode victorienne. 

Période  d^Hypp arque  ,  efl  une  fuite 
de  304  années  folaires  qui  reviennent  con- 
tinuellement ,  &  qui ,  félon  Hypparque  , 
redonnent  en  revenant  les  pleines  &  les 
nouvelles  lunes  au  même  jour  de  l'année 
folaire. 

Cette  période  n^eft  autre  que  la  période 
callippique  multipliée  par  4.  Hypparque 
faifoit  l'année  folaire  de  365  jours  5  heures, 
55'  II'  ;  &  delà  il  concluoit  qu'en  304 
ans  la  période  callippique  devroit  errer 
d'un  jour  entier,  C'cfl  ee  qui  l'engagea  à 


PER  343 

multiplier  cette  période  par  4  ,  &  à  ôter  du 
produit  un  jour.  Mais  cette  corredion  ne 
fait  pas  revenir  les  pleines  &  les  nouvelles 
lunes  au  même  jour  de  la  période  ;  car  il 
y  en  a  qui  anticipent  d'un  jour ,  8  heures  , 

I  II  ni 

13   ,    19    ,    10     . 

Période  julienne  ,  eft  une  fuite  de 
7980  ans ,  qui  vient  de  la  multiplicatioii 
des  cycles  du  foleil  ,  de  la  lune ,  &  des 
indidions  l'un  par  l'autre  ;  c'eft-à-dire  ,  - 
des  nombres  18  ,  19  ,  15.  Elle  com- 
mence au  premier  janvier  dans  Pannée 
julienne. 

Chaque  année  de  la  période  julienne  a 
fon  cycle  folaire  ,  fon  cycle  lunaire  ,  &: 
fbn  cycle  d'indidions  particulier  ;  de  forte 
qu'il  n'y  a  point ,  dans  toute  l'étendue  de 
cette  période ,  deux  années  qui  aient  à  la 
fois  le  même  cycle  folaire  ,  le  même  cycle' 
lunaire  ,  &  le  même  cycle  d'indidions  : 
d'où  il  s'enfuit  que  toutes  les  années  de  la 
période  julienne  font  dilHnguées  les  unes  des- 
autres. 

Cette  période  fut  inventée  par  Scaliger  ^- 
comme  renfeimant  toutes  les  époques  ,  pour 
faciliter  la  rédudion  des  années  d'une  époque 
donnée  à  celles  d'une  autre  époque  pareille- 
ment donnée.  Elle  s'accorde  avec  l'époque 
ou  période  conftantinopolitaine  ,  qui  étoit  en . 
ufage  parmi  les  Grecs  ;  avec  cette  différence , 
que  les  cycles  folaires  &  lunaires,  Se  celui 
des  indidions  ,  s'y  comptent  différemment , 
8c  que  la  première  année  de  la  période  julienne- 
difïêre  de  celle  de  la  période  conftantino- 
politaine. 

Période  ou  Cycle  méthodique  ,  appelle 
aufTî  cyc/s  lunaire  ^  eft  une  fuite  de  19' ans  , 
au  bout  de  (quels  les  pleines  &  les  nouvelles 
lunes  fbnr  fuppofées  revenir  au  même  jour  de 
l'année  folaire.  Oii  a  appelle  cette  période 
méthonique ,  du  nom  de  fon  inventeur  Merlion, 
Voye-:^  Méthonique.   Voye-j^^  aujjî  Cycle. 

Période  victorienne  ,  eft  un  inter- 
valle de  531  années  juliennes,  au  bouc 
defquellès  les  nouvelles  &  les  pleines  lunes 
,  reviennent  au  même  jour  de  l'année  ju- 
lienne ,  félon  le  Sentiment  de  Vidorinus  , 
ou  Vidorius  ,  qui  vivoit  fous  le  pape 
Hilaire. 

Qvielques  auteurs  attribuent  cQtte  p^''rioie 
à  Denis  le  Petit,  &  l'appellent   pour  cette 


344  V  EK 

raiion  période  dionyfienne  :  d^autres  l'ap- 
pellent grand  cycle  pafchal ,  parce  qu'elle  a 
été  inventée  pour  trouver  le  temps  de  la 
pâque ,  &c  que  dans  l'ancien  calendrier  ,  la 
fcre  de  pâque ,  au  bout  de  /  3  i  ,  ans  ,  tombe 
au  même  jour. 

La  période  viâ:orienne  fe  trouve  en  mul- 
tipliant le  cycle  lunaire  19  par  le  cycle 
folaire  iS  5  le  produit  de  ces  deux  nombres 

Mais  il  s'en  faut  quelquefois  d'un  jour , 
16  heures  ,  j8' ,  59"  ,  40'' ,  que  les  pleines 
&  les  nouvelles  lunes  ne  retombent  au 
même  jour  dans  cette  période.  Charniers. 
(0) 

Période     chaldaïque  ,     V.    Saros. 

Période  ,  en  termes  de  grammaire  & 
de  rhétorique  ,  eft  une  petite  étendue  de 
difcours  qui  renferme  un  fens  complet  , 
dont  on  diftingue  la  fin  par  un  point  (.)  , 
&  les  parties  ou  diviiions  par  la  virgule  (,) , 
ou  par  le  point  avec  la  virgule  (  ;  )  >  ou 
par  les  deux  points  (:).  J^oye^  Pensée  & 
Point. 

Le  père  de  Colonia  définit  la  période 
une  penfée  courte  ,  mais  parfaite  ,  com- 
pofée  d'un  certain  nombre  de  membres  , 
&  de  parties  dépendantes  les  unes  des 
autres  &  jointes  cnfemble  par  un  lien 
cpmmun. 

La  période ,  fuivant  la  fameufe  définition 
d'Ariftote  ,  eft  un  difcours  qui  a  un  com- 
mencement 5  un  milieu  &  une  fin  ,  qu'on 
peut  voir  tout-à-la-fois.  Il  définit  aulli  la 
période  compofée  de  membres ,  une  élo- 
cution  achevée ,  parfaite  pour  le  fçns  ,  qui 
a  des  parties  diftinguées ,  Se  qui  eft  facile  à 
prononcer  tout  d'une  haleine. 

Un  auteur  moderne  définit  la  période 
d'une  manière  beaucoup  plus  courte  &  plus 
claire  :  une  phraie  compofée  de  plufieurs 
membres  ,  liés  entr^eux  par  le  fens  &c  par 
l'harmonie. 

On  diftingue  en  général  de  deux  fortes 
de  périodes  ,  la  période  fimple  ÔC  la  pé- 
riode compofée.  La  période  fimple  eft  celle 
qui  n'a  qu-'un  membre  ,  comme  ,  la  vertu 
feule  ejl  la  vraie  noblejfe  :  c'eft  ce  qu'on 
appelle  autrement  propofitien  \  les  Grecs 
Ja  nommoient  fjt.ovoKo?,o{ .  La  période  com- 
pofée eft  celle  qui  a  plufieurs  membres 
^  l'on  en  diftingue  de  trois  fortes  j  favoir 


P  ER 

la.  période  k  deux  membres  ,  appellée  par  les 
Grecs  J'iKohos ,  &  par  les  Latins  bimembris  j 
la  période  à  trois  membres  ,  rçuo^os ,  trimem- 
bris  \  &  celle  à  quatre  membres ,  lîifAKQKfi ,  ou 
quadrimembris. 

Une  vraie  période  oratoire  ne  doit  avoir 
ni  moins  de  deux  membres ,  ni  plus  de  quatre  : 
ce  n'eft  pas  que  les  périodes  fimples  ne  puif- 
fent  avoir  Ueu  dans  le  difcours ,  mais  leur 
brièveté  le  rendroit  trop  découfu  ,  &,  en 
banniroit  l'harmonie  ,  pour  peu  qu'elles  y 
fuftènt  multipliées. 

Dès  qu'une  période  paffe  quatre  membres  , 
elle  perd  le  nom  de  période  &  prend  celui 
de  difcours  périodique. 

Voici  un  exemple  d'une  période  à  deux 
membres  ;  tiré  de  Cicéron  ;  Ergb  &  mihi  meœ 
vitcc  priftinœ  confuetudinem  ,  C,  Cœfar  ,  //z- 
terclufam  aperuijii  (  premier  membre  )  ,  ù 
/lis  omnibus  ad  ben}  de  republicâ  fperandum  , 
quaji  fignum  aliquod  fufiulijii  (  fécond 
membre  ). 

Exemple  de  la  période  à  trois  membres  : 
Nam  cum  antea  per  œtatem  hujus  loci  auclo- 
ritatem  contingere  non  auderem  (  premier 
membre  )  »  Jlatueremque  nihil  hue  nifi 
perfeclum  ingenio  elaboratumque  indujlriâ  afferri 
oportere  (  fécond  membre  )  ,  omne  meum 
tempus  amicorum  temporibus  tranfmittendum 
puîavi  (  troifieme  membre  ).  Cic.  pro  lege 
Maniliâ. 

On  trouve  un  exemple  de  la  période  à 
quatre  membres  dans  la  belle  defcription 
que  fait  le  même  orateur  du  fupplice  des 
parricides  qu'on  jetoit  dans  la  mer  enfermés 
dans  un  fac  :  ità  vivunt  y  ut  ducere  animam 
de  cœlo  non  queant  (  premier  membre  j  ità 
(  moriuntur  ,  ut  eorum  ojfa  terra  non  tangat 
fécond  membre  :  itk  jaclantur  fluclibus  ,  ut 
nunquàm  ahluantur  (  troifieme  membre  )  ;  itl 
pofiremo  ejiciuntur  ,  ut  ne  ad  faxa  quiâem 
mortui  conquiefcint{  quatrième  membre  ).  Cic. 
pro  Rofcio  Amer i no. 

Les  anciens  orateurs  obfervoicnt  aftèz 
fcrupuleufement  les  tregles  de  l'art  pour  la 
mefure  ,  l'étendue  &|  l'harmonie  des  périodes 
daws  leurs  harangues  ;  mais  dans  les  langues 
modernes ,  on  eft  beaucoup  moins  févere  ou 
plus  négligent. 

Selon  les  règles  de  l'art  oratoire  ,  les 
membres  d''une  période  doivent  être  égaux 

au 


P  E  R 

ira  moins  à-peu-près,  afin  que  les  repos 
ou  fufpenfions  de  la  voix  à  la  fin  de  chaque 
membre ,  puiffent  être  à-peu-près  les  mê- 
mes :  mais  on  n'a  point  d'égard  à  cette 
règle,  quand  ce  qu'on  écrit  n'eft  pas  def- 
tiné  à  être  prononcé  en  public. 

Le  difcours  ordinaire  &  familier  admet 
des  périodes  plus  longues  &  plus  courtes 
que  les  périodes  oratoires.  Dans  un  dif- 
cours public,  les  périodes  trop  courtes  , 
&  pour  ainli  dire  mutilées  ,  nuifent  au 
grand  &  au  fublime  dont  elles  interrom- 
pent la  marche  majeftueufe.  Au  contraire, 
les  périodes  trop  longues  l'appefantiiTent 
cette  marche,  tiennent  l'efprit  de  l'audi- 
teur dans  une  fufpenfion  qui  produit  fou- 
vent  de  l'obfcurité  dans  les  idées.  D'ail- 
leurs ,  la  voix  de  l'orateur  n'eft  pas  affez 
forte  pour  foutenir  le  >ton  jufqu'au  bout; 
on  fait ,  à  cet  égard  ,  les  plaifanteries  qu'on 
a  faites  fur  les  longues  périodes  de  Maim- 
bourg.  Phalarée  ,  Hermogene  ,  Térence 
&  les  autres  rhéteurs  ,  bornent  à  quatre 
membres  h  jufte  longueur  de  la  période, 
appellée  par  les  latins  ambitus  &c  circuitus^ 
félon  ce  diftique  : 

Quatuor  è  membrls  pUnumformare  vîdebis 
Rhctora  cïrcuitum  ;Jîve.  ambitus  ilU  vo- 
catur, 

C'efl;  aufll  le  fentiment  de  Cicéron  ,  qui 
dit  dans  l'orateur  :  confiât  ilU  ambitus  & 
phna  comprehenjio  ex  quatuor  fere  parti- 
bus  ,  qucz  membra  dicuntur  ^  ut  &  aures  ' 
imphat  &  ne  hrevior  fit  quàm  fatis  ejl 
nequc  longior. 

Cet  orateur  nous  fournit  un  exemple 
du  difcours  périodique  ,  dans  l'exorde  de  1 
Toraifon  pour  le  poète  Kxc\\\2LS:fi  quid  in  l 
me  fit  ingenii  ,  judices  ,  quod  fentio  quàm  \ 
Jitexiguum,autfiquaexercitatio  dicendi  ^  \ 
in  qud  me.  non  inficiormediocriter  ejfe  ver-  | 
fatum  y  aut  fi  hujufce  rei  ratio  atque  ab 
optimarum   artium  fludiis    &  difcipLind 
profecîa  à  qud  ego  confiteor  nullum  cetatis  ' 
meœ  tempus  abhorruijje ,  earum  rerum  om-  \ 
nium  vcL  imprimis  hic  AuL  Liciniusfruc- 
tum  à  me  repetere  proprio  fuo  jure  débet. 

Il  y  a  encore  des  périodes  qu'on  nomme 
rondes^  &  cP^iitres  qu'on  nomme  quarrées^ 
à  caufe  de  leur  conftrufflion  6c   de  leur 
Tçmi  XXV, 


chute  différentes.  La  période  quarrée  eft 
cdie  qui  eft  compofée  de  trois  ou  quatre 
membres  égaux ,  diftingués  l'un  de  l'autre , 
comme  celle  que  nous  avons  citée  fur  le 
châtiment  des  parricides ,  ou  celle-ci  de 
M.  Fléchier:7?iVf.  de  Turenné  n^avoit  fu 
que  combattre  &  vaincre  (premier  mem- 
bre ,  )  s'il  ne  s'était  élevé  au  dejjus  des 
vertus  humaines  ("fécond  membre.,^  fi  fa 
valeur  &  fa  prudence  n  avaient  été  animées 
d'un  efprit  de  foi  6*  de  charité  ("troifiemc 
membre,^/V  le  mettrais  au  rang  des  Fabius 
&  des  Scipions  (quatrième  membre.)  Tous 
ces  membres ,  comme  on  voit ,  ont  en- 
tr'eux  une  jufte  proportion. 

La  période  ronde  eft  celle  dont  les  mem- 
bres font  tellement  joints  ,  &  pour  ainft 
dire  enchâftes  les  uns  dans  les  autres,  qu'à 
peine  voit-once  qui  les  unit;  de  forte  que 
la  période  entière  coule  avec  une  égalité 
parfaite  ,  fans  qu'on  y  remarque  de  repos 
confidérables  :  telles  font  les  périodes  de 
Cicéron  à  deux  &:  à  trois  membres  ,  rap- 
portées ci-deffus. 

D'autres  appellent  période  ronde  celle 
dont  les  membres  font  tellement  difpofés , 
qu'on  pourroit  mettre  le  commencement 
à  la  fin,  &  vice  verfd ^  fans  rien  ôter  au 
fens  ni  à  l'harmonie  du  difcours ,  &  ils  en 
citent  pour  exemple  cette  période  de  Ci- 
céron ifiquantiim  in  agro  locifque  defertis 
audacia  potefi  ^tantùminforo  atque judicii 
impudentia  valtret^  non  miniis  in  caufd 
cederet  Aulus  Cœcina  Sexti  ^butii  im^- 
pudentiae ,  quàm  titm  in  vi  faciendd  cefjle 
audaciat  ;  car  on  pourroit  la  commencer 
par  ces  mots  :  non  miniis  in  caufd  cede^ 
ret ,  &c.  fans  que  la  penfée  ni  le  nombre 
oratoire  en  fouffriftent. 

Enfin  ,  on  appelle  période  croifée  > 
periodus  decuffata ,  celle  dont  les  membres 
font  oppofés ,  telle  qu'eft  celle  qu'on  vient 
d€  lire  ;  ou  celle-ci  de  M.  Fléchier  :  plus 
grande  dans  ce  dépouillement  de  fa  gran- 
deur ^  &  plus  glorieuj'e  lorfqu^ entourée  de 
pauvres  y  de  malades^  ou  de  mourans  ^ 
elle  participait  à  l'humilité  &  à  la  pa- 
tience de  J.  C.  que  lorfqu' entre  deux  haies 
de  troupes  viclorieufes  ^  dans  un  char  bril- 
lant &  pompeux ,  elle  prenait  part  à  la 
gloire  &  aux  triomphes  de  fan  époux.  On 
en  trouve  un  grand  nombre  de  cette  efpece 


346  P  E  R 

dans  cet  orateur  ,  qui  donnoit  beaucoup  & 
peut-être  trop  dans  les  antithefes. 

Au  demeurant ,  il  n'y  a  guère  de  loix 
à  prefcrire  fur  l'emploi  de  la  période.  En 
général,  le  commencement  d'un  difcours 
grave  &  noble  fera  périodique  ;  mais  dans 
le  cours  de  fa  harangue  ,  l'orateur  fe  laifie 
diriger  parle  caradere  de  fes  penfées,  par 
la  nature  de  {es  images ,  par  le  fujet  de  fon 
récit.  Tantôt  fes  phrafes  font  coupées  , 
courtes ,  vives  &.  preffées  ;  tantôt  elles 
deviennent  plus  longues ,  plus  tardives  & 
plus  lenres.  On  acquiert ,  par  xmQ  longue 
habitude  d'écrire  ,  la  facilité  de  prendre 
le  rhithme  qui  convient  à  chaque  chofe  & 
à  chaque  inftant ,  prefque  fans  s'en  apper- 
cevoir  ;  &  à  la  longue  ce  goût ,  dont  la 
nature  donne  le  germe,  &  que  l'exercice 
déploie,  devient  très-fcrupuleux. 
.  PÉRIODE  ,  (^Belles-Lettres.)  fe  dit  aufîi 
du  caraftere  ou  du  point  (.J ,  qui  mar- 
que &  détermine  la  fin  des  périodes 
dans  le  difcours,  &  qu'on  appelle  com- 
munément plein  repos  ou  point.  Voyez 
Ponctuer. 

Le  P.  Buffier  remarque  qu'il  fe  rencon- 
tre deux  difficultés  dans  l'ufage  de  la  pé- 
riode ou  du  point  ;  favoir ,  de  la  diftinguer 
du  colon o\i  des  deux  points,  6>c  de  déter- 
miner précifément  la  fin  d'une  période  ou 
d'une  penfée. 

On  a  remarqué  que  les  membres  furnu- 
méraires  d'une  période,  féparés  des  autres 
par  des  colons  &  des  demi-colons ,  com- 
mencent ordinairement  par  une  conjonc- 
tion. Voye-{  Colon.  Cependant  il  eft 
certain  que  ces  conjonftions  font  encore 
plus  fouvent  le  commencement  d'une  nou- 
velle période  ,  que  des  membres  furnumé- 
raires  de  la  période  précédente.  C'eft  le 
fens  du  difcours  &  le  difcernement  de 
l'auteur ,  qui  doivent  le  guider  dans  l'u- 
fage qu'il  fait  de  ces  deux  dififérentes  ponc- 
tuations. Une  règle  générale  là-deUus  ,  & 
qu'il  faut  admettre ,  (i  Ton  ne  veut  pas 
renoncer  à  toutes  les  règles  ,  c'eft  que 
quand  le  membre  furnuméraire  eft  aufîi 
long  que  le  refte  de  la  période  ,  c'eft  alors 
une  période  nouvelle  ;  que  s'il  eft  beau- 
coup plus  court,  c'eft  un  membre  de  la 
période  précédente. 

I-a  fecon4e  difficulté  çonfifte  en  ce  qu'il 


P  £  R 

y  a  plufieurs  pl-iafes  courtes  &  coupées,' 
dans  lefquelles  le  fens  paroît  être  complet, 
&c  qui  néanmoins  ne  femblent  pas  être  de 
nature  à  devoir  fe  terminer  par  un  point. 
Ce  qui  arrive  fréquemment  dans  le  dif- 
cours libre  &:  familier  ;  par  exemple  :  v9us 
êtes  tous  en  fufpens  :  faites  promptement 
vos  propojîtions:  vous jerie\  blâmables  d'hé" 
fiter plus  long- temps.  D'où  l'on  voit  qu'il  y 
a  de  (impies  phrafes ,  dont  le  fens  eft  auiîi 
complet  que  celui  des  périodes ,  &  qui  , 
à  la  rigueur  ,  doivent  être  terminées  par 
des  points  ;  mais  leur  brièveté  fait  qu'on  y 
fubftitue  les  deux  points. 

PÉRIODE,  PÉRIODIQUE  ,  {Médec.  ) 
Ces  mots  font  tirés  du  grec  mpioios^  formé 
de  '^rg?/,  à  rentour^  &.  ô/è? ,  chemin  :  ils 
fignifient  littéralement  circuit  &c  circulai- 
re ;  les  phyfiologiftes  s'en  fervent  quelque- 
fois pour  déligner  la  circulation  du  fan  g; 
mais  ces  termes  font  plus  ufités  dans  la  pa- 
thologie. La  période  marque  proprement  le 
temps  qui  s'écoule  entre  les  accès ,  pa- 
roxyfmes  ou  redoublement  î^q.s  maladies 
intermittentes  ;  ainfila  période  comprend 
deux  temps ,  celui  du  paroxyfme  &  celui 
de  la  rémiftion.  Voy.  ces  mots,  La  période 
peut  être  fixe  &c  conftante  ,  ou  vague  ÔC 
indéterminée  ;  elle  eft  fixe  dans  la  plupart 
des  fièvres  intermittentes,  vague  dans  les 
fièvres  erratiques ,  &  pour  l'ordinaire  dans 
la  goutte  &  l'épilepfie  :  fa  durée  peut  varier 
beaucoup;  elle  eft  d'un  jour  dans  les  fiè- 
vres quotidiennes  ,  de  deux  jours  dans  les 
tierces,  de  trois  dans  les  quartes,  d'gn  an 
dans  les  annuelles,  quelquefois  de  plufieurs 
années  dans  la  goutte. 

On  donne  la  qualité  ou  l'épithete  de 
périodiques  à  toutes  ces  maladies  qui  éprou- 
vent pendant  un  certain  temps  des  alterna- 
tives de  bien  &  de  mal,  de  diminution  &: 
d'augmentation  àts  fymptomes ,  qui  ze{-' 
fent  même  tout-à-fait,  5(  recommencent 
enfuite  ;  diïnÇi périodique  peut  être  regardé 
comme  (y nonyrwQQ  intermittent.  La  caufe 
de  ces  maladies  ,  après  avoir  beaucoup 
exercé  les  médecins ,  eft  encore  pour  eux 
un  myftere  profond  ;  &  dans  le  fiecle  éclai- 
ré où  nous  vivons,  les  médecins  cherchent 
peu  à  le  pénétrer  ,  ayant  appris  par  les 
erreurs  de  ceux  qui  les  ont  précédés ,  com- 
bien les  recherches  dans  ce  genre  font 


P  E  R 

jpén'ibles,  &  combien  elles  ont  été  infruc- 
tueufes.  roye^  PAROXYSME,  FlEVRE 
INTERMITTENTE,  &c.  On  doit  fe  con 
tenter  de  fa  voir  que  toutes  les  maladies 
périodiques  affectent  principalement  les 
nerfs  ;  que  c'eft  cette  affection  nerveufe  qui 
eft  la  caufe  de  la  périodicité  ;  mais  on  ne 
peut  aller  plus  avant,  c'efî-là  le  me  plus 
uUrà\  l'adion  de  cette  caufe,  fon  mé- 
chanifme  ,  font  tout- à -fait  ignorée;  on 
n'en  connoît  que  les  effets.  Des  observa- 
tions pratiques  ont  appris  ,  i°.  que  ces 
maladies  n'étoient  pas  dangereufes,  ^//o- 
cumqui  modo  intermiferint  ,  {Hippocr. 
aphor.  4j  ,  lib.  If^;J  i'^.  qu'il  étoit  quel- 
quefois au  contraire  dangereux  de  les  faire 
cefTer  à  bonne  heure;  3°.  que  les  remèdes 
les  plus  propres  à  emporter  leur  périodi- 
cité ,  étoient  les  nerveux  antifpalniodiques 
amers  ,  vertus  qui  fe  trouvent  éminem- 
ment réunies  dans  le  quinquina,  remède 
anti-périodique  par  excellence.  J'ai  quel- 
ques obfervations  particulières  qui  m'ont 
conlîaté  une  vertu  femblable  dans  le  cal- 
tor,  la  rue,  l'affa-fétida  ,  &  autre  anti- 
hyftériques  ,  même  vis-à-vis  des  fièvres 
intermittentes  ;  mais  qu'on  n'oublie  jamais 
que  l'ufage  de  ces  remèdes  n'eft  pas  fur, 
&  qu'il  eft  d'autant  plus  à  craindre  qu'ils 
font  plus  efficaces.  Je  ne  m'arrêterai  point 
à  raflTembler  une  quantité  d'obfervations 
de  fièvres  intermittentes  trop  tôt  fufpen- 
dues  ou  coupées ,  comme  on  dit,  &  qui 
font  devenues  mortelles,  aiguës,  ou  qui 
ont  dégénéré  en  différentes  affedions  chro- 
niques très-fâcheufes.  La  goutte  fournit 
aufîi  àts  exemples  terribles  :  on  me  rap- 
portoit ,  il  y  a  quelques  jours ,  qu'une  per- 1 
fonne  ayant  pris  du  quinquina,  par  l'avis 
de  quelque  charlatan  ,  pour  guérir  une 
goutte  violente  dont  il  étoit  tourmenté  , 
fut  effe<^ivement  foulage  ,  les  accès  furent 
moins  forts  &  plus  éloignés  les  uns  des 
autres  ;  mais  il  mourut  peu  de  temps  après 
fubitement ,  viftime  de  l'ignorance  de  fon 
prétendu  guériffeur  Ô£  de  fa  propre  crédu- 
lité, fm) 

■  PÈRIODEUTE  ,  f  m.  (Hlft.  eccléf 
greq.)  officier  eccléluftique  ,  vifîte'ur  chez 
les  Grecs.  Le  concile  de  Laodicée  établit 
des  périodeutes  dans  les  bourgs  &  les  châ- 
teaux où  il  n'y  avoit  point   d'évêques  ; 


PER  347 

c'étolent  des  efpeccs  de  doyens  ruraux , 

6  on  les  appelloit  périodeutes ,  dit  Zona- 
ras  ,  parce  qu'ils  étoient  toujours  en  che- 
min ,  allant  de  côté  &  d'autre  pour  tenirles 
fidèles  dans  le  devoir.  Balfamon  les  nomme 
exarques ,  6c  les  Grecs  appellent  encore 
aujourd'hui  de  ce  nom  les  vifiteurs  des 
diocefes  que  les  patriarches  envoient  pour 
la  levée  des  deniers.  CD.  J .) 

PÉRIODIQUE,  adjecl.  {Ckronol.  & 
Afiron.'J  eft  ce  qui  termine  &  renferme 
une  période. 

Mois  périodique',  eu  l'efpace  de  temps 
où  la  lune  achevé  fa  période  ou  fon  mou- 
vement périodique.  Cet  efpace  eft  27  jours 

7  heures  43  minutes ,  après  lequel  elle  re- 
tourne au  même  endroit  du  zodiaque,  d'où 
elle  étoit  partie  au  moment  de  fa  conjonc- 
tion, yoyei  Mois  &  Lunaison. 

Périodique  fe  dit  en  général  de  ce  qui 
va  Se  revient  fuivant  quelque  loi  :  ainfi  on 
dit  que  les  accès  font  périodiques,  dans  les 
fièvres  intermitentes. 

On  appelle  auffi  ouvrage  périodique ,  de§ 
ouvrages  qui  paroiffent  régulièrement  à 
certains  intervalles  de  temps  égaux ,  com- 
me les  journaux  des  favans,  les  gazettes, 
&c.  [O) 

PÉRIODIQUE,  en  terme  de  Gramm, 
&  de  Rhétorique  ,  fe  dit  d'un  ftyleou  d'un 
dilcours  qui  a  du  nombre  &  de  l'harmonie, 
ou  qui  eft  compofé  de  périodes  travaillées 
avec  art.  Foye^  NOMBRE. 

Le  ftyle  périodique  a  deux  avantages  fur 
le  ftyle  coupé;  le  premier  ,, qu'il  eft  plus 
harmonieux  ;  le  fécond,  qu'il  tient  l'efprit 
en  fufpens.  La  période  commencée,  l'ef- 
prit de  l'auditeur  s'engage,  ôc  eft  obligé 
de  fuivre  l'orateur  jufqu'au  point  ,  fans 
quoi  il  perdroit  le  fruit  de  l'attention  qu'il 
a  donnée  aux  premiers  mots.  Cette  fuf- 
penfion  eft  très-agréable  à  l'auditeur,  elle 
le  tient  toujours  éveillé  &  en  haleine  :  ce 
qui  prouve  que  le  ftyle  périodique  eft  plus 
propre  aux  difcours  publics ,  que  le  ftyle 
coupé ,  quoique  celui-ci  n'en  doive  pas 
être  exclus  ;  mais  le  premier  doit  y  do- 
miner. 

PÉRIODIQUES  ('y'^tta:,)  {Antiq.  greqj 

Les  jeux  périodiques  étoient  ceux  qiu  fe 

célébroienc    toujours   après  une   cerraine 

révolution   d'années  ,    comme   les  jeux 

Xx  2 


348,  P  E  R 

olympiques ,  ies  Pythiens ,  les  ifthmlen.  & 
îes  néméens. 

PÉRIODONIQUE  (  Combat),  ou 
PÉRIODIQUE,  [An  numif.) ^^  mot 
précédé  de  C&r.  fe  trouve  en  abrégé ,  dr. 
Pcr.  fur  quelques  médailles  de  Sidon.  MM. 
Vaillant  oc  Spanheim  prétendent  qu'ils 
iignifient  urtamlna  periodonica  ^  &  qu'ils 
défignent  àt%  jtux  auxquels  étoient  admis 
exclufîvement  à  tous  les  autres  les  feuls 
athlètes  périodiques,  c'eft-à-dire,  ceux 
qui  avoient  déjà  remporté  la  vi6loire  dans 
ies  quatre  anciens  jeux  facrés  de  la  Grèce, 
iavoir ,  d'Olympie  ,  de  Delphes,  de  Né- 
niée  &  de  1  Iflhme  de  Corinthe  ;  avan- 
tage que  les  anciens  Grecs  exprimoient 
par  ces  termes:  v^ko.»  ■; wv Tif /OfToy ,  vaincre. 
Le  tour,  vaincre  le  période.  M.  Iffelin  com- 
bat cette  idée  de  MM.  Vaillant  &  Span- 
heim ,  &  penfe  que  ces  mots  Cer.  Per. 
lignifient  certamen  periodicum  ^  &  qu'ils 
marquent  fimplement  des  jeux  inftitués  à 
Sidon  ,  à  l'imitation  de  ceux  des  Grecs, 
&  qui  leur  refTembloient  dans  les  princi- 
paux points.  On  peut  lire  fes  raifons  dans 
Vhifloire  de  r  académie  des  Belles- Lettres  , 
tom.  III ,  pag.  41^  ,  m-ii  ;  &  cependant 
tenons-nous-en  à  l'opinion  de  MM.  Vail- 
lant &  Spanheim  fur  les  athlètes  périodo- 
niques  de  îa  Grèce.  En  effet ,  quand  Paufa- 
nias  aous  apprend  qu'Ergotelès  fut  pério- 
donique  ,  il  veut  dire  certainement  qu'il 
remporta  ùq^  prix  dans  les  quatre  jeux  fo- 
lemnels  de  la  Grèce;  les  Grecs  défignant 
ces  jeux  parle  nom  de  période.  Ergotelès 
fut  doublement  digne  du  titre  glorieux  de 
périodonique,  car  il  avoir  été  deux  fois 
vainqueur  dans  chacun  ;  auffi  lui  éleva  t-on 
dans  le  bois  de  Pife  ,  une  flatue  magnifi- 
que de  la  main  de  Lyfippe.  (^D.  J.) 

PÉRIŒCIENS,  (Co//«o5-J  en  grec 
nêf/o//.c/ ,  en  latin  Pericœi,  c'efl-à-dire,  qui 
font  tout  à  l'entour.On  nomme  périœciens, 
en  géographie,  des  habitans  delà  terre  fous 
les  mêmes  parallèles, c'eft-à-dire ,  à  même 
diftance  du  pôle  &  de  Téquateur ,  mais 
toujours  vers  le  même  polç.  Il  n'eft  pas 
péceflaire  qu'il  y  ait  180  degrés  de  diftance 
des  uns  aux  autres.  Le  mot  ne  dit  point 
cela;  il  fufiit  d'être  fous  le  même  para- 
lelle.  Par  exemple  ,  les  habitans  de  Char- 
kftown  dans  U  C<^roline3  de  Mit^uén^z 


PER 

au  Maroc ,  de  Candahar  en  Afte  ,  &c.  font 
périœcicns  l'un  à  l'autre  ,  par  rapport  a 
ce  qu'ils  habitent  fous  un  même  parallèle  » 
quoiqu'à  différentes  diftances  du  premier 
méridien. 

Les  peuples  qui  font  fous  un  même  pa- 
rallèle ,  ont  le  même  été  &  le  même  hiverj 
en  un  mot ,  les  mêmes  faifons ,  fauf  pour- 
tant la  différence  qu'y  peuvent  mettre  les 
qualités  du  terroir  plus  haut  ou  plus  bas  , 
plus  fec  ou  plus  humide ,  &c.  Ils  ont  les 
jours  également  longs  ,  &  les  nuits  de 
même,  c'eft-à-dire,  que  fi  le  plus  long 
jour  eft  de  vingt  heures  pour  le  peuple 
d'un  parallèle ,  tous  les  peuples  qui  font 
périceciens  à  fon  égard ,  ont  le  jour  aufli 
de  vingt  heures  dans  le  même  tour  du  fo- 
leil  ;  il  en  eft  de  même  des  nuits. 

Si ,  par  périceciens  on  entend  ceux  qui 
habitent  fous  un  même  parallèle  &  fous 
un  même  méridien  continué  au  delà  du 
pôle,  de  forte  que  les  deux  peuples  qui 
(ont périœciens  l'un  à  l'autre,  aient  précr- 
fément  la  même  latitude  ,  mais  une  lon- 
gitude différente  de  180  degrés  ;  alors  on 
conçoit  aifément  que  des  peuples  qui  ont 
entr'eux  ce  rapport ,  doivent  être  oppo- 
Çés  pour  le  jour  &  pour  la  nuit ,  quoiqu'ils 
comptent  la  même  heure ,  l'un  à  midi 
quand  l'autre  la  compte  à  minuit.  11  eft 
trois  heures  également  pour  l'un  Se  pour 
l'autre  ,  mais  l'un  compte  trois  heures  du 
matin  ,  &  l'autre  trois  heures  du  foir ,  &C 
ainfî  de  tous  les  autres  inftans  du  jour  & 
de  la  nuit.  En  ce  fens  ,  ce  qui  eft  au  cou- 
chant d'un  de  ces  peuples,  eft  à  l'orient  de 
l'autre.  Aux  jours  des  équinoxes ,  le  foleil 
fe  levé  pour  l'un  de  ces  peuples  ,  quand  il 
fe  couche  pour  l'autre.  (Z>.  /.) 

PÉRIOSTE,  f.  m.  (Anat.&  Phyfiol.) 
membrane  très-fine  qui  revêt  les  os  ;  elle 
eft  d'un  tiftu  fort  ferré  ,  parlemé  d'une  infi- 
nité d'artères,  de  veines  &  de  nerfs  qui  la. 
rendent  d'un  fentiment  très- exquis.  Déve- 
loppons la  ftru6lure  ou  périofie-,  c'eft  un 
beau  fujet  d'anatomie  phyfiologique. 

Le  périofte  enveloppe  non-feulement  les: 
parties  convexes  des  os  ,  mais  il  porte 
encore  des  vaifteaux  artériels  dans  leurs 
cellules  &  daiîs  leur  moelle ,  &  eft  par- 
feméd'un  nombre  incroyable  de  vaifteaux 
]  veineux  ;^  tant  grands  que  petits.  On  ikit 


P  E  R 

que  Clopton  Havers  a  démontré ,  dam  fon 
oftéologie^  que  tous  les  os  du  corps  humain 
font  couverts  d'une  membrane  très-déliée , 
extrêmement  fine ,  &  compofée  de  difFé- 
rens  lirs  de  fibres  placées  les  unes  fur  les 
autres  fans  s'entrelacer  ;  ces  fibres  font  pa- 
rallèles les  unes  aux  autres  ,  &  dans  la 
même  direction  que  la  longueur  de  l'os. 

Cette  membrane  eft  plus  épalffe  dans 
de  certains  endroits  que  dans  d'autres,  &: 
paroît  compofée  de  fibres  qui  fe  crolfent 
de  différentes  manières  ;  mais  cela  pro- 
vient des  mufcles  &  de  leurs  tendons,  qui 
s'infèrent  dans  le  période  avant  que  de 
s'unir  aux  os. 

Clopton  Havers  a  remarqué  que  le  pé- 
riofte  qui  couvre  les  os  n'exlfte  point  dans 
les  lieux  où  nalflent  les  ligamens  qui  unif- 
fent  les  os  articulés  ,  &  que  le  périofte 
s'étend  fur  les  liga  '•  ens ,  &  paffe  de  cette 
manière  à  l'os  adjacent  :  d'où  il  a  conjeftu- 
ré  que  ce  n'étoit  autre  chofe  qu'une  conti- 
nuation de  la  même  membrane,  qui  tirant 
fon  origine  de  la  dure-mere ,  couvroit  le 
crâne ,  s'étendolt  fur  la  furface  de  tous  les 
autres  os,  &  s'adaptoit  fi  parfaitement  à 
toutes  leurs  cavités  &  à  toutes  leurs  émi- 
nences,  qu'elle  couvroit  toute  leur  furface. 
Quant  à  la  partie  des  os  articulés  contenue 
fous  les  ligamens  qui  forment  les  capfules 
des  articulations ,  elle  eft  deftituée  du  pé- 
rlofte  ;  cette  membrane  s 'en  fépare,  &  paffe 
fur  les  ligamens  :  d'où  il  s'enfuit  que  rien 
n'entre  dans  les  os ,  ni  n'en  fort  que  par  le 
moyen  du  périofte. 

Tous  les  vaifTeaux  qui  entrent  dans  les 
os,  tant  pour  leur  nutrition  que  pour  leur 
accrolfifement  ,  qui  pénètrent  dans  leurs 
parties  cellulaires  ,  ou  qui  s'unifient  par 
des  trous  à  la  moelle  ramafiTée  dans  la 
cavité  qui  eft  au  milieu ,  ou  à  la  partie 
également  éloignée  des  extréniités  ,  tra- 
verfent  d'abord  le  périofte  ;  il  en  eft  de 
même  des  petites  veines  qui  rapportent  le 
fang:  d'où  il  s'enfuit  que  cette  membrane 
eft  d'une  nature  extrêmement  vafculaire  , 
ainfi  que  Ruyfch  l'a  démontré  dans  fes 
adverf.  décad.  3  ,  PI.  II ,  Jig.  8. 

D'ailleurs,  le  périofte  eft  fortemeat  uni 
aux  os  par  le  mc^yen  des  ramifications  des 
valffeaux  qui  le  iraverfent  pour  y  entrer , 
&  des  veines  qui  le  traverfent  derechef 


P  E  R  34^ 

pour  en  fortir  prefque  à  chaque  point.  Telle 
eft  la  caufe  de  fa  forte  adhéfion ,  fur-tout 
dans  les  jeunes  gens.  Pour  ks  vieillards^ 
en  qui  la  plupart  de  ces  vaififeaux  font  def- 
féchés,  on  a  remarqué  que  le  périofte  ne 
tenoit  que  foiblement  à  l'os. 

Clopton  Havers ,  furprls  de  l'adhéfion 
de  cette  membrane  avec  ks  os  ,  imagina  y 
avant  les  découvertes  de  Ruyfch  ,  qu'elle 
n'étoit  jamais  plus  grande  qu'à  cet  âge ,  où 
les  os  font  mous ,  &C  pour  ainfi  dire  glutl- 
neux.  Il  avoit  d'ailleurs  obfervé  que  le 
périofte  s'unlffoit  aux  os  par  de  petites 
fibres  qui  en  partoient ,  &  qui  pénétroient 
dans  leur  fubftance.  Ruyfch  démontra  dans 
la  fuite  par  fes  injeétions ,  que  les  fibres  de 
Clopton  Havers  étolent  de  petits  vaift^eaux 
qui  paftbient  du  périofte  dans  l'os  en  nom- 
bre incroyable.  Ce  ne  font  pas  ks  plus 
grands  os  feulement  qui  font  couverts  d'un 
périofte  vafculaire,  cela  leur  eft  commun 
avec  les  plus  petits  os  ,  même  avec  ceux 
de  l'oreille ,  quoique  d'habiles  anatomiftes 
aient  afiTuré  le  contraire.  La  cavité  inté- 
rieure du  tympan  a  fon  périofte  parfemé 
d'une  multitude  Innombrab'e  de  vaifi^eaux, 
ainfi  que  Ruyfch  l'a  démontré  par  la  figure 
qu'on  en  trouve  dans  la  neuvième  de  (os 
épîtres  anatomiques.  _ 

Les  os  ont  encore  un  périofte  intérieur, 
qui  enduit  &  couvre  les  cavités  qui  con- 
tiennent la  moelle  ,  dlftribue  ks  vaifleaux 
artériels  aux  véficules  médullaires,  &  re- 
çoit un  nombre  incroyable  de  valffeaux 
veineux ,  tant  grands  que  petits» 

Le  périofte  interne  ne  fe  repréfenfe  pa» 
aux  fens  fi  facilement  que  le  périofte  ex- 
terne :  cependant  il  n'y  a  point  de  doute 
que  cette  membrane  n'exifte,  &  qu'elle 
ne  foit  d'une  nature  fort  tendre,  puifque 
la  nature  a  jugé  à  propos  de  la  couvrir  d'uti 
os  pour  la  garantir  de  toutes  injures.  La 
dure-mere  couvre  le  crâne ,  &  lui  tient 
lîeu  de  périofte.  Mais  comme  c'eft  de 
cette  membrane  que  partent  les  gauies  qui 
enveloppent  les  nerfs  dès  leur  origine  de 
la  moelle  alongée  &  de  la  moelle  fpinale^ 
il  étoit  nécefiaire  que  fon  rifi^u  fut  tant  foit 
peu  plus  épais  &  plus  fort  ,  afin  qu'elle  pût 
fervir  à  ks  garantir» 

Le  périofte  Interne  étant ,  dans  ks  os 
creux  \qs  plus  confidérabks  j  mis  à  l'abri^ 


3  5©  ,    ,  P  E  R 

de  toute  offenfe ,  &  ne  fervant  qu'à  tapif- 
fev  leur  fiirface  intérieure  ,  &  à  recevoir 
des  vaiffeaux  ,  n'avoit  pas  befoin  de  la 
même  fermeté  &  de  la  même  force  que 
le  période  extérieur.  C'eft  fa  foiblefle 
extrême  qui  le  rend  difficile  à  découvrir. 
Il  eft  trôî-difficile  de  fuivre  la  continuité 
de  cette  membrane  dans  les  os ,  dont  la 
/urface  intérieure  eft  entièrement  cellulai- 
re ;  l'irrégularité  de  la  ftruélure  Se  du  tiffu 
ne  le  permet  pas. 

La  même  obfervation  n'eft  pas  plus  fa- 
cile vers  les  extrémités  des  gros  os  ,  où 
l'union  étroite  &  forte  des  lames  ofleufes 
les  rend  plus  folides,  &  où  ils  ont  une 
cavité  confidérable  deftinée  à  contenir  la 
moélie. 

Nous  lifons  dans  les  advtrf.  décad.  3  , 
de  Ruy  fch,  que  les  anatomiftes  ont  bazardé 
beaucoup  de  chofes.  fur  la  membrane  qu'ils 
fuppofent  fervir  d'enveloppe  à  la  moelle. 
Cet  auteur  prétend  qu'il  n'y  a  aucune  mem- 
brane commune  dont  la  moelle  foit  cou- 
verte dans  les  os ,  dont  les  cavités  font 
pleines  d'une  fubftance  offeufe  &rpongieu- 
ie  ,  ou  oiTeufe  &  filanienteufe  ;  ce  qui  ne 
feroit  point  furprenant ,  car  il  eft  évident 
qu'alors  la  moelle  n'eft  pas  ramaflee  dans 
une  feule  cavité  ,  mais  qu'elle  fe  trouve 
diftribuée  dans  plufieurs  cellules. 

Le  même  auteur  décrit  encore  dans  l'en- 
droit que  nous  venons  de  citer,  une  por- 
tion de  l'os  de  la  cuiffe  d'un  enfant.  Il  parut 
dans  la  cavité  de  cet  os,  divifé  avec  une 
fcie  ,  une  membrane  mince  comme  une 
toile  d'araignée,  qui  enveloppoit  la  moelle, 
&  qui  étoit  parfemée  de  petites  artères. 
Il  eft  donc  évident  qu'il  y  a  dans  la  cavité 
intérieure  des  os,  une  membrane  mince, 
telle  que  le  périofte  interne.  Ce  dont  il 
eft  permis  de  douter ,  c'eft  fi  cette  mem- 
brane appartient  à  la  moelle  ,  ou  il  elle 
tapiffe  l'os  en  qualité  de  périofte  inter- 
ne, ou  ft  elle  eft  deftinée  à  l'un  &  à  l'au- 
tre emploi. 

Si  nous  examinons  avec  attention  ce 
que  Clopton  Havers  dit  dans  (on  ofléolo- 
gie  nouvelle  de  la  ftrufture  de  la  moelle ,  il 
nous  paroîtroit  fort  vraifemblable  que  la 
membrane  en  queftion  en  eft  diftinguée  ; 
car  cet  auteur  avance  que  la  moelle  entière 
eft  contenue  fous  une  membrane  mince  St 


PE  R 

?  tranfparente  ,  qui  eft  en  quelques  endroits 
j  d'une  couleur  rougeâtre  ,  corr\me  s'il  y 
avoit  de  petits  vaifleaux  fanguins  ,  qui 
n'appartenoient  point  du  tout  à  h  mem- 
brane qui  fervoit  d'enveloppe,  &  qu'il  avoit 
féparée. 

On  lit  dans  cet  auteur,  immédiatement 
après  ce  que  nous  venons  de  citer ,  que  la 
membrane  dont  il  s'agit,  non-feulement 
eft  attachée  à  l'os  ^z^  petites  veines,  mais 
s'infinue  même  dans  les  pores  obliques , 
dont  la  furface  interne  à^s  os  eft  percée. 
A  s'en  tenir  à  cette  defcription,  on  pronon- 
cera fans  balancer  que  la  membrane  mince 
que  nous  examinons  ici ,  eft  adhérente  à  la 
furface  interne  des  os ,  &  que  des  vaifteaux 
forment  fous  elle  une  nouvelle  membrane 
qui  couvre  la  moelle  ;  &  conféquemment 
que  le  périofte  interne  eft  diftingué  de  la 
moelle  à  laquelle  il  eft  contigu. 

L'ufage  de  ce  périofte  interne  fera  non 
feulement  de  diftribuer  des  vaifteaux  arté- 
riels dans  les  véficules  médullaires  ,  &  de 
recevoir  à  leur  retour  des  véficules  médul- 
laires les  vaifteaux  veineux  ;  mais  encore  de 
faciliter  l'accroiffement  &  la  nutrition  des 
os ,  par  le  moyen  de  ces  vaifteaux  qui  en- 
trent dans  leur  fubftance  &  en  fortent. 

Il  y  a  telle  maladie  des  os,  qui  fuffiroit 
peut-être ,  par  les  phénomènes  qu'on  y 
remarque ,  pour  achever  de  confirmer  tout 
ce  que  nous  venons  de  dire  du  périofte 
interne.  Ruy  fch  ,  thefaur.  10  ,  n.  l'jç)  ^ 
donne  la  defcription  &  la  figure  d'un  cu- 
bitus carié  &  corrodé,  dans.la  cavité  duquel 
il  y  avoit  un  tuyau  offeux  ,  entièrement 
féparé  de  la  fubftance  extérieure  de  cet  os, 
&  mobile  en  tout  fens.  Il  eft  aftez  vraifem- 
blable que  la  partie  intérieure  de  l'os ,  à  la 
nutrition  de  laquelle  fert  principalement 
le  périofte  interne ,  ayant  été  aife^rtée  avec 
ce  périofte  même ,  la  partie  intérieure 
&  tubuîeufe  de  l'os  s'eft  léparée  de  fa  par- 
tie extérieure.  Delà  naiffenr  des  inflamma- 
tions dans  le  périofte  interne  ;  maladies 
qui  pafferont  à  l'os  qui  eft  contigu  ,  de 
même  qu'à  la  moelle  qui  eft  fubjacente. 
Mais  c'en  eft  aftez  fur  cette  matière.  {D.J.) 

Supplément  à  cet  article. 

Le  périofte  eft  ,  dans  l'homme  adulte  ^ 


P  E  R 

une  cellulofité  très-ferrée  &très-compa(fle 
qui  s'attache  à  toute  la  fur  face  de  tous  les 
os  du  corps  humain  ,  fans  exception  ;  les 
offelets  de  Touie ,  les  canaux  fémi-circulai- 
res,  le  limaçon  ,a  fon  période  bien  marqué 
&  bien  vafculeux. 

Dans  le  fœtus,  c'étoit  une  membrane 
beaucoup  plus  mince  &  plus  légèrement 
collée  à  l'os:  on  l'y  détache  avec  facilité , 
&  l'os  en  fort  comme  d'une  gaîne  ;  il  n'y 
a  guère  d'attache  encore  qu'à  l'union  du 
corps  de  l'os  à  l'épiphyfe.  Dans  l'adulte  , 
le  périofte  entre  dans  toutes  les  fentes , 
dans  tous  les  petits  puits,  6>c  dans  tous  les 
enfoncemens  de  la  furface  de  l'os ,  6c  s'y 
attache  avec  la  plus  grande  force;  il  pafle 
de  l'os  à  Tépiphyfefans  entrer  dans  l'inter- 
valle qui  les  féparoit  dans  le  tœtus  :  il  paffe 
enfuite  d'un  os  à  l'autre  :  c'eft  le  périofte 
qui  forme  des  capfules  articulaires  ;  cela  eu 
vifible  dans  le  fœtus.  Il  eft  vrai  que  des 
tendons,  des  ligamens ,  Scmême  des  muf- 
cles,  s'y  attachent  fouvent;  mais  le  fond 
de  la  capfule  eft  toujours  le  périofte  même. 

Ce  périofte  eft  extrêmement  vafculeux 
6c  s'injefte  aifément.  Les  dernières  bran- 
ches des  artères  profondes  de  chaque  mem- 
bre, s'y  vont  terminer,  &  y  forment  des 
réfeaux  :  chaque  artère  communique  ,  & 
avec  l'artère  fupérieure  ,  &  avec  celle  qui 
la  fuit  infërieurement  ,  6c  toute  la  fuite 
des  artères  des  os  fait  un  réfeau  non  in- 
terrompu. L'artère  médullaire  y  ajoute 
fouvent  une  branche. 

Dans  l'adulte  ,  ou  ne  voit  au  périofte 
que  ce  que  je  viens  de  dire  ;  dans  le  fœtus 
on  voit  beaucoup  davantage.  Non-feule- 
ment il  accompagne  l'artère  médullaire 
dans  fon  canal  ,  mais  il  entre  dans  tous 
les  intervalles  des  fibres  6c  des  lames  : 
des  vaiffeaux  l'y  accompagnent  ;  il  forme 
un  fyftême^e  Lim.es  6c  de  cloifon  ;  une 
cellulofité  continuée ,  qui  eft  le  fondement 
de  l'os.  Nous  l'avons  dit  ,  ce  fyftême 
devient  un  os  parfait  ,  quand  ,  au  lieu 
d'une  glu  animale  ,  la  terre  abforbante 
s'y  extravafe ,  6c  en  remplit  les  petites 
cellules. 

Il  eft  très-difficile  de  décider  s'il  y  a 
un  périofte  interne.  Il  n*eft  pas  douteux 
que  la  moelle  ne  foit  contenue  dans  une 
fuite  de  cellules  membraneufes ,  couvertes 


PER  551 

de  vaifteaux  ;  mais  il  n'eft  pas  facile  de 
dire  fi  cette  membrane  médullaire  s'atta- 
che à  la  furface  interne  de  l'os ,  comme  le 
périofte  s'y  attache  à  la  furface  externe. 

Je  pencherois  cependant  à  le  croire.  La 
membrane  médullaire  ne  fauroit  balotter, 
ni  fe  pafifer  d'attaches  ;  tout  eft  lié  dans  le 
corps  de  l'animal;  6c  cette  membrane  ne 
peut  avoir  d'attaches  que  par  de  petits 
vaifiTeaux  qui ,  de  la  cellulofité  médullaire  , 
entrent  dans  la  fubftance  de  l'os. 

Dailleurs ,  les  cellules  maftoïdiennes, 
ethmoïdiennes  ,  6c  les  finus  pituitaires  , 
font  fans  contredit  de  la  mêmeclafife  avec 
les  cellules  de  l'épiphyfe;  6c  ces  cellules 
ont  leur  périofte  bien  vifible. 

Le  périofte  a-t-il  des  nerfs,  a-t-il  du 
fentiment  ?  Je  traiterai  la  dernière  de  ces 
queftions  à  Variicle  SENSIBILITÉ.  Pour 
la  première  ,  on  doit  répondre  avec  pré- 
caution. Il  y  a  fans  doute  fur  le  péricrâne, 
fur  le  périofte  du  carpe  6c  du  tarfe  ,  des 
nerfs  qiù  y  rampent.  H  n'cft  pas  également 
fur  qu'ils  fe  perdent  dans  le  périofte  :  la 
dure -mère  en  manque  certainement  ,  6c 
on  n'a  pas  bien  fuivi  encore  ces  nerfs 
mous  du  périofte  :  ils  m'ont  femblé  fe  por- 
ter aux  mufcles  interofi^eux  dans  le  tarfe 
6c  dans  le  carpe  ;  61  je  n'ai  pas  remar- 
qué qu'ils  aient  donné  des  branches. 

Pour  la  queftion,  fiJe  périofte  eft  l'or- 
gane qui  forme  les  os  ,  voyei  l'an,  Os. 
(Jjf.   D.  G.J 

PÉRIPATÉTICIENNE  (  Philoso- 
phie j,  ow  Philosophie  d'Aristote, 
ou  AriSTOTÉLISME,  CUiJi.  de  la  Phil.) 
Nous  avons  traité  fort  au  long  du  péripaté- 
ticifme  ,  ou  de  la  philofophie  d'Ariftote  à 
Varticle  AriSTOTÉLISME;  il  nous  en  refté 
cependant  des  chofes  intérefifantes  à  dire  , 
que  nous  avons  réfervées  pour  cet  article  , 
qui  fervira  de  complément  à  celui  du  troi- 
fieme  volume  de  cet  ouvrage. 

De  la  vie  d'Ariftote.  Nous  n'avons  rien 
à  ajouter  à  ce  qui  en  a  été  dit  à  Varticte 
AriSTOTÉLISME.  Confultez  cet  endroit 
fur  la  naiflTance  ,  l'éducation  ,  les  études  y 
le  féjour  de  ce  philofophe  à  la  cour  de 
Philippe  6c  à  celle  d'Alexandre,  fur  foi» 
attachement  6c  fa  reconnoiftance  pour 
Platon  fon  maître,  fur  fa  vie  dans  Athènes, 
fur  l'ouverture  de  fon  école ,  fur  fa  manière 


3|i  P  ER  P  E  R      ^ 

de  philofophef ,  fur  fa  retraite  à  Chalcis  1  ]  n-*adrtiet  ni  le  plus ,  ni  le  moins  ,  &  elle 

z'     V  r       r  ^  /•-   1-.   i-r       il i-.    -\._r-- i_-r_:/L„^   ' i_- 


Tur  fa  mort ,  fur  (qs  ouvrages ,  fur  les  dif- 
férentes parties  de  fa  philoibphie  en  géné- 
ral. Mais ,  pour  nous  conformer  à  la  mé- 


dénomme  les  chofes ,  en  les  faifant  égales 
ou  inégales. 

9.  La  relation  eft  le  rapport  de  toute  la 


thode  que  nous  avons  fuivie  dans  tous  nos  '  nature  d'une  chofe  à  une  autre;  elle  admet 

articles  de  philofophie ,  nous  allons  don-  |  le  plus  &  le  moins  ;  c'eft  elle  qui  entraîne 

rer  ici  les  principaux  axiomes  de  chacune  '  une  chofe  par  une  autre»  qui  fait  fuivre  la 
1  •       t     r    j_rL_!__ r.M.' '..„ ,..„: —    j» ^^JL^ÀÀ  —  ..„      a,    -,ii^    ^: 


des  parties  de  fa  doftcine,  confidérées  plus 
attentivement. 

Di  La  logique  d'Arifiote.  i .  La  logique 
a  pour  objet  ou  le  vraifemblable  ,  ou  le 
vrai  ;  ou,  pour  dire  la  même  chofe  en  des 
termes  différens ,  ou  la  vérité  probable  ,  ou 
la  vérité  confiante  &  certaine.  Le  vraifem- 
blable ,  ou  la  vérité  probable ,  appartient  à 
la  dialeftique;  la  vérité  confiante  &  cer- 
taine, à  l'analyfe.  Les  démonftrations  de 
l'analyfe  font  certaines  ;  celles  de  la  dialec- 
tique ne  "font  que  vraifemblable?. 

2.  La  vérité  fe  démontie,  &c  pour  cet 
effet  on  fe  fert  du  fyllogifme  ;  &:  le  fyllo- 
gifme  eft  ou  démonfiratif  &  analytique, 
ou  top'que  &  dialeftique.  Le  fyllogifme  efi 
compofé  de  proportions  ;  les  proportions 
font  compofées  de  termes  fimples. 

3.  Un  terme  efi  ou  homonyme,  ou  fy- 
nonyme,  ou  paronyme  ;  homonyme,  lorf- 
qu'il  comprend  plufieurs  chofes  diverfcs 
fous  un  nom  comn*in  ;  fynonyme  lorf- 
qu'il  n*y  a  point  de  différence  entre  le 
nom  de  la  chofe  &^fa  définition  ;  parony- 
me ,  lorfque  les  chofes  qu'il  exprime ,  les 
jnêmes  en  elles ,  différent  par  la  terminai- 
fon  &  le  cas. 

4.  On  peut  réduire  fous  dix  claffes  les 
term^es  univoques  ;  on  les  appelle  prcdica- 
mens  ou  catégories. 

5.  Et  ces  dix  claffes  d'êtres  peuvent  fe 
rapporter  ou  à  la  fubftance  qui  eft  par  elle- 
jnéme  ,  ou  à  l'accident  qui  a  befoin  d'un 
fujet  pour  être. 

6.  La  fubftance  eft  ou  première  propre- 
ment dite  ,  qui  ne  peut  être  le  prédicat 
d'un  autre ,  ni  lui  adhérer  -,  ou  féconde  , 
fubfiftante  dans  la  première  ,  comme  les 
genres  &  les  efpeces. 

7.  Il  y  a  neuf  claftes  d'accidens  ;  la 
quantité ,  Ta  relation  ,  la  qualité  ,  l'aftion , 

-la  paflion ,  le  temps  ,  la  fituation  ,  l'ha- 
bitude. 


première  d'une  précédente ,  &:  celle  -  ci 
d'une  féconde  ,  &  qui  les  joint. 

10.  La  qualité  fe  dit  de  ce  que  la  chofe 
eft  ,  &  l'on  en  diftingue  de  quatre  fortes  ; 
la  difpofirion  naturelle  &  l'habitude  ,  la 
puiftance  &  rimpuifT^nce  naturelles ,  la 
paiîibilité  6c  la  paifion  ,  la  forme  &  la 
figure  ;  elle  admet  intenfité  &  rémiflion  ; 
&c'eft  elle  qui  fait  que  les  chofes  font  di- 
tes femblables  &  diflemblables. 

ii.L'aclion&la  paflion;  la  paflion,  de 
celui  qui  fouffre  ;  l'adion,  de  celui  qui  fait, 
marque  le  mouvement,  admet  des  contrai- 
res ,  intenfité  &  rémiflion. 

12.  Le  temps  &  le  lieu,  la  fituation  & 
l'habitude  indiquent  les  circonftances  de  la 
chofe  défignée  par  ces  mots. 

13.  Après  ces  prédicamens,  il  fautcon- 
fidérer  les  termes  qui  ne  fe  réduifent  point 
à  ce  fyftême  de  ciafles ,  comme  les  oppo- 
fés  ;  &  l'oppofirion  eft  ou  relative  ,  ou  con- 
traire ,  ou  privative  ,  ou  contradictoire  ; 
la  priorité ,  la  fimultanéité ,  le  mouvement , 
l'avoir. 

14.  L'énonciatlon  ou  la  propofltion  eft 
compofée  de  termes  ou  mots;  il  faut  la  rap- 
porter à  la  doftrine  de  l'interprétation. 

15.  Le  mot  eft  le  figne  d'un  concept  de 
l'efprit;  il  eft  ou  fimp'e  &  incomplexe,  ou 
complexe  ;  fimple ,  fi  le  concept  ou  la  per- 
ception eft  fimple  ,  &  la  perception  fimple 
n'eft ni  vraie,  nifaufle;  ou  la  perception 
eft  complexe ,  &  participe  de  la  fauiTeté  & 
de  la  vérité,  &  le  terme  eft  complexe. 

16.  Le  nora  eft  un  mot  dinftitution, 
fans  rapport  au  temps  ,  &  dont  aucune 
des  parties ,  prife  féparément  oc  en  elle- 
même  ,  n'a  de  fignification. 

17.  Le  verbe  efi  un  mot  qui  marque  le 
temps,  dont  auctme  partie  ne  fignifie  par 
elle-même ,  &  qui  eft  toujours  le  figne  des 
chofes  qui  fe  difent  d'une  autre. 

j8.  Le  difcQurs  eft  une  fuite  de  mots 


8.  La  quantité  eft  ou  contenue  ou  dif-    d'inftitution  ,  dont  chaque  partie  féparéc 
crête  ;  elle  n'a  point  de  contraire;  elle     &:  l'enfemble  fignifient, 

19.  Entre 


P  E  R 

19.  Entre  les  difcours,  le  feul  qui  Toit 
énonciarit'  &  appartenant  à  l'herméneuti- 
que ,  efl  celui  qui  énonce  le  vrai  ou  le 
faux  ;  les  autres  font  ou  de  la  rhétorique  , 
ou  de  la  poélie.  Il  a  Ton  fujet ,  Ton  prédicat 
&  fa  copule. 

20.  Il  y  a  cinq  fortes  de  propofltions  , 
des  fimplej  &  des  complexes  ,  des  affir- 
matives &  des  négatives,  des  univerfelles  , 
des  particulières  ,  des  indéfinies  &  des 
fîngulieres  ,  des  impures  &  modales.  Les 
modales  font  ou  néceflâires  ,  ou  poflibles  , 
ou  contingentes  ,  ou  impofiibles. 

2. 1 .  Il  y  a  trois  chofes  à  conlîdérer  dans 
la  propofition  ,  roppofition,réquippollence 
&  la  converfion. 

22.  L'oppofition  efl  ou  contradidoire,  ou 
contraire,  ou  fous-contraire. 

23.  L'équipoUence  fait  que  deux  propo- 
fltions défignent  la  même  chofe  ,  &  peu- 
vent être  enfemble  toutes  les.  deux  vraies 
ou  toutes  les  deux  faufles. 

24.  La  converfion  eft  une  tranfpofition 
<le  termes  ,  telle  que  la  propofition  affirma- 
|ive  &:  négative  foit  toujours  vraie, 

25.  Leiyllogifme  eft  un  difcours  où  de 
prémifîès  pofées  il  s'enfîiit  néceflairement 
quelque  chofe. 

26.  Trois  termes  font  toute  la  matière 
du  fyllogifme.  La  difpofition  de  ces  termes  , 
ièlon  les  figures  &  les  modes  ,  en  eft  la 
forme. 

27.  La  figure  eft  une  difpofition  du 
terme  moyen  &  des  extrêmes  ,  telle  que 
la  conféquence  foit  bien  tirée.  Le  mode  eft 
la  difpofition  des  propofitions  ,  eu  égard  à 
la  qualité  &  à  la  quantité. 

28.  Il  y  a  trois  figures  de  fyllogifme. 
Dans  la  première ,  le  terme  moyen  eft 
fùjet  de  la  majeure  ,  &  prédicat  de  la 
mineure  ;  &  il  y  a  quatre  modes  où  la 
conféquence  eft  bien  tirée.  Dans  la  féconde, 
le  terme  moyen  eft  le  prédicat  des  deux 
•extrêmes  ,  &  il  y  a  quatre  modes  qui  con- 
cluent bien.  Dans  la  troifieme  ,  k  moyen 
eft  le  fujet  aux  deux  extrêmes  ,  &  il  y  a 
fix  modes  où  la  conclufion  eft  bonne. 

•  29.  Tout  fyliagifme  eft  dans  quelqu'une 
de  ces  figures,  le  parfait  dans  la  première  , 
&  peut  fe  réduire  à  fon  mode  univerfel. 

30.  Il  y  a  fix  autres  formes  du  raifonne- 
«nent  ;  la  converfion  des  termes ,  l'induc- 
Tome  XXV. 


PER  3J3 

tîon  ,  l'exemple  ,  l'abdudlon  ,  l'inftance  , 
l'enthymêrae.  Mais  toutes  ayant  force  de 
fyllogifme  ,  peuvent  &  doivent  y  être 
réduites. 

31.  L'invention  des  fyllogifmes  exige, 
I.  \ts  termes  du  problême  donné;  &  la 
fuppofition  de  la  chofe  en  queftion  ,  des 
définitions ,  des  propriétés  ,  des  antécé- 
dences  ,  des  conféquences ,  des  répu- 
gnances. 2.  Le  difcernement  des  efTentiels  , 
des  propres ,  des  accidentels ,  des  cer- 
taines &  des  probables.  3.  Le  choix  de 
conféquences  univerfelles.  4*  L^  choix 
d'antécédences  dont  la  chofè  foit  une 
conféquence  univerfelle.  ^.  L'attention  de 
joindre  le  figne  d'univerfalité,  non  auconfé- 
quent  ,  mais  à  l'antécédent.  6.  L'emploi  de 
conféquences  prochaines  &  non  éloignées. 
7.  Le  même  emploi  des  antécédens.  8.  La 
préférence  de  conféquences  d'une  chofe 
univerfelle  ,  &  de  conféquences  univer- 
felles d'une  chofe. 

La  finefîe  &  l'étendue  d'efprit  qu'il  y  a 
dans  toutes  ces  obfervations ,  eft  incroyable. 
Ariftoten'auroit  découvert  que  ces  chofes  , 
qu'il  faudroit  le  regarder  comme  un  homme 
du  premier  ordre.  Il  eût  perfedionné  tout 
d'un  coup  la  logique ,  s'il  eût  diftingué  les 
id^es  de  leurs  fignes  ,  &  qu'il  fe  fût  plus 
attaché  aux  notions  qu'aux  mots.  Inter- 
rogez les  grammairiens  fur  l'utilité  de  fès 
diftindions. 

3  2,  Tout  difcours  fcientifique  eft  appuyé 
fur  quelque  penfée  antérieure  de  la  chofe 
dont  on  difcourt. 

33.  Savoir  ,  c'eft  entendre  ce  qu'une 
choie  eft ,  qu'elle  eft ,  que  telle  eft  fa 
caufe  ,  &  qu'elle  ne  peut  être  autrement. 

34.  La  démonftration  eft  une  fuite  de 
f>-lIogifmes  d'où  nait  la  fcience. 

35.  La  fcience  apodidique  eft  des  caufes 
vraies  ,  premières  ,  immédiates  ,  les  plus 
certaines  ,  &  les  moins  fujettes  à  une 
démonftration  préliminaire. 

36.  Il  n'y  a  de  fcience  démonftrative 
que  d'une  chofè  nécefTaire  ;  la  démonftra- 
tion eft  donc  compofée  de  chofes  nécef^ 
faires. 

37.  Ce  qu'on  énonce  du  tout ,  eft  ce 
qui  convient  au  tout  par  lui-même  & 
toujours. 

38.  Le  premier  univerfel  eft  ce  qui  .efl 


354  P  E  R. 

par  roi-même  ,  dans  chaque  chofe  ,  parce 
que  la  chofe  efl  chofe. 

39.  La  démonftration  le  fait  i>ar  des 
conclufions  d'éternelle  vérité.  D'où  il 
s'enfuit  qu'il  n'y  a  ni  démonilration  des 
chofes  paflâgeres  ,  ni  fcience  ,  ni  même 
définitions. 

40.  Savoir  que  la  choie  eft  ,  eft  un  , 
&  favoir  pourquoi  elle  eft ,  eft  un  autre. 
Delà  deux  fortes  de  démonftrations  , 
l'une  à  priori  ,  l'autre  à  pcfieriori.  La 
démonftration  à  priori  eft  la  vraie  &:  la 
plus  parfaite. 

41.  L'ignorance  eft  l'oppcfé  de  la 
fcience  ;  ou  c'eft  une  négation  pure  ,  ou 
Une  dépravation.  Cette  dernière  eft  la  pire  ; 
elle  naît  d'un  fyllogifme  qui  eft  faux  ,  dont 
le  moyen  pèche.  Telle  eft  l'ignorance  qui 
naît  du  vice  des  fens. 

42..  Nulle  fcience  ne  naît  immédiate- 
ment des  fens.  Ils  ortt  pour  objet  l'indivi- 
duel ou  lingulier ,  &  la  fcience  eft  des  uni- 
verfaux.  Ils  y  conduifent  ,  parce  que  Ton 
pafîe  de  l'individuel  connu  par  le  fens  ,  à 
Funiverfel. 

43.  On  procède  par  induâion  ,  en  allant 
des  individuels  connus  pat-  le  fèns  ,  aux  uni- 
Yerfaux. 

44.  Le  fyllogifme  eft  dialeâique ,  lors- 
que la  conclufion  fuit  de  chofe  probable  : 
or  le  probable  eft  ce  qui  femble  à  tous 
ou  à  plufieurs  y  aux   hommes  inftruits .  & 

45.  La  dialeâique  n'eft  que  l'art  de 
conjedurer.  C'eft  par  cette  raifon  qu'elle 
n'atteint  pas  toujours  fa  fin. 

46.  Dans  toute  propofition  ,  dans  tout 
problême  on  énonce  ou  le  genre  ,  ou  la 
différence ,  ou  la  définition  ,  ou  le  propre  , 
ou  l'accident. 

47.  La  définition  eft  un.  difcours  qui 
explique  la  nature  de  la  chofè  ,  fon  propre  , 
non  ce  qu'elle  eft,  mais  ce  qui  y  eft. 
Le  genre  eft  ce  qui^pcut  fe  dire  de  plufieurs 
efpeces  différentes.  L'accident  eft  ce  qui 
peut  être  ou  n'être  pas  dans  la  chofe. 

48.  Les  argumens  de  la  dialedique 
procèdent  ou  par  l'indudion  ,  ou  par  le 
fyllogifm.e.  Cet  art  a  fcs  loix  On  emploie 
i'!nduâ:ion  contre  les  ignorans ,  le  fyllogifme 
avec  les  hommes  inftruits. 

49.  L'élcaçhus  eft  un  fyllosirme  qui  cou- 


P  E  R 

tredit  la  conclufion  de  l'antagonifte  ;  fî 
l'élenchus  eft  faux  ,  le  fyllogifme  eft  d'un 
fophifte. 

50.  L'élenchus  eft  fophiftique,oudans  les 
mors  ,  ou  hors  des  motsr 

51.  Il  y  a  fix  fortes  de  fc)phifmcs  de 
mots,  riiomonifme  ,  l'amphibologie,  la 
compofition  ,  la  divifion  ,  l'accent,  la 
figure  du  mot. 

52.  Il  y  a  fept  fortes  de  fophifmes  lors 
àts  mots  ;  le  fophilme  d'accident  ,  le 
fophifi'ne  d'univerfaliré  ,  ou  de  conclufion 
d'une  chofe  avouée  avec  reftridion  à  une 
chofè  fans  reftrlction  ;  le  ibphifme  fondé 
fur  l'ignorance  de  l'élenchus;  le  fophifmc 
du  conféquent  ;  la  pétition  de  principe  ; 
le  fophifme  de  caufè  fuppofée  telle  ,  & 
non  telle  ;  le  fophifme  àts  interrogations 
fucceflives. 

5^.  Le  fophifte  trompe  ou  par  des  chofes 
fauffes  ,  ou  par  des  paradoxes  ,  ou  par  le 
folécifme  ,  ou  par  la  tautologie.  Voilà  les 
limites  de  fon  art. 

De  la  philofophie  naturelle  d'Arifiote, 
Il  difbit ,  r.  le  principe  des  chofes  natu-* 
relies  n'eft  point  un ,  comme  il  a  plu  aux 
élcatiques  ;  ce  n'eft  point  l'homéomérie 
d'Anaxagore ,  ni  les  atomes  de  Leucippc 
&  de  Démocrite ,  ni  les  élémens  fenfibles 
de  Thaïes  &  de  fon  école  ,  ni  les  nom- 
bres de  Pithagore  ,  ni  les  idées  de  Platon» 

2.  Il  faut  que  les  principes  des  choies 
naturelles  foient  oppofés  entr'eux,  par  qua- 
lités &  par  privations. 

3.  J'appelle  ;7rzVïc/p^j" ,  des  chofes  qui  ne 
font  point  réciproquement  les  unes  des 
autres  ,  ni  d'autres  chofes  ^  mais  qui  font 
d'elles-mêmes  ,  &  dont  tout  eft.  Tels 
font  les  premiers  contraires.  Puifqu'ils  font 
premiers  ,  ils  ne  font  point  d'autres  ;  puif- 
qu'ils font  contraires ,  ils  ne  font  pas  les 
uns  àes  autres. 

4.  Ils  ne  font  pas  infinis  ;  làns  cette 
condition  ,  il  n'y  a  nul  accès  à  la  connoif^ 
fance  de  la  nature.  Il  y  en  a  plus  de 
deux.  Deux  fe  raettroient  en  équilibre  è 
la  fin ,  ou  fe  détruiroienr ,  &  rien  ne  feroit 
produit.  * 

5.  Il  y  a  trois  principes  dts  chofes  natu^ 
relies  ;  deux  contraires  ,  la  forme  &  lâb 
privation  ;  un  troifieme  également  foumis. 
aux  deux  autres ,  la  matière.  La  forjsie  ôc 


P  E  R. 

îa  trratiere  confliruent  la  chofe.  La  priva- 
tion n'eft  qu'accidenrellç.  Elle  n'entre 
point  dans  la  matière.  Elle  n'a  rien  qui  lui 
convienne. 

6.  Il  faut  que  ce  qui  donne  origine  aux 
chofes  foit  une  puiflance.  Cette  puiflance 
efî  la  matière  première.  Les  chofes  ne 
font  pas  de  ce  qui  eft  aâuellcment  ,  ni 
de  ce  qui  n'eft  pas  aduelleraent  ;  car  ce 
n'eftrien. 

7.  La  matière  ni  ne  s'engendre  ,  ni  ne 
fe  détruit  ;  car  elle  eft  première  ,  le  (ujet 
infini  de  tout.  Les  choies  font  formées  pre- 
mièrement ,  non  pas  d'elles-mêmes  ,  mais 
par  accident.  Elles  ie  réfoudront  ou  fe  réibl- 
vent  en  elle. 

8.  Des  chofes  qui  font  ,  les  unes  font 
par  leur  nature ,  d'autres  par  des  caufes. 
hes  premières  ont  en  elles  le  principe  du 
mouvement  ;  les  fécondes  ne  l'ont  pas. 
La  nature  eft  le  principe  &  lacaufe  du  mou- 
vement ou  du  repos  en  ce  qui  efl  premiè- 
rement de  foi  &  non  par  accident  ;  ou  elles 
fe  repofent  &  fe  meuvent  par  leur  nature  ; 
telles  font  les  fubftances  matérielles.  Les 
propriétés  font  analogues  à  la  nature  ,  qui 
confifle  dans  la  matière  &  dans  la  forme. 
Cependant  la  forme ,  qui  eft  un  ade ,  ti\ 
plus  de  nature  que  la  matière. 

Ce  principe  eft  très-obfcur.  On  ne  fait 
ce  que  le  philofophc  entend  par  naturr.  Il 
femble  avoir  pris  ce  mot  fous  deux  accep- 
tions différentes  ,  l'une  de  propriété  eflên- 
tielle  ,    l'autre  de  caufe  générale. 

9.  Il  y  a  quatre  efpeces  de  caufes  ;  la 
matérielle  ,  dont  tout  efl  ;  la  formelle , 
par  qui  tout  eft ,  &  qui  eft  la  caufe  de 
l'eflence  de  chaque  chofe  ;  l'efficiente ,  qui 
produit  tout  ;  &  la  finale ,  pour  laquelle 
tout  eft.  Ces  caufes  font  prochaines  ou 
éloignées  ;  principales  ou  acceflbires  ;  en 
acte  ou  en  puilTance  ;  particulières  ou  uni- 
vcrfelles. 

10.  Le  hazard  eft  caufe  de  beaucoup 
d'effets.  C'cft  un  accident  qui  furvient  à 
des  chofes  projetées.  Le  fortuit  fè  prend 
dans  une  acception  plus  étendue.  C'eft  un 
accident  qui  furvient  à  des  chofes  projetées 
par  la  nature ,  du  moins  pour  une  fin 
marquée. 

11.  La  nature  n'agit  point  fortuitement , 
«  hazard ,  &  iàns  deflein  :  ce  que  la  nature 


prémédite  ,  a  lieu  ,  en  tout  ou  en  partie  , 
comme  dans  les  monftres. 

12.  Il  y  a  deux  néceffités  ,  Pune  abfolue, 
l'une  conditionnelle.  La  première  eft  de  la 
matière  ;  la  féconde ,  de  la  forme  ou   fin. 

13.  Le  mouvement  eft  un  aâe  de  la  pu'iC- 
(ànce  en  adion. 

14.  Ce  qui  pafTe  fans  fin  eft  infini.  II  n'y 
a  point  d'ade  infini  dans  la  nature.  Il  y  a 
cependant  des  êtres  infinis  en  puifïàncc. 

IÇ.  Le  lieu  eft  une  furface  immédiaft 
&  immobile  d'un  corps  qui  en  contient 
un  autre.  Tout  corps  qu'un  autre  contient, 
eft  dans  le  lieu.  Ce  qui  n'eft  pas  contenu 
dans  un  autre  ,  n'eft  pas  dans  le  lieu.  Les 
corps  ou  fe  repofent  dans  leur  lieu  naturel , 
ou  ils  y  tendent  comme  des  portions  arra- 
chées à  un  tout. 

16.  Le  vuide  eft  un  lieu  dénué  de  corps. 
Il  n'y  en  a  point  de  tels  dans  la  nature. 
Le  vuide  fe  fuppofè  ,  il  n'y  auroit  point 
de  mouvement  ;  car  il  n'y  auroit  ni  haut , 
ni  bas  ,  ni  aucune  partie  où  le  mouvement 
tendît. 

17.  Le  temps  eft  le  calcul  du  mouvement 
relatif  à  la  priorité  &  à  la  poftériorité.  Les 
parties  du  temps  touchent  à  l'inftant 
préiènt ,  comme  les  parties  d'une  ligne  au 
point. 

18.  Tout  mouvement  &  tout  change- 
ment fe  fait  dans  le  temps  ;  &  il  y  a 
dans  tout  être  mu  ,  vîtefïê  ou  lenteur 
qui  fè  peut  déterminer  par  le  temps. 
Ainfi  le  ciel  ,  la  terre  &  la  mer  font  dans 
le  temps ,  parce  qu'ils   peuvent  être  mus. 

19*  Le  temps  étant  un  nombre  nombre  ; 
il  faut  qu'il  y  ait  un  être  nombreux  qui 
foit  ion  fijpport. 

20.  Le  repos  eft  la  privation  du  mou- 
vement dans  un  corps  confidéré  comme 
mobile, 

2.1.  Point  de  mouvement  qui  fe  fafTe 
en  un  inftant.  Il  fe  fait  toujours  dans  le 
temps. 

22,.  Ce  qui  fe  meut  dans  un  temps  en- 
tier ,  fe  meut  dans  toutes  les  parties  de  ce 
temps. 

23.  Tout  mouvement  eft  fini  ;  car  il  Ce 
lait  dans  le  temps. 

14.  Tout  ce  qui  fe  meut  eft  mu  par  uti 
autre  qui  agit  ou  au  dedans  ou  au  dehors 
du  mobile, 

Yyl 


35«  P  E  R. 

25.  Mais  comme  ce  progrès  à  l'infini  efl 
impofTible  ,  il  faut  donc  arriver  à  un  pre- 
mier moteur ,  qui  ne  prenne  Ton  mouve- 
ment de  rien ,  &  qui  foit  l'origine  de  tout 
mouvement. 

26.  Ce  premier  moteur  efl  immobile  ; 
car  s'il  fe  mouvoit,  ce  feroit  par  un  autre  ; 
car  rien  ne  fe  meut  de  foi.  Il  efl  éternel, 
car  tout  fe  meut  de  toute  éternité  ;  &  fi  le 
mouvement  avoit  commencé  ,  le  premier 
fnoteur  n'auroit  pu  mouvoir  ,  &  la  durée 
ne  feroit  pas  éternelle.  Il  efi  indivifible  & 
fans  quantité.  Il  eft  infini  ;  car  le  moteur 
doit  être  le  premier  ,  puifqu'ii  meut  de 
toute  éternité.  Sa  puiflance  efl  illimitée  ; 
or  une  puiflance  infinie  ne  peut  fe  fup- 
pofer  dans  une  quantité  finie ,  telle  qu'cfl 
le  corps. 

27.  Le  ciel  compofé  de  corps  parfaits , 
comprenant  tout ,  &  rien  ne  le  compre- 
nant ,  efl  parfait. 

28.  Il  y  a  autant  de  corps  fimples  que 
de  différences  dans  le  mouvement  fimple. 
Or  il  y  a  deux  mouvemens  fimples  ,  le  rec- 
tiligne  &  le  circulaire.  Celui-là  tend  à 
s'éloigner  du  centre  ou  à  en  approcher,  fans 
modification  ou  avec  modification.  Comme 
ily  a  quatre  mouvemens  redilignes  fimples  , 
il  y  a  quatre  élémens  ou  corps  fimples.  Le 
mouvement  circulaire  étant  de  nature  con- 
traire au  mouvement  rediligne ,  il  faut 
qu'il  y  ait  une  cinquième  effence  ,  diffé- 
rente des  autres  ,  plus  parfaite  ,  divine  , 
c'efl  le  ciel. 

19.  Le  ciel  n'efl  ni  pefant ,  ni  léger.  Il 
ne  tend  ni  à  s'approcher  ,  ni  à  s'éloigner  du 
centre  ,  comme  les  graves  &  les  légers.  Il 
fe  meut  circulairement. 

30.  Le  ciel  n'ayant  point  de  contraire  , 
ij  efl  fans  génération ,  fans  conception  , 
fans  accroiflèment ,  fans  diminutian  ,  fans 
changement. 

31.  Le  monde  n'efl  pomt  infini ,  &  il 
n'y  a  hors  de  lui  nul  corps  infini  ;  car  le 
corps  infini  efl  impofSble. 

32.  Il  n'y  a  qu'un  monde.  S*il  y  en  avoit 
plufieurs  poufîés  les  uns  contre  Its  autres , 
Ils  fe  déplaceroient. 

33.  Le  monde  efl  éternel  ;  il  ne  peut 
ni  s'accroître  ni  diminuer. 

34.  Le  monde  ou  le  ciel  fe  meut  circu- 
kirement  par  fa  nature  i,  ce  mouvement 


P  E  R 

toutefois  n'efl  pas  uniforme  &  le  même 
dans  toute  fon  étendue.  Il  y  a  des  orbes 
qui  en  croifent  d'autres  ;  le  premier  mobile 
a  des  contraires  :  delà  les  caufes  des  vicif- 
fitudes ,  de  générations  &  de  corruptions 
dans  les  choies  fublunaires. 

35.  Le  ciel  efl  fphérique. 

36.  Le  premier  mobile  fe  meut  uniformé- 
rnent  ;  il  n'a  ni  commencement ,  ni  milieu  , 
ni  fin.  Le  premier  mobile  &  le  premier 
moteur  font  éternels  ,  &  ne  fouffrent  aucun© 
altération. 

37.  Les  aflres  de  même  nature  que -le 
corps  ambiant  qui  les  foutient ,  font  feu- 
lement plus  denfès.  Ce  font  les  caufes  de 
la  lumière  &  de  la  chaleur.  Ils  frottent 
l'air  &  l'embrafent.  C'efl  fur-tout  ce  qui  a 
lieu  dans  la  fphere  du  foleil. 

38.  Les  étoiles  fixes  ne  fe  meuvent 
point  d'elles-mêmes  ;  elles  fuivent  la  loi 
de  leurs  orbes. 

39.  Le  mouvement  du  premier  mobile 
efl  le  plus  rapide.  Entre  les  planètes  qui  lui 
font  foumifes ,  celles-là  fe  meuvent  le  plus 
vite  qui  en  font  les  moins  éloignées  &  ré- 
ciproquement. 

40.Les  étoiles  font  rondes.  La  lune  l'cfl 
aufîi. 

41.  La  terre  efl  au  centre  du  ciel.  Elle 
efl  ronde ,  &  immobile  dans  le  milieu  qui 
la  foutient.  Elle  forme  un  orbe  ou  globe 
avec  l'eau. 

42.  L'élément  efl  un  corps  fimple  ,  dans 
lequel  les  corps  compofés  font  divifibles  , 
&  il  exifle  en  eux  ou  en  ade ,  ou  en  puif^ 
fance. 

43.  La  gravité  &  la  légèreté  font  les 
caufes  motrices  des  élémens.  Le  grave  efl 
ce  qui  efl  porté  vers  le  centre  ;  le  léger  ce 
qui  tend  vers  le  cieL 

44.  Il  y  a  deux  élémens  contraires  ;  la 
terre  qui  efl  grave  abfolument  ;  le  feu  qui 
efl  naturellement  léger.  L'air  &  l'eau  font 
d'une  nature  moyenne  entre  la  terre  &  le 
feu  ,  &  participent  de  la  nature  de  ces 
extrêmes  contraires, 

45.  La  génération  &  la  corruption  fe 
fuccedent  fans  fin.  Elle  efl  ou  fimple  ,  o\i 
accidentelle.  Elle  -a  pour  caufe  lé  premier 
moteur  &  la  matière  première  de  tout. 

46.  Etre  engendré  efl  un  ,  être  altéré 
ufl,  autre, .  Dans,  l'altération  -,  le  fujet  reflft: 


P  E  R. 

entier  ,  mais  les  qualités  cRangent.  Tout 
pafTe  dans  la  génération.  L'augmentation 
ou  la  diminution  eft  un  changement  dans 
k  quantité  ;  le  mouvement  local ,  un  chan- 
gement d'efpace. 

47.  L'accroifTcment  fuppofc  nutrition. 
Il  y  a  nutrition  lorfque  la  fubflance  d'un 
corps  paflc  dans  la  lubftance  d'un  autre. 
Un  corps  animé  augmente  ,  fi  fa  quantité 
s'accroît. 

48.  L'aftion  &  la  paflîon  font  mutuelles 
dans  le  contad  phyfique.  Il  a  lieu  entre 
des  chofes  en  partie  diflêmblables  de 
forme  ,  en  partie  femblables  de  nature  ; 
les  unes  &  les  autres  tendant  à  s'aflimiler  le 
patient. 

49.  Les  qualités  tadiles ,  objets  des  fens  , 
naifïcnt  des  principes  &  de  la  différence 
des  élémens  qui  diftérencient  les  corps.  Ces 
qualités  font  par  paires  au  nombre  de  fept  ; 
le  froid  &  le  chaud  ;  l'humide  &  le  fec  ; 
le  grave  &  le  léger  ;  le  dur  &  le  moa  ;  le 
vifqueux  &  l'aride  ;  le  rude  &  le  doux  j  le 
groilier  &  le  ténu. 

50.  Entre  ces  qualités  premières  ,  il  y 
€n  a  deux  d'adives  ,  le  chaud  &  le  froid  ; 
deux  de  paffives  ,  l'humide  &  le  fec  ;  le 
chaud  raffemble  les  homogènes  ;  le  froid 
diffipe  les  hétérogènes.  On  retient  diffici- 
lement l'humide  ,  le  fec  facilement. 

5 1 .  Le  feu  naît  du  chaud  &  de  l'aride  ; 
l'air  du  chaud  &  de  l'humide  ;  l'eau  du 
froid  &  de  l'humide  ;  la  terre  du  froid  & 
du  fec. 

52.  Les  élémens  font  tous  convertibles 
les  uns  dans  les  autres ,  non  par  génération , 
mais  par  altération. 

^3.  Les  corps  mixtes  font  compofés  ou 
mélangés  de  tous  les  élémens. 

54.  Il  y  a  trois  caufes  des  mixtes  ;  la 
matière  qui  peut  être  ou  ne  pas  être  telle 
chofe  ;  la  forme  ,  caufe  de  l'elTence  ;  & 
le  mouvement  du  ciel  ,  caufe  efficiente 
univerfèlle. 

55.  Entre  les  mixtes,  il  y  en  a  de 
parfaits  ,  il  y  en  a  d'imparfaits  ;  entre  les 
premiers  ,  il  faut  compter  les  météores  , 
comme  les  comètes  ,  la  voie  ladée  ,  la 
pluie  ,  la  neige  ,  la  grêle,  les  vents  ,  &c» 

56.  La  putréfadion  s'oppofe  à  la  géné- 
ration des  mixtes  parfaits.  Tout  efl  fujet 
àputréfadion  ,   excepté  le  feu. 


P  E  R.  5J7 

57.  Les  animaux  naifîent  de  la  putré- 
fadion aidée  de  la  chaleur  naturelle. 

Principes  de  la  pfycologie  d'AriJhîe. 
I.  L'ame  ne  fe  meut  point  d'elle-même  ; 
car  tout  ce  qui  fe  meut  eft  mu  par  un 
autre. 

2.  L'ame  efl  la  première  entéléchie  du 
corps  organique  naturelle  ;  elle  a  la  vie 
en  puilîànce.  La  première  entéléchie  efl 
le  principe  de  l'opération  ;  la  féconde  eft 
l'ade  ou  l'opération  même.  VoycT^  fur  ce 
mot  obfcur  entéléchie  ,  F  article  LÉIBNI- 
TIANISME. 

3.  L'ame  a  trois  facultés  ;  la  nutritive  , 
la  fenfitive  &  la  rationnelle.  La  première 
contient  les  autres  en  puiflance. 

4.  La  nutritive  efl  celle  par  qui  la  vie  efl 
à  toute  chofe  ;  fes  ades  font  la  génération 
&  le  développement. 

5.  La  fenfitive  efl  celle  qui  les  fait  fentir. 
La  fenfation  efl  en  général  un  change- 
ment occafioné  dans  l'organe  par  la  pré- 
fence  d'un  objet  apperçu.  Le  fens  ne  fô 
meut  point  de  lui-même. 

6.  Les  fens  extérieurs  font  la  vue  ,  l'ouie, 
l'odorat ,  le  goût  ,  le  toucher. 

7.  Ils  font  tous  afïèdés  par  des  efpeces 
fenfibles  abflraites^ de  la  matière,  comme 
la  cire  reçoit  l'impreffion  du  cachet. 

8.  Chaque  fens  apperçoit  les  différences 
de  Çqs  objets  propres  ,  aveugle  fur  les  objets 
d'un  autre  fens.  Il  y  a  donc  quelqu'autrc 
fens  commun  &  interne  ,  qui  faifit  le 
tout  ,  &  juge  fur  le  rapport  des  fens^ 
externes. 

9.  Le  fens  diffère  de  l'intelled.  Tous 
hs'  animaux  ont  des  fens.  Peu  ont  dé 
l'intelled. 

10.  La  fantaifie  ou  l'imagination  diffère 
du  fens  &  de  l'intelled  ,•  -quoique  fans  exer- 
cice préliminaire  des  fens,  il  n'y  ait  point' 
d'imagination,  comme- fans  imagination  il-: 
n'y  a  point  de  peufée. 

11.  La  penfée  efl  un  ade  de  l'intelled: 
qui  montre  fcience ,  opinion  &  prudence. 

12.  L'imagination   efl   un  -  mouvement  ' 
animal ,- dirigé  par  le  fens  en  adion  ,   ea 
confequence    duquel    l'animal    efl    agité  , 
concevant  des  ohofes-  tantôt  vraies  j  tantôt-: 
faufTes. 

13.  La  mémoire  naît  dé  l'imagination.- 
Elle  efl  le-  maga^n  de  réfejve  des  chofès--. 


358  P  E  R 

pallees  ;  elle  appartient  en  partie,  à  l'ima- 
gination ,  en  partie  à  l'entendement  ,*  à 
l'entendement  par  accident  ;  en  elle-même 
à  Timagination.  Elles  ont  leur  principe 
dans  la  même  faculté  de  l'ame. 

14.  La  mémoire  qui  naît  de  l'impref^ 
fion  fur  le  fens  ,  occafionée  par  quel- 
que objet ,  ceiTe  ii  trop  d'humidité  ou  de 
fécherefïe  efface  l'image.  Elle  fuppofe 
donc  une  forte  de  tempérie  dans  le 
cerveau. 

i^.  La  réminifcence  s*exerce  ,  non  par 
le  tourment  de  la  mémoire ,  mais  par  le 
difcours  ,  &  la  recherche  exade  de  la  fuite 
âes  chofes. 

16.  Le  fommeil  fuit  la  flupeur  ou  l'en- 
chaînement des  fens  ;  il  afFede  fur-tout  le 
fens  interne  commun. 

17.  L'infomnie  provient  des  fimulacres 
de  fimagination  oiîèrts  dans  le  fommeil  , 
quelques  mouvemens  s'excitant  encore  ,  ou 
fubfiftant  dans  les  organes  de  la  fenfation 
vivement  affedés. 

18.  L'intelled  eft  la  troifieme  faculté 
de  l'ame  ;  elle  eft  propre  à  l'homme  ; 
c'eft  la  portion  de  lui  qui  connoît  & 
qui  juge. 

19.  L'intelled  eu  outgcnt,   ou  patient. 

20.  Patient  ,  parce  qu'il  prend  toutes 
les  formes  des  chofes  ;  agent  ,  parce  qu'il 
juge  &  connoît. 

21.  L'intelled  agent  peut  être  féparé 
du  corps  ;  il  eft  immortel  ,  éternel ,  fans 
paflion.  Il  n'eft  point  confondu  avec  le 
corps.  L'intelled  paffif  ou  patient  eft 
périfl'able. 

22.  Il  y  a  deux  ades  dans  l'entende- 
ment ;  ou  il  s'exerce  fur  les  indivifibles , 
&  ùs  perceptions  font  (impies ,  &  il  n'y 
a  ni  vérité  ni  faulîété  ;  ou  il  s'occupe  des 
complexes,  &  il  affirme  ou  nie,  &  alors 
il  y  a  ou  vérité  ou  tauifeté. 

23.  L'intelled  adif  eft  ou  théorétique 
ou  pratique  ;  le  théorétique  met  en  ade 
la  choie  intelligible  ;  le  pratique  juge  la 
chofe  bonne  ou  mauvaife  ,  &  meut  la 
volonté  à  aimer  ou  à  haïr  ,  à  defirer  ou 
à  fiiir. 

24.  L'intelled  pratique  &  l'appétit  font 
les  caufes  du  mouvement  local  de  l'ani- 
mal ;  l'un  connoît  la  chofe  &  la  juge  ; 
l'autre  la  délire  ou  l'évite. 


P  E  R 

1^.  Il  y  a  dans  l'homme  deux  appétit*  ; 
l'un  raifonnable  ,  &  l'autre  fenfitif  ;  celui-ci 
eft  ou  irafcible,  ou  concupifcent  ;  il  n'a  de 
règle  que  le  fens  &  l'imagination. 

26.  Il  n'y  a  que  l'homme  qui  ait  l'ima- 
gination délibérative  ,  en  conféqûence  de 
laquelle  il  choilit  le  mieux.  Cet  appétit 
raifonnable  qui  en  naît  ,  doit  commander 
en  lui  à  l'appétit  fenlitif  qui  lui  eft  commun 
avec  les  brutes. 

27.  La  vie  eft  une  permanence  de  l'ame 
retenue  parla  chaleur  naturelle. 

28.  Le  principe  de  la  chaleur  eft  dans  le 
cœur  ;  la  chaleur  ceffant ,  la  mort  fuit. 

Métaphyfique  d'Anfiote.  i.  La  méta- 
phyfique  s'occupe  de  l'être  en  tant  qu'être , 
&  de  les  principes.  Ce  terme  ^^^^  fe  dit 
proprement  de  la  fubftance  dont  l'effence 
eft  une  ;  &  improprement ,  de  l'accident 
qui  n'eft  qu'un  attribut  de  la  fubftance. 
La  fubftance  eft  donc  le  premier  objet  de 
la  métaphyfique. 

2.  Un  axiome  univerfel  &f«premier  ; 
c'eft  qu'il  eft  impoflible  qu'une  chofe  (bit 
&  ne  foit  pas  ,  dans  le  même  fujet  ,  en 
même  temps ,  de  la  même  manière  & 
fous  le  même  point  de  vue.  Cette  vérité 
eft  indémontrable ,  &  c'eft  le  dernier  terme 
de  toute  argumentation. 

3.  L'être  eft  ou  par  lui-même  ,  ou  par 
accident  ;  ou  en  ade  ,  ou  en  puillance  ,  ou 
en  réalité  ,  ou  en  intention. 

4.  Il  n'y  a  point  de  fcience  de  l'être  par 
accident  ;  c'eft  une  forte  de  non-être  ;  il  n'a 
point  de  caufe. 

Ç.  L'être  par  lui ,  fuit  dans  fa  divifion  les 
dix  prédicamens. 

6.  La  fubftance  eft  le  fupport  des  acçi- 
dens  ;  c'eft  en  elle  qu'on  coniidere  la 
matière  ,  la  forme  ,  les  rapports  ,  \ts  rai- 
fons  ,  la  compofition.  Nous  nous  fervons 
du  mot  de-fubfiance  par  préférence  à  celui 
de  matière ,  quoique  la  matière  foit  fubf- 
tance ,  &  le  fujet  premier. 

7.  La  matière  première  eft  le  fùjet 
de  tout.  Toutes  les  propriétés  féparées 
du  corps  par  abftradion  ,  elle  refte  ;  ainfi 
elle  n'eft  ni  une  fubftance  complète  ,  ni 
une  quantité ,  ni  la  clafle  d'aucun  autre 
prédicament.  La  matière  ne  peut  fe  féparer 
de  la  forme;  elle  n'eft  ni  Singulière,  ni  dé- 
terminée. 


PEU 

8.  La  forme  conflirue  ce  que  la  cliofe 
cft  dite  être  ;  c'efl  toute  fa  nature  ,  Ton 
eflence  ,  ce  que  la  définition  comprend. 
Les  fubftances  fenfibles  ont  leurs  défini- 
tions propres  ;  il  n'en  eft  pas  ainfi  de  l'être 
par  accident. 

9.  La  puifTance  eft  ou  adive  ou  pafîlve. 
La  puiflance  adive  efî:  le  principe  du  mou- 
vement ,  ou  du  changement  d'une  chofe 
en  une  autre  ,  ou  de  ce  qui  nous  paroît  tel. 

10.  La  puiflance  paflîve  eft  dans  le 
patient ,  &  l'on  ne  peut  féparer  Ton  mouve- 
ment du  mouvement  de  la  puiflance  adive  , 
quoique  ces  puiflances  foient  en  des  fujets 
differens. 

11.  Entre  les  puiflances  ,  il  y  en  a  de 
raifonnables ,  il  y  en  a  qui  n'ont  point  la 
raifon. 

12.  La  puiflance  féparée  de  l'exercice 
n'en  exifte  pas  moins  dans  les  chofes. 

13.  Il  n'y  a  point  de  puiflfance  dont  les 
aftes  foient  impofllbles.  Le  poiîible  eft  ce 
qui  fuit  ou  fuivra  de  quelque  puiflfance. 

14.  Les  puiflances  font  ou  naturelles  , 
ou  acquifes  ;  acquifes  ou  par  l'habitude,  ou 
par  la  difcipline. 

15.  Il  y  a  aéle  lorfque  la  puiflance  de- 
vient autre  qu'elle  n'éroit. 

16.  Tout  ade  eft  antérieur  à  la  puif- 
fance  ,  &  à  tout  ce  qui  eft  compris  , 
antérieur  de  concept  ,  d'cflçnce  &  de 
temps. 

17.  L'être  intentionnel  eft  ou  vrai  ou 
faux  ;  vrai ,  fi  le  jugement  de  l'intelleâ: 
eft  conforme  à  la  chofe  ;  faux  ,  fi  cela 
n'eft  pas. 

18.  Il  y  a  vérité  &  faufleté  même 
dans  la  fimple  appréhenfion  des  chofes  , 
non  feulement  confidérée  dans  l'énumé- 
ration  ,  mais  en  elle-même  en  tant  que 
perception. 

19.  L'entendement  ne  peut  être  trompé 
dans  la  connoiflance  des  chofes  immuta- 
bles :  l'erreur  n'eft  que  des  contingens  &  des 
pafl^agers. 

20.  L'unité  eft  une  propriété  de  Fêtre  ; 
ce  n'eft  point  une  fubftance  ,  mais  un 
catégoreme  ,  un  prédicat  de  la  chofe ,  en 
tant  que  chofe  ou  être.  La  multitude  eft 
l'oppofé  de  l'unité.  L'égalité  &  la  fimilrtude 
fe  rapportent  à  l'unité  ;  il  en  eft  de  même 
de  l'identité. 


PER  359 

21.  II  yadiverfité  de  genre  &  d'efpece  ; 
de  genre  ,  entre  les  chofes  qui  n'ont  pas  la 
même  matière  ;  d'efpece  ,  entre  celles  dont 
le  genre  eft  le  même. 

22.  Il  y  a  trois  fortes  de  fubftances  ; 
deux  naturelles  ,  dont  l'une  eft  corrup- 
tible ,  comme  les  animaux  ;  &  l'autre 
fempiternelle  ,  comme  le  ciel  ;  la  troifiemc 
immobile. 

23.  Il  faut  qu'il  y  ait  quelque  fubftance 
immobile  &  perpétuelle  ,  parce  qu'il  y  a 
un  mouvement  local  éternel  ,  un  mou- 
vement circulaire  propre  au  ciel ,  qui  n'a  pu 
commencer.  S'il  y  a  un  mouvement  &  ua 
temps  éternels  ,  il  faut  qu'il  y  ait  une 
fubftance  fujet  de  ce  mouvement ,  &  mue  , 
&  une  fubftance  fource  de  ce  mouvement, & 
non  mue  ;  une  fubftance  qui  exerce  le  mou- 
vement &  le  contienne  ;  une  fubftance  fur 
laquelle  il  foit  exercé,  &  qui  le  meuve. 

24.  Les  fubftances  génératrices  du  mou- 
vement éternel ,  ne  peuvent  être  matérielles , 
car  elles  meuvent  par  un  ade  éternel,  fans 
le  fecours  d'autres  puiflances. 

25.  Le  ciel  eft  une  de  ces  fubftances.  II 
eft  mu  circulairement.  Il  ne  faut  point  y 
chercher  la  caufe  des  générations  &  des 
corruptions  ,  parce  que  fon  mouvement 
eft  uniforiTïe.  Elle  eft  dans  les  fpheres 
inférieures  ,  &  fur-tout  dans  la  (phcre  du 
foleil. 

26.  Le  premier  ciel  eft  donc  éternel  ; 
il  eft  mu  d'un  mouvement  éternel  ;  il  y  a 
donc  autre  chofe  d'éternel  qui  le  meut  , 
qui  eft  ade  &  fubftance  ,  &  qui  ne  fe 
meut  point> 

27.  Mais  comment  agit  ce  premier 
moteur  ?  En  defirant  &  en  concevant. 
Toute  fon  adion  confifte  en  une  influence 
par  laquelle  il  concourt  avec  les  intelli- 
gences inférieures  pour  mouvoir  leur» 
fpheres. 

28.  Toute  la  force  eft'edrice  du  premier 
moteur  ,  n'eft  qu'une  appKcation  des  force» 
des  moteurs  fubalternes  à  l'ouvrage  qui 
leur  eft  propre  ,  &  auquel  il  coopère  ,  de 
manière  qu'il  en  eft  entièrement  indé- 
pendant quant  au  refte  ;  ainfi  les  intelli- 
gences meuvent  le  ciel ,  non  par  la  géné- 
ration des  chofes  inférieures  ,  mais  pour 
le  bien  général  auquel  elles  tendent  à  fè 
conformer* 


5^o  P  E  R. 

29.  Ce  premier  moteur  efl  Dieu  ,  être 
''vivant  ,    éternel ,  très-parfait  ,   fubilance 

immobile  ,  différente  des  chofes  fenfibles  ; 
fans  parties  matérielles ,  fans  quantité  ,  fans 
divifibilité. 

30.  Il  jouit  d'une  félicité  complète  & 
inaltérable  ;  elle  confiée  à  fe  concevoir 
lui-même  &  à  fe  contempler. 

31.  Après  cet  être  des  êtres,  la  pre- 
mière fubftance .,  c'^fl  le  moteur  premier 
au  ciel ,  au  deflbus  duquel  il  y  a  d'autres 
intelligences  immatérielles  ,  éternelles  , 
qui  préfident  au  mouvement  des  fpheres 
inférieures  ,  félon  jeur  nombre  .&  leurs 
degrés. 

32.  C'eft  une  ancienne  tradition  que  ces 
fubflances  motrices  des  fpheres  font  des 
■dieux  y  &  cette  dodrine  eft  vraiment 
pélefte.  Mais  font-elles  fous  la  forme  de 
l'homme  ,  ou  d'âutres  animaux  ?  C'efl  un 
préjugé  qu'on  a  accrédité  parmi  les  peuples, 
pour  la  sûreté  de  la  vie ,  &  la  confcrvation 
des  loix. 

De  Vathéifme  d'Ariftote.  Voyez  Var- 
■ticle  ArISTOTÉLISME. 

Principes  de  Ici  morale  ou  de  la  philo- 
fophie  pratique  d'Ariflote.  i.  La  félicité 
•morale  ne  coniifle  point  dans  les  plaifirs 
des  fens  ,  dans  la  richeffe  ,  dans  la  gloire 
:civiie  ,  dans  la  puiflânce ,  dans  la  nobleffe, 
dans  la  contemplation  des  chofes  inteliigi- 
•bles  ou  des  idées. 

,  .2.  Elle  confifte  dans  la  fonâ:ion  àe  l'ame 
occupée  dans  la  pratique  d'une  vertu  ;  ou 
s'il  y  a pluûeurs  vertus,,  dans  le  choix  de  la 
plus  utile  &  la  plus  parfaite. 

3.  Voilà  le  vrai  bonheur  de  la  vie ,  le 
/ouverain  bien  de  ce  monde. 

4.  Il  y  en  a  d'autres  qu'il  faut  regarder 
xomme  des  infîrumens  qu'il  faut  diriger  à 
<,t  but,;  tels  font  les  amisj  les  grandes 
poffelîions ,  les  dignités ,  &c. 

5.  C'eft  l'exercice  de  la  vertu  qui  nous 
;rend  heureux  autant  que  nous  pouvons 
J'être. 

6.  Les  vertus  font  ou  théorétiques  ,  ou 
4)ratiques. 

7.  Elles  s'acquièrent  par  l'ufage.  Je  parle 
jdes  pratiques ,  &  non  des  contemplatives. 

8.  Il  eft  un  milieu  qui  conftitue  la  vertu 
onorale  en  cou  t. 

^.  Ce  milieu  .éc;irte  également  rhommc 


P  E  a 

de  (3eux  points  oppofés  &  extrêmes  ,  à  f  ua 
defquels  il  pèche  par  excès ,  &  à  l'autre  par 
défaut» 

10.  Il  n*eft  pas  impofîible  à  failir  ,  même 
dans  les  circonftances  les  pUis  agitées  ,  dans 
les  momens  de  paflion  les  plus  viokns  , 
dans  les  adions  les  plus  difficiles. 

11.  La  vertu  eft  un  ade  déhbéré  ,  choifi 
&  volontaire.  Il  fuit  de  la  fpontanéité  dont 
le  principe  eft  en  nous. 

12.  Trois  chofes  la  perfedionnent ,  la 
nature  ,  l'habitude  &  la  raifon. 

13.  Le  courage  eft  la  première  des 
vertus  ;  c'eft  le  milieu  entre  la  crainte  &  la 
témérité. 

14.  La  tempérance  eft  le  milieu  entre  la 
privation  &  l'excès  de  la  volupté. 

15.  La  libéralité  eft  le  milieu  entre  l'ava- 
rice &  la  prodigalité. 

16.  La  magnificence  eft  le  milieu  entre 
l'économie  fordide  &  le  fafte  infolent. 

17.  La  magnanimité  qui  fe  rend  juftice  A 
elle-même  ,  qui  fe  connoît ,  tient  le  milieu 
entre  l'humilité  &  l'orgueil. 

i2>.  La  modeftie  qui  eft  relative  à  la 
pourfuite  des  honneurs  ,  eft  également  éloi- 
gnée du  mépris  &  de  l'ambition. 

19.  La  douceur  comparée  à  la  colère  > 
n'eft  ni  féroce  ,  ni  engourdie. 

20.  La  popularité  ,  ou  l'art  de  capter  la 
bienveillance  des  hommes,,  évite  la  ruf- 
ticité  &  la  baffeffe. 

21.  L'intégrité  ou  la  candeur  ,  fe  place 
entre  l'impudence  &  la  diflimulation. 

22.  L'urbanité  ne  montre  ni  groffiéreté 
ni  baffeffe. 

23.  La  honte  qui  reffemble  plus  à  une 
paffion  qu'à  une  habitude  ,  a  aufli  fon  point 
entre  deux  excès  oppofés  ;  elle  n'eft  ni 
pufillanime  ,  ni  intrépide. 

24.  La  juftice  relative  au  jugement  des 
adiorw  ,  eft  ou  univerfelle  ,  ou  particulière. 

25.  La  juftice  univerfelle  eft  l'obfervation 
des  loix  étabhes  pour  la  confcrvation  de  la 
fbciété  humaine. 

26.  La  juftice  particulière  qui  rend  â 
chacun  ce  qui  lui  eft  dû  ,  eft  ou  diftributivje , 
ou  comrautative. 

27.  Diûributive  ,  lorfqu'elk  accorde  les 
honneurs  &  les  récompenfes  ,  en  propor- 
tion du  mérite.  Elle  eft  fondée  fur  une  pro- 
greflîon  géométrique, 

2,8^  Commutative, 


P  E  R 

2,8.  Commutative ,  lorfque  dans  les 
échanges  elle  garde  la  jufîe  valeur  des 
chofes  ,  &  elle  eu  fondée  fur  une  pro- 
portion aridimétique. 

29.  L'équiré  diffère  de  la  juftice.  L'équité 
corrige  le  défliut  de  la  loi.  L'homme  équi- 
table ne  l'interprète  point  en  fa  faveur 
d'une  manière  trop  rigide. 

30.  Nous  avons  traité  des  vertus  propres 
à  la  portion  de  l'ame  qui  ne  raifonne  pas. 
Palîbns  à  celle  de  l'intelled. 

31.  Il  y  a  cinq  efpeces  de  qualités 
intelleduelles,  ou  théorétiques  ;  lafcience  , 
l'art  ,  la  prudence  ,  l'intelligence ,  la 
fageffe. 

32.  Il  y  a  trois  chofes  à  fuir  dans  les 
mœurs  ;  la  difpofition  vicieufe  ,  l'incon- 
tinence ,  la  férocité.  La  bonté  eu  l'op- 
pofe  de  la  difpofition  vicieufe  ;  la  conti- 
nence eft  l'oppofé  de  l'incontinence.  L'hé- 
roïfine  eft  l'oppofé  de  la  férocité.  L'hé- 
roïfme  eu  le  caradere  des  hommes  divins. 

33.  L'amitié  eu  compagne  delà  vertu  ; 
c'elt  une  bienveillance  parfaite  entre  des 
hommes  qui  fe  paient  de  retour.  Elle  fe 
forme  ou  pour  le  plaifir  ,  ou  pour  l'utilité  ; 
elle  a  pour  bafe  ou  les  agrémens  de  la  vie  , 
ou  la  pratique  du  bien  ;  &  elle  fe  diviiè  en 
imparfaite  &  en  parfaite. 

34*  C'cfl  ce  que  l'on  accorde  dans 
l'amitié ,  qui  doit  être  la  melure  de  ce 
que  l'on  exige. 

35'  La  bienveillance  n'eft  pas  l'amitié  , 
c'en  efl  le  commencement  ;  la  concorde 
l'amené. 

^6.  La  douceur  de  la  fociété  efl  l'abus 
de  l'amitié. 

37.  Il  y  a  diverfes  fortes  de  voluptés. 

38.  Je  ne  voudrois  pas  donner  le  nom  de 
volupté  aux  plaifîrs  déshonnêtes.  La  vo- 
lupté vraie  eft  celle  qui  naît  des  adions 
vertueufes ,  &  de  l'accomplifï'ement  des 
delîrs. 

39.  La  félicité  qui  naît  des  adions  ver- 
tueufes ,  eft  ou  adive ,  ou  contemplative. 

40.  La  contemplative  qui  occupe  l'ame , 
&  qui  mérite  à  l'homme  le  titre  de  fage  , 
eft  la  plus  importante. 

41.  La  félicité  qui  réfulte  de  la  pofTcf- 
fion  &  de  la  jouiflance  des  biens  extérieurs , 
n'eft  pas  à  comparer  avec  celle  qui  découle 
de  la  vertu  6e.  de  fes  exercices. 

Tome  XJ^K 


P  E  R  5^1 

Des  facceJfPeurs  d'Ariflotey  Theophrafie  y 
Straton  ^  Lycon  ,  Arifion^  Critolaùs  y 
Diodore  y  Dice'arque  y  Eudeme  y  Héra- 
clide  y  Phanias  y  Démétrius  y  Hiero» 
nymiis.  * 

Théophrafle  naquit  à  Ereftè  ,  ville  ma- 
ritime de  l'île  de  Lesbos.  Son  père  le 
confacra  aux  mufes  ,  &.  l'envoya  fous 
Alcippe.  Il  vint  à  Athènes  ;  il  vit  Platon  ; 
il  écouta  Ariftote  ,  qui  difoit  de  Callifthene 
&  de  lui  y  qu'il  falloit  des  éperons  à  Cal- 
lifthene &  un  morsàXhéophrafte.  V^oye:^ 
à  r  article  AkISTOTÉLISUE  y  les  princi- 
paux traits  de  ion  caradere  &  de  fa  vie. 
Il  fe  plaignoit,  en  mourant ,  de  la  nature  , 
qui  avoit  accordé  de  fi  longs  jours  aux 
corneilles  &  de  fi  courts  aux  hommes. 
Toute  la  ville  d'Athènes  fuivit  à  pié  foa 
convoi.  Il  nous  rcfte  plufieurs  de  Ces  ou- 
vrages. Il  fit  peu  de  changemens  à  la  doc- 
trine de  fon  maître. 

Il  admettoit,  avec  Ariftote  ,  autant  de 
mouvemens  que  de  prédicamens  ;  il  attri- 
buoit  aufti  au  mouvement  l'altération  j  la 
génération  ,  l'accroifîèment ,  la  corruption  , 
&  leurs  contraires.  Il  difoit  que  le  heu 
étoit  immobile  ;  que  ce  n'étoit  point  une 
fubftance  ,  mais  un  rapport  à  l'ordre  &: 
aux  pofitions  ;  que  le  lieu  étoit  dans  les: 
animaux  ,  les  plantes  ,  leurs  difîêmblables  , 
animés  ,  ou  inanimés  ,  parce  qu'il  y  avoic 
dans  tous  les  êtres  une  relation  des  parties 
au  tout  qui  déterminoit  le  lieu  de  chaque 
partie  ;  qu'il  falloit  compter  entre  les  mou- 
vemens les  appétits  ,  les  pallions  ,  les  ju- 
gemens,  les  fpéculations  de  l'ame  ;  que  tous 
ne  naiflent  pas  des  contraires  ,  mais  que  des 
chofes  avoient  pour  caufe  leurs  contraires,  1 
d'autres  leurs  femblables, d'autres  encore  de 
ce  qui  eft  aduellement.  Que  le  mouvement 
n'étoit  jamais  féparé  de  l'adion  ;  que  les 
contraires  ne  pouvoient  être  compris  fous 
un  même  genre  ;  que  les  contraires  pou-» 
volent  être  la  caufe  des  contraires  ;  que 
la  (alure  de  la  mer  ne  venoit  pas  de  la 
chaleur  du  foleil ,  mais  de  la  terre  qui 
lui  fervoit  de  fond  ;  que  la  dire^ion  obli- 
que des  vents  avoit  pour  caufe  la  nature 
des  vents  même ,  qui  en  partie  graves  f 
&  en  partie  légers ,  étoient  portés  ei^ 
même  temps  en  haut  &  en  bas  ;  que  |ç 
,  hazard  ,  §c  non  la  prudence  ,  mené  la  vie  i 


3^1  P  E  R 

que  les  mules  engendrent  en  Cappadoce  ; 
que  l'ame  n'étoit  pas  fort  afliijettie  au 
corps ,  mais  qu'elle  faifoit  beaucoup  d'elle- 
mcme  ;  qu'il  n'y  avoit  point  de  volupté 
fauffe  ,  qu'elles  étoient  toutes  vraies  ;  enfin 
qu'il  y  avoit  un  principe  de  toutes  chofes 
par  lequel  elles  étoient  &  fubfiftoient,  & 
que  ce  principe  étoit  uji  &  divin. 

Il  mourut  à  l'clge  de  85  ans;  il  eut 
beaucoup  d'amis ,  &  il  étoit  dnjn  caradere 
à  s'en  faire  &  à  les  conferver  ;  il  eut  auiii 
quelques  ennemis ,  &  qui  efl-ce  qui  n'en 
a  pas  ?  On  nomme  parmi  ceux-ci  Epicure 
&  la  célèbre  Léonrine. 

Straton  naquit  k  Lampfaque.  Il  eut  pour 
difciple  Ptolomée  Philadelphe  ;  il  ne  né- 
gligea aucune  des  parties  de  la  philofo- 
phie  , .  mais  il  tourna  particulièrement  Ces 
vues  vers  les  phénomènes  de  la  nature. 
Il  prétendoit: 

Qu'il  y  avoit  dans  la  nature  une  force 
divine,  caufe  des  générations  ,  de  l'accroif- 
fement  ,  de  la  diminution,  &  que  cepen- 
dant cette  cauie  étoit  fans  intelligence. 

Que  le  monde  n'étoit  point  l'ouvrage 
des  dieux,  mais  celui  de  la  nature,  non 
comme  Démocrite  l'avoit  rêvé  ,  en  con- 
féquence  du  rude  &  du  poli,  des  atomes 
droits  ou  crochus  ,  &  autres  vifions. 

Que  tout  fe  failoit  par  les  poids  &  les 
meiures. 

Que  le  monde  n'étoit  point  un  animal , 
mais  que  le  piouvemeni  &  le  -  halard 
avoient  tout  produit  ^  &l  conlç^rvoient 
tout. 

Que  l'être ,  ou  la  permanence  de  ce 
qui  eft ,  c'étoit  la  même  choie. 

Que  l'ame  étoit  dans  la  bafe  des  fburcils. 

Que  les  fens  étoient  des  efpeces  de  fe- 
nêtres par  lefquelles  l'ame  regardoit ,  & 
qu'elle  étoit  tellement  unie  aux  lèns  ,  qu'eu 
égard  à.  Ces  opérations,  elle  ne  paroilîbit 
pas    en  différer. 

Que  le  temps  était  la  raefure  du  mou- 
vement &  du  repos. 

Que  les  temps  fe  réfolvoient  en  individu , 
mais  que  le  lieu  &  les  corps  fe  divifoient 
à  l'infini. 

Que  ce  qui  fe  meut  ,  Ce  meut  dans  un 
temps  individuel. 

Que  tout  corps  étoit  grave  &  ten^oit 
au  milieu» 


P  E  R 

Que  ce  qui  eft  au  delà  du  ciel  étoit  un 

efpace  immenfe ,  vuide  de  fa  nature , 
mais  le  rempliflant  fans  cefle  de  corps  j 
en  forte  que  ce  n'efi  que  par  la  penfée  qu'on 
peut  le  confidérer  comme  fubfifiant  par 
lui-même. 

Que  cet  efpace  étoit  l'enveloppe  géné- 
rale  du  monde. 

Que  toutes  les  allions  de  l'ame  étoient 
des  mouvemens  ,  &  l'appétit  irraifonnable  ^ 
&  l'appétit  fenfible. 

Que  l'eau  eu  le  principe  du  premier 
froid. 

Que  les  comètes  ne  font  qu'une  lumière 
des  afires  renfermée  dans  une  nue,  comme 
nos  lumières  artificielles  dans  une  lanterne. 

Que  nos  fenfationsn'étoient  pas  ,  à  pro- 
prement parler  ,  dans  la  partie  affeclée  , 
mais  dans  un  autre  lieu  principal. 

Que  la  puiffance  des  germes  étoit  fpiri- 
tueufe  &  corporelle. 

Qu'il  n'y  avoit  que  deux  êtres ,  le  mot 
&  la  choie  ,  &  qu'il  y  avoit  de  la  vérité 
&  de  la  fauffeté  dans  le  mot. 

Straton  mourut  fur  la  fin  de  la  127  olym- 
piade. Voy.  àVanicle  ArisTOTÉLISME  , 
le  jugement  qu'il  faut  porter  de  fa  philo- 
fophie. 

Lycon  ,  fuccefTeur  de  Straton  ,  eut  un 
talent  particufier  pour  inftruire  les  jeunes 
gens.  Pcrfonnc  ne  fut  mieux  exciter  en 
eux  la  honte  &  réveiller  l'émulation.  Sa 
prudence  n'étoit  pas  toute  renfermée  dans 
Ion  école  ;  il  en  montra  plufieurs  fois  datis 
les  confeils  qu'il  donna  aux  Athéniens. 
Il  eut  la  faveur  d'Attale  &  d'Eumene. 
Antiochus  voulut  fe  l'attacher  ,  mais  inu- 
tilement. Il  étoit  fafiueux  dans  fon  vête- 
ment. Né  robulle  ,  il  fe  plaifoit  aux  exer- 
cices athlétiques.  Il  fut  chef  de  l'école 
péripatéticienne  pendant  44  ans.  Il  mourut 
de  la  goutte  à  74. 

Lycon  lailTa  la-chaire  d'Arifîoteà  Arif- 
ton.  Nous  ne  favons  de  celui-ci  qu'une 
chofe ,  c'eft  qu'il  s'attacha  à  parler  &  à 
écrire  avec  élégance  &  douceur  ,  &  qu'on 
defira  fouvent  dans  fes  leçons  un  poids  & 
une  gravité  plus  convenables  au  philofophc 
&  à  la  philofophie. 

Ariflon  eut  pour  difciple  &  fuccefTeur 
Critolalis  de  Phafchde.  Il  mérita,  par  fon 
éloquence ,  d'être  alTocié  à  Carnéade  &  à 


P  E  R 

Diogene  ,  dans  rambaflade  que  les  Athé- 
niens décernèrent  aux  Romains.  L'art 
oratoire  lui  paroiflbit  un  mal  dangereux  , 
&  non  pas  un  art.  Il  vécut  plus  de  80  ans. 
Dieu  n'étoit  ,  félon  lui ,  qu'une  portion 
très-fubtile  à^éther.  Il  difoit  que  toutes 
ces  cofmogonies  que  les  prêtres  débitoient 
aux  peuples  ,  n'avoient  rien  de  conforme 
à  la  nature  ,  &  n'étoient  que  des  fables 
ridicules  ;  que  l'efpece  humaine  étoit  de 
toute  éternité  ;  que  le  monde  étoit  de  lui- 
même  ;  qu'il  n'avoit  point  eu  de  commen- 
cement, qu'il  n'y  avoit aucune  cauié  capable 
de  le  détruire  ,  &  qu'il  n'auroit  pas  de  fin. 
Que  la  perteâion  morale  de  la  vie  confif- 
toit  à  s'affujettir  aux  loix  de  la  nature. 
Qu'en  mettant  les  plaifirs  de  l'ame  &  ceux 
du  corps  dans  une  balance ,  c'ctoit  pefer 
un  atome  avec  la  terre  &  les  mers. 

On  fait  que  Diodore  ,  inlhuit  par  Cri- 
tolalis  ,  lui  fuccéda  dans  le  lycée  ;  mais 
on  ignore  qui  il  fut ,  quelle  fut  {a  manière 
d'enleigner  ,  combien  de  temps  il  occupa 
la  chaire  ,  ni  qui  lui  fuccéda.  La  chaîne 
péripatéticienne  fe  rompit  à  Diodore. 
D'Ariflote  à  celui  -  ci ,  il  y  eut  onze 
maîtres  ,  entre  lefquels  il  nous  en  manque 
trois.  On  peut  donc  finir  à  Diodore  la 
première  période  de  l'école  péripatéticienne, 
après  avoir  dit  un  mot  de  qudques  per- 
lonnages  célèbres  qui  lui  ont  fait  honneur. 

Dicéarque  fut  de  ce  nombre  ;  il  étoit 
Meffénien.  Cicéron  en  faifoit  grand  cas. 
Ce  philofophe  difoit  : 

1.  L'ame  n'eil  rien  ,  c'eft  un  mot  vuide 
de  fens.  La  force  par  laquelle  nous  agi  (Tons  , 
nousfentons  ,nouspen{bns ,  efldiffuledans 
toute  la  matière  dont  elle  eft  auffi  infé- 
parable  que  l'étendue ,  &•  où  elle  s'exerce 
diveffèment ,  félon  que  l'être  un  &  fimple 
eft  diverfement  configuré. 

2.  L'efpece  humaine  eft  de  toute  éter- 
nité. 

3.  Toutes  les  divinations  font  fauffes , 
fi  l'on  en  excepte  celles  qui  fe  préfentent 
à  l'ame  ,  lorfque  ,  libre  de  dillraciion  ,  elle 
eft  luffifamment  attentive  à  ce  qui  le  pafle 
en  elle. 

4.  Qu'il  vaut  mieux  ignorer  l'avenir  que 
lé  connoître. 

Il  étoit  vcrfé  profondément  dans  la  po- 
litique. On    lifoit  tous  les  ans   une  tois 


P  E  a  3(^3 

dans  l'aflemblée  des  éphores ,  le  livre  qu'il 
avoit  écrit  de  la  république  de  Lacédéraonc. 

Des  princes  l'cinploycrent  à  mefurer  la 
hauteur  &  la  diftance  des  montagnes  ,  & 
à  perfedionner  la  géographie. 

Eudeme  ,    né  à  Rhodes  ,    étudia   fous 
Ariftote.  Il  ajouta  quelque  chofë  à  la  logi- 
que Aq.  (on  maître,  fur  les  argumentations 
hypothétiques   &  fur   les   modes.  Il  avojc^ 
écrit  l'hifîoire  de  la  géométrie  &  de    l'af^ 
tronomie. 

Héraclide  de  Pont  écouta  Platon ,  em- 
braffa  le  pythagorilme ,  pafTa  fous  Speu- 
fipe ,  &  finit  par  devenir  ariftotelicien.  Il 
réunit  le  mérite  d'orateur  à  celui  de  phi- 
lo (ophe. 

Phanias  de  Lesbos  étudia  la  nature,  & 
s'occupa  aulîi  de  l'hifioire  de  la  philofophie. 

Démétrius  de  Phalere  tut  un  des  dif- 
ciples  de  Théophrafte  les  plus  célèbres. 
Il  obtint  de  Caflandre  ,  roi  de  Macédoine  ,  ■ 
dans  la  115  olympiade ,  l'adminilbation 
des  aSaires  d'Athènes,  fondion  dans  laquelle 
il  montra  beaucoup  de  fageffe.  Il  rétabht 
le  gouvernement  populaire  ;  il  embellit  la 
ville  ;  il  augmenta  fes  revenus;  &  les  Athé- 
niens ,  animés  d'une  reconnoifîlince  quife 
montroit  tous  les  jours  lui  élevèrent  jus- 
qu'à 350  ftatues  ,  ce  qui  n'étoit  arrivé  a 
perfonne  avant  lui.  Mais  il  n'étoit  guère 
pofîîble  de  s'illufirer  &  de  vivre  tranquille 
chez  un  peuple  inconfiant  :  la  haine  èc 
l'envie  le  perfécuterent.  On  fe  foaîeva 
contre  l'oligarchie.  On  le  condamna  à 
mort.  Il  étoit  alors  abfent.  Dans  rimpof" 
fibilité  de  fe  faifir  de  Ça  perfonne,  on  (e 
jeta  fur  fes  flatucs ,  qui  turent  toutes  ren- 
verfées  en  moins  de  temp>  qu'on  n'en  avoit 
élevé  une.  Le  philofophe  fe  réfugia  chez 
Ptolomée  Soter  ,  qui  l'accueillit  &c  l'em-  , 
ploya  à  réformer  la  légifiation.  On  dit  qu'il 
perdit  les  yeux  pendant  fon  féjour  à  Ale- 
xandrie ;  mais  que  s'étantadreCé  à  Siparis  , 
ce  dieu  lui  rendit  la  vue  ,  &  que  Démé- 
trius reconnut  ce  bienfait  dans  les  hymnes 
que  les  Athéniens  chantèrent  dans  la  fuite. 
Il  confeilla  à  Ptolomée  de  fe  noram.rpour 
fucceflèur  les  enfans  d'Eruridice  ,  &  d'ex- 
clure le  fils  de  Bérénice.  Le  prince  n'écouta 
point  le  philofophe ,  &  s'alfocia  Ptolomée 
-onnu  fous  le  nom  de  Philadelphe.  Celui- 
ci  ,  après  la  mort   de  fon  père ,  relégua 

Z  z  2 


3^4  P  E  R 

Démétrius  dans  le  fond  d'une  province , 
où  il  vécut  pauvre,  &  mourut  de  la  pi- 
quure  d'un  a(pic.  On  voit  par  la  lifle  des 
ouvrages  qu'il  avoit  compofés  ,  qu'il  étoit 
poète  ,  orateur  ,  philofoplie  ,  hiflorien  ,  & 
qu'il  n'y  avoit  prefque  aucune  branche  de 
la  connoifîance  humaine  qui  lui  fût  étran- 
gère. Il  aima  la  vertu ,  &  fut  digne  d'un 
leilleur  fort. 

Nous  ne  favons  prefque  rien  d'Hiéro- 
nymus  de  Rhodes. 

De  la  philofophie  péripatéticienne  à 
Rome  ,  pendant  le  temps  de  la  république 
&  fous  les  empereurs.  Voyez  Partide 
ArisTOTÉLISMî;  ,  &  Vartide  PHILO- 
SOPHIE DES  PxOMAINS. 

De  la  philofophie  d^Arifiote  che'{  les 
'Arabes.  Voyez  les  artides  ARABES  €? 
Aristotélisme. 

De  la  philofophie  d'Ariflote  che^  les 
Sarrafins  y  voyez  les  artides  SARRASINS 

ù  Aristotélisme. 

Delà  philofophie  d'Ariflote  dans  Végli- 
fe  y  voyez  les  artides  Jesus-Christ  & 
Pères  de  l'église  ,  ù  Aristoté- 
lisme. 

De  la  philofophie  d*Arifiote  parmi  les 
fcholaftiques ,  voyez  les  articles  PHI- 
LOSOPHIE SCHOLASTIQUE  6"  ARISTO- 
TÉLISME. 

Des  reflaurateurs  de  la  philofophie 
d'Ariflote ,  voyez  Partide  ARISTOTÉ- 
LISME &  Partide  PHILOSOPHIE. 

Des  philofophes  récens  arijiotélio  - 
fcholaftiques,  \oytzV article  ARISTOTÉ- 
LISME ,  om  cefujet  efi  traité  très-au  long. 
Nous  reftituerons  feulement  ici  quelques 
noms  moins  importans  qiion  a  omis  ,  & 
gui  peut-être  ne  valent  guère  la  peine  d'être 
tirés  de  Poubli. 

Après  Bannez  ,  on  trouve  dans  l'hifloire 
/  de  la  philofophie  ,  Francifcus  Sylveflrius. 
Sylvellrius  naquit  à  Ferrare;  il  fut  élu 
chef  de  fon  ordre  ;  il  enieigna  à  Bologne  ; 
il  écrivit  trois  livres  de  commentaires  fur 
î'ame  d'Arifîote.  Matthxus  Aquarius  les  a 
publiés ,  avec  ^es  additions  &  des  quef- 
tions  pliilolophiqu^s.  Sylveflrius  mourut 
en  1528.  [ 

Michel  Zanard  de  Bergame  ,  homme 
qui  favoit  lever  des  doutes  &  les  réfoudre  ; 
il  a  écrit  de  triplici  univerfo  _,  de  phyficâ 


PEU 

&  metaphyficây  &  commentaria  cum  dubiis 
Ù  quceftionihus  in  ocfo  libros  Ariftotelis. 

Joannes  y  à  S.  Thoma  ,  de  l'ordre 
aufîî  des  Dominicains  ;  il  s'entendit  bien  en 
dialedique  ,  en  métaphyfique  &  en  phyfi- 
que ,  en  prenant  ces  mots  félon  l'accep- 
tion qu'ils  avoient  de  fon  temps ,  ce 
qui  réduit  le  mérite  de  fes  ouvrages  à  peu 
de  chofe  ,  fans  rien  ôter  à  fon  talent. 
Prefque  tous  ces  hommes  ,  qui  auroient 
porté  la  connoiffance  humaine  jufqu'où  elle 
pouvoit  aller ,  occupés  à  des  argumenta- 
tions futiles  ,  furent  desvidimes  de  l'efprit 
dominant  de  leur  fiecle. 

Chryfoflome  Javelle.  Il  naquit  en  Italie 
en  1488  ;  il  regarda  les  opinions  &  la 
philofophie  de  Platon  comme  plus  analo- 
gues à  la  religion ,  &  celle  d'Ariflote 
comme  préférable  pour  la  recherche  des 
vérités  naturelles.  Il  écrivit  donc  de  la 
philofophie  morale  félon  Ariflote  d'abord  , 
enfuite  félon  Platon  ,  &  en  dernier  lieu 
félon  Jefus-Chriil.  Il  dit  dans  une  de  ks 
préfaces  ,  Ariftotelis  difciplina  nos  quidem 
doctos  ac  fubtilifjlmè  de  moralibus  y  fient 
de  naturalibus  différentes  efficere  poteft  ;  at 
moralis  Platonica  ex  vi  dicendi  atque 
paternâ  adhortatione  y  veluti  prophetia 
quivdam  y  &  quafi  fuperum  vox  inter  ho~ 
mines  tonans  y  nos  procul  dubio  fapien- 
tiores  y  probatiores  y  vitxque  feliciores 
reddet.  Il  y  a  de  la  finefîe  dans  fon  pre- 
mier traité  ,  de  la  fublimité  dans  le  fé- 
cond ,  de  la  fimplicité  dans  le   troifieme. 

Parmi  les  difciples  qu'Arifîote  a  eus  chez 
les  Francifcains  ,  il  ne  faut  pas  oublier  Jean 
Ponzius  ,  Maflrius  ,  Bonaventure  Mellut  , 
Jean  Lallemandet  ,  Martin  ,  Meuriffe  , 
Claude  Fraifenius ,  Ùc. 

Dans  le  catalogue  àcs  arifîotéiicietjs  de 
l'ordre  de  Cîteaux  ,  il  faut  inférer  après 
Ange  Manriquez,  Bartholomée  Gomez  , 
Marcile  Vafquez  ,  Pierre  de  Oviédo  ,  Ùc. 

Il  faut  placer  à  la  tête  des  fcholafîiques 
de  la  fociété  de  Jefus ,  Pierre  Hurtado  de 
Mendofa  avant  Vafquez ,  &  après  celui-ci , 
Paul  Vallius  &  Balthazar  Tellez  ;  &  après 
Suarès  ,  François  Tollet,&  AntoineRubius. 

A  ces  horrtmes  on  peut  ajouter  Frauçois 
Alphonfe  ,  François  Gonfalez  ,  Thomas 
Compton ,  François  Rafler  ^  Anronius 
Polus ,  Honoré  Fabri  ;  celui-ci ,  foupçonaé 


P  E  R 

dnns  fa  fociété   de  favorifer   le  cartéfia- 
nifme  ,  y  fouf&it  de  la  perfécution. 

Des  philofophes  qui  ont  fuii>i  la  véri- 
table pliilofophie  d'Ariflotey  voyez  ^article 
Aristotélisme. 

Parmi  ceux-ci ,  le  premier  qui  fè  pré- 
fente eft  Nicolas  Leonic  Thomée.  Il  na- 
quit en  1457  ;  il  étudia  la  langue  greque 
&  les  lettres  fous  le  célèbre  Démetrius 
Chalcondylas  ;  &  il  s'appliqua  férieufement 
à  expofer  la  doûrine  d'Ariflote  telle  qu'elle 
nous  eft  préièntée  dans  les  ouvrages  de  ce 
philofophe.  Il  ouvrit  la  voie  à  des  hommes 
'  plus  célèbres,  Pomponace&à  fes difciples. 
Voye\  à  Vartide  ÀRISTOTÉLISME  , 
V abrège'  de  la  doctrine  de  Pomponace. 

Celui-ci  eut  pour  difciples  Hercules  Gon- 
zaga  ,  qui  fut  depuis  cardinal  ;  Théophile 
Folengius ,  de  l'ordre  de  faint  Benoît  ,  & 
auteur  de  l'ouvrage  burlefque  que  nous 
avons  fous  le  titre  de  Merlin  Cocaye  ; 
Paul  Jove  ,  Helidée  ,  Gafpard  Contarin  , 
autre  cardinal;  Simon  Porta,  Jean  Ge- 
nefîus  de  Sepulveda  ,  Jules-Céfar  Scaligcr  , 
Lazare  Bonami ,  Jules-Céfar  Vanini  ,  & 
Rufus  ,  l'adverfaire  le  plus  redoutable  de 
fon  maître.  Voye^  P article  AristotÉ- 
LISME. 

Infcrivez  après  Rufus ,  parmi  les  vrais 
Ariftotéliciens ,  Marc-Antoine  Majoragius  , 
Daniel  Barbarus ,  Jean  Genelius  de  Sepul- 
veda, Petrus  Vidorius;  &  après  les  Strozze, 
Jacques  Mazonius ,  Hubert  Gifanius ,  Jules 
Pacius;  &  à  la  fuite  de  Céfar  Cremonin , 
François  Vicomefcat ,  Louis  Septale,  plus 
connu  parmi  les  anatomiftes  qu'entre  les 
philofophes  ;  Antoine  Montecatinus  ,  Fran- 
çois Burana  ,  Jean-Paul  Pernumia  ,  Jean 
Cottufius  ,  Jafon  de  Nores  ,  Fortunius 
Licet ,  Antoine  Scaynus ,  Antoine  Roccus , 
Fehx  Afcorombonus  .  François  Rabertel , 
Marc  -  Antoine  Muret  ,  Jean  -  Baptifte 
Mondor  ,  François  Vallois  ,  Nunnelius 
Balfurcus ,  &c. 

Il  ne  faut  pas  oublier  pa;-mi  les  protef- 
tans  ariftotéliciens,  Simon  Simonius  ,  qui 
parut  fur  la  fcene  après  Joachim  Camerarius 
&  Melanchton  ;  Jacob  Schegius ,  Philippe 
Schcrbius ,  &c. 

Erneft  Sonerus  précéda  Michel  Piccart  , 
&  Conrad  Horneius  lui  fuccéda  &  à  Cor- 
neille Martius. 


P  E  R  3^j 

Chrifîianus  Dreierus,Melchior  Zeidlerus, 
&  Jacques  Thomaiius  ,  finiffent  cette  fé- 
conde période  de  rariftotéiifme. 

Nous  expoferons  dans  un  article  parti- 
culier la  philofophie  de  Thomadus.  Voyez 
ThomASIUS    {philofophie  de). 

Il  nous  refteroit  à  terminer  cet  article 
par  quelques  confidérations  fur  l'origine 
les  progrès  &  la  réforme  àupéripatéticifme 
fur  \qs  caufes  de  fa  durée  ,  fur  le  rnlen- 
tifîêmcnt  qu'elle  a  apporté  au  progrès  de 
la  vraie  fcience,  fur  l'opiniâtreté  de  Çqs 
fedateurs  ,  fur  les  argumens  qu'elle  a  four- 
nis aux  athées  ,  fur  la  corruption  des 
mœurs  qui  s'en  eft  (uivie  ,  fur  ks  moyens 
qu'on  pouvoit  employer  contre  la  lede  , 
&  qu'on  négligea  ;  fur  l'attachement  mal- 
entendu que  les  proteftans  afFederent  pour 
cette  manière  de  philofopher  ,  fur  les  ten- 
tatives inutiles  qu'on  fit  pour  l'améliorer  , 
&  fur  quelques  autres  points  non  moins 
importans  :  mais  nous  renvoyons  toute  cette 
matière  à  quelque  traité  de  l'hiftoire  de 
la  philofophie  en  général  &  en  particulier , 
où  elle  trouvera  là  véritable  place.  Voyez 
Vartide  PHILOSOPHIE  EN  GÉNÉRAL 
(hijloire  de  la), 

PÉRIPÉTIE  ,  f.  f.  (Belles-Lettres.) 
dans  le  poëme  dramatique  ,  c'eft  ce  qu'on 
appelle  ordinairement  le  dénouement ,-  c'eft 
la  dernière  partie  de  la  pièce  ,  où  le  nœud 
fe  débrouille  ,  &  l'adion  fe  termine.  Voyez 
Tragédie. 

Ce  mot  vient  du  grec  'rîeiTrmif ,  cho/e 
qui  tombe  dans  un  érat  différent ,  &  qui 
eft  forrné  de  ^rsf/ ,  autour  ^  &  de  îri^Tw  , 
cado  y  je  tombe. 

La  péripétie  eft  proprement  le  change- 
ment de  condition,  foit  heureufe  ,  ibit 
malheureufe  ,  qui  arrive  au  principal  per- 
fonnage  d'un  drame  ,  &  qui  réfulte  de 
quelque  reconnoiffance  ou  autre  incident 
qui  donne  un  nouveau  tour  à  l'adion. 

Ainfi  la  péripétie  eft  la  même  chofe  que 
la  cataftrophe,  à  moins  qu'on  ne  dife  que 
celle-ci  dépend  de  l'autre  ,  comme  un 
effet  dépend  de  fa  caufe  ou  de  fon  occafton. 
Voye\  Catastrophe. 

La  péripétie  eft  quelquefois  fondée  fur 
un  reffouvenir,  ou  une  reconnoiffance, 
comme  dans  l'CEdipe  roi  ,  où  un  dépuré 
envoyé  de  Corinthe ,  pour  offrir  la  cou- 


^66  PER. 

fonne  à  (Edipe  ,  lui  apprend  qu'il  ii'ejfl 
point  fils  de  Polybe  &  de  Mérope  ;  par-là 
(Edipe  commence  à  découvrir  que  Laïus 
qu'il  avoit  fuë  étoit  Ton  père  ,  &  qu'il  a 
époufé  Jocarte  fa  propre  mère  ,  ce  qui  le 
jette  dans  le  dernier  défefpoir.  Ariftote  ap- 
pelle cette  forte  de  dénouement ,  une  double 
péripétie.  Voye^ ReconNOISSANCE. 

Les  qualités  que  doit  avoir  la  péripétie  , 
font  d'être  probables  &  néceflaires  ;  pour 
cela  elle  doit  être  une  fuite  naturelle ,  ou 
au  moins  l'effet  des  adions  précédentes  ,  & 
encore  mieux  naître  du  lu  jet  même  de 
la  pièce,  &  par  conféquent  ne  point  venir 
d'une  caufe  étrangère  ,  &  pour  ainfi  parler , 
collatérale. 

Quelquefois  la  péripétie  fe  fait  fans  re- 
connoiffance  ,  comme  dans  l'Antigone  de 
Sophocle  ,  où  le  changement  dans  la  for- 
tune de  Créon  ,  elf  produit  par  fa  feule 
opiniâtreté.  La  péripétie  peut  auffi  venir 
d'un  fimple  changement  de  volonté.  Cette 
dernière  forte  de  dénouement,  quoiqu'elle 
demande  moins  d'art  ,  comme  l'obferve 
Dryden  ,  peut  cependant  être  telle ,  qu'il 
en  réfulte  de  grandes  beautés  ;  tel  efl  le 
dénouement  du  Cinna  de  Corneille  ,  où 
Augufle  fignale  fa  clémence  ,  malgré 
toutes  les  raifons  qu'il  a  de  punir  &  dj 
ié  venger. 

Ariifote  appelle  ces  deux  péripéties  y 
péripéties  fimple  s  ;  les  changeraens  qu'elles 
produifent  confilfant  feulement  dans  le 
paflage  du  trouble  &  de  l'adion ,  à  la  tran- 
quillité &  au  repos.  V.  Fable  ^  ACTION. 

Corneille  avoue  que  Vagnition  y  c'eff- 
à-dire ,  ce  que  nous  nommons  reconnoif- 
fance  y  efî  un  grand  ornement  dans  les 
tragédies  ,  une  grande  reflource  pour  la 
péripétie  ;  &  c'ell  aufll  le  f èntiment  d'Arif^ 
tote  :  mais  il  ajoute  qu'elle  a  fes  inconvé- 
niens.  Les  Italiens  l'aiFedent  dans  la  plupart 
de  leurs  poëmes  ,  &  perdent  quelquefois , 
par  l'attachement  qu'ils  y  ont ,  beaucoup 
d'occafions  de  fcntimens  pathétiques  qui 
auroient  des  beautés  plus  confidérables. 
P.  Corn.  2.  difc.furla  tragédie. 

Nous  pourrions  dire  la  même  chofe  de 
prefque  tous  nos  dramatiques  modernes 
depuis  Corneille  &  Racin£.  Il  efl  étonnant 
fur-tour  que  dans  les  pièces  de  ce  dernier  , 
l^s  péripéties  ne  foient  jamais  l'efFet  d'une 


PE  R 

reconnoifîarice  ;  en  font-elles  tfioîns  belle» 
&  moins  intérefîantes  ? 

PÉRIPHERÈS  ,  (  Mufiq.  des  anc.  ) 
terme  de  la  mufique  greque  ,  qui  fignifie 
une  fuite  de  notes  tant  afcendantes  que 
defcendantes  ,  &  qui  reviennent ,  pour 
I  ainfi  dire  ,  fur  elles-mêmes.  La  péripherès 
étoit  formée  de  i'anacamptos  &  de  l'eu- 
thia.  {S) 

PÉRIPHÉRIE,  f  f.  {en  Géométrie.) 
efl  la  circonférence  ou  la  ligne  qui  termine 
un  cercle  ,  une  ellipfe  ,  une  parabole  ,  ou 
une  autre  figure  curviligne.  VoyeT^  CIR- 
CONFÉRENCE ,  Cercle,  &c. 

Ce  mot  efl  formé  de  ^gf  /  ,  autour  y  &  de 
2: fi)  ,  je  porte. 

La  périphérie  de  chaque  cercle  efl  fup- 
pofée  divifée  en  360  dtgrés ,  qui  fe  lub- 
divifent  encore  chacun  en  60  minutes  , 
les  minutes  en  60  fécondes  chacune ,  Ùc, 
Fqyq Degré,  Minute  ,  &c. 

Les  géomètres  démontrent  que  l'aire  ou 
furface  du  cercle  efl  égale  à  celle  d'un 
triangle  ,  dont  la  bafe  efl  égale  à  la  péri~ 
phérie  y  &  la  hauteur  au  rayon.  V'oye^ 
Triangle. 

Il  fuit  delà  que  les  cercles  font  en 
railbn  compofée  de  leurs  périphéries  &  de 
leurs  rayons.  Or  ,  en  tant  que  figures 
femblables  ,  ils  font  aufii  en  raifon  doublée 
de  leurs  rayons  :  donc  les  périphéries  des 
cercles  font  entr'elles  comme  leurs  rayons  ; 
&  par  conféquent  aufli  comme  leurs  dia- 
mètres. Chambers.  (E) 

PÉRIPHRASE,  f  f.  (Rhétorique,) 
c'efl-à-dire  ,  circonlocution  y  détour  de 
mots ,  figure  dont  Quintiljen  a  fi  bien, 
traité ,  lii'.  VIII y  c.  vj.  Quod  uno  aut 
paucioribus  dici  potefi  y  explicatur  ,•  pe- 
riphrafim  vacant ,  circuitum  loquendi ,  qui 
non  nunquam  necejjitatem  habet  y  quoties 
diclu  deformia  operit'.  .  .  .  Intérim  orna.' 
tum  petit  y  foluni  qui  efi  apud  poetas  fre- 
quentijfimus  y  &  apud  oratores  non  rarus  y 
femper  tamen  adftriclior.  Il  efl  de  la  dé- 
cence de  recourir  zux  périphrafes  y  pour 
faire  entendre  les  chofes  qu'il  ne  convient 
pas  de  nommer.Ces  tours  d'exprefGons  font 
îbuvent  néceiîaires  aux  orateurs.  La  péri^ 
phrafe  y  en  étendant  le  difcours  ,  le  relevé  j 
mais  il  la  faut  employer  avec  choix  & 
1  avec  mefure  ,  pour  qu'elle  Jfoit  oratioais 

m 


PER 

dilucîdior  circuitio  ,  &  pour  y  produire 
une  belle  harmonie. 

Piaton  ,  dans  une  oraifon  funèbre  ,  parle 
ainfi  :  **  Enfin  ,  meflieurs  ,  nous  leur  avons 
w  rendu  les  derniers  devoirs,  &  maintenant 
»  ils  achèvent  ce  fatal  voyage.  »  Il  appelle 
la  mort  ce  fatal  voyage  ,•  enfuite  il  parle 
des  derniers  devoirs  comme  d'une  pompe 
publique  que  leur  pays  leur  avoit  préparée 
exprès ,  pour  les  conduire  hors  de  cette  vie. 
De  même  Xénophon  ne  dit  point  ,  vous 
travaillez  beaucoup  ;  mais ,  "  vous  regardez 
>j  le  travail  comme  le  feul  guide  qui  peut 
jy  vous  conduire  à  une  vie  heureufe.  o 

La  périphrafe  fuivante  d'Hérodote  ,  eft 
encore  plus  délicate.  La  déefTe  Vénus ,  pour 
châtier  l'infolence  des  Scythes  ,  qui  avoient 
ofé  piller  fon  temple ,  leur  envoya  une 
jnaladie  qui  les  rendait  femmes.  Il  y  a 
dans  le  grec  ^ia/^ûav  vlcrov  ;  c'eft  vraifembla- 
blement  le  vice  de  ceux  dont  S.  Grégoire 
de  Naziance  dit  qu'ils  font 

ATùnriAi  cchiyfx*  ,  Keti  y^i<poi  tut^uv  , 

Un  partage  du  fcholiafte  de  Thucydide 
eft  décifif.  Il  parle  de  Philoftete  qu'on  fait 
avoir  été  puni  par  Vénus  '  de  la  même 
manière  qu'Hérodote  dit  qu'elle  punit  les 
Scythes. 

Cicéron,  dans  fon  plaidoyer  pour  Milon, 
ufe  d'une  périphrafe  encore  plus  belle  que 
celle  de  l'hillorien  grec.  Au  lieu  de  dire 
que  les  efclaves  de  Milon  tuèrent  Clodius  , 
il  dit  :  fecerunt  ferpi  Milonis  y  neque  impe- 
rante  y  neque  fciente  ,  neque  prxfente  do- 
mino ^  id  quod  fuos  quifque  fervos  in 
tali  re  facere  volui/fet.  Cet  exemple ,  aufîî- 
bien  que  celui  d'Hérodote ,  entre  dans  le 
trope  que  l'on  nomme  euphe'mifme  y  par 
lequel  on  déguife  des  idées  défagréables  , 
odieufes  ou  trifles ,  fous  des  noms  qui  - 
ne  font  point  les  noms  propres  de  ces  idées  : 
ils  leur  (èrvent  comme  de  voiles  ;  &  ils  en 
expriment  en  apparence  de  plus  agréables, 
de  moins  choquantes,  ou  de  plus  honnêtes, 
félon  le  befoin. 

L'ufage  de  la  périphrafe  peut  s'étendre 
fort  loin  ,■&  la  poéfie  en  tire  fouvent  beau- 
coup d'éclat  ;  mais  il  faut  alors  qu'elle  fafle 
une  belle  image.  On  a  eu  raifon  de  blâmer 


PER 


3^7 


cettc^  périphrafe  de  Racine  ,  dans  le  récit 
de  Théramene  i 

Cependant ,  fur  le  dos  de  la  plaine 
liquide  , 

S^ élevé  à  gros  bouillons'  une  mon- 
tagne humide. 

Une  montagne  humide  qui  s'élève  à  gros 
bouillons  fur  la  plaine  liquide  ,  efl  propre- 
ment de  l'enflure.  Le  dos  de  la  plaine 
liquide ,  eft  une  métaphore  qui  ne  peut 
fe  tranfporter  du  latin  en  françois  ;  enfin  , 
la  périphrafe  n'eiî  pas  exade ,  &  fort  du- 
langage  de  la  tragédie. 

Mais  les  deux  vers  fuivans , 

Indomtable  taureau  ^  dragon  im- 
pétueux , 

Sa  croupe  fe  recourbe  en  replis  tor- 
tueux. 

Cts  deux  vers ,  dis-je  ,  font  bien  éloignés 
d'être  une  périphrafe  gigantefque  ;  c^Q^ï 
de  la  grande  poéfie ,  où  fe  trouve  la  pré- 
cifion  du  deffin  ,  &  la  hardiefTe  du  coloris. 
Oublions  feulement  que  c'efl  Théramene* 
qui  parle.  {D.  J.) 

PERIPLE,  f.  m.  {Géog.  anc.)  Ce  mot 
-veut  dire  journal  de  navigation  autour  d'une 
mer ,  ou  de  quelque  côte  ;  nous  connoillbns 
en  ce  genre  \q  périple  de  Scylax  ,  le  périple 
d'Hannon  ,  le  périple  de  Pythéas  ,  &  le 
périple  d'Arrien  ,  qui  décrivit  toutes  les 
côtes  de  la  mer  noire ,  après  les  avoir 
reconnues  en  qualité  de  général  de  l'em- 
pereur Adrien ,  à  qui  il  en  dédia  la  def^ 
cription  fous  le  nom  de  périple  du  Pont- 
Eux  in. 

Scylax  ,  célèbre  géographe,  né  dans  la 
Carie  ,  florifToit  quelque  temps  après  Han- 
non  ,  c'eft-à-drre ,  environ  33^0  ans  avant 
J.  C.  Nous  avons  fous  Ton  nom  un  périple 
intérefîànt  ,  qui  tû  peut-être  un  court 
abrégé  de  fon  ouvrage.  Il  y  efl  parlé  de 
quelques  villes  phéniciennes  bâties  fur  lia- 
côte  d'Afrique  ,  entr'autres  de  la  ville» 
de  Thymiaterium  ,  que  bâtit  Hannon. 

Le  périple  d'Hannon  paroît  donc  le  plus 
an':ien  ,  &  le  feul  morceau  de  ce  genre: 
que  nous  ayions  en  original.  Il  efl:  antérieur 
au  commencement  du  règne  d' Alexandre  , 


368  P  E  R 

c'eft-à-dire  ,  à  l'an  ^36  avant  Jefus-Chrifl, 
paifqu'il  y  parle  de  Tyr  ,  comme  d'une 
ville  florifTante  ,  qui  a  un  roi  particulier , 
&  qui  eu  fituée  dans  une  île  féparée  du 
continent  par  un  détroit  des  trois  ftades. 
On  voit  par-là  que  le  voyage  d'Hannon 
eft  plus  ancien  que  l'an  3^°  avant  J.  C 
Pline  dit  qu'il  fut  fait  dans  le  temps  de  la 
puifTance  des  Carthaginois ,  Carthaginis 
potentiâ  fiorente  ;  mais  cette  puiflance  a 
commencé  de  fi  bonne  heure ,  qu'on  ne 
peut  en  fixer  la  date  précife. 

Strabon ,  /.  I y  p.  ^J  y  traite  de  fabuleufe 
la  relation  du  célèbre  amiral  de  Carthage. 
Dodwel  regarde  auffi  le  voyage  d'Hannon 
comme  un  roman  de  quelques  Grecs  dé- 
guifés  fous  un  nom  punique;  mais  malgré 
toute  l'érudition  qu'il' prodigue  à  l'appui 
de  fes  raifonnemens  ,  il  n'a  pas  convaincu 
l'auteur  de  l'efprit  des  loix.  M.  de  Mon- 
tefquieu  met  le  périple  d'Hannon  au  nom- 
bre des  plus  précieux  monumens  de  l'anti- 
quité ;  &  M.  de  Bougainville  ,  adoptant  le 
même  fentiment,  adonné  dans  le  recueil 
de  l'académie  des  Infcriptions  ,  t.  XXVI , 
un  mémoire  curieux  fur  ce  voyage  ,  outre 
la  tradudion  du  périple  même  d'Hannon  , 
accompagnée  des  éclalrcifîemens  nécef- 
faires.  En  voici  le  précis. 

Hannon  partit  du  port  de  Carthage  à 
la  tête  de  foixante  vaiîleaux ,  qui  portoient 
une  grande  multitude  de  paflagers ,  hommes 
&  femmes  ,  deftinés  à  peupler  les  colonies 
qu'il  alloit  établir.  Cette  flotte  nombreufe 
étoit  chargée  de  vivres  &  de  munitions 
de  toute  efpece ,  foit  pour  le  voyage  ,  fo'it 
pour  les  nouveaux  établifTemens.  Les  an- 
ciennes colonies  carthaginoifes ,  étoient 
femées  depuis  Carthage  jufqu'au  détroit  ; 
ainfi  les  opérations  ne  dévoient  commencer 
qu'au  delà  de  ce  terme. 

Hannon  ayant  paiTé  le  détroit ,  ne  s'ar- 
rêta qu'après  deux  journées  de  navigation  , 
près  du  promontoire  Hermeum ,  aujour- 
d'hui le  cap  Cautin  ;  &  ce  fut  au  midi  de 
ce  cap  ,  qu'il  étabht  fa  première  peuplade. 
*Xa  flotte  continua  fa  route  jufqu'à  un  cap 
ombragé  d'arbres  >  qu'Hannon  nomme 
Solaé  y  &  que  le  périple  de  Scylax  met 
à  trois  journées  plus  loin  que  le  précé- 
dent ;  c'efl  vraifemblableraent  le  cap  Bo- 
kdor,  *li^fi  nommé  par  le§  Portugais,  à 


P  E  R 

caufe  du  courant  trcs-dangefeu?r  que  for- 
ment à  cet  endroit  les  vagues  qui  s'y 
brifent  avec  impétuofité.  * 

Les  Carthaginois  doublèrent  le  cap  ;  une 
demi-journée  les  conduifit  à  la  vue  d'un 
grand  lac  voifin  de  la  mer  ,  rempli  de 
rofeaux  ,  &  dont  les  bords  étoient  peuplés 
d'éléphans  &  d'animaux  fauvages.  Trois 
journées  &  demie  de  navigation  féparenc 
ce  lac  d'une  rivière  nommée  Lixus  par 
l'amiral  carthaginois.  Il  jeta  l'ancre  à  l'em- 
bouchure de  cette  rivière  ,  &  féjourna 
quelque  temps  pour  lier  commerce  avec 
les  Nomades  Lixites ,  répandus  le  long  des 
bords  du  Liceus.  Ce  fleuve  ne  peut  être 
que  le  Rio-do-Ouro  ,  efpece  de  bras  de 
mer  ,  ou  d'étang  d'eau  falée  ,  qu'Hannon 
aura  pris  pour  une  grande  rivière  à  fon 
embouchure. 

Enfuite  la  flotte  mouilla  près  d'une  île 
qu'Hannon  appelle  Cerné  ;  &  il  laiiïà  dans 
cette  île  des  habitans  pour  y  former  une 
colonie.  Cerné  n'efl  autre  que  notre  île 
d'Arquin  ,  nommée  Ghir  par  les  Maures  i 
elle  eft  à  cinquante  milles  du  cap  Blanc  , 
dans  une  grande  baie  formée  par  ce  cap  , 
&  par  un  banc  de  fable  de  plus  de  cin- 
quante milles  d'étendue* du  nord  au  fud  , 
&  un  peu  moins  d'une  lieue  de  large  de 
l'elt  à  l'oueft.  Sa  diftance  du  continent  de 
l'Afrique  ,  n'eft  guère  que  d'une  lieue. 

Hannon  s'étant  remis  en  mer  ,  s'avança 
jufqu'au  bord  d'un  grand  fleuve  qu'il  nomme 
Chris  y  à  l'extrémité  duquel  il  vit  de 
hautes  montagnes  habitées  par  des  fauvages 
vêtus  de  peaux  de  bêtes  féroces.  Ces  fau- 
vages s'oppoferent  à  la  defcente  des  Car- 
thaginois ,  &  les  repouflercnr  à  coups  de 
pierres.  Selon  toute  apparence  ,  ce  fleuve 
Chrès ,  eft  la  rivière  de  Saint- Jean  ,  qui 
coule  au  fud  d'Arquin,  à  l'extrémité  méri- 
dionale du  grand  Sanc.  Elle  reçoit  les  eaux 
de  plufieurs  lacs  confîç^érables  ,  &  forme 
quelques  îles  dans  (on  canal  ,  outre  celles 
qu'on  voit  au  nord  deYpn  embouchure. 
Ses  environs  font  habités  par  les  No- 
mades de  la  même  efpece  que  ceux  du 
Lixus  ;  &  ce  font-là  ^robabtesent  les 
fauvages  que  vit  Hanoôni, 

Ayant  continué  fa  navigation  le  long  de 
la  côte  vers  le  midi^ ,  elle  le  conduifit  A 
un  autre  iiçuve  très'l^rge  &  très-profond  , 

rempli 


P  E  R 

irempîl  (îe  crocodiles  &  d'hippopotames. 
La  grandeur  de  ce  fleuve  ,  &  les  animaux  ; 
féroces  qu'il  nourrit  ,  défignent  certaine- 
rnent  le  Sénégal.  Il  borna  fa  navigation 
particulière  à  ce  grand  fleuve  ,  &  rebrouf- 
îant  chemin  ,  il  alla  chercher  le  refle  de 
fa  flotte  dans  la  rade  de  Cerné. 

Après  douze  jours  de  navigation  le  long 
d'une  côte  unie  ,  les  Carthaginois  décou- 
vrirent un  pays  élevé  ,  &  des  montagnes 
ombragées  de  forêts  ;  ces  montagnes  boi- 
Cécs  d'Hannon  ,  doivent  être  celles  de 
Serra-Liona ,  qui  commencent  au-delà  de 
Rio -Grande,  &  Continuent  juiqu'au  cap 
Sainre-Anne. 

Hannon  mit  vingt-fix  jours ,  nettement 
exprimés  dans  foa  périple  y  à  venir  de 
i'île  de  Cerné  ,  jufqu'au  golfe  qu'il  nomme 
la  corne  du  midi  ;  c'efl  le  golfe  de  la  côte 
de  Guinée ,  qui  s'étend  jufqu'aux  côtes  de 
Bénin  ,  &  qui  commençant  vers  l'oueft  du 
cap  àts  Trois-pointes  ,  nnit  à  l'ell:  par  le  cap 
Formolo. 

Hannon  découvrit  dans  ce  golfe  une  île 
particuhere ,  remplie  de  fauvages  ,  parmi 
fel'quels  il  crut  voir  beaucoup  plus  de  fem- 
mes que  d'hommes.  Elles  avoient  le  corps 
tout  velu ,  &  les  interprètes  d'Hannon  les 
nomrnoientGorz7/f  j-.  Les  Carthaginois  pour- 
fuivirent  ces  fauvages  ,  qui  leur  échappèrent 
par  la  légèreté  de  leur  courfe.  Ils  failirent 
trois  des  femmes  ,  mais  on  ne  put  les 
garder  en  vie  ,  tant  elles  étoient  féroces  ; 
il  fallut  les  tuer ,  &  leurs  peaux  furent 
portées  à  Carthage  ,  où  jufqu'au  temps 
de  la  ruine  de  cette  ville ,  on  les  con- 
ferva  dans  le  temple  de  Junon.  L'île  des 
Gorilles  ell:  quelqu'une  de  celles  qu'on 
trouve  en  aifez  grand  nombre  dans  ce  lac. 
Les  pays  voiflns  font  remplis  d'animaux 
pareils  à  ceux  qu'Hannon  prit  pour  des 
hommes  (àuvages.  C'étoient  ,  fuivant  la 
conjedure  de  Raraulio  ,  commentateur 
d'Hannon  ,  des  finges  de  la  grande  efpece, 
dont  les  forêts  de  l'Atriquc 'intérieure  lont 
peuplées. 

Le  cap  des  Trois-pointes  fut  le  terme 
des  découvertes  d'Hannon;  la  difette  des 
vivres  l'obligea  de  ramener  fa  florte  « 
Carthage  :  il  y  rentra  plein  de  gloire  ,  aorè- 
avoir  pénétré  jufqu'au  cinquiem:  degr. 
de  latitude  ,  pris  po'Teilion  duae  eôre  dt 
Tome  XXK 


P  E  R  3<^^ 

près  de  fix  cents  lieues  ,  par  rétablliremcnt 
de  plufieurs  colonies  ,  depuis  le  détroit  ]uC- 
qu'à  Cerné  ,  &  fondé  dans  cette  île  uiji 
entrepôt  lûr  &  commode  pour  le  commerce 
de  Ces  compatriotes ,  qui  s'accrut  confidé-»- 
rablemen^  depuis  cette  expédition. 

On  n'a  pas  de  preuves  que  les  Cartha- 
ginois aient  confervé  dans  la  fuite  toutes 
les  connoilfances  qu'ils  dévoient  au  voyage 
d'Hannon.  Il  efl  même  à  préfumer  que  leurs 
marchands  n'allèrent  pas  d'abord  au-delà 
du  Sénégal ,  &  que  peu  ù  peu  ils  relièrent 
beaucoup  en  deçà  de  ce  fleuve. 

Au  temps  de  Scylax  ,  l'île  de  Çernç 
étoit  devenue  le  terme  de  la  navigation 
pour  les  gros  bâtimens.  La  colonie d'Hanr. 
non  s'y  maintint  ,  &  Cerné  fut  toujours 
l'entrepôt  du  commerce  des  Carthaginois 
au  fud  de  l'Afrique.  Leurs  gros  navires 
refîoient  à  la  rade  de  l'île ,  la  côte  ulté- 
rieure n'étant  pas  aifément  navigable  à 
caufe  des  écueils  &  des  bas-fonds  couverts 
d'herbes  qu'on  y  rencontre  fréquemment. 
Ils  s'embarquèrent  à  Cerné  fur  des  bâti- 
mens légers  ,  à  bord  defquels  ils  alloient 
faire  la  traite  le  long  des  côtes  ,  &  même 
dans  les  rivières  ,  qu'ils  remontoient  aflez 
avant. 

Scylax  fait  mention  d'une  ville  d'Ethio- 
piens ou  de  nègres ,  où  ils  alloient  commer- 
cer ,  &  nous  donne  un  détail  des  marchan- 
difes  qui  faifoient  de  part  &  d'autre  la 
matière  de  ce  commerce.  Les  Carthaginois 
y  portoient  des  vales  de  terre  ,  des  tuiles  , 
des  parfums  d'Egypte  ,  &  quelques  bijoux 
de  peu  de  conléquence  pour  les  femmes. 
En  échange  ,  ils  en  recevoient  des  peaux  de 
cerfs  ,  de  lions  &  de  panthères  ,  des  cuirs 
&  des  dents  d'éléphans.  Ces  cuirs  étoient 
d'un  grand  ufage  pour  les  cuirafTes  &  les 
boucliers. 

^  Scylax  garde  le  filence  fur  la  poudre 
d'or  qu'ils  tiroient  auflî  de  ces  contrées  ; 
c'efl  un  fecret  de  leur  commerce  qu'il 
ignoroit  fans  doute  ,  n'ayant  confultc  que 
ies  routiers  des  pilotes,  où  l'on  n'avoic 
garde  de  faire  mention  de  cet  article  im- 
portant. Mais  Hérodote  ,  inftruit  par  l'in* 
difcrérion  de  quelque  Carthaginois  ,  nous 
''a  révélé   dans    fon   hifloire  ,    lip.  IV , 

jjl.  CXCl'j. 

i      Ou  voit  encore  dans  l'île  d'Arquin ,  uqt 

<  Aaa 


37Ô  P  E  R 

monument  du  long  féjour  des  Carrhagl- 
nois  ;  ce  font  deux  citernes  couvertes , 
creufées  dans  le  roc  avec  un  travail  im- 
nienfe  ,  pour  raflembler  les  eaux  de  diverfes 
fources ,  &  les  défendre  contre  la  chaleur 
immodérée  du  climat.  Ces  citernes  marquées 
dans  quelques  plans  du  fort  appartenant 
dans  cette  île  à  la  compagnie  des  Indes 
françoifes  ,  contiennent  aflèz  d'eau  pour  en 
fournir  plufieurs  gros  bâtimens.  Ce  n'ell 
point  un  ouvrage  des  Maures  ;  ces  peuples , 
maîtres  de  l'intérieur  du  pays  &  des  côtes, 
n'avoient  nul  besoin  de  l'entreprendre  ; 
d'ailleurs ,  ils  ne  font  pas  navigateurs  :  ainfi 
nous  fommes  obligés  de  l'attribuer  aux  Car- 
thaginois ,  anciens  pofleflfeurs  de  l'île  ,  de- 
puis la  découverte  d'Hannon. 

Ce  grand  homme ,  de  retour  à  Carthage  , 
dépofa  dans  le  temple  une  efpece  de  journal 
"ou  de  fommaire  de  la  navigation  ;  c'efî  le 
périple  qui  porte  fbn  nom  ,  &  dont  l'ori- 
-  ginal,  perdu  depuis  long-temps  ,  a  eu  le 
"ion  de  tous  les  écrits  compofés  par  {çs 
compatriotes.  Le  peu  de  familiarité  à^s 
anciens  avec  la  langue  &  les  caraderes 
puniques ,  l'indifférence  àts  Grecs  &  la 
haine  des  Romains ,  ont  fait  périr  les 
ouvrages  des  Carthaginois ,  fans  qu'un  feul 
ait  pu  fe  foullraire  à  la  profcription  gé- 
nérale ;  perte  réelle  pour  la  poftérité  ,  que 
Jes  monumens  de  littérature  &  d'hiftoire 
carthaginoifes  auroient  inûruite  de  l'érat 
de  l'Afrique  intérieure  ,  de  celui  de  l'an- 
cienne Efpagne  ,  &  d'une  infinité  de  faits 
inconnus  aux  Grecs  ,  concentrés  en  eux- 
mêmes  ,  &  qui ,  trop  fuperficiels  pour  rien 
approfondir ,  croient  trop  enorgueillis  de 
la  fupériorité  qu'ils  avoient  dans  les  arts  , 
&  de  celle  qu'ils  prétendoient  dans  les 
fciences,  pour  ne  pas  nier  tout  ce  qu'ils 
ignoroient. 

Le  périple  d'Hannon  avoit  été  traduit 
en  grec ,  vraifemblablement  par  quelque 
Sicihen  ,  devenu  fujet  de  Carthage  ,  de- 
puis qu'elle  eut  fournis  une  partie  de  la 
Sicile  à  fa  domination.  Le  traduéleur  a 
défiguré  quelques  termes  de  l'original ,  & 
peut-être  même  ne  nous  en  a-t-il  cofifervé 
iju'un  extrait.  Du  moins ,  c'efi:  ce  qu'on 
préfurae  au  premier  coup-d'oeil  ,  en  com- 
.parant  la  brièveté  du  périple  avec  la  lon- 
j|ueur  de  l'expédition.  Peut-être  auili  ce 


P  E  R 

périple  d'Hannon  ,  traduit  par  un  grec  J 
étoit-il  l'abrégé  fait  par  Hannon  lui-mên  ^-î 
d'un  journal  complet  &  circonflancié  ,  que 
les  principes  exclufifs  de  la  politique  car- 
thaginoife  ne  lui  permettoient  pas  de  rendre 
public. 

En  efFet ,  on  ne  trouve  dans  ce  qui  nous 
refîe  nul  détail  fur  les  différens  objets  du 
nouveau  commerce  dont  cette  entreprife  ou- 
vroit  la  route  aux  Carthaginois ,  &  particu- 
lièrement fur  cet  or  ,  qu'ils  alloient  acheter 
pour  des  tnarchandifes  de  peu  de  valeur  ; 
articles  fur  lefquels  le  gouvernement  ne 
pouvoit  avoir  trop  de  lumières  ,  &  qu'Han- 
non  n'avoir  pas  fans  doute  oubHé  dans  fon 
récit.  Mais  on  fait  avec  quelle  jaloufie  ces 
républicains  cachoient  aux  étrangers  les  four- 
ces  de  leur  opulence  ;  ce  fut  toujours  pour 
eux  un  des  fecrets  de  l'étar ,  &  les  anciens 
nous  ont  tranfmis  plus  d'un  exemple  des 
précautions  qu'ils  prenoient  pour  rendre 
impénétrable  à  leurs  rivaux  le  voile  dont  ils 
cherchoient  à  fe  couvrir. 

Pythéas  ,  né  à  Marfeille ,  vers  le  milieu 
ou  la  fin  du  quatrième  liecLe  avant  J.  C. 
eft  célèbre  par  fes  connoiflances  aftrono- 
miques ,  &  par  fes  voyages.  Il  partit  du  port 
de  fa  patrie  ,  &  voguant  de  cap  en  cap  ,  il 
côtoya  toute  la  partie  orientale  de  l'Efpagne , 
pour  entrer  dans  le  bras  de  la  Méditerranée , 
qui  baignant  le  midi  de  ce  royaume  ,  &  le 
nord  de  l'Afrique  ,  fe  joint  à  l'Océan  par  le 
détroit  de  Gibraltar. 

Au  fortir  du  détroit ,  il  remonta  vers  te 
nord  ,  le  long  des  cotes  de  la  Lufitanie  j 
&  continuant  de  faire  le  tour  de  l'Efpagne  y 
il  gagna  les  côtes  de  l'Aquitaine  &  de  TAr- 
morique',  qu'il  doubla  pour  entrer  dans  le 
canal  qu'on  nomme  aujourd'hui  la  Manche, 
Au-delà  du  canal ,  il  fuivit  les  côtes  orien- 
tales de  nie  britannique  ;  &  lorfqu'il  fut  à  fa 
partie  la  plus  feptentrionale  ,  pouffant  tou- 
jours vers  le  nord  ,  il  s'avança  ,  en  fix  jour- 
nées de  navigation  ,  jufqu'à  un  pays  que  les 
Barbares  nommoient  Thulé ^  &  où  la  durée 
du  jour  fclflicial  étoit  de  vingt-quatre  heu- 
res ;  ce  qui  fuppofe  66'  30"  de  latitude  fep- 
tentrionale. Ce  pays  eA  l'Iflande  ,  fituée 
entre  les  65  &  6j'  de  latitude  ;  c'efl  Strabon 
qui  nous  fournit  ce  détaiK 

Le  voyage  au  nord  de  l'île  britannique  j^^ 
n'efl  pas  le  feul  qu'ait  fait  Pyihéas;  il  ea 


P  ER 

entreprit  un  fécond  vers  le  nord-ed  de 
i'Êurope  ;  &  fuivant  dans  celui-ci ,  comme 
il  avoir  fait  dans  le  premier  ,  toute  la  côre 
occidentale  de  l'océan  ,  il  entra  par  le  canal 
de  la  Manche  dans  la  mer  du  nord  ,  &  de 
celîe-ci  par  le  détroit  du  Sond  dans  la  mer 
Baltique  ,  dans  laquelle  il  vogua  jufqu'à 
l'embouchure  d'un  fleuve  ,  auquel  il  donna 
le  nom  de  Tanaïs  ,  &  qui  fut  le  terme  de 
fc-s  courfes. 

Le  tleuve  Tanaïs  de  ce  voyageur  ,  étoit 
une  àcs  rivières  qui  fe  jettent  dans  la  mer 
Baltique  ;  peut-être  la  Viflule  ou  le  Re- 
daune  ,  qui  tombent  dans  ce  fleuve  auprès 
de  Dantzick.  La  quantité  de  fuccin  que  l'on 
trouve  iur  leurs  bords  ,  rend  cette  con- 
jedure  affez  vraifemblable.-  Le  mot  Tana 
ou  Thenes  entroit  ,  fuivant  rofcfervation 
de  Leibnitz  ,  dans  la  compofition  àti 
noms  de  la  plupart  des  grands  fleuves  du 
Hord. 

Pythéas  compofa  en  grec  deux  ouvrages , 
dans  lefquels  il  expofoit  ce  qu'il  avoit  vu 
de  remarquable.  Le  premier ,  fous  le  titre 
de  defcription  de  l'océan  ,  contenoit  une 
relation  de  fon  voyage  par  mer  depuis 
Gadés  jufqu'à  Thulé  :  le  fécond  étoit  la 
defcription  de  celui  qu'il  avoit  fait  le  long 
des  côtes  de  l'océan  ,  jufques  dans  la  mer 
Baltique. 

Ce  fécond  ouvrage  efl  appelle /»mo^e  par 
un  ancien  fcholiafle  d'Appollonius  de  Rho- 
des ,  &  périple  dans  l'abrégé  d'Artémidore 
d'Ephefe  ;  ce  qui  pourroit  faire  croire  que  le 
voyage  dont  il  expofoit  l'hiftoire  ,  avoit 
été  en  partie  par  terre  ,  en  partie  par  mer. 
Nous  n'avons  plus  que  quelques  citations 
de  ces  écrits  de  Pythéas  ;  encore  faut-il  les 
prendre  le  plus  fouvent  chez  des  auteurs 
prévenus  contre  Iur. 

Dans  le  temps  que  Pythéas  alloit  vers  le 
feptentrion  ,  pour  reconnoître  les  îles  qui 
fourniflbient  l'étain,  &  les  contrées  d'où 
l'on  pouvoit  tîrer  l'ambre  jaune- ,  un  autre 
marfeillois  fut  envoyé  par  les  compatriotes 
vers  le  midi ,  pour  découvrir  Iur  les  côtes 
d'Afrique  les  pays  d'où  on  tiroit  la  poudre 
d'or  ;  ce  marfeillois ,  nommé  Euthymene  y 
fit  un  voyage  dans  l'océan  du  côté  du  fud  , 
dans  lequel  tomboit  un  fleuve  confidérable 
qui  couloit  vers  l'occident ,  &  dont  les  bords 
*étoient  peuplés  de  crocodiles* 


P  E  R  371 

I  Strabon  a  eu  tort  de  fe  déchaîner  en 
foutes  occnllons  contre  les  obiervations  de 
Pythéas  dans  les  voyages  ;  s'il  avoit  fait 
plus  d'ufage  de  fon  eiprit  &  de  fon  favoir, 
il  auroit  rendu  plus  de  juflice  à  ce  célèbre 
marfeillois  ;  non  que  l'es  relations  foicnc 
exemptes  de  fautes  ,  comme  on  le  recon- 
noît  par  le  peu  de  tragmens  qui  nous  en 
reftent.  Etranger  dans  les  pays  qu'il  a 
décrits  ,  il  n'avoit  eu  ni  le  temps  ,  ni  la 
facilité  de  vérifier  ce  que  lui  difoient  les 
habirans  ;  il  vivoit  dans  un  fiecle  rempli 
de  préjugés  fur  les  matières  phyfiques. 
Enfin  ,  il  étoit  grec  &  voyageur  ;  que  de 
fources  de  méprifes  ,  &:  peut  -  être  de 
fidions  ! 

Mais  ces  méprifes  que  produit  une  igno- 
rance qu'on  ne  peut  pas  même  blâmer  ,  ces 
fidions  de  détail  que  feme  dans  une  rela- 
tion l'amour  du  merveilleux ,  autorifent- 
elles  à  rejeter  une  foule  de  vérités  ,  qui  faic 
l'efîênticl  de  l'ouvrage  ?  En  remarquant  ces 
fautes,  de  quelque  genre  qu'elles  fufîent, 
en  condamnant  même  avec  févérité  celles 
qui  méritoient  de  l'être  ,  il  falloit  louer 
l'exaftitude  des  obfervations  de  Pythéas , 
&  faire  fentir  le  mérite  de  les  voyages  & 
àt{ts  découvertes.  Il  falloit,  en  un  mot, 
le  repréfenter  comme  un  homme  auquel 
on  ne  peut  refufer  l'honneur  d'avoir  établi 
le  premier  la  diftindion  des  climats  ,  par 
la  différente  longueur  des  jours  &  des 
nuits  ,  &  frayé  la  route  vers  des  contrées 
que  l'on  croyoit  inhabitables.  Toutes  ces 
judicieufes  réflexions  font  de  M.  de  Bou- 
gainville.  Il  nous  refle  à  parler  d'Arrien 
&  de  fon  périple. 

Cet  hiflorien  &  philofophe  célèbre  ,  étoic 
de  Nicomédie  en  Bithynie.  Il  florifïbit  du 
temps  d'Adrien  ,  &  des  deux  Antonins  ; 
fon  favoir  &  fon  éloquence  lui  firent  don- 
ner le  titre  de  nouveau  Xénophon  ,  &: 
relevèrent  dans  Rome  à  toutes  les  dignités  , 
jufqu'au  confulat.  Il  étoit  gouverneur  de 
Cappadoce  l'an  1^4  de  J.  C.  &  nous  avons 
de  lui  la  relation  d'un  voyage  qu'il  fit  autour 
du  Pont-Euxin  ,  &  qu'il  adrefî'a  à  l'empereur 
Adrien. 

Cet  ouvrage,  connu  fous  le  nom  de  pe~ 
riplus  Ponti-Euxini ,  a  paru  en  grec  à 
Genève  en  1577.  M.  Fabricius  ne  parle 
d'aucune  édition  de  Genève  ;  il  en  cite 
Aaa    2 


une  de  1577  de  L>^on  ,  in-foL  en  grec  &  I 
en  latin ,  de  la  veriion  d'Adrien  Turnebe  , 
procurée  par  Jean-Guillaume  Auckius  de 
Zurich ,  qui  fit  imprimer  dans  ce  même 
volume  le  penplus  maris  Erythrœi ,  avec 
le  commentaire  &  les  cartes  d'Abraham 
Ortelius.  La  première  édition  en  grec  efî 
de  Baie,  chez  Froben  ,  en  1533,  /«-4®. 
Sigifmond  Gelenius  donna  dans  un  volume , 
le  penplus  Ponti-Euxini  y  le  periplus 
maris  Erythrœi  ,  le  voyage  d'Hannon  , 
le  traité  de  Plutarque  des  fleuves  &  des 
montagnes  ,  &  l'abrégé  de  Strabon.  Il  y  a 
d'autres  éditions  plus  nouvelles  ,  &  entre 
autres  celle  de  M.  Hudfon  en  1698  ,  a 
Oxford  ,  qui  a  donné  les  deux  voyages  , 
dans  le  premier  tome  de  Ton  recueil  des 
anciens  géographes  grecs  ,  nommés  les 
Petits  y  avec  de  favantes  diflertations  chro- 
nologiques de  Dodwel  ,  mais  qui  ne  font 
pas  exemptes  de  préjugés. 

Le  periplus  Ponti-Euxini  y  ou  naviga- 
tion du  Pont-Euxin  >  n'efl  que  comme  une 
lettre  ou  une  relation  adreflee  à  l'empereur 
Adrien  ,  par  Arrien.  Il  commandoit  alors 
à  Trébizonde  &  aux  environs  ,  foit  que 
ces  pays  fuflent  du  gouvernement  de  la 
Cappadoce  ,  foit  qu'il  ait  eu  une  commif- 
fion  particulière  pour  les  viliter  ,  foit  qu'il 
ait  été  aufîi  gouverneur  de  cette  partie  du 
Ponr. 

Il  commence  fa  relation  par  fon  arrivée 
à  Trébizonde  ,  où  Adrien  faifoit  alors 
bâtir  un  temple  de  Mercure.  Il  s*embarqua 
à  Trébizonde  ,  pour  aller  faire  le  tour 
au  Pont-Euxin  du  côté  de  l'orient.  Il 
pafla  la  rivière  du  Phafe  ,  dont  il  remarque 
que  l'eau  nage  long-temps  fur  celle  de  la 
mer  ,  parce  qu'elle  efl  extrêmement  légère , 
&  qu'elle  fe  garde  plus  de  dix  ans  fans  fe 
corrompre.  Il  y  avoit  là  un  château  gardé 
par  quatre  cents  foldaîs  romains  ,  &  un 
bourg  habité  par  des  vétérans  &  par  quel- 
ques gens  de  -mer  ;  Adrien  ordonna  d'y 
faire  un  nouveau  fofTé  pour  la  fureté  du 
bourg.  Il  termina  fa  navigation  à  Sébaf- 
rople  ,  où  étoit  la  dernière  garnifon  ro- 
maine. Il  fut  attaqué  dans  ce  voyage  d'une 
grande  tempête ,  dont  un  de  fes  vaifTeaux 
lut  brifé. 

^     Entre  les  peuples  barbares  dont  il  côtoya 
%:s  pays  les  plus  voifms  dô  Trébizonde, 


P  E  R 

&  auflî  Tes  plus  belliqueux ,  étorent  îey 
Sannes  y  nommés  Drilles  par  Xénophon  ; 
ils  n'avoient  point  de  roi.  Ils  avoienr 
autrefois  paj'é  tribut  aux  Romains  ;  & 
Arrien  promit  à  Adrien  de  les  y  réduire 
de  nouveau  ,  ou  de  les  exterminer.  Il  ne 
fit  pas  le  dernier  ,  car  plufieurs  liecles  après 
on  parloit  encore  àç.s  Tranes  ,  qui  fontfans 
doute  \ts  mêmes  que  les  Sannes.  Il  paroïc 
que  ces  Sannes  habitoient  une  partie  de  la 
Colchide  ,  que  l'on  dilfinguoit  alors  du  pays 
des  Lazes. 

A  la  relation  de  fon  voyage  ,  il  joint  une 
defcription  de  la  cÔre  de  l'Afie  ,  depuis 
Byfance  jufqu'à  Trébizonde  ,  &  une  autre 
du  pays  ,"  qai  eft  depuis  Sebafbople  jufqu'au 
Bolphore^Cimmérien  ,  &  depuis  le  Bol^ 
phore  jufqu'à  Byfance  ,  afin  qu'Adrien  pût 
prendre  lur  cela  fes  raeliires  ,  s'il  vouloir 
entrer  dans  les  affaires  du  Bofphore  ,  dont 
il  lui  mande  que  le  roi  Cotys  étoit  mort 
depuis  peu  de  temps. 

Nous  avons  aufli,  fous  le  nom  ^Arrien  y 
une  defcription  des  côtes  de  la  mer  rouge  , 
c'eff  '  à  -  dire  ,  des  côtes  orientales  de 
l'Afrique  ,  &  celles  de  l'Aiie  jufqu'aux 
Indes  :  l'infcription  latine  eft  à  l'empereur 
Adrien  ,  quoiqu'il  ne  foit  point  parlé  de 
lui  dans  la  defcription  même.^  Saumnife 
croit  qu'elle  a  été  écrite  du  temps  de 
Pline  le  naturalise  ,  ou  même  un  peu 
avant  lui  ,  &  qu'ainfi  elle  ne  peut  être 
d'Arrien  de  Nicomédie  ,  ni  miême  a'dreflee 
à  l'empereur  Adrien  ;  c'efl:  ce  qu*il  con- 
clut de  ce  qu'il  y  efî  fait  mention  de 
plufieurs  princes  qui  vivoient  du  temps 
de  Phne.  A  zts  preuves  ,  M.  de  Tille- 
mont  ajoute  un  paifage  de  la  defcription  , 
où  il  efi  dit  qu'on  alloit  du  bourg  de 
Lencé  à  Pétra  vers  Maltcan  ,  roi  des 
Nabathéens  :  or  la  ville  de  Pétra,  &  toute 
l'Arabie/  pétrée  ,  avoit  été  foumife  aux 
Romains  ^^ih^  l'an  105  de  J..G.  &  réduite 
enfuite  en*  province ,  &  l'on  ne  trouve 
point  qu'Adrien  l'ait  abandonnée  ;  au  con- 
traire ,  on  a  àts  médailles  de  la  ville  de 
Pétra  fous  cet  empereur ,  avec  le  titre  de 
métropole. 

Il  faut  donc  que  cette  defcription  foit 
antécédente  à  l'année  105  ;  &  par  con- 
féquent  elle  n'efl  point  d'Arrien  ,  qui  vivoit 
encore   fous  Marc- Aurele ,  c'eli-à^dire , 


P  ER 

après  l'an  i^o.  Enfin  ,  l'auteur  parle  de 
l'Egypte  comme  de  Ton  pays ,  &  fait 
querquefois  ufage  àçs  mois  égyptiens. 
M.  de  Tillemont  croit  donc  que  cet 
ouvrage  pourroit  être  de  celui  à  qui  Pline 
le  jeune  écrit  plufieurs  lettres ,  comme  à 
une  perfonne  habile  &  éloquente  ,  &  qui 
pafloit  pour  un  imitateur  de  Démoflhene  : 
il  paroît  que  dès  le  temps  de  Nerva  ,  ou  dans 
les  premières  années  de  Trajan  ,  cet  Arrien 
s'étoit  retiré  pour  vivre  tranquillement  ,  ce 
qui  n'étoit  permis  aux  fénateurs  ,  que  dans 
un  âge  fort  avancé  ;  ainii  cela  ne  convient 
pas  au  difciple  d'Epiilete. 

Si  maintenant  l'on  veut  joindre  à  ces 
détails  de  l'antiquité  ,  les  defcriptions  de 
nos  navigateurs  modernes  ,  dont  on  a 
parlé  en  leur  lieu  ,  on  aura  l'hiftoire  com- 
plète de  la  navigation  ,  &  cette  hilloire 
efl:  fort  intéreflante.  (  Le  cliet-'alier  DE 
JAV COURT.    ) 

PERIPLOCA ,  (  Botan.  Jardin.  )  En 
anglois  ,  virginian  Jilk  y  en  allemand  , 
virguiishf  feide. 

Caractère  générique. 

Le  calice  efl  permanent  &  divifé  en 
cinq  parties  ;  la  fleur  confifle  en  un  pétale 
découpé  en  cinq  parties  étroites  :  autour 
du  centre  s'étend  un  petit  nedarium  ;  là 
fe  trouvent  auili  cinq  filamens  courbés  qui 
ne  font  pas  11  longs  que  le  pétale  ,  &  cinq 
étamines  courtes  :  au  centre  efl  fitué  un 
petit  embryon  fourchu  qui  n'a  prelque  point 
de  ffyle  ;  il  devient  une  filique  oblongue 
&  enliée  ,  à  une  feule  cellule  ,  .  remplie 
de  femences  à  aigrettes  ,  qui  lont  placées 
les  unes  fur  llte  autres ,  comme  les  écailles 
de  poilî'ons. 

Efpeces. 

1°.  Periploca  dont  les  fleurs  font  velues 
€n  dedans. 

Periploca  floribus  interne  hirfutsis.  Linn. 
Sp.  pi. 

Virginiafdkwithflowersluiiry  on  their 
injide. 

2°.  Periploca  à  feuilles  un  peu  cordi- 
formes  &  obtufes  ,  blanches  pardefTous  , 
à  tige  velue  &  grimpante. 


P  ^  ^  373 

Periploca  foUis  fubcordatis  ohtu/is , 
infernè  incanis  y  caule  hirfuto  fcjindente 
Mill. 

Periploca  ofthe  cape  of  goodhope. 

3°.  Periploca  à  tiges  velues. 

Periploca  caule  hirfuto.  Linn.  Sp.  pL 

Virginia  Jilk  with  a  hairy  fialk. 

4®.  Periploca  à  feuilles  oblong-cordi- 
formes  ,  légèrement  velues  ,  à  fîeurs  laté- 
rales ,  à  tige  d'arbrifTeau  grimpante. 

Periploca  foliis  oblongo-cordatis  pubef-^ 
centibus  ^floribus  alaribus  y  caule fruticofo- 
fcandente.  Mill. 

Virginia  Jilk  with  oblong  heart-shaped 
leaues. 

,  'y°.  Periploca  à  feuilles  oblong-ovales  , 
à  filiques  cylindriques  ,  articulées  ,  à  tige 
grimpante. 

Periploca  foliis  oblongo-ovatis  y  fiViquis 
teretibus  articulatis  ,  caule  fcandente.  Mill.. 

Virginia  Jilk  with   oblotig-oyal  leaves. 

6*.  Periploca  à  feuilles  ovale-lancéolées, 
à  fleurs  terminales ,  à  fihques  articulées ,. 
à  tige  d'arbrifTeau  grimpante. 

Periploca  foliis  ovato-lanceolatis  ,  flo.- 
ribus  terminalibus  y  filiquis  articulatis  y, 
caule  fruticofo  fcandente.  Mill. 

Virginia  fdk  wilh  oi'al  fpear  shapedl 
leaves  ,    &c. 

7°.  Periploca  à  feuilles  lancéolées ,  poin- 
tues ,  à  fleurs  en  ombelles  axillaires ,  à  tige 
d'arbrifleau  grimpante. 

Periploca  foliis  lanceolatis  acuminatis  , 
floribus  umbellatis  axillaribus  y  caule  fru-^- 
ticofo  fcandente.  Mill. 

Virginia  fdk  with^  fpear  shaped  acutc 
pointed  leaves  y  &c. 

La  première  eipcce  s'élève  en  grimpant 
à  près  de  quarante  pies.  Ses  fleurs ,  qui 
paroillent  en  juillet  &  août  ,  n'ont  p.-j 
beaucoup  d'éclat  ,  elles  font  d'un  violet 
terne  ;  mais  les  feuilles  aflez  grandes  & 
d'un  beau  verd-ghcé  ,  dont  cet  arbriflèau 
efl  bien  fourni  ,  lui  afligncnr  une  place- 
dans  les  bofquets  d'été  ,  où  il  peut  fervir. 
finguliérement  à  garnir  des  tonnelles. 

Il  fe  multiplie  aifément  par  les  marcottes;, 
il  prend  aufli  de  boutures.  Le  meilleur 
moment  de  le  tranfplanter  efl  la  mi-avrii 
Quoiqu'il  foit  naturel  de  Syrie ,  il  fup- 
porte  fort  bien  nos. hivers. 

La  féconde  elpece  a  des  tiges  grêles  & 


374  P  E  K 

volubiles  ,  au  moyen  -ilerqu  elles  elle  s'eleve 
.à  .quatre  ou  cinq  pies  à  l'aide  des  fupports 
voilins.  Ses  Feuilles  font  blanchâtres  par- 
deflbus  ,  &  d'un  verd  luilant  pardelîûs. 
Les  Heurs  (ont  petites ,  d'un  pourpre  fale , 
&  exhalant  une  odeur  forte  &  agréable. 
Elles  paroiflent  en  juillet  &  en  août. 

Le  /2°.  5  ,  naturel  d'Afrique ,  s'élève  à 
trois  pies  ;  les  tiges  fe ni  velues,  ainfi  que 
les  feuilles  ;  les  fleurs  font  .d'un  pourpre 
fale,  &  exhalent  une  odeur  gracieufe.  On 
en  a  une  variété  dont  les  tiges  &  les  feuiUes 
Ahnt  unies.  Ces  deux  efpeces  ne  demandent 
pendant  l'hiver  que  l'abri  le  plus  (impie  : 
.elles  fe  multiplient  de  marcottes. 

Le  n°.  4  s'élève  fur  un  tronc  robufte 
^  boifèux  à  lahauteur.de  cinq  ou  fix  pies. 
Ce  tronc  poufle  des  branches  fouples  qui 
s'accrochent  aux  fupports  voifms ,  &  mon- 
tent à  cinq  pies.  Les  fleurs  font  blanches  , 
&  s'ouvrent  en  cloches.  Ce  periploca  eu 
naturel  de  la  Vera-Crux. 

Le  a°.  5  croît  à  Campêche  ;  il  s'élève 
»  trente  pies.  Les  feuilles  ibnt  d'une  épaifle 
cocflflance  ;  les  fleurs  font  blanches. 

Le  .n°,  ^  eft  indigène  de  la  Jamaïque  ; 
il  s'élève  à  dix  ou  douze  pies  :  les  fleurs 
çaiflent  par  trois  ou  par  quatre  au  bout 
des  branches  ;  elles  font  jaunes- 

Le  jf^.  j  habite  la  même  contrée;  il 
s'élève  à  trente  pies.  Les  fleurs  font  raflem- 
sblées  en  une  forte  d'ombelle  aux  côtés  des 
îîranches  ;  elles  font  d'un  blanc  pur  ,  & 
4'une  excellente  odeur.  Les  quatre  der- 
jîieres  efpeces  font  tendres  :  il  faut  les  placer 
^ans  une  ferie  échauffée  ,  mais  il  faut  leur 
^donner  beaucoup  d'eau  pendant  l'été.  Elles 
fe  multiplient  par  les  naarcoites^  (  M,  le 
Baron  DE  TsCHOUDl.  ) 
^^  PERIPNIIUMONIE  ,  f.  f.  .(  Medec,  ) 
^inflammation  du  poumon  ,  que  l'on  dif- 
^ngue  en  vraie  &:  en  faufl^. 

Pe'ripneumonie  vrai".,  hn peripneumonie 
vraie  efl  l'inflammation  de  la  fubllance 
rnême  du  poumon  ,  av.ec  fécherefïè,  cha- 
leur &  douleur. 

Les  yallTcaux  (ufceptibles  de  cette  in- 
|[amrnation  ,  font  les  artères  bronchiaIe« 
Pc  les  artères  pulmonaires  :  elle  eft  plus 
/0,u  moins  dangereufe  ,  félon  la  diflPérence 
4es  vaîfl^eaux  engorgés  ,  &  félon  la  qualité 


P  E  R 

*  ^  Les  caufes  de  cette  double  inflamma- 
tion font ,  1°.  les  cauies^énérales  de  toutes 
les  inflammations  ;  i**.  les  caufès  qui  aflcc- 
tent  particulièrement  le  poumon ,  comme 
un  air  trop  humide  ou  trop  fec  ,  trop 
chaud  ou  trop  froid  ,  trop  groilier  ou  trop 
fubtil  ;  un  air  chargé  d'exhalaifons  caufli- 
ques  ,  ou  ailringentes  ,  ou  coagulantes  ; 
un  chyle  lormé  de  matières  épaifl^es  ^ 
feches  ,  vifqaeufes  ;  l'exercice  violent  du 
poumon  par  la  courfc  ,  la  lutte  ;  le  mou- 
vement du  cheval  contre  le  vent  ;  les 
poifons  coaguians  ,  cauftiques  ,  afl:ringens  , 
portés  au  cœur  par  les  veines  qui  s'y  ren- 
dent ;  les  violentes  pafiions  de  l'ame  ; 
l'efquinancie  avec  opprefllon  de  poitrine  & 
orthopnée  ;  une  forte  pleuréfie  ,  une  para- 
phrénéiie  violente,  l'adion  d'un  émétique 
dans  un  eftomac  tendre  &  délicat. 

Les  (ymptomes*  de  la  pe'ripneumonie 
font  différens  ,  '  félon  fon  flege;  celle  qui 
rélide  dans  les  bronches  produit  tous  les 
effets  de  l'inflammation  ,  &  enflamme 
même  les  extrémités  de  l'artère  pulmonaire 
jqui  leur  font  contiguës,  en  les  comprimant 
&L  en  leur  communiquant  la  maladie  donc 
ils  Ibnt  attaqués. 

Cette  inflarnmation  peut  s'attacher  A 
différentes  parties  du  poumon  ;  fon  éten- 
due peut  aulli  varier  :  les  fymptomes  feront 
plus  violens ,  s'il  y  a  deux  lobes  entrepris  , 
que  s'il  n'y  en  a  qu'un  ;  ou  fl  un  lobe  eft 
totalement  enflammé  ,  que  s'il  n'y  en  a 
qu'une  partie  :  \a  p£'ripneumonie  n'cft  pas 
guériffable  dans  le  premier  cas  ,  à  caufe 
de  la  grandeur  &  de  l'étendue  de  l'engor- 
gernent;  dans  le  fécond  cas  elle  peut  fe 
guérir ,  fi  les  fymptomes  ne  font  pas  ex- 
trêmes ,  fi  la  toux  ,  la  doul^,  la  chaleur 
&  l'oppreflion  peuvent  fe  lupporter  ,  & 
céder  peu  à  peu  à  l'aélion  des  remèdes. 

La  pe'ripneumonie  vraie  fe  guérit  par 
une  réiolution  bénigne ,  par  des  crachats 
abondans  qui  viennent  de  bonne  heure, 
par  un  cours  de  ventre  bilieux  ,  dont  la 
matière  relfemble  afTez  aux  crachats  ,  par 
une  évacuation  abondante  d'urine  épaifTe 
&  chargée  ,  dont  le  fédiment  devient 
blanc. 

Si  elle  ne  fe  réfout  pas  ,  elle  fe  change  en 
lïne  autre  maladie  qui  eft  l'abcès  du  pou- 
mon ,    ou  une  métaflafe  de   la   piatiçrç 


P  E  R 

morBiflque  fur  une  autre  pnrrie  ;  k  fup- 
pUration  prochaine  fe  connoît  par  le  défaut 
de  la  réiblutlon  au  jour  marqué  ,  par  la 
diminution  ,  par  la  douieur  ,  par  la  fciblelfe 
du  pouls ,  par  le  changement  de  la  fièvre , 
par  la  continuation  de  la  difficulté  de  ref- 
pirer ,  accompagnée  de  la  foif  &  des  autres 
accidens  ;  d'autres  fois  il  fe  fait  une  érup- 
tion foudaine  du  pus  dans  la  trachée- 
artère  ;  le  malade  en  eft  fufïbqué  ;  quel- 
quefois aufli  le  pus  eil  évacué  par  un 
crachement  abondant  de  matière  puru- 
lente ,  mais  Ibuvent  il  tombe  dans  la 
cavité  de  là  poitrine  ,  dans  laquelle  il 
caufe  l'empyeme  ,  la  phthilie  ,  ou  d'autres 
maladies. 

La  métaftafe  arrive  lorfque  lâ  matière 
purulente  &  morbifique  étant  prife-  par  les 
petites  vénulcs  lymphatiques  du  poumon  , 
{k  mêle  avec  le  fang  &  forme  un  dépôt 
dans  quelque  vifcerc  particulier,  comme 
dans  le  foie,  la  rate  ,  le  cerveau,  ou 
quelque  autre  partie  :  delà  viennent  des  pa- 
rotides ou  abcès  péripneumoniques  autour 
des  oreilles  ,  aux  jambes  ,  ou  aux  hypo- 
condres  ;  fou  vent  ces  abcès  difparoilîênt 
tout-à-coup  ,  ce  qui  annonce  une  mort 
prochaine. 

Le  pxonoflic  de  cette  maladie  efl  des 
plus  fâcheux  ;  ainfi ,  avant  de  rien  pro- 
noncer ,  on  doit  fur -tout  confidérer  le 
nombre  &  la  violence  àts  fymptomes  ,  les 
excrétions  ,  la  qualitédes  crachats. 

La  fupprelEon  des  crachats ,  jointe  à  l'op- 
•prefTion  ,  au  crachement  defang  épais, bour- 
beux, noir,  hvide  ,  femblable  à  d^  la  lie  , 
font  d'un  préi'age  funefte  ;  ils  marquent  un 
grand  embarras  du  poumon  ,  &  un  reffer- 
remcnt  des  vaiflèaux  ,  avec  une  grande  acri- 
monie dans  lés  humeurs.  Si  le  pus  fort  par 
le  dévoiement  ,  l'urine  épaillè  devenue 
claire  ,  la  toux  feche ,  les  éternueraens  fré- 
quens  ,  le  pouls  manquant  ,  les  extrémités 
du  corps  froides  ,  pendant  que  la  poitrine, 
la  tête  ou  le  coir  confervent  une  ardeur  brû^ 
lante  ,  ce  font  autant  de  fignes  avant-cou- 
reurs d'une  mort  prochaine. 

La  cure  eltia  même  que  celle  de  toutes 
les  inflammations  ;  elle  coniifîc  dans  le? 
fàignées  répétées  ,  félon  la  force  de  la 
fièvre  &  la  vigueur  dii  pouls  ;  la  tiiàne 
Relayante,  adoucifTante  &  béchique;  les 


bêchiquès  doux  ,  légèrement  incififs  & 
déterUfs  :  les  apéritifs  doux  conviennent 
&  font  indiqués  dans  les  différens  états 
&  périodes  de  cette  maladie. 

Tifane  pour  la  péripneumonie  vraie. 
Prenez  racine  de  chiendent,  de  fraifier  ,. 
de -chaque  une  once;  faites -les  bouillir- 
dans  cinq  pintes  d'eau  de  rivière  réduites- 
à  quatre  ;  lorfqu'elles  auront  un  peu  bouilli, - 
ajoutez-y  fleur  de  violette ,  de  mauve , 
de  chaque  deux  gros  ;  faites-y  infufér' 
racine  de  guimauve ,  réglifiè  effilée,  de 
chaque  deux  gros  ;  paffez  le  tout ,  &  faites-^ 
en  boire  au  malade  le  plus  qu'il  pourra. 

Potion  propre  à  débarrajfer  les  poumons' 
en  augmentant  les  crachats.  Prenez  eau* 
diflillée  de  buglofe  ,  de  bourrache  ,  de- 
fcabieufe  ,  de  chacune  deux  onces  ;  blanc 
de  baleine  un  demi-gros  ,  kermès  minéral" 
deux  grains ,  huile  d'^amandes  douces  une 
once ,  &  de  fyrop  de  guimauve  une  once  ; 
faites  du  tout  une  potion  à  prendre  par 
cuillerée. 

On  ne  négligera  pas  ,  dans  le  cours  de 
la  maladie ,  l'ufàge  des  lavemens  faits  avec 
la  décoclion  de  graine  de  lin ,  de  Ion  & 
des  herbes  émollientes  :  ces  lavement 
doivent  être  donnés  deux  &  trois  -fois  par* 
jour. 

Enfin  on  doit  avoir  poiir  ob]et  de  rétablir 
le  ton  des  parties ,  &  de  faciliter  de  plus  ■ 
en  plus  les  excrétions  de   l'humeur  bron- 
chiale  &  des  crachats  ,  &  alors  on  emploie,  > 
fur  la  fin  fur- tour,  le  quinquina ',  le  mars, - 
les  opiats  ,  lé  benjoin  .  les  pilules  de  Mor- 
thon  ,  combinés  tous  enfemble  ,  &.  partag.cs 
ou  coupés  avec  le  lair.^ 

On  fâir  dés  opiats  que  l'on  donne  après  ' 
avoir  évacué  ;  enlùite  on  adoucit  avec  le 
lait  coupé.  Fq/f;(,OPIAT. 

Souvent  on  a  recours  aux  eauxdeGau- 
terets  ,  de  Plombières  ,  ou  on  fair  des 
eaux  artificielles  qui  '  imitent  la  qualité 
favonneUiè  des  véritables  eaux  naturelles. 

Dans  le' cas  de  fuppurarion  menaçante  , 
il  faut  faire  tour  ce  qu*on  peut  pour  la 
détourner  &  pour  procurer  la  réfolution  ; .. 
ce  que  l'onobîienr  par  les"  fai^nées  réfté-* 
récs  , ,  le  régime  fiumeftanr  &■  teiUperanf.- 
Cependant ,  fi  ,  malgré  toutes  les  precau-*  ■ 
tions  que  l'art  fuggere  ,  on  ne  fauroit  l'em-' 
pêcher  de  fe  faire ,  on  doit  j  autant  qu'-il- 


37^  P  E  R 

cfi:  poflTiHc  ,  recourir  aiix  remèdes,  qvii  aî- 
denr  la  liippuration  ;  &  lorfqu'elle  efl:  taire , 
il  faut  chercher  à  évacuer  le  pus  ;  mais 
comme  on  ne  peut  favoir  où  s'ouvrira 
l'abcès ,  la  maladie  n'en  devient  que  plus 
dangereufe  ;  on  pourroit  déterminer  la 
fuppuration  par  la  tifane  d'orge  ,  avec 
l'hydromel  ;  par  Tuiage  des  plantes  expec- 
torantes &  déterfives  ,  telles  que  le  lierre 
terrefîre  ,  l'hyfope  ,  le  pié-de-chat  ,  & 
autres  de  cette  nature. 

LoiTque  la  fuppuration  efî  faite  ,  alors 
ce  n'eft  plus  une  inflammation  ,  mais  un 
abcès  ou  un  ulcère  interne  que  l'on  a  à 
traiter  ;  ceil  une  véritalDÎe  phthifie  qu'il 
faut  entreprendre.   Voye:^  Phthisie. 

Si  au  contraire  la  fièvre  ,  la  toux  ,  la 
<douleur  &  la  chaleur  fe  Ibuîiennent  au- 
delà  du  cinquième  ou  du  feptieme  jour  , 
ce  qui  marque  une  impoflibilité  de  la  ré- 
foiution  y  on  doit  craindre  un  mal  incura- 
ble ,  qui  efl  la  gangrené  du  poumon.  Voy. 
Gangrené. 

Le  régime  doit  être  des  plus  rigides 
dans  tout  le  temps  de  la  maladie.  Le 
bouillon  feul  ,  &  le  plus  léger  ,  efl  fout 
ce  qu'on  doit  permettre  ;  l'air  doit  être 
tempéré. 

Pèripneumonie  faujje.  Cette  maladie 
tire  ordinairement  fon  origine  d'une  hu- 
meur muqueufe  ou  pituite  lente  ,  dont 
toute  la  maffe  du  fang  fe  trouve  empreinte, 
&  qui  engorge  infenfiblement  les  vailî'eaux 
languins  ramifiés  fur  les  bronches  ,  &  les 
ramifications  des  vaiffeaux  pulmonaires  &. 
bronchiques. 

"Lqs  cau^s  éloignées  font  les  faignées 
copieufes  ,  un  fang  aqueux  &  appauvri , 
dépouillé  de  fa  partie  fulfureufe  ,  tandis 
que  les  humeurs  contenues  dans  les  pre- 
mières voies  ,  ont  paffé  dans  le  fang  &  dans 
fes  vaiffeaux  à  la  place  àzs  globules  fàn- 
guins  ;  aufïi  cette  maladie  arrive  à  toutes 
les  perfonnes  foibles  ,  délicates  ,  aux  tem- 
péramens  pituiteux  ,  aux  vieillards  ,  aux 
hydropiques ,  à  tous  ceux  qui  font  d'une 
confritution  catarreufe  ,  pituiteufe  ,  froide , 
&  enrhumés  du  cerveau  ;  elle  faifit  ino- 
pinément ,  &  commence  par  une  cour- 
bature,  ou  légère  fatigue,  une  foiblefle , 
un  abattement  prefque  entier  des  forces 
de  l'efprit  j  elle  efl  accompagnée    d'op- 


PE  R 

prcfîîon ,  de  pefanteur  ,  de  difficulté  de 
refpirer ,  qui  font  ks  lignes  les  plus  dan- 
gereux. Les  fymptomes  ordinaires  font  une 
chaleur  douce  &  une  fièvre  légère  ;  la 
difficulté  de  refpirer ,  avec  râle  ,  luivie  d'une 
grande  foiblelfe  ,  terminent  en  peu  de 
temps  cette  maladie  par  une  mort  d'autant 
plus  fubite  ,  que  ni  l^is  urines  ,  ni  le  pouls 
n'ont  donné  aucun  lieu  de  prévoir  un 
tel  événement. 

Cure.  Lori'qu'on  reconnoît  une  pénp^ 
neumonie  faulJè  par  fes  lignes  propres  ,  qui 
font  fur-tout  une  difficulté  de  relpirer ,  un 
pouls  foibie  ,  une  opprtfllon  confidérable  , 
il  faut  employer  \cs  remèdes  évacuans  , 
incififs  &  les  expedorans  ,  les  béchiques 
incraflâns. 

L'indication  principale  efl  d'aider  l'ex- 
pedoration  &  de  provoquer  les  crachats  ; 
plus  le  malade  crachera ,  &  plutôt  il  fera 
foulage  :  les  huileux  font  moins  propres  à 
cela  que  les  incififs. 

Tifane  bonne  dans  la  pèripneumonie 
faujje.  Prenez  des  feuilles  de  becabunga  , 
de  lierre  terrelfre  ,  &  d'hyfope  ,  de  fleurs 
de  pié-de-chat ,  de  chaque  un  gros  ;  faites- 
les  infufer  dans  trois  demi-feptiers  d'eau 
bouillante  ,  &  y  ajoutez  miel  blanc  une 
once  ;  on  fera  prendre  de  cette  infufion 
de  demi-heure  en  demi  heure  ,  &  pour 
aider  plus  efficacement  l'excrétion  de  l'hu- 
meur muqueufe ,  on  fera  prendre  la  po- 
tion fuiyante. 

Prenez  d'huile  d'àmandcs  douces  tirée 
fans  feu  ,  trois  onces  ;  de  fyrop  de  lierre 
terreflre  ,  de  fyrop  de  pas  -  d'âne  ,  de* 
chaque  *demi-once  ;  de  blanc  de  baleine  , 
deux  gros  ;  de  kermès  mifléral ,  fix  grains  : 
difîblvez  le  kermès  &  le  blanc  de  baleine 
en  particuher  dans  l'huile  ;  enfuite  mêlez 
le  tout  enfemble ,  &  donnez  une  cuillerée 
de  ce  mélange  au  malade  ,  d'heure  en 
heure  ,  &:  pardefîlis  un  verre  de  la  boiffon 
ci-deflûs. 

Si  la  toux  efî  fîomachale ,  que  la  langue 
foit  épaiffe  &  la  bouche  fort  falc  &  pâ- 
tcufe  ,  on  ordonnera  l'apozeme  fuivant  : 
prenez  de  racine  d'aunée  ,  d'iris  de  Flo- 
rence ,  de  chaque  fix  gros ,  de  fleurs  de 
mauve  &  de  pas-d'âne ,  de  chaque  deux 
gros  :  faites  -  les  infufer  dans  trois  cho-» 
pines  d'eau  bouillante  \  ajoutez-y  du  tartre 

ilibiét 


P  E  R 

{[ibié  ,  fix  grains.  On  fâchera  de  procurer 
le  vomiiîêment  félon  l'indication  ;  &  fi  le 
vomiffement  fatigue  trop  ,  on  procurera 
la  précipitation  par  les  feDes  au  moyen 
d'un  minoratif ,  tel  que  la  manne  &  le  fel 
d'epfon  ,  dont  on  donnera  une  dofe  pro- 
portionnée   à  la  quantité  du  liquide. 

PERIPOLIUM,  (  Geog.  anc.  )  ville 
d'Italie ,  chez  les  Locres  Epirépyyens  , 
fur  le  bord  du  fleuve  Halice ,  aujour- 
d'hui Alice.  Elle  étoit  la  patrie  de 
Praxitèle  ,  célèbre  fculpteur ,  dont  nous 
parlerons  en  traitant  de  fon  art.  Les 
uns  croient  que  c'ell  aujourd'hui  Meii- 
dolia  ,  bourg  d'Italie  dans  la  partie  méri- 
dionale de  la  Calabre  ultérieure  ;  d'autres 
prétendent  que  c'eft  Pagliopoli ,  village  à 
une  lieue  de  Mendolia. 

PERIPSEMA,  (  Critiq.facr.)  nf^Unua^ 
&  ■xjjL^ocfiJLo. ,  font  deux  mots  grecs  (yno- 
nymes,  termes  dudernier  mépris, &  fignifient 
balayures  y  ordures  ,  fumier  y  exécration  , 
fardeau  de  la  terre.  S.  Paul  dit  que  les 
chrétiens  étoient  regardés  comme  les  ba- 
layeurs de  ce  monde  ;    on  '7riptxA^a.p,uct7et , 

'pravrav  '7r«p'sj,«jU«  ,  /,  Cor.   iv y  ^l^  y   ZJ. 

On  croit  avec  beaucoup  de  vraifem- 
blance  ,  que  faint  Paul  fait  allulion  ,  dans 
ce  partage  ,  aux  catharmates  des  anciens  , 
qui  ont  été  écrites  en  vers  par  Jean  ou 
Jfàac  Tzetzes ,  dans  (ts  Chiliades  hiflori- 
ques,  imprimées  par  Fabricius ,  bibl.  groec. 
tome  TI y  p.  41$. 

Voici ,  dit  ce  poète ,  quelle  étoit  la 
vidime  expiatrice ,  ;^«-&«p//4<  ,  qu'on  ofïroit, 
Wfque  par  la  colère  des  dieux  une  ville 
étoit  défolée  par  quelque  malheur  ,  foit 
pefîe,  foit  famine  ,  foit  quelqu'autre  fléau. 
On  fe  faififloit  de  l'homme  le  plus  laid 
qu'il  y  eût  dans  la  cité  ,  afin  de  fervir 
de  remède  aux  maux  qu'on  foufFroit.  Dès 
que  cette  vidirae  ,  qui  devoit  bientôt 
être  immolée ,  avoit  été  conduite  dans 
un  lieu  defl^iné  à  fa  mort ,  on  lui  mettoit 
à  la  main  un  fromage ,  un  morceau  de 
pâte  &  des  figues  ;  on  le  battoit  fept 
fois  avec  un  faifceau  de  verges  ,  fait  d'une 
cfpece  d'oignons  ,  de  figuiers  fauvages  , 
&  d'autres  branches  d'arbriffeaux  de  rnême 
nature  ;  on  le  brûloit  enfin  dans  un  feu 
de  bois  d'arbres  fauvages,  &  on  jetoit 
fà  cendre  dans  la  mer  &  au  vent  :  tout 
Tome  XXV, 


P  E  R  577 

cela  fe  falfoit    pour  l'expiation  de  la  ville 

affligée;   m  XA^A^l^<iV   TW?     TOASSÎ    TH;  VMTWTJf, 

Les  deux  exprefllons  y^A^â^u»^  &  nrm\nyidt. 
ont  été  indifféremmeot  dites  l'une  &  l'autre 
de  ces  hommes  qu'on  immoloit  aux  dieux 
irrités.  Le  formulaire  en  étoit  ,  que  cette 
vidime  foit  propitiation  pour  nous  !  Tfpi-X»/'-*? 
iiUMv  •),«cè  !  Voye\  les  obf.  phil.  de  Lam- 
bert Bos  ,  fur  le  paflage  des  Corinthiens. 
[D.J.) 

PERIPTERE,  f.  m.  {Archit.)Cta^ 
dans  l'architedure  antique  ,  un  bârimenc 
environné  ,  en  fon  pourtour  extérieur ,  de 
colonnes  ifolées.  Tels  étoient  le  portique 
de  Pompée  ,  la  bafilique  d'Antonin  ,  le 
fepcFzone  de  Sévère  ,  Ùc.  Ce  mot  vient 
du  grec  ^«p»,  à  ïentour y  TTfpot  ,  aile.{D.J.\ 

PERIPTERE  ,  f.  m.  (  Architec.  antiq.  ) 
lieu  environné  de  colonnes  ,  &  qui  a  unç 
aile  tout  autour  ;  le  mot  efl  grec ,  car  Tté/xe , 
fignifie  proprement  l'ordre  éits  colonnes 
qui  efl  au  portique  &  au  coté  des  tem- 
ples, ou  de  quelqu'autre  édifice.  Ces  pe'~ 
ripteres  éwlem  des  temples  qui  avoient  des 
colonnes  de  quatre  cotés,  &  qui  étoient 
différentes  du  périflile  &  de  l'amphiprof^ 
tyle  ,  en  ce  que  l'un  n'en  avoit  que  devant, 
&  l'autre  devant  &  derrière  j  &  point  aux 
côtés. 

M.  Perrault ,  dans  Ces  notes  fur  Vitruve  , 
remarque  que  le  pe'riptere  efl  proprement 
le  nom  d'un  genre  qui  comprend  toutes 
les  efpeces  de  temples ,  qui  ont  des  por- 
tiques de  colonnes  tout  autour  ,  foit  que 
ce  temple  foit  diptère  ou  pfeudodiptere  , 
ou  fimplement^J^'n/jr^r^  y  qui  efl  une  efpece 
qui  a  le  nom  du  genre  ,  &  qui  en  ce  cas 
a  fes  colonnes  diflantes  du  mur  d'un  entre- 
colonneraent.  Il  y  a  des  pe'ripteres  quarrés 
&  des  ronds  ;  le  portique  de  Pompée , 
la  bafilique  d'Antonin  ,  le  feptizone  de 
Sévère  étoient  des  pe'ripteres.  Voyez 
Temple  périptere.   {D.J.) 

PERIR  ,  V.  neut.  (  Gramm.  )  Rien  ne 
s'anéantit ,  mais  tout  change  d'état.  En  ce 
feïis  nous />fr/^;2j  fans  cefïe^  ou  nous  ne 
périfjons  point  du  tout ,  puifqu'il  n'y  a 
aucun  inflant  dans  l'éternité  de  notre  durée 
où  nous  différions  plus  de  nous-mêmes 
que  dans  aucun  autre  inflant  antérieur  ou 
poflérieur ,  &  que  nous  fommes  dans  un 
flux  perpétuel.  Le   verbe  périr  efl  relatif 

Bbb 


378  P  E  R 

à  un  éfat  de  deftruftion  très-fenfîble  ;  & 
Ton  dit  ce  vaifleau  a  péri  fur  la  côte  ; 
les  hommes  ont  une  fois  péri  par  les 
eaux,  &  Ton  croit  qu'ils  périront  un  jour 
parle  feu  ;  les  bâtiraens  inhabités />m^/zr,- 
ii  a  péri  par  la  faim.  N'auriez-vous  pas 
honte  de  laifTer  périr  celui  à  qui  vous 
n'auriez  qu'à  tendre  la  main  pour  le  fauver  ? 

PERIRRANTERION ,  f.  m.  {Littér. 
grecq.  )  '^Tîfhçctvnçicùv  ;  vafe  qui  contenoit 
Teau  luflrale  chez  les  Grecs.  Ce  mot  d\ 
compofé  de  ^«f  ' ,  circum ,  &  patm  ,  afpergo. 
On  mettoit  ce  vafe  ,  félon  Cafaubon  , 
dans  le  veftibulgi  du  temple  ,  &  félon  d'au- 
tres ,  dans  le  fanduaire  ;  peut  -  être  le 
plaçoit-on ,  dit  M.  de  Tourreil  ,  dans 
l'un  &  dans  l'autre  de  cçs  endroits.  Tous 
ceux  qui  entroient  fe  lavoient  eux-mêmes 
de  cetle  eau  làcrée  ,  s'ils  n'aimoient  mieux 
s'en  faire  laver  par  les  prêtres  ,  ou  par 
quelque  miniftre  fubalterne. 

Ce  n'étoit  pas  feulement  dans  les  temples 
qu'on  mettoit  ces  fortes  de  vafes  ;  on  en 
pofoit  aufîî  aux  avenues  de  la  place  pu- 
blique ,  &  dans  les  carrefours  ;  mais  fur- 
tout  on  ne  manquoit  pas  de  placer  de  ces 
vafes  à  la  porte  Aqs  maifons  particulières , 
lorfqu'il  y  avoit  quelque  mort  dans  les 
familles.  Pollux  appelle  cette  forte  de  béni- 
tier mortuaire  ,  ccyà'ovtav  ;  Héfichius  ,  y^a-rpa^ 
&  Ariflophane ,  Ixn^xW'.  On  arrofoit  de 
l'eau  qui  étoit  dans  ces  bénitiers  mortuaires , 
ceux  qui  aflifloient  aux  funérailles  ,  &  l'on 
fe  fervoit  d'une  branche  d'olivier  pour 
faire  ces  afperfions ,  ramo  felicis  olii'a:  , 
>-  dit  Virgile.  On  facroit  cette  eau  en  trem- 
pant dedans  un  tifon  ardent ,  tandis  qu'on 
brûloît  la  vidime.  Au  refte  ,  cette  eau  luf- 
trale  fervoit  à  deux  fortes  de  purifications  ; 
l'une  qui  fe  bornoit  aux  mains  feules  ,  & 
fe  nommoit  X'-f'^  >  de  /c^'f  »  ^^^n  ,  &  vima^ 
je  lave  ;  l'autre  s'étendoit  à  tout  le  corps  , 
&  s'appelloit  '7r-{'i^[Ay7t< ,  dont  nous  avons 
donné  la   racine.    {D.  J.) 

PERISCELIS  ,  (  Criiiq.  facrée.  )  en 
grec  TTêfjT/cêA^  ;  ce  mot  fignifie  une  jarre- 
tière ,  ou  fi  l'on  aime  mieux  ,  un  orne- 
iment  que  les  femmes  mettoient  autour  de 
leurs  jambes  en  guife  de  jarretières.  Il  eft 
dit  dans  les  nombres  xxxj  ,  £o  y  que  les 
.Jfraélites  qui  défirent  les  Madianites,  offri- 
rent au  Seigneur  les  riiifKihitfitf ,  les  bagues, 


P  E  K 

les  anneaux  &  les  bracelets  qu*ils  avoient 
gagnés  fur  l'ennemi.  Toutes  les  femmes  de 
l'orient  portoient  de  magnifiques  jarre- 
tières. Cet  ufage  pafla  dans  la  Grèce  & 
dans  l'Italie ,  où  les  femmes  galantes  fe 
piquoient  d'avoir  des  jarretières  fort  riches  ; 
mais  c'étoit  auffi  un  ornement  des  filles 
les  plus  fages ,  parce  que  leurs  jambes 
étant  découvertes  dans  les  danfes  publiques, 
leurs  brillantes  jarretières  tervoient  à  les 
faire  paroître  &  à  relever  leur  beauté. 
Celles  de  nos  dames  ne  font  pas  aujour- 
d'hui fi  magnifiques  ,  parce  que  leurs  jam- 
bes font  toujours  couvertes.  (  D.  J.) 

PERISCIENS  ,  f  m.  pi.  en  Géographie  , 
font  les  habitans  de  la  terre  dont  l'ombre 
parcourt  fuccefliv-ement  tous  les  points  de 
l'horizon  en  un  fcul  &    même  jour. 

Ce  mot  eft  formé  de  crêf/,  autour  ^  & 
ij-Koi ,  ombre. 

Tels  font  les  habitans  des  zones  froides, 
ou  ceux  qui  habitent  l'efpace  renfermé 
entre  les  pôles  &  le  cercle  ardique  d'un 
côté  ,  &  entre  le  pôle  &  le  pôle  antarc- 
tique de  l'autre  :  car  comme  le  foleil  ne 
fe  couche  point  pour  eux  ,  lorfqu'une  fois 
ils'eftlevé,  &  qu'il  tourne  autour  de  leurs 
tètes  ,  leur  ombre  doit  auffi  faire  une  ré- 
volution entière  ;  de  forte  que  pendant  le 
jour  ils  doivent  voir  leur  ombre  fucccffi- 
vement  de  tous  les  côtés.  Voye^  ZONE. 
Chambers.  (E) 

PERlSCYLACISME,f.  m.  {Littérat. 
grecq.  )  7rêi/rKy?v*x(3-/^af ,  c'efi-à-dire  ,  eX" 
piation  par  un  renard  y  qu'on  facrifioit  à 
Proferpine  ;  o-Kvha^ ,  eft  un  renard.  Les 
Grecs  offroient  à  cette  déefTe  dans  les  pu- 
rifications ,  un  renard  que  l'on  failoit  pafler 
tout  autour  de  ceux  qui  avoient  befoin 
'  d'être  purifiés ,  &  eniuite  on  imraoloit 
l'animal.  Voye\\e  traité  des  que/lions  ro- 
maines de  Plutsrque  y  quœfi.  6o  y  & 
Potter  ^  Archceol.  grecq.  tcm.  7,  p.  ZZJ. 
PERISCYPHISME ,  f.  m.  (  Chir.  anc.  ) 
opération  qui ,  fuivant  l'étymologie  du  mot , 
confiftoit  dans  une  incifion  autour  du 
crâne  ;  on  pratiquoit  cette  opération  pour 
guérir  les  fluxions  copieufes  fur  les  yeux , 
accompagnées  de  l'ulcération  des  paupiè- 
res ,  &  d'une  douleur  de  tête  aiguë  & 
profonde.  Paul  Eginete ,  lib.  VI  y  c.  vij  , 
vous  doruicra    tous  les  détails   de   cette 


P  £  R 

opération  ,  qui  n'eft  point  pratiquée  par  les 
modernes.  (  D.  J.} 

PERISKYTISME  ou  PÊRISKY- 
PISME  ,  en  Chirurgie  y  eft  une  opération 
que    faifoient    les    anciens  fur    le    crâne. 

Ce  mot  eft  formé  des  mots  grecs  Tff/ , 
autour^  &  7  nuii(iij  ^couper  oxx  ecorcherh 
peau. 

Lq  périskytifme  étoit  une  incidon  qu'on 
faifoit  à  la  fiiture  coronale  ,  depuis  une 
tempe  jufqu'à  l'autre,  &  qui  découvroit  le 
crâne  ;  on  la  faifoit  pour  féparer  le  péri- 
crâne  du  crâne.    Vqyei^  PÉRICRANE. 

Cette  opération  ert:  abolie  ;  quelques 
auteurs  en  recommandent  encore  une  ap- 
prochante du  périskytifme  ,  contre  une 
maladie  de  la  peau  du  vifage ,  appellée 
par  quelques-uns  couperofs.  V.  GoUTTE  , 
ROSE. 

PERISSABLE  ,  adj.    (  Gramm.  )   qui 
périt     entre    nos     mains ,    qui  fe   difîipe 
malgré  nous,  qui  nous  échappe.  Les  biens' 
de  la  fortune  font  périjjables  ,  la  vie  ell 
pe'rijjable. 

PÉRISSOCHORÉGIE ,  f.  f.  (  Droit 
romain.  )  Ce  mot  (e  trouve  dans  le  code  ; 
mais  on  ne  convient  pas  de  ce  qu'il  figrrifîe. 
Quelques  auteurs  veulent  que  ce  foit  un 
nom  de  charge  &  d'office.  Alciat  prétend 
que  le  périjjochorege  étoit  celui  qui  a  voit 
foin  de  l'aumône  ;  Dominique  Macri  croit 
que périjfochorégie  fignifie  un  donatif  ^  une 
diilriburion  qui  fe  faifoit  aux  foldats  au 
defTus  de  leur  paie  ordinaire.  Voye\  le- 
xicon  juridicum  de  Jean  Calvin.  {D.  J.) 

PÉRISSOLOGIE,f.  f.  {Rhétorique.) 
difcours  fuperfîu ,  fermo  faperuacdneus  ; 
fur  lequel  QuintiHen  s'exprime  ainli  ;  fed 
ut  cîim  décorum  habet  periphrajis  y  ita 
ciim  in  l'itium  incidit ,  periflblogia  dicitur  ; 
pbjîat  enim  qnicquid  non  adjuuat.  C'eft 
la  répétition  en  d'autres  termes  &  fans 
nécefllté  ,  d'une  même  penfée  qu'on  vient 
d'expliquer  fuffifamment.  Les  périjfologies 
font  très-fréquentes  dans  Ovide  &  dans 
Séneque  le  tragique. 

PÉRISSON  ,  f  m.  (  Bot.  anc.  Hijl 
nat.  )  nom  donné  par  les  anciens  Grecs  & 
enfuite  par  les  romains  ,  du  temps  de 
Pline,  à  une  elpece  de  folanum  qui  ren- 
doit  fous  ceux  qui  en  faifoient  ufage  inté- 
rieurement ;  c'cft  pour  cela  qu'on  l'appel- 


\o\t  encore  le  flrychnum  manîcum  ,  ou 
fmiplement  manicum  y  c'cfl- à-dire  ,  la 
plante  qui  rend   fou.  (  D.  J.) 

PERISTALTIQUE,  (mouvement) 
{Phyfiolog.)  Le  mouvement  périflahique  ou 
vermiculaire  des  inteflins,  efl:  la  contrac- 
tion &  le  relâchement  alternatif  des  in- 
teflins  ,  lefquelss'étrecifîantfuccelïlvemcnt , 
poufîènt  en  avant  le  chyle  qui  y  coule  entr« 
les  rides  des  fibres  inteftinales. 

La  préparation  &  la  diflribution  àts  hu- 
meurs par  tout  le  corps  ,  fuppofent  un  mou- 
vement local.  La  codion  desalimens  &  leur 
affimilation  ,  requièrent  ce  mouvement,  au- 
quel les  tuniques  des  inteflins,  l'impuKiQn  du 
cœur  ,  du  diaphragme  ,  des  mufcles  du  bas- 
ventre  ,  coopèrent  de  leur  côté  ;  &  au 
moyen  de  toutes  ces  aâions  réunies  ,  le 
chyle  eft  exprimé  dans  les  conduits  que 
renferme  le  méfentere  ,  pour  le  porter 
dans  le  ventricule  droit  du  cœur. 

Cette  compreflion  des  inteflins  pliffes 
comme  ils  font,  par  laquelle  le  chyle  ti\ 
poufle  dans  les  veines  ladées ,  eft  une 
méchanique  qui  a  aflez  de  rapport  à  celle 
dont  on  fe  (èrt  pour  faire  entrer  le  favon 
dans  le  linge  qu'on  veut  laver,  qui  eft  de 
plifîèr  &  de  bouchonner  le  linge  ,  & 
enfuite  de  le  comprimer. 

Il  y  a  plufieurs  inftrumens  qui  contri- 
buent à  cette  compreflion ,  tels  que  font 
d'abord  les  mufcles  de  l'œfophage.  Son 
action ,  &  celle  des  inteftins  ,  paroît  con- 
fifter  dans  une  conftridion  fucceflive ,  que 
leurs  fibres  circulaires  produifent  ;  cette 
conftridion  fe  fait  toujours  derrière  l'hu- 
meur qui  eft  pouflee  ,  comme  il  eft  aifé 
déjuger,  lorfqu'un  animal  ayant  la  tête  en 
bas  ,  fait  monter  dans  foneftomac  la  boilîon 
ou  les  herbes  qu'il  prend ,  &  lorfque  le 
chyle  &  les  autres  humeurs  ,  après  être 
defcendues  au  bas  du  ventre ,  remontent 
julqu'au  haut  ;  ce  qui  ne  fe  peut  exécuter 
que  par  cette  conftridion  fucceflive  qui 
produit  le  même  effet  dans  l'œfophage  & 
dans  les  inteftins  ,  que  les  valvules  dans 
les  veines. 

Mais  cette  conftridion  circulaire  ne 
fuffîroit  pas  pour  poufler  le  chyle  dans  les 
tuniques  des  inteftins  &  les  vaiflèaux  du 
méfentere  ,  fi  le  plifl^ment  des  mêmes 
tuniques  n'y  contribuoir.   Or,  ces  replis 

Bbb  1 


I 


3So  PER 

dans  lefquels  le  chyle  efî  engagé  ,  leur 
aident  à  pénérrer  les  porofités  des  inteflins, 
lorfqu'ils  font  comprimés  par  les  mufcles 
du  vemre  dans  l'adion  de  la  reipiratlon , 
de  la  même  manière  que  les  replis  du 
linge  que  Ton  bat  à  la  leflîve,  aident  à  faire 
pénétrer  l'eau  du  favon  dans  les  pores  du 
linge,  lorfqu'il  efl  frotté  avec  les  mains 
&    frappé  avec  le   battoir. 

L'adion  par  laquelle  les  inteflins  pren- 
nent une  figure  propre  à  faire  que  la 
compreffion  des  mufcles  puifle  fervir  à 
Texpreilion  du  chyle  qu'ils  contiennent, 
efl  vifible  dans  l'ouverture  des  animaux 
vivans  ,  où  Ton  obferve  ce  mouvement , 
qui  repréfente  aflèz  bien  celui  d'un  ver  de 
terre ,  lequel ,  pour  ramper ,  fe  reflèrre  , 
rentre  en  lui-même ,  &  s'alonge  fuccefS- 
vement  pour  fa  progrefllon. 

La  llrudure  des  inteftins  efl  tout-à-fait 
commode  pour  cette  adion  ,  étant  garnie 
eji  dedans  d'un  très-grand  nombre  de 
feuillets  pofés  tranlverfalement  ;  de  plus, 
la  largeur  de  ces  feuillets  va  en  fe  rétre- 
ciffant  vers  chaque  bout ,  pour  donner  le 
palTàge  au  chyle^ 

Les  inteflins  ont  encore  une  puifTance 
de  le  pliflèr ,  qu'ils  exercent  en  deux  ma- 
nières. La  première  eft  par  le  moyen  de 
la  membrane  du  méfentere  à  laquelle  ils 
font  attachés ,  qui  les  oblige ,  en  les  ac- 
courciiîant  ,  à  le  plifîer  comme  une  traife. 
La  féconde  eft  par  le  moyen  de  leurs 
fibres  ,  lefquelles  étant  prefque  toures 
circulaires  ,  font  très-propres  à  produire 
tout  ce  qui  eft  néceflaire  pour  le  fronce- 
ment d\ine  membrane  dont  une  cavité 
eft  compofée  ;  &  c'efl:  à  l'accourciflemcnt 
fuccefllf  de  ces  fibres  qu'il  faut  attribuer 
toures  les  adlons  du  mouvement  àes  in- 
teflins  ;  car  lorfqu'elles  fe  rétrecilTent  fuc- 
cefîîvement ,  elles  produilènt  l'impulfion 
de  ce  qui  eft    contenj  dans   les  inteftins. 

Voilà  l'exécution  du  mouvement  périf- 
taltique y  qui  eft  naturellenent  tranquille, 
doux  ,  &  comme  un  mouvement  d'ondu- 
lation ;  c'eft  ce  qui  a  été  ainfi  ordonné 
par  la  nature ,  pour  empêcher  les  aHmens 
digérés  de  pafler  trop  rapidement  des 
inteftins  grêles  dans  les  gros  ,  &  delà  à 
l'anus,  comme  il  arrive  dans  la  diarrhée. 
Ce  mouvement  eft  alternatif,  c'eft-à-dire, 


P  E  R 

compofé  de  refferrement  &  de  relâche* 
ment  ;  car  lorfqu'une  partie  d'un  inteftin 
fe  contrade  &  fe  relferre ,  la  matière 
qu'elle  contient  palTe  dans  la  partie  voi- 
fine  qu'elle  dilate ,  &  qui  fe  reflerrc  im- 
médiatement après.  Il  réfulte  de  ce  détail  , 
quele moiwemeni p&ijidltique àes'inteÛms  , 
eft  la  principale  cauie  de  la  fecrétion  du 
chyle,  &  de  fon  mouvement  progreftif 
dans  les  vaifleaux  ladées. 

Au  refte  ,  ce  mouvement  ne  cefïe  jamais 
durant  la  vie ,  &  même  fubfifte  encore 
pendant  quelques  momens  après  la  mort. 
VoycT^  les  expériences  de  GliiTon  ,  de 
Wepfer  &  de  Peyeç ,  car  il  feroit  trop 
long  de  les  rapporter  pour  preuves  ;  c'cii 
aflez  dans  cet  ouvrage  de  propofer  des 
vérités.  {D.  J.) 

PERISTAPHYLIN  ,  f.  m.  en  Ana^ 
tomie  y  nom  de  deux  paires  de  mufcles 
de  la  luette ,  ■  &  qui  font  diftingués  ea 
internes    &  en   externes. 

Les  périftaphyUns  externes ,  voy.  SPHÉ- 
no-Salpingo-Staphï-lin. 

Les  périftaphyUns  internes  ,  voye\  Pe- 
tro-Salpingo-Staphylin. 

PÉRISTAPHYLIN  PHARYNGIEN, 
fub.  maf.  en  Anatomie  ,  font  deux  petite 
mufcles  du  pharynx ,  qui  font  attachés 
entre  la  luette  &  l'extrémité  inférieure  de 
l'aile  interne  de  l'apophyfe-ptérigoïde ,  & 
vont  obliquement  en  arrière  fur  les  côtés 
du  pharynx  ;  on  les  appelle  encore  hypéro- 
pharyngiens  &  paîato-pharyngiens. 

PERISTERE,  f.  f.  {MythoL.)  une 
d^s  nymphes  de  la  fuite  de  Vénus  ,  qui 
fut  métamorphofée  en  colombe  par  l'amour. 
Ce  dieu  jouant  un  jour  avec  fa  mère  , 
voulut  parier  de  cueillir  plus  de  fleurs 
qu'elle.  La  déefle  fe  fit  aider  par  la  nym- 
phe Périfiere  ,  &  gagna  la  gageure  ;  mais 
cupidon  fut  fi  piqué  ,  qu'il  changea  la 
nymphe  en  colombe.  Cette  fable  n'eft 
fondée  que  fur  le  nom  grec  de  la  nymphe  , 
qui  veut  dire  une  colombe.  Cependant 
Théodotius  prétend  qu'il  y  avoit  à  Corinthe 
une  courtifane,  nommée  Périfiere  y  qui 
paffa  pour  nymphe  de  Vénus  ,  parce  qu'elle 
en  imiroit  la  conduite.  {D.  J.) 

PÊRISTERJDES  ,  (  Geog.  anc.  )  île 
d'Afie  fur  la  côte  d'Ionie ,  proche  la  ville 
de  Smyrne ,  félon  Pline.  Elle  fut  nommée 


PEU 

Périfie'rîdes  y  à  caufe  de  la  muîtitucîe  de 
pigeons  dont  elle  étoit  peuplée.    (D.  J.) 

PERISTERITES ,  (Hi_ft.  natur.)  nom 
donné  par  quelques  naturalises  à  une  pierre 
dans  laquelle  ils  ont  cru  trouver  la  relTem- 
blance  d'un  pigeon. 

PEiUSTIARQUE  ,  f.  m.  (  Ant.grec.  ) 
<!r«(i/ç-i« -/J  j  nom  de  celui  qui  officiolt  dans 
les  luiîrations.  Potter ,  Archeol.  grœci.  f.  ly 

P'  35- 

PERISTILE  ,  f.  m.  {Archit.  civile.) 

lieu  environné  de  colonnes  ifolées  en  Ton 
pourtour  intérieur  ,  c'eft  par-là  qu'il  diffère 
du  périptere  ,  comme  eft  le  temple  d'Hy- 
petre  de  Viti-uve  ,  &  comme  font  aujour- 
d'hui quelques  bafiliques  de  Rome ,  plulieurs 
palais  en  Italie  ,  &  la  plupart  des  cloîtres. 

On  entend  encore  par  pe'rijiile  un  rang 
de  colonnes  ,  tant  au  dedans  qu'au  dehors 
d'un  édifice,  comme  le  penflile  corinthien 
du  portail  du  louvre  ,  l'ionique  du  château 
de  Trianon  ,  &  le  dorique  de  l'abbaye  de 
fàinte-Genevieve  à  Paris.  Ce  dernier  ell  du 
deiiin  du  P.  de  Creil. 

Le  terme  pe'riftile  eft  compofé  de  deux 
mors  grecs  ,  dont  l'un  péri  ,  ûgniHe  autoUr , 
Se  l'autre  ftjlos  ,  colonne.   {D.J.) 

PERISYSTOLE  ,  f.  f.  en  Médecine, 
fignitie  la'paufe  ou  l'intervalle  entre  les  deux 
batteraens  ou  mouvemens  du  cœur;  favoir , 
le  mouvement  de  fyilole  ou  de  conrradion  , 
&  le  mouvement  de  diailole  ou  de  dila- 
tation. Voye\  Systole  &  Diastole. 
'Voyei  ^i//^  Battement  &  C(eur. 

PERITA ,  (  Géog.  anc  )  ville  de  l'Inde. 
Alexandre,  dit  Plurarque,  in  Alex,  âvp.nt 
perdu  un  chien,  appelle  P/r/V^j ,  fît  barir 
en  fon  honneur  une  ville  qu'il  nomma  de 
ion  nom.  [  D.  J.) 

PERITHE  ou  PERIDONIUS,  {Hifl. 
nat.  )  pierre  d'une  couleur  jaune ,  qui  avoir , 
dit-on  ,  la  vertu  de  guérir  de  la  goutte , 
&  de  brûler  lorfqu'on  la  ferroit  fortement 
dans  la  main.  On  prétend  qu'il  y  avoit  une 
autre  pierre  de  ce  nom  femblable  à  la  chry- 
iolitc.  Quelques  auteurs  ont  cru  que  c'étoit 
la  pvrie. 

PEKITH(ED(E  ,  (  Geog.  anc.  )  muni- 
cip."  du  terroir  d'Athènes  ,  dans  la  tribu 
Onéide.  Plutarque  ,  in  Alcibiade  ,  parle 
d'un  certain  Hyperbolus  du  bourg  ou  mu- 
nicipe  Pùithoidc  ,  méchant  homme ,  gui 


P  E  R  3Sr 

fournit  de  ibn  -temps  une  riche  matière 
aux  poètes  comiques ,  qui  le  prirent  tous 
pour  l'objet  de  leurs  railleries  &  de  leurs 
invedivcs. 

PERITIEN  (  MOIS  )  ,  (  Calend.  grec.  ) 
C'étoit  un  mois  des  Macédoniens  ,  qui  ré- 
pond ,  félon  le  P.  Pétau ,  au  mois  de 
février.  Les  Syriens  adoptèrent  ce  mois 
en  mémoire  d'Alexandre  le  grand  ;  ou 
plutôt  les  ^Macédoniens  l'introduifirenr  chez 
ce  peuple  après  l'avoir  fubjugué  ,  de  même 
qu'ils  impoièrent  à  la  plupart  des  villes  & 
des  rivières  de  Syrie,  le  nom  des  villes  & 
des  fleuves  de  Macédoine. 

PERITOINE,  f.  m.  {Anat.)  en  latin 
peritonjeum^en  grec  -TrioiThxi-jVfde  Tï^mia^ 
tendre  à  Vemour  ^  enveloppe  membraneufe 
très  -  confidérable  ,  immédiatement  adhé- 
rente à  la  furface  interne  des  mufcles 
tranfverfes,  &  à  celle  de  tout  le  rcfîe  de 
la  cavité  du  bas-ventre  ,  dont  elle  couvre 
&  enveloppe  les  vifceres  comme  une  efpece 
de  fac. 

Cette  membrane  efl  en  général  un  tifTu 
affez  ferré  ,  néanmoins  très-fouple  ,  capable 
d'une  grande  extenfion  ,  après  laquelle  elle 
peut  encore  reprendre  fon  étendue  ordi- 
naire ,  ou  celle  qu'elle  avoir  déjà  eue. 
C'eft  ce  que  l'on  voit  manifeilement  dans 
la  grofléflé  ,  dans  l'hydropiiie  ,  &  dans  les 
perlbnnes  qui  ont  le  ventre  gros  par  embon- 
point,  ouparreplétion. 

Le  péritoine  paroît  compofé  ,  félon  fon 
étendue  en  largeur  ,  de  deux  portions 
l'une  interne  &  l'autre  externe  :  pluiîeurs 
anatomifks  ont  pris  ces  portions  pour  une 
duplicature  de  deux  lames  membraneufcs 
réellement  dillinguées  ;  mais, à  proprement 
parler,  il  n'y  en  a  qu'une  qui  mérite  le  nom 
de  lame  membraneufe;  favoir  ,  la  portion  in- 
fernequi  faitcomraelecorpsdupmVo//?^;  la 
portion  externe  n'eft qu'une  efpece  d'apohy- 
fe folliculcufe de  l'interne  :  on  l'appelleafîèz 
convenablement  le  tiffu  cellulaire  du  pm- 
toine. 

La  vraie  lame  membraneufe  ,  nommée 
généralement  lartie  interne  ,  efl  fort  h^ 
du  côté  qui  regarde  la  cavité  &  les  vii- 
ceres  du  bas  -  ventre  ;  &  on  trouve  fa 
furface  interne  toujours  mouillée  d'une 
férofité  qui  paroîi^  fuinter  par  des  porei 
prefque  impercefîibles  :  on  découvre  ces 

S 


\^i  P  E  R 

pores  en  renverfant  une  portion  du  pe'ri- 
toine  fur  le  Lout  du  doigt ,  &  en  la  tirant 
là-deflus  de  côté  &  d'autre  ;  car  alars  on 
apperçoit  les  pores'  dilatés  &  des  goutte- 
lettes en  fortir  diflinclement ,  même  fans 
microfcope. 

Les  fources  de  ces  gouttelettes  &  de 
cette  férofité  de  la  face  interne  du  péri- 
toine ,  ne  font  pas  encore  bien  connues  : 
peut-êrre  fe  fiiit-elle  par  tranfludation  , 
ou  par  une  tranfpiration  ,  telle  qu'on  l'ob- 
ferve  dans  l'ouverture  des  animaux  nou- 
vellement tués.  Les  grains  blanchâtres 
qu'on  y  trouve  dans  certains  fujets  morts 
de  maladie  ,  ne  décident  rien  pour  les  glan- 
des que  l'on  prétend  y  être  dans  l'état 
naturel. 

Le  tiiTu  cellulaire  ou  la  partie  externe 
du  péritoine  .^t^  très-adhérente  aux  parties 
qui  forment  les  parois  internes  de  la  cavité 
du  bas-ventre.  Ce  tifTu  cellulaire  n'efl:  point 
d'une  égale  épaifîèur  par-tout  ;  de  plus  , 
il  y  a  des  endroits  où  ce  tiffu  reflemblc 
à  une  membrane  adipeufe  j  y  étant  remplie 
de  graifle ,  comme  autour  des  reins  ,  le 
long  àts  portions  charnues  des  mufcles 
tranfverfes  auxquels  il  eu  adhérent. 

Les  gros  vauTeaux  fanguins  ,  favoir  , 
l'aorte  &  la  veine  cave  ,  font  aufli  ren- 
fermés dans  l'épaiflcur  de  la  portion  cellu- 
laire du  péritoine.  En  un  mot ,  ce  tifîù 
enveloppe  immédiatement  &  en  particulier 
les  parties  &  les  organes  que  l'on  dit  être 
communément  litués  dans  la  duplicature 
du  péritoine. 

Les  principaux  ufages  du  péritoine  pa- 
roiflent  être  de  tapifler  la  cavité  du  bas- 
ventre  ;  d'envelopper  ,  comme  dans  un  fac 
commun ,  les  vifceres  contenus  dans  cette 
partie  ;  de  leur  fournir  des  tuniques  ou 
enveloppes  particulières  ;  de  former  des 
alongemens  ,  des  ligamens  ,  des  attaches  , 
des  replis  ,  Acs  gaines ,  ^c. 

La  rofée  fine  qui  fuinte  par-tout  de  la 
fùrface  interne  du  péritoine  ,  empêche  les 
inconvéniens  qui  pourroient  arriver  par  le 
frottement  continuel  &  les  ballotemens  plus 
ou  moins  confidérables  auxquels  les  vifceres 
du  bas-ventre  font  expofés  en  partie  natu- 
rellement, &  en  partie  à  l'occafion  des 
différens  raouvemcns  externes. 

Telle   cft   la   ftrudure    du  péritoine  , 


P  E  R 

d'après  MM.  Douglas  &  Winflo^r  ,  qur, 
quoique  très-exadc  ,  ne  fuffit  pas  pour  en 
donner  une  idée  ;  mais  il  eft  impofllble 
de  le  faire  fans  la  démonflration  ;  tout  ce 
qu'on  en  peut  dire  en  général ,  efl  que  c'efl 
un  fac  pyriforme  comprimé  llipérieurement , 
plus  large  en  fon  miheu  ,  &  qui  va  en  dimi- 
nuant d'une  façon  obtufe  vers  les  parties 
inférieures.  De  la  partie  inférieure  du  dia- 
phragme ,  il  defcend  en  bas  devant  les 
mufcles  ihaques  &  pfoas  ,  fe  continue  de- 
vant le  reûum ,  fe  rephe  au-deffus  de  la 
veflle  devant  l'os  pubis  &  derrière  les 
mufcles  abdominaux  :  ce  lac  efl  percé 
pour  laiiTer  paffer  l'œfophage  &  le  redum  ; 
il  renferme  dans  fa  cavité  le  foie  ,  la  rate  , 
le  pancréas  ,  &  tout  le  volume  des  inteitins 
avec  l'edomac.  L'aorte  ,  la  veine  cave  , 
le  canal  thorachique ,  les  reins  ,  les  vaif- 
lèaux  voifins  ,  i&  la  plus  grande  partie  du 
redum',  font  hors  de  la  cavité  du  péritoine  ^ 
dans  cette  membrane  cellulaire  qui  l'envi- 
ronne ,  &  le  lie  au  diaphragme  ,  aux  muf- 
cles tranfverfes  ,  à  la  vefîie  ,  aux  mufcle.s 
releveurs  de  l'anus ,  aux  pfoas ,  aux  iliaques 
&  aux  enveloppes  tendineufes  des  vertè- 
bres des  lombes.  Sa  furface  extérieure  eft 
foutenue  de  fibres  folides.  à  la  partie  an- 
térieure du  bas  -  ventre  :  l'intérieure  efl 
humedée  d'une  vapeur  qui  tranfpire  fans 
cefle. 

Le  péritoine  efl  tellement  rempli  des 
vifceres  qu'il  contient ,  qu'il  porte  l'em- 
preinte des  inteftins  ;  il  repoufTe  le  ventri- 
cule que  le  diaphragme  fait  defcendre  en 
s'abalffant  ,  &  oppofe  une  certaine  réni- 
tence  à  la  comprcffion  des  mufcles  abdo- 
minaux fur  l'eflomac  ,  qui  par-là  fe  trouve 
entre  deux  efpeces  de  prelîîons ,  parce 
que  tout  cft  plein  dans  le  bas  -  ventre. 
C'eft  pourquoi ,  lorfque  cette  membrane  eft 
percée,  fur-tout  dans  le  vivant,  les  vif^ 
ceres  fortent  avec  effort  par  l'ouverture 
faite  à  l'enveloppe  qui  les  retient.  Enfin  , 
cette  membrane  reçoit  les  vaifTeaux  peu 
confidérables  ,  des  épigaftriques ,  des  fper- 
matiques  &  des  autres  troncs  voifins. 
{D.J.) 

Article  nouveau  far  le  Péritoine. 

§  PÉRITOINE,  f.  m.  {Anat.)  mem- 
bi^ne  qui  recouvre  immédiatement  tous 


P  E  R 

lés  vlfceres  du  bas-ventre  en  général ,  & 
la  plupart  d'eux  en  particulier. 

lue  péritoine  iorme. ,  comme  le  péricarde, 
un  lac,  mais  beaucoup  plus  compliqué.  Il 
cil  fait  de  même  par  une  feule  membrane , 
dont  la  p-artie  la  plus  liife  &  la  plus  denfe 
regarde  la  cavité ,  &  dont  la  furface  ex- 
térieure devient  peu-à-peu  celltileufe  ,  par 
TaccroilTement  des  petits  efpaces  com- 
pris entre  les  lames  élémentaires  du  péri- 
toine. Il  n'y  a  aucune  railon  valable  pour 
lui  donner  deux  lames  ,  &  pour  admettre 
entre  ces  lames  une  duplicature.  C'étoit  une 
eireur généralement  adoptée,  que  Douglas 
a  réfutée  le  premier  ;  ce  qui  a  donné  lieu 
à  recevoir  une  duplicature  ,  c'eft  le  tifîù 
cellulaire  dont  le  péritoine  eft  couvert ,  & 
dont*  je  parlerai  bientôt. 

La  membrane  du  péritoine  cft  moins 
ëpaifïe  que  le  péricarde,  &  très- fine 
Itjr-tout  du  côté  du  mufcle  rranfverle.  Ses 
vaiflcaux  font  petits  :  il  prête  beaucoup  , 
pourvu  que  la  dilatation  fe  tafïé  lentement  ; 
car  un  ettort  trop  fubit  peut  le  rompre. 
Son  fentiment  eft  des  plus  obfcurs  ;  d'eu 
un  des  points  fur  lelquels  mes  adverfaires 
font  à  peu-près  d'accord  avec  moi  ;  on 
n'a  point  trouvé  de  fentiment  au  fac  her- 
niaire ,  qui  cft  le  péritoine  même  élargi 
Comme  on  n'y  diflingue  pas  de  fibres  , 
iJ  n'eil  point  irritable. 

Comme  le  péricarde  ,  le  péritoine  con- 
fient une  liqueur  de  la  clafle  albumineufe  , 
plus  tétide  cependant  &  plus  fujette  à  fe 
corrompre.  Elle  exhale  de  toute  la  furface 
liiïè  du  péritoine  ,  foit  qu'il  couvre  des 
vifceres  ou  qu'il  s'étende  fous  la  forme 
d'une  membrane  ;  elle  eu  repompée  de 
même.  On  en  imite  la  formation  en  injec- 
tant une  liqueur  fluide  dans  les  artères  du 
bas-ventre ,  &  fa  réforption  en  poulTant 
la  liqueur  dans  les  veines.  Pour  démontrer 
la  réforption ,  on  a  fait  d'autres  expé- 
riences encore  ;  on  a  fcringué  de  l'eau  ou 
^u  vin  dans  la  cavité  du  bas-venrre  d'un 
animal  vivant  ;  on  a  fermé  la  plaie  :  cette 
liqueur  a  difpdru  en  peu  d'heures  ,  quoi- 
qu'il y  en  eût-plulieurs  onces. 

Cette  humeur  exhalante  entretient  la 
Tnobihré  des  vifceres  entr'eux  ,  &  les 
empêche  de  s'attacher  au  péritoine.  Quand 
i'jnflamraation  la  deflèche  ,   ii  eft    très- 


P  E  R  383 

ordinaire  que  ces  vifceres  fe  collent  les 
uns  aux  autres ,  ou  s'attachent  au  péri- 
toine. 

La  defcription  du  fac  formé  par  cette 
membrane  ,  n'eft  pas  fort  aifée.  Douglas 
l'a  donnée  le  premier ,  &  a  réuffi  à  le  dé- 
tacher entièrement ,  &  à  l'enlever  avec 
tous  les  vifceres  qu'il  renferme.  La  même 
opération  m'a  réufli  dans  le  fœtus  &  dans 
l'enfant  qui  vient  de  naître  :  c'eft  du  mufcle 
tranfverfal  que  le  péritoine  fe  détache  avec 
le  plus  de  peine. 

Cette  membrane  taplfle  toute  la  voûte, 
concave  du  diaphragm.e  ;  elle  eu.  contigue 
à  la  plèvre  dans  les  ouvertures  faites  pour 
le  paflage  de  l'aorte ,  de  l'œfophage ,  de 
la  veine  cave  ,  &  dans  quelques  intervalles 
des  fibres  charnues.  Il  ne  s'attaclif  qu'aflez 
légèrement  à  cette  cloifon ,  A  l'exception 
des  fibres  qui  naifîent  de  la  dernière  côte 
&  de  l'apophyfe  tranfverfe  de  la  dernière 
vertèbre  des  lombes. 

Du  bas  des  ailes  du  diaphragme  ,  le 
péritoine  defcend  devant  fes  appendices  , 
les  pfoas ,  devant  les  vertèbres  des  lom- 
bes ,  les  caplules  rénales  ,  les  reins  &  les 
deux  gros  vaifTeaux  :  toutes  fes  parties 
font  au  dehors  du  fac  du  péritoine  ,  & 
ne  touchent  point  aux  inteftins ,  ni  aux 
vifceres  contenus  dans  ce  fac. 

Le  péritoine  continue  à  defcendre  devant 
les  mufcles  qui  couvrent  l'os  des  îles , 
il  arrive  dans  le  bafiiin  devant  le  reûum  ^ 
dont  la  moitié  de  la  partie  fupérieure  eft 
hors  du  fac  dû  péritoine  ,  &  inférieure- 
ment  cette  portion  eft  encore  plus  grande. 
Il  pofe  furies  levateurs,  les  coccygiens  , 
le  facrum  ,  les  obturateurs ,  les  grands 
nerfs  &  les  os  des  îles  :  il  pafTe  delà  au 
redum  ,  &  dans  les  femmes  à  la  partie 
tranfverfale  du  vagin.  Il  remonte  contre 
lui-même  derrière  le  vagin  dans  le  fexe  , 
&:  derrière  l'utérus,  dont  il  fait  la  tunique 
externe.  En  paffant  du  redum  à  l'utérus , 
il  fait  un  pli  plus  que  demi-circulaire ,  qui 
réunit  la  partie  du  péritoine  placée  fur  le 
rcdum  avec  celle  qui  tapifîè  le  vagin  ;  ce 
pli  eft  fimple  ou  double ,  &  au-defTus  de 
lui  eft  un  cul-de-fac  entre  le  redum  &  le 
commencement  du  vagin. 

Le  péritoine  s'élève  encore  des  deux 
côtés  de  l'utérus  entre  ce  vifcere  &  les 


3Î?4  P  E  R 

os  du  baflîn.  Arrivé  au  haut  de  l'utérus, 
il  en  "  redefcend  contre  lui-même  ;  une 
cellulofiré  remplit  l'intervalle  des  deux  pa- 
ges du  péritoine  replié  fur  lui-même  ;  il 
pafîê  jufques  prefqu'au  vagin  ;  il  y  termine 
(bn  fac ,  &  remonte  vers  la  veffie.  La 
partie  latérale  du  péritoise  placée  aux 
deux  côtés  de  l'utérus ,  fait  une  cloifon 
mobile  &  imparfaite  qui  fépare  la  partie 
antérieure  du  baffin  de  la  poftérieure.  On 
l'appelle  les  ligamens  larges. 

Il  atteint  la  veffie  à  deux  doigts  au- 
defllis  de  l'infertion  des  uretères ,  &  re- 
monte poflérieurement  le  long  de  la  veffie  ; 
il  redefcend  ,  dans  lesfujets  encore  jeunes, 
vers  le  pubis  ,  &  couvre  une  partie  de  la 
face  antérieure  de  la  veffie,  moins  grande 
que  celle  ^u'il  couvre  pollerieurement. 

Des  os  pubis  &  des  os  des  îles,  il 
remonte  derrière  les  mufcles  droits  & 
tranfverfaux  ,  &  fe  réunit  avec  la  partie 
qui  tapiife  le  diaphragme.  Sa  voûte  fupé- 
rieure  çil  fimple  ,  fon  fond  inférieur  fait 
trois  culs-de-fac  ;  le  plus  profond  derrière 
l'utérus  ,  le  moyen  entre  l'utérus  &  la  veffie , 
l'antérieur  &  le  plus  petit  entre  la  veffie  &  le 
pubis. 

Dans  l'homme,  fa  lîruâure  efl  plus  fim- 
ple. Dâfpuis  le  redum ,  le  péritoine  pafle 
à  la  veffie  ,  &  forme  deux  plis  demi-circu- 
laires :  il  atteint  la  veffie  au-deffus  des 
uretères  qui  fe  trouvent  hors  du  fac  du 
péritoine  ,  auffi  -  bien  que  les  véficules 
féminales. 

Nous  parlerons  ,  à  Varticle  TÊTE  ,  de 
la  différence  qu'il  y  a  entre  le  fœtus  & 
l'adulte  par  rapport  à  ces  organes  ,  qui 
dans  le  fœtus  lont  renfermés  dans  le  fac 
du  péritoine ,  &  qui  en  lortent  avec  l'âge. 

Le  péritoine  donne  l'enveloppe  exté- 
rieure aux  vifceres  du  bas-ventre.  Sa  face 
liffe  regarde  toujours  la  cavité  ,  &  la  cel- 
luloiité  eft  tournée  contre  le  vifcere  dans 
les  inteftins  ,  l'eftomac  ,  le  foie  ,  la  rate. 
La  produdion  du  péritoine  qui  va  s'at- 
tacher au  vifcere ,  eft  appellée  du  nom  de 
ligament. 

Le  méfentere  &  les  épiploons  font  des 
produdionsplus  confidérables  du  péritoine  ; 
nous  en   parlons  à  chaque  article. 

La  cellulofité  qui  l'environne  forme  ce 
que  les  anciens  appelloient  des  procejfus. 


PEU 

Les  plus  connus  font  ceux  qui  dans  rhomme 
accompagnent  le  plexus  fpermatique  ,  &  le 
ligament  rond  dans  la  femme.  Le  péritoine 
eft  fermé  du  côté  du  nombril. 

Le  reitum  ne  perce  pas  le  péritoine , 
il  eft  placé  derrière  ce  fac  au-delà  de  la 
moitié  de  fa  largeur  ;  inférieureraent  il  eft 
fous  le  péritoine. 

On  peut  regarder  comme  un  trou  de 
ce  fac  ,  celui  qui  laiffe  palfer  la  veine  cave  , 
&  du  côté  du  diaphragme ,  &  du  côte 
du  foie ,  &  celui  par  lequel  pafle  l'œfo- 
phage. 

L'aorte  ,  la  veine  cave  au  -  defl!bus  du 
foie  ,  tous  les  gros  vaifl^aux  des  reins  font 
hors  du   péritoine. 

Sa  cellulofité  extérieure  eft  extrêmement 
épaifle  autour  des  reins  ,  &  il  s^y  amaflê 
une  quantité  de  graiflfe  ferme  qui  remplit 
l'efpace  curviligne  qui  eft  entre  le  contour 
des  reins  &  les  mufcles  fur  lefquels  il  polê. 

Il  y  a  beaucoup  de  graille  encore  autour 
du  reâum  ;  il  y  en  a  peu  du  côté  de  la  par- 
tie fupérieure  des  aponévrofes  des  mulcles 
du  bas-ventre  ,  vers  la  veffie ,  vers  l'utérus  , 
vers  les  tendons  du  tranfverlal. 

Une  traînée  cellulaire  accompagne  d'un 
côté  l'aorte  à  la  poitrine ,  &  de  l'autre  au 
fémur  :  la  première  fe  continue  avec  la  cel- 
lulofité du  médiaftin  poftérieur ,  du  cou 
&  du  bras.  Un  autre  paquet  fuit  l'œfophage 
dans  la  poitrine. 

Du  nombril,  la  cellulofité  fe  continue 
avec  celle  qui  eft  placée  derrière  le  fternun* 
&  dans  le  médiaftin  antérieur.  Une  traînée 
entre  dans  le  cordon  ombilical. 

Un  gros  paquet  de  graifle  fort  du  baffin  , 
&  fe  porte  aux  feffes  ,  à  la  cuiffe ,  à  fa  face 
antérieure  avec  l'artère  obturatrice,  aux 
éreâeurs ,  à  la  protafte  ,  aux  véficules ,  à 
l'urètre. 

Toutes  ces  cellulofités  communiquent 
enfemble  ;  c'eft  par  elles  que  les  eaux  hydro- 
piques montent  des  pies  à  la  poitrine;  elles 
tombent  dans  les  pies  ,  amollies  par  des  lavc- 
piés. 

Les  vaiflêapx  du  péritoine  font  nombreux 
&  petits  ;  ils  lui  viennent  de  tous  côtés  àts 
troncs  les  plus  voifins.  Il  n'y  a  point  de  glan- 
des élémentaires.  Celles  qu'on  a  vues  étoient 
des  tubercules  graifleux. 

Le  péritoine  donne  une  aiHette  conftante 

ZVCL 


per:  > 

kux  vîrcereS  qu'il  contient.  Dès  qu'il  eft 
blefTé ,  dans  le  cadavre  même  ,  la  contrac- 
tion naturelle  des  parties  du  corps  animal 
force  les  vilceres  les  plus  voifins  de  la 
plaie  à  en  Tortir.  Son  afFoibliflement  donne 
lieu  aux  hernies  ;  le  péritoine  feul  empê- 
choit  les  inteftins  de  fe  déplacer.  Il  fou- 
tient  le  cœur  ,  dont  le  mouvement  fe 
dérégleroît  Ci  fa  bafe  n'étoit  appuyée  avec 
fermeté  fur  le  diaphragme ,  fbutenu  par  le 
péritoine  &  par  les  vilceres  du  bas-ventre. 
(H.D.G.) 

PÉRITOINE  DES  POISSONS  ,   (  îchthiolog.  ) 

Cette  membrane  eft  fort  diverfement  co- 
lorée dans  les  poiflons  ;  car  elle  eft  d'un 
blanc  argentin  dans  les  carpes  ,  les  prê- 
ches ,  ùc.  d'un  beau  blanc  incarnat  dans 
d'autres,  comme  dans  le  faumon  ;  dans 
quelques-uns  elle  eft  totalement  noire  , 
&  dans  d'autres  marquetée  d'un  grand 
nombre  de  petites  taches  noires ,  comme 
dans  la  clafte  de  ceux  que  les  latins  nom- 
ment clupece  y  gadiy  Jpari.  Artedi  Ichthiolog. 
{D.  /.) 

PERLE  ,  £.  C.  perla  ou  margarita  , 
(  Hiji.  nat,  )  corps  dur  ,  blanc  &;  luifant , 
ordinairement  arrondi ,  que  l'on  trouve 
dans  plu  (leurs  coquillages ,  mais  fur-tout 
dans  celui  qui  eft  appelle  la  nacre  de  perle  , 
la  mere-perle  ,  V huître  à  écaille  nacrée  ,  &c. 
mater  perlarum ,  coacha  margaritifera  ,  &c. 
La  coquille  de  la  mere-perle  eft  bivalve  , 
fort  pefante  ,  grife  &  ridée  en  dehors  , 
blanche  ou  de  couleur  argentée ,  unie  & 
luifante  en  dedans  ,  un  peu  verdâtre  , 
applatie  &  circulaire. 

Les  plus  belles  perles  fe  trouvent  dans 
l'animal  qui  habite  cette  coquille  ;  il  y  en 
a  aullî  qui  font  adhérentes  aux  parois  in- 
ternes de  la  coquille.  Chaque  coquillage 
de  mere-perle  produit  ordinairement  dix 
ou  douze  perles  :  un  auteur  qui  traite  de 
leurs  productions ,  prétend  en  avoir  trouvé 
cent  cinquante  dans  un  feul  animal  ;  mais 
leur  formation  avoit  difFérens  degrés  ;  les 
plus  parfaites  ou  les  plus  avancées  tombent 
toujours  les  premières,  tandis  que  les  autres 
rcftent  au  fond  de  la  coquille. 

On  a  fait  ,  fur  la  formation  des  perles  , 

un  grand  nombre  d'hypothefes  ,  la  plupart 

alTez  vagues  &  peu  fondées.   Les  anciens  , 

tels  que  Pline  ,  Solinus  ,  ùc,  êàCmx.  qu'elles 

Tome  XXV^ 


P  E  K  3gy 

font  formées  de  la  rofée.  Selon  eux  ,  le 
coquillage  s'élève  tous  les  matins  fur  la 
furface  de  l'eau  ,  &  là  il  ouvre  fa  coquille 
pour  recevoir  la  rofée  du  ciel  ,  laquelle  , 
comme  une per/e liquide,  s'infinuant  dans 
le  corps  de  la  mere-perle  ,  y  fixe  fes  (èls  , 
Se  y  reçoit  la  couleur ,  la  dureté  ,  &  la 
forme  de  perle  ,  comme  il  arrive  à  quelques 
liqueurs  d'être  changées  dans  la  terre  en 
cryftaux  ,  ou  au  fuc  des  fleurs  d'être  tranf- 
formé  en  miel  ou  en  cire  dans  le  corps 
de  l'abeille.  Quand  même  cette  opinion 
auroit  pu  fe  foutenir  par  le  raifonnement , 
elle  auroit  été  démentie  par  les  faits  j  car 
les  meres-perles  ne  peuvent  pas  s'élever 
jufqu'à  la  furface  de  l'eau  pour  y  recevoir 
la  rofée  ,  puifqu'elles  reftent  toujours  atta- 
chées très-ferme  aux  rochers. 

D'autres  penfent  que  les  perles  (ont  les 
œufs  des  animaux  dans  lefquels  on  les 
trouve,  mais  cela  ne  s'accorde  point  avec 
les  effets  ou  les  phénomènes  dont  on  a 
l'expérience  ,  car  l'on  trouve  les  perles 
répandues  par  toute  la  fubftance  de  Pani- 
nial ,  dans  la  tête  ,  dans  l'enveloppe  qui 
le  couvre  ,  dans  les  mufcles  circulaires  qui 
s'y  terminent  ,  dans  l'eftomac  ,  &  en 
général  dans  toutes  les  parties  charnues 
&  mufculaires  ;  de  forte  qu'il  n'y  a  point 
d'apparence  que  les  perles  fbient  dans  les 
coquillages  ce  que  les  œufs  font  dans  les 
volatiles  &c  le  frai  dans  les  poiftbns  :  car 
outre  qu'il  n'y  a  pas  d'endroit  particulier 
deftiné  à  leur  formation  ,  les  anatomiftes 
n'ont  pu  y  trouver  aucune  chofe  qui  eêt 
quelque  rapport  à  ce  qui  fe  pafte  à  cet 
égard  dans  les  autres  animaux.  On  peut 
dire  feulement  que  ,  comme  dans  une  poule 
il  y  a  une  infinité  de  petits  œufs ,  en  forme 
de  fêmences,  dont  quelques-uns  croiflènc 
&  viennent  à  maturité  pendant  que  les 
autres  reftent  à-peu-près  dans  le  même 
état ,  l'on  trouve  auffi  dans  chaque  huître 
une  perle  beaucoup  plus  grande  ôc  qui 
vient  à  maturité  beaucoup  plus  vite  que 
le  refte.  Cette  perle  devient  quelquefois 
aftez  grande  pour  empêcher  l'huître  de  fe 
former  ,  auquel  cas  l'animal  fè  corrompt  & 
meurt.  "iiç. 

D'autres  ,  avec  M.  GeofFroi  le  jeune^ 
mettent  les  perles  au  nombre  des  bézoarts  , 
comprenant  fous  cette  claftè  toutes  les 
Ccc 


yU  PER 

pierres  qui  fe  forment  par  couches   dans 
le  corps  des  animaux.  Voye^^  Bizo  art. 

M.  de  Réaumur  à  donné  ,  dans  les  mcm. 
de  V académie  des  fciences  y  année  Ijlj  , 
«n  mémoire  fur  la  conformation  des  co- 
quilles &  des  verles ...  Il  croit  que  les 
ferles  fe  produilent  de  même  que  les  autres 
pierres  dans  les  animaux  ;  par  exemple  , 
comme  celles  qui  fe  forment  dans  la  veflîc , 
dans  les  reins ,  ùc.  ôc  qu'elles  font  appa- 
remment les  effets  de  quelques  maladies 
ou  de  quelque  défordre  de  l'animal  où  elles 
fe  trouvent.  En  effet  ,  elles  font  toutes 
formées  d'une  liqueur  extravafée  de  quel- 
ques vaifïeaux  rompus ,  qui  efl  retenue  & 
hxée  entre  les  membranes.  Afin  d'en  faire 
fentir  la  pofTibilité ,  il  fait  voir  que  les 
coquilles  de  mer ,  aufTi-bien  que  celles  de 
terre ,  par  exemple  celles  des  limaçons ,  &c. 
iTont  entièrement  formées  d'une  matière 
glutineufe  &  pierreufe  qui  fuinte  du  corps 
de  l'animal  ;  ainfi  il  n'eft  cas  étonnant 
qu'un  animal ,  qui  a  des  vaifleaux  où  cir- 
cule une  quantité  de  fucs  pierreux  ,  fuffi- 
fante  pou^r  former  une  coquille  ,  en  ait 
aflTez  pour  produire  des  perles  ,  dans  le 
cas  où  [les  fucs  deftinés  à  l'accroiffement 
de  la  coquille  ,  viendroient  en  trop  grande 
abondance  ,  &  s'épancheroient  dans  quel- 
que cavité  du  corps  ou  entre  les  mem- 
branes. 

Pour  confirmer  ce  fyflême  ,  l'auteur 
obferve  que  la  partie  intérieure  de  la  moule 
qui  produit  laper/e  commune  ,  &c  que  Pon 
^ouve  fur  les  côtes  de  Provence  ,  eft  en 
partie  d'une  couleur  de  per/e  ou  de  nacre 
de  perle  ,  &  en  partie  rougeâtre  ;  que  les 
couleurs  des  perles  font  précifément  les 
mêmes  que  celles  de  la  coquille  ;  que  les 
perles  d'une  couleur  fe  trouvent  toujours 
dans  la  partie  delà  coquille  de  même  cou- 
leur qu'elles  :  ce  qui  fait  voir  que  dans  le 
même  endroit  où  la  tranfpiration  d'un  cer- 
tain fuc  a  formé  &  auroit  continué  à  former 
une  tunique,  ou  une  couche  de  coquille 
d\ine  certaine  couleur  ,  les  vai (féaux  qui 
ont  apporté  ce  fuc  étant  rompus ,  il  s'y 
cft  formé  une  petite  mafle  ou  un  petit 
amas  de  liqueur ,  laquelle  venant  à  s'en- 
durcir,  eft  devenue  une  perle  de  même 
couleur  que  la  partie  de  la  coquille  qui  lui 
«crreljpond. 


PER 

Ajoutez  à  cela  que  la  partie  delà  coquille 
qui  eft  de  couleur  d'argent  ou  de  perle  , 
eil  formée  de  couches  pofées  les  unes  fur 
les  autres,  comme  celles  d'un  oignon  j  Ôc 
que  la  partie  rougeâtre  eft  compofée  de 
petites  fibres  cylindriques  &  fort  courtes  , 
appliquées  l'une  contre  Fautre  :  cette  même 
tifibre  convient  aux  perles  des  deux  cou- 
leurs j  ce  n'eft  pas  que  ces  deux  cfpeces 
foient  compofées  toutes  deux  de  couches 
concentriques  ,  car  celles  des  perles  rou- 
geâtres  font  beaucoup  moins  fenfibles  ,  8c 
de  plus  elles  ont  des  traits  ou  des  filets 
qui  ,  femblables  à  des  rayons  ,  vont  du 
centre  à  la  circonférence.  Toutes  ces  cir- 
conftances  paroiftènt  effedtivement  déter- 
miner la  formation   des  perles.  Chambers, 

Pour  une  perk  qui  fe  trouve  dans  le 
corps  de  l'animal ,  il  y  en  a  mille  qui  font 
attachées  à  la  coquille  comme  autant  de 
verrues.  Tous  les  coquillages  de  l'efpece 
des  meres-perles  y  ne  renferment  pas  dts 
perles;  il  y  a  lieu  de  croire  que  Pon  n'en 
trouve  que  dans  ceux  qui  font  viciés  j  aufît 
Pon  a  remarqué  que  les  côtes  où  fe  fait 
la  pêche  à&s perles  iont  mal-faines,  &  que 
la  chair  de  l'animal  des  meres-perles  eft  en- 
core plus  mauvaife  à  manger  lorfqu'il  y  a 
réellement  des  perles ,  que  lorfqu'il  ne  s'y 
en  trouve  point. 

La  perfedion  des  perles  ,  foit  qu'elles 
foient  rondes  ,  en  forme  de  poires ,  d'oli- 
ves ,  ou  d'une  figure  irréguliere  ,  confîfte 
principalement  dans  le  luftre  &  la  netteté 
de  fa  couleur  ;  c'eft  ce  que  l'on  appelle 
(on  eau.  Il  y  en  a  quelques  -  unes  donc 
l'eau  eft  blanche  ,  ce  font  les  plus  eftimées 
en  .Europe  ;  l'eau  des  autres  tire  fur  le 
jaune  :  quelques  Indiens  &  quelques  Arabes 
les  préfèrent  aux  blanches.  Il  y  en  a  quel- 
ques-unes d'une  couleur  de  plomb  ,  quel- 
ques autres  tirant  fur  le  noir,  &  d'autres 
tout-à-fait  noires. 

Elles  font  fu jettes  à  changer  quand  orî 
les  porte  ;  dans  l'efpace  de  80  ou  1 00  ans , 
elles  deviennent  ordinairement  d'une  fort 
petite  valeur ,  particulièrement  les  blanches, 
qui  fe  jaunifTent  &c  qui  fe  gâtent  en  40  ou 
50  ans. 

Il  n'eft  pas  douteux  que  la  différence  àts 
couleurs  vient  des  différentes  parties  de 
l'huître  ,  où  les/7er/ej  font  formées,  quand  le 


P  E  R.    ^ 

/perme  ou  la  (èmencc  vient  à  être  chaflee 
dans  le  méientere ,  ou  dans  la  foie  ,  ou 
dans  les  parties  qui  y  répondent  i  il  n'eft 
pas  étonnant  que  les  impuretés  du  fang 
changent  leur  blanckeur  naturelle. 

En  Europe  ,  les  perles  fe  vendent  au 
carat  :  le  carat  contenant  quatre  grains  en 
Afie ,  on  fait  ufage  de  différens  poids  pour 
les  perles ,  fuivant  la  différence  des  états. 

Fbje^CARAT. 

On  ne  donne  proprement  le  nom  de 
perle  qu'à  ce  qui  ne  tient  point  à  la  co- 
quille ,  la  coquille  elle  -  même  s'appellant 
nacre  de  perle.  Les  pièces  qui  ont  tenu 
à  la  coquille  ,  &  qui  ont  été  détachées 
par  l'adreflè  de  l'ouvrier  ,  fe  nomment 
loupes  de  perles  ,  qui  ne  font  en  effet  autre 
chofe  que  des  excroiflànces  arrondies  , 
ou  des  pièces  de  fa  coquille  9  quoiqu'on 
ies  prenne  fort  fouvent  pour  la  coquille 
même. 

Le  père  Eouhours  obferve  que  les  perles 
ont  cet  avantage  fur  les  pierres  précieufes 
que  l'on  détache  des  rocs,  &c.  en  ce  que 
ces  dernières  doivent  leur  luftre  à  l'in- 
duftrie  des  hommes ,  la  nature  ne  faiiant , 
pour  ainfi  dire  ,  que  les  ébaucher  ,  & 
laiflànt  à  l'art  le  foin  de  les  finir  :  mais 
les  perles  ont  d'elles  -  mêmes  cette  eau 
charmante  qui  en  fait  fout  le  prix.  Elles 
fe  trouvent  parfaitement  polies  dans  les 
abymes  de  la  mer  ;  &  la  nature  y  a  mis  la 
dernière  main  avant  que  d'être  féparées  de 
leur  mère. 

Les  perles  d'une  figure  irréguficre ,  c'eft- 
à-dire  ,  qui  ne  font  ni  rondes ,  ni  en  poires , 
/ont  appellées  baroques  ou  perles  d'EcoJfe. 
Lesper/ej  parangones  font  des  per/ej  d'une 
groffeur  extraordinaire  ,  comme  celles  de 
Cléopatre  ,  que  Pline  évalue  à  quatre-vingt 
mille  livres  fterlings.  On  en  apporta  une 
à  Philippe  II  ,  en  1579,  grolTe  comme  un 
œuf  de  pigeon  ,  prifée  14400  ducats.  L'em- 
pereur RoJolphe  avoit  une  perle  paran- 
gone  ,  groi'le  comme  une  poire  mufcade  , 
pefant  jo  carats,  félon  Boëce  ,  &  appellée 
la  pelegrina  ou  V incomparable  :  Tavernier 
fait  mention  d'une  autre  qui  étoit  entre  les 
mains  de  l'empereur  de  Perfe  en-  1633  , 
&  que  l'on  avoit  achetée  d'un  Arabe  pour 
3  zooo  tomans  \  à  3  hvres  9  fous  le  toman , 
c&la  j^roduic  1 1040Q  livres  flerlings. 


PE  R.  387- 

Les  perles  font  de  qtielquc  ufage  en  mé- 
decine ,  mais  il  n'y  a  que  celles  de  la  plus 
petite  efpece  qui  aient  ceKe  propriété  i  on 
ies  appelle  femence  de  .perles  :  il  faut  pour 
cela  qu'elles  foient  blanches,  claires,  tranfr  - 
parentes  ,  &  véritablement  orientales.  Elles 
fervent  à  compofer  des  potions  cordiales 
dont  on  faifoit  autrefois  un  très-grand  cas  j 
mais  aujourd'hui  elles  ont  perdu  beaucoup 
de  leur  ancienne  réputation  ,  &  il  n'y  a 
guère  que  des  charlatans  qui  en  faflènt  quel- 
que cas. 

Les  dames  font  aulïi  ufàge ,  pour  leur 
teint ,  de  certaines  préparations  de  perles , 
comme  on  leur  fait  accroire  j  tels  font  les 
blancs  de  perles ,  les  fleurs  ,  les  effcnees  , 
les  efprits,  les  teintures  de  perles ,  ^c^ 
mais  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ce 
font  de  pures  tromperies. 

Once-perles  ,  voye^^V article  Once. 

Pèches  des  ^perles.  On  prend  des  perles 
dans  les  mers  des  Indes  orientales,  dans 
celles  de  l'Amérique  ,  &c  en  quelques  parr 
ties  de  l'Europe,  yoye^  Pèche. 

Les  pêches  de  perles  qui  fe  font  aux 
Indes  orientales,  font ,  1°.  à  l'île  dcBahren 
ou  Baharem  dans  le  golfe  Pcrfique  :  cette 
pêche  appartenoit  aux  Portugais ,  lorfqu'ils 
étoient  maîtres  d'Ormus  ôc  de  Mafcata  i 
mais  elle  eft  revenue  au  fophi  de  Perfe  , 
depuis  que  ce  prince ,  avec  le  fecours  des 
Anglois  ,  a  pris  Ormus  fur  eux ,  &  que 
les  Arabes  fe  font  emparés  de  Mafcata. 

1°.  La  pêche  de  Catifa ,  fur  la  côte  de 
l'Arabie  heureufe ,  vis-à-vis  de  Bahren. 

3°.  Celle  de  Manar,  un  port  de  mer 
dans  l'île  de  Ceylan.  Les  perles  que  l'on 
y  pêche  font  les  plus  fines  de  tout  l'orient , 
tant  par  la  beauté  de  leur  eau  que  par  Ja 
perfedion  de  leur  rondeur  j  mais  elles  pefenc 
rarement  plus  de  quatre  carats. 

Enfin  ,  on  pêche  dés  perles  fur  la  côte 
du  Japon;  mais  elles  font  groffieres,  irré- 
gulieres  ,  &  peu  confidérées. 

Les  perles  de  Bahren  &  de  Catifa  fojit 
celles  que  l'on  vend  communément  dans 
les  Indes  ;  elles  tirent  un  peu  fur  le  jaune, 
mais  les  orientaux  ne  les  eftiment  pas 
moins  pour  cela.  Ils  regardent  cettte  cou- 
leur comme  le  caradere  de  leur  maturité  , 
&  ils  font  perfuadés  que  celles  qui  ont 
naturellement  cecte  teinture  jaunâtre ,  np 
Ccc  t 


'388  P  E  R 

changent  jamais  de  couleur  ;  Se  qu'au  con-  ' 
traire    celles   d''eau    blanche  ne  font   pas 
trente  ans  fans  prendre  une  couleur  d'un 
jaune  fale ,  à  caufe  de  la  chaleur  du  climat 
&  de  la  Tueur  des  perfonnes  qui  4es  portent. 

Les  pêches  de  perles  ,  en  Amérique  , 
fe  font  toutes  dans  le  grand  golfe  du  Me- 
xique ,  le  long  de  la  côte  de  la  Terre- 
ferme.  Il  y  en  a  cinq  :  i  °.  la  pêche  du 
Cubagna  ,  île  à  cinq  lieues  de  la  nouvelle 
Andaloufie  ,  à  lo  degrés  î  de  latitude 
feptentrionale. 

2°.  Celle  de  l'ilc  Marguerite  ,  ou  de 
Tîle  des  per /es. 

3°.  Celle  de  Comogore  vers  la  Terre- 
fermeS 

4°.  Celle  de  la  rivière  de  la  Hach,  ap- 
pcUée  la  Rencheria. 

5°.  Celle  de  Sainte-Marthe  ,  à  loixante 
lieues  de  la  rivière  de  la  Hach. 

Les  perles  de  ces  trois  dernières  pêches 
font  ordinairement  de  bon  poids  ,  mais 
mal  formées ,  &  d'une  eau  livide.  Celles. 
de  Cubagna  pefent  rarement  plus  àt  cinq 
carats ,  mais  on  en  trouve  en  abondance  : 
celles  de  l'ile  Marguerite  font  les  plus 
nombreufes  &  les  plus  belles  ,  tant  par 
rapport  à  leur  eau  qu'à  leur  poids. 

La  pêche  des  perles,  dans  la  Tartarie 
chinoife ,  fe  fait  proche  la  ville  de  Nipehoa, 
fîtuée  fur  un  lac  de  même  nom  :  les  perles 
n'y  font  pas  fi  belles  ,  ni  en  li  grand  nom- 
bre qu'à  Baharem.  C'eft  cette  pêche  qui  a 
été  la  caufe  de  la  guerre  entre  les  Chinois 
&  les  Mofcovites  ,  &  qui  a  été  terminée 
vers  la  fin  du  dernier  fiecle  par  les  négo- 
ciations des  jéfuites  Péreira  &  Gerbillon. 
Le  lac  ,  qui  eft  d'une  grande  étendue  , 
fut  alors  divifé  entre  les  deux  nations  , 
dont  chacune  prétendoit  à  la  poflefTion  du 
tout. 

Il  y  a  quelques  pêches  de  perles  dans  la 
mer  du  Sud ,  mais  elles  font  fort  peu  confî- 
dérables. 

Les  pêches  de  perles  ,  en  Europe  ,  fe 
font  en  quelques  endroits  fur  les  côtes 
d'Ecofle  &  dans  un  fleuve  de  Bavière  ; 
mais  les  perles  que  l'on  y  trouve  ne  font 
pas  comparables  à  celles  des  Indes  orien- 
tales ou  de  l'Amérique ,  quoiqu'elles  fer- 
vent à  faire  des  colliers  que  l'on  vend  qucl- 
ig[uefois  mille  écus  &  plus. 


P  E  R 

Manière  de  pêcher  les  perles  dans  les 
Indes  orientales.  Il  y  a  deux  faifons  dans 
Pannéc  pour  la  pêche  des  perles  :  la  pre- 
mière eft  en  mars  &  en  avril ,  &  la  fé- 
conde fe  fait  en  août  &  en  feptembre  i  plus 
il  tombe  de  pluie  dans  l'année ,  plus  les 
pêches  fcnt  abondantes., 

A  l'ouverture  de  la  fà}fon ,  û  paroîr 
quelquefois  deux  cents  cinquante  barques 
fur  le  rivage.  Les  plus  grandes  ont  deux 
plongeurs ,  les  plus  petites  n'en  ont  qu'un  : 
toutes  les  barques  quittent  le  rivage  ,  avant 
le  lever  du  folejl ,  par  un  vent  de  terra 
qui  ne  manque  jamais,  de  fouffler  ;  elles 
reviennent  de  même  par  un  vent  de  met 
qui  fuccede  au  premier  l'après-midi. 

Auffi-tôt  que  les  barques  font  arrivées. 
&  ont  jeté  Pancrc,  chaque,  plongeur  s'at- 
tache fous  le  corps  une  pierre  épaifîè  ds 
fix  pouces  &  longue  d'un  pié  j  elle  lui  lert 
comme  de  left  ,  &  pour  empêcher  qu"*!!^ 
ne  foit  chafle  ou  emporté  par  le  mouve-. 
ment  de  l'eau  ,  èi  qu^il  foit  en  état  d'allei 
avec  plus  de  fermeté  à  travers  les  flots. 

Outre  cela  ,  ils  fe  lient  à  un  pié  una 
autre  pierre  fort  pefente,  qui  les  préci- 
pite au  fond  de  la  mer  en  un  inftant  i. 
&  comme  les  huîtres  font  ordinairement 
attachées  tr^s-fortement  aux  rochers ,  ils 
arment  leurs  doigts  de  mitaines  de  cuir  > 
pour  prévenir  les  bleflures  quand  ils  vien- 
nent à  les  arracher  avec  violence  :  queU 
ques-uns  même  fe  fervent  pour  cela  d'ua 
râteau  de  fer. 

Enfin  chaque  plongeur  porte  avec  lui- 
un  grand  filet  en  manière  de  fac  ,  lié  à 
fon  cou  avec  une  longue  corde ,  dont 
l'autre  extrémité  eft  attachée  au  côté  de 
la  barque  :  le  fac  eft  defViné  à  recevoir 
les  huîtres  que  Pon  recueille  ou  que  l'on 
détache  du  rocher  ,  &  la  corde  fert  à 
retirer  le  plongeoir  quand  fon  fac  eft  plein  , 
ou  qu'il  a  befoin  d'air.  Dans  cet  équipage , 
il  fe  précipite  quelquefois  plus  de  6o  pies 
fous  Peau.  Comme  il  n'a  pas  de  temps  à 
perdre  en  cet  endroit,  il  n'eft  pas  plutôt 
arrivé  au  fond ,  qu'il  commence  à  courir  de 
côté  5c  d'autre  ,  quelquefois  fur  un  fable  , 
quelquefois  fur  une  terre  graflc  ,  &  tantôt 
parmi  les  pointes  des  rochers  ,  arrachant 
les  huîtres  qu'il  rcnconue ,  ôc  les  fourrant 
dans  fon  fac. 


PE  R 

A  quelque  profondeur  que  les  pfongeurs 
foienc  dans  Peau  ,  la  lumière  eft  li  grande  , 
qu'ils  voient  très-diftindement  tout  ce  qui 
le  pafle  dans  la  mer  ,  avec  la  même  clarté 
que  fur  terre  ;  &  ,  ce  qui  ne  manque  pas 
de  les  confterner  ,  ils  apperçoivent  quel- 
quefois des  poiflbns  monftrueux  ,  dont 
ils  deviennent  fouvent-  la  pràie  ,  quelque 
précaution  qu'ils  aient  de  troubler  l'eau  , 
afin  de  n'en  être  pas  apperçus:  de  tous 
les  dangers  de  cette  pêche  ,  il  n'y  en  a 
point  de  plus  grand  ni  de  plus  ordinaire. 
Les  meilleurs  plongeurs  reftent  fous 
l'eau  une  demi- heure  ,  &  les  autres  pas 
moins  qu'un  quart-d'heure.  Durant  ce 
temps  ,  ils  retiennent  leur  haleine  fans 
feire  aucun  uTage  d'huile  ni  d'autres  li- 
queurs. yoye[  Plonger. 

Quand  ils  fe  trouvent  incommodés ,  ils 
tirent  la  corde  à  laquelle  le  fac  eft  attaché , 
&  ils  la  tiennent  ferme  &  bien  ferrée  avec 
les  deux  ijiains  ;  alors  ceux  qui  font  dans 
la  barque  voyant  le  fîgnal  ,  les.  élèvent 
en  l'air  &  les  déchargent  de  leur  poilïon  ; 
il  y  a  quelquefois  cinq  cents  huîtres  ,  d'aur- 
très  fois  il  n'y  en  a  pas  plus  de  cinquante, 
Quelques  plongeurs  ont  befoin  d'un  mo- 
ment pour  reprendre  haleine,  d'autres  fe, 
rejettent  à  l'inftant  dans  la.  mer  ,  &  con- 
tinuent ùiiis  relâche  ce  violent  exerpic.e 
pendant  plufieurs  heures. 

Les  pêcheurs,  déchargent  leurs  barques 
fur  le  rivage  ,  &  ils  mettent  leurs  huîtres 
dans  un  nombre  infini  de  petites  folles 
çreufées  dans  le  fable  ,  &  qui  ont  quatre 
ou  cinq  pics  quarrés  ,  ils  les  recouvrent  de 
petits  tas  de  fable  à  la  hauteur  d'un  homrne  ; 
ce  qui  paroît  ,  à  quelque  diftance ,  fem- 
blable  à  une  armée  rangée  en  bataille.  On 
tes  laifle  dans  cet  état  jufqu'à  ce  que  la 
pluie,  le  vent  &c.  le  foleil  les  obligent  de 
s'ouvrir  ;  ce  qui  ne  tardé  pas  à  les  faire 
mourir,  Alprs  U  chair-  fe  corrompt  ,  fe 
derteche  ,  ôc  les  perles  ainfi  dégagées 
tombent  dans  la  fpfle  quand  on  vient  à 
retirer  les  huîtres. 

La  chair  de  ce  poiflon  eft  excellente  •■, 
ôc  s'il  eft  vrai  ,  ainfi  que  le  prétendent 
quelques  naturaliftes  ,  que  les  perles  font 
des  pierres  formées  par  une  mauvaife  conf- 


P  E  R  5S<> 

au  bézoart ,  ce  vice  ou  cette  maladie  n'al- 
tère point  les  humeurs  ',  au  moins  les  Pa- 
vavas  qui  en  mangent ,  ne  trouvent  aucune 
différence  entre  ceux  qui  ont  des  perles  ÔC 
ceux  qui  n'en  ont  pas. 

Après  avoir  nettoyé  les  foftes  des  faletés 
les  plus  grofïieres ,  on  crible  le  fable  plu- 
fieurs  fois  ,  afin  d'en  féparer  les  perles. 
Mais  quelque  attention  que  l'on  y  ait ,  on 
en  perd  toujours  un  grand  nombre.  Quand 
les  perles  font  nettoyées  &  féchées  ,  on 
les  fait  paftèr  pat  une  efpece  de  cribla 
proportionné  à  leur  grofteur.  Les  plus 
petites;  font  vendues  pour  de  la  femencc 
de  perles  y  les  autres  le  font  au  plus  offrant* 
Manière  de  pêcher  les  perles  dans  les 
Indes  occidentales.  La  fàilon  pour  cette 
pêche  eft  ordinairement  depuis  le  mois 
d'odobre  jufqu'au  mois  de  mars.  Il  fort 
alors  de  Carthagène  dix  ou  douze  barques 
fous  l'efcorte  d'un  vaifleau  de  guerre  , 
appelle  larmadille.  Chaque  barque  a  deux^ 
ou.  trois  efcl^vcs  qui  lui  fervent,  de  plon- 
geurs. 

Parmi  les  barques ,  il  y  en  a  une  appelléè 
la  capitane  ,  à  laquelle  toutes  lès  autres 
font  obligées  d'apporter  k  nuit  ce  qu'elles 
ont  pris  pendant  le  jour,  afin  de  prévenir- 
les  fraudes.  Les  plongeurs  ne  fubfiftent 
pas  long-temps  ,  à  caufe  du  travail  excefïif 
qu'on  leur,  fait  fupporrer;  ils  reftent  quel- 
quefois fous  l'eau  plus  d'un  quart-d'heure  : 
tout  le  reftç  s'y  fait  de  même  que  dans  les 
pêches  des  Indes  orientales.. 

Les.   indiens  connoifloient  le  prix    d"é 
\tm^  perles  avant  la  découverte  de  l'Amé- 
rique ;  &  quand  les  efpagnols  y  arriverciit, 
ils  en  trouvèrent  une  grande  quantité  qui 
étoit  en.réferye,  &   que  les.  Américains 
mettoient  à  un  haut  prix  ;  mais  elles  étoient 
prefque  toutes  imparfaites ,  d'une  eau  jaune,- 
&  enfumée,  parce  qu'ils  avaient  coutume- 
de,  fe  fervir  de  fëu  pour  ouvrir  les  poifTons 
où  elles  fe  forment.  Dans  le  diclionnaire 
de  commerce^  il  y  a  une  table  de  la  valeur 
Aç&perles\  elle  a  été  communiquée  à  l'au- 
teur par  une  perfonne  très-capable.  Comme 
les /jer/ei' font  un  article  fort  curiçuxdans 
le  commerce  ,  &  qu'il  y  a  des  endroit^  où 
leur  valeur  eft   peu  connue  ,  comme 


peu 


titution  du  corps  où  elles  fe  trouvent ,  corn-    Angleterre  ,  on  va  en  donner ,  ici  un  abrégé 
me  cela  amve  quelquefois  ^uji  hommes  ^  \  déduit;,  à  la  moiinoie  d'Angleterre..  Pour  la 


3^0  P  E  R 

France  >  il  eft  évident  que  l'on  doit  copier 
ce  qu'en  die  le  diâionnaire  de  commerce. 
Sur  le  pie  de  ij".  6  d.  fterlings  la  livre 
de  France,  ou  de4y.  6  à.  lecu de  France. 

Valeur    de    toutes  fortes   de   perles  >  par 
rapport  à  leurs  différens  poids. 


Semences  de  pirîes. 


lir.      fow.    den. 


Les  femcnces  àt  perles  non- 
percées  propres  à  être 
broyées ,  valent oo. 

La  belle  femence  de  perles 
percées  pour  de  petits 
coliers ,  ou  pour  la  bro- 
derie , 01* 

De  la  même  efpece,  un  peu 
plus   grandes  , oi. 

Perles  irrégulieres, 

lîv. 

De   foo  à  l'once,  valent  .  03. 

06. 

II. 


300 
150 

ICO 

60 
30 


15. 

7f. 


09. 


01. 


16. 


fouf. 

00. 

CO. 
02. 
00. 

00. 


den. 


Perles  rondes  régulières. 


liv.      fous     den. 


Une  perle  d'un  demi-grain 

vaut  , 00.  00. 

d'un  grain,  .......  00.  00. 

d'un  grain  &  demi ,  .  .  00.  01. 

de  deux  grains,  ....  00.  02. 

de  deux  grains  &  demi ,  00.  04. 

de  3  grains  , 00.  07. 

de  4  grains  ou  un  carat ,  00.  1 8. 

de  5  grains, 01.  10. 

de  6  grains, 02.  05. 

de  7  grains, 03.  01. 

de  8  grains  ou  2  carats ,  .  04.  i  o. 

de  9  grains , 06.  00. 

de  10  grains, 08.  of. 

de  II  grains  , 09.  ij. 

de  15  grains, 13.  cy. 

de  15  grains, 21.  00. 

de  17  grains ,  .....  27.  10. 

de  zo  grains  OU  5  carats,  37.  10. 


2i. 

o. 
o. 
6. 
6. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 
o. 

0. 


fous. 

icm 

10. 

0. 

10. 

0. 

00. 

0. 

00. 

0. 

co. 

0. 

10. 

0. 

00. 

0. 

P  ER 

Ifv. 

de  22  grains  , 5-2. 

de  24  grains  ou  6  carats  ,82. 

de  z6  grains, 99. 

de  2  8  grains  ou  7  carats ,  ijo. 

de"5-2  grains  ou  8  carats  >  2  2  5 . 

de  3  6  grains  ou  9  carats  ,262. 

de  40  grains  ou  10  carats,  300. 

Quant  aux  perles  qui  ont  une  forme  de 

Eoires ,  quoiqu'elles  foient  également  par- 
ûtes éc  d'un  poids  égal  à  celui  des  rondes , 
leur  valeur  eft  fort  inférieure;  néanmoins 
quand  on  en  trouve  deux  qui  s'aflortilTent , 
le  rapportent  ,  ou  qui  Ce  marient  bien  en- 
fêm.ble ,  leur  prix  n'eft  qu'à  un  tiers  moin- 
dre que  celui  des/jer/ej  rondes. 

Faujfes  perles.  Ce  font  des  perles  con- 
trefaites ou  factices  ,  qui  refTemblent  aux 
véritables  perles  par  leur  eau  ou  par  leur 
couleur;  on  les  appelle  vulgairement  des 
grains  de  collier  ou  de  chapelet. 

Autrefois  elles  n'étoient  faites  que  de 
verre,  avec  une  teinture  de  vif-argent 
en  defTus.  Par  la  fuite  on  fe  fervit  de  cire  , 
que  l'on  recouvroit  d'une  colle  de  poiflbn 
fine  &  brillante. 

On  a  inventé  depuis  en  France  une  autre 
-manière  de  faire  ces  fortes  de  perles  ;  on 
les  rend  fi  fembkbles  aux  naturelles  par 
le  luftre  Se  par  Peau  qu'on  fait  leur  don- 
ner ,  que  de  bons  yeux  peuvent  s'y  mé- 
prendre :  ce  (ont  de  celles-là  que  les  fem- 
mes en  général  portent  à  préfent  au  défaut 
de  vïzies  perles  ;  les  petits  colliers  de  celles- 
ci  n'étant  plus  de  leur  goût ,  &  les  grands 
étant  généralement  trop  chers. 

Méthode  de  faire  de  fauffes  perles.  On 
eft  redevable  de  cette  curieufe  invention 
au  fieur  Janin  :  ce  qui  en  relevé  le  prix 
n'eft  pas  feulement  la  fimplicité  ,  mais 
c'eft  qu'elle  n'eft  point  fujette  aux  mauvais 
effets  de  ces  fauftès  perles  que  l'on  fait 
avec  du  vif-argent  ou  avec  de  la  colle  de 
poifibn. 

Cet  ingénieux  artifte  ayant  remarqué 
que  les  écailles  d'un  petit  poifïbn  que 
Ion  appelle  fl//5e ,  &  que  l'on  trouve  abon- 
damment dans  la  rivière  de  Marne,  avoient 
non  feulement  tout  le  luftre  de  la  perte 
réelle  ,  mais  qu'après  les  avoir  réduites  en 
poudre  dans  Peau  ou  bien  dans  le  talco- 
colle  de  poifibn  ,  elles  reprenoient  leur 


p  £  a 

premier  îiiftre  en  redevenant  fèches ,  il 
s'avifa  d'en  mettre  un  peu  dans  la  cavité 
d''un  grain  de  collier  ou  d'un  grain  de 
girafole ,  qui  eft  une  efpece  d'opale  ou  de 
verre  ,  tirant  beaucoup  fur  la  couleur  de 
perle.  La  difficulté  fut  d'y  en  faire  entrer  , 

6  ,  après  y  être  parvenu  ,  de  l'étendre 
également  par  toute  la  cavité  du  grain. 

Un  petit  tube  de  verre  long  de  6  ou 

7  pouces  ,  d'une  ligne  &  demie  de  dia- 
mètre ,  très  -  aigu  à  une  extrémité  &  un 
peu  recourbé  ,  fervit  à  l'introdudtion  de 
la  matière  en  la  foufïlant  avec  la  bouche  , 
après  en  avoir  pris  ou  enlevé  une  goutte 
avec  l'extrémité  pointue  du  tube  \  &  pour 
Pétendrc  par  toute  la  circonférence  inté- 
rieure ,  il  fe  contenta  de  la  remuer  dou- 
cement pendant  fort  long-temps  dans  un 
petit  panier  d'ofier  revêtu  de  papier. 

Les  écailles  étant  pulvérifées  de  attachées 
par  ce  mouvement  à  la  furface  intérieure 
du  grain  ,  reprennent  leur  luftre  à  mefure 
qu'acnés  deviennent  feches.  Pour  augmenter 
ce  luftre  ,  on  met  les  grains  pendant  Phiver 
dans  un  crible  fait  de  poil  ,  ou  dans  une 
toile  à  bluter  ,  que  l'on  fuipend  au  pla- 
fond ,  &  Ton  met  deflbus  ,  à  6  pies  de  dif- 
tance  ,  àts  morceaux  de  cendres  chaudes  : 
pendant  l'été  ,  on  les  fufpend  de  la  même 
manière  ,  mais  fans  aucun  feu. 

Quand  les  perbs  font  ainfi  feches  ,  elles 
deviennent  fort  brillantes  ;  &  il  ne  refte 
plus  qu'à  boucher  l'ouverture  j  on  fe  fert 
pour  cela  de  cire  fondue  ,  que  l'on  y  porte 
avec  un  petit  tube  fcmblable  à  celui  dont 
on  fait  ufagc  pour  l'introduélion  des  écail- 
les di  (Toutes. 

Après  avoir  ôré  la  cire  fuperflue  ,  on 
perce  les  perles  avec  une  aiguille  ,  on  les 
enfile  ,  &  c'eft  de  cette  manière  que  l'on 
commence  les  colliers. 

Nacre  de  perle.  C'eft:  la  coquille  non  pas 
de  rhuître-;7fr/e  ,  mais  de  l'auris-marina, 
petit  poiflbn  de  mer ,  qui  eft:  une  efjpece 
d'huître. 

Cette  coquille  eft  très-unie  &  très-polie 
intérieurement  ;  elle  a  la  blancheur  &  l'eau 
de  la  perh  même  ;  le  dehors  fait  voir  un 
luftre  fembL-îble  ,  après  qu'on  a  nettoyé 
avec  de  l'eau-forre  ,  &  le  touret  de  lapi- 
daire ,  les  premières  Marnes  oufeuilies  qui 
compofent  la  couche  ou  la  tunique  extc- 


P  E  R  35,1 

rîeure  de  cette  riche  coquille.  On  en  fait 
ufage  dans  les  ouvrages  marquetés  ou  à 
la  mofaïque ,  dans  plufieurs  bijoux,  comme 
des  tabatières ,  ùc. 

Les  loupes  de  perles  font  certaines  ex- 
croiflancesou  endroits  relevés  en  forme  de 
àtm\-perle  ,  que  l'on  trouve  quelquefois 
au  fond  des  coquilles  à  perle. 

Les  lapidaires  ont  l'adreftè  d'enlever 
ces  protubérances  par  le  moyen  de  la  fcie  , 
de  les  joindre  enfcmble  ,  &  de  les  faire 
fervir  à  plufieurs  ouvrages  de  joaillerie  , 
comme  fi  c'étoient  de  véritables  perks. 

Perle  ,  en  terme  de  blafon  ,  eft  un  mot 
dont  font  ufage  ceux  qui  blafonnent  avec 
des  pierres  précieufes  ,  au  lieu  de  couleurs 
&  de  métaux  j  ils  s'en  fervent  pour  de 
l'argent  ou  pour  du  blanc.  Fbje;^  Argent. 

Perle  ,  Cataracte  ou  Taye  ,  en 
terme  de  médecine  ,  fe  dit  d'une  tache  fur 
l'œil  ,  ou  d'une  membrane  épaiffe  qui  n'eft 
pas  naturelle.   V.  F  an  nu  s  ù  Un  guis. 

Couronnes  perlées  V.  l'article  Cou- 
ronne. 

Perle  ,  (  Mat.  méd.  )  Les  louanges 
pompeufes  données  aux  perles  par  les  an- 
ciens pharmacologiftes ,  exadément  appré- 
ciées d'après  les  lumières  de  la  faine  chymie 
&  de  l'obfervation  ,  doivent  être  réduites 
à  Paftertion  fimple  &  pofttive  que  cette 
concrétion  animale  n'eft  autre  choie  ,  dans 
Pordre  des  médicamens  ,  qu'un  abfbrbant 
terreux  parfaitement  analogue  aux  yeux 
d'écreviiTe  ,  à  l'écaillé  d'huîtres,  aux  coques 
d'œufs ,  ùc.  J^oye^  Terres  &  Remèdes 
terreux.  V.  aujfi  Nacre  ,  Corail  , 
Ecrevisse  ,  ùc.  {b) 

Perle  (  mère  de  )  {Mat.  méd.  )  voye:^ 
Nacre. 

Perles,  f.  f  pi.  collier  de  ,  (Joaill.) 
Ce  font  plufieurs  perles  aftorties  &  enfilées 
enfemble ,  que  les  femmes  mettent  autour 
de  bur  cou  pour  leur  fervir  d'ornement. 
On  dit  aulîî  un  efclavage  de  perles ,  un 
bracelet  de  perles  ,  une  attache  de  perles , 
pour  fignifier  divers  autres  ouvrages  faits 
avec  des  perles  ,  que  les  dames  font  entrer 
dans  leur  parure. 

Perle  ,  (  Gû^erie.  )  On  appelle  perles  , 
en  termes  de  fabrique  de  gaze  ,  de  petits 
globes  d'émail  percés  par  le  milieu  ,  avec 
une  petite  queue  ouverte  3  cette  queue  feii 


iSi  P  E  R 

à  les  attacher  aux  liflès ,  &  le  tfou  duninieu 
à  y  pafler  les  foies  de  la  chaîne  .  de  toutes 
■les  étoffes  de  foie  ,  il  n'y  a  que  la  gaze  qui 
fe  faflè  à  la  perle.  Savary.  {D.  J.) 

Perles  loupes  ,  (  Joaillerie.  )  ce 
font  des  excroiflances  en  fornie  de  demi- 
perles  ,  qui  s'élèvent  fur  la  fuperficie  inté- 
rieure des  nacres  de  perles  ,  que  les  joail- 
iiers  lavent  fcier  adroitement  ,  &c  qu'ils 
mettent  en  œuvre  au  lieu  de  véritables per/ej 
dans  divers  bijoux. 

Perles  (  femence  de  )  ,  (  Joaillerie.  ) 
nom  qu'on  donne  aux  perles  les  plus  me- 
nues. 

Perle  (la)  y  {Fondeur  de  car  acier  es 
d* imprimerie.  )  eft ,  fi  l'on  veut ,  le  vingt- 
unième  corps  de  caraéterc  d'imprimerie  ; 
mais  ce  caradere  eft  peu  en  uf^ge  :  il  a 
été  fondu  aux  dépens  du  roi  ,  &  pour 
l'ufage  de  ion  imprimerie  royale  établie 
à  Paris  ,  où  il  eft  jufte  qu'il  y  ait ,  ne  fût-ce 
que  par  curiofité  ,  tous  les  corps  polfibles , 
éc  qui  peuvent  être  mis  en  œuvre. 

Perles  ,  (  Géogr.  mod.  )  Il  y  a  deux 
bancs  de  ce  nom  ,  l'un  dans  la  mer  des 
Indes  à  l'ogpofite  de  Tutucurin  ,  l'autre 
dans  la  même  mer ,  au  midi  de  l'île  de 
Manar.  On  connoît  auffi  plufieurs  petites 
îles,  qu'on  nomme //ej  des  perles ,  &  qui 
font  dans  l'Amérique  feptentrionale  ,  près 
de  la  côte  de  Guatimala.  Enfin  la  rivière 
tnx  perles  eft  une  rivière  dans  la  Louifiane, 
entre  le  bras  oriental  du  Milïifïipi  &  la. 
petite  baie  de  S.  Louis. 

PERLÉ  ,  adj.  (  terme  de  Confifeur.  ) 
Les  confifeurs  appellent  du  fucre  perlé  ou 
cuit  à  la  perle  ,  celui  auquel  on  a  donné 
le  fécond  degré  de  cuiflbn.  On  connoît 
que  du  fucre  eft  cuit  à  p^r/é  ,  lorfqu'on  en 
prend  avec  le  doigt  &  qu'on  le  met  fur 
le  pouce  :  car  fi  en  entr'ouvrant  les  doigts  , 
il  s'en  forme  un  petit  filet ,  &  s'étend  au- 
tant qu'on  les  peut  ouvrir  ,  cette  cuilïbn 
s'appelle  grand  perlé  ;  &  s'il  s'étend  moins  , 
&  qu'il  fe  rompe ,  on  le  nomme  petit  perlé. 
Le  parfait  confifeur.  (D.  J.) 

PERLEBERG  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite 
ville  d'Allemagne  ,  dans  la  Marche  de 
Brandebourg  ,  fur  la  petite  rivière  de  Stre- 
penitz,  au  nord  de  Wittemberg. 

PERLOIR ,  f.  m.  (  terme  d'ouvrier  en 
tifelure.  )  Les  fourbiflèurs ,  arquebufiers  , 


PER 

IperonnîefS ,  Bc  autres  ouvriers  qui  ornent 
leurs  ouvrages  decifelure  &  damafquinerie , 
appellent  ainfidc  petits  cifelets  ou- poinçons 
gravés  en  creux  ,  avec  lefquels  ils  forment 
d'un  fcul  coup  de  marteau  ces  petits  orne- 
mens  de  relief  qui  font  faits  en  forme  d© 
perle.  (  D.  J.  ) 

PERLON  ,  voye^  Corbeau  de  mer, 

PERLURE  ,  f.  f.  (  terme  de  chajfe.  ) 
0\\  appelle />er///re  des  grumeaux  qui  vien- 
nent le  long  du  bois  de  la  tête  des  cerfs , 
des  daims  &  des  chevreuils  ,  &  qui  font 
une  croûte  raboteufe  ;  c'eft  une  extrava- 
fation  du  fuc  nourriciet. 

PERMANENT  ,  adj.  (  Gramm.  )  qui 
demeure  conftamment  dans  le  même  état , 
qui  n'eft  fujet  à  aucune  viciffîtude.  Il  n'y 
a  rien  de  permanent  dans  le  monde. 

PERME  ,  f.  m.  (  Marine.  )  C'eft  un 
petit  vaifteau  turc  fait  en  forme  de  gon- 
dole J  dont  on  fe  fert  à  Conftantinpple 
pour  le  trajet  de  Pera  ,  de  Galata  ,  & 
autres  lieux. 

PERMÉABLE,  adj*  (  Fhyfique.  )  fc 
dit  d'un  corps  confidéré  en  tant  que  fes 
pores  font  capables  de  laifler  le  pafiage  à 
quelqu'autre  corps  :  ainfi  on  dit  d'un  corps 
ou  d'un  fluide  tranfparent ,  que  ce  corps 
eft  perméable  à  la  lumière.  Voye-;^  Pore  , 
DiAPHANiTÉ  ,  Opacité  ,  Transpa- 
rent. 

PERMEKKI  ,  (  Géograph.  moderne.  ) 
Permski ,  ou  Permie  ,  ville  de  l'empire 
ruffien ,  capitale  d'une  province  de  même 
nom.  Elle  eft  fur  la  rivière  de  Wifchora  , 
entre  le  Wolga  &  l'Oby.  Long.  7^  ,  55  î 
lat.  60  ,  %6. 

La  province  de  Permekki  eft  bornée  au 
nord  par  les  Samoyedes  ,  &  une  partie 
de  la  Jugorîe  \  oueft  ,  par  la  Zirannie  dc 
la  Viatka  5  eft  ,  par  la  Sibérie. 

Cette  province  de  Permekki  ou  Pertnie , 
autrefois  nommée  le  Sclikan  ,  étoit  l'en- 
trepôt des  marchandife^  de  la  Perfe  ,  &; 
des  fourrures  de  Tartaric.  On  a  trouvé  dans 
cette  Permie  une  grande  quantité  de  monr 
noie  au  coin  des  premiers  califes  j  &  quel- 
ques idoles  d'or  des  Tartares  ;  mais  ces 
monumens  d'anciennes  richcffes  ont  été 
trouvés  au  milieu  de  la  pauvreté  &  dans 
les  déferts  ;  il  n'y  avoir  plus  aucune  trace 
de  commerce.  Ces  révolutions  n'arrivent 

que 


I>E  R 

^e  trop  vite  &.  aifément  dans  lîrr  pays 
ingrat  ,  puifqu'elles  font  arrivées  dans  les 
plus  fertiles.  (  D.  J.  ) 
^  PERMESSIDES,  f.  f.  pi.  {Mytkol.) 
c'eft  ainff  qu'on  a  appelle  les  mufes  du 
mont  ParnafTe  ,  où  l'on  difoit  qu'elles  ha- 
bitoient. 

PERMESSUS,  [^Géogr,  anc.)  fleuve 
de  la  Béotie.  Strabon  ,  /iv.  IX  ,  pag.  407  , 
dit  que  ce  fleuve  &  celui  d'OImejus  ,  qui 
avoient  tous  deux  leur  fource  dans  l'Hé- 
licon  ,  joignoient  leurs  eaux  ,  &  fe  je- 
toient  dans  le  marais  Copaïdes.  Paufanias, 
iiv.  IX  ,  cAap.  zxix  ,  écrit  Termejfus ,  & 
Nicander  ,  in  Theriac.  Permeffiis.  Virgile 
parle  de  ce  fleuve  dans  fes  Bucoliques  , 
Eccl.  FI ,  verf.  64, 

Tum  canit ,   erraïuem  Permeflî  ad  fiumina 
Gallum. 

PERMETTRE  ,  TOLÉRER,  SOUF- 
FRIR ,  (  Syn.  )  termes  relatifs  à  l'ufage 
de  la  liberté.  On  tolère  les  chofes ,  lorf- 
que  ,  les  connoiflànt ,  &:  ayant  le  pouvoir 
en  main ,  on  ne  les  empêche  pas.  On  les 
fouff're  lorfqu'on  ne  s'y  oppofe  pas  ,  faifant 
ièmblant  de  les  ignorer  ,  ou  ne  pouvant  les 
empêcher.  On  les  permet ,  lorfqu'on  les  au- 
torife  par  un  confentement  formeL 

Tolérer  ^fouff'rir  ne  fè  difènt  que  pour 
des  choftjs  mauvaifes  ,  ou  qu'on  croit  telles. 
Permettre  fe  dit  pour  le  bien  &  pour  le  mal. 

Les  magiftrats  font  quelquefois  obligés 
de  tolérer  certains  maux ,  de  crainte  qu'il 
n'en  arrive  de  plus  grands.  li  eft  quelque- 
fois de  la  prudence  de  fouffrir  des  abus 
dans  la  difcipline  de  l'églife ,  plutôt  que  d'en 
rompre  l'unité.  Les  loix  humaines  ne  peu- 
vent jamais  permettre  ce  que  la  loi  divine 
défend  ^  mais  elles  défendent  quelquefois 
ce  que  celle-ci /er/rz^/. 

Souffrir ,  en  tant  que  fynonyme  à  per- 
mettre ,  veut  après  foi  un  infinitif ,  ou  un 
que  avec  le  conjondèif.  Ainfi  c'eft  une  faute 
de  dire  ,  comme  dans  l'épitaphe  d'E- 
douard VI  5 

Urne  ou  fes  cendres  repofent , 
•Souffrez  nous  de  graver  ces   vers  fur 
fon    tombeau, 

II  falloit  dire  ,  fbufFrez  que  nous  gravions. 
{D.J.) 

Tome  XXV, 


P  E  R:  393 

FERMEZ  >  f.  f.  terme  de  relation  ,  pe- 
tite nacelle  en  ufàge  à  Conftanîinople.  El-. 
les  [om  faites  à-peu-près  comme  les  gondo- 
les de  Venife  ,  mais  plus  légères.  Les  unes 
ibnt  menées  par  un  homme  qui  vogue  en 
arrière  avec  deux  rames  ;  les  autres  par 
deux  y  trois  ou  quatre  bateliers ,  félon  la- 
grandeur  du  bateau  ,  &  la  quantité  des  per- 
fonnes  qui  ibnt  dedans.  La  légèreté  de  ces 
petits /?fA/;2f{fuffit  pour  faire  juger  du  calme 
du  port  de  Conftantinople  ,  &  même  de- 
celui  du  Bofphore.  Duloir. 

PERMIE  ,  {province  de  ) ,  {Géog.  mod,\ 
province  du  royaume  de  Cafan ,  apparte- 
nant à  la  Ruflîe  ,  &  dont  la  capitale  fè 
nomme  Ptrruski  ,  ou  Permekki,  Voye\ 
Permekki. 

PER  MINIMA  ,  en  terme  de  Méde- 
cine ,  fignifie  un  mélange  parfait  des  plus 
petites  parties  ou  ingrédiens  de  différens 
corps.  Voyei  MÉLANGE  &  MiNIMA. 

Mais  plus  exaâicment  dans  la  langue  de 
Pharm.  c'eft  un  mélange  parfait  &  mtiîr^a 
des  corps  naturels  y  dans  lequel  leurs  vrais 
minima  ,  c'eft- à-dire  ,  leurs  atomes  y  ou 
leurs  premières  particules  compofantes  y 
font  fuppofëes  être  exaftement  mêlées  ea- 
fembie.  Voye[  MlXTlON^  .    . 

Si  on  fait  fondre  enfemble  de  l'argent  8c 
du  plomb  ,  ces  métaux  i^teêlent  per  mi-- 
nima.  Voyei  ARGENT  ,  PcokB ,  MÉTAL  y. 
&c. 

PERMISSION  ,  f.  f.  {Gram,)  congé  ; 
licence ,  liberté ,  pouvoir  accordé  par  uii 
fupérieur  à  un  inférieur  de  faire  une  chofè 
que  celui-ci  ou  ne  pouvoit  point  faire  du 
tout ,  ou  ne  pouvoit  faire  fans  fè  rendre 
coupable ,  faute  de  la  permijjron,  Voye^ 
tartich  PERMETTRE. 

PERMISSIONNAIRE,  f,  m.  {Littérat>i 
C'e|è  à  Paris  tout  maître  qui  a  permiffioii 
du  chantre  de  Notre-Dame  de  tenir  pen- 
fion  ,  &  d'enfeigner  la  grammaire  &  les 
humanités. 

PERMUTATION ,  f.  f.  {analyfe.  )  On 
entend  par  ce  mot  la  tranfpofîtion  qu'on 
fait  des  parties  d'un  même  tout ,  pour  en 
tirer  les  divers  arrangemens  dont  elles  font 
fufceptibles  entr'elles  \  comme  fi  l'on  cher- 
choit  en  combien  de  façons  différentes 
on  peut  difpofer  les  lettres  d'un  mot  , 
les  chiffres  qui  expriment  un  nombre  ^ 
Ddd 


391-  P  E  R 

les  perfonnes  qui  compofeiit  une  aflem- 
blée,   &c. 

II  ne  faut  donc  pas  confondre  la  permu- 
tation avec  la  coinbinaifon.  Dans  celle- 
ci  ,  le  tout  eft  en  quelque  forte  démembré , 
&  l'on  en  prend  les  différentes  parties  i  à 
I  ,  13  2,  ^c.  Dans  celle-là  ,  le  tout  con- 
ferve  toujours  fon  intégrité  ,  &  Von  ne  fait 
que  faire  changer  d'ordre  aux  différentes 
parties  qui  le  conftituent. 

Pour  trouver  toutes  les  permutations  pof- 
fibles  d'un  nombre  quelconque  de  ter- 
mes ,  il  ne  s'agit  que  d'un  procédé  très- 
iîmple  &  très-facile ,  lequel  porte  avec  foi 
fa  démonftration. 

W  eft  clair  qu'un  feul  terme  a  ne  peut 
avoir  qu'z//ï  arrangement. 

Si  l'on  ajoute  un  kconà  h ,  on  le  peut 
mettre  devant  ou  après  a  ;  ce  qui  donne 


deux  arrangemens 


l    au-"" 


eft-à-dire  i. 


mens 


(  qu'on  avoit  déjà  pour  le  premier  cas  ) 
X  2  (  quantième  du  nouveau  terme.  ) 

Si  l'on  prend  un  troiiieme  terme  c  , 
il  peut  occuper  trois  places  dans  le 
è  a  ,  &C  autant  dans  a  /»  ,  ce  qui 
donne  deux    fois    trois    ou    iix    arrange- 

Ç  cb  a  c  ab 

<.   b  c  Ito  c  b  :  c'eft-à-  dire  2  (réfultat 
V.  bac  abc 

du  cas  précédent  )  X  3  (  quantième  du 
nouveau  terme.  ) 

Un  quatrième  terme  d  pourra  occuper 
quatre  places  dans  chacun  de  ces  fix  der- 
niers arrangemens  ^  ce  qui  en  donnera  4 
fois  6  ,  ou  24  nouveaux  :  c'eft-à-dire  ,  6 
(  réfultat  du  cas  précédent  )  X  4  (  quan- 
tième du  nouveau  terme.  ) 

On  voit ,  fans  qu'il  foit  befoin  de  pouffer 
plus  loin   rindu<Stion  ,    qu'un    cinquième 

tenne  e  donneroit  24.  5  ou  1 20  arrange- 
mens ,   &  ainfi  de  fuite  à  l'infini. 

En  général  le  nombre  des  permutations 

pour  n  termes  n'étant  que  celui  de  «  -  i 

termes  ,    x    «  ,    comme  «celui  de  /z  -  i 

termes ,  eft  celui  de  «  -  2  termes  x  /z  -  r  ,  & 
ainft  de  fuite  en  remontant  jufqu'à  i  j  il 
réfulte  que  pour  trouver  de  combien  de 
gtrmuiations    eft:    fufceptible    un   nombre 


P  E  R 

quelconque  n  de  termes  ,  il  faut  faire  le 
produit  continu  des  termes  de  la  progreffion 
naturelle  ,  depuis  &  y  compris  i  jufqu'à 
ce  terme  n  inclufivement.  i  x  2  X  3  X 
4 X  /z. 

On  a  fuppofé  jusqu'ici  qu'aucun  des 
termes  dont  on  cherche  les  permutations 
n'ctoit  répété  ,  ou  ,  ce  qui  eft  la  même 
chofe  ,  qu'ils  n'avoient  tous  qu'une  fèuie 
dimenfion ,  &  que  leur  expofant  commun 
étoit  l'unité.  Si  la  chofè  étoit  autrement, 
fuppofons  que  a  repréfente  l'expofant  du 
premier  terme  ,  b  celui  du  fécond  ,  c 
celui  du  troifieme  ,  &  ainfi  de  fuite  ju£^ 
qu'au  dernier. 

D'abord  ,  n  ,  dans  la  formule  ci-deffus, 
ne  fera  plus  fimplement  le  nombre  des 
termes  ,  mais  lafomme  de  leurs  expo  fans» 

De  plus  ,  cette  forme  ne  doit  être  consi- 
dérée que  comme  le  numérateur  d'une  frac- 
tion ,  à  laquelle  on  donnera  pour  déno- 
minateur le  produit  contmu  d'autant  de 
produits  particuliers  qu'il  y  a  d'expofans  ou 
de  termes  ^  &  chacun  de  ces  produits  par- 
ticuliers fera  le  produit  continu  des  nom- 
bres naturels  pouffé  jufqu'à  celui  inclufive- 
ment qui  exprime  l'expofant  du  terme  cor- 
refpondant  ,  en  forte  que  la  formule  ab* 
folument  générale  fera 


'   X    -2    X     ?    X    4 


b  + 


&c. 


I  .   2    .   ....    a  X     I.    2 bx      1.   2 C  X  ,  6-C. 

Quand  tous  les  expofans  font  i  ,  alors 
leur  fomme  ne  diifere   point  du  nombre 

même  des  termes  ,  bi  a-\-  b  c  &c.  (  dans 
le  numérateur  )  =  /z  .  .  .  d'ailleurs  dans  le 
dénominateur  tous  les  produits  particuliers 
étant  I  ,  le  produit  général  eft  auffi  i ,  qui 
peut  être  négligé  ^  &  la  féconde  formule  fe 
change  en  la  première. 

Un  exemple  va  donner  une  idée  de  l'effet 
des  permutations. 

Il  y  a  32  cartes  dans  un  jeu  de  piquet  j 
comme  c'eft  un  jeu  fort  répandu  ,  &  qu'on 
mêle  les  cartes  à  chaque  coup ,  il  s'eft  dû  , 
depuis  le  temps  qu'on  y  joue  ,  former  bien 
des  arrangemens  différens  de  ces  3  2  cartes  ; 
fuppofant  qu'aucun  ne  fe  foit  jamais  trouvé 
répété ,  en  forte  que  chaque  fois  qu'on  a 
mêlé  \ts  cartes  ,  en  ait  fait  naître  un  nou- 
veau j  on  demande  fi  le  nombre  de  tous  \qs 
arrangemens  poflibles  ne  devroit  pas  défoi- 


P  E  R 

maïs  être  épuifé. . .  Bien  des  gens  peut- 
être  ne  balanceroient  pas  à  fe  décider  pour 
l'affirmative  ^  on  va  voir  combien  ils  iè 
trouveroient  loin  de  leur  compte. 

Suppofant  tous  les  individus  de  l'efpece 
humaine  répandus  fiir  la  furiace  de  la 
terre  ,  fans  diftinéiion  d'âge  ni  de  fexe , 
devenus  joueurs  de  piquet  ,  &  appariés 
deux  à  deux ,  en  forte  que  chaque  couple 
jouât  400  coups  par  jour  fous  la  condition 
pofée  '-,  il  faudroit  à  tous  ces  joueurs  réunis 
plus  de  18  mille  milliards  de  millions  de 
Jiecles ,  pour  épuifer  tous  \q5  changemens 
d'ordre  pofîibles  des  3  2  cartes ,  &  la  démonf^ 
tration  en  eft  facile  j  400  coups  par  jour  ^ 
^^iowtparan  làfiooo ^ par Jiecle  14600.  00  j 
par  million  de  jiecles  14600000.  000000, 

D'un  autre  côté ,  fuppolant  deux  milliards 
on  deux  mille  millions  d'hommes  fur  la 
terre;  ce  fera  i.  000.  000.  000  couples 
de  joueurs  qu'il  faut  multiplier  par  le  dernier 
nombre  ci-delFus  ;  on  aura  14.  600.  coo. 
000.  000.  000.  000.  000  (  A  ). 

Maintenant  le  nombre  des  permutations 
compétent  à  32.  termes  ,  fe  trouve  263. 
130.  836.  933.  693.  530.  167.  218.  012, 
160.    000.  000  (  B  ). 

Si  donc  on  divifè  le  nombre  B  par  le 
nombre  A  ,  le  quotient  indiquera  combien 
de  millions  de  Jiecles  il  faudroit  à  tous  ces 
joueurs ,  pour  parvenir  au  but  propofé. 
Or  le  nombre  B  ayant  36  chiffres  ,  tandis 
que  le  nombre  A  n'en  a  que  23,  dont  le 
premier  plus  petit  que  le  premier  du  nom- 
bre B  ;  le  quotient  en  aura  36-23  +  i ,  ou 
14 ,  dont  \qs  deux  premiers  feront  18.  Ce 
quotient  excédera  donc  18  mille  milliards  ; 
&  il  ne  faut  pas  d'ailleurs  perdre  de  vue  que 
les  unités  auxquelles  fe  rapportent  ces  18 
mille  milliards  font ,  non  des  années  ,  mais 
des  millions  de  Jiecles. 

Dans  le  temps  que  les  anagrammes 
étoient  en  honneur  &  fai (oient  partie  du 
bel  -  efprit ,  on  voit  que  fans  nul  génie  , 
mais  avec  beaucoup  de  loiiir  &  autant  de 
patience ,  il  étoit  aifé  de  fè  faire  à  cet 
égard  une  réputation  :  en  effet ,  en  fuivant 
avec  quelque  attention  le  procédé  expliqué 
plus  haut ,  on  étoit  aflliré  de  trouver  par 
ordre  tons  les  arragemens  poiîibles  des 
lettres  d'un  ou  de  plufieurs  mots  ,  fans 
qu'il  en  pût  échapper  un  feul  ,    après  quoi 


p  E  R  3,j 

I  il  ne  reftoit  plus  qu'à  choifîr  ceux  qui 
formoient  un  fens  convenable  au  but  qu'on 
fè  propofoit. 

Mais  l'ufage  des  permutations  ne  fè  borne 
pas  aux  feules  anagrammes ,  elles  partagent 
avec  les  combinaifons  l'honneur  de  la  folu- 
tion  de  plufieurs  problêmes  curieux  ,  de 
ceux  en  particulier  où  il  s'agit  d'eftimer  les 
hafards.  Voye^  COMBINAISON^  Alter- 
NATION  ,  &c.  Cet  article  ejl  de  M.  Ral- 
lier  DES  Ou  RM  ES. 

Permutation  ,  f.  f.  (  Jurifprud.  ) 
Ce  terme  fe  prend  quelquefois  pour  toute 
forte  d'échange  en  général  \  mais  commu- 
nément on  entend  par  permutation^  ua 
échange  que  deux  titulaires  font  entr'eux 
de  leurs  bénéfices  ,  par  une  démiiTion 
entre  les  mains  des  collateurs  qui  font 
obligés  de  les  conférer  aux  copermutans. 

Les  deux  réfîgnations  peuvent  fe  faira 
par  deux  aftes  féparés  ,  ou  par  un  feul  &: 
même   afte. 

Ces  démifîîons  réciproques  contiennent 
toujours  ,  qu'elles  font  faites  pour  caufe 
de  permutation  avec  la  claufè  non  aliàs , 
non  aliter ,  non  alio  modo  ;  c'efl  pourquoi 
les  provifions  fur  permutations  ,  font 
cenfées  des  collations  néceffaires  ou  for- 
cées. 

Ceux  qui  peuvent  admettre  les  permu' 
tations  ,  font  le  pape ,  le  légat ,  le  vice- 
légat  dans  l'étendue  de  fa  légation  ,  &  le 
collateur  ordinaire. 

Quand  le  bénéfice  ne  dépend  point  de 
l'évêque  ,  on  s'adreiîe  ordinairement  au 
pape. 

Quoique  le  collateur  auquel  on  s'a- 
dreffe  ,  ne  puiffe  pas  conférer  le  bénéfice 
à  un  autre  ,  il  peut  cependant  examiner 
s'il  n'y  a  point  de  fraude  ni  de  paâ:ioa 
fimoniaque ,  ou  autre  vice  qui  doive  em* 
pêcher  l'effet  de  la  permutation. 

Au  refus  de  l'ordinaire ,  on  peut  s'adref^ 
fer  au  fopérieur. 

Si  les  deux  bénéfices  que  Ton  vev.t  per- 
muter ,  font  dans  deux  diocefès  diiférens  , 
&  que  l'on  ne  veuille  pas  s'adreffer  au  pape , 
il  faut  que  l'évêque  de  chaque  diocefè 
admette  la  permutation ,  flippofé  qu'il  foit 
collateur  du  bénéfice  ;  ou  bien  un  évéque 
peut  donner  pouvoir  à  l'autre  de  donner 
des  provifions  des  deux  bénéfices, 
Ddd  i» 


5-5^:  P  E  R 

K  y  a  cevtAines  permutations  qui  font  ilti- 
eîtes  ,  notamment  celles  qu'on  appelle 
triangulaires'^  c'eftlorrqu'un  titulaire  réfîgne 
fon  bénéfice  à  un  autre  eccléfiaftique  ,  à 
condition  que  celui-ci  réfignera  à  un  tiers 
le  bénéfice  dont  il  eft  pourvu  j  aucune 
difpenfe  ne  peut  autorifer  une  telle  con- 
vention. 

Il  n'eft:  pas  permis  de  ftipuler  que  le  co- 
permutant  fera  chargé  de  faire  faire  les  ré- 
parations des  bâtimens  dépendans  du  bé- 
néfice ,  quoique;  ces  réparations  foient 
du  temps  du  co-pcrmutant  j  il  y  auroit 
iimonie  dans  cette  claufe. 

Il  en  feroit  de  même  de  celle  qui  obli- 
geroit  le  co  -  permutant  à  entretenir  les 
baux  faits  par  fon  prédécelTeur. 

Mais ,  fuivant  Tudige  commun  ,  le  co- 
permutant  peut  faire  dreffer  un  procès- 
verbal  de  l'état-  des  lieux  dépendans  du 
bénéfice  qu'on  lui  a  réfigné  ,  &  obliger 
fon  réfignant  de  faire  les  réparations,  qui 
feront  eftimées  néceffaires. 

Une  penfion  que  l'on  créeroit  fur  un 
bénéfice  en  le  permutant ,  pour  avoir  lieu 
jufqu'à  ce  qu'on  eût  donné  un  autre  bénéfice 
de  même  valeur  que  la  penfion  ,  ne  feroit 
pas  canonique. 

On  ne  peut  pas  permuter  un  induit  pour 
un  bénéfice  ,  parce  que  l'indultaire  n'a  pas 
JM^  in  re ,  mais  fèulemen.t  jus  ad  rem. 

Les  bénéfices  eu  patronage  laïque  ne  peu- 
vent être  permutés  fans  le  confentement  du 
patron  ;,  autrement  la  collation  de  l'ordi 
naire  &  du  pape  ,  même  en  ce  cas  fe- 
roit nulle  ,  &  les  co-permutans  rentre- 
roient  chacun  dans  leurs  droits  3  voy^{  la 
déclaration  de  1678. 

Quand  les  bénéfices  que  l'on  permute 
ibnt  inégaux  pour  le  revenu  ,  il  n'eft  pas 
permis  de  recevoir  une  récompenfc  en 
iirgent ,  il  y  auroit  fimonie  &  abus. 

On  ne  peut  permuter  un  bénéfice  avec 
un  autre  qui  n'eft  pas  encore  érigé  ,  ni  per- 
iputer  quelque  chofe  de  temporel  avec  un 
bénéfice  ,  non  pas  même  line  penfion  ,  ni 
des  dîmes  ou  un  droit  de  patronage  ,  quoi- 
que tout  cela  participe  du  fJ3irituel. 

La  permutation  eft  fans  effet ,  i®.  quand 
elle  n'eft  pas  accomplie  de  part  &  d'autre , 
comme  quand  un  des  co-permutans  ne 
geut  pas  obtenir  de  vifa^ 


P^  E?  R 

'.'     2^i  Quand  l'un   des  co-permutans  u'àc- 
compîit  pas  les  conditions. 

3°.  Lorfque  le  bénéfice  n'eft  pas  tel  qu'o». 
l'a  énoncé  ,  comme  fi  on  a  fuppofé  que  c'é- 
toit  un  bénéfice  fimple  ,  &  qu'il  foit  à 
charge  d'atnes  ,  ou  que  l'on  ait  caché  la 
véritable  quotité  d'une  penfion  dont  le  bé- 
néfice étoit  chargé  ,  cela  fuffit  pour  don- 
ner lieu  au  regrès ,  &  le  co-permutant 
{)eut  rentrer  dans  fon  bénéfice  en  vertu  d'un 
fimple  jugement ,  fans  obtenir  de  nouvelles 
provi  fions. 

Enfin  hi  permutation  èiQviznx.  encore  fans 
effet  ,  quand  l'un  des  co-permutans  eft 
évincé  du  bénéfice  qui  lui  a  été  réfigné. 

On  peut  permuter  un  bénéfice  litigieux  f. 
pourvu  que  le  litige  foit  exprimé. 

Un  bénéfice  tenu  en  commende ,  peut 
être  permuté  contre  un  bénéfice  tenu  en 
titre  ,  parce  qu'en  France  la  commende 
vaut  titre. 

On  peut  permuter  un  bénéfice  contre 
plufieurs  autres. 

Tant  que  le  collateur  n'a  point  donné 
de  provifions  ,  le  co-permutant  peut  ré- 
voquer fa  procuration  pour  permuter. 
Il  fuffit  de  faire  fignifier  la  révocation 
au  collateur  ,  ou  fi  la  réfignation  pour 
permutation  fe  fait  en  cour  de  Rome  , 
on  fait  fignifier  la  révocation  au  co  per- 
mutant j  avant  que  la  réfignation  foit 
admifè. 

Mais  fi  l'un  à&i  bénéfices  eft  à  la  nomi- 
nation du  roi  ,  l'autre  à  la  collation  pure 
&  fimple  de  l'ordinaire  ,  un  des  co-per- 
mutans ne  peut  révoquer  fa  procuratioa 
ad  refignandum  ,  fans  le  confentement 
du  roi ,  lorfque  fa  majefté  a  donné  fon 
brevet  de  nomination  ,  quoique  les  bulles 
ne  foient  pas  encore  expédiées ,  ni  la  ré- 
fignation de  l'autre  bénéfice  admife  en 
cour  de  Rome. 

Le  collateur  qui  a  conféré  fur  la  permu- 
tation ,  ne  peut  pas  conférer  par  mort 
en  vertu  de  la  règle  des  20  jours ,  fi  ce 
n'eft  que  la  réfignation  pèche  dans  fon  prin- 
cipe ,  ou  que  l'un  des  co-permutans  eût 
refufé  de  l'exécuter  pendant  la  vie  de 
l'autre. 

Ceux  qui  font  pourvus  fiir  réfignation, 
pour  cauie  de  permutation  ,  doivent  pren- 
dre poifeilioa  dans  le  même  temps ,  èc 


P  E  R 

avec  les  mêmes  formalités  que  Ton  obferve 
pour  les  réfîgnatioiis  en  faveur. 

Les  provifions  obtenues  fur  permutation 
font  nulles  ,  fi  elles  ne  font  infinuées  deux 
jours  francs  avant  le  Aéchs  de  l'un  des  co- 
permutans  ;  mais  il  fiiffit  pour  celui  qui 
s'unit  ,  qu'il  ait  fatisfait  à  cette  condition  : 
iès  provifions  font  valables. 

Les  procurations  pour  permuter  entre 
les  mains  du  pape ,  doivent  être  infinuées 
au  greffe  du  diocefe  où  elles  fe  font  ;  &  fi 
le  bénéfice  eft  dans  un  autre  diocefe  ,  il 
faut  aufiî  y  faire  enrégiftrer  les  procura- 
tions ,  &  ce  ^  dans  trois  mois  après  l'expé- 
i^ition  des  provifions ,  le  tout  à  peine  de 
nullité.  Déclaration  de  i6ç)i  ^  art,  il. 

Au  refte  ,  le  défaut  d'infinuation  ne  peut 
être  oppofé  que  par  les  indultaires  gradués , 
&  autres  expeôans  ,  &  par  \qs  patrons. 
Voye[  Dumoulin  ,  ad  reg.  de  public,  Fe- 
vret,  liv,  II ,  ch,  iv  &  v,  Rebuffe  ,  prax. 
lit,   de  permut.   Recueil  de  Drapier,  tome 

II,  ch.  XX,  {A) 
PERNAMBUCOoi/  FERNAMBUCO , 

(  Ge'ogr,  mod.  )  capitainerie  ou  pifevince  de 
l'Amérique  méridionale  au  Brefil.  Elle  eft 
bornée  au  nord  par  la  capitainerie  de  Ta- 
inaraca ,  au  midi  par  celle  de  Sergippe  ,  à 
l'orient  par  la  mer  ,  mais  elle  n'a  point  de 
bornes  fixées  à  l'occident. 

Cette  province  eft  fituée  entre  les  huit 
&  les  dix  degrés  de  latitude  auftrale.  Elle 
a  été  découverte  par  Vincent  -  \annez 
Pinçon ,  Caftillan  ^  &  trois  mois  après 
D.  Pedro  Alvarez  Cabrai  ,  amiral  de  la 
flotte  portugaife  àQs  Lides  ,  fut  jeté  par 
la  tempête  fur  les  côtes  du  Brefil  ,  dont 
fa  nation  lui  attribue  la  découverte.  Jean 

III ,  roi  de  Portugal ,  concéda  la  pro- 
vince de  Pernambuco  à  Edouard  d'Albu- 
qucrque ,  à  condition  d'en  foumettre  les 
habitans  j  ce  qu'il  exécuta  dans  la  fiiite. 
Les  Hollandois  s'en  étant  r^dus  les  maî- 
tres ,  le  roi  Jean  IV ,  après  qu'elle  eût  été 
reprife  fur  eux,  la  réunit  au  domaine. 
Jufqu'à  l'invafion  ,  Olinde  avoit  été  la  ca- 
pitale de  la  capitainerie  ^  mais  cette  ville 
a  été  prefque  entièrement  détruite  pendant 
les  guerres.  [D,  J,) 

P  E  R  N  A  U  ,  (  Géogr,  )  petite  ville 
marchande  du  duché  de  Livonie  ,  fous  la 
doinioatioa    ruilieune  ,     au    bord   d'une , 


PEK  3,7 

,  rivière  qui  tout  près  fe  jette  dans  h  Bal- 
I  tique.  C'eft  la  capitale  d'un  cercle  où  eft 
auflî  ccmprife  la  ville  de  Fellin  ,  &  c'eft 
une  place  munie  d'une  bonne  citadelle. 
On  n'y  compte  pas  d'ailleurs  au  delà  de 
ICO  maiibns  ,  &  l'on  n'y  en  trouve  aucune 
qui  ne  /oit  fimplement  6c  groffiérement 
de  bois.  Vers  la  fin  du  fiecle  paifé  ,  elle 
devint  pour  peu  de  temps  le  £iQge  de 
l'uiiiverfité  de  Dorpt  ;  à  peine  eft- elle 
aujourd'hui  pourvue  d'une  chétivc  éçole^ 
{D,G,.) 

PERNE,  {  Géogr,  anc,  )  i°.  île  fur  la 
côte  de  l'Ionie.  Pline  ,  /.  // ,  ck.  Ixxix. 
dit  qu'un  tremblement  de  terre  joignit 
cette  île  au  territoire  de  la  ville  de  Milet. 
i'^.  Ville  de  laThrace,  qui  étoitàl'oppo- 
fite  de  celle  de  Thafus ,  félon  Stephanus. 

Perne  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite  ville  , 
ou  plutôt  bourg  de  France  ^ans  la  Pro- 
vence ,  au  diocefe  de  Carpentras.  Long, 
11,  41,  lat.  44.  2. 

Cet  endroit  eft  la  patrie  d'Efprit  Flé- 
chier,  évêque  de  Lavauren  1585,  &puis 
de  Nîmes  en  1687.  Il  avoit  été  reçu  à 
l'académie  françoife  en  1673.  Il  étoit ,  dit 
M.  de  Voltaire ,  poète  françois  &  latin  , 
hiftorien ,  prédicateur ,  mais  connu  fur- 
tout  par  fès  belles  oraiibns  funèbres.  II  a 
traduit  du  latin  d'Antoine  Marie  Gratiani , 
la  vie  du  cardinal  Commendon  ^  il  a  donné 
celle  du  cardinal  Ximenès  ^  &  fon  hiftoire 
de  l'empereur  Théodofe  ,  a  été  faite  pour 
l'éducation  de  M.  le  duc  de  Bourgogne.  Il 
mourut  le  16  février  1710  ,  378  ans. 

Pernes  ,  (  Géogr,  mod,  )  petite  ville  de 
France  dans  l'Artois  ,  fur  la  Clarence ,  à 
trois  lieues  S.  O.  de  Béthune ,  fept  N.  O. 
d'Arras.  Long.  20.  6,  lat,  50.  29.  {  D,  J.) 

PERNET TE  ,  f.  f.  vafe  à  l'ufage  des 
potiers- de-terre  &  des  faïanciers.  Voye^ 
f  article  FaÏANCE. 

PERNICIACUM ,  (  Géogr.  anc.  )  ville 
de  la  Gaule  belgique  ,  que  l'itinéraire  d'An- 
tonin  met  entre  Gemiiiiacum  ,  &  Aduœca 
Tongrorum  ,  à  22  milles  de  la  première  de 
ces  villes  ,  &  à  14  de  la  féconde.  On 
croit  que  c'eft  aujourd'hui  Perveis ,  bour- 
gade du  Brabant  ,  entre  Jemblours  & 
Indoigne ,  dans  le  quartier  de  Louvain  j  & 
cette  bourgade  eft  une  ancienne  baronnie?^ 
(  D,  /.  } 


3^8  P  E  R 

PERNICIEUX,  adj.  (Gram.)  capable 
d'entraîner  la  perte  de  quelque  cliofe.  Un 
difcours  eft  pernicieux  ;  un  confeil  eft 
pernicieux  ;  un  effet  eft  pernicieux  3  un 
efprit  eft  pernicieux. 

PERNICITAS  ,{.(.{  Phyf.  )  eft 
im  mot  latin ,  dont  quelques  auteurs  fe 
iêrvent  pour  défigner  une  vîteflè  extraor- 
dinaire de  mouvement ,  comme  celle  d'un 
boulet  qui  fend  l'air  ,  de  la  terre  dans  fon 
orbite  ,    &c.   Chambcrs. 

PERNIO  ,  terme  de  Chirurgie  ,  c'eft 
!e  nom  d'un  mal  qui  attaque  ordinairement 
les  mains  8c  les  pies  en  hiver,  &  qu'on 
uppelle  vulgairement  enge/ures. l-,es  parties 
Hfîeétées  de  ce  mal  s'enflent ,  &  prennent 
une  couleur  blanchâtre  ,  accompagnée  de 
douleur  &  de  démangeaifbn  :  cependant 
la  tumeiw  iè  difîipe  fans  aucune  exulcéra- 
tion ,  en  bottant  d'huile  de  pétrole  la 
partie  malade,  f^oye^  Engelures. 

PERNISSE ,  voyei  Perdrix  rouge. 

PEROÉ ,  (  Géogr.  anc.  )  petit  fleuve 
de  la  Béotie  ,  fur  le  chemin  de  Platée  à 
Thebes.  Il  prenoit  fa  fource  au  mont 
Cithéron ,  dont  il  defcendoit  par  deux 
endroits  différens ,  en  forte  qu'il  formoit 
une  île.    {  D.  J.) 

PERŒTHEI,  (Ge'ogr.  anc.)  peuples 
de  i'Arcadie.  Paufanias ,  /iv.  VIII,  cA.iv, 
dit  qu'ils  tiroient  leur  nom  de  la  ville 
Perethus ,  qui  ne  fubfiftoit  plus  de  fon 
temps,  mais  parmi  les  ruines  de  laquelle 
on  voyoit  encore  le  temple  du  dieu  Pan. 


•PERONE 


f.    m.     (  en  Anatomie.  ) 


eft  un  des  os  de  la  jambe  ,  voye[  nos  plan- 
ches d" Anatomie  &  leur  explication.  Voye^ 
aujji  les  articles  Os  ,  JambE  ,    &c. 

Le  péroné  eft  l'os  le  plus  menu  des  deux 
os  de  la  jambe  ;  cependant ,  quoiqu'il  foit 
plus  expofé  &  beaucoup  plus  foible  que  l'os 
intérieur  ou  le  tibia  ,  il  n'eft  pas  fi  fujet 
à  être  cafte ,  parce  qu'il  eft  plus  pliant  & 
plus  flexible  j  d'où  il  arrive  que  fouvent 
le  tibia  eft  rompu  f  tandis  que  le  péroné 
refte  entier. 

Le  péroné  fe  joint  &  s'articule  avec  Je 
tibia  aux  deux  extrémités  ,  au  moyen 
d'une  efpece  de  diarthrofè  obfcure  qui  les 
couvre.  On  le  divife  en  trois  parties  j  la 
partie  fiipérieure  qui  a  une  tête  ronde ,  & 
^p^  fe  termine  un  peu  au  deftbus  du  genou  , 


P  E  R 

Se  qui  reçoit  une  éminence  latérale  du  tibia 
dans  une  petite  cavité  qui  fait  l'articulation 
de  cette  partie.  Le  milieu  eft  menu ,  long 
&  triangulaire  ,  comme  le  tibia  ,  mais  un 
peu  plus  irrégulier.  La  partie  inférieure  eft 
reçue  dans  une  petite  cavité  du  tibia  ,  & 
enfuite  fe  termine  par  une  grande  apophyfe 
qu'on  appelle  malléole  externe  ou  cheville 
externe  j  elle  eft  un  peu  creufe  au  dedans 
pour  donner  à  l'aftragaie  la  liberté  du  mou- 
vement ,  &  un  peu  convexe  du  côté  exté- 
rieur, afin  qu'il  ait  plus  de  force  pour 
retenir  l'aftragaie. 

Le  tibia  &  le  péroné  ne  fè  touchent 
qu'aux  extrémités ,  de  même  que  le  radius 
&  le  cubitus  j  l'intervalle  eft  rempli  par 
un  fort  ligament  membraneux  ,  qui  les 
tient  attachés  enfèmble  &  fortifie  l'articu- 
lation. Voye:^  TiBIA. 

PERONIER ,  f.  m.  (  Anatomie  )  ancien  , 
long ,  ou  premier  \  c'eft  un  mufcle  de  la 
jambe  ,  charnu  &  tendineux  dans  fon 
origine  ,  qui  vient  depuis  la  tête  jufqu'au 
milieu  àw  péroné  ^  delà  il  va  paffer  fur  la 
partie  pofferieure  de  la  cheville  extérieure  , 
fiir  laquelle  il  gliife,  comme  fur  une  poulie  \ 
&  il  s'infère  à  l'extrémité  fupérieure  de 
l'os  du  métatarfc  ,  qui  joint  le  grand  orteil. 

L'ufage  de  ce  mufcle  eft  de  tirer  le  pié 
en  haut.  Voye\^  nos  planches  d^ Anatomie 
&  leur  explication. 

Péronier  poftérieur  ,  court ,  ou  fécond , 
eft  un  mufcle  qu'on  appelle  auflî  quelquefois 
fémi-fibuleux,  charnu  dans  fon  origine, 
inégal ,  &  venant  de  la  partie  poftérieure 
du  péroné  j  delà  il  fe  dirige  de  haut  en 
bas  le  long  de  la  partie  extérieure  du  même 
os  ,  jufqu'à  ce  qu'il  arrive  au  milieu ,  oii 
il  forme  un  tendon  long ,  plat  &  uni ,  qui 
va  fuivant  la  même  direftion  gagner  le  bas 
de  la  malléole  interne  avec  le  long  péronier, 
&  fè  termine  à  la  partie  extérieure  de  l'os 
du  métatarfe  ,  ^ontigu  au  petit  orteil  5 
l'aé^ion  de  ce  mufcle  eft  de  pouffer  le 
pié  en  haut.  Voye':^  nos  planches  anatcmi~ 
ques  ù  les  explications  qui  y  font  jointes. 

L'artère  péroniere  eft  une  des  branches 
de  l'artère  poplitée  ,  qui  fe  porte  tout  le 
long  de  la  partie  poftérieure  du  péroné  ,  où 
elle  jette  dans  fon  trajet  différens  rameaux  ^ 
&  va  fe  perdre  dans  le  pié  où  elle  s'anaf- 
tomoiè  avec  la  tibiale  antérieure  ,  &  avec 


P  E   R 

la  poftérieure  ,  &  prend  le  nom  de  plan- 
taire externe.  Fojf^ POPLITÉ  ,  PLANTAIRE 
^TlBIALE. 

PERONNE  ,  (Géogr.  mod.)  ville  de 
France  dans  la  Picardie  ,  capitale  du 
Santerre  ,  fur  le  bord  feptentrional  de  la 
Somme  ,  à  12  lieues  au  dclTus  ,  &  au 
levant  d'Amiens ,  à  10  au  S.  O.  de  Cam- 
brai ,  &  à  32  de  Paris  ,  parmi  des  marais , 
qui  avec  fes  fortifications  en  font  une  très- 
forte  place. 

Elle  eft  ancienne  ,  car  les  premiers  rois 
mérovingiens  y  avoient  un  domicile.  Clovis 
II ,  ayant  donné  cette  place  à  Archinoald , 
maire  de  fon  palais  ,  il  y  bâtit  un  monaf- 
tere  pour  des  moines  écoflbis.  Le  premier 
abbé  fut  S.  Wltan ,  neveu  de  S.  Furcy  , 
abbé  de  Lagny  j  lequel  S.  Furcy  eft  enterré 
à  Péronne  ,  où  il  eft  devenu  depuis  ce 
temps-là  le  patron  de  la  ville. 

Héribert  ,  comte  de  Vermandois  ,  s'em- 
para de  Péronne  ,  &  enferma  dans  la  for- 
terclle  Charles  III  ,  dit  le  Simple  ,'  qui  y 
finit  fès  jours  en  929 ,  âgé  de  cinquante 
ans.  Il  eft  vrai  que  ce  malheureux  prince  fe 
fît  toujours  méprifer  de  fon  peuple  pendant 
fa  vie  ,  par  fa  foiblcfTe  &  fon  manque  de 
courage.  N'ayant  pas  fd  faire  valoir  (es 
droits  à  l'empire ,  après  la  mort  de  Louis 
IV ,  r^mpire  fortit  de  la  maifon  de  France  , 
&  CT;vint  éledtif.  Charles  le  inrple  fut 
enterré  à  Péronne.  II  avoit  eu  trois  fem- 
mes ;,  de  la  première ,  dont  on  ne  fait  pas 
le  nom  ,  il  eut  Gifele  ,  mariée  en  912  à 
Rollon  ,  premier  duc  de  Normandie  ^  de 
la  féconde  ,  nommée  Fréderune  ,  morte 
en  917  ,  on  doute  s'il  eut  Aqs  enfans  ^ 
de  la  troifieme  5  nom.mée  Ogine,  il  eut 
Louis  j  depuis  appelle  àlOmremer,  Cette 
Ogine  ,  fille  d'Edouard  I ,  roi  des  Anglois , 


,      .        P  E  R-  i^i 

après  avoir  marqué  un  grand  courage  dans 
prefque  tout  le  cours  de  fa  vie  ,  finit  par 
fè  marier  par  amour  ,  après  la  mort  de  fon 
mari ,  avec  Héribert  ,  comte-  de  Troyes  , 
fécond  fils  d'Hcribert ,  comte  de  Verman- 
dois ,  qui  avoit  tenu  fon  mari  prifonnier 
\ç.^  fept  dernières  années  de  fa  vie. 

Les  fuccefleurs  d'Héribert  jouirent  de 
Péronne  &  de  fes  dépendances  ,  jufqu'au 
temps  de  Philippe  -  Augufte.  En  1466  , 
Louis  XI  donua  cette  ville  &  fës  annexes 
à  Charles ,  duc  de  Bourgogne  ,  &  s'en 
relfaifit  enfuite  après  la  mort  de  ce  prince.(*) 

L'églife  collégiale  de  cette  ville  a  été  bâ- 
tie &  dotée  par  le  mêm.e  Archinoald  dont 
nous  avons  parlé  \  cette  collégiale  eft  au- 
jourd'hui de  foixante  petites  prébendes  , 
toutes  à  la  nomination  du  roi. 

Péronne  eft  furnomimée  la  pucelle  ,  parce 
qu'elle  n'a  jamais  été  pri/è  ,  quoiqu'aftiégée 
quelquefois  ,  &:  entr'autres  par  le  comte 
Henri  de  Naflau  en  1536.  Elle  a  fa  cou- 
tume particulière ,  qui  eft  ftiivie  à  Mont- 
Didier  &'  à  Roye,  Il  y  a  dans  cette  ville 
une  éleé-èion  &  im  bailliage  auquel  la  pré- 
vôté eft  unie  ;  mais  elle  eft  fiir-tout  redou- 
table par  les  vexations  àz%  commis  àts  fer- 
mes. Long.  20.  35.  44.  lat.  49.  55.  30. 

Fraifen  (  Claude  )  natif  de  Péronne  ou 
de  Vire  ,  s'eft  diftingué  par  fon  favoir  dans 
l'ordre  de  faint  François,  dont  il  devint 
définiteur  général  en  1682.  Il  a  fait  plu- 
fieurs  ouvrages  ,  &  entr'autres  des  dilîèr- 
tations  fiir  la  bible  intitulées  :  Difquifî- 
tiones  publicœ  5  2  vol.  in-^^.  Il  mourut  à 
Paris  en- 171 1  ,  à  quatre-vingt-onze  ans. 

Longueval  (  Jacques  )  laborieux  jéfuite  , 
naquit  à  Péronne  en  1680  ^  il  a  publié 
les  huit  premiers  volumes  de  l'hiftoire  de 
Vé'^lïk  gallicane ,  &  avoit  prefque  mis  la 


(  *  )  Charles  le  Simple  y  mourut  en  prifon  en  9x9. 

Louis  XI ,  qui  ne  fut  rien  moins  que  fimple,  eut  cependant  l'imprudence  d'y  aller  trouver  Charles 
duc  de  Bourgogne,  qui  l'y  retint  prifonnier  dans  le  château,  &  ne  le  lelâclia  qu'après  un  trai.é 
honteux. 

Les  Parifiens  qui  n'airnotent  pas  le  roi ,  apprirent  à  leurs  perroquets  à  re'pe'ter  Péronne ,  Téronnt. 
Quand  il  revint  en  fa  capitale,  il  entendit  fur  le  quai  de  la  Mégifferie  ces  oifeaux  cntt  Péronne  : 
il  en  fut  fi  indigné ,  qu'il  eut  la  foiDlelTe  ae  rendre  une  ordonnance  pour  faire  étrangler  tous 
les  oifeaux  babillards. 

Outre  Fraffen  &  Longueval  ,  P/r<7»»«  eft  encore  la  patrie  de  Michel  Germain,  bénédiftin  ,  le 
digne  &  fidèle  compagnon  d'étude  de  dom  Mabiilon  ,  mort  à  Saine  -  Germain  -  des  -  prés  cr\ 
1(^94,  âgé  de  49  ans.  A  une  petite  lieue  de  Péronne^  eft  la  faméufe  abbaye  du  mont  Saint* 
(Quentin,  de  l'ordre  de  S.Benoît.  (C.) 


40©  P  E  R 

dernière'  fflain  au  neuvieiKe  &  au  cfixieme' 
volumes  de  cet  ouvrage  ,  lorfqu'il  mourut 
,à  Paris  d'apoplexie  en  173$  ,  à  cinquante- 
quatre  ans..(i).  /,.) 

PERORAISON  ,  f.  f.  {Belles-Lettres.  ) 
en  rhétorique  ,  c'efi:  la  conclufîon  ou  la 
dernière  partie  du  difcours  ,  dans  laquelle 
l'orateur  réfume  en  peu  de  mots  les  princi- 
paux chefs  qu'il  a  traités  avec  étendue  dans 
k  corps  de  fa  pièce ,  &  tâche  d'émouvoir 
Içs  palhons  de  fes  auditeurs. 

Delà  il  s'enfuit  que  la  pérorai fon  eft 
Gompofée  de  deux  parties  ,  1°.  d'une  réca- 
pitulation ,  qui  contient  l'abrégé  &rexpofé 
îuccinft  de  toutes  les  chofes  fur  leiquelles  a 
roulé  le  difcours ,  &  auxquelles  on  tâche  de 
donner  une  nouvelle  force,  en  les  réuniiTant 
ainfi  d'une  manière  précife.  f^oye^  Réca- 
pitulation. ,     * 

2°.  L.'orateur  doit  y  exciter  les  paflîons , 
ce  qui  eft  fi  effentiel  à  la  pe'roraifon  ,  que 
\qs  maîtres-  de  l'art  appellent  cette  par- 
tie du  difcours  fedes  qff'ecîuum,  Voye:^ 
Passions. 

Les  paffions  qu'on  doit  exciter  dans  la 
péroraifon  ,  varient  fuivant  les  diverfes 
ei^eces  de  difcours.  Dans  un  panégyrique , 
ce  font  des  fèntimens  d'amour  ,  d'admi- 
ration ,  de  joie  ,  d'émulation  qu'on  fe  pro- 
pofe  d'imprimer  dans  l'ame  des  auditeurs. 
Dans  une  inveÔive  ,  c'eft  la  haine  ,  le 
mépris  ,  l'indignation  ,  la  colère ,  ùc.  Dans 
un  difcours  du  genre  délibératif ,  on  s'ef- 
force de  faire  naître  l'efpérance  Ou  la  con- 
fiance ,  d'infpirer  la  crainte  ou  de  jeter  le 
trouble  dans  les  cœurs. 

Les  qualités  requifes  dans  xim péroraifon^ 
font  qu'elle  foit  véhémente  &  pleine  de 
paiîîons  5  mais  en  même  temps  courte  j  car, 
félon  la  remarque  de  Cicéron  ,  les  larmes 
fechent  bien  vite.  Il  ne  faut  pas  laiffer  à 
l'auditeur  le  temps  de  refpirer ,  pour  ainfi 
dire  ,  parce  que  le  propre  de  la  réflexion 
eft  d'étendre  ou  d'amortir  la  paflîon. 

La  péroraifon.  étoit  la  partie  principale 
Cicéron   excelloit.   Et   en  effet 


ou 


non 


feulement  il  y  anime  &  échauffe  fès  audi- 
teurs ,  mais  il  y  fèmble  encore  lui-même 
tout  de  feu  ,  fur  -  tout  lorfqu'il  excite  la 
commifération  &  la  pitié  pour  un  accufé. 
Il  rapporte  que  fouvent  il  arrachoit  dés 
larmes  à  fon  auditoire  ,    &   même  aux 


P  E  ^ 

jugesT  ;'  &  if  ajoute  que  Torique  pîiifîeui^ 
orateurs  étoient  chargés  de  parler  dans; 
une  même"  caufe  ,  la  péroraifon  lui  étoit 
toujours  réfervée ,  &  il  nous  donne  une; 
excellente  raifon  de  «cette  préférence.  Cé- 
toit  moins  ,  dit  -  il  ,  le  génie  qui  le  ren- 
doit  éloquent  &  pathétique  dans  ces  oc- 
cafions ,  que  la  douleur  dont  il  étoit  lui- 
même  pénétré  ,  &  le  vif  intérêt  qu'il 
prenoit  à  fes  cliens  \  c'eft  ce  qu'il  eft.  aifé' 
i  de  remarquer  dans  ces  paroles  de  la  péro- 
raifon pour  Milon  :  Sei  finis  fit  ,  neque 
enim  prce  lacrymis  jam  loqui  po£um  ,  6»- 
hic  fe  lacrymis  defendi  vetat.  Et  dans  cell& 
jK)ur  Rabirius  Pofthumus  :  Sed  jam  quo- 
niam  ,  ut  fpero  ,  fidem  quam  potui  tibi 
prœjîiti  y  Pojihume  ,  reddam  etiam  lacrymas- 
quas  debeo.  Jam  indicat  tôt  hominum  ccz-- 
tus  quàm  fis  carus  tuis  ^  &  me  dolor  de-', 
bilitat  indu  dit  que  vocem. 

Quand  on  dit  que  la  péroraifon  doit 
émouvoir  les  paffions,  on  fuppofe  que  le 
fujet  en  eft  fiîfceptible  \  car  rien  ne  feroit 
plus  ridicule  que  de  terminer  par  des  traits 
pathétiques  une  caufè  où  il  ne  s'agiroit 
^.\Q  d'un  intérêt  léger  ou  d'un  objet  fort 
peu  important. 

On  peut  enfin  obferver  qu'on  conçoit 
quelquefois  la  péroraifon  en  forme  de 
prière  :  l'éloquence  de  \A  chaire  eft  jcftée 
en  pofTefîîon  de  cette  dernière  métnode  y 
très  -  convenable  aux  fujets  qu'elle  traite. 
On  en  trouve  cependant  quelques  exemples 
dans  les  orateurs  profanes ,  comme  dans 
la  harangue  de  Démofthenes  pour  Ctéfi- 
phon  ,  &  dans  la  féconde  Philippique  de 
Cicéron. 

PERORSI ,  C  Géogr.  anc,  ]  peuples  de 
fa  Mauritanie  Tingitane ,  felon  Pline  , 
/iv.  y  y  ch.  j  ;  Ptolomée,  liv,  IK^  ch.  vj  , 
les  place  dans  la  Lybie  intérieure  ,  loin  de 
la  mer.  Selon  le  père  Hardouin  ,  le  pays 
des  Perorfi  comprenoit  les  royaumes  de 
Zahanda  &  de  Teffet  ,  entre  le  royaume 
de  Maroc  ,  au  nord^  eelui  de  Gualata  au 
midi ,  &  l'océan  atlantique  au  couchante 
{D.J,) 

PÉROT,  f.  m.  {Eaux  &  Forets.)  Ce 
mot  de  l'exploitation  des  bois  ,  fe  dit 
d'un  arbre  qui  a  deux  âges  de  coi^e  ^  de 
forte  que  fi  la  conpe  fe  fait  tous  les  vingt- 

ciu^ 


P  E  R 

cinq  ans  ,  le  pérot  en  a  cinquante.  II  y  a 
trois  fortes  de  baliveaux,  les  étalons,  les 
pérots  &  les  tayons.  [D.  J.) 

PEROU  (  LE  )  ,  (  Géogr.  mod.  )  vafte 
région  de  l'Amérique  méridionale  ,  dans 
,  ià  partie  occidentale.  Elle  eft  bornée  au 
nord  par  le  Popayan  j  au  midi  par  le 
Chili  ^  à  l'orient  par  le  pays  des  Amazo- 
nes ,  &  au  couchant  par  la  mer  du  fud. 
Ce  pays  a  environ  fix  cents  lieues  de  lon- 
gueur du  nord  au  fiid,  &  cinquante  de 
largeur. 

Dhs  l'année  1502  ,  Chriftophe  Colomb 
étant  dans  la  province  de  Honduras  ,  qu'il 
venoit  de  découvrir  ,  eut  des  naturels  du 
pays  quelque  connoifTance  du  Pérou  , 
c'eft-à-dire ,  d'un  puilTant  empire  abondant 
en  or,  qui  étoit  du  côté  de  l'orient  ,  ce 
qui  l'empêcha  d'y  tourner  fes  vues.  Eu  15 14, 
Pafchal  de  Andagoya  découvrit  une  partie 
de  la  côte  de  la  mer  du  fud ,  mais  il  tira 
peu  de  profit  de  ce  voyage.  Enfin,  en  1 524, 
François  Pizarro  partit  de  Panama  ,  & 
découvrit  la  province  du  Béru  (  c  etoit  le 
nom  d'un  indien  ) ,  qu'il  donna  au  pays  , 
en  changeant  le  B  en  P  ^  car  les  Efpagnols 
écrivent  Péru  ,  &  prononcent  Pérou.  On 
fait  comment  il  conquit  toute  cette  région 
depuis  le  royaume  de  Quitto  julqu'au  Chili , 
dans  l'efpace  de  dix  ans. 

On  fait  aufïï  qu'avant  ce  temps-là  cette 
vafte  contrée  avoit  été  gouvernée  par  des 
rois  nommés  yncas  ,  dont  la  magnificence 
étoit  étonnante  ,  &  dont  les  richeffes 
ctoient  immenfes  ^  on  peut  en  juger  par 
TofFre  que  fit  à  Pizarro  le  dernier  des  yncas 
pour  obtenir  fa  liberté.  Atahualipa  lui 
offrit  pour  fa  rançon  autant  d'or  qu'il  en 
pourroit  entrer  dans  une  chambre  de  vingt- 
deux  pies  de  long  ,  de  dix-fept  de  large  , 
&  de  fix  de  haut.  Il  refte  encore  dans  le 
pays  des  vefliges  de  leurs  temples  en 
l'honneur  du  ibleil  ,  &  du  grand  chemin 
de  Quitto  ,  qui  avoit  quarante  pies  de 
largeur  ,  cinq  cents  lieues  de  longueur  , 
&  de  hautes  murailles  des  deux  côtés. 
L'empire  des  yncas  avoit  alors  des  bornes 
deux  fois  plus  étendues  que  celles  qu'on 
donne  au«  pays  nommé  aujourd'hui  le 
Pérou, 

Il  eft  traverfé  par  une  chaîne  de  mon- 
tagnes appellées  la  Cordillera  de  los-^ndés. 
TomeXXr. 


P    E   R  401 

II  eft  rempli  de  plufieurs  autres  montagnes 
fameufès  par  les  abondantes  mines  d'or  & 
d'argent  qu'on  y  a  trouvées.  Les  forêts 
y  produifent  des  cèdres  de  plufieurs  e(pe- 
ces  ,  des  cotonniers  ,  des  bois  d'ébene  , 
&  difterens  autres.  Les  vallées  qui  peuvent 
être  arrofees  font  très  -  fertiles  ^  mais  la 
plus  grande  partie  du  pays  eft  ftérilc  faute 
de  pluies.  Le  chaud  &  le  froid  y  font 
excedifs ,  félon  les  différens  endroits  j  les 
montagnes  qui  font  étendues  le  long  des 
Anides  font  très-froides  ,  tandis  que  l'oa 
étouffe  dans  le  plat  pays. 

Depuis  que  le  Pérou  eft  fous  la  domi- 
nation efpagnole  ,  il  eft  gouverné  par  un 
vice-roi ,  dont  le  pouvoir  eft  fans  bornes. 
Ses  appointemens    fixes  vont  à  quarante 
mille   ducats  ,    &  l'accefToire  monte  infi- 
niment   au   delà.  Il  nomme   à  toutes  les 
places  civiles   &    militaires  ,    avec   cette 
reftriéïiou  que  les  procédures  ièront  con- 
firmées par  le  roi  d'E (pagne  j    ce  qui  ne 
manque  guère  d'arriver.  Entre  les  Indiens 
naturels  du  pays  ,  une  partie  a  embraffé  le 
chriftianifme  ,    &  s'eft  fbumife   au  joug  : 
l'autre  partie  ,  infiniment  plus   confidéra- 
hle  ,  eft  reftée   idolâtre    &  indépendante. 
Les  Efjjagnols  divifent  le  Pérou  en  trois 
gouvernemens  ,  qu'ils  appellent  audiences  ; 
favoir ,  1  audience  de   Quitto  ;,  l'audience 
de  Lima ,  ou  de  Los-reyes  ^  l'audience  de 
los  Charchas  ,  ou  de  la  Plata  j  mais  ils  ont 
beau  divifer  le  pays  en  audiences  ,   ils  n'en 
retirent  prefque  plus  rien.  Lima  porte  le 
nom    de   capitale    du    Pérou.    Voyer    fur 
cette  grande  région  d'Amérique  ,   le  com- 
mentaire royal  du  Pérou  du  chevalier  Paul 
Ricaut ,  2  vol.  in- fol.  c'eft  un  bel  ouvrage. 
{D.  J.) 

Le  Pérou  produit  une  plante  que  Von 
nomme  cierge  ou  flambeau  du  Pérou  \, 
à  caufe  de  fa  forme  &  du  lieu  qui  la  voit 
naître.  Cette  plante ,  que  nous  avons  faitcon- 
noître,  au  mot  Cierge  Jw P.rrow ,  eft  grafTc 
&  viyace.  Elle  s'élève  depuis  la  hauteur 
de  dix  pies  ,  dit  M.  Adanfon  ,  où  qWq 
commence  à  fleurir ,  jufqu'à  celle  de  30 
pies,  fous  la  forme  d'une  tige  heptagone 
de  dix  à  fept  pouces  de  diamètre  ,  cou- 
ronnée par  un  faifceaii  de  branches  de 
même  forme  ,  anguleufès  de  même  ,  à 
fiuuofités  très  -  profondes  ,    fans  feuilles 

E  ce 


401  P  E  R 

apparentes  ,  verd-noirâtres  ,  femé  fur  f;s 
angles  feulement  de  petits  faiiceaux  coin- 
pofés  chacun  de  dix  épines  longues  de 
quatre  à  cinq  lignes  ,  rayonnantes  ,  rouges 
d'abord ,  à  pointe  jaune  ,  enfuite  violet 
noires  ,  au  milieu  defquelles  eft  un  duvet 
blanc  ,  qui  environne  une  petite  feuille 
conique  ,  charnue  &  infenfible.  Sa  tige  ,  en 
vieillilfant ,  perd  fes  angles  &  fes  épines , 
&  devient  jaune  de  bois.' 

Il  y  a  une  autre  cfpece  de  cierge  du 
Térou  ,  qui  eft  rampant ,  à  fleur  rouge  ,  & 
petit  fruit  fphérique.  M.  Adanfon  penfe 
que  M.  Linné  a  eu  tort  de  lui  donner  le 
nom  de  caclus ,  qui  eft  le  nom  grec  de 
l'artichaut  ,  félon  Théophrafte.  Il  faut 
conferver  à  cette  plante  de  l'Amérique  , 
qui  étoit  inconnue  des  Grecs ,  le  nom  de 
cereus  que  les  modernes  lui  ont  unanime- 
ment donné. 

PÉROUSE  ,  (  Géogr.  mod.  )  en  latin 
Perufia  &  Perufîum  ,  &  en  italien  Peru- 
gia ,  ville  d'Italie  dans  l'état  de  l'églife  , 
capitale  du  Pérugin. 

Elle  fut  autrefois  une  des  douze  princi- 
pales villes  de  TEtrurie  '-,  mais  ,  durant 
les  guerres  civiles  entre  Oéiave  &  Marc- 
Antoine  ,  ce  premier  l'ayant  prife  ,  la 
faccagea  impitoyablement  ,  en  abandonna 
le  pillage  à  (qs  troupes ,  &  fit  tuer  en  fa 
préfence  les  trois  cents  hommes  qui  cora- 
pofoient  fon  fénat.  Elle  fe  rétablit  dans  la 
fuite  ,  &  foutint  un  fiege  de  lëpt  ans 
contre  Totiia  roi  àcs  Goths ,  qui  la  prit 
à  la  fin  ,  la  ruina  ,  & paila  au  fil  de  lepce 
une  partie  de  lès  habitans.  Les  rois  de 
France  l'ayant  conquifë  au  VIII  fiecle ,  la 
donnèrent  au  faint  fiege.  Enfin  ,  elle  fut 
mife  dans  la  défolation  durant  la  guerre 
des  Guelphes  &  des  Gibelins  ^  mais  elle 
s'eft  relevée  de  tous  fes  malheurs.  Elle 
eft  aujourd'hui  très- propre  ,  aflèz  peuplée  , 
&  défendue  par  une  citadelle.  Elle  étoit 
épifcopale  dès  le  ni  fiecle.  L'évêque  ne 
reconnoît  que  le  pape.  Elle  eft  fituée  entre 
le  Tibre  au  levant ,  &.  la  rivière  de  Genna 
au  couchant ,  fur  une  colline  ,  à  8  milles 
au  nord-eft  d' Afiife  ,25  oueft  de  Nocera. 
Long.  32.  Z.Jat.  43.  8. 

J'ai  oublié  de  dire  que  Péroufe  eft  une 
univerfité ,  qui  même  a  produit  des  jurif- 
eonfultes    célèbres    dans    le    XIV    fiecle. 


P  E  R 

Balde ,  dîfclple  de  Bartole ,  fut  du  nombre" 
Une  de  {&s  reparties  lui  valut  la  chaire  de 
Pavie.  Il  étoit  de  petite  taille  ,  de  forte 
que  quand  on  le  vit  arriver  dans  l'auditoire 
on  s'écria  ,  minuit  prœfcntia  famam*  Il 
répondit  ,  fans  fe  décontenancer ,  augebit 
cœtera  virtus  ;  fur  quoi  Pauzirole  ajopte  , 
quo  diâo  omnibus  fui  admirationcm  in- 
jecit.  Balde  gagna  beaucoup  de  bien  par 
fes  confultations  ,  &  ^compofa  quantité  de 
livres,  donnant  tout  fon  temps  à  l'étude. 
«  Chaque  pas  que  fait  m^on  cheval ,  difoit- 
»  il  un  jour  en  voyageant  ,  font  autant 
))  de  loix  qui  fortent  de  ma  mémoire  :  » 
bonne  jjreuve  qu'il  avoit  acquis ,  &  qu'il 
confervoit  ion  favoir  à  force  de  lire. 

Mais  ce  font  les  Dantes  de  la  famille 
de  Rainaldi ,  qui  ont  fur- tout  illuftré  de 
bonne  heure  l'univerfité  de  Péroufe  ;  c'é- 
toient  des  gens  en  qui  les  talens  femblent 
avoir  été  un  héritage  dans  l'un  &  l'autre 
fexe. 

Dante  (  Pierre-Vincent  ) ,  entendit  les 
belles-lettres  ,  les  mathématiques  ,  l'archi- 
tecture ,  &  compofoit  de  fi  beaux  vers  à 
l'imitation  de  Dante  florentin  ,  que  l'on 
jugea  qu'il  faifoit  revivre  en  quelt[ue  façon 
la  fublimité  de  ce  grand  génie.  On  lui 
donna  même  le  furnom  de  Dante ,  qui 
eft  refté  à  fa  famille.  Il  mourut  fort  âgé 
en  1S12.  j  laiflànt  un  fils  &:  une  fille  qui 
fc  diftinguerent.  Ce  fils  ,  nommé  Julius  , 
fit  un  livre  de  alluvione  Tyberis  ,  &  des 
notes  in  ornamenta  architeclurœ.  Il  mourut 
l'an  1575.  Théodore  Dante  ,  fa  fœur  , 
mérita  un  rang  parmi  les  n:iathématiciens 
du  temps.  Elle  compofa  à&s  livres  fur 
cette  foience ,  &  l'enlèigna  à  Ignace  ,  fou 
neveu  ,  dont  je  vais  parler. 

-  Dante  (Ignace)  ,  fe  fit  moine  jacobin  , 
mais  moine  jacobin  favant  dans  les  mathé- 
matiques. Il  fut  appelle  à  Florence  par  le 
grand  duc  Cofme  I  ,  &  enfiiite  à  Rome 
par  Grégoire  XIII ,  qui  lui  donna  l'évêché 
d'Alatri.  Il  publia  quelques  livres  à  Flo- 
rence ,  &  entr'autres  un  traité  de  la  conf- 
truclion  ù  de  tufage  de  tafirolabe.  Il  mou- 
rut en  1586. 

Dante  (  Vincent  ) ,  fils  de  Jule  ,  petit- 
fils  de  Pierre-Vincent ,  &  neveu  de  la 
doâe  Théodora ,  fuivit  au  fil  les  études  de 
Ça  famille ,  &  devint  bon  architecte  &  boa 


P  E  R. 

«athématîcièn.  Il  fut  de  plus  très-verfe 
dans  la  peinture  &  dans  la  fculpture.  On 
a  de  lui  en  italien  la  vie  de  ceux  qui  ont 
excellé  dans  le  deffin  des  ftatues.  Il 
mourut  à  Péroufe  l'an  1596,    à  l'âge  de 

4<5  ans. 

Dante  (  Jsan-Baptifte  ) ,  né  à  Péroufe 
dans  le  XV  Tiecle ,  étoit  encore  vraifern- 
blablement  de  la  même  famille.  On  dit 
qu'il  fe  lit  des  aijes  dont  il  fe  fer  vit  pour 
voler  ,  &  qu'en  en  faifant  l'expérience 
dans  le  temps  d'une  grande  fête  ,  il  eut 
le  fort  de  Dédale,  tomba  en  volant  fur 
une  églife  de  la  ville  ,  &  fe  calfa  une 
cuiffe.  Il  ne  mourut  pas  de  cette  chute , 
mais  de  maladie  avant  l'âge  de  40  ans. 

Zû/7<re/o^  (Jean- Paul  )  ,  floriifoit  dans  le 
droit  à  Péroufe  fa  patrie ,  vers  le  milieu 
du  XVI  fiecle  ,  &  mourut  dans  CQttQ  ville 
en  1591  ,  âgé  de  80  ans.  Il  a  mis  au  jour 
plufieurs  livres  de  droit  ,  &  ewtr'autres 
des  inftitutes  du  droit  canon  ,  réimprimées 
en  France   avec  des  notes  de  M.  Doujat. 

{D.J.)  ^ 

PÉROUSE  (  LAC  DE  )  ,  (  Géogr.  mod.  ) 
lac  très-poiifonneux  d'Italie  ,  à  7  milles  de 
la  ville  de  même  nom  ,  du  côté  du  cou- 
chant. Il  eft  prefque  rond  ,  &  a  environ  fix 
milles  de  diamètre  en  tout  temps.  On  y 
voit  trois   îles  ,    dont  deux    ont   chacune 

un  bourg. 

PERPEIRE  ,  f.  m.  arnoglojfus  lavis  , 
{  Hiji.  nat.  Ichthiol.  )  poiffon  de  mer  qui 
eft  une  efpece  de  foie  ,  à  laquelle  il  ref- 
femble  par  la  forme  du  corps  ,  &  par  le 
nombre  &  la  pofition  des  nageoires  3  il 
n'en  diffère  qu'en  ce  qu'il  a  ào.^  écailles  fi 
petites ,  qu'on  croit  au  premier  coup  d'œil 
qu'il  n'en  a  point ,  &  que  c'eft  un  poiffon 
liffe.  Voye^^  SoLE.  La  chair  du  perpètre  eft 
fort  tendre  &  très-délicate.  Rondelet,  hift. 
nat.  des  poijons ,  première  part.  liv.  XI  , 
c/i.  xiij.  Voyei  PoiSSON. 

PERPENDICULAIRE  ,  f.  f.  en  terme 
de  géométrie  ,  eft  une  ligne  qui  tombe 
diredement  fur  une  autre  ligne  ,  de  façon 
qu'elle  ne  penche  pas  plus  d'un  côté  que 
de  l'autre  ,  &  fait  par  conféquent  de  part 
■êc  d'autre  des  angles  égaux.  On  l'appelle 
auffi  ligne  normale.  ?^oyf;[  LiGNE. 

Ainfi  la  ligne  IG  (  PL  géogr.  fig.  57  )  eft 
perpendiculaire   à  la  ligne  K  H  ,   c'eft-à- 


P  E  R  403 

dire ,  qu'elle  fait  avec  cette  ligne  K  H  àQs 
angles  droits  &  égaux. 

De  cette  définition  de  la  perpendicu- 
laire ^  il  s'enfuit,  1°.  que  la  perpendi- 
cularité  eft  mutuelle  &  réciproque  j  c'eft- 
à-dire  ,  que  fi  une  ligne  /  G  eft  perpen- 
diculaire à  une  autre  ligne  K  H  ,  cette 
ligne  K  H  eft  aufii  peipendiculaire  à  la 
première  I  G. 

2°.  Que  d'un  point  donné  on  ne  peut 
tirer  qu'une  perpendiculaire  à  une  ligne 
donnée. 

3°.  Que  fi  on  prolonge  une  ligne  per- 
pendiculaire  à  une  autre  ,  de  manière  qu'elle 
paffe  de  l'autre  côté  de  cette  ligne  ,  la 
partie  prolongée  fera  aufil  perpendiculaire  à 
cette  même  ligne. 

4°.  Que  fi  une  ligne  droite  qui  en  coupe 
une  autre  ,  a  deux  points  qui  foient  chacun 
à  égale  diftance  des  extrémités  de  la  ligne 
qu'elle  coupe  ,  elle  fera  perpendiculaire  à 
cette   ligne. 

5°.  Qu'une  ligne  perpendiculaire  à  une 
autre  ligne  ,  eft  auHi perpendiculaire  à  toutes 
les  parallèles  qu'on  peut  tirer  à  cette  ligne. 
royei  Parallèle. 

6".  Que  la  perpendiculaire  eft  la  plus 
courte  de  toutes  les  lignes  qu'on  peut 
tirer  d'un  point  donné  à  une  ligne  droite 
donnée. 

Donc  la  diftance  d'un  point  à  une  ligne 
droite,  femefure  par  la  perpendiculaire 
même  de  ce  point  fur  la  ligne ,  &  la 
hauteur  d'une  figure  ,  par  exemple ,  d'un 
triangle  ,  eft  une  perpendiculaire  même 
du  fommet  de  la  figure  ûir  fa  bafè.  Fbj. 
Distance. 

Pour  élever  une  perpendiculaire  GI  fur 
la  ligne  M  L  ,  à.  un  point  G  pris  dans  cette 
ligne  ,  ou  mettra  une  des  pointes  du  com- 
pas en  G  ,  &  ouvrant  le  compas  à  volonté  , 
on  prendra  de  chaque  côté  de  ce  point  G 
des  intervalles  égaux  G  H  &  GK;  des 
points  K ,  H  y  ti  d'un  intervalle  plus 
grand  que  la  moitié  de  KH,  on  décrira 
des  arcs  de  cercle  qui  le  coupent  en  7  ;  & 
on  fixera  la  ligne  GI  qui  kia  perpendicu- 
laire à  M  L. 

Dans  la  pratique  ,  la  meilleure  méthode 
pour   tirer  les  perpendiculaires  eft  d'appli- 
quer le  côté  d'une  équerre  fur  la  ligne  pro- 
pofée  ,  &  de  tirer  le  long  de  l'autre  côté 
E  e  e  2 


404  P  E  R 

une  ligne  ,  qui  ièra  la  perpendiculaire 
cherchée. 

Pour  élever  une  perpendiculaire  à  lex- 
trémité  d'une  ligne  donnée  ,  par  exemple , 
au  point  P  ,  on  ouvrira  le  compas  d'une 
quantité  convenable,  &  mettant  une  des 
pointes  C ,  on  décrira  l'arc  R  P  S  ;  on  pla- 
cera une  règle  fur  les  points  5  &  C  ,  &  on 
trouvera  fur  l'arc  R  F  S  le  point  R  ,  du- 
quel tirant  la  ligne  F  Ry  elle  {^rà perpen- 
diculaire à  P  M. 

Pour  laiiTer  tomber  d'un  point  donné  / 
hors  d'une  ligne  iliP,  unQ  perpendiculaire 
à  cette  ligne  MP  {fig.  57,  /2.  2 ,  )  on 
mettra  une  des  pointes  du  compas  en  L , 
&  on  décrira  à  volonté  un  arc  de  cercle 
qui  coupe  la  ligne  M  P  en  M  èc  en  G  ; 
enfiiite  mettant  la  pointe  du  compas  fuc- 
cefllvement  en  G  &  en  M ,  on  décrira 
deux  autres  arcs  qui  fè  coupent  en  a  ,  èi 
par  les  points  L  y  a  ,  011  tirera  une  ligue 
X  a  ,  qui  fera  la  perpendiculaire  demandée. 

On  dit  qu'une  ligne  eH  perpendiculaire  à 
lin  plan  ,  quand  elle  eft  perpendiculaire  à 
toutes  les  lignes  qu'elle  reacontre  dans  ce 
inê  ne  plan. 

Un  plan  eft  dit  perpendiculaire  à  un 
autre  plan  ,  quand  une  ligne  ,  tirée  dans  un 
des  plans  perpenxdiculairemeiit  à  leur  com- 
mune ieâ:ion  ,  eft  perpendiculaire  à  l'autre 
plan.  Voye:^  Plan. 

Une  perpendiculaire  à  une  *  courbe  ,  eft 
une  ligne  qui  coupe  la  courbe  dans  un 
point  où  une  autre  ligne  la  touche  ,  &  qui 
eft  perpendiculaire  à  la  ligne  touchante. 
Voyei  Tangente  &  fon  Perpendicu- 
laire. Chambers.  {E) 

Perpendiculaire  {la')  ^  ceft  dans 
les  fyftêmes  de  M"  de  Pagan  &  de  Vau- 
ban  ,  la  partie  du  rayon  droit  comprife 
entre  le  côté  extérieur  &  l'angle  flanquant , 
laquelle  partie  fert  à  mener  ks  lignes  de 
défenfe. 

Ainfi  /  B  (  PL  n  de  fortifie,  fig.  7  J 
eft  la  perpendiculaire  :  elle  eft  dans  les 
lyftêmes  ou  conftruâions  de  M.  de  Vau- 
ban  ,  la  huitième  partie  du  côté  du  poly- 
gone dans  le  quarré ,  la  feptieme  dans  le 
pentagone  ,  &  la  fixieme  dans  l'hexagone 
&  dans  les  polygones  au  deffus.  Voye-^^ 
FoRTIFtCATION.  (Ç) 

PJEKPeNDICULAfUTE  DE&PLAN- 


P  E  R 

TES  ,  eft  un  phénomène  curieux  d'hrftoîre 
naturelle ,  que  M.  Dodart  a  le  premier 
obfervé  &  publié  dans  uu  elTai  fur  la 
perpendicularité  que  paroilîènt  affeâer  & 
obier  ver  les  tiges  ou  troncs  des  plantes  , 
les  racines  de  plufieurs  d'entr'elles  ,  Se 
même  leurs  branches  ,  autant  qu'il  eft  pof- 
fible.  ?^ojf:{  Plante. 

Voici  le  fait  qu'il  s'agit  d'expliquer. 
Prefque  toutes  les  plantes  ,  quand  elles  f& 
lèvent,  font  un  peu  recourbées  \  cepen- 
dant leurs  tiges  croiftent  perpendiculaire- 
ment ,  &  leurs  racines  s'abaiiFent  &  s'en- 
foncent auiîi  perpendiculairement  ^  lors 
même  qu'elles  font  forcées  de  s'incliner  , 
foit  par  la  déclivité  du  fol  ,  fôit  par  quel- 
que autre  caufe  ,  elles  fe  rcdreifent  d'elles- 
mêmes  ,  &  fe  remettent  ainfi  dans  la  ii- 
tuation  perpendiculaire ,  en  (aifant  un  fé- 
cond pli  ou  coude  qui  redreffe  le  premier.. 
Ce  phénomène ,  ^i\e  le  vulgaire  voit  fans 
être  furpris ,  eft  \\n  fujct  d'étonnement  pour 
ceux  qui  connoillent  les  plantes  &  la  ma- 
nière dont  elles  fè  forment. 

En  effet  ,  chaque  graine  contient  une 
petite  plante  déjà  formée ,  &  qui  n'a  befoin 
que  de  développement  :  cette  petite  plante 
a  la  petite  racine  j  &  la  pulpe  ,  qui  efl 
ordinairement  féparée  en  deux  lobes ,  eft 
l'endroit  d'où  la  plante  tire  fa  première 
nourriture  par  le  moyen  de  fa  racine  ,  iorf^ 
qu'elle  comn  eace  à  germer.  Voye-;^  GRAI- 
NE ,  Radicule  ,  fir. 

Or ,  fi  une  graine  eft  placée  en  terre  de 
telle  forte  que  la  racine  de  la  petite  plante 
fbit  direâement  en  bas,  &  la  tige  en  haut  ^ 
'  il  eft  aifé  de  concevoir  ^e  la  plante  ve- 
nant à  croître  &  à  fè  développer ,  la  tige 
■  fe  lèvera  perpendiculairement ,  &  que  fa> 
racine  defcendra  aufîi  perpendiculairement.. 
Mais  wne  graine  qu'on  jette  en  terre'  au 
hazard,  ou  qui  vient  s'y  jeter  elle-même^, 
ne  doit  prefque  jamais  prendre  une  fituatioa 
telle  que  la  petite  plante  qu'elle  renfermer 
ait  Êi  tige  &  fa  racine  placées  perpendicu» 
lairement ,  l'une  en  haut ,  l'autr^e  en  bas.. 
Voye-j^  Sémination. 

Par  conféquent  ,  fi  la  plante  prend  touter 
autre  fituation  ,  il  faut  que  la  tige  &;  la. 
rachie  fè  redrefTent  d'elles-mêmes:  maist; 
quelle  eft  la  force  qui  produit  ce  change- 
mcntl  Eft-ce  queiatige  étaut  moins  chargée 


P  E  R 

diins  le  fens  perpendiculaire  ,  doit  natu- 
relletiient  fe  lever  dans  le  fens  où  elle 
trouve  le  moins  d'obftacles  ?  Mais  la  racine 
devroit ,  par  la  même  raifon  ,  fe  lever 
perpendiculairement  de  bas  en  haut ,  au 
lieu  de  delcendre  comme  elle  fait. 

M.  Dodart  a  donc  eu  recours  à  une 
autres  explication  pour  ces  deux  aâiions  fi 
différentes. 

Il  fuppofe  que  les  fibres  des  tiges  font 
de  telle  nature ,  qu  elles  fe  raccourcilfent 
par  la  chaleur  du  foleil ,  &  s'alongent  par 
l'humidité  de  la  terre ,  &  qu'au  contraire 
celles  des  racines  fe  raccourciffent  par  l'hu- 
midité de  la  terre ,  &  s'alongent  par  la 
chaleur  du  foleil. 

Selon  cette  hypothefè,  quand  la  plante 
eft  renverfée ,  &  que  la  racine  eft  par  con- 
féquent  en  en- haut ,  les  fibres  d'un  même 
éi^heveau  ,  qui  fait  une  des  branches  de 
la  racine  ,  ne  font  pas  également  expofées 
à  l'humidité  de  la  terre  j  celles  qui  regar- 
dent en  en-bas  le  font  plus  que  les  fiipé- 
rieures.  Les  fibres  inférieures  doivent  donc 
fe  raccourcir  davantage ,  &  ce  raccourcif 
fèment  eft  encore  facilité  par  l'alongement 
des  fupérieures  ,  fur  lefquelles  le  foleil  agit 
avec  plus  de  force.  Par  conféqueut  cette 
branche  entière  de  racine  fa  rabat  du  côté 
de  la  terre  ,  &  comme  il  n'eft  rien  de  plus 
délié  qu'une  racine  naiffante  ,  elle  ne  trouve 
point  de  difficulté  à  s'infinuer  dans  les  pores 
d'une  terre  qui  fèroit  même  aflez  compadle, 
&  cela  d'autant  moins  qu'elle  peut  gauchir 
en  tous  fens  ,  pour  trouver  les  pores  les 
plus  voifins  de  la  perpendicuhûre.  En  ren- 
veriànt  cette  idée ,  M.  Dodart  explique 
pourquoi  au  contraire  la  tige  fe  redreffe  : 
en  un  mot ,  on  peut  imaginer  que  la  terre 
attire  à  elle  la  racine ,  &  que  le  foleil 
contribue  à  la  laiffer  aller  ^  qu'au  contraire 
le  foleil  attire  la  tige  à  lui ,  &  que  la 
terre  l'envoie  en  quelque  forte  vers  le 
foleil. 

A  l'égard  du  fécond  redreffement,  fàvoir, 
du  redreffement  de  la  tige  en  plein  air , 
M.  Dodart  l'attribue  à  l'impreiîion  des 
agens  extérieurs  ,  principalement  du  foleil 
&  de  la  pluie  ^  car  la  partie  fùpérieure 
d'une  tige  pliée  eft  plus  expofée  à  la  pluie  , 
à  la  rofée  ,  &  même  au  foleil ,  que  la 
partie  iuférieure  :  or  la  ûrudure  des  fibres 


PEU  40f 

peat  être  telle  que  ces  deux  caufes ,  fàvoir 
l'humidité  &  la  chaleur ,  tendent  égale- 
ment à  redreft!er  la  partie  qui  eft  la  plus 
expofée  à  leur  adion ,  par  l'accourcilfement 
qu'elles  produifent  fucceftîvementdans  cette 
partie  :  car  l'humidité  accourcit  les  fibres 
en  gonflant  ,  &  la  chaleur  en  diifipant. 
Il  eft  vrai  qu'on  ne  peut  deviner  quelle 
doit  être  la  ftruâure  des  fibres  ,  pour 
qu'elles  aient  ces  deux  différentes  qua- 
lités. 

M.  de  la  Live  explique  ce  mxme  phé- 
nomène de  la  manière  fuivante  :  il  conuoît 
que  dans  les  plantes  la  racine  tire  un  fuc 
phis  grolUer  &  plus  pefant ,  &c  la  tige  au 
contraire  &  les  branches  un  (ijc  plus  fia 
&  phis  volatil  j  &  en  effet ,  la  racine  palle 
chez  tous  les  phyficiens  pour  l'eftomac  de 
la  plante  ,  où  les  fucs  terreftres  fe  digèrent, 
&  fe  fiibîilifènt  au  point  de  pouvoir  en- 
fuite  fe  lever  jufqu'aux  extrémités  des 
branches.  Cette  différence  des  fucs  fuppofe 
de  plus  grands  pores  dans  la  racine  que 
dans  la  tige  &  dans  les  branches  ,  en  un 
mot ,  une  différente  contexrure  j  &  cette 
différence  de  tiftù  doit  fe  trouver ,  les 
proportions  gardées ,  jufques  dans  la  petite 
plante  inviiible  que  la  graine  renferme.  II 
faut  donc  imaginer  dans  cette  petite  plante, 
comme  un  point  de  partage ,  tel  que  tout 
ce  qui  fera  d'un  côté,  c'eft-à-dire,  fi  l'on 
veut  la  racine ,  fe  développera  par  des; 
fucs  plus  greffiers  qui  y  pénétreront ,  & 
tout  ce  qui  fera  de  l'autre  ,  par  des  fucs  plus 
fubtiîs. 

Que  la  petite  plante,  lorfqu'elle  com- 
mence à  fe  développer,  foit  entièrement 
renverfée  dans  la  graine  ,  de  forte  qu'elle 
ait  fa  racine  en  haut ,  &  fa  tige  en  bas  5 
les  fucs  qui  entreront  dans  la  racine  ne 
laifferont  pas  d'être  touj:ours  les  plus  gref- 
fiers j  &  quand  ils  l'auront  développée,  & 
en  auront  élargi  les  pores  ,  au  point  qu'il 
y  entrera  des  fucs  terreftres  d'une  cer- 
taine pefanteur,  ces  fucs,  toujours  plus: 
pefans  ,  appefàntiffant  toujours  la  racine  de 
plus  en  plus,  la  tireront  en  en-bas  ,  &  cela 
d'autant  plus  facilement ,  ou  avec  d'autant 
plus  d'effort,  qu'elle  s'étendra  ou  s'alon- 
gera  davantage  j  car  le  point  de  partage 
fuppofe  étant  connu  comme'  une  efpece 
de  point  fixe  de  iéviei ,  ils  agiroat  par  ua 


40^  P  E    R 

plus  long  bras.  Dans  le  mç me  temps,  les 
plus  volatils  qui  auront  pénétré  la  tige  , 
tendront  aulîî  à  lui  donner  leur  direâion 
de  bas  en  haut ,  &  par  la  raifon  du  levier 
i!s  la  lui  donneront  plus  aifëment  de  jour 
en  jour ,  puifqu'ellc  s'alongera  toujours  de 
plus  en  [)lus.  Ainiî  la  petite  plante  tourne 
fiir  le  point  de  partage  immobile  ,  jufqu'à 
ce  qu'elle  fe  foit  entièrement  redreirôe. 

La  plante  s'étant  ainfi  redreflee  ,  on 
voit  que  la  tige  doit  fè  lever  perpendi- 
culairement pour  avoir  une  afliette  plus 
ferme ,  &  pour  pouvoir  mieux  réfifter  aux 
eflbrts  du  vent  &  de  l'eau. 

Voici  l'explication  donnée  fur  la  même 
matière  par  M.  Parent  :  le  fuc  nourricier 
étant  arrivé  à  l'extrémité  d'une  tige  qui  fe 
levé  ,  s'il  s'évapore  ,  le  poids  de  l'air  qui 
l'environne  de  tous  côtés  doit  le  faire 
monter  verticalement  ;  &  s'il  ne  s'évapore 
point ,  mais  qu'il  fe  congelé  &  qu'il  de- 
meure fixé  à  l'extrémité  d'où  il  foit  prêt  à 
fortir ,  le  poids  de  l'air  lui  donnera  encore 
la  dire6i:ion  verticale  ^  de  forte  que  la  tige 
acquerra  une  particule  nouvelle  ,  placée 
verticalement  ;  par  la  même  raifon  que 
dans  une  chandelle  placée  obliquement , 
la  flamme  fe  kve  verticalement  en  vertu 
de  la  preflion  de  l'atmofphere  ,  les  nou- 
velles gouttes  de  fuc  nourricier  qui  vien- 
dront enfuite  ,  auront  la  même  direftion  : 
&  comme  toutes  ces  gouttes  réunies  for- 
ment la  tige ,  elles  lui  donneront  une  direc- 
tion verticale  ,  à  moins  que  quelque  caufe 
particulière   n'en  empêche. 

A  l'égard  des  branches ,  qui  d'abord  font 
fuppofées  fortir  latéralement  de  la  tige  dans 
le  premier  embryon  de  la  plante ,  quoi- 
qu'elles aient  par  elles-mêmes  une  dired:ion 
horizontale  ,  elles  doivent  cependant  fe 
redreffer  par  l'aâion  continuée  du  fuc 
nourricier,  qui  d'abord  trouve  peu  de 
réfiflance  dans  les  branches  encore  tendres 
&  fouples ,  &  qui  enfuite ,  lorfque  les 
branches  font  devenues  plus  fortes ,  agit 
encore  avec  beaucoup  d'avantage ,  parce 
qu'une  branche  plus  longue  donne  un  plus 
long  bras  de  levier.  L'aâ:ion  d'une  peti- 
te goutte  de  fuc  nourricier,  qui  eft  en 
elle- même^ fort  petite  ,  devient  plus  confi- 
dérable  par  fa  continuité ,  &  par  le  fecours 
des  circonflances  favorables  3    par-là   on 


P  E  R 

peut  expliquer  la  fîtuation  &  la  direftion 
confiante  des  branches ,  qui  font  prefque 
toutes  &  prefque  toujours  le  même  angle 
confiant  de  45^.  avec  la  tige  &  entr'elles. 
f^oyei  Branche. 

M.  Aflruc ,  pour  expliquer  la  perpend/- 
cularité  de  la  tige  &  fon  redrelfement , 
fuppofè  ces  deux  principes  :  1°.  que  le  fuc 
nourricier  vient  de  la  circonférence  de  la 
plante ,  &  fe  termine  vers  la  moelle  j 
2°.  que  les  liquides  qui  font  dans  àes 
tuyaux  parallèles  ou  inclinés  à  l'horizon, 
pefent  fur  la  partie  inférieure  de  leurs 
tuyaux ,  &  n'agifîènt  point  du  tout  fur  la 
fupérieure. 

II  efl  aifé  de  conclure  de  ces  deux  prin- 
cipes ,  que  lorfque  les  plantes  font  dans  une 
fituation  parallèle  ou  inclmée  à  l'horizon  , 
le  fuc  nourricier  qui  coule  de  leur  racine 
vers  leur  tige ,  doit  par  fon  propre  poids 
tomber  dans  les  tuyaux  de  la  partie  infé- 
rieure ,  &  s'y  ramaffer  en  plus  grande 
quantité  que  dans  ceux  de  la  partie  fupé- 
rieure \  ces  tuyaux  devront  par-là  être  plus 
diflendus ,  &  leurs  pores  plus  ouverts.  Les 
parties  du  fuc  nourricier  qui  s'y  trouvent 
ramaffées ,  devront  par  conféquent  y  péné- 
trer en  plus  grande  quantité  ,  &  s'y 
attacher  plus  aifément  que  dans  la  partie 
fupérieure  ^  par  conféquent,  l'extrémité  de 
la  plante  étant  plus  nourrie  que  la  partie 
fupérieure  ,  cette  extrémité  fera  obligée 
de  fe  courber  vers  le  haut. 

On  peut  par  le  même  principe  expliquer 
un  autre  fait  dans  une  fève  qu'on  feme  à 
contre-fens ,  la  radicule  en  haut ,  &  la 
plume  en  basj  la  plume  &  la  radicule 
croiffent  d'abord  direélement  de  près  de 
la  longueur  d'un  pouce  ,  mais  peu  après 
elles  commencent  à  fe  courber  l'une  vers 
le  bas ,  &  l'autre  vers  le  haut. 

On  obfèrve  encore  la  même  chofè  dans 
un  tas  de  blé  qu'on  fait  germer  pour 
faire  de  la  bière ,  ou  dans  un  monceau 
de  glands  qui  germent  dans  un  lieu  humi- 
de \  chaque  grain  de  blé  ,  dans  le  premier 
cas ,  ou  chaque  gland  dans  le  fecond ,  ont 
des  fîtuations  différentes  :  tous  les  germes 
pourtant  tendent  diredlement  en  haut  dans 
le  temps  que  les  racines  font  tournées  en 
bas ,  &  la  courbure  qu'elles  font  efl  plus 
ou  moins  grande  ,  fuivant  que  leur  fîtua- 


P  E  R 

tion  approche  plus  ou  moins  de  la  fituation 
direde  ,  où  elles  pourroient  croître  fans 
fe  courber. 

Pour  expliquer  des  mouvemens  û  con- 
traires ,  il  faut  fuppofer  qu'il  y  a  quelque 
différence  coufidérable  entre  la  plume  & 
la  radicule. 

Nous  n'y  en  connoiifons  point  d'autre  , 
fînon   que   la  plume  ie  nourrit  par  le  fuc 
que  des   tuyaux  parallèles  à  fes  côtés  lui 
portent  ^  au  lieu  que  la  radicule  prend  fa 
nourriture  du   fuc  qui  pénètre   dans   tous 
les  pores  de  la  circonférence.  Toutes  les 
fois  donc  que  la  plume  fe  trouve  dans  une 
fîtuation  parallèle  ou  inclinée  à  l'horizon  , 
le  fuc  nourricier  doit  croupir  dans  la  partie 
inférieure  ,    &  par  conféquent  il  doit  la 
nourrir  plus  que  la  fùpérieure  ,  &  redrelfer 
par-là   (on  extrémité  vers  le  haut  ,  pour 
les  raifons  que  nous  avons  déjà  rapportées. 
Au  contraire  ,  lorfque  la  radicule  eft  dans 
une  fîtuation  femblable  ,  le  fuc  nourricier 
doit  pénétrer  en  plus  grande  quantité  par 
les  pores  de  la  partie  fùpérieure  ,  que  par 
ceux   de    l'inférieure.    Le    fuc    nourricier 
devra  donc  faire  croître  la  partie  fùpérieure 
plus  que  l'inférieure  ,  &  faire  courber  vers 
le   bas  l'extrémité  de  la  radicule  :  cette  i 
courbure  mutuelle  de  la  plume  &  de  la 
radicule  doit  continuer  jufqu'à  ce  que  leurs 
côtés  fe  nourrilfent  également  j    ce  qui 
n'arrive  que  quand  leur  extrémité  efl  per- 
pendiculaire  à  l'horizon.   Voyei  les  mém. 
de    [académie    roy,    des  Sciences    ,    année 
1708. 

PERPENDICULE  ,  f.  m.  ligne  verti- 
cale &  perpendiculaire ,  qui  mefiire  la 
hauteur  d'un  objet  ,  par  exemple  ,  d'une 
montagne ,  d'un  clocher  \  &  l'on  dit ,  le 
perpendicuU  de  cette  tour  eft  de  cinqiiante 
toiles.  On  appelle  encore  perpendicule  , 
le  fil  qui  dans  une  équerre  eft  tendu  par 
le  plomb  ,  &  qui  donne  la  perpendicu- 
laire à  l'horizon. 

PERPÉTUANË  ,  f.  f.  (Comm.j  forte 
d'étoffe  qui  fe  fabriquoit  en  Portugal. 

PERPÉTUEL  ,  adjcd.  (  Méîaph,  )  eft 
proprement  ce  qui  dure  toujours  ,  ou  qui 
ue  finit  jamais.  Voye'{^  Éternité. 

Perpétuel  fe  dit  quelquefois  de  ce  qui 
dure  tout  le  long  de  la  vie  de  quelqu'un. 
Aiiifi  \ti  offices  qui  durent  toute  la  vie  j  font 


P  E  R  407 

appelles  perpétuels.  Le  fècretaire  de  l'aca- 
démie des  fciences  eft  perpétuel  ,  &.c. 
Chambers. 

Mouvement  perpétuel^  eft  un  mouve- 
ment qui  fè  confèrve  &  fè  renouvelle 
continuellement  de  lui-même  ,  fans  le 
fecours  d'aucune  caufe  extérieure  ^  ou  c'eft 
une  communication  non  interrompue  du 
même  degré  de  mouvement  qui  pafîé  d'une 
partie  de  matière  à  l'autre ,  foit  dans  un 
cercle  ,  foit  dans  une  autre  courbe  ren- 
trante en  elle  -  même  '•,  de  forte  que  le 
même  mouvement  revienne  au  premier 
moteur  ,  fans  avoir  été  altéré.  Voy.  Mou- 
vement. 

Trouver  le  mouvement  perpétuel  ,  01» 
conftruire  une  machine  qui  ait  un  tel 
mouvement  ,  eft  un  problême  fameux  , 
qui  exerce  les  mathématiciens  depuis  2000 
ans. 

Nous  avons  une  infinité  de  defTms ,  de 
figures ,  de  plans  ,  de  machines  y  de  roues  > 
&c.  qui  font  le  fruit  des  efforts  qu'on  a 
faits  pour  réfoudre  ce  problême.  Il  feroit 
inutile  &  déplacé  d'en  donner  ici  le  dé- 
tail ^  il  n'y  a  aurun  de  ces  projets  qui 
mérite  qu'on  en  falfe  mention ,  puifque  tous 
ont  avorté.  C'eft  aufîi  plutôt  une  infulte 
qu'un  éloge  ,  de  dire  de  quelqu'un  qu'il 
cherche  le  mouvement  perpétuel  :  l'inutilité 
des  efforts  que  l'on  a  faits  jufqu'ici  pour 
le  trouver  ,  donnent  une  idée  peu  favorable 
de  ceux  qui  s'y  appliquent. 
,  En  effet ,  il  paroît  que  nous  ne  devons 
guère  efpérer  de  le  trouver.  Parmi  toutes 
les  propriétés  de  la  matière  &  du  mou- 
vement ,  nous  n'en  connoiffons  aucune  qui 
paroiftè  pouvoir  être  le  principe  d'un  tel 
eftèt. 

On  convient  que  l'aéîion  &  la  réadion 
doivent  être  égales ,  &  qu'un  corps  qui 
donne  du  mouvement  à  un  autre  y  doit 
perdre  autant  de  mouvement  qu'il  en  com- 
munique. Or  ,  dans  fétat  préfent  des  cho- 
fês  ,  la  réfiftance  de  l'air ,  \qs  frottemens  y 
doivent  néceifairement  retarder  fans  ceffe 
le  mouvement.   Voye[  RÉSISTANCE. 

Ainfî  ,  pour  qu'un  mouvement  quelcon- 
que pût  fibfifter  toujours ,  il  faudroit  ,  ou 
qu'il  fût  continuellement  entretenu  par 
une  caufe  extérieure  ,  &  ce  ne  feroit  plus 
^ors  ce  «ju'ouL  demande  daus  le  mouve- 


4o8  P  E  R 

ment  perpétuel  ;  ou  que  toute  réfiftance 
fût  entièrement  anéantie  ,  ce  qui  eft  phy- 
fiquement  impoflible.  F^oyei  MATIERE  6' 
Frottement. 

Par  la  féconde  loi  de  la  nature  (  voyei 
Nature),  les  changemens  qui  arrivent 
dans  le  mouvement  des  corps  fout  toujours 
proportionnels  à  la  force  motrice  qui  leur 
eft  imprimée  ,  &  font  dans  la  même  di- 
rection que  cette  force  :  ainfi  une  machine 
ne  peut  recevoir  un  plus  grand  mouvement 
que  celui  qui  réfide  dans  la  force  motrice 
qui  lui  a  été  imprimée. 

Or  5  fur  la  terre  que  nous  habitons  , 
tous  les  mouvemens  fc  font  dans  un  fluide 
réfiftant ,  &  par  conféquent  ils  doivent 
uécefTairement  être  retardés  :  donc  le  mi- 
lieu doit  abforber  une  partie  confidérable 
du  mouvement.  Voye[  Milieu. 

De  plus ,  il  n'y  a  point  de  machine  où 
on  puifîe  éviter  le  frottement  ,  parce  qu'il 
n'y  a  point  dans  la  nature  de  furfaces  par- 
faitement unies ,  tant  à  caufe  de  la  manière 
dont  les  parties  des  corps  font  adhérentes 
entre  elles  ,  qu'à  caufe  de  la  nature  de  cqs 
parties  ,  &  du  peu  de  proportion  qu'il  y  a 
entre  la  m.atiifre  propre  que  les  corps  ren- 
ferment ,  &  le  volum.e  qu'ils  occupent. 
Voyei  Frottement. 

Ce  frottement  doit  par  conféquent  di- 
minuer peu  à  peu  la  force  imprimée  ou 
communiquée  à  la  machine  :  de  forte  que 
le  mouvement  perpétuel  ne  fauroit  avoir 
lieu ,  à  moins  que  la  force  communiquée. 
ne  foit  beaucoup  plus  grande  que  la  force 
génératrice,  &  qu'elle  ne  compenfe  la  di- 
minution que  toutes  les  autres  caufes  y 
produifent  :  mais  comme  rien  ne  donne 
ce  qu'il  ri  a  pas  ,  la  force  génératrice  ne 
peut  donner  à  la  machine  un  degré  de 
mouvemsnt  plus  grand  que  celui  qu'elle  a 
elle-même. 

Ainfi  toutç  la  queftion  du  mouvement 
perpétuel  en  ce  cas ,  fe  réduit  à  trouver 
un  poids  plus  pefant  que  lui-même  ,  ou 
une  force  élaftique  plus  grande  qu'elle- 
même. 

Ou  enfin  ,  en  troifiemc  &  dernier  lieu , 
il  faudroit  trouver  une  méthode  de  rega- 
gner par  la  difpofition  &  la  combinaifon 
des.  puiffances  méchaniques  ,  une  force 
çquivalwite  à  celle  qui  eft  perdue,  C'eft 


P  ER 

'  principalement  à  ce  dernier  point  qiie 
s'attachent  tous  ceux  qui  veulent  réfoudre 
ce  problême.  Mais  comment  ,  ou  pas 
quels  moyens  ,  peut  on  regagner  une  telle 
force  ? 

W  eft  certain  que  la  multiplication  des 
forces  ou  des  puilTances  ne  fert  de  rien 
pour  cela  :  car  ce  qu'on  gagne  en  puifTance , 
eft  perdu  eu  temps  ^  de  forte  que  la 
quantité  de  mouvement  demeure  toujours 
la  même. 

Jamais  la  méchanique  ne  (àuroît  faire 
qu'une  petite  puiflance  foit  réellement 
égale  à  une  plus  grande  ,  par  exemple  que 
25  livres  foient  équivalentes  à  100.  S'il 
nous  paroît  qu'une  puiffance  moindre  foit 
équivalente  à  une  plus  grande ,  c'eft  une 
erreur  de  nos  {èns.  L'équilibre  n'eft  pas 
véritablement  entre  25  livres  &  100  livres  , 
mais  entre  100  livres  qui  fe  m.euvent  ou 
tendent  à  fe  mouvoir  avec  une  certaine  vî- 
tç.'^Q^  &  25  livres  qui  tendent  à  fe  mou- 
voir avec  quatre  fois  plus  de  vîteflTe  que 
les  100  livres. 

Quand  on  confidere  les  poids  25  &  100 
comme  fixes  &  immobiles  ,  on  peut  croire 
d'abord  que  les  25  livres  feules  empêchent 
un  poids  beaucoup  plus  grand  de  s'élever  ; 
mais  on  fe  détrompera  bientôt ,  fi  on  con- 
lidere  l'un  &  l'autre  poids  en  mouvement , 
car  on  verra  que  les  25  livres  né  peuvent 
élever  les  100  livres  qu'en  parcourant  dans 
le  même  temps  un  efpace  quatre  fois  plus 
grand.  Ainfî  les  quantités  de  mouvement 
virtuelles  de  ces  deux  poids  feront  les  mê- 
mes ,  &  par  conféquent  il  n'y  aura  plus  rien 
de  furprenant  dans  leur  équilibre. 

Une  puilfanfie  de  10  livres  étant  donc 
mue ,  ou  tendant  à  fè  mouvoir  avec  dix 
fois  plus  de  vîtelfe  qu'une  puiffance  de 
100  livres ,  peut  faire  équilibre  à  cette 
dernière  puiflance  \  &  on  en  peut  dire 
autant  de  tous  les  produits  égaux  à  100. 
Enfin ,  le  produit  de  part  &  d'autre  doit 
toujours  être  de  100  ,  de  quelque  manière 
qu'on  s'y  prenne  \  fi  on  diminue  la  maffe , 
il  ^  faut  augmenter  la  vîteffe  en  même 
raifbn. 

Cette  loi  inviolable  de  la  nature ,  ne 
laifle  autre  chofe  à  faire  à  l'art  que  de 
choifir  entre  les  différentes  combinaifons 
qui  peuvent  produire  le  même  effet.  Voye^ 

Lqix 


P  E  R 

LOIÎ   DE    LA  NATURE  ,    au  mot  NA- 
TURE. Chambers.  (  O  ) 

M.  de  Maupertuis,  dans  une  de  Tes 
lettres  fur  difFércns  fujets  de  philofo.phie  , 
fait  les  réflexions  {uivantes  fur  le  mouve- 
tnent  perpétuel.  Ceux  qui  cherchent  ce 
mouvement  excluent  des  forces  *qui  doivent 
le  produire  ,  non-feulement  Tair  &  l'eau  , 
mais  encore  quelques  autres  agens  naturels 
qu'on  y  pourroit  employer.  Ainfi  ils  ne 
regardent  pas  comme  mouvement  perpétuel 
celui  qui  feroit  produit  par  les  viciflitudes 
de  ratmofphere ,  ou  par  celles  du  froid 
&  du  chaud. 

Ils  fe  bornent  à  deux  agens  ,  la  force 
d'inertie  ,  i'oye\  Inertie  ,  &  lapcfanteur, 
poye'i  Pesanteur  ;  &  ils  réduifent  la 
queflion  à  favoir  fi  on  peut  prolonger  la 
vitefTe  du  mouvement ,  ou  par  le  premier 
de  ces  moyens  ,  c'efl-à-dire  ,  en  trani- 
mettant  le  mouvement  par  dès  chocs  d'un 
corps  à  un  autre  ;  ou  par  le  fécond  ,  en 
faifant  remonter  des  corps  par  la  delcente 
d'autres  corps ,  qui  enluite  remonteront 
eux-mêmes  pendant  que  les  autres  defcen- 
dronf.  Dans  ce  fécond  cas ,  il  elt  démontré 
que  la  fomme  des  corps  multipliés  chacun 
par  la  hauteur  d'où  il  peut  defcendre , 
eft  égale  à  la  fomme  de  ces  mêmes  corps , 
multipliés  chacun  par  la  hauteur  où  il 
pourra  remonter.  Il  faudroit  donc ,  pour 
parvenir  au  mouvement  perpétuel  par  ce 
moyen  ,  que  les  corps  qui  tombent  & 
s'élèvent,  confervaflent  abfolument  tout  le 
mouvement  que  la  pefànteur  peut  leur 
donner  ,  &  n'en  perdiflent  rien  par  le  frot- 
tement ou  par  la  réfillance  de  l'air  ,  ce  qui 
efl  impolîîble. 

Si  on  veut  employer  la  force  d'inertie , 
on  remarquera,  i°.  que  le  mouvement  fe 
perd  dans  le  choc  des  corps  durs;  2.°.  que 
îi  les  corps  font  élafliques ,  la  force  vive 
à  la  vérité  fe  conferve  (  voyeT;^  CONSER- 
VATION DES  FORCES  VIVES  )  ;  mais 
outre  qu'il  n'y  a  point  de  corps  parfaite- 
ment élafliques  ,  il  iaut  encore  faire  abilrac- 
tion  ici  des  fr^ttemens  &  de  la  rélillance 
de  l'air  ;  d'où  M.  de  Maupertuis  conclut 
qu'on  ne  peut  efpérer  de  trouver  le  mou- 
vement perpétuel  par  la  force  d'inertie, 
non  plus  que  par  la  pefànteur  ,  &  qu' ainfi  ce 
mouvement  eft  impoflible.  Lettre  XXII. 
Tome  XXV:^ 


P  E  R  405 

PERPÉTUER  ,  V.  ad.  (  Gramm.  ) 
rendre  durable.  La  nature  veille  à  la  con- 
fervation  de  l'individu  ,  &  à  la  perpétuité 
des  efpeces.  Les  eipeces  fe  perpétuent  prin- 
cipalement par  la  femence  &  par  les  grai- 
nes. L'intérêt  àts  gens  de  palais  &  la  mau- 
vaife  foi  des  plaideurs  ,  s'entendent  pour 
perpétuer  les  procès. 

PERPÉTUITÉ  ,  (  Jurlfprud.  )  fignifie 
la  fiabilité  de  quelque  chofe  qui  doit  durer 
toujours.  La  plupart  àcs  loix  font  faites 
pour  avoir  lieu  à  perpétuité.  Un  père  de 
famille  établit  fes  enfans  ,  &  fait  des  fubi- 
titutions  pour  aflurer  X^i. perpétuité à^^dL  race 
&  de  fa  maifon.  {A) 

Perpétuité  ,  {terme  de  Droit  canon.) 
fignifie  la  qualité  d'.un  bénéfice  concédé 
irrévocablement  ,  ou  dont  on  ne  fauroit 
priver  celui  qui  en  efi  pourvu  ,  excepté 
en  certains  cas  déterminés  par  la  loi. 
Voyei  BÉNÉFICE. 

Plufieurs  auteurs  prétendent  avec  raifbn 
que  la  perpétuité  des  bénéfices  efl  établie 
par  les  anciens  canons  ,  &  que  les  prêtres 
font  inféparablement  attachés  à  leurs  égli- 
(ts  par  un  mariage  fpirituel  :  il  efl  vrai 
que  la  corruption  s'étant  introduite  avec 
le  temps  ,  &  les  prêtres  féculi^s  étant 
tombés  dans  un  grand  défordre  &  même 
dans  un  grand  mépris  ,  les  évêques  furent 
obligés  de  fe  faire  aider  daps  l'adminifira- 
tion  de  leurs  diocefes  par  des  moines  ,  à 
qui  ils  confioient  le  foin  des  âmes  &  le 
gouvernement  des  paroifles  ,  fe  réfervant  le 
droit  de  renvoyer  ces  moines  dans  leurs 
monafieres  quand  ils  le  jugeoient  à  propos, 
&  de  les  révoquer  ainfi  dès  qu'il  leur  en 
prenoit  envie. 

Mais  cette  adminifiration  vague  &  in- 
certaine n'a  duré  que  jufqu'au  xij  fiecle  , 
après  quoi  les  bénéfices  font  revenus  à  leur 
première  &  ancienne  perpétuité. 

PERPIGNAN ,  (  Géograph.  moderne^  ) 
en  latin  du  moyen  âge  ,  Perpiniacum  \ 
ville  de  France ,  capitale  du  Roufllllon  , 
bâtie  dans  l'endroit  où  étoit  autrefois 
une  ville  municipale  ,  appellée  Flavium 
Ebufum. 

Elle  eft  très-forte ,  munie  d'une  citadelle 
qui  efi  fur  la  hauteur  ,  &  commande  la  ville. 
Elle  a  un  évêché ,  un  confeil  fbuverain , 
un  intendant  ,  un  hôtel  des  monnoies  & 

Fff 


4fo  P  E  R 

«ne  univerfité  fondée  en  1349 ,  par  Pierre , 
10!  d*Arfigon. 

Cette  univerfité  eft  compofée  de  quatre 
facultés  ;  &  ce  qu'il  y  a  de  fingulier ,  c'eft 
que  les  chaires  de  théologie  font  par- 
tagées en  deux  fentimens.  Dans  l'une  on 
cnfeigne  la  dodrine  de  S.  Thomas,  &  dans 
l'antre ,  la  dodrine  de  Suarès.  Il  eft  permis 
aux  étudians  de  fuivre  celle  qui  leur  plaît; 
mais  les  profelTeurs  de  ces  deux  chaires 
doivent  être  bien  habiles  :  ceux-ci ,  pour 
découvrir  la  dodrine  de  S.  Thomas  ,  noyée 
en  18  volumes /«-/o/.  ceux-là,  pour  péné- 
trer celle  de  Suarès  ,  dont  les  œuvres  for- 
ment 23  vol.  in-fol. 

L'évêché  de  Perpignan  efl  fufFragant  de 
Narbonne  ;  on  en  évalue  les  revenus  à 
25000  livres  ,  &  l'on  compte  dans  fbn 
diocefe  180  paroifl'es.  Quelques  évêques  de 
cette  ville  ont  pris  le  titre  à' inquijueiirs  \ 
mais  rien  n'efl  plus  déplacé  dans  un 
royaume  tel  que  la  France  ,  où  le  feul 
nom  d'inqiiifaion  révolte  les  efprits  ,  &  où 
l'évêque  de  Perpignan  ne  peut  s'arroger  des 
prérogatives  ,  &  avoir  d^s  fondions  difïe- 
rentes  de  celles  de  fes  collègues. 

La  première  églife  de  Perpignan  fut 
élevée  par  les  habitans  ,  fous  l'invocation 
de  faint  Jean-Baptifle  ,  dans  le  xj  ficelé. 
Beranger  ,  évêque  d'Elue ,  la  confacra  le 
16  de  mai  1025  ;  &  Gaufred  ,  comte 
de  Rouflillon ,  foufcrivit  l'ade  ou  appofà 
fon  fcel  à  l'ade  qu'on  fit  de  cette  con- 
fécration. 

Le  corps-de-ville  ds  Perpignan  efi  un 
des  plus  illuflres  qu'il  y  ait  dans  le  royau- 
me ;  il  efl  gouverné  par  cinq  confuls  qui 
ont  le  privilège  de  créer  tous  les  ans  deux 
nobles  ,  qui  Jouiflent  de  toutes  les  préroga- 
tives des  gentilshommes  ,  &  ont  la  qualité 
de  chevaliers.  La  noblefTe  de  ces  fortes  de 
citoyens  efi  reçue  à  Malte  ,  en  forme  de  la 
bulle  magiflrale  du  grand-maître ,  du  14 
juin  1^3^' 

La  ville  de  Perpignan  efl  fîtuée  fur  la 
rive  droite  du  Tet  ,  partie  dans  une 
plaine  &:  partie  fur  une  colline ,  dans  un 
terroir  fertile  en  bon  vin ,  à  une  lieue  de 
la  mer  ,  à  12  lieues  au  fud-ouefl  de  Nar- 
bonne ,  à  30  au  fud-ouefl  de  Montpellier , 
à  40  fud-efl  de  Touloufe  ,  &  à  175  au 
»idi  de    Paris.    Zong,  fuivant  CuSm , 


PEU 

Lieutaud  &  Dcfplaces,  ao.  Z4'  latitude  y 
4ii.  42. 

C'efl  à  Perpignan  que  mourut  d'une 
fièvre  chaude  Philippe  III ,  roi  de  France  , 
à  fon  retour  d'Aragon  ,  en  1285  ,  âgé  de 
40  ans  &  quelques  mois.  On  le  furnomma 
le  Hardi  y  &  l'on  ne  fait  pas  trop  pour- 
quoi ,  car  il  ne  fit  jamais  rien  qui  pût  lui 
mériter  ce  titre  ,  quelle  que  foit  l'hiée 
qu'on  y  attache.  Le  corps  de  ce  prince 
fut  porté  à  Narbonne  ,  où  l'on  célébra 
fes  obfeques.  (  Le  Chevalier  DE  Ja  u- 

COUBT.  ) 

PERPLEX  ,  PERPLEXITÉ  ,  (  Granit 
maire.  )  état  de  fefprit  incertain  fur  un  évé- 
nement ,  furunequefVion,  fur  un  ordre,  6'ci 
La  dodrine  fur  la  prédeilination  ]eîiQ 
l'ame  dans  de  grandes  perplexités.  Si  nous 
n'abandonnions  pas  beaucoup  de  chofes  au 
hazard  ,  notre  vie  ne  feroit  qu'un  long  tiffu 
de  perplexités.  La  perplexité xx-Âx.  toujours 
ou  de  la  pufillanimité  ,  ou  de  la  bêtife ,  ou 
de  l'ignorance. 

PERQUISITEUR,  f  m.  {Jurifprud.) 
expédition  qu'on  levé  en  la  chancellerie 
romaine ,  afin  de  certifier  qu'il  y  a  eu  telle 
demande  formée  ,  tel  ade ,  telles  lettres . 
expédiées.  On  produit  fouvent  dans  les 
procès  pour  bénéfices  ,  des  perquifiteurs . 

PERQUISITION  ,  f.  f.  (  Gra.mm.  ) 
recherches  ordonnées  par  un  fupérieur  > 
&  occafionées  par  un  délit  fur  lequel  on 
n'a  pas  les  connoifTances  néceffaires.  La 
pubhcation  de  ce  livre  donna  lieu  aux 
perqiiijitions  \es  plus  rigoureufes  Avec 
toutes  ces  perquijitions  ,  on  ne  découvrit 
rien. 

PERRANTHES  ,  (  Géog.  anc.  )  nom 
que  l'on  donnoit ,  félon  Tite-Live ,  lit/. 
XXXVIII  y  cJi.  iv  )  à  une  colline  ef^ 
carpée  qui  commandoit  la  ville  Ambracia 
dans  l'Epire.  (D.J.) 

PERRAU ,  f  m.  (  Cirerie.  )  forte  de 
grand  chaudron  étamé ,  étroit ,  rond  & 
profond  ,  dont  les  marchands  épiciers- 
ciriers  fe  fervent  pour  faire  chauffer  l'eau 
dans  laquelle  ils  font  amollir  la  cire  qu'il? 
emploient  dans  la  fabrique  des  cierges  à  la 
main.  (D.J.) 

PERRE,  {Géog.  anc.)  ville  d'Afie, 
aux  environs  du  mont  Taurus.  L'itinéraire 
d'Antonin  la  place  fur  la  route  de  Mélitco« 


jp 


P  E  El 

à  Samofate  ;  &  la  notice  àe  Léon  le 
fage  en  fait  une  ville  épifcopale  dans  l'Eu- 
phratenfe ,  fous  la  métropole  d'Hiérapolis. 
(D.J.) 

PERRÉE  ,  f.  f.  (Mefure  de  contenance,) 
mefure  de  grain  en  Bretagne ,  dont  jles  dix 
font  le  tonneau. 

PERRELLE,  f.  f.  {Droguerie.)  terre 
feche  ,  en  petites  écailles  grifes ,  qu'on  vend 
chez  les  droguiftes  ,  &  qu'on  nous  apporte 
de  Saint-Flour  en  Auvergne.  On  la  prend 
fur  les  rochers ,  où  elle  a  été  formée 
d'une  poudre  terreufe  que  les  vents  y  ont 
portée.  Là,  après  avoir  été  humccbée  par 
la  pluie,  deflechée,  ou  comme  calcinée 
par  la  chaleur  du  fbleil ,  elle  fè  levé  en 
petites  écailles  comme  nous  la  voyons.  La 
perelle  entre  dans  la  compolîtion  du  tour- 
nefol  en  pâte ,  qu'on  appelle  autrement 
orfeille.  Trévoux. 

PERRHEBES  (les)  ,  (  Géogr.  anc.  ) 
Perrhcebi.  i°.  Peuples  de  la  Thefîalie,  le 
long  du  fleuve  Pénée  vers  la  mer.  Ce  fut , 
félon  Strabon  ,  liv.  IX y  pag.  4;^^  ,  leur 
première  demeure.  Chafîes  enfuite  par 
divers  peuples  ,  ils  fe  reculèrent  dans  les 
terres  toujours  le  long  du  Pénée  ;  &  enfin 
ils  furent  tellement  difperfés  ,  qu'une  partie 
le  retira  vers  le  mont  Olympe  ,  d'autres 
vers  le  Pinde  ,  &  d'autres  fe  mêlèrent 
avec  les  Lapithes  &  avec  les  Pélafgiotes. 
2°.  Plutarque ,  in  Flaminio  ,  dit  que  les 
Perrhehes  furent  un  des  peuples  que  Flami- 
nius  déclara  libres  ,  après  qu'il  eut  vaincu 
le  roi  Philippe.  La  ThelTalie  prefque  en- 
tière féparoit  les  Perrhehes  orientaux  ,  ou 
Thefîaliens,  des  Perrhehes  occidentaux  ou 
Epirotes.  Cette  nation  comprenoir  aufii 
les  Selles  &  les  Hellopes ,  dont  quelques 
auteurs  font  autant  de  peuples  difFérens. 
Le  fcholiafte  d'Homère  obferve  que  ,  félon 
les  anciens  ,  les  Centaures  du  mont  Pélion 
éîoient  de  la  même  nation  que  les  Perrhehes. 
(D.J.) 

PERRICHE,  î'oyfs^  Perruche. 

PERRIER  ,  f.  m.  (  Fonderie.  )  Les 
fondeurs  appellent  ainfi  une  barre  de  fer 
fufpcnduc  à  une  chaîne ,  avec  laquelle  on 
poufîe  le  tampon  du  fourneau  pour  faire 
couler  le  métal  dans  l'écheno.  V.  EcHEN,0 
^Fonderie. 

PERRIERE ,  C  (.  {Architecf.  )  carrière 


PFR.  4ïi 

à^o^  l'on  tire  des  pierres.  Il  fe  dit  princi- 
palement en  Anjou  à^a  ardoifieres.  Voye\ 
Carrière. 

Perrière,  f.  f.  dans  V Artillerie  & 
la  Fonderie  y  efl  un  morceau  de  fer  qui  - 
aunemafle  pointue  à  fon  extrémité,  avec 
laquelle  le  maître  fondeur  enfonce  &  dé- 
bouche le  trou  du  fourneau  par  où  fort 
le  métal  tout  liquide  &  tout  bouillonnant 
pour  fe  précipiter  dans  les  moules.  C'efl 
le  même  outil  que  le  perrier.  {Q) 

PERRIQUE ,  voye\  Perruche. 

PERRON,  f.  m.  {Archit.)  lieu  élevé' 
devant  une  mailbn  ,  où  il  faut  monter 
plufieurs  marches  de  pierre.  Quelques  au- 
teurs écrivent  paro/z  y  parce  qu'ils  préten- 
dent que  le  mot  perron  vient  de  pas 
rond  y  tous  les  perrons  étant  autrefois  faits 
de  marches  arrondies. 

Perron  à  pans.  Perron  dont  les  encoi- 
gnures font  coupées ,  comme  au  portail  de 
l'églife  du  collège  Mazarin ,  à  Paris. 

Perron  cintré.  Perron  qui  a  les  marches 
rondes  ou  ovales.  Il  y  a  de  cesperrons  dont 
une  partie  des  marches  eu  en  dehors,  & 
l'autre  en  dedans  ;  ce  qui  forme  un  palier 
rond  dans  le  milieu  ,  comme  celui  ,  par 
exemple  ,  du  bout  du  jar3in  de  Belveder  , 
à  Rome  ;  ou  un  palier  ovale  ,  comme  an 
Luxembourg  à  Paris,  &  au  château  de 
Caprarole. 

Perron  douhle.  Perron  qui  a  deux  ram- 
pes égales  qui  tendent  à  un  même  palier , 
comme  le  perron  du  fond  du  capitole; 
ou  deux  rampes  oppofées  pour  arriver  k 
deux  paliers  ,  comme  celui  de  la  cour  des 
fontaines  ^de  Fontainebleau.  Il  y  a  des 
perrons  doubles  qui  ont  ces  deux  difpo- 
fitions  de  rampes  ;  en  forte  que  par  un 
perron  quarré  on  monte  fur  un  palier  y 
d'où  commencent  deux  rampes  oppofées 
pour  arriver  chacune  à  un  palier  redan- 
gulaire  ;  de  ce  palier  on  monte  par  deux 
autres  rampes  à  un  palier  commun  :  tel 
ell  le  perron  du  château  neuf  de  Saint- 
Germain-en-Laye  ,  du  dclfin  de  Guillaume 
Marchand ,  architeâe  d'Henri  IV  ,  &  \qs 
perrons  des  Tuileries  qui  font  du  deiïïn  de 
M.  le  Nautre.  Ces  fortes  de  perrons  font 
fort  anciens.  On  en  voit  encore  les  verti- 
ges d'un  parmi  les  ruines  de  Teheilminar  , 
près  Schiras  en  Perfe,  dont  M.  Deflandes 

F  ff  2 


411  P  E  R 

rapporte  la  figure  dans  Ton  livre  des  beautés 
de  la  Perfe, 

Perron  qiiarré.  Perron  qui  efî  d'équerre  , 
comme  font  la  plupart  des  perrons  ,  & 
particulièrement  celui  de  Ta  Sorbonne  & 
du  Val-de-Grace.  Le  plus  grand  perron 
qu'il  y  ait ,  eft  celui  du  jardin  de  Marly. 
(£>./.) 

Perron  ,  f.  m.  (Hydr.)  font  les  efca- 
liers  découverts  d'un  bâtiment ,  d'une  caf- 
cade  ou  d'un  Talion  placé  dans  un  jardin  ;  ils 
peuvent  être  fimples  ou  doubles ,  ronds, 
ovales  ou  quarrés  ,  compofés  de  marches , 
&  de  paliers  ou  repos.  (-K) 

PERROQUET,  f.  m.  (  HiJÎ.  natur. 
Ornythol.  )  pjittacus  y  nom  générique  que 
Ton  a  donné  à  un  grand  nombre  d'efpeces 
d'oifeaux  qui  différent  entr'eux  principa- 
lement par,  la  grandeur  &  par  les  couleurs, 
mais  qui  fe  reflêmblent  tous  à-peu-près 
par  la  forme  du  bec  &  du  corps  ,  &  par 
le  nombre  &  la  polition  des  doigts.  Voye-{ 
Oiseau.  Les  perroquets  en  général  ont  la 
tête  grolTe,  le  bec  &  les  ongles  crochus  , 
le  crâne  dur  &  épais ,  la  langue  large  , 
les  ouvertures  des  narines  rondes  &  pla- 
cées à  la  bafe  de  ^  pièce  fupérieure  du  bec , 
près  des  premières  plumes  du  devant  de 
la  tête  ;  enfin  ils  ont  tous  quatre  doigts 
à  chaque  pié  ,  dont  deux  font  dirigés  en 
avant ,  &  deux  en  arrière.  La  plupart  fe 
fervent  de  leur  pié  pour  porter  leur  nour- 
riture à  leur  b|Éi||^n  divife  tous  les  per- 
roquets en  troi^BRfes  ;  la  première  com- 
prend les  plus  grands ,  ils  ont  la  grolTeur 
d'un  chapon  ;  ceux  de  la  féconde  claffe 
font  d'une  médiocre  grofleur  ,  qui  égale 
à-peu-près  celle  du  pigeon  domeftique  ; 
enfin  ,  on  a  mis  dans  la  troifieme  clafie  les 
petits  perroquets.  On  a  donné  le  nom  de 
perruche  ou  perriche  à  ceux  de  la  féconde 
ou  de  la  troifieme  claffe  qui  ont  la  queue 
longue.  La  plupart  des  perroquets  appren- 
nent aifément  à  parler.  Will.  Ornyt.  Voy. 
Oiseau. 

Perroquet  d'Angola.  Cet  oifeau  efl 
un  peu  plus  grtmd  qu'une  tourterelle.  Il  a 
le  bec  d'un  brun  vef3âtre  ;  les  plumes  de 
la  tête ,  du  dos  ,  de  la  poitrine  ,  &  celles 
dts  épaules  ,  font  d'un  beau  jaune  coulei»- 
d'or  ,  mêlé  d'une  teinte  rouge  couleur 
d'écarlate  ;  la  couleur  des  petites  plumes 


.  P  E  R 

des  ailes  e{î  verte  ;  excepté  les  deux  extré- 
mités qui  font  d'un  beau  bleu  j  les  grandes 
plumes  des  ailes  ont  cette  même  couleur 
bleue  :  la  queue  efl;  longue ,  fourchue  & 
d'un  verd  jaunâtre  ',  les  pies  font  d'un 
rouge  mêlé  de  gris.  Hifl.  nat.  des  oifeaux 
par  Derham  ,  tome  III ^  page  S.  î^oye-^ 
Oiseau. 

Perroquet  arras.  On  a  donné  ce 
nom  à  deux  efpeces  de  perroquets  ,  que  l'on 
diftingue  en  arras  bleu  &  en  arras  rouge.  Ils 
font  les  plus  grands  de  tous  les  perroquets  ; 
ils  égalent  en  groffeur  un  chapon. 

Uarras  jiune ,  pjittacus  maximus  cyanO" 
çroceus  ,  Aldrovandi,  Il  a  le  bec  noir  & 
un  peu  alongé  ;  il  y  a  fur  la  peau  qui 
entoure  les  yeux  ,  des  plumes  noires  ;  le 
fommet  de  la  tête  eft  applati  &  verd  ;  la 
gorge  a  une  forte  de  collier  formé  de  plu- 
mes noires  ;  toute  la  face  fupérieure  de  cet 
oifeau  efl  d'un  jaune  couleur  de  fafran  >. 
&  l'inférieure  a  une  belle  couleur  bleue  :  la 
queue  a  environ  dix-huit  pouces  de  lon- 
gueur ,  les  cuiffes  font  très-courtes  ;  les 
jambes  &  les  pies  ont  une  couleur  brune , 
&  les  ongles  font  noirs. 

lu  arras  rouge ,  pjittacus  maximus  altety 
Aldrovandi.  Cet  oifeau  a  le  bec  plus  court 
que  V arras  rouge  ;  la  pièce  fupérieure  efl 
blanche  ,  &  l'inférieure  noire  ;  les  tempes 
&  le  tour  des  yeux  font  blanchâtres  :  le 
corps  en  entier ,  l'origine  des  ailes  ,  & 
toute  la  queue  ont  une  belle  couleur  rouge  ; 
la  partie  intérieure  des  grandes  plumes 
des  ailes  a  cette  même  couleur  ;  la  partie 
extérieure  &  les  plumes  du  deflbus  de  la 
queue  ,  font  d'un  très- beau  bleu  ;  la  cou- 
leur des  plumées  du  fécond  rang  de  l'aile 
eft  jaune,  à  l'exception  des  bords  qui 
font  rouges  ;  elles  ont  chacune  à  Textrémité 
une  taehe  bleue  qui  relfemble  à  un  petit 
œil  :  les  cuiffes  font  courtes  ,  &  les  ongles 
ont  une  couleur  brune.  Rai,  fynop.  meth^ 
avium.  Voye\  OiSEAU. 

Perroquet  des  Barbades  ,  pfit-- 

tacus  viridis  Ù  luteus  barbadenjis.  Cet 
oifeau  eft  de  la  grandeur  d'un  pigeon  do- 
meflique  ;  fès  yeux  font  entourés  d'une 
peau  de  couleur  cendrée,  &  dégarnie  de 
plumes  ;  ils  ont  l'iris  d'un  j-aune  couleur 
de  fafran  ;  le  devant  de  la  itit  efl  d'un 
brun  pâle  ,    entouré  drune  belle  couleur 


jaune ,  qui  s'étend  fur  les  c6te's  de  la  tête 
&  fous  la  gorge  ;  le  fommet  de  la  tête  , 
le  do?  ,  la  poitrine  &  le  ventre  ,  font  d'un 
beau  verd  ;  les  plumes  des  cuiffes  &  des 
épaules  ont  une  couleur  verte  -  jaunâtre  ; 
les  trois  premières  plumes  du  premier  rang 
des  petites  plumes  des  ailes  ,  font  d'un  beau 
bleu  ;  toutes  celles  du  fécond  rang  ont 
une  couleur  rouge  ;  enfin  les  grandes  font 
d'un  bleu  fombre  &  pourpré  :  la  queute 
ctt  compofée  de  douze  plumes  ,  &  elle  a 
une  belle  couleur  verte;  les  jambes  font 
garnies  de  plumes  jufqu'aux  pies  ,  qui  ont 
une  couleur  brune  cendrée.  Hifi.  ncit.  des 
oifeaux  y  par  Derham  ,  tome  III y  page  6. 
Voye\  Oiseau. 

Perroquet  de  Bengale.  Ctx  oifeau 
cfî:  de  moyenne  grandeur.  Il  a  la  pièce 
fupérieure  du  bec  jaune  ,  &  l'inférieure  de 
couleur  noirâtre  ;  le  derrière  de  la  xtiç. 
eil  d'un  rouge  pâle,  mêlé  d'une  teir#e  de 
pourpre  ;  les  plumes  de  la  gorge  font 
noires  ,  &  le  cou  a  un' petit  collier  formé 
par  des  plumes  de  la  même  couleur  que 
celles  de  la  gorge  ;  les  plumes  de  la  poi- 
trine ,  du  ventre  &  des  cuiflés  ,  ont  une 
couleur  verte ,  pâle  &  jaunâtre  ;  celles  du 
dos  &  à^s  ailes  iont  d'un  très-beau  verd. 
Hiji.  nat.  des  oijeaux  y  j?arDerham,  t.  III. 
Voyei  Oiseau. 

Perroquet  blanc  Yivv?t,pjîttacus 

albus  crifiatus  ,  Aldropandi.  Cet  oifeau  eft 
de  la  grofleur  du  pigeon  domelHque ,  il 
à  une  huppe  fur  la  tête  ;  il  eft  entièrement 
blanc  ,  &  il  porte  la  queue  fort  élevée.  On 
a  donné  à  et  perroquet  le  nom  de  katacoua. 
^^\  yfynop.  meth.  aviiim.  Voy.  OiSEAU. 

Perroquet  de  Bontius  (  le 
l>ETIT  ),  pjittaciis  parpus  Bontii.  Ce  per- 
roquet eft  de  la  grolTeur  d'une  alouette  : 
le  bec  &  la  gorge  font  gris  ;  l'iris  àts 
5'eux  a  une  couleur  argentée  ;  la  tête ,  le 
cou  ,  le  delTlis  de  la  queue  &  le  bas-ventre, 
font  rougeâtres  ;  les  plumes  de  la  poitrine 
&  celles  du  deflbus  de  la  queue  ,  ont. une 
couleur  de  rofe  pâle  ;  l'extrémité  de  ces 
plumes  eft  verte  ou  verdâtre  :  les  plumes 
des  ailes  font  pour  la  plupart  vertes,  & 
il  y  en  a  de  rougeâtres  mêlées  parmi  les 
vertes.  Rni  ,  fynop.  meth.  ai'ium.  Voye\ 
Oiseau. 

Perroquet  cendré  ,  pjlttacus  cine- 


P  E  R  4,3 

reus  feu  fuhcxruleus  y  Aldromandi.  Ce  per- 
roquet eft  de  la  grofîêur  du  pigeon  domef- 
I  tique  :  il  a  le  bec  noir  ;  le  corps  en  entier 
'■  eft  d'un  cendré  obfcur  ;  la  queue  eft  courte, 
I  &  s'étend  à  peine  au-delà  de  l'extrémité  des 
l  ailes  ;  elle  a  une  très-belle  couleur  rouge  : 
les  yeux  font  entourés  d'une  peau  blanche 
&  dégarnie  de  plumes.  Rai ,  fynop.  meth. 
apium.   Voyei  OiSEAU. 

Perroquet  de  Clusius(le  beau), 

pfittacus  elegans  Clufii.  Ce  perroquet  eft  de 
la  grofteur  d'un  pigeon  ,  les  plumes  du  cou 
&  de  la  poitrine  font  de  diverfes  couleurs  ; 
le  bord  extérieur  de  chacune  de  ces  plumes 
eft  d'un  très  -•  beau  bleu  \  cet  oifeau  les 
drelfe  l^ÉÉkil  s'irrite.  Les  couleurs  du 
ventre  flHpi  -  peu  -  près^Jes  mêmes  que 
celles  de  la  poitrine  ,  avec -une  teinte  de 
brun  ;  le  dos  &  la  queue  font  verds  ;  les 
grandes  plumes  des  ailes  ont  une  couleur 
bleuâtre.  Rai.  fynop.  meth.  avium.  Voy€\ 
Oiseau. 
Perroquet  a  collier,  pfittacus 

torquatus  y  macrouros  antiquorum  ,  AldrO' 
vandi.  Ce  perroquet  a  neuf  pouces  &  demi 
de  longueur  :  le  bec  eft  d'un  beau  rouge 
couleur  de  vermillon  ,  &  \es  yeux  ont 
l'iris  jaune  ;  le  cou  eft  entouré  d'une  forte 
de  collier  d'un  très-beau  rouge  ;  il  y  a 
fous  le  menton  une  ligne  noire  qui  s'étend 
depuis  la  pièce  inférieure  du  bec  jufqu'à 
ce  collier  :  le  corps  eft  en  entier  d'un  verd 
plus  foncé  fur  le  dos  &  plus  clair  fur  le 
ventre  ;  les  plumes  extérieures  des  ailes 
ont  à  leur  extrémité  fupérieure  une  tache 
rouge.  Rai ,  fynop.  meth.  ai-ium.  Voye^ 
Oiseau. 
Perroquet  d'Ethiopie  (petit), 

pjlttacus  pùfillus  viridis  cethiopicus  Clufii. 
Ce  perroquet  eft  de  la  grofiéur  d'un  pin  ion  : 
il  a  le  bec  rougeâtre  ,  épais  &  fort  ;  le 
corps  en  entier  eft  d'un  verd  plus  pâle 
fur  le  ventre  &:  plus  foncé  fur  le  dos  ;  les 
grandes  plumes  des  ailes  font  en  partie 
brunes  ,  &  en  partie  d'un  verd  foncé  ;  la 
face  fupérieure  eft  brune.  Les  plumes  de 
la  queue  font  d'un  jaune  verdâtre  à  leur 
racine  ,  enfuire  elles  ont  une  belle  couleur 
rouge  ,  enfin  elles  font  noires  près  de 
l'extrémité  qui  eft  teinte  de  verd.  Les 
plumes  du  devant  de  la  tête  &  de  toute 
la  gorge  font  variées  de  rouge  &  d'un  verd 


414  P  E  R 

vif;  les  cuiflêsibnt  cendrées  &  très-courtes; 
elles  ont  à  peine  un  demi-pouce  de  lon- 
gueur ;  les  ongles  font  blancs  &  afiez  longs. 
Rai ,  fynop.  meth.  avium.  Voye\  OiSEAU. 

Perroquet  gris  ^pfittacus  maracana 
Brafilienfibus  diclus.  Ce  perroquet  eil  de 
la  grande  efpece ,  &  en  entier  d'une  cou- 
leur grife  bleuâtre.  Rai  ,  jynop.  meth. 
avium.    Voye\  OiSEAU. 

Perroquet  de  la  Jamaïque. 
Derham  a  donné  ce  nom  à  l'arras  rouge  ; 
il  prétend  que  l'arras  jaune  eft  la  femelle 
de  l'arras  rouge  ,  &  il  ne  fait  qu'une  feule 
efpece  de  ces  deux  oifeaux.  Hift.  nat.  des 
oifeaux  y  par  Derham  ,  tom.  II  y  p.  z  z . 

Voyei  Perroquet  arr^h* 

PerROQUE-Ç  LOKl  i  pfittiffmoccineus 
orientalis.  Ce  perroquet  eil  delà  grofTeur 
d'un  merle  ;  il  a  le  corps  en  entier  d'un 
très-beau  rouge  couleur  d'écarlate  ;  \t^ 
petites  plumes  .des  ailes  font  vertes ,  les 
grandes  ont  une  couleur  noire  ;  le  bord 
de  l'aile  eft  jaune  ;  \qs  plumes  de  la  queue 
font  de  cette  même  couleur  jaune  depuis 
leur  racine  jufqu'à  la  moitié  de  leur  lon- 
gueur :  le  refte  a  une  couleur  jaune-ver- 
diâtre.  Il  y  a  fur  \ts  cuiiîes  ,  au  defTus 
du  genou  ,  un  cercle  de  plumes  vertes  : 
]e  bec  &  l'iris  des  yeux  ont  une  couleur 
jaune  ;  les  cuifîès  font  très  -  courtes  & 
noires.  On  trouve  cet  oileau  dans  les  Indes 
orientales.  Rai ,  fynop.  meth.  ai'ium.  V. 
Oiseau. 

Perroquet  de  Macao  ,  pfittacus 

maracana  ararce.  Ce  perroquet  eft  plus 
petit  que  l'arras  ,  auquel  il  reflemble  par  la 
forme  du  corps  &  par  la  longueur  de  la 
queue  :  il  a  le  bec  long  &  noir  ;  la  peau 
qui  entoure  les  yeux  cft  blanche  ,  &  a  des 
taches  formées  par  de  petites  plumes  noi- 
res. La  tête ,  le  cou  &  les  ailes  font  d'un 
verd  foncé  ,  à  l'exception  du  fommet  de  la 
tête  ,  qui  a  une  couleur  plus  pâle  &  mêlée 
de  bleuâtre  ;  la  face  fupérieure  des  ailes  & 
de  la  queue  eft  verte  ,  &  l'inférieure  a  une 
couleur  bleue  ,  excepté  l'extrémité  de 
chaque  plume  qui  eft  d'un  bleu  obfcur  ; 
les  ailes  ont  chacune  à  leur  naiff'ance  une 
tache  d'une  belle  couleur  rouge ,  &  il  y 
en  a  une  brune  au  deflus  de  la  bafe  du 
bec.  Rai  ,  fynop.  meth.  avium,  Voye^ 
Ojseau. 


P  E  R. 
Perroquet  de  Macao  (gra;nd)  ; 

Derham  a  décrit  fous  ce  nom  l'arras  Jaune  ; 
il  prétend  que  c'eft  la  femelle  de  l'arras 
rouge  ,  &  il  ne  fait  qu'une  feule  efpece 
de  ces  deux  oifeaux.  Hift.  nat.  des  oifeaux^ 
par  Derham  ,  tom.  I ,   pag.  z  z .   Voye\ 

Perroquet-  arras. 

Perroquet  plongeur,(-^'1^.  nat^ 
oifeau  fmgulier  qui  fe  trouve  vers  les  côtes 
de  Spitzberg.  Il  a  le  bec  de  trois  pouces 
de  large  ,  &  rempli  de  petites  raies  de 
différentes  couleurs  ;  ce  bec  eft  pointu  & 
un  peu  courbé  pardefTus  ,  &  pardeflbus 
garni  de  quatre  entailles  qui  fe  joignent  , 
&  percé  de  deux  trous.  Au  deffus  ,  près  de 
l'œil ,  il  a  un  cartilage  blanchâtre ,  rempli 
de  trous.  Ses  pies  ont  trois  ongles  liés  par 
une  peau  rouge  ;  {ts  jambes  qui  font 
courtes  ,  ont  la  même  couleur.  Ses  yeux 
font  entourés  d'un  cercle  rouge  ;  le  dcflùs 
de  1» tête  eft  noir;  le  refte,  aa  deiTous 
des  yeux ,  eft  d'un  beau  blanc  ;  le  cou  eft 
entouré  d'un  cercle  noir  ;  le  dos  &  le 
deflus  àits  ailes  font  noirs  ,  &  le  ventre 
blanc.  Cet  oifeau  ,  qui  ne  reflemble  en  rien 
au  perroquet  y  fe  tient  long- temps  fous 
l'eau,  où  il  fe  nourrît  de  poifîbns.  Sa 
chair  eft  très-délicate. 

Perroquet    rouge  et   verjj  , 

pfittacus  lemocephalus  y  Aldrovandi.  Ce 
perroquet  a  le  bec  &  la  partie  antérieure 
de  la  tête  blancs  ;  la  gorge  &  le  bord 
fupérieur  des  ailes  ,  font  d'un  très  -  beau 
rouge  ;  le  milieu  de  la  poitrine  ,  &  l'efpace 
qui  eft  entre  les  cuifTes  ,  ont  une  couleur 
rouge  obfcure  ;  le  refte  de  la  poitrine  & 
hs  cuifles  font  d'un  verd  pale  ;  le  derrière 
de  la  tête  ,  le  cou  ,  le  dos  ,  les  ailes  & 
\ts  plumes  du  deflus  de  la  queue  ,  ont  une 
couleur  verte  foncée.  Rai ,  fynop.  meth» 
avium.     Voy.    OiSEAU. 

PeRRO(^UET  ROUGE  ET  VERD 
HUPPÉ  ,  pjittacus  eiythrochlorus  criftatus , 
Aldrovandi.  Ce  perroquet  eft  entièrement 
verd  ,  à  l'exception  des  ailes  ,  de  la  queue 
&  de  la  huppe  ,  qui  font  rouges  :  fa  huppe 
refl^emble  à  celle  du  perroquet  blanc  huppé  ; 
elle  eft  compofée  de  fix  plumes  ,  dont 
il  y  en  a  trois  grandes  &  trois  petites; 
les  yeux  ont  l'iris  rouge  ,  &  la  prunelle 
eft  noire.  "Willugbbi  ,  ortiith.  Vqye:^ 
Oiseau. 


P  E  R 

Perroquet  y akiè ^ pjîttacus  l'erjî-' 

•toîor ,  feu  erytro-cyaneus,  Aldroiandi.  Ce 
perroquet  eft  de  médiocre  grandeur  ;  il  a 
Je  bec  court  &  noirâtre  ;  la  tête  ,  le  cou  , 
la  poitrine ,  font  bleus  ,  excepté  le  Ibmmet 
de  la  tête  qui  a  une  couleur  jaune  ;  l'ef- 
pace  où  fè  trouvent  les  yeux  eft  blanchâtre  ; 
le  ventre  a  une  couleur  verte  ;  la  partie  an- 
térieure du  dos  eft  d'un  bleu  pâle  ;  la  partie 
inférieure  &  le  croupion  font  ji?unes  ; 
les  petites  plumes  des  ailes  ont  trois  cou- 
leurs ,  qui  lont  le  verd  ,  le  jaune  &  le 
couleur  de  rôle.  Rai ,  fynop.  me  th.  ai'ium. 
Voye:{  OiSEAU. 

Perroquet     verd     commun   , 

pjittacus  viridis  y  alarum  cofiâ  fupernâ 
ruhente  ,  Aldrovandi.  Ce  perroquet  efl 
de  la  grofleur  du  pigeon  domelHque.  La 
pièce  fupérieure  àw  bec  a  l'extrémiré 
noire ,  le  milieu  bleuâtre  ,  &  le  relte  rou- 
geâtre  ;  la  pièce  inférieure  eft  blanche  ; 
les  yeux  ont  l'iris  d'un  jaune  de  fatran  ; 
le  Ibmmet  de  la  tête  eft  jaune  ;  tout  le 
refte  du  corps  a  une  couleur  verte  ,  plus 
foncée  fur  la  face  fupérieure  de  l'oileau  , 
&  plus  claire  fur  la  face  inférieure  ;  le  bord 
fupérieur  de  l'aile  eft  rouge  ;  les  jambes  & 
les  pies  font  cendrés  ;  la  queue  eft  très- 
courte  ;  elle  a  en  deftbus  ,  fur  les  côrés  , 
une  longue  tache  rouge  ,  &  en  deflihs 
une  tache  jaunâtre.  Rai  ,  fynop.  meth 
aviam.  Voye^  OiSEAU. 
Perroquet  yerd  (petit) ,pfttacus 

minor  macrouros  ,  totus  viridis  ,  Aldro- 
vandi. Cit  perroquet  a  neuf  pouces  &  demi 
de  longueur  ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  plus 
gros  qu'une  grive.  La  pièce  fupérieure 
du  bec  eft  rouge  ,  &  l'inférieure  a  une 
•couleur  rouge  ,  mêlée  de  noirâtre  ;  l'iris 
des  yeux  eft  en  partie  rouge  &  en  partie 
jaune  ;  le  corps  en  entier  eft  d'un  beau 
verd,  couleur  de  pré,  plus  foncé  fur  les 
grandes  plumes  des  ailes,  &  -plus  clair 
fur  le  ventre  ;  la  queue  eft  très-étroite  , 
&  paroît  comme  pointue  à  l'extrémité  ; 
les  pies  &  les  pattes  font  rouges  ,  ou  de 
couleur  de  chair  :  ce  caraûere  fiiftit  pour 
le  faire  diftinguer  de  toutes  les  autres  es- 
pèces de  perroquets.  On  trouve  cet  oiieau 
dans  "la  Nouvelle  -  Efpagne.  Willughby  , 
ernith.   Voye\  OiSEAU. 

Perroquet  verd  et  ro^ge  , 


P  £  R      415 

pjittacus  viridis  menalorhyncos  ,  Aldro- 
vandi. Ce  perroquet  eft  de  médiocre  grof- 
feur  ;  il  a  du  bleu  à  la  ba(e  du  bec  ,  fur 
le  fommet  de  la  tête  &  fous  la  gorge  ; 
toute  la  face  fupérieure  de  l'oifeau  eft 
d'un  verd  foncé  ,  &  la  face  inférieure  eft 
en  partie  d'un  jaune  pur  ,  &  en  partie 
d'un  jaune  verdâtre  ;  les  plumes  de  defTous 
la  queue  &  le  bord  de  faile  ,  font  d'un 
très-beau  rouge.  Rai  ^  fynop.  meth.  avium. 

Voyei  Oiseau. 
Perroquet  verd  varié  ,pfittacus 

poikilorhynchos^  Aldrovandi.  C&  perroquet 
a  la  face  fupérieure  du  bec  d'un  verd 
bleuâtre  ,  &  les  côtés  d'un  jaune  couleur 
d'ochre  ;  il  y  a  près  de  l'extrémité  une 
tache  blanche  tranfverfale  ;  le  milieu  de  la 
pièce  mférieure  eft  jaunâtre ,  &  le  refte 
a  une  couleur  plombée  ;  le  fommet  de  la 
itxe  eft  d'un  jaune  couleur  d'or  ;  tout  le 
refte  du  corps  a  une  couleur  verte  ,  plus 
obicure  fur  la  face  fupérieure  de  l'oifeau  , 
&  plus  claire  fur  la  face  inférieure  ;  les 
ailes  &  la  queue  font  vertes  ,  &  ont 
plufieurs  autres  couleurs  mêlées  avec  ce 
verd ,  telles  que  le  violet ,  le  noir ,  le 
rouge-obl'cur  ,  le  beau  rouge  couleur  d'é* 
carlate  ,  &  le  jaune.  Rai ,  fynop.  meth, 
avium.  Voye\  O1SEAU. 

J'ajouterai  quelques  remarques  fur  cet 
orfeau.  Son  bec  eft  compofë  de  deux  par- 
ties qui  font  couvertes  de  cofne  ,  comme 
le  bec  de  tous  les  oifeaux.  La  fupérieure, 
jointe  à  l'os  du  nez  ,  font  enlèmble  fa 
mâchoire  fupérieure  ,  qui  fe  termine  en 
pointe  crochue.  L'inl^érieure  eft  une  conti- 
nuité de  la  mâchoire  inférieure  ;  elle  eft 
crochue  ,  mais  elle  ne  fe  termme  pas  en 
pointe.  L'os  du  nez  e^  joint  à  l'os  coronal 
par  fynchondrofe  ,  &  au  bec  par  une  fubi- 
tance  recouverte  d'une  matière  qui  n'eft 
ni  t)S  ni  corne  ,  mais  qui  approche  plus 
de  la  corne  que  de  l'os  '-,  la  mâchoire  in* 
férieure  du  perroquet  fe  meut  comme  dans 
les  autres  oifeaux  ,  ayant  la  même  arti- 
culation ,  avec  une  épiphyfe  attachée  à  l'os 
de  l'oreille. 

L'articulation    par    fynchondrofe    de  la 

mâchoire  fupérieure   avec   le  crâne   ,    eft 

une  particularité  que  l'on  trouve  dans  le 

crâne  du  perroquet  :  en  voici  une  autre. 

,  On  remarque  deux  os  plats ,  l'un  k  droite^ 


4.i6  PEU 

l'autre  à  gauche  ,  qui  forment  le  palais  , 
&  il  minces  qu'ils  en  font  un  peu  rranf- 
parens.  Leur  figure  eil  très  -  irréguiiere  ; 
car  ils  ont  chacun  lix  côtés  ,  donc  il  y  en 
a  trois  plus  longs  que  les  autres.  La  mâ- 
choire inférieure  a  auffi  fes  particularités  ; 
car  elle  ert  bien  plus  large  que  celle  du 
coq  d'Inde ,  du  hibou  &  d'autres  oifeaux. 
Son  articulation  efl  différente,  auiC-bien 
que  Texcrémité  antérieure  qui  efl  crochue- 
Au  moyen  de  deux  gouttières  qui  font  à 
Textrémité  de  cette  mâchoire,  die  peut 
s'avancer  en  devant  &  reculer  en  arrière. 
A  chacune  des  lùrfaces  latérales  ,  on  voit 
un  trou  large  de  près  d'une  ligne  ,  & 
qui  efl  percé. dans  la  partie  moyenne. 

Une  autre  fingularité  du  perroquet  re- 
garde ies  paupières.  Il  a  la  paupière 
iupérieure  mobile  ,  comme  le  chat-huant  ; 
elle  s'abaifîé  en  même  temps  que  la  pau- 
pière inférieure  s'élève  ,  mais  beaucoup 
moins  que  la  paupière  inférieure  ne  s'abaiffe. 
Dans  le  perroquet  mort ,  les  deux  pau- 
pières fe  trouvent  jointes  enfemble  fur  la 
cornée  ,  elles  ont  fait  chacune  la  moitié 
du  chemin  pour  s'y  rencontrer  ,  ce  que 
M.  Petit  n'a  jamais  obfervé  que  dans  le 
perroquet  ;  car  il  a  remarqué  que  dans  tous 
les  autres  oifeaux  ,  c'eft  la  paupière  infé- 
rieure qui  s'élève  dans  le  moment  qu'ils 
meurent  ,  &  elle  va  joindre  la  paupière 
fupérieure  qui  ne  s'abaifîé  en  aucune  ma- 
nière. Tout  ceci  n'efl  que  pour  les  ana- 
tomiftes ,  qui  peuvent  en  outre  parcourir 
la  difTedion  du  perroquet  donnée  par 
Oliger,  dans  les  acla  Hajfn.  vol.  Il  ^ 
71°.  22.4,  ,  ann.  iGj"^.  Voici  des  détails 
pour  d'autres  ledeurs. 

Pline  ,  lih.  X ,  c.'xlij  ,  dit  ifuperomnia 
humanas  voces  reddunt  pflttaci ,  6"  qui- 
dem  fermocinantes  :  India  avem  hanc 
mittit.  Pfittacum  vacant  toto  corpore  tan- 
tum  in  cervice  diftinSum.  Les  anciens  ne 
connoifToient  point  d'autres  perroquets  que 
les  Indiens  ;  c'efl  l'oifeau  des  Indes  de 
Ctéfias  ,  d'Arii^ote  ,  d'Elien  ,  de  Paufanias 
&  autres.  On  lit  dans  Diodore  de  Sicile, 
lib.  II y  p.  SS  >  que  l'on  trouvoit  encore 
des  perroquets  en  Syrie  ,  c'efl-à-dire  ,  en 
AfTyrie ,  où  étoit  la  ville  de  Sittace  ou 
PJittace  y  que  l'on  fuppofoit  avoir  tiré  ion 
nom  de  cet  oifeau.  Caliilhene  le  rhodien , 


P  E  R 

cité  par  Athénée  ,  dit  que  du  temps  àcr 
Ptolomée  Philadelphe ,  on  vit  à  Alexan- 
drie ,  comme  une  grande  merveille,  des 
perroquets  ,  des  paons  ,  des  failans ,  & 
quelques  autres  oiièaux  de  cette  rareté. 
Les  perroquets  étoient  encore  très-rares  à 
Rome  du  temps  de  Varron  j  car ,  parlant 
de  certaines  poules  ,  il  ajoute  qu'on  en 
montroit  dans  les  fêtes  publiques  ,  ainfi 
que  des  perroquets  ,  des  merles  blancs , 
&  autres  animaux  de  ce  genre  peu  connus. 
Aullî  Ovide  ,  en  pleurant  la  mort  du /jet— 
roquet  de  fa  Corine  ,  amor.  II ,  eleg  vj  y 
l'appelle  extremo  munus  ab  orbe  datum.^ 
un  préfcnt  donné  du  bout  du  monde. 
Bientôt  ils  devinrent  moins  rares  ;  ils 
étoient  connus  fous   le  règne  de  Tibère. 

Les  eij^eces  de  perroquets  &  Narras  y 
difFérens  en  grandeur,  en  couleur  &  en 
figure ,  font  làns  nombre.  Les  perroquets 
les  plus  ordinaires  au  Para ,  ceux  qu'on 
connoît  à  Cayenne  fous  le  nom  de  tahouas 
ou  de  perroquets  de  l'Amazone  ,  font 
verds  ,  avec  le  haut  de  la  tête  ,  le  deiTous 
&  les  extrémités  des  ailes  d'un  beau  jaune. 
Une  autre  efpece  ,  appellée  aufîi  tahouas 
à  Cayenne  ,  eil  de  la  même  couleur, 
avec  cette  feule  différence  ,  que  ce  qui 
eil  jaune  dans  les  autres ,  eil  rouge  dans 
ceux-ci.  Mais  les  plus  rares  de  tous  ,  font 
ceux  qui  font  entièrement  jaunes  ,  de 
couleur  de  citron  à  l'extérieur,  avec  le 
deifous  des  ailes  ,  &  deux  ou  trois  plumes 
de  leur  bout  ,  d'un  très  -  beau  verd  ; 
ils  deviennent  extrêmement  familiers.  On 
ne  connoît  point  en  Amérique  l'efpece 
grife  qui  a  le  bout  des  ailes  couleur  de 
feu  ,    &   qui  eil  fi  commune  en  Guinée. 

Les  Indiens  des  bords  de  l'Oyapoc , 
ont  l'adrefle  de  procurer  artificiellement 
aux  perroquets  ,  des  couleurs  naturelles  , 
différentes  de  celles  qu'ils  ont  reçues  de 
la  nature ,  en  leur  tirant  des  plumes  en 
difïerens  endroits  fur  le  cou  &  fur  le  dos , 
&  en  frottant  l'endroit  plumé  du  fang  de 
certaines  grenouilles  j  c'eit-là  ce  qu'on 
appelle  à   Cayenne  tapirer  un  perroquet. 

Voyei  Perroquet  tapiré. 

On  fait  cotnmunément  que  les  perroquets 
vivent  très -long-temps.  Comme  ii  y  eh 
avoit  un  à  Florence  qui  avoit  acquis  une 
cipece  de  célébrité  ,  M.  de  Réaumur  pria 
■    >.     ■  M.  l'abbé 


P  E  R 

îl.  l'abbé  Cevati  de  vouloir  bien  lui  man- 
der ce  qui  en  éîoit  ;  &c  voici  ce  qu'il  en 
apprit.  Le  plumage  de  cet  oifeau  étoit 
blanc ,  avec  une  feule  huppe  couleur  de 
rofe  fur  la  tête  ;  il  avoit  le  bec  &  les  pies 
noirs ,  6c  parloit  extrêmement  bien  .  il 
étoit  de  la  groffeur  &  du  poids  d'un  bon 
poulet  de  trois  mois.  A  l'égard  de  fon  âge , 
il  n'a  pas  été  poffible  de  le  favoir  au  jufte  ; 
il  avoit  été  apporté  à  Florence  en  1633  , 
par  la  grande  ducheffe  Julie- Viâioire  de 
la  Rovere  d'Urbain,  torfqu'elle  y  vint 
époufer  le  grand  duc  Ferdinand  ;  &  cette 
princefTe  dit  alors  que  ce  perroquet  étoit 
l'ancien  de  fa  maifon.  Il  vécut  à  Florence , 
pendant  près  de  cent  ans.  Quand  on  ne 
lui  donneroit ,  fur  ce  que  dit  la  grande 
*  ducheffe  ,  qu'environ  vingt  ans  de  plus , 
il  auroit  donc'  vécu  près  de  cent  vingt 
années.  Ce  n'eft  peut-être  pas  le  plus  long 
terme  de  la  vie  de  ces  '  animaux  ;  mais 
au  moins  eft-il  fur  par  cet  exemple  qu'ils 
peuvent  aller  jufques-là. 

Seroit-il  poflible  défaire  pondre  &  cou- 
ver àQS  perroquets  dans  nos  climats,  M.  de 
Réaumur  raconte  que  dans  ce  iiecle  un 
chanoine  d'Angers  a  eu  chez  lui  une  paire 
de  perroquets  qui  pendant  trois  années 
confécutives  ont  pondu  &  couvé  ;  que  des 
accidens  ont  empêché  deux  des  couvées 
de  réuflir  ;  mais  que  trois  petits  perro- 
quets font  nés  de  la  troifieme  couvée,  & 
qu'un  de  ceux-ci  vivoit  encore  en  1740. 
Cependant  on  ne  cite  que  ce  feul  fait  ; 
&  le  phyficien  qui  le  rapporte  fe  flattoic 
que  nous  pouvions  nous  rendre  propres 
en  Europe  la  plupart  des  efpeces  àe perro- 
quets. (  D.J.) 

Quoi  qu'il  en  foit ,  les  voyageurs  ont 
rendu  cet  oifeau  (\  commun  en  Europe, 
qu'il  paroît  inutile  d'en  décrire  la  figure , 
que  tout  le  monde  connoît.  On  en  dif- 
tingue  de  trois  fortes ,  qui  différent  beau- 
co\ip  en  groffeur  ,  &  dont  les  efpeces 
varient  à  l'infini.  Les  arras  ,  par  leur  taille, 
tiennent  le  premier  rang  dans  ce  genre  de 
volatile;  on  en  voit  dont  le  plumage  eft 
varié  d'incarnat ,  de  pourpre  ,  de  bleu  clair 
&  foncé ,  de  verd  oc  de  jaune  ;  les  plus 
communs  font  d'un  bleu  célefte  fur  le  dos, 
ayant  quelques  plumes  plus  foncées  aux 
extrémités  des  ailes  ôt  de  la  queue,  qui 
Tome  XXV, 


P  E  R  417 

!  eft  fort  longue  ;  ils  ont  le  deffous  de  l'ef- 
tomac  d'un  beau  jonquille  ,  le  bec  fort  &c 
crochu,  les  pattes  courtes,  cagneufes  & 
garnies  de  griffes.  Cet  oifeau ,  très-com- 
mun en  Amérique  ,  eft  pefant,  mal-adroit, 
ftupide  ,  articulant  mal  ce  qu'on  lui  fait 
dire  :  fon  cri  naturel  eft  fort  défagréable. 

L'efpece  à^i perroquets  varie  confidéra- 
blement  ;  les  grandes  Indes  en  produifent 
de  différentes  fortes,  dont  les  principales 
font  celles  que  l'on  appelle  Catucoua  :  leur 
plumage  eft  blanc ,  &  quelquefois  cendré; 
ils  ont  fur  la  tête  une  efpece  de  crête  de 
couleur  orangée ,  couchée  fur  le  derrière 
du  cou;  cette  crête  fe  dreffe  &  fe  déploie 
lorfque  l'animal  eft  en  colère. 

Les  loris  font  beaucoup  plus  petits, bien 
faits  ,  aftez  hauts  fur  jambes  ,  ayant  la  tête 
petite  ,  le  cou  proportionné,  la  taille  lé- 
gère, la  queue  longue,  &  le  plumage  di- 
verfifié  de  couleur  de  feu  ,  de  pourpre ,  de 
bleu  &  de  jaune. 

Les  perroquets  noirs  font  communs  dans 
l'île  Maurice;  ils  reffemblent,  au  bec  près  , 
à  des  corbeaux. 

La  côte  d'Afrique  produit  aufîi  un  grand 
nombre  de  perroquets  ;  les  plus  connus  , 
qui  viennent  communément  de  l'île  du 
Prince  ,  font  d'un  beau  gris  ,  ayant  la 
queue  couleur  de  feu.  Ces  oifeaux  fifflenc 
très-bien,  &  peuvent  exécuter  des  airs 
à  leur  portée  :  élevés  de  jeunlÏÏe  ,  ils  s'ap- 
privoifent  facilement  ;  ils  ont  beaucoup 
de  mémoire ,  prononcent  à  merveille  ce 
qu'on  leur  apprend ,  &  leur  attachement 
eft  extrême  à  l'égard  de  ceux  qu'ils  ont  pris 
en  amitié. 

Il  eft  prefque  impoffible  de  décrire  toutes 
les  efpeces  àe  perroquets  que  produit  l'A- 
mérique. Ceux  que  l'on  appelle  ama\ones  ^ 
venant  des  bords  de  la  rivière  de  ce  nom  , 
font  forts  de  taille;  leur  plumage  eft  d'un 
beau  verd  mêlé  de  quelques  plumes  rouges 
&  jaunes  fur  le  gros  des  ailes ,  dont  les 
extrémités  ont  un  peu  de  bleu  ;  ils  ont  en- 
core une  efpece  de  bandeau  de  petites  plu- 
mes jaiines  au  defî"us  du  bec  fur  le  devant 
de  la  tête  :  ces  perroquets  font  grands  rail- 
leurs ,  contrefaifant  le  cri  des  animaux  , 
&  même  le  ton  des  pcrfonnes;  ils  parlent 
^  très-bien, 

Ggg 


4iî  P   E  R 

On  voit  dans  les  Antilles ,  principale- 
ment clans  celles  qui  font  peu  habitées  , 
des  perroquets  à^une  erpece  particulière  à 
chacune  de  ces  îles.  Ceux  de  Tabago  font 
fort  gros  ;  leur  plumage  eft  verd ,  avec  un 
peu  de  bleu  aux  ailes  &  fur  la  tête.  Il  s'en 
trouve  dans  l*île  de  Saint- Vincent  d'une 
couleur  ardoifée  tirant  fur  le  verdâtre  ;  ils 
ont  quelques  plumes  d'un  rouge  fang  de 
bœuf  fur  le  gros  des  ailes  :  ces  animaux 
font  mal  faits,  lourds,  &  femblent  par- 
ticiper  de  la  ftupidité   des   fauvages  du 

Les  habitans  de  la  Martmique,  de  la 
Guadeloupe  &  de  la  Grenade ,  ont  telle- 
ment fait  la  chafTe  aux  perroquets^  qu'on 
n'en  trouve  prefque  plus  dans  ces  îles. 

hes  perroquets  font  leurs  nids  au  fom- 
met  des  plus  hauts  arbres  ,  dans  des  trous 
faits  par  k  nature ,  ou  qu'ils  creufent  avec 
leur  bec  ;  ces  trous  font  très -profonds, 
&  prefque  toujours  dirigés  de  bas  en  haut  : 
quoique  les  perroquets  paroillent  pefans  , 
ils  volent  cependant  très-bien  ,  fort  haut 
&  en  compagnie  de  quatre  ou  cinq  ,  per- 
chant fur  les  arbres ,  pour  fe  repofer ,  & 
faifant  un  grand  dégât  de  fruits ,  de  graines 
&  de  branches  ,  lorfqu'ils  prennent  leur 
nourriture ,  ou  qu'ils  s'amufent.  La  chair 
de  cet  oifeau  eft  brune,  grafîe,  &  d'un 
goiit  approchant  de  celle  du  pigeon;  on 
en  fait  de  très -bonne  foupe;  elle  réufïit 
encore  très-bien  étant  mife  en  daube  ou 
en  pâté. 
♦  Les  perriques  font  des  perroquets  de  la 
petite  forte,  qui  ne  groffiffent  jamais;  on 
peut  les  diftinguer  en  grande  6c  en  petite 
efpece  ;  elles  font  toujours  fort  inférieures 
pour  la  taille  aux  perroquets  ordinaires  ; 
ïiur  forme  eft  plus  dégagée;  elles  ont  auffi 
la  voix  moins  forte  ,  &  le  caquet  plus 
affilé.  On  voit  de  grandes  perriques  dont 
le  plumage  eft  d'un  beau  verd  d'émeraude , 
ayant  de  petites  plumes  couleur  de  feu 
fur  le  gros  des  ailes ,  &:  un  bourrelet  de 
pareilles  plumes  fur  le  devant  de  la  tête  ; 
leur  bec  eft  ordinairement  d'un  blanc  cou- 
leur de  chair» 

11  vient  de  la  côte  de  Guinée  des  perri- 
ques extrêmement  jolies,  moins  fortes  que 
les  précédentes  :  elles  ont  la  queue  fort 
longue  j  leur  plumage  ,  d'un  verd  de  poirée 


P   E    R 

eft  égal  par  tom  le  corps ,  a  rexception 
d'un  collier  de  plumes  noires  qu'elles  ont 
autour  du  cou;  leur  tête  eft  ronde,  bien 
faite ,  ornée  de  deux  yeux  fort  vifs,  &  d'un 
bec  de  couleur  noire.  La  même  côte  produit 
une  autre  forte  de  perriques  plus  petites  , 
d'un  verd  plus  foncé ,  ayant  des  plumes 
rouges  ,  jaunes  &  noires.  Enfin  il  s''erv 
trouve  qui  ne  font  guère  plus  greffes  que 
des  moineaux,  dont  le  plumage  eft  verd 
d'émeraude ,  mêlé  de  quelques  petites 
plumes  rouges  furia  tête  &.  aux  ailes.  Il 
eft  bon  de  faire  attention  que  le  mot  per- 
rique  déftgne  toujours  la  petite  efpece  des 
perroquets ,  &  que  celui  de  perruche  s'em- 
ploie en  parlant  des  femelles. 
Perroquet  tapïré,  ( Hifloirc  des 

arts,  J  Nous  nommons  perroquets  tapïrés^ 
ceux  qui  doivent  à  l'art  une  partie  de  leurs 
belles  plumes.  Les  Indiens  de  la  Guiane 
favent  faire  venir  des  plumes  rouges  ôc 
des  plumes  jaunes  aux  perroquets  qui  n'en 
avoient  pas  en  aft^ez  grand  nombre.  Ce 
fait,  que  M.  de  la  Condamine  a  rapporté 
dans  fon  intéreftante  relation  de  la  rivière 
des  Amazones,  eft  attefté  par  tous  ceux 
qui  ont  habité  à  Cayenne.  On  nous  dit 
que  les  Indiens  arrachent  les  plum.es  des 
perroquets  dans  les  endroits  où  ils  favent 
qu'en  la  place  des  vertes  ,  ils  peuvent  en 
faire  venir  de  rouges  ou  de  jaunes,  &C 
qu'ils  frottent  les  chairs  qu'ils  ont  mifes 
à  découvert  avec  clu  fang  de  grenouille.  Si 
un  plus  long  féjour ,  ou  moins  d'occupa- 
tion ,  euflent  permis  à  M.  de  la  Conda- 
mine de  faire  tapirer  devant  lui  des  per- 
roquets^ nous  faurions  mieux  ce  que  nous 
devons  penfer  de  la  recette  de  fang  de 
grenouille.  Tout  ce  que  font  les  Indiens, 
fe  réduit  peut-être  à  faire  paroître  plutôt 
des  plumes  que  la  mue  eût  fait  paroître 
plus  tard  ;  le  fang  de  grenouille  ne  tient 
vraifemblablement  heu  que  de  baume  aux 
petites  plaies  qu'ils  ont  faites  aux  per-^ 
roquets. 

Les  Indiens  connoiftent ,  dit -on  ,  les 
perroquets  propres  à  être  tapirés  ;  n'eft-ce 
point  qu'ils  ont  une  connoiffance  femblable. 
par  rapport  aux  perroquets ,  à  celle  que 
nous  aurions  par  rapport  à  nos  poules , 
dont  la  couleur  du  plumage  change  après 
, ,  chaque  mue  ?  On  ^^cheie  cependant  moins 


^• 


P  E  R 

ies  perroquets  tapirés ,  quand  on  fait  qu*lls 
l'ont  été;  aufli  les  Indiens  fe  gardent-ils 
bien  de  les  annoncer  pour  tels.  N'eft-ce 
point  encore  parce  que  le  changement  au- 
quel l'art  a  eu  quelque  part ,  eft  l'effet 
d'une  opération  équivalente  à  la  mue, Se  que 
Texpérience  a  appris  que  les  plumes  rouges 
ou  jaunes  qui  tomboieht  à  la  mue  fuivante , 
n'étoient  pas  toujours  remplacées  pas  des 
plumes  de  même  couleur?  Ainfi  les  plumes 
blanches  de  nos  coqs  &c  poules  ne  font 
d'ordinaire  remplacées  par  des  plumes  de 
même  couleur  qu'au  bout  de  plufîeurs 
années.  (  jD.  /.  ) 

Perroquet,  poifTon  de  mer  auquel 
Rondelet  a  donné  le  nom  de  perroquet , 
parce  qu'il  eft  de  différentes  couleurs  :  il 
a  le  dos  noir;  le  ventre  &  les  côtés  du 
corps  font  jaunes  ,  &:  la  nageoire  du  dos 
efl  verte.  Ce  poiffon  a  plufîeurs  traits 
verds  qui  s'étendent  depuis  les  ouïes  juf- 
qu'à  la  queue.  Au  refle,  il  reffemble  au 
lourd  ,  dont  il  eft  une  efpece  particulière. 
VoycT^  TctURD.  Rondelet,  Hifioire  natu- 
relle des  poijfons  ^  I part,  lip.  l^I  ^ch.  vj. 
Voyei  Poisson. 

Perroquet  ,  (  Marine.  )  C'eft  le  mât 
le  plus  élevé  du  vaiffeau  ;  il  y  en  a  un  ar- 
boré fur  le  grand  mât  de  hune  ;  un  autre 
fur  le  mât  de  hune  d'avant ,  ou  de  mifai- 
ne  ;  un  fur  le  mât  de  beaupré ,  &  l'autre 
fur  le  mât  d'artimon.  Voyei  Mat. 

Perroquets  volans  ;  ce  font  deux  perro- 
quets que  l'on  met  &  que  Ton  ôte  plus  fa- 
cilement, &  que  l'on  amené  étant  fur  le 
pont  du  vaiffeau. 

Perroquet  en  bannière.  Mettre  les  per- 
roquets  en  bannière^  c'eft  lâcher  les  écoutes 
des  voiles  de  perroquet ,  en  forte  qu'on  les 
laiffe  voltiger  au  gré  du  vent;  cela  fe  prati- 
que lorfqu'on  peut  donner  de  jour  quelques 
fignaux  dont  on  eft  convenu,  f^oyei^  BAN- 
NIERE. 

Perroquets  d'hiver.  Ce  font  des  perro' 
quets  qui  font  plus  petits  que  ceux  que  l'on 
porre  d'ordinaire  dans  les  belles  faifons. 

§  PER.ROQUET,  f.  m.  (terme  de  hla- 
fon.J  oifeau  qui  entre  en  quelques  armoi- 
ries :  il  paroît  de  profil  &  arrêté  ;  fon  émail 
eft  le  finople.  Il  eft  le  fymbole  des  voyages 
aux  Indes. 

Defchamps  de  Vitot ,  de  Boishebert  , 


P  E  R  419 

de  Beurrevîîle ,  en  Normandie  ;  </V^^/xr 
à  trois  perroquets  de  finople  ,  becquès  & 
membres  de  gueules. 

Bournel  de  Monchy  en  Picardie  ;  d^ar- 
gent  à  un  écujjon  de  gueules ,  accornpagné 
de  huit  perroquets  de  finople  en  orle^  bec 
qués  &  membres  du  fécond  émail. 

Dormy  de  Vefvres ,  à  Bourbon-Lancy  ^ 
en  Bourgogne  ;  d'argent  au  chevron  de 
gueules  ,  accompagné  en  chef  de  d^ux  per- 
roquets de  finople  ,  affrontés  &  en  pointe 
d'un  tourteau  de  fable.  ÇG.  D.  L.  T.J 

PERRUCHE  ,  f.  f.  COrnythol.J  nom 
qu'on  donne  à  la  plus  petite  efpece  du 
genre  des  perroquets  à  longue  queue. 

On  diftingue  différentes  fortes  de  perru- 
ches :  i^.  la  perruche  commune  ,  qui  eft 
verte,  rouge  &  jaunâtre;  c'eft  la  première 
efpece  du  genre  àzs,  pfîttacus  qu'on  ait  vue 
en  Europe,  &  elle  éroit  bien  connue  des 
anciens  ;  2°.  la.  perruche  qui  eft  toute  verte 
fans  aucun  mélange;  ■^'^.Isl perruche  rouge 
&  jaune  ;  4°.  la  perruche  rouge  ,  jaune  & 
à  crête  ;  5^.  la  perruche  rouge  avec  les 
ailes  colorées  de  noir  &  de  jaune. 

Outre  ces  efpeces  de  perruches^  Mar- 
grave en  a  décrit  fept  autres  efpeces  par- 
ticulières au  Bréfil,  où  on  les  nomme  tuia 
putejuba ,  tuitirica  ,  jeudaia  ,  tuiSe ,  tui" 
para ,  anaca  &  quijubatui.  Il  parle  encore 
de  deux  autres  efpeces  de  perruches  fort 
curieufes ,  mais  qui  n'ont  point  de  nom 
particulier  ;  l'une  eft  de  la  groffeur  d'une 
hirondelle,  toute  jaune,  à  bec  noir,  & 
à  très  -  longue  queue  ;  l'autre  eft  de  la 
grofleur  d'un  étourneau  ,  d'un  jaune  foncé 
fur  le  dos ,  d'un  jaune  pâle  furie  ventre  ,  & 
à  queue  plus  courte.  On  voit  àes perruches  à 
la  Guadeloupe  à  plumes  rouges  fur  la  tête, 
&  à  bec  tout  blanc  :  enfin  c'eft  un  genre 
d'oifeau  extrêmement  diverfîfié.  Les  per- 
ruches s'apprivoifent  aifément ,  devien- 
nent familières ,  aiment  la  compagnie  , 
&  parlent  prefque  toujours  ;  il  y  en  a  ce- 
pendant quelques-unes  qui  ne  difent  mot. 
{D.J.)  ♦ 

PERRUQUE  ,  f.  f.  CArt  méchanique.  ) 
coéffure  de  tête ,  faite  avec  des  cheveux 
étrangers,  qui  imitent  &  remplacent  les 
cheveux  naturels.  L'ufage  &  l'art  de  faire 
des  perruques  eft  très- moderne  ;  ils  n'ont 
pas  plus  de  120  ans.  Avant  ce  temps,  l'on 


420  P  E  R 

Te  çouvroit  la  tête  avec  de  grandes  calo- 
tes,  comme  les  portent  encore  aujourd'hui 
les  comédiens  qui  jouent  les  rôles  à  man- 
teau ôc  ceux  qui  font  les  pay  fans.  On  y 
coufoit  des  cheveux  doubles,  tout  droits , 
car  on  ne  favoit  pas  treffer ,  &  Ton  frifoit 
ces  cheveux  au  fer ,  comme  on  les  frife 
aujourd'hui  fur  la  tête. 

Le  premier  qui  porta  perruque  fut  un 
abbé  nommé  la  Rivière,  On  travailloit  alors 
fur  un  couffin ,  femblable  à  celui  des  ou- 
vrières en  dentelle.  Cet  ouvrage  étoit  beau- 
coup plus  facile,  parce  que  ce  que  l'on 
place  aujourd'hui  au  bas  d'un  petit  bon- 
net, étoit  alors  au  deffus  de  la  tête.  Les 
perruques  étoient  fi  garnies  &  fi  longues , 
qu'elles  pefoient  affez  communément  juf- 
qu'à  deux  livres.Les  belles  étoient  blondes; 
c'étoit  U  couleur  la  plus  recherchée.  Les 
cheveux  d'un  beau  blond  cendré ,  forts , 
&  de  la  longueur  de  ceux  qu'on  place  au 
bas  des/7err«^tte5,  valoient  jufqu'à  50  ou  60, 
&  même  80  livres  l'once ,  hi^\QS  perruques 
fe  vendoient  jufqu'à  mille  écus.  Celui  qui 
coëfïbit  Louis  XIV  de  ces  énoxmQS  perru- 
ques que  nous  lui  voyons  dans  (ts  portraits , 
s'appelloit  Binette.  Il  difoît  qu'il  dépouille- 
rolt  les  têtes  de  tous  fes  fiîjets  pour  couvrir 
celle  du  fouverain.  En  même  temps  un 
nommé  Eryais  inventa  la  crêpe  qui  joint 
mieux  ,  qui  s'arrange  plus  aifément ,  & 
qui  fait  paroître  les  perruques  bien  garnies, 
quoiqu'elles  foient  légères  &  peu  chargées 
de  cheveux.  Nous  expliquerons  ailleurs 
comment  on  ciêpe  des  cheveux  plats. 
Voici  maintenant  ce  qu'il  y  aàobferver  fur 
le  choix  des  cheveux. 

1°.  Il  ne  faut  point  que  ce  foient  des 
cheveux  d'enfant;  il  eft  rare  qu'ils  foient 
forts  au  deffous  de  15  ou  de  20  ans  :  les 
blonds  fur-tout  les  ont  d'une  qualité  plus 
fine  &  plusfilaffeufe,  &  plus  fujets  à  rouffir 
quand  on  les  emploie  ;  auffi  ne  s'enfert-on 
guère. 

1°.  Les  cheveux  châtains  font  ordinai- 
rement les  meilleurs  ;  des  enfans  mêmes 
les  ont  forts.  Il  y  a  trois  fortes  de  châtain; 
le  châtain  ,  le  châtain  clair  ,  &  le  châtain 
Brun. 

3°.  Les  cheveux  noirs  fonnent  auffi  trois 
nuances  différentes  ;  il  y  a  le  noir  ,  le  petit 
noir ,  &  le  noir  jais,  couleur  que  rcnj>eiit 


P  E  R 

porter  fans  poudre,  mais  très-difficile 
trouver. 

4°.  Il  y  a  des  cheveux  grifâtres  d'une 
infinité  de  tons  dilférenS.  Ceux  que  nous 
appelions  gris  de  maure  ont  été  noirs  jais  , 
mais  ils  font  devenus  au  quart  blancs.  Le 
gris  fale  eft  la  couleur  de  cheveux  des 
perfonnes  brunes  ;  ils  pafi^ent  de  même  au 
quart  blancs.  Le  blanc  fond  pune  eft  la 
couleur  des  cheveux  blonds  qui  ont  blan- 
chi. Il  faut  que  ces  cheveux  loient  à  moitié 
blancs  pour  qu'on  s'en  apperçoive  ,  le  blanc 
reffortant  moins  du  blond  que  du  noir  &C 
duchâtam. 

5".  Dans  la  variété  des  cheveux  blancs  » 
celle  dont  les  perruquiers  font  le  plus  de 
cas,  eft  le  blanc  agate.  Ce  font  ordinaire- 
ment les  perfonnes  les  plus  noires  qui  ont 
les  cheveux  de  cette  couleur ,  lorfqu'ils  ont 
enriérement  blanchi. 

Le  blanc  perle  eft  la  couleur  des  che- 
veux des  châtains,  lorfqu'ils  font  devenus 
tous  blancs  ;  les  cheveux  blancs  de  lait  ont 
été  blonds  ou  roux  ,  ils  ont  pris  cette  nuance 
avec  le  temps;  fouvent  l'extrémi-^ï  en  eft 
jaune.  Ceux  qui  ont  été  blonds  ne  font  pas 
d'une  fi  bonne  qualité  que  ceux  qui  ont 
été  roux; ceux-ci  font  très-forts  &  beau- 
coup meilleurs.  Le  corps  en  eft  continu.. 
La  pointe  en  refte  toujours  fine ,  hi  boucle 
natutellement.  Ces  cheveux  n'ont  point  de 
prix".  * 

Toutes  ces  couleurs  forment  une  longue 
fuite  de  nuances  changeantes  &  percep- 
tibles d'une  année  à  une  autre  ,  à  les 
examiner  de  l'inftant  où  ils  tirent  à  la 
blancheur. 

Il  y  a  cette  différence  des  perfonn'^s 
blondes  aux  autres,  que  plus  elles  avancent 
en  âge  ,  plusieurs  cheveux  bruniiïent,  & 
par  conféquent  valent  moins;  &.  qu'aux 
autres ,  au  contraire ,  plus  ils  blanchilTent 
en  avançant  en  âge ,  plus  leurs  cheveux 
augmentent  en  couleur  &  en  force.  li 
faut  pourtant  obferver  que  cette  augmenta- 
tion ne  fe  fait  communément  que  jufqu'à 
l'âge  de  60  ans ,  âge  su  -  delà  duquel  les 
cheveux  ne  prennent  plus  la  même  nour- 
riture ,  &:  devietment  plus  fecs  &  plus 
filafteux. 

On  obferve  en  général  que  les  chevei^^^ 
des  perfonnes  qui  ne  fe  livrent  à  aucun 


P  E  R 

excès  fe  confervent  long  -  temps ,  &  que 
ceux  au  contraire  des  hommes  livrés  à  la 
débauche  des  femmes ,  ou  des  femmes  li- 
vrées à  l'ufage  des  hommes,  ont  moins  de 
fève ,  fechent ,  &  perdent  de  leur  qualité. 

Dans  les  pays  où  la  bière  &  le  cidre  font 
la  boiffon  commune ,  les  cheveux  font 
meilleurs  que  par-tout  ailleurs.  Les  Fla- 
mands ont  les  cheveux  exce  lens,  la  bière 
les  nourrit  &  les  graifle.  Ces  peuples  font 
prefque  tous  ou  blonds  ,  ou  d'un  châtain 
clair.  On  les  diftingue  facilement  pour  peu 
que  l'on  ait  d'expérience.  Ils  s'éclairciffent 
au  bouiiliffage  ,  au  lieu  que  les  cheveux 
blonds  des  autres  pays  y  bruniflfent. 

Les  perruquiers  préfèrent  communément 
les  cheveux  de  femmes  aux  cheveux 
d'hommes ,  quoique  pourtant  il  s'en  trouve 
de  ces  derniers  d'une  bonne  qualité. 

Les  cheveux  des  femmes  de  là  campagne 
fe  confervent  plus  long-temps  que  les  che- 
veux des  femines  qui  habitent  les  villes. 
Les  payfannes  les  ont  toujours  renfermés 
fous  leur  bonnet ,  ne  les  poudrent  jamais  , 
6fles  expofent  rarement  à  l'air  qui  les  def- 
fécheroit.  Si  les  hommes  en  ufoient  de  la 
même  manière  ,  on  emploieroit  avec  le 
même  avantage  leur  chevelure.  11  faut  en 
excepter  ceux  d'entre  eux  qui  font  adonnés 
au  vin  ou  aux  femmes.  Ceux  des  femmes 
qui  fe  frifent  6>c  fe  poudrent  habituelle- 
ment ,  font  mauvais. 

Cqs  obfervations  ne  font  point  fi  géné- 
rales qu'il  n'y  ait  des  exceptions.  11  y  a  de 
bons  cheveux  chez  l'un  &  l'autre  fexe , 
quoique  plus  rarement  parmi  les  hommes. 

Après  avoir  parlé  de  la  matière  ,  nous 
a'ions  paiTer  aux  outils. 

Il  faut  d'abord  des  cardes.  Il  y  en  a  de 
plufieurs  forres  :  i*^.  des  cardes  ou  peignes 
de  fer  à  plufieurs  rangs  de  dents.  Elles  ont 
ordinairement  un  pié  de  long.  Certaines  en 
ont  moins  ,  maii  les  plus  courtes  font  d'un 
demi-pié.  On  les  fait  avec  du  fil  de  fer  tiré 
exprès;  il  efl  plus  ou  moins  gros  ,  mais  com- 
munément du  diamètre  des  aiguilles  à  tri- 
coter,  depuis  les  plus  grofTes  jufqu'aux  plus 
fines.  Aux  plus  groffes  que  l'on  appelle /«;- 
ran^  les  dents  font  d'acier. La  hauteur  en  eft 
de  deux  pouces  &  demi  ou  environ,  la  lon- 
f;ueur  de  huit  à  neuf  pouces  ou  environ, 


P  E  R  421 

&  la  largeur  de  huit  à  neuf  rangs  de  dents 
fur  dix-huit  à  vingt  de  longueur  ;  d'où  l'on 
voit  combien  il  en  peut  entrer  dans  un 
feran.  Souvent  le  feran  eft  tout  de  fer.  La 
plaque  ou  le  dedans  eft  rivé.  Le  fer  déborde 
à-peu-près  d'un  pouce  de  chaque  côté.  Il 
y  a  au  milieu  un  trou  à  placer  une  vis  ou 
un  clou.  Il  faut ,  pour  la  fureté  de  l'ouvrier  , 
que  la  table  fur  laquelle  il  pofe  fa  carde  ou 
fon  feran  ,  ait  un  rebord  tout  autour  d'un 
demi-doigt  de  haut. 

2°.  11  y  a  des  cardes  à  tirer  à  plat , 
c'eft-à-dire ,  à  peigner  les  cheveux  droits  , 
ou  tels  qu'ils  ont  été  levés  de  deffus  la  tête. 
Les  dents  de  ces  cardes  font  attachées  à 
une  planche  qui  peut  avoir  dix  ou  douze 
pouces ,  &  qui  eft  toute  couverte  de  fer- 
blanc.  Elles  n'y  font  point  fi  ferrées  qu'aux 
autres  cardes.  Dans  chaque  rangée  ,  il 
n'y  en  a  guère  qu'une  trentaine  en  long 
fur  fix  en  large.  La  hauteur  de  ces  dents 
eft  communément  d'un  bon  pouce  &c 
demi.  Il  faut  quatre  de  ces  cardes  pour 
les  placer  deux  à  deux  les  unes  fur  les 
autres. 

3°.  On  a  des  cardes  à  dégager.  Elles  font 
de  la  même  longueur  que  les  cardes  à  tirer 
à  plat.  La  différence  qu'il  y  a  de  celles-ci 
aux  autres  ,  c'eft  qu'elles  font  partagées 
en  deux  par  le  milieu  de  l'efpace  d'un  ou 
de  deux  doigts ,  &  ont  à  un  bout  les  dénis 
•  aufli  longues,  auflfi  groffes  &:  aufli  écar- 
tées que  les  précédentes;  mais  d'un  côté 
ces  dents  n'ont  que  neuf  lignes  de  haut  , 
font  plus  fines  &  plus  ferrées  que  de  l'au- 
tre ;  ce  qui  les  fait  à-peu-près  reffembler  à 
un  peigne  à  accommoder ,  où  les  dents  font 
d'un  côté  plus  éloignées ,  &  de  l'autre  plus 
rapprochées. 

4°.  Il  y  a  des  cardes  fines  pour  tirer  les 
cheveux  frifés.  Elles  font  à  peu-près  comme 
le  côté  fin  des  cardes  à  deux  fins.  Elles  ne 
s'attachent  que  par  un  bout ,  parce  que  l'on 
s'en  iert  en  long  &  en  large ,  félon  la  lon- 
gueur du  paquet. 

5^.  Des  cardes  faites  au  cifeau  &  à 
l'équerre  :  un  des  côtés  en  eft  plus  large, 
plus  haut,  &  moins  ferré  ;  l'autre  a  les 
dents  plus  fines  &  plus  ferrées.  Elles  fervent 
à  tirer  &  à  dégager  par  le  moyen  de  l'é- 
querre ;  l'ouvrier  en  place  devant  lui  une 
en  long ,  ai  une  autre  en  large. 


421  P  E  R 

6".  Des  cardes  femblables  aux  cardes  à 
matelas  ,  avec  des  manches  &  des  dent 
crocllues.  Elles  ne  fervent  qu'à  tirer  des 
cheveux  frifés. 

Les  perruquiers  OTit  des  moules  ou  bil- 
boquets qu'ils  emploient  à  frifer  les  che- 
veux. Ces  moules  font  de  buis  ou  de  quel- 
que autre  bois,  de  la  longueur  de  trois 
pouces.  Il  y  en  a  de  différentes  grofleurs. 
Les  plus  petits  n'ont  que  le  diamètre  des 
tuyaux  de  pipe;  les  féconds,  celui  des 
plumes  à  écrire  ;  les  troifiemes  ,  celui  à- 
peu-près  du  petit  doigt;  les  quatrièmes  , 
celui  du  petit  doigt;  les  cinquièmes,  celui 
du  doigt  annulaire;  les  fixiemes,  celui  du 
doigt  du  milieu;  les  feptiemes  font  un  peu 
plus  gros  ;  les  huitièmes  ont  la  grofTeur 
du  pouce;  les  neuvièmes  font  au  deffus 
de  la  groflfeur  du  pouce.  Les  moules  de 
buis  font  les  meilleurs  Les  autres  bois 
«'imbibent  de  plus  d'eau  ,  &  font  plus 
difficiles  à  féclier.  Autrefois  on  fe  fervoit 
de  moules  de  terre.  Nous  en  avons  quitté 
Tufage ,  parce  qu'en  les  mettant  fur  l'é- 
fuve ,  la  terre  s'échaufFoit  trop  &  rendoit 
les  cheveux  trop  cuits.  On  en  faifoit  aufîi 
avec  des  cordes  ou  des  ficelles  pliées  en 
plufieurs  doubles  ,  de  la  longueur  de  trois 
pouces ,  &  des  différentes  groffeurs  dont 
nous  avons  parlé.  On  les  couvroit  d'une 
toile  que  l'on  coufoit,  &  que  l'on  ferroit 
bien. 

Il  y  a  encore  des  moules  brifcs  pour  la 
frifure  que  l'on  appelle  frîfure  fur  rien.  Ces 
moules  brifés  font  faits  à-peu-près  comme 
les  étuis  à  mettre  des  épingles  ou  des 
aiguilles. 

Il  faut  un  étau.  Cet  outil  n'a  rien  de 
particulier;  il  ed  feulement  fort  petit.  De- 
puis que  l'on  fait  de\  perruques  courtes  ,les 
étaux  ne  font  plus  placés  comme  ils  l'é- 
toient.  On  les  renverfe  en  dedans  ;  par  ce 
moyen  on  frifé  plus  aifément ,  &  auffi 
court  que  l'on  veut. 

Il  faut  des  têtes  à  monter  les  perruques. 
Elles  font  diftinguées  les  unes  des  autres 
par  un  numéro.  Les  plus  petites  font  de 
trois  ,  de  trois  &  demi.  Elles  fervent  pour 
les  perruques  des  petits  enfans.  On  peut 
aufïl  s'en  fervir  pour  les  hommes  qui  ont 
la  tête  fort  petite.  Vicn"ent  enfuite  celles 
du  quatrième ,  du  cinquième  &  du  iîxieme , 


P  E  R 

numéro.  Ces  dernières  font  d'un  ufage  plus 
fréquent ,  parce  que  c'eft  la  groflfeur  des 
têtes  ordmaires.  Il  y  en  a  qui  vont  jufqu'au 
feptieme  &  huitième  numéro  ,  mais  elles 
ne  fervent  que  dans  des  cas  extraordinaires. 
Une  tête  à  monter  a  la  forme  d'une  tête 
réelle. 

Depuis  que  l'on  porte  des  perruques  à 
bourfe  ,  &  que  l'on  fait  des  montures  à 
oreilles  ,  on  a  inventé  des  têtes  à  tempes, 
afin  que  les  perruques  ferraffent  mieux  fur 
le  front ,  fur  les  tempes  &  fur  l'oreille  :  le 
bord  du  front  en  efl  très-mince.  Depuis  le 
defTus  de  l'oreiile  jufqu'au  fommet,  le  bois 
groffit  imperceptiblement  toujours  en  mon- 
tant ;  d'où  il  arrive  que  le  devant  du  rebord 
étant  plus  ferré  ,  prend  mieux  ,  ferre  da- 
vantage, &  remplit  même  les  tempes  les 
plus  creufes. 

Hy  a  encore  des  têtes  creufes.  Elles 
font  moins  lourdes ,  &  fatiguent  moins  la 
frifure  qui  fe  fait  fur  les  genoux  ;  mais  elles 
donnent  plus  de  peine- à  celui  qui  monte. 
Comme  elles  font  extrêmement  légères , 
pour  peu  que  le  point  arrête  ,  il  faut  rete- 
nir la  tête  en  pouflTant  l'aiguille. 

Enfin  il  y  a  destêtes  brifées  qui  s'ouvrent 
en  deux  depuis  le  menton  jufqu'au  derrière 
de  la  tête.  Elles  fervent  à  monter  de  petites 
&  de  gro{(es perruques.  Pour  ces  dernières  , 
on  met  dans  l'entre-deux  des  planches 
faites  pour  cet  ufage  ,  plus  ou  moins  épaif- 
fes,  fuivant  l'ampleur  que  l'on  veut  donner 
à  l'ouvrage. 

Il  faut  un  métieV.  Il  eft  compofé  d'une 
barre  de  bois  qui  peut  avoir  deux  pies  ou 
deux  pies  &  demi  de  long  fur  quatre  pou- 
ces de  large  &  deux  de  haut ,  très-plate  en 
defToiUs,  &  d'un  bois  un  peu  lourd  ,  pour 
qu'elle  foit  plus  à  plomb  fur  les  genoux.  Elle 
doit  être  percée  aux  deux  bouts  :  on  met 
dans  ces  deux  trous  un  bâton  rond  de  la  lon- 
gueur de  1 5  à  1 6  pouces  fur  4  ou  4  pouces 
&  demi  de  diametre.Les  deux  trous  doivent 
avoir  à-peu-près  un  pouce  d'ouverture ,  & 
la  grofTeur  des  bâtons  doit  être  proportion- 
née par  le  bas  à  cette  ouverture  ,  pour 
qu'ils  puifTent  y  entrer.  Nous  dirons  ailleurs 
à  quoi  fervent  ces  métiers.  On  peut  prati- 
quer des  trous  fur  les  tables ,  ^  y  placer  les 
bâtons  ;  cela  efl  plus  folide. 

Le  perruquier  a  hefbin  d'ime  marmite 


P  E  R 

eu  chaudière.  Ce  vaiffeau  doit  être  fait 
en  poire ,  plus  large  par  le  bas  que  par  le 
haut.  Cette  forme  empêche  les  cheveux  de 
remonter  lorfqu'ils  font  fur  les  moules.  Sa 
grandeur  ordinaire  eft  d'un  feau  &  demi, 
&  il  peut  contenir  deux  livres  ou  deux 
livres  &  demie  de  cheveux  frifés  fur  des 
moules  qui  ne  foient  ni  trop  gros  ni  trop 
petits. 

Il  lui  faut  auffi  une  étuve.  Il  y  en  a  de 
rondes  Se  de  quarrées.  Ceux  qui  ont  du 
terrain  peuvent  les  faire  en  maçonnerie, 
comme  les  fourneaux.  Celles  que  Ton  com- 
mande aux  menuifiers  ,  font  quarrées  &  de 
bois  de  chêne.  C'eft  une  efpece  de  coffre 
de  trois  pies  &  demi  à  quatre  pies  de  haut, 
fur  deux  à  deux  pies  &  demi.  On  place 
ordinairement  en  dedans  une  croix  de  fer. 
Si  l'étuve  a  quatre  pies  ,  il  faut  que  la  croix 
foit  pofée  à  la  hauteur  de  trois  pies  ou  en- 
viron, &:  couverte  d'une  grille  de  gros  fil 
de  fer ,  dont  les  trous  foient  un  peu  écartés. 
Sous  la  grille,  l'on  met  une  poêle  propor- 
tionnée à  la  grandeur  de  l'étuve ,  pleine  de 
charbons  bien  couverts  ,  &  difpofés  de 
nianiere  qu'en  fe  confumant  ils  ne  forment 
point  de  cavité. 

Les  étuves  rondes  fe  trouvent  chez  les 
boiiïeliers.  Elles  font  du  même  bois  que  les 
féaux.  Au  défaut  des  unes  &  des  autres  , 
on  peut  fe  fervir  d'un  tonneau  bien  fec. 

Les  cheveux  s'étagent  à  différens  degrés, 
depuis  I  jufqu'à  24  tout  au  plus.  Pour  les 
mefurer,  on  fe  fert  d'une  règle  d'environ 
2  pies ,  divifée  par  pouces  &  par  lignes.  Le 
premier  degré  peut  avoir  deux  pouces  & 
demi.  Depuis  le  premier  degré  jufqu'au 
feptieme  degré  ,  on  peut  augmenter  chaque 
étage  d'un  demi-pouce;  depuis  le  feptieme 
degré  jufqu'au  douzième,  de  8  lignes  ;  de- 
puis le  douzième  degré  jufqu'au  feizieme  , 
depuis  8  jufqu'à  1 1  lignes  ;  du  feizieme 
au  dix-huitieme,  les  *étages  ont  12  lignes 
de  plus  ;  depuis  le  dix-huitieme  jufqu'au 
vingtième,  14  lignes  ;  depuis  le  vingtième 
jufqu'au  vingt-quatrième ,  18  lignes  :  enfin, 
pour  le  vingt-quatrjeme  étage  ,  il  faut  que 
les  cheveux  aient  3  quarts  d'aune  de^  long  , 
ÔCc^éftla  dernière  longueur  qu'on  puiffe 
donner  aux  perruques.  Voilà  tous  les  outils. 
Voyons  à  préfent  la  manière  d'employer 
tes  cheveux. 


P  E  R  423 

Si  l'on  fe  propofe  un  ouvrage  en  cheveux 
grifaille,  il  faut  avoir  foin  de  féparer  les 
veines  de  gris  l'aie  qui  pourroient  fe  trouver 
dans  les  coupes  dont  on  veut  faire  la  tire  ; 
car  il  eft  affez  ordinaire  que  dans  une 
coupe  il  y  ait  trois  ou  quatre  nuances  dif- 
férentes. On  les  examinera  par  la  pointe  , 
&  l'on  ôtera  ceux  qui  font  jaunes ,  ou  d'une 
autre  couleur. 

On  fait  cette  opération  fur  toutes  les 
coupes,  depuis  la  plus  longue  jufqu'à  la 
plus  courte  ;  on  prend  une  mèche  de  cha- 
cune; l'on  en  forme  un  paquet  à-peu-près 
de  la  groflfeur  d'un  pouce  ;  &  lorfque  les 
paquets  font  faits,  on  les  noue  avec  du  fil 
de  penne  (ce  fil  eft  ce  qui  refte  attaché 
aux  enfubles ,  lorfqu'une  pièce  de  toile  eft 
finie  )  ;  on  les  étête ,  c'eft-à-dire  ,  que  l'on 
ôte  la  bourre  qui  fe  trouve  à  la  tête  des 
cheveux  :  pour  cet  effet ,  l'ouvrier  tient  le 
paquet  du  côté  de  la  pointe  par  le  milieu, 
&  il  en  laiffe  hors  de  fa  main  environ  la 
longueur  de  trois  doigs;il  les  peigne  aveC^ 
un  peigne  fort,  &  dont  les  dents  foient 
un  peu  larges ,  jufqu'à  ce  que  la  bourre  ou 
le  duvet  foit  entièrement  tombé  ;  ce  qui 
arrive  lorfque  le  peigne  paffe  aifément  à 
travers.  II  a  foin  d'égalifer  les  cheveux  le 
plus  qu'il  lui  eft  poffible. 

Pendant  ce  travail ,  il  doit  avoir  le  feran 
attaché  bien  ferme  fur  la  table. 

Lorfque  les  paquets  font  étêtés  ,  il  faut 
dégraifferles  cheveux.  Cela  fe  fait  ordi- 
nairement avec  du  gruau.  On  en  met  un 
ou  deux  litrons  fur  un  tablier  de  cuir  que 
l'on  a  fur  les  genoux  ;  on  dénoue  le  pa- 
quet; on  le  tient  à-peu-près  par  le  milieu  ; 
on  l'étalé  du  côté  de  la  tête ,  &  l'on  répand 
une  poignée  de  gruau  entre  les  cheveux, 
que  l'on  frotte  entre  les  mains,  comme 
unëblanehiffeufe  frotte  du  linge  fin.  Après 
qu'on  a  opéré  fur  la  tête  des  cheveux  , 
on  le  retourne  ,  &  on  en  fait  autant  du  coté 
de  la  pointe.  Après  quoi  on  fépare  le  gruau 
le  plus  qu'il  eft  poffible  ,  en  mêlant  les 
cheveux ,  &  en  les  paftant  plufieurs  fois  dans 
le  feran.  Pour  les  bien  mêler,  on  tient  le 
paquet  par  le  milieu.  Comme  dans  les 
paquets  il  fe  trouve  des  cheveux  courts 
èc  des  cheveux  longs ,  on  prend  de  la  tête 
le  moins  qu'on  peut ,  afin  que  les  cheveux 
courts  qui  fe  trouvent  parmi  les  long«,  ne 


424  P  E  R 

puiffent  pas  fortir  du  paquer.  On  jette  la 
tête  dés  cheveux  dans  le  feran  ;  on  ferre 
le  refte  du  paquet  librement  de  la  main 
gauche,  &  avec  le  premier  doigt  de  la 
main  droite  on  les  tourne  en  dedans ,  & 
on  les  peigne  avec  le  feran  ;  ce  qui  fert 
beaucoup  à  faire  fortir  le  gruau.  Après  ce 
travail ,  on  renoue  les  paquets  que  l'on 
ferre  bien  ,  &  le  dégraiflfage  eft  fini. 

Cela  fait,  il  faut  tirer  les  paquets  par  la 
tête  les  uns  après  les  autres.  Pour  cet  effet , 
on  a  deux  petites  cardes  à  côté  du  feran. 
On  étend  les  paquets  en  long  fur  une  de 
ces  cardes ,  &  l'on  met  la  pareille  fur  les 
paquets  ;  ou  ,  au  défaut  d'une  féconde 
carde ,  on  fe  fert  d'une  vergette  fur  la- 
quelle on  pofe  un  poids  fuffifant ,  pour 
qu'en  tirant  les  cheveux  ils  viennent  dou- 
cement ;  il  faut  obferver  de  les  tirer  bien 
droits ,  &  de  mêler  les  courts  &  les  longs 
le  mieux  que  l'on  peut.. 

Quand  tous  les  paquets  du  tirage  feront 
tous  bien  tirés,  il  faut  avoir  deux  cardes 
à  tirer  à  plat.  On  prend  une  de  ces 
cardes,  l'on  y  place  un  gros  fil  double  , 
plié  en  doubles  écartés  de  deux  doigts , 
le  long  des  rangées  des  dents  de  la  carde, 
en  obfervant  que  ce  fil  paffe  plus  du  côté 
de  l'anneau  que  de  l'autre  côté.  On  prend 
enfuite  les  paquets  féparément  les  uns  des 
autres  ,  &C  on  les  jette  dans  les  cardes 
avec  la  plus  grande  égalité  poffible.  Pour 
faciliter  cette  manoeuvre  ,  on  met  une 
carte  à  chaque  bout ,  f\  les  paquets  doi- 
vent remplir  toute  la  carde,  ik  un  rang 
de  cartes  fur  le  derrière  de  la  carde  à 
l'endroit  oij  l'on  voit  que  les  cheveux  les 
plus  courts  peuvent  fortir.  On  peut  charger 
de  paquets  la  carde  jufqu'à  un  pouce  au- 
deffus  des  dents.  En  les  plaçant ,  il  faut 
avoir  l'attention  de  les  bien  ferrer  ,  de 
les  tenir  preffés  par  une  vergette  ou  des 
cardes.  Les  paquets  longs  &  les  paquets 
courts  doivent  toujours  être  entremêlés , 
de  façon  qu'en  les  tirant  il  en  vienne  des 
uns  &c  des  autres.  Quand  la  carde  eft  bien 
remplie  ,  l'on  prend  les  bouts  de  fil  qui 
fortent  de  la  carde  ;  on  les  paffe  fur  les 
cheveux  6>c  dans  l'anneau;  après  quoi  on 
ferre  le  plus  que  l'on  peut,  &  l'on  arrête 
les  fils  en  dehors  de  la  carde  à  une  pointe 
eu  à  une  dent.  On  pofç  enfuite  fautr* 


P  E  R 

carde  fur  les  cheveux ,  de  façon  que  fe« 
dents  répondent  aux  dents  de  la  carde  de 
delfous  ,  &  ne  débordent  d'aucun  côté. 
On  la  ferre  bien  pour  que  les  cheveux  ne 
ghffent  pas  plus  que  l'on  ne  voudroif,  &C 
à  mefure  qu'on  les  tire,  il  faut  ferrer  de 
temps  en  temps  la  carde  de  defTus. 

Pour  faire  le  tirage  avec  plus  de  facilité,' 
il  faut  pafi^er  une  ficelle  dans  les  deux  trous 
des  deux  cardes,  &  l'arrêter  à  un  clou  placé 
à  une  certaine  diftance  derrière  les  cardes, 
afin  que  les  cheveux  qui  fe  trouvent  dedans 
ne  débordent  pas  plus  de  trois  doigts  en 
dehors   de  la  table. 

Le  premier  paquet  que  l'on  tire  ne  fe 
tire  point  aufïl  gros  que  les  autres  :  ordi- 
nairement il  eft  épointé  par  la  tête  ;  & 
pour  que  le  tirage  foit  bien  fait ,  il  faut 
que  le  paquet  foit  aufti  quarré  par  la  tête 
quG  par  la  pointe.  Ceux  qui  tirent  bien  , 
tirent  les  paquets  avec  leurs  doigts  ;  mais 
l'on  fe  fert  communément  d'un  couteau 
ou  de  cifeaux.  Le  deuxième  paquet  doit 
être  plus  gros,  &  autant  qu'il  le  faut  pour 
remplir  quatre  ,  cinq  ou  fix  moules.  A 
mefure  que  les  plus  longs  cheveux  fortent, 
les  paquets  ne  doivent  plus  être  fi  gros.  Si 
l'on  veut  relever  les  paquets  tout  de  fuite  , 
il  faut  que  l'ouvrier  ait  fon  feran  à  côté  de 
lui. 

Relever  les  paquets ,  c'eft  lorfqu'on  les 
tire  par  la  pointe ,  les  renouer  tout  de  fuite 
par  la  tête,  &  ferrer  le  fil  le  plus  que  l'on 
peut ,  pour  que  les  cheveux  ne  s'échappent 
point  en  les  frifant. 

Les  paquets  des  cheveux  les  plus  courts, 
ne  doivent  pas  être  plus  gros  que  le  tuyau 
d'une  petite  plume.  Parvenu  à  la  fin  du 
tirage ,  on  retrouve  tous  les  étages ,  depuis 
le  plus  long  jufqu'au  plus  court. 

Tout  étant  tiré  &  relevé ,  félon  la  quan- 
tité de  cheveux  que  l'on  a ,  on  a  par  rangs 
plufieurs  fuites  que  l'on  enfile  chacune 
félon  fon  étage ,  pour  les  retrouver  plus 
facilement  en  les  frifant. 

Venons  à  préfent  à  la  frifure,  que  l'on 
doit  faire  avec  attention  ,  car  c'eft  delà 
que  dépend  la  durée  de  l'ouvrage. 

Après  avoir  attaché  bien  foiidement 
l'étau  devant  la  table ,  il  faut  avoir  un 
morceau  de  cuir  de  la  longueur  &  de  la 
largeur  du  pouce  ;  on  l'attache  à  l'étau  avec 

lUîC 


PEa 

une  petite  ficelle  un  peu  longue ,  pour  en 
jouir  avec  plus  d'aifance.  Avant  de  mettre 
le  paquet  dans  ce  morceau  de  cuir ,  il  faut 
le  frotter  un  peu  par  la  tête  ;  cela  empêche 
un  frifon  de  glifTer  :  on  tourne  le  cuir 
tout  autour.  Il  faut  toujours  commencer 
à  frifer  les  courts  ;  cette  précaution  règle 
pour  la  hauteur  &  la  grolîèur  de  la  frifure. 
Les  plus  courts  ,  qui  font  l'i  &  le  2, ,  fe  font 
en  rouleaux. 

Voici  la  manière  dont  on  les  fait.    On 
coupe  des  bandes  de  papier  du  bon  bout  qui 
ert  le  large  ;   &  ces  bandes  on  les  coupe 
en  petits  morceaux  quarrés.  Si  ce  font  des 
cheveux  blonds  ou  gris  ,  on  prend  de  l'eau 
chaude  dans  un  vafe  où  les  cheveux  puif- 
fent  tremper  à  leur  aife  ;  on  a  de  l'indigo , 
qui  doit  être    de  Guatiraala  ,    parce  que 
c'eft  le  meilleur ,  &  qu'il  ne  rougit  pas  ; 
tout  autre  gâte   les  cheveux.    On  en   met 
de  la  grolTeur  d'une  petite  noix  dans  un 
linge  plus  gros  que  fin  ,  que  l'on  ferre  avec 
du  fil  ;  on  l'écrafe  un  peu  ;   on  le  trempe 
dans  l'eau  chaude  ;  &  on  le  preiTe  à  mefùre 
avec  le  doigt,  afin  que. la  couleur   forte 
plus  aifément.  Si  les  cheveux  font  blancs  , 
il  faut  que  l'eau  en  foit  bien  teinte.  Quand 
les  cheveux  auront    bien  trempé  ,  &  que 
l'on  en  aura  bien  exprimé  l'eau  ,  ils  doivent 
refier    un  peu    bleus  ;   pour  les    cheveux 
blonds ,  il  faut  faire  la  même  chofe.  Moins 
les  cheveux  font  blancs  ou  blonds ,  moins 
il  faut  que  l'eau  foit  chargée  ;   pour  des 
cheveux  noirs  ou  châtains  ,  de  l'eau  fimple 
fuffit.    Il  ne  faut  point  frotter  la   tête  du 
paquet ,    mais  fimplement  la  mettre  dans 
le  morceau  de  cuir ,  la  ferrer  dans  l'étau , 
avoir  un  peigne  un  peu   ferré  ,  le  paffer 
une  ou  deux  fois  dans  le  paquet ,  &  choifir 
le  moule  qui    convient  ;  on  le  tient  de  la 
main  droite  ,  &  de  la  main  gauche  on  prend 
une  des  petites  papillotes  quarrées  que  l'on 
met  fous  le  paquet  ;   avec  les  deux  pouces 
on  maintient  la    papillote  ,  en    tenant    le 
moule  ferme  par    les  deux  bouts  dans  les 
deux  mains ,  jufqu'à  ce  qu'on  ne  voie  plus 
la  pointe  du  moule  &    de  la  papillote  ; 
pour  lors  il  faut  tourner  en  avant  le  paquet , 
pour  que  la  frifure  fe  trouve  plus  étendue 
fur  le  moule.  Ayant  ainfi  tourné  toujours 
ferme  jufqu'au  fil ,  on  deflTerre  l'étau  ;  l'on 
prend  une  bande  de  papier  que  l'on  tient 
TomeXXK 


bien  ferme  ;  &  après  avoir  tiré  tout-à-fait 
le  paquet  de  l'étau  ,  on  roule  le  papier  fur  le 
paquet ,  jufqu'à  ce  qu'il  (bit  entièrement  en- 
veloppé fous  le  papieril'on  déchire  le  papier 
qui  refle ,  &  l'on  ferre  bien  fort  le  paquet 
avec  du  fil  ou  une  ficelle.  Si  l'on  ne  veut 
point  fe  (èrvir  de  deux  papillotes ,  il  fuffit 
de  prendre  une  bande  de  papier  dans 
laquelle  on  roule  le  paquet  jufqu'à  ce  qu'il 
foit  entièrement  enveloppé  ;  mais  il  peut 
arriver  que  la  frifure  en  vienne  un  peu 
plus  grofie.  Ayant  opéré  de  cette  manière 
fur  tous  les  paquets  qui  fe  trouvent  jufqu'au 
2.  ou  3  ,  il  faut  avoir  une  corde  un  peu 
plus  groife  que  la  ficelle  avec  laquelle  on 
frife,  que  l'on  paffe  dans  le  pié  &  fur 
l'étau  ,  de  façon  qu'elle  foit  aflez  longue 
pour  qu'elle  ne  gêne  point  ;  cette  ficelle 
doit  être  de  la  grofleur  de  celle  qu'on  ap- 
pelle ficelle  de  trois  ;  elle  doit  être  coupée 
par  bouts  de  la  longueur  de  20  pouces, 
ou  une  demi-aune  tout  au  plus. 

Après  avoir  ferré  le  paquet  dans  l'étau  , 
comme  nous  avons  dit ,  il  faut  ,  avec  le 
peigne  ,  le   partager  en  deux ,  en  relever 
la  moitié  deflbus  la  ficelle  qui  eu  à  l'étau 
ou   à    votre   pié ,    &  le    rouler ,  comme 
nous  avons  dit ,  jufqu'au  fil  qui    noue   le 
paquet  ;  alors  on  prend  la  ficelle  que  l'oa 
fait  paffer  fous  les  paquets.  Elle  doit  être 
égale  par  les  deux  bours  que  l'on  a  dans 
la  main  droite  au   deflous  du  moule  ,  & 
on  tient  le  moule  bien  ferme  par  un  bout . 
de  la  main  gauche  ;  puis  on  fait  un  tour 
de   la  main  droite  avec  la  ficelle  double. 
On  paffe  un  des  bouts  dans  la  main  gau- 
che ,  &  avec    l'autre   bout,  on    fait  deux 
ou  trois  tours  de  la  main   droite  ,    après 
quoi  on  fait  deux  nœuds  bien   ferrés.  On 
reprend  enfuite  l'autre  moitié  du  paquet, 
&  l'on  exécute  la  même  chofe.  On  renoue 
les  deux  moules  enfemble  avec  le  bout  de 
la  ficelle  qui  paffe.  A  mefure  que  le  paquet 
augmente  en  grofTeur  ,   l'on  augitiente  la 
grofleur  du  moule  &  la  quantité  de  che-» 
veux  fur  chaque  paquet.   Si  l'on  en  met 
trois  ,  on  les  partage  en  tiers  ;  fi  l'on  en 
met  quatre  ,  on  les  partage  en  quart;  ainfi 
de  fuite  en  augmentant.  A  mefure  que  les 
paquets  deviennent  longs ,  il  faut  en  aug- 
menter la  hauteur  proporrionnément  à  U 
hauteur  de  k  frifure  ,  de  façon  que  I01 


41^  PER 

cheveux  les  plus  longs  né  doivent  avoir 
que  quatre  ou  cinq  pouces  de  trifure. 

Si  l'on  veut  donner  du  crêpe  aux  che- 
veux ,  quand  on  a  frifé  un  paquet  ,  s'il 
efl    de    deux    moules ,    après    avoir  bien 
frotté  le  paquet ,  on  l'ôte  de  l'étau   pour 
repouflèr  le  fil  qui  le  noue  le  plus  haut  que 
l'on  peut  \  pour  lors  il  faut  prendre    un 
moule  àe  chaque   main  ,   tourner   l'un  à 
droite  &  l'autre  à  gauche  ;  après  les  avoir 
tournés  jufqu'à  ce  qu'ils  faflent  une  efpecc 
de  corde  ,  les  paflêr  l'un  fur  l'autre  jufqu'à 
ce  qu'ils  forment  une  corde  qui  tafle  à-peu- 
près  l'effet  du  crin  que  l'on  carde  pour  les 
matelas.  Si  le  caquet  efl  à   trois  moules , 
quand  on  en  a  tourné  deux ,  comme  nous 
l'avons  dit ,  tourner  le  troifieme  à  droite 
&  le  paffer  pardeffus.  Si  les  deux  paquets 
fuivans  font  auffi  en  3  moules  y  tourner 
les  deux  premiers ,  comme  nous  avons  dit  ^ 
-  tourn-er  enfuite  le  troifieme  à  gauche  y  le 
paiTer  pardefïùs  ,  &  faire  la  même  chofc 
aux  autres  paquets ,  tant  qu'il  y  aura  trois 
moules  y  pour  que  le  crêpe  n'emporte  pas 
plus   d'un  côté  que  de  l'autre.   Quand  il 
y  aura  quatre  moules  au  paquet ,  en  pren- 
dre deux ,  les    tourner   l'un   à  droite   & 
l'autre    à  gauche  y    &    les  attacher    bien 
ferme  tous  deux  Tun  contre  Tautre   avec 
le  bout  de  ficelle  qui  pafîe  ;  &  après   en 
avoir  fait  autant  aux  deux  autres  moules , 
les  attacher  toirs  quatre  enfemble  ;   fi  l'on 
veut  que  le  crêpe  foit  plus  forr ,   les  re- 
natter tous  quatre  enfemble.  Autrefois  on 
portoit  le  devant  des  perruques  très-haut , 
comme  on  le  voit  aux  portraits  de  Louis 
XIV,  cela  s'appelloit  devant  à  la  Fontange^ 
parce  que  le  marquis  de  Fomange  en  avoit 
amené  le  goôf ,  &  voici  comme  on  tra- 
vaillûit.  Quand  les   paquets  étoienr  frifés 
à-peu-près  depuis  le  5  &  le  6  ,   dont  on 
faifoit  les  de  van  s   dans    ce   t^mps-Jà  y  on 
dénouoit  les  paquets  ,  on  féparoit  clwquc 
moule  ,  on  prenoit  une  grande  ficelle  de  la 
grofîèur  de  celle  avec  laquelle  on  frifbit ,  on 
préfentoit  le  meule  par  le  bout  de  lia  ficelle , 
on   partageoit  les  mèches   en  trois  y    Ton 
nattoit  comme  les  Allemands  nattent  leurs 
cheveux  ,  &    après  on  repoufToit  la  natte 
jufqu'auprès  du  moule,  &  ainfi  des  autres  ; 
îorfqu'on  dégageoit  les  cheveux  ,    comme 
nous  l'expliquerons  plus  bas ,  il  arrivoit 


PEU 

delà  que  les  cheveux  trèfles  &  coûfiis  (ùr 
la  tête ,  fè  tenoient  tout  droits ,  comme 
on  les  vouloit. 

Il  y  aune  frifufe  que  l'on  appelle /r//wre 
fur  rien  :  voici  comme  elle  fe  pratique. 
On  a  un  moule  brifé  ;  ce  moule  efl  fait 
à-peu-près  comme  les  autres  ,  excepté  qu'il 
s'ouvre  en  deux  ,  un  des  cotés  entre  dans 
l'autre,  comme  un,  étui;  on  fait  les  pa- 
pillotes plus  longues  que  quarrées  ;  on  les 
coupe  par  les  deux  bouts  ,  comme  une 
carte  à  placer  dans  un  chandelier  ;  0*1 
partage  les  cheveux  ^  comme  nous  avons 
dit  ;  on  les  roule  de  même  ;  l'on  rcnverfè 
la  découpure  des  papillotes  de  chaque  bout 
tout  autour  des  cheveux  ;  l'on  attache 
une  ficelle  pardeffus  ;  ce  qui  empêche  que 
les  cheveux  n'échappent;  l'on  retire  en- 
fuite  le  moule  par  les  deux  bouts  qui  s'ou* 
vrent  ,  &  la  frifure  efl  fur  rien.  11  faut, 
avoir  égard  à  la  hauteur  &  à  la  groffeur ,. 
comme  nous  l'avons  prefcrif  ;  pour  cet  etiet 
on  a  des  moules  de  toutes  les  groffeurs. 

Il  y  a  une  autre  façon  de  frifer  fur  rien> 
que  l'on  appelle  à  V angle.  On  a  des  bâtons 
de  toutes  les  grofîêurs  ,  à-peu-près  comme 
les  moules  ,  hors  qu'ils  doivent  être  une 
fois  plus  longs.  On  met  les  paquets  dans 
l'étau;  on  a  de  la  petite  ficelle",  fans  être: 
coupée  comme  on  la  coupe  pour  les  autres  ; 
on  tient  la  ficelle  tout  le  long  du  moule  ; 
on  la  m/Ouille  dans  la  bouche  ,  parce  qu'elle 
s'étend  mieux  fur  les  bâtons  :  il  ne  faut 
point  de  papillotes  comme  aux  autres  fri- 
lures  :  on  roule  la  frifure  à  la  hauteur 
convenable  ;  on  paffe  le  bout  de  la  ficelle- 
deux  fois  pour  faire  un  double  nœud  qus 
l'on- ferre  avec  les  dents, ~&  en  même 
temps  ^o^^  retire  le  bâton  de  l'autre  main. 

Si  l'on  frife  des  cheveux  pour  une  per^ 
ruque  d'eccléfiaflique  ,  il  faut  obferver  de 
faire  k  frifure  uès-bafî'e.  Si  l'on  en  frife 
pour  des  boucles  ou  des  boudin»,  il  faut 
au  contraire  frifer  très-haut  ,  avoir  Je 
moule  plus  long  ;  &  au  lieu  de  commencer 
à  placer  les  cheveux  dans  le  milieu  du 
moule ,  comme  nous  avons  dit  ci-defïus  ^ 
l'on  prend  un  des  bouts  du  moule  ,  &  on 
tourne  toujours  jufqu'à  ce  que  l'on,  foit 
remonté  à  Tautre  bout. 

Quand  toas  les  paquets  de  cheveux  font 
frifés ,  on  a  une  longue  ficelle  de  la  grolTcur 


P  E  R. 

de  celle  avec  laquelle  on  frlfe  ;  on  enfile 
fous  les  paquets  par  rangs  ;  &  pour  trouver 
les  étages  plus  facilernent  ,  on  pratiqutf 
deux  nœuds  coulans ,  dans  leiquels  on  palTe 
la  tctQ  des  paquets  que  l'on  approche  le 
plus  que  l'on  peut. 

Après  avoir  obfervé  exadement  tour  ce 
que  nous  venons  de  dire  ,  il  faut  prendre 
la  chaudière  dont  nous  avons  parlé  ,  &  la 
remplir  aux  environs  de  trois  quarts  d'eau 
de  rivière.  Si  c'eft  de  l'eau  de  puits  ,  il 
ne  faut  pas  qu'elle  foit  ni  crue  ,  ni  trop 
acre.  On  élevé  la  chaudière  fur  un  trépié , 
afin  qu'elle  ait  de  l'air  pardeflbus.  Il  faut 
que  l'eau  bouille  trois  heures  à  gros  bouil- 
lons ians  difcontinuer.  Si  -l'on  y  met  des 
cheveux  bruns ,  ou  gris-blancs  ,  ou  blonds , 
il  fulfif  que  l'eau  ait  bouilli  deux  heures 
&  demie  :  à  meliare  que  l'eau  diminue  , 
il  faut  avoir  devant  le  feu  un  coquemard 
d'eau  chaude  pour  remplir  la  chaudière  ; 
car  il  efl  néccfTaire  que  l'eau  fumage  tou- 
jours aux  cheveux  :  à  raefure  que  les  che- 
veux jettent  leur  crafle  ,  il  eft  à  propos 
de  les  écumer. 

Tout  cela  fait ,  il  faut  retirer  les  che- 
veux ,  &  les  égoutter  le  plus  vite  que  l'on 
peut ,  afin  qu'ils  n'aient  pas  le  temps  de  fè 
refroidir  ;  &  pour  les  avoir  plutôt  égouttés, 
il  faut  les  effuyer  avec  des  linges. 

On  met  enfuite  les  cheveux  dans  l'étuve. 
On  couvre  4e  papier  la  grille  ;  on  y  pofe 
les  fuites  de  cheveux  fur  lefquels  on  étend 
une  couvertul^e  ,  &  l'on  ferme  bien  l'étuve 
où  l'on  a  placé  une  poêle  remplie  de  char- 
bons bien  allumés  au  feu  ,  arrangés  de 
manière  qu'en  fe  confumant  ils  ne  s'écrou- 
lenr  point ,  &  ne  falfent  point  de  cavités  , 
&  couverts  de  cendres  rouges.  Quand  la 
poêle  eu  bien  préparée ,  il  peut  durer 
depuis  le  foir  jufqu'au  lendemain  matin  , 
fans  y  toucher  ni  remuer  les  cheveux.  Dès 
le  matin  il  faut  avoir  l'attention  de  remuer 
la  poële  avec  une  pèle  tout  autour  dou- 
cement ,  pour  que  le  feu  ne  foit  point  trop 
vif;  on  retournera  les  fuites  de  cheveux 
au  moins  toutes  les  heures  jufqu'à  ce  que  les 
moules  (oient  fecs  ,  &  qu'ils  commenceni 
à  être  lâches  dans  la  frifure.  Si  une  poëlc 
de  feu  ne  fufïit  pas ,  il  faut  en  remettre 
une  féconde  ,  &  avoir  foin  que  le  feu  ne 
foit  point  trop  vif:  fi    dans  l'étuve,  il 


P   E  R  4i7 

y  a  des  cheveux  blancs  ou  blonds  :  l'on 
ne  fauroit  avoir  trop  cette  attention  ,  parce 
que  ces  fortes  de'  cheveux  lont  fujets  à 
launir.  Sans  trop  prefiér  ni  ralentir  le  feu  , 
les  cheveux  doivent  relier  communément 
dans  l'étuve  36  ou  40  heures  pour  fe 
fécher.  _^ 

Les  cheveu^rlechés ,  il  faut  avoir  ^  ou 
6  feuilles  de  papier  gris  qui  ne  Ibit  point 
battu ,  dans  lefquelles  on  les  enveloppe  ,  de 
manière  que  l'on  ne  voie  ni  les  cheveux , 
ni  les  moules.  On  a  une  corde  de  la  grof- 
feur  d'une  corde  à  tendre  ,  &  (ufîifârament 
longue  pour  la  paffer  plufieurs  fois  defTus 
&  deffous  ,  afin  que  rien  n'en  puific  fortir  ; 
le  tout  doit  être  bien  fermé. 

A  Paris,  ce  Ibntles  boulangers  de  painl 
d'épice  qui  font  la  pâte  du  pâté  &  qui 
le  font  cuire.  Les  perruquiers  qui  iont  dans 
des  pays  où  ils  n'ont  point  cette  commo- 
dité ,  la  préparenf  eux-mêmes  avec  le 
gruau  qui  fèrt  à  dégraiffer  les  cheveux.  Il 
faut  que  le  pâté  ne  foit  ni  trop  mince ,  ni 
trop  épais.  Le  temps  de  la  cuiflbn  peut 
être  d'environ  trois  heures,  à -peu- 
près  le  temps  qu'il  faut  pour  cuire  un  pain 
de  10  à  12.  livres.  Le  pâté  cuit,  il  faut 
le  couper  tout  chaud  ,  &  remettre  les 
fuites  de  cheveux  dans  l'étuve  à  une  cha- 
leur très-légère ,  &  les  laifTer  ainfi  bien 
refroidir. 

Pour  faire  bouillir  les  cheveux  de  la  pre- 
mière frifure  fur  rien  qui  s'exécute  fur  des 
moules  brifés  ,  voici  ce  qu'il  efl  à  propos 
d'obfèrver.  Il  faut  prendre  un  panier  qui 
puiflè  entrer  dans  la  chaudière ,  &  y  ranger 
les  fuites  de  façon  qu'elles  y  foient  un  peu 
ferrées  pour  qu'elles  ne  varient  point ,  & 
avoir  foin  que  le  panier  foit  au  fil  bien  fermé  ; 
c'efl  la  même  chofe  pour  la  frifure  à  l'angle 
fur  rien  ;  quand  les  fuites  font  dans  le 
panier  ,  &  le  panier  dans  la  chaudière ,  & 
que  l'eau  commence  à  bouillir  (  chofe  qu'il 
faut  obferver  pour  tous),  l'on  prend  un 
litron  de  farine  que  l'on  délaie  bien  dans 
de  l'eau  chaude  ;  lorfqu'elle  eft  bien  dé- 
layée ,  on  la  jette  dans  la  chaudière  ;  on 
ia  laiflè  bouillir  ;  après  quoi  on  fait  fécher 
les  cheveux  fur  l'étuve  comme  les  autres; 
&  pour  s'afTurer  qu'ils  font  fecs ,  il  faut 
voir  fi  la  ficelle  y  tourne.  Au  lieu  de  les 
mettre  dans  un  pâté  comme  les  autres, 
Hhh2 


4i8  P  E  R 

on  a  une  cucurbite  que  l'on  met  dans  un 
chaudron  ou  dans  une  marmite.  On  fait 
bouillir  au  bain-marie  pendant  huit  heures. 
La  cucurbite  doit  être  bouchée  avec  de  la 
laine.  Il  en  faut  deux  bouchons  ,  afin  que 
lorfque  le  premier  a  pris  l'humidité  des 
cheveux  ,  -on  puifTe  remettre  le  fécond  , 
tandis  que  le  premier  fc  Teche  ,  &  ainfi 
alternativement  jufqu'à  la  fin  des  huit 
heures.  Voilà  tout  ce  qui  regarde  le 
bouiUiflage  &  le  féchage  des  cheveux  ; 
opérations  très-néceflâires  à  faire  exaâe- 
ment ,  fi  l'on  veut  que  l'ouvrage  foit  d'un 
bon  ufé. 

Il  faut  que  les  cheveux  foient  bien  froids 
avant  que  de  les  décorder  :  décorder  des 
cheveux ,  c'efi:  défaire  la  ficelle  &  ôter 
les  moules  ;  cela  fe  doit  exécuter  avec 
attention ,  &  ne  pas  négliger  de  bien  re- 
mettre toujours  la  friiure  dans  fon  centre. 
Après  les  avoir  décoroics ,  il  faut  les  déta- 
dier  paquet  à  paquet  de  la  ficelle  qui  les 
tient  enfilés ,  &  commencer  par  les  plus 
longs. 

Avant  que  d'aller  plus  loin  ,  nous  allons 
dire  un  mot  de  la  manière  dont  on  travaille 
Je  crin. 

Il  faut  d'abord  le  mettre  en  paquet ,  & 
le  tirer  par  la  tête  &  par  la  pointe  ,  comme 
les  cheveux  ;  faire  une  eau  de  favon ,  le 
iavonner  à  plufieurs  reprifcs ,  comme  l'on 
favonne  le  linge  fin  ;  avoir  une  eau  d'in- 
digo ,  le  pafîèr  à  cette  eau  ,  &  le  frifer 
comme  les  cheveux  ,  excepté  qu'il  faut 
employer  des  moules  plus  gros  ,  &  monter 
la.  frifure  moins  haut.  Après  l'avoir  retiré 
de  l'eau  d'indigo ,  on  le  foufre  comme  les 
bas  de  foie   &  la  blonde. 

Il  y  a  des  perruquiers ,  dans  certaines 
provinces  où  l'on  ne  paie  point  les  perru- 
ques y  qui  y  mettent  beaucoup  de  poil  de 
chèvre.  Ce  poil  fe  bliinchit  beaucoup  & 
donne  une  très-belle  couleur,  mais  il  ne 
dure  pas;  il  fe  coupe  en  le  peignant.  On 
le  travaille  de  même  que  le  crin. 

Pour  revenir  au  dégagement  ,  après 
avoir  défait  les  paquets  de  la  ficelle  ,  en 
commençant  par  les  plus  longs ,  il  efi:  à 
propos  d'avoir  fon  feran  bien  attaché  de- 
vant foi.  Alors  on  prend  d^ix  ou  trois 
paquets  dont  on  a  débourré  la  tète  fur 
le  feran i  on  les  tieat  bien  ferme,  &  on 


P   E  R 

les  ratiffe  à  plufieurs  reprifes  {ans  peigner  ; 
on  les  égalile  bien  par  la  pointe  ,  &  on 
les  peigne  enluite  du  côté  de  la  tête  ,  en 
les  tenant  toujours  bien  ferme  ,  afin  qu'ils 
ne  fe  dérangent  point  ;  ce  qui  eft  très- 
efîentiel.  Quand  les  paquets  auront  été 
bien  peignés  ,  &  qu'ils  païïeront  aifément 
dans  le  ieran  ,  on  les  mêlera  avec  le  doigt,, 
comme  nous  avons  dit  ci-devant  ;  on  les 
repeignera  par  la  pointe  ;  &  on  recom- 
mencera par  la  tête  ,  en  continuant  toujours 
de  les  mêler  jufqu'à  ce  que  la  frifure  foie 
bien  ouverte  ,  &  que  le  corps  des  cheveux 
n'ait  plus  de  mauvais  plis  :  après  quoi  on 
les  attachera  avec  du  fil  bien  ferme ,  & 
on  les  mettra  en  boucles  du  bon  coté  ; 
on  commencera  par  les  plus  longs  ,  &  l'on 
continuera  jufqu'aux  plus  courts. 

Voilà  tout  ce  qui  concerne  le  dégage- 
ment du  crin  ,  des  cheveux,  du  poil  fec: 
car  ,  dans  certaines  provinces  ,  il  y  a  des 
perruquiers  qui  fe  fervent  de  laine  de  Bar- 
barie ,  &  la  travaillent  comme  le  poil. 
Cette  laine  eft  d'un  très-mauvais  ufé.  SU 
l'on  s'en  fert  pour  \ts  perruques  des  fpec- 
tacles ,  c'eft  qu'on  la  teint  aifément  de 
diverfes  couleurs. 

Il  y  a  une  forte  de  cheveux  ,  que  l'on 
appelle  cheveux  herbes  :  on  les  travaille  à- 
peu-près  de  la  manière  fuivante.  On  prend 
des  coupes  de  cheveux  noirs  ,  bruns  , 
rouges  ou  châtains  ;  on  les  trèfle  fur  du  gros 
fil  ou  fur  une  petite  ficelle  ;  on  prend  des 
pafl"és très-gros  du  paquet,  ou,  autrement 
dit ,  d'une  coupe  ,  que  l'on  trèfle  à  fimple 
tour ,  comme  nous  l'expliquerons  ci-après. 
Ainfi  treflTés ,  on  les  leflive  &  on  les  pré- 
pare comme  la  toile  bife  que  l'on  veut 
blanchir ,  en  les  mettant  fur  l'herbe  :  c'efl 
d'où  ils  tirent  le  nom  de  cheveux  herbes. 
On  s'en  fert  pour  donner  la  couleur  aux; 
nœuds  des  perruques  nouées  ,  &  au  derrière 
des  perruques  à  bourfe  :  ils  ne  font  bons 
qu'à  être  mêlés  avec  d'autres  cheveux  ;  & 
fi  on  les  employoit  feuls  ,  ils  lei'oient  d'ua 
très-mauvais  uîë ,  car  au  blanchifl"age  ils 
perdent  leur  force  &  leur  fubftance  :  c'eft 
des  Anglois  que  nous  tenons  cette  mé- 
thode ,  qui  nous  difpenfe  depuis  enviroiï 
40  ans  de  mettre  dans  les  nœuds  des  per- 
ruques nouées  &  au  derrière  des  perruqutt 
à  bourfe  >  de  bons  cheveux ,  qui  en  augmea* . 


P  E  R 

terolent  le  prix  de  beaucoup,  fans  qu'elles 
en  durafTent  davantage. 

Lorfque  les  cheveux  font  tous  dégagés  , 
il  faut  les  enfiler  avec  une  aiguille  &  du 
Bi  un  peu  fort,  tous  par  étage  ,  afin  de  les 
trouver  plus  ailement  quand  on  veut  les 
tirer;  c'efl  alors  que  la  carde  faite  en 
équerre  devient  utile.  Après  qu'on  l'a  atta- 
chée ferme  devant  foi,  on  prend  un  ou 
deux  paquets  que  Ton  vient  de  dégager  , 
on  les  remêle  par  la  tête  ,  comme  on  l'a 
déjà  dit ,  en  obfervant  de  les  tenir  toujours 
bien  égaux  par  la  pointe.  Après  les  avoir 
renoués  à  une  certaine  hauteur  ,  on  les 
étend  fur  un  des  côrés  de  la  carde  qui  fe 
préfente  en  long  jufqu'au  fil.  Après  quoi 
on  met  une  carde  pareille  pardeflus  ,  alors 
on  retire  des  paquets  des  petits  ,  de  la 
groffeur  d'une  plume.  S'ils  fe  trouvent  biea 
épointés ,  on  en  retire  une  moindre  quan- 
tité ,  parce  qu'il  faut  qu'ils  fe  trouvent 
quarrés  par  la  tète  &  par  la  pointe.  Si  les 
paquets  font  à-peu-près  quarrés  ,  on  peut 
tirer  plus  des  petits.  Il  ne  faut  pas  atten- 
dre que  la  carde  foit  entièrement  vuide  , 
mais  fur  la  fin  des  premiers  en  remettre 
d'autres  dans  l'autre  côté  de  la  carde ,  les 
bien  mêler;  à  mefure  que  l'on  tire  un 
des  paquets  ,  le  bien  égaîifer  ,  le  peigner 
dans  la  carde  ,  le  nouer  par  la  tète  ,  le 
remettre  en  boucle ,  &  faire  la  même 
chôfe  jufqu'à  la  fin  des  fuites  ,  foit  de 
cheveux  ,  de  crin  ,  de  poil.  Après  avoir 
tiré  le  tout ,  il  efl:  à  propos  de  le  parta- 
ger en  plufieurs  fuites ,  &  de  les  enfiler 
par  la  tête  avec  une  aiguille  &  du  fil  , 
comme  nous  avons  dit  ci-devant  pour  les 
cheveux  plats. 

Il  s'agit  maintenant  du  préparage.  Il 
n'efi:  pas  trop  aifé  d'en  faire  une  defcrip- 
tion  exaâe  ,  car  il  dépend  de  l'idée  &  du 
goût  de  l'ouvrier  :  voici  cependant  com- 
ment on  s'y  prend  communément.  Si 
l'on  veut  préparer  une  perruque  nouée , 
un  peu  ample  ,  c'elî-à-dire  ,  une  perruque 
pour  une  perfonne  d'un  certain  âge,  il 
faut  qu£  les  cheveux  foient  un  peu  crêpés  , 
(  nous  a\'ons  oublié  de  dire  que  quand  on 
dégage  les  cheveux  crêpés ,  il  faut  avoir 
l'attention  de  les  palï^r  dans  le  feran  juf- 
qji'à  ce  que  le  crêpe  foit  bien  ouvert.  ) 
Nou^  parlerons    d'abord  de    la  pcrrugue 


P  E  R  41^ 

nouée ,  parce  que  c'efl:  la  première  qui  a  t 
été  inventée  :  quoiqu'elle  ne  paroiflè  guère 
imiter  les  cheveux,  elle  les  imitoit  cepen- 
dant dans  le  temps  où  l'on  commença  à  la 
porter  ,  parce  que  l'on  ne  connoiffoit  ni  la 
bourfe  ni  la  queue.  Les  foldats  même  qui 
avoient  les  cheveux  longs,  les  officiers  , 
les  bourgeois  partageoient  leurs  cheveux 
en  deux  par  derrière ,  les  ramenoient  en 
devant,  &  les  nouoient  comme  les  nœuds 
de  nos  perruques  nouées. 

Si  l'on  fait  une  perruque  courte  &  lé- 
gère ,  il  n'eft  pas  à  propos  qu'il  y  ait  du 
crêpé.  Dans  les  premiers  temps  ,  on  faifoic 
les  perruques  à  devans  hauts  ^  garnis  , 
gonflés ,  &  longue  fuite ,  comme  nous 
avons  dit  ci- devant;  elles  étoicnt  fi  lon- 
gues ,  qu'elles  alloient  jufqu'au  18  ou  10  , 
&  on  les  portoit  en  devant.  Pour  peu 
•qu'un  homme  eût  le  vifàge  maigre  ,  il  en 
etoit  fi  oSuiqué  ,  qu'à  peine  lui  voyoit-on 
le  vifage.  Ces  longues  perruques  étoienc 
faites  en  pointe ,  ôc  fe  terminoient  par  un 
boudin. 

Pour  la  préparation  ,  il  faut  prendre  des 
cheveux  crêpés  ,  comme  nous  l'avons  dit. 
L'ouvrier  a  devant  lui  une  règle,  fur  la- 
quelle font  marqués  les  étages;  il  com- 
mence par  les  plus  longs.  Suppofé  que  l'on 
fafîe  un  préparage  de  perruque  nouée  fur 
le  II  ou  le  12.,  l'on  commence  par  les 
longs  ;  on  prend  5  ou  6  des  petits  paquets 
que  l'on  met  jufte  au  12.  Il  cflà  propos  , 
pour  le  bas  de  la  noueure ,  de  mêler  du  1 1 
dans  le  12.,  pour  qu'elle  fe  trouve  épointéc  , 
&  faire  ainfi  la  même  chofè  à  tous  les 
paquets  jufqu'à  l'i  ,  qui  ell  le  plus  court. 

Si  c'eft  une  perruque  grifaille  que  l'on 
prépare ,  que  les  paquets  ne  foient  pas  tous 
d'une  même  longueur  ,  &  qu'il  s'en  trouve 
quelques-uns  de  plus  noirs  ,  on  y  mêle  un 
petit  paquet  blanc.  S'il  y  en  avoit  de  trop 
blancs  ,  on  y  en  ajoutcroit  de  plus  gris  ou 
même  de  noirs. 

Après  avoir  bien  mêlé  &  remêlé  tous 
les  paquets ,  il  faut  les  remettre  les  uns 
après  les  autres  dans  les  cardes ,  les  tirer 
bien  quarrés  ,  les  nouer  ferme  avec  du 
fil ,  &:  faire  la  même  chofè  à  tous.  Enfuite 
on  coupe  des  bandes  de  papier  blanc  un, 
peu  fort  ;  elles  doivent  être  plus  larges 
pour  les  paquets  lon^s  que  pour  ks  courts  j 


430  P  E  R 

aurrement  la  frifure  lèroir  gênée.  Après 
avoir  roulé  une  ou  deux  fois  ïca  bandes  de 
papier  ilir  le  fil  qui  attache  [es  paquets  ,  & 
ronoué  la  papiilotte ,  on  les  numérote 
depuis  l'i  jufqu'au  plus  long-  Ce§  numéros 
empêchent  que  l'on  ne  fe  trompe  en  trel- 
fant.  Enlîiite  on  les  remet  en  boucle.  On 
prend  un  des  bâtons  du  métier  dont  nous 
avons  parlé.  On  a  de  la  Ibie  de  Grenade  , 
qu'autrefois  l'on  choififToit  violette  ,  &  une 
carre  à  jouer  ,  que  l'on  coupe  en  long  en 
deux  parties.  On  fait  un  petit  trou  à  l'un  des 
bouts  j  on  y  attache  la  foie ,  que  l'on  roule 
fur  la  carte  aux  environs  de  cinq  ou  fix 
aunes;  on  répète  cela  fix  fois:  quand  on 
en  a  difpofé  trois  ,  ce  qui  (iiffit  pour  treffer 
un  des  côtés ,  l'on  ne  fait  point  toucher 
la  quatrième  aux  autres  ;  entr'e^Ie  &  la 
troifieme ,  pour  ne  fe  point  embarrafler 
en  travaillant  ,  on  laiife  l'intervalle  d'un 
doigt.  On  arrange  ainfi  lix  cartes ,  quoi- 
qu'il ne  faille  que  trois  pour  treffer  un 
oôté  de  la  perruque.  Mais  pour  avoir  plus 
d'égahté ,  on  treffe  une  hoche  de  chaque 
paquet^  jufqu'à  la ^fin  de  chaque  rang.  En 
s'y  prenant  ainfi  ,  ks  deux  côtés  de  la 
perruque  fe  trouvent  exécutés  en  même 
temps  &  également;  à  la  fin  de  chaque 
rang  ,  on  les  met  en  boucles  ,  l'un  devant 
foi  &  l'autre  à  côté. 

Les  fix  foies  étant  arrangées  dans  l'ordre 
■que  nous  venons  de  dire  ,  il  faut  avoir 
à  l'autre  bâton  pareil  un  petit  clou  d'épingle 
attaché  à-peu-près  à  un  demi-pié  du  bas 
du  bâton  ,  &  le  courber ,  &  faire  un  nœud 
de  tiflèrand  aux  fix  loies  que  l'on  pafîê  dans 
la  pointe  du  clou.  Nous  avons  dit  plus 
haut  que  l'on  plaçoit  les  deux  bâtons  dans 
les  trous  d'une  barre  de  bois;  mais  cela 
ne  fe  pratique  guère.  On  fait  deux  trous 
fur  la  table  ^  &  l'on  y  plante  les  bâtons  : 
cette  manière  eft  plus  commode  ;  on  n'efl 
point  obligé  de  tenir  une  barre  fur  Ces 
genoux  ;  &  lorfqu'on  trefîê ,  les  bâtons 
toujours  tendus  ne  font  point  fujets  à  fe 
déranger  ;  cependant  fi  la  table  étoit  entiè- 
rement occupée  ,  un  ouvrier  avec  une 
barre  pourroit  treflèr  féparément  fans  être 
^né.  Après  avoir  mis  les  bâtons  dans  les 
vous  ,  &  avoir  attaché  les  fix  foies  ,  comme 
nous  avons  dit ,  il  faut  les  tendre  égale- 
nijent  en  tournant  la  carte  fur  le  bâton  entre 


P  E  R 

le  pouce  &  le  premier  doigt  ;  &  en  faifant 
(onncr  les  foies  avec  les  doigts  ,  comme 
lorlqu'on  accorde  un  infirument,  on  s'af- 
liire  qu'elles  font  tendues  également.  Nous 
expliquerons  plus  bas  la  manière  de  trefler. 

Autrefois  les  ouvriers  preiioient  la  mefure 
à-peu-près  fur  la  tête  qu'ib  croy  oient  propre 
avant  de  faire  la  mouture  ;  aujourd'hui 
que  l'on  opère  plus  jufltment  &  plus  fine- 
ment, on  fait  les  montures  de  tête  avant 
que  de  prendre  la  mellire. 

Les  montures  faites ,  voici  comment  on 
prend  la  mellire  d'une  tête.  On  a  une  bande 
de  papier  gris  ou  blanc  un  peu  fort  ^  on 
la  coupe  un  peu  en  pointe  d'un  côte,  pour 
ydifhnguer  un  bout  qu'on  appelle  le  com- 
mencement. Quand  une  pcrfonne  a  les 
cheveux  bien  plantés  ,  c'ell  -  à  -  dire  , 
qu'ils  ne  font  ni  trop  hauts  ni  trop  bas , 
il  faut  prendre  depuis  la  racine  du  toupet 
jufques  dans  la  follette  du  cou  ,  &  faire 
avec  des  ciieaux  une  hoche  à  la  mefure  , 
comme  font  les  tailleurs  ;  en  lui  te  on  palfc 
les  bouts  de  la  mefure  lùr  le  bord  d'une 
tempe  ,  en  l'étendant  fur  le  derrière  de  la 
tête  jufqu'à  l'autre  tempe  ;  enfuite  il  faut 
avoir  le  tour  ,  &  pour  cet  effet  faifir  la 
mefure  par  deux  bouts,  &  en  placer  le 
milieu  dans  la  foffette  du  cou  ,  rapprocher 
les  bouts  en  devant ,  pafîer  fur  les  oreilles  , 
&  remonter  juiqu'à  l'extrémité  des  cheveux 
furie  front.  Si  la  monture  eu  à  oreilles, 
il  faut  palîêr  au  deffus  d'une  oreille  ,  s'avan- 
cer pardeffus  la  tête  jufqu'à  l'autre  oreille, 
&  toujours  obferver  de  faire  des  hoches 
pour  reconnoître  les  points.  Si  la  tête  dont 
on  prend  mefure  elî  bien  proportionnée  , 
la  hauteur  de  l'oreille  fait  la  profondeur 
du  devant  au  derrière.  Toutes  les  dimen- 
fions  prifes  ,  il  faut  écrire  fur  chaque  hoche 
le  point  que  l'on  vient  de  prendre  ,  comme 
la  profondeur  du  devant  en  derrière  ,  d'une 
tempe  à  l'autre ,  autour  de  l'oreille  & 
autour  de  la  tête.  Il  faut  enfuite  avoir  du 
ruban  ,  que  l'on  appelle  ruban  de  tour ,  fil 
&  foie  ,  ou  tour  de  foie  ;  mais  le  premier 
vaut  mieux.  On  les  emploie  de  deux  cou- 
leurs ,  rofe  &  gris  de  maure.  La  largeur  du 
ruban  peut  être  d'un  pouce  &  demi  ;  il 
y  en  a  de  deux  ou  trois  lignes  au  deflus 
comme  au  defîbus.  Pour  que  le  ruban  foit 
bon,    il    faut  qu'il  foit  bien   frappé,  & 


'-M 


ï>  E  R 

que  la  lifîefe  foit  bonne  de  chaque    coté  , 
afin  qu'en  y  pafiant  l'aiguille  avec  le   fil  , 
elle  ne  cafic  pas:  une  monture  de p^rm^we 
en  prend    une  denni-aune  &    demi-quart. 
Si  la  monture  efl  pleine  &  fermée  ,  on  en 
replie  un  peu  de  chaque  bout  ,  qu'on  coud 
jufqu'aux  trois  quarts  de  la  largeur  ;  enfuite 
l'on  prend  exadement  le  milieu  d'un   des 
remplis  à  l'autre  ,    &  on  le  marque  d'un 
trait  fait  avec  de  l'encre.  On  a  des  clous 
d'épingle ,  ni  trop  gros  ni  trop  petits  ;  on 
place  le  trait  que  l'on  a  fait  avec  de  l'encre 
fur  le  ruban  ,  dans  la  raie  qui  fe  trouve  fur 
les  tètes  à  monter  ;  cette  raie  en   marque 
exadement  le  milieu  :  on  y  fixe  le  ruban 
par  un  clou   fiché   fur  le  devant,   &  puis 
par  un  fécond  fiché  fur  le  derrière.  Si  l'on 
veut   faire    une    pointe  au  front ,  il  faut 
prendre   un    autre    clou ,  le  ficher  fur  le 
ruban  à  la  difiance  de  trois  lignes  de  celui 
du  milieu  ,  &  relever  le  ruban  un  peu  de 
chaque  côté.  La  pointe  ,  pour  la  grandeur 
d'un  front  bien  fait ,  eu  ordinairement ,  tout 
bien  compafTé ,  de  cinq  pouces  &  demi  ou 
fix  pouces;   par   coniiquent ,  fi  on  ia  fait 
de  fix  pouces  ,  il  faut  obferver  de  renverfèr 
le  ruban ,  ou  de  l'échancrer  de  trois  pouces 
de  chaque  côté ,  puis  l'arrêter  par  un  clou 
ou  deux  de  chaque  côté  ,  qui  le  maintienne 
également:     cela    ne  doit    être    pratiqué 
qu'après  l'avoir  bien  compalfé   également  ; 
car  la  première  chofe  qui  iaute  à  la  vue  , 
e'efl  fon  inégalité  ;  la  perruque   en  paroît 
de  travers.  Enfuite  ,  à  l'endroit  de  la  cou- 
ture ,  on  place  deux  autres  clous  fur  la  raie 
également ,  en  obfèrvant  que  fi  la  perfbnne 
a  un  cou  gras  &  court ,  il  faut  les  placer 
plus  haut ,  pour  que  le  derrière  relevé  ;  & 
que  fi  la  perfonne  eft  maigre  &  a  le  cou 
long  ,  il  taut  pratiquer  le  contraire.   Cela 
fait,  on  tire  le  ruban  d'un  côté  à- peu-près 
vis-à-vis  le  gras  delà  joue,  &  l'on  fiche 
«n  clou  ;   on    en  fait    autant    de     l'autre 
côte,    &  toujours  bien.iyramétriquement , 
pour    que    les    parties     y    correipondent. 
Enfuite  on  a  du  fil  de    Bretagne    uni   & 
fort ,  avec  une  aiguille  un  peu- greffe  de  la 
longueur  de  deux    pouces.;    on     dilperfè 
différens.  clous  fur  le  vifage  :  un  fuffit  au 
menton  ,  un  autre  au  deflbus  du   nez,  un 
troîfieme  au  delTus.,  un  quatrième  au  mi- 


P  E  R  4^1 

&  enfin   par-tout  où  l'on  en  aura  befoin  ;. 
mais  le  moins  que  l'on  en  puiffe  employer  , 
c'eft  toujours  le  mieux.   On    arrête  le    fil 
qui    part  du  ruban  ,  au  premier  de  tous 
ces    clous  difpofés  comme,on  a  dit ,  parce 
qu'à    une    monture   pleine  on  commence 
toujours   par    le  bas  de   la  joue:  on  tire 
'  enfuite  le  fil  avec  juileffe  de  la  main  gauche^ 
en   le  poufîànt  avec  le  pouce  de  la  main 
droite.   On  paiTe  une  carte  fous  le  ruban  , 
pour  le  faire  glifïèr   plus  aifément.  Il  faut 
ordinairement  cinq  ou  fix  de  ces  fils  :  oiï 
obferve  que  le  ruban  en  foit  bien  arrondi. 
On  arrête   le  fil  à  la  pointe  qui  fe  trouve 
auprès  de  l'œil ,  en  faifant  deux  ou  trois 
tours  avec  le  fil  autour  du  clou ,  &  l'oa- 
y  marque  après  un  ou  deux  nœuds  coulans. 
Il  faut  avoir  attention  de  ne  pas  paflèr  pluS' 
de  fils  d'un  côté  que    de  l'autre ,  de  les 
polèr  également ,  &  de  rendre  au  compas^ 
les  deux  côtés  égaux.  C'cll  la  même  ma- 
nœuvre fi  l'on  fait  un  ^letit  devant    avec 
du  crin  ,  qu'aux  perruques  nouées  :   il  ne 
faut  point  un  petit  clou  pointu  au  front  ;, 
au  contraire ,  il  fivut  qu'il  foit   rond  ,  & 
communément  le  front  pas  fi  ouvert  qu'au- 
jourd'hui. Au  refie,    chacun   a  fon  goût  ,  ' 
&  il  n'y  a  point  de  règle  là-deffus.  Quel- 
que manière  qu'on  fuive  ,  on  prendra  une- 
aiguillée  eje  foie  un  peu  forte ,  &  on  l'ar- 
rêtera au  clou  du    milieu  du  front  ;  l'on 
piquera  enfuite   l'aiguille  dans   la   hfiere  , 
de  façon    que   la  raie  d'encre   fe  trouve 
dans  le  milieu  ,  en  palTant   l'aiguille    par- 
delîus  la  Hfiere  ;  delà  on  lé  fera  pafîêr  ait 
clou    où  la    foie  a  été  arrêtée;  l'on  fera 
enfuite  un  autre  point  à  droite,  de  l'autre 
côté,  à.  peu  de    diifance ,  &  un   autre  à 
gauche  à  dillance  égale ,  glifiant  toujours  , 
commenous  l'avons  dit,  une  carte  defîbus 
le  fil  ,  pour  que   le  ruban  pafle  plus  aifé- 
ment ,  &  qu'il  ne  fe  fatigue  point  non  plus 
que   le   fil;   le  reflc  n'a  rien   de  difficile.. 
Enfuite  il  faut   ficher    derrière ,    dans  \t 
miheu  de  la  tête,  quatre  clous,    à  com- 
mencer à  un  pouce  près  de  'a  raie  jufqu'â 
la    tempe;  prendre  une  aigjiliée  de  fil  , 
l'arrêter  au    premier  clou  du  côté  de   la 
tempe  ,  le  paffer  dans    la   lifiere  du    der- 
rière du    ruban,  ou    plus   avai;r;  mettre 
un  ou  deux  fils ,  félon  que  l'on  veut  farre 
iieu  du,  front,  lia 4  chat^ue  coin  de  l'œil,  |  la  tempe  creulè  ou  ronde ^  également   ai^ 


4-^  P  E  R 

oelTus  ,  à  la  partie   qui  forme  le    front  ; 
former  l'autre  coté  égal ,  &  bien  compaiTer 
le  tout ,  pour  que  le  front  ne  creufe  pas  plus 
d'un  côté  que  d'un  autre. Si  la  lifiere  du  ruban 
fronce  derrière,  à  l'endroit  de  l'oreille,  il 
faut  y  faire  un  pli ,  ou  y  pafTer  un  fil  à-peu- 
près  à  la  hauteur  de  l'œil  ,  jufques  derrière 
l'oreille  ;  ce  fil  doit  être  tiré  &  arrêté  bien 
ferme.    Si   la    perfonne  a  le  cou    gras ,  il 
faut ,  comme  nous  avons  dit ,  mettre  un 
point  plus  haut  dans  la  raie  de  la  tête  au 
defîus  du  ruban  ;  prendre  une  aiguillée  de 
fil ,  pofer  le  premier  point  fur  la  couture 
du  ruban  ,  &  le  tirer  en  avant  de  la  même 
façon  que  nous  avons  expliqué  plus  haut  ; 
&.  fi  le  cas  le  requiert ,  pofer    encore  un 
autre  fil  de  chaque    côté  ;    enfuite    avoir 
un  cordonnet  moyen  ,  en  prendre  la  valeur 
du  quart  ,  faire  un  nœud  à  chaque  bout , 
&  l'arrêter  bien  de  chaque  côté  ,  pour  qu'il 
ne  s'échappe  poinU  en  ferrant  la  perruque  ; 
l'on  en  fait  pafTer  les  deux  bouts  à  l'endroit 
du  ruban  qui  n'a  point  été  coufu  ,  jufqu'à 
la  lifiere  ;  enfuite  on  relevé  le  ruban    par- 
deffus  le  cordonnet ,  on  fait  un  point  un 
peu  lâche  à  la  lifiere  qu'on  vient  de  rele- 
ver ,  &  par  ce  moyen  le  cordonnet  n'efl 
point  gêné.  Ceci  fait ,  &   le  ruban  placé  , 
on  met  le  rézeau  ,  que  l'on  nomme  aufîî 
ordinairement  co'éffe  ;  ce  rézeau  efî  tait  de 
foie  ,  ou  de  fleuret ,  ou  de  fil.  Si  la  perruque 
eft  pour  une  perfonne  qui  tranfpire  beau- 
coup de  la  tête  ,  un  rézeau  de  fleuret  vaut 
mieux  ;  il  efl  moins  fiiiet  à  fe   retirer  :  il 
faut  que  les  mailles  n'en  foient   pas  trop 
grandes.  Dans  les  premiers  temps ,  on  avoit 
mis  un  contrôle  fur  les  coëflfes  ;  on  l'a  ôté  ; 
on  en  a  fenti  la  puérilité ,  &   l'impofiibi- 
lité  d'obvier  à  la    fraude.  En  plaçant  le 
rézeau  fur  la   tête  ,  il   faut  oblerver  que 
ce  qui  termine  la  fin  du  rézeau  foit  bien 
dans  le  milieu  de  la  tête  ;  fans    cette  pré- 
caution ,    un    côté    feroit  plus    large  que 
l'autre  :  on  en  attache  un   côté    avec  un 
clou  pour  qu'il  ne  varie  point,    &    l'on 
le  coud  avec  le  ruban  ,  en  pratiquant  à- 
peu-près  un  point  à  chaque  maille.  Quand 
le   rézeau  efl  coufu  ,  s'il  fe    trouve  trop 
grand ,  il  faut  couper  tout  ce  qui  devient 
inutile. 

On  a  enfuite  un  ruban  que  l'on  appelle 
Iç  Tubdn  large  ;  il  eft  ordioaireoient  brun , 


P  E  R 

fil  &  Ço\(t  ;  il  n'cfi:  point  auffi   frappé  que 
celui    du    tour  :  là  largeur   efl  de  quatre 
pouces  :  on  y  fait  d'abord   un  rempli  ,  & 
on   commiCnce  à  le  coudre  à  la   lifiere  du 
ruban  àhs    la  pointe  ;  on  le    tire    enfuite 
par  en  bas  aux  environs  de  quatre  doigts 
au  defîus    du  ruban    de    derrière  ;  on  le 
coupe ,    on  le  remploie  au    defîc^us  ,    on 
met  un  clou    dans  une  petite  raie    qui  fe 
trouve  dans  le    raihcu,  du   ruban  ,  on  en 
met  auffi  un    dans  la  raie  de  la    tttt ,  & 
un  autre  de  chaque  côté,  en  tirant  depuis 
le  deffus  de  Ja  tête  pour  que   le  ruban  ne 
fronce  point  ;  on  prend  enfuite  une  aiguil- 
lée de  fil  que  l'on  pafTe  dans  le    ruban  , 
&  plus  bas  dans  celui  qui  fait  la  monture  , 
obfervant  toujours  que  le  milieu  du  ruban 
fe  trouve  dans  le  milieu  de  la   raie  de  la 
tête  ,  pour  que  les  rangs  frjfent  également. 
Ainfi  arrêté  de  chaque  côté ,  on    le  coud 
dans  le  bas ,  &  pareillement  au  haut ,  en 
prenant  un  fil  de  la    raie  du  ruban   placé 
fur  la  couture    du  ruban   de   tour.    Pour 
que  la  perruque  foit  ferme,  on  y  met  un 
taffetas  qu'il  faut    4|abord    faufiler  fur  le 
rézeau  ,  &  couper  après    comme   il  con- 
vient ;  enfuite   on  commence  à  le  coudre 
fur  le  devant  le  long  du  derrière  du  ruban 
de  tour,    toujours  en  remontant  jufqu'à  la 
raie.  Il  efî  à  propos  de  ne  pas  aller  fur  le 
derrière  jufqu'au  ruban  large  ,  parce    que 
fi  la  perfonne    tranfpire  ,  cela    peut  faire 
retirer  la  perruque  :  on  procède  ainfi  éga- 
lement de  chaque  côté.  Voilà  tout  ce  qui 
regarde  la  monture  d'un    bonnet  un   peu 
ample ,  ou    d'une  perruque   nouée    d'une 
perfonne  d'un  certain  âge. 

Il  faut  enfuite  prendre  les  mefures  :  la 
première  ,  qui  efl  la  baffe  ,  s'appelle  mefurc 
de  tournant  y  parce  qu'on  la  prend  depuis 
le  coin  du  front  jufqu'à  la  couture  de  . 
derrière  ;  il  faut  la  plier  en  deux  pour  que 
le  papier  foit  plus  fort  &  réfifle  davan- 
tage. Enfuite  on  fait  la  mefure  de  corps 
de  rangs. 

Si  l'on  fait  un  bonnet  pour  une  perfonne 
âgée  ou  qui  ne  veuille  point  de  boucle  y. 
il  ne  faut  point  épointer  les  paquets  ;  au 
contraire  ,  ils  doivent  être  très-quarrés  par 
la  pointe  peur  cet  effet.  Il  n'y  a  pas  en- 
core plus  de  douze  ou  dix -huit  années  ^ 
qu'après  les  avoir  tirés  comme  nous  avons 


dit  plus  haut ,  avant  d'y  mettre  des  papillo- 
tes ,  on  plaçoit  le  paquet  dans  une  carde  par 
la  tête,  &  on  le  tiroit  par  la  pointe  pour  qu'il 
fût  plus  quarré  :  c'étoit  un  ouvrage  très-dif- 
ficile ,  &  qu'il  falloit  faire  avec  attention  ;  en- 
fuite  on  y  remettoit  le  papillon  &  on  com- 
mençoit  la  perruque  ;  on  diflribuoit  du  crin 
où  il  eit  marqué. 

Il  faut  d'abord  avoir  la  mefure  du  bord  du 
front  ;  on  la  prend  avec  une  bande  de  pa- 
pier double  de  la  largeur  du  front  de  la  mon- 
ture que  nous  venons  d'expliquer.  Il  faut  que 
le  front  foit  fait  fur  le  plus  court  paquet ,  & 
trèfle  fin  &  à  cinq  tours  pour  un  devant 
peigné  avec  du  crin.  Malgré  le  plan  des  me- 
fùres  que  nous  venons  de  donner  ,  il  n'en 
faut  pas  faire  une  règle  générale  ;  tout  dé- 
pend du  goût  des  perfonnes  ,  de  l'air  du 
vifàge  ,  &  de  l'idée  du  perruquier  :  il  faut 
fuivre  la  forme  de  la  tête.  Si  la  forme  de  la 
tempe  eft  plate,  &  que  l'on  veuille  \z per- 
ruque gonflée  ,  on  montera  les  longs  plus 
haut  en  faifant  la  mefure.  Si  au  coij- 
traire  la  tempe  ti\  forte  &  gonflée ,  on 
ne  montera  point  les  longs  il  haut  ,  & 
par  conléquent  on  tirera  la  perruque 
plus  court.  De  même  fi  la  pcrlonne  efl 
grande  ,  fi  elle  a  le  vifage  maigre  &  le  cou 
long ,  on  l'engagera  davantage  par  les  che- 
veux. 

De  la  manière  de  trejjer.  Pour  trefîêr  , 
il  faut  donc  prendre  les  deux  bâtons  ,  celui 
où  font  les  lix  foies  ,  &  celui  qui  porte 
la  pointe  :  on  les  mettra  dans  les  trous 
de  la  table.  Pour  le  tournant,  il  ne  faut 
que  trois  foies.  On  prend  le  n°.  premier, 
qui  efî  le  plus  court  j  on  trefTe  fin  &  ferré 
à  cinq  tours  ;  on  place  fon  paquet  dans  la 
carde  qui  efl  devant  foi  ;  on  en  tire  à-peu- 
près  fept  à  huit  cheveux  de  la  main  droite  , 
&  de  la  gauche  on  les  reprend  par  la 
pointe  ;  on  laifîè  excéder  hors  des  doigts 
k  moins  que  l'on  peut  de  la  tête  ;  on  les 
paffe  avec  la  main  derrière  les  foies,  & 
l'on  préfente  la  tere  pardcvant  entre  la 
féconde  &  la  troifieme  foie  ;  puis  on 
les  pafîe  pardefTus  avec  la  main  droite, 
&  on  les  reprend  entre  le  pouce  Se  le 
premier  doigt  de  la  gauche.  On  les  re- 
pafle  là  ,  entre  la  première  &  la  fé- 
conde ,  avec  le  pouce  &  le  premier  doigt 
de  la  droite  ;  on  les  pafïe  pardefibus  ,  &  • 
Tome  XXK 


PER  433 

on    les    reprend    de   la    gauche  ,    en   les 
repaffant  par  la   féconde  &  la    troifieme. 
Après  quoi  on  les    pafTe    pardeflus  ;    on 
ks  reprend  des  doigts  de  la  gauche  ,    & 
l'on    les    repafle  entre  la    première  &   la 
féconde  ;  on  les  reprend  des  doigts  de  la 
droite,  &  on  en  rcpaffe   le  bout  entre  la 
féconde  &  la .  troifieme.  On   les  tire  pour 
lors  de  la  gauche  ,  en  lâchant  doucement , 
&   en  faifant  couler  la  tête  de  la    droite. 
On  laiffe    pafïèr   la   tête    des   cheveux  le 
moins  que  l'on  peut ,  &  on  la  poulîè  juf- 
qu'auprès  du  nœud  que  l'on  a  fiit  ;  quand 
elle  efl  au  point  que  l'on  veut  ,  l'on  re- 
prend la  frifure  ,    que  l'on    repafîe    entre 
la  dernière  &  la  féconde  foie  ,  en  obfer- 
vant  de  la   pafTer    pardevant.    Ce    dernier 
tour-ci  ne  fert  qu'à  la  première  paffoe  de 
chaque  rang   Se  tournant   que    l'on   veut 
commencer  ;    cnfuite  on   retire  une  autre 
pafîe  ,    &  l'on  travaille  de  même.  Lorfque 
la  pafTée  efl  faite  ,  elle  doit  former  une  m  , 
dont  il  faut  avoir  foin  de  prefler  les  jambes 
l'une  contre  l'autre  ,  pour  que  tout  foit  égal 
&  ne  laiffe  point  d'eipace  plus  grand    ou 
plus  petit.  Vous  trefîez  ainfi  jufqu'au  chifïre 
qui  marque  le  i  ;  l'on   reprend  le  2  ,    & 
l'on  trefTe   juiqu'à    2  ;    puis    l'on    reprend 
le  3  ,    &   l'on  trèfle    jufqu'au  chifïre    3  ; 
enfuite  l'on  repred  le  4  ,    &    l'on  treiîe 
jufqu'au  4 ,  en  montant  imperceptiblement 
la  garniture:  l'on  continue  jufqu'au  5  ou  6  , 
toujours  en  remontant  de  garniture ,  qui  au 
lieu  d'une  m  ,  ne  forme  qu'une  n.  Alors  on 
prend  la  pafîè  ,  comme  nous  venons  de  dire  ; 
on  la  paffe  deux  fois  en  deffus  &  une  fois  en 
deffous ,  &  on  la  finit  entre  la  féconde  &  la 
troifieme  foie  ;  elle  en  garnit  davantage  la 
treffe ,  &  la  fait  plus  prefiee.  Il  faut  toujours 
augmenter  de  garniture  jufqu'au  dernier  pa- 
quet ,  où  les  paffes  doivent  fe  trouver  d'une 
bonne  pincée.  Il  faut  avoir  foin  ,  en  mettant 
les  paquets  dans  la  carde  ,    de  placer  un 
peigne  deffus  ,   pour  que  les   cheveux    ne 
viennent  pas  trop  vite;  il  faut  auifi  prendre 
garde  que  les  paquets  foient  toujours  bien 
égalifés.  A  la  fin   du  rang  il  faut  faire  une 
paffe  d'arrêt  ,    en   repaifant  la  tête   entre 
la  féconde  &  la  dernière  jambe  de  ["m.  Au' 
trefois  ,    quand  on  faifoit  des  devans  bien* 
élevés   Se    les  tempes  à    porportion  ,    on 
trcffoit  aulîi  à  bouts  levés  ;    au   lieu    de 

lii 


pafîer  la_  main  gauche  qui  tient'  la  paflê  , 
on  la  rr.ettoit  psrcjevanr ,  en  paflant  la  tête 
deiapafreentré  la  première  &  ia  féconde;  au 
lieu  de  paflèr  pardelTus  ,  on  repafîè  pardef-^ 
fous  ,  éc  Von  fait  le  tour  à  l'ordinaire  :  en- 
fuire  on  prend  une  autre  paflê  que  l'on  met 
de  l'autre  côté  ,  en  paflànt  de  même  par 
dedans  ,  &  l'on  continue  le  tour  de  mê- 
me. Voilà  ce  qu'on  appelle  trejfer  à  bouts 
levés.  On  trelToit  aufli  à  demi-bouts  le- 
vés ,  en  faifant  celui  de  devant  comme  nous 
venons  de  dire  ,  &  Tautre  pafie  à  i'ordi- 
nnire. 

Pour  revenir  au  tournant  ,  quand  on  a 
fait  la  pafTe  d'arrêt  ,  comme  nous  l'avons 
dit  ,  on  laiiîè  un  e|(>ace  de  foie  y  &  l'on 
recommence  par  les  mêmes  paquets  par 
où  l'on  a  fini ,  en  faifanr  une  pafTe  d'arrêt 
comme  on  la  doit  pratiquer  à  tous  \qs 
commencemens  &  fins  de  chaque  rang. 
Il  faut  obferver  de  rendre  ia  garniture  la 
même  ,  en  faiiant  aller  en  arrière  ce  que 
l'on  a  fait  aller  en  devant ,  c'eft-à-dire  ,  que 
les  n°*.  Il  reviennent  aux  IG,  ainfi  des 
autres  à  proportion.  Le  plus  court  fe  trou- 
vera à  la  fin  de  la  mefure  ,  &  les  deux 
côtés  feront  égaux,  II  faut  faire  un  fécond 
tournant  de  même  ,  en  obfervant  la  même 
règle  ,  &  mettre  à  la  fin  de  chaque  paquet 
un  fil  rouge  pour  marquer  tous  les  étages, 
ce  qui  fert  beaucoup  lorfqu'il  efî  quclîion 
de  pofer  les  rangs  ;  c'efl-à-dire  qu'il  faut 
en  pofer  deux  dans  la  hoche  du  6.  La 
marque  de  fil  indique  où  elles  commencent 
&  où  elles  finiffent.  Lorfqu'on  pofe  \ts  z 
du  6  ,  in4iqués  par  la  mefure  ,  on  a  les  3 
fi-ir  le  5  dans  la  hoche  du  5  ,  le  4  dans  la 
hoche  du  4 ,  le  S  fur  le  3  dans  celle  du 
3  ,  le  6  dans  celle  du  2  ,  &:  le  8  dans  celle 
du  I.  Il  faut  que  celui  qui  monte  fâche 
combien  de  rangs  il  a  pofés  dans  chaque 
hoche ,  &  qu'il  s'arrange  en  confécfuence. 
Il  faut  pofer  les  fils  à  la  fin  de  chaque 
hoche  ,  à  l'autre  côté  du  fécond-  tour- 
nant j  en  obfervant  la  même  régularité 
&  la  même  garniture  qu'à  celle  du  premier 
côté. 

Enfiiite  il  faut  bien  mettre  les  deux 
tournans  en  boucle  devant  foi  ,  c'eft-à- 
dire  ,  du  même  côté  ,  &  les  ôter  de  deflus 
le  métier  ;  rem-onter  enfuite  le  métier  avec 
igs  fix  foies ,  comme  nous  ayons  dit ,  pour 


P  E   El 

commencer  le  corps  de  rangs ,  en  le  tfâ* 
vaillant  à  fix  foies.  On^fait  les  deux  côtés 
enfemble ,  &  la  garniture  fe  trouve  égale 
par  le  moyen  de  la  meiure.  Les  premiers 
rsngs  commencés  iùr  les  fix  loies  ,  il  les 
faut  prendre ,  &  aller  jufqu'à  6  ,  alnli  à^s 
autres  y  comme  nous  avons  expliqué ,  en 
tournant.  Après  3  ou  4  rangs  ,  il  faut  dimi-. 
nuer  de  garniture  julqu'à  la  fin,  où  elle 
doit  être  extrêmement  légère  ,.  en  obfer-^ 
vant  de  mettre  un  crin  ou  deux  à  chaque 
pafTée  pour  foutcnir  la  tempe..  Il  faut 
obi'crver  que  quand  on  a  fini  les  grands 
corps  de  rangs  (on  les  appelle  ainfi  ,.  parce- 
que  depuis  l'endroit  où  on  les  pofe  ,  ils; 
doivent  fe  rejoindre  enfemble  par.  der- 
rière), on  en  fait  plus  ou  moins  aux  tem-. 
pes  ,  félon  que  l'on  veut  que  la  frifure 
monte  ,  &  au  defïus  on  met  un  paquet 
préparé  exprès  qui  ne  frife  pas  beaucoup  ;. 
ce  paquet  s'appelle  plaque  :  on  la  faitv 
d'une  trèfle  de  fuite  ,  lans  la  travailler  par.- 
r%ng. 

Après  les  grands ,  il  y  a  les  petits  ,  qu'on, 
appelle  ainfi  ,  parce  qu'ils  ne  croifTent  pas  ^ 
&  qu'ils  ne  font  que  la  face  ;  on  les  ter- 
mine par  àts  paquets  de  plaque.  Le  premier, 
petjf  rȔg  a  la  mefure  liiivante  :  il  com-* 
mence  au  troifieme  fur  le  3  ,  &  finit  fur  le 

5  ;  quand  on  a  fait  jufqu'au  5  5  l'on  prend- 
les  paquets  de  plaque  que  l'on  travaille  juf^ 
qu'à  la  raie ,  ainfi  des  autres.. 

Après  avoir  fait  ce  que  nous  venons  de- 
dire  ,  c'efl-à-dire  ,  les  corps,  on  emploie 
les  fournitures.  L'on  commence  par  les 
bords  du  front  :  nous  avons  dit  comment 
on  en  prenoit  la  mefure,  &  qu'il  falloic 
lès  treffer  fin  &  ferré  ;  à  la  fin  du  front 
on  fait  une  petite  étoile  ,  c'efl-à-dire  ,. 
cinq  ou  fix  paffes.  TrefTez  ferme  ,  ferrez  ,, 

6  laiffez  de  chaque  côté  un  quart  de  vos 
trois  foies;  nous  marquerons  en  fon  temps 
où  ces  pafîes  doivent  fe  pofer.  Si  la  tempe, 
de  ladite  mefure  étoit  fur  le  2  ,  il  feroit- 
à  propos  de  faire  lés  <îevans  par  rang  de 
la  longueur  du  dernier  rang  d'en  haut  de 
la  mefure  :  le  i  &  le  2  faits  ,  on  mettra 
un,  crin  à  chaque  pafîe  ;  mais  comme  la 
tempe  de  ces  mefures  n'eft  que  fur  le  i ,; 
on  peut  faire  une  treffe  de  fuite  également 
fur  le  I  ,  en  mêlant  toujours  un  crin  à. 
chaque  pafîe  ;  cela  fe  trèfle  &  fe.  coud  plus 


PEU 

vtte  :  il  en  faut  ordinairement  au  moins  tf  oîs 
ou  quatre  aunes.  Ainfi  finit  ce  qu'il  faut 
pour  le  devant. 

Enfuite  on  travaille  la  plaque  ,  qui  Ce 
fait  de  cheveux  frifés  naturellement  :  les 
plus  fins  font  les  meilleurs ,  la  plaque  va 
mieux  fur  la  tète.  Si  les  cheveux  naturels 
ne  frilènt  point  aiîez  ,  on  peut  en  mettre 
de  frifés  en  dedans.  D'ordinaire  on  f;iit  la 
plaque  de  la  longueur  du  dernier  corps  de 
rangs  croifé.  A  la  perruque  que  nous  tra- 
çons ici  ,  le  dernier  corps  de  rangs  efi  lur 
le  6 ,  par  conféquent  il  le  faut  fur  le  6  , 
en  obfervant  que  les  paquets  foient  ëpointés. 
Il  en  faut  aux  environs  de  quatre  ou  cinq 
aunes  ,  &  en  faire  en  commençant  la 
valeur  du  quart  avec  le  6  ,  en  y  mêlant 
un^  paffe  dudit  paquet  de  pkque  avec  une 
pafle  du  6 ,  fi  le  dernier  corps  de  rang  efl 
fur  le  6  ,  en  obfervant  que  la  treffe  foit  fine 
&  point  trop  entaffée.  Voilà  tout  ce  qui  con- 
cerne le  treflë  de  là  perruque  que  nous  ve- 
nons de  détailler. 

Préfentement  il  s'agit  de  la  monter  :  il 
faut  commencer  par  les  bords  du  front  ; 
on  monte  ordinairement  avec  de  la  foie 
Un  peu  forte ,  ni  trop  grofle ,  ni  trop  fine. 
Il  faut  d'abord  l'attacher  ,  en  faifant  un 
nœud  de  tifferand  tout  près  de  la  trefîè 
le  moins  gros  qu'il  fe  peut.  Il  faut  coudre 
à  périt  point  entre  chaque  palle  ,  &  que 
Je  point  foit  bien  ferme  &  ferré  ,  &  fur 
le  bord  de  la  lifiere  du  ruban  ,  obfervant 
de  n'aller  ni  defîus  ni  defTous.  Quand  on 
efl  au  bout  on  arrête  proprement  ,  après 
quoi  on  trappe  tout  du  long  pour  refferrer 
le  point ,  &  pour  que  le  bord  foit  moins 
épais  :  enfuite  on  prend  le  premier  tour- 
nant ,  que  l'on  arrête  ,  &  que  l'on  coud 
de  même  jufqu'à  l'endroit  où  eft  pofe  le 
cordonnet  ,  pardefTus  lequel  on  fair  le 
tournant  de  façon  qu'en  ferrant  le  cor- 
donnet rien  ne  l'arrête.  Quand  on  efl  à 
Isk  fin  du  tournant ,  il  faut  bien  l'arrêter , 
&  même  revenir  avec  le  bout  de  la  foie 
pardefTus  y  formant  cinq  ou  fix  points  : 
cela  efl  plus  propre  ,  &  en  peignant  la 
perruque  aucune-^fTée  ne  s'éch?-ppe.  On 
coud  l'autre  de  même  ,  &  on  l'arrête  fur 
le  bout  de  celui-ci  :  on  coud  enfuite  un 
morceau  de  bougran  ,  que  l'on  découpe 
iclon  la  forme  du  ruban.  Il  faut  qu'il  foit 


pofé  depuis  le  bas  de  la  joue  )ufqu*au  defîùs 
de  l'œil  ,  touchant  toujours  la  treffe  du 
premier  tournant.  On  le  coupe  quarri 
par  derrière  ;  on  le  fait  à-pèu-près  de  la 
largeur  de  quatre  doigts  :  enfuite  on  coud 
le  fécond  tournant  ,  en  commençant  à  la 
hauteur  du  premier ,  à  deux  lignes  ou  en- 
viron du  premier  :  on  va  toujours  de  fliite 
Jufqu'à  la  fin  ,  &  l'autre  coté  fe  fait  de 
même  ,  obfervant  que  les  fils  foient  égaux 
d'un  côté  &  de  l'autre  ,  pour  que  les 
corps  de  rangs  foient  pofés  également. 
Enfuite  il  faut  mettre  en  boucle  ,  prendre 
les  corps  de  rangs  ,  &  regarder  le  fens  de 
là  frifure ,  pour  qu^^elle  ne  fe  trouve  point 
en  defîbus.  Il  faut  obferver  que  le  premier 
rang  pardevant  efl  commencé  fur  le  6  ; 
par  conféquent  ,  comme  il  y  en  a  deux 
deffus  ;  le  pofer  dans  le  milieu  de  la  hoche. 
La  mefure  étant  ainfi  prife ,  la  fin  de  ce 
rang  doit  arriver  Jufqu'à  la  fin  du  tournant. 
Cela  exécuté  ,  on  pafïe  aux  autres  rangs  i 
on  coud  le  premier  de  même;  on  recoud 
enfuite  le  fécond  de  ce  même  côté  ,  en  le 
poiànt  fous  ks  fils  du  ■)  :  l'on  reprend 
l'autre  côté  ,  &  l'on  coud  deux  rangs  de 
fuite  ;  le  dernier  des  deux  rangs  fert  de  pié 
d'attente  pour  l'autre  côté  :  il  en  efl  tou- 
jours de  même  Jufqu'à  la  fin  àes  grands  corps 
de  rangs,  obfervant  de  les  pofer  avec  atten- 
tion dans  chaque  hoche ,  comme  il  a  été  dit 
ci- deffus. 

Les  grands  corps  de  rarngs  étant  ainfi  cou- 
fus ,  on  peut  coudre  les  petits  tout  de  fuite  du 
même  côté  ,  obfervant  de  coudre  les  fix  pre- 
miers du  bas  plus  ferrés  que  les  autres.  Uk 
faut  de  temps  en  temps  compafîèr ,  pour 
qu'ils  ne  foient  pas  montés  plus  haut  oa 
plus  bas  d'un  côté  que  de  l'autre.  Après 
qu'on  a  monté  tous  ks  petits  rangs  d\ia 
côté  ,  il  faut  monter  l'autre  côté  de  même 
avec  attention. 

Si  l'on  n'a  point  pofé  l'étoile  après  avoir 
coufu  le  bord  du  front ,  il  faut  commencer 
par  la  pofer.  Nous  avons  dit  qu'on  laifîê 
trois  foies  de  chaque  côré  :  on  ks  enfilo 
toutes  trois  dans  une  aiguille  que  l'on  pafîè 
jufle  dans  la  petite  raie  que  l'on  a  faite 
avec  de  l'encre  au  ruban  ,  tout  près  de  la 
trefîe  du  bord  du  front.  On  fait  fortir  ks 
trois  foies  hors  du  ruban  avec  un  point 
un  peu  alongé  ;  enfuite  on  renfile  ks  troi» 

lii  2 


43^  P  E  R 

autres  foies  êe  l'autre  côté  ,  que  l*on  repafîê 
avec  la  pointe  de  IViguilie  dans  le  même 
trou  ,  en  taifant  de  l'autre  côté  le  point 
égal.  On  tire  les  foies  de  chaque  côté, 
jufqu'à  ce  que  le  petit  bout  de  trefîè 
Ibit  entré  dedans  ,  &  on  l'arrête  de  chaque 
côté. 

On  prend  enfuite  un  morceau  de  bou- 
gran  de  la  longueur  du  petit  ruban ,  que 
l'on  coupe  de  la  même  forme  que  l'on  a 
fait  la  pointe  ;  fi  l'on  veut  que  la  pointe 
ibit  plus  ferme  ,  on  peut  y  mettre  deflbus 
de  la  gomme  arabique  :  elle  ne  doit  être 
ni  trop  épaiffe  ni  trop  liquide.  Après  en 
avoir  bien  barbouillé  le  ruban  ,  il  faut 
pafîèr  le  bougran  ,  que  l'on  laifTe  de  la 
largeur  de  trois  ou  quatre  doigts  à-peu- 
près  ,  félon  la  largeur  qu'on  veut  donner 
au  devant  ;  on  prend  enliiite  la  trèfle  faite 
fur  le  I ,  comme  nous  avons  dit.  On  peut 
coudre  un  rang  du  devant  contre  le  bord 
du  front  ;  il  fera  en  cet  endroit  un  fécond 
rang  ,  comme  un  fécond  tournant  ;  puis 
on  coud  le  devant  de  la  largeur  du  dernier 
petit  rang.  Si  l'on  veut  que  le  devant  foit 
bien  large  ,  on  continue  à  le  coudre  de 
même  ;  li  au  contraire  on  ne  veut  pas  qu'il 
foit  fi  large,  on  diminue  peu-à-peu.  Il  faut 
que  les  rangs  foient  un  peu  ferrés  :  le  dernier 
doit  être  placé  fur  la  petite  raie  du  ruban  lar- 
ge ,  qui  doit  fe  trouver  jufte  dans  le  milieu 
de  la  tète.  On  coud  l'autre  côté ,  en  obfer- 
vant  de  le  coudre» de  même  ,  c'eft-à-dire  , 
ni  plus  large  ,  ni  plus  étroit ,  ni  plus  ferré  , 
ni.plus  écarté  ,  avec  autant  de  rangs  d'un 
ôté  que  de  l'autre  ;  &  enfin  de  coudre  le 
ernier  rang  d'un  côté  fur  le  dernier  rang  de 
1  autre  cote. 

Enfijite  il  faut  prendre  la  plaque  :.  on 
commence  par  le  côré  où  l'on  a  mis  du  fri- 
fé  ,  &  l'on  coud  de  fuite  comme  l'on  a  fait 
pour  le  devant  ,  toujours  en  retournant  la 
îrelîè  à  la  fin  de  chaque  rang  ;  il  ne 
faut  pas  prefler  les  rangs  autant  que  iur 
le  devant.  Vous  ne  devez  pofer  chaque  rang 
que  flir  la  fin  de  chaque  petit  corps  de  rangs, 
en  allant  toujours  jufqu'au  devant  en  fer  à 
cheval ,  en  forte  que  cela  finifie  jufqu'à  une 
paffée  ou  deux  rangs  de  devant ,  qui  en  fe- 
ront la  fermeture.  Ainfi  finit  la  monture  de 
la  perruque. 
J\  faut  enfuite  faire  allumer  un  réchaud 


P  E  r: 

de  charbon  ,  le  couvrir  de  cendres  ,  &  jr 
mettre  un  fer  à  pafler  fait  pour  cet  ufage  : 
ce  fer  a  à-peu-près  la  forme  de  la  moitié 
d'un  fer  à  frifer  ;  les  uns  en  ont  de  faits 
en  marteau  ,  les  autres  en  une  efpece  de 
boulon  :  il  n'y  a  point  de  règle  là-deiTus. 
On  fait  chauffer  ce  fer  de  façon  qu'il  n© 
puifle  brûler  les  cheveux  ;  on  commence 
par  le  bas  ,  en  prennant  deux  rangs  à  deux 
rangs>  On  a  de  l'eau  dans  un  pot ,  où  l'on 
trempe  deux  doigts  que  l'on  apphque  depuis 
la  trefîè  jufqu'à  la  frifure ,  &  même  jufques 
fur  la  friliire  fi  elle'  fe  trouve  trop  haute: 
on  va  de  même  jufqu'à  la  tempe  ;  enfuite 
l'on  prend  un  peu  de  cheveux  que  l'on 
renverfe  fur  les  côtés  :  on.  fait  de  même 
mèche  par  mèche  jufqu'au  milieu  du  der 
vant  ,  en  revenant  toujours  en  avant  juf- 
qu'au bord  du  froni  ;  &  quand  on  eft  arrivé 
au  milieu  du  bord  du  front  ,  on  partage 
le  petit  bout  des  treffes  que  l'on  nomme 
étoiles  y  en  deux  ,  l'un  adroite  &  l'autre 
à  gauche  ;  c'eft  ce  qui  lui  fait  faire  l'étoiie, 
Enfuite  on  étend  un  papier  double  fuK 
toutes  les  parties  que  l'on  a  paffées  ;  on 
l'arrête  avec  des  pointes ,  de  façon  à  nefs 
point  défiire  fur  les  genoux  ;  on  pafîe 
alors  l'autre  de  même  ,  avec  l'attention 
de  ne  point  baiffer  la  frifure  des  cheveux, 
courts.  Quand  elle  eu  un  peu  refroidie  ,, 
il  faut  la  pafTer  aux  cifeaux..  On  la  meç 
de  côté  fur  les  genoux  ,  &  l'on  commence 
d'abord  par,  les  deux  tournans  ,  en  cou- 
pant les  pointes  également  toujours  en 
defcendant  ,  &  enfuite  on  retranche  la 
longueur  d'un  pouce  :  on  fuit  de  même  en 
defcendant  jufqu'à  la  moitié  de  la  perru-- 
que.  On  remet  les  côtés  en  boucle  ;  .on 
rattache  le  papier  y  &:  l'on  paile  l'autre 
côté.  Le  devant  &  la  tempe  demandent 
plus  d'attention.  II  faut  les  couper  déplu? 
fieurs  façons  ;  au  commencement  c'efi  en 
defcendant  comme  le  quarré  ,  &  puis  en 
long  deux  rangs  à  deux  rangs  ,  en  com- 
mctî'çanr  du  coté  du  bord  du  front  en 
coulant  en  arrière  ,  où  il  faut  qu'ils  foient 
toujours  plus  longs  ;  &  puis  il  faut  les  dé- 
garnir légèrement ,  de  façon  qu'en  peignant 
le  devant  &  les  tempes  ,  les  cheveux  ne 
pelotent  point  ,  &  s'ai-rangent  au  coup  de 
peigne. 

Il  faut  enfuite  démonter  l'ouvrage  ,  & 


I 


IP  E  R 

bien  ëpIucKer  tous  les  fils.  On  y  pàfTé 
une  loie  forte ,  depuis  le  coin  du  bord  du 
front  jufqu'au  commencement  du  cordon- 
net. Cette  foie  fert  à  ramener  le  bord  en 
dedans  ,  &  à  le  faire  mieux  coller.  Il  faut 
coudre  à  petits  points  ,  &  ferrer  douce- 
ment ,  pour  qu'il  n'y  ait  point  de  tronce- 
ïnent  &  de  plis.  II  faut  travailler  l'autre 
côté  également  ,  &  puis  frapper  le  bord 
avec  un  marteau  pour  le  rabailîèr  ;  puis  on 
retond  le  deffus  de  la  tête  ,  &  on  rcpaiî'* 
le  fer  doucement  le  long  de  la  bordure. 
S'il  y  a  quelque  cheveux  qui  foie nt  rétifs , 
©n  prend  un  bout  de  chandelle  ,  que  l'on 
frotte  légèrement  delTus  ;  on  trempe  les 
doigts  dans  l'eau  ,  on  les  pafîe  fur  ces 
cheveux  ,  &  enfuite  on  les  ferre  jufqu'à 
ce  qu'on  les  aitentiéremenrcouchés  &  dom- 
tés.  Il  faut  connoîire  le  point  juHe  de  cha- 
kur  du  fer  ;  car  s'il  cil  trop  chaud  ,  il 
rouflît  &  brûle  ;  s'il  ne  l'efî  point  aflèz  ,  il 
ne  dorate  point  les  cheveux ,  &  ne  les  cou- 
che point.  Cela  fait  ^  il  faut  prendre  de 
l'huile  &  de  la  pommade  ,  les  bien  marier 
enfemble  ,  en  bien  humecter  la  perruque  , 
&.pairer  enfuite  un  grand  peigne  par-tout 
dans  les  cheveux  ,  obfervant  de  peigner  le 
devant  oc  la  tempe  dans  leur  centre. 
Après  quoi  on  peigne  bien  à  forîd  toute  la 
perruque.  Si  l'on  n'en  efî:  point  preifé  ,  il  ti\ 
plus  à  propos  de  la  laiflfer  repofer  un  jour 
ou  deux.  ^  remife  avec,  attention  dans. iès 
boucles. 

On  fera  là  monture  d'une  perruque 
nouée  ,  comme  celle  du  bonnet  dont  nous 
venons  de  parler. .  Il  faut  obferver  la  mê- 
me régularité  pour  les  treifes.  Les  tournans 
n'étant  point  û. longs ,  &:-ne  marquant  que  la 
fiice  ,  il  faut  qu'ils  ne  foient  point  plus  gar- 
nis, que  les  autres  ne  l'ont  été  ,  jufqu'à  la 
face. 

Il  faut  obferver  de  fuivre  la  même  régu- 
larité pour  le  corps  ,  treiTant  les  trois  pre- 
miers à  fimple  tour.  Les  deux  qui  font 
fur  le  9  doivent  être  à  corps  garni  ,  & 
ce  qui  eft  étage  derrière  ,  doit  être  le  plus 
garni.  Ce  que  l'on  appelle  étage  y.  eit  le 
paquet  qui  eft  le  plus  court -derrière.  Après 
il  s'en  trouve  3  iur  le  8  ,  le  7  &  le  6.  îl 
faut  diminuer  la  garniture  à  proportion  , 
comme  nous  avons  dit  plus  haut  ,  obfer- 
Viipt   que  quand  on  eft  arrivé  au  rang  qui 


P  E  R  437 

efl  fur  le  4-,  il  faut  faire  l'étage  de  derrière- 
plus  fin,  &  toujours  en  montant  aux  courts 
&  plus  lins  ,  par  detciere. 

Le  devant  doit  être  trèfle  ,  les  bords 
du  front  &  l'étoile  travaillés  à  l'ordinaire. 
Au  lieu  de  mettre  les  rangs  jufqu'au  milieu 
du  derrière  où  eft  polé  le  cordonnet ,  on 
y  met  le  boudin  qui  doit  occuper  à-peu— 
près  cette  largeur.  Enfuite  on  place  les 
nœuds,  qui  doivent  à-peu-près  être  de  la 
même  largeur  de  chaque  côté.  On  fait  une 
trèfle  ,  que  l'on  appelle  trejfe  fur  boucle. 
On  en  prépare  communément  14  ou  15. 
rangs.  La  longueur  du  premier  rang  doit 
aller  jufqu'à  la  première  raie.  On  va  tou- 
jours en  remontant  d'une  raie  Voilà  à~ 
peu-près  la  conduite  qu'il  faut  tenir.  1\ 
faut  commencer  le  premier  rang  fur  le  10, 
&  en  faire  un  ,  un  peu  garni.  Enfuite  le 
fécond  prend  le  9.  On  fait  une  paflre  , 
&  puis  une  pafl!ee  du  10.  On  quitte  le 
10 ,  on  en  fait  une  fur  le  9  ièul  ,  &  fur 
le  9  &  le  8  ,  &  ainfi  de  même  jiîfqu'à  l'i. 
On  prend ,  pour  le  former,  le  toupet ,  la 
tête  des  cheveux  tirés ,  &  qui  ,  trop  courts 
pour  venir  ,  font  reftés  dans  la  carde.  On 
y  ajoute  àts  cheveux  frifés  ,  épointés  à  la 
longueur  du  2.  On  les  mêle  ,  on  \qs  retire 
à  plufieurs  fois  &  les  remêle.  Il  faut  3  ou  4  . 
aunes  de  cts  trcflès ,  que  l'on  appelle  toupet 
de  derrière. , 

Il  ne  faut  point  qu'elles  foient  trefl^''es  fèr-i 
rées  ,  mais  très-fin.  Le  nœud  &  la  boucle  fe 
treflent  de  fuite  ,  &.de  la  garniture  du  bas. 
Pour  le  tournant  d'un  bonnet  ,  pour  le 
nœud  ,  il  en  faut  deux  ou  trois'  rangs  de  la 
longueur  de. la  mefure  que  nous  avons  in- 
diquée ;  &  pour  la  boucle  ,  à-peu-près  une 
demi-aune.  .Voilà  tout  cç  qui  regarde  la 
trèfle. 

Préfentement  ilnous  reftë  à  parler  de 
la  monture.  Il  faut  monter  le  bord  du 
front ,  l'étoile  SiC  \cs  tournans.  Enfuite  on 
monte  les  nœuds  au  bout  àts  tournans.  On 
les  laifl!e  pafler-,  comme  nous  avons  dit 
pour  la  boucle.  Puis  il  faut  prendre  \es 
corps  de  rangs:  le  premier  étant  fur  le  7, 
iliaut  le  placer  au  fil  du  6  du  tournant 
en  obfervant  de  le  pofer  dans  chaque 
efpace  où  font  les  fils  que  nous  appelions 
hoches  ,  comme  nous  Pavons  dit.  Il  eft  4 
propos  que  les  raiîgs  d'une  jj^rrugue.  ncidé^ 


438  P  E  R 

fafîènt  un  peu  le  dos-d'âne ,  en  J-abaiflant 
la  fin  des  rangs  toujours  en  bas  ;  cela 
donne  de  la  grâce.  0«  monte  enfuite  les 
devans  à  l'ordinaire.  Après  on  monte  la 
boucle  ,  obfervant  de  laifler  un  petit  efpace 
de  chaque  côté  entr'elles  &  les  nœuds  ; 
cela  fèrt  à  Faire  une  pincée  de  chaque 
côté ,  fi  la  perruque  fe  trouve  trop  large. 
Enfuite  l'on  monte  le  defTus  des  boucles. 
Chaque  rang  ne  doit  être  féparé  que  par 
un  très-petit  efpace.  Arrivé  jufqu'au  ruban 
large  ,  on  monte  le  toupet  ;  voici  comment 
on  s'y  prend.  Il  faut  tenir  la  tête  de  côté 
fîir  les  genoux  ,  pofer  le  premier  rang  au 
bout  du  premier  rang  de  devant  ;  le  cou- 
dre en  defccndant  jufques  fur  le  dernier 
rang  de  deiîùs  des  boucles  ,  &  en  ajourer 
5  ou  6  de  chaque  côté  ,  de  façon  qu'il  fe 
trouve  une  féparation  d'un  doigt.  On  com- 
mence par  le  bas  à  coudre  dans  cette  fé- 
paration ,  toujours  fans  couper  la  m.ême  trèfle 
du  toupet ,  allant  &  revenant ,  &  bien  près , 
jufqu'à  ce  que  l'on  ait  atteint  le  devant. 
Ainfi  finit  la  monture  de  la  perruque  dont 
il  s'agit. 

Montée ,  on  la  pafle  aux  cifeaux  &  au 
fer  ,  comme  nous  avons  dit  plus  haut ,  à 
la  réfervc  du  toupet  ,  que  l'on  fépare  par 
le  milieu.  La  petite  raie  du  ruban  guide  pour 
cela.  En  faifant  l'ouverture  ,  on  renverfe  à 
droite  &  à  gauche  les  cheveux  du  toupet 
fur  le  bout  des  corps  de  rangs  ;  on  paife  le 
fer  dans  le  milieu  pour  les  maintenir  ; 
puis  on  les  épointe  ;  &  on  les  pafîe  aux 
cifeaux  pour  les  mettre  de  la  longueur  des 
rangs. 

Nous  allons  maintenant  dire  un  mot  de  la 
perruque  quarrée  ,  ou  perruque  de  palais. 
Voici  la  mefure  que  nous  allons  fuivre,  en 
commençant  par  les  tournans. 

Il  faut  treflèr  ces  perruques  quarrées  , 
comme  on  a  trefl"é  la  perruque  nouée.  La 
monture  étant  faite  de  même  ,  il  faut  la 
monter  de  même  ,  obfervant  que  les  tour- 
nans arrivent  jufqu'à  l'endroit  où  finifl!ent 
les  nœuds  de  la  nouée.  On  laifïe  le  même 
efpace  pour  la  boucle  ;  du  refie,  on  monte  , 
on  drefle ,  comme  nous  l'avons  dit  de  la 
perruque  nouée. 

Nous  avons  oublié  de  parler  de  la  lon- 
gueur que  l'on  donne  ordinairement  au 
l)Oudin.    La  perruque   étant    fur   le   I2  , 


P  E  R 

le  boudin  peut  fe  mettre  fur  le  lo  oii 
le  II. 

La  préparation  fe  fait  d'ordinaire  moitié 
cheveux  &  moitié  crin. 

Il  y  a  une  forte  de  perruque  que  l'on  ap- 
pelle à  la  brigadiere.  Il  n'y  a  guère  que  les 
anciens  militaires  qui  en  portent.  La  mon- 
ture en  efi:  à-peu-près  la  même  que  celle  àts 
autres  perruques. 

Les  tournans  ici  font  trèfles  comme  ceux 
^e  la  perruque  nouée.  Pour  les  corps  de 
rangs  longs  ,  il  faut  qu'ils  foient  moins 
garnis  fur  le  derrière  que  fur  le  devant  ; 
le  10  &:  le  9  font  épointés  ,  pour  être  pris 
dans  les  cordons  qui  nouent  le  boudin  ;  les 
autres  à  commencer  fur  le  8  ,  feront 
garnis  comme  le  6  ou  7  fur  le  derrière 
d'un  bonnet  ,  &  fur  la  face  de  même. 
On  monte  les  tournans  comme  ceux  de  la 
perruque  nouée ,  en  laiflant  les  paflees  pour  le 
boudin. 

Il  faut  monter  les  rangs  comme  pour  un 
bonnet.  Mais  au  lieu  de  prefl!er  le  derrière 
des  rangs ,  comme  à  un  bonnet  ,  il  faut 
plutôt  les  écarter ,  &  finir  le  refle  comme 
dans  les  bonnets.  Le  boudin  fera  de  la  lon- 
gueur du  16  ,  un  à  droite  ,  &  l'autre  à  gau- 
che ,  fe  regardant.  Voilà  à-peu-près  ce  que 
l'on  en  peut  dire.  Nous  finirons  les  ouvra- 
ges à  monture  pleine ,  par  la  perruque  des 
eccléfiafiiques. 

Cette  perruque  efl  furie  16  ;  mais  la  lon- 
gueur ordinaire  n'efi:  que  le  9  ou  le  9  ^  ;  c'ell 
pourquoi  nous  y  avons  mis  des  demi- étages, 
c'efl- à-dire ,  i  &  '  ,  un  2  &■  un  2  &  i  ,  mnii 
jufqu'à  9.  La  plaque  fe  fait  à-peu-près  com- 
me celle  d'un  bonnet. 

Si  on  y  veut  une  fonfure  couverte ,  ce 
font  des  religieufes  qui  les  font  au  métier, 
&  on  les  acheté  toutes  faites.  Si  l'on  efî 
dans  un  pays  où  l'on  n'en  trouve  point , 
on  peut  en  faire  avec  une  trèfle  fine  , 
que  l'on  coud  en  tournant  ou  en  croifant , 
après  l'avoir  coupée  à  la  hauteur  de  3  lignes. 
Il  y  en  a  de  quatre  grandeurs  ;  celles  des 
fous-diacres,  des  diacres ,  des  prêtres,  des 
évêques  ,  &  même  des  archevêques.  Nous 
avons  encore  une  treflie  que  nous  nommons 
tour  de  tonfure ^  qui  fe  fait  très-fine,  à 
fimple  tour ,  &  tr^flee  preflee  :  quand  on 
S  veut  que  ces  perruques  aillent  au  coup  de 


^  E  R 

j^cîgneTans  boucle ,  il  faut  conper  prefque 
toute  la  friiure. 

Nous  allons  préfentement  parler  de  la 
perruque nhoarfe  ,  qui^il:  la  plus  moderne. 
On  l'appelloit  d'abord  perruque  à  la  régence, 
parce  qu'elle  fut  inventée  fous  la  régence 
ou  duc  d'Orléans,  C'eit  celle  qui  imite  le 
plus  les  cheveux  ;    c'eft  pour  cet  ouvrage 
qu'on  a  inventé  la  monture  à  oreille.  Cette 
monture  efl  faite  de  la  même    façon  que 
BOUS  avons  les  cheveux  plantés  :  je  ne  lais 
comment  on.  ne  l'a  pas  imaginée  plutôt , 
car  la  forme  des   cheveux  l'indique  aifé- 
mcnt.  Nous  en  allons  donner  une  idée  par 
ijne  mefure  ;   mais  c'ell  celle  qui  change 
le  plus  fouvent.  On  la  fait  tantôt  longue , 
tantôt  Courte ,    tantôt    large  ,     &    tantôt 
étroite  ,  lelon  l'idée  &   le    goût.  .Pour  en 
faire  la  monture  ,   on  fe  fert   d'une  tête  à 
tempes.  On  prer^  une  demi-aune  de  rubsn 
ou   plus  ,  félon  la  tête.    On  le  plie  par  le 
milieu  ,  &  l'on  fait  une  raie  avec  de  l'encre; 
puis  on  fiche  une  pointe  dans  le  milieu  de 
la  raie  à  l'endroit  de  la  tête  ou  l'on  veut 
pofer  le  ruban  ;  on  en  fiche    une   féconde 
^  peu-près  dans  la  lifiere  à  la  difîance  de 
deux  ou  trois  hgnes.   On  relevé  le  ruban 
vers  la  raie  ;  l'on  cloue  une  troifieme  & 
quatrième   pointes  de  chaque  côté  égale- 
ment ;    elles  doivent,  être  plus  en  arrière 
que  celles  que  l'on  a  pofées  d'abord.  C'eil 
ainlf  qu'on   forme  la  petite   pointe   de  la 
perruque.  Il  faut  enfuite  mettre  une  pointe 
de  chaque  côté  ,  à,  deux  pouces  de  difîance 
de  celle  du  mjheu:  on  prend  fes  dimenfions 
pour  le  front ,    comme  nous  l'avons  déjà 
dit.  La  mode  la  plus  commune  à  préfent- 
efl   de    former   une    tempe,   les   cheveux 
étant  communément  plantés  de  cette  ma- 
nière..  Ceux    qui.   les    ont  ainfi    difpofés 
l^^xigent ,    &  ceux  qui  les  ont  autrement 
veulent  qu'on  l'imite.   Pour  former  la  lon- 
gueur d'une  face  à  là  fuite  du  front,    il 
faut  prendre  comijiunément    la   longueur 
d'une  carte  que  l'on  marque  au  ruban.  Pour 
commencer  la    tempe  ,  il  faut    pofer   une 
pointe  environ  2  pouces  après  le  front ,  en 
l'avançant  au-defTus   de  l'œil.  Enfuite  on 
tire  le  ruban  en  arrière  ,  &  l'on  pofe  une 
pointe  où  l'on  a  marqué  la  raie.    On  relevé 
le  ruban  à  la  hauteur  où  Ton  doit  marquer 
roreiile.  Après  la  mefuye  que  l'on  a  prifç , 


P  E  R.  4%^ 

fur  la  perfonne  ,  &  après  avoir  mefuré  fur 
la  table  où  l'on  fait  la  iTionture  ,  on  doit 
voir  la  hauteur.  Il  faut  prendre  garde  que 
le  ruban  ne  tombe  fur  l'oreille ,  parce  qu'en 
leierrant,  cela  peut  blefTer.  Ayant  éloigné 
le  ruban  jufqu'à  l'extrémité  de  l'oreille  , 
on  le  plie  en  deux  ,  on  le  cloue  avec  une 
pointe ,  &  on  le  rabat  derrière  l'oreille 
jufqu'au  bas  du  cou  ;  on  y  met  une  pointe, 
&  l'on  en  fait  autant  de  l'autre  coté.  Il 
faut  compaiîèr  avec  attention  les  deux 
côtés  pour  qu'ils  foient  égaux ,  &  que  la- 
perruque  n'aille  pas  de  travers.  Enfuite 
on  pofe  les  fils  comme  nous  l'avons  déjà, 
dit.  Les  pointes  indiquent  les  droits  à-peu- 
près  où  on  doit  les  raettrje.  On  place  la 
coéffe^  le  ruban  large  &  le  taffetas  ,  ainfi 
qu'il  a  été  prefcrit.  On  peut  faire  au(H 
des  perruques  à  oreille  fans  tête  à  tempes. 
On  y  en  iijoute  avec  des  cartes  que  l'on 
coupe.  Cela  dépend  du  goût  &  de  l'idée 
de  l'ouvrier  ;  ce  qui  convient  à  l'un  ,  ne- 
convient  pas  toujours  à  un  autre. 

En  commençant  par  les  corps  de  rangs  ,, 
il  faut  que  les  2  &  3  premiers  rangs  foient- 
trefïës  un  peu  garnis  à  fimple   tci^r.    Au 
bout  de  ces  rangs ,  on  peut  mettre  la  Ion- 
gueur  de  2  pouces  de  cheveux  lifles  en-. 
viron  une  demi-aune;    c'eif  ce   que   l'on 
appelle  derrière  de  bourfe.  Il  faut  y  paffer 
une  paffée  de  cheveux  frilés  entre  un  paquet 
plus  court  que  les  lais  du   rang   que  l'on 
treffe  derrière.  Pour  l'accommodage  d'au- 
jourd'hui ,  il  faut  épointer  tous  les  paquets, 
c'efl-à-dire  ,  mettre  une  paflée  plus  courte 
que  celle  que  l'on  treffe  au  bord  du  front. 
Cqs  perruques-c\ ,   qui  ne  font  point  ou- 
vertes fur   le   front  ,   comme    celles    que 
nous  venons  de  décrire  ,  s'appellent  bord 
de  front  à  toupet.  Pour  cet  effet,  il  faut, 
dans  le  milieu  du  rang  du  bord  de  front, 
faire    la    largeur  d'un    pouce:  de,  treflè  à 
fimple    tour,    fin    &   ferré..  On   rient  le 
bout   plus  court  ;    on  fait  une  étoile  der- 
rière,  &   I  pouce  ou   2:  de  trefîê  fur  l'i 
avec  la  tête  plus  longue  &  à  fimple  tour. 
On   la  monte   à-peu-près   à    l'ordinaire  , 
commençant  parles  bords  de  front ,  l'étoile, 
les  tournans ,   les    corps  de  rangs    &    le 
devant,    que    l'on  élargit ,    ou    que.  l'on 
rétrécit  plus  ou  moins  ,  felôn  que  la  mode 
ou.  le?   perfoanes  l'exigent.  Jl.i6.f^t.^4f.. 


440  ?  E  R 

'la  iargeur  du  bout  du  doigt.  On  ne  coud 
jîoint  les  rangs  de  devant  jufqu'à  bord  du 
"front.  Le  bout  que  J'ai  dit  devoir  être 
:fait  de  la  longueur  d'un  pouce  ou  deux, 
doit  être  coufu  derrière  l'étoile  à  la  petite 
pointe.  Il  faut  mettre  le  vifage  de  la  tête 
devant  foi  ,  &  coudre  cette  trelTe  à  la 
renverfe  en  zig^zag ,  bien  près ,  au  4  ou  5 
■petits  rangs.  On  monte  la  plaque  de  der- 
rière. Il  faut  en  avoir  environ  une  aune 
où  il  y  ait  une  paffée  de  frifée.  On  finit 
le  haut ,  comme  nous  avons  dit ,  à  la  plaque 
du  bonnet.  On  la  pafîe  au  fer ,  comme  nous 
l'avons  dit  des  autres. 

Pour  la  pafîer  au  cifeau  ,  la  façon  efl 
difFérenre  ;  car  pour  l'accommodage  d'au- 
jourd'hui ,  on  les  épointe.  Autrefois ,  fi  l'on 
eût  vu  travailler  ainfi,  on  auroit  cru  la 
perruque  perdue.  Pour  épointer ,  voici 
comme  on  s'y  prend.  La  perruque  étant 
furie  6,  le  5  &  le  4,  on  prend  les  deux 
premiers  rangs  ;  on  commence  par  l'étage 
du  4  :  on  a  des  cifeaux  à  découper  ;  on 
tient  de  la  main  gauche  la  pointe  du 
cheveu  ,  &  le  cifeau  de  la  main  droite. 
On  coupe  légèrement  la  pointe ,  toujours 
en  effilant  légèrement  jufqu'à  la  pointe  du 
cheveu  ,  &  de  même  jufqu'à  la  fin  du  rang. 
On  reprend  enfuite  ceux  du  5  >  &  l'on  en 
fait  autant  jufqu'à  l'i  ,  &  jufqu'au  devant, 
toujours  de  2,  rangs  en  2  rangs  ,  &  jamais 
plus  large  que  2  lignes.  Dans  \qs  courts, 
"fur  le  bord  du  front ,  on  les  épointe 
prefque  de  paffée  en  pafîee.  C'eft  un 
ouvrage  très-long  &  très-difïîcile  ;  quel- 
quefois un  jour  n'y  fuffit  pas.  Pour  que  les 
2.  côtés  foient  égaux ,  il  faut  une  attention 
&  une  régularité  infinie.  Quelquefois  on 
gâte  un  tiers  des  cheveux  qui  font  à  la 
perruque.  On  met  aufii  des  frifons  ou 
favdjris  qui  tombent  fur  le  cou.  On  fait 
à-peu-près  une  demi-aune  de  treffe  fur  un 
paquet  épointe  ,  du  2  ,  du  3  &  du  4  en- 
femble  ,  que  l'on  coud  en  zigzag  fur  le 
ruban  qui  fe  trouve  au  bas  de  l'oreille. 
La  perruque  épointée ,  on  coule  les  cilèaux 
•en  defcendant ,  comme  nous  avons  dit 
aux  autres.  Enfuite  on  la  démonte,  & 
l'on  coud  par  derrière  une  jarretière  du 
côté-  droit  ,  large  du  ào'igt. ,  &  de  l'autre 
côté  un  autre  bout  de  jarretière  avec  une 
toiicle  d'acier,    H  faut  coudre  cette  jar- 


î>  E  R. 

retîere  au  tout  du  ruban  bien  fermé  ? 
afin  qu'en  ferrant  elle  n'échappe  point. 
Pour  que  la  perruque  ferre  également ,  il 
faut  faire  attention  que  la  boucle  fe  trouve 
jufle  dans  la  follette  du  cou.  Ceci  fait , 
on  démonte  la  perruque  ,  on  paffe  la  foie  , 
&  on  repaffe  un  peu  le  fer  fur  les  bords, 
comme  nous  avons  dit  :  on  la  repeigne  â 
fond  ,  &  tout  efl  fini. 

De  la  perruque  nouée  à  oreille.  La  mon- 
ture s'en  fait  à-peu-près  de  inême  qu'à  la 
perruque  à  bourfe. 

Une  perruque  nouée  ,  telle  que  celle-ci  , 
fe  fait  communément  avec  un  toupet , 
comme  nous  l'avons  expliqué  de  la  perruque 
à  bourfe  ,  excepté  que  le  devant  eft  de 
beaucoup  plus  étroit  que  le  dernier  corps 
de  rangs  ,  comme  nous  le  marquons  à  la 
mefure.  On  peut  faire  auffi  un  devant 
ouvert ,  comme  nous  Tapons  dit  en  parlant 
d'une  autre  perruque  nouée  ;  toutes  les 
trelfes  fe  montent  de  mêm.e,  à  la  réferve 
des  nœuds  qui  doivent  être  un  peu  longs 
de  cheveux ,  puifqu'on  les  monte  plus 
haut.  Il  faut  trefîer  ces  nœuds  plus  fins, 
&  faire  au  moins  une  demi-aune  de  trèfle 
de  fuite  de  chaque  '  côté  :  on  coud  en 
allant  &  venant.  Si  l'on  veut  que  l'ac- 
commodage foit  en  grolîès  boucles  déta- 
chées ,  il  faut  répointer  comme  à  la  per- 
ruque à  bourfe.  Si  on  la  veut  toute  peignée , 
on  l'étage  comme  l'autre  ,  on  pafîe  le  fer 
&c  les  cifeaux  comme  aux  perruques  à 
bourfe  ;  on  la  démonte  ;  on  ôte  le  fil  ; 
on  paffe  la  foie  ;  on  repalîe  le  fer  ,  &  on 
la  peigne  à  fond. 

Des  perruques  quarrées  à  oreilles.  La 
monture  eft  à-peu-près  celle  des  perruques 
nouées,  &  la  treffe  à-peu-près  la  fnême  , 
hors  le  bas  qui  doit  erre  plus  garni. 

Le  1^'^  tour  jufqu'au  6  doit  erre  rreffé  lé- 
gèrement ,  le  2  doit  l'être  de  même  ;  mais 
depuis  le  6  du  premier  jufqu'à  la  fin  ,  ils 
doivent  être  de  la  même  garniture  que 
nous  avons  fpécifiée  à  l'autre  perruque 
quarrée.^  Les  quatre  petits  rangs  doivent 
être  auflî  treffés  ,  un  peu  garnis  ,  &  le 
rcfte  comme  le  milieu  d'une  perruque. 
Quand  les  rangs  font  montés  ,  on  monte 
le  boudin.  Les  autres  treffes  font  les  mêmes 
qu'aux  autres  perruques  ',  on  paffe  de  même 
le  fer  &  ks  cifeaux. 

II 


P  E  R  P  E  R.  441 

II  faut  faire  deux    tournans  âe  même,  T  qui  efl  déj'a  montée  auprès   d«   devant  , 


un  peu  garnis  depuis  le  6  juiqu'au  bout 
&  légers  depuis  le  5.  Il  faut  que  les  qua- 
tre ou  cinq  premiers  grands  corps  de  rangs 
foicnt  trèfles  garnis  ;  le  refte  des  grands  au- 
tant fur  le  devant  que  fur  le  derrière  ,  &  les 
autres  à  proportion.  Si  l'on  veut ,  on  peut 
faire  un  petit  devant  ouvert;  mais  d'ordi- 
-naire  on  les  fait  avec  un  roupet.  Ces  bon- 
nets-ci fe  montent  à-peu-près  de  même  que 
les  autres  ;  on  les  épointe  ,  on  les  coupe 
aux  cifeaux  ,  &  on  les  pafle  au  fer  comme 
la  perruque  à  bourfe. 

La  différence  qu'il  y  a  entre  uncperru- 
que  à  oreille  &  une  autre ,  c'efl  que  le 
ruban  &  la  trèfle  n'en  avancent  pas  tant 
fur  les  joues  ;  il  faut  que  ce  foient  \qs  che- 
veux qui  les  couvrent  ;  c'ed  pourquoi  on 
les  travaille  plus  au  long.  Les  étages  ne  peu- 
vent fe  fuivre  de  trop  près. 

Cette  perruque  fe  monte  &  fe  trefl'e 
comme  les  bonnets  à  oreille  :  on  ferre  Les 
rangs  fur  l'oreille  un  peu  plus  que  fur  le 
derrière.  Si  l'on  veut  une  tonfure  ouverte  , 
il  faut  prendre  une  coëtfe  qui  ne  foit  point 
finie  derrière.  En  Pétendant  fur  le  devant 
de  la  tête  ,  la  coëfFe  s'ouvre  derrière  ; 
quand  on  l'a  au  point  que  l'on  veut ,  on 
pafle  un  fil  dans  toutes  les  mailles  ,  &  on 
l'arrêre  en  renouantles  deux  bouts  enfemble; 
on  pafl^e  enfuite  les  cifeaux  &  le  fer  comme 
aux  autres. 

La  perruque  naturelle  à  oreille  ,  fe  trèfle 
comme  les  autres  ,  le  bas  un  peu  garni  ; 
la  monture  eft  la  même  qu'aux  autres  1 
perruques  à  oreille.  Il  faut  obferver  que  la 
plaque  en  efl  difficile  à  préparer  :  il  en 
faut  faire  plulreurs  paquets  ;  que  ce  foient 
6cs  cheveux  lilfes  &  naturels ,  &  qu'elle  ne 
tombe  pas  trop  longue  dans  les  frifés.  A 
mefuiT  que  l'on  fait  des  rangs  ,  il  faut  en 
orcr  un  des  courts  &  en  remettre  un  plus 
long.  Quand  on  a  fini  le  rang  ,  il  faut  com- 
mencer la  plaque  en  faifant  de  petits  rangs 
fur  deux  ou  trois  paquers  ,  &  les  remettre 
toujours  les  uns  dans  les  autres  ;  ils  en 
feront  plus  épointés.  A  mefure  que  l'on 
monte  plus  avant ,  il  faut  toujours  en  re- 
mettre de  plus  longs  ,  pour  que  la  plaque 


retombe  dans  la  féconde  bouche  du  bas. 
A  l'égard  de  la  monture,  du  dégraifl"age, 
de  la  coupe  aux  cifeaux  ,  &  du  fer  ,  c^dï 
la  même  chofe  qu'aux  autres  perruques -à 
oreille. 

Des  perruques  de  femme  y  que  Von  ap-* 
pelle  communément  chignons.  Ce  font  les 
perruques  les  plus  modernes  ,  puifqu'ii 
n'y  a  pas  plus  de  vingt  ans  (*)  que  l'on 
en  porte  ;  elles  ne  fe  font  perfeâionnées  , 
comme  on  les  voit  aujourd'hui ,  que  depuis 
dix  ans.  La  monture  fe  fait  à-peu-près 
comme  une  monture  à  oreille.  Pour  qu'elles 
aillent  bien  ,  il  faut  exaâement  fe  confor- 
mer à  la  manière  dont  les  perfonnes  ont 
les  cheveux  plantés  ,  puifque  l'on  rejette 
deflus  les  tempes  &  le  toupet.  Il  faut  com- 
munément que  le  front  foit  rond  &  étroit  » 
la  pointe  un  peu  aiguë ,  &  la  tempe  très- 
droite  ;  le  bas  venant  un  peu  de  la  joue  » 
&  pointu  ;  l'oreille  point  trop  en  arrière  ; 
la  partie  de  derrière  l'oreille  très-rabattue. 
Enfuite  on  fait  une  avance  au  bas  de  l'o- 
reille. Il  ne  faut  point  que  le  ruban  foit 
ouvert ,  mais  qu'il  foit  coufu  comme  aux 
montures  fermes.  On  met  un  peu  de  bou- 
gran  à  la  pointe  du  front ,  de  la  largeur 
du  doigt  ;  de  même  qu'à  la  pointe  de  la 
tempe ,  au  bas  de  l'oreille ,  on  met  du  fil 
d'archal  brûlé ,  que  l'on  coud  de  la  largeur 
de  trois  doigts  ,  de  la  hauteur  de  tout  le 
ruban.  On  ne  met  point  de  coëlïè  ;  on  y 
coud  un  taflPetas  avec  attention,  pour  qu'il 
ne  poche  point  ,  &  on  n'y  met  point  de 
ruban  large.  Pour  la  conduite  ,  on  n'a  point 
de  mefure  ;  on  travaille  avec  àt^  trèfles 
de  fuite  ,  d'abord  fur  le  court  qui  efl  i  ;  les 
hauteurs  les  plus  longues  pour  le  bas ,  ne 
pafl^nt  point  le  S.  Nous  avons  dit  que  la 
frifure  fe  frife  très  -  petite  &  toute  roulée. 
Si  l'on  veut  que  le  chignon  foit  tout  à  plein 
&  tout  bouclé  ,  il  faut  coudre  la  valeur  de 
deux  aunes  du  6,  fi  la  perfonne  pour  qui 
l'on  travaille  a  le  cou  long  ;  fi  elle  ne  l'a 
pas  long  ,  le  5  luflit.  Après  le  2  on  coud 
deux  aunes  de  fuite  ,  &  autant  des  autres 
jufqu'aux  plus  courts.  On  coud  la  pluâ 
courte  à  bord  de  front ,  &  tournant  on  fait 


C  *  )  Il  y  a  vingt-cinq  ans  que  cet  article  eft  imprimé  dans  l'édition  de  Paris. 

Tomt  XXV,  Kkk 


44»  ^E  R 

une  face  de  la  largeur  de  trois  doigts  ,  & 
on  coud  tous  les  rangs  en  pente  pour  faire 
la  boucle  en  long.  Les  uns  coufent  le  bas 
en  fer  à  cheval  ,  les  autres  le  coufent  droit  ; 
cette  façon  de  coudre  dépend  de  la  façon 
d'accommoder.  Il  faut  en  tout  que  les  tref- 
£es  foicnt  un  peu  garnies  ,  le  bas  davan- 
tage ,  &  montées  les  unes  près  des  autres. 
Un  chignon  doit  avoir  communément 
quinze  aunes  de  trèfles.  Le  haut  fe  finit 
à- peu-près  comme  la  plaque  :  on  pafle 
ceci  au  cifeau  légèrement ,  &  le  bord  légè- 
rement au  fer. 

VoilA  à -peu -près  comme  fe  fait  un 
chignon  plein.  Il  y  en  a  en  abbé ,  à  la 
parefleufe  ,  d'autres  avec  deux  boucles  fur 
l'oreille.  Ceux  d'abbés  fe  font  pour  la  mon- 
ture, comme  nous  avons  dit  :  on  fait  derrière 
la  valeur  de  deux  ou  trois  boucles  ,  &  en- 
iliite  on  prend  dès  cheveux  naturels  de  plu- 
iieurs  longueurs.  Si  l'on  finit  la  brifure  fur 
le  4  ,  on  fait  un  4  de  cheveux  naturels  peu 
frifés  ,  un  3  &  un  2  ,  &  on  treffe  propor- 
tionnément  pour  faire  les  devans  ;  on  coud 
iept  à  huit  petks  rangs  de  courts  frifés  ; 
enfuite  on  a  une  treffe  faite  avec  des 
cheveux  un  peu  longs  &  crêpés  forts ,  que 
Ton  trèfle  &t  que  Ton  coupe  de  la  longueur 
du  doigt,  &  l'on  en. forme  la  face  ;  on 
monte  ces  treffës  naturelles  jufqu'en  haut. 
Quand  on  a  coufu  les  frifés  ,  on  a  de  ces 
frefîes  crêpées  ,  treflées  avec  une  pafîee 
de  frifés  ,  que  l'on  monte  de  même  juf- 
qu'au  haut  Ce  font  ceux  à  la  parefleufe 
qui  paroiflent  être  frifés  fans  l'être,  &  qui 
gonflent  le  moins.  On  fair  aufli  des  favoris 
de  boucles  :  les  favoris  font  très-anciens. 
On  les  faiibit  autrefois  comme  une  efpece 
de  croiflânt  fur  lé  front  ,  comme  on  le 
voit  encore  dans  les  ancieris  portraits  des 
dames.  Pour  faire  ces  favoris ,  on  faifoit  une 
trefîê  de  fuite  qui  étoit  fur  le  i  &  le  2, ,  que 
l'on  montoit  fur  un  ruban  noir  que  l'on 
attachoit  aux  cheveux  en  avant  ou  en  ar- 
rière ,  félon  qu'on  vouloir  qu'il  avançât. 
Préfentement  on  fait  de  petites  boucles 
que  l'on  met  fur  les  tempes  ;  on  les  fait 
avec  une  treffe  faite  d'une  frifure  femblable 
à  celle  du  chignon  ,  &  on  les  monte  fur 
un  fil  d'archal  brûlé  ,  de  la  grofïèur  d'une 
petite  paille  ;  fi  on  les  veut  à  droite  ,  on 
hs  raojite  en  tournant  du  côté  droit,  & 


Pèk 

de  même  à  gauche  :  l'on  plie  le  fîl  d'archal^ 
qui  prend  la  forme  que  l'on  veut ,  &  on  le 
coupe  au  bout  où  l'on  peut  attacher  les 
épingles  ;  on  en  fait  de  longues  &  de  cour- 
tes que  Ton  place  au-deflus  des  oreilles 
&  au  dedans ,  de  façon  qu'une  femme  peut 
avoir  le  chignon  retrouflé  ;  &  en  mettant 
de  ces  boucles  au  bas  des  oreilles ,  on  croit 
qu'elle  a  le  bas  de  fes  cheveux  frifés. 

Il  y  a  encore  d'autres  boucles  qui  fervent 
pour  les  dames  de  cour  :  les  fours  des 
grandes  fêtes ,  elles  en  mettent  quatre  ou 
fix  ;  les  deux  plus  longues  fe  mettent  fu? 
le  derrière.  Elles  portent  ordinairement 
trois  quarrés.  Il  faut ,  pour  qu'elles  fafîerrt 
bien  le  boudin  ,  que  ce  foient  des  cheveux 
qur  ne  crêpent  point  ,  au  contraire  qu'ils 
foient  liffes  &  frifés  naturellement  :  la  fri- 
fure fe  fait  comme  nous  l'avons  dit  de 
la  frifure  des  boucles.  Les  deux  d^enfuite 
font  de  demi-aune  ;  elles  fe  pofent  derrière 
les  oreilles  :  les  deux  autres  font  d'un  quart 
&  demi  ,  elles  fe  pofent  au  -  dcflbs  des 
oreilles.  Ces  boucles  ne  fe  trefïènt  point  ; 
on  enveloppe  la  tète  avec  un  ruban  que  l'on 
noue  ferme  avec  un  fil  fort ,  &  on  les  atta- 
che par  le  ruban  avec  des  épingles. 

On  a  enfuite  la  cadenette.  Il  faut  avoir 
une  coupe  de  cheveux  longs  &  garnis  fans 
être  tirés..  Si  elle  efltrop  quarrée  ,  il  faut 
l'époînter ,  pour  qu'elle  foit  plus  groflè  en 
haut  qu'en  bas.  Il  faut  qu'elle  foit  treflcc 
gros  &  bien  prefTé  ,  &  eniùite  on  la  monte 
fur  un  ruban  pour  un  chignon  de  cheveux 
droits  :  pour  le  revers  de  la  cadenette ,  A 
faut  au  contraire  qu'il  foit  long  &  quarré. 
On  fait  avec  un  ruban  étroit  une  efpece  de 
rond";  puifque  cette  coëfFure  ne  prend  que 
derrière  les  faces ,  il  ne  faut  ni  pointe  ni 
rien  qu'une  efpece  de  calotte  ;  que  le  ruban 
foit  doublé  tout  autour  pour  y  pafîer  la 
cadenette,  donrlebout  doit  fortir  par  en 
haut,  pour  fe  cacher  mieux  fous  la  garnie 
rure;  on  attache  fur  le  ruban  un  réfean 
fans  le  garnirde'  taffetas  ;  on  le  trèfle  garni", 
&  on  le  monte  fur  réfeau: 

Dès  tours  qui  atôngent  les  cheveux  aux 
gens  de-  robe..  On  ne  peut  guère  donner 
de  mefùre  de  ces  tours ,  les  cheveux  man- 
quant aux  uns  dans  un  endroit ,  aux  autres 
ailleurs.  Il  ne  s^agit  ici  que  d'une  tête  qui  a 
afïèz  de  cheveux>  &  q^i  ne  vcuf  que  les. 


Rlonge*  Si  elle  les  a  très-garnis  deîrier e  ,  ^ 
l'ouvrage  devient  plus  difficile  ,  attendu 
qu'il  faut  que  le  bas  foit  encore  plus  garni 
que  le  haut.  Je  TuppaCe  que  la  perfonne  air 
les  cheveux  au  lo  derrière  ,  &  qu'elle 
veuille  fon  tour  au  T")  ,  il  faut  prendre  9  , 
10  ,  II ,  12,13,  14  ,  15  ;  faire  fur  le  i^ 
un  petit  rang  de  la  largeur  de  trois  doigts  , 
&  un  peu  garni  ;  on  fait  en  fuite  une  me- 
fure  de  la  longueur  d'une  oreille  à  l'autre  : 
voici  comme  l'on  fait. 

9,10,11,12,13,14,15)15,14,13,11,11,10,9, 

On  travaille  à  trois  foies  ;  dans  le 
milieu  où  il  y  a  une  raie  ,  on  met  un  fil , 
puis  l'on  continue  le  15  ,  le  14  >  &  ^iri^ 
des  autres.  Avec  les  petits  on  a  2  (lir  15  ,  & 
I  fur  chaque  rang  par  les  longs  jufqu'au  1 1 , 
enfuite  on  coud  tous  les  rangs  enfemble  , 
comme  nous  le  dirons  après.  Si  l'on  veut 
un  tour  en  plein  ,  pour  garnir  depuis  le  haut 
de  la  tête  jufqu'au  bas  ,  il  faut  faire  une 
mefure  comme  celle  des  tournans  ,  mais 
l'engager  davantage.  On  treffe  les  tournans 
jufqu'aux  plus  longs ,  &  l'on  met  un  fil  fans 
taire  de  féparation.  Je  fuppofe  que  la  per- 
fonne ait  les  cheveux  épointés  qui  aillent  au 
16 ,   on  fait  un  tour  fur  le  10. 

Quand  ce  font  des  cheveux  épointés  fur 
le  16  ,  il  faut  que  la  mefure  conrienne 
pour  faire  un  tour  en  plein,  obfervant  que 
ce  n'en  eft  que  la  moitié.  Il  faut  que  l'autre 
côté  tienne  enfemble  fans  féparation  ,  feu- 
lement par  un  fil  que  l'on  met  dans  là  trefîe 
pour  marquer  le  milieu  ;  on  coud  tous  les 
rangs  les  uns  fur  les  autres  ,  en  ordre , 
<;omme  la  mefure  l'indique  ;  enfuite  on  y 
coud  un  cordonnet  ou  une  corde  à  boyau  , 
&  l'on  fait  une  eipece  d'œillet  avec  la  foie  ; 
on  paiïe  le  cordonnet  dedans ,  &  on  l'ar- 
rête ,  après  avoir  bien  pris  (es  dimenfions 
pour  la  groflèur  de  la  tête  ;  puis  on  borde 
avec  un  ruban  noir  ,  pour  que  les  bouts  des 
têtes  de  cheveux  ne  débordent  point  ,  & 
on  pofe  en  élevant  les  cheveux  ,  on  pafle  les 
cheveux  du  tour  deflbus  ,  en  faifânt  paffer 
fes  cordonnets  fur  la  tète  ,  &  tirant  le  tout 
■en  devant.  On  peigne  les  cheveux  pardefÏÏis, 
^^  on  ne  voit  rien  du  tout.  On  peut  cou- 
cha avec  ;  on  le  frife  avec  les  cheveux,  ^ 
JDQ  ne  l'ôte  que  pour  peigner  à  fond. 


P  E  R  445 

II  y  a  encore  des  tours  pour  les  faces , 
que  l'on  fait  à-peu -près  comme  celui  que 
nous  venons  de  marquer  jufqa'à  9  ;  on  met 
de  même  un  cordonnet  en  haut  ,  &  par 
le  bas  deiix  autres  cordons  que  l'on  noue 
derrière  :  il  faut  pourtant  après  les  frifés 
y  treflèr  des  cheveux  droits  ,  &  l'on  peut , 
en  peignant  en  arrière  ,  cacher  les  deux 
cordons  dont  nous  venons  de  parler. 

Il  y  a  des  demi- perruques  à  mettre 
pardeffus  les  cheveux  ,  quelque  quantité 
que  l'on  en  ait.  On  fait  une  monture , 
comme  nous  venons  de  dire  pour  les  perru- 
ques à  bourfe.  On  travaille  la  face  de 
même  ,  excepté  que  l'on  emploie  feulement 
un  demi-  travers  de  doigt  de  lifîês  ,  tref- 
^és  A  fimple  tour  ,  puis  un  rang  des  mêmes 
lifles  auill  bien  garni  ,  que  l'on  coud  en 
cercle  jufqu'A  l'endroit  où  l'on  a  fini  d'at- 
tacher le  ruban  large  ;  on  commence  de- 
puis le  coin  d'une  oreille  en  remontant 
jufqu'au  milieu  de  la  raie  du  ruban  large  , 
&  redefcendant  de  même  jufqu'à  l'autre 
oreille  ;  après  quoi  on  replifîê  tous  les 
rangs  ;  on  monte  le  vuide  de  liiïe  jufqu'au 
devant ,  comme  aux  autres  perruques  ;  on 
pafîe  aux  cifeaux  &  au  fer.  Après  avoir 
fini ,  on  coupe  les  réleaux  tout  auprès  du 
rang  dont  nous  venons  de  parler  ;  pour 
lors  il  ne  refte  que  la  tace  &  quelque  peu 
de  liffes  pour  couvrir  les  cheveux.  On  fe 
fert  de  deux  cordons  qui  fervent  à  ferrer 
derrière. 

On  fiiît  auflî  des  tempes  de  toupet* 
Après  avoir  pris  {^ts  dimenfions ,  on  tra- 
vaille comme  pour  une  monture  ;  on  monte 
le  toupet  de  même  ,  après  avoir  préparé 
le  rang  du  bord  de  front ,  on  fait  d'autres 
petits  rangs  de  la  longueur  du  pouce ,  oa 
y  t'relTc  derrière  de  la  plaque.  Si  la  per- 
fonne a  dei;  cheveux  en  bourfe  ,  on  la  met 
longue  ;  fi  elle  porte  des  cheveux  ronds, 
on  la  met  plus  courte  ,  comme  celle  d'un 
bonnet.  Après  avoir  pafîe  au  fer  ,  on  atta- 
che deux  cordons  de  foie  noirs  ;  on  ferre 
derrière  ,  comme  nous  l'avons. dit  pour  la 
àtm\-perruque  y  ou  bien  on  fe  fert  d'a- 
gra  flTes. 

Voilà  à-peu-près  tout  ce  que  l'on  peut 
dire  d'un  art  dont  le  travail  efl  fi  fubor- 
donnc  à  la  fantnifie.  Qui  ne  riroit  pas  ,  en 
efièt ,  de  voir  une  perfonne  maigre  ,  à  joues 

Kkk  a 


444  P  E  R 

creufes  ,  à  cou  long  ,  fe  faire  accommoder 
bien  court ,  bien  en  arrière  ,  le  derrière  bien 
accompagné  ,  &  prendre  routes  les  pré- 
cautions pollibles  pour  fe  faire  une  tête  de 
mort  ? 

Des  perruques  à  deux  queues.  Elles  font 
plus  ordinaires  dans  les  cours  d'Allemagne 
qu'ailleurs.  On  ne  pouvoit  fe  préfenter 
devant  le  père  de  la  reine  d'Hongrie  d'au- 
jourd'hui ,  fans  ces  deux  queues  ;  jeunes 
ou  vieux ,  tous  dévoient  en  avoir.  Ces  coëf- 
fures  fe  portent  pour  les  grandes  fêtes  & 
pour  les  bals  parés.  Elles  fervent  auffi  aux 
comédiens  dans  les  rôles  de  princes  tra- 
giques. 

.  Cts  perruques  fe  treffent  comme  les 
perruques  naturelles  dont  le  derrière  de  la 
face  iroit  jufqu'à  12  ;  &  comme  la  mefure 
ne  croife  pas  ,  on  remplit  le  vuide  avec  la 
J)laque  qui  fert  à  faire  les  deux  queues  ;  le 
YQi\.t  fe  trelfe  en  diminuant  ,  &  finit  de  fe 
trelîer  de  même.  Communément  on  y 
fait  des  devans  à  toupet  ,  quoique  l'on  puiflè 
y  en  ajuiler  d'autres.  La  monture  efî  celle 
d'une  perruque  à  bourfe  ,  &  fe  termine  de 
ia  même  manière.  Il  faut  obferver  qu'en 
préparant  les  lifTes  ,  il  faut  les  faire  époin- 
itées  dans  le  bas  ,  pour  que  la  queue  aille  en 
diminuant.  Il  eiî  à  propos  que  le  bas  frife , 
pour  qu'il  forte  une  boucle  à  l'extrémité 
des  queues. 

PERRUQUIER  ,  f.  m.  {Art  Méch.) 
celui  qui  fait  des  perruques  ,  &  qui  en  fait 
négoce.  ' 

Comme  l'ufage  des  perruques  étoir  rare 
autrefois  en  France  ,  les  perruquiers  refte- 
rent  long  -  temps  fsns  former  de  commu-» 
nauté  ;  mais  â  mefure  que  l'ufage  en  devint 
plus  familier,  on  créa  quarante-huit  bar- 
biers-baigneurs-étuvliles-/>frrz/gz/zVrj' ,  qui 
furent  confirmés  par  des  arrêts  du  conleil 
des  II  avril  &  $  mars  1634.  Au  mois  de 
mars  1^73,  il  s'en  fit  une  nouvelle  créa- 
tion de  deux  cents  maîtres  ;  c'efî  cette  com- 
munauté qui  fubfiffe  encore  aujourd'hui. 

Les  fîatiJts  .de  ce  corps  ,  drcfles  au 
confeil  le  14  mars  1674,  &  enrégiflrés  en 
parlement  le  17  août  luivant  ,  contien- 
nent 36  articles.  Les  trois  premiers  concer- 
nent l'éleâion  de  fix  fyndics  &  gardes  ,  & 
règlent  la  quantité  de  voix  néceifaire  pour 
ïÊÊtte  éleâion. 


P  ER 

Le  4  ordonne  que  les  baflîns  fervant 
d'enfeignes  ^ux  perruquiers  y  feront  blancs, 
pour  les  difiinguer  de  ceux  des  chirurgiens , 
qui  doivent  être  jaunes. 

Les  5  ,  6  &  7  ,  parlent  des  vilîtes  des 
prévôt  ,  fyndics  &  gardes. 

Les  huit  articles  fuivans  traitent  des  ap- 
prentis ,  &  de  leur  réception  à  maîtrife. 

Le  23  défend  de  le  fervir  de  la  treffeule 
de  fon  confrère  ,  fans  un  congé  par  écrit. 

Le  26  marque  à  qui  il  appartient  de 
convoquer  les  afîcmblées. 

Le  29  leur -donne  le  droit  exclufîf  de 
vendre  des  cheveux,  &  défend  à  toutes, 
autres  perfonnes  d'en  vendre  ailleurs  qu'au.- 
bureau  des  perruquiers. 

Je  ne  rapporterai  point  les  autres  articles,, 
qui  ne  font  que  de  difcipline. 

PERSAN,  f.  m.  (v^rJi/f.)  c'ef}  le 
nom  qu'on  donne  à  des  flatues  d'hommes 
qui  portent  des  entablemens.  Voye\  PeR- 
SIQUE    (ordre.  ) 

PERSANES  (Dynasties X,  {Hift.^ 
de  Perfe.  )  Les  auteurs  perians  comptent^ 
quatre  dynaflies  ou  races  des  rois  de  Perfe  ;^ 
1°.  la  race  des  Pifchdadiens  ;  2°,  celle  des- 
Kianans  ;  3°.  celle  des  Efchghaniens  ;  4®; . 
celle  des  Schekkans., 

Les  Pifchdadiens  ont  pris  leur  nom  de 
Pifch  y  qui  en  pcrfàn  figniiie  prf  ;n/>r  ,  & 
de  dad  qui  fignifîe  juftice  y  comme  fi  les 
rois  de  cette  race  avoient  été  les  plus 
anciens  adminiftrateurs  de  la  juflice.  Le 
premier  des  trenre-fix  rois  de  cette  famille  , 
efl  nommé  parles  hifîoricns  perfans  Cdiou- 
marath  :  il  civiliia  ,  difent-ils  ,  les  peu-v 
pies,  &  leur  fit  quitter  une  vie  fauvage  , 
pour  bâtir  des  maifons  &  pour  cultiver  la. 
terre.  * 

La  famille  àts  Kianans  donna  neuf  rois 
à  la  Perfe  ,    dont    le    dernier  efl  nommé 
par  les  mêmes  hifloriens  Ahkander  ;  c'efl 
^Alexandre  le  Grand  ,.    à  ce  qu'ils  préten- 
dent. 

La  race  ècs  Efchganiens  eut  vingt- 
cinq  rois ,  dont  les  auteurs  perfans  nom- 
ment le  premier  iSc/zaèwj,  qui  efl  IçSapor 
des.  Romains. 

La  race  dcsSchekkans  a  produit  trente  & 
un  rois,  dont  le  dernier  s'étant  fait  abhorrer 
de  fes  iujets  par  Ion  gouvernement  tyran- 
nique  y  fournit  aux  Arabes  &  aux  Maho» 


P  E  R 

Cîétans  le  moyen  de  foumettre  la  Perfe  à 
leur  domination. 

PERSE  (la),  [Ge'ogr.  7no<^.)  grand 
royaume  d'Afie  ,  borné  au  nord  par  la 
Circaffie  &  la  Géorgie  ;  au  midi ,  par  le 
golfe  perfique  &  la  mer  des  Indes  ;  au 
levant ,  par  les  états  du  Mogol  ;  &  au  cou- 
chant ,  par  la  Turquie  afiatique. 

Le  mont  Taurus  la  coupe  par  le  milieu  , 
â-peu-près  comme  1  Apennin  coupe  l'Italie, 
&  il  jette  les  branches  çà  &  là  dans  diverfès 
provinces  ,  où  elles  ont  toutes  des  noms 
particuliers.  Les  provinces  que  cette  mon- 
tagne couvre  du  nord  au  fud  ,  font  fort 
chaudes  :  les  autres  qui  ont  cette  montagne 
au  midi ,.  jouiffent  d'un  air  plus  tempéré. 

Le  terroir  eft  gÉiéralement  fablonneux 
&  ilérile  dans  la  jplaine  ,  mais  quelques 
provinces  ne  participent  point  de  cette 
llérilité.  Il  y  a  peu  de  rivières  dans  toute 
îa  Perfe  ,  &  même  il  n'y  en  a  aucune  de 
bien  navigable  dans  toute  fon  étendue.  La 
plus  grande  ,  qui  porte  quelques  radeaux  , 
eftl'Aras  ,  l'Araxes  des  anciens  ,  qui  coule 
en  Arménie  ;  mais  fi  le  terroir,  el^  fec  par 
le  défaut  de  rivières  ,  les  Perfans,  parleur 
travail  &  leur  indullrie,  le  rendent  fertile 
dans  une  grande  partie  de  l'empire. 

Le  climat  de  Perfe  eft  admirable  pour, 
la  vigne  ;  on  y  recueille  d'excellent  vin  ,  du 
riz  ,  des  fruits  ,  &  des  grains  de  taute 
efpece ,  excepté  du  feigle  &.  de  l'avoine  : 
les,  melons  y  font  d'une  grofTeur  extraor- 
dinaire ,  &  d'un  goût  exquis.  Dès  qu'on  a 
pafl'é  le  Tigre  ,  en  tirant  vers  ce  royaume  , 
Qn  ne  trouve  que  àts  rofes  dans  toutes  les 
campagnes. 

Les  montagnes  font  remplies  dé  gibier  ; 
mais  la  plus  grande  partie  du  commerce 
confifle  À  élever  une  quantité  prodigisufe 
de  vers  à  foie  ,  dont  on  fait  tous  les  ans 
p!,us  de  vingt  mille  balles  de  foie ,  chaque 
b^lle  pefant  deux  cents  feize  livres.  On  en 
v.end  la  plus  grande  partie  en  .  Turquie  , 
dans  les  Indes,  &  aux  Anglois  &  Hollan- 
dois  qui  trafiquent  à  Ormus.  Une  autre 
branche  du  commerce  de  la  Perfe ^  confiée 
en  magnifiques  tipis  ,  en  toiles  de  coton  , 
en  étoiles  d'or  &  d'argent ,  &  en  perles. 

Lés  Perfans  foot  d'une  taille  médiocre  , 
maigres  &  fecs ,  comtne  du  temps  d'Am- 
mien  Marcellin  j  mais  forts  &  robufles.  Ils 


P  E  R  44-5 

font  de  couleur  olivâtre  ,  &  o':^.x.  le  poil 
noir.  Leur  vêtement  efi:  une  tunique  de 
coton  ou  de  foie  ,  large  ,  qui  del'cend  jus- 
qu'au gras  de  la  jambe  ,  &  qu'ils  ceignent 
d'une  écharpe  ,  fur  laquelle  les  gens  très- 
riches  mettent  une  belle  ceinture.  Ils  ont 
fous  c^iiQ  tunique  ,  quand  ils  fortent  ,  une 
vefte  de  foie  deplufieurs  couleurs  ;  leurs 
chauffes  font  de  coton  ,  faites  comme  des 
caleçons  ;  leurs  fouliers  font  pointus  au 
bout  ,  &  ont  le  quartier  fort  Bas.  Ils  fe 
peignent  les  ongles  d'une  couleur  orangée. 
Leur  turban  efl  de  toile  de  coton  fine  ,, 
rayée  ,  de  différentes  couleurs  ,  &  qui 
fait  plufieurs  tours.  Les  grands  du  royaume 
portent  àzs  bonnets  fourrés  ,  ordinairement 
rouges.  La  coëfFure  de  leurs  prêtres  efî- 
blanche ,  &  leur  robe  efl  de  la  même 
couleur. 

Les  femmes  opulentes  font  brillantes 
dans  leur  habillement  ;  elles  n'ont  point-  de 
turban,  mais  leur  front  eft  couvert  d'un 
bandeau  d'or  émaillé  ,  large  de  treis  doigts, 
&  chargé  de  pierreries  ;  leur  tête  efl  cou- 
verte d'un  bonnet,  brodé  d'or,  environné 
d'une  écharpe  très-fine  j  qui  voltige  &  def^ 
cend  juiqu'à  la  ceinture  ;  leurs  cheveux 
font  trcfîés,  &  pendent  par  derrière.  Elles 
portent  au  col  des  colliers  de  perles  ;  elles 
ne  mettent  point  de  bas  ,  parce  que  leurs 
caleçons  defcendent  jufqu'au  defîous  de  la 
cheville  du  pié  ;  l'hiver  elles  ont  des  bro- 
dequins richement  brodés  ;  elles  fe  fer- 
vent, comme  les  hommes,  de  pantoufles  de 
chagrin  ;  elles  peignent  en  rouge  leurs 
ongles  &  le  dedans  des  mains  ;  elles  fe 
noirciffent  les  yeux  avec  de  \a  turhie  ,  parce 
que  les  yeux  noirs  font  \ts  plus  eilimés  en 
Perfe. 

La  dépenfe  du  ménage  chez. les  Perfans 
efl  fort^nédiocre  ,  pour  la  cave  &  la  cul- 
fine  :  la  toile  de  coton  dont  les  bourgeois 
s'habillent  eft  à  grand  marché  :  les  meubles 
confilfent  en  quelques  tapis  .:  le  riz  fait  la 
nourriture  de  toute  l'année  :  le  jardin  four- 
nit le  fruit ,  &  le  premier  ruilTeau  tient  lieu 
de  cave. . 

L'éducation  confifîé  à  aller  à  l'école 
pour  y  apprendre -à  lire  ,  &  à  écrire  :  les 
metzides  ou  mofquées  qui  fervent  pour  la 
prière  ,  fervent  aulli  pour  les  écoles.  Tout 
le  mande  écrit, fui:  le, genou.,  parce  qu'eu  . 


44^  P  E  R 

n*a  point  en  Perfe  Tufage  des  tables  ^  ni 
des  fieges  :  le  papier  fe  fait  de  chifFons  de 
coron  ou  de  ibie  ;  on  unit  ce  papier  avec 
une  poliflbire  ,  pour  en  ôter  le  poil. 

La  langue  perfane  fient  beaucoup  de 
l'arabe,  s'apprend  aifément  ,  &  fe  pro- 
nonce un  peu  du  gojier  ;  mais  la  plupart 
des  Pcrfans  apprennent  -avec  leur  langue 
celle  des  Turcs  qui  eit  familière  à  la  cour. 
Ils  étudient  encore  dans  leurs  collèges 
rarirhmétique  ,  la  médecine  ,  l'adronomie, 
ou  plutôt  l'aflrologic. 

Le  royaume  eft  un  état  monarchique  , 
defpotique  :  la  volonté  du  monarque  fert  de 
loi.  il  prend  le  titre  de /o/j/z/;  &  en  qualité 
<ie  f.ls  de  prophète  ,  il  eiî  en  même  temps 
Je  chef  de  la  religion.  Les  cnfans  légitimes 
•iijccedcnt  à  la  couronne  :  à  leur  défaut, 
on  appelle  les  fils  des  concubines  ;  s'il  ne 
•fe  trouve  ni  des  uns  ,  ni  des  autres  ,  le 
plus  prodie  d.s.s  parens  du  côté  paternel  , 
devient  roi.  Ce  font  comme  les  princes  du 
'fang  ;  mais  la  figure  qu'ils  font  eft  bien 
trifte  :  ils  font  fi  pauvres  ,  qu'ils  ont  de 
,1a  peine  à  vivre.  ï-.ts  fiis  du  fophi  font 
encore  plus  malheureux  :  ils  ne  voient 
jamais  le  jour  que  dansîe  fond  du  ferrail  , 
d'où  ils  ne  fortent  pas  du  vivant  du  roi.  Il 
n'y  a  que  le  fucce^eur  iiu  tronc  qui  ait  ce 
^bonheur  :  &  la  première  chofe  qu'il  fait , 
eft  de  priver  fes  tr-eres  de  l'ufage  de  la 
-vue  ,  en  leur  faifant  pafîèr  un  fer  rouge 
.devant  les  yeux  ,  pour  qu'ils  ne  puiftent 
xifpirer  à  la  couronne. 

Après  le  fophi  ,  les  grands  pontifes  de 
■la  religion  mahomctane  tiennent  le  premier 
rang  à  fà  cour  ;  ils  font  au  nombre  de 
<5uatre.  Le  premier  pontife  de  Peife  s'ap- 
pelle fadre-cajja  ;  il  eft  le  chef  de  l'em- 
pire pour  le  fpirituel  ,  gouverne  lèul  la 
confcience  du  roi,  &  régie  la  cour  &  la 
ville  d'Hifpahan  ,  félon  les  règles  de  Tal- 
<:oran.  Il  eft  tellement  révéré  ,  que  les  rois 
prennent  ordinairement  les  filles  des  fadres 
pour  femmes.  Il  commet  le  fécond  pon- 
tife pour  avoir  foin  du  refte  du  royaume  , 
&  établit  des  vicaires  dans  toutes  les  villes 
capitales  des  provinces.  On  lui  donne  la 
qualité  de  nabab  ,  qui  veut  dire ,  vicaire 
de  Mahomet  &  du  roi. 

Il  y  a  fix  miniftres  d'état  pour  le  gouver- 
«emenc   du  royaume  ,    &  çhac^in  a  fbn 


P  E  fc 

départeinent  ;  on  les  appelle  rhona-dolpet^ 
'c'eft-à-dire  les  colonnes  de  l'empire.  Le 
premier  eft  le  grand  vifir ,  appelle  etma- 
doulet-itimad-ud-dewlet  y  c'eft-à-dire,  l'ap- 
pui de  la  puiffance  ;  il  eft  le  chancelier  du 
royaume,  le  chef  du  confeil ,  le  fur-inten- 
dant des  finances  ,  àts  affaires  étrangères  y 
&  du  commerce  ;  toutes  les  gratifications 
&  les  penfions  ne  fe  paient  que  par  fon 
ordre.  Je  ne  parlerai  point  des  autres 
colonnes  de  l'état  perfans  ;  c'eftafîez  d'avoir 
nommé  la  principale. 

L'ufage  des  feftins  pubHcs  eft  bien 
ancien  en  PerA,  puifque  le  livre  d'Efther 
fait  mention  de  la  fomptuofité  du  banquet 
d'Aflûérus.  Ceux  que  le  fophi  fait  aujour- 
d'hui par  extraordinaire  ,  font  toujours 
fuperbes  ,  car  on  y  étale  ce  qu'il  y  a  de  plus 
précieux  dans  fà  maifon. 

Toute  la  Perfe  eft ,  pour  ainfi  dire  ,  da 
domaine  du  roi  ;  mais  lès  revenus  confiftent 
encore  en  impôts  extraordinaires ,  &  en 
douanes  qu'il  afferme  :  les  deux  principales 
font  celle  du  golfe  perfique  ,  &  celle  de 
Ghiian  ;  cqs  deux  douanes  font  affermées 
à  environ  7  millions  de  notre  mon  noie.  Les 
troupes  de  fa  maifon  ,  qui  montent  à  qua- 
torze mille  hommes  ,  font  entretenues  fur 
les  terres  du  domaine  ;  celles  qu'il  emploie 
pour  couvrir  fes  frontières  ,  peuvent  monter 
à  cent  mille  cavaliers  ,  qui  lont  auffi  entre- 
tenus fur  le  dornaine.  Le  roi  de  Perfe  n'a 
point  d'infanterie  réglée  ;  il  n'a  point  non 
plus  de  marine.  Il  ne  tiendroit  qu'à  lui 
d'être  le  maître  du  golfe  d'Ormus  ,  de  la 
mer  d'Arabie ,  &  de  la  mer  cafpienne  ;  mais 
\qs  perfans  déreftent  la  navigation. 

Leur  religion  eft  la  raahométane  ,  avec 
cette  différence  des  mu£ilmans  ,  qu'ils 
regardent  Ali  pour  le  fucceffeur  de  Maho- 
met ;  au  lieu  que  les  mufulmans  préten- 
dent que  c'eft  Omar.  Delà  naît  une  haine 
irréconciliable  entre  les  deux  nations. 
L'ancienne  religion  des  mages  .eft  entiè- 
rement détruite  en  Perfe  ;  on  nomme 
les  feflateurs  ^^Hr-^j  ,  c'eft-:i-dire  ido'arres: 
ces  gay/es  n'ont  cependant  point  d'idoles, 
&  méprifent  ceux  qui  les  adorent  ;  mais  ils 
font  en  petit  nombre  ,  pauvres ,  ignorans 
&  grofîiers. 

Si  la  pli^art  des  princes  de  l'Afie  oct 
coutume  d'aifeâer  des  titrçs  vains  &  poojr» 


FER 

oeux ,  c'efi  principalement  du    monarque" 
perfan  qu'on  peut  le  dire  avec  vérité.  Rien 
n'efl  plus  plailânt  que  le  titre  qu'il  met  à  la 
tète  de  Tes  diplômes  ;  il  faut  le  tranfcrire  ici 
par  lingularité. 

«  Sultan  Uflein  ,  roi  de  Perfe  ,  de 
Parthie  ,  de  Médie  ,  de  la  Badriane  , 
de  Chorazan  ,  de  Candahar  ,  des  Tar- 
tares  Usbecks  ,  des  royaumes  d'Hir- 
canie  ,  de  Draconie ,  de  Parménie  ,  d'Hi- 
dafple  ,  de  Sogdiane ,  d'Aric ,  de  Paropa- 
mize  ,  de  Drawgiane  ,  de  Margiane  &  de 
Caramanie ,  jufqu'au  fleuve  Indus ,  fultan 
d'Ormus  ,  de  Larr  ,  d'Arabie  ,  de 
Suiiane  ,  de  Chaldée  ,  de  Méfopo- 
tamie  ,  de  Géorgie  ,  d'Arménie  ,  de 
Circaffie  ;  i'eigneur  des  montagnes 
w  impériales  d'Ararac  ,.  de  Taurus  ,  du 
>9  Caucafe  ;.  commandant  de  toutes  les 
»  créatures  ,  depuis  la  merde  Chorazan, 
»  jufqu'au  golfe  de  Perfe  ,•  de  la  famille 
«  d'Ali  ;.  prince  des  quatre  fleuves ,  l'Eu- 
99  phratc  ,  le  Tigre  ,  l'Araxe  &  l'Indus  ; 
»  gouverneur  de  cous  les  fultans ,  empe- 
f>  reur  des  Mufulmans  ,  rejeton  d'hon- 
fy  neur  ,  miroir  de  vertu  ,  fie  rofe  de 
»■  délices  ,   &c.  » 

La  Perfe  eu  fituée  entre  le  79  &  le 
loS'l  de  longitude ,  &.  entre  le  2,5  &.le  42^*  de 
latitude.  On  la  divife  en  treize  provinces  , 
dont  flx  à  l'orient,  quatrs  au  nord,  & 
trois  au  midi. 

Les  fix  provinces  à  l'orient ,  font  celles 
de  Send  ,  Makeran  y  Sitziftan ,  Sabiufîan , 
Khorafan  ,  Eiîarabadc. 

Les  quatre  au  nord  font  Mafanderan  ou 
Tabriflan  ,  Schirv-an  ,  Adirbeizan  ,  Frak- 
Atzem ,  qui  renferme  Hifpahan  ,  capitale 
de  toute  la  Perfe. 

Enfin  les  trois  provinces  au  midi  font 
Khufiflan ,  Farfiflan  ou  Fars,  &  Kirman. 
(  Le  chevalier  de  JaucO  UR  t.) 

Perses,  {empire  des)  Hift.  anc.Ùmod. 
L'ancien  empire  àts  Perfes  étoit  beaucoup 
plus  étendu  que  ce  que  nous  appelions 
aujourd'hui  la  Perfe  i  cîir  leurs  rois  ont 
quelquefois  fournis  prefque  toute  rAlie  à 
leur  domination.  Xerxès  fubjugua  même 
toute  l'Egypte,  vint  dans  la  Grèce ,  & 
s'empara  d'Athènes  ;  ce  qui  montre  qu'ils 
ont 
dajas 


FER  44.7 

Perfépolis  ,  Suze ,  &  Ecbatane  ,  étoient 
les  trois  villes  où  les  rois  de  Perfe  fai- 
foient  alternativement  leur  réfidence  ordi- 
naire. En  été  ils  habitoient  Ecbatane  , 
aujourd'hui  Tabris  ou  Tauris  ,  que  la 
montagne  couvre  vers  le  fud-oueft  contre 
les  grandes  chaleurs.  L'hiver  ils  féjournoient 
à  Suze  dans  le  Suziflan  ,  pays  délicieux  y. 
où'  la  montagne  met  les  habitans  à  cou- 
vert du  nord.  Au  printemps  &  en  automne, 
ils  fe  rendoient  à  Perfépolis ,  ou  à  Baby-' 
lone,  Cyrus  ,  qui  efl  regardé  comme  le 
fondateur  de  la  monarchie  d'es  Ferfes  ,  fi'? 
néanmoins  de  Perfépolis  la  capitale  de  fort 
empire ,  au  rapport  de  Strabon  ,  /.  XV'. 

Celte  grande  &  belle  monarchie  dura 
deux  cents  fix  ans  fous  douze  rois,  donc 
Cyrus  fut  le  premier  ,  &  Darius  le  dernier. 
Cyrus  régna  neuf  ans  depuis  la  prife  de 
Babylone  ,  c'eft-à-dire  ,  depuis  l'an  du 
monde  34^5,  jufqu'en  3475  ,  avant  J.  C^- 
52.5.  Darius  ,  dit  Codomanus  ,  fut  vaincu- 
par  Alexandre  le  Grand  en  3^74 ,  après- 
lix  ans  de  règne  :  &:  de  la  ruine  de  la  mo-r 
narchie  àes  Perfes  ,  on  vit  naîrre  li 
troifieme  monarchie  du  monde ,  qui  fur 
celle  de  Macédoine ,  dans  la  perfônne. 
d'Alexandre,  ■ 

La-  Perfe  ,  après  avoir  obéi  quelqu:i 
temps  aux  Macédoniens,  &  enfuité  aux 
Parthes  ,  un  fimple  foldat  perfan  ,  qui  prit 
le  nom  (^ Artaxare  ,  leurenkva  ce  royaume, 
vers  l'an  '2.2.6  de  J.  C.  &  rétablit  Vempire. 
des  Perfes  ^  dont  l'étendue  ne  difFéroic 
guère  alors  de  ce  qu'il  efl  aujourd'hui. 

Noufchir>s?an ,  ou-Khofroës  le  grand,, 
qui  monta  fur  le  trône  l'an  531  de  l'ère 
chrétienne  ,.  cfl  un  des  plus  grands  rois 
de  l'hifloire.  Il  étendit  fbn  empire  dans 
une  partie  de  l'Arabie  Pétrée  ,  &  de  celle 
qu'on  nommonHeurenfe.  Il  reprit  d'abord 
ce  que  les  princes  voifms  avoienr  enlevé 
aux  rois  fes  prédéceffeurs  ;  enfuite  il. fou- 
mit  les  Arabes,  les  Tartares ,  jufqu'aux 
frontières  de  la  Chine.  Les  Indiens  voifins 
du  Gange ,  &  les  empereurs  grecs  ,  furenc 
contraints  de  lui  payer  un  tribut  confidé- 
rafels/ 

Il  gouverna  fès  peuples  avec  beaucoup 
de  fageflê  :  zélé  pour  l'ancienne   religion 


porté^  leurs    armes  vidorieufès  jufques    de  la  Perfe ,  ne  refufant  jamais  fà  protecr- 
i  l'Afriqye  &  dans  l'Eu ropr,  i-tion  à  ceux  qui  étoient  opprimés  ,  puoif» 


4+^    .      P,!.^     ,        , 

fant  le  crime  avec  fevérité  ,  &  recompetî- 
fanc  la  vertu  avec  une  libéralité  vraiment 
royale  ;  toujours  attentif  à  faire  fleurir 
l'agriculture  &  le  commerce ,  fiivorifant 
les  progrès  des  fciences  &  des  arts  ,  6c  ne 
conférant  les  charges  de  judicature  qu'à  * 
dts  perfonnes  d'une  probité  reconnue  ,  il 
fe  fit  aimer  de  tous  fes  fujets ,  qui  le 
regardoient  comme  leur  père.  Il  eut  un 
fils  nommé  Hormiidas  ,  à  qui  il  fit  époufer 
la  fille  de  l'empereur  des  Tartares  ,  &  qui 
l'accompagna  dans  fon  expédition  contre 
Its  Grecs. 

Noufchirwan  ,  alors  âgé  de  plus  de 
80  ans ,  voulut  encore  commander  {^^ 
armées  en  perfonne  ;  il  conquit  la  province 
de  Mélitene  ;  mais  bientôt  après  ,  la 
perte  d'une  bataille  où  fon  armée  fut  taillée 
en  pièces  ,  le  mit  dans  la  rriffe  néceflité 
de  fuir  ,  pour  la  première  fois  ,  devant 
l'ennemi ,  &  de  repafTer  l'Euphrate  à  la 
nage  fur  un  éléphant.  Cette  difgrace  pré- 
cipita fes  jours  :  il  profita  des  derniers 
momens  de  fà  vie  pour  dider  fon  tefla- 
ment  ;  &  ce  telîament ,  le  voici  tel  que 
M.  l'abbé  Fourmont  Ta  tiré  d'un  manul- 
crit  turc. 

«  Moi ,  Noufchirwan  ,  qui  poffede  les 
>î  royaumes  de  Perfe  ,  &  des  Indes, 
>5  j'adrefle  mes  dernières  paroles  à  Hor- 
yy  mizdas  mon  fils  aine  ,  afin  qu'elles  foient 
»  pour  lui  une  lumière  dans  les  tét\é:^rts , 
»  un  chemin  droit  dans  les  déferts  ,  une 
?j  étoile  fur  la  mer  de  ce  monde. 

yy  Lorfqu'il  aura  fermé  mes  yeux  ,  qui 
?)  déjà  ne  peuvent  plus  foutenir  la  lumière 
■>y  du  folcil ,  qu'il  monte  fur  mon  trône  , 
»  &  que  delà  il  jette  fur  mes  fujets  une 
»  fplendeur  égale  à  celle  de  cet  aflre.  Il 
5j  doit  fe  refTouvenir  que  ce  n'efl  pas  pour 
«  eux-mêmes  que  les  rois  font  revêtus  du 
>î  pouvoir  fouverain  ,  &  qu'ils  ne  font  à 
»  l'égard  du  refie  des  hommes ,  que  comme 
93  le  ciel  efl  à  l'égard  de  la  terre.  La  terre 
>>  produira-t-elle  des  fruits  ,  fi  le  ciel  ne 
7i  l'arrofe  ?  jj 

»  Mon  fils  ,  répandez  vos  bienfaits 
f>  d'abord  fur  vos  proches  ,  cnfuite  fur 
«  les  moindres  de  vos  fujets.  Si  j'ofois, 
»  je  me  propoferois  à  vous  pour  exemple; 
»  mais  vous  en  avez  de  plus  grands.  Voyez 
»  ce  folcil  ;  il  part  d'un  bout  du  monde 


P  E  R 

»  pour  aîkf  à  l'autre  ;  il  fè  cache  y  S 
»  fe  remontre  enfuite  ;  &  s'il  change  de 
y>  route  tous  les  jours  ,  ce  n'efl  que  pour 
>i  faire  du  bien  à  tous.  Ne  vous  montrez 
yy  donc  dans  une  province  que  pour  lui 
yy  faire  fentir  vos  grâces  ;  &  lorfque  vous  la 
"  quitterez  ,  que  ce  ne  foie  que  pour  faire 
yy  éprouver  à  une  autre  les   mêmes  biens. 

>3  II  eft  des  gens  qu'il  faut  punir  ,  le 
»  foleil  s'éclipfe  :  il  en  efl  d'autres  qu'il  faut 
')  récompenfer,  &  il  fe  remontre  plus  beau 
»  qu'il  n'étoit  auparavant  :  il  efl  toujours 
»  dans  le  ciel ,  foutenez  la  majeflé  royale  :  il 
»>  marche  toujours ,  foyez  fans  cefTe  oc- 
yy  cupé  du  foin  du  gouvernement.  Mon 
yy  fils ,  préfentez-vous  fouvent  à  la  porte 
yy  du  ciel ,  pour  en  implorer  le  fecours  dans 
»  vos  befoins  ;  mais  purifiez  votre  âme 
>j  auparavant.  Les  chiens  entrent-ils  dans 
»  le  temple?  Si  vous  obfervez  exaftement 
yy  cette  règle  ,  le  ciel  vous  exaucera  ;  vos 
yy  ennemis  vous  craindront  ;  vos  amis  ne 
»  vous  abandonneront  jamais  ;  vous  ferez 
»  le  bonheur  de  vos  fujets  ;  ils  feront  votre 
yy  félicité. 

»  Faites  juflice  ,  réprimez  les  infolens  , 
»  foulagez  le  pauvre ,  aimez  vos  enfans , 
»  protégez  les  fciences  ,  fuivez  le  confeil 
yy  des  perfonnes  expérimentées ,  éloignez 
«  de  vous  les  jeunes  gens  ,  &  que  tout 
»  votre  plaifir  foit  de  faire  du  bien.  Je 
»  vous  lailîe  un  grand  royaume  \  vous  le 
yy  conferverez  fi  vous  fuivez  mes  confeils  ; 
»  vous  le  perdrez  fi  vous  en  fuivez  d'au- 
«   très.  » 

Noufchirwan  mourut  l'an  578  ,  &  Hor- 
mizdas  ,  qui  lui  fuccéda  ,  ne  fuivit  point 
fes  confeils.  Après  bien  des  concuffions  , 
il  fut  jugé  indigne  de  fii  place ,  &  dépofé 
juridiquement ,  par  le  confentement  una- 
nime de  toute  la  nation  aflémblée.  Son 
fils ,  mis  fur  le  trône  à  fa  place ,  le  fit 
poignarder  dans  fa  prifon  :  ce  fils  lui- 
même  fut  contraint  de  fortir  de  fon 
royaume  ,  qui  devint  la  proie  d'un  fujet 
de  Waranes  ,  homme  de  grand  mérite  j 
mais-qui  fut  enfin  obligé  de  fe  réfugier  chez 
les  Tartares ,  qui  l'empoifonnerent. 

Sur  la  fin  du  règne  de  Noufchirwan  , 
riaquir  Mahomet  à  la  Mecque  ,  dans  l'Ara- 
bie Pétrée  ,  ^  570,  Bientôt ,  profitant  des 
guerres  civifès  des  Perfans ,  il  étendit  chez 

eux 


P  E  R 

eux  Ta  puifTxhce  Ôc  fa  domination.  Omar  , 
fon  fuccefieur  ,  poufTa  encore  plus  loin  les 
conquêtes  :  Jédalgird  ,  que  nous  appelions 
Jiormiidas  TV  ,  perdit  contre  fcS  lieute- 
nans  ,  à  quelques  lieues  de  Madaïn  (  l'an- 
cienne Ctéfiphon  des  Grecs  )  ,  la  bataille 
ôc  la  vie.  Les  Perfans  pafïèrent  fous  la 
domination  d^Omar  plus  facilement  qu'ils 
n  avoienr  fubi  le  joug  d'Alexandre. 

Cette  fervitude  fous  les  Arabes  ,  dura 
jufqu'en  tzjS  ,  que  la  Perfe  commençai 
renaître  fous  Tes  propres  rois.  Haalou  re- 
couvra ce  royaume  par  le  fuccès  de  fes 
armes  ;  mais  au  bout  d'un  fiecle  ,  Ta- 
merlan  ,  kan  des  Tartares  ,  Ce  rendit  maître 
de  la  Perfe  ,  l'an  1369  ,  fubjugua  les 
Parthes  ,  &  fit  prifbnnier  Bajazet  I  ,  en 
1402.  Ses  fils  partagèrent  entr'eux  Ces 
conquêtes  ,  &  cette  branche  régna  jufqu'à 
ce  qu'une  autre  dynalHe  de  la  fadtion  du 
mouton  blanc  ,  s'empara  de  la  Perfe  en 
1469. 

UtTum  Caiïan  ,  chef  de  cette  fadion , 
étant  monté  fur  le  trône  ,  une  partie  de  la 
Perfe ,  flattée  d'oppofer  un  culte  nouveau 
à  celui  des  Turcs ,  de  mettre  Ali  au-deflus 
d*Omar  ,  &  de  pouvoir  aller  en  pèlerinage 
ailleurs  qu'à  la  Mecque  ,  embrafTà  avide- 
ment ce  dogme  que  propofa  un  Perfan 
nommé  Xeque-Aidar  ,  &  qui  n'efl:  connu 
de  nous  que  fous  le  nom  de  Sophi ,  c'eft- 
à-  dire  ,  fnge.  Les  femenccs  de  cette  opi- 
nion étoient  jetées  depuis  long-temps  j 
mais  Sophi  donna  la  forme  à  ce  fchiime 
politique  ôc  religieux  ,  qui  paroît  aujour- 
d'hui nécclîàire  entre  deux  grands  empires 
voifins  ,  jaloux  l'un  de  l'autre.  Ni  les 
Turcs  ni  les  Perfans  n'avoient  aucune 
raifon  de  reconnoître  Omar  ôc  Ali  pour 
fuccefîèurs  légitimes  de  Mahomet.  Les 
droits  de  ces  Arabes  qu'ils  a  voient  chartes  , 
dévoient  peu  leur  importer  ;  mais  il  im- 
portoit  aux  Perfans  que  le  iiege  de  leur 
religion  ne  fût  pas  chez  les  Turcs.  Ce- 
pendant Uflum  Caflan  trouva  bien  des , 
contradideurs  ,  &  entre  autres  Ruftan  , 
qui  fit  aflartîner  Sophi  en  1499.  ^^  ^" 
réfulta  d'étranges  révolutions  ,  que  je  vais 
tranfcrire  de  l'hiftoire  de  M.  de  Voltaire  , 
qui  en  a  fait  le  tableau  curieux. 

Ifmaël  ,  fils  de  Xeque-Aidar  ,   fut  a  fiez 
courageux  ôc  aflez  puiflant  pour   foutenir  ' 
Tome  XXV. 


la  doctrine  de  ion  père  les  armes  à  la 
main  \  Ces  difciples  devinrent  des  foldats. 
Il  convertit  ôc  conquit  l'Arménie  ,  fui»- 
jugua  la  Perfe  ,  combattit  le  fulran  des 
Turcs ,  Sélim  I  ,  avec  avantage  ,  "&  laifii 
en  i5'24  à  fbn  fils  Tahamas  ,  la  Perfe 
puiflànte  &  paifible.  Ce  même  Tahamat^ 
repoufià  Soliman  ,  après  avoir  été  fur  le 
point  de  perdre  fa  couronne.  Il  laifî* 
l'empire,  en  1576  ,  à  Ifmaël  II  ,  fon  fils, 
qui  eut  pour  fucceflèur  ,  en  ijSy  ,  Scha- 
Abas  ,  qu'on  a  nommé  le  grand. 

Ce  grand  homme  étoit  cependant  cruel  ; 
mais  il  y  a  des  exemples  que  des  hommes 
féroces  ont  aimé  l'ordre  ôc  le  bien  public. 
Scha-Abas  ,  pour  établir  fa  puifiànce ,  com- 
mença par  détruire  une  milice  telle  à-peu- 
près  que  celle  des  janiflaires  en  Turquie  , 
ou  des  fi:relets  en  Ruffie  j  il  conftruifin 
des  édifices  publics  ;  il  rebâtit  des  villes  ; 
il  fit  d*utiles  fondations  :  il  reprit  fur  les 
Turcs  tout  ce  que  Soliman  ôc  Sélim 
avoient  conquis  fur  la  Perfe.  Il  chafia 
d'Ormus,  en  léii  ,  par  le  fecours  des  An- 
glois  ,  les  Portugais  qui  s'étoient  emparés 
de  ce  port  en   1J07.  Il  mourut  en  1619. 

La  Perfe  devint  (bus  fbn  règne  extrê- 
mement florilTante  ,  &  beaucoup  plus 
civilifée  que  la  Turquie  ;  les  arts  y  étoient 
plus  en  honneur ,  les  mœurs  plus  douces  , 
la  police  générale  bien  mieux  obfervée.  Il 
cft  vrai  que  les  Tartares  fubjuguerent  deux 
fois  la  Perfe  après  le  règne  des  Califes 
arabes  ;  mais  ils  n'y  abolirent  point  les 
arts  ;  &  quand  la  famille  des  Sophi  régna, 
elle  y  apporta  les  mœurs  douces  de  l'Ar- 
ménie ,  où  cette  famille  avoir  habité 
long-temps.  Les  ouvrages  de  la  main  paf- 
foient  pour  être  mieux  travaillés  ,  plus 
finis  en  Perfe  qu'en  Turquie  ;  &  les  fcien- 
ces  y  avoient  biens  d'autres  encoura- 
gemens. 

La  langue  perfme  ,  plus  douce  ôc  plus 
harmonieule  que  la  turque  ,  a  été  féconde 
en  poéiies  agréables.  Les  anciens  Grecs  , 
qui  ont  été  les  premiers  précepteurs  de 
l'Hurope  ,  font  encore  ceux  des  Perfans. 
Ainfi  leur  philofophie  étoit  au  feizieme  ôc 
au  dix-leptieme  liecles  ,  à-peu-près  au 
même  état  que  la  notre.  Ils'  tenoient  l'aC 
crologie  de  leur  propre  pays  ,  ôc  s'y  arta- 
choient  plus  qu'acun  peuple  de  la  terre, 
Lli 


450  P  E  R 

Ils  étoient  comme  plufieurs  de  nos  nations , 
pleins  d^erprit  Se  d'erreurs. 

La  cour  de  Perfe  étaloit  plus  de  magni- 
ficence que  la  Porte -ottomane.  On  croit 
lire  une  relation  du  temps  de  Xerxès  , 
quand  on  voit  dans  nos  voyageurs  ,  ces 
chevaux  couverts  de  riches  brocards  ,  leurs 
harnois  brillans  d'or  ôc  de  pierreries  ,  &  ces 
€[uarre  mille  vafes  d'or  ,  dont  parle  Char- 
din ,  lefquels  fervoient  pour  la  table  du  roi 
de  Perfe.  Les  chofes  communes  ,  &  fur- 
tout  les  comeftibles  ,  étoient  à  trois  fois 
meilleur  marché  à  Ifpahan  &c  à  Conftan- 
tinople  ,  que  parmi  nous.  Ce  prix  eft  la 
démonftration  de  l'abondance. 

Scha-Sophi  ,  fils  du  grand  Scha-Abas  , 
mais  plus  cruel  ,  moins  guerrier  ,  moins 
■jpolitique  ,  &  d'ailleurs  abruti  par  la 
débauche  ,  eut  un  règne  malheureux. 
Le  grand-Mogol  Scha-Géan  enleva  Can- 
dahar  à  la  Perfe  ,  &  le  fultan  Amurath  IV 
prit  d^aHaut  Bagdad  en  1638. 

Depuis  ce  temps  ,  vous  voyez  la  mo- 
narchie perfme  décliner  fenfiblement  , 
)ulqu'à  ce  qu^'enfin  la  moUefle  de  la  dynaftie 
des  Sophi  j  a  caufé  fa  ruine  entière.  Les 
eunuques  gouvernoient  le  ferrail  &  l'em- 
pire fous  Muza- Sophi  ,  &  fous  Huflèin  , 
le  dernier  de  cette  race.  C'eft  le  comble 
de  l'avilifleraent  dans  la  nature  humaine  , 
&  l'opprobre  de  Torient  ,  de  dépouiller 
Jes  hommes  de  leur  virilité  ;  &  c'eft  le 
dernier  attentat  du  defpotifme ,  de  confier 
le  gouvernement  à  ces  malheureux. 

La  foiblefle  de  Scha-Hufleîn  ,  qui  monta 
fur  le  trône  en  1694  ,  faifbit  tellement 
languir  l'empire  ,  &  la  confufion  le  trou- 
bloit  il  violemment  par  ks  faélions  des 
eunuques  noirs  &  des  eunuques  blancs  , 
que  fi  Myir-VVeis  &  fes  Aguans,  n'avoient 
pas  détruit  cette  dynaftie  ,  elle  l'eût  été 
par  elle-même.  C'eft  le  fort  de  la  Perfe , 
que  toutes  fes  dynafties  commencent  par 
ia  force  ,  &  finifïènt  par  la  foiblelTe. 
Prefque  toutes  les  familles  ont  eu  le  fort 
de  Serdan-PuU  ,  que  nous  nommons  Sar- 
danapàle. 

Ces  Aguans  ,  qui  ont  bouleverfé  la  Perfe 

'^     au  commencement  du  fieclc  où  nous  fom- 

"*'    mes  ,    étoient  une   ancienne   colonie   de 

Tartares    ,    habitant    les    montagnes    de 

GandahajT ,  entre  Plnde  &  la  Perfe.  Pref- 


P  E  R 

que  toutes  les  révolutions  qui  ont  change 
le  fort  de  ce  pays-là  ,  font  arrivées  par 
des  Tartares.  Les  Perfans  avoient  recon- 
quis Candahar  fur  le  Mogol  ,  vers  l'an 
16 yo  fous  Scha-Abas  II  ,  &  ce  fut  pour 
leur  m.alheur.  Le  miniftere  deScha-Huifein, 
petit-fils  de  Scha-Abas  II  ,  traita  mal  les 
Agunns.  Myrr-VVeis  ,  qui  n''étoit qu'un  par- 
ticulier ,  mais  un  particulier  courageux  dc 
entreprenant ,  fe  mit  à  leur  tête. 

C'eft  une  de  ces  révolutions  ,  oii  le 
caradlere  des  peuples  qui  la  firent  ,  eut 
plus  de  part  que  le  caractère  de  leui-s 
chefs  :  car  Myrr-Weis  ayant  été  aflaiïiné, 
&  remplacé  par  un  autre  barbare  nommé 
Maghmud  y  Ibn  propre  neveu  qui  n'étoit 
âgé  que  de  dix-huit  ans  ,  il  n'y  avoit  pas 
d'apparence  que  ce  jeune  homme  pût  faire 
beaucoup  par  lui-même  ,  ôc  qu'il  conduisît 
fes  troupes  indifciplinées  de  montagnards 
féroces ,  comme  nos  généraux  conduifent 
des  armées  réglées.  Le  gouvernement  de 
Huflein  étoit  méprifé  ,  S<.  la  province  de 
Candahar  ayant  commencé  les  troubles  , 
les  provinces  du  Caucafe  du  côté  de  la 
Géorgie  ,  fe  révoltèrent  auffi.  Enfin  , 
Maghmud  aiîîégea  Ifpahan  en  171  z  \  Scha- 
Hufïèin  lui  remit  cette  capitale  ,  abdiqua 
le  royaume  à  les  pies  ,  &  le  reconnut 
pour  fon  maître  ,  trop  heureux  que  Magh- 
mud daignât  époufer  fa  fille.  Ce  Maghmud 
crut  ne  pouvoir  s'affermir  qu'en  faifant 
égorger  les  familles  des  principaux  citoyer/s 
de  cette  capitale. 

La  religion  eut  encore  part  à  ces  dé- 
fblations  :  les  Aguans  tenoient  pour  Omar  , 
comme  les  Perfans  pour  Ah  :  &  Maghmud 
chef  des  Aguans  ,  mêloit  ks  plus  lâches 
fupcrftitions  aux  plus  déteftables  cruautés. 
Il  mourut  en  démence  en  172 j  ,  après 
avoir  défolé  la  Perfe^ 

Un  nouvel  ufurpaieur  de  la  nation  des 
Aguans ,  lui  fuecéda.  Il  s'appelloit  AskrafTy 
ou  Archruff ,  o-u  Echeref  ;  car  on  lui 
donne  tous  ces  noms.  La  défolation  de  la 
Perfe  redoubloit  de  tous  côtés.  Les  Turcs 
l'inondoient  du  côté  dç  la  Géorgie  ,  l'an- 
cienne Colchide.  Les  Ruffes  fondoient  fur 
Çgs  provinces  ,  du  nord  à  l'occident  dc  lia. 
mer  Cafpienne  ,  vers  les  portes  de  Derba/t 
dans  le  Shirvant ,  qui  étoit  autrefois  l'ibéris; 
ôc  l'Albanie. 


P  E  R 

Un  des  fils  de  Scha-HufTein  ,  nommi 
Thamas  ,  échappé  au  malTacre  de  la  famille 
impériale ,  avoic  encore  des  fujecs  fidèles, 
qui  Ce  rairemblerent  autour  de  fa  perfonnc 
vers  Tauris.  Les  guerres  civiles  de  les 
temps  de  malheur  produiiirenc  toujours 
des  hommes  extraordinaires  ,  qui  eutlent 
été  ignorés  dans  des  temps  paifibles.  Le 
fils  du  gouverneur  d'un  petit  fort  du 
Khorafan  ,  devint  le  proteâreur  .du  prince 
Thamas ,  ôc  le  foutien  du  trône  ,  dont  il 
fut  enfuite  l'ufurpateur.  Cet  homme  ,  qui 
y'eft:  placé  au  rang  des  plus  grands  con- 
quérans ,  s'appelloit  Nadir  (  Shak.  ) 

Nadir  ne  pouvant  avoir  le  gouverne- 
ment de  fon  père  ,  fe  mit  à  la  tête  d'une 
troupe  de  foldats  ,  &  fe  donna  avec  fa 
troupe  au  prince  Thamas.  A  force  d'am- 
bition ,  de  courage ,  &  d'adtivité  ,  il  fut  à 
la  tête  d'une  armée.  Il  fe  fit  appeller  alors 
Thamas  Kouli-Kan  ,  le  kan  efclave  de 
Thamas.  Mais  Tefclave  étoit  le  maître  fous 
un  prince  aullî  foible  &  auiïï  efféminé 
que  Ion  père  Huflein.  Il  reprit  Ifpahan  & 
toute  la  Perfe ,  pourfuivit  le  nouveau  roi 
Airaf  jufqu'à  Candahar  ,  le  vainquit  ,  le 
prit  prifonnier  en  1729  ,  &:  lui  fit  couper 
la  tête   après   lui  avoir  arraché  les  yeux. 

,Kouli-Kan  ayant  ainfi  rétabli  le  prince 
Thamas  fur  le  trône  de  fes  aïeux  ,  &  l'ayant 
mis  en  état  d'être  ingrat  ,  voulut  l'empê- 
cher de  l'être.  Il  l'enferma  dans  la  capi- 
tale du  Khorafan  ,  &  agilîant  toujours 
au  nom  de  ce  prince  prifonnier  ,  il  alla 
faire  la  guerre  au  Turc  ,  fâchant  bien 
qu'il  ne  pouvoit  affermir  fa  puifTance  , 
que  par  la  même  voie  qu'il  l'avoir  acquife. 
Il  battit  les  Turcs  à  Erivan  en  175(3  , 
reprit  tout  ce  pays  ,  &  afTura  fes  conquêtes 
en  faifant  la  paix  avec  les  RufTes.  Ce  fut 
alors  qu'il  fe  fit  déclarer  roi  de  Perfe  , 
fous  le  nom  de  Scha-Nadir.  Il  n'oublia 
pas  l'ancienne  coutume  ,  de  crever  les 
yeux  à  ceux  qui  peuvent  avoir  droit  au 
trône.  Les  mêmes  armées  qui  avoient  fcrvi 
à  défoler  la  Perfe  ,  fervircnt  auili  à  la 
rendre  redoutable  à  fes  voilîns.  Kouli-Kan 
mit  les  Turcs  plufieurs  fois  en  fuite.  Il  fit 
enfin  avec  eux  une  paix  honorable  ,  par 
laquelle  ils  rendirent  tout  ce  qu'ils  avoient 
jamais  pris  aux  Perfans  ,  excepté  Bagdad 
^  ion  territoire. 


P  E  R  451 

Kouli-Kan  ,  chargé  de  crimes  &  de 
gloire  ,  alla  conquérir  l'Inde  ,  par  l'envie 
d'arracher  au  Mogol  tous  ces  tréfors  que 
les  Mogols  avoient  pris  aux  Indiens.  Il 
avoit  des  intelligences  à  la  cour  du  grand- 
mogol  ,  &  cntr'autrcs  deux  des  principaux 
feigneurs  de  l'empire  ,  le  premier  vifir  , 
6c  le  généralifllme  des  troupes.  Cette  ex- 
pédition lui  réufîît  au  delà  de  fes  efpéran- 
ces  j  il  fe  rendit  m.airrc  de  l'empire  ,  & 
de  la  perfonne  même  de  l'empereur  ,  en 

Le  grand-mogol  Mahamad  fembloit 
n'être  venu  à  la  tête  de  fon  arm^ée  ,  que 
pour  étaler  fa  vaine  grandeur  >  l^c  pour  la 
loumettre  à  des  brigands  aguerris.  Il  s'humi^ 
lia  devant  Thamas  Kouli-Kan ,  qui  lui  parla 
en  maître  ,  &  le  traita  en  iujet.  Le  vain- 
queur entra  dans  Dellii  ,  ville  qu'on  nous 
repréfente  plus  grande  &  plus  peuplée  que 
Paris  ou  Londres.  Il  traînoit  à  la  fuite  ce 
riche  &  miférable  empereur.  Il  l'enferma 
d'abord  dans  une  tour  ,  &  fe  fit  procla- 
mer lui  -  même  roi  des  Indes. 

Quelques  oflîciers  mogols  eflayerent  de 
profiter  d'une  nuit  où  les  Perfans  s'étoient 
livrés  à  la  débauche  ,  pour  prendre  les 
armes  contre  leurs  vainqueurs.  Thamas 
Kouli-Kan  hvra  la  ville  au  pillage  ;  pref- 
quc  tout  fut  mis  à  feu  &  à  fang.  Il  em- 
porta autant  de  tréfors  de  Delhi  ,  que 
les  Efpagnols  en  prirent  à  la  conquête  du 
Mexique".  On  compte  que  cette  fomme 
monta  pour  fa  part  à  quatre-vingt-fept  mil- 
lions ôc  demi  flerlings ,  &  qu'il  y  en  eut  fept 
millions  &  demi  fterlings  pour  fon  armée. 
Ces  richefles  amalTées  par  un  brigandage 
de  quatre  iiecles  ,  ont  été  apportées  en 
Perfe  par  un  autre  brigandage  ,  &  n'ont 
pas  empêché  les  Perfans  d'être  long-temps 
les  plus  malheureux  peuples  de  la  terre. 
Elles  y  font  difperfées  ou  enfcvelies  pent- 
dant  les  guerres  civiles  ,  jufqu'au  temps 
où  quelque  tyran  les  raffemblera. 

Kouli-Kan  ,  en  partant  des  Indes  pour 
retourner  en  Perfe  ,  laifla  le  nom  d'em- 
pereur à  ce  Mahamad  qu'il  avoit  détrôné; 
mais  il  laiffa  le  gouvernement  à  un  vice- 
roi  qui  avoit  élevé  le  grand-mogol  ,  de 
qui  s'étoit  rendu  indépendant  de  lui.  Il 
détacha  trois  royaumes  de  ce  vafte  em- 
pire ,  Cachemire ,  Caboul  &  Multan  *  poui: 
LU  2 


"•fjk-.: 


451  P  E  R 

les  incorporer  à  la  Perfe  ,  &  impofa  à 
rindouftan  un  tribut  de  quelques  millions. 
L'Indouftan  fut  alors  gouverné  par  le  vice- 
roi  ,  &  par  un  confeil  que  Tliamas  Kouli- 
Kan  avoit  établi.  Le  petit-fils  d'Aurang- 
2el  garda  le  titre  de  roi  des  rois  ,  5c  ne 
fut  plus  qu'un  fantôme. 

Tham^as  Kouli-Kan  arrivé  chez  lui  , 
■donna  la  régence  de  la  Perfe  à  Ton  fécond 
iîls  Nefralla-Mirza  ,  recruta  fon  armée  , 
èc  marcha  contre  les  Tartarcs  Usbccks  , 
pour  les  châtier  des  défordres  qu'ils  avoient 
commis  dans  le  Khorafan  ,  pendant  qu'il 
étoit  occupi  dans  ilnde.  Il  rraverla  des 
déferts  prefque  impraticables  ,  &  l'on  crut 
qu'il  y  périroit  infailliblement  ;  mais  il 
revint  quelques  mois  après  ,  amenant 
■quantité  d'LJsbecks  qui  avoient  pris  parti 
dans  fbn  armée  ,  &  il  fournit  dans  fon 
pafiage  pluficurs  peuples  inconnus  même 
aux  Perlans. 

Cependant  Pannée  fuivantc  ,  qui  étoit 
en  I74Z  ,  les  Arabes  fe  ibulevercnt  de 
toutes  parts  ,  &  défirent  totalement  fes 
troupes,  obligé  de  faire  la  guerre  par  mer 
&  par  terre  ,  &c  ne  voulant  pas  toucher 
aux  tréfors  immenfes  qu'il  avoit  apportés 
de  l'Inde  ,  il  mit  fur- toute  la  Perfe  un 
nouvel  impôt  de  fept  cents  mille  tomans 
(  quatorze  millions  d'écus  ).  En  même 
temps  il  fit  publier  ,  qu'ayant  reconnu  la 
religion  des  Sunnis  pour  la  feule  véritable  , 
il  l'avoit  embrafiee  ,  &  qu'il  defiroit  que 
fès  fujets  fuiviflent  fon  exemple.  Il  fe 
prépara  à  attaquer  les  Turcs  ,  &c  mit  en 
marche  une  partie  de  fes  troupes  pour 
qu'acnés  fe  rendillent  à  Moful  ,  tandis  que 
3ui-m.ême  marcheroit  à  Vau  ,  dans  le  def- 
fein  d'attaquer  les  Turcs  par  deux  différens 
côtés  ,  &  de  pouflèr  fes  conquêtes  jufqu'à 
Conftantinople  ;  mais  le  fuccès  ne  répondit 
point  à  Çts  efpérances. 

A  peine  s'étoit-il  mis  en  marche  ,  que 
les  peuples  de  diverfes  provinces  perfanes 
ie  révoltèrent  ;  ce  qui  l'obligea  de  retour- 
ner fur  fes  pas  pour  étouffer  la  rébellion, 
îvlais  le  mécontentement  étoit  général  j 
le  feu  de  .la  révolte  gagnoit  par-tout. 
A  mefure  que  Nadir  (  ou  fi  vous 
"voulez  5  Thamas  Kouli-Kan  )  l'étcignoit 
d'un  côté  ,   il  s'allumoit  d'un  autre.  Ne 


P  E  R 

révoltées  ,    il    fit  la  paix  avec  les   Turcs 
en  1746. 

Enfin  ,  s'étant  rendu  de  plus  en  plus 
odieux  aux  Perfans  par  fes  cruautés  envers 
ceux  dont  la  fidélité  lui  étoit  fufpe6lc,il 
fe  forma  contre  lui  une  confpiration  fi 
générale  ,  qu'ayant  été  obligé  de  fe  fauver 
d'Ifpahan  ,  &  ayant  cru  être  plus  en  sûreté 
dans  ion  armée  ,  les  propres  troupes  fe 
fouleverenp  ,  &:  le  maflàcrerent  dans  fon 
camp.  Il  fut  aflàffiné  par  Ali-Kouli-Kan , 
ion  propre  neveu  ,  comme  l'avoit  été 
Myrr-Weis  ,  le  premier  auteur  de  la  ré- 
volution. Ainfi  a  péri  cet  homme  extraor- 
dinaire ,  à  l'âge  d'environ  59  ans  ,  après 
avoir  occupé  le  trône  de  Perfe  pendant 
12  ans. 

Par  la  mort  de  cet  ufurpateur  ,  les 
provinces  enlevées  au  grand-mogol  lui  font 
retournées  ;  mais  une  nouvelle  révolution 
a  bouleverfé  l'Indouflan  :  les  princes  tribu- 
taires ,  les  vice-rois  ont  fecoué  le  joug  ; 
les  peuples  de  l'intérieur  ont  détrôné  le 
fouverain  ,  &  l'Inde  eil  encore  devenue  , 
ainfi  que  la  Perfe  ,  le  théâtre  de  nouvelles 
guerres  civiles.  Enfin  tant  de  dévailations  ^ 
confécutives  ont  détruit  dans  la  Perfe  le 
commerce  &  les  arts  ,  en  détruifant  une 
partie  du  peuple. 

Plufieurs  écrivains  nous  ont  donné  l'hii^ 
toire  des  dernières  révolutions  de  Perfe-, 
Le  P.  du  Cerceau  l'a  faite  ,  &;  fon  ouvrage 
a  été  imprimé  à  Paris  en  1742.  Nous 
avons  vu  l'année  fuivante  l'hiiloire  de 
Thamas  Kouli-Kan  \  mais  il  faut  In^e  le 
voyage  en  Turquie  &C  en  Perfe  par 
M.  Otter  &  M.  Frafer  ,  the  hijlory  of 
Nadir-Shah.  Ces  deux  derniers  ont  été  eux- 
mêmes  dans  le  pays  ,  ont  connu  le  Shah 
Nadir  ,  &  ont  converfé  pour  s'inilruire 
avec  des  pcrfonnes  qui  lui  étoient  atta- 
chées ;  ils  n'ont  point  eftropié  les  nom.s 
perfans  ,  parce  qu'ils  entendoient  la  langue  ; 
de  quoiqu'ils  ne  foient  pas  d'accord  en 
tour  5  ils  ne  différent  pas  néanmoins  dans 
les  principaux  faits.  Il  paroît  par  leurs 
relations  ,  que  l'auteur  de  l'hiftoire  de 
Thamas  Kouli-Kan  ,  a  compofé  un  roman 
de-  la  naiilance  de  Nadir  ,  en  le  faifant 
fils  d'un  pâtre  ou  d'un  marchand  de 
troupeaux  ,  dont  il  vola  une  partie  à,  fon 


. -f^ouy^Bt  couiii  dans  toutes   les  provinces  i  père  3  les  vendit ,  de  s'ailbcia  à  une  troupe 


P  E  R 

^e    brigands   pour   piller  les  pèlerins  de 
Mached. 

Nadir  (  Shah  )  naquit  dans  le  Khorafan. 
Son  père  écoic  un  des  principaux  entre 
les  Alchars  ,  tribu  turcomare  ,  ôc  gou- 
vcrneur  du  fort  de  Kiélat  ,  dont  le  gou- 
vernement avoit  été  héréditaire  dans  (a 
famille  depuis  long  -  temps.  Nadir  étant 
encore  mineur  quand  Ton  perc  mourut  , 
fon  oncle  prit  pofleffion  du  gouvernement  y 
ôc  le  garda.  Nadir  obtint  du  Begler-Ikg 
une  compagnie  de  cavalerie  ,  6c  s'étant 
<iifl:ingué  en  diverfes  occafîons  contre  les 
Usbecks  qu'il  eut  le  bonheur  de  battre  , 
le  Begler-Beg  Téleva  au  grade  de  min- 
bacchi  ,  ou  commandant  de  mille  hommes. 
Tel  fut  le  commencement  de  fa  fortune. 
Enfuite  il  fut  envoyé  contre  les  Turcs  , 
les  vainquit ,  fut  élevé  au  grade  de  lieu- 
tenant-général ;  Se  au  commencement  de 
l'année  1729  ,  il  parvint  au  gén'ralat. 
Alors  Shah  Thamas  prit  tant  de  confiance 
£n  lui  ,  qu'il  lui  abandonna  entièrement 
le  gouvernement  des  affaires  militaires. 

Ivl.  Frafer  ,  qui  a  dem.euré  plufieurs  an- 
nées en  Perfe  ,  Sc  qui  a  été  fouvent  dans 
la  compagnie  du  Shah  Nadir  ,  nous  a 
tracé  fon  portrait  en  1745  '•>  ^  i^aroît 
■qu'il  admiroit  beaucoup  cet  homme  ex- 
traordinaire. 

"  Le  Shah  Nadir  ,  dit  -  il  ,  eft  âgé 
"  d'environ  55  ans.  Il  a  plus  de  lix  pies 
w  de  haut ,  &  eft  bien  proportionné  ,  d'un 
"  tempérament  très  -  robufte  ,  fanguin  , 
«'  avec  quelques  difpofitions  à  Pembon- 
i'  point  ,  s'il  ne  '  le  prévenoit  pas  par  les 
»  fitigues.  Il  a  de  beaux  yeux  noirs  , 
'»  bien  fendus  ,  &  des  fourcils  de  même 
»  couleur.  Sa  voix  eft  extrêmement  haute 
w  Se  forte.  Il  boit  du  vin  fans  excès  j 
»j  mais  il  eft  très-adonné  aux  femmes* 
»>  dont  il  change  fouvent  ,  fans  cepen- 
»>  dant  négliger  fes  affaires,  il  va  rarement 
^i  chez  elles  avant  onze  heures  ou  minuit , 
"  &  il  fe  levé  à  cinq  heures  du  matin. 
*>  Il  n'aime  point  la  bonne  chère  ;  fa 
s>  nourriture  confifte  fur  -  tout  en  pillau  , 
»  &  autres  mets  (impies  ;  Se  lorfque  les 
o>  affaires  le  demandent  ,  il  perd  fes  re- 
,  y>  pas  ,  &  fe  contente  de  quelques  pois 
'  îj  fe-cs  qu'il  porte  toujours  dans  fes  poches  , 
w  &  d'un  verre  d^^au.    Quand  il  eft  en 


.         .    ,.    P  E  R  45J.. 

»  fon  particulier  ,  qui  que  ce  foit  ne  peut 
»  lui  envoyer  de  lettres  ,  de  meflàges  , 
»   ni  obtenir  audience. 

"  Il  entretient  par-tout  des  efpions.  Il 
»  a  de  plus  établi  dans  chaque  ville  un 
»  miniftre  nommé  hum  calam  ,  qui  eft 
'>  chargé  de  veiller  fur  la  conduite  du 
"  gouverneur  ,  de  tenir  regiftre  de  fes 
»  actions  ,  Se  de  lui  en  envoyer  le  journa 
»  par  une  voie  particulière.  Très-rigide 
"  fur  la  difcipline  militaire  ,  il  punit  de 
»  mort  les  grandes  fautes  ,  Se  fait  couper 
"  les  oreilles  à  ceux  qui  en  commettent 
»  les  plus  légères.  Pendant  qu'il  eft  en 
»  marche  ,  il  mange ,  boit  Se  dort  comme 
»  un  (impie  loldat  ,  Se  accoutume  fes 
'»  officiers  à  la  même  rigueur.  Il  eft  (î 
»  fort  endurci  à  la  fatigue  ,  qu'on  l'a  vu 
»  fouvent  ,  dans  un  temps  de  gelée ,  paflèr 
"  la  nuit  couché  à  terre  en  plein  air  , 
»  enveloppé  de  fon  manteau  ,  Se  n'ayant 
»  qu'une  felle  pour  chevet.  Au  foleil 
"  couchant  ,  il  le  retire  dans  un  appar- 
»  tement  particulier  ,  où  débarrafi'é  de 
"  toute  affaire  ,  il  foupe  avec  trois  ou 
»  quatre  de  fes  favoris  ,  Se  s'entretient 
»  familièrement  avec  eux. 

"  Quelque  temps  après  qu'il  (e  fut 
»  faifi  de  Shah  Thamas ,  des  gens  attachés 
»  à  la  famille  royale  firent  agir  la  mcre 
*  de  Nadir  ,  qui  vhit  prier  {on  fils  de 
»  rétablir  ce  prince  y  (iir  les  alTlirances 
"  qu'elle  lui  donna  que  pour  reconnoîne 
"  cet  important  fervice  ,  Shah  Thamas 
»  le  feroit  fon  généralifTime  à  vie.  Il  lui 
»  demanda  fi  elle  le  croyoit  férié  ufement  ; 
"  elle  ayant  répondu  qu'oui  :  Si  j'étois 
»  une  vieille  femme  ,  repliqua-t-il  ,  peut- 
5»  être  que  je  le  croirois  aulîî  ;  mais  je 
'>  vous  prie  de  ne  vous  plus  mêler  d'affaire 
»  d'état.  Il  a  époufé  la  fœur  cadette  du 
"  Shah  Huflein  ,  dont  on  dit  qu'il  a  une 
»  fille.  Il  a  d'ailleurs  de  l'es  concubines  , 
»  plufieurs  enfans  ,  Se  deux  iîls  d'une 
"  femme  qu'il  avoit  époufée  dans  le  temps 
»  de  fon  oblcurité.  Qiioique  d*ordinaire 
»  il  charge  lai-même  à  la  tête  de  fes 
troupes ,  il  n'a  jamais  reçu  la  plus  petite 
ègratignure  ;  cependant  il  a  eu  plufieurs 
chevaux  tués  fous  lui  ,  Se  fon  armure 
fouvent  effleurée  par  des  balles.  » 
M.  Frafer  ajoute  qii'il  a  entendu  dire. 


454  P  E  R 

&  qu'il  a  vu  lui-même  plufieurs  autres 
choies  remarquables  de  ce  prince  ,  de 
propres  à  convaincre  toute  la  terre  qu'il 
y  a  peu  de  fiecles  qui  aient  produit  un 
homme  auiïi  étonnant  :  cela  le  peut  ;  mais 
à  juger  de  cet  homme  fingulier  félon  les 
idées  de  la  droite  raifon  ,  je  ne  vois  en 
lui  qu'un  fcélérat  d'une  ambition  (ans  bor- 
nes ,  qui  ne  connoiflbit  ni  humanité  ,  ni 
fidélité  ,  ni  juftice  ,  toutes  les  fois  qu'il  ne 
pouvoit  la  fatisfaire.  Il  n'a  fait  ufage  de 
ia  bravoure  ,  de  fon  habileté  &c  de  fa 
conduite  ,  que  de  concert  avec  fes  vues 
ambitieufes.  Il  n'a  refpeâré  aucun  des  de- 
voirs les  plus  facrés  pour  s'élever  à  quelque 
point  de  grandeur  ,  &  ce  point  écoit  tou- 
jours au  deflbus  de  fes  délits.  Enfin ,  il  a 
ravagé  le  monde  ,  défolé  l'inde  &  la  Pcrfe 
par  les  plus  horribles  brigandages  j  &  ne 
mettant  aucun  frein  à  fa  brutalité  ,  il  s'eft 
livré  à  tous  les  mouvemens  furieux  de  fa 
colère  &c  de  fa  vengeance  ,  dans  les  cas 
même  où  fa  modération  ne  pouvoit  lui 
porter  aucun  préjudice. 

J'ai  tracé  l'*hifl:oire  moderne  des  Perfes  ; 
leur  hiftoire  ancienne  eft  intimement  liée 
avec  celle  des  Medes  ,  des  Aflyriens ,  des 
Egyptiens  ,  des  Babyloniens  ,  des  Juifs  , 
des  Parthes ,  des  Carthaginois ,  des  Scy- 
thes ,  des  Grecs  ôc  des  Romains.  Cyrus, 
le  fondateur  de  Vempire  des  Perfes  ,  neJt 
point  d'égal  dans  fon  temps  en  fagefle  ,  en 
valeur  &  en  vertu.  Hérodote  &  Xénophon 
ont  écrit  fa  vie  ;  &  quoiqu'il  femble  que 
ce  dernier  ait  moins  voulu  faire  l'hiftoire 
de  ce  prince  ,  que  donner  fous  fon  nom 
l'idée  d'un  héros  parfait  ,  le  fonds  de 
fon  ouvrage  eft  hiftorique  ,  &  mérite  plus 
de  croyance  que  celui  d'Hérodote.  (  Le 
chevalier  de   Jau COURT.  ) 

Perses  (  Philofophie  des  )  (  Hiftoire 
de  la  philofophie.  )  Les  feuls  garans  que 
nous  ayons  ici  de  l'hiftoire  de  la  philofo- 
phie ,  les  Arabes  &  les  Grecs ,  ne  font  pas 
d'une  autorité  aulîi  folide  &  auffi  pure 
qu'un  critique  févere  le  defireroit.  Les 
Grecs  n'ont  pas  manqué  d'occafions  de 
s'inftruire  des  loix  ,  des  coutumes  ,  de  la 
religion  &  de  la  philofophie  de  ces  peu- 
ples j  mais  peu  finceres  en  général  dans 
leurs  récits  ,  la  haine  qu'ils  portoicnt  aux 
iPerfes  les  rend  ençoje  plus  fufpeds.  Qu'eft- 


P  E  R 

ce  qui  a  pu  les  empêcher  de  (è  livrer  à 
cette  fureur  habituelle  de  tout  rapporter 
à  leurs  idées  particulières  ?  La  diftancc 
des  temps  ,  la  légèreté  du  caraârere  , 
l'ignorance  àc  la  fuperftition  des  Arabes  , 
n'aftoibliflént  guère  moins  leur  témoignage. 
Les  Grecs  mentent  par  orgueil  \  les  Arabes 
mentent  par  intérêt.  Les  premiers  défigu- 
rent tout  ce  qu'ils  touchent  pour  fe  l'ap- 
proprier ;  les  féconds  ,  pour  fe  faire  valoir. 
Les  uns  cherchent  à  s'enrichir  du  bien 
d'autrui ,  les  autres  à  donner  du  prix  à  ce 
qu'ils  ont.  Mais  c'eft  quelque  chofe  que 
de  bien  connoître  les  motifs  de  notre 
méfiance  ;  nous  en  ferons  plus  circonfpe6ls. 

De  Zoroaflre.  Xcrdusht  ou  Zaradusht  > 
félon  les  Arabes  ,  &  Zoroaflre  ,  félon 
les  Grecs  ,  fut  le  fondateur  ou  le  reftau- 
rateur  de  la  philofophie  &  de  la  théologie 
chez  les  Perfes.  Ce  nom  lignifie  Vami 
du  feu.  Sur  cette  étymologie  ,  on  a  con- 
jeéturc  qu'il  nedéfignoit  pas  une  perfonne  , 
mais  une  fe£te.  Quoi  qu'il  en  foit ,  qu'il  n'y 
ait  jamais  eu  un  homme  appelle  Zoroaftre , 
ou  qu'il  y  en  ait  eu  plufieurs  de  ce  nom  , 
comme  quelques-uns  le  prétendent  ,  on 
n'en  peut  guère  reculer  l'exiftence  au  delà 
du  rc|^ie  de  Darius  Hyftafpe.  Il  y  a  la 
même  incertitude  fur  la  partie  du  premier 
Zoroaftre.  Eft-il  Chinois ,  Indien  ,  Perfe  , 
Medo-Pcrfc  ou  Mcde  ?  S'il  en  faut  croire 
les  Arabes  ,  il  eft  né  dans  l'Aderbijan  , 
province  de  la  Ivlédie.  Il  faut  entendre 
toutes  les  puérilités  merveilleufes  qu'ils 
racontent  de  fa  naiflance  &  de  fes  pre- 
mières années  ;  au  refte  ,  elles  font  dans 
le  génie  des  orientaux  ,  &  du  caraélere  de 
celles  dont  tous  les  peuples  de  la  terre 
ont  défiguré  l'hiftoire  des  fondateurs  'du 
culte  religieux  qu'ils  avoient  cmbrafle.  Si 
'ces  fondateurs  n'a  voient  été  que  des 
hommes  ordinaires  ,  de  quel  droit  eût-on 
exigé  de  leurs  fèmblables  le  refpe6t  aveugle 
pour  leurs  opinions. 

Zoroaftre  ,  inftruit  dans  les  fcienccs  orien- 
tales ,  pafte  chez  les  IflaUtes.  Il  entre  au 
fervice  d'un  prophète.  Il  y  prend  la  con- 
noiftànce  du  vrai  Dieu.  Il  commet  un 
crime.  Le  prophète  ,  qu'on  croit  être 
Daniel  ou  Efdras  ,  le  maudit  j  &  il  eft 
attaqué  de  la  Icpre.  Guéri  apparemment , 
il  erre  j  il  fe  montre  aux  peuples  ,  il  fait 


P  E  R 

des  miracles  ;  il  fe  cache  dans  des  mon- 
tagnes ;  il  en  defcend  ;  il  fe  donne  poux 
un  envoyé  d'en  haut  ;  il  s'annonce  comme 
le  reftaurateur  &  le  réformateur  du  cukc 
de  ces  mages  ambitieux  que  Cambyfe 
avoir  exterminés.  Les  peuples  l'écoutent. 
Il  va  à  Xis  ou  Ecbatane.  C'éroit  le  lieu 
de  la  nai fiance  de  Smcrdis ,  &  le  magia- 
nifme  y  avoir  encore  des  fcdbateurs  cachés. 
Il  y  prêche  ;  il  y  a  des  révélations.  Il 
paflè  delà  à  Balch  fur  les  rives  de  TOxus, 
&  s'y  établit.  Hyftafpe  régnoit  alors.  Ce 
prince  Pappelle.  iToroaftre  le  confirme  dans 
îa  religion  des  mages  qu'Hyftafpe  avoir 
gardée  ;  il  Tentraîne  par  des  preftiges  ;  ôc 
la  do6trine  devient  publique  ,  &  la  religion 
de  rétat.  Il  y  en  a  qui  le  font  voyager 
aux  Indes  ,  &  conférer  avec  les  brach- 
manes  ;  mais  c'eft  fans  fondement.  Après 
avoir  établi  Ton  culte  dans  là  Ba6triane  , 
il  vint  à  Sufe  ,  où  l'exemple  du  roi  fut 
fuivi  de  la  convcrfion  de  prefque  tous 
les  courtifans.  Le  magianifme  ,  ou  plutôt 
la  dodrine  de  Zoroalhe  fe  répandit  chez 
les  Perfes  ,  les  Parthes  ,  les  Baétres  ,  les 
Chorafmiens ,  les  Saïques  ,  les  Medes  ,  & 
plufieurs  autres  peuples  barbares.  L'into- 
lérance &c  la  cruauté  du  mahométifme 
naiflant ,  n'a  pu  jufqu^à  préfent  en  effacer 
toutes  les  traces.  Il  en  refte  toujours  dans 
la  Perfe  &  dans  Pinde.  De  Sufe ,  Zoroaftre 
retourna  à  Balch  ,  où  il  éleva  un  temple 
au  feu  j  s'en  dit  archimage  ,  &  travailla 
à  attirer  à  fon  culte  les  rois  circonvoiiins  ; 
mais  ce  zèle  ardent  lui  devint  funcfte. 
Argafpe  ,  roi  des  Scythes  ,  étoit  très- 
attaché  au  culte  des  aftres  ;  c'étoit  celui 
de  fa  nation  &  de  fes  aïeux.  Zoroaftre 
ne  pouvant  réuffir  auprès  de  l»ui  par  la 
perruafion ,  emploie  l'autorité  &  la  puiflànce 
ûe  Darius.  Mais  Argafpe  indigné  de  la 
violence  qu'on  lui  faifoit  dans  une  affaire 
de  cette  nature  ,  prit  les  armes  ,  entra 
dans  la  Badriane  ,  &  s'en  empara  ,  malgré 
Toppofîtion  de  Darius  ,  dont  l'armée  fut 
taillée  en  pièces.  La  dcftruction  du  temple 
parriarchal  ,  la  mort  de  fes  prêtres  Ôc 
celle  de  Zoroaftre  même  ,  furent  les  fuites 
de  cette  défaite.  Peu  de  temps  après  , 
Darius  eut  fa  revanche  ;  Argafpe  fut  battu, 
îa  province  perdue  recouvrée  ,  hs  temples 
coniàcrés  au  feu  relevés  ,   h.  doâirine  de 


PER  4JJ 

Zoroaftre  rcmife  en  vigueur  ,  Ôc  l'azur 
guftafp  ,  ou  l'édifice  d'Hyftafpe  conftruit. 
Darius  en  prit  même  le  titre  de  grand- 
prêtre  ,  &  fe  fit  appeller  de  ce  nom  fur 
fon  tombeau.  Les  Grecs,  qui  connoiflbienc 
bien  les  affaires  de  la  Perfe  ,  gardent 
un  profond  filence  fur  ces  événemens  , 
qui  peut-être  ne  font  que  des  fables  in- 
ventées par  les  Arabes  ,  dont  il  faudroit 
réduire  le  récit  à  ce  qu'il  y  eut  dans  un 
temps  un  impofteur  qui  prit  le  nom  de 
Zoroaftre ,  déjà  révéré  dans  la  Perfe  ,  attira 
le  peuple  ,  féduifît  la  cour  par  des  prefti- 
ges ,  abolit  l'idolâtrie  ,  ôc  lui  fubllitua 
l'ancien  culte  du  feu  ,  qu'il  arrangea  feu- 
lement à  fa  manière.  Il  y  a  auffi  quelque 
apparence  que  cet  homme  n'étoit  pas 
tout- à-fait  ignorant  dans  la  médecine  & 
les  fciences  naturelles  &  morales  ;  mais 
que  ce  (uz  une  encyclopédie  vivante  , 
comme  les  Arabes  le  difenr  ;  c'eft  sûre- 
ment un  de  ces  menfonges  pieux  auxquels 
le  zcle  ,  qui  ne  croit  jamais  pouvoir  trop 
accorder  aux  fondateurs  de  religion  ,  fc 
détermine  fî  généralement. 

Des  Guebres.  Depuis  ces  remps  reculés  , 
les  Guebres  ont  perfiftc  dans  le  culte  de 
Zoroaftre.  Il  y  en  a  aux  environs  d'Ifpahan  , 
dans  un  petit  village  appelle  de  leur  nom 
Guaradab.  Les  mufulmans  les  regardent 
comme  des  infidèles  ,  &  les  traitent  en 
conféquence.  Ils  exercent  là  les  fondions 
les  plus  viks  de  la  fociété  ;  ils  ne  font 
pas  plus  heureux  dans  la  Commanie  ;  c'eft 
îa  plus  mauvaife  province  de  la  Perfe. 
On  les  y  fait  payer  bien  cher  le  peu 
d'indulgence  qu'on  a  pour  leur  religion. 
Quelques-uns  fe  font  réfugiés  à  Surate  & 
à  Bombaye  ,  où  ils  vivent  en  paix  ,  ho- 
norés pour  la  fainteté  &  la  pureté  de  leure 
mœurs  ,  adorant  un  feul  Dieu  ,  priant 
vers  le  foleil  ,  révérant  le  feu  ,  déteftaiit 
Pidolâtrie  ,  &  attendant  la  réfurredVion  des 
morts  &  le  jugement  dernier.  Voye[  Vart, 
Guebres  ou  Gaures. 

Des  livres  attribués  à  Zoroafre^  De 
ces  livres  ,  le  zend  ou  le  zendavefta  eft  le 
plus  célèbre.  Il  eft  divifé  en  deux  parties  3 
l'une  comprend  la  liturgie  ou  les  cérémo- 
fiies  à  oblervcr  dans  le  culte  du  feu  j  Kautre 
prefcrit  les  devoirs  del'homme  en  général  , 
&  ceux   de  l'homme  religieux.  Le  xend 


45^  P   E  R 

€ft  facrc  ;  &  les  faintcs  écrlrures  n'ont 
pas  plus  d^iutoricé  parmi  les  Chrétiens  , 
ni  l'alcoran  parmi  les  Turcs.  Ou  penfe 
bien  que  Zoroaftre  le  reçut  auili  d'en  haut. 
Il  eft  écrit  en  langue  &c  en  caraderes 
Perfes.  Il  eft  renfermé  dans  les  temples  i 
il  nVft  pas  permis  de  le  communiquer 
aux  étrangers  ;  &  tous  les  jours  de  fêtes 
les  prêtres  en  lifent  quelques  pages  aux 
peuples.  Thomas  Hyde  nous  en  avoit 
promis  une  édition  ;  mais  ii  ne  s'eft  trouvé 
perfcnne  ,  même  en  Angleterre  ,  qui  ait 
voulu  en  faire  les  frais. 

Le  zend  n'eft  point  un  ouvrage  de  Zo- 
toaftre  ;  il  faut  en  rapporter  la  uippofition 
au  temps  d'Eufebe.  On  y  trouve  des  pfeau- 
mes  de  David  ;  on  y  raconte  l'origine  du 
monde  d'après  Moyfe  ;  il  y  a  les  mêmes 
chofes  fur  le  déluge  ;  il  y  eft  parlé  d'Abra- 
ham ,  de  Jofeph  &  de  Salomon.  C'eft 
«ne  de  ces  produélions  telles  qu'il  en  parut 
une  infinité  dans  ces  fîecles  où  toutes  les 
fedtes  qui  ctoient  en  grand  nombre  ,  cher- 
choient  à  prévaloir  les  unes  fur  les  autres 
par  le  titre  d'ancienneté.  Outre  le  zend, 
on  dit  que  Zoroaftre  avoit  encore  écrit  dans 
fon  traité  quelques  centaines  de  milliers 
de  vérités  fur  différens  fujets. 

Des  oracles  de  Zoroajire,  Il  nous  en 
refte  quelques  fragmens  qui  ne  font  pas 
grand  honneur  à  Panonyme  qui  les  a  fabri- 
qués :  quoiqu'ils  aient  eu  de  la  réputation 
parmi  les  platoniciens  de  Pécole  d'Ale- 
xandrie 5  c'eft  qu'on  n'eft  pas  difficile  fur 
les  titres  qui  autorifent  nos  opinions.  Ces 
philofophcs  n'étoient  pas  fâchés  de  retrou- 
ver quelques-unes  de  leurs  idées  dans  les 
écrits  d'un  fage  aufïl  vanté  que  Zoroaftre. 

Du  mage  Hyjîafpe.  Cet  Hyftafpe  eft  le 
père  de  Darius  j  il  fe  fit  chef  des  mages. 
Il  y  eut  là-dedans  plus  de  politique  que  de 
religion.  Il  doubla  fon  autorité  fur  les 
peuples  ,  en  réunifiant  dans  fa  perfonne  les 
titres  de  pontife  &c  de  roi.  L'inconvénient 
de  cette  réunion  ,  c*eft  qu'un  feul  homme 
ayant  à  foutenir  deux  grands  caraéleres  , 
il  arrive  fouvent  que  le  roi  déshonore  le 
pontife  ,  ou  que  le  pontife  rabaiffe  le  roi. 

D'Ojlan}s  ou  d*Otanh.  On  prétend 
qu'il  y  eut  plufîeurs  mages  de  ce  nom  , 
èc  qu'ils  donnèrent  "leur  nom  à  la  fedbe 
çnticrç  qui   en  fut    appeliée   ojlanite.  On 


PER 

qu'Oftanes  ou  Otanès  cultiva  le  premier 
l'aftronomie  chez  les  Perfes.  On  lui  attri- 
bue un  livre  de  chymie.  Ce  fut  lui  qui 
initia  Démocrite  aux  myfteres  de  Mem- 
phis.  Il  n'y  a  que  le  rapport  des  temps 
qui  contredife  cette  fable. 

Du  mot  mage.  Ceux  qui  le  dérivent  de 
l'ancien  mot  mog  ,  qui  dans  la  Perfe  & 
dans  la  Médie  fignifîoit  adorateur  ou  prétrs 
du  feu  ,  en  ont  trouvé  l'étymologie  la 
plus  vraiiem.blable. 

De  l'origine  du  magianifme.  Cette 
doétrine  étoit  établie  dans  Pempire  de 
Babylone  &  d'Affyrie  ,  &  chez  d'autres 
peuples  de  Porient  ,  long-temps  avant  la 
fondation  des  Perfes.  Zoroaftre  n'en  fut 
que  le  reftaurateur.  Il  faut  en  conclure  de- 
là l'extrême  ancienneté. 

Du  caraclere  d'un  mage.  Ce  fut  uii 
théologien  ôc  un  philofbphe.  Un  mage 
naiftbit  toujours  d'un  autre  mage.  Ce  fut 
dans  le  commencement  une  feule  famille 
peu  nombreufe  qui  s'accrut  en  elle-même  ; 
les  pères  fe  marioicnt  avec  leurs  filles  ,  les 
fils  avec  leurs  mères  ,  les  frères  avec  leurs 
foeurs.  Epars  dans  les  campagnes  ,  d'abord 
ils  n'occupèrent  que  quelques  bourgs  ;  ils 
fondèrent  enfuite  des  villes  ,  &  fe  multi- 
plièrent au  point  de  difputer  la  fouverai- 
neté  aux  monarques.  Cette  confiance  dans 
leur  nombre  ôc  leur  autorité  ,  les  perdit. 

Des  clajfes  des  mages.  Ils  étoient  divifes 
en  trois  clafîès  ;  une  claffe  infime  attachée 
aux  fervices  des  temples  \  une  claflè  fupé- 
rieure  qui  commandoit  à  l'autre  ;  &  un 
archimage  qui  étoit  le  chef  de  toutes  les 
deux.  Il  y  avoit  aufîi  trois  fortes  de  tem- 
ples ;  des  oratoires  où  le  feu  étoit  gardé 
dans  une  lampe  ;  des  temples  où  il  s'cn- 
tretenoit  fur  un  autel  ;  &  une  bafilique, 
le  iîegc  de  Parchimage  ,  &  le  lieu  où  les 
adorateurs  alloient  faire  leurs  grandes 
dévotions. 

Des  devoirs  des  mages.  Zoroaftre  leur 
avoit  dit  :  Vous  ne  changerez  ni  le  culte  , 
ni  \ts  prières.  Vous  ne  vous  emparerez 
point  du  bien  d'autrui.  Vous  fuirez  le 
menfonge.  Vous  ne  lai  fierez  entrer  dan» 
votre  cœur  aucun  defir  impur;  dans  votre 
efprit  5  aucune  penfée  perverfe.  Vous  crain- 
drez toute  fouillure.  Vous  oublierez  l'in- 
jure.   Vous  inftruitez   les   peuples.    Vous 

préfideiez 


P  E  R  PEU  457 

prélîderez  aux  mariages.  Vous  fréquente-  '  diflance  des  terres  ,  les  menrongcs  des  Grecs, 


rez  fans  cefle  les  temples.  Vous  méditerez 
lezendavefla  ;  ce  icra  votre  loi,  &  vous 
n'eiireconnoîtrez  point  d'autre  ;  &  que  le 
ciel  vous  puniffe  éternellement  ,  fi  vous 
i'oufF-ez  qu'on  le  corrompe.  Si  vous  êtes 
archimage  ,  obfervez  la  pureté  la  plus 
rigoureulè.  Purifiez  vous  de  la  moindre 
faute  par  l'ablution.  Vivez  de  votre  tra- 
vail. Recevez  la  dîme  des  peuples.  Ne 
foyez  ni  ambitieux  ,  ni  vain.  Exercez  les 
CEuvres  de  mifériçorde  ;  d'eu  le  plus  noble 
emploi  que  vous  puiiîiez  faire  de  votre 
richefle.  N'habitez  pas  loin  des  temples  , 
afin  que  vous  puifïiez  y  entrer  fans  être 
npperçu.  Lavez-vous  fouvent.  Soyez  frugal. 
N'approchez  point  de  votre  femme  les 
jours  de  folemnité.  Surpafîez  les  autres 
dans  la  connoifl'ance  des  fciences.  Ne 
craignez  que  Dieu.  Reprenez  fortement  les 
méchans  :  de  quelque  rang  qu'ils  foient  , 
n'ayez  aucune  indulgence  pour  eux.  Allez 
porter  la  vérité  aux  iouverains.  Sachez  dil- 
tinguer  la  vraie  révélation  de  la  faufîe.  Ayez 
route  confiance  dans  la  bonté  divine.  Atten- 
dez le  jour  de  fa  manifeflation  ,  &  foyez  y 
toujours  préparé.  Gardez  foigneufemcnt  le 
feu  facré  ;  &  fouvenez  vous  de  moi  jufqu'à 
la  confommation  des  fiecles  ,  qui  fe  fera  par 
le  feu. 

Des  ftcles  des  mages.  Quelque  fimple 
que  foit  un  culte  ,  il  elt  fujetà  des  hé- 
réfies.  Les  hommes  fe  divifent  bien  en- 
tr'eux  fur  des  chofes  réelles  ,  comment 
s'accorderoient-ils  long-temps  fur  desobjets 
imaginaires  ?  Il  font  abandonnés  à  leur 
imagination  ,  &  il  n'y  a  aucune  expérience 
qui  puifle  les  réunir*  Les  mages  admet- 
toieni  deux  principes ,  un  bon  &  un  mauvais  ; 
l'un  de  la  lumière  ,  l'autre  des  ténèbres  ; 
étoient-ils  co-éternels  ?  ou  yavoit-il  prio- 
rité &  poliériorité  dans  leur  exiftence  ?  Pre- 
mier objet  de  difcuiiion  ,*  première  héréfie  ; 
première  caufe  de  haine  ,  de  trahifon  & 
d'anathême. 

De  la  philofophie  des  mages.  Elle  avoit 
pour  objet  Dieu  ,  l'origine  du  monde  ,  la 
nature  des  chofes  y  le  bien  ,  le  mal ,  &  la 
règle  des  devoirs.  Le  fyfteme  de  Zoroal^-e 
n'étoit  pas  l'ancien  ;  cet  homme  profita 
des  circonflances  pour  l'altérer  ,  &  faire 
croire  au  peuple  tout  ce  qu'il  lui  plut.  La 
Tomjs  XXV, 


les  fables  des  Arabes ,  les  fymboles  &  l'em' 
phafe  des  orientaux,  rendent  ici  la  matière 
très-obfcure. 

Des  dieux  des  Perfes.  Ces  natlpns  zèo^ 

roient  le  foleil  ;  ils  avoient  reçu  ce  culte 

•  des  Chaldéens  &:  des  Aflyriens.  Ils  appel- 

loient   ce  dieu  Mtthras  ;  ils  joignoicat  à 

Mijhras  Orofmade  &  Arimane. 

Mais  il  faut  bien  difiinguer  ici  la  croyance 
des  hommes  inftrults  ,  de  la  croyance  dit 
peuple.  Le  foleil  étoit  le  dieu  du  peuple  , 
pour  les  théologiens  ce  n'étoit  que  fon  ta- 
bernacle.. 

Mais  ,  en  remontant  à  Torigine  y  Mithras 
ne  fera  qu'un  de  ces  bienfaideurs  des  hom- 
mes ,  qui  les  raflembloient  ,  qui  les  inf- 
truifoient  ,  qui  leur  rendoient  la  vie  plus 
fupportable  &  plus  sûre ,  &  dont  ils  faifoient 
enluite  des  dieux.  Celui  des  peuples  d'o- 
rient s*appelloit  Mithras  Son  ame  ,  au 
fortir  de  (on  corps,  s'envola  au  foleil;  & 
delà  le  culte  du  foleil  &  la  divinité  de  cet 
aflre. 

On  n'a  qu'à  Jeter  les  yeux  fur  les  fj'm- 
boics  de  Mithras ,  pour  fentir  toute  la  for- 
ce de  cette  conjedure.  C'efi  un  homme 
robuile  ;  il  efl  ceint  d'un  cimeterre  ;  il  ert 
couronné  d'une  tiare  ;  il  efl  aflls  fur  ua  . 
taifreau  ,  il  conduit  l'animal  féroce ,  il  le 
frappe  ,  il  le  tue.  Quels  font  les  animaux 
qu'on  lui  facrifie  ?  des  chevaux.  Quels  com- 
pagnons lui  donne-t-on  ?  des  chiens. 

L'hifloirc  d'un  homme  défigurée  ,  ef! 
devenue  un  fyflême  de  religion.  Rien  ne 
peut  fûbfifler  entre  les  horames  fans  s'al- 
térer ;  il  taut  qu'un  fyflêmc  de  religion  , 
t^ût-il  révélé  ,  fe  corrompe  à  la  longue  , 
à  moins  qu'une  autorité  intaillible  n'en 
affure  la  pureté.  Suppofons  que  Dieu  fe- 
montrât  aux  hommes  fous  la  forme  d'un 
grand  fpeclre  de  feu  ,  qu'élevé  au  delfus 
du  globe  qui  tourneroit  fous  fes  pies  ,  les 
hommes  l'écoutaffent  en  filence  ,  &  que 
d'une  voix  forte  il  leur  diâat  (es  loix  ; 
croir-on  que  fes  ioix  fubfiileroient  incor- 
ruptibles ?  croit-on  qu'il  ne  \iat  pas  uii 
temps  où  l'apparition  même  fe  révoquât 
en  doute  ?  Il  n'y  a  que  le  féjour  confiant 
de  la  divinité  parmi  nous  ,  ou  par  fes 
miracles  ,  ou  par  fes  prophètes  ,  ou  par 
un  repréfent^t  iafaillibie  ,  ou  par  la  voix 

Mmia 


45»  P  E  R 

de  la  confcience  ,  ou  par  elie-merae  ,  qui 
puifle  arrêter  i'inconllance  de  nos  idées 
en  matière  de  religion. 

Mithrasell  un  &  triple  ;  on  retrouve  dans 
cCtripIe  Mirhras  des  vefîiges  de  la  trinité 
de  Platon  &  de  la  nôtre. 

Orofraade  ou  Horfmidas  eu  l'auteur  du 
h]tn  :  Arimane  eft  l'auteur  du  mal  :  écou- 
tons Leibnitz  fur  ces  dieux.  Si  l'on  con- 
■!fidere  ,  dit  le  philolbphe  de  Leipfick  ,  que 
•tous  les  potentats  d'Afie  fe  font  appelles 
Horfmidas  ,  qu'Irraen  ou  Hermen  eft  le 
■nom  d'un  dieu  ou  d'un  héros  celto-fcythe  , 
on  fera  porté  à  croire  que  l'Arimane  àes 
Perlés  fut  quelque  conquérant  d'occident, 
tels  que  furent  dans  la  fuite  Gengis-Chan 
-&  Tamerlan  ,  qui  pafîa  de  la  Germanie 
•  &  de  la  Sarmatie  dans  l'Afie  ,  à  travers 
les  contrées  des  Alains  &  des  Maiïàgetes  , 
&  qui  fondit  dans  les  états  d'un  Herfmidas  , 
qui  gouvernoit  pailiblement  (es  peuples 
fortunés  ,  &  qui  les  détendit  conftamment 
contre  les  entreprifes  du  raviiTeur.  Avec 
le  temps  l'un  fut  un  mauvais  génie  ,  l'autre 
Un  bon  ;  deux  principes  contraires  ,  qui  font 
perpétuellement  en  guerre  ,  qui  fe  défen- 
dent &  fe  battent  bien  ,  &  dont  l'un 
n'obtient  jamais  une  entière  fupériorité  fur 
l'autre.  Ils  fe  partagent  l'empire  du  monde, 
&  le  gouvernent ,  ainfi  que  Zoroaflre  l'é- 
tablit dans  fa  chronologie.  Ajoutez  à  cela , 
qu'en  effet  au  temps  de  Cyaxare  ,  roi  des 
Medes ,  les  Scythes  le  répandirent  en 
Afie. 

Mais  comment  un  trait  hiftorique  fi 
fimple ,  devient-il  à  la  longue  une  fable  fi 
compliquée  ?  C'efl  qu'on  tranfporta  dans 
la  fuite,  au  culte  5  aux  dieux,  aux  ftatues  , 
aux  fymboles  religieux  ^  aux  cérémonies  > 
tout  ce  qui  appartenoit  aux  fciences  ,  à 
l'aflrononiie  ,  à  la  phylique  ,  à  la  chymie  , 
à  la  métaphyfique  &  à  l'hifloire  naturelle. 
La  langue  religieufe  refla  la  même  ;  mais 
toutes  les  idées  changèrent.  Le  peuple 
avoit  Une  religion  ,  &  le  prêtire  une 
autre. 

Principes  du  fyflême  de  Zoroafire.  W 
ne  faut  pas  confondre  ce  fyflême  renouvelle  , 
avec  l'ancien  :  celui  des  premiers  mages 
étoit  fort  fimple  ;  celui  de  Zoroaftre  fe 
compliqua. 

l.Bc»  fefaitrieaderierb 


P  ER 

2.  îî  y  a  donc  un  premier  principe  ,  in- 
fini ,  éternel ,  de  qui  tout  ce  qui  a  été  & 
tout  ce  qui  elt ,  efî  émané. 

3.  Cette  émanation  a  été  très-parfaite 
&  très-pure.  Il  faut  la  regarder  comme  la 
caufe  du  mouvement ,  de  la  chaleur  &  de 
la  vie. 

4.  Le  feu  intelleâuel ,  très -parfait ,  très- 
pur  ,  dont  le  foleil  cil  le  fymbole  ,  eft  le  prin- 
cipe  de  cette  émanation. 

5.  Tous  les  erres  font  fortis  de  cefeu  ,  & 
les  matériels  &  les  immatériels.  Il  efl  ab- 
folu  ,  néceffaire  ,  infini  ;  il  fe  meut  lui-même  ; 
il  meut  &  anime  tout  ce  qui  efl. 

6.  Mais  la  matière  &  l'efprit  étant  deux 
natures  diamétralement  oppolçes  ,  il  efl 
donc  émané  du  teu  originel  &  divin  ,  deux 
principes  fubordonnés  ,  ennemis  l'un  de 
l'autre,  l'efprit  &  la  nratiere,  Orofmade  & 
Arimane. 

7.  L'efprit  plus  voilin  de  fa  fource  , 
plus  pur  ,  engendre  l'efprit  ,  comme  la 
lumière ,  la  lUmiere  :  telle  efl  l'origine  àes 
dieux. 

8.  Les  efprits  émanés  de  l'océan  infini 
de  la  lumière  intelleduelle ,  depuis  Orof^ 
made  jufqu'au  dernier  ,  font  6c  doivent 
être  regardés  comme  des  natures  lucides 
&  ignées. 

9.  En  qualité  de  natures  lucides  &  ignées, 
ils  ont  la  torce  de  mouvoir  ,  d'entretenir  ,. 
d'échauffer,  de  perfeâ:ionner,&  ils  l'ont  bons. 
Orofinade  efl  le  premier  d'entr'eux  ;  ils  vien- 
nent d'Orofraadc  :  Orofmade  ell  la  caufe  de 
toute  perfeélion. 

10.  Le  foleil ,  fymbole  de  (ts  propriétés,  efl 
fon  trône  ,  &  le  lieu  principal  de  fâ  lumière: 
divine. 

11.  Plus  les  efprits  émanés  d'Qrofmade- 
s*éloignent  de  leur  fource ,  moins  ils  ont  de 
pureté  ,  de  lumière  ,  de  chaleur  &:  de  force 
motrice. 

12.  La  matière  n*a  ni  lumière  y  ni  cha- 
leur ,  ni  force  motrice  ;  c'eflla  dernière  éma- 
nation du  leu  éternel  &  premier.  Sa  dif- 
tance  en  efl  rn^nie  ;  aufîi  efl  -  elle  téné— 
breufe  ,  inerte  ,  fahde  &  immobile  par  elle- 
mêraç.  "' 

13.  Ce  neft  pas  à  ce  principe  de  fbtï 
émanation  ,  mais  à  la  nature  nécefîâire  de- 
fon  émanation  ,  à  fa  diflance  du  principe^ 

iqtfil  faut  «tîribuer  ^s  défauts.   Ce  i«afe 


P  ER 

ces  défauts  ,  fuite  neceflaire  fie  l'o.lre 
des  émanations  ,  qui  en  font  l'ongine  du 
mal. 

14.  Quoiqu'Arimane  ne  foit  pas  moins 
qu'Orolmade ,  une  émanation  du  feu  éter- 
nel ,  ou  de  Dieu  ,  on  ne  peut  attribuer  à 
Dieu  ni  le  mal  ,  ni  les  ténèbres  de  ce 
principe. 

15.  Le  mouvement  eu  éternel  &  très- 
partaitdans  le  teu  intelleduel  &  divin  ;  d'où 
il  s'enfuit  qu'il  y  aura  une  période  à  la  fin 
de  laquelle  tout  y  retournera.  Cet  océan 
reprendra  tout  ce  qui  en  cft  émané ,  tout , 
excepté  la  matière. 

16.  Le  matière  ténébreufe  ,  froide  ,  im- 
mobile, ne  fera  point  reçue  à  cette  fource 
de  lumière  &  de  chaleur  très-pure  ;  elle 
reftera  ,  elle  fe  mouvra  ,  fans  celle  agitée 
par  l'adion  du  principe  lumineux;  le  prin- 
cipe lumineux  attaquera  fans  celfe  fes  té- 
nèbres,  qui  lui  réfifteront,  &  qu'elle  afFoi- 
blira  peu-à-peu  ,  jufqu'à  ce  qu'à  la  fuite  des 
fiecles  atténuée  y  divifée  ,  éclairée  autant 
qu'elle  peut  l'être ,  elle  approche  de  la  nature 
Ipi  rituelle. 

17.  Après  un  long  combat  ,  des  alter- 
natives infiniesjes  ténèbres  feront  chailees  de 
la  matière  ;  tes  qualités  mauvaifes  feront 
détruites  ;  la  matière  même  fera  bonne  , 
lucide  ,  analogue  à  fon  principe  qui  la  réab- 
forbcra  ,  &  d'où  elle  émanera  derechef, 
pour  remplir  t  out  l'efp^cc  &  fe  répandre 
dans  l'univers.  Ce  fera  le  règne  de  la  téli- 
cité  partaite. 

Voilà  le  fyft^me  oriental  ,  tel  qu'il  nous 
tû  parvenu  après  avoir  pafle  ,  au  fortir 
des  mains  des  mages  ,  entre  celles  de  Zo- 
roaitre  ,  &  de  celles-ci ,  entre  les  mains  des 
pythagoriciens  ,  des  lloïciens  &  des  pla- 
toniciens ,  dont  on  y  reconnoît  le  ton  &  les 
klées. 

Ces  philo fophes  le  portèrent  à  Cofroès. 
Auparavant  la  fainteté  en  avoit  été  conf- 
tatée  par  des  miracles  à  la  cour  de  Sapor  : 
ce  n'étoit  alors  qu'un  manichéifme  alîèz 
fimple. 

Le  ladder  ,  ouvrage  où  la  doftrine  zo- 
roallrique  eft  expofée  emploie  d'autres 
exprefllons  ;  mais  c'cft  le  même  fonds.  II 
y  a  un  Dieu  :  il  eu  un  ,  très-faint  :  rien 
«e  lui  eft  égal  :  c'eft  le  Dieu  de  puilTàncc 
&  de  gloire.  Il  a  créé  dans  le  commen- 


P  E  R  4^9 

cernent  un  monde  d'efprits  purs  &  heureux  ; 
au  bout  de  trois  mille  ans  ,  fa  volonté  ,  lu- 
mière rélplendiflante  ,  fous  la  forme  de 
l'homme.  Soixante  &  dix  anges  du  prem'er 
ordre  l'ont  accompagnée  ,*  &  elle  a  créé  le 
foleil ,  la  lune  ,  les  étoiles  &  les  âmes  des 
hommes.  Après  trois  autres  mille  ans  ,  Dieu 
créa  au  deflbus  de  la  lune  un  monde  infé- 
rieur ,  plein  de  matière. 

Des  dieux  Ù  des  temples.  La  dodrinc 
deZoroaftre  les  rejetoit  auÛi.  La  première 
chofe  que  Xerxès  fit  en  Grèce  ,  ce  fut  de, 
détruire  les  temples  &  les  ftatues.  Il  fatis- 
faifoit  aux  préceptes  de  fa  religion  ;  &; 
les  Grecs  le  regardoicnt  fans  doute  comme 
un  impie.  Xerxès  en  ufoit  ainfi,  dit  Ci- 
céron  ,  ut  parietibus  exclude,rentur  dii  y 
quibus  ejfe  deberent  omnia  pàientia  Ù 
libéra  y  pour  brifer  les  prifons  des  dieux. 
Les  feâatsurs  du  culte  des  mages  ont 
aujourd'hui  la  même  averfion  pour  les 
idoles. 

Abrégé  des  prétendus  oracles  de  Zo- 
roafire.  Il  y  a  des  dieux.  Jupiter  en  eft 
un.  Il  eft  très-bon.  Il  gouverne  l'univers. 
Il  eft  le  premier  des  dieux.  Il  n'a  point  été 
engendré.  Il  exifte  de  tous  les  temps.  Il  eft 
le  père  des  autres  dieux.  C'eft  le  grand  y  le 
vieil  ouvrier. 

Neptune  eft  Tainé  de  Ces  fils.  Neptune  n'a 
point  eu  de  mère.  Il  gouverne  fous  Jupiter. 
Il  a  créé  le  ciel. 

Neprane  a  eu  des  frères  ;  ces  frères 
n'ont  point  eu  de  mère.  Neptune  eft  au 
deftus    d'eux. 

Les  autres  dieux  ont  été  tirés  de  k  ma- 
tière ,  &:  font  nés  de  Junon.  Il  y  a  des  dé- 
mons au    defîous  des  dieux. 

Le  foleil  eft  le  plus  vieux  des  enfans 
que  Jupiter  ait  eus  de  leur  mère.  Le  foleil 
&  Saturne  préfident  à  la  génération  des 
mortels  ,  aux  titans  &  aux  dieux  d^ 
tartare. 

Les  dieux  prennent  foin  des  chofes  d'ici-r 
bas ,  ou  par  eux-mêmes  ,  ou  par  des  mi- 
niftres  fubalternes  ,  fcion  les  loix  générales 
de  Jupiter.  Ils  font  la  caufe  du  bien  :  rien 
de  mal  ne  nous  arrive  par  eux.  Par  un  dei''- 
tin  inévitable ,  indéclinable  y  dépendant  de 
Jupiter  y  les  dieux  fubalternes  exécutent  ce 
qu'il  y  a  de  mieux. 

L'univers  eft  éternel.  Les  premiers  dieux 
Mm  m  2 


4^0  PEU 

rés  -de  Jupiter  ,  &  les  féconds  n'ont  point  eu 
de  commencement,  n'auront  point  de  fin  ; 
ils  ne  conflituent  tous  enfemble  qu^une forte 
de  tout. 

Le  grand  ouvrier  qui  a  pu  faire  le  tout , 
le  mieux  qu'il  étoit  poilible,  l'a  voulu  ,  &  il 
n'a  manqué  à  rien. 

Il  conferve  &  confervera  éternellement  le 
tout  immobile  &  fous  la  même  forme. 

L'ame  de  l'homme  ,  alliée  aux  dieux  ,  eft 
immortelle.  Le  ciel  eft  fon  féjour  :  elle  y  eft, 
&  elle  y  retournera. 

Les  dieux  l'envoient  pour  animer  un  corps, 
conferver  l'harmonie  de  l'univers  ,  établir  le 
commerce  entre  le  ciel  &  la  terre  ,  &  lier 
les  parties  de  l'univers  entr'elles  ,  &  l'uni- 
vers avec  les  dieux. 

La  vertu  doit  être  le  but  unique  d'un  être 
lié  avec  les  dieux. 

Le  principe  de  la  félicité  principale  de 
l'homme  eft  dans  fa  portion  immortelle  & 
divine. 

Suite  des  oracles  ou  fragmens.  Nous  les 
cxpofons  dans  la  langue  latine ,  parce  qu'il 
cft  prefque  impofllble  de  les  rendre  dans  la 
nôtre. 

Unitas  dualitatem  genus  ;  Dyjs  enim 
apudeam  fedet  y  Ù  imellecluali  luce  fui- 
gurat  ,  inde  trinitas  ,  &'  hûec  trinitas  in  toto 
mundo  lucet  Ù  gubernac  omnia. 

Voilà  bien  Mythras ,  Orofmade  &  Ari- 
mane  ;  mais  fous  la  forme  du  chriilianifme 
On  croiroit  ,  en  lifant  ce  paiTflge ,  entendre 
le   commencement  de    Févangile    félon  S. 
Jean. 

Deus  fons  fontium  ,  omnium  matrix  , 
continens  omnia  ,  unde  generatio  varié  fe 
manifefiantis  materitx  ,  unde  traSus  prêter 
injiliens  capitatibus  mundêrunt  ,  incipit 
deorfum  tendere  radios  admirandos. 

GalimathJas  moitié  chrétien  ,  moitié 
platonicien  &  cabaliftique. 

Deus  imelleclualem  in  fe  ignem proprium 
comprehendens  y  cuncîa  perficit  &  mente 
tradit  fecundâ  ;  Jkque  omnia  fant  ab  uno 
igné  progenita ,  pâtre  genita  lux. 

Ici  le  platonicifrae  fe  mêle  encore  plus 
évidemment  avec  la  dodrinc  de  Zoroaflre. 

Mens  patris  flriduit  ,  intelligens  inde- 
fejfo  confilio  ;  omnif ormes  ideoe  fonte  verb 
ah  uno  evolantes  exjilierunt ,  &  divifiX  in- 
piUeçiaaUm  i^nem  func  naclx. 


P  ER 

Propofition  toute  platonique  ,  mais 
embarraflee  de  l'allégorie  &  du  verbiage 
oriental. 

Anima  exijlens  y  ignis  fplendens  ,  vi 
patris  immonalis  manet  Ù  l'itce  domina 
cfi  y  Ù  tenet  mundi  multas  plenitudines  y 
mentem  enim  imitatur  ;  fed  habet  conge- 
nitum  quid  corporis. 

Il  ell  incroyable  en  combien  de  façons 
l  elprit  inquiet  fe  replie.  Ici  on  apperçoit 
êiçs  vertiges  du  léibnitianifme. 

Opifex  qui  fabricatus  tfî  mundum  ,  erat 
ignis  moles  y  qui  totum  mundum  ex  ignc 
Ù  aquâ  &  terra  &  aère  omnia  compofuit. 

Ces  élémens  étoient  regardés  par  les 
zoroaftriens  comme  les  canaux  matériels  du 
feu  élémentaire. 

Oportet  te  fefiinare  ad  lucem  Ù  patris 
radios  y  unde  mifja  efl  tibi  anima,  multam 
induta  lucem  ,  mentem  enim  in  anima  re» 
pofuit  &  in  corpore  depofuit. 

Ici  l'expreilion  efl  de  Zoroaftre  ,  mais  les 
idées  font  de  Platon. 

Non  deorfum  prorfus  fequerenigritantem 
mundum  ,  cui  profunditas  femptr  infida. 
fubflrata  efi  &  hcedes  ,  circum  quceque 
nubilis  fqualidus  y  idolisgaudens  y  amens  y 
pra:ceps  ,  tortuofus  ,  cûscum  y  profundum 
femper  convolpens  y  femper tegens  obfcu^ 
rum  corpus  y  iners  &fpiritu  carens  y  &  ofor 
lucis  mundus  Q  tortuofa  fiuenta  ,  fub  qud. 
multi  trakuntur. 

Galimathias  mélancolique  ,  prophétique 
&  fibyllin. 

Qj^cere  animi  canalem  y  unde  aut  quo 
ordine  feri'us  faclus  corporis  ,  inordinemà 
quo  ejjluxiflî.,  iterum  refurgas. 

C'eft  la  defcente  des  âmes  dans  les  corps, 
félon  l'hypothefe  platonicienne. 

Cogitatio  igné  tota  primum  habet  ordi- 
nem  ;  mortalis  enim  ignis proximusfaaus  ^ 
àDeo  lumen  habebit. 

Puifqu'on  vouloit  faire  pafler  ces  frag- 
mens fous  le  nom  de  Zoroaftre  ,  il  falloir 
bien  revenir  au  principe  ignée. 

Lunce  curfum  Ù  aflrorum  progrejfum  Ù 
firepitum  dimitte  ,  femper  currit  opère  /je- 
cejfltatis  :  aflrorum  progrejfus  tui  gracia 
non  efl  editus. 

Ici  l'auteur  a  perdu  de  vue  ladodrinede 
Zoroaftre  ,  qui  efl  toute  aflrologique  ;  &  ii 
â  dit  quelque  cKofe  de  fenfé» 


P  E  R       ' 

'Natiira  fuadet  ejffe   d.vmoïies  piiros  ,  ' 
&    mala    materiiS    germina    ,    utilia    & 

Ces  ciémoFis  n'ont  rien  de  commun  avec 
le  magianifme  ;  &  ils  font  fortis  de  Técole 
d'Alexandrie. 

Philofophie  morale  des  Perfes.  Ils  re- 
commandent la  chalieté  ,  l'honnêteté  ,  le 
mépris  des  voluptés  corporelles  ,  du  fafle  , 
de  la  vengeance  àts  injures  ;  ils  défendent 
le  vol  :  il  faut  craindre  ,  réfléchir  ;  con- 
fulter  la  prudence  dans  iès  aclions  ;  fuir 
le  mal ,  embraflêr  le  bien  ;  commencer  le 
jour  par  tourner  fes  penfées  vers  l'Etre  fu- 
prcme  ;  l'aimer  ,  l'honorer  ,  le  fervir  ;.  re- 
garder le  foleil  quand  on  le  prie  de  jour  , 
la  lune  quand  on  s'adrefTe  à  lui  de  nuit  ; 
car  la  lumière  eli  le  fymbole  de  leur  exil^ 
tence  &  de  leur  préfence  ;  &  les  mauvais 
génies  aiment  les  ténèbres. 

Il  n'y  a  rien  dans  ces  principes  qui  ne 
foit  conforme  au  fentiment  de  tous  les 
peuples  ,  &  qui  appartienne  plus  à  la  doc- 
trine de  Zoroaftre  ,  que  d'aucun  autre 
philofophe. 

L'amour  de  la  vérité  cft  la  fin  de  tous  les 
fylîcmes  philofophiques  ;  &  la  pratique  de 
la  vertu  ,  la  fin  de  toutes  les  légillations  : 
&  qu'importe  par  quels  principes  on  y  foit 
conduit  ? 

Perses  ,  L  ï.  {  Comm.  )  Ce  font  les 
toiles  tant  brodées  que  peintes  ,  qui  nous 
viennent  de  la  Perfeti  &  qui  font  ordinai- 
rement de  lin  ;  au  lieu  que  celles  ^qs  Indes 
font  de  coton  :  elles  font  efîimées  parce  que 
les  deflîns  en  font  beaux  ,  &  les  toiles  très- 
fines  &  bien  luilrées.  Elles  s'impriment 
de  même  que  les  autres,  avec  des  planches 
de  bois. 

Per  se  ,  (  Chymie  )  efi  auffi  un  terme 
de  chymie.  Quand  un  corps  eft  diflilléfim- 
plement  &  fans  l'addition  qu'on  fait  d'or- 
dinaire d'une  autre  matière  pour  l'élever, 
on  dit  qu'il  eft  difiillé  per  fe  ,  c'eft- 
à  -  dire  ,  fans  addition.  V.  DISTIL- 
LATION. 

L'efprit  volatil  de  corne  de  cerf  s'élève  de 
lui-même  à  la  diftillation  ,  en  quoi  il  dif- 
fère de  celui  qu'on  diftille  par  l'addition  de 
la  chaux. 

Le  mercure  qui  a  été  calciné  par  une 
douce    niais  longue  chaleur,   dans  l'œuf 


PEU  4(?i 

philofophique  ,  ^'appelle  du  mercure  préci- 
pité per  fe.  Voy.  MERCURE  Ù  voye\ 
(ElTF  PHILOSOPHIQUE. 

PERSEA ,  f:  f.  (  Hifi.  nat.  Bot.  )  genre 
dé  plante  à  fleur  en  rofe  ,  compofee  de 
plufieurs  pétales  difpofés  en  rond.  II  s'élève 
du  milieu  de  cette  fleur  un  piflil  qui  devient: 
dans  la  fuite  un  fruit  charnu  &  mou  ^  qui 
renferme  une  femence  dure ,  divifée  en  deu:c 
lobes  ,  &  enveloppée  d'une  forte  de  mem- 
brane ou  de  péricarde.  Plumier,  nova  planta 
amer.  gen.  Voye\  PlaNTE. 

La  beauté  de  cet  arbre  ,  qui  eft  toujours 
verd  ,  l'odeur  aromatique  de  (es  feuilles  , 
leur  refl'cmblance  à  une  langue  ,  &  celle 
de  fon  noyau  à  un  cœur  ,  ibnt  la  fource 
des  myfteres  que  les  Egyptiens  y  avoient 
attachés  ;  ils  l'avoient  confàcré  à  Ifis ,  & 
metrpient  fon  fruit  fur  la  tcte  de  leurs 
idoles^  quelquefois  entier  ,  &  d'autres  fois 
ouvert  ,  pour  faire  paroître  l'amande  : 
cette"  figure  de  poire  doit  toujours  le  faire 
difccrner  du  lotus  par  les  antiquaires  cu- 
rieux de  déchiffrer  les  monumens  an- 
tiques. 

Tous  les  anciens  parlent  de  cet  arbre  \ 
Théophrafle^  Strabon  ,  Plutarque  ,  Diof» 
coride  ,  Pline  &  Galien.  lis  difcnt  qu'il 
a  été  planté  à  Memphis  par  Perfee  ,  qui 
lui  a  donné  fon  nom  ;  que  fes  feuilles  font 
amples  ,  fermes  ,  d'une  odeur  agréable  ;  que 
(es  fleurs  nailTent  en  grappe  ;  que  (on  fruit 
efi:  oblong  ,  &  qu'il  contient  une  efpece 
d'amande  du  goût  de  la  châtaigne.  On 
ne  retrouve  plus  aujourd'hui  cet  arbre  en 
Egypte. 

Le  perfea  àcs  modernes  approche  beau?» 
coup  de  celui  d'Egypte  ;  on  l'appelle  en  fran- 
çois />oir/V/- de  laNouvelle-Efpagne  ;  c'efl  le 
prunifera  arbor  ,  fruclu  maximo  ,  pyrif or- 
mi  l'iridi  y  pericarpioefculento  hutyraceo  jf 
nucleum  unicum  maximum  ,  ojjficulo  nullo 
teclum   cingente.  Catal.  Jamaic.  185. 

Il  s'étend  fort  au  large  ,  &  conièrve 
toujours  fà  verdure  ;  fes  feuilles  font  fem- 
blables  à  celles  du  laurier  à  larges  feuilles. 
Ses  fleurs  font  à  fix  pétales  &  naiffent  en 
grappes.  Son  fruit  a  d'abord  la  figure  d'une 
prune  ,  &  s'aîonge  en  poire  en  mûriUant  y 
il  efl  noir ,  d'un  goût  agréable  ,  &  con- 
tient une  amande  douce  ,.  faite  en  cœuK. 
Cet  arbre  croît  dans  la  Jaœaïviue.  (  D.  7.,) 


4<?i  P  E  R 

PERSÉCUTER  ,  v.  ad.  PERSÉCU- 
TEUR ,  r.  m.  &  PERSÉCUTION  ,  f.  f. 
(  Droit  naturel  ,  Politique  &  Morale.  ) 
La  ptrfe'cution  eft  la  tyrannie  que  le  fou- 
v^rain  exerce  ou  permet  que  l'on  exerce  en 
fbn  nom  contre  ceux  de  fes  fujets  qui  fuivent 
des  opinions  différentes  àes  fiennes  en  ma- 
tière de  religion. 

L'hiftoire  ne  nous  fournit  que  trop 
d'exemples  de  iouverains  aveuglés  par  un 
2rele  dangereux  ,  ou  guidés  par  une  politi- 
que barbare ,  ou  féduits  par  des  confeils 
odieux ,  qui  font  devenus  les  perfe'cuteurs 
&  les  bourreaux  de  leurs  fujers  ,  lorfque 
ces  derniers  avoient  adopté  des  fyfîêmes 
religieux  qui  ne  s'accordoient  point  avec 
les  leurs.  Sous  Rome  païenne  ,  les  empe- 
reurs perfécuterent  la  religion  chrétienne 
avec  une  violence  &  une  cruauté  qui  font 
fi-émir.  Les  difciples  du  Dieu  de  la  paix 
'  leur  paroilToisnt  des  novateurs  dangereux  , 
qui  méritoient  les  traitemens  les  plus  bar- 
bares. La  providence  iè  fervit  de  ces  per- 
fécutidns  ,  pour  étendre  la  foi  chez  tous  les 
peuples  de  la  terre  ,  &  le  fang  des  naartyrs 
ilevittt  un  germe  fécond  qui  multiplia  les 
difciples  de  J.  C.  fanguis  manyrum  femen 
ehrifiianorum. 

A  peine  l'églife  eut-elle  commencé  à 
relpirer  fous  les  empereurs  chrétiens  ,  que 
{es  enfans  fe  diviferent  fur  fes  dogmes  , 
&  l'arianifme  protégé  par  plulieurs  fouve- 
rains  ,  excita  contre  les  défenfeurs  de  la 
foi  ancienne  des  perfécutions  qui  ne  le 
cédoient  guère  à  celles  du  paganiline.  De- 
puis ce  temps  ,  de  fiecle  en  iiecle  l'erreur 
iappuyée  du  pouvoir  a  fouvent  perfécutél^ 
vérité ,  &  par  une  fatalité  déplorable  ,  les 
partifans  de  la  vérité  ,  oubliant  la  modéra- 
tion que  prefcrit  l'évangile  &  la  raifon  , 
-i'e  font  fouvent  abandonnés  aux  mêmes 
Tcxcès  qu'ils  avoient  juifement  reprochés  à 
leurs  oppreffeurs.  Delà  ces  perfécutions  y 
ces  fupplices  ,  ces  profcriptions ,  qui  ont 
inondé  le  monde  chrétien  de  flots  de  fang  , 
&  qui  fouillent  l'hiftoire  de  l'églife  par 
les  traits  de  la  cruauté  la  plus  raffinée.  Les 
■pallions  des  perjecutenrs  étoient  allumées 
par  un  faux  zèle  ,  &  autorifécs  par  la  caufe 
qu'ils  vouloient  foutenir,  &  ils  fe  font  cru 
tout  permis  pour  venger  l'Etre  fuprème. 
Oïl  a  penfc  que  le  Dieu  des  miférjeordcs 


P  E  R 

approuvoit  de  pareils  excès  ,  que  l'on  étoit 
difpenfé  des  loix  immuables  de  l'amouf  du 
prochain  ,  &  de  i'humanité  pour  des  hommes 
que  Ton  ceffoit  de  regarder  comme  (es 
femblables ,  dès-lors  qu'Us  n'avoient  point 
la  même  façon  de  penfer.  Le  meurtre  ,  la 
violence  &  la  rapine  ont  pafle  pour  àcs 
adions  agréables  à  la  divinité  ,  &  par  une 
audace  inouie  ,  on  ii\^  arrogé  le  droit  de 
venger  celui  qui  s^dà  formellement  réfervé 
la  vengeance.  Il  n'y  a  que  Tivrefle  du  fa- 
natiime  &  des  palEons  ,  ou  l'impofture  la 
plus  intéreflee  ,  qui  ait  pu  enfelgner  aux 
hommes  qu'ils  pouvoient  ,  qu'ils  dévoient 
même  détruire  ceux  qui  ont  des  opinions 
différentes  des  leurs  ;  qu'ils  étoient  dilpenfés 
envers  eux  des  loix  de  la  bonne  foi  &  de 
la  probité.  Où  en  feroit  le  monde  ,  fi  les 
peuples  adoptoient  ces  fentimens  deflruc- 
teurs  ?  L'univers  entier  ,  dont  les  habitans 
différent  dans  leur  culte  &  leurs  opinions , 
deviendroit  un  théâtre  de  carnages  ,  de 
perfidies  &  d'horreurs.  Les  mêmes  droits 
qui  armeroienr  les  mains  des  chrétiens  , 
allumeroient  la  fureur  infenfée  du  mufulman , 
de  l'idoiârrc  ;  &  toute  la  terre  leroit  cou- 
verte de  vidimes  que  chacun  croiroit  immo- 
ler à  fon  Dieu. 

Si  Izperjécution  efl  contraire  à  la  dou- 
ceur évangéhque  &  aux  loix  de  l'humanité  , 
elle  n'eft  pas  moins  oppofée  à  la  raifon 
&  à  la  faine  politique.  Il  n'y  a  que  les 
ennemis  les  plus  criitls  du  bonheur  d'un 
état ,  qui  aient  pu  fuggérer  à  des  fouveTains 
que  ceux  de  leurs  lijjets  qui  ne  penfoient  point 
comme  eux  étoient  devenus  des  vidimes 
dévouées  à  la  mort ,  &  indignes  de  partager 
les  avantages  de  la  fociété.  L'inutihté  des 
violences  fuffit  pour  délabufer  de  ces  maxi- 
mes odieufes.  Lorfque  les  hommes  ,  foir 
par  les  préjugés  de  l'éducation  ,.  foit  par 
l'étude  &  la  réflexion  ,  ont  embrafle  des 
opinions  auxquelles  ils  croient  leur  bonheur 
éternel  attaché  ,  les  tourmens  les  plus 
alîfeux  ne  font  que  les  rendre  plus  opiniâ" 
très;  l'ame  invincible  au  milieu  des, fup- 
plices ,  s'applaudit  de  jouir  de  la  liberté 
qu'on  veut  lui  ravir  ;  elle  brave  les  vains 
efforts  du  tyran  &  de  fes  bourreaux.  Les 
peuples  font  toujours  frappés  d'une   conf- 

1  tance  qui  leur   paroît  merveilleule  &  fur- 
naturelle   ;    ils  font    tentés    de    regarder 


P  E  R  ^^ 

comme  des  martyrs  de  la  vérité  les  infor- 
tunés pour  qui  la  pitié  les  intérefle  ;  la  re- 
ligion du  perleiiuteur  leur  devfent  odicufe  : 
laiierfécution  fait  des  hypocrires  ,  &  jamais 
dts  profélytes.  Philippe  II,  ce  tyran  dont  la 
politique  fombre  crut  devoir  facrifier  à  Ton 
zèle  inflexible  cinquante-trois  mille  de  Tes 
fujets  pour  avoir  quitté  In  religion  de  leurs 
pères  ,  &.  embralîé  les  nouveautés  de  la 
réforme  ,  épuifa  les  forces  de  la  plus  puif- 
fante  monarchie  de  l'Europe.  Le  feul  fruit 
qu'il  recueillit  ,  fut  de  perdre  pour  jamais 
les  provinces  du  Pa3-s-Bas  excédées  de  fes 
rigueurs.  La  fatale  journée  de  la  S.  Bar- 
théiemi  ,  où  l'on  joignit  la  perfidie  à  la 
barbarie  la  plus  cruelle,  a- t- elle  éteint 
rhé-réfie  qu'on  vouloit  opprimer?  Par  cet 
événement  affreux  )  la  France  fut  privée 
d'une  foule  de  citoyens  utiles  ;  l'héréfie  , 
aigrie  par  la  cruauté  &  par  la  trahifon  ,  re- 
prit de  nouvelles  forces  ,  &  les  fonJemens 
de  la  monarchie  furent  ébranlés  par  des  con- 
vuliions  longues  &  funeftes. 

L'Angleterre  ,  fous  Henri  VIÎI ,  voit 
traîner  au  fupplice  ceux  qui  refufent  de 
reconnoître  la  fuprématie  de  ce  monar- 
que capricieux  ;  fous  fa  fille  Marie  ,  les 
fujets  font  punis  pour  avoir  obéi  à  fon 
père. 

Loin  des  fouverains  ,  ces  confeillers  in- 
térefles  qui  veulent  en  faire  les  bourreaux 
de  leurs  fujets.  Ils  leur  doivent  des  fenti- 
mens  de  père ,  quelles  que  foient  les  opi- 
nions qu'ils  fuivent  ,  lorfqu'elles  netroublent' 
point  l'ordre  de  la  fociété.  Elles  ne  le  trou- 
bleront point  lorfqu'on  n'emploiera  pas  con- 
tre elles  les  tourraens  &  la  violence.  Les 
princes  doivent  imiter  la  divinité  ^  s'ils 
veulent  en  être  les  images  fur  la  terre  ; 
qu'ils  lèvent  les  yeux  au  ciel  ,  ils  verront 
que  Dieu  fait  lever  ion  foleîl  pour  les  mé- 
chans  comme  pour  les  bons  ,  &  que  ceii 
une  impiété  ou  une  folie  que  d'entrepren- 
dre de  venger  le  Très-Haut.  Voye^  TO- 
LÉRANCE. 

Persécution  ,  (  TJieol.  )  On  compte 

'ordinairement  vingt  -  quatre  peifécutions 
depuis  J.  C.  jufqu'à  nous.  Le  P.  Riccioli 
en  ajoute  deux  ,  qui  fant  la  première  & 
la  dernière  dans  l'ordre  que  nous  allons 
iodiquer. 

i**.  Celle  de  Jéruiàlem  >  excitée  par  les 


Juifs  contre  S.  Etienne  ,  &  continuée  par 
Hérode  Agrippa  ,  contre  S.  Jacques ,  S^ 
Pierre  ,  &  les  autres. 

La  féconde  ,  fous  Néron  ,  commencée 
l'an  <54,de  J.  C  à  l'occalion  de  l'incendie 
de  Rome  ,  dont  on  accufa  fauficment  les 
chrétiens  ;  elle  dura  jufqu'àl'an  68. 

La  troifieme  ,  fousDomitien  ,  depuis  l'an 
90  jufqu'à  l'année  ^6. 

La  quatrième  ,  fous  Trajan  ,  commencée 
l'an  ^7  ;  elle  cefla  en  116. 

La  cinquième  ,  fous  Adrien  ,  depuis  l'an- 
née 118  jufqu'à  129  ,  avec  quelques  inter- 
ruptions occafionées  par  les  apologies  de 
Quadrat  &  d'Ariflide  ,  en  faveur  des  chré- 
tiens. Il  y  eut  encore  quelques  martyrs 
fous  fon  règne  en  136. 

La  fixieme  fous  Antonin-le-Pieux  ;  elle 
commença  en  138  ,  &  finit  en  153. 

La  feptieme  ,  fousMarc-Aurele  ,  depuis 
l'an  161  jufqu'en  174. 

La  huitième  ,  fous  Sévère ,  commencée 
l'an  199  ,  dura  jufqu'à  la  mort  de  ce  prince 
en  211. 

La  neuvième,  fous  Maximin ,  en  23^  ; 
elle  ne  dura  que  trois  ans. 

La  dixième  ,  fous  Dece  ,  en  249  - 
elle  cefTa  à  fa  mort  en  251  ;  &  dans 
ce  court  efpace  de  temps  elle  fut  une 
des  plus  fanglantes.  Sqs  fuccefièurs  Gallus 
&  Volufîen  ,  la  renouvellerent  deux  ans 
après. 

La  onzième  ,  fous  Valérien  &  Gallien  en 
2Ç7^  elle  dura  trois  ans  &  demi. 

La  douzième  ,  fous  Aurélien  ,  commen- 
cée l'an  de  J.  C.  273 ,  &  continuée  juf- 
qu'en 275. 

La  treizième ,  commencée  par  Dioclétieri 
&  Maximien  l'an  303  ^  &  continuée  f^us 
le  nom  du  premier  jufqu'en  310  ,  quoiqu'il 
eût  abdiqué  l'empire.  Maximien  la  renou- 
vella  en  312  ,  &  Licinus  la  fit  durer  jufqu'à 
l'an  315,  qae  l'empereur  Conffanrin  donjîa 
la  paixàl'églifè. 

La  quatorzième  fut  ordonnée  par  Sa- 
per II ,  roi  de  Perfe  ,  à  l'infligation  des 
mages  &  des  juifs  ,  l'an  343  ;  elle  coûta  ^ 
félon  So2ioniene  ,  la  vie  à  feize  mille  chré- 
tiens. 

La  quinzième  ,  mêlée  d^artifîce  &  de 
cruaut-c  ,  efl  celle  que  Julien  fulcita  coatrc 
les  chrétiens.  Elle  ne  dura  qu'un  ao.  • 


4^4  P  E  R 

Lrfl^lzleme  fut  autoritee  par  l'enipereur 
Valens  ,  nrien  ,  l'an  ^66  ,  julqu'en  37B. 

La  dix-feprierae ,  fous  IlHegerde  ,  roi  de 
Perfe,  en  4^0;  elle  ne  finît  que  30  ans  après, 
.fous  le  règne  de  Varannes  V. 

La  dix-huitieme  >  contre  les  catholi- 
ques ,  pendant  le  règne  de  Genferic  ,  roi 
(les  Vandales  ,  nrien  ,  depuis  l'an  433  , 
.jufqu'en  475. 

La  dix-neuvieme  ,  Cous  le  règne  d'Hu- 
r.eric  ,  fuccefleur  de  Genferic,  en  483  ;  elle 
ne  dura  qu'un  an. 

La  vingtième,  fous  Gondcbaud  ,  auffi 
roi  des  Vandales ,  en  494. 

La  vingt  &  unième  ,  fous  Trafîmond  , 
fuccefleur  de  Gondebaud  ;   elle  commença 
.en  $04. 

La  vingt-deuxième  ,  par  les    ariens  en 
Efpagne  ,  ibus  Léowigilde^  roi  desGoths, 
€n  584,  &  finie  fous  Recarede,  deux  ans 
.  après. 

La  vingt-troifieme  ,  fous  Cofroès  II , 
roi  de  Pcrfc  ,  depuis  l'an  607  ,  jufqu'en 
627. 

La  vingt-quatricme ,  inflituée  parles  ico- 
noclafies,  fousLéonl'Ifaurique,  depuis  726, 
jufqu'^en  741  ;  elle  continua  fous  Confîantin 
Copronyme  ,  jufqu'en  775. 

La  vingt-cinquième  fut  donnée  par  Henri 
VIII ,  roi  d'Angleterre  ,  l'an  i534  >  contre 
fous  les  catholiques  ,  après  que  ce  prince  fe 
fût  féparé  de  l'cglife  romaine.  Elle  fîut  re- 
nouvellée  par  la  reine  Elifabeth.  , 

La  vingt-fixieme  commença  d^ins  le 
Japon  ,  l'rfn  1 587  ,  fous  le  règne  de  Taïco- 
fàma ,  à  l'infligation  des  bonzes.  Elle  fut  re- 
,  nouvelléc  en  1616  ,  par  le  roi  Xongufama  , 
&  exercée  avec  encore  plus  de  cruauté  par 
Toxonguno  qui  lui  fuccéda  ,  en  163 1. 
RiccioU,  chronol.  re'form.   tom.  III. 

Lacrancea  fait  un  traité  de  la  mon  des 
perfecuteurs  ,  quia,  été  long-temps  inconnu  , 
&  que  M.  Baluze  a  donné  le  premier  au 
public.  Quelques  auteurs  doutent  que  cet 
ouvrage  foit  véritablement  de  Ladance ,  mais 
M.  Burnet  ,  qui  l'a  traduit  en  anglois  , 
prouve  qu'on  doit  le  lui  attribuer. 

PERSÉE  f  m.  en  Afironomie  ^  eflune 

conftellation  ,  de  l'hémifphere  feptcntrional , 

.compofée  ,  félon  Ptolomée  ,  de  29  étoiles; 

d'autant  félon  Tycho  ;  &  de  ^7 ,  lèlon  le 

;<;atalo5ue  britannique ,  6'c, 


P  E  R 

PersÊE  ,  (  Mythol.  )  héros  fabuleuic 
à  qui  l'on  donne  Jupiter  pour  père  ,  étoic 
le  fruit  de  l'amour  impudique  de  Danaé  , 
qui  ,  pour  cacher  fa  hoHte  ,  lui  fùppofà 
une  origine  divine.  Acrifius  ,  père  de 
Danaé  ,  pour  punir  ou  pour  enlèvelir  dans 
l'oubli  la  foibleffe  de  fa  fille  ,  ordonna  de 
jeter  dans  la  mer  l'enfant ,  qui  ,  conimc 
plufieurs  des  héros  de  l'antiquité ,  fut  con- 
lèrvé  ,  dit-on  ,  par  l'affiflance  des  dieux. 
Un  matelot  appercevant  fon  berceau  flot- 
tant près  du  rivage  ,  le  porta  au  prince 
qui  régnoit  dans  cette  contrée  ;  le  roi  , 
touché  de  compaflion  ,  le  fit  élever  avec 
loin.  Les  progrès  qu'il  fit  fous  les  plus 
habiles  maîtres  ,  firent  dire  qu'il  avoit  été 
élevé  par  Minerve  ,  dont  il  fit  paroître  la 
prudence.  Ce  fut  en  terraffant  les  raonf- 
tres  qui  infeftoient  la  terre,  qu'il  fit  reifai 
de  fon  courage  ;  il  extermina  Médufe  ,  àc 
délivra  de  fa  fureur  Andromède  ,  qui ,  pour 
prix  de  ce  bienfait ,  lui  donna  fon  cœur  & 
fa  main.  Alcée,  Stenelus ,  Helas ,  Meftor 
&  Ele6trion  furent  le  fruit  de  leur  union. 
Après  avoir  réprimé  &  fournis  les  peuples 
du  mont  Atlas  ,  il  tua  par  méprile  fon 
aïeul  Acrifius.  Le  remords  de  ce  parricide 
le  rendit  odieux  à  lui-même  ;  il  s'impofa 
un  exil  volontaire  ,  &  quittant  pour  jamais 
Argos  ,  où  les  Euménides  lui  oflfroient  fans 
cefle  l'image  de  fbn  crime  ^  il  s'établit 
dans  le  territoire  de  Tyrinthe  ,  où  il  bâtie 
Mycene  :  Ces  defcendans  y  régnèrent  pen- 
dant cent  ans.  Son  amour  pour  les  lettres 
&  pour  ceux  qui  les  cultivent  ,  immortali- 
ferentfa  mémoire.  La  reconnoiflTance  publi- 
que le  mit  après  fa  mort  au  nombre  des  conf- 
tellations.  (  T~N .) 

PersÉE  ,  {Hijloire  ancienne  y  Hiftoire 
de  Macédoine .  )  fils  de  Philippe ,  roi  de 
Macédoine ,  avoit  un  frère  que  le  droit 
d'ainelfe  appelloit  au  trône  avant  lui.  Ce 
prince  nommé  Déme'trius  ^  s'étoit  couvert 
de  gloire  par  le  fuccès  de  (es  négociations 
&  de  Ces  exploits  militaires.  Ce  fut  en 
confidcration  de  fon  mérite  que  le  fénac 
romain  accorda  des  conditions  avanta- 
geufes  à  Philippe  ,  qui  ,  humilié  d'être 
redevable  à  fon  fils  de  cette  fiiveur  ,  ne 
vit  en  lui  qu'un  ami  dés  Romains.  Perfée  , 
ingénieux  à  aigrir  fa  haine  ,  le  détermina 
par  de  faufles  acculàtions  à  condamner  à 

la 


P  E  R. 

la  mort  un  fils  à  qui  l'on  ne  pouvoit  re- 
procher que  ies  vertus.  Perjïe  recueillit 
le  fruit  de  ce  parricide  :  devenu  l'héritier 
préfomptif  de  l'empire  ,  il  fe  comporta 
comme  s'il  en  eût  été  le  maître.  Ce  carac- 
tère impérieux  le  rendit  llilpeâ:  à  Ton  père  , 
qui  bientôt  reconnut  que  féduit  par  Tes 
calomnies  ,  il'  avoit  fait  mourir  un  fils  in- 
nocent ,  pour  avoir  un  héritier  coupable. 
Le  monarque  ,  déchiré  de  remords ,  eût 
puni  l'auteur  de  fon  parricide  ,  fi  la  mort 
caufée  par  (es  chagrins  n'eût  prévenu  fa 
vengeance. 

Perfée  devenu  poflefîeur  de  l'empire  , 
trouva  dans  les  tréfors  de  Ion  père  les 
moyens  de  faire  la  guerre  avec  gloire. 
Ennemi  irréconciliable  des  Romains  ,  il 
leur  fufcita  par-tout  des  ennemis  ,  &  pro- 
digue à  deffein  ,  il  acheta  par-tout  des 
-alliés.  Le  nom  des  IMacédonicns,  beaucoup 
plus  refpedé  dans  la  guerre  que  celui  des 
Carthnginois  ,  étoit  encore  dans  ce  temps 
redoutable  aux  Romains.  L'importance  de 
cette  guerre  les  détermina  à  augmenter  leurs 
légions  ,  &  à  demander  du  renfort  aux 
Numides  &  à  leurs  autres  aUiés.  Ferfe'e ^ 
"Si  la  fête  d'une  armée  de  Macédoniens  , 
ïiccoufumé  aux  fatigues  de  la  guerre  ,  fe 
croyoit  invincible  ,  &  promettoit  à  (es 
fujets  de  faire  renaître  le  règne  triomphant 
d'Alexandre.  Le  prélude  de  cette  guerre 
lui  fut  glorieux  ;  une  viftoire  remportée 
fur  le  conful  Sulpicius  ,  lui  fit  préfager  de 
plus  brillans  fuccès  :  mais  voyant  que  les 
Romains  étoient  plus  redoutables  après 
leur  défaite  qu'il  ne  l'étoit  après  fa  vidoire, 
il  adopta  un  fyfléme  pacifique  qui  fut  rejeté 
avec  mépris.  Le  conful  vaincu  lui  fit  des 
propofitions  aufll  dures  que  s'il  avoit  été 
vainqueur.  Perfét  y  trop  fier  pour  y  fouf- 
crire  ,  fit  des  préparatifs  qui  inquiétèrent  les 
Romains.  Paul  Emile  ,  chargé  de  cette  guer- 
re, la  termina  par  une  vrdoire  remportée  près 
de  Pydne  :  il  fit  un  carnage  aiireux  des 
Macédoniens  ;  vingt  raille  refierent  fur  la 
place  ,  &  onze  mille  turent  mafiacrcs  dans 
la  hiite.  Polybe  &  Florus  prétendent  que 
Perfét  ,  fans  attendre  l'événement  du  com- 
bat,  laifîa  le  commandement  à  fes  lieu- 
tenans  ,  &  qu'il  fe  réfugia  à  Pydne\  fous 
prétexte  de  l'acrifierà  Hercule..  Dès  qu'i* 
eut  appris  la  déroute  de  fon  armée  , 
Tome  XXV. 


P  E'R  4^5 

W  alla  chercher  un  afyle  dans  le  temple 
de  Caftor  &  Pollux ,  adorés  chez  les 
Samothraces.  La  faintetc  ch  lieu  ne  put 
diiiiper  la  crainte  qu'on  attentât  à  fa  vie  ; 
il  en  fortit  à  la  faveur  des  ténèbres  ,  pour 
s'embarquer  dans  une  chaloupe  qu'un  Can- 
diot  av»it  tait  équiper  pour  le  recevoir* 
Ce  ferviteur  infidèle  mit  à  la  voile  fans 
attendre  (on  maître ,  dont  il  emporta 
toutes  les  richeffes.  Perfée  fans  relTource 
rentra  dans  le  temple  qui  lui  refioit  pour 
afyle  :  accablé  de  Ion  déléfpoir  ,  il  y  atten- 
doit  tranquillement  la  mort ,  lorfqu'il  apprit 
que  le  gouverneur  de  (es  enfans  les  avoit 
livrés  aux  Romains.  L'incertitude  de  leur 
deflinée  réveilla  en  lui  l'amour  de  la  vie, 
&  voulant  partager  leur  infortune  ,  il  fe 
rendit  à  Cneus  Udavius  qui  le  remit  au 
pouvoir  de  Paul  Emile.  Ce  conful  ,  après 
l'avoir  fait  lèrvir  à  (on  triomphe ,  le  fit- 
jeter  dans  une  prifon  ,  où  il  mourut  par 
le  refus  confiant  de  prendre  des  alimer.s. 
D'autres  afîurent  qu'il  fut  indignement 
traité  par  les  gardes  de  fa  prifon  ,  qui 
l'éveilloient  toutes  les  fois  qu'il  étoit  pro* 
voqué  par  le  Ibmmeil.  La  Macédoine , 
après  avoir  été  la  dominatrice  d.es  na- 
tions ,  ne  fut  plus  qu'une  pro'  '^'^ce  romaine. 
Cette  monarchie  fubfifia  pendant  neuf 
cents  vingt -trois  ans,  depuis  Caranus 
jufqu'à  Psrft'e  qui  en    fut  le  dernier  roi. 

PERSÉPHONE  ,  {Mythol.  )  Ceft  un 
des  noms  de  Proferpine. 

PERSÉPOLIS  ,  {-Géog.  anc.  )  ville  de 
la  Perfide  ,  félon  Ptolomée  ,  /.  VI ,  ch.  iv y 
qui  la  place  dans  les  terres.  Quinte-Curce 
la  meta  20  flades  de  l'Araxe,  &  lui  donne 
le  titre  de  capitale  de  l'orient.  Il  eft  dit 
dans  le  Illh'.  des  Machabées  ,  ch.  vj  ,  i\ 
t.  ^  fuiv.  qu'Antiochus  Epiphanes  étant  à 
PerfépoUs  ,  dans  le  deflein  d'y  piller  un 
temple  très-riche ,  tout  le  peuple  courut 
aux  armes,  &  le  chafîâ  de  la  ville  avec- 
fa  troupe.  Mais  comme  PerfépoUs  étoit 
ruinée  de  fond  en  comble  du  temps  d'An- 
riochus  Epiphaneç  ,  il  y  a  néceiïiiirement 
une  faute  dans  le  texte  du  livre  que  nous 
venons  de  citer.  Peut-être  que  l'auteur 
a  rois  PerfépoUs  pour  fignifier  la  crpirale 
le  la  Perfe  ,  caoique  fon  vrai  nom  fût 
Elymaïs. 

N  nn 


4^^  P  E  R. 

Ce  qui  nous  intéreffe  le  plus  ,  ce  font 
les  fuperbes  mafures  connues  fous  le  nom 
de  ruines  de  Pevfépolis.  Ces  ruines  font 
dans  une  vafle  plaine  fur  la  rivière  de 
Bauiemir.  L'ancien  palais  des  rois  de  Perfe , 
communément  nommé  la.  maifon  de  Da- 
rius ,  &  appelle  dans  la  langue  du  pays , 
chelminar  où  chilminar ,  efl  à  l'oueft  de 
cette  plaine  ,  au  pié  d'une  montagne  qui 
efl  de  roche  vive.  La  façade  de  ce  luperbe 
bâtiment  ruiné ,  a  Ik  cents  pas  de  large 
du  nord  au  fud  ,  &  trois  tents  quatre-vingt- 
dix  pas  de  l'oueft  à  l'efl.  On  ne  voit  en- 
fuite  que  rcfles  de  portiques  ,  d'efcaliers  , 
de  colonnes  ,  de  murailles  ,  de  figures 
d'hommes  &  d'animaux.  Plufieurs  de  cts 
colonnes  font  encore  toutes  entières  ,  ainli 
que  des  nich:s  ,  &  des  figures  fans  nom- 
bre ,  grandes  comme  narure.  On  voit  auffi 
dans  la  montagne  deux  tombeaux  taillés 
dans  le  roc ,  tous  deux  ayant  environ  70  pies 
par  en  bas ,  autant  de  hauteur  ,  &  40  pies 
de  large. 

Toutes  ces  ruines  de  Perfe'poïis  ont  été 
décrites  dans  plufieurs  livres ,  &  copiées 
dans  plufieurs  eftampes.  Il  efl  vrai  que 
la  plupart  àts  écrivains  qui  en  ont  parlé , 
n'ont  fongé  qu'à  plaire  par  des  relations 
pompeufes  ;  &  que  d'autres  qui  les  ont  exa- 
minées ,  n'y  ont  point  apporté  les  connoif- 
fancesnécefTaires.  Je  crois  quec'eflà  Lebrun 
&  à  Thévenot ,  que  nous  en  devons  la  re- 
lation la  plus  exafte. 

On  ne  fauroit  douter  que  ces  -ruines 
qu'ils  ont  décrites ,  ne  foient  celles  d*un 
palais  fuperbe  qui  étoit  décoré  de  magni- 
fiques portiques ,  galeries  ,  colonnes  ,  & 
autres  ornemens  fplendides.  De  plus  ,  il  efl 
confiant  que  les  ruines  des  Chilminar ,  fa 
fituation  ,  les  vefliges  de  l'édifice  ,  les 
figures  ,  leurs  vêteraens  ,  les  ornemens ,  & 
tout  ce  qui  s'y  trouve  ,  répond  aux  ma- 
nières des  anciens  Perfcs  ,  &  a  beaucoup 
de  rapport  à  la  defcription  que  Diodore 
de  Sicile  donne  de  l'ancien  palais  de  Per- 
fe'poïis. 

Cet  auteur  ,  lii'.  XVXI ,  chap.  Ixxj  , 
après  avoir  dit  qu'Alexandre  expofa  cette 
capitale  du  royaume  de  Perfe  au  pillage 
de  fes  Macédoniens  ,  à  la  réferve  du  palais 
royal ,  décrit  ce  palais  comme  une  pièce 
particulière  en  cette  forte. 


P  ER. 

Ce  fuperbe  édifice  ,  dit-il  ,  ou  ce  palais 
royal,  efl  ceint  d'un  triple  mur  ,  dont  le 
premier  ,  qui  étoit  d'une  grande  magnifi- 
cence ,  avoir  16  coudées  d'élévation  ,  & 
étoit  flanqué  de  tours.  Le  fécond  ,  fembla-, 
ble  au  premier  quant  à  la  flrudure ,  étoit 
deux  fois  plus  élevé.  Le  troifieme  efl  quarré  , 
taillé  dans  le  roc  ,  &  a  60  coudées  de 
hauteur.  Le  tout  étoit  bâti  d'une  pierre 
très-dure ,  &  qui  promettoit  une  fiabilité 
éternelle.  A  chacun  des  côtés  il  y  a  des 
portes  d'airain ,  &  des  paliflades  de  même 
métal ,  hautes  de  vingt  coudées  ;  les  der- 
nières pour  donner  de  la  terreur  ,  &  les 
autres  pour  la  fureté  du  lieu.  A  l'orient 
du- palais  efl  une  montagne  appellée  la 
montagne  royale  y  qui  en  efl  éloignée  de 
quatre  cents  pies  ,  &  où  font  les  tombeaux 
des  rois. 

Il  ell  certain  que  la  defcription  de  Lebrun 
répond  ,  autant  qu'il  efl  pofCble  ,  à  celle  de 
Diodore ,  &  l'on  ne  peut  la  lire  fans  une 
cfpece  d'admiration  pour  des  mafures 
mêmes  ,  échappées  aux  flambeaux  dont 
Alexandre  &:  la  courtifannc  Thaïs  mirent 
Perfe'poïis  en  cendres.  «  Mais  étoit -ce 
«  un  chef-d'œuvre  de  l'art  ,  qu'un  palais 
«  bâti  au  pié  d'une  chaîne  de  rochers 
»  arides  ?  Les  colonnes  qui  font  encore 
yy  debout  ne  font  affurément  ni  dans  de 
1*  belles  proportions,  ni  d'un  defîîn  élé- 
»  gant.  Les  chapiteaux  furchargés  d'orne- 
»  mens  groffiers  ,  ont  prefque  autant  de 
»  hauteur  que  le  fur  des  colonnes.  Toutes 
»  les  figures  font  auffi  lourdes  que  celles 
«  dont  nos  églifes  gothiques  font  encore 
»  malheureufement  ornées.  Ce  font ,  en 
»  un  motfdes  monumensde  grandeur,  mais 
»  non  pas  Àqs  monumens  de  goût.  » 
{D.J.) 

PERSÉVÉRANCE,  f.  f.  PERSÉVÉ- 
RANT ,  adj.  (  Théol.  Moral  La  perfé^'é- 
rance  cû  le  nom  d'une  vertu  chrétienne 
qui  nous  rend  capables  de  perfifler  dans  la 
voie  du  falut  Jufqu'à  la  fin. 

Les  catholiques  diflinguent  deux  fortes 
de  pei;féi.'érances  finales  ;  l'une  puremen  t 
paffive  &  formelle  ,  qui  n'efl  autre  chofe 
que  la  jondion  aduelle  &  formelle  de 
la  grâce  fandifiante  avec  l'inflant  de  la  mort. 
C'efl  celle  qui  fe  rencontre  dans  les  enfans 
qui  meurent  avant  que  d'avoir  atteint  l'âge 


P  E  R 

de  raifon  ,  &  dans  les  adultes  qui  meurent 
immédiatement  après  avoir  reçu  la  grâce 
juftifiante.  L'autre  ,  qu'ils  appellent  aclive 
&  efficiente  ,  eft  celle  qui  nous  iait  perfé- 
vérer  conftamrr^ent  dans  les  bonnes  œuvres, 
depuis  l'infiant  que  nous  avons  reçu  la 
grâce  de  la  juftification  ,  jufqu'à  celui  de  la 
mort. 

Les  pélagiens  penfoient  qu'on  pouvoit 
perfévérer  jufqu'à  la  lin  par  les  feules  forces 
de  la  nature  ;  &  les  iémi-pélagiens ,  que 
la  perfévérance  dans  la  toi  n'étoit  pas  un 
^'Atx.  de   la  grâce. 

Les  catholiques  au  contraire  penfent 
qu'on  ne  peut  perfévérer  jufqu'à  la  fin  fans 
la  grâce,  &  fans  une  grâce  aduelle  &  fpé- 
c'rale  diftinguée  de  la  grâce  fandifianre  , 
quoiqu'elle  ne  foit  pas  dillinguée  des  grâces 
actuelles  &  ordinaires  que  Dieu  leur  ac- 
corde pour  accomplir  les  coramandemens , 
&  que  cette  grâce  ne  manque  jamais  aux 
jufles  que  par  leur  faute.  C'eft  la  doctrine 
du  deuxième  concile  d'Orange  ,  can.  2.^  y 
&  du  concile  de  Trente  ,  fej)',  S  ,  cap.  ?j. 

Ils  ajoutent  qu'outre  la  grâce  fandi- 
fiante  &  les  fecours  aduels ,  les  jufîes  ont 
befoin  d'une  grâce  pour  perfévérer  in  aclu 
1^.  jufqu'j  la  fin  ,  en  forte  que  fans  cette 
grâce  ils  ne  perfévéreroient  pas  ;  &  c'elî  ce 
<lu'on  appelle  proprement  le  don  àt  per- 
févérance y  dont  S.  Auguftin  a  dit  :  negare 
non  pojjumus  perfeverantiam  in  bono  pro- 
ficientem  ufque  in  finem ,  magnum  ejje 
Dei  munus.  Lib.  de  corrept.  Ù  grat.  cap. 
xvj.  Or  ce  don  ,  félon  les  théologiens , 
outre  les  grâces  aduelles  &  ordinaires  , 
renferme  une  grâce  de  proteftion  exté- 
rieure ,  qui  éloigne  d'eux  tout  danger, 
toute  occafion  de  chute  ,  particulièrement 
à  l'heure  de  la  mort.  2-®.  La  colleftion  de 
toutes  les  grâces  aûueiles  qui  leur  font 
néceflaires  pour  opérer  le  bien  ,  éviter  le 
mal ,  vaincre  les  tentations ,  Ùc.  3**.  Une 
providence  &  une  prédiledion  fpéciale  de 
Dieu  ,  qui  eft  la  fource  &  Ip  principe  de 
ces  deux  premiers  avantages  :  c'eft  ce  qu'en- 
feigne  expreflement  S.  Auguflin  ,  îib.  de 
corrept.  Ù  grat.  cap.  vij. 

Les  arminiens  &  les  gomariftes  font  fort 
partagés  fur  l'article  de  la  perfévérance 
finale  ,  les  derniers  foutenant  que  la  grâce 
eft  inadraiilible  &  t&talcment  ^finalement  ^ 


P  E  R  4^7 

d'où  il  s*cnfuit  quela perféve'rance  des  jufîes 
ell  non-îsulement  infaillible ,  mais  encore 
néceflaire  ;  les  arminiens  ,  au  coatraire  , 
prétendent  que  les  perfonnes  les  plus  affer- 
mies dans  la  piété  &  Q:^ns  la  foi ,  ne  font  ja- 
mais exemptes  de  chute.  Ce  point  de  leur 
doârine  fut  condamné  dans  le  fynode  de 
Dordrecht.  Fbjq  ARMINIENS '&  ArMI- 
NIANISME. 

Perfévérance  fe  prend  auffi  pour  un 
attachement  ferme  &  confiant  à  quelque 
chofe  que  ce  foit  ,  bonne  ou  mauvaife. 
On  perfévere  dans  le  vice  ou  dans  la 
vertu. 
^  PERSHORE  ,  (  Géogr.  )  ville  à  marché 
d'Angleterre  ,  dans  la  province  de  Wor- 
cd\tr ,  fur  la  rivière  d'Avon  qui  donne 
beaucoup  d'i-grémens  à  fa  fituation.  Elle 
eft  pourvue  de  deux  églifes,  &  elle  renferme 
plufieurs  fabriques  de  bas.  {  D.  G.) 

PERSIA  ,  (  Géogr.  anc.  )  ou  Perfis  , 
royaume  d'Afie,  qui  a  fait  une  grande  figuré 
dans  le  monde  ,  &  qui  a  louffert  bien  des 
révolutions.  Voye^PERSES  {empire des )^ 
(Bijl  anc.  &  mod.) 

Quelquefois  la  Parthle  ou  la  Perfie  ont 
été  des  royaumes  difFérens  ,  &  quelquefois 
le  nom  de  Perfe  a  été  commun  à  ces  deux 
états,  parce  que  tous  deux  ont  été  "de 
temps  en  temps  fujers  à  un  même  roi ,  & 
habités  par  un  même  peuple.  {D.  J.) 

PERSICAIRE,  f.  f.  {Hijl.nat.  Bot.  ) 
perjicaria  y  genre  de  plante  dont  la  fleur 
n'a  point  de  pétales  ;  elle  cft  compoféé 
de  plufieurs  étamines  qui  fortent  d'un  calice 
profondément  découpé.  Le  piftil  devient 
dans  la  fuite  une  femence  applatie  ,  de 
figure  ovoïde-pointue^  &  renfermée  dans 
une  capfule  qui  a  fervi  de  calice  à  la 
fleur.  Tournefort ,  Infi.  rei.  herb.  Voye\ 
Plante. 

Les  fleurs  font  difpofées  en  épi  aux  fom- 
mets  des  tiges  &  des  branches.  Le  calice 
efl  découpé  en  quatre  quartiers  :  quelques 
botaniftes  l'ont  pris  par  erreur  pour  une 
fleur  à  quatre  pétales.  Les  étamines  font 
au  nombre  de  fix  ;  l'ovaire  qui  eft  au  centre 
du  calice  eft  fécond ,  de  figure  obhque  ou 
circulaire  ;  il  eft  muni  d'un  piftil  découpé 
en  deux  lèvres  y  &  dentelé  :  la  fenaence 
eft  plate  &  terminée  en  forme  d'ovale  ; 
une  peau  environne  la  tige  à  l'endroit  d'où 

Nnn  1 


4^8  P  E  R 

les  feuilles  fcrrenf  ,  &  entoure  aiifli  les 
perires  brrinches  à  roppolîfe  des  feuilles. 
Toutes  les  perficaires  .Ibov  douces  ou 
acres ,  &  forment  dix-r^^-^f  efpeces  dans 
Tournçfort.  Lsl  per/yçairc  douce  commune 
€Û  fort  bi-en  nQir>n'iée  par  C.  Bauhin  , 
perjicaria  mitis  ,  maculofa  ,  6"  non  maca- 
lofa  y  en  anglois  ,  the  common  mild- 
arfmart. 

Elle  pouffe  plufieurs  tiges  rondes  à  la 
hauteur  d'un  pié  &  plus  ,  creuiès ,  rou- 
geâtres  ,  rameufès  ,  branchues  ,  noueufcs  , 
&  couvertes  d'une  peau  fort  déliée.  Ses 
feuilles  font  difpofées  alternativement , 
longues  &  pointue?  ,  plus  larges  &  plus 
amples  que  celles  de  la  perjicaire  acre  : 
elles  font  lifïes  ,  marquées  quelquefois  au 
milieu  d'une  tache  noirarre  ou  de  couleur 
plombée  ,  faire  en  forme  de  croiflant  ,  & 
quelquefois  fans  tache. 

Sqs  fleurs  naiiTent  aux  extrémités  des 
tiges  en  forme  de  gros  épis  ;  elles  font 
petites  &  attachées  à  de  longs  pédicules  ; 
chacune  de  ces  fleurs  ell  monopétale  , 
fendue  en  cinq  parties ,  à  fix  étamines 
de  couleur  ordinairement  purpurine  ,  quel- 
quefois blanchâtre.  Lorfque  les  feuilles  font 
tombées  ,  il  leur  fuccede  des  femences  ap- 
pbries ,  faites  en  ovale  pointu  ,  liffes  & 
noirâtres  ;  la  racine  efl  grêle  &  toute 
fibreufe. 

Cette  plante  a  une  faveur  un  peu  acide  ; 
elle  vient  aux  lieuix  hujnides,  fur  le  bord 
des  étangs  &  àts  toffés ,  &  fleurit  à^j 
mois  de  juillet  :  i'ts  feuilles  font  efîimées 
rafraîchifîantes. 

La  perficaire  acre  ou  brûlante ,  nommée 
vulgairement  curage  ,  perjicaria  urens  y 
feu  hydropiper ,  /.  R.  H.  509 ,  poufïe 
plufieurs  tiges  fembîables  à  celle  de  la 
perficaire  douce  :  les  feuilles  refferablent 
aux  feuilles  du  pêcher,  ce  qui  lui  a  fait 
donner  le  nom  de  perficaria;  mais  elles 
lie  font  point  tachetées ,  &  leur  faveur 
efl  prefque  auffi  brûlante  que  celle  du 
poivre*.  Les  fleurs  font  un  peu  plus  pâles 
^ue  celles  de  Fefpece  précédente  ;  mais 
elles  produifentles  mêmes  femences-  Toute 
îa  plante  efl  d'un  goût  poivré  ,  acre  & 
ipordicant  ;  elle  efî  annuelle. 

On  trouvera  dans  les  mémoires  de  l'aca- 
4emk  des  fjienccs  ,  année  170^  ^  la  4f,i- 


P  E  R. 

crîptlon  donnée  par  Tournefort  de  la 
pcrfcaiTe  du  levant ,  qu'il  norrme  perfî- 
caria  oricntalis  y  nicotianas  folio  y  calice 
forum  purpureo  ;  c'efl  la  plus  grande  & 
la  plus  belle  t'îiicct  de  perficaire.  {D  J.) 
PeP.SICAIRE,  {Mat.  méd.)  perficaire 
douce ,  tachée  ou  ordinaire. 

Tournetort  afîiire  dans  les  mémoires  de 
l'académie  royale  des  fciences ,  ann.  l'JO'^y 
que  cerre  plante  eil  un  des  plus  grands 
vulnéraires  qu'il  connoiflé  ,  &  que  la  dé-^ 
coaion  dans  du  vin  arrête  la  gangrené 
d'une  manière  furprenante.  Cette  vertu  ,. 
qui  fcroit  bien  précieufe  fi  elle  étoit 
réelle  ,  devroit  erre  reconnue  fur  une  auili. 
grande  autorité  que  celle  de  Tournefort  y. 
s'il  y  avoit  en  médecine  des  autorités  qui 
puflént  tenir  lieu  de  l'obfervation  répétée 
&:  confiante.  La  perficaire  n'efl  point  em-. 
ployée  dans  les  gangrenés ,  malgré  cet  éloge 
de  Tournefort,  peut-être  par  une  négli- 
gence blâmable  des  médecins,  peut-être 
aufli  parce  qu'on  a  éprouve  que  fbn  inef^ 
ficacité ,  que  fcs  qualités  extérieures  ren- 
dent très-vraifemblable ,  étoit  aufli  très- 
réelle. 

La  tifane  de  cette  plante  efl  aufîi 
recommandée  dans  la  dyfl'enterie  &  dans 
les  maladies  de  la  peau. 

PeRSICAIRE  BRULANTE  ,  (  Mat^ 
méd.  )  piment  ou  poivre  d'eau  ,   curage. 

Cette  plante  efl  regardée  comme  très- 
propre  contre  l'hydropifie,  la  jaunifîe  &- 
les  obflruOions  du  bas-ventre.  On  peut 
donner  fes  feuilles  à  la  dofe  d'une  poignc'e- 
en  décoûion  dans  l'eau  fimple  ou  dans 
un  bouillon  ;  mais  fa  faveur  acre  &  brù-. 
lanre  empêche  qu'on  ne  l'emploie  commu- 
nément pour  l'ulage  intérieur  ;  fon  appli- 
cation extérieure  efl  plus  commune ,  du 
moins  plus  praticable  ;  car  cette  plante 
efl  en  tout  afTez  peu  ufirée^  Ses  feuilles 
étant  écrafées  &  appliquées  fur  les  parties 
actuellement  affligées  de  la  goutte  ,  paflient 
pour  en  foulager  les  douleurs  ;  on  dit  la 
même  chofé  d'une  petite  tente  formée  avec 
(ts  feuilles  &  introduite  dans  le  creux  d'une 
dent  qui  caufe  de  la  douleur.  On  la  vante 
encore  comme  rongeant  les  chairs  baveu- 
Çts  des  vieux  ulcères  ,  les  dét^rgeant  &  les 
difpofant  à  la  cicatrice ,  comme  dilîîi)anv  les 
enflures  dçs  jambes ,  Ùc.,^ 


P  E  R 

Il  e(l  à  peine  utile  de  rapporter  que  la 
perjîcaire  brûlante  a  paflfé  pour  exercer  Tes 
vertus  fur  les  parties  internes ,  étant 
-portée  dans  les  fouliers  ;  qu'étant  appliquée 
fur  la  joue  dans  la  douleur  àes  dents ,  ou 
fur  les  plaies  &  fur  les  ulcères,  tous  ces 
maux  difparoiflcnt ,  àhs  qu'elle  a  été  dé- 
truite par  la  putréfadion  on  la  combui^ 
tion.  Quoique  ce  foient  des  médecins  de 
réputation  qui  aient  imaginé  ou  adopté 
ces  pauvretés ,  ce  n'cft  qu'qne  anecdote 
toute  commune  de  la  crédulité  ou  de  la 
cliarlatanerie  médicale.  (  b  ) 

PERSICVM  MARE  y  {Géogr.  anc.) 
La  mer  perjique  &  la  mer  rouge  font 
deux  noms  lynonymes  dans  Hérodote  , 
/.  IV ,  /2.  5^  ,  &  dans  Strabon  ,  /.  VI. 
La  mer  rouge  fe  prend  néanmoins  dans 
un  fcns  bien  plus  étendu  que  la  mer  per- 
jique. On  a  appelle  autrefois  mer  rouge 
ou  mer  Erythrée  ,  cette  partie  de  l'océan 
indien  qui  mouille  l'Arabie  heureiife  au 
midi ,  &  qui  forme  deux  grands  golfes  , 
l'un  à  l'orient  de  l'Arabie  appelle  ,  le  golfe 
perjique  ,  &  l'autre  à  l'occident  nommé  le 
golfe  arabique  y  qui  retient  encore  àpréfent 
le  nom  de  mer  rouge.    {  D.J.) 

PERSIC  US  S  IN  US  ,  (  Géog.  anc.  ) 
grand  golfe  d'Afie  entre  la  Perfe  &  l'Ara- 
bie ,  &  qui  communique  à  l'océan  indien. 
Strabon  ,  liv.  xij  ,  pag.  J^ ^  y  dit  que  le 
golfe  per/ique  eft  aufii  appelle  la  mer per- 
Jrque  ,  &  qu'on  lui  donnoit  encore  le  nom 
ce  mer  rouge  y  parce  qu'on  entendoit  par 
mer  rouge  ,  non  fculctïient  la  partie  de 
l'océan  indien  ,  &.  qui  mouille  l'Arabie  au 
midi  ,  mais  encore  le  goUe  perfique  & 
le  golfe  arabique.  Les  Perfes,  félon  Pline  , 
//>.  VI  y  chap.  xxi'j  y  habitèrent  tou- 
jours le  bord  de  la  mer  rouge  ;  ce 
qui  fit  qu'on  donna  le  nom  de  golfe 
perfique  à  cette  partiç  de  la  mer  rouge 
qui  ié^aroit  la  Perfe  de  l'Arabie.  Piutarque 
in  Lucullo  appelle  ce  golfe  mer  babylo- 
nienne. {D.J.) 

PERSIENNE  (  Soie  ) ,  f.  f.  (  Manuf. 
en  foie.  )  hn  perfienne  ne  diffère  du  double 
fond  qu'en  ce  qu'au  lieu  de  45  portées  de 
poil  ,  elle  n'en  contient  que  22,  &  demie  ; 
&  au  lieu  de  quatre  lifles  pour  lever  & 
quatre  pour  rabattre ,  elle  n'en  contient 
jç^ue  deux  poux  l'un  &  deux  pour  l'autre. 


P  E  R  4<^^ 

Le  travail   du  refle    efl     le    même    qu'au 
double   fond. 

PERSIENNES,  f.  f.  (  Grammaire  & 
menuif.  )  jaloufies  ou  chaiiis  de  bois  qui 
s'ouvrent  en  dehors  comme  àts  contre- 
vents, &  fur  lefquels  font  affemblées  à  égale 
diflance  des  tringles  de  bois  en  abat-jour 
qui  font  le  même  eifet  que  les  flores  ,  rom- 
pent la  lumière  &  donnent  entrée  à  l'air 
dans  un  appartement. 

Persiennes  ,  fortes  de  grilles  de  bois 
que  l'on  met  aux  fenêtres  de  l'étendoir  des 
manufactures  de  papier  ;  elles  font  com- 
pofées  d'une  grille  dormante,  tant  pleine 
que  vulde  ,  c'ell-à-dire ,  dont  ka  barreaux 
ont  autant  de  largeur  que  l'eipace  qu'ils 
lailîent  entr'eux ,  &  d'un  autre  mobile 
qui  peut  glitfer  dans  les  couliiîes  pratiquées 
en  haut  &  en  bus  de  la  fenêtre.  Lorfque 
la  perfienne  efl  ouverte  ,  les  barreaux  de 
la  grille  mobile  font  vis-à-vis  de  ceux  de 

0000 
i  autre  en  cette  forte  ,  ÔÔOO  i  ^  ^o^f- 

qu'elle  efl  fermée  ,  ils  répondent  vis-à-vis 
des   intervalles  que  les    premiers    lailîenr 

0000 
entreux    en    cette    manière  ,      OO  "^O 

* 
On  efl  maître  d'ouvrir  plus  ou  moins 
cette  grille  ,  félon  que  l^s  difFérens  vents 
qui  foufllent  l'exigent  ;  c'elt  une  des  chofcs 
qui  contribuent  le  plus  à  la  blancheur  du 
papier  ,  que  de  le   faire  fécher  à    propos. 

PERSIL,  apium  y  f  m.  (  Hifl.  natur, 
botan.  )  genre  de  plante  à  fleur  en  rofe 
&  en  ombelle  ,  compofée  de  pLfieurs 
pétales  égaux  dilpofés  en  rond ,  &:  lou:e- 
nus  par  un  cahce  qui  devient  dans  la  iliite 
un  fruit  compofé  de  deux  femences  fort 
menues  ,  qui  font  relevées  en  bolTe,  fîrices 
d'un  côté,  &:  applaties  de  l'autre.  Ajoutez. 
aux  caraâeres  de  ce  genre  ,  que  les  feuilles 
font  divifées  en  ailes ,  ou  qu'elles  naifîènt 
fur  une  côte  branchue.  Tournefort ,  //?/?» 
rei  herb.  Voyc^  PLANTE. 

Sa  racine  efl  fimple ,  longue  ,  groflê 
comme  le  doigt ,  garnie  de  quelques  fibres 
blanchâtres  ,  s'enfonçant  profondément  ère 
terre,  &  bonne  à  manger,  cWc  jette- des 
tiges  à  la  hauteur  de  trois  ou  q^uaire  pic«j> 


470  P  E  F. 

de  la  groffeur  d'un  pouce  ,  rondes ,  can- 
nelées ,  nouées  ,  creul'es  &  rameufes.  Ses 
feuilles  font  compofées  d'autres  feuilles 
verres  ,  découpées  ,  attachées  à  de  longues 
queues.  Ses  fleurs  naifTent  aux  fommets 
des  tiges  &  des  rameaux  ,  en  ombelles  ; 
chaque  fleur  eft  formée  de  cinq  pétales 
difpofés  en  rofe  :  à  ces  fleurs  iuccedent 
des  femences  jointes  deux  à  deux  ,  ^me- 
nues, cannelées,  grifes ,  arrondies  furie 
dos ,  d'un  goût  un  peu  acre.  On  cultive 
beaucoup  cette  plante  dans  les  jardins 
potagers  ;  elle  poufle  fa  tige  à  la  (èconde 
année,  fleurit  en- juin  &  juillet  ,&  amené 
fes  femences  à  maturité  en  août.  L'ufage 
de  cette  plante  remonte  à  l'antiquité  la 
plus  reculée  ,  &  elle-  a  été  vantée  dans 
tous  les  temps  comme  un  excellent  légume. 

"Ltperfil  contient  beaucoup  de  fel  acre  , 
&  une  médiocre  quantité  d'huile  exaltée; 
c'eft  apparemment  par  le  principe  de  ce 
i'el  acre  ,  que  toutes  les  parties  de  cette 
plante  font  apéritives  ,  propres  à  défobf^ 
truer ,  à  provoquer  les  urines  &  les  règles. 
Son  ufage  efî  très-commun  dans  la  cuifine 
&  dans  la  pharmacie  ;  fa  racine  fe  met 
dans  le  potage  ,  &  les  feuilles  ,  par  leur 
faveur  agréable  &  aromatique ,  relèvent 
fjufieurs  fortes  d'alimens  :  cette  même  ra- 
cine s'emploie  dans  les  tifanes  &  apozemes 
apéritifs.  La  graine  efl  une  des  quatre  fe- 
mences chaudes  mineures  :  elle  pafîe  pour 
atténuante   &  diurétique. 

Enfin  cette  plante  étoit  employée  dans 
l'antiquité  la  plus  reculée  à  divers  autres 
égards  :  on  la  femoit  fur  les  tombeaux  , 
&  on  en  faifoit  des  couronnes  dont  on  fe 
paroit  à  table.  Dans  Virgile  ,  le  berger 
Linus  efl  couronné  de  cette  plante  ,  apio 
ornatus  amaro.  "  Mon  Jardin  y  dit  Horace 
py  à  Philis  ,  vous  fournira  de  l'ache  pour 
»  vous  couronner  ,  &  du  lierre  avec  lequel 
»  vous  entendez  à  rroUéi  vos  cheveux  avec 
i>  tant  d§  grâce.  » 

E(î  in  horto 
Philli  ^  neclendis  apium  coronis  ,* 

Eflhedercs  vis 
Muîta  ^  quâ  crines  religatafulges. 

Les  modernes  cultivent  dans  les  jardins 
^eux  autres  perfits  ,•  l'ua  n'efl  qu'une  va- 


P  E  R 

ricté  de  celui  dont  on  vient  de  parler ,  &' 
qui  s'en  didingue  feulement  par  fes  feuilles 
frifées  &  crêpées  :  on  le  nomme  perjilfrifé ; 
l'autre  s'élève  beaucoup  plus  haut  ,  fes 
feuilles  font  plus  grandes ,  &  les  racines 
vivaces  bonnes  à  manger  ,  comme  celles 
du  céleri  ;  on  appelle  cette  elpece  gros 
perjil  y  c'efl  ï apium  hortenfe  latifolium  de 
Tournefort.  {D.  J.) 

Persil  ,  (  Diète  &  mat.  méd,  )  perfil 
commun  ordinaire  des  jardins  ,  ou  domef- 
tique.  Tout  le  monde  connoît  l'ufage  dié- 
tétique de  la  racine  &  fur-tout  des  feuilles 
de  perfil.  La  racine  fe  mange  dans  les 
potages  ,  &  leur  donne  un  goût  relevé 
&  une  odeur  fort  agréable.  Les  feuilles, 
foit  entières  ,  foit  hachées ,  crues  &  cuites, 
fourniffent  un  affaifocnement  fort  commua 
aux  viandes  &  aux  poiffons.  Cette  racine 
&  ces  feuilles  employées  dans  les  alimens  , 
palî'ent  avec  raifon  pour  échauffantes  ; 
mais  cette  qualité  devient  à -peu -près 
indifférente  par  l'habitude  à  tous  les  fujets 
lains. 

On  emploie  à  titre  de  remède  dans  l'ufage 
intérieur,  la  racine  &  la  femence  dcperJiL 
La  racine  entre  dans  les  tifanes  ,  les  apo- 
zemes &  les  bouillons  apéritifs  deflinés  à 
purifier  le  fang.  On  la  croit  diaphorétique 
&  portant  à  la  peau  ;  c'efl  à  ce  dernier 
titre  qu'on  l'emploie  fous  la  forme  de  tifane 
pour  aider  l'éruption  de  la  petite  vérole 
&  delà  rougeole. 

La  femence  de  perfil  efl  une  àes  quatre 
femences  chaudes  mineures.  Voye-{  SE- 
MENCES CHAUDES. 

L'application  extérieure  des  feuilles  de 
perfil  pilées  avec  du  lard  ou  du  fain-doux  , 
ou  bien  arrofées  avec  de  l'eau-de-vie  , 
efl  un  remède  populaire  affez  efficace  contre 
les  contufions,  &  pour  diffiper  le  lait  des 
mamelles. 

La  racine  de  perfil  entre  dans  l'eau  gé- 
nérale ,  dans  le  firop  de  guimauve ,  celui 
des  cinq  racines  &  celui  d'armoife  ;  dans 
\t philonium  romanum  y  la  béncdide  laxa- 
tive ,   l'hiere  de   coloquinte ,  &c.  {b) 

Persil  de  Macédoine  ,  (Botan-.) 
C'eft  une  autre  fameufe  efpece  d'ache , 
nommée  en  latin  comme  en  françois  , 
apium  macedonicum  y  I.  R.  H.  '^o £.  \\ 
diffère  feulement  du  perfil  ordinaire  ,  en 


P  E  R     . 

ce  que  Tes  feuilles  (ont  plus  amples  &  un 
peu  plus  découpées ,  &  que  là  femence 
cft  plus  menue  ,  plus  aromatique.  On  le 
cultive  dans  nos  jardins  ,  où  il  aime  un 
terrain  lablonneux  &  pierreux.  Sa  femence 
efl  employée  dans  la  thériaque.  {  D.  J.) 

Persil  de  Macédoine  ,  (  Mat. 
méd.  )  Il  n'y  a  que  la  femence  de  cecte 
plante  qui  foit  employée  en  médecine  ,  & 
même  dans  quelques  compofitions  offici- 
nales feulement  ;  par  exemple  dans  le 
mithridate  ,  la  thériaque  ,  les  trochilques 
de  myrrhe  de  la  pharmacopée  de  Paris. 

On  croit  que  cette  plante  efl  le  vrai 
pcrjil  des  anciens ,  celui  dont  ils  faifoient 
beaucoup  de  cas ,  fur- tout  à  caufe  de  Ion 
ulàge  pour  le  mithridate  &  la  thériaque  , 
&  qu'ils  tiroient  autant  qu'ils  pouvoient  de 
Macédoine  ,  comme   le  meilleur,  {b) 

Persil  de  marais  ,  (  Botanique.  ) 
C'eft  le  genre  de  plante  que  Tournefort 
a  nommé  thyjfdinum.  Voye\  Thysse- 
LINUM  y    botanique. 

Persil  de  montagne  ,  oreofeUnum , 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe  &  en 
ombelle  ,  compofée  de  piufieurs  pétales 
dilpofés  en  rond  &  foutenus  par  un  calice 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  com- 
pofé  de  deux  graines  ovales,  applaties  , 
amples  ,  ftriées  &  frangées  ,  qui  pour 
l'ordinaire  fè  dépouillent  aifëment  de  leur 
enveloppe.  Ajoutez  aux  caraderes  de  ce 
genre  ,  que  les  feuilles  font  ailées  &  gran- 
des. Tournefort ,  Infl.  rei  herb.  Voye:^ 
Plante. 

PERSILLADE ,  f.  f.  (  Cuifme.  )  affai- 
fonnement  avec  du  perfil  entier  ou  haché. 
On  fait  dss  perjillades  de  bœuf. 

PERSILLÉ,  adj.  {Gramm.)  Il  fe  dit 
d'un  fromage  dont  l'intérieur  efl  parfemé 
de  points  ou   taches  d'un   verd   de  perfil. 

PERSIQUE  (  GOLFE  )  ,  (  Géog.mod.) 
Voye\  Golfe  persique.  Ce  golfe  , 
autrement  nommé  golfe  de  Balfora  ^  fort 
de  l'océan  indien ,  auprès  de  l'île  d'Ormus  ; 
il  s'étend  du  fud-efl  au  nord-ouefl  ,  entre 
la  Perfe  à  l'efl  &  l'Arabie  à  i'ouefl ,  jufqu'à 
l'ancienne  Chaldée ,  où  il  reçoit  l'Euphrate 
&  le  Tige  ,  qui  joignent  leurs  lits  un  peu 
avant  leur  embouchure  ;  mais  il  ne  reçoit 
guère    d'autres  rivières  confîdérables. 

hts  femmes  des  îles  du   golfe  perfique 


P  E  R  47, 

font,  au  rapport  des  voyageurs  ,  brunes, 
jaunes  &  laides  ;  leur  vifage  efl  large  , 
leurs  yeux  font  petits  :  elles  ont  des  modes 
&  des  coutumes  femblables  à  celles  des 
femmes  indiennes ,  comme  celle  de  fe  pafTer 
dans  le  cartilage  du  nez  des  anneaux  ,  &  une 
épingle  d'or  au  travers  de  la  peau  du  nez  fous 
les  yeux.  Il  efl  vrai  que  cet  ufage  defe  percer 
le  nez  pour  porter  des  bagues  &  d'autres 
joyaux  ,  s'efl-  étendu  fort  loin  ,  car  il  y  a 
beaucoup  de  femmes  chez  les  Arabes  qui 
ont  une  narine  percée  pour  y  palîer  un 
grand  anneau  ;  &  c'efl  une  galanterie  chez 
ces  peuples  de  baifer  leurs  femmes  à  travers 
ce  anneaux ,  qui  font  quelquefois  afîèaf 
grands  pour  enfermer  la  bouche  dans  leur 
rondeur.  {D.  J.) 

Persique  (Diane)  ,  (  Mythologie 

ajjatique.  )  La  Diane  perfique  étoit  la  divi- 
nité que  les  Perfans  nommoient  Andetis  , 
&  qui  avoit  des  temples  dans  toute-  la 
Cappadoce.  Il  n'étoit  pas  permis  de  laifîèc 
éteindre  le  feu  facré  qui  brûloit  fur  (qs 
autels.  Le  temple  principal  de  la  Diant 
perfique  étoit  à  Zéla.  {  D.  J.) 

.  Persique  {ok-dk^)  ^  {Architecf.) 
Les  architectes  car.adérifent  ainfi  un  ordre 
qui  a  des  figures  d'efclaves  perfans  au  lieue 
de  colonnes ,  pour  porter  un  entablement. 
Voici  l'origine  de  cet  ordre.  Paufanias 
ayant  défait  les  Perfans  ,  les  Lacédémo- 
nicns  ,  pourfignaler  leur  vidoirc  ,  érigèrent 
des  trophées  avec  les  armes  de  leurs  enne-r 
mis  ,  &  ils  y  repréfenterent  des  Perfans  fous 
la  figure  d'efclaves  qui  foutenoient  leurs 
portiques  ,  leurs  arches  ,  leurs  cloifons,  Ùc. 
(D.J.) 

PERSISTER  ,  (  Gramm.  )  C'efl 
demeurer  ferme  ,  garder  conflamment  le 
même  état  d'ame ,  d'efprit  &  de  corps. 
On  perjifie  dans  le  repos ,  dans  le  mou- 
vement ,  dans  la  foi  ,  dans  l'incréduhté  , 
dans  le  vice ,  dans  la  vertu ,  dans  fon 
amitié ,  dans  {qs  haines ,  dans  fon  fénti- 
raent ,  &  même  dans  fon  incertitude  ; 
quoique  le  mot  de  perfifier  marque  de  la 
confiance  ;  que  celui  ^^incertitude  marque 
de  la  vacillation  ,  dans  ion  refus ,  dans 
(qs  bontés,  dans  fa  dépolition  ,  à  affirmer, 
à  nier  ,    Ùc. 

PERSONNAGE ,  f.  m.  (  Gramm:^  )  Il 
efl  fynonyme  à  homme  y    mais    toujours 


471  P   E  R 

avec  une  idée  accefToire  favorahU  ou  dé- 
favorable ,  énoncée  ou  fous-entendue. 
C'eft  un  perfonnage  de  l'anriquire.  Il  le 
croit  un  perfonnage.  C'eft  un  fot  perfon- 
nage. Avez-vous  vu  le  perfonnage  ? 

Perfonnage 'Çç.  dit  encore  du  rôle  qu'on 
fait  fur  la  fcene  ou  dans  le  monde.  Il  fit 
dans  cette  occafion  un  afTez  mauvais  per- 
fonnage. Le  principal  perfonnage  fut  mal 
joué  dans  cette  tragédie.  Il  eft  prefque 
impofïible  à  un  méchant  de  faire  long- 
temps fans  fe  démentir  le  rôle  ou  le  per- 
fonnage d'homme  de  bien  :  il  vieat  un 
moment  critique  qui  levé  le  malque  & 
montre  la  choie.  Le  mafque  étoit  beau  , 
mais  defîbus  la  choie  étoit  hideufe. 

Personnage  allégorique,  (  Poéfie.  ) 

C'eft  tout  être  inanimé  que  la  poéiie  per- 
fonnifie.  Les  perfonnages  allégoriques  que 
la  poéfîe  emploie,  font  de  deux  elpeces  ; 
il  y  en  a  de  parfaits  ,  &  d'autres  que 
nous  appelions  imparfaits. 

Les  perfonnages  parfaits  font  ceux  que 
la  poélie  crée  entièrement ,  auxquels  elle 
donne  un  corps  &  une  ame  ,  &  qu'elle 
rend  capables  de  foutes  les  adions  &  de 
tous  les  fentimens  des  hommes.  C'eft  ainli 
que  les  poètes  ont  perfonnifîé  dans  leurs 
vers  la  viûoire  ,  la  làgeife  ,  la  gloire  ,  en 
un  mot  tout  ce  que  les  peintres  ont  per- 
fonnifîé dans  leurs  tableaux. 

Les  perfonnages  allégoriques  imparfaits  , 
font  les  êtres  qui  exiftent  déjà  réellement , 
auxquels  la  poéfie  donne  la  faculté  de 
penler  &  de  parler  qu'ils  n'ont  pas ,  mais 
fans  leur  prêter  une  exiftence  parfaite , 
&  fans  leur  donner  un  être  tel  que  le 
nôtre.  Ainfi  la  poélie  fait  des  perfonnages 
allégoriques  imparfaits ,  quand  elle  prête 
des  fentimens  aux  bois  ,  aux  fleuves  ,  en 
un  mot  quand  elle  fait  parler  &  penfer 
tous  les  êtres  inanimés ,  ou  quand  élevant 
les  animaux  au  deffus  de  leur  fphere  , 
elle  leur  prête  plus  de  raifon  qu'ils  n'en 
ont ,  &  la  voix  articulée  qui  leur  manque. 

Ces  derniers  perfonnages  allégoriques 
font  le  plus  grand  ornement  de  la  poéfie , 
qui  n'eft  jamais  fi  pompeufe  que  lorfqu'eUc 
anime  &  qu'elle  fait  parler  toute  la  nature  : 
c'eft  en  quoi  confifte  la  beauté  du  pleaume 
In  exitu  Ifraél  de  Egypto  ,  &  de  quelques 
autres.  Mais  Qts  perfonnages  imparfaits  ne 


P  E  R 

font  point  propres  à  jouef  un  réîe   à^tCi 

l'adion  d'un  poëme ,  à  moins  que  cettd 
adion  ne  loit  celle  d'un  apologue.  Ils  peuvent 
feulement  ,  comme  fpedateurs  ,  prendre 
part  aux  adions  des  autres  perfonnages  y 
ainfi  que  les  chœurs  prenoient  part  aux 
tragédies  <^ts  anciens. 

hcs  perfonnages  allégoriques  ne  doivené 
pas  jouer  un  des  rôles  principaux  d'une 
adion  ,  mais  ils  y  peuvent  feulement  in- 
tervenir y  fbit  comme  des  attributs  dey 
perfonnages  principaux ,  foit  pour  exprimer 
plus  noblement ,  par  le  fecours  de  la  fidion  , 
ce  qui  paroîtroit  trivial  s'il  étoit  dit  fim- 
plement.  Voilà  pourquoi  Virgile  perfonnifie 
la  renommée  dans  V Enéide. 

Quant  aux  adions  allégoriques  ,  elles 
n'entrent  guère  avec  fuccès  que  dans  les 
fables  &  autres  ouvrages  deftinés  à  inftruire 
l'effjrif  en  le  divertiflant.  Les  converfations 
que  les  fables  fuppofent  entre  les  animaux 
font  àes  adions  allégoriques  ;  mais  ces^ 
adions  allégoriques  ne  font  point  un  fujet 
propre  pour  le  poëme  dramatique ,  dont 
îe  but  eft  de  nous  toucher  par  l'imitation 
des  pafïions  humaines  :  ce  piédeftal  ,  dit 
l'abbé  Dubos  ,  n'eft  point  fait  pour  la  ftatue.' 
{D.J.) 

Personnage  allégorique ,  (  Peint.  ) 

Les  perfonnages  allégoriques  font  des  êtres 
qui  n'cxiftent  point ,  mais  que  l'imaginatioti 
dts  peintres  a  conçus  ,  &  qu'elle  a  enfantés 
en  leur  donnant  un  nom  ,  un  corps  &  des 
attributs.  C'eft  ainfi  que  les  peintres  ont 
perfonnifie  les  vertus ,  les  vices ,  les  royau- 
mes, les  provinces  ,  les  villes  ,  les  failons, 
les  pallions  ,  les  vents  &  les  fieuves.  La 
France  reprél entée  fous  une  figure  de 
femme ,  le  Tibre  fous  une  figure  d'homme 
couché,  &  la  calomnie  fous  une  figure 
de  fatyre ,  font  des  perfonnages  allégo^ 
riques. 

Ces  perfonnages  allégoriques  font  de 
deux  elpeces  ;  les  uns  font  nés  depuis  plu- 
fieurs  années  ;  depuis  long-temps  ils  ont 
fait  fortune.  Ils  fc  font  montrés  fur  tant 
de  théâtres ,  que  tout  homme  un  peu  lettré 
les  reconnoît  d'abord  à  leurs  attributs.  La 
France  repréfentée  par  une  femme ,  la 
couronne  fermée  en  itXQ  ,  le  fceptre  à  la 
main  ,  &  couverte  d'un  manteau  bleu  femé- 
de  flcurs-de-lis  d'or  ;  le  Tjfcre  reprélenté 

paf 


PEU 

par  une  figure  d'homme  couché  ,  ayant  à  , 
ies  pies  une  louve  qui  allaite  deux  enfans , 
font  des  perfonnages  allégoriques  inventés 
depuis  long-temps ,  &  que  le  monde  re- 
connoît  pour  ce  qu'ils  font  ^  ils  ©nt  acquis , 
pour  ainii  dire  ,  le  droit  de  bourgeoifie 
par  le  genre  humain. 

Les  perfonnages  allégoriques  modernes 
font  ceux  que  les  peintres  ont  inventés 
depuis  peu  ,  &  qu'ils  inventent  encore 
pour  exprimer  leurs  ^idées  ^  ils  les  caraâ:é- 
riiènt  à  leur  mode  ,  &  ils  leur  donnent 
les  attributs  qu'ils  croient  \es  plus  propres 
à  les  faire  reconnoître  :  ce  font  des  chiffres 
dont  perfonne  n'a  îa  clef,  que  peu  de  gens 
cherchent ,  &  qu'on  méprife.  Ainfi  je  ne 
parlerai  que  des  perfonnages  allégoriques 
de  la  première  elpece ,  c'eft -à-dire  ,  àç,s 
anciens ,  &  je  remarquerai  d'abord  que  les 
peintres  qui  pqfTent  aujourd'hui  pour  avoir 
été  les  plus  grands  poètes  en  peinture  , 
ne  font  pas  ceux  qui  ont  mis  au  monde 
le  plus  grand  nombre  de  perfonnages  allé- 
goriques. Il  efl  vrai  que  Raphaël  en  a 
produit  de  cette  efpece  j  mais  ce  peintre 
fi  fage  ne  les  emploie  que  dans  les  orne- 
ir.ens  qui  fervent  de  bordure  ou  de  fbutien 
à  fes  tableaux  dans  l'appartement  de  la 
fignature.  Il  a  même  pris  la  précaution 
d'écrire  le  nom  de  ces  perfonnages  allé- 
goriques fous  leur  figure.      ' 

Le  fentiment  des  gens  habiles  eft  que 
les  perfonnages  allégoriques  n'y  doivent 
ctres  introduits  qu'avec  une  grande  difcré- 
tion  ,  puifque  zt^  compofitions  font  def- 
tinées  à  repréfènter  un  événement  arrivé 
réellement ,  &  dépeint  comme  on  croit  qu'il 
eft  arrivé  3  ils  n'y  doivent  même  entrer , 
dans  les  occafions  oii  l'on  peut  les  intro- 
duire ,  que  comme  l'écu  des  armes  a 
les  attributs  des  perfonnages  principaux  , 
qui  font  des  perfonnages  hiftoriques.  C'eft 
ainfi  qu'Harpocrate  ,  le  dieu  du  filence  , 
ou  Minerve ,  peuvent  être  placés  à  côté 
d'un  prince,  pour  défîgner  fa  difcrétion 
&  fa  prudence.  Je  ne  penfe  pas  que  \^% 
perfonnages  allégoriques  y  doivent  être 
eux  -  mêmes  des  aéîeurs  principaux  :  des 
perfonnages  que  nous  connoiifons  pour  des 
fantômes  imaginés  à  plaifir ,  à  qui  nous 
ne  faurions  prêter  des  paflions  pareilles 
aux  nôtres  ,  ne  peuvent  pas  nous  intéreffer 
Tom<  XXr, 


P  E  R.  475 

beaucoup  a  ce  qui  leur  arrive.  D'ailleurs  , 
la  vraifemblance  ne  peut  être  obfervée  trop 
exactement  en  peinture  ;  or  des  perfonnages 
allégoriques  employés  comme  aéteurs  dans 
une  compofition  hiftorique  ,  doivent  ea 
altérer  la  vraifemblance.  Dubos  ,  referions 
fur  la  peinture.  (  D.    J.) 

PERSONNALISER,  v.  aa.{Gramm.\ 
C'eft  donner  un  corps  ,  une  ame ,  du 
mouvement,  de  l'aftion  ,  des  difcours  à 
des  êtres  métaphyfiques  qui  n'exiflent  que 
dans  l'entendement ,  ou  qui  font  inanimés 
dans  la  nature.  C'eft  la  reflburce  des 
poètes  &  des  peintres.  On  dit  auiîi  perfon- 
nifier.  Je  permets  plus  volontiers  cette 
machine  aux  poètes  qu'aux  peintres.  Les 
êtres  perfonnifiés  répandent  de  l'obfourité 
dans  les  compofitions  de  la  peinture. 

PERSONNALITÉ,  f.  f.  {Gramm.^i 
terme  dogmatique  j  ce  qui  conftitue  un 
individu  dans   la  qualité  de  perfonne. 

Personnalité  ,  f.  f.  {Gramm.  ) 
mots  injurieux  ,  adreffés  à  la  perfonne 
même  5  réflexions  fur  des  défauts  qui  font 
en  elle. 

Personnalité  ,  f.  f.  (  Métaphyfq.  ) 
La  queftion  de  la  perfonnalité  eft  une  de 
ces  matières  difficiles  &  même  myftérieu- 
fes ,  for  lefquelles  on  difputera  tant  qu'il  y 
aura  des  hommes.  Rien  n'eft  plus  près  de 
nous  que  nous  -  mêmes  ;  comment  donc 
arrive- 1  il  que  ce  moi,  ce  qui  conftitue 
mon  effence  perfonnelle  ,  me  foit  fi  peu 
connu?  Tout  ce  que  l'on  peut  recueillir 
de  la  plupart  des  métaphyficiens  qui  ont 
efl'ayé  de  développer  la  notion  de  la  per- 
fonnalité ,  fe  réduit  à  déduire  cette  notion 
de  la  mémoire.  Nous  nous  rappelions  que 
nous  avons  exifté  dans  un  certain  temps 
avec  certaines  idées  j  nous  fentons  que  le 
moi  qui  exiftoit  alors  ,  eft  le  moi  qui  penfo 
aduellement^  &  ce  fentiment  conftitue 
la  perfonnalité.  Le  moi  fe  confèrve  donc 
dans  les  idées  que  la  mémoire  retient ,  & 
par  lefquelles  l'ame  fent  que  c'eft  elle-même 
qui  a  déjà  exifté  de  telle  manière  qu'elle  exiP 
te  aftuellement ,  ou  avec  des  modifications 
différentes  ^  de  forte  que  la  perte  totale 
de  la  mémoire  emporteroit  la  deftrudtion 
de  la  perfonnalité.  Il  s'enfuit  encore  que 
fi  les  animaux  ont  de  la  mémoire  ,  il  y  a 
'  pour  €ux  un  7330/ ,  une  perfonnalité  dans 

Ooo 


474  P  E  R 

le  même  degré  \  auffî  quelques  philollbphes 
n'ont  pas  fait  difficulté  de  leur  accorder  une 
forte  de  perfonnalité.  L'auteur  de  l'EjJai 
analytique  fuF-l'ame  (  M.  Bonnet  ) ,  diftin- 
gue  pour  cela  deux  fortes  de  perfonnali-^ 
tés  ,  afin  d'en  pouvoir  donner  une  aux 
animaux.  La  première  &  la  plus  fimple 
eft,  félon  lui,  celle  qui  réfulte delà  liaifon 
que  la  réminifcence  met  entre  les  fenfations 
antécédentes  &  les  fenfations  fubféquentes, 
en  vertu  de  laquelle  l'ame  a  le  fentiment 
des  changemens  d'état  par  lefquels  elle  paife. 
J-^a  féconde  efpcce  de  perfonnalité  eft  cette 
perfonnalité  réfléchie ,  qui  confitte  dans  le 
retour  de  l'ame  fur  elle-même  ,  par  lequel 
féparant  en  quelque  forte  de  foi  fes  propres 
fenfations ,  elle  réfléchit  que  c'efl  elle  qui 
Jes  éprouve  ou  qui  les  a  éprouvées.  L'être , 
continue  le  même  philofophe  ,  qui  poifede 
une  telle  perfonnalité ,  appelle  moi  ce  qui 
eft  en  lui  qui  fent  ;  &  ce  moi  s'incorpo- 
rant ,  pour  ainfî  dire ,  à  toutes  \t%  fenfa- 
tions ,  fe  \ç.%  approprie  toutes ,  &  n'en  com- 
pofè  qu'une  même  exiftence.  Cette  per- 
fonnalité réfléchie  eft  ce  qui  diftingue 
l'homme  à  cet  égard  des  brutes ,  à  qui  la 
première  eipece  de  perfonnalité.  fembîe 
devoir  être  accordée  dans  les  principes 
de  cet  auteur.  D'autres  lui  contefteront  ce 
point  \  en  eftct ,  eft-il  nécefl!aire  que  la 
liaifon  des  fenfations  antécédentes  ,  avec 
les  fenfations  fubféquentes ,  foit  accom- 
pagnée d'un  fentiment  qui  notifie  à  l'être 
ientant ,  les  changemens  par  lefquels  il 
paffe  ?  Ils  diront  donc  que  le  cerveau  des 
animaux  retient  tout  aufîi  fortement  que 
le  nôtre,  peut-être  plus  fortement,  les 
impreffions  des  objets  \,  que  les  idées  ou 
les  fenfations  attachées  à  ces  im.preflions ,  fè 
réveillent  les  unes  les  autres  par  ua  en- 
chaîîiement  phyfique ,  mais  que  leur  appel 
n'eft  point  accompagné  de  réminifcence  j 
qu'elles  afFedèent  l'animal  limplement  com- 
me actuelles  \  qu'il  n'y  a  pour  les  ani- 
maux ni  pafTé ,  ni  futur  \  &  qu'ainfi  ils 
manquent  de  la  plus  fimple  perfonnalité. 
Sans  nous  arrêter  davantage  à  cette  con- 
.  teftation  ,  nous  obfèrverons  feulement  que 
la  réminifcence  &  Ja  réflexion  ne  tombent 
jamais  que  fur  les  opérations  ou  modifica- 
tions de  l'ame ,  &  non  fur  le  fujet  même 
qui  agit  ou    qui  eft  modifié.  Cepeudaut 


P  E  R 

n'eft-ce  pas  dans  le  fujet  même  que  doit 
être  &  qu'on  devroit  fèntir  le  moi ,  l'en- 
tité perfonnelle  ?  Tant  que  nous  ne  fentirons 
qu'une  exiftence  femblable  ou  différente 
de  ce  qu'elle  a  été,  pourrons-nous  croire 
avoir  une  notion  fatisfaifante  de  notre 
perfonnalité^  Cette  notion  ne  devroit- elle 
pas  être  plutôt  la  confcience  d'un  même 
fonds  d'être  permanent ,  que  le  fentiment 
de  ks  manières  d'être  aâuelles  ou  anté- 
cédentes ^ 

PERSÔNNAT  ,  f.  m.  (Jurifprud.) 
eft  un  bénéfice  auquel  il  y  a  quelque  préé- 
minence attachée  ,  mais  fans  juriiHicîion  , 
à  la  différence  des  dignités  ecciéfiaftiques 
qui  ont  tout  -  à  -  la  -  fois  prééminence  & 
jurifHiâion  :  ainfî  la  place  de  chantre  d'une 
églife  cathédrale  ou  collégiale ,  eft  ordi- 
nairement un  perfonnat ,  parce  qu'elle  n'a 
qu'une  fimple  prééminence  fans  jurifdiciion, 
que  fi  le  chantre  a  jurifdiéiion  dans  le 
chœur ,  alors  c'eft  une  dignité.  Voye^  le 
recueil  ~de  Drapier,  tom.  /,  cà.  ij ,  n.  lo. 
royei  Bénéfice,  Dignité,    Office. 

PERSONNE  ,  f.  f.  (  Grammaire.  )  Il 
y  a  trois  relations  générales  que  peut  avoir 
à  Yaâs  de  la  parole  le  fujet  de  la  propofî- 
tion  ^  car  ou  il  prononce  lui-même  la  pro- 
pofition  dont  il  eft  le  fujet,  ou  la  parole 
lui  eft  adrelTée  par  un  autre ,  ou  il  eft  fim- 
plement  fujet  fans  prononcer  le  difcours  & 
fans  être  apoftrophé.  Dans  cette  propofi- 
tion,  Je  fuis  le  feigneur  ton  Dieu  (  Exod.. 
XX.  2.)  ,  c'eft  Dieu  qui  en  eft  le  fujet ,  & 
à"  qui  il  eft  attribué  d'être  le  feigneur  Dieu 
d'ifraël  ;  mais  en  m.ême  temps  c'eft  lui 
qui  produit  laéie  de  la  parole  qui  pro- 
nonce le  difcours  :  dans  celle-ci  (  P/.  L  ) 
Dieu  5  aye\  pitié  de  moi  félon  votre  grande 
miféricorde ,  c'eft  encore  Dieu  qui  eft  le 
fujet ,  mais  ce  n'eft  pas  lui  qui  parle  ^  c'eft 
à  lui  que  la  parole  eft  adrelfée  :  enfin , 
dans  cqWq  -  Cl  (  Ecclef.  xvij.  i.)  Dieu^a 
créé  t homme  de  terre  &  ta  fait  a  fon 
image ,  Dieu  eft  encore  le  fujet ,  mais  il 
ne  parle  point ,  &  le  difcours  ne  lui  eft 
point  adreffé. 

Les  grammairiens  latins  ont  donné  à  ces 
trois  relations  générales  le  nom  de  perfon- 
nes.  Le  mot  l^im  perfona  fignifie  propre- 
ment  le    mafqae    que  prenoit  un  adeur 


P  E  R 

félon  !c  rôle  dont  il  étoit  chargé  dans  une 
piecïï  de  théâtre  j  &  ce  nom  eft  dérivé 
ùs  Conare ,  rendre  du  fon  ,  &  de  la  par- 
ticule ampliative  per  ,  d'où  perfonare  , 
rendre  un  fon  éclatant.  Baflius,  dans  Aulu- 
Gelle  ,  nous  apprend  que  le  mafque  étoit 
conltruit  de  manière  que  toute  la  tête  en 
étoit  enveloppée  ,  &  qu'il  n'y  avoit  d'ou- 
verture que  celle  qui  étoit  néceffaire  à 
l'émiflîon  de  la  voix  ;  qu'en  conféquence 
tout  l'effort  de  l'organe  fè  portant  vers 
cette  iffue  ,  les  fons  eu  étoiént  plus  clairs  & 
plus  réfonnans  :  ainfi  l'on  peut  dire  que  fans 
mafque  vox  fonabat ,  mais  qu'avec  le  maf- 
que vox  perfonabat  ,  &  delà  le  nom  de 
.perfona  donné  à  l'inftrument  qui  facilitoit 
le  retentilTement  de  la  voix,  &  qui  n'avoit 
peut  -  être  été  inventé  qu'à  cette  fin  ,  à 
caufè  de  la  vafte  étendue  des  lieux  où  l'on 
repréfentoit  les  pièces  dramatiques.  Le 
même  nom  de  perfona  fut  employé  enfoite 
pour  exprimer  le  rôle  môme  dont  l'auteur 
étoit  chargé  ^  &  c'eft  une  métonymie  du 
figne  pour  la  chofe  fignifiée  ,  parce  que 
la  face  du  mafque  étoit  adaptée  à  l'âge  & 
au  cara(Sî:ere  de  celui  qui  étoit  cenfé  parler, 
&  que  quelquefois  c'étoit  fon  portrait 
même  :  ainfi  le  malque  étoit  un  figne  non 
équivoque  du  rôle. 

C'eft  dans  ce  dernier  fens  ,  de  perfon- 
nage  ou  de  rôle  ,  que  l'on  donne  en  gram- 
maire le  nom  de  perfonnes  aux  trois  rela- 
tions dont  on  vient  de  parler  ,  parce  qu'en 
effet  ce  font  comme  autant  de  rôles  acci- 
dentels dont  les  fujets  fe  revêtent ,  fui- 
vant  l'occurrence  ,  dans  la  production  de  la 
parole  qui  eft  la  repréfeutation  fenfible  de 
la  penfée.  On  appelle  première  perfonne  , 
la  relation  du  fujet  qui  parle  de  lui-même  ^ 
féconde  perfonne  ,  la  relation  du  fujet  à 
qui  l'on  parle  de  lui-même  j  &  troifeme 
perfonne  ,  la  relation  du  fujet  dont  on 
parle ,  qui  ne  prononce  ou  qui  n'eft  pas 
cenié  prononcer  lui-même  le  difcours  ,  & 
à  qui  il  n'eft  point  adreffé. 

On  donne  auflî  le  nom  de  perfonnes  aux 
différentes  terminaifons  des  verbes  ,  qui 
indiquent  ces  relations  ,  &  qui  fervent  à 
mettre  les  verbes  en  concordance  avec  le 
fiijet  confidéré  fous  cet  afpeft  :  ego  amo  , 
tu  amas  ,  Tetrus  amat  ;  voilà  le  même 
vexhe  avec  les  termiij^ifoEis  relatives  aux 


PER  4>y 

trois  différentes  perfonnes  pour  le  nombre 
fingulier  ;  nos  amamus  ,  vos  amatis  ,  m/- 
lites  amant  ;  le  voilà  dans  les  trois  perfon' 
nés  pour  le  nombre  pluriel. 

Il  y  a  donc  en  effet  quelque  différence 
dans  la  fignification  du  mot  perfonne  , 
félon  qu'il  eft  ap^îliqué  au  fujet  du  verbe 
on  au  verbe  même.  La  perfonne .  dans  le 
fujet,  c'eft  fa  relation  à  l'aâie  de  la  parole  5 
dans  le  verbe  ,  c'eft  une  terminaifon  qui 
indique  la  relation  du  fujet  à  l'aéèe  de  la 
parole.  Cette  différence  de  fens  doit  eu 
mettre  une  dans  la  manière  de  s'expliquer  , 
quand  on  rend  compte  de  l'analyfe  d'une 
phrafè  ;  par  exemple  ,  nos  autem  virifortef 
fatisfeciffe  videmur  :  il  faut  dire  que  nos  eft 
de  la  première  perfonne  du  pluriel ,  &  que 
videmur  eft  à  la  première  perfonne  du 
pluriel.  De  indique  quelque  chofe  de  plus 
propre  ,  de  plus  permanent  ^  à  marque 
quelque  chofe  de  plus  accidentel  &  de 
moins  néceffaire.  Il  faut  dire,  par  la  même 
rai  fon ,  qu'un  nom  eft  de  tel  genre,  par 
exemple,  du  genre  mafculin  ,  &  qu'un 
adjeâif  eft  h  tel  genre  ,  au  genre  ma{^ 
culin  :  le  genre  eft  fixe  dans  les  noms  ,  & 
leur  appartient  en  propre  \  il  eft  variable 
&  accidentel  dans  les  adjeélifs. 

Comme  la  différence  des  perfonnes 
n'opère  aucun  changement  dans  la  forme 
des  fujets  ,  &  qu'elle  n'influe  -que  ftir  les 
terminaifons  des  verbes  ,^  cela  a  fait  croire 
au  contraire  à  ScinQtms  {Minerv.  j.  12), 
que  les  verbes  feuls  ont  des  perfonnes  ,  & 
que  les  noms  n'en  ont  point  :  fed  funt  ali- 
cujus  perfonœ  verbalis.  Il  devoit  donc  rai» 
fonner  de  même  fur  les  genres  à  l'égard  des 
noms  &  des  adjeftifs  ,  &  dire  que  \qs  noms 
n'ont  point  de  genres ,  puifque  leurs  teripi- 
naifbns  font  invariables  à  cet  égard  ,  & 
qu'ils  font  propres  aux  adjeéiifs  ,  puisqu'ils 
en  font  varier  les  terminaifons.  Cependant , 
par  une  contradiftion  furprenante  dans  un 
homme  fi  habile ,  il  a  pris  une  route  toute 
oppofée ,  &  a  regardé  le  genre  comme 
apparteqant  aux  noms  à  l'exclufion  des 
adjedlifs  ,  quoique  l'influence  des  genres 
fiir  les  adjeftifs  foit  la  mjême  que  celle  des 
perfonnes  fur  les  verbes.  Mais ,  outre  I3 
contrariété  des  deux  procédés  de  Sanâius  , 
il  n'a  trouvé  la  vérité  ni  par  l'un ,  ni  .par 
l'autre.  Les  genres  font ,  par  rappo/t  m^ 
Q  00  ^  Min^OH 


47^  P  E  R 

noms  ,  différentes  claffes  dans  lefquelles  les 
ufages  des  langues  les  ont  diftribués  ^  &  par 
rapport  aux  adje^èifs  ,  ce  font  différentes 
terminaifons  adaptées  à  la  différence  des 
claffes  de  chacun  des  noms  auxquels  on  peut 
les  rapporter.  Pareillement  les  perfonnes 
font ,  dans  les  fujets  ,  des  points  de  vue 
particuliers  fouslefquels  il  elt  nécelfaire  de 
les  envifager  ^  &  dans  les  verbes  ce  font 
des  terminaifons  adaptées  à  ces  divers  points 
de  vue  en  vertu  du  principe  d'identité. 
Voyei  Genre  &  Identité. 

Y)e\^  vient  que  comme  les  adjeftifs  s'ac- 
cordent en  genre  avec  les  noms ,  leurs  co- 
relatifs  ,  les  verbes  s'accordent  en  perfonne 
avec  leurs  fujets  :  fi  un  adjeéiif  fe  rapporte 
à  des  noms  de  différens  genres  ,  on  le  met 
au  pluriel  à  caufe  de  la  pluralité  des  core- 
latifs  ,  &  au  genre  le  plus  noble  :  frater  & 
foror  funtpii  ;  de  même  fi  un  verbe  fe  rap- 
porte à  des  fujets  de  diverCes  perfonnes  ,  on 
le  met  au  pluriel  à  caufe  de  la  pluralité  des 
iiijets  ,  &  à  la  perfonne  la  plus  noble  :  ego 
&  tu  ibimus.  C'eft  de  part  &  d'autre  ,  non 
la  même  raifon  ,  fi  vous  voulez  ,  mais  une 
raifbn  toute  pareille.  Voye[  au  furplus 
Personnel  &  Impersonnel. 
(B.  E.  R.  M.) 

^  Personnes  ,  gens  ,  (  Synon.  )  Le 
mot  de  gens  ,  dit  l'abbé  Girard  ,  a  une 
couleur  très-indéfinie  qui  le  rend  incapable 
d'être  uni  avec  un  nombre  ,  &  d'avoir 
un  rapport  marqué  à  l'égard  du  fèxe.  Celui 
de  perfonnes  en  a  une  plus  particularifée  , 
qui  le  rend  fufceptible  de  calcul ,  &  de  rap- 
port au  fexe  quand  on  veut  le  défigner.  Il  y 
a  peu  d'honnêtes  gens  à  la  cour^  les  perfon- 
nes de  l'un  &  de  l'autre  fexe  y  font  plus  po- 
lies qu'ailleurs.  Le  plaifir  de  la  table  n'ad- 
met que  gens  de  bonne  humeur  ,  &  ne  fouf- 
fre  pas  qu'on  foit  plus  de  huit  ou  âÏKperfon- 
nes.  Voyeiauffit article  Gens.  {D.  J.) 

Personne  ,  perfona^  C  Théologie,)  une 
fùbftance  individuelle,  une  nature  raifon- 
nable  ou  intelligente.  Voye\  Substance  ù 
Individuel. 

Le  père  &  .le  fils  font  réputés  en  droit 
une  même  perfonne.  Un  ambaffadeur  repré- 
fente  la  perfonne  de  fon  prince.  Voye'^ 
Ambassadeur. 

En  théologie  ,  la  divinité  réfide  en  trois 
jferjonnes  ;   mais  alors  le  mot  perfonm  em- 


P  E  R 

porte  une  idée  particulière ,  fort  diffé- 
rente de  celle  que  l'on  y  attache  en  toute 
autre  circonflance.  On  ne  s'en  fert  qu'au 
défaut  d'un  autre  terme  plus  propre  &  plus 
exprefîif.  Voyei  Trinité. 

On  dit  que  le  mot  perfonne  ,  perfona ,  eft 
emprunté  de  perfonando  ,  l'aérien  de  jouer 
un  perfonnage  ou  de  le  contrefaire  ^  8c 
l'on  prétend  que  fa  première  lignifîcatioa 
étoit  celle  d'un  mafque.  C'cfl  dans  ce  fens 
que  Bocce  dit  ,  in  larva  concava  fonus 
volvatur  ;  c'efl  pourquoi  les  aûeurs  qui 
paroifîbient  mafqués  fur  le  théâtre  ,  étoient 
quelquefois  appelles  larvati  ,  &  quelque- 
fois perfonati.  Le  même  auteur  ajome  que  , 
comme  les  différens  a6ieurs  repréfeutoient 
chacun  un  perfonnage  unique  &  individuel , 
comme  Œdipe ,  Chrêmes  ,  Hécube ,  Mé- 
dée ,  ce  fut  pour  cette  raifon  que  d'autres 
gens  qui  étoient  auffi  diflingués  par  quelque 
chofè  dans  leur  figure  ou  leur  caraâere ,  ce 
qui  fervoit  à  les  faire  connoître ,  furent  ap- 
pelles par  les  Latins  perfonœ ,  &  par  les 
Grecs  nr^ofra^a..  De  plus ,  comme  ces  ac- 
teurs ne  repréfentoient  guère  que  des  ca- 
ra£l:eres  grands  &  illuftres,le  mot perfonnt 
vint  enfin  à  fignifier  l'efprit ,  comme  la 
chofe  de  la  plus  grande  importance  &  de  la 
plus  grande  dignité  dans  tout  ce  qui  peut 
regarder  les  hommes  :  ainfi  les  hommes, 
les  anges,  &  la  divinité  elle-même  ,  furent 
appelles  perfonnes. 

Les  êtres  purement  corporels,  tels  qu'une 
pierre  ,  une  plante ,  un  cheval ,  furent  ap- 
pelles hypoflafes  ou  fuppofita ,  &  non  pas 
perfonne,  Voye-{^  Hypostase  ,  Hyposta- 
SJS  ^  &c. 

C'efl  ce  qui  fait  conjeéturer  aux  favans 
que  le  même  nom  perfonne  vint  à  être 
d'ufage  pour  fignifier  quelque  dignité ,  par 
laquelle  une  perfonne  eft  diftinguée  d  une 
autre,  comme  un  père ,  un  mari,  un  juge  y 
un  magiftrat,    ùe. 

C'eft  en  ce  fens  que  l'on  doit  entendre 
ces  paroles  de  Cicéron  :  «  Céfar  ne  parle 
»  jamais  de  Pompée  qu'en  termes  d'hon- 
»  neur  &  de  refpe(51  \  mais  il  exécute  des 
»  chofes  fort  dures  &  fort  injurieufes  à  fa 
>3  perfonne.  »  Voyei  PERSONNALITÉ. 

Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  fur  le 
nom  perfonne  :  quant  à  la  chofè  ,  nous 
avons  déjà  défini  le  mot  perfonne  ^  ce  <iui 


P  E   R 

fïgnîfîe  une  fubôance  individuelle  d'une 
nature  raifonnable  j  définition  qui  revient 
à  celle  de  Boëce. 

Maintenant ,  une  chofè  peut  être  indi- 
viduelle de  deux  manières  :  i°.  logique- 
ineut ,  en  forte  qu'elle  ne  puiife  être  dite 
de  tout  autre ,  comme  Cicéron  ,  Platon  , 
d'c.  2".  phyfiquement ,  en  ce  fôns  une 
goutte  d'eau  féparée  de  l'océan  ,  peut 
s'appeller  une  fubjîance  individuelle.  Dans 
chacun  de  ces  fens  ,  le  mot  perfonne  figni- 
fie  une  nature  individuelle  :  logiquement, 
félon  Boëce  ,  puifque  le  mot  perfonne  ne 
fe  dit  point  des  univerfels  ,  mais  feulement 
àQs  natures  fingulieres  &  individuelles  j  on 
ne  dit  pas  \^  perfonne  d'un  animal  ou  d'un 
homme ,  mais  de  Cicéron  &  de  Platon  : 
&  phyfiquement,  puifque  la  main  ou  le 
pié  de  Socrate  ne  font  jamais  confîdérés 
comine  des  perfonnes. 

Cette  dernière  efpece  d'individuel  fe 
dénomme  de  deux  manières  :  pofitiveinent, 
comme  quand  on  dit  que  la  perfonne  doit 
être  le  principe  total  de  l'aé^ion  j  car  les 
philofbphes  appellent  une  perfonne  ,  tout 
ce  à  quoi  l'on  attribue  quelque  aéiion  :  & 
négativement  comme  quand  on  dit  avec 
les  thomilles  ,  &c.  qu'une  perfonne  confifte 
en  ce  qu'elle  n'exiîle  pas  dans  un  autre 
comme  un  être  plus  parfait. 

Ainfi  un  homme ,  quoiqu'il  foit  compofë 
de  deux  fubftances  fort  différentes ,  favoir 
de  corps  &  d'efprit ,  ne  fait  pourtant  pas 
deux  perfonnes ,  puifqu'aucune  de  ces 
deux  parties  ou  fubllances  ,  prifès  feparé- 
ment ,  n'eft  pas  un  principe  total  d'aéîion , 
mais  une  feule  perfonne  ;  car  la  manière 
dont  elle  eft  compofée  de  corps  &  d'ef- 
prit, eft  telle  qu'elle  conftitue  un  principe 
total  d'aclion ,  &  qu'elle  n'exifte  point  dans 
un  autre  comme  un  être  plus  parfait  :  de 
même  ,  par  exemple  ,  que  le  pié  de 
Socrate  exifte  eu  Socrate ,  ou  une  goutte 
d'eau  dans  l'océan. 

Ainfi ,  quoique  Jcfus-Chrift  confiée  en 
deux  natures  différentes  ,  la  nature  divine 
&  la  nature  humaine  ,  ce  n'eft  pourtant  pas 
deux  perfonnes  ,  mais  une  feule  perfonne 
divine  \  la  nature  humaine  en  lui  n'étant 
pas  un  principe  total  d  adiion  ,  mais  exii- 
taute  dans  une  autre  plus  pai  faite  ^  mais  de 
l'uniou  de  la  nature  divine  6c  de  ia  nature 


P  E  R 


477 


humaine ,  il  réfulte  un  individu  ou  un  tout 
qui  eft  un  principe  d'a(5lion  ;  car  quelque 
chofe  que  faflê  l'humanité  de  Jefus-Chrift , 
la  perfonne  divine  qui  eft  unje  la  fait  aufli  ^ 
de  forte  qu'il  n'y  a  en  Jefus-Chrift  qu'une 
itule  perfonne  ,  &  en  ce  fens  une  feule 
opération ,  que  l'on  appelle  théandtique, 
Voyei  ThÉANDRIQUE. 

PERSONNÉES,  f.  f .  pi.  {Botanique.) 
perfonatœ ,  larvatœ.  Nous  emploierons  , 
après  quelques  célèbres  botaniftes  ,  ce  mot 
nouveau ,  &  peut  -  être  peu  exa(^ ,  pour 
défîgner  une  famille  de  plantes  à-peu  près 
la  même  que  la  clafiTe  que  Tournefort  ap- 
pelloit  à  fleur  en  mafque  ;  &  fans  difcuter 
fi  on  doit  ou  non  donner  à  cette  famille 
autant  d'étendue  que  l'a  fait  M.  Adanfon  , 
en  y  joignant  les  véroniques ,  le  liferon , 
le  poiemonium  ,  la  nicotiane  &  d'autres 
pentandries  ,  nous  reftreindrons  ,  d'après 
d'autres  auteurs  illuftres  ,  le  nom  de  per- 
fonnées  aux  plantes  qui  compofeut  la  didy- 
namia  angiofpermie  de  M.  Linné  ,  &  deux 
ou  trois  autres.  On  trouve  dans  ce  nombre 
des  herbes  &  des  arbres  :  plufieurs  ont 
leurs  tiges  quarrées  &  les  feuilles  oppofees: 
dans  d'autres  les  feuilles  font  alternes.  Les 
fleurs  font  monopétales  en  tube  évafé , 
dont  le  limbe  eft  divifé  plus  ou  moins  irré- 
gulièrement ,  &  dans  un  grand  nombre 
d'une  manière  affez  femblable  à  celle  des 
fleurs  labiées  ,  avec  lefquelles  toutes  les 
perfonnées  ont  encore  ceci  de  commun  , 
que  la  fleur  a  quatre  étamines  ,  dont  deux 
font  plus  grandes  que  les  autres  ,  &  un 
piftil  à  ftyle  fimple  ^  mais  ce  qui  les  en 
fépare  ,  c'eft  que  l'ovaire  devient  une 
capfiile ,  ou  dans  quelques  plantes  une  buie, 
contenant  ordinairement  plufieurs  femen- 
ces ,  &  pofée  fur  un  calice  à  quatre  ou 
cinq  divifions  plus  ou  moins  profondes. 
Du  refte  on  peut ,  comme  nous  l'avons  vu 
pour  les  labiées,  rapporter  à-  cette  famille 
quelques  plantes  que  M.  Linné  a  placées 
dans  la  claffe  diandria ,  telles  que  la  graf- 
fette ,   la  gratiole ,    l'utricularia. 

Les  plantes  de  cette  famille  ont  pour  le 
plus  grand  ;iombre  quelque  chofe  de  fufpeâ  j 
quelques-unes  font  manifeftement  nuifibles, 
comme  la  digitale  :  cependant  il  y  en  a 
d'uiuelles  j  mais  \e%  vertus  de  plufieurs  de 
celles  -  ci ,    telles  que  la  ferophuiairc  ,  ia 


47»  P  E  R 

gratiole  ,     paroifTent  dépendre  d'un  prin- 
cipe acre  &  délétaire.  (D.) 

PERSONNEL,  ELLE,  adj.  (Graz/zm.) 
Ce  mot  fignifie  qui  efi  relatif  aux  perfonnes^ 
ou  qui  reçoit  des  inflexions  relatives  aux 
perjbnnes.  On  applique  ce  mot  aux  pro- 
noms ,  aux  terminaifons  de  certains  modes 
des  verbes ,  à  ces  modes  des  verbes ,  & 
aux  verbes  mêmes. 

On  appelle  pronoms  perfonnels  ceux  qui 
préfentent  à  l'efprit  des  êtres  déterminés 
par  ridée  prife  de  l'une  des  trois  per- 
fonnes.  Les  pronoms  perfonnels  ,  dans  le 
iyftême  ordinaire  des  grammairiens ,  ne  font 
qu'une  efpcce  particulière  ,  &  l'on  y  ajoute 
les  pronoms  démonftratifs  ,  les  poiTeflifs  , 
les  relatifs ,  Ç^c.  mais  il  n'y  a  de  véritables 
pronoms  que  ceux  que  l'on  nomme  perfon- 
nels \  &  les  autres  prétendus  pronoms  font 
ou  des  noms  ,  ou  des  adjeâifs ,  ou  même 
des  adverbes.  Voye^^  Pronom. 

Les  terminaifons  perfonnelles  de  certains 
modes  des  verbes  font  celles  qui  font  rela- 
tives à  l'une  des  trois  perlbnnes  ,  &  qui 
fervent  à  marquer  l'identification  du  verbe 
avec  un  fijet  de  la  même  perfonne  déter- 
minée. Ego  amo  ^  tu  amas  ^  Petrus  amat  ; 
voilà  le  même  verbe  identifié  par  la  con- 
cordance ,  avec  le  fujet  ego  ,  qui  eft  de  la 
première  perfonne  ,  avec  le  fujet  tu  qui  eft 
de  la  féconde  ,  &  avec  le  fujet  Petrus  qui 
eft  de  la  troifieme. 

On  peut  encore  regarder  comme  des 
terminaifons  perfonnelles ,  ou  comme  des 
tas  perfonnels  ,  le  nominatif  &  le  vocatif 
des  noms.  En  effet ,  dans  une  propofition 
on  ne  confîdere  la  perfonne  que  dans  le 
fiijet  ,  parce  qu'il  n'y  a  que  le  fiijet  qui 
prononce  le  difcours  ,  ou  à  qui  l'on  adreflè , 
ou  dont  on  énonce  l'attribut  fans  qu'il  parle 
ni  qu'il  foit  apoftrophé.  Or  le  nominatif  eft 
le  cas  qui  défîgne  le  nom  comme  fujet 
de  ,1a  trbilîeme  perfonne  ,  c'eft-à-dire 
comme  le  fujet  dont  ou  parle  :  Dominus 
probavit  me  :  le  vocatif  eft  le  cas  qui  dé- 
fîgne le  nom  comme  fujet  de  la  féconde 
perfonne  ,  c'eft-à-dire  comme  fujet  à  qui 
on  parle  :  Domine ,  probafi  me  :  c'eft  la 
feule  différence  qu'il  y  ait  entre  ces  deux 
cas  ^  &  parce  que  la  terminaifon  perfon- 
nelh  du  verbe  eft  toujours  fuffifante  pour 
iléiîgner  fans  équivoque  cette  idée  accef- 


P  E  R. 

foire  de  la  fignifîcation  du  nom  qui  eft  fîi- 
jet ,  c'eft  pour  cela  que  le  vocatif  eft  fem- 
blable  au  nominatif  dans  la  plupart  des 
noms  latins  au  finguliér  ,  &:  que  ces  deux 
cas ,  en  latin  &  en  grec ,  font  toujours 
femblables  au  pluriel.  Voye^^  VoCATIF. 

Les  vnoàQS perfonnels  des  verbes  fout  ceux 
où  les  verbes  reçoivent  des  terminaifons 
perfonnelles  ,  au  moyen  defquelles  ils  fe 
mettent  en  concordance  de  perfonne  avec 
le  nom  ou  le  pronom  qui  en  exprime  le 
liijet.  Ces  modes  font  direâs  ou  obliques  ; 
les  diredls  font  l'indicatif,  l'impératif  &  le 
fuppofitif ,  dont  le  premier  eft  pur  &  les 
deux  autres  mixtes  ^  les  obliques  qui  font 
aufïï  mixtes ,  font  le  fubjonâif  &  l'optatif. 
Voye'^^  Mode  ,  &  chacun  de  ces  modes  en 
particulier. 

Enfin  les  grammairiens  ont  encore  dif^ 
tingué  des  verbes  perfonnels  H.  des  verbes 
imperfonnels  :  mais  cette  diftin6i:ion  eft 
fauffe  en  foi,  &  fuppofe  un  principe  éga- 
lement faux,  comme  je  l'ai  fait  voir  ailleurs. 
royei  Impersonnel.   (  B.  E.  R.  M.  ) 

Personnel,  (Belles-Lettres.)  ce  qui 
concerne  ou  regarde  particulièrement  les 
perfonnes.  f^oyei  Personne. 

Dans  l'es  difj^utes  littéraires  il  n'entre 
que  trop  fouvent  du  perfonnel  ;  aufïï  dif- 
tingue-t-on  les  critiques  en  critiques  réelles 
&  critiques  perfonnelles.  Les  critiques  réel- 
les font  celles  où  l'on  ne  s'attache  qu'à 
relever  les  défauts  des  ouvrages.  Les  criti- 
ques perfonnelles  font  celles  où  l'on  s'at- 
taque à  l'auteur  ,  dont  on  cenfure  la  vie , 
les  mœurs ,  le  caractère ,  &c.  Celles-ci  ne 
fe  renferment  pas  toujours  dans  les  bornes 
d'un  badinage  léger  &  permis  ^  elles  ne 
dégénèrent  que  trop  fouvent  en  fiel  &  en 
aigreur  ,  à  la  honte  des  lettres ,  ou  ,  pour 
mieux  dire  ,  de  ceux  qui  les  cultivent. 
f^oyei  Anti. 

C'eft  une  maxime  en  morale  que  toutes 
fautes  font /?f;yb/?/2e//e,y ,  c'eft-à-dire ,  qu'elles 
ne  doivent  point  nuire  aux  parens  ou  aux 
defcendans  du  coupable.  Cette  maxime  n'a- 
voit  pas  lieu  chez«les  Macédoniens  pour 
le  crime  de  lefe-majefté  ^  quiconque  en 
étoit  convaincu  ,  étoit  lapidé ,  &  fa  famille 
étoit  enveloppée  dans  la  même  condam- 
nation. 

Personnel  ,   (  Jurijprud,  )    c'eft  ce 


PEU 

qui  eft  attaché  à  la  perfonne  ,  ou  deftiné 
à  Cou  ufage  ,  ou  qui  s'exerce  dir  la  perfonne 
comme  un  droit  perfonnel  :  une  fervitude 
perfonnelle  ,  Une  obligation  perfonnelle  , 
une  adliou  perfonnelle  ,  une  charge  perfon- 
nelle. hQ perfonnel  eft  ordinairement  oppofé 
au  réel  qui  fuit  le  fond.  Voye-{^  ACTION  , 
Bail  a  Rente  ,  Charge  ,  Obliga- 
tion ,  Rente  ,  Servitude.  {A) 

PERSONNIER  ,  f.  m.  [Junfprud.) 
fè  dit  en  certaines  coutumes  pour  exprimer 
celui  qui  tient  quelque  chofè  en  commun 
avec  un  autre  ,  comme  un  cohéritier  ,  un 
copropriétaire  ,  un  compoffeflèur  ,  qui  eft 
fujet  à  même  droit  de  taille ,  ou  deniers 
de  fervitude  ,  ou  mortaille  ,  ou  qui  tient 
en  commun  &  par  indivis  un  héritage  avec 
d'autres  pcrfonnes ,  ou  qui  eft  compagnon 
de  quelque  trafic  de  négociation  \  on  appelle 
aufti /7fr/ô/2/z/Vr  celui  qui  eft  complice  d'un 
crime.  Voye^  les  ajfifes  de  Jérufalem  ,  (^ 
les  coutumes  de  Normandie ,  Lille  ,  Bour- 
bonnais ,  la  Marche  ,  Angoumois  ,  Saint- 
Jean-d' Angely^  Poitou ,  Nivernais  ,  Anjou  j 
Maine  ,  Bayonne.  (A) 

PERSONNIFIER,  v.  aô.  {Littérat.) 
a61:ion  ,  ou  pour  mieux  dire  ,  licence  poéti- 
que ,  par  laquelle  on  prête  un  corps  ,  une 
ame  ,  un  vifage  ,  un  efprit  à  des  êtres 
purement  intelleâ:uels  ou  moraux,  auxquels 
on  attribue  aufti  un  lani^age,  un  caraâere  , 
des  fentimens  &  des  adions. 

Ainfî  les^foëtesperfonnife/ft  les  pafllons 
ou  d'autres  êtres  métaphyliqucs  dont  ils  ont 
fait  des  divinités  ,  &  que  les  païens  ado- 
roient  ou  craignoient ,  telles  que  l'envie , 
la  difcorde  ,  la  faim  ,  la  fortune  ,  la  vic- 
toire ,  la  déefie  de  la  perfiiafion ,  le  dieu 
du  fômmeil.  A  leur  imitation ,  les  modernes 
ont  aufli  perfonnifié  des  êtres  fcmblables  , 
telle  eft  la  mollelfe  dans  le  Lutrin  de  Boi- 
leau  j  le  fanatifme ,  la  difcorde  ,  la  politi- 
que ,  l'amour  dans  la  Henriade  de  Voltaire. 
Voyei  Machines,  Merveilleux.  On 
peut  voir  fous  ces  mots  quelles  pré- 
cautions un  auteur  doit  obferver  en  per- 
fonnificnt  certains  êtres ,  &  dans  quelles 
bornes  ils  font  maintenant  reiferrés  à  cet 
égard. 

Quelques  auteurs  prétendent  que  les  êtres 
perfonnifiés  font  efi'entiels  au  poème  épique , 
&  d'autres  réduifeiit  à  ces  fortes  de  ficHons 


P  E  R  475) 

toutes  les  libertés  que  peuvent  mamtenant 
prendre  les  auteurs  qui  travailleroient  en  ce 
genre.  Voyei  Merveilleux. 

PERSPECTIF ,  ad).  Un  plan  perf 
peâif  ^  en  architeclure  ,  eft  un  plan  où  \q% 
différentes  parties  d'un  bâtiment  font  repré- 
fèntées  félon  \q%  dégradations  ou  les  dimi- 
nutions conformes  aux  loix  de  la  perfpcc- 
tive.  Voyei  PERSPECTIVE. 

Pour  rendre  les  plans  intelligibles  ,  on  a 
coutume  de  diftinguer  les  parties  maffives 
(Se  folides  par  le  moyen  d'un  lavis  noir.  Les 
iaillies  du  rez-de- chauffée  fe  marquent  eu 
lignes  pleines  ,  &  celles  que  l'on  fuppofè 
au  delfus  ,  fe  diftinguent  par  des  lignes 
ponduées  j  les  augmentations  &;  les  chan- 
gemens  que  Ton  doit  faire  font  marqués 
par  une  couleur  différente  de  celle  qui 
repréfente  ce  qui  eft  déjà  bâti ,  &  les 
teintes  de  chaque  plan  deviennent  plus 
claires  ou  plus  légères  ,  à  proportion  que 
les  étages  font  phis  élevés.  Dans  \qs  grands 
bâtimens  ,  on  fait  ordinairement  trois  dif- 
férens  plans  pour  les  trois  prcmiers'étages. 
On  dit  aufli  repréftntation  perfpecîive  , 
élévation  perfpecîive  ,  &c.  pour  dire  repré- 
fentation  d'un  objet  fuivant  les  règles  de  la 
perfpedive ,  élévation  d'un  objet  repré- 
fente en  perfpedive.  Voye^  Perspec- 
tive. {E) 

PERSPECTIVE  ,  fubft.  fém.  (  Ordre 
Encycl,  Entend.  Raifon  ,  Philof.  oufcience , 
fcience  de  la  nature  ^  mathématiques  ,  ma^ 
thématiques  mixtes  ,  optique  ,  perfpecîive.  ) 
C'eft  l'art  de  repréfenter  fur  une  furface 
plane  les  objets  vifibles  tels  qu'ils  paroif- 
fent  à  une  diftance  ou  à  une  hauteur  don- 
née à  travers  un  plan  tranfparent ,  placé 
perpendiculairement  à  l'horizon  entre  l'œil 
&  l'objet.  \j.'à perfpecîive  eft  ou  fpéculative  , 
ou  pratique. 

La  fpéculative  eft  la  théorie  des  difîe- 
rentes  apparences  ou  rcpréfeutations  de 
certains  objets  ,  fuivant  les  diiférentfs 
pofitions  de   l'œil  qui  les  regarde. 

La  pratique  eft  la  méthode  de  repré- 
fenter ce  qui  paroît  à  nos  yeux  ou  ce 
que  notre  imagination  conçoit ,  &  de  le 
repréfenter  fous  une  forme  fèmblable  aux 
objets  quenous  voyons. 

La  perfpeâive  ,  foit  fpéculative  ,  fbit 
pratique  ,  a  deux  parties,  l'ichnçgraphie. 


48o  PEU 

qui  eft  la  rcpréfèntation  des  furfaces  ,  &:  la 
fcénographie,  qui  eft  celle  des  folides.  Voy, 
ICHNOGRAPHIE  ^  SCÉNOGRAPHIE. 

Nous  trouvons  dans  quelques  ouvrages 
des  anciens ,  &  principalement  dans  Vitruve, 
des  traces  des  connoiflknces  qu'ils  avoient 
de  la  perfpeclive  ,  mais  il  ne  nous  eft  refté 
d'eux  aucun  écrit  en  forme  fur  ce  fujet. 
Ainfî  cette  fcience  a  été  ,  pour  ainfi  dire  , 
recréée  par  les  modernes.  Albert  Durer  & 
Pietro  dei  Borgo  en  ont  les  premiers  donné 
les  règles  ;,  Balthafar  Perruzzi  les  a  perfec- 
tionnées ^  Guido  Ubaldi ,  en  1600,  éten- 
dit &  fimplifia  la  théorie  de  cette  fcience  j 
après  lui  une  foule  d'auteurs  y  ont  travaillé , 
entre  lefquels  nous  nommerons  le  P.  Def- 
.chaies,  le  P.  Lamy ,  &  fur-tout  l'eft'ai  de 
perfpeàive  de  M.  s'Gravefande  ,  &  celui 
du  favant  Taylor ,  les  deux  meilleurs  ou- 
vrages que  nous  ayions  fur  cette  matière. 
Voyei  Ihifl.  des  mathémat.  de  M.  Moutucla  , 
tome  1  ,  pag.  63 z. 

La  perfpeclive  s'appelle  plus  particulière- 
ment perfpeâive  linéaire  ,  à  caufe  qu'elle 
,confidere  la  poiîtion  ,  la  grandeur ,  la 
fonne  ,  ^c.  des  différentes  lignes  ,  ou  des 
contours  des  objets  y  elle  eft  une  branche 
des  mathématiques  :  quelques  uns  en  font 
une  partie  de  l'optique  ,  &  les  autres  en 
font  ilmpîement  une  fcience  dérivée  de 
l'optique  :  {'t%  opérations  font  toutes  géo- 
métriques. Voyei^  Optique. 

Pour  en  donner  une  idée  plus  précife  , 
fuppofons  un  plan  tranfparent  H  /  ,  FI. 
perfpzcl.  fig.  I  ,  élevé  perpendiculairement 
fur  un  plan  horizontal  ,  &.  que  le  fpeâateur 
S  dirige  fon  œil  O  au  triangle  A  B  C-^  fi 
l'on  conçoit  préfentement  que  les  rayons 
A  O  ,  O  3  ,  OC ,  &c.  en  paftant  par  le 
tableau  H  I ,  laiftént  des  traces  de  leur 
palTage  aux  points  a  l>  c  iur  le  plan ,  on 
aura  fur  ce  plan  l'apparence  du  triangle 
a  b  c  y  laquelle  venant  à  l'œil  parles  mêmes 
rayons  a  o  ^  b  o  ^  c  0  ,  qui  apportent  à  ce 
même  œil  l'apparence  du  triangle  ABC, 
fera  voir  la  véritable  apparence  de  ce 
triangle  fur  le  tableau,  quand  même  on  fùp- 
primeroit  l'objet ,  en  confervant  néaiunoins 
ja  même  diftance  &  la  même  hauteur  de 
l'œil.  Fojf^  Vision  ,  &c. 

On  culèigne  donc  dans  la  perfpeclive  des 
règles  fûres   6i.  infaillibles ,    pour  trouver 


P  E  R 

géométriquement  les  points  a,  6  ,  c  ^  &Ct 
6c  par  conlëqueat  l'on  y  donne  la  méthode 
de  delliner  très-exaétement  un  objet  quel- 
conque ,  puiiqu'il  ne  s'agit  pour  defîiner  ua 
objet  que  d'en  tracer  exad:ement  le  contour. 
l^oyei  Dessin. 

Avant  que  d'entrer  dans  un   plus  grand 
détail ,    il    eft  à   propos    de  favoir  qu'on 
appelle  plan  géométral  un  plan  parallèle  à 
l'horizon  ,  fup  lequel  eft  fitué  l'objet  qu'on 
veut  mettre  en  perjpeclive  ;  plan  horizontal  y 
un  plan  auifi  parallèle  à  fhorizon,  &pafl!aut 
par  l'œil  ^   ligne  de  terre  ou  fondamentale  y 
lafeclion  du  plan  géométral  &  du  tableau  5 
ligne  horizontale ,  la  (èéiion  du  plan  horizon- 
tal &  du  tableau  i  point  de  vue  ou  point  prin- 
cipal ,  le  point  du  tableau  fur  lequel  tombe 
une  perpendiculaire  menée  de  l'œil;,  ligne 
dijiante ,  la  diftance  de  l'œil  à  ce  point ,  &c. 
Par  cette  feule  idée   que  nous  venons  de 
donner    de  la  perfpeclive  linéaire  ,    il    eft 
aifé  de  juger  combien  elle  eft  nécefl^aire  à 
la  peinture^,  &  combien  par  couféquent  il 
eft  eiîîîntiel  de  favoir  les  règles  de  la  perf- 
peclive   pour  exceller  dans    le  delîin.  Un 
tableau  n'eft  autre  chofe  que  la  perfpeclive 
d'une  multitude  d'objets   revêtus  de  leurs 
couleurs  naturelles.    On   ne   fauroit  donc 
trop  recommander  aux  peintres  de  s'appli- 
quer à  la  perfpeclive  ;   car  les  fautes  grof- 
iieres  qu'on  remarque   fouvent    dans   des 
tableaux  d'ailleurs    très- beaux  ,   font  fou- 
vent  la  fuite  de  l'ignorance  où  étoitl'artifte 
fur  les  règles   de  la  perfpeclive.  Le  P.  Ber- 
nard Lamy  de  l'oratoire  ,   auteur  de  diffé- 
rens    ouvrages  élémentaires  de  mathéma- 
tiques ,  a  fait  un  traité  de  perfpeclive  ,  où  il 
s'étend  beaucoup  fur  la  nécefîité  indifpen- 
fable  d'en  connoître    les    règles  pour  ex- 
celler dans  l'art  de  la  peinture.  De  plus , 
en  apprenant   ces   règles  ,    le  peintre  ne 
doit  pas  fe  borner  à  une  pratique  aveu- 
gle j  il  eft  bon  qu'il  en  apprenne   aufti  les 
démonftrations  ,  &i  qu'il  fe  les  rende  fami- 
lières ,  pour  être  en  état  de  fe  guider  sûre- 
ment lorfqu'il  aura   des  perfpeâives  fîngu- 
lieres  à  repréfènter. 

1°.  L'apparence  d'une  ligne  droite  eft 
toujours  une  ligne  droite  ^  ainfi  les  deux 
extrémités  de  l'apparence  de  cette  ligne 
étant  données ,  l'apparence  de  toute  la 
ligne  eft  donnée.  z°.  Si  une  ligne  F Gy 

placée 


placée  dans  ie  tableau  qu'on  luppore  ver- 
tical yfig.  Z:i,  eft  perpendiculaire  à  quelque 
ligne  droite  iV/,  tirée  fur  le  plan  hori- 
zontal ,  elle  (èra  perpendiculaire  à  route 
autre  ligne  droite  tirée  par  le  même  point 
fur  le  même  plan.  5°.  La  hauteur  du  point 
apparent  fur  le  plan  eft  à  la  hauteur  de 
l'œil ,  comme  la  diftance  du  point  objedif 
au  plan ,  eft  à  la  fomme  de  cette  diftance 
&  de  la  diftance  de  l'œil  au  tableau. 

Loix  de  la  projeélion  des  figures  planes , 
ou  Vichnographie  perfpecîive.  Repréienter 
l'apparence  perfpecîive  h  d'un  point  ob- 
jectif H  y  fig.  x;  du  point  donné  ,  tirez 
H  I  perpendiculairement  à  la  ligne  fon- 
damentale DE,  c'eft-à-dire  ,  à  la  ligne 
de  bafe  du  tableau  \  de  la  ligne  fonda- 
mentale DEy  retranchez  IK=^IH:  par 
le  point  de  vue  JP,  c  eft-à-dire  ,  par  le 
^ point  où  tombe  la  perpendiculaire  menée 
de  l'œil  O  au  tableau,  tirez  une  ligne 
horizontale  FF  ;  faites  FF  égale  à  la 
diftance  SL  de  Pœil  ;  enfin,  du  point  /au 
point  de  vue  F,  tirez  JT,  &  du  point  Km 
Jjoint  de  diftance  F,  la  ligne  FK.  L'inter- 
le(5tion  h  eft  l'apparence  du  point  objeârif. 

En  effet,  1°.  il  "eft  facile  de  voir  que 
l'apparence  du  point  H  doit  être  dans  la 
ligne  FI,  puifque  celte  ligne  P/eft  la 
ièârion  du  plan  O  H I ,  avec  le  plan  du 
tableau,  z°.  Si  on  tire  par  les  points  NS 
&  if  la  ligne  HMS,  on  aura,  à  caufe 
des  triangles  femblables  :  JP  P  ou  5  X  eft 
à  iC  /  ou  H  If  comme  Nh  eft  à  ^  M; 
par  conféquent  S  M  ed  à.  M  H ,  comme 
N/i  ed:  à.  h  M;  d'où  il  s'enfuit  que  S  H 
tû  â  M  H  comme  la  fomme  de  N  h  de 
de  h  M,  c'eft-à-dirc  ,  NM  e(ï  à  kM, 
donc  VH:IH::FI:hI;  d'où  l'on 
voit  que  les  points  O,  h,  H,  font  dans 
la  même  ligne ,  ôc  qu'ainfi  A  eft  l'appa- 
rence ou  l'image  de  l'objet  H. 

C'eft  pourquoi,  1°.  puifque  l'apparence 
des  extrémités  d'une  ligne  droite  étant 
donnée ,  l'apparence  de  toute  la  ligne  eft 
donnée ,  on  peut  avoir  par  cette  méthode 
la  projeftion  ichnographique  d'une  figure 
quelconque  redtiligne.  z^.  Puifque  l'on 
peut  avoir  par  ce  moyen  la  projedtion 
d'un  nombre  quelconque  des  points  d'une 
courbe  fur  le  plan  du  tableau ,  on  peut 
avoir  pareillement  la  projedion  des  lignes 
Tome  XXK 


P  E  R  4f  I 

courbes  ,  en  fuivant  la  même  méthode. 
3°.  Ainfi,  puifque  cette  méthode  s'étend 
aux  figures  mixtilignes,  elle  eft  par  con- 
féquent univerfelle.  A  la  vérité,  d'autres 
auteurs  ont  donné  d'autres  méthodes , 
mais  celle-ci  eft  la  plus  ufitée;  pour  en 
concevoir  tout  l'avantage ,  il  eft  bon  de 
l  eclaircir  par  quelques  exemples. 

Trouver  l'apparence  perjpeclive  d'un 
triangle  ABC,  fig.  3 ,  n.  z,  dont  la  bafc 
jiB  e(i  parallèle  à  la  ligne  fondamentale 
DE. 

A  la  ligne  fondamentale  D  É ,  tirez  une 
parallèle  H Rk  un  intervalle  égal  à  la  hau- 
teur de  l'œil.  Prenez  le  point  de  vue  ou  un 
point  principal  V;  portez  là  diftance  de 
l'œil  du  point  V  au  point  K  :  des  diffé- 
rens  angles  du  triangle  A  CB  abaiflez  les 
perpendiculaires  A  i ,  Cz,  B  ^  ;  tranfpor- 
tez  ces  perpendiculaires  fur  la  ligne  de  terre 
ou  fondamentale  D  E  de  l'autre  côté  du 
point  de  diftance  K.  Des  points  z ,  2.,  j, 
tirez  des  lign.es  droites  au  point  fonda- 
mental ou  principal  VZy  V%y  V^.  Des 
points  Ay  B ,  C,  de  la  ligne  fondamen- 
tale D  E  y  tirez  au  point  de  diftance  ces 
autres  lignes  droites  AK  y  B  K,  C  K. 

Par  la  conftru6tion  précédente  les  points 
a  y  b ,  c ,  font  les  apparences  des  points 
A  y  B  y  c  ;  donc  ayant  tiré  les  lignes 
droites  ca,  aby  bCy  acb  fera  l'apparence 
du  triangle  ACB, 

On  fait  de  même  la  projcdion  d'un 
triangle  fur  un  plan ,  quand  le  fommet  C 
eft  oppofé  à  l'œil  ;  il  n'cft  befoin  que  de 
changer  la  fituation  du  triangle  fur  le  plan 
géométral ,  &  de  tourner  le  fommet  C  vers 
la  ligne  de  terre  ED. 

Repréfenter  l'apparence  perfpecîive  d'uM 
carré  A  B  D  C  va  obliquement ,  fig.  ^  , 
&  dont  un  des  côtés,  AB  ,e^  fur  la  ligne 
de  terre  D  E ,  puifque  le  carré  eft  vu. 
obliquement;  prenez  dans  la  ligne  hori- 
zontale H  R  le  point  principal  V,  de 
manière  qu'une  perpendiculaire  à  la  ligne 
de  terre  puiftè  tomber  au  dehors  du  cote 
du  carré  A  B  y  o\i  qu'au  moins  elle  ne 
le  coupe  pas  en  deux  parties  égales  ,  &: 
foit  VK  la  diftance  de  l'œil  au  tableau; 
tranfportez  les  perpendiculaires  A  C  ôc 
B  D  fur  la  ligne  de  terre  D  E ,  Ôc  tirer 
les  lignes   droites  K  B ,   KD  y  comme 

Ppp 


481  P  E  R 

aufTi  AVy  V  C;  alors  les  points  A  Se  S 
feront  eux-mêmes  leurs  propres  apparences; 
c  ôc  d  \cs  apparences  des  points  C  ôc  D  ; 
par  conféquent  AcdB  eft  l'apparence 
au  carré  A  B  D  C. 

Si  le  carré  ACDB  éroît  à  quelque 
diftance  de  la  ligne  de  terre  Z)  E,  il  fau- 
droit  aulîi  tranlporter  fur  la  ligne  de  terre 
les  dillances  des  angles  A  $c  B ,  ainfî  qu^ii 
eft  évident  par  le  problême  précédent. 

Comme  le  cas  des  objets  vus  oblique- 
ment n-'eft  pas  fort  commun ,  nous  fuppo- 
fcrons  toujours  dans  la  fuite  que  la  figure 
cfl:  dans  une  fituation  diredemcnt  oppofée 
à  l'oeil ,  à  moins  que  nous  n'avertilïions 
cxpreflement  du  contraire. 

Repréfenrer  l'apparence  d'*un  carré 
AB  CD,  fig.  5  ,  dont  la  diagonale  A  C 
cft  perpendiculaire  à  la  ligne  de  terre. 

Prolongez  les  côtés  DC  de  CB  jufqu'à 
ce  qu'ils  rencontrent  la  ligne  de  terre  aux 
points  z  ,  2.J  du  point  principal  V;  tranf- 
portez  la  diftance  de  l'œil  en  JC  &  en  Z. 
De  K  aux  points  K  ôc  I,  tirez  les  droites 
KA&cKI;&cdeL  aux  points  A  & 
z  ,  les  lignes  droites  L  A  Z  z.  Les  in- 
terfe(5lions  de  ces  lignes  rcpréiènteront 
l'apparence  du  carré  A  B  C  D  vu  par 
l'angle. 

Repréfenter  l'apparence  d'un  carré 
AB  C  D  f  fig.  6  y  dans  lequel  on  en  a 
infcrit  un  autre  IMGH  ,  le  côté  du 
plus  grand  A  B  étant  fur  la  ligne  de  terre, 
&  la  diagonale  du  plus  petit  perpendicu- 
laire à  cette  même  ligne.  Du  point  prin- 
cipal V  tranfportez  de  part  èc  d'autre , 
fur  la  ligne  horizontale  H R ,  les  diftances 
VI  &  VK;  tirez  VA  &  VB,  KA 
ôc  Z  B  ;  alors  AcdB  fera  l'apparence 
du  carré  ACDB.  Prolongez  le  côté  du 
carré  infcrit  IH ,  jufqu'à  ce  qu'il  ren- 
contre la  ligne  de  terre  au  point  J,  & 
tirez  les  lignes  droites  Kl  ÔC  KZ y  alors 
ihgm  fera  la  repréfentation  du  carré  inf- 
crit IHGM;  d'où  l'on  conçoit  aifement 
la  projection  de  toutes  fortes  de  figures 
infcrites  dans  d'autres  figures. 

Mettre  en  perfpeBive  un  plancher  fait 
de  pierres  carrées  vues  directement.  Di- 
vifez  le  côté  A  B ,  fig,  j ,  tranfporté  fur 
la  ligne  de  terre  DE  en  autant  de  parties  j 
égales  qu'il  y  a  de  pierres  dans  un  rang  j 


PE  R 

du  carré;  des  difFérens  points  de  divifîon^ 
tirez  des  lignes  droites  au  point  principal 
V;  de  A  au  point  de  diftance  K ,  tirez 
une  ligne  droite  AK;  ôc  de  B  k  l'autre 
point  de  diftance  Z  ,  tirez  une  autre  ligne 
Z  B.  Par  les  points  des  interférions  des 
lignes  correfpondantes  ,  tirez  des  lignes 
droites  parallèles  à.  A  B ,  que  vous  pro- 
longerez jufqu'aux  lignes  droites  A  V  ÔC 
B  V;  alors  AfgB  fera  l'apparence  du 
plancher  AFGB. 

Mettre  en  perfpecîive  un  cercle  ;  fi  le 
cercle  eft  petit,  circonfcrivez-lui  un  carré. 
Après  avoir  tiré  les  diagonales  du  carré  , 
ôc  avoir  mené  outre  cela  dans  le  cercle 
les  diamètres  ha  ôc  de,  fig.  8,  qui  s'en- 
trecoupent à  angles  droits,  tracez  les  Ugnes 
droites  fg  ôc  i>  e  parallèles  au  diamètre 
de  par  les  points  h  ôc  f,  de  même  que 
par  les  points  c  ôc  g;  tirez  des  lignes* 
droites  qui  rencontrent  la  ligne  de  terre 
D  E  aux  points  ^  ôc  4.  Au  point  princi- 
pal y,  tirez  les  lignes  droites  Fz  ,  V^ , 
F4,  Vz;  ôc  aux  points  de  diftance  L 
ôc  Ky  menez  les  lignes  droites  ZzôcKî  ; 
enfin,  joignez  les  points  d'interfedion /2 , 
by  dy  fy  hy  gy  e,  c y^^x  Ics  arcs  aby 
hd,  df;  de  cette  manière  abdfhgec  a 
fera  l'apparence  du  cercle. 

Si  le  cercle  eft  confidérable,  fur  le  mi- 
lieu de  la  ligne  de  terre  A  B ,  fig.  ^ , 
décrivez  un  demi-cercle,  ÔC  de  différens 
points  de  la  circonférence  C,  F,  G,  H, 
1 ,  ùc.  que  vous  prendrez  en  aftez  grand 
nombre  ,  abaiflez  fur  là  ligne  de  terre  les 
perpendiculaires  Cl,  Fz,  G^,  H  4  , 
75  ,  &c.  des  points  y4,  2,^,5,  4, 5, 
6'c.  tirez  des  lignes  droites  au  point  prin- 
cipal F;  tirez-en  aufïi  une  de  B  au  point 
de  diftance  X ,  ôc  une  antre  de  A  au  point 
de  diftance  K;  par  les  points  d'interfec- 
tion  communs ,  tracez  des  lignes  droites 
comme  dans  le  problême  précédent  ;  par-là 
vous  aurez  les  points  a  ,  c  ,  f,  g ,  /t ,  i , 
qui  font  les  repréfentations  des  points  A  , 
C ,  Fy  G  y  H,  I,  Ôc  en  les  joignant 
comme  ci-deflus  ,  ils  donneront  la  pro- 
jeétion  du  cercle. 

Il  eft  à  remarquer  qu'on  peut  fe  tromper 
en  joignant  par  des  arcs  les  points  trouvés 
fuivant  la  méthode  que  nous  venons  d'en- 
feigner  ;  car  ces  arcs  ne  font  point  de» 


P  ER 

arcs  de  cercle ,  mais  des  arcs  d'une  autre 
courbe  connue  par  les  géomètres  fous^  le 
nom  d'ellipfe,  &c  dont  la  defcription  géo- 
métrique n'eft  pas  fort  facile,  fur -tout 
lorfqu'il  eft  quclHon  de  la  faire  pader  par 
pluiieurs  points  :c'eftpourquoi  il  eftprefque 
impoinble  que  la  perfpeShe  du  cercle  foie 
parfaitement  jufte ,  en  la  traçant  luivant  les 
règles  que  nous  venons  d'enfeigner  j  mais 
ces  règles  fufHfent  dans  la  pratique. 

Laraifon  pour  laquelle  la.  perfpeâive  d'un 
cercle  eft  une  ellipfe ,  au  moins  prefque 
toujours  ,  c'eft  que  la  perfpecîive  d'un 
cercle  eft  la  fedion  du  plan  du  tableau 
avec  le  cône  qui  a  Tccil  pour  fommet  & 
pour  bafe  le  cercle.  Or,  la  fedion  d'un 
cône  par  un  plan  qui  coupe  tous  fes  côtés, 
eft  prefque  toujours  une  ellipfe.  Voye:^ 
Sections  coniques. 

Au  refte ,  la  méthode  que  nous  venons 
de  propofer  pour  mettre  un  cercle  en 
perfpeâive ,  a  cela  de  commode  ,  qu'elle 
peut  être  employée  également  pour  mettre 
en  perfpeâive  une  courbe  ou  une  figure 
curviligne  quelconque  ;  car  il  n'y  a  qu'à 
infcrire  &  circonfcrire  à  cette  figure  des 
carrés  ou  des  redangles ,  fi  la  figure  n'eft 
pas  fort  grande  ;  ou  fi  elle  l'cft  ,  mettre 
en  perfpeâive  plufieurs  de  les  points ,  que 
l'on  joindra  cnfuite  par  des  lignes  courbes  : 
on  peut  fe  fervir  de  la  même  méthode 
pour  mettre  un  plancher  en  perfpeâive, 
quelle  que  foit  la  figure  des  pierres  dont 
il  eft  compofé. 

On  voit  de  quel  ufage  le  carré  peut  être 
dans  iSL perfpeâive;  car  même  dans  le  fécond 
cas  ,  où  l'on  s'eft  contenté  de  tracer  {i  perf- 
peâive du  cercle  par  plufieurs  points,  on  fait 
réellement  ufage  d'un  carré ,  divifé  en  un 
certain  nombre  d'aréoles ,  &  circonfcrit  au 
cercle  ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  tracé  fur  le 
plan  géométral  dans  la  figure  que  l'on  s'eft 
propolée. 

Repréfenter  en  perfpeâive  un  penta- 
gone régulier  ayant  un  bord  ou  limbe  fort 
large  &:  terminé  par  des  lignes  parallèles. 
1°.  Des  différens  angles  du  pentagone 
extérieur  jB  ,  C,  Z> ,  E ,  fig.  îo,  abaiflèz 
fur  la  ligne  de  terre  TS  les  perpendi- 
culaires -Bz,  Ci,  -Dj,  E  4  y  que 
vous  tranfporterez  comme  ci-deflus ,  fur 
h  ligue  de  terre  \  après  quoi  des  points 


P  E  R  4^5 

î  ,  ît ,  5  ,  4  >  tirant  des  lignes  au  point 
principal  V,  8c  de  ces  mêmes  points  tirant 
d'autres  lignes  au  point  de  diftance  K  , 
les  communes  interférions  de  ces  lignes 
repré Tenteront  l'apparence  du  pentagone 
extérieur.  Maintenant  fi  des  angles  inté- 
rieurs G  ,  H  i  L  ,  I ,  vous  abaiflèz  pa- 
reillement les  perpendiculaires  G  o  ,  H§  , 
KG,  Ijy  L8,  èc  que  vous  acheviez 
le  refte  comme  dans  le  premier  cas ,  vous 
aurez  la  repré tentation  du  pentagone  in- 
térieur ;  ainfi  le  pentagone  A  B  C  D  E 
fera  repréfenté  en  perfpeâive  avec  fon 
bord. 

On  a  mis  ici  ce  problême ,  afin  que 
l'on  eût  un  exemple  d'une  figure  en  perf- 
peâive ,  terminée  par  un  bord  large. 

Il  faut  obferver  ici ,  que  fi  les  grandeurs 
des  différentes  parties  d'un  objet  étoient 
données  en  nombres  avec  la  hauteur  &  la, 
diftance  de  l'oeil ,  on  doit  premièrement 
en  cpnftruire  la  figure  avec  une  échelle 
géométrique  ,  &  y  déterminer  ,  par  le 
même  moyen  ,  le  point  fondamental  ^ 
le  point  de  diftance. 

Il  n'eft  pas!toujours  néceflaire  que  l'objet 
foit  tracé  fous  la  ligne  de  terre ,  quand 
on  fait  la  projection  des  carrés  &  des 
planchers  ;  il  eft  mieux  de  s'en  palier  \ 
mais  quand  cela  eft  néceflaire  &:  que  l'ef- 
pace  manque ,  on  le  trace  en  particulier , 
6c  après  avoir  trouvé  les  divifions  dont 
on  a  befoin,  on  les  tranfporte  fur  la  ligne 
de  terre  qui  eft  dans  le  tableau. 

Si  l'on  attache  des  fils  au  point  prin- 
cipal èc  au  point  de  diftance  ,  hc  qu'on  les 
étende  au  point  de  divifion  fur  la  ligne  de 
terre ,  la  commune  fedion  de  ces  fils  don- 
nera très-diftindement  la  projedion  de» 
différens  points,  &  cette  méthode  peut 
fouvcnt  être  employée  avec  fuccès;  car  il 
eft  fort  difliîcile  d'éviter  la  confufîon  quand 
on  t(i  oblige  de  tracer  un  grand  nombre 
de  lignes. 

La  perfpeâive  fcénographique  ,  ou  la 
projedion  des  corps  fur  un  plan  ,  eft  la 
repréfentation  d'un  corps  fur  un  plan  avec 
toutes  (tis  dimenfions,  tel  qu'il  paroît  aux 
yeux.   V.  l*arîicle  Scénographie. 

Toute  la  difficulté  fe  réduit  au   pro- 
blême fuivant  :  fur  un  point  donné  C, 
^ fig.  î  &  il,  élever  une  hauteur  perfpeâive 

Ppp  z 


4H  VE  K 

correfpGndante  à  la  hauteur  objeâiive  F  Q 
donnée. 

Sur  la  ligne  de  terre  élevez  une  per- 
pendiculaire P  Q  y  égale  à  la  hauteur 
objedtive  donnée.  Des  points  F  ôc  Q 
menez  à  un  point  quelconque ,  tel  que  T, 
les  lignes  droites  F  T  ôc  QT.  Du  point 
donné,  C  tirez  une  Hgne  CK  parallèle  à 
la  ligne  de  terre  DE,  ôc  qui  rencontre 
en  K  la  ligne  droite  Q  T;  au  point  K 
élevez  une  perpendiculaire  IK  fur  K  C; 
cette  ligne  IK,  ou  fon  égale  CS,  cft 
la  hauteur  fcénographique  que  Ton  de- 
mandoir. 

De  la  perjpeclive  d'un  bâtiment.  Dans 
la  pratique  de  cette  perfpeclive  on  confidere 
deux  chofes,  le  plan  &  l'élévation  du  bâ- 
timent ':  le  plan  eft  ce  ^u'on  appelle  au- 
trement ichnographie.  Voyez  Ichnogra- 
PHiE.  On  trace  ce  plan  de  manière  que  les 
parties  les  plus  éloignées  foient  plus  petites, 
fîiivanc  la  proportion  qu'on  y  veut  "mettre 
ôc  qui  dépend  de  la  pofition  du  point  de 
vue,  ôc  on  élevé  enfuite  fur  ce  point  les 
perpendiculaires  qui  marquent  les  hauteurs 
correlpondantes  des  différentes  parties  du 
bâtiment  ;  après  quoi  on  ajoute  à  k  figure 
de  la  carcaflè  du  bâtiment ,  les  ornemens 
des  différentes  parties.  Ainfi  on  voit  que  le 
problême  qui  confifte  à  mettre  un  bâti- 
ment en  perfpeclive  ,  fe  réduit  à  mettre 
en  perfpeclive  des  furfaces  ou  des  folides 
placés  à  des  diftances  connues. 

Perspective  a  vue  d'oiseau  ,  eft 
h.  repréfentation  que  Pon  fait  d'un  objet 
en  fuppofant  l'œil  fort  élevé  au  deffus  du 
plan  où  cet  objet  eft  repréfenté,  en  forte 
que  Tocil  en  apperçoive  un  très -grand 
nombre  de  dimenfîons  à  la  fois  :  par  exem- 
ple j  le  plan  d'une  ville  avec  fes  rues  ôc 
fes  maifons ,  eft  un  plan  à  vue  d'oifeau  j 
tel  eft  le  plan  en  grand  de  Paris ,  qui  a 
été  fait  il  y  a  quelques  années  par  ordre 
de  k  ville.  (£) 

Perspective  aérienne,  eft  celle  qui 
repréfentc  les  corps  diminués  ôc  dans  un 
moindre  jour ,  à  proportion  de  leur  éloi- 
gnemcnt, 

La  perjpeclive  aérienne  dépend-  fur-tout 
de  k  teinte  des  objets  que  Ton  fait  pius 
ou  moins  force  >  ou  plus  ou  moins  claire  , 
fclon  qu'on  veut  repréfentei  l'objet  plus 


P  E  R 

ou  moins  proche.  Voye^  Couleur  & 
Clair-obscur.  Cette  méthode  eft  fon- 
dée fur  ce  que  plus  eft  longue  la  colonne 
d'air  à  travers  laquelle  on  voit  l'objet, 
plus  eft  foible  le  rayon  vifuel  que  l'objet 
envoie  à  Pœil.  F.  Vision. 

Perspective  a  fe  dit  aufTî  d'une  efpcce 
de  peinture  que  l'on  voit  ordinairement 
dans  les  jardins  ou  au  fond  des  galeries , 
qui  eft  faire  exprès  pour  tromper  la  vue, 
en  repréfentant  la  continuation  d'une  allée  , 
d'un  bâtiment,  d'un  payfage,  d'un  lointain 
ou  de  quelque  chofe  femblable. 

Perspective  ,  (  Feinture.  )  La  perf- 
peclive eft  l'art  de  repréfenter  les  objets 
qui  font  fur  un  plan ,  félon  la  différence 
que  l'éloignement  y  apporte ,  loit  pour  la 
figure ,  foit  pour  la  couleur  j  elle  eft  fondée 
fur  la  grandeur  des  angles  optiques  & 
des  images  qu'ils  portent  à  différentes 
diftances. 

On  diftingue  donc  deux  fortes  de  perf- 
peclives ,  la  linéaire  Ôc  l'aérienne.  La  perf- 
peclive linéaire  confifte  dans  k  jufte  rac- 
courciflement  des  lignes;  l'aérienne,  dans 
une  i[ufte  dégradation  des  couleurs  ;  car 
dégrader ,  c'eft ,  en  terme  de  peinture , 
ménager  le  fort  ôc  le  foible  des  jours ,  des 
ombres  ôc  des  teintes ,  félon  les  divers 
degrés  d'éloignement.  C'eft  par  cette  forte 
d'illufion  que  la  peinture  féduit  les  fens  , 
ôc  que  Pon  attribue  du  relief  à  ce  qui  n'en 
a  pas.  Voici  le  méchanifme  qui  produit 
cette  erreur  agréable. 

Le  jugement  que  rinftinél  porte  de  la 
grandeur  &  des  dimenfions  des  corps ,  fe 
mefure  par  leurs  éloignemens  apparens  , 
ôc  par  leurs  dififérens  degrés  de  clarté.  Un 
objet  qui  fe  trouve  placé  à  une  grande 
diftance  de  l'oeil  qui  le  voit,  paroîr  fous 
des  dimenfions  diminuées  ;  mais  l'inftind: 
habituel  frappé  de  la  diftance,  corrige  cette 
altération,  &  rend  à  l'objet  fa  véritable- 
grandeur. 

Ainfi  pour  féduire  le  jugement  invo- 
lontaire, il  doit  fufïire  de  donner  fur  un; 

.  tableau  les  apparences  des  diftances  réelles.. 
Ces  apparences   font  décidées  ôc   par  la 

■  diminution  de  l'objet ,  &  par  raffoiblifiè- 
ment  de  Çd.  clarté.  Une  extrémité-  de  pay fa- 

'  ges  dont  les  traits  font  diminués  ôc  incer- 

;  tains,, les  coukurs  mal  décidées  ôc  laiumicic- 


P  E  R 

affoiblic  ,  ne  peut  rappeller  que  dies  objets 
éloignés.  L'indinâ:  involontaire  iranfporte 
au  loin  ces  repréfentations  ,  qui  par  la  foi- 
blelTe  de  leur  clarté  ne  peuvent  être  fuppo- 
fées  qu'à  de  grandes  diftances. 

La  diftance  apparente  peut  être  encore 
augmentée  par  le  nombre  d'objets  réels 
ou  apparens  &  intermédiaires.  Dans  un 
tableau  où  les  traits  ne  feroient  point  ter- 
minés ,  ni  la  lumière  fixe ,  il  paroîtroit 
qu'on  eût  peint  de  petits  objets  dans  le 
crépufcule  j  mais  fi  on  décide  le  jour  par 
la  vivacité  de  certaines  couleurs  ,  par  la 
force  &  la  corredion  du  deffin  de  certaines 
parties  ,  alors  ce  qui  efl:  fur  la  iurface  plate 
&  dont  la  clané  eft  affoiblie  ,  frappe 
rinftindt  comme  il  feroit  dans  l'éloignemenr. 
Ix  jugement  involontaire  fépare  ces  objets 
de  ce  qui  eft  fixement  éclairé. 

Pour  rendre  fur  une  furface  plate  un 
lointain  dans  lequel  la  vue  puiile  fe  perdre , 
on  peint  une  luite  d'objets  dégradés  par 
nuances.  Ce  font  ou  des  palais ,  ou  des 
campagnes,  ou  des  figures  qui  dans  leurs 
lucceflions  fuivent  les  dirainutionsoptiques, 
&  qui,  à  proportion  d'un  plus  grand  éloigne- 
ment ,  où  l'on  veut  les  faire  paroître  ,  ont 
des  defïîns  moinsarrêtésck  une  lumière  plus 
affoiblie.  Cette  imitation  de  l'éloignement 
féduifant  l'inftind  ,  le  tableau  prend  du  re- 
lief ,  les  objets  y  paroiflent  féparés ,  &  à  de 
grandes  diftances;  il  n'eft  pas  même  pofïîble 
à  la  réflexion  de  détruire  ces  effets méchani- 
ques. 

Il  eft  conftant  que  l'imitation  eft  non  feu- 
lementla  première  règle  de  la  peinture,  mais 
qu'elle  eft  Ton  principe  ,  fa  fource ,  enfin  ce 
qui  lui  a  donné  la  nailTànce;  il  eft  conftant 
encore  qu'il  ne  faut  pas  avoir  une  connoil- 
fance  &c  une  pratique  bien  étendues  dans  ce 
même  art ,  pour  avoir  exprimé  ou  indiqué 
dès  le  premier  inftant  qu'il  a  été  exercé ,  le 
fuyant ,  la  diminution  &  la  dégradation  que 
k  nature  préfente  &  delTine  de  tous  les  cô- 
tés; c'ell-là ,  comme  nous  l'avons  dit, 
ee  qu'on  appelle  perfpeciive ,  c'eft  -  à  -  dire  , 
le  changement  &  la  diminution  que  l'air 
pour  la  couleur ,  &  la  diftance  pour  le  trait, 
apportent  fur  des  objets  expofés  à  laotre 
Tue. 

hz. perfpeciive  àt  la  couleur  a  peut-être 
été  plus  long- temps  à  s'établir;  les  geiutrea 


P  £  R  4J5 

auront  été  plus  long- temps  retenus  par  le 
défaut  des  moyens  ;  &  quand  la  pratique 
&  l'ufage  leur  ont  fourni  ces  mêmes 
moyens ,  il  eft  vraifemblable  qu'ils  ont  vu 
quelque  temps  cette  diminution  de  la  cou- 
leur, &c  "même  les  dégradations  du  traie 
les  plus  compliquées  &  les  moins  naturelles, 
fans  ofer  les  exprimer  ,  dans  la  crainte 
de  n'être  point  entendus.  En  effet ,  quelle 
devoit  être  à  cet  égard  la  réferve  des 
anciens  peintres  ,  pu i (que  même  encore 
aujourd'hui  l'on  eft  obligé  d'éviter  des  figu- 
res telles  que  h  perfpeciive  ptui  les  donner, 
parce  qu'elles  ne  font  point  heureufes? 
N'entend-on  pas  tous  les  jours  les  gens  du, 
monde  dire ,  en  confidérant  le  fond  d'un 
tableau:  "mais  ce  n'eft  point  là  tel  bâ- 
„timenr,  je  n'en  ai  point  vu  de  cette 
„  couleur ,  jamais  il  n'y  a  eu  de  fi  petites 
,,  mailbns ,  &c.  „  Car  ces  mêmes  gens  , 
qui  d^'ailleurs  ont  de  Pefprit ,  mais  qui 
n'ont  jamais  réfléchi  fur  la  nature  &  moins 
encore  fur  l'imitation  ,  ne  reconnoî- 
tront  pas  leur  ami  defliné  de  profil ,  oa 
des  trois  quarts ,  parce  qu'ils  n'en  ont  jamais 
été  frappes  qu'en  face.  Mais  laiffons  ces 
gens  du  monde,  qui  font  le  malheur  des 
arts  &  de  toutes  les  connoiflànces  qu'ils 
n'ont  pas  ;  8c  revenons  à  la  perfpeciive  , 
après  être  convenus  que  les  premiers  pein- 
tres ont  été  long-temps  fans  ofer  exprimer 
celle  de  la  couleur,  ôc  peut-être  celle  du 
trait.. 

Il  faut  remarquer  que  la  perfpeciive  s'étend 
fur  tous  les  objets  les  plus  voifins  de  l'œil  , 
ôc  que  le  monde  en  général  ne  connoîr  que 
celles  qui  repréfentant  des  bâtimens  Se 
des  architedtures  fur  des  plans  dégradés , 
en  portent  le  nom  par  excellence.  Pour  fe 
convaincre  de  la  ficilité  avec  laquelle  t^us 
les  hommes  ont  pu  remarquer  hperTpéc^ 
tire ,  OC  par  conféquenrPexprimer,  il  fufxît 
de  regarder  par  l'angle  un  bâtiment  un  peu 
élevé,  &  de  quelque  étendue  dans  fk 
longueur  ;  on  fera  frappé  de  l'abaiflement 
proportionnel  de  fon  trait  dans  toutes  fes 
parties,ainfique  delà  dégradation  de  fa  cou- 
leur; &  dès-lors  on  concevra  que  tout  pein- 
tre ,  fans,  être  obligé  de  palier  par  les^ 
règles ,  a  dû  néceflàirement  exprimer  cer 
qi/il  voyoitaufridairemei.it  &c  au^  couf- 
uimintuc 


48^  P  E  R 

L'imitation  feule,  un  raisonnement  des 
plus  fimples ,  enfin  Tare  lui  -  même  nous 
prouvent  donc  inconteftablement  que  tous 
les  peuples  qui  ont  connu  le  delîiu  ,  ont 
dû  avoir  une  idée  plus  ou  moins  jufte, 
ôc  plus  ou  moins  étendue,  mais  toujours 
confiante  de  la  perfpeciive.  Cependant 
on  a  voulu  en  refufer  la  connoidance  aux 
Grecs ,  les  peuples  de  la  terre  qui  ont 
pouHe  le  plus  loin  le  fentiment ,  la  finefle 
Se  l'exécution  des  arts.  S'ils  n'eu  (lent  point 
connu  la  perfpeciive ,  auroient-ils  conduit 
l'imitation  jufqu'à  tromper  les  hommes 
même  ?  Auroicnt-ils  élevé  ces  fuperbes 
fcenes ,  &  décoré  ces  immenfes  théâtres 
d'Athènes  avec  tant  de  grandeur  &  tant 
de  dépenfè?  Un  peuple  ii  fin  &  il  délié 
en  toutes  choies ,  auroit-il  fouienu  la  vue 
d'un  amas  confus  d'arbres ,  de  bâtimens , 
enfin  celle  d'un  fpeâracle  de  dél'ordre ,  tel 
qu'il  auroit  été  néceflairement  fans  ce  pre- 
mier principe,  dont  la  nature  fournit  à 
chaque  inftant  des  exemples  (î  faciles  à 
comparer? 

M.  Perrault ,  admirateur  outré  de  fon 
fiecle  ,  ert:  un  de  ceux  qui  ont  porté  le  plus 
loin  la  prévention  contre  les  anciens , 
n'ayant  cherché  dans  fes  écrits  qu'à  les 
abaifler  prefqu'en  toutes  choies;  mais  il 
n'a  pas  eu  plus  de  fuccès  que  tous  ceux 
qui  ont  couru  la  même  carrière,  en  fou- 
tcnant  d'auflTi  mauvaifes  thefes  que  les 
fiennes.  Cet  homme  peu  philofophe  ,  dans 
quelque  fens qu'on  veuille  prendre  ce  mot, 
a  avancé  deux  proportions  également 
fauflès  \  l'une ,  que  les  peintresou  les  fculp- 
teurs  n'avoient  aucune  idée  de  la  perfpec- 
iive,  qu'ils  en  ignoroient  les  règles ,  qu'ils 
ii'étoient  point  conduits  par  la  vue  de  ces 
principesqui  dirigent  aujourd'hui  nospein- 
tres;  l'autre,  qu'ils  n'avoient  point  par 
conféquent  le  fccret  de  dégrader  les  figu- 
res ,  ni  par  la  forme ,  ni  par  les  couleurs , 
&  qu'ils  n'avoient  jamais  fait  de  tableau 
où  cette  dégradation  fut  fenfible. 

Nous  ne  prétendons  pas  alTurer  que 
les  anciens  aient  eu  une  théorie  auiTi 
étendue  de  la  perfpeciive  que  celle  que 
nous  avons  aujourd'hui  ;  peut  -  être  que 
cette  intelligence  parfaite  des  myfteres 
de  la  perfpeciive ,  devoir  être  le  fruit  des 
réflexions,  du  goût  &  du  travail  de  tant 


PER 

de  génies  extraordinaires  qui  ont  para 
depuis  1 500  ans.  Comme  les  fciences  &c 
les  arts  fe  prêtent  un  fecours  mutuel,  les 
découvertes  qu'on  a  faites  en  plufieursde 
ces  arts  qui  ont  rapport  à  la  peinture , 
ont  bien  pu  fcrvir  à  mieux  développer 
nos  connoilîànces,  &  à  produire  des  ou- 
vrages plus  réguliers  èc  plus  parfaits.  Cha- 
que fiecle  ajoute  aux  lumières  des  fiecles 
précédens.  Si  donc  M.  Perrault  s'étoit 
contenté  d'accorder  à  notre  fiecle  quelque 
fupériorité  en  ce  genre ,  il  n'auroit  rien 
dit  qui  ne  fût  railbnnable  ;  mais  en  rava- 
lant le  mérite  des  peintres  anciens  jufqu'à 
leur  refufer  toute  connoifl'ance  de  la  perf- 
peclive ,  c'eft  (è  montrer  par  trop  ridicule. 
Comment  fe  peut-il  que  la  peinture  ait  eu 
tant  d'éclat  fous  le  règne  d'Alexandre  le 
grand ,  &c  que  les  plus  habiles  n'aient  eu 
aucune  idée  de  la  perfpeciive  ,  fans  le 
fecours  de  laquelle  on  convient  que  le 
peintre  ne  peut  pas  tirer  une  ligne  ,  ni 
donner  un  feul  coup  de  pinceau  ? 

Ludius ,  dit  Pline  ,  peignit  le  premier  fur 
les  murailles  des  ouvrages  d'architedure  & 
des  payfages.  Or  quelle  idée  pourroit-on  fe 
fiire  de  ces  fortes  de  tableaux ,  fi  l'on 
refufoit  aux  anciens  la  connoiflance  de  la 
perfpeciive?  Apaturius  fit  une  décoration 
de  théâtre  dans  une  ville  de  Lydie ,  célèbre 
par  fon  temple  de  la  viéloire  ,  &c  cette 
décoration  étoit  faite  dans  toutes  les  règles 
établies  par  Agatharque  de  Samosqui  l'avoit 
inventée.  Léonard  de  Vincy ,  en  expliquant 
ces  mêmes  règles ,  n'en  a  pas  mieux  fait 
fentir  les  effets,  que  Platon  dans  un  dialo- 
gue du  fophifte,  &  Socrate  dans  fon  dixième 
livre  de  la  république. 

En  effet,  Apaturius  peignit  à  Tralles, 
dans  un  petit  théâtre ,  une  fcene  où  il 
repréfenta ,  au  lieu  de  colonnes  ,  Ses 
ftatues ,  des  centaures  qui  foutenoient  les 
architraves,  des  toits  en  rond ,  des  dômes  ; 
fur  tout  cela  il  peignit  encore  un  fécond 
ordre  ,  ou  il  y  avoir  d'autres  dômes ,  des 
faites  que  l'on  ne  voyoit  qu'à  demi,  ôc 
toutes  les  autres  chofes  qui  font  aux  toits 
des  édifices.  "  Tout  l'afpeét  de  cette  fccne 
„  paroifloit  fort  beau ,  dit  Vitruve  , 
„  liv.  VII ,  ch.  V  y  à.  caufe  que  le  peintre 
„  y  avoir  Ci  bien  ménrigé  les  différentes 
5,  teintes,  qu'il  fembloit  que  cette  archi- 


PER 

i,teâ:ure  eût  toutes  Tes  faillies  ,».  Le  texte 
iîgnihe  à  la  lettre  que  l'afpeâ:  de  cette  fcene 
fîattoit  agréablement  la  vue  à  caufe  de 
{on  âpreré,  pr opter  afperitatem  y  ou  plu- 
tôt à  caufe  de  fon  inégalité^  ce  qui  venoit 
de  ce  que  la  lumière  étant  bien  choiiîe  & 
bien  répandue  fur  certaines  maiïe^-,  elles 
avoient  un  grand  relief,  &:  fembloient  s'a- 
vancer; la  toile,  quelqu'unie  qu'elle  fût,  pa- 
roillbit  raboteule.  Mais  il  étoit  impolfible 
que  certaines  parties  de  cette  peinture 
euflent  une  apparence  de  faillies ,  qu'il 
n'y  en  eût  d'autres  plongées  dans  l'enfon- 
cement &  dans  un  lointain  ,  ce  qui  efl: 
tout  le  fccret  de  h.perfpeciive. 

Quoique  cette coniequence  foit  évidente, 
quoiqu'elle  foit ,  pourainfidire,  renfermée 
toute  entière  dans  ces  termes  mêmes  du 
pallage ,  je  vais  la  faire  envifager  dans  un 
autre  encore  plus  précis.  C  eft  toujours 
Vitruve  qui  parle  dans  fa  préface,  &  la 
tradu6lion  de  Claude  Perrault.  "  Démo- 
3,  crite  &  Anaxagore  ont  écrit  fur  ce  fujet , 
3,  principalement  par  quel  artifice  on  peut , 
3,  ayant  mis  un  point  en  un  certain  lieu  , 
a,  imiter  iS  bien  la  naturelle  difpolition 
5,  des  lignes  qui  fortent  des  lieux  en  s'élar- 
„  gillànt  ,  que  bien  que  cette  difpoiîtion 
3,  des  lignes  nous  foit  inconnue ,  on  ne 
„  laifle  pas  de  rencontrer  à  rcpréfenter 
5,  fort  bien  les  édifices  dans  les  perfpeclives 
3,  que  l'onfait  aux  décorations  des  théâtres, 
y,  &  on  fait  que  ce  qui  eft  peint  feulement 
3,  fur  une  furface  plate  ,  paroit  avancer  en 
,,  des  endroits ,  &  (e  reculer  en  d'autres,,. 
Les  anciens  n'ignoroient  donc  pas  hperf- 
pecl/ve. 

Il  eft  malheureux  que  la  peinture  an- 
cienne ,  au  moins  la  plus  parfaite  dc  la  plus 
terminée  ,  n'exifte  plus  ,  pour  nous  con- 
vaincre du  degré  auquel  les  anciens  ont 
porté  la  perfpeclive.  On  (ait  qu'au  fîecle 
même  d'Augufte  les  tableaux  dc  Zeuxis, 
d'Apelle ,  de  Protogene  &  des  autres  grands 
peintres  du  bon  temps  de  la  Grèce  ,  fe 
diftinguoient  à  peine  ,  tant  la  peinture  en 
ëroit  évaporée,  effacée  ,  &  le  bois  ver- 
moulu. Il  ne  nous  refte  aujourd'hui,  pour 
établir  notre  jugement,  que  quelques  pein- 
tures fur  la  muraille  ,  que  nous  fommes 
trop  heureux  d'avoir  ,  mais  que  notre 
goût  pour  l'antique  ne  doit  pas  nous  faire 


PER  4ÎJ7 

admirer  e'galement.  Toutes  belles  qu'elles 
puiftent  être  à  de  certains  égards ,  il  eft 
certain  qu'on  ne  peut  les  comparer  à  ces 
fuperbes  tableaux  dont  les  auteurs  anciens 
ont  fait  de  fi  grands  éloges,  dont  ils  parloienc 
à  ceux  même  qui  les  admiroient  avec  eux 
à  ceux  qui  fentoient  tout  le  mérite  des 
chefs-d'œuvre  de  fculpiure  ,  fur  lefquels 
on  ne  peut  foupçonner  ces  auteurs  de 
prévention  ,  puifque  nous  en  jugeons  5c 
que  nous  les  admirons  tous  les  jours ,  & 
qu'enfin  nous  fàvons  qu'ils  étoient  égale- 
ment employés  à  la  décoration  des  tem- 
ples &  des  autres  lieux  publics  Ces  arts 
fe  fuivent  au  point  qu'il  eft  phyfîquemenc 
impoflible  que  l'un  fut  élégant  &  fublime, 
tandis  que  l'autre  auroit  été  réduit  à  un 
point  de  platitude  &  d'imperfedion ,  telle 
que  feroit  en  effet  une  peinture  fans  relief, 
fans  dégradation ,  enfin  fans  ce  qu'on  ap- 
pelle l'intelligence  &c  l'harmonie  ,  parties 
de  l'art ,  qui  toutes ,  quoiqu'elles  ne  pa- 
roi (lènr  pas  appartenir  diredemewt  à  notre 
objet ,  doivent  cependant  être  comprifes 
fous  le  nom  de  la  p.rfpePiive  dont  elles 
font  partie.  Après  tout  ,  les  peintures  à 
frefque  déterrées  d'Herculanum  ,  fuffifent 
pour  juftifier  que  h  perfpeclive  étoiz  bien 
connue  des  anciens. 

Avant  même  que  le  roi  d'Efpagne, 
alors  roi  de  Naples,  nous  en  eût  donné 
cette  preuve,  en  retirant  de  cette  ville 
un  prodigieux  nombre  de  peintures,  les 
hachures  qui  expriment  les  ombres  dans 
la  nfce  aldobrandine ,  nous  apprenoienr 
bien  que  fon  auteur  n'ignoroit  point  cette 
partie  de  l'art.  Cen'eft  pas  tout  ;  le  fujet 
traité  dans  un  intérieur  de  maifbn  repréfente 
dix  figures  fur  le  même  plan  ;  elles  font 
pofées  fîmplement  &  naturellement ,  fans 
aucune  attitude  forcée  ,  &  fans  la  recherche 
ni  l'affedation  d  aucun  contraftc.  Si  d'un 
coté  elles  ne  font  point  obligées  d'avoir 
aucune  diminution  de  trait  ou  de  couleur, 
le  peintre  n'en  a  pas  moiiis  indiqué  la 
perfpeclive  dans  toutes  les  parties  oij  elle 
étoit  nécefTàire  ,  non  feulement  par  la 
rondeur  des  corps ,  &  par  le  fentiment  de 
l'intervalle  qui  les  fépare  du  fond,  mais 
par  la  jufte  dégradation  des  corps  que  fon 
fujet  lui  demandoit ,  tels  que  l'autel ,  le 
I  lit ,  le  plancher  ,    frc.   Or  fi  toutes   ces 


4^8  P  E  R 

parties  ne  font  pas  de  la  perfpeêive  aux 
yeux  d'un  homme  d'art ,  je  ne  fais  où  il 
en  fiiuc  chercher ,  aujourd'hui  même  que 
cette  fcience  eft  airurément  plus  connue 
qu'elle  ne  l'a  jamais  été. 

Si  l'on  veut  bien  encore  examiner  plu- 
fieurs  peintures  antiques  du  tombeau  des 
Nazoni,  &  principalement  une  chalfe  de 
cerf  qu'on  trouvera  deflinée  à  la  pi.  XXX, 
ainfi  que  tout  le  recueil  mis  au  jour  par 
Pietro  Santo  Bartoli ,  édition  de  Rome 
1680,  on-  fera  frappé  des  connoiflances 
que  les  anciens  avoient  faites  dans  la  perf- 
peclive  depuis  Paufias. 

Les  facrifîces  peints  par  ce  célèbre 
artifte  ,  donnent  une  idée  complète  de  la 
perfpeclive  ;  c'eft  Pline  qui  en  parle  , 
liv.  XXXV y  ch.  xjy  en  ces  mots  :  Cùm 
cmnes  qius  volant  eminentia  videri ,  can- 
dicantia  faciant  ,  coloremque  condant 
nigro,  hic  totum  bovem  atri  coloris  fecit  ; 
c'eft-à-dire ,  loin  de  faire  ,  comme  on  le 
pratique  ordinairement,  les  corps  faillans 
blancs  avec  des  oppoiîtions  noires ,  il 
peignit  le  bœuf  abfblument  noir.  On  ne 
peut  mieux  décrire  l'intelligence,  l'har- 
monie &  la  ruption  des  couleurs ,  d'autant 
que  le  même  Pline  ajoute  :  umbrceque 
corpus  ex  ipfo  dédit  {fcilicet  nigro)  ;  il 
tira  les  ombres  &  le  corps  (  du  bœuf)  de 
cette  feule  couleur  (noire).  Il  ditenfuite  : 
Magna  prorfus  artt ,  &  in  que  extantia 
cflendens ,  &  in  confraclo  folida  omnia  : 
faifant  voir  avec  un  art  infini  fur  une  fur- 
face  toute  l'étendue  &  la  folidité  des^prps 
par  des  traits  rompus.  Il  eft  impoffible  de 
donner  plus  parfaitement  l'idée  des  corps 
mis  en  perfpeclive. 

M.  Perrault  fonde  une  de  fes  preuves 
de  l'ignorance  des  anciens ,  en  fait  de 
perfpeclive  ,  fur  les  bas-reliefs  de  la  colonne 
trajane ,  où  en  effet  toutes  les  règles  de  la 
perfpeclive  font  violées  :  mais  il  a  eu  grand 
rort  de  ne  pas  diftinguer  la  différence  des 
iîecles  de  l'antiquité.  Peui-ii  y  avoir  quel- 
que rapport  entre  la  fçulpture  des  Romains 
du  temps  de  Trajan,  6c  celle  des  Grecs 
dansPéclat  de  leurs  arts?  D'ailleurs  ,  fonder 
ijne  indudbion  générale  fur  un  exemple  par- 
ticulier ,  eft  un  vice  de  raifonnement  con- 
traire aux  préceptes  de  tous  les  logiciens 
4u   monde.   Mais    on    pçut   oppofer   à 


PEU 

M.  Perrault  des  faits  inconteftables  contre 
fon  opinion  ,  &  qu'il  ne  dévoie  pas  ignorer. 
Le  recueil  de  Roffi  qui  a  pour  titre  , 
admiranda  veteris  fculpturœ  vejtigia  ,  nous 
préfente  plufleurs  bas-reliefs  qui  font  une 
preuve  évidente  de  la  connoiflànce  des 
anciens  dans  la  perfpeâive. 

M.  Perrault  donne  aufli  les  médailles  des 
anciens  pour  preuve  de  leur  ignorance 
dans  la  perfpeclive;  il  afture  même  que 
l'on  n'en  connoît  aucune  trace  fur  ces 
monnoies.  Mais  c'eft  un  reproche  trop 
outré  ;  car  quoiqu'il  foit  vrai  que  la  plus 
grande  partie  des  médailles  anciennes 
manque  du  côté  des  règles  de  la  perfpec- 
tive,  il  n'eft  pas  vrai  qu'elles  foient  toutes 
dans  ce  cas-là.  On  a  plulleurs  médailles,  & 
fur-t<?ut  des  médaillons  dans  lefquels  non 
feulement  on  fait  plus  que  d'entrevoir  la 
perfpeclive ,  mais  elle  s'y  trouve  entière- 
ment prononcée.  Tel  eft  un  médaillon 
de  Seleucus  1,  roi  de  Syrie  ,  repréfenrant 
d'un  coté  la  tête  de  Jupiter ,  &  au  revers 
Pallas  dans  un  char  tiré  par  quatre  élé- 
phans,  lançant  d'une  main  un  javelot,  & 
de  l'autre  tenant  un  boucliet^-cctte  Pallas 
eft  dégradée  avec  toute  l'intelligence  né- 
ceflâire,  les  éléphans  fe  diftinguent  fans 
confufion ,  &:  la  roue  du  char  eft  vue  de 
côté  ,  même  avec  une  grande  finefle  de 
perfpeclive ,  ce  qu'il  faut  voir  fur  le  mé- 
daillon ;  car  tous  ceux  qui  l'ont  gravé 
n'ayant  point  été  fenfibles  à  cette  partie , 
ne  l'ont  pas  fait  fentir.  Au  refte  ,  ce 
médaillon,  qui  eft  du  cabinet  du  roi,  fe 
trouve  gravé  dans  l'hiftoire  des  rois  de 
Syrie,  par  M.  Vaillant,  dans  les  annales 
de  Syrie  du  P.  Fra:lich  ,  &  dans  plufieurs 
autres  recueils  d'antiquité.  Tels  font  encore 
deux  médaillons  de  bronze  de  la  fuite  du 
roi.  Le  premier  eft  de  Fauftine  mcre: 
d'un  coté  la  tête  de  cette  princefTe  ,  de 
l'autre  l'enlèvement  des  Sabines  i  ce  revers 
repréfente  plufieurs  femmes  dans  le  trouble 
naturel  à  leur  fjtuation  ,  mais  grouppées 
avec  tout  l'art  du  deffin  &  de  la  perjpec- 
tive.  Le  fécond  eft  de  Lucius  V^rrus  ;  le 
revers  repréfente  Marc  -  Aurele  ,  ôc  ce 
prince  dans  un  char  tiré  par  quatre  che- 
vaux ,  eft  précédé  par  plufieurs  foldats 
pofés  fur  différens  plans ,  avec  des  dégra- 
,  dations  convenables  à  leur   éloignemenr, 

M.  de 


i>  E  R 

M.  de  Caylus  a  fait  graver  toutes  ces 
médailles  à  la  fuite  de  fon  difcours  fur  la 
perfpecUve  Ats  anciens ,  dans  les  mémoires 
de  littérature,  tome  XXIII y  page  3^i. 
La  perfpeclivt  des  fonds  eft  plus  rare 
dans  les  pierres  gravées  ,  que  dans  les 
médaiUes  i  la  raifon  en  eft  bien  fimple  , 
nous  avons  moins  de  fujets  de  comparai- 
ibn  ,  &  l'un  ne  fe  multiplie  pas  comme 
l'autre  :  néanmoins  fi  Ton  regarde  dans  le 
recueil  des  pierres  gravées  du  roi ,  que 
M.  Manette  a  donné  au  public  avec  tant 
de  foin  ,  \ti  numéros  95  ,  102  &  m , 
Ton  verra  que  les  anciens  n'ignoroient  pas 
l'art  de  marquer  la  dégradation  dans  les 
figures  ,  fuivant  l'endroit  du  plan  où  elles 
font  placées.  La  fameufè  pierre  connue 
fbus  le  nom  de  cachet  de  Michel-Ange  , 
fuffiroit  feule  pour  le  juftifier.  Il  réfulte  in- 
vinciblement de  tout  ce  difcours ,  que  les 
anciens  ont  connu  la  perfpeclive  ,  &  qu'il 
n'étoit  pas  poflible  qu'ils  Tignoraflênt.  Mais 
il  faut  lire  les  mémoires  mêmes  de  M. l'abbé 
Sallier  &  de  M.  de  Caylus  fur  cette  matière; 
ils  font  inférés  dans  le  recueil  de  littéra- 
ture, tome  VIII  &  XXIII.  Ven  ai 
tiré  tout  l'ufage  que  me  permettoit  ce 
didionnaire  pour  l'étendue  d'un  article. 
(Le  chevalier  de  Jaucourt.) 

Perspective  militaire  ,  (Fonif.) 
C'eft  l'art  de  defliner  fur  un  plan  un  objet 
tel  qu'il  fe  préfente  à  l'œil ,  placé  à  une 
certaine  hauteur  &  à  une  certaine  diftance , 
&  vu  fur  un  tableau  tranfparent ,  qu'on 
met  entre  l'œil  &  l'objer.  Exemple  :  foit 
un  pentagone  A  B  D  E  F ,  entre  lequel 
&  l'œil  C ,  eft  élevé  perpendiculairement 
le  tableau  V P  fur  le  plan  horizontal  H  R. 
En  s'imaginant  que  de  tous  les  points 
paflènt  des  rayons  dans  l'œil  par  le  tableau , 
comme  CA,  C  B  ,  CD,  ^c.  &  qu'ils 
laifTent  fur  le  tableau  V  P  y  de  façon  que 
les  rayons  qui  en  fortent  vers  l'œil ,  feront 
le  même  effet  que  (i  le  pentagone  A  B 
D  E  F  y  étoit  réellement.  La  perfpeâii'e 
cnfeigne  donc  la  manière  de  trouver  par 
des  règles  géométriques  ,  les  points  A  B 
D  EFÇur  le  tableau  V P  ;  c'eft-à-dire  , 
à  delfiner  un  objet  fuivant  qu'il  fe  pré- 
lente à  la  vue ,  eu  égard  à  la  diftance 
&  à  la  pofition  de  l'œil.  Quoique  pour 
établir  ces  règles  on  ait  écrit  des  volumes 
Tome  XXK 


P  E  R.  48^ 

entiers ,  on  peut  cependant  les  renfermer 
dans  peu  de  principes.  {D.  J.) 

Article  extrait  d'un  mémoire  fur  le 
dejfin  ge'ométraly  par  M.  le  chevalier 
de  Cu^el. 

De  toutes  les  manières  de  repréfènter 
les  objets  fur  une  furface  ,  celle  qui  altère 
le  moins  leurs  dimcnfions  ,  eft ,  fans  con- 
tredit ,  la  meilleure ,  &  celle  que  le  géo- 
mètre doit  préférer.  La  perpeaive  ,  en  les 
repréfentant  conformément  à  leurs  appa- 
rences ,  les  défigure  trop ,  &  il  feroit  trop 
difficile  d'en  connoître  les  mefures  fur  les 
tableaux  qu'elle  apprend  à  tracer.  Mais 
auffi  cette  manière  eft  la  plus  naturelle  ^ 
puifque  la  repréfèntation  fait  fur  l'œil  la 
même  impreflion  que  l'objet  repréfentc  : 
l'ouvrage  de  l'art  difparoît  fous  l'effort  de 
l'art  même ,  &  le  fpeftateur  trompé , 
croyant  laifir  un  corps ,  n'apperçoit  plus 
que  fon  fantôme. 

Il  n'y  a  que  la  fculpture  qui  reprélente 
un  objet  avec  toutes  fes  dimenftons  ,  ou 
qui  le  faflè  paroître  en  petit  ce  qu'il  eft 
en  grand.  Si  l'on  projette  un  objet  fur  un 
plan  de  pofition  quelconque  par  des  lignes 
parallèles  entr' elles  ,  il  eft  évident  que  les 
lignes  &  les  faces  de  \:et  objet  parallèles 
au  plan  de  projedion ,  ne  feront  point 
changées.  Il  en  fera  de  même  des  lignes 
&  des  plans  qui  feront  avec  les  lignes  de 
projedion  des  angles  égaux  à  ceux  que 
ces  mêmes  lignes  forment  avec  le  plan 
fur  lequel  fe  fait  la  repréfèntation.  Mais 
toutes  les  dimenfions  de  l'objet  qui  ne 
feront  point  dans  l'un  de  ces  deux  cas  , 
paroîtront  dans  la  projedion  ou  plus  petites 
ou  plus  grandes. 

Suppoibns  donc  qu'on  veuille  faire  U 
projedion  d'un  objet  fur  un  plan,  par  des 
figures  parallèles  entr'elles,  &  voyons  quelle 
feroit  la  poiition  la  plus  avantageufe  de 
ce  plan  &  de  ces  lignes  ,  non  feule- 
ment pour  que  les  dimenfions  de  l'objet 
fuftent  altérées  le  moins  qu'il  feroit  pof- 
fible ,  mais  encore  pour  que  l'œil  en  pût 
facilement  connoître  le  relief. 

Le  relief  ou  le  cube  d'un  objet  fe  me- 
furant  par  des  lignes  perpendiculaires  l'une 
à  l'autre  ,  ce  relief  fera  d'autant  mieux 
marqué  ,    que  k  projedion  fera  paroître 

Qqq 


4i)o  P  E  R  P  E  R 

Bn  plus  grand  nombre  de  ces  lignes   fans  t  repre'fenter  les  objets  fur  wn  plan  vemcal 


les  altérer.  Et  comme  les  objets  lont  pref- 
que  tous  terminés  par  des  lignes  verticales 
&  des  lignes  horizontales  ,  ce  fera  par 
rapport  à  ces  dimenfions  que  nous  fixerons 
&  les  lignes  &  le  plan  de  projedion. 

La  projedion  qui  fe  fait  par  des  lignes 
verticales  fur  un  plan  horizontal ,  &  qu'on 
nomme  ichnographie  y  ne  change  rien  aux 
Ègncs  horizontales  de  l'objet.  On  peut  y 
prendre  les  didances  de  chacun  àts  points 
oe  ceS  objets  à  deux  plans  verticaux  qui 
fe  coupent;  mais  chaque  ligne  verticale  y 
paroît  fous  un  ièul  point ,  &  chaque  plan 
vertical  y  eft  repréfenté  par  une  ligne.  Les 
lignes  &  les  plans  inclinés  à  l'horizon  y 
paroifïênt  auffi  plus  petits,  &  l'œil  n'ap- 
perçoit  que  très- imparfaitement ,  ou  n'ap- 
perçoit  point  du  tout  le  relief  de  l'objet. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  des  parties 
verticales  de  l'objet   pour  le   plan  ,    doit 


par  des  lignes  inclinées  à  l'horizon  &  à  ce 
plan  d'une  manière  quelconque. 

Concevons  maintenant  que  la  furface  de 
projedion  -eft  horizontale  ,  &  appliquons 
aux  lignes  horizontales  de  l'objet ,  ce  que' 
nous  venons  de  dire  des  lignes  verticales- 
dans  le  cas  précédent.  Cette  projediorî* 
conviendra  particulièrement  aux  objets 
terminés  par  un  grand  nombre  de  lignes- 
horizontales  ,  comme  les  ouvrages  dé  for- 
tification ;  &  comme  on  s'en  fert  fouvenr 
pour  les  repréfenter ,  nous  la  nommerons 
perfpeclive  militaire. 

Comme  il  n'y  a  point  de  livre ,  au  moins 
que  je  connoilTe ,  qui  traite  de  zt^  deux 
manières  de  projeter  les  objets  ,  qu'il  n'y- 
en  a  même  aucun  qui  en  donne  une  défi- 
nition exade  ,  il  ed  nécclTaire  d'entrer  dans- 
un  plus  grand  détail. 

Dans  l'article  précédent ,  on  a  appli- 
qué à  la  perfpeclivt  militaire  la  défini- 
tion de  la  perfpeBive  proprement  dite»^ 
Mais  fi  l'on  repréfenté  quelquefois  la-- 
fortification  fuivant  les  règles  de  la  perf-^ 
pecHve  y  cet  art  ne  prend  pas  pour  cela- 
le  nom  de  perfpeciive  militaire.  Il  feroif 
inutile  de  défigner  la  même  chofe  par  deux'^ 
noms  difFérens ,  &  l'on  ne  s'cntendroit 
plus  ,  fi  l'on  vouloir  défigner  deux  chofes 
différentes  par  le  même  nom.  On  s'efi  donc 
trompé,  en  dilant  qu'on  a  écrit  fur  la/J^r/- 
peclive  militaire  une  multitude  de  volu- 
mes. Voici  peut-être  les  premières  règles 
qu'on  ait  données  (ûr  cet  art;  car  il  fautr 
compter  pour  rien  ce  qu'Allain  Malla  en 
a  dit  tuins  fes  travaux  de  Mars. 

On  appelle  tableau  y  comme  dans  la 
perfpeciive  ordinaire  ,  la  furface  fur  laquelle, 
fe  fait  la  repréfentatron  ,  foir  que  cetta: 
furface  Ibit  verticale  ou  horizontale.  Les'- 
lignes  dé  projedion  fon.r  des  rayons  vifuels  ,- 
&  la  repréferitation  de  chaque  point  fur 
'le  tableau,  c'ell-à-dire  ,  le  point  où  le; 
tableau  elt  coupé  par  un  rayon  viluel  ,, 
émané  d'un-  point,  fera;  l'apparence  de  ce- 
dernier  point; 

Je  ne  crois  pfw  que  jufqu'ici  on  ait  dlA 

tin  gué  là  perfpeciive-  militaire  de  Xzperfpec^- 

Mais  ctix.^  diflindion  n'efi 


s'entendre  àts  parties  horizontales  dans  le 
profil ,  fi  ce  n'eft  que  les  lignes  horizontales 
paroiflent  dans  leur  vraie  grandeur  ,  quand 
elles  font  parallèles  au  plan  vertical  fur 
lequel  elles  font  reprcfenrées. 

Repréfentons  un  objet  fur  un  plan  ver- 
tical par  des  lignes  parallèles  entr'elles  , 
mais  inclinées  fur  ce  plan.  i°.  Il  efî  évident 
qu'on  pourra  faire  paroître  toutes  les  faces 
de  l'objet  qui  ne  feront  pointdirigées  luivant 
les  lignes  de  projedion.  l*.  Toutes  les 
lignes  verticales  feront  égales ,  ainfi  que 
lies  iùrfaces  planes  parallèles  au  tableau. 
3°.  Si  l'inclinaifon  des  lignes  de  projedion 
n'eft^  point  donnée  ,  on  peut  fixer  cette 
jnclinaifon  de  manière  qu'une  ligne  don- 
née de  grandeur  &  de.  pofition ,  puiiTe 
paroître  fur  le  tableau  dans  fa  vraie  lon- 
gueur. 

Ainfi  ,  lorfque  l'objet  qu'on  voudra  re- 
pré' enter  fera-  compofé  d'un  grand  nombre 
de  lignes  verticales ,  il  fera  avantageux 
de  le  repréfenter  de  cette  manière  ;  & 
s'il  fe  trouve  dans  cet  objet  des  lignes 
parallèles  entr'elles,  fans  l'être  au  plan  du 
tableau  ,  on  pourra  aufiî  les  projeter  dans 
leur  vraie  grandeur*  Cette  manière  corr- 
viendra  fur-tout  à  repréfenter  les  édifices  , 
la   charpente,  les  prifmes  dont  les  ba fes    tive  c avilie re 

ont  beaucoup.de  côtés  ,  ô'c.  Nous  appel-  '  pas  moins  néceffaire  que  celle  du  plan  &? 
lercns   perfpeciiv&  camliere  ^,    l'arc    de  i  du  pr<)âl  ^  puilqu'ily  a  eiur'eiks  la  mêma- 


P   E  R 

fîîffcfenGê.  Et  s'il  eft  un  cas  où  elles  don- 
nent le  même  réfultar ,  on  ne  doit  pas  pour 
cela  les  confondre. 

Ces  deux  efpeces  àc  perfpeciii^s  diffèrent 
de  la  perfptBive  proprement  dite  ,  en  ce 
-que  dans  celle-là  le  point  de  vue  eft  (up- 
pofé  mobile,  &  placé  pour  chaque  point 
de  l'objet  ,  dans  le  rayon  vifuel  émané 
de  ce  point.  Car  fi  on  fuppofoit  le  point 
de  vue  immobile  ,  il  faudroit  qu'il  fût  infi- 
niment éloigné  :  or  on  ne  voit  point  à  une 
dillance  infinie.  Elles  en  différent  encore 
en  ce  que  les  rayons  vifùels  font  tous  obli- 
ques au  tableau  ,  au  lieu  que  dans  la  perf- 
peclU'e  ordinaire  le  rayon  principal  &  le 
tableau  font  toujours  perpendiculaires  l'un 
a  1  autre. 

Il  fuit  delà  que  le  champ  de  ce  tableau 
ne  peut  èir&  borné  ,  comme  dans  la  perf- 
peclive  proprement  dite.  Car  fi  l'œil  efl 
infiniment  éloigné ,  la  fphere  de  la  vue 
fera  infinie  ;  &  s'il  parcourt  fuccefUvement 
■tous  \t^  rayons  vifuels  ,  rien  n'empêche 
d*étendi-e  cette  fuppofition  aufS  loin  qu'on 
voudra. 

La  perfpeBive  militaire  a  ,  comme  on 
voit ,  un  avantage  fur  la  perfpeâive  cava- 
lière p  puifqu'elle  peut  repréfènter  toutes 
les  verticales  &  toutes  les  horizontales  de 
l'objet  dans  leur  vraie  grandeur  ;  au  lieu 
que  la  perfpeBive  cavalière  ne  repréfente 
avec  les  verticales  que  les  horizontales 
parallèles  ,  à  moins  que  l'angle  des  rayons 
vifùels  avec  l'horizon  ne  foit  de  4Ç  degrés  , 
&  que  le  plan  de  cqs  rayons  ne  foit  per- 
pendiculaire à  celui  du  tableau. 

Qn  peut  conclure  de  tout  ce  qu'on  vient 
de  dire ,  que  le  cas  le  plus  fimple  pour  la 
perfpe clive  militaire  ,  eu  celui  où  les  rayons 
font  avec  le  tableau  des  angles  de  45 
degrés.  Quanta  la  perfpeciive  cavalière  y 
•il  faut  non  feulement  que  cet  angle  d'in- 
clinaifon  foit  de  45  degrés  ,  mais  il  faut 
encore  que  ces  rayons  foient  dirigés  per- 
pendiculairement au  tableau.  Dans  ces  deux 
fuppolitions  ,  on  peut  repréfènter  un  objet 
fans  profiler  les  rayons  vifuels.  On  fe  fer- 
vira  fimplemeot  du  plan  de  cet  objet  pour 
y  rapporter  les  hauteurs  du  profil ,  dans 
\es  lignes  qu'on  aura  menées  par  tous  les 
points  du  plan  pour  repréfènter  les  rayons 
vifiiels. 


P  E  R.  49t 

Les  détails  de  la  pratique  de  cts  deux 
efpeces  de  ptrfpeclive  ,  font  extrêmement 
fimples  ,  &  refîêmblent  affez  à  ceux  de 
k  perfpeclive  ordinaire.  Il  fufîit  de  lavoir 
trouver  l'apparence  d'un  point.  Si  l'on 
avoit  une  courbe  à  repréfènter ,  on  ima- 
gineroit  cette  courbe  compofée  de  lignes 
droites  ,  &  on  en  détermineroit  l'appa- 
rence avec  d'autant  plus  d'exadlitude  que 
ces  lignes  droites  feroient  en  plus  grand 
nombre. 

Quant  aux  furfaces  courbes  ,  leur  appa- 
rence efl  celle  de  la  courbe  formée  par 
les  points  de  tangence  des  rayons  vifuels 
pour  lefquels  la  fùrface  efî  effleurée. 

PERSPICACITÉ,  f  f.  {Gramm.) 
pénétration  prompte  &  fubite  ;  c'efl  une 
qualité  qui  n'accompagne  pas  toujours  la 
vivacité  de  l'efprit ,  quoiqu'elle  la  fuppofe. 
La  perfpicacité  s'exerce  fur  les  chofes  dif- 
ficiles à  démêler. 

PERSPICUITÉ,  f.  f.  {Gramm.)  clarté, 
netteté  d'idées  &  de  difcours  ;  c'eft  une 
qualité  effentielle  d'un  auteur  ou  d'un 
orateur.  Sans  elle ,  il  fatiguera  ceux  qui 
l'écouteront ,  &  fès  écrits  auront  befoin 
d'un  commentaire.  Ce  mot  efl  emprunté 
de  la  tranfparence  ou  de  l'air ,  ou  de  l'eau  , 
ou  du  verre. 

PERSUADER,  SUGGÉRER,  IN- 
SINUER, (6>/2o/z.)  L'abbé  Girard  a 
parfaitement  développé  la  différence  de 
ces  trois  mots.  On  injinue  finement  & 
avec  adrefîê.  On  perfuade  fortement  & 
avec  éloquence.  On  juggere  par  crédit, 
&  avec  artifice. 

Pour  infirmer  ,  il  faut  ménager  le  temps, 
l'occafion ,  l'air  &  la  manière  de  dire  les 
chofès.  Pour  perfuader  y  il  faut  faire  fentir 
les  railbns  &  l'avantage  de  ce  qu'on  propofe. 
Pour  fiigge'rer  y  il  faut  avoir  acquis  de 
l'afcendant  fur  l'efprit  des  perfonnes. 

Infinuer  p  dit  quelque  chofè  de  plus 
délicat.  Perfuader  ,  dit  quelque  chofe  de 
plus  pathétique.  Suggérer ,  emporte  quel- 
quefois dans  fa  valeur  quelque  chofe  de 
frauduleux. 

On  couvre  habilement  ce  qu'on  veut 
infinuer.  On  propofe  nettement  ce  qu'on 
veut  perfuader.  On  fait  valoir  ce  qu'on 
vcutfuggérer. 

On  croit  fouv«nt  avoir  penfe  de  fhi'^ 
QqqZ 


49t  P  E  R 

même  ce  qui  a  été  iiiJinué  par  d'aufrcs. 
il  eft  arrivé  plus  d'une  fois  qu'un  mauvais 
raifonnement  a  perfuadé  des  gens  qui  ne 
s'étoient  pas  rendus  à  des  preuves  convain- 
cantes &  démonftratives.  La  fociété  des 
perfonnes  qui  ne  peuvent  &  n'agifTent 
qu'autant  qu'elles  font  fugge'rées  par  leurs 
domcftiques  ,  ne  peut  pas  être  d'un  goût 
bien  délicat.  (D.  /.) 

PERSUASION,  i:.L  {Gramm.)  c\{)i 
l'état  de  l'ame  confidéré  relativement  à  la 
vérité  ou  à  la  faufïêté  d'un  fait  ou  d'une 
propolition  ,  à  fà  vraifemblance  ou  à  fon 
défaut  de  vraifemblance,  à  fa  poffibilité 
ou  à  fon  impoflibilité  ;  c'eft  le  jugement 
fincere  &  intérieur  qu'elle  porte  de-  ces 
chofes.  Après  l'examen  ,  on  peut  être 
perfuadé  d'une  chofe  fauffe  ;  mais  celle 
dont  on  eft  convaincu  eft  toujours  vraie, 
La  conviâion  eft  l'effet  de  l'évidence  qui 
ne  trompe  jamais.  La  perjuajion  eft  l'effet 
de  preuves  morales  qui  peuvent  tromper. 
La  conviélion ,  non  plus  que  l'évidence ,  ne 
font  pas  fufceptibles  de  plus  ou  de  moins. 
Il  n'en  eft  pas  ainfi  de  la  perfuafioii  y  elle 
peut  être  plus  ou  moins  forte.  La  perfua- 
Jïon  excule  fbuvent  l'adion.  Les  anciens 
avoient  fait  de  la  perfuajfon  une  déeflè  ; 
c*étoit  la  patrone  des  poètes  &  des  orateurs. 

PERTE  ,  voyei  Vartick  PERDRE. 

Perte  ,  dans  le  commerce  y  dommage 
que  l'on  foufîre  ,  diminution  de  bien  &  de 
profit.  Les  banqueroutes  font  quelquefois 
occafionées  par  la  mauvaife  conduite  des 
négocians ,  &  fouvent  aufli  par  les  pertes 
inopinées  qui  leur  furviennent.  Koye:[  BAN- 
QUEROUTE. 

Vendre  fa  marchandife  ,  donner  fa  mar- 
cbandife  à  perte ,  c'eft  la  vendre  à  moins 
qu'elle  ne  coûte.  Dictionnaire  de  commerce. 

Perte  ,  Ç.  ^.  (  Hydraul.  )  eft  bien 
différente  d'une  faute  dans  une  conduite 
d'eau  ;  elle  arrive  quand  on  ne  conncît 
point  fur  la  fuperficie  de  la  terre  \qs  en- 
droits où  l'eau  fe  perd  :  alors  on  eft  obligé 
4c  découvrir  entièrement  une  conduite 
pour  l'examiner  d'un  bout  à  l'autre  ,  & 
remédier  aux  fautes  &  fraîcheurs  que  l'an 
apperçoit  le  long  des  tuyaux.  {K) 

PERTEGUES  ou  PERTIGUELTES , 
f.  m.  plur.  {Marine.)  bâtons  qui  portent 
avec  la  flèche  une  pic  ce   d'étoffe  qu'oa 


PEU 

appelle  tendelet ,  &  qui  fert  à  couvrir  îa 
pouppe  d'une  galère ,  contre  le  foleil  & 
contre  la  pluie. 

PERTH  ,  {Ge'og.  mod.)  ville  d'EcolTc  , 
capitale  du  comté  du  même  nom  ,  fur  la 
rivière  de  Tay  ,  à  lo  lieues  N.  E.  d'Edim- 
bourg, 119  N.  par  O.  de  Londres.  Long, 
z4,  55,-  lat.  a6.  40.  {D.  J.) 

PERTHSHIRE,  (  Géog.  mod.  )  pro- 
vince d'Ecôfle  ,  au  fud  &  à  l'eftd'Athol. 
Elle  fe  divife  en  deux  parties  ;  l'une  qui 
porte  proprement  le  nom  de  Penh  3  & 
l'autre  celui  de  Gowri.  Penh  eft  au  midi , 
&  Gowri  au  nord  de  Perth.   {D.  J.) 

PJERTJCAy  f  f.  (Phyf.)  nom  que 
les  anciens  auteurs  donnent  à  une  elpece 
de  comète ,  qu'ils  appellent  autrement  leru, 
broche  )  parce  qu'elle  eft  fcmblable  à  une 
perche  ou  à  une  broche  par  fa  figure. 

Pertjca  y  (  Antiq.  rom.  )  Les  Ro- 
mains fè  fervoient  de  la  perche  pertica  , 
pour  partager  les  terres  dans  FétaMiflé- 
ment  àts  nouvelles  colonies  ,  ou  lorf- 
qu'après  avoir  chaffé  les  anciens  habitans 
d'une  contrée  dont  ils  s'étoient  rendus 
maîtres  ,  ils  vendoient  à  l'enchère  les  terres, 
après  en  avoir  fait  la  divifion.  Properce 
appelle  ce  partage  triftis  pertica  avec  raifon, 
puifquelcs  anciens  propriétaires  fe  voyoient 
dépouillés  de  leurs  biens, 

Nam ,  tua  ciim  multi  verfctrent  rurct 

juvenci  , 
Abfiulit  excultas  pertica  triftis  opes^ 

Le  mot  pertica  fignifioit  non  feulement 
ce  bâton  long  de  dix  pies  ,  dont  on  mc- 
furoit  les  terres ,  mais  encore  le  fonds- 
mefuré  &  confiné  ,  comme  nous  l'appre- 
nons de  Siculus  Flaccus  ,  de  Frontin  ,  & 
de  plufieurs  autres  que  C^fius  a  recueillis  y 
&  qu'il  a  expliqués  par  àzs  notes  très-né- 
cefîàires  pour  leur  intelligence.  {D.  J.) 

PERTINAX  (  Elius  ouHelvius)  ^ 
{Hiji.  Rom.  )  né  dans  un  village  de  1» 
Ligurie  ,  fuccéda  à  l'empereur  Commode 
en  193..  Son  père  qui  n'étoit  qu'un  affran- 
chi ,  lui  donna  une  belle  éducation.  L'am- 
bition de  Letus  l'éleva  au  trône  ,  moins 
par  fentimcnt  d'amitié  &  d'eftime  ,  que 
I  pour  s'en  frayer  le  chemin.  Pertinax  étoit 
vieux  >  &  d'une  vertu  trop  rigide  pour  plaire 


P  E  R 

iong-temps  à  une  milice  etTrénée  qui  faifoit 
&  détruKblt    Ces   maîtres.  Ce  fur  par  ce 
motif  que  Letus  employa  Ton  crédit  pour 
préparer   fon    élévation.  Pertinax    refufa 
conilamment  cet  honneur.  Il  fallut  que  les 
légions    employaflent  les   menaces  ,  &  le 
fénat  (es  prières  pour  vaincre  fa  réfiflance. 
L'opiniâtreté  de  fon  refus  lui  fit  donner  le 
nom  de   Pertinax.  Sa  jcunefTe    avoit  été 
confacrée  à  enfeigner    les    belles  -  lettres 
dans   le  lieu  de  fa  nailîânce  :  il  pafTa  dé 
l'obfcurité  de  l'école  dans  le  tumulte    du 
camp.  Sa   valeur  &  fa  prudence  lui  méri- 
tèrent  les  premiers  grades  que  fa  modé- 
ration fembloit  dédaigner.  On  vit  alors  un 
fage   préfider   au    dellin  de  l'empire  :  les 
délateurs    furent  bannis  ;  les  bouffons  de 
Commode  qui  avoient  f  candalifé  Rome  par 
leurs  obfcénités ,  furent  vendus  à  l'encan  : 
(à  table  étoit  fi  mal  fervie  ,  qu'on  craignoit 
d'y  être  admis  ;  toutes  les  dépenfcs  fuper- 
flues  furent  retranchées.    On  crut  voir  re- 
vivre   Trajan    &  les  deux  Antonins  qu'il 
s'étoit   propofés  pour  modèles.  Il  étoit  fi 
modefle ,  qu'il  défendit  de  mettre  fon  nom 
à  l'entrée  du  domaine  impérial ,  difant  que 
ces  lieux  ne  lui  appartenoient  pas  ,    mais 
à  l'empire.  Tous  les  gens  de  bien  fe  fé- 
licitoient  de  fon  gouvernement.  Il  n'y  eut 
que  les  prétoriens  qui  parurent  mécontens. 
Cette  foldatefque    effrénée  infultoit  impu- 
nément les    premiers    citoyens  ;  il    établit 
une    difcipline    févere    pour  la    contenir. 
Cette  réforme  devint  funefle  à  fon  auteur. 
Les    prétoriens    fe  révoltèrent  ;    il    ofa  fe 
préfenter  à  ces  furieux  ,  qui ,  au  lieu  d'être 
fenfibles  à  (es  remontrances  ,  le  percèrent 
de  plufieurs  coups  de  poignard.  Celui  qui 
le  frappa  le  premier,  lui  dit:  voilà  ce  que 
les  prétoriens  t'envoient.  Sa  mort  fut  l'ou- 
vrage de  Letus  qui  l'avoir  élevé  à  l'empire  , 
mais   ce    meurtrier  ambitieux    n'en    retira 
aucun  fruit.  Le  pouvoir  fouverain  fut  déféré 
à  Julien ,  qu'on  foupçonne  d'avoir  trempé 
dans    la    conjuration ,    ou    du    moins  de 
l'avoir  fuc.  La    tête  de  Pertinax  fut  ap- 
portée du  camp  dans  Rome  ,    pour  infulter 
aux  habitans  dont  il  avoit  mérité  l'amour  ; 
tous  s'écrièrent  :  tant  que  Pertinax  a  régné 
BOUS  avons  vécu  dans  la  fécurité  ,  la  foi- 
bleife  n'a  point  eu  à  redouter  l'oppreflion 
eu  plus  tort.  Pleurons  ce  perc  de  la  patrie  , 


P  E  R  45)3 

ce  père  du  fénat  &  de  tous  les  gens  de 
bien.  Il  étoit -âgé  de  71  ans:  il  ne  régna 
que  trois  mois.  Il  eut  beaucoup  de  chagrins 
domeffiques  à  effuyer.  Sa  femme  Flavie  , 
à  qui  le  fénat  avoit  déféré  le  titre  d'Au- 
gufle ,  brûla  d'un  amour  adultère  pour  un 
muficien.  Sans  pudeur  de  fa  pafîlon ,  elle 
ne  prit  pas  même  le  foin  de  la  voiler. 
Pertinax ,  n'ayant  pu  réprimer  ce  fcandale  , 
s'en  vengea  dans  \es  bras  d'une  courti- 
fane ,  célèbre  par  (ts  prollitutions.  Les 
feux  dont  il  brûla  pour  elle  ,  imprimèrent 
une  tache  à  fa  mémoire.  (T-N.) 

^  PERTINENT  ,  adj.  {Junfpr,)  fe  dit 
d'un  fait  articulé  qui  vient  bien  à  la  chofè 
&  dont  la  preuve  efl  admifîlble  ;  quand  le 
fait  n'eft  pas  de  cette  nature  ,  on  dit  qu'il 
efl  impertinent  &  inadmifïïble.  {A^ 

PERTOIS  (le)  ,  (  Géogr.  mod.  )  en 
latin  moderne  Pagus  Pertifus  ;  pays  de 
France  en  Champagne ,  &  dont  il  efè  fait 
mention  dans  les  capitulaires  de  Charle- 
magne.  Il  s'étend  le  long  de  la  Marne  , 
cnrre  la  Champagne  propre  ment  dire  &  le 
Barrois  ;  fa  capitale  efl  Vitry-le-François. 
{D.  J.) 

PERTUIS  ,  f  m.  (  Arch.  hydraul.  ) 
C'efl  un  paffage  étroit ,  pratiqué  dans  une 
rivière  aux  endroits  où  elle  efl  baffe  pour 
en  augmenter  l'eau  de  quelques  pies  ,  afin 
de  facihter  ainfi  la  naviga-tion  des  bateaux 
qui  montent  &  qui  defcendent.  Cela  fe 
fait  en  laiffant  entre  deux  batardeaux  une 
ouverture  qu'on  ferme  avec  des  ailes  ^ 
comme  fur  la  rivière  d' Yone  ;  ou  avec  des 
planches  en  travers  ,  comme  fur  la  rivière 
de  Loing  ;  ou  enfin  avec  des  portes  à  van- 
nes, ainjS  qu'au  pertuis  de  Nogent-fiir- 
Seine.  Voye^  ECLUSE. 

Pertuis  de  bajjîn  ;  c'efl  un  trou  par  où 
fe  perd  l'eau  d'un  bafîin  de  fontaine  ou 
d'un  réfervoir ,  iorfque  le  plomb  ,  le  ciment 
ou  le  corroi  ef{  fendu  en  quelque  endroit. 
Si  l'on  veut  connoître  la  dépenfe  d'un 
pertuis  ,  foit  quarrc  ,  circulaire ,  redan- 
gulaire ,  &c,  vertical  ou  horizontal ,  il  faut 
lire  les  Jeclions  ^  &  îO  de  V architecture 
hydraul.  de  M.  Bélidor ,  tom.  I  de  la 
première  partie.  {D.  J.) 

Pertuis  ,  terme  géographique  ;  ce  mot 
efl  employé  en  géographie ,  fur- tout  fur 
les   côtes  de  Poitou  ^  pour  défigner  ua 


:f^4  P  E  R 

détroit  de  mer ,  comme  il  paroft  par  les 
exemples  fuivans. 

Penuis  d^Antioche  ,  détroit  de  l'Océan , 
,dans  la  mer  de  France ,  entre  l'île  de  Ré 
au  nord  ,  &  l'île  d'Oléron  au  midi. 

Permis  Breton  y  détroit  de  l'Océan  , 
dans  la  mer  de  France  ,  entre  la  côte  du 
Poitou  &  de  l'Aunis  au  nord  ,  &  l'île  de 
JRé  au  midi. 

Penuis  de  Maumiijfon  y  détroit  de 
l'Océan  ,  dans  la  mer  de  France  ,  entre 
J'îie  d'Oléron  au  nord  ,  &  la  côte  de 
Saintonge  au  midi  &  à  l'occident. 

Maïs  h  penuis  Rofiain  ou  penuis  Rof- 
tang y  eft'une  roche  percée,  au  defTus  de 
laquelle  on  voit  à  l'entrée  une  dédicace 
faite  à  Augufte  en  ces  termes  :  Dipo 
Cœfari  Augufto  dedicata  y  falutate  eam. 

PertUIS  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  petite  ville 
de  France ,  en  Provence ,  dans  la  viguerie 
d'Aix,  à  4  lieues  N.  E.  d'Aix ,  ii  N. 
de  Marfe-ille,  162  S.  E.  de  Fans.  Long, 
p. 3  z§  ;  lat.  4j  /^/^. 

Pertuis  ,  f.  m.  (  Sermr.  )  forte  de 
garde  qu'on  met  aux  planches  des  ferrures. 
II  a  différens  noms  félon  fa  figure.  On  en 
ufe  le  plus  communément  aux  ferrures 
fcenardes  &  antiques.  Il  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  le  rouet  qu'on  pofe  fur  le  pa- 
latre  ,  la  couverture  ou  le  foncet. 

Il  y  a  le  penuis  à  jambe  ,  &  le  penuis 
volant. 

Le  penuis  à  jambe  fe  pofè  fur  la  planche 
à  l'endroit  où  palTe  la  tige  de  Xa  clef. 
Pour  l'arrêter  à  la  planche ,  on  fait  un 
trou  à  la  planche  à  l'endroit  où  doit  paf- 
fer  la  ti^e  de  la  def ,  &  -on  épargne  par 
derrière  un  petit  rivet. 

Le  penuis  volant  fe  place  à  quelque  en- 
droit de  la  planche  qu'on  le  veut.  Après 
jque  la  planche  a  tourné  dans  la  clef  ,  on 
marque  ce  penuis  des  deux  côtés  de  la 
-planche  avec  une  pointe  à  tracer,  comme 
il  c'étoit  un  rouet.  On  en  prend  la  lon- 
gueur avec  un  compas.  On  a  une  pièce 
de  fer  qu'on  fend  jufte  par  le  milieu 
jufqu'a  deux  lignes  de  fes  extrémités;  on 
épargne  de  chaque  coté  uji  pié  qu'on  riv£ 
^  la  planche.  On  drefïê  enfùite  cette 
pièce,  on  la  fait  entrer  dans  la  planche 
iÎAr  ie  ^aix  p  £ç  .00  riye»  ǧh  £ait  9  .oa 


P  E  R. 

fait  tourner  la  clef,  &  on  lime  le  permis 
par  le  bout. 

Il  y  a  des  penuis  en  cœur ,  en  rond  , 
en  trèfle ,  de  quarrés  ,  de  coudés  ,  en 
ovale ,  en  croix  de  faint  André  ,  en  étoiles  , 
de  renverfés  ,  de  haflés  ,  de  deux  pleines 
croix ,  en  M ,  en  brin  de  fauge ,  &c. 

Pertuis  ,  f  m.  t€rme  de  tueur  d'or  ; 
ancien  mot  qui  fignifie  un  trou  y  &  qui 
n'efl  plus  guère  d'ufage  en  ce  fens  que 
parmi  les  tireurs  d'or ,  ou  autres  ouvriers 
qui  réduifent  les  métaux  en  fil  ;  il  fignifie 
dans  leur  langage  ,  les  ouvertures  ou  trous 
de  filières  y  à  travers  lefquels  ils  font 
palfer  fuccefîîvement  ces  métaux.  Chaque 
pertuis  a  fon  embouchure  &  fon  œil  : 
l'embouchure  eu.  le  côté  par  où  entre 
le  fil  ,  &  l'œil  efl  le  côté  par  où  il 
fort  ;  on  paffe  le  lingot  par  plus  de  fept 
vingts  penuis  y  avant  de  le  porter  jufqu'au 
fuperfin. 

PERTUISAGE  (  droit  de  ) ,  f.  m. 
(Gram.  Jurifp.)  droit  à  payer  pour  mettre 
un  tonneau  en  perce  &:  en  vendre  le  vin. 

^PERTUISANE  ,  f  f .  (  An^  milit.  ) 
C'efl  une  forte  d'arme  compofée  d'une 
hampe ,  &  d'un  fer  large ,  aigu  &  tran- 
chant au  bout  de  la  hampe.  C'efl  une 
manière  de  hallebarde  très-propre  à  dé- 
fendre un  vaifîeau  à  l'abordage.  La  lame 
efl  de  18  à  19  pouces  de  long  ,  avec  une 
cannelure  au  milieu ,  &  la  hampe  eiî:  de 
bois  de  frêne. 

PERTUNDA  y  f.  f.^  (  Mythologie.  ) 
une  des  déeffes  qui  préfidoient  aux  ma- 
riages. On  .en  plaçoit  la  flatue  dans  la 
chambre  de  la  nouvelle  mariée  le  jour  de 
(es  noces. 

PERTURBATEUR,  f.  m.  (Gram.) 
homme  turbulent,  inquiet,  féditieux,  qui 
émeut  les  efprits  des  citoyens  ,  &  caufe 
du  délordre  dans  la  fbciété.  Après  cette 
définition,  ou  une  autre  peu  différente, 
on  ajoute  dans  le  dictionnaire  de  Trév. 
que  les  théologiens  font  ordinairement ^^r- 
turhateurs   de  Térat. 

PERTURBATIONS  y  (  Aflronom.  ) 
Ce  font  les  troubles  &  \e$  dérangemens 
que  les  planètes  fe  caufent  réciproquement 
par  leur  attradion  en  tout  fèns.  Si  chaque 
planète ,  en  tournant  autour  d'un  centre  , 
fi'cprouyoii  d'autre  force  que  celle  qu;  b 


P  E  R 

porte   vers   ce  centre  ,    elle   déct\roit  urt 
cercle  ou  une   elJipfe  ,  dont  les    aires    fe- 
roient  proportionnelles  aux    temps  ;   mais 
chaque  planète  étant  attirée  par  toutes  les 
autres ,  dans  des  direûions    différentes  & 
avec  des  forces  qui  varient  fans  ceîîè,  il 
en  réfulte  des  inégalités  &   des  perturba- 
tions continuelles.  C'eft  le   calcul  de    ces 
dérangemens    qui  occupe  usuellement  les 
géomètres  &  les  ailroaomes.  Newton  com- 
mença par  celles  de  la  lune  ;  M.  Euler  , 
M.  Clairaut,    M.   d'Alcmbert,  M.   delà 
Grange  ,  ont    perfedionné   cette    théorie. 
M.  Euler  a  calcule  les  inégalités  de  Saturne  , 
dans  une  pièce  qui  a  remporté   te  prix  de 
l'académie  en  1748.  M.  Euler  ,  M.  Clairaut 
&  M.  d'Alex  bcrt  ont  calculé  celles  de  la 
terre.   J'ai  examiné   moi-même    celles   de 
Mars  &  de  VéiHis  {menulres  acad.  ij ^8, 
■ijii  ô"   lyÇi)  ,   qui  fe  font  trouvées 
alliez  confidérabUs  pour  mériter  d'être  em- 
ployées dans  les  calc'ils  aiîronamiques ,  & 
celles  de  Mercure  ,  dans  les  mémoires  de 
2jyi.  Les  inégalités  de  Jupiter  . ont  été 
calculées  par  M.  Euler ,  dans  la  pièce  qui 
fut  couronnée  en  1752,  {recueil  des  pièces 
qui  ont  remporté  les  prix  ,  t.    VU)  y  & 
enfuite  par  M.  Mayer.  M.  Wargentin  en 
a  fait  ufage  dans  la  table  de   Jupirer  ,  qui 
par  -  là  ib   font   trouvées  beaucoup    plus 
exades  ,  de  même  que  celles  des  fatelli tes. 
Les  perturbations  des  fateliites  de  Jupiter 
ont  été  difcutées  par  M.  de  la  Grange  , 
dans  une  pièce    qui  a  remporté  le  prix   à 
l'académie  ,  &  par  M.  BailJy  dans  un  ou- 
vrage particulier  ;    mais  tous  ces   calculs 
peuvent  être  refaits  avec  plus  dé  détail  & 
plus  de  précifion,  lorfqu'on  aura  perfec- 
tionné davantage,  &  les  données  fur  lef- 
quelles  le  calcul  elf  fondé ,  &  les  méthodes 
analytiques  par  lefquelles  on  parvient    au 
réfultat.  On  trouvera  les  principes  élémeû- 
taires  dans  mon  aflronomie  ,  &  les  calculs 
plus  détaillés    dans  les  ouvrages  que   j'ai 
cités ,  dans  les   recherches  fur  le  fyllême 
du  monde  par  M.    d'Alerabert  ,    dans  la 
théorie-  des  comètes  de  monlieur  Clairaut. 
CM.  DE  r  A  Lande?) 

PERTURBATRICE,  f.  f:  &adj.qai 
trouble,  qui  dérange.  Il  n'a  guère  lieu 
qu'en  géométrie  dans  la  folution  des  pro- 


P  É  R  495 

autres  '  ori  donne  à  une  force  qui  dérangé 
le  mouvement  d'un  corps  ,  le  nom  de 
perturbatrice. 

PERTUS  ,  terme  de  Salines  \  c'eft  un^ 
planche  percée  de  plufieurs  trous ,  qu'ont 
place  dans  la  terre  ,ou  la  vette  d'un 
marais  fàlanî.  Les  trous  du  pertus  font 
bouchés  avec  da^chevilles ,  &  quand  oa 
veuf  introduire  reau  du  mort  dans  la 
table ,  on  tire  les  chevilles  ,  en  commen- 
çant par  les  plus  hautes  ,  &  ainii  du  reft e  ,- 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  entré  de  l'eau  (ùffi^ 
famment.  [D.  J.) 

PERVANNA,  (Hift.  mod)  nom  que- 
l'on  donne  dans  l'tndoulian  &  dans  le^ 
états  du  grand-mogol ,  aux  ordres  ou  pa-' 
tentes^  fignées  par  un  nabab  oa  gouverneuif 
de' province.- 

PERVENCHE ,  f.  f.  penùaca  ,  {Hifi. 
nat.Botan.)  genre  de  plante  à  fleur  mono- 
pétale  ,  en  forme  d'entonnoir  évafé  eiï 
manière  de  foucoupe ,  &  profondement 
découpée.  Le  piltil  fort  du  calice  ;-  il  efc- 
attaché  comme  uti  clou  k  la  partie  inté-- 
rieure  de  la  fleur;  il  devient  dans  la' 
(uite  un  fruit  compofé  de  deux  filiques,  oe- 
il renferme  une  femence  oblbngue  ,leplu3 
fouvent  cilyndrîque  &  fillonnée.  Tourne- 
fort,  infl,  rei  herb.   Voje:{  PLANTE. 

PePvVENCHE  ,  pen'inCiZy  {Jardinage.) 
arbrifTeau  grimpant  qui  eft  toujours  verdie 
Il  vient-  dans  les  bois  d^s  pays  tempérés 
de  l'Europe.  Il  pouflê  du  pjé  plufieurs  tiges 
farmenteufes- &  fort  menues  qui  rampent 
contre  terre  &-   s^étendent    au    loin.    Ses 
feuilles  font  petites,  oblongues  ,-&  relevées 
pardeflbus' d'une  forte  arête  dans  le   :ni- 
îieu  ;  leur  furlace  eu-  luilante  ,  les  bords" 
font  fans  dentelure,  &  la-  verdure  en  efl- 
agréable ,  quoiqu'un  peu  foncée.  Ses  fleuri 
de  couleur"  Weue  &  difpofées- eil  rofe,pa-- 
roiflènt  au  printemps.  Ses  graines  qui  fonr 
longues-,  ovales  &  fdlonnées  ,  fe-  trouvenf- 
,dans   des  filiques  accouplées: 

Cet  arbrifleau  efî  aflêz' commiïn  dànS 
plufieurs  pays ,  il  •  fe  plaît  dans  les  terre? 
graifes  &  humides,  à -l'ombre  des  arbres,- 
Il  fe  multiplie  fort  aifément  de  bouture  & 
de  branches  couchées  ;•  (es-  branches'  fonf 
racine  pour  peu  qu'elles  touci-<ent  contre 
terre.  Son    accroiflement ,    qui    efl  très- 


hlêiaes.  oà.des-  corps  s'attireat  les-  uas  les  J*prorop.t,  joint  à  cette  facilita  de  fe-  pro-^ 


49^  P  E  R. 

pagcr  ,  fait  qu'il  envahit  bientôt  un  terrain , 
li  on  le  laide  aller. 

Les  pervenches  peuvent  contribuer  â 
l'agrément  d'un  jardin.  En  les  laiflant 
courir  à  leur  gré^  elles  formeront  des 
tapis  de  verdure  qui  feront  garnis  de  fîeurs 
dans  les  mois  de  mars  &  d'avril.  On  en 
peut  faire  de  petites  paliflâdes  en  les  fou- 
tenant  avec  du  treillage. T)n  les  laifle  auffi 
grimper  contre  la  tige  des  gros  arbres  pour 
les  garnir  de  verdure  ;  &  comme  ces 
arbrifleaux  aiment  l'ombre  ,  la  fraîcheur  , 
l'expoûtion  du  nord ,  &  qu'ils  viennent  à 
fouhait  dans  Iss  endroits  ferrés  &  couverts 
d'arbres  ,  où  nulle  autre  plante  ne  pourroit 
réuffir  ,  il  n'cft  pas  douteux  qu'on  en  peut 
tirer  du  fervice  pour  compléter  l'arran- 
gement d'un  grand  jardin.  Cette  plante  a 
d'ailleurs  des  propriétés  intéreflantes  ;  on 
en  fait  ufage  en  médecine  â  plufieurs 
égards. 

Les  pervenches  portent  rarement  àçs 
graines,  mais  elles  fe  multiplient  fi  aifé- 
raent  d'elles-mêmes,  qu'il  ne  faut  pas  y  avoir 
de  regret.  Cependant  on  peut  les  amener 
à  la  frudification  en  les  tenant  en  pot  avec 
peu  de  terre  au  grand  air. 

On  connoît  plufieurs  variétés  de  ces 
arbrifîeaux  :  voici  les  principales. 

1.  La  pervenche  à  fleur  bleue  ;  c'efl  la 
plus  commune. 

2.  La  pervenche  à  fleur  blanche. 

3.  La  pervenche  à  fleur  rougeâtre. 

4*  L^i  pervenche  à  fleur  bleue  ,  double. 

5.  La  pervenche  à  fleur  bleue  ,  double  , 
&  d'un  pourpre  foncé. 

6.  La  pervenche  à  fleur  double ,  variée 
de  plufieurs  couleurs. 

7.  La  pervenche  à  feuilles  panachées  de 
blanc. 

8.  La  grande  pervenche  à  fleur  bleue. 
Cet  arbriflêau  efl  plus  grand  que  les  pré- 
cédens  dans  toutes  fes  parties.  Sa  verdure 
cft  très-brillante  ;  fes  fleurs  font  d'un  bleu 
vif  de  belle  couleur.  Elles  paroiflent  de 
très-bonne  heure  au  printemps  ,  &  elles 
fe  fuccedent  pendant  plus  de  quatre  mois. 
On  a  vu, cette  plante  s'élever  jufqu'à  douze 
pies  en  deux  ans.  Elle  efl  extrêmement 
convenable  pour  garnir  des  ir.urs  expofés 
au  nord. 

^.  La  grande  pervenche  à  fleur  blanche. 


PEU 

ro.  La  grande  pervenche  à  feuilles  pa- 
nachées. 

II.  La  pervenche  de  Madagafcar.  C'efl 
un  arbrifleau  précieux  &  charmant ,  qui 
ne  s'élève  qu'A  douze  ou  quinze  pouces. 
Sa  fleur  reflèmble  à  celle  du  laurier-rofe  , 
qu'elle  furpaffe  en  vivacité ,  en  beauté  & 
en  durée.  Elle  fleurit  conflamment  pen- 
dant plus  de  fix  mois.  Le  grand  foleil  anime 
fes  fleurs  ,  au  lieu  de  les  altérer  &  de  les 
faire  palTer.  Cette  plante  efl  délicate  ;  il 
faut  la  traiter  comme  les  myrtes;  &  la 
multiplier  de  femence. 

Supplément   à   l* article   pre'cédent  y   par 
M.  le  baron  de  Tfchoudi. 

§  Pervenche,  venche,   (  Bot. 

Jardinage.  )  en  latin  pervinca ,  vinca  , 
chamûedaphne  y  &c.  en  anglois  perwin- 
cle  y  en  allemand  jungri/n  y  Jiungrûn  ou 
wintergrùn. 

Caractère  générique. 

Des    parois  intérieures  d'un  très  -  petit 

calice  permanent,  découpé  en  cinq  fegmens 
très- étroits  &  longs,  fort  un  tube  alongé 
&  évafé  qui  fe  divife  en  cinq  parties  :  ces 
parties ,  en  fe  rabattant  horizontalement , 
forment  par  leurs  plis  un  pentagone  à  l'ori- 
flce  de  la  fleur;  elles  font  courbées  d'un 
c(Sté ,  droites  de  l'autre  ,  obtufes  &  comme 
coupées  par  les  bouts;  le  tube  efl  velu 
par  le  bas:  c'eft  en  cet  endroit  que  font 
attachées  à  fa  paroi  intérieure  cinq  éta- 
mines,  dont  les  pédicules  font  plats  & 
figurés  en  cinq  ;  elles  portent  des  fomh^ets 
obtus  chargés  de  poils  brillans  :  au  cen^ 
on  apperçoit  le  fommet  du  flyle  ;  il  efî 
pentagonal ,  à  bords  rabattus ,  &  chargé 
de  poils  argentés  :  l'endroit  où  il  repofe 
efl  plat  comme  la  tête  d'un  clou  ;  le  flyle 
efl  attaché  au  milieu  de  deux  embryons 
fltués  nu  fond  du  calice ,  &  n'y  tient  que 
très-foiblement.  Ces  deux  embryons  font 
oblongs  &  terminés  en  pointe  :  à  leurs 
côtés  le  trouvent  deux  mamelons  obtus: 
les  deux  parties  de  l'embryon  deviennent 
deux  filiques  longues  ,  fillonnées  ,  courbées 
dans  le  même  fens  ,  &  quelquefois  en  fens 
contraire  ;  elles  demeurent  fixées  au  fond 

du 


P  E  R 

du  calice ,  dont  elles  s'élancent  en  diver- 
geant lur  un  angle  très-aigu.  Elles  con- 
tiennent des  (emences  longues  ,  ovales , 
creufées  d'un  filJon  fuivant  leur  longueur. 


Efpeces. 

1.  Grande  pervenche  à  ^feuilles  ovales 
cordiformes ,  attachées  par  de  longs  pé- 
tioles, 

Pervinca  maximafolus  oi'atO'-cordatis  y 
petioUs  longioribus.  Hort.  Colomb. 
Broadleav'dperwïncle, 

Variétés. 

a  Grande  pen'enche  à  fleur  blanche. 
b  Grande  pervenche  à^euWks  panachées. 

2.  Pervenche  rampante  à  feuilles  oblong- 
ovales. 

Pervinca  repens  foliis  ohlongo-ovaùs, 
Hort,  Colomb. 

Common  perwincle. 

Variétés. 

a  Pervenche  commune  à  fleur  blanche. 

b  Pen-enche  commune  à  fleur  nuancée 
de  blanc  &  de  bleu. 

c  Pervenche  commune  à  feuilles  pana- 
chées de  blanc. 

3.  Pervenche  à  feuilles  étroites  &  petites. 
Pervenche  à  fleur  violette. 
PervincafolUs  anguftis  y  minimis.  Hort. 

Colomb. 

Variétés. 

âtPervenche  àfeuilles  panacîices  de  jaune, 
à  fleurs  d'un  bleu  purpurin. 

h  Pervenche  à  fleur  double  violette^ 
Cette  dernière  variété  en  offre  encore 
d'autres.  Certains  auteurs  ont  tranfcrit  la 
pervenche  à  fleur  bleue  double  ,  &  la  per- 
venche à  fleur  double  variée  :  celle-ci  fe 
trouve  dans  le  nombre  des  individus  & 
même  des  coulans  de  notre  dernière  variété 
b.  A  l'égard  de  l'autre ,  je  ne  l'ai  jamais 
vue.  La  pervenche  commune  panachée  de 
blanc  ,  n'a  jamais  fleuri  dans  nos  jardins  , 
où  elle  efl  depuis  dix  ans. 

4.  Perv^che  à  feuilles  oblong- ovales 
irès-entieres ,  dont  le  tube  des  fleurs  efl: 

Tome  XXV. 


P  E  R.  497 

très-long  ~y  à  tige  rameulè  ,  ligneufe  & 
droite.  Pervenche  de  Madagafcar  à  fleur 
rofe. 

P  en' incia  foliis  oblongo-ovatis  integerri- 
mis  y  tubofloris  longijjlmo  y  caule  ramofo  ^ 
fruticofo.  Mil!. 

Il  paroît  d'abord  aflêz  difficile  d'aflîgner 
auxpervenches  d'Europe  leur  véritable  place 
fur  l'échelle  végétale  ,   à  l'exception  de  la 
première  efpece  dont   les   tiges   s'élèvent 
avant  de  retomber  :  on  ne  les  prendroit 
d'abord    que  pour  d'humbles   herbes   qui 
rampent  contre  terre  ;  mais  ,  fi  l'on  ob- 
ferve  que  leurs  tiges  ,   pour  grêles  qu'elles 
foient ,  ne  laifîent  pas  de  fubfifler  pendant 
l'hiver  ,  &  de  durer  même  plufieurs  années  ; 
alors  ,  écartant  toute  idée   prife  de  leur 
afped  &  de  leur  figure ,  pour  ne  s'arrêter 
qu'à  cette  marque  vraiment  caradériftique  , 
on   n'héfite  plus  à    les  ranger  parmi   les 
arbri  fléaux  :  elles  en  occupent  à  la  vérité- 
les  derniers  rangs  ,  mais  elles  ne  Iç  cedenc 
en  agrément  à  aucun  ;  leurs  branches  Tou- 
pies qui  s'jétendent  au  loin  fur  la  furface 
de  la  terre  ,  font  garnies  d'une  prodigieufe 
quantité  de  feuilles  d'un  beau  verd  glacé  , 
que  le  plus  grand  froid  ne  peut  ternir.  Dès- 
les  plus  foioles  fourires  du  printemps ,  elles 
fe  chargent  de  fleurs  bleues ,  blanches  àc 
violettes  d'une  vivacité  charmante  ;  alors 
elles  ornent  le  fond  des  bois  ,   le  bas  des 
coteaux   qu'elles  tapiflent  ;    elles  étendent 
leur  jiatte   fleurie  fous  les  pas  de  l'amant 
de  la  nature  ,  lorfqu'il  court  furprendre  fes 
premiers  regards  ,   &  la  voir  plus  fraîchç 
après  fon  réveil. 

Un  amateur  des  jardins  en  tire  un  granij^ 
parti  pour  leur  décoration  ;  il  en  forme 
des  tapis  dans  les  bofquets  d'hiver  &  dan? 
ceux  du  printemps  ;  il  en  borde ,  il  en. 
feflonnc  les  boulingrins  ;  il  en  garnit  la 
terre  fous  les  maflifs  &  les  grands  arbres  , 
en  mêlant  toujours  avec  goût  les  différentes 
nuances  de  leurs  fleurs  :  il  borde  ces  nattes 
fleuries  des  efpeces  à  feuilles  panachées 
qui  tranchent ,  par  leur  bigarrure  ,  de  la 
grande  pervenche.  Il  forme  des  buiflbns 
en  foutenant  iks  rameaux  contre  des  ap- 
puis ;  il  en  revêt  même  des  pyramides  eni 
treillage ,  ou  bien  il  l'étend  en  petites  pa- 
lifl'ades  ,  en  l'attacharit  contre  un  treillage 
■  ordinaire.  Les  fleurs   de   cette  efpece  ôc 

Rrr 


45)8  P  E  R 

de  fes  vari(?tés  fé  fuccedent  dans  prefque 
tous  les  mois  :  ainfi  il  n'y  a  pas  un  bofquet 
où  la  grnnde  pervenche  ne  doive  trouver 
fa  place  ;  elle  croît  naturellement  dans 
quelques  vallons  de  l'Angleterre. ,  &  fe 
trouve  fpontanée  en  d'autres  parties  de 
l'Europe.  Il  paroît  qu'elle  habite  de  pré- 
férence les  lieux  abrités  ou  ombragés  d'ar- 
bres verds  ;  car  plufieurs  de  fes  branches 
périflent  fous  un  froid  afTez  médiocre  dans 
les  lieux  expofés. 

L'efpece  n°.  z  efl  fort  commune  dans 
nos  provinces  feptentrionaies  >,  où  elle 
s'étend  au  pié  des  haies  qu'elle  égaie>par 
{es  fleurs  d'un  li  beau  bleu  :  elle  diffère  du 
71°.  5  par  fes  feuilles  qui  font  plus  larges  & 
plus  grandes.  L^çfpece  n*.  5  porte  une  fieur 
violette  veloutée  ,  auflî  belle  qu'une  oreille- 
d'ours;  elle  occupe  des  lieux  plus  ouverts, 
&  fe  place  dans  les  terres  feches  &  pier- 
reufes.  La  montagne  au  haut  de  laquelle 
oa  voit  encore  les  ruines  du.  château,  de 
Hapsbourg  ,  en  eft  couverte* 

Les  différentes  variétés  de-  ces  efpcces 
dont  nous  avons  donné  la  notice ,.  ont 
fans  doute  été  obtenues  par  la  graine; 
mais  les  pervenches  ne  frudifient  que  lorf- 
qu'on  les  prefîè  en  foule  dans  un  lieu  peu 
étendu.  En  revanche  elles  fe:  multipUçnt 
abondamment  d'elles  -  mêmes  par  leurs 
branches  rampantes  qui ,  comme  les  cou- 
lans  des  fraifiers ,  prennent  des  racines,  de 
thaque  point. 

'  On  détache  ces  coulajis  enracinés ,  &;  on 
les  plante  dans  tous  les  temps  de  l'année  , 
hors  le  fort  de  l'hiver»,  mais  de  préférence 

«avril  &  en  feptembre ,  choiliffant  pour 
tte  opération  un  temps  pluvieux  ,  &  le 
réfervant  d'arrofer  le  ncKiveau,planî-par  le^ 
temps  fecs  jufqu'à  parfaite  reprifcw 

Comme  la  grande  pervenche  ne  rampe, 
pas  autant  que  les  autres.,  il  convient , 
îorfqu'on  veut  les  multiplier  abondamment , 
d'en  faire  des  marcottes  qui  s'enracineront 
très-vîte  fans  aucun  foin  particulier^ 

Les  feuilles  de  cette  cfpece  fônt  fix  ou 
fept  fois  auffi  larges  que  celles  des.  autres 
pervenches  ;  leur  verd  eff  plus  frais  & 
moins  obfcur  ;  leur  confiflance  ,.  quoi- 
qu'affez  épaiffe ,  l'eft  moins  que  la  fleur , 
proportion  gardée  ;  elle  eft  aufli  moins 
ferme  ,   moins  feche  &  plus  fucculentc. 


P  E  R: 

Les  fleurs  font  bien  plus  grandes  ;  leur  bleu 
a  une  foible  nuance  de  violet  que  n'a  pas 
celui  des  Heurs  delà  pervenche  commune.. 
Si  toutes  ces  plantes  le  cèdent  en  beauté 
à  la  pervenche  n\  4  ,  elles  ont  pardelîùs 
elle  ,  pour  l'agrément  de  nos  jardins  ,  le 
rrrérite  de  réilfler  à. la  rigueur  de  nos  hivers. 
Celle-ci-;,,  indigène  des  côtes  brûlantes  de 
Madagafcar  ,  nepeut' même  s'accommoder 
de  nos  étés..  Nous  ne  pouvons  l'expoièr  à, 
l'air  qu'aux  jours  les  plus  chauds  de  cette 
faifon  1:  on.  eft,  contraint  de  lui  en^  taire 
pafler  la  plus  grande  partie  tous. des calfles 
vitrées  :  l^hiver,  elle  demande  le  Téjour  d'une 
ferre  médiocrement  mais  conftammenC: 
échauffée  ,  elle  ep  fait,  un, des  plus, beaux: 
'ornemens.. 

:     Elle  s'élève  fur  une  tige  droite  &  rameufe 
à  la. hauteur  de  trois  ou  quatre  pies.  Cette 
.tige  ,  tant  qu'elle  eft  jeune  ,  eft.fucculente  , 
rougeatre  &  articulée  ;  elle  devient  ligneufe- 
en   vicilliflant.    Les,  joints    des    branches, 
(ont  très-rapprochés  ;  leur  écorce  eft  pur-, 
purine  ;.;  elles  font-  garnies,  de     feuilles, 
oWông-ovaks,  entières ,  un  peu  charnues ,. 
qui  y  font-  attachées   prefque  immédiate--. 
rnent...Les  fleurs  naifllent  aux  joints  iblitaires 
Ibr,  de  très-courts  pétioles  ;  leur  tube  eftf 
long  &  menu  :  les. fégrnens  du  pétale  font > 
recourbés  par  le  bout  :  le  deflus  de  la  fleur 
eft   d'un  rofe  animé  phis  brillant  encore; 
que  celui  de  la  fleur  du  laurier-rofe  :  le.- 
déflbus  eft  d'une  couleur  de  chair  pâle; 
elles   fe  fuccederrt  depuis  février  jufqu'en. 
oâobre..   Les  femences.  mûriflènt   en   au-. 
tomne   dans  nos  ferres  ;    elles   fervent  à 
multiplier-  ce  charmant?  arbrifleau  qui  rc-. 
. prend  aufli  de  boutures  ,   &.  demande  dans 
fa  première  éducation  &  fon  régime ,  le- 
:même  traitement  que  les  autres  plantes  des., 
latitudes,  méridionales.!  M.  le  baron  DE: 

TSCOUDY.  ) 

'  Pe  r v.en c HE ,  (  Màt.  midi  )  petite  oii: 
commune ,  à  feuilles  étroites  ,  petit  puce-, 
'lage ,  violette  des  foreiers  ,  grande  per^ 
vençhe y  pervenche  à  larges  feuilles  ,.  grand 
-pucelgge. 

On  emploie  indifféremment  les  deux 
efpeces  de  pervenches  ^  qui  pofledent  les 
mêmes  vertus. 

La  pervenche  eft  comptée»  parmi  les 
vulnéraires  aftringens  les  plus  ufités.  On 


1^  E  fc 

bf^ônne  intérieurement  fon  infùnon  contre 
les  pertes  de  fang  ou  flux,  innmoiiéré  des 
mendrues,  contre  le  crachement  de  fang 
&  les  autres  hémorrhagics  des  parties  in- 
ternes. On  donne  auiii  dans  ces  cas  & 
dans  la  phthifie  &  la  dyflenrerie,  le  lait 
coupé  avec  la  décodion  ou  infufion  de 
(es  feuilles. 

PERVERS  ,  PERVERTIR  ,  PER- 
VERSION ,  PERVERSITÉ,  (  Gram.  ) 
Tous  ces  mots  font  relatifs  â  la  corrup-^ 
tion  de  l'efprit  ou  du  cœur  ,  &  ils  en 
marquent  le  dernier  degré.  Il  efl  diffi- 
cile de  conferver  la  pureté  àes  mœurs  , 
l'honnêteté  ,  la  droiture  ,  la  rigoureufe 
probité  ,  en  vivant  avec  des  hommes 
peri'ers  ,  &  malheureufèment  la  fociété 
en  eft  pleine.  Le  luxe  pew^nit  bien  des 
femmes. 

PERUGIN  (  LE  )  ou  LE  PÉROUSIN , 
(  Géog^  mod.  )  territoire  dTtalie  dans  l'état 
de  l'églife  ,  &  auquel  la  ville  de  Péroufe , 
qui  en  efl:  la  capitale  ,  donne  fon  nom.  Il 
cfl  borné  au  nord  par  le  duché  d'Urbin , 
à  l'orient  par  l'Ombrie  ,  au  midi  par 
rOrviétan  ,  &  à  l'occident  par  la  Tofcane. 
La  plus  grande  étendue  de  ce  pays  du  lèp- 
tentrion  au  midi ,  ne  pafle  pas  x8  milles  ; 
&  on  ne  lui  en  donne  pas  plus  de  30  du 
levant  au  couchant.  Le  Tibre  le  coupe  du 
nord-nord-oueft  au  fud»  {D,  J.) 

PERVIGILIA,  {Andq.  rom.)  nom 
donné  aux  fêtes  noûurncs  qu'on  célébroit 
en  l'honneur  de  différentes  divinités  , 
comme  Cérès,  Vénus,  la  Fortune,  &c. 
On  les  nommoii perifigilia,  parce  que  toutes 
les  nuits  de  ces  fêtes  s'employoient  à 
veiller. 

PÉRUSIA ,  (  Ge'og.  anc.  )  aujourd'hui 
Pc'roufe  ,  voyei  PÉROUSE. 

Eutrope  la  nomme  Perujîum ,  ville 
d'Italie  dans  la  Tofcane  ;  elle  étoit  fort 
peuplée  ,  &  Tite-Live  ,  /,  Xy  c.  xxxvij  , 
î'eilime  une  des  trois  plus  fortes  villes  de 
l'Etrurie  ;  fon  nom  moderne  eft  en  italien 
Perug^a.  On  doit  mettre  dans  les  fafles 
d'Augufle  le  faccagement  de  cette  ville  , 
&  la  mort  inhumaine  de  fes  trois  cents 
fénateurs  ;  ce  fait  peut  fervir  à  tracer 
fon  portrait  ,  que  nous  donnerons  avec 
celui  d'Antoine   &    de  Lépide  ,   au  mof 

Triumvirat. 


PÉRUVIENNE  ,  (  Manufact.  de  foie.  ) 
Péruvienne  à  boutons  ou  à  ligatures. 

L'étoffe  appeilée  péruvienne  eft  compo- 
fée  de  ddux  chaînes  de  diffe'rentes  couleurs 
contenant  40  portées  doubles  ou  fimples , 
chacune  fuivant  la  quantité  que  le  fabricant 
veut  donner  à  l'étoffe. 

On  fabrique  cette  étoflfè  fans  qu'il  foit 
befoin  du  fecours  des  lifTes-marches  ,  Ùc. 
le  corps  ou  les  ligatures  fufîîfent  pour  cette 
opération. 

On  donne  le  nom  de  ligatures  à  des  lifîes 
dont  la  maille  contient  une  petite  boucle  > 
laquelle  empêche  le  fil  de  lever  ou  bailler, 
fi  ce  n'eft  lorfque  la  ligature  levé  ou 
baifïe  ;  les  mailles  à  boucle  ou  ligatures 
font  femblables  à  celles  des  Uffcs  dont  on 
fe  fert  dans  tous  les  métiers  de  la  draperie 
&  de  la  toilerie. 

Les  deffins  pour  h  pe'ruvienne  {ont  très- 
petits  ;  cette  étoffe  eft  auffi  propre  pour 
habit  d'homme  que  pour  habit  de  femme  ; 
l'endroit  de  l'étofîè  fe  fait  ordinairement 
deftûs;  la  navette  y  fait  la  figure  comme 
dans  la  pruffienne,  avec  cette  différence 
que ,  comme  il  n'y  a  point  de  lifTes  pour 
faire  le  fond  ou  corps  de  l'étoffe ,  quand 
le  tireur  ou  tireufe  a  tiré  le  lac  qui  doit 
faire  la  figure ,  &  que  la  navette  qui  doit 
figurer  eft  paflee ,  il  faut  à  la  féconde  na- 
vette tirer  tout  ce  qui  a  été  laiflTé  au 
premier  coup  ,  &  c'eft  précifément  ce  qui 
lie  les  deux  chaînes  :  on  expliquera  plus 
amplement  cette  façon  de  travailler ,  quand 
on  aura  donné  celle  de  lire  le  del^n  fur 
les  ligatures. 

La  quantité  de  ligatures  n*eft  point  fixée 
pour  la  péruvienne  ,•  elle  doit  être  propor- 
tionnée à  la  longueur  &  à  la  largeur  du 
delfin ,  mais  fur-tout  à  la  largeur.  Par 
exemple ,  un  deflin  qui  poKera  en  largeur 
cinq  dixaines  de  8  en  10 ,  qui  compofcHt 
40  cordes  ,  fe  travaillera  avec  40  ligatures 
pour  une  des  deux  chaînes ,  &  40  pour 
l'autre;  ce  qui  fera  en  tout  8a  ligatures. 
Ces  80  ligatures  doivent  produire  le  même 
effet  que  1600  mailles  de  corps  ,  attendu 
que  chacune  de  ces  ligatures^doit  contenir 
2.0  mailles  ou  boucles.  Chaque  boucle  de 
la  ligature  doit  contenir  quatre  fils  doubles 
de  la  chaîne  pour  la  rédudion  ordinaire , 
de  façon  que  40  ligatures  contiennent,  à 

Rrr  2 


joo  P  E  R 

ao  mailles  ou  boucles  chacune,  3200  fils  ; 
nombre  complet  d'une  chaîne  de  40  por- 
tées doubles.  Les  40  autres  ligatures  étant 
deftinées  pour  la  féconde  chaîne ,  il  n'eft 
pas  befoin  de  dire  que  chaque  ligature  , 
en  la  fuppofant  de  20  mailles  ou  boucles, 
doit  être  diftribuée  de  façon  que  les  20 
mailles  doivent  porter  la  largeur  de  TétofFe  , 
conféquemment  faites  &  placées  à  jour  ou 
à  une  diftance  égale  ,  afin  qu'elles  puiflent  fe 
trouver  précifément  placées  à  la  rencontre 
de  chaque  fil  de  chaîne  ,^  fans  être  portées  à 
droite  ni  à  gauche  du  fil. 

Comme  les  liiTerons  dans  les  étofïès  ordi- 
naires portent  3  ,4  lignes  &plusd'épaifreur, 
fi  ceux  des  ligatures  étoicnt  de  même  ,  il 
arriveroit  que  80  ligatures  portant  une 
largeur  extraordinaire,  il  ne  fer  oit  pas  pof- 
fible  qu'elles  pufTent  fe  tirer  avec  la  même 
égalité  ;  c'eft  pour  cela  que  les  HiTerons 
àes  ligatures  ne  doivent  porter  qu'une  ligne 
d'épaiffeur  ;  conféquemment  80  liiferons  ne 
portent  pas  plus  de  6  pouces  &  8  lignes  , 
&  pour  les  reflerrer  davantage  ,  l'ouvrier 
a  foin  de  faire  faire  les  HiTes  de  façon 
que  quoique  toutes  les  boucles  foient  à 
même  hauteur  de  la  foie,  néanmoins  il  fe 
trouve  une  lifle  qui  ell  élevée  de  4  pouces 
plus  que  l'autre  ,  ce  qui  eft  alternatif;  & 
au  moyen  de  cette  précaution  ,  les  80 
liffcs  ne  portent  guère  plus  large  que  40. 
La  façon  de  difpofer  ainfi  ces  ligatures  eft 
très-fimple ,  par  la  précaution  que  la 
faifcufe  de  lifles  prend  de  les  faire  toutes 
enfemble  4  pouces  plus  longues  d'un  côté 
que  d'un  autre  ,  depuis  la  boucle  ;  au  moyen 
de  cette  préparation  ,  lorfqu'étant  fur  le 
lifîeron  on  les  attache  ,  on  met  la  pre- 
mière liffe  ,  de  façon  que  la  partie  la  plus 
longue  fe  trouve  en  haut  ,  à  la  féconde  , 
la  partie  la  pèus  longue  en  bas  ;  ainfi 
des  autres  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  toutes 
attachées. 

Chaque  lilTe  doit  être  attachée  à  une 
corde  de  rame  :  ainfi  le  defïïn  portant  40 
cordes  pour  chaque  chaîne  ,  il  faut  00 
cordes  de  rames  pour  les  deux. 

La  façon  de  palTer  les  fils  dans  les 
ligatures  eit  différente  de  celle  qui  fe  pra- 
tique dans  les  autres  métiers;  fi  le  deiîln 
€Û  à  pointe ,  c'eft-à-dire  ,  que  fi  le  côté 
se  contient   que  la  moitié   d'une   fleur  , 


^  E  R 

d'un  fruit,  &c.  &  qu'il  doive  être  enticf' 
fur  l'étoffe  ,  on  commence  à  pafTer  quatre 
fils  de  la  première  chaîne  à  la  première 
ligature  du  côté  de  l'enfuble  de  derrière , 
&  on  continue  par  la  féconde  &  celles 
qui  fuivent  jufqu'à  la  quarantième  du  côté 
du  battant ,  après  quoi ,  au  lieu  de  recom- 
mencer par  la  première  du  côté  de  l'en- 
fuble ,  vous  prenez  la  féconde  du  côté  du 
battant ,  &  allez  en  reculant  liiîe  par  liffe  , 
jufqu'à  la  même  HfTe  par  laquelle  vous 
avez  commencé  ,  qui  efl  la  première  du 
côté  de  l'enfuble  ,  &  continuez  de  même 
jufqu'à  ce  que  la  chaîne  foit  pafTée  en 
entier ,  de  façon  que  le  remettage  forme 
une  efpece  de  N\N. 

Seconde  façon  de  palTer  les  fils.  Il  faut 
obferper  encore  que  y  pour  que  les  fils  ne 
foient  ni  gênés  y  ni  contrariés  ,  quand  on 
a  pajfé  un  fil  d'une  chcdnefur  une  ligature  ^ 
il  faut  que  le  fil  de  la  féconde  chaîne 
fuii'e  fur  Vautre  ,  afin  que  rien  ne  foit 
embrouillé  y  &  qu!il  fe  trouve  un  accord 
parfait  y  &  que  toutes  les  ligatures  foient 
paffées  à  la  fois  y  c'efl-à-dire  ,  enfemble  : 
cette  dernière  façon  de  p  a  fier  les  fils  y 
quoique  plus  embarraffante  ,  fait  néan- 
moins que  Vétoffe  fe  travaille  plus  aifé- 
ment.  Au  furplus  on  peut  choifir. 

Si  le  defîin  efi  à  chemin  ,  c'cft-à-dirc  y 
qu'il  ne  répète  pas  fur  les  côtés ,  pour  lors 
on  paffe  les  fils  à  l'ordinaire,  en  commen- 
çant par  la  première  ligature  du  côté  de 
ivcnfuble  ,  &  finifîânt  par  la  dernière  du 
côté  du  battant,  &  reprendre  enfuite  la 
première  fans  reculer  au  remettage. 

Le  delfin  à  pointe  par  la  façon  du  remet- 
tage porte  dans  la  fabrication  le  double  dans 
la  largeur  de  l'étoiFe;  &  s'il  efl  de  même 
dans  la  hauteur  en  revenant  fur  {qs  pas 
lorfqu'on  tire  le  bouton  ,  c'eft  à-dire ,  en 
reculant  par  le  même  chemin  qu'on  a  fait 
en  commençant ,  on  fait  également  le  dou- 
ble dans  la  hauteur  de  l'étoffe. 

Si  chaque  chaîne  efl  pafTée  fur  quarante 
lignés,  &  que  les  fils  ne  foient  pasjardés 
dans  les  remettages  (  c'eft  le  terme  ) ,  c'efl- 
à  dire ,  que  les  deux  chaînes  ne  foient 
pas  paffées  enGmble  ,  ainfi  qu'il  efi  dé- 
montré dans  la  partie  ci-devant  qui  efl 
en  italique  ;  pour  lors  il  faut  lire  le  defîin 
ujae  fois  fur  les  quarante  cordes  qui  doivent 


p  E  a 

Faire  la  figure ,  &  une  fois  de  fuite  fur  les 
quarante  qui  doivent  faire  le  fond  ,  qui 
ert  réfervé  pour  le  fécond  coup  de  navette  , 
dont  la  trame  doit  être  très-fine  ,  afin 
que  rétolïè  foit  liée  ,  ou  pour  mieux  dire , 
afin  que  les  deux  chaînes  loient  liées  en- 
femble  ,  fans  quoi  les  fils  qui  ne  feroienr 
pas  tirés  badineroient  deflus  ou  deflbus 
l'étoffe. 

Si ,  au  contraire  ,  les  fil.«;  font  paffés  dans 
les  ligatures  ,  ainfi  qu'il  efi  démontré  dans 
la  partie  qui  efl;  en  italique ,  pour  lors  quand 
le  deflin  efi  fait ,  il  faut  le  tranflater  ,  c'cfl- 
à  -  dire  ,  que  s'il  efl  peint  fur  cinq 
dixaines  ,  il  faut  le  mettre  fur  dix  ,  attendu 
qu'il  faut  toujours  laifTer  la  corde  de  fond 
entre  celle  qui  fe  tire  ,  c'efl  pourquoi  il 
faut  qu'il  foit  peint  en  deux  couleurs  ^  afin 
qu'on  ne  lifle  pas  une  corde  d'une  façon 
&  une  corde  de  l'autre  ,  &  que  dans  Its 
endroits  où  il  faut  prendre  quatre  ,  cinq 
cordes  ,  plus  ou  moins ,  celle  qui  fait  le 
fond  ne  foit  pas  prife  ,  quoiqu'elle  fc  trouve 
entre  deux.  Dans  ce  cas  ,  on  lit  le  delCn 
de  fuite. 

Il  s'enfuit,  par  ce  qui  vient  d'être  dé- 
montré ,  que  les  ligatures  font  le  même 
effet  que  le  corps ,  avec  cette  différence  , 
qu'au  lieu  de  8co  arcades ,  il  n'y  en  a 
point  du  tout  '-,  au  lieu  de  1600  aiguilles , 
il  n'y  en  a  que  160  ,  c'eft-à-dire  ,  deux 
aiguilles  chaque  liffe  ;  il  n'y  a  ni  carrette , 
ri  marches ,  ni  calqucron. 

La  péruvienne  n'a  ordinairement  que 
trois  couleurs  ;  ftivoir  ,  celle  de  deux  chaî- 
nes ,  &  celle  du  premier  coup  de  navette  ;, 
le  fécond  devant  être  d'une  trame  très- 
fine  ,  &  pour  ainfi  dire  imperceptible  ;, 
on  fait  des  péruviennes  à  40  portées  dou- 
bles ,  à  40  portées  fimples  ,  en  obfervant 
qu'il  faut  toujours  deux  chaînes  égales  & 
de  différentes  couleurs. 

La  beauté  de  la  péruvienne  eft  qu'elle 
n  a  point  d'envers  5  au  moyen  des  deux 
chaînes  ,  elle  ell  aufli  belle  d'un  côté  que 
d'un  autre  ,  &  c'eft  précifément  ce  qui  la 
diilingue  de  la  prufiienne.  Par  exemple, 
il  une  chaîne  eft  pourpre  &  bleue  ,  ce  qui 
fera  une  figure  bleue  d'un  côté  ,  fera  de 
l'autre  une  figure  pourpre ,  &  c'eft  préci- 
fément ce  qui  en  tait  le  mérite  principal. 
La  couleur  dans  un  habit  de  femme  ^  cft- 


P  E  R  5or 

elle  paffée  d'un  côté  ,  elle  le  tourne  àt 
.l'autre  ',  pour  lors  la  robe  paroît  neuve  ; 
il  en  eft  de  même  pour  les  habits  d'homme  ; 
c'eft  précifément  cette  fingularité  qui  ca- 
radérife  la  péruvienne. 

La  quantité  d'étoffes  qui  fe  fabriquent 
à  Lyon  à  la  petite  tire  ,  ou  au  bouton , 
eft  fi  confidérable ,  que  de  dix  mille  mé- 
tiers qui  travaillent  actuellenvent  dans  la 
fabrique  en  étoflfès  façonnées  ,  il  y  en  a 
au  moins  la  moitié  dans  ce  genre  ;  il  n'eft 
point  d'année  qu'il  ne  paroifiè  quelque 
nouveauté  dans  ce  genre  d'étoffe  ,  Ibic 
dans  le  méchanifme  ,  foit  dans  le  goût  7 
c'eft  ce  qui  fait  que  l'étranger  ne  peut  pas 
parvenir  à  l'imitation  de  la  fabrique  de 
Lyon  ,  attendu  qu'auflî-tôt  qu'il  s'eft  faili 
d'un  goût ,  incontinent  il  s'en  trouve  un 
autre. 

On  fait  aujourd'hui  des  taffetas  à  bandes 
ombrées  &  carrelées  ,  &  avec  de  petits 
agrémens  entre  les  bandes  ,  fans  qu'il  foit 
befoin  de  tireufe  ,  l'endroit  deflus  ,  &;  " 
cela  au  moyen  de  fix  ou  huit  ligatures, 
qui  font  difpolées  de  façon  que  fix  ou  huit 
marches  placées  à  gauche  fur  le  côté  du 
métier^  en  font  l'embarras.  L'ouvrier  foulant 
la  première  marche  à  gauche  avec  le  pié 
gauche  de  même ,  paffe  fes  coups  de  navette 
en  foulant  les  deux  marches  du  taffetas 
qui  font  du  càté  droit  auffi  long-  temps , 
ou  paffe  autant  de  coups  qu'il  veut  don- 
ner d'étendue  à  fon  cannelé  &  à  fon  car- 
relé ,  tandis  qu'e  tenant  la  marche  du  côté 
gauche  foulée  ,  cette  même  marche  faifanc 
lever  les  ligatures  qui  font  faites  à  jour  , 
&  en  conformité  de  la  largeur  des  bandes  „ 
CQs  mêmes  ligatures  demeurent  levées 
pendant  \qs  coups  de  navette  qu'il  paffe. 
Il  faut  obferver  qu'une  marche  à  gauche 
fuffiroit  s'il  n'avoit  qu'un  cannelé ,  il  n'en 
faudroit  que  deux  pour  le  carrelé  ;  & 
lorsqu'il  y  en  a  davantage ,  elles  ne  Ibnr 
deftinées  que  pour  quelques  fleurons  qui 
contiennent  fix  ,  huit  ou  dix  coups.  On 
appelle  coup  chaque  partie  où  la  marche 
de  retour ,  qui  eft  une  de  celles  du  pic 
gauche  ,  demeure  levée  ,  tandis  que  l'ou- 
vrier paffera  fix  ou  huit  coups  de  navette 
du  côté  droit.  Le  deffm  eft  -  il  difpofé 
pour  le  retour ,  l'ouvrier  ayant  achevé  la 
quantité  de   marches  à  g^^^l^s  j  ^^  ^^^^ 


501  P  E  R. 

de  recommencer  par  la  première ,  revient 
fur  (es  pas  :  pour  lors  le  deffin  étant  fur 
huit  marches  en  contient  quinze  y  quoiqu'il 
y  ait  deux  fois  le  mouvement  de  nuit 
marches  ,  parce  que  la  première  marche 
&  la  dernière  n'étant  foulées  qu'une  fois 
dans  le  courfe  ,  tandis  que  chacune  des 
autres  l'eft  deux  fois  ,  ces  deux  marches 
n'en  doivent  compofer  qu'une  ,  ce  qui  ell 
un  peu  difficile  à  comprendre.  Par  exemple, 
en  fuppofant  huit  marches  de  retour ,  vous 
paflez  huit  coups  ;  quand  vous  avez  palfé 
la  huitième  marche  ,  vous  revenez  fur 
vos  pas  par  la  feptieme  jufqu'à  la  première  ; 
ce  qui  ne  fait  que  fept  coups  pour  finir 
le  courfe  ,  &  huit  pour  le  commence- 
ment ,  faifant  en  tout  quinze  coups.  Il 
en  eft  de  même  quant  à  la  façon  de  pafTer 
les  fils  dans  les  ligatures  pour  les  pe'ru- 
viennes  dont  le  deflin  efl  à  pointe  ,  & 
dont  par  conféquent  le  remettage  doit  être 
en  zigzag  ,  ainfi  qu'il  a  été  démontré  dans 
ce  mémoire.  Pour  cette  opération  ,  fi  le 
defTin  efl  difpofé  pour  quarante  ligatures 
complettes  ,  il  en  faut  quarante  &:  une  ^ 
favoir ,  trente-neuf  de  vingt  mailles  cha- 
cune ,  &  deux  de  dix  qui  lont  la  première 
&  la  dernière  ;  conféqucmment  la  première 
&  la  dernière  ne  contenant  que  dix  mailles 
ou  ligatures  ,  n'en  fauroient  valoir  qu'une. 
La  chofe  efl  bien  fenfible  ,  &  pour  la 
faire  comprendre  ,  il  faut  donner  un  exem- 
ple moins  étendu  ou  plus  petit  en  volume 
de  lifîês  ou  ligatures.  Veut  -  on  remettre 
cinq  hfîes  pour  faire  pointe  de  vingt  mailles 
chacune ,  il  faudra  que  la  première  &  la 
dernière  lifle  ne  contiennent  que  dix 
mailles  ,  &  ces  cinq  lifTes  n'en  compoferont 
que  quatre  :  en  voici  la  raifbn.  Le  premier 
fil  étant  palTé  fur  la  première  lillè  ,  le 
cinquième  fîl ,  après  avoir  paflé  les  autres  y 
fe  trouve  fur  la  cinquième  :  or  ,  en  retour- 
nant fur  fes  pas  ,  la  quatrième  lifTe  fe  trouve 
avoir  deux  fils  »  tandis  que  la  cinquième 
n'en  a  qu'un  ,  la  troifieme  de  même  ,  la 
féconde  également  ,  &  la  première  en 
finifîant  s'en  trouve  deux  ;"  mais  en  re- 
venant par  contre  au  remettage ,  comme 
on  a  commencé ,  la  féconde  s'en  trouve 
deux ,  la  troifieme  de  même  ,  ainfi  que  la 
quatrième  ,  tandis  que  la  première  ,  par 
laquelle  on  a  commencé ,  n'en  a  qu'un  : 


PEU 

les  points  déCgnés  ci-defTous  înclîquerofté 
cette  façon    de  faire  le  remettage  &  les 

lilTes. 


Prem,     i  a 

liffe  -  . 


liffe_     . 

I  1  3  4  y  6 

Chaque  point  étant  une  maille  ,  il  efl 
vifible  que  la  première  liffe  n'a  eu  que  fix 
mailles  de  priles  ainfi  que  la  cinquième  , 
tandis  que  ks  trois  autres  en  ont  douze 
chacune  ,  ce  qui  fait  que  la  première  &.  la 
cinquième  ne  contiennent  pas  plus  de  fils 
que  chacune  des  trois  autres  :  il  efl  donc 
d'une  néceflité  indifpenfable  de  bien  faire 
attention ,  dans  cette  façon  de  remettre 
les  métiers  ,  que  la  première  &  la  dernière 
liffcs  ne  contiennent  non-feulement  que  la 
moitié  des  mailles  des  autres  ,  mais  encore 
que  ces  mailles  foient  placées  à  une  diflancc 
jufle  pour  que  les  fils  ne  foient  pas  gênés. 

Mais,  dira-t-on  ,  pour  éviter  cet  em- 
barras de  demi-liffes,  il  n'efl  befoin  que 
de  pafïer  deux  fils  fur  la  première  &  deux 
lur  la  dernière ,  afin  que  toutes  les  lifïes 
foient  égales  :  à  quoi  on  répond  que  chaque 
lifîe  ne  contenant  qu'un  fil  feul  dans  les 
étoffes  où  le  remettage  efl  tel ,  deux  fils 
qui  fe  trouveroient  enfemble  marqueroient 
trop  en  comparaifbn  des  autres.  Par  exem- 
ple ,  dans  la  pe'rupienne  ,  chaque  maille 
de  k  ligature  contenant  quatre  fils  doubles, 
fi  on  paflbit  fur  deux  boucles  enfemble  y 
quatre  fils  à  chacune  ,  il  fe  trouveroit  huit 
fils  doubles  enfemble  ;  &  fi ,  par  la  difpo- 
fifion  du  deffin  ,  cette  première  ou  dernière 
lifîe  fe  trouvoit  faire  une  découpure  dans 
rétofîè ,  il  arriveroit  que  cette  découpure 
feroit  le  double  plus  large  que  celles  qui 
fe  trouveroient  faites  par  les  autres  lifTes , 
ce  qui  feroit  une  défeduofité  marquée  6c 
qui  gâteroit  la  forme  du  deffin. 

On  peut  faire  hi  péruvienne  avec  le  corps 
fans  ligatures  ;  mais  comme  les  deffins  pour 
cette  étoffe  font  très-petits ,  la  dépenfe 
pour  monter  ces  étoffes  efl  diminuée  àes 
trois-quarts  au  moins  par  la  fuppreflîon  des 
arcades  ,  des  aiguilles  ,  &  de  feize  cents 
maillons  de  verre  ,  ce  qui  fait  un  objet  de 


P  ES 

j^us  de  80  livres ,  tandis  qu*avec  les  liga- 
tures à  peine  en  coûtera-t-il  12  livres  : 
voilà  l'objet». 

PESADE  ,  f.  f.  terme  de  Manège  ;  c'eft 
le  premier  mouvenienr  du  cheval ,  lorfqu'il 
levé  les  pies  de  devant  (ans  remuer  ceux  de 
derrière.  C'eft  la  première  leçon  qu'on 
donne  aux  chevaux  pour  manier  à  cour- 
bettes ,   &  autres  airs  relevés.   {D.  /.) 

PESAGE  ou  Pois  AGE ,  f.  m.  (Juri/p.) 
droit  domanial  que  le  roi  perçoit  en  quel- 
ques endroits  fur  les  marchandifcs  qui  fè 
pefent  fous  les  halles.  Voyei  PoiDS-LE- 
ïkOl.  (^) 

PESANT,  LOURD,,  {Synon.)vqy. 
Vanide  PESANTEUR. 

Le  mot  de  lourd  regarde  plus  propre- 
ment ce  qui  charge  le  corps  :  celui  de 
gefant  a  un,  rapport  plus  particulier  à  ce 
qui  charge  l'efprit.  Il  faut  de  la  force  pour 
porter  l'un  ,  de  la  fiipérioritç.  de  §énie  l>our. 
Soutenir  l'autre.. 

L'homme  foiblè  trouve  lourd'  ce  que  lè 
robufte  trouye  léger  ;  l'adminiUration  de 
toutes  les  affaires  d'un  état  cft  un  fardeau, 
bien  pefant  pour  un  feul  :  mais.,  on  dit  une 
Ipurdç  faute  ,  pour  lignifier  une  grande 
imprudence ,  une  faute  qui  ne  pourroit  être, 
feite  par  un  habile  homme.  {D.J.) 

Pesant  ,.  Pesanteur  ,  (Q-/r.  foc.) 

Ces  mots  au  figuré  f^gnifient  po^s  aggra-r- 
p.ant  f^lapefanteur  d^  la  main  de  Dieu, 
dans  l'écriture  ,  eft  un  terme  métaphorique, 
qui  marque  K.rigueur  de  fes  châtimens.  Un 
]oug  pefdnt  défigne  l'efclavage  fous  un 
maître  dur»  Alligam  onera,  gravia , .  M'att, 
Qcxiij  y  4"  i  les,  Pharifiens  atta.chenc  des 
fardeaux  infupportables,  :  ces,  fardeaux 
ëtoient  les  fardeaux  rigoureux  de  la  loi, joints 
4  ceux.de  leurs,  traditjons.  Popu/r/j  gravis  , . 
marque  un  grand  peuple.  Je  te  louerai , 
Seigneur,  au  milieu  d'un  peuple  nombreux  , 
J?/.  zV,  z  8.  ^«/iro;  graviffims ,  Exod.  viij , 
'^.4;  une  multitudcr  dé  mouches  très-in- 
commodes. Vue  populo  gravi  V  If.  j  y  4^; 
malheur  au  peuple  chargé  d'iniquités.  Dor- 
mi ébat  fopore,  gravi,  Jon.  j  ,  5.^  Jonas 
dormoit  d'un  profond  fommeil.  {D.^  J.) 

Pesant  ,  (  Maréch.  )  Un  cheval  pefant 
cfi  celui  qui  marche  groffiérement  ,  & 
court  fans  aucune  légèreté. 

l^ESANT  o«, Plomb  ,  terme  de  TaiU 


P  E  S  505 

leurs  y  &C..  &  autres  ouvriers  qui  travail- 
lent en  couture..  C'efî  un  morceau  de  fer 
,  ou  de  plomb  couvert  d'étoffe ,  qu'ils  pofent 
fiir  l'ouvrage  qu'ils  travaillent ,  afin  de  l'af^ 
fujettir.-On  l'appelle  plus  ordinairement  ua 
plomb  )  à  caufe  de  la  matière  principale 
dont  il  efl  fait. 

PESANTEUR  ,  f.  f  (  Pliyf  )  eu  cetîe 
propriété  en  vertu  de  laquelle  tous  les  corps 
que  nous  connoilTons  tombent  y  &  i-appro- 
chent  du  centre  de  la  terre  ,  lorfqu'ils  ne 
font  pas  fou  tenu  s.  Il  efl  certain  que  cette 
propriété  a  une  caufe,  &  on  auroit  tort 
de  croire  qu'un  corps  qui  tombe ,  ne  tombe: 
point  par  une  autre  raifon  y  que  parce  qu'il 
n'efl  pas    fbutenu..  Car,  qu'on  mette  un, 
corps  pefant  fur  une  table  horizontale  ,  rien 
n'empêche  ce  corps  de  fe  mouvoir  fur  k; 
table  horizontalement  &  en  tout  fèns.  Ce- 
pendant il  refte  en  repos  :  or ,  il  efl  évi- . 
dent  qu'un  corps  ,confidéré  en  lui-même,, 
n'a  pas  plus  de  penchant  à  fè  mouvoir  dans 
un  fens  que  dans  un  autre  ,  &  cela  ,  parce: 
qu'il  eft  indifférent  au  mouvement  ou  au 
repos.  Donc  ,.  puifqu'un   corps  fe   meut 
toujours   de  haut  en  bas  j^  cjuand  rien  ne 
l'en  empêche^  &  qu'il  ne  fe  meut  jamais, 
dans  un  autre  fens  ,  à  moins  qu'il  n'y  foit 
forcé  par  une  caufe  vifible  ,  il  s'enfuit  qu'il 
y  a.  néceffairement    une  caufe  qui  déter- 
mirte.  podr  ainfï  dire  les  corps  pefans  à 
tomber  vers  le   centre  de  la  terre.   Mais 
il  n'efl  pas  facile  de  connoître  cette  caufè» 
On  peut  voir   aux  articles  Gravité  & 
Gravitation  ,   ce  que  les  différentes 
fe<^es   de  philofophes  ont  penfé  là-deffus. 
Nous  rapporterons,  feulement  ici  les  loix  de 
h^pefanieur y  tclk§  que^  l'expérience  les  a 
fait  découvrir.. 

Cette  même  force^- qui  fait  tomber  les 
corps  lorfqu'ils .  ne  font  point  foutenus, 
leur  fait  preffer  les  obflacles  qui  les  retien- 
nent &  qui  les  empêchent  de  tomber  :  ainfi 
une  pierre  pefe  fur  la  main  qui  là  foutient , 
&  tombe  félon  une  ligne  perpendiculaire 
à  l'horizon, .  fi  cette  main  vient  à  l'aban- 
donner; 

Quand  lés  corps  font  retenus  par  un 
obfiaclç  invincible  ,  la  gravité  >  qui  leur  fait 
preffer  cet  obflacle  ,  produit  alors  une  force 
morte  ,  car  elle  ne  produit  aucun  effet. 
Mais  j .  quand   rien   ne  retient  le  corps  ,, 


504  P  E  S 

alors  la  gravité  produit  une  force  vive 
dans  CQs  corps  ,  puifqu'elle  les  fait  tomber 
vers  la  furfacc  de  la  terre.  Voye^iFORCE 
VIVE. 

On  s'efl  apperçu  dans  tous  les  temps , 
que  de  certains  corps  tomboient  vers  la 
terre  ,  lorfque  rien  ne  les  foutenoit ,  & 
l^u'ils  prelîbient  la  main  qui  les  empêchoit 
de  tomber  ;  mais  comme  il  y  en  a  quel- 
ques-ims  dont  le  poids  paroît  infenfible ,  & 
qui  rmîontent ,  foit  fur  la  furface  de  l'eau  , 
foit  fur  celle  de  l'air  ,  comme  la  plume , 
le  bois  très-léger  ,  la  flamme  ,  les  exha- 
laifbns  ,  Ùc.  tandis  que  d'autres  vont  au 
fond  ,  comme  les  pierres  ,  la  terre  y  les 
métaux ,  &c.  Ariftote  ,  le  père  de  la  philo- 
fophie  &  de  l'erreur ,  imagina  deux  appétits 
dans  les  corps.  Les  corps  pcfans  avoient, 
félon  lui ,  un  appétit  pour  arriver  au  cen- 
tre de  la  terre  ,  qu'il  croyoit  être  celui 
de  l'univers  ;  &  les  corps  légers  avoient 
un  appétit  tout  contraire  qui  les  éloignoit 
de  ce  centre ,  &  qui  les  portoit  en  haut. 
Mais  on  reconnut  bientôt  combien  ces 
appétits  des  corps  étoient  chimériques. 

Galilée  ,  qui  nous  a  donné  les  véritables 
loix  de  la  pefameur ,   combattit  d'abord 
l'erreur  d'Ariflote  ,    qui  croyoit  que   les 
différens  corps  tomboient  dans  le  même 
milieu  avec  des   vîtefles   proportionnelles 
à  leyr  maffe.  Galilée  ofa  aflfurer  ,   contre 
l'autorité  d'Ariftote  (  unique  preuve  que 
l'on  connût  alors  )  ,  que  la  rcliftance  dts 
milieux  dans  lefqueis  les  corps  tombent , 
étoit  la   feule    caufe   des   différences    qui 
fe  trouvent  dans   le  temps  de  leur  chute 
^  vers  la  terre ,  &  que  dans  un  milieu  qui 
ne  réfifteroit  point  du  tout ,  tous  les  corps 
de  quelque  nature  qu'ils  fuflent  tomberoient 
également  vite.  Les  différences  que  Galilée 
trouva  dans  le  temps  de  la  chute  de  plu- 
lieurs  mobiles  qu'il  fit  tomber  dans  l'air 
de  la  hauteur  de   cent  coudées  ,  le  por- 
tèrent à  cette  afferrion  ,  parce  qu'il  trouva 
que  ces  différences  étoient  trop  peu  confi- 
dérabies  pour  être  attribuées  au   différent 
poids  des  corps.  Ayant  de  plus  fait  tom- 
ber les  mêmes  mobiles  dans  l'eau  &  dans 
fair ,  il  trouva  que  les  différences  de  leurs 
chûtes  refpeûives  dans    les  diffiîrens  mi- 
lieux ,  répondoient  à-peu-près  à  la  denfité 
lijç^es  milieux ,  &  non  4  la  maffe  des  corps  ; 


P  E  S 

donc  ,  conclut  Galilée  ,  la  réfiflance  des 
milieux  ,  &  la  grandeur ,  &  l'afpériîé  de 
la  furface  des  différens  corps  ,  font  les 
feules  caufes  qui  rendent  la  chute  des  uns 
plus  prompte  que  celle  des  autres.  Lucrèce 
lui-même ,  tout  mauvais  phyficien  qu'il 
étoit  d'ailleurs  ,  avoit  entrevu  cette  vérité , 
&  l'a  exprimée  dans  Ion  deuxième  livre 
par  ces  deux  vers  : 

Omnia  quapropter  debent  per  inane 

quietum 
jEquè  ponderibus  non  aquis  concita 

ferrL 

Une  vérité  découverte  en  amené  pref- 
que  toujours  une  autre.  Galilée  ayant  en- 
core remarqué  que  les  vîtefîès  des  mêmes 
mobiles  étoient  plus  grandes  dans  le  même 
milieu  ,  quand  ils  y  tomboient  d'une  hau- 
teur plus  grande  ,  il  en  conclut  que  , 
puifque  le  poids  du  corps  &  la  denfité  du 
miheu  reffant  les  mêmes ,  la  différente  hau- 
teur apportoit  des  changemens  dans  les 
vîteffes  acquifes  en  tombant ,  il  falloit  que 
les  corps  eufîènt  naturellement  un  mou- 
vement accéléré  vers  le  centre  de  la  terre. 
Ce  fut  cette  obfervation  ,  qui  le  porta  à 
rechercher  les  loix  que  fuivroit  un  corps 
qui  fombcroit  vers  la  terre  d'un  mouve- 
ment égu!ùment  accéléré.  Il  fuppofa  donc 
que  la  caufe  ,  quelle  qu'elle  foit ,  qui  fait  la 
pefameur  y  agit  également  à  chaque  inffant 
indivifible  y  &  qu'elle  imprime  aux  corps 
qu'elle  fait  tomber  vers  la  terre  ,  un  mou- 
vement également  accéléré  en  temps  égaux, 
enforte  que  les  vîteffes  qu'ils  acquièrent  en 
tombant ,  font  comme  les  temps  de  leur 
chute.  C'eft  de  cette  feule  fuppofition  fi 
limple  ,  que  ce  philofophe  a  tiré  toute  fa 
théorie  de  la  chute  des  corps.  Voy,  AC- 
CÉLÉRATION "ô"  Descente. 

Riccioh  &  Grimaldi  cherchèrent  4 
s'affurer  d'une  vérité  que  Galilée  avoit 
avancée  d'après  (qs  propres  expériences  : 
c'eff  que  les  corps  •  en  tombant  vers  la 
terre  par  leur  feule  pefameur ,  parcourent 
des  efpaces  qui  font  entr'eux  comme  les 
quarrés  âts  temps.  Pour  cet  effet ,  ils 
firent  tomber  des  poids  du  haut  de  plu- 
fieurs  tours  différemment  élevées  ,  &  ils 
1  mefurerent  le  tenips  de  la  chute  de  ces 

corps 


ï>  E  s 

corps  à  ces  différentes  hauteurs  par  les 
Vibrations  d'un  pendule,  de  la  jufteflè 
duquel  Grimaldi  s'étoit  alTuré ,  en  comptant 
le  nombre  de  Tes  vibrations  depuis  un 
pafTâge  de  l'étoile  de  la  queue  du  lion  par  le 
méridien,  jufqu'à  Tautre.  Ces  deux  iiivans 
jéfuites  trouvèrent  par  le  réfultat  de  leurs 
expériences ,  que  ces  différentes  hauteurs 
étoient  exadtement  comme  les  carrés  des 
temps  des  chûtes.  Cette  découverte  de 
Galilée  eft  devenue,  parles  expériences,  le 
fait  de  phyfique  dont  on  eft  le  plusaflUréj 
&  tous  les  philofophes ,  malgré  la  diver- 
fité  de  leurs  opinions  fur  prefque  tout  le 
refte,  conviennent  aujourd'hui  que  les  corps 
en  tombant  vers  la  terre ,  parcourent  des 
efpaces  qui  font  comme  les  carrés  des  temps 
de  leur  chute  ,  ou  comme  les  carrés  des 
vîtefl'es  acquifes  en  tombant.  Le  P.  Sébaf- 
tien ,  ce  géomètre  des  fens ,  avoit  imaginé 
une  machine  compoféc  de  quatre  paraboles 
égales,  qui  fe  coupoient  à  leur  (bmmet;  &: 
au  moyen  de  cette  machine ,  dont  on  trouve 
la  defcription  &  la  figure  dans  les  mémoires 
de  l'académie  des  fciences  y  iSg^,  il  démon- 
troit  aux  yeux  du  corps ,  du  témoignage 
defquels  les  yeux  de  rcfprit  ont  prefque 
toujours  befoin ,  que  la  chute  des  corps 
vers  la  terre  s'opère  félon  la  progreiîion 
découverte  par  Galilée. 

Il  eft  donc  certain  aujourd'hui ,  i  °.  que 
la  force  qui  fait  tomber  les  corps  eft  tou- 
jours uniforme,  &  qu'elle  agit  également 
fur  eux  à  chaque  inftant.  2°.  Que  les  corps 
tombent  vers  la  terre  d'un  mouvement  uni- 
formément accéléré.  3°.  Que  leurs  vîrefïès 
font  comme  les  temps  de  leur  mouve- 
ment. 4°.  Que  les  efpaces  qu'ils  parcou- 
rent font  comme  les  carrés  des  temps , 
ou  comme  les  carrés  des  vîtefTès  ;  &  que 
par  conféquent  les  vîtefïès  &  les  temps 
font  en  raifon  fous-doublée  des  efpaces. 
5°.  Que  l'efpacc  que  le  corps  parcourt  en 
tombant  pendant  un  temps  quelconque, 
eft  la  moitié  de  celui  qu'il  parcourroit  pen- 
dant le  même  temps  d'un  mouvement  uni- 
forme avec  la  vîtefïe  acquife  j  &  que  par 
conféquent  cet  efpace  eft  égal  à  celui  que 
le  corps  parcourroit  d'un  mouvement 
uniforme  avec  la  moitié  de  cette  vîtefle. 
6°.  Que  la  force  qui  fait  tomber  ces  corps 
vers  la  terre ,  eft  la  feule  caufe  de  leur 
Tome  XXV. 


P  E  S  50y 

poids;  car  puifqu'elle  agit  à  chaque  mC- 
tanc ,  elle  doit  agir  fur  les  corps ,  fbit 
qu'ils  foient  en  repos ,  foit  qu'ils  fbient  en 
mouvement;  &  c'eft  par  les  efforts  que  ces 
corps  font  'fans  ceffe  pour  obéir  à  cette 
force ,  qu'ils  pefent  fur  les  obftacles  qui  les 
retiennent.  Cependant ,  comme  la  réfif- 
tance  de  l'air  fe  mêle  toujours  ici-bas  à 
l'adion  de  la  gravité  dans  la  chute  des 
corps ,  il  étoit  impofïible  de  connoître  avec 
précifion ,  par  les  expériences  que  Galilée 
avoit  faites  dans  l'air ,  en  quelle  proportion 
cette  force  qui  anime  tous  les  corps  à 
tomber  vers  la  terre ,  agit  fur  ces  corps. 
Il  fallut  donc  imaginer  de  nouvelles  ex- 
périences. 

On  en  fit  une  dans  la  machine  du  vuide , 
qui  confirma  ce  que  Galilée  avoit  plutôt 
deviné  que  prouvé.  De  l'or,  des  flocons 
de  laine  ,  des  plumes  ,  du  plomb  ,  tous 
les  corps  enfin  abandonnés  à  eux-mêmes 
tombèrent  en  même  temps  de  la  mzmt 
hauteur  au  fond  d'un  long  récipient  purgé 
d'air.  Cette  expérience  paroifloit  décifîve; 
mais  cependant  comme  le  mouvement  des 
corps  qui  tomboient  dans  cette  machine  s 
étoit  très-rapide ,  &  que  les  yeux  ne  pou- 
voicnt  pas  s'appercevoir  des  petites  difïe- 
rences  du  temps  de  leur  chute,  fuppofc 
qu'il  y  en  eût,  on  pouvoit  encore  douter 
il  les  corps  fenfibles  poffedent  la  faculté 
de  pefer  à  raifon  de  leur  malle ,  ou  bien 
fi  le  poids  des  différens  corps  fuit  quel- 
qu'autre  raifon  que  celle  de  leur  mailè. 
Voici  comment  M.  Newton  leva  cette 
difficulté. 

Il  fufpendit  des  boules  de  bois  creufes 
&  égales  à  des  fils  d'égale  longueur  ,  & 
mit  dans  ces  boules  des  quantités  égales 
en  poids ,  d'or ,  de  bois ,  de  verre  ,  de 
fel ,  &c,  en  faifant  enfuite  ofciller  librement 
ces  pendules ,  il  examina  fi  le  nombre  àc 
leurs  ofcillations  feroit  égal  en  temps 
égal  ;  car  la  pefanteur  caufe  feule  l'ofcilla- 
tion  des  pendules ,  ôi  dans  ces  ofcillations 
les  plus  petites  différences  deviennent  fen- 
fibles. M.  Newton  trouva  par  cette  ex- 
périence que  tous  les  différens  pendules 
faifbient  leurs  ofcillations  en  temps  égal» 
Or ,  le  poids  de  ces  corps  étant  égal ,  ce  fut 
une  démonftration  que  la  quantité  de  ma- 
tière propre  des  corps  eft  direélement  pro- 

5$$ 


5G^  P  E  s 

portîonnelle  à  leur  poids  (en  faifant  abf- 
trfldion  de  la  réfiftance  de  l'air ,  qui  étoit 
la  même  dans  toutes  les  expériences),  & 
que  par  conféquent  la  pefanteur  agit  fur 
tous  les  coips  fenfibles,  à  raifon  de  leur 
mafle. 

De  ces  expériences  il  s'enfuit ,  i°.  que 
la  force  qui  fait  tomber  les  corps  vers  la 
terre  eft  proportionnelle  aux  mafl'es  ,  en 
forte  qu'elle  agit  comme  loo  fur  un  corps 
qui  a  loo  de  maffe,  ôc  comme  i  fur  un 
corps  qui  ne  contient  que  i  de  matière 
propre.  2°.  Que  cette  force  agit  également 
fur  tous  les  corps  ,  quelles  que  foient  leur 
contexture,  leur  forme,  leur  volume,  ùc. 
3°.  Que  tous  les  corps  tomberoient  éga- 
lement vite  ici-bas  vers  la  terre  ,  fans  la 
réfiftance  que  Pair  leur  oppofe  ,  laquelle 
eft  plus  fenfible  fur  les  corps  qui  ont  plus 
de  volume  &  moins  de  malTe  ;  &  que  par 
conféquent  la  réfiftance  det'air  eft  la  feule 
caufe  pour  laquelle  certains  corps  tombent 
plus  vite  que  les  autres ,  comme  Tavoic 
aifuré  Galilée. 

Que ,  quelque  changement  qui  arrive  à 
un  corps  par  rapport  à  la  forme ,  fon  poids 
dans  le  vuide  refte  toujours  le  même ,  fi 
la  mafle  n'eft  point  changée.  A  cette  occa- 
fion,  il  eft  important  de  remarquer  qu'il 
faut  diftinguer  avec  foin  la  pefanteur  des 
corps  de  leur  poids.  La  pefanteur ,  c'cft-à- 
dire  ,  cette  force  qui  anime  les  corps  à 
defcendre  vers  la  terre ,  agit  de  même  fur 
tous  les  corps  quelle  que  foit  leur  mafle  ; 
mais  il  n'en  t(i  pas  ainfi  de  leur  poids  r 
car  le  poids  d'un  corps  eft  le  produit  de 
hi  pefanteur  par  la  mane  de  ce  corps.  Ainfi 
quoique  la  pefanteur  fa  (Te  tomber  également 
vite  dans  la  machine  du  vuide,  les  corps 
de  maffe  inégale ,  leur  poids  n'eft  cepen- 
dant pas  égal.  Le  différent  poids  des  corps 
d'un  volume  ég«l  dans  le  vuide ,  fert  à  con- 
noître  la  quantité  relative  de  matière  propre 
&  de  pores  qu'ils  contiennent  ;  &  c'eft  ce 
qu'on  appelle  la  pefanteur  fpécifique  des 
■corps.  Voyez  Spécifique., 

C'eft  donc  la  réfiftance  de  l'air  qui  re- 
tarde la  chute  de  tous  les  corps  ;  fon  effet 
presque  infenfible  fur  les  pendules,  à  caufe 
de  leur  poids  &  des  petites  hauteurs  dont 
ils  tombent,  devient  très-confidérable  fur 
des  mobiles  qui  tombent  de  très- haut ;j  & 


P  E  S 

il  eft  d'autant  plus  fenfible ,  que  les  corps 
qui  tombent  ont  plus  de  volume  &  moins 
de  malTe. 

M.  Defaguliers  a  fait  là^defTus  des  expé- 
riences ,  que  leur  juftelfe  &  les  témoins 
devant  qui  elles  ont  été  faites ,  ont  rendu 
très-famcufes.  Il  fît  tomber  de  la  lanterne 
qui  e(t  au  haut  de  la  coupole  de  S.  Paul 
de  Londres,  qui  a  272  pies  de  hauteur, 
en  préfence  de  MM.  Newton,  Halley, 
Derham  ,  &  de  plufieurs  autres  favans 
du  premier  ordre ,  des  mobiles  de  toutes 
efpeces ,  depuis  des  fpheres  de  plomb  de  2. 
pouces  de  diamètre,  jufqu'à  des  fpheres^ 
formées  avec  des  veflies  de  cochons  très- 
defléchées  &  enflées  d'air  d'environ  5  pouc 
de  diamètre.  Le  plomb  mit  4I  fécondes  à 
parcourir  les  272  pies,  &  les  fpheres  faites 
avec  des  vefïîes  18  4  fécondes.  Il  réfulta 
du  calcul  fait  félon  la  théorie  de  Galilée  , 
que  l'air  avoit  retardé  la  chute  des  fpheres 
de  plomb ,  de  1 7  pies  environ  en  4  î  fé- 
condes. Tranfaâ.  philof  n°.  ^6%.  Voyez 
auffi  les  expériences  de  M.  Mariette ,  dans 
fon  traité  de  la  pereujjion ,  page  îîS. 

Comme  l'air  réfîfte  au  mouvement  des 
corps,  il  en  réfulte  que  les  corps  qui  le 
traverfent  en  tombant  ,  ne  doivent  pas 
accélérer  fans  cefle  leur  mouvement;  car 
l'air ,  comme  tous  les  fluides ,  réfiftant 
d'autant  plus  qu'il  eft  fendu  avec  plus  de 
vîtcfle,  ia  réfiftance  doit  à  k  fin  com- 
penfer  l'accélération  de  la  gravité  quand 
les  corps  tombent  de  haut.  Les  corps  def- 
cendcnt  donc  dans  l'air  d'un  mouvement 
uniforme  après  avoir  acquis  un  certain  de- 
gré de  vîteflè ,  que  l'on  appelle  leur  vitejfe 
complète ,  &  cette  vîtefïè  eft  d'autant  plus 
grande  à  hauteur  égale ,  que  les  corps  ont 
plus  de  mafle  fous  un  même  volume.  Le 
temps  après  lequel  le  mouvement  accé- 
léré d'un  mobile  fe  change  en  un  mou- 
vement uniforme  en  tombant  dans  l'air  ^ 
,  eft  différent  félon  la  furface  &  le  poids  du 
mobile ,  &:  félon  la  hauteur  dont  il  tombe  ;, 
,  ainfï  ce  temps  ne  fauroit  être  déterminé- 
en  général. 

On  a  calculé  qu'une  goutte  d'eau  ,  qur 
feroit  la  10.  000.  000.  000.  partie  d'un 
pouce  cube  d'eau  ,  tomberoit  dans  l'air 
parfaitement  calme  de  4  pouces  lo  par  fé- 
conde d'iui  mouvement  uniforme  ;  &  que 


PE  s 

par  conféquent  elle  y  feroit  i  j  5  tolCes  par 
heure.  On  voit  par  cet  exemple  que  les 
corps  légers  qui  tombent  du  haut  de  notre 
atmofphere  fur  la  terre  ,  n'y  tombent  pas 
d'un  mouvement  accéléré ,  comme  ils  tôm- 
beroient  dans  le  vuide  par  la  force  de  la 
pefameur,  mais  que  l'accélération  qu'elle 
leur  imprime  eft  bientôt  compen(éc  par  la 
réfiftance  de  Pair;  fans  cela  la  plus  petite 
pluie  feroit  de  grands  ravages ,  &c  loin  de 
Fertilifer  la  terre,  elle  détruiroit  les  fleurs 
&  les  fruits. 

Les  corps  abandonnés  à  eux  -  mêmes 
tombent  vers  la  terre  fuivant  une  ligne 
perpendiculaire  à  l'horizon  ;  il  eft  conftant , 
par  l'expérience  ,  que  la  ligne  de  dirediion 
des  graves  eft  perpendiculaire  à  la  furface 
de  l'eau.  Or  la  terre  étant  démontrée  à- 
peu-près  fphcrique  par  toutes  les  obfer- 
vations  géographiques  &  aftronomlques , 
le  point  de  l'horizon  vers  lequel  les  graves 
font  dirigés  dans  leur  chute ,  peut  toujours 
être  coniidéré  comme  l'extrémité  d'un  des 
rayons  de  cette  fphere.  Ainfi  ii  la  ligne 
félon  laquelle  les  corps  tombent  vers  la 
terre  ,  étoic  prolongée  ,  elle  paftèroit  par 
fon  centre ,  luppofé  que  la  terre  fût  par- 
faitement fphérique.  Mais  fi  Pon  s'en  rap- 
porte aux  opérations  faites  par  l'académie 
au  pôle  &  à  l'équateur ,  la  terre  eft  un 
fphéroïde  applati  vers  les  pôles,  &  alors 
la  ligne  de  direction  des  graves  n'étant 
point  précifément  au  centre  de  la  terre  , 
leur  lieu  de  tendance  occupe  un  certain 
cfpace  autour  de  ce  centre.  Voy.  Terre 
ù  Antipode.  Fbje^  aujfi  Gravité. 
Cet  article  eji  de  M.  FoRMEY  ,  qui  Va. 
thé  en  partie  des  Injï.  de  Phyf.  de  Mad. 
du  Châtelet. 

Les  phyficiens  ont  recherché  la. pefanteur 
fpécifîque  des  principaux  corps  connus. 
y^oy.  dans  cet  ouvrage  le  moi  Balance 

HYDROSTATIQUE. 

Mais  pour  fatisfaire  encore  davantage  la 
curiofité  ,  nous  allons  donner  ici  une  table 
beaucoup  plus  complète  fur  ce  fujet,  & 
dans  laquelle  nous  fubftituerons  à  Pordre 
alphabétique ,  Pordre  gra.d\ié  des  pefanteurs 
fpécifiques  de  différentes  matières  folides 
&  fluides. 

Or  fin  ou  de  coupelle, 19640. 

Or  d'une  guiriée,  . 18888. 


PES  507 

Or  d'un  ducat, .  .   i8r6r. 

Or  d'un  louis, iSi66. 

Mercure, 14000. 

Mercure  doux, 15382. 

Plomb, IM2.J. 

Argent  fin  de  coupelle, nc^r. 

Argent  monnoyé , ^^oni". 

Mercure  doux  fublimé  trois  fois ,  .  5)804. 

Bifmuth, 6700^ 

Cuivre  rouge  du  Japon , 9000^ 

Cuivre  de  Suéde ,  .........  8784. 

Turbith  minéral, 8^35". 

Cinabre  artificiel  , 8200. 

Mercure  doux  fublimé  quatre  fois, .  8 1 70. 
Cuivre  jaune  ou  de  laiton,  ....  8000. 

Acier  trempé  , /Sjo, 

Fer, 7645-] 

Régule  martial , 7500. 

Étain  y 7471. 

Autre   étain, 7320. 

Cinabre  naturel, 7300. 

Cinabre  d'Almaden, 6188. 

Zinc, 7107. 

Sublimé  corrofif, ^'32.5'. 

Litharge   d'or ...........  6000. 

Litharge  d'argent,  ........  (J044. 

Cinabre  d'antimoine  , 6044. 

Verre  d'antimoine , 5280. 

Aimant  de  Hongrie  , 51 06, 

Autre  aimant  de  Hongrie,  ....  ^©04. 

Aimant  de  Cerpho , 52.45-. 

Pierre  calaminaire  .........  jooo. 

Pierre  bleue  de  Namur, 5000. 

Antimoine  de  Hongrie, 4700. 

Antimoine  d'Allemagne, 4000. 

Antimoine  d'Auvergne,  .....  4858. 

Tutie, 4<'i)*. 

Crocus  metallorum , 43" 00. 

Pierre  de  Bologne,  ........  ^iç)6. 

Grenats  de  Bohême, 43<50. 

Pierre  hématite  , 43^0. 

Faufiè  topaze, 4270. 

Mine  d'antimoine  de  Poitou,  .  .  .  4215. 
Mine  de  fer  des  Pyrénées,  .  .  .  .  .  4171. 

Grenats  de  Suéde, '.  *  .  3978. 

Mine  de  grenats  marcafîîtes, .  .  .  .  3100. 

Arfenic  blanc, 3^95. 

Orpiment  ,  *. 352.1. 

Saphir  d'Orient, 3y<î2. 

Pyrite vitriolique,  ....•.«..   3/12. 

Ardoife  bleue  , 3500. 

Malachite, 349®. 

S  ss  i 


5oS  P  E  S 

Diamant, 3400. 

Pierre  à  aiguifer  de  Lorraine  5  .  .  .  3188, 

Cérufe  , 315^. 

Verre  blanc  ou  cryftal,.  .....  S^JO- 

Calamine^  d'Ifly, 3108. 

Turquoife, 3088. 

lÉmeri  de  TîledeNaxos, 3068. 

Émeri  de  Normandie  , .3038. 

Zûpis  la^uli ,  azur, 3<^54' 

Péridot, ^o^z. 

Talc  de  la  Jamaïque, 30^0. 

Topaze  , zyiz. 

Amianthe, 2,913- 

Soufre  rouge  de  Quito  , 2908. 

Pierre  divine  ou  néphrétique ,  .  .  2894. 

Opale, z88z. 

Crapaudine  , 1826. 

Pierre  hématite  dcMinorqùe,  .  .  2806. 

Talc  de  Venife , 2780. 

Emeraude  , ^777- 

Sîicrc  de   Saturne, 2.745. 

Bol  d'Arménie, 2-727- 

Nicrefixé, 2723. 

Cryftal  d'iflande , 2720. 

Marbre, 2718. 

Marbre  blanc  d'Italie, 2707. 

Marbre  noir  d'Italie, 2704. 

Pierre  bélemnite , 2675-. 

Verre  de  bouteille,  .^ 2666. 

Jade, 2685. 

Corail  rouge  , 2689. 

Corail  blanc, 2500. 

Cryftal   de    roche, 2650. 

Pierre  à  fufil, 2641. 

Hyacinthe , 2631. 

Agate-onix  , 2627. 

Verre  vcrd  commun  , 2620. 

Jafpe  , 2610. 

Caillou  d'Egypte , 2578. 

Agate  d'*Angleterre , .  .......2512. 

Pierre  judaïque, 2joo. 

Pierre  ou  caillou  Ordinaire,  ....  2500. 

Marne  de  Marly  , 2428. 

Sélénite  , 2322. 

Tartre  vitfiolé , 2298. 

Tartre  émétique, 2246. 

Sel  admirable  de  Glauber , .  ....  2246. 

Oftéocolle, 2240. 

Osfecde  mouton  > 2222. 

Améthyfte  , 221 1. 

Sardoine, 2180. 

Pierre  noire  d'Irlande, ii6j. 


P  ES 

Sel  de  gayac, 4  .  »  2148. 

Sel  polychrefte ,  . 2148. 

Sel  de  prunelle,  .  .  é 2148. 

Sel  .Gemme  , 2145.^ 

Iris  , 2.1 31. 

Terre  favonneufe, 2094» 

Ecailles  d'huîtres  , 2092. 

Terre  à  pipe  de  Rouen , 2088. 

Soufre  de  la  Guadaloupe,  .....  2077* 
Soufre  de  l'Archipel ,  ,  .  .  .  »  .  .  2018. 

Terre  de  Lemnos  , 2Cco. 

Brique  , 2000. 

Soufre  vif  , 

Nitre, 

Crème  de  tartre , 

Vitriol  blanc , <  .  , 

Vitriol  d'Angleterre,  ....... 

Corne  de  Cerf, . 

Corne  de  bœuf, 

Albâtre, 

Tartre, 

Ivoire  , ^ 

Soufre  minéral , 

Alun,. 

Borax  , 

Verd  de  gris , 

Huile  de  vitriol , 

Calcul  humain  , 

Autre  calcul, 

Os  de  bœuf , 

Efprit  de  nitre  rectifié  ,....,. 

Huile  de  tartre , 

Bézoart  oriental, 

Bézoart  occidental , 

Sel  de  corne  de  cerf,  ....,,. 

Sel  ammoniac  , ^  .  . 

Ens  de  mars  fubUmé  une  fois,  .  . 

—  fublimé  trois  fois  , 

Miel, ►  .  .  . 

Efpric  de  nitre  bézoardique ,  .  . 
Gomme  arabique  ........ 

Opium  , 

Eau  forte  double  , 

Noix  de  cocos, 

Efprit  de  nitre  de  M.'  Geofroy  , 

Bois  de  Gayac  ,   .  . 

Gomme  adragahte,  ....... 

Efprit  de  nitre  commun  ,  .  .  .  . 

Eau  forte  , 

Myrrhe , 

Charbon  de  terre , 

Agate  noire, , 


P  £  s 

Eau   régale  ,  .  .  / 

Rciîne  de  gayac  , 

Efprit  de  vitriol, 

Scammonée  , 

Bois  néphrétique , 

Bois  d'aloès  , 

Ebene  , 

Poix  , 

Efprit  de  foie  , • 

Efprit  de  fel  , .*  *  *  * 

Le  même  par  l'huile  de  vitriol ,  .  . 
Sédiment  du  fang  humain ,  .  .  .  . 

Efprit  d'urine  , 

Colle  de  poillouj 

Huiie  de  fa(îàfras  , 

Décodtion  de  gentiane, 

Décodion  de  biftorte , 

E^rit  de  tartre  , 

Racine  d'efquine , 

Encens , 

LefTivc  de  potaflè, 

Santal  blanc  ,  .  . 

Ambre, 

Sang  humain  , 

t)éco6tion  d'arum , 

Huile  de  canelle  ,.....•.. 

Huile  de  girofle , 

Vin  de  Canarie , 

Sérofîté  du  fang  humain  , 

Bois  de  Bréiii, '. 

Buis  , y 

Efprit  d'^ambre ,  .  .  .  ^ 

Eau  de  mer, 

Urine  , 

Vinaigre  diftillé , 

Vinaigre  ordinaire, 

Lait  de  vache  , 

Lait  de  chèvre  5 

Laudanum  Hquide  de  Sydenham ,  . 
Décodion  de    quinquina,  .  .  .  . 

Bière  , , 

Bois  verd  , 

Eau  de  rivière  , 

Eau  de  pluie  , 

Eau  de  puits  > 

Eau  diftillée, 

Eau  bouillante  ,  .  .  ' 

Camphre, 

Vin  d'Orléans, 

VindePoncac,  .......... 

Vin  de  Bourgogne,  ........ 

Cire  jaune  3 .  , 


1154- 
1 104- 

1203' 

IlOO' 
I200* 

II77' 
II77' 

I I  jo- 
li 45- 
lijo- 
II4J- 
1126- 

I  I2G* 

I I I  r« 

1094» 
loSy. 
1073- 
1073. 
1071- 
1071» 
io6o« 
1041* 
1040» 
1040» 
10^6' 
io3f. 
1034. 
1133. 
io30« 
1030» 
1030* 
1050. 
1030. 
IC50* 
1030. 

IOI7- 

I030. 

1030. 

ro24 

1024» 

1019. 

1004- 

1009- 

1000. 

0999. 

0993. 

0965. 

099^* 


0996. 
OÇ93. 
0992. 
0^95. 


P  E  S 
Huile  d'aneth , 

—  hyflbpe , 

—  fabine    ,  • 

— fuccin, 

—  cumin    , 

—  menthe, 

—  rue  , . 

Huile  demufcade, 

—  tanaifîe , .  .  .  . 

—  origan  ,    .  .  .  .  i 

—  carvi  ,    

—  fpicnard  , 

—  romarin , .  .  .  . 

—  hn  , , 

— *  olive  , 

—  genièvre  ou   cade  , 

—  bois  de  campcche  , 

—  cœur  de»  chêne  , 

Elixir  de  pp.  avec  le  fcl  volatil ,  .  . 
Huile  de  lin  , 

—  noix  , 

—  navette  , 

Teinture    de  quinquina, 

Teinture  de  gomme  animoniaque. 

Efprit-de-miel , 

Baume  de  tolu , ,,.... 

Huile  d'orange, 

—térébenthine, 

Branche  de  chêne, . 

Teinture  d'Antimoine  , 

Huile  de  navette  , 

Teinture  d'acier  de  N^ynlîcht,  .  .  . 

Bois  de  hêtre , 

Lentifque, 

Huile  de  cire  5 

Santal  citrin , 

E(prit-de-vin  redifié  , 

Efprit-de-vin  éthéré , 

Racine  de  gentiane  , 

Frêne  Cec, , 

Quinquina, 

Bois  de  Sainte-Lucie , 

îf, 

Erable  fec  , ,  .  . 

Prujiier  fec, 

Gî^re  , 

Orme  ,..•••......... 

Cyprès, .  .  . 

Gen.evrier  ,    ............ 

Sapin  ,  .. 

Laurier  , , 

Sâûàfras 


309 

C986. 
0983. 
0978. 
097  J. 
0975. 
C'975. 
0948. 
0946. 
0940. 
C940. 
0956. 
0934- 


095i. 
0915. 
0911. 

0951. 
C929. 

C939. 
0936. 

0934. 
0919. 
0900. 
0899. 
089J. 
0896. 
c888. 
0871. 
0870. 
0S66. 
o8;3. 

o8n. 

08  J4. 

0S49. 
0831. 
0809. 
0806. 

0732.. 

o8co. 
0S60. 
07S4. 

0773. 
0760, 

07iJ. 
0(363. 
c6i  3. 
060c. 
0591. 

05  ;o. 

C449. 
0482. 


5IO  PES 

Pin  , -  .  0450. 

Liège  , 0240. 

Air, 0001. 

On  a  mis  les  gravités  fpécifiques  des  bois 
fecs ,  &  non  pas  des  bois  verds  ;  car  le 
dodeur  Jurin  a  obfervé  que  la  fubftance 
des  bois  eft  rpécifiquement  plus  pefante 
que  l'eau  ,  puifqu'ils  vont  au  fond  après 
qu  on  a  fait  fortir  Teau  de  leurs  pores  ou 
de  leurs  vailTeaux  aériens ,  en  les  plaçant 
dans  l'eau  chaude  fous  un  récipient,  ou 
iî  on  n'a  pas  de  machine  pneumatique , 
en  les  laiflant  pendant  quelque  temps  dans 
l'eau  bouillante.  Il  a  auiïî  trouvé  quelques 
calculs  humains  aufïî  pefans  que  la  brique , 
ôc  même  que  la  plus  tendre  efpece  de 
grès.  V.  Tranfacl.  philofophigues  y   n°.  ^6g. 

Les  gravités  fpécifiques  du  {àng  humain, 
de  fes  réildences  fibreufes  ,  &  celle  du 
ferum  ,  ont  été  déterminées  par  le  même 
auztur.  Tranf.phil.n°.jffz. 

Les  pefanteurs  fpécifiques  des  liqueurs  ont 
toutes  été  déterminées  lorfqu'elles  avoient  le 
même  degré  de  chaleur ,  favoir  4  degrés  au 
deffiis  du  thermomètre  de  M.  de  Réaumur. 

Il  eft  bon  d'obferver  que  les  gravités  fpé- 
cifiques descorps  folides  &  descorpsfluides, 
font  différentes  en  été  &  en  hiver  j  cepen- 
dant ,  afin  qu'on  foit  plus  à  portée  de  juger 
par  coniparaifon  files  efpacesde  la  dilatation 
caufée  par  un  même  degré  de  feu,  font 
entre  eux  comme  les  dilatations  des  corps  di- 
latésjOu  en  raifonrédîproquede  leurs  denfî- 
rés ,  je  crois  qu^il  ne  feroit  point  hors  de  pro- 
pos de  mettre  ici  la  table  que  le  dodeur  Muf^ 
fchenbroeck  nous'a  donnée  des  pefanteurs 
fpécifiques  des  différentes  liqueurs  en  été  & 
en  hiver. 


Le  mercure ,  .  .  .  .  7-   i  ■ 
L'huile  de  vitriol,  o. 
L'efprit-de-vitriol  ,  o. 
L'efprit-de-nitre , 
JL'efprit-de-fel,  . 
L'eau  forte  i  .  . 
Le  vinaigre  ,  .  . 
Le  vinaigre  diflillé ,  o. 


-vin 


L'efprit-de- 
Le  lait  ,  .  .  .  . 
L'eau  de  rivière , 
L'eau  de  puits ,  . 
Veau  diftilléc,  . 


En  été 
onc.  gros ,  gr. 

66. 

33. 
24. 

49- 
^3. 

II. 

3i. 
2.0. 
ro. 
II. 
8. 


o. 
o. 
o. 
o. 
o. 


7. 
y. 

6. 

6. 
J. 

4. 
5. 
S- 

s- 
s- 


En  hiver. 
onc.  gr,  gr. 

0.7.  14. 

0.7.71. 

O.  5.  38. 
o.  6.  44. 
0.5.  ss- 
o.  6.  3j. 
o.  5.  21. 
o.  s- 
0.4. 
o.  y. 
0.5. 
.0.  y. 


15- 
4i. 
if. 
I 


14. 


O.  J.  II. 


PES 

roje^la-deffus  le  fameux  Boyie  ,  dans 
fon  traité  intitulé  Médicina  hydrojiatica  ; 
Muflchenbroeck  ;  les  élémens  de  phyfique 
de  M.  Cotes  ,  de  la  chyraie  de  Boerhaave. 
(  Le  chevalier  DE  Jau COURT.  ) 

PESANTEUR  au  fommet  des  monta-' 
gnes  y  (  Pkyf.  )  La  loi  de  l'atcradion  en 
rai  (on  inverfe  du  quarrédesdiflances ,  nous 
apprend  que  les  corps  doivent  pefer  moins 
à  melfure  qu'on  s'élève  au  deffus  du  niveau 
de  la  mer,  &  l'expérience  a  juflifié  la 
théorie.  M.  Bouguer  trouva  fousl'équareur 
que  la  longueur  du  pendule  à  fécondes, 
quiétoit  de  36  pouces  7  lignes  21  au  niveau 
de  la  mer ,  diminuoit  d'un  tiers  de  ligne 
à  Quito  ,  élevé  de  1466  toifès  au  demis 
du  niveau  de  la  mer  ,  &  de  o  lign.  52  ou 
plus  d'une  demi  -  ligne  fur  le  fommet  de 
Pichincha.  Au  mois  d'août  1737,  la  lon- 
gueur du  pendule  fimple  y  étoit  de  3^ 
pouces  6  lignes  69  ,  &  la  pefanteur  moindre 
de  8?tJ  il  eft  vrai  qu'elle  au roit  dû  diminuer 
des??,  fuivant  la  théorie  de  l'attradion  ; 
mais  la  difpofition  des  lieux  eft  caufe  de 
cette  différence ,  comme  nous  allons  l'ex- 
pliquer. 

On  a  prétendu  ,  en  1 77 1  ,  que  par  des 
expériences  faites  dans  les  Alpes ,  on  avoic 
trouvé  que  la  pefanteur  étoit  plus  grande 
au  fommet  des  Alpes  que  dans  le  fond 
des  vallées  ;  M.  le  Sage  ,  corrçfpondant 
de  l'académie  à  Genève  ,  a  découvert  que 
c'étoit  une  impofture,  quoique  ces  pré- 
tendues expériences  aient  été  imprimées 
plu fieurs"  fois  {voye'{^le  journal  de  phyfique 
de  M.  l'aBlté  Rosier  )  ;  mais  ]e  fis  voir  dans 
le  Journal  des  favans  (août  1772),  qu'en 
les  fuppofant  réelles  (&  je  les  croyois  telles 
alors  ) ,  il  ne  s'enfuivoit  rien  contre  la 
théorie  générale  de  l'attradion  :  M.  d'A- 
lembert  l'a  fait  voir  également  dans  fes 
opufcules  mathématiques. 

Sans  nous  jeter  à  cet  égard  dans  des 
raifonnemens  nouveaux ,  il  fufïît  de  voir 
les  propofitions  70  &  73  du  premier  livre 
de  Newton  :  il  y  démontre  que  tant  qu'il 
y  a  une  portion  du  globe  au  deffus  du  corps 
attiré ,  la  pefanteur  eft  moindre  qu'elle  ne 
feroit  à  la  dernière  furface.  Or  des  mon^- 
tagnes  d'une  très-grande  hauteur  &  d'une 
denfité  très-confidérable,  font  comme  une 
couche  extérieure  du  globe  terreftre  par 


P  E  s 

rapport   à   I*obrervateur  qui  eft  dans  les 
vallées  profondes. 

M.  Bouguer ,  dans  fon  traité  de  la  figure 
de  la  terre,  publié  en  1769,  avoir  aulTi 
réfolu  d'avance  la  difEculté  dont  il  s'agit. 
Cette  diminution ,  dit-il ,  que  fouffre  la 
pefanteur  à  mefure  que  nous  nous  élevons 
au  delTus  du  niveau  de  la  mer ,  eft  par- 
faitement conforme  à  ce  que  nous  lavons 
d'ailleurs  ;  nous  pouvons  comparer  à  la  pe- 
faateur  que  nous  examinons  ici-bas ,  celle 
qui  retient  la  lune  dans  fon  orbite  j  ou 
qui  l'oblige  à  décrire  continuellement  un 
cercle  autour  de  nous.  Ces  deux  forces 
font  exactement  en  raifon  inverfe  des  carrés 
des  diftances  au  centre  de  la  terre.  Nous 
pouvons  faire  le  même  examen  à  l'égard 
des  planètes  principales  qui  ont  pluiieurs 
fatellites ,  ou  à  l'égard  du  foleil ,  vers  le- 
quel pefent  toutes  les  planètes  principales , 
Ec  nous  trouverons  toujours  la  loi  du  carré. 
Mais  pourquoi  nos  expériences  nous  don- 
nent-elles donc  conftamment  un  rapport 
qui  n'y  eft  pas  tout  -  à  -  fait  conforme  ? 
Nous  nous  trouverons  peut-être  en  état 
de  réfoudre  cette  difficulté  ,  continue 
M.  Bouguer,  en  remarquant  que  la  Cor- 
delière fur  laquelle  nous  étions  placés  forme 
comme  une  efpece  de  fécond  fol,  &:  que 
ce  doit  être  à  certains  égards  la  même 
chofe  que  fi  la  furface  de  la  terre  étoic 
portée  à  une  plus  grande  hauteur ,  ou  à 
une  plus  grande  diftance  du  centre.  Dans 
ce  fécond  cas  ,  la  pefanteur  devient  un 
peu  plus  grande  ;  car  il  eft  naturel  de 
penfcr  qu'elle  dépend  de  la  grofîeur  des 
maflès  vers  Icfquelles  fe  fiit  la  tendance. 
Il  y  a  donc  deux  diverfes  attentions  à 
avoir  lorfqu'il  s'agit  des  expériences  fur  le 
pendule  \  ces  expériences  ont  été  faites  à 
une  grande  diftance  de  la  terre ,  par  con- 
féquent  la  pefanteur  a  dû  le  trouver  un 
peu  plus  petite  j  mais  ,  d'un  autre  coté , 
le  grouppe  de  montagnes  fur  lequel  eft 
placé  Quito  &.  fur  lequel  eft  élevé  Pichincha, 
&  tous  les  autres  fbmmets  auxquels  il 
fert  comme  de  plinthe  ,  doit  produire 
à-peu-près  le  même  effet  que  fi  la  terre 
en  cet  endroit  étoir  plus  grofte  ou  d'un 
plus  grand  rayon.  La  pefanteur  a  donc  dû 
augmenter.  Ainfi  il  dépendoit  d'une  efpece 
de  hafard ,  ou  ,  pour  parler  philofophi- 


P  E  S  511 

quement ,  il  dépendoit  de  circonftances 
que  nous  ne  connoiflons  pas  encore ,  que 
\z  pefanteur  à  Quito  fe  trouvât  égale  à  celle 
du  bord  de  la  mer ,  ou  qu'elle  fe  trouvât 
plus  petite  ou  plus  grande. 

M.  Bouguer  ayant  appliqué  le  calcul  à 
ces  principes ,  trouve  que  l'effet  de  la 
chaîne  de  montagnes  du  Pérou ,  ne  devoir 
être  que  la  moitié  de  celui  que  produiroic 
une  couche  fphérique.  Si  les  matières 
dont  eft  formée  la  Cordelière  étoient  plus 
compactes  que  celles  qui  compofent  le 
total-  de  la  terre  ,  &:  que  leur  denfité 
fût  à  celle  de  l'intérieur  comme  4  eft  à 
3  j  la  différence  devicndroit  nulle  ,  & 
la  pefanteur  à  Quito  feroit  égale  à  celle 
qu'on  éprouve  au  niveau  de  la  mer.  Si  la 
denfité  étoit  encore  plus  grande ,  Pexpref- 
fion  qui  marque  une  diminution  changeroit 
de  figne ,  &  indiqueroit  une  augmentation  : 
de  forte  que  le  pendule  fe  trouveroit  plus 
long  à  Quito  qu'au  bord  de  la  mer.  Mais 
il  s'en  faut  bien  que  les  chofes  foient 
réellement  dans  cet  état  :  la  différence 
obfervée  par  M.  de  la  Condamine  &  M. 
Bouguer  dans  la  longueur  du  pendule  ,  eft 
afîez  confidérable  pour  faire  voir  que  la 
denfité  des  matières  dont  eft  formée  la 
Cordelière  ,  eft  beaucoup  plus  petite  que 
celle  du  refte  de  notre  globe  :  ces  expé- 
riences ne  prouvent  rien  de  plus.  {M.  de 
LA  Lande.  ) 

Pesanteur  dans  chaque  planète , 
(  P/iyf  Aftron.  )  Elle  eft  mefurée  par 
la  vîtefte  des  corps  graves  à  la  furfice  de 
la  planète ,  ou  par  l'efpace  que  les  corps 
y  décrivent  en  une  féconde  de  temps. 
Connoifîànt  la  mafle  &  le  diamètre  d'une 
planète ,  il  eft  aifé  de  trouver  l'effet  de 
la  pefanteur  à  (à  furface ,  c'eft-à-dire ,  la 
force  accélératrice  des  graves  dans  la  pla- 
nète; car  cette  force  eft  en  raifon 


de  la 


ma 


ffe  & 


en  rai 


fon 


inverfe  du  carré  du 
rayon.  C'eft  ainfi  que  j'ai  calculé  la  table 
qui  contient  la  vîtefte  des  graves  dans 
chaque  planète  en  pies  &C  centièmes  de 
pies  j  ce  n'eft  autre  chofe  que  la  vîtefle 
des  corps  terrefrres  fous  l'équateur  ou  fous 
la  ligne,  favoir,  15  pies,  104  millièmes, 
multipliée  par  la  maflfè  de  chaque  planète, 
&  divifée  par  le  carré  du  rayon ,  en  pre- 
,  nant  pour  unité  la  maflc  &  le  rayon  de 


5IÎ  P  E  S 

la  terre.  Par  exemple,  la  maflc  de  Jupiter 
eft  28S  fois  plus  Cvonfidcrdble  que  ceiiede 
la  terre  ;  ainli  les  corps  graves  y  fèroienr 
attirés  de  288  fois  15  pié?,  fi  le  rayon  de 
Jupiter  n'étoit  environ  11  fois  plus  grand 
que  celui  de  la  terre  ,  &  le  carré  de  la  dif- 
rance  du  centre  à  la  furface  116  fois  plus 
grand  ,  ce  qui  rend  la  pefanteur  1 1 6  fois 
moindre.  Or  i88  diminués  iiéibis,ou 
iaiviiés  par  116,  donnent  un  peu  moins  de 
2  4  ;  ainiî  la  pefanteur  des  corps  fitués  à 
fa  furface  ,  eft  prefque  deux  fois  &  demie 
celle  des  nôtres  :  au  lieu  de  décrire  i  j  pies 
par  féconde,  ils  en  décrivent  37.  Suivant 
Newton  ,  la  pefanteur   n'étoit   guère  que 
double  dans   Jupiter,  mais  cela  vient  de 
ce  qu'il  faifoit  la  parallaxe  du  (oîeil    trop 
grande  ;  il  rendoit  le  diamètre  de  Jupiter 
feulement  feptuple  de  celui  de  la  terre  , 
tandis  que ,  fuivant  mes  calculs  ,  il  faut 
10  1  diamètres  terreftres  pour  faire  le  dia- 
mètre de    Jupiter  (  Voye-^^   ci-après  Pla- 
nète ).    Je    fais  abftraélion    de  la   force 
centrifuge    produite   par   la  rotation    de 
Jupiter  &  des  autres  planètes}  car  la  pe- 
fanteur effedive  fur  la  terre  ,  telle  qu'on 
Tobferve  ou  qu'on  la  détermine  par  la  lon- 
gueur du  pendule  à  fécondes ,   eft  de   15 
pies  05 1  j  mais  fans  la  force  centrifuge , 
les  graves  parcourroient  15  ,  1058  pies  par 
féconde.  La  table  ci-jointe  fait  voir  quelle 
eft  cette  vîteflè   à  la  furface    de    chaque 
planète  ,  en  pies  &  en  fractions  décimales 
de  pies ,  en  fuppofànt  que  le  mouvement 
de  rotation  &  la  force  centrifuge  n^  cau- 
fenf  aucune  diminution. 


Le  Soleil, 
La  Terre, 

43  3  piés  81 
15           10 

La  Lune , 

2           83 

Mercure, 

12           67 

Vénus, 

18           71 

Mars , 

7           39 

Jupiter , 
Saturne , 

39           55 
15           83 

{M.  DE  LA  Lande.) 

Pesanteur  ,  Poids  ,  Gravité  , 
(  Synon.  )  La  pefanteur  eft  dans  le  corps 
une  qualité  qu'on  fent  &  qu'on  diftingue 


P  E   S 

I  par  elle-même.  Le  poids  eft  la  mefure  ou 
I  le  degré  de  cette  qualité  ;  on  ne  le  con- 
j  noît  que  par  comparaifon.  La  gravité 
défigne  une  certaine  mefure  générale  &C 
indéfinie  de  pefanteur.  Ce  mot  fe  prend 
en  phyfique  pour  la  force  que  le  vulgaire 
appelle  jjefanîeur  y  ôc  en  vertu  de  laquelle 
les  corps  tendent  vers  la  terre.  Dans  le  fyf- 
tême  ne  wtonien ,  gravité  fe  dit  quelquefois 
de  la  force  par  laquelle  un  corps  quelcon- 
que tend  vers  un  autre. 

On  fe  fert  fréquemment  du  mot  dc^r^r- 
rite  au.  figuré,  lorfqu'il  s'agit  de  mœurs  & 
de  manières ,  &  ce  mot  fe  prend  en  bonne 
part.  Le  poids  fe  prend  auffi  au  figuré  en 
bonne  part  ;  il  s'applique  à  cette  iortc  de 
mérite  qui  naît  de  Thabileté  jointe  à  un 
extérieur  réfervé ,  Ôc  qui  procure  à  celui 
qui  le  poflède  du  crédit  &  de  l'autorité 
fur  l'efprit  des  autres;  mais  le  mot  pefan- 
teur au  figuré  fe  prend  en  mauvaife  part  j 
elle  eft  alors  une  qualité  oppofée  à  celle  qui 
provient  de  la  pénétration  ôc  de  la  vivacité 
de  l'efprit. 

Rien  n'eft  fi  propre  à  délivrer  l'efprit  de 
Capefanteur  naturelle ,  que  le  commerce  des 
femmes  &  de  la  cour  :  la  réputation  donne 
plus  de  poids  chez  le  commun  du  peuple  , 
que  le  .vrai  mérite  :  l'étude  du  cabinet  rend 
favant ,  ôc  la  réflexion  rend  fage  ;  mais 
l'une  &  l'autre  émouflent  quelquefois  la 
vivacité  de  l'efprit  ,  ôc  le  font  paroître 
pefant  dans  la  converfation ,  quoiqu'ilpenfc 
finement.   {D.  /,  ) 

Pesanteur,  (AfeVec.)  C'eft  un  état 
de  nonchalance ,  qui  vient  d'une  tranfpi- 
ration  diminuée ,  ou  qui  fe  fait  avec  peine  , 
ou  bien  de  ce  que  l'on  prend  du  froid, 
ainfi  que  l'on  s'exprime  communément. 
C'eft  pourquoi ,  comme  cet  état  eft  fore 
fouvent  accompagné  d'un  écoulement  du 
nez ,  des  yeux ,  on  prend  indifféremment 
les  mots  gravedoôc coryza  l'un  pour  l'autre. 
Voye[  Coryza  ,  Enchifrenement  6f 
Rhume. 

TESARO,  (Géogr.  mod.)  en  latin 
Pifaurum ,  ville  d'Italie  ,  capitale  d'une 
feigneurie  de  même  nom ,  ôc  la  plus  grande 
du  duché  d'Urbin.  Elle  eft  riante ,  fertile, 
produifant  des  olives,  des  figues  exquifes , 
&  toutes  les  commodieés  de  la  vie.  Son 
évêché  eft  fuifragant  d'Urbin.  Sa  pofition 

eft 


P-E  s 

«ftagréaMe  ,  fur  une  hauteur  ,  â  retnbou- 
chure  de  la  Foglia  ,  clans  la  mer  Adriati- 
que ,  au  delTous  de  plufieurs  coteaux  ,  à 
7  lieues  nord-eft  d'Urbin  ,  50  nord-eft 
de    Rome,    Longitude     30.     35.    latitude 

43-    5^'  .  . 

Cette  ville ,  que  l'on  croit  colonie  ro- 
maine ,  fut  détruite  par  Totila ,  &  rétablie 
quelque  temps  après  par  Bélifaire  ,  plus 
belle  qu'elle  n'étoit  auparavant.  On  peut 
lire  fur  les  antiquit  s  de  Pefaro  ,  l'ouvrage 
intitulé  Marmara  Pifaurenfia  ,  imprimé 
dans  cette  ville  en  1738  ,  in-folio , 

Jean  François  A  lâani  naquit  à  Pefaro, 
devint  cardinal ,  &  étant  âgé  de  5 1  ans , 
il  fuccéda  en  1700  à  Innocent  XI  :  il 
prit  alors  le  nom  de  Clément  XI ,  & 
fut  facré  évêque  après  fon  exaltation  ^ 
ce  qu'on  li'avoit  pas  vu  depuis  Clément 
VIII. 

Dans  la  guerre  entre  Louis  XIV  & 
l'empereur  ,  il  fe  détermina  fuivant  les 
événemens  de  la  fortune.  L'empereur  ,  dit 
le  poète  hiftorien  du  fiecle  de  Louis  XIV , 
força  Clément  XI  en  1708  ,  à  reconnoître 
l'archiduc  pour  roi  d'Efpagne.  Ce  pape  , 
dont  on  difoit  qu'il  reffembloit  à  Saint 
Pierre  ,  parce  qu'il  affirmoit ,  nioit  ,  fè 
repentoit  &  pleuroit ,  avoit  toujours  re- 
connu Philippe  V  ,  à  l'exemple  de  fon  pré- 
décelTeur  -,  &  il  étoit  attaché  à  la  maifon 
de  Bourbon.  L'empereur  l'en  punit  ,  en 
déclarant  dépendans  de  l'empire  beaucoup 
de  fiefs  qui  relevoient  jufqu'alors  des 
papes  ,  &  fur  tout  Parm.,e  &  Plaifance  , 
en  rarvageant  quelques  terres  eccléfiafti 
ques  ,  en  fe  faiiiiTant  de  la  ville  de  Com- 
macchio.  ' 


eut   excommunie 
auroit   difputé  le 


Autrefois ,    un   pape 
tout   empereur    qui   lui 
droit  le  plus  léger ,    &  cette  excommuui 
cation  eût  fait  tomber  l'empereur  du  trône. 
Mais  la  puilfance  des  clefs  étant  réduite  au 
point  où  elle  doit  l'être  ,    Clément  XI  , 
animé  par  la  France ,  avoit  ofé  un  moment 
le  fcrvir    de    la  puiiTance    du  glaive.    Il 
arma  ,    &  s'en  repentit  bientôt.  Il  vit  que 
les  Romains ,  fous  un  gouvernement  tout 
facerdotal ,  n'étoient  pas  faits  pour  manier 
l'épéc.  Il  déiàrma  ,  il  laiffa  Commacchio 
en  dépôt  à  l'empereur  ^  il  confentit  à  écrire 
TomeXXK, 


P    E   S  513 

à  Tarchiduc  ,  à  notre   très-clier  fils  ,  roi 
catholique  en  E/pagne. 

Une  flotte  angloiiè  dans  la  Méditer- 
ranée ,  &  les  troupes  allemandes  fur  lès 
terres  ,  le  forcèrent  bientôt  d'écrire  à  , 
notre  très- cher  fils ,  roi  des  F.fpagnes.  Ce 
fuffrage  du  pape  ,  qui  n'étoit  rien  dans  l'em- 
pire d'Allemagne  ,  pouvoit  quelque  chofè 
fur  le  peuple  efpagnol ,  à  qui  on  avoit  fait 
accroire  que  l'archiduc  étoit  indigne  de 
régner  ,  parce  qu'il  étoit  protégé  par  des 
hérétiques  qui  s'étoient  emparés  de  Gi- 
braltar, » 

Le  même  Clément  XI  avoit  admiré  le 
livre  du  P.  Quefnel  ,  prêtre  de  l'oratoire; 
mais  il  le  condamna  lans  peine  quand 
Louis  XIV  l'en  Ibllicita  ,  donna  la  bulle 
Vineam  Domini ,  &  la  conftitution  Uni" 
genitus.  Les  ccnfures  fuivirent  iks  éloges , 
&  l'Angleterre  n'avoit  point  armé  de  flotte 
dans  la  Méditerranée  pour  foutenir  les 
janféniftes. 

Au  refte  ,  ce  pape  aimoit  les  fàvans  , 
&  rétoit  lui-même  ,  quo^ue  la  France 
ne  regarde  point  fès  œuvres  comme  un 
tréfbr  de  grand  prix.  Il  mourut  le  19  mars 
1711  ,  à  72  ans,  &  eut  pour  fuccelTeur 
Innocent  XIII ,  le  huitième  pape  de  la 
famille  Conti. 

Pefaro  eft  aufîi  la  patrie  de  quelques  gens 
de  lettres  ,  &  entr'autrcs  de  Mainus 
(  Jafbn  )  ,  un  des  premiers  jurifconfultes 
de  fon  fiecle.  Après  avoir  perdu  dans  fk 
jcunefle  fon  bien  &.  fès  livres  au  jeu  ,  il  prit 
le  goût  de  l'étude ,  &  y  fit  de  fi  grands 
progrès,  qu'il  avoit  à  la  fois  jufqu'à  deux 
mille  difciples.  L'empereur  le  combla  de 
préfens  j  mais  on  peut  comparer  l'accueil 
que  Louis  XII  lui  fit  en  Italie  ,  aux  hon- 
neurs rendus  par  Pompée  au  philofophe 
Pofiidonius.  Il  étudioit  en  plein  jour  à  la 
chandelle  ,  parce  qu'il  lui  falloit  pour  pré- 
venir les  diftraftions  dans  (qs  travaux  litté- 
raires ,  dérober  à  fès  yeux  la  diverfité  des 
objets  que  le  grand  jour  préfente  3  &  ce 
n'eft  pas  le  feul  homme  de  lettres  qui , 
pour  compofèr  des  ouvrages ,  ait  été  obligé 
de  fè  concentrer  en  lui-même.  On  eftime 
fes  commentaires  fur  les  pandeéies  &fiir 
le  code  de  Jullinien.  Il  devint  aveugle 
d'affez  bonne  heure ,  &  imbécille  fur  la  fi» 

Ttt 


514  P  ES 

de  fa  vie  ,  qu'il  termina  en  l^ip?  âgé  de 
843115  (*). 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  nommer  Col- 
Icnuccio  (  Pandolfo  )  parmi  les  gens  de 
lettres  natifs  de  Pejaro.  ïl  eft  connu  par 
une  hiftoire  de  Naples  ,  une  apologie  de 
Pline  ,  un  traité  latin  fur  la  vipère  ,  & 
plus  encore  par  fa  mort  tragique  en  1507. 
Jean  Sïorce  ,  tyran  de  Pefaro  ,  ou  ,  félon 
d'autres ,  Célar  Borgia ,  duc  de  Vaîentiuois , 
le  fit  étrangler  en  prifbn.  Ange  Politien , 
Lilio  Giraldi ,  Pieriu5  Valerianus  &  autres 
écrivains  ont  confîcré  des  éloges  funèbres 
à  ià  raémoii^.  {  D.  J.) 

PESCARA  ,  (  Geog.  mod.  )  ville  d'Ita- 
lie ,  au  royaume  de  Naples ,  dans  l'Abruzze 
citérieure  j  elle  eft  à  l'embouchure  d'une 
rivière  de  même  nom  (  YAtemus  des  an- 
ciens )  qui  prend  fa  fource  dans  l'Apennin , 
6c  fe  jette  dans  la  mer  Adriatique  ,  à  fix 
milles  de  Chieti ,  8  au  levant  de  Citta  di 
Penna  ,  12,  S.  E.,  d'Atri  ,  112.  N.  E.  de 
Naples.  Longit.  31.  53.  htit..  42.  20. 
{D.J.) 

PESCE  -  D9NNA  ,  (  HiJÎ..  nat.  )  Ce 
mot  fignifie  poijfon-ftmme  ;  il  a  été  donné 
par  les  Portugais  à  un  poifîbn  d'eau  douce, 
qui  fc  trouve  dans  le  royaiune  -de  Congo 
en  Afrique.  On  dit  qu'il  a  la  tête  plate 
comme  une  grenouille  ^  fa  gueule  eft  armée 
de  deux  rangées  de  dents  blanches  &  dé- 
liées -j  ks  yeux  font  grands.  &:  fortans^  fes 
narines  font  larges  comme  celles  d'un 
dogue  ;  font  front  eft  grand  ,  &  fes  oreil- 
les évafées.  Il  a  des  poils  fort  longs  qui 
flottent  le  long  de  fon  dos,  qureft  large  j 
fon  cou  eft  épais  &  court.  Sur  fon  eftomac 
font  des  mamelles  fermes  &:  tendues  j  le 
refte  du  ventre  eft  velu  :  le  fexe  eft  facile 
à  diftinguer.  Cet  animal  lingulier  a  des 
cfpeces  de  bras  longs  &  nerveux ,  au  bout 
defquels  font  cinq  doigts  ,  qui  ont  chacun 
trois  articulations  ^  chaque  doigt  eft  uni 
aux  autres  par  une  membrane  femblable  à 
celle  des  pattes  d'un  canard  j  le  ventre  fe  j 
termine  en  queue  de  poiflbn  ^  cette. partie  1 


P  ES 

eft  couverte  d'écailles  &:  eft  fourchue  5  par- 
deifus  le  tout  eft  une  peau  qui  couvre  l'ani- 
mal comme  d'un  manteau ,  &  qui  va  de- 
puis le  cou  jusqu'aux  deux  tiers  de  la  lon- 
gueur du  corps ,  c'eft  où  il  loge  fes  pe- 
tits. Ce  font  peut-être  des  poiftbns  de  cette 
efpece ,  qui  ont  donné  naifîhnce  aux  fables 
des  naïades  ,  des  firenes  ,  &c. 

Ce  poiftbn  fe  trouve  dnns  les  rivières  & 
les  lacs  du  royaume  de  Congo  ^  il  fe  retire- 
parmi  les  rofeaux ,  le  mâle  ne  quitte  guère- 
là  femelle  ^  on  les  tue  malgré  Leurs  cris- 
lamentables  ,  &  leur  chair  eft  un  manger 
délicat  pour  les  Africains  ,.  quoique  les  Eu- 
ropéens n'en  portent  point  le  mê.me  juge- 
ment. Les  Nègres  attribuent  beaucoup  de: 
vertus  fabuleufes  à  leurs  cotes  &  à  deux  os 
qui  fé  trouvent    au  deifus   de  leurs  oreilles^ 

PESCESE ,  f:  m.  (  WJi^eccl..  des.  Grecs,  >, 
C'eft  un  tribut  que  l'on  paie  au  fultaiv 
pour  parvenir  au  patriarchat  de-Conftan- 
tinople.  Quelques  feigneurs  de  Trébifonde 
s'étant  mis  eu  tête  de  faire  patriarche  ua 
certain  Siméon  Hiéromoine^  corrompirent 
plufieurs  eccléfîaftiques  ,  pour  accufer  Ki-- 
Ibcarabe  d'avoir  été  l'inventeur  du  pejcefe  ^ 
de  forte  qu'il  fallut  le  dépofer.  Le  prix  du. 
pefcefs  n'eft  pas  fixé  à  une  fomme  déter-- 
minée  ,  parce  que  l'ambition  l'a  fait  quel- 
quefois porter  à  un  prix  fî  exceffif ,,  quei 
plufieurs  patriarches  n'ont  pu  acquitter  ce, 
qu'ils  avoient  promis.  Cependant  M.  le. 
Clerc  dit  qu'il  fe  monte  à  préfent  à  mille, 
ducats.  Le  patriarche  Neé^aire  fut  exilé  ^ 
faute  d'avoir  été  en  état  de  payer  le  jp^ycf/^,. 
{D.J,) 

PESCHERIE  (  LA  CÔTE  DE  LA  )  ^ 
(  Ge'ogr,  mod,  )  On  donne  ce  nom  à  la 
partie  méridionale  de  la  péninfule  de  l'Inde.. 
Elle  s'étend  depuis  le  cap  de  Commorin  , 
jufqu'à  la  pointe  dç  Ramanançor,  l'efpace 
de  40  lieues  ^  elle  a  le  nom  de  pefcherie  , 
à  caufe  de  la  pêche  des  perles  qu'on  y  fait 
tous  les  ans  au  mois  d'avril ,  8c  à  laquelle- 
on  empjoie  un  grand  nombre  de  pêcheurs  j 
ce  font  les  habitans  de  Tatucurin  ,  ville 


(  *  )  Cette  ville  eft  la  patrie  de  Jacques  Manifetti  ,  qui ,  à  l'âge  de  1 3  ans  ,  pofTédoit  toute  la  phi- 
lofophie  d'Ariftote,  &  compofa  à  X  5  ans  un  volume  de  près  de  1000  thefes  théologiques  qu'il  s'en- 
gagea à  foutenir  publiquement. 

On  voit  dans  le  cabinet  du  favant  M.  Olivieri  àFefaro^  entr'âutres  curiofités,  un  morceau  de 
pourpre  romaine  qui  a  plus  de  xcoo  ans,  &  qui  «ft  encore  d*un  beau  rouge  écarlâîe.  Voyez  Voyn^» 
,4e M.  Herkeas ,  Hol.  J77X.  (C) 


P  E  s 

capitale  ou  plutôt  la  feule  de  cette  côte, 
qui  s'y  deftinent  principalement. 

Les  Hollandois  y  affiftent  en  qualité  de 
proteâeurs ,  mais  ils  en  font  véritablement 
les  maîtres  ,  car  ils  fe  font  donner  pour 
chaque  bateau  un  droit  confidérable,  & 
il  y  a  quelquefois  trois  ou  quatre  cents  ba- 
teaux pour  cette  •pêche.  Les  commiffaires 
hollandais  viennent  de  Colombo  ,  capitale 
de  l'île  de  Ceylan ,  pour  la  diriger  ^  ils  y 
font  en  même  temps  de  groifes  acquifîtions 
de  toiles  ,  contre  lefquelles  ils  donnent  en 
échange  de  leurs  épiceries  des  Moluques. 
Ils  achètent  aufîî  pour  rien  les  coquillages 
qu'on  nomme  xauxur  ,  qu'ils  envoient  en- 
fuite  dans  le  royaume  de  Bengale  ,  où  ils 
fervent  de  monnoie  ,  &  où  conféquem- 
ment  ils  \qs  vendent  fort  cher  ^  e«fin,  ils  fè 
réfervent  toujours  le  droit  d'acquérir  \qs  plus 
belles  perles  \  &  comme  ils  ont  des  effets 
recherchés  par  tous  les  habitans  du  lieu, 
ils  font  fur  ces  ibrtes  de  pierreries  un  gain 
immen/è. 

.  Toutes  \qs  perles  qu'on  retire  le  premier 
jour ,  font  pour  le  roi  de  Maduré  ,  ou 
pour  le  prince  de  Marava  ,  à  qui  le  pays 
appartient. 

Cette  côte ,  dans  le  temps  de  la  pêche , 
eft  expofée  à  des  maladies  contagieufes , 
qui  viennent  principalement  de  ce  que  \ç.s 
habitans  fè  nourriflènt  alors  de  la  chair 
des  huîtres ,  qui  eft  malfaisante  &  géné- 
ralement corrompue  ^  on  ne  voit  par-tout 
que  de  raéchans  villages  dépeuplés.  Du 
temps  àQs  Portugais ,  cette  contrée  étoit 
floriffante,  parce  qu'ils  avoient  permis  aux 
Pararas  (  c'eft  le  nom  à.Q%  peuples  de  la 
côte  de  la  pefcherie  )  de  trafiquer  avec  leurs 
voi/ins  j  mais  depuis  que  ce  fècours  leur 
manque,  ils  font  réduits  à  une  extrême 
pauvreté.  (  Z).  7.  ) 

PESCHIERA,  (G^i^r.  OTo^.)  ouP^f 
cicra ,  petite  ville  d'Italie ,  dans  le  Véro- 
nois ,  avec  une  fortereffe.  Les  Vénitiens  la 
prirent  aux  ducs  de  Mantoue  en  1441. 
Elle  eft  fur  le  lac  de  la  Garda ,  à  l'endroit 
où  le  Menzo  en  fort ,  à  5  lieues  O.  de 
Véronne.  Longkud.  28.  12.  latit.  45.    23. 

(  i5.   /.  )• 

P  E  S  C  I A  ,  (  Géogr.  mod.  )  Fanum 
Martis ,  petite  ville  d'Italie  dans  la  Tof- 
cane ,  au  Florentin ,  fur  la  petite  rivière 


PE    S  515 

de  même  nom  ,  entre  Lucques  au  S.  O.  & 
Piftoye  au  N.  E.  Long.  28.  15.  latit,  43, 
52.    {D.  J.) 

PESÉE  ,  f.  f .  C  Çomm.  )  ce  qui  fe  pefê 
en  une  feule  fois.  Chaque  pefée  de  mar- 
chandifès  doit  avoir  fon  trait ,  c'eft-à- 
dire ,  être  trébuchante  &  emporter  le 
poids  qui  eft  dans  l'autre  baffin  de  la 
balance. 

Pesée  eiî  Perfe  ,  où  les  facs  d'argent 
lè  pefènt  &  ne  fè  comptent  pas.  On  fait 
cinquante  pefées  de  chaque  fac  d'abaflîs, 
qui  doit  être  compofé  de  deux  mille  pièces 
de  cette  monnoie  ,  en  forte  que  chaque 
pefée  n'eft  que  d'un  toman  ,  ou  cinquante 
abafîis  j  mais  lorfqu'on  foupçonne  qu'il  y 
a  dans  les  facs  des  pièces  ou  faufles ,  ou 
légères ,  les  pefées  ne  font  que  de  vingt- 
cinq  aba/îîs  qu'on  pefe  non  contre  un  poids , 
mais  contre  vingt-cinq  autres  abaiîîs  de 
poids  ,  ce  qui  découvre  le  faux  ou  la  légè- 
reté des  autres.  Vqye^  Abassis.  Di3.  de 
commerce, 

PESE  -  LIQUEUR  ,  f.  m.  {Phiftq,) 
inftrument  de  phyfîque  :  on  l'appelle  aufli 
aréomètre  ,  hygrobarofcope  ,  barillon  ,  hy- 
drometre ,  ou  hygromètre.  Le  mot  hygro' 
mètre  s'applique  plus  fbuvent  à  l'inftrument 
qui  fert  à  mefiirer  l'humidité.  Voyez  le 
journal  de  phyfique  de  M.  l'abbé  Rozier  , 
1774.  Quant  au  mot  aréomètre ,  qui  eft 
fort  ufîté  ,  il  vient  du  m.ot  grec  âs^Aihi 
rarus ,  tenuis  ,  parce  que  cet  inftrument 
fert   à   mefurer  la  denfité  des  fluides. 

On  lit  dans  Synéfius  que  l'aréomètre  fut 
inventé  vers  la  fin  du  IV  fiecle,  par  Hy- 
pathia  ,  fille  de  l'aftronome  Théon  ,  Se 
qui  étoit  célèbre  elle-même  par  fes  con« 
noiflànces ,  qui  lui  coûtèrent  la  vie.  Chez 
les  Romains,  CQwyi  qui  mefuroient  les 
poids  des  eaux  étoient  appelles  barylifes 
ou  baryniles.  Voyez  Mufchenbroeck,  cours 
de  phyfique ,  tome  II  ^  p.  231,  édition 
de  M.  Sigaud  de  la  Fond  ,    1759. 

I.  Le  pefe  liqueur  fert  à.  connoître  -les 
pcfànteurs  Spécifiques  des  fluides  j  il  y  en 
a  de  plufieurs  forres  :  \q%  \A\is,  eu  ufàgé  Ibnt 
ceux  qu'on  plonge  dans  les  liqueurs  dont 
on  veut  connoître  les  pefânteurs  fpécifi- 
ques  ;  alors  ils  doivent  avoir  la  forme  la 
plus  convenable  pour  divifer  facilement  le 
fluide ,  8c  iè  maintenir  dans  une  fituatioa 

T  t  t    2 


5i<î  P  E  S 

verticale.  Celui  de  Fahrenheit  a  ces  pro- 
priétés. Voyez  les  tranfaâions  philojoph. 
de  1724,  11°  384,  art.  5  j  ou  Acla  erudi- 
torum  5    Lipf.   1730  ,  /^a^.  405. 

Il  eft  compofé  d'un  long  tube  cylindri- 
que C'D  (planche  II  de  Fhyf.  fig.  S)-> 
d'un  godet  D  fait  pour  recevoir  difTérens 
poids  5  &  de  deux  boules  creufes  A^B'^ 
la  plus  baffe  5,  qui  efc  la  plus  petite, 
contient  du  mercure  ,  ou  quelque  autre 
matière  pefànte  qui  fert  de  lelt  à  l'inP 
trument^  l'autre  boule  A^  toujours  fub- 
jîiergée  élevé  le  centre  de  volume  de  la 
partie  de  Taréometre  qui  eft  plongée  dans 
le  ûmciQ  ^  ce  qui  augmente  fà  fiabilité. 
Pour  connoître  les  peianteurs  Ipécifiqnes 
des  fluides  par  le  moyen  de  cet  iniîru- 
ment ,  on  le  fait  enfoncer  à  '  même  pro- 
fondeur dans  les  fluides  qu'on  veut  com- 
parer ,  en  le  chargeant  de  diiïérens  poids 
qu'on  met  dans  le  godet  D.  ^uppofons, 
par  exemple,  que  l'aréomètre  s'enfonce 
jufqu'au  même  point  M  dans  deux  fluides 
différens  ;  foient  P  -\-  q  &  P  -|-  <j?'  les 
poids  abfolus  qu'il  doit  avoir  pour  cela 
(  P  défxgne  le  poids  de  l'aréomètre  )  , 
^   &  tt'  les  pefanteurs  ipécifîques  à^s  deux 

fluides  ,  on  aura  ~  =  - -, 

2.  On  emploie  quelquefois  cet  inftru- 
ment  d'une  manière  différente:  elle  con- 
cilie à  l'abandonner  k,  lui-même  dans  les 
fluides  qu'on  veut  comparer  ,  fans  le 
charger  de  poids  étrangers  ^  alors  il  s'en- 
foncera à  différentes  profondeurs  :  foient 
KAB  Se  MAB  les  volumes  occupés, 
nommons   ces  volumes   H  ^   G ,  on  aura 

—  =  —  ;  fi  l'aréomètre  étoit  d'une  figure 

régulière ,  on  pourroit  reconnoître  les 
volumes  H  &c  G  par  la  géométrie  j  mais  il 
l'eft  rarement  ;  ainfi  il  fera  plus  fimple 
d'employer  la  méthode  fiiivunte.  È!le  con- 
fite à  le  divifer  aux  points  K,  M ,  V y  &c. 
de  manière  que  les  volumes  correipondans 
forment  une  progrefiion  arithmétique ,  dont 
la  différence  foit  un  très  -  petit  volum^e 
donné  F ,  &  le  premier  terme  le  volume  H 
occupé  par  l'aréomètre  dans  le  plus  pefant 
des  fluides  qu'on  fe-  propofe  de  comparer , 
dan§.  l'eau ,  par  exemple.  Pour  faire  ces 


P  E  S 

divîfions  par  le  moyen  de  ce  lèul  fluide  9 
il  fufiit  de  trouver  le  poids  f  ,  dont  il 
faut  charger  l'aréomètre  pour  que  le  vo- 
lume enfoncé  foit  H  ~\-  n  F  :  or ,  en 
fuppofant  qu'un  pié  cube  d'eau  pefe  70  liv.  y 
&  nommant  R  le  volume  de-  ce  pié  cube  , 

on  a  ^  =  -^  70    livres  j    chargeant  donc 

Taréometre  de  ce  poids ,  le  point  M  où 
il  coupera  la  fiirface  de  l'eau  ,  fera  un  des. 
points  de  divifion.  Il  convient  de  fûire  cet 
aréomètre  de  verre  ,  s'il  doit  être  plongé 
fbuvent  dans  des  liqueurs  corrofives. 

3.  Si  les  fluides  à  comparer  étoient  fî 
difiërens  ,  qu'un  aréomètre  àonné  ne  put 
fervir ,  parce  qu'il  s'enfonceroit  trop  dans 
un  fluide  &  trop  peu  dans  l'autre  ,  alors  on 
pourroit  orendre  laiéometre  X,  fig.  6  y 
compofé  a*uue  tige  A  B,  d'une  boule  X 
oc  d'un  fil  de  métal  C  D ,  terminé  par 
une  vis  D ,  faite  pour  recevoir  différens 
poids  E  j  foient  donc  E  ,  £'  les  poids 
qui  font  enfoncer  l'aréomètre  dans  les 
fluides  ,  dont  les  peianteurs  fpccifiques 
TT  ,  -tt'  doivent  être  comparées ,  iC  &  /C 
les  volumes  plongés  ,  P  le  poids  de  l'aréo- 


mètre ,    ou    aura      ^  =  — 


k'  p  -]-  E^ 


K    P-^E 


Cet 


aréomètre  eft  dû  à  M..Clarke. 

4.  Ces  aréomètres  ne  feront  connoître 
les  peianteurs  fpécifiques  qu'à-peu-près  j 
tant  à  caufe  du  frottement,  que  parce  que 
tous  les  fluides  ont  une  adhérence  ou  une 
ténacité  par  laquelle  leurs  parties  réfiftent 
à  la  féparati'on  mutuelle  ;  ainfi ,  fi  l'arép- 
metre  entre  dans  le  fluide  verticalement 
avec  une  vîteffe  finie ,  il  ne  fè  mettra 
en  équilibre  qu'après  pluficurs  ofcillations 
verticales  ,  &  indiquera  une  pefanteur 
Spécifique  trop  grande  ,  fi  la  dernière 
ofcillaîion  eft  afcendante  &  trop  petite  j. 
le  contraire  ,    fi  elle  eft  defcendante. 

5.  Dans  le  cas  où  l'on  vondroit  une 
plus  grande  précifion  ,  ou  peut  iè  fèrvir 
de  la  balance  Y ,  fig..  7  ,  qui  porte 
au  lieu  de  baflins^  deux  vafes  cylindri-  , 
ques  A  bc  B  égaux  en  tout  ^  on  verfera 
dans  le  cylindre  A  jufqu'à  la  hauteur  ar- 
bitraire C  jD  ,  du  fluide  dont  la  pefan- 
teur fpécifiqiie  eft  t  ,  &:  l'on  verfera  dans 
le  cylindre  -Bj  du  fluide   doat  la  pefka» 


P  E  s 

teur  fpécifique  eft  m  ,  jufqu'à  ce  qiie  A 
&  B  Ibient  en  équilibre  ^  foit  T  le  point 
où    parvient  le   dernier  fluide  ,    on  aura 

'TT  T  R 

6.  Cette  dernière  méthode  fournit  un 
moyen  deilimer  la  fomine  de  la  ténacité 
&  du  frottement  dans  un  fluide  ,  confidé- 
rée  comme  force  réfiilante  :  ayant  déter- 
miné rigoureufement  la  pefanteur  fpécifi- 
que  d'uti  fluide  ,  on  trouvera  par  le  calcul , 
de  quelle  quantité  l'aréomètre  devroit  s'en- 
foncer dans  ce  fluide  ^  cherchant  enfuite 
par  expérience  la  quantité  qui  s'y  enfonce 
réellement  ,  le  poids  de  la  diflférence  fera 
la  force  cherchée. 

7.  Si  une  liqueur  eft  compofée  de  deux 
autres  dont  les  pefanteurs  Spécifiques  p , 
«T  ,  foient  données,  on  pourra  trouver  les 
parties  du  mélange  par  l'aréomètre  ^  car 
on  pourra  déterminer,  par  les  méthodes 
précédentes  ,   la  pefanteur  fpécifîque'-a'  du 

^1 

mélange  j  cela  pofé ,  la  fraftion  g 

p  'TT 

exprimera  la  portion  du   premier  fluide  ? 
qui  entre  dans  un  volume  g  du  mélange  , 

p  — ~  TT 

&  la  fradion  g la  portion  du  fécond , 

P  —  -^  ^ 
pourvu  toutefois  que  l'opération  &  le  mé- 
lange foient  faits  à  même  température. 

8.   Si  cela  n'eft  pas  ,    il  faut  connoître 
la  courbe  t  f  ,    figure  4 ,  telle   que   les 
abfciffes  A  P  repréfentaut  la  température 
de  l'air  en  un  temps  donné  ,  les  ordonnées 
fP  repréfcntent  les  pefanteurs  fpécifiques 
correfpondantes  du  premier  fluide ,  &  une 
courbe  pareille  Ô  <p  pour  le  fécond  ^  cela 
pofe  ,   fi  la  vérification  eft  faite  à  la  tempé- 
rature d'air  A  P  ^  W  faut  dans  les  fractions 
précédentes  ,     mettre  au    lieu  de  p  bi.  tt 
les  ordonnées  f  P  6l  P  u   Ces  courbes 
peuvent  fe  déterminer  par  indudi:ion  pour 
chaque  fluide  d'une  manière  très- approchée. 
Pour  cela  ,  on  obfèrvera  plufieurs  pefan- 
teurs fpécifiques  f  P  de  ce  fluide  corref- 
pondantes  à  autant  de  températures  A  P 
qui  feront  toujours  données  par  le  thermo- 
mètre de    M.    de    Réaumur  ç,  enfuite  on 
interpolera  ces  obfervations ,   ou  ,  ce  qui 
revieut  au  même  ,  ou  fera  paif^f  par  tous 


P  E  S  517 

les  points  obfèrvés  f  une  courbe,  du  genre 
parabolique  dont  l'équateur  foit  en  gêné' 
rai  r  f  =  a  -i-  i>.  A  P  +  c.  A  P^-^d. 
A  P3  -j- ,  &c.  On  prendra  autant  de 
termes  ^ ,  b.  A  P  ^  &c.  qu'on  aura  fait 
d'obfervations  ,  pour  déterminer  les  co- 
efficiens  û  ,  ^ ,  c ,  &c.  Cette  courbe  ap- 
prochera d'autant  plus  de  la  courbe,  des 
pefanteurs  fpécifiques  ,  que  les  obferva- 
tions auront  été  faites  plus  près  les  unes 
des    autres. 

9.  Ceci  fuppofe  que  les  liqueurs  varient 
en  pefanteur  fpécifique ,  mêlées  ,  comme 
il  elles  étoient  ifolées  ^  ce  qui  eft  à-peu- 
près  vrai.  Cependant  s'il  en  eft  autre- 
ment ,  alors  la  pefanteur  fpécifique  de 
chaque  fluide  doit  être  donnée  en  fonc- 
tion du  rapport  des  parties  du  jnélange 
de  la  pefanteur  fpécifique  de  ces  fluides 
&  de  la  température  j  qu'on  exprime  cette 

fonâ:ion  par  ^   f  ^^^  ,  /> ,  m  ,  j  pour   le 

premier  fluide  &  par  a  ^  "    ^   5  -^r  j  m  ,  ) 

pour  le  fécond  {x  défigne  le  volume  du 
premier  fluide  dans  le  miélange  &  ttz  la 
température    )    on    aura    l'équation    x   0 

{"'r^rr  yP^^  ,)M  g  —^)  ^  C^^  'T  ,  m,  ) 

=  g-r' ,  d'où  l'on  tirera  x  ,  fi  la  nat.re  des 
fonèHons  le  permet  j  fînon  il  ^faut  conf- 
truire  la  courbe  T  M^  figure  9,  telle 
que  les  abfciffes  A  P  étant  x  ,  les  ordon- 
nées M  P  foient  le  premier  membre  de 
cette  équation  ,  en  fiippléant  convenable- 
ment les  homogènes  ,  par  l'origine  A  des 
co  -  ordonnées  mener  la  perpendiculaire 
B  Az=g7r'  ^  par  le  point  B  la  parallèle 
B  f^  à  l'axe  qui  coupe  la  courbe  en  V  ; 
cette  ligne  B  V  fera  la  valeur  de  x  cher- 
chée. 

10.  Dans  les  deux  articles  précédens , 
j'ai  fùppofé  que  le  volume  d'un  mélange 
de  deux  liqueurs  étoit  égal  à  la  fomme 
des  volumes  des  liqueurs  mêlées  ;,  cette  loi 
fbuffre  exception  pour  quelques  fluides  , 
comme  M.  de  Réaumur  l'a  remarqué  :  il  a 
mêlé  cinquante  mefiires  de  bon  efprit-de-vin 
avec  cinquante  mefures  d'eau  ,  &  il  n'a 
trouvé  le  mélange  que  de  quatre  vingt- 
dix-huit  meiiires  pareilles  \  cette  diftérence 
vient  d'une  t^iiéixation  mutuelle  des  deux 


0 


Îi8  P   E  S 

liqueurs. .  Dans  ce  cas  ,  la  diminution  du 
volume  éoit  être  une  fonôion  de  ce  vo- 
lume ,  du  rapport  des  parties  mêlées  ,  &  de 
]a   température.    Soit  u  ce   volume  &  r 

(  ^j-3—  y  u  ,m  ,   j    la    fonâion  ,   ou  aura 

liy    —  T  {-—',  u,   m,  )    =  g  ,    &!: 

l'équation  de  l'article  9  j  en  mettant ,  au 

lieu  de  g-  —  r  ,  g^  +  r  [■—  y  u  ,  m  ,) 

—  T,  d'où  on  tirera  x  &  z/,  fi  la  nature 
des  fondions  le  permet  ,  fînon  on  conf- 
truira  deux  iùrfaces  courbes ,  dont  les  équa- 
tions foient  V  ■=u  —  r  (*-^ —  ,  u  . 

&  /  =  le  premier  membre  de  l'équation 
de  l'article  9  ,  après  y  avoir  fait  les  chan- 
gemens  convenables  ^  x  &  ^/  font  deux 
co-ordonnces  perpendiculaires  entr 'elles  , 
communes  aux  deux  courbes  ,  &  v ,  v' 
deux  autres  co-ordonnées  perpendiculaires 
au  plan  des  premières,  v  pour  la  première 
furface  &  v'  pour  la  féconde  ;  cela  fait , 
par  des  points  quelconques  du  plan  de  x 
&  u  ,  l'on  élèvera  perpendiculairement  à 
ce  pian  des  lignes  g  &  g-  V  j  on  mènera 
par  leurs  extrémités  des  plans  parallèles  au 
plan  des,  t  &  z/  ;  le  premier  coupera  la 
première  furface  ,  &  le  fécond  la  féconde  , 
fuivant  deux  lignes  dont  les  projetions 
orthographiques  fur  le  plan  des  x  &c  u  fe 
couperont  au  moins  en  un  point  j  on  mè- 
nera par  ce  point  dinterfèâion  une  per- 
pendiculaire fur  la  ligne  de  x.  Cette  per- 
pendiculaire &  la  valeur  des  x  correi^on- 
dante  ,  feront  les  valeurs  cherchées  de  u 
&C  X. 

11.  II  faut  remarquer  que  les  u  &  les  r 
qui  viennent  d'être  déterminées  par  cette 
folution  ,  repréfentent  les  volumes  qu'au- 
roient  ces  liqueurs  mêlées  fous  la  tempé- 
rature m  qui  entre  dans  le  calcul  ^  ainfî ,  fî 
on  veut  avoir  les  quantités  telles  qu'elles 
étoient  quand  elles  ont  été  mêlées  fous 
une  autre  température  ,  il  faut  les  corriger 
par  le  moyen  des  courbes  //&  â<?) ,  fig.  8. 
On  doit  faire  une  remarque  fèmblable  pour 
les  articles  8  &  9.  Cette  correâiion  devient 
inutile  quand  les  liqueurs  font  également 
dilatables. 

12.  Je  me  fiiis  propcfé  ,  en  expliquant 


P  È  S 

ces  inéthodes  ,  de  donner  une  idée  de  la 
manière  dont  ce  fujet  peut  être  traité  géo- 
métriquement j  mais  il  faut  avouer  qu'el- 
les ne  font  pas  toujours  applicables  ,  foit 
parce  qu'on  n'a  pas  encore  déterminé  gé- 
néralement les  fonéiions  que  j'introduis  dans 
le  calcul  ,  foit  parce  que  les  conftruâions 
à  faire  ,  quand  ces  fondions  font  inexpli- 
cables ,  font  très-pénibles.  Ainfi ,  comme 
cette  queflion  de  connoître  les  parties  de 
l'alliage  de  deux  liqueurs ,  eft  très-impor- 
tante dans  le  commerce  ,  fur-tout  pour 
connoître  le  degré  de  force  des  eaux-de- 
vie  ,  je  vais  expofèr  brièvement  les  moyens 
propofes  par  d'habiles  phyfîciens  pour  rem- 
plir cet  objet. 

13.  M.  Baume  publia  dans  VAvont- 
Coureur  de  1768  ,  un  aréomètre  pour 
connaître  la  force  des  eaux-de-vie  ,  dont 
voici  la  defcripiion.  On  prend  un  peft^ 
ligueur  de  verre  de  forme  ordinaire  j  on 
lé  lefte  en  mercure  pour  le  faire  plonger 
dans  l'eau  falée  jufqu'à  la  naifîance  de  fà 
boule  ;  on  marque  ce  terme  zéro  :  l'eau 
falée  doit  être  compofee  de  dix  parties 
de  fel  marin  très-pur  &  de  quatre-vingt-dix 
parties  d'eau  ^  enfuite  on  plonge  le  fefe- 
liqueur  dans  l'eau  diflillée  j  on  marque  10 
à  la  fcâion  de  cette  eau  \  on  divife  l'ef^ 
pace  compris  entre  les  deux  termes  en  di\yi 
parties  égales  \  enfuite  on  prend  au  deffus 
de  10  un  efpace  terminé  par  le  nombre  20, 
égal  à  la  diflance  de  o  à  10  ,  qu'on  divifè 
de  nouveau  en  dix  parties  égales  marquées 
par  les  nombres  11  ,  12  ,  13  ,  à-c.  Oa 
peut  procéder  ainfi  de  fjite  jufqu'à  50.  Ce 
nombre  efl  fuffifant ,  parce  qu'on  ne  peut 
pas  avoir  d'efprit-de-vin  alfez  rcé^ifié  pour 
palî'er  ce  terme.  Pour  faire  ufage  de  cet 
aréomètre  ,  il  faut  avoir  recours  à  >uie 
table  faite  par  M.  Baume ,  qu'on  trouve 
dans  ies  Elémens  de  Pharmacie,  Il  a 
compofe  quinze  efpeces  d'eau  de  vie  dif- 
férentes ,  en  fubflituant  fuccefTivement 
dans  deux  livres  d'efprit-de-vin  ,  au  lieu 
de  2 ,  4  ,  6,  (S'c.  onces  d'efprit-de-vin  , 
un  même  nombre  d'onces  d'eau  :  enfiiite 
il  a  remarqué  à  quel  degré  s'cnfonçoit  fbii 
pefc- liqueur  dans  ces  différens  mélanges 
pour  dix  degrés  différens  de  température  ; 
fàvoir  ,  depuis  quinze  degrés  au  defTous 
de  la  glace,  jufqu'à  trente  au  deiTus  de  ce 


P  E  s 

terme,  de  cinq  eu  cinq  degrés.  C'eft  d'après 
ces.  expériences  que  M.  Baume  a  confinât 
la  table.  Dans  une  jTremiere  colonne  ,  vers 
la  gauche  ,  font  écrites  les  différentes  efpe- 
ces  d'eau- de-vie  ^  dix  autres  expriment  les 
degrés  que  ces  mélanges  donnent  au  pefe- 
liqueur  pour  les  difïérens  degrés  de  tempé- 
rature. Il  réfulte  des  expériences  de  M. 
Baume  ,  que  plus  refprit-de  vin  efl:  aqueux, 
moins  il  eft  fujet  aux  variations  de  l'air ,  & 
réciproquement. 

14.  Dans  les  Mémoires  de  tacadémie 
des  Jciences  de  Paris  ,  ann.  1768  ,  M.  de 
Montigny  a  propofé  un  pefe-Uqueur  pour 
l'efprit-de-viu  &:  les  eaux-de-vie  :  fa  conf- 
trudion  revient  à  ceci.  On  prendra  un 
efprit  -  de  '  vin  bien  déflegmé  \  on  déter- 
minera le  rapport  de  fa  pefanteur  fpécifî- 
que  à  celle  de  l'eau  diftillée  dans  un  lieu 
où  le  thermomètre  de  M.  de  Réaumur 
marquera  dix  degrés.  Avec  ces  deux  li- 
queurs on  en  formera  neuf  autres  :  l'une 
fera  compofée  d'efprit  -  de  -  vin  &  d'eau  , 
en  parties  égales  ^  les  autres ,  d'un  noinbre 
k  de  parties  d'efprit  -  de  -  vin  ,  &  d'un 
nombre  ç)-k  de  parties  d'eau  ,  en  prenant 
pour  k  tous  les  nombres  ,  depuis  l'unité 
jufqu'à  8  inclufivement  :  on  gardera  ces 
liqueurs  dans  des.  bouteilles  fermées  au 
moins  pendant  vingt-quatre  heures  :  on 
prendra  un  vafe  cylindrique  d'un  diamètre 
fufîifant  y  pour  que  l'aréomètre  y  puifîé 
monter  &  defcendre  librement  :  on  mettra 
fiiccefîivement  dans  le  vafe  de  la  même 
hauteur  l'efprit-de-vin  ,  l'eau  &  les  neuf 
autres  liqueurs  dont  il  a  été  parlé  ci-defTus  : 
on  marquera  les  différentes  hauteurs  de 
l'inftrument  fur  une  règle  verticale  adaptée 
à  la  furface  extérieure  du  vafe  -,  on  aura  de 
cette  manière  dix  intervalles.  On  fera  fur 
ce  modèle  une  échelle  de  papier  qu'on  in- 
troduira dans  la  tige  de  l'aréomètre  \  on 
pourra  marquer  o  au  point  de  l'échelle 
qui  efl  à  la  furface  du  fluide  quand  l'aréo- 
mètre efl  plongé  dans  l'eau  ,  &  100  au  point 
qui  efl  à  cette  furface  quand  l'aréomètre  efl 
plongé  dans  l'efprit-de-vin.  On  fubdivifera 
chacun  de  ces  dix  intervalles  en  dix  parties 
égales  qui  feront  connoître  ,  à"  très  -  peu 
près  ,  les  parties  du  mélange  quand  l'eaii- 
de  -  vie  répondra  à  quelques  -  unes  de  ces 
fubdivilions.  Par  ce  moyen ,  on  uc  coii- 


P  E  S  51^ 

noîtra  les  proportions  du  mélange  qu'à 
une  même  température.  Pour  éviter  cet 
inconvénient ,  il  faut  conftruire  des  échel- 
les à  des  températures  différentes  de  cinq 
en  cinq  degrés.  (  M.  de  Montigny  a  reconnu 
par  expérience  que  l'erreur  correfpondante 
à  un  changement  de  cinq  degrés  dans  la 
température  ,  efl  tout"  au  plus  d'une  pinte 
fur  quatre-vingt-dix.  )  Enfuite  ,  quand  on 
voudra,  vérifier  une  eau  -  de  -  vie  ,  on  fe 
fervira  de  l'échelle  faite  pour  la  tem- 
pérature aéluelle  de  l'air ,  ou  la  plus  ap- 
prochante. 

1 5.  Les  Mémo  ire s_  de  tacadémJe  de  l'an- 
née fuivante  1769  ,  en  contiennent  uu^ 
de  iVL  Briffon  ,  dans  lequel ,  entr 'autres, 
chofes  ,  il  doinie  un  moyen  de  connoître- 
la  force  de  l'eau-de-vie  :  il  divife  en  16 
parties  égales  un  volume  qui  peferoit  1000 
en  eau  de  Seine  filtrée  en  fable,  &  837 
en  efprit -de -vin  bien  reélifié  ,  il  forme 
15  mélanges  de  ces  liqueurs,  en  mettant 
fuccefiivement  dans  le  volume  commun  , 
une  ,  deux  y  trois  ,.  &c..  parties  d'efprit- 
de-vin  ,,  au  lieu  de  même  norribre  de  par-- 
ties  d'eau  ^  il  en  a  déterminé  les  pefan-. 
teurs  fpécifiques  dont  il  a  formé  une  ta- 
ble 5  cela  pofé  ,  il  faut  prendre  ,  par  le- 
moye^i,  d'un  pefe  -  liqueur ,  le  poids  d'un 
volume  d'eau  &  d'un  égal  volume"  d'eau-, 
de  -  vie  j  &  dire  ,  le  poids  de  l'eau  efl 
au  poids  de  l'eau-de-vie  ,  comme  1000  efl 
à  un  ,,  nombre  qui  fera  connoître  ,  par  le 
moyen  de  la  table,  combien  fur  16  parties 
il  y  en  a  d'efprit-de-vin.  L'eau  &  l'eau- 
de-vie  qu'on  com.parera  doivent  être  à  même 
températurCé 

16,  Dans  les  Mémoires  de  txicadénùe 
de.  iJJOy  on  en  lit  un  de  M.  le  Roi  qui 
contient  plufieurs  réflexions  fur  les  aréo- 
mètres ,  &  en  particulier  fur  \qs  moyens 
d'en  faire  de  comparables.  L'auteur  entend 
par  aréomètres  comparables  ,  ces  aréo- 
mètres dans  lefquels  les  volumes  indiqués 
par  les  divifions  correfpondantes  de  leur 
échelle  ,  font  entr'eux  comme  les  poids  de 
ces  aréomètres  ^  cela  pofé,  il  indique  un 
moyen  facile  d'en  faire  de  comparables, 
c'efl  de  les  plonger  d'abord  dans  une  liqueur 
afîèz  pefante  pour  qu'ils  ne  s'y  enfoncent 
qu'un  peu  au  deffu^  du  flotteur  au  premier 
terme  de  l'échelle  3  puis  dans  une  liqueur. 


520  P  E  S 

beaucoup  plus  légère,  pour  qu'ils  s'y  enfon- 
cent jufqu  a  l'autre  extrémité  ,  &  enftjite 
divifer  ces  échelles  en  un  même  nombre 
de  parties  égaies  pour  chaque  aréomètre. 
Par  cette  conftruétion  ,  les  volumes  répon- 
dons aux  mêmes  divifions  ,  feront  toujours 
comme  le  poids.  Au  refte  on  peut  ih  dif- 
penfcr  de  recourir  à  une  féconde  liqueur 
pour  avoir  le  dernier  terme  de  l'échelle; 
il  fuffit  à  cet  elTet  de  les  faire  enfoncer 
dans  la  liqueur  la  plus  pefante  ,  en  les  char- 
geant de  poids  qui  foient  entr'eux  comme 
les  poids  de  ces  aréomètres.  Lorfque  M.  le 
Roi  lut  fon  Mémoire  à  l'académie  ,  il  pré- 
fenta  en  même  temps  deux  aréomètres  gra- 
dués félon  ces  principes ,  qui  s'accordèrent 
parfaitement  dans  différentes  liqueurs  où 
on  les  plongea.  Les  termes  extrêmes  de  leur 
échelle  avoient  été  déterminés  par  le  moyen 
d'une  eau-de-vie  très-affoiblie  ,  &  d'un 
efprit-de-vin  bien  reâiifié.  Ces  aréomètres 
éîoient  d'argent  ,  formés  par  deux  conoï- 
des  ,  appliqués  par  leur  baie  ,  qui  avoient 
la  figure  d'un  folide  de  révolution  ,  engen- 
dré par  un  arc  de  chaînette  :  c'ell  à  peu- 
près  la  figure  que  M.  le  Roi  croit  être  la 
plus  convenable  pour  qu'ils  puiffent  fe  mou- 
voir librement. 

■  17.  M.  de  Machy  a  publié  en  ^1774  , 
un  Recueil  de  differtations  y hy fi co^thy nu- 
ques ,  dans  lequel  il  donne  la  conftru£tion 
d'un  aréomètre  deftiné  pour  comparer  les 
liqueurs  qui  ne  font  pas  plus^pefantes  que 
l'eau,  ni  plus  légères  que  l'efprit  de-vin. 
D'abord  il  détermine  les  pefanteurs  fpéci- 
fiques  de  ces  liqueurs  extrêmes  par  la  mé- 
thode de  X article  5  \  il  trouve  enconféquence 
que  le  pouce  cube  d'eau  pefe  574  grains  , 
&  le  pouce  cube  d'efprit-de-vin  508.  Enluite 
M.  de  Machy  fait  conftruire  un  aréomètre 
dont  le  poids  foit  de  574  grains  '-,  il  le  plonge 
dans  l'eau  dont  la  furface  le  coupe  en  un 
certain  point  ,  enfuite  dans  l'efprit-de-vin  , 
dont  la  furface  le  coupe  auifi  en  un  point  ; 
il  divife  l'intervalle  de  ces  deux  points 
en  66  parties  égales ,  différence  entre  le 
poids  du  pouce  cube  d'eau  ,  &  celui  du 
pouce  cube  d'efprit  -  de  -  vin  ;  cela  pofé  , 
quand  on  le  plongera  dans  quelques  liqueurs 
intermédiaires  entre  celles  •  ci  ,  leur  point 
de  feâion  indiquera  à-peu-près  de  combien 
de  grains  le  pouce  cube  de  cette  liqueur 


P  E   S 

fiirpaffe  en  poids  le  pouce  cube  d'efprit-de- 
vin.  L'auteur  propofe  quelques  moyens  pour 
donner  plus  de  précifion  à  fon  iniirument  \ 
mais  il  nous  fuffit  d'avoir  donné  une  idée 
de  fon  mémoire  :  nous  renvoyons  ceux  qui 
defireront  plus  de  détail,  à  l'ouvrage  de 
M.  de  Mathy  ,  déjà  cité. 

La  perception  des  droits  impofés  à  Paris 
furies  eaux- de-vie,  à  raifon  de  leur  degré 
de  force  ,  a  été  l'occafion  de  divers  mé- 
moires fur  \^s  aréomètres  ,  iinprimés  depuis 
quelques  années  ;  mais  il  en  a  paru  un  ea 
1776  ,  dans  lequel  on  propolè  de  n'ad- 
mettre que  deux  degrés  de  force  dans  les 
liqueurs  fpiritueufès  ,  l'eau-de-vie  quelcon- 
que &  l'efprit-de-vin  ,  afin  qu'il  n'y  ait  qu'un 
feul  droit  liir  l'eau-de  vie ,  au  lieu  de  le  faire 
varier  fuivant  les  différens  degrés  d'un  aréo- 
mètre ,  connu  fous  le  nom  ^aréomètre  de 
Cartier ,  qu'on  emploie  depuis  1771  ,  & 
qui  marque  Z9  à  31  degrés  pour  les  eaux- 
de-vie  que  \ç,s  eommerçans  font  entrer  à 
Paris.  Les  inconvéniens  de  l'aréomètre 
pour  la  perception  des  droits ,  ont  été  déve- 
loppés dans  un  mémoire  préfenté  à  la  cour 
des  aides  par  le  corps  de  l'épicerie  de 
Paris ,  intervenant  dans  un  procès  que  la 
fermée  avoit  intenté  au  fieur  Hatry  ,  mar- 
chand épicier,  (  Cet  article  eft  de  M.  Char- 
LJES  ,  profejfeur  de  mathématiques  ,  à 
Paris.  ) 

PESENAS ,  mieux  PÉZENAS  ,  (  Géogr, 
mod.  )  ville  de  1600  feux ,  au  bas  Langue- 
doc ,  dans  le  diocefe  d'Agde.  Elle  eft  dans 
une  fituation  charmante  ,  fur  la  Peyne  ,  à 
4  lieues  N.  E.  de  Beziers ,  8  de  Montpel- 
lier ,  3  N.  d'Agde  ,  160  S.  de  Paris.  Lotig, 
21.  5.  lat.  43.  2<5. 

Péfenas  eft  une  ville  fort  ancienne ,  puif^ 
que  Pline  ,  /.  48  ,  c.  8  ,nEn  fait  mention; 
il  la  nomme  Pifcenœ  ,  &  il  loue  la  laine 
des  environs ,  la  teinture  qu'on  lui  do^inoit, 
&  les  étoffes  durables  qu'on  en  faifoit, 
S.  Louis  acquit  cette  ville  en  ii6i  ,  de 
deux  feigneurs  qui  en  étoient  co  proprié- 
taires, &  il  l'unit  au  domaine  royal  ;  c'étoit 
une  châtellenie  que  le  roi  Jean  érigea  eii 
comté  l'an  1361  ,  en  faveur  de  Charles 
d'Artois  ;  ce  comté  entra  par  la  fiiite  des 
temps  dans  la  maifon  de  Montmorenci , 
vint  à  M.  le  prince  de  Condé,  &  enfia 
eft  échu  en  partage  aux  princes  de  Conti. 

Le 


P  É  S^ 

Le  collège  tenu  par  les  prêtres  de  Mora- 
toire .,  étoit  anciennement  une  maifon  de 
1  oratoire  de  Rome ,  que  J.  B.  Romillon 
réunit  en  i  é  1 9  ,  à  la  congrégation  de  France. 
Louis  Fouquet ,  évêque  d' Agde  ,  y  a  fondé 
des  bourfes. 

C'eft  à  Péfenas  que  le  poëte    Sarafin 
(  Jean-François  )    mourut    de  douleur  en 
1664,   pour  s'être  mêlé  d'une  affaire  qui 
n'avoir  pas  réuflî.  Il  étoit  né  à  Herman- 
ville  près  de  Caen  en  1605  ,    ôc  devint 
fccretaire  du  prince  de  Conti.  Un  jour  le 
maire    &c  les  échevin^    d'une  ville  étant 
venus  pour  complimenter  ce  prince  ,  l'ora- 
teur refta  court  à  la   féconde  période  , 
fans  pouvoir    continuer  fon  compliment. 
Sarafin  faute  aufll-tôt  du  carroflè  ,  où  il 
croit  avec  S.  A.  fe  joint  au  harangueur  , 
&  pourfuit  la  harangue  ,  l'alTàifonnant  de 
plaifanreries  fi  fines  &  fi  délicates ,   &  y 
mêlant  un  ftyle  fi  original ,  que  le  prince  ne 
put  s'empêcher  lui-même  d'en  être  extrê- 
mement furpris.  Le  maire  &  les  échevins 
remercièrent  Sarafin  de  Mut  leur  cœur  , 
&  lui  préfcnterent  par  reconnoifiànce  le 
vin  de  la  ville.  Ses  œuvres  en  profe  &  en 
vers  mériteroient  d'être  réimprimées ,  parce 
qu'elles  font  pleines  d'efprit ,  de  naturel  ôc 
d'agrémcns.    Il  écrivoit    de  génie  ,    avec 
une  facilité  qui  n'étoit  égalée  que  par  (a 
parefle.    Dans   une  ode  à   M.   le  prince 
d'Enguien  ,  il  s'cxcufe  de  le  louer  par  ces 
deux  vers  : 

Car  je  n'ai  qu'un  filet  de  voix  , 
Et  ne  chante  que  pour  Sylvie. 

M.  Juvenel  de  Carlincas  fit  en  l'honneur 
de  Sarafin  une  épitaphe  qui  finiffoit  ainfi  : 

Ad  ceternam  pojîeritatis  memoriam  , 

Et  prceclarijfimi  viri  eximiam  virtutem  , 

Prœfecius  &  Mdiles 
Titulum  hune  infcribendum  tumulo  cura^ 
vére  ,    a'nn.    IJ%6. 

Le  chœur  de  l'églife  étant  tombé  ,  la  lame 
de  cuivre  a  difparu  ou  a  été  volée. 

Péfenas  eft  la  patrie  du  P.  Molinier  géné- 
ral des  chanoines  réguliers  de  Ste.  Gene- 
viève )  auteur  ^'explications  fur  l'évangile 
&  les  pfeaumes.  {  C.  ) 

PESER  ,  V.  a.  (  Gramm.  Ôc  Comm.  ) 
«'eft  examiner  la  pefantei«  de  quelque 
Tome  XXV, 


P  E  S  521 

chofc  ,  la  confronter  avec  un  poids  certain , 
réglé  &  connu  ,  tel  que  peut  être  la  livre , 
le  marc ,  le  cent ,  le  quintal ,  ùc. 

Pour  pefer  les  métaux  ,  les  drogueries , 
les  épiceries  ,  les  cotons ,  les  laines  &  au- 
tres femblables  marchandifes  d'œuvres  de 
poids  ,  que  l'on  vend  en  gros ,  l'on  fe  fert  de 
la  romaine  ,  ou  des  grandes  balances  à 
plateaux. 

A  l'égard  des  mêmes  marchandifes  qui 
fe  vendent  en  détail  ,  c'eft  de  la  petite 
balance  à  baffins ,  ou  du  pefon  dont  011 
fe  fert.  Le  trébucher  eft  pout  pefer  l'or  , 
l'argent  &  autres  chofes  précieufes. 

On  dit  qu'il  (a.\xx.  pefer  des  marchandifes 
net  ,  pour  faire  entendre  qu'elles  doivent 
être  pefées  fans  emballages ,  caiffes  ,  nî 
barils  :  au  contraire ,  quand  on  dit  qu'elles 
doivent  être  pefees  ort  ou  brut ,  cela  veut 
dire  qu'il  faut  les  pefer  avec  leur  embal- 
lage ,  leurs  caifTes  ôc  leurs  barils.  DiâioM. 
de  commerce.  {  D.  f.) 

Peser  les  malades  ,  c'étoit  ancienne- 
ment en  Angleterre  une  coutume  de  guérir 
les  enfans  malades  ,  en  les  pcfant  au  tom- 
beau de  quelque  faint ,  en  mettant  ,  pour 
les  contrebalancer  ,  dans  l'autre  côté  de 
la  balance ,  de  l'argent  ,  du  pain  de  fro- 
ment ,  ou  quelqu'autrechofe  que  les  parens 
avoicnt  la  volonté  de  donner  au  bon  Dieu  , 
à  fes  faints  ou  à  l'églifc. 

Mais  c'étoit  toujours  une  fomme  d'ar- 
gent qui  devoit  faire  partie  du  contre- 
poids ;  on  venoit  à  bout  de  les  giiérir  par 
ce  moyen  ,  ad  fepulcrum  fanai  nummo  f& 
ponderabat. 

Suppofé  que  cette  coutume  fût  reçue 
en  Angleterre  ,  elle  approche  de  cellç 
que  la  pieufe  crédulité  des  fidèles  a  intro- 
duite dans  différentes  provinces  de  France  , 
de  vouer  leurs  enfans  malades  aux  faints  fur 
leurs  tombeaux ,  ou  fur  leurs  autels ,  de  les 
y  faire  aftèoir  ,  de  leur  faire  boire  de  l'eau 
des  fontaines  qui  coulent  près  de  leurs  reli- 
ques ,  ou  deséglifes  qui  leur  font  dédiées. 
Peser  la  pierre ,  (  terme  de  Carrier  ) 
c'eft  la  foulever  de  deflus  le  tas  avec  la  grofïe 
barre  ,  pour  la  mettre  fur  les  boules. 

Peser  a  la  main  ,   en  terme  de  Ma^ 

nege  ,  fe  dit  d'un  cheval  qui  n'ayant  point  de 

fenfibilité  dans  la  bouche  ,  s'appuie  fur  le 

,  mors  au  point  de  fatiguer  le  bras  du  cavalier, 

Vvv 


p±  P  E  S 

Peser  ,  (  Marina  )  c'eft  tirer  de  haut 
en  bas. 

Pefer  fur  une  manœuvre  ,  ou  fur  quel- 
qu'autre  chofe  ,  c'eft-à-dire  ,  tirer  fur  cette 
manœuvre  pour  la  faire  baifl'er. 

Pefer  fur  un  levier ,  c'efl:  auiïi  le  faire 
baiffer. 

Peser  ,  (  Chûjè.  )  fe  dit  d-*une  bete 
qui  enfonce  beaucoup  de  fes  pies  dans  la 
terre  j  c'eft  une  marque  qu'elk  a  grand 
corfage. 

PESEUR  ,  f.  m^  (  Ccmm.  )  celui  qui 
pefe  -,  il  fe  dit  plus  ordinairement  de  la 
perfonne  qui  tient  le  poids  du  roi.  Dans 
toutes  les  villesde  commerce  bien  policées , 
les  pefeurs  royaux  ou  publics  font  obligés 
de  prêter  ferment  devant  le  magiftrat ,  & 
de  tenir  bon  &  fidèle  regiftr^  de  toutes 
ks  marchandifes  qu  ils  pefent  à  leur  poids  ; 
ce  l'ont  eux  qui  règlent  ordinairement  les 
contcftations  qui  anivent  entre  les  mar- 
chands ,  pour  laifon  du  poid^  de  leurs 
marchandifes. 

Il  y  a  à  Amfierdam  doaze pefeurs  publics 
étabhs  en  titre  d'office  pour  pefèr  toutes 
les  marchandiles  fujettes  au  poids.  Il  y  a 
auflii  à  Amiens  des  officiers  pefurs  de  fils 
de  fayette  &  autres  fils  de  laine  ,  &  des 
pefeurs  de  fils  de  chanvre  &  de  lin  ,  pour 
pefer  ces  marchandifes  ,  que  les  filafîîers 
apportent  dans  les  halles  ou  marchés. 
Ceux-ci  ne  font  que  quatre ,  les  premiers 
font  au  nombre  de  douze.  Dicîionn.  de 
commerce. 

PESICI ,  (  Gécg.  anc.)  peuples  de  l'Ef- 
pagne  Tarragonoife.  Pline  ,.//V.  IV  y  c.  xx  , 
les  place  dans  une  péninfule  ;  le  P.  Har- 
douindit  que  cette  péninfule  fe  nommoit 
Corufîa  y  &  qu'elle  étoit  fur  la  côte  Ççip- 
tentriona'e  de  la  Galice.^v  D.f.  ) 

PESNES  ,  f.  f.  pî.  (  Métiers.  )  C'eft  le 
nom  qu'on  donne  en  pluiîeurs  endroits 
aux  cordelettes  qui  pendent  tout  autour 
des  caparaçons  d'été  ^  &  qui  par  leur  agi- 
tation garantilîènt  les  chevaux  des  mou- 
ches. On  donne  cependant  plus  commu- 
pément  le  nom  de  pefnes  ,  aux  corde- 
lettes qui  pendent  de  la  fangle  que  les 
voituricrs  attachent  autour  du  bât  qu'ils 
mettent  fur  leurs  chevaux  ,  &  autour  des 
couvertures  des  chevaux  de  harnois ,  qu'à 
«çlles  qui  çejidem  des  caparaçons  à  rézeaii , 


P  E  S 

dont  on  couvre  les  chevaux  de  maîtres  en 
été.  (£)./.,) 

Pesnes  ou  Paines  ,  terme  de  Cor'-^ 
royeur  y  ce  font  des  morceaux  de  drap  ou 
d'étoffe  de  laine  dont  ils  fout  leur  gipon» 
Voye-;^  GiPON. 

P  ESN  es  ow  Pennes  ,  terme  de  Tijfe- 
randy  ce  font  des  bouts  de  fils  qui  reftenr 
attachés  aux  enfubles  du  métier  de  tiflérand, 
après  que  la  pièce  de  toile  eft  finie  ,  & 
qu'on  Pa  ôtée  de  deflus  le  métier.  C'eft 
avec  ces  pefnes  que  les  chandeliers  enfilent 
&  mettent  par  livres  les  chandelles  com- 
munes ou  A  la  baguette. 

PESO  ,  f.  m.  (  Monnoie.  )  monnoie  de 
compte  d'Efpagne  ,  les  dix  mille  p^^fos  va- 
lent douze  mille  ducats. 

PESON  ,  f.  m.  en  Mecha nique  ,  eft  une 
forte  de  balance  appellée  autrement  Jfa^ 
tera  romana  ,  on  balance  romaine  ,  au 
m.oyen  de  laquelle  on  trouve  la  pefanteur 
des  différens  corps  ,  en  fe  fervant  d'un  feul 
&  même  poids  qu'on  leur  compare.  Voye^^ 
Balance. 

Confiruâion  ih/  pefon.  Il  eft  compofé. 
d'un  rayon  de  fer  A  B  {  FI.  de  méchan. 
fi  g.  35  }  ,  fur  lequel  on  prend  un  point  à 
difcrétion  ,  comme  C  ,  d'où  on  élevé  la 
perpendiculaire  CD.  A  la  branche  la  plus 
courte  -^  C,  eft  fufpendu  un  plateau  G 
pour  recevoir  les  corps  qu'on  veut  pefer  ; 
le  poids  /  peut  parcourir  les  différens 
points  de  la  branche  C  B  y  de  on  l'éloigné 
du  point  C  y  jufqu'à  ce  qu'il  foit  en  équi- 
libre avec  le  poids  qu'on  a  m.is  dans  le 
plateau  G.  On  connoîtque  c'eft  le  poids 
mis  dans  ce  plateau  ,  par  l'endroit  où  le 
poids  /  fe  trouve  fur  le  bras  C  B  ;  par 
exemple  ,  li  le  poids  J  eft  d'une  livre  , 
&  qu'iljfe  trouve  au  point  de  divifion  G 
en  équilibre  avec  le  poids  qui  eft  dans  le 
plateau  ,  on  en  conclut  que  le  derniei 
poids  eft  de  fix  livres ,  &  ainfi  du  refte, 
Voyei^  Levieïl  &    Puissances   mécha- 

NIQ^UES.. 

Par  la  conftruétion  du  pefon  ,  on  voit 
aifement  quelle  ôft  la  manière  de  s'en 
fervir  :  &  on  peut  remarquer  que  le  pefon 
eft  d'un  ufage  commode  ,  en  ce  que 
n'ayant  befoin  que  d'un  ieul  poids  ,  qui 
n'eft  pas  confidérable  ,  il  eft  très- portatif 
en  £ctit  5  ôc  qiiand  on  l'emploie  en  grandi 


P  E  s 

fur  des  maflfes  qui  font  très-pefantes  ,  Bc 
qu  on  ne  peut  pas  divifer  ,  on  efl:  difpenfé 
d'avoir  un  grand  nombre  de  poids  diffi- 
ciles à  raflembler  ,  &  le  point  fixe  en  efl: 
beaucoup  moins  charge  ;  mais  il  faut  obfer- 
ver  au  iTi  que  cet  inftrument  ne  peut  pas  fervir 
à  pefer  exactement  de  petites  quantités , 
parce  qu'il  n^'efl:  point  aflez  mobile  ,  ce  qui 
vient  priiKipalement  de  ce  qu'un  de  Ces 
bras  efl:  fort  court.  Voye:^  Romaine. 

Peson  a  contrepoids  ,  (  Balance.  ) 
c'efl:  une  efpece  de  balance  ,  qui  fert  à 
pefer  diverfes  fortes  de  marchandifes.  On 
l'appelle  auiïi  crochet  ,  ou  balance  romaine. 
Peson  a  ressort  ,  f.  m.  (  Méchan.  ) 
forte  de  machine  aflez  ingénicufe ,  dont 
on  fè  fert  pour  pefer  certaines  efpeces  de 
marchandifef ,  comme  le  foin  ,  la  paille , 
îc  fil ,  la  filafle  ,  la  chair  ,  frc. 

Ce  font  les  petits  marchands  qui  vont 
aux  foires  ,  les  étapiers ,  les  fourriers  & 
ies  vivandiers  d'armée  ,  qui  fe  fervent  plus 
ordinairement  du  pefon  a  rejfort. 

Il  y  en  a  de  différentes  grandeurs  pour 
pefer  ,  depuis  une  livre  jufqu'à  cinquante. 
Les  premiers  qui  parurent  à  Paris ,  furent 
apportés  de  Befançon  ;  ce  qui  a  donné  lieu 
à  quelques-uns  de  croire  que  c'eft  à  cette 
ville  que  l'on  a  l'obligation  de  Pinvention 
de  cette  machine.  Cependant  bien  des 
gens  veulent  qu'elle  vienne  d'Allemagne. 
Le  pefon  à.  rejfort  eft  compofé  de  plu- 
sieurs pièces. 

1°.  D'un  anneau  qui  fêrt  à  le  fu (pendre 
en  l'air. 

2°.  D'une  même  branche  prefquequarrée, 
ordinairement  de  cuivre  ,  &;  quelquefois 
de  fer  ou  de  buis  ,  fur  Pune  des  faces  de 
jaquelle  font  marquées  les  différentes  di- 
viiîons  des  poids  ;  c'eft:  au  haut  de  cette 
branche  que  Panneau  efl:  attaché  par 
une  S. 

3°.  D'un  reflbrt  de  fil  d'acier  en  forme 
de  tire-bourre ,  arrêté  au  bas  de  la  branche 
par  un  écrou  ,  la  branche  palTant  de  haut 
en  bas  au  travers  du  reflort. 

4°.  D'une  boîte  ou  canon  de  figure 
cylindrique  ,  qui  renferme  la  branche  &  le 
refïbrt. 

Enfin ,  d'un  crochet  attaché  par  une  S 
au  bas  de  la  boîte,  qui  fert  à  accrocher  la 
marchandifc  que  l'on  veut  pefèr,  * 


PE  s  ^t, 

■  Pour  fe  fervir  du  pefon  à  rejfort ,  il  faut 
le  tenir  par  l'anneau  fufpendu  en  Pair  per- 
pendiculairement ;  ce  qui  fait  que  le  poids 
de  la  marchandife  tirant  le  crochet  en 
en-bas  ,  reflèrre  le  reflbrt  :  de  forte  que 
la  branche  fortant  par  le  haut  de  la  boire 
à  proportion  du  poids  ,  Pon  découvre  les 
divifionsqui  y  font  marquées  par  des  raies 
&:  des  chiffres ,  ce  qui  dénote  la  pefanteur 
de  la  marchandife. 

Ce  pefon  ,  quoiqu'aflèz  induftrieufement 
%it  ,  6c  adèz  commode  en  apparence  , 
n*efl:  cependant  pas  fi  jufl;c  que  le  pefon 
à  contrepoids  ou  romaine.  Le  défaut  de 
jufl:efl^e  provient  de  ce  que  le  reflibrt  efl: 
fu  jet  à  fe  relâcher  &  à  s'afFoiblir  par  fou 
trop  grand  ufage. 

Les  Chinois  fe  fervent  auffi  d'une  efpece 
de  pefon  ,  qui  rcflemble  aâfez  à  la  balance 
romaine.  On  en  peut  voir  k  defcription 
à  l'article  de  la  balance.  Voyc;^  Balance. 
Dicî.  de  comm.  {  D.  J.) 

Peson  a  tiers  point  ,  efl:  ccTnipofé  j 
î°.  d'un  reflbrt  d'acier  rond  à  reiTbrr  à 
chien  :  i°  de  deux  tirans  cintrés  fut 
le  champ  ,  dont  l'un  a  un  anneau  pout 
Piiflfèr  le  pouce  &  le  tenir  ,  &  qui  pafl[c 
par  Pouverture  de  l'extrémité  du  reflbrt , 
&c  qui  eft  arrêté  fur  l'autre  extrémité  î 
3°.  &  le  fécond  fur  lequel  font  gravés  les 
chiffres  qui  marquent  le  poids ,  efl:  arrêté 
à  ia  partie  fupérieure  du  reflbrt  ,  &  paflc 
au  travers  de  Pinférieure.  4°.  Au  bout  eft 
le  crochet, 

PESSAIRE  ,  f.  m.  (  Chrrur.  )  moyen 
dont  on  fe  fert  en  chirurgie  pour  retenir 
la  matrice  dans  fa  fituation  naturelle.  On 
les  fait  ordinairement  nvec  du  liège  ,  en 
manière  d'anneau  rond  ou  ovale  ,  qu'on 
trempe  dans  de  la  cire  fondue  pour  en 
remplir  les  pores  ,  &c  faire  un  enduit  qui 
le  préferve  de  pourriture.  P^oye:^  les  Jig. 
6*,  7  ,  8  «S'^  ,  PL  VII.  Quelques  auteurs 
confeillenf  Pufage  des  pcjfaires  d'argent  en 
forme  de  tuyau  ,  dont  ia  patrie  fupérieure 
foit  déterminée  par  un  petit  godet  percé  , 
pour  fbutenir  l'orifice  de  la  matrice.  Mais 
on  a  obfervé  que  les  humeurs  du  vagin 
altèrent  l'argent ,  &  forment  aux  p-Jfnires  .^ 
£aits  de  cette  matière  ,  des  trous  dans  lef^" 
quels  les  chairs  excoriées  par  les  inégalités 
de  ces  trous ,  s'engagent  ,  ce  qui  produit 
y  vy  z 


5X4  P  E  S 

des  ulcères.  Les  perfonnes  riches  peuvent  ' 
fe  fervir  des  pcffhires  d*or  -,  car  on  a  re- 
marqué que  les  humeurs  du  vagin  n'altèrent 
point  ce  métal.  Ceux  d'ivoire  font  plus  con- 
venables encore  6c  à  l'abri  de  toute  efpece 
d'altération. 

hes  peffaires  en  anneau  ne  conviennent 
point  dans  tous  les  cas.  On  trouve  dans 
le  premier  volume  des  Mémoires  de  l'acad. 
de  Chirurgie  ,  un  mémoire  de  M.  de 
Garengeot ,  fur  plufieurs  hernies  fingulieres, 
dans  lequel  on  lit  une  obferyation  d'un<^ 
hernie  inteftinale  par  le  vagin.  L'auteur 
voulut  la  contenir  par  nnpejfaire  ovalaire  , 
qui  ne  réuffit  que  la  première  journée.  Le 
kndemain  la  malade  fentit  de  vives  dou- 
leurs, avec  un  tiraillement  confîdérable  à 
Teftomac  ,  &  des  vomilTemens  qui  ne  cef- 
lêrent  que  parla  fouftradion  du  pejjaire  : 
il  étrangloit  ,  conjointement  avec  le  pubis , 
une  portion  d'inteftin  qui  s'ctoit  glilTée 
entre  deux.  On  réduifit  la  hernie,  6c  on 
appliqua  un  autre  pejfaire  d'une  grofleur 
convenable ,  auquel  on  donna  la  figure 
d'un  bondon.  Il  étoit  percé  dansfon  milieu, 
ëc  étoit  armé  de  deux  cordons  pour  pou- 
voir être  retiré  facilement ,  afin  de  le  chan- 
ger au  befoin. 

Saviard  rapporte  plufieurs  obfervations 
fur  les  defcentes  de  matrice  ,  &  parle 
dans  fon  obfervation  xiij  ,  d'une  matrice 
fi  grolTe ,  qu'elle  ne  pouvoir  être  retenue 
par  les  pejfaires  ordinaires.  Il  en  fit  faire 
un  d'acier ,  attaché  à  une  ceinture  par  le 
moyen  d'un  reflort  qui  fe  recourboit  juf- 
ques  dans  la  vulve  ,  à  l'extrémité  duquel 
il  y  avoir  un  petit  écuflbn  ,  qui  retenoit 
la  matrice  dans  fon  lieu  naturel. 

hz  fig.  îo  repréfente  un  ^e//^/re  élafti- 
que  formé  par  un  relTort  d'acier  tourné 
.  en  fpirale.  On  revêt  cet  inllrument  d'une 
toile  cirée.  Les  anciens  fe  fervoient  de 
pejfaires  médicamenteux  pour  provoquer 
le  flux  menftruel ,  pour  arrêter  le  flux  im- 
modéré des  règles  ,  &  contre  la  maladie 
qu'ils  appelloient  fuffocation  de  matrice. 
Mais  la  connoiflance  plus  exadte  de  la 
nature  des  parties  léfées ,  &  du  caradere 
^_  des  maladies,  a  fait  rejeter  de  la  pratique 
ces  moyens  inutiles.  (  Y) 

PESSE  ,  f.  f.  (  Botan.  )  nom  vulgaire  de 
Teff  cce  de  (îipin   (jue  Tournefort  appelle 


P  E  S 

ahies  tenuiore  folio  ,  fru  Bu  deorfum  inflexo. 
On  trouve  fouvent  des  ruches  fur  les  ex- 
trémités des  branches  de  cet  arbre.  Il  n'efl: 
pas  trop  aile  de  comprendre  comment  elles 
le  forment  \  6c  l'on   ne  le    douteroit  pas 
que  des  ruches  aufïî  régulières  fuflènt  l'ou- 
vrage   des  moucherons.    Rien   cependant 
n'eli:    plus    vrai.  Un  eflaim  de  ces  petits 
anirftaux,  dit  M.  Tournefort ,  vient  piquer 
les    branches  de  la  ptffe    dans   le  temps  " 
qu'elles  lont  encore  tendres  ;  chaque  mou- 
cheron fait  fon  trou  à  l'origine  de  la  jeune 
feuille  ,  juftement  dans  l'aiflelle  ,  c'eft-à- 
dire  ,  dans  l'endroit  où  la  bafe  de  la  feuille 
eil  attachée  en  travers  contre  la  tige.  Ainfi 
le  fuc  nourricier  qui  s'extravafe  ,    élargit 
le  trou  de  la  piquure  ,   6c  fait  écarter  la 
bafe  de  cette  feuille ,  qui  n'eft  encore  que 
collée  contre  la  tige.    Il  arrive  delà  que 
cette    efpece  de   plaie    prend   d'abord  la 
forme  d'une  petite  bouche  à  lèvres  velues  , 
6c  enfuitc  celle  d'une  gueule  qui  laifle  voir 
le   creux  de  chaque  cellule.  Ces  cellules 
toutes   enfemble  ,    compofent    la   ruche. 
Elles  font  pleines  dans  l'été  de  pucerons 
verdâtres  ,  femblables  à  ceux  qui  naiflent 
fur  les  herbes  potagères.  Chaque  puceron  , 
mis  fur  le  creux  de  la  main  ,  fe  développe 
dans  moins  d'un  demi-quarr-d'heure  ,   & 
laifle  échapper  un  petit  moucheron.  Hifl. 
de    V académie    des  Sciences  ,    ann.    îjo^. 
(D.J.) 

PESSEAU ,  f.  m.  (  Econ.  rujî.  )  Voye^ 

ÉcHALAS. 

PESSELAGE  ,  fub.  m.  (  Agriculture.  ) 
C'eft  l'action  de  garnir  une  vigne  de  pei- 
feaux. 

PESSINUNTÉ  ,  (  Géogr.  anc.  )  Pejfi- 
nus  ,  ville  des  Galates  Tolifl:oboies  ,  ou 
Tolift:obages  ,  dont  elle  étoit  la  métropole , 
félon  Pline ,  liv.  V  ,  ch.  xxxij.  Strabon 
dit  que  le  fleuve  Sangarius  couloir  auprès 
de  cette  ville. 

Elle  étoit  célèbre  par  fon  temple  dédié 
à  Cybele  ,  6c  par  la  ftatue  naturelle  de 
cette  divinité ,  qui  étoit  tombée  du  ciel  ; 
c'étoit  une  pierre  noire  qu'on  gardoit  pré- 
cieufement  à  Pejfmunte  j  mais  Rome  étant 
affligée  de  maladies  populaires ,  6c  d'autres 
calamités  publiques ,  envoya  aux  PcfTînun- 
tins  une  ambaflàde  ,  pour  leur  demander 
cette- flatije  de  Cybele.  Ses  prêtres ,  av^c 


PES 

tout  l'attirail  du  culte  de  la  divinité  , 
vinrent  eux  -  mêmes  la  remettre  aux 
Romains.  On  chargea  la  veftale  Clodia 
de  cette  pierre  myflérieufe  ,  qui  fut  portée 
en  proceffion  au  travers  de  la  ville  de 
Rome. 

La  fête  ordonnée  pourCybele  à  ce  fujet, 
fc  renouvelloit  tous  les  ans  ,  &  on  alloit 
laver  fa  ftatue  dans  le  petit  fleuve  Almon. 
Ovide  nous  apprend  cette  dernière  parti- 
cularité. 

EJî    locus  in    Tiberim    qua    lubricus  influit 

Aîmo  , 

Et  nomen  magno  perdit  in  amne  minor. 

Iliic  purpureâ  canus  cum   rejfe  facerdos 

Almonis     dominam    faeraque     lavât 

aquis. 


Denys  d'Halicarnalle  ,  qui  raconte  en 
détail  l'hiftoire  de  cette  tranflation  de 
Cybele,  remarque  que  Scipion  Nalicaétoit 
le  chef  de  Tambailade  des  Romains. 

Quant  à  ce  qui  regarde  Pejfinunte  , 
nous  favons  feulement  que  dans  la  fuice 
des  temps  cette  ville  devint  une  métropole 
eccléliatlique  5  du  moins  c'eft  le  titre  que 
lui  donne  la  notice  de  l'empereur  Andronic 
Paléolcgue  le  vieux.  (  X),  7.  ) 

§  PEST  ou  PESTH  ,   (  Géogr.  )  Pef- 
îum  ,   ville   libre  &  royale  de    la    bafie- 
Hongrie  ,  dans  le  diftriâ:  de  Vatz  ,    &: 
dans  le  comté  dont  il  lera  parlé  plus  bas. 
Elle  eft  à  la  gauche  du  Danube  ,  vis-à-vis 
de  Bude  ,  qui  communique  avec  elle  en  été 
au  moyen  d'un  pont  volant  ;  &  elle  touche 
à  la  plaine  de  Rakos  ,  fameufe  dans  l'hif- 
toire    du  royaume  ,    par    les  aflemblées 
nationales  &:  les  éieâiions  des  rois ,  dont 
elle  a  été  le  lieu.  Des  fofles  &    des  mu- 
railles entourent  cette  ville  : .  un   fuprême 
tribunal   d'appellation  y  tient    fon  liege  ; 
^   elle  renferme    un    grand    hôpital   mi- 
litaire ,     fix    couvens  ,    un    collège    de 
pères  des  écoles  pies  ,  &  plufleurs  cglifes. 
Elle  s'eft  vue  nom.bre  de  fois ,  depuis  deux 
fiecles  ,  entre  les  mains  des  Turcs  ,  qui  la 
brûlèrent  en  1684.  Et  ce  fut  dans  fes  murs  , 
relevés  par  l'empereur  Léopold  ,   que  les 
commillaires  chargés  en  1711  d'examiner 
les  griefs  des  proteftans    hongrois ,  com- 
mencèrent les  opérations  ,   qu'ils  allèrent 


PES  57c 

achever  Tannée  fuivante  à  Presbourg.  Long. 
36'.  46".  lat.  47.2.2.  {D.Gil 

Pest    ou   Pesth  ,    (  Geogr.  )   grande 
province  de  la  bafle-Hongrie  ,  aux    deux 
cotés  du  Danube  ,  comprenant  les  comtés 
de  P^Jfh  proprement  dit ,  de  Solth  6c  de 
Pilis ,  &c   divifée  en  quatre  diftrids ,  qui 
font  ceux  de  Vatz  ,  de  Ketsmkemeth  ,  de 
Pilis  &  de  Solth.  Elle  eft  arrofée  du  Da- 
nube ,  de   la  Vajas ,  de  la  Theifs  ,  de  la 
Zagyva  ,  de  la  Galga  ,  du  Rakos  &   du 
Tapjo.  Il  y  a  quelques  montagnes  ôc  quel- 
ques forêts  dans  fon  enceinte  ;  mais  il  y  a 
(ur-tout  des  plaines  immenfes ,  bordées  par 
le  Danube  ôc  par  la  Theifs ,  Se  couvertes 
d'un  fable  ftérile.  Les  jours  d'été  font  d'une 
chaleur  prelque  inlupportable  dans  ces  plai- 
nes ,  tandis  que  les  nuits  y  font  d'un  froid 
fouvent  mortel  ;  l'on  y  éprouve  aufïî  toutes 
les  incommodités  des  mouches  ôc  mouche- 
rons 5    &c  l'on  y  trouve  peu  d'eau  bonne 
à  boire.  Il  a  quelques  coteaux  qui  pro- 
duifent  d'affez  bons  vins  blancs  &  rouges  , 
ôc  quelques  campagnes  où  à  force  de  travail 
on  fait  croître  du  blé.  Ceft  en  pâturages 
que  confifte  la  meilleure  portion  du  fol  de 
la  contrée:  des  troupeaux  de  toute  efpecc 
y  font  errans  ça  &  là  dans  les  plaines.  La 
multitude  en  eft  incroyable  ;  &  l'on   en 
eftime  autant  les  chevaux  pour  la  vîteflc 
qui  leur  eft  propre ,  que  les  bœufs  8c  les 
moutons  pour  la  bonté  des  viandes  qu'ils 
donnent.  Les  habitans  de  la  contrée  font 
d'origines  diverfes  j  il  y  a  des  Hongrois 
naturels  ,    des  Bohémiens  ,    des  Slaves  , 
des  Allemands ,  ôc  des  colonies  de  Dal- 
matiens ôc  de  Thraces.  Les  villes  princi- 
pales en  font  Bude  ,  Pcfth  ,  Vatz  ,  Kets  - 
kemeth  ,  Koros  ,  Saint- André  ,  Colokfij, 
Sokh  &c  Pathay  j  il  y  a  plufieurs  châteaux 
détachés  ,   &  1 30  bourgs  ,  avec  Tile   de 
Cfepel  qui  en  contient  neuf.  ( £).  G.) 

PESTE  ,_  f.  f.  (  Médecine.  )  C'eft  une 
maladie  épidémique  ,  contagieufè  ,  très- 
aiguë  ,  cauiée  par  un  venin  lubtil  répandu 
dans  Tair  ,  qui  pénètre  dans  nos  corps  ,  ôc 
y  produit  des  bubons ,  des  charbons ,  des 
exanthèmes ,  de  d^autres  fymptomes  très- 
fâcheux. 

C'^eft  une  fièvre  aiguë  ,  qui  devient  mor- 
telle 5  Se  enlevé  les  malades  dès  le  premier 
,  ou  le  fécond  jour,  il  les.  forces  vitales  ne 


51^  PES 

chalîènt  promptement  le  venin  par  les 
bubons  ,  lesc^jbons,  le  pourpre  ôc  autres 
exanthèmes.^  ^- 

Caufes,  Ce  point  eft  des  plus  difficiles  à 
traiter  :  tous  les  auteurs  ont  écrit  fur  cette 
matière ,  mais  nous  n'avons  rien  de  certain 
iur  cet  article.  On  a  donné  un  nombre 
infini  de  conje<5tures ,  les  uns  ont  infifté  fur 
la  coagulation  ;  les  autres  fur  l'infed;ion 
générale  oi*  locale ,  qui  agit  fur  les  humeurs 
de  notre  corps.  Mais  ce  qui  eft  de  plus 
ifingulier  ,  c'eft  que  tous  font  obligés  de 
reconnoître  que  la  pejîe  agit  d'une  façon 
fort  différente  Iur  ceux  dans  les  pays  def- 
queis  elle  naît ,  que  fur  nous  autres. 

Lapejîe  nous  vient  de  l'Afie  ,  ôC  depuis 


PES 

elle  s'appelle  communément  le  ma!  Je 
Siam't  elle  vient  de  Porient ,  &  on  voit 
mourir  beaucoup  de  malades  de  cette  pejle 
à  la  Rochelle.  Dans  cette  efpece,  le 
fang  fe  perd  par  les  pores  de  la  peau  en 
manière  de  tranfpiration  ,  &  les  malades 
périlfent. 

Aintî  la  pejle  eft  une  infection  parti- 
culière ,  qui  prend  fà  naiflance  dans  les 
pays  chauds  ,  qui  nous  vient  par  les  vaif- 
iëaux  chargés  de  marchandifes  empeftées 
en  Turquie  ;  en  Egypte  ,  où  Xtl  peJîe  eft 
trois  ou  quatre  mois  Pannée ,  à  caufe  des 
dcbordemens  du  Nil. 

Les  peftiférés  ,  ou   les  ballots  empeftés 

débarqués  dans  nos  ports ,  nous  caufenc 

deux  mille   ans  toutes  les  pejies  qui  ont  !  ^  nous  attirent  la  pejie  ;  telle  que  la  der- 

paru  en  Europe,  y  ont  été  tranfmifes  par  !  niQïepeJîe  de  Marfeille,  qui  fut  occafionéc 


la  communication  des  Sarraiîns  ,  des  Ara 
bcs ,  des  Maures ,  ou  des  Turcs  avec  nous , 
&  toutes  les  pejîcs  n'ont  pas  eu  chez  nous 
d'autre  fource. 

Les  Turcs  vont  chercher  la  peJîe  à  la 
Mecque  ,  dans  leurs  caravanes  &  leurs 
pèlerinages;  ils  l'amènent  aulïî  de  l'Egypte 
avec  les  blés  qui  iont  corrompus  ;  &  enfin , 
elle  fe  conferve  chez  eux  par  leur  bizarre 
fiçon  de  penfer  fur  la  prédeftination  :  per- 
fuadés  qu'ils  ne  peuvent  échapper  à  l'ordre 
du  Très-Haut  fur  leur  fort,  ils  ne  prennent 
aucune  précaution  pour  empêcher  les  pro- 
grès de  la  pejle  &  pour  s'en  garantir  ;  ainfi 
ils  la  communiquent  à  leurs  voifins. 
I  On  reconnoït  quatre  fortes  de  pejîes. 
1°.  La  pejle  à  bubons ,  où  il  furvient  des 
bubons  aux  aiffelles  &  aux  aines  ,  ou  d'au- 
tres éruptions  par  tout  le  corps,  comme  les 
charbons. 

1°.  La  fuete  des  Anglois ,  ^î/i/or  angUcus , 
dans  laquelle  le  malade  périt  par  desfueurs , 
Je  premier  ,  le  fécond  ,  le  troifieme  jour  , 
fans  bubon  5  ni  charbon. 

La  troifieme  eft  fans  bubon  ,  ni  char- 
bon ;  mais  elle  eft  accompagnée  de  dépôts 
gangreneux  qui  attaquent  les  pies  ,  les 
mains ,  &  fur-tout  les  parties  extérieures 
de  la  génération  dans  les  hommes  ;  de  forte 
que  ces  membres  fe  détachent  d'eux-mêmes 
du  corps  de  ces  fortes  de  peftiférés.  C'eft  la 
pefie  d'Athènes ,  qui  a  été  décrite  par  Héro- 
dote ,  &  enfuite  par  Lucrèce 


par  un  vaifteau  qu'on  avoir  pris  fur  les 
Turcs  j  &:  que  l'on  avoir  amené  à  Marfeille  : 
ou  bien  elle  nous  vient  ptir  la  communi- 
cation de  l'Allemagne  &  de  la  Hongrie 
avec  la  Porte-Ottomane  ;  c'eft  ainfi  que 
les  Allemands  ont  apporté  la/j^echez  eux  , 
au  retour  des  campagnes  qu'ils  avoient  faites 
en  Hongrie  contre  les  Turcs. 

De  cette  façon ,  la  pejle  naît  &  prend 
fon  origine  dans  les  pays  orientaux  ,  & 
nous  Talions  chercher  chez  eux.  La  pejle 
agit  fur  nos  humeurs ,  &  nous  ne  favons 
pas  comment. 

Les  caufes  font  internes  &  externes  , 
prochaines  &  éloignées.  Les  internes  font 
le  vice  des  parties ,  la  corruption  du  fang 
&  des  autres  humeurs.  Les  pafifions  ,  le 
chagrin  <Sc  la  crainte  de  la  part  de  Tame  j 
le  mauvais  régime  &  l'abus  des  chofes  non 
naturelles ,  foit  de  Tair  ,  foit  des  alimens , 
foit  le  défaut  d'exercice,  contribuent  beau- 
coup à  attirer  cette  maladie.  Les  caufes 
externes  font  les  vents  du  midi,  ou  le 
défaut  de  vent  ;  l'hiver  trop  doux  ;  les 
faifons  inégales  ;  les  froids  violens  &  les 
chaleurs  exceiîives  •-,  l'air  fort  {te  ou  fore 
humide.  Les  maladies  épidémiques  avec 
bubons  &  phlegmons ,  font  des  avant-cou- 
reurs de  ^e/?e  plus  certains  que  des  exhalai- 
fons  &  des  influences  imaginaires. 

La  famine  peut  aufîî  être  mife  au  nombre 
des  caufes  ;  parce  que  dans  cette  triftc 
conjonéture ,  la  même  caufe  qui  gâte  les 


La  quatrième  efpecé  eft  la  plus  connue  ^  '  biens  dp  la  teae  &:  gui  amené  k  difette  , 


P  E  s 

doit  produire  la  pcjle  :  d'ailleurs  ,  dans  le 
temps  de  famine  ,  on  fe  trouve  obligé  de 
manger  de  toutes  fortes  d'alimensmal-fains, 
qui  forment  un  mauvais  fang  ,  &c  les  corps 
font  par  conféquent  plus  difpofés  à  la  pour- 
riture. 

Quelques-uns  attribuent  hipejîe  aux  trem- 
blemens  de  terre  ,  parce  qu  on  a  vu  fouvent 
des  maladies  malignes  &  fâche ufes  fuccéder 
à  ces  tremblemens. 

La  caufe  véritable  eft  la  réception  d'exha- 
laifons  putrides  dans  Tair  ,  qui  viennent  des 
pays  chauds ,  &  qui  eft  aidée  &;  fomentée 
par  ladifpofition  de  nos  corps.  Leur  mauvais 
effet  fe  fait  fur  *  tout  fentir  quand  un 
vent  chaud  &  humide  fbufrle  ,  ou  bien 
quand  elles  font  elles-mêmes  mêlées  avec 
des  vapeurs  corrompues.  C'eft  ainh  qu'ar- 
rive la  pefie  en  Egypte  à  la  fuite  de  l'inon- 
dation du  Nil  i  alors  les  eaux  corrompues 
par  une  chaleur  exceffive  ,  pouflcnt  des 
exhalaifons  peftilentielles  ;  les  terres  humec- 
tées &c  comme  chargées  de  pourriture  , 
font  très-m.al-laines. 

C'eft  ainfi  que  les  cadavres  corrompus 
dans  les  grandes  villes  ,  pendant  les  fieges , 
ou  dans  les  armées  à  la  fuite  des  batailles  , 
infeétent  horriblement  Tairi  les  exhalaifons 
fétides  &  volatiles  de  ces  cadavres  produi- 
fent  fouvent  des  maladies  malignes  ,  mais 
elles  ne  produifent  point  la  pejîe  ,  (ans  un 
venin  particulier  qui  eft  apporté  des  pays 
chauds ,  &  quf/mêlé  avec  elles,  leur  donne 
un  caracflere  peftilentiel. 

Ce  levain  ne  peut  s'étendre  fi  loin  qu'au 
moyen  de  l'air  qui  lui  fert  de  véhicule  ;  car 
l'air  une  fois  infecté  de  ces  exhalaifons ,  les 
porte  avec  lui  &  les  communique  à  beau- 
coup de  corps  qu'il  pénètre  :  ce  levain 
même  refte  caché  pendant  long-temps  dans 
ces  corps  infeélés ,  comme  il  eft  arrivé  dans  la 
dernière  pejîe.  C'eft  ainfi  que  l'on  a  vu  des 
perfonnes  tomber  roides  mortes,  &  frappées 
Tubitement  de  pejîe  à  l'ouverture  feule  des 
ballots  empeftés,  déchargés  de  vaifleaux 
venus  de  l'orient.. 

Cependant  ces  exhalaifons  n'infc6tenr  pas 
toute  la  maflè  de  l'atmofphere  ,  elles  le 
iàifperfent  &:  fe  jettent  de  coté  &  d'autre  , 
à-pcu-près  comme  la  fumée  j  delà  vient 
que  la  pejle  ne  (àifit  pas  tous  ceux  qui  font 
dans  le  même  air,  qui  eft  néanmoins  le 


P  E  S  527 

véhicule  du  levain  peftilentiel.  Il  faut  une 
difpofirion  ;  c'eft  ,  à  proprement  parler  ,  la 
caufe  déterminante  &'  difpofitive  de  la; 
pejîe. 

Caufe  difpojitive.  En  effet  ,  tous  les 
corps  ne  font  pas  fufceptibles  de  ce  venin  j: 
il  n'affede  que  ceux  dont  les  fluides  &  les 
folides  font  difpolés  à  recevoir  l'infedtion  ;. 
lî  le  corps  n'a  point  cette  difpofition  ,  il 
réfiftera  à  la  contagion  :  ainfi  tout  ce  qui 
fera  capable  de  garantir  nos  folides  &c  nos 
fluides  contre  la  pourriture  lorfque  la  pejle- 
règne ,  doit  palier  pour  un  préfervatif. 

La  difpofition  à  la  pourriture  eft  une 
caufe  qui  aide  l'effet  de  la  contagion.  Or 
la  pourriture  eft  un  mouvement  inteftin  de 
nos  humeurs  qui  tend  à  en  détruire  le 
mélange  ,  la  forme  &  le  tiffu  qui  changent 
de  nature.  D^ailleurs ,  fi  le  fang  fe  ralentit  5 
cela  fenl  iuflît  pour  contrarier  ce  mouve- 
ment de  putréfaction  ;  c'eft  ce  qui  arrive 
dans  le  chagrin  &  le  vice  des  premières 
voies. 

Ce  venin  de  la  pejîe  agit  fort  différem- 
ment de  celui  qui  agit  dans  la  petite  vérole  ^ 
le  pourpre,  la  fièvre  m.aligne  &  la  dyffen- 
terie.  Ce  venin  agit  fur  les  humeurs,  &  les 
coagule  ,  comme  il  paroît  par  les  éruptions- 
critiques. 

Ce  venin  agit  d'abord  fur  les  nerfs  ;  ce 
qui  paroît  par  les  fymptomes ,  tels  que  hr 
douleur  de  tête  ,  la  foibleffc  ,  les  naufées , 
le  frilTon  ,  le  froid  extérieur  avec  feu  ex- 
trême à  l'intérieur  i  le  fang  alors  trouvant 
de  la  réfiftance  fur  les  parties  externes ,  fe 
jette  fur  les  internes. 

La  caufe  prochaine  de  la  pejîe  eft  donc 
l'adion  du  venin  fur  nos  folides  ,  le  déve- 
loppement de  la  pourriture  àts  humeurs 
6c  de  ce  venin  ,  &  enfin  fon  adion  fur  les 
nerfs.  Ces  actions  produifent  l'éréthifme  du 
genre  nerveux  ;  c'eft  delà  que  vient  la  pour- 
riture. Telle  eft  la  nature  du  venjn  pefti- 
•"lentieh  fims  cette  difpofition  vénéneufe  , 
les  exhalaifons  n'ont  aucune  adion  dans  le- 
corps,  elles  y  reftent  long-temps  cachées-: 
&  cdhime-afîbupies,  à  la  fin  elles  tranf~ 
pirent  &  fe  dififîpent  fans  produire  aucun; 
ravage. 

Cet  éréthifme  eft  une  roideur  dans  les 

fibres  ,  &  une  contraékion  femblable  à  celle 

,  qui  ï  eft  excitée  par  les  jafïîons  de  l'âme.  ^ 


5i8.  P  Ef S 

par  rous  les  îrritans ,  tels  que  les  alimeiis 
chauds  ,  les  aromates  &  tous  les  ftimulans , 
ont  coutume  de  produire.  Cette  roideur  efl; 
augmentée  par  Pagacement  des  fibres  que 
caufe  le  venin  ;  celles-ci  ébranlées  con- 
tradent  la  maladie  peftilentielle  ;  car  Pex- 
Iialaifon  palîànt  alors  dans  le  fang  &  dans 
les  humeurs  ,  y  fait  éclater  les  difFérens 
fymptomes  de  la  pourriture. 

Symptômes.  Le  malade  eft  d'abord  faifî 
d'un  fiiilon  fuivi  d'une  ardeur  d'entrailles  j 
fouvent  il  n'eft  pas  altéré,  quoiqu'il  fente 
une  ardeur  violente  ;  quelquefois  la  fueur 
eft  petite  ,  &  la  foif  extraordinaire.  La 
fièvre  eft  fort  inégale  ,  mais  la  langue  eft 
feche  &  noire  ;  l'urine  eft  auflî  fort  diffé- 
rer, ce  ;  fouvent  elle  n'eft  point  changée  ; 
elle  eft  dans  quelques-uns  rouge  &  ardente, 
dans  d'autres  claire  &  crue  ;  dans  quelques 
autres  elle  eft  trouble ,  &  elle  varie  fouvent 
dans  un  même  jour  ;  tantôt  elle  eft  comme 
dans  l'état  de  fanté,  d'autres  fois  fanglante  ; 
quelquefoiîie  malade  eft  aflbupi  &  dans  le 
délire  j  d'autres  fois  il  eft  accablé  d'une 
cruelle  douleur  de  tête  ,  accompagnée 
d'infomnie  avec  des  yeux  enflammés  ,  &  le 
cœur  fort  reftèrré  ;  fouvent  le  pouls  eft 
fort ,  d'autres  fois  il  eft  foible  &  fréquent  ; 
tantôt  égal  ,  tantôt  inégal ,  &  dans  cer- 
tains malades  il  eft  intermittent  j  le  malade 
eft  dans  des  inquiétudes  &C  dans  des  agita- 
tions continuelles  :  on  apperçoit  dans  les 
tendons  des  foubrefauts  &  des  mouvemens 
convulfifs  i  la  vue  eft  troublée ,  &  le  malade 
eft  tourmenté  de  tintemens  &  de  fifflemens 
d'oreilles  j  il  y  en  a  qui  font  abattus  au 
commencement  de  la  maladie  ,  d'autres 
confèrvent leurs  forces  jufqu'àla  mort;  il 
y  en  a  qui  ont  des  dévoiemens  qui  réfiftent 
à  tout  remède;  lesdéjedions  en  font  quel- 
quefois crues  &:  fréquentes  ,  elles  font 
comme  de  l'eau  trouble  ;  dans  certains 
malades  on  y  trouve  des  vers  ;  d'autres 
ont  des  hémorragies  par  le  ne?  &  par  la 
bouche  ,  par  les  yeux  ,  par  les  oreilles  , 
par  la  verge ,  par  la  matrice  ;  d'autres  fuent 
le  fang  pur  ;  quelques-uns  ont  (des  voÉiifle- 
mens  continuels  ;  d'autres  ont  des  naufées 
&  des  dégoûts  ;  on  voit  dans  la  plupart  des 
douleurs  cardialgiques  ,  le  hoquet  j  on  en 
voit  qui  ont  des  taches  de  couleur  pour- 
prée ,  Qu  violettes  ou  noires,  tantôt  en  petit 


P  E  S 

nombre,  tantôt  en  grande  quantité  ,  tantôt 
petites,  tantôt  grandes  &  prefqu'exadement 
rondes  ;  tantôt  fur  une  partie ,  tantôt  fur 
une  autre  ,  fouvent  fur  tout  le  corps  ;  il  y 
en  a  beaucoup  qui  ont  des  bubons  ou  des 
charbons  en  différens  endroits  du  corps.  Ce 
font-là  des  fignes  évidens  &  très-afturés  de 
la  pejîc  y  fur-tout  lorfqu'ils  font  accom- 
pagnés de  la  fièvre,  ou  qu'ils  y  furviennent. 

Le  diagnojlic  fe  tire  des  fymptomes 
fuivans. 

1°.  L'abattement  des  forces ,  le  défaut  de 
rcfpiration  ,  la  foibleflè  ,  l'intermittence 
&  l'intercadence  du  pouls. 

2.°.  Les  fymptomes  du  bas-ventre,  les 
naufées  ,  les  vomiftèmens ,  les  cardialgies, 
les  mouvemens  convulfifs. 

Les  aigreurs  &  la  pourriture  des  bouil- 
lons &  de  tous  les  allmens. 

3°.  Les  urines  font  troubles  ,  grafTès  ," 
chargées  d'huile  ramaftee  en  flocons;  les 
fueurs  font  colliquatives ,  aigres  ,  graftès  , 
&  fétides. 

4°.  Les  bubons  aux  aines  ,  aux  aiflelles  , 
des  parotides,  des  charbons  dans  différentes 
parties ,  des  lanières  noires  ou  violettes  , 
ou  bleues  ;  la  force  du  venin  eft  indiquée 
par  ces  fymptomes, 

5°.  La  gangrené  feche  &  la  molleflè  des 
membres  après  la  mort  ;  &  avant  la  mort  , 
les  déj estions  de  fang  par  les  felles  ,  les 
excrétions  de  fang  par  les  felles  &:  par  la 
fueuf. 

d°.  Enfin  ,  la  généralité  &  l'univcrfalité 
de  l'épidérhie  ,  la  mortalité  nombreufc  &C 
par  trop  répandue  ,  la  violence  &  le  nom- 
bre infini  des  accidens ,  la  mort  imprévue 
qui  faifit  les  malades ,  le  premier ,  le 
fécond  ou  le  troifieme  jour  ,  &  fouvent 
prefqu'auffi-tôt  qu'ils  font  attaqués  ,  font 
des  fignes  évidens  &:  diagnoftics  de  hpejïey 
il  on  les  compare  avec  tous  ceux  que  nous 
avons  rapportés  plus  haut  ,  8c  avec  les 
caufes  que  nous  avons  détaillées. 

Fronojîic.  Il  efl  d'autant  plus  fêcheux  , 
q\ie  perfonne  n'a  encore  donné  ni  la  caufc, 
ni  le  remède  de  ce  terrible  mal ,  bien  que 
nous  ayions  nombre  de  traités  des  plus  com- 
plets fur  fa  caufe  &  la  façon  de  le  traiter. 
En  effet,  c'eft  de  tous  les  maux  le  plus 
cruel.  Tout  frémit  au  feul  nom  de  cette 
maladie  i   cet  effroi  n'çft  que  trop   bien 

fondé  i 


P  E    s 

fondé  5  plus  fuiîcfte  mille  fois  que  la  guerre , 
elle  fait  périr  plus  de  monde  que  le  fjr  & 
le  feu.  Ce  n'cil  qu'avec  horreur  qu'on  le 
repréfente  les  afiieux  ravages  qu'elle  caufe  j 
elle  moilfonne  des  familles  entières  ^  elle 
n'épargne  ni  âge ,  ni  fexe  ^  on  voit  périr 
également  les  vieillards,  les  hommes  faits , 
les  adultes ,  les  enfans  dans  le  berceau  ^ 
ceux  même  qui  font  caches  dans  les  en- 
trailles de  leur  mère  ,  quoiqu'ils  paroif- 
ient  à  l'abri  de  Ces  coups  ,  fubiilènt  le 
même  fort  ^  elle  eft  même  plus  pernicieule 
pour  les  femmes  groiles  j  &  ii  l'enfant 
vient  à  naître  ,  c'eft  moins  pour  vivre 
que  pour  mourir  j  l'air  empefté  leur  devient 
fatal  ^  il  l'eit  même  davantage  pour  ceux 
qui  font  d'un  tempérament  fort  &  vigou- 
re-.;x.  La  pej^e  détruit  le  commerce  entre 
les  citoyens  ,  la  communication  entre  les 
parens  ^  elle  rompt  les  liens  les  plus  forts 
de  la  parenté  &  de  la  fociétc  '^  parmi  tant 
de  calamités ,  les  hommes  font  continuel- 
lement prêts  à  tomber  dans  le  défefpoir. 

Cependant  la  pejle  n'elt  pas  toujours  fi 
dangercu(e  que  l'on  fe  l'imagine  communé- 
ment j  l'efFentiel  eft  de  ne  point  s'effrayer 
en  temps  de  pejle  ;  la  mort  épargne  ceux 
qui  la  méprirent ,  &  pourfuit  ceux  qui  en 
eut  peur  ^  tous  les  habitans  de  Marfeille 
ne  périrent  point  de  la  pefîe  ,  &  la  frayeur 
en  fit  périr  davantage  que  la  contagion. 
hapejie  ne  fait  pas  de  plus  grands  ravages 
parmi  les  Turcs  &  les  autres  peuples  d'o- 
rient qui  y  font  accoutumés  ,  que  les  ma- 
ladies épidémiques  chez  nous ,  quoiqu'ils  ne 
prennent  que  peu  ou  point  de  précautions  ^ 
&  cela  parce  qu'ils  n'ont  point  peur.  D'ail- 
leurs ,  ceux  qui  affiftent  les  malades  ne  fè 
trouvant  point  incommodés  ,  il  paroît 
qu'elle  n'attaque  que  ceux  qui  y  fout .  dif- 
pofés. 

Traitement  de  la  pejîe.  On  peut  confî- 
dérer  la  pejle  comme  menaçante  &  prête  à 
faifir  le  malade  ,  ou  comme  déjà  venue  & 
ayant  infeôé  le  malade.  Dans  le  premier 
cas  ,  il  faut  s'en  garantir ,  s'il  eft  poftible  \ 
6c  dans  le  fécond,  il  faut  la  combattre  pour 
ia  difîjper  ,  &  arrêter  fes  progrès.  Ainfî 
les  remèdes  fontprophyladiques,  &  détour- 
nent le  mal  prochain ,  ou  ils  font  thérapeu- 
tiques &  proprement  curatifs ,  en  guériilant 
le  mal  lorfqu'il  eft  préfent. 
Tome  XXl^, 


P  E  S  52^. 

Cure  prêfervative.  On  peut  fè  préferver 
de  la  pejle  ,  en  s'éloiguant  de  la  caufè  de 
la  pejh  ,  ou  en  fe  muniliant  contre  elle  ^  - 
ce  qui  regarde  eu  partie  le  public  ou  le 
inagiftrat ,  &  en  partie  les  particuliers. 

Le  magiftrat  doit  avoir  foin  de  faire 
nettoyer  ou  tranfporter  toutes  les  immon- 
dices &  \q%  iratieres  puantes  &  ccrrom-  ' 
pues  ,  qui  ne  font  que  fomenter  le  venin 
peftilentiel  &  le  retenir  caché  \  de  faire 
nettoyer  &  ôter  les  fumiers ,  les  boues  & 
les  ordures  àz%  rues  &  des  places  publi- 
ques j  de  faire  enterrer  les  morts  hors  des 
églifès  ,  dans  des  endroits  éloignés  ,  de  les 
faire  couvrir  de  chaux  ,  de  défendre  toutes 
les  aflèmblées  ,  foit  dans  les  places  ,  foit 
dans  les  maifons  \  d'ordonner  des  feux  , 
de  faire  tirer  le  canon  &;  la  moufqueterie  , 
pour  éloigner  par  ce  moyen  l'infedtion  , 
&  pour  corriger  l'air  par  l'odeur  de  la  pou- 
dre j  d'interdire  le  com.merce  avec  \qs  vil- 
les où  le  mal  règne  ,  du  qui  font  fîifpeéïes^ 
de  défendre  abfolument  l'entrée  ou  \\.\{à^;à^ 
èiQ%  mauvais  alimens  :,  enfin  ,  d'abord  que 
lapefle  commence  à  fè  m.anifeltcr  ,  de  faire 
féparer  au  plutôt  \qs  malades  d'avec  ceux 
qui  fe  portent  bien. 

Les  préfervatifs  des  particuliers  fè  rcdui- 
fènt  à  la  diète ,  aux  remèdes  chirurgicaux 
&  pharmaceutiques  ^  la  diète  règle  l'ufage 
de  l'air  &  âics  paflions  de  l'ame  ,  qui  font 
les  deux  points  iinportans  dans  cette  mala- 
die. On  évite  l'air  eirpefté  par  la  fuite  , 
ou  bien  on  le  corrige  par  des  fumigations  , 
des  parfums  ,  avec  des  odeurs ,  en  les 
approchant  fouvcnt  du  nez ,  pour  corriger 
l'air  à  mefure  qu'on  refpire  ^  la  plupart 
ne  fe  fiant  à  aucun  remède  contie  un  mal 
h  cruel  &  iî  fiibit ,  recommandent  la 
fuite  comme  l'-unique  préfervatif  par  ces 
deux  vers  : 

H  '  c   tria    tabificam    tolîunt   adverhla 

pejJem  ; 
Mox  ,  longe  ,    tarde ,    cède  ,   recède  , 

redi. 

Le  contentement  de  l'efprit  empêche 
l'effet  de  la  crainte.  Thaïes  de  Crète  paffe 
pour  avoir  chalfé  une  pe/^e  qui  faîfbit  d'hor- 
ribles ravages  à  Lacédémone  ,  en  procu- 
rant de  la  joie  aux  habitans.  Le  médeciu 

Xxx 


550  PES 

eft  inutile  à  ceux  qui  peuvent  prendre  ces 
précautions  3  mais  il  eft  néceffaire  à  ceux 
qui  ne  peuvent  prendre  la  fuite  ,  &  font 
obligés  de  refter  au  milieu  des  peftiférés. 
Nous  ne  faurioris  donner  ici  tous  les  re- 
mèdes préfervatifs  contre  la  pefie  ;  il  fau- 
droit  recourir  à  une  foule  d'auteurs  qui  ont 
écrit  fur  cette  matière. 

M.  Geoffroi  a  fait  une  thefe  en  1721  , 
où  il  propofe  ce  problême  '•)  favoir  fi  l'eau 
eft  un  excellent  préfèrvatif  en  temps  de 
pe/e.  Cette  thefe  fe  trouve  traduite  en 
françois  dans  un  livre  intitulé  ,  les  venus 
Viédicinales  de  teau  commune. 

Cure  thérapeutique.  Les  remèdes  qui 
font  indiqués  pour  guérir  la  pejle  lorfqu'elle 
eft  préfente  ,  font  internes  ou  externes. 
Nous  allons  détailler  les  plus  vantés  \  eu- 
iîjite  nous  parlerons  de  quelques  compo- 
iitions  ,  ou  de  quelques  fecrets  &  fpécifi- 
ques  que  l'on  eftime  beaucoup. 

Les  remèdes  internes  ont  reçu  dans  les 
auteurs  le  nom  à'antidote  ,  ou  ^alexzphar- 
maque  ;  mais  où  eft  le  véritable  alexiphar- 
raaque  T  II  eft  encore  inconnu  &  caché  , 
ou  plutôt  enveloppé  de  profondes  ténèbres  j 
il  y  a  cependant  beaucoup  de  remèdes  , 
tant  fimples  que  compofés,  qui  portent  ce 
nom. 

Les  remèdes  fimples  font ,  les  racines 
d'angélique  ,  d'année  ,  d'impératoire  ,  de 
carline  ,  de  contrayerva ,  de  vipérine  ,  de 
laxifrage  ,  de  domte-venin  ,  de  zédoaïre. 
Les  écorces  &  les  bois  ^  la  cannelle ,  le  cafîia 
lignea  ,  le  fantal  ,  le  bois  de  baume ,  le 
bois  d'aloès  j  les  feuilles  de  buis  ,  de  feor- 
dium ,  de  diétame  de  Crète  ,  de  mélifte  , 
de  chardon-bénit  ,  de  mille -feuilles.  Les 
fleurs  de  fouci  ,  de  rofes  ,  de  romarin  , 
de  mille-pertuis.  Les  fruits  j  les  citrons  , 
les  oranges  ,  les  limons ,  les  figues  ,  les 
noix  ,  les  baies  de  genièvre  ,  les  cubebes  , 
le  cardamome  ,  le  clou  de  girofle  ,  la  noix 
mufcade ,  le  macis.  Les  fucs  &  les  gommes; 
le  camphre  y  la  myrrhe  ,  le  ftyrax ,  le  baume 
de  Judée.  Les  parties  des  animaux  3  les 
chairs  de  vipère ,  l'ivoire  ,  les  cornes  de 
licorne  ,  de  rhinocéros  &  de  cerf ,  les  fèls 
volatils  ,  leur  fiel.  Les  fragmens  précieux  ; 
les  perles ,  la  pierre  de  bézoart ,  la  pierre  de 
porc-épic.  Les  terres  3  le  bol  d'Arménie ,  la 
terre  figilUe ,  le  foufre  blanc  &  l'antimoine. 


PES 

Les  remèdes  internes  compofés  ,  font  la 
thériaque  d'Andromaque  ,  la  thériaque  cé- 
lefte  ,  le  mithridate  de  Damocrate,  le  diaf- 
cordium  de  Fracaftor ,  les  conférions  d'al- 
kermès  &  d'hyacinte ,  l'orviétan  ,  les  eaux 
thériacalcs ,  le  vinaigre  thériacal ,  les  tein- 
tures &  les  élixirs   alexipharmaques. 

Il  y  en  a  mille  autres  auxquels  on  a 
donné  des  noms  pompeux  j  mais  on  fait 
par  plufieurs  raifons  &  par  une  infinité 
d'obfervatîons  ,  que  tous  ces  remèdes  ,  au 
lieu  de  faire  du  bien  ,  trom{^nt  ceux  qui 
s'y  fient ,  nuifont  fouvent ,  &  prêtent  de 
nouvelles  forces  au  venin  peftilentiel.  ^oy, 
Alexipharmaq¥E. 

Les  alexipharmaques  externes  font  ceux 
qui ,  appliqués  extérieurement,  pafteut pour 
être  propres  à  détruire  le  venin ,  ou  à 
l'éloigner  de  nos  corps  ;  il  y  en  a  d'artifi- 
ciels qui  font  purement  fuperftitieux  ;  ils 
font  chargés  de  carafteres  ,  de  figures  ,  de 
lignes  de  mois  3  ce  font  des  produdions  de 
l'ignorance  &  de  la  fiipcrftition  ,  qui  doi- 
vent être  rejetées  par  tout  homme  de  boa 
fens.  Il  y  en  a  qui  font  de  vrais  poifons  , 
comme  l'arlenic ,  le  réalgal  ,  l'orpiment, 
les  crapaux  ,  les  araignées  3  fi  ces  choies  ne 
font  point  de  mal  ,  elles  font  au  moins 
inutiles  ,  comm.e  l'expérience  l'a  fait  voir 
fouvent. 

A  quoi  donc  ,  dira-t-on  ,  faut-il  recourir? 
De  tous  les  remèdes ,  fuivant  la  thelë  de 
M.  Geoffroi ,  il  n'y  en  a  point  de  meilleur 
&  de  plus  sûr  que  l'eau  en  boiffon  ;  c'eft 
elle  foule  qui  peut  ramollir  les  fibres  ner- 
veufes  ,  quand  elles  font  trop  roides  &  trop 
crifpées,  détruire  l'éréthifme  des  folides  , 
délayer  les  humeurs  trop  épaiffes  ,  atténuer 
celles  qui  font  trop  grofîiéres  ,  adoucir  leur 
âcreté ,  empêcher  leur  corniption ,  modérer 
ou  même  totalement  arrêter  la  violence  du 
venin  peftilentiel  ,  lorfqu'il  eft  une  fois 
gliffé  dans  nos  corps  :  d'ailleurs  on  n'a  pas 
fojet  d'en  appréhender  le  moindre  mal  3 
c'eft  ce  que  le  favant  auteur  déjà  cité  , 
démontre  en  détail  ,  &  d'une  manière  qui 
me  paroît  fans  réplique, 

La  pejie  peut  fe  regarder  comme  une 
efpece  de  fièvre  ,  &  être  traitée  de  même  j 
dès-lors  on  combinera  les  indications  de  la 
fièvre  avec  celles  de  la  contagion;,  &  d'ailleurs 
fi  on.  lit  les  auteurs-  qui  ont  écrit  après  avoir 


P  E  s 

traité  des  peftiférés  ,  tels  qu'Hildaniis  Cal- 
dera ,  Heredia ,  &  Thonerus ,  on  verra 
que  les  cordiaux  trop  chauds  ont  fait  périr 
plufieurs  perfonnes.  Les  cordiaux  font  donc 
dangereux,  &  ne  font  pas  l'unique  ni  le 
vrai  remède  &  antidote  de  la  peji€  ,  non 
plus  que  des  autres  maladies  où  il  y  a  un 
grand  abattement. 

Celfe  dit  que  les  maladies  peftilentielles 
demandent  une  attention  particulière  , 
puifque  dans  ces  cas  la  dicte  ,  les  clyfteres 
&  la  purgation  ,  ne  font  d'aucune  utilité  ;, 
mais  la  faignée  eft  très-falutairc ,  lorfque 
les  forces  le  permettent ,  fur- tout  lorfque 
la  maladie  eft  accompagnée  de  douleurs  de 
fièvre  violente. 

Rivière,  &  après  lui  de  grands  prati- 
ciens ,  recômm.andent  la  faignée  faite  à 
petite  dofe;  ce  remède  eft  fort  contredit 
par  le  grand  nombre  des  praticiens  ^  & 
d'ailleurs  il  a  eu  fouvent  de  mauvais  fuccès  j 
on  a  vu  des  malades  périr  dans  la  faignée. 
Cependant  on  peut  dire  que  la  faignée  indi- 
quée par  une  roideur  ,  une  force  ,  &  une 
grandeur  dans  le  pouls  ,  par  une  chaleur 
&une  foif  extraordinaire  ,  &  par  les  autres 
fignes  inflammatoires  ,  fera  faite-très-fage- 
rnent  ^  &  alors  pour  en  éviter  les  inconvé- 
niens  qui  font  d'augmenter  l'abattement , 
on  auroit  foin  de  la  modérer ,  d'en  arrêter 
ou  empêcher  les  mauvais  effets.  On  faignera 
peu  à  la  fois ,  &  on  réitérera  la  faignée  tout 
au  plus  une  fois  j  on  la  foutiendra  par  des 
cordiaux. 

Les  praticiens  célèbres  concilient  la 
purgation  ^  ce  qui  eft  encore  fort  contefté. 
D'abord  il  répugne  de  purger  dans  l'abatte- 
ment &  dans  la  foibleffe  j  d'ailleurs  les 
bubons  &  les  charbons  marquent  que  le 
venin  cherche  à  fortir ,  &  le  public  penfe 
que  les  faignées  &  les  purgatifs  les  font 
rentrer.  Nous  obferverons  feulement,  fans 
décider  ces  queftions  ,  que  la  pourriture 
des  premières  voies  aide  les  progrès  de 
la  pejfe-j  &  qu'ainfi  les  purgatifs  en  la 
nettoyant  feront  un  grand  bien ,  &  pré- 
viendront les  ravages  qu'elle  attire  ;  ils 
emporteront  les  aigreurs  des  premières 
voies  j  &  par-là  la  peftilence  fera  moins 
d'effet. 

Mais  l'effet  des  purgatifs  étant  d'abattre 
les  forces ,  d'augmenter  les  douleurs   car- 


P  E  s  î,, 

dialgiques ,  de  détourner  les  humeurs  de  la 
circonférence  au  centre,  que  n'en  doit- on 
pas  attendre  pour  la  rentrée  des  bubons, 
des  charbons  ,  &  des  exanthèmes  j  ces 
derniers  demandent  l'adminiftration  des 
cordiaux,  &  l'indication  des  purgatifs  les 
contre- indique  :  c'eft  au  médecin  fage  à 
concilier  les  indications  &  les  contre-indi- 
cations dans  cette  fâcheufe  perplexité. 

Les  purgatifs  feront  l'émétique  ordi- 
naire ,  l'effence  émétique  ,  les  potions 
purgatives  ordinaires.  P^oyei  PuRGATiF 
&  Potion. 

Les  cordiaux  feront  fimples  ou  com- 
pofés  :  les  fimples  font  tous  ceux  que  nous 
avons  détaillés  ci-deffus  :  les  compofés  font 
les  conférions  alexitaires ,  les  teintures  , 
tels  que  la  teinture  d'or  mêlée  dans  fix 
onces  d'eau  de  fcorfonere  ,  le  fyrop  de 
contrayerva  ,  les  pilules  anti  -  peftilen- 
tielles ,  les  fudorifiques  anti-peftilentiels  , 
les  décodions  fudorifiques  alexitaires.  Voy-e[ 
tous  ces   articles. 

Potion  cordiale  contrt  la  pefte.  Prenez 
des  eaux  thériacale  (impie  ,  de  fureau ,  de 
fcabieufe  ,  de  cîiacune  deux  onces  \  de 
confeéiion  d'alkermès  ,  un  gros  \  de  iïel 
de  porc  préparé ,  un  demi-gros  ^  de  l'ef- 
fence émétique  &  du  lilium  de  Paracelfê, 
de  chaque  trente  gouttes  ^  de  fyrop  de 
contrayerva  ,  trois  onces. 

Cette  potion  fe  donnera  par  cuillerée  à 
chaque  demi- heure  \  on  retranchera  l'émé- 
tique dans  les  potions  réitérées. 

Autre  potion  cordiale.  Prenez  des  eaux 
de  chardon- bénit,  d'angélique,  de  mélilfe 
fimple ,  &  thériaque  compofée ,  de  chaque 
une  once  &  demie  ;  de  teinture  d'or  & 
d'élixir  de  propriété ,  de  chaque  un  fcru- 
pule  \  de  fyrop  d'oeillet ,  une  once  &  demie  j 
faites  une  potion  que  l'on  réitérera  feloa 
le  heiova.. 

Le  régime  doit  être  humeéhnt ,  doux  , 
&  lég.  rement  cordial  &  acide  ;,  on  peut 
ordonner  pour  boiflbu  la  limonnade  avec  le 
fyrop  de  contrayerva  ,  ou  un  autre  pareil. 
Voye-{  Syrop  de  Contrayerva. 

"Narcotiques.  Nous  ne  pouvons  nous 
difpenfèr  ici  de  faire  une  obfervation  fur 
les  narcotiques  préparés  avec  l'opium  ou  le 
pavot  blanc  ',  ils  font  contraires  par  eux- 
mêmes  à  la  caufe  générale   de  la  peftc  j 

»  Xx  X    2 


53Î  P  E  S 

qui  eft  la  coagulation  du  fang-  ;  cependant 
il  cil:  des  cas  où  ils  peuvent  être  indiqués  ^ 
alors  on  doit  en  ufer  avec  toute  la  fageffe 
pofîible.    V.   Opium   &  Narcotiques. 

Cela  dépend  de  l'infpeâion  d'un  habile 
médecin ,  de  même  que  tout  le  traite- 
ment de  la  pefie- 

On  doit  conclure  de  tout  ce  qui  a  été  dit 
fur  la  pefie ,  que  cette  maladie  nous  eft 
totalement  inconnue  quant  à  fes  caufes  & 
fon  traitement  j  que  la  leule  expérience 
ne  nous  a  que  trop  inftruits  de  fes  fuueftes 
effets. 

Peste,  f.  f.  (H/y?.  anc.  &  mod.)  La 
Fontaine  ,  liv.  vij,  fable  i  ,   l'appelle  : 

Un  mal  qui  répand  la   terreur, 
Mal   que  le   ciel  en  fa  fureur 
Inventa    pour   punir     les     crimes    de 
la  terre. 

Je  ne  peindrai  pas  les  rigueurs  de  ces 
climats  ,  où  cette  cruelle  fille  de  la  déefle 
Néinélis  ,  defcend  fur  les  villes  infx)rtunées. 
Cette  grande  deftrudrice  eft  née  àes  bois 
empoifonaés  de  l'Ethiopie  ,  des  matières 
impures  du  grand  Caire  ,  &  des  champs 
empuantis  par  des  années  de  fautereiles, 
cntaffées  &  putréfiées  en  nombre  innom- 
brable. Les  animaux  échappent  à  fa  terrible 
rage ,  tandis  que  l'homme  feul  lui  fert  de 
proie.  Elle  attire  un  nuage  de  mort  fur  fa 
coupable  demeure,  que  des  vents  tempérés 
&  bienfaifans  ont  abandonnée.  Tout  alors 
n'cft  que  défaftre.  La  fageiFe  majeftueufë 
détourne  fon  œil  vigilant  ^  l'épée  &  la 
balance  tombent  des  mains  de  la  juflice 
fans  fDuâions  j  le  commerce  ne  porte 
plus  fes  fecours  utiles  ;,  l'herbe  croît  dans  les 
rues  dépeuplées  \  les  demeures  des  hommes 
fe  changent  en  des  lieux  pires  que  les  déferts 
fauvagcs  ^  perfonne  ne  fe  montre ,  fi  ce 
n'elt  quelque  malheureux  frappé  de  fré- 
néfie  ,  qui  brife  fes  liens  &  qui  s'échappe 
de  la  maifoii  fatale ,  féjour  funefte  de  l'hor- 
reur. La  porte  qui  n'eft  pas  encore  infeétée , 
ii'o/è  tourner  fur  fe?  gonds  j  elle  craint  la 
fociété  ,  les  amis  ,  les  parens ,  les  enfans 
même  de  la  maifon.  L'amou»  éteint  par 
le  malheur ,  oublie  le  tendre  lien  &  le 
doux  engagement  du  cœur  fenfible  ^  le  fir- 
lïicimcat  &  l'air  qui  animent  tout,    font 


P  E  S 

infe£lés  des  traits  de  la  mort  *,  chacun  eti 
eft  frappé  à  fon  tour  ,  fans  recevoir  ni  foins 
ni  derniers  adieux ,  &  fans  que  perfonne 
ordonne  fon  trifte  cercueil  :  ainfi  le  noir 
défefpoir  étend  fon  aile  funèbre  fur  les  villes 
terralfées ,  tandis  que  pour  achever  la  fcene 
de  défolation ,  les  gardes  inexorables  dif 
perfés  tout  autour  ,  refufent  toute  retraite  , 
&  donnent  une  mort  plus  douce  au  mal- 
heureux qui  la  fuit. 

Les  annales  de  l'hiftoire  font  mention  de 
deux  pejles  à  jamais  mémorables  ,  &  qui 
ravagèrent  le  monde  ,  l'une  43 1  ans  avant 
Jefus  Chrift ,  &  l'autre  dans  le  xiv  fiecle 
de  l'ère  chrétienne.  Thucydide,  Diodore 
de  Sicile ,  &  Plutarque  vous  inftruiront 
fort  au  long  de  la  première  ,  qui  parcourut 
une  vafte  étendue  de  pays  ,  &  dépeupla  la 
Grèce  fur  fon  palfage ,  fous  le  règne  d'Ar- 
taxerxès  Longue-main  ;  cette  pefie  com- 
mença en  Ethiopie ,  d'où  elle  dcfcendit 
en  Lybie  ,  en  Egypte ,  en  Judée ,  en 
Phénicie ,  en  Syrie ,  dans  tout  l'empire 
de  Perfe  ,  &  fondit  enfiiite  dans  l'Attique, 
&:  particulièrement  fur  Athènes.  -Thucy- 
dide qui  en  fut  attaqué  lui-même  ,  en  a 
décrit  expreffément  les  circonftances  &:  les 
fymptomes  ,  afin ,  dit-il ,  qu'une  relation 
exaâe  de  cette  affreufe  maladie ,  puifîè 
fervir  d'inftrudion  à  la  poftérité  ,  fi  un  pa- 
reil  malheur  arrivoit  une  féconde  fois* 

c(  Premièrement ,  dit  cet  hiflorien  (liv,  IL 
»  de  la  guerre  du  Péloponnefe.  )  ,  cette 
»  année  fut  exempte  de  toute  autre  maladie, 
»  &  lorfqu'il  en  arrivoit  quelqu'une  ,  elle 
w  dégénéroit  en  celle-ci  j  à  ceux  qui  fè  por- 
))  toient  bien  ,  elle  prenoit  fubitement  par 
))  un  grand  mal  de  tête  ,  avec  des  yeux 
»  rouges  &  enflammés,  la  langue  &  le 
))  gofier  fanglans ,  une  haleine  infede  , 
)i  une  refpiration  difficile  fuivie  d'éternue- 
»  mens  &  d'une  voix  rauque.  Delà  defcen- 
»  dant  dans  la  poitrine ,  elle  excitoit  une 
»  toux  violente  :  quand  elle  attaquoitl'efto- 
»  mac,  elle  le  faifoit  foulcver  ,  &  caufoit 
»  des  vomiffemens  de  toute  forte  de  bile 
i>  avec  beaucoup  de  fatigue.  La  plupart  des 
»  malades  avoient  un  hoquet  fuivi  de  con- 
)j  vulfions  qui  s'appaifoientaux  uns  pendant 
»  la  maladie  ,  aux  autres  long-temps  après.- 
»  Le  corps  rougeatre  &  livide  étoit  couvert 
»  de  pullules  j  &  ne  paroiffoit  pas  fort  chaud 


P  E  s 

j>  au  toucher  ,  mais  brûloit  tellement  au 
))  dedans  qu'on  ne  pouvait  louftrir  aucune 
»  couverture  ,  fi  bien  qu'il  falloit  demeurer 
»  nu.  On  prenoit  un  jîlaifir  infini  à  fe 
»  plonger  dans  l'eau  froide ,  &  pîufieurs 
»  qu'on  n'avoit  pas  eu  foin  de  garder ,  Ce 
■))  précipitèrent  dans  des  puits  ,  preffés d'une 
»  foif  qu'on  ne  pouvoit  éteindre ,  foit  qu'on 
»  bût  peu  ou  beaucoup. 

))  Ces  fymptomes  étoient  fijivis  de  veilles 
»  &  d'agitations  continuelles  ,  fans  que  le 
))  corps  s'affoiblît,  tant  que  la  maladie  étoit 
)>  dans  fa  force  ^  la  plupart  mouroient  au 
«  ieptieme  ou  au  neuvième  jour  de  l'ardeur 
)>  qui  les  brûloit ,  fans  que  leurs  forces 
))  fuflbnt  beaucoup  diminuées.  Si  l'on  pafToit 
î)  ce  terme  ,  la  maladie  defcendoit  dans  le 
«  bas-ventre  ,  &  ulcérant  les  iiiteftins  , 
«  caufoit  une  diarrhée  immodérée  ,  qui 
»  faifoit  mourir  les  malades  d'épuifcment  ;, 
)5  car  la  maladie  attaquoit  fiiccefîivement 
))  toutes  les  parties  du  corps  ,  commençant 
»  par  la  tête  ,  &  fe  portant  ,  fi  on  échap- 
))  poit  ,  aux  extrémités.  Le  mal  fe  jctoit 
j)  tantôt  fur  les  bourfes ,  tantôt  fur  les 
w  doigts  des  pies  &  des  niaius  ;  pluficurs 
))  n'en  guérirent  qu'en  perdant  l'ufage  de 
»  ces  parties  ,  &  quelques-uns  même  cc- 
))  lui  de  la  vue  :  quelquefois  revenant  en 
))  *  fànté ,  on  perdoit  la  mémiOire  jufqu'à  fe 
»   mécoimoître  foi  même  &  fes  amis. 

«  La  maladie  donc  ,  ajoute-t-il  peu 
>■)  après  5  laiifant  à  part  beaucoup  d'accidens 
))  extraordinaires  ,  difîérens  dans  les  diffé- 
»  rens  fiijets  ,  étoit  en  général  accompa- 
î)  gnée  des  fymptomes  dont  nous  venons 
w  de  faire  l'hiftoire.  Quelques-  uns  périrent 
x>  faute  de  fecours  ,  &  d'autres  ,  quoiqu'on 
))  en  eût  beaucoup  de  foin  :  on  ne  trouva 
))  point  de  remède  qui  pût  les  foulager  : 
))  car  ce  qui  faifoit  du  bien  aux  uns  nuifoit 
))  aux  autres  ;  enfin  la  contagion  gagnoit 
»  ceux  qui  aiïifloient  les  m.alades  ,  &  c'eft 
»   ce  qui  produifit  le  plus  grand  défafire.  » 

Hippocrate  qui  s'y  dévoua  noblement ,  g 
fait  de  foif  côté  une  courte  defcription  de 
cette  pejfe  en  médecin  ,  &  Lucrèce  en  grand 
poëte.  Artaxerxès  avoit  invité  Hippocrate 
de  venir  dans  fes  états  ,  traiter  ceux  qui 
étoient  attaqués  «le  cette  cruelle  maladie. 
Ce  prince  y  joignit  les  offres  les  plus  avan- 
tagtulcsj  ne  metiaut  du  côté  de  l'iiitérét 


P  E  S 


în 


aucune  borne  à  fes  récompenfes ,  &  du 
côté  de  l'honneur  promettant  de  l'égaler 
à  ce,  qu'il  y  avoit  de  perfonnes  les  plus 
confidérables  à  fa  cour  ^  mais  tout  l'éclat 
d«^  l'or  ôc  des  dignités  ne  fit  pas  la  moindre 
impreflion  fur  î'ame  d'Kippocrate.  Sa  ré- 
ponfe  fut  qu'il  étoit  fans  befoins  &:  fans 
délits  ,  qu'il  devoit  fes  foins  à  fes  conci- 
toyens ,  &  qu'il  ne  devoit  rien  aux  barba- 
res ennemis  déclares  des  Grecs. 

En  effet ,  dès  qu'il  fut  mandé  à  Athènes 
il  s'y  rendit ,  &  ne  fortit  point  de  la  ville 
que  la  pefie  ne  fût  celiee.  11  fe  confacra  tout 
entier  au  /ervice  des  m.alades  ,  &  pour  fe 
multiplier  en  quelque  forte  ,  il  envoya  pîu- 
fieurs de  fes  élevés  dans  tout  le  pays  ,  après 
les  avoir  inflruits  de  la  manière  dont  ils 
dévoient  traiter  les  peftiférés.  Un  zèle  fi 
généreux  pénétra  les  Athéniens  de  la  recon- 
noifîance  la  plus  vive.  Ils  ordonnèrent  par 
un  décret  public  ,  qu'Hippocrate  feroit 
initié  aux  grands  myfleres  ,  de  la  même 
manière  que  l'avoit  été  Hercule  ,  le  fils  de 
Jupiter  '^  qu'on  lui  donneroit  une  couronne 
d  or  de  la  valeur  de  mille  flateres  ,  &  que, 
le  décret  qui  la  lui  accordoit  feroit  lu  à 
haute  voix  par  un  héraut  dans  les  jeux 
publics  ,  à  la  grande  fête  des  panathénées  j 
qu'il  auroiten  outre  le  droit  de  bourgeoifie, 
&  feroit  nourri  dans  le  prytanée  pendant 
toute  fa  vie  ,  s'il  le  vouloit ,  aux  dépens 
de  l'état  ^  enfin  que  les  enfans  de  ceux  de 
Cos  ,  dont  la  ville  avoit  porté  un  fi  grand 
homme  ,  pourroient  être  nourris  &  élevés  à 
Athènes  comme  s'ils  y  étoient  nés. 

Il  ne  manqua  à  la  gloire  d'Hippocrate 
que  d'avoir  eu  la  fatisfaâion  de  compter 
Périclès  parmi  les  malades  auxquels  il  fauva 
la  vie.  Ce  grand  capitaine ,  le  premier 
homm.e  de  l'état ,  dont  la  fiigefTe  &  l'habi- 
leté avoient  foutcnu  le  poids  des  affaires  de 
la  république  pendant  quarante  ans  ,  après 
avoir  perdu  tous  fès  parens  de  la  pefU  ,  en 
mourut  lui-m.ême  entre  les  bras  d'Hippo- 
crate ,  &  malgré  tous  les  fecours  de  fbn  art. 

Mais  quelque  cruelle  qu'ait  été  la  pe^e 
dont  nous  venons  de  pnrler  ,  elle  le  fut 
encore  miOins  par  fa  violence  &  par  foa 
étendue  ,  que  celle  qui  ravagea  le  monde 
vers  l'an  1346  de  Jefus  Chrift.  La  defcrip- 
tion qu'en  font  les  hilloriens  contempo- 
rains au  défaut  d'obftrvateurs  médecuis  c^ui 


534  PES 

nous  manquent  ici  ,  ne  fe  peut  lire  fans 
fréinir.  La  contagion  fut  générale  dans  tout 
notre  hémifpiiere.  Elle  commença  au  royau- 
me de  Cathây  ,  partie  fepteutrionale  de  la 
Chine  ,  par  une  vapeur  de  feu  ,  dit-on  , 
horriblement  puante  ,  qui  infeda  l'air  ,  &: 
confuma.avec  une  promptitude  incroyable 
deux  cents  lieues  de  pays  j  elle  parcourut 
le  refte  de  l'Afîe  ,  palfa  en  Grèce ,  de-là 
en  Afrique  ,  &  finalement  en  Europe  , 
qu'elle  faccagea  jufqu'à  l'extrémité  du  nord. 
Ici  elle  emporta  la  vingtième  ,  là  elle  dé- 
truifit  la  quinzième  partie  des  habitans  ^ 
ailleurs  ce  fut  la  huitième  partie ,  comme 
en  France  j  ailleurs  même  ,  comme  en 
Angleterre  ,  le  tiers  ou  le  quart  des  habi- 
tans :  j'en  parle  ainfi  d'après  le  témoignage 
des  écrivains  des  deux  nations. 

La  dernière  pejie  qu'on  ait  vue  en  Eu- 
rope ,  eft  celle  de  Marfeille  en  1720  & 
1721.  Elle  enleva  dans  cette  feule  ville 
environ  cinquante  mille  perfonnes  j  la  mé- 
moire en 'eft  encore  récente. 

Toutes  nos  connoiflances  fur  cette  hor- 
rible maladie  ,  fe  bornent  à  favoir  qu'elle 
iè  répand  par  contagion  ^  qu'elle  eft  la 
plus  aiguë  des  maladies  inflammatoires  ^ 
qu'elle  eft  accompagnée  de  fymptomes 
très  -  différens  &  très  -  variés  j  qu'elle  fe 
termine  par  des  tumeurs  vers  les  parties 
glanduleufes  qui  dégénèrent  en  abcès  j 
que  cette  crife  eft  d'autant  plus  falutaire 
qu'elle  eft  prompte  ^  que  ce  mal  a  ies  temps 
de  décroiftèment  &  de  diminution  ,  & 
qu'alors  les  fecours  dé  l'art  font  d'une 
grande  utilité  ^  que  la  contagion  s'adoucit 
&  fe  détruit  par  de  grands  froids  ^  qu'en 
conféquence  elle  eft  plus  rare  &  fait  moins 
de  ravages  dans  les  pays  feptentrionaux 
que  dans  les  pays  méridionaux  ^  qu'elle 
marche  quelquefois  feule  ,  mais  qu'elle  a 
plus  communément  pour  compagnes  deux 
autres  fléaux  non  moins  redoutables ,  la 
guerre  &  la  famine  ;,  &  dans  ce  cas  fi  elle 
n'attaque  pas  les'  hommes ,  les  beftiaux  en 
font  la  vidime  :  voilà  les  faits  dont  l'hif- 
toire  ne  fournit  que  trop  de  triftes  mo- 
numens. 

Il  fem.ble  que  le  meilleur  moyen  de  fè 
garantir  de  hipejle  ,  feroit  de  fuir  de  bonne 
heure  les  lieux  où  elle  règne.  Si  cela  n'eft 
pas  pofîible ,  il  faut  tâcher  de  fe.  fequeftrer 


P  E  S 

dans  un  domicile  convenable ,  bien  aéré  ; 
y  éviter,  autant -qu'on  peut  ,  toute  com- 
munication au  dehors  ^  vivre  fans  frayeur , 
ufèr  d'acides  ,  en  particulier  de  citrons  y 
fè  gargarifer  de  vinaigre  ,  s'en  laver  le 
corps  ,  les  hardes  ,  &c.  purifier  l'air  des 
appartemens  par  la  vapeur  du  bois  &  des 
baies  de  genièvre ,  ufer  d'alimens  oppofés 
à  la  pourriture  ,  &  pour  boiifon  de  vins 
blancs  acidulés  par  préférence  aux  autres. 

Ce  ne  font  pas  les  livres  qui  manquent 
fur  la  peJie  ;  le  nombre .  en  eft  fi  confidé- 
rable  ,  que  la  colleâ:ion  des  auteurs  qui 
en  ont  fait  des  traités  exprès  ,  formeroit 
une  petite  bibliothèque.  La  feule  pefîe  de 
Marfeille  a  produit  plus  de  deux  cents 
volumes  qui  font  déjà  tombés  dans  l'oubli  ^ 
en  un  mot ,  de  tant  d'ouvrages  fur  cette 
horrible  maladie  ,  à  peine  en  peut  -  on 
compter  une  douzaine  qui  méritent  d'être 
recherchés. 

Celui  de  Mindererus  ,  de  peflilendâ  , 
Aug.  Vindel.  1608,  /Vz-8°.  n'eft  pas  mé- 
prifable.  Il  faut  lui  joindre  Méad  (Richard) 
a  short  difcourfe  concerning  pefiilential  con- 
tagion^ Lond.  1720,  ?/z-8°.  Hodge  ,  de 
peJie.  Muratori  (  Ludov.  Anton.  )  del  go- 
verno  medico  e  politico  délie  pejie  ,  in  Bref- 
cia  ,  172 1 ,  //7  8°.  &  le  traité  fuivant  qui 
eft  fort  rare.  Vander  Mye ,  de  morbis  6» 
fymptomatibus  popularibus  Bredanis  ,  temr 
pore  obfidionis  hujus  nrbis  grajjantibus  y 
Antuerp.  1627  ,  z/2-4°.  Mais  j'oubliois  que 
je  ne  me  fuis  propofé  dans  cet  article 
que  de  traite'f  de  la  pejle  en  hiftorien  j 
ainfî  ,  voyei  Peste  ,  Médec.  {Le  Chevalier 

DE  JaUCOVRT.  ) 

Peste  d'ORlENT  ,  du  Vljîech,  (Hifl, 
de  la  méd.)  Cette  afFreufe  pefe  a  été  dé- 
crite par  Evagre  &  par  Procope.  Voici 
le  précis  de  leurs  defcriptions  3  je  com- 
mence par  celle  d'Evagre. 

Selon  cet  hiftorien  ecclé/îaftique ,  la 
pefie  dont  il  s'agit  arriva  l'an  de  J.  C. 
543  ,  &  fit  pendant  cinquante  -  deux  ans 
u\\  horrible  ravage  prefque  tlans  toute 
l'étendue  de  la  terre  :  elk  commença  deux 
ans  après  que  la  ville  d'Antioche  eût  été 
prife  par  les  Perfes  ,  &  parut  en  quelques 
chofes  femblable  à  la  peJie  d'Athènes  qui 
a  été  décrite  par  Thucydide,  &  en  d'au- 
tres chofes  fort  différente. 


P  E  s 

Elle  tomba  d'abord  fur  l'Ethiopie  ,  & 
<lelà  fe  répandit  fucctfrivemeiit  fur  prefqiie 
toutes  les  parties  de  l'univers.  Quelques 
villes  en  furent  fi  cruellement  affligées  , 
qu'elles  perdirent  tous  leurs  habitans.  Il  y 
avoit  des  perfoiines  qu'elle  attaquoit  par 
la  tête  ,  par  le  vifage  ,  par  les  yeux  qui 
paroiffoient  extrêmement  enflammés  j  puis 
defcendant  à  la  gorge  ,  elle  les  emportoit 
impitoyablement  :  d'autres  avoient  des  dé- 
voiemens-,  d'autres  des  abcès  dans  l'aine^ 
d'autres  des  fièvres  donr  ils  mouroient  le 
fécond  ou  le  troifieme  jour  3  d'autres 
tom,boient  en  délire  avant  que  de  périr  3 
d'autres ,  en  périflant  ,  avoient  tout  le 
corps  couvert  de  puftulcs  &  de  char- 
bons. Quelques  -  uns  ayant  été  attaqués 
une  ou  deux  fois  de  ce  fléau  ,  &  y 
ayant  réfifté  ,  y  fuccomboient  la  troifieme 
fois. 

Il  y  avoit  différentes  manières  &  fort 
difficiles  à  comprendre ,  de  contra6î:er  cette 
maladie.  Plufieurs  moururent  pour  être 
feulement  entrés  dans  des  maifons  infec- 
tées -j  d'autres  pour*  avoir  légèrement  tou- 
ché des  malades  ,  &  d'autres  ,  fans  au- 
cune communication  ,  prenoient  le  mal 
dans  les  campagnes  &  les  places  publi- 
ques. Quelques-uns  s'en  préferverent  en 
ftiyant  des  villes  peftiférées ,  &  ne  laiffe- 
rent  pas  de  communiquer  la  pejfe.  Quel- 
ques autres  demeurèrent  au  milieu  des  ma- 
lades ,  fans  crainte  &  fans  y  trouver  la 
mort ,  &  même  fans  accident.  Evagre  rap- 
porte qu'il  étudioit  la  grammaire,  lorf- 
que  cette  peJfe  commença  j  qu'il  en  fut 
attaqué  ,  mais  qu'il  perdit  dans  la  fuite  fa 
femme  ,  quelques-uns  de  lès  enfans,  de 
{es  parens  ,    &c  de  fes  efclaves. 

Procope  nous  a  donné  la  defcription 
de  cette  maladie  avec  autant  d'art  que 
d'exa£titude  ,  &;  aiifll-bien  que  s'il  avoit 
été  médecin  de  profefl^ion.  Selon  lui ,  ce 
fléau  confùma  prefque  tout  le  genre  hu- 
main. II  n'aflB[igea  pas  une  feule  partie  de 
îa  terre  ,  &  ce  ne  fut  pas  dans  une  faiion 
particulière  de  l'année,  mais  cîans  toutes 
indiftinâement.  Elle  n'épargna  ni  con- 
dition ,  ni  âge  ,  ni  fexe  ,  quoiqu'il  y  ait 
une  fi  grande  diverfité  dans  les  tempé- 
ramens  &  dans  les  difpofitions.  La  diffé- 
rente fituation   des  lieux^,   la  diète  ,    les 


complexions  ,  les  mœurs ,  rien  ne  put 
fauver  les  malades. 

Elle  commença  parmi  les  Egyptiens  de 
Pélufe  ,  fe  répandit  à  Alexandrie  ,  dans  le 
refi:e  de  l'Egypte ,  &:  dans  ces  parties  de  la 
Paleftine  qui  confinent  à  l'Egypte  3  enfuite 
avançant  toujours  avec  une  marche  réglée  , 
elle  parcourut  le  monde  ,  comme  fi  elle 
eût  eu  pour  but  de  travailler  fùccefiîvement 
à  tout  ravager.  La  terre-ferme  ,  les  îles  , 
les  cavernes  ,  les  fommets  des  montagnes  , 
tous  les  lieux  où  il  y  avoit  des  hommes  , 
en  furent  infectés.  Des  côtes  de  la  mer  , 
elle  s'étendit  fur  les  terres  3  &  quand  elle 
fautoit  pardeflbs  un  paj'S  ,  on  n'a  voit  pas 
long- temps  fu jet  de  s'en  féliciter  ,  elle 
retournoit  enfuite  fur  fes  pas  :  dès  la  fé- 
conde année  ,  vers  le  milieu  du  printemps, 
elle  fe  fit  jour  à  Conftantinople ,  où  Pro- 
cope demeuroit  alors. 

Plufieurs  perfbnnes  attaquées  du  mal , 
croyoient  voir  des  apparitions  d'efprits  , 
en  toutes  fortes  de  formes  humaines  j 
d'autres  s'imaginoientque  les  hommes  qu'ils 
rencontroient  les  frappoient  en  quelque 
partie  de  leur  corps  j  d'autres  croyoient 
dans  leurs  vifions  entendre  une  voix  qui 
leur  crioit  ,  qu'ils  étoient  marqués  dans 
le  livre  des  morts  j  d'autres  fe  réfugioient 
dans  les  églifes  ,  où  ils  périflbient.  Plu- 
fieurs ,  fans  aucun  fymptome  précurfeur  de 
maladie  ,  étoient  pris  fubitement  d'une 
forte  de  fièvre  ,  qui  n'annonçoit  par  le  pouls 
aucun  danger  j  cependant  ils  étoient  em- 
portés par  un  bubon  qui  fe  formoit,  tantôt 
plutôt ,  tantôt  plus  tard  ,  ou  à  laine  ou 
à  l'ailfelle  ,  ou  fous  l'oreille ,  ou  en  d'autres 
parties  du  corps. 

On  remarqua  dans  cette  maladie,  une 
grande  diverfité  de  fymptomes.  Les  uns 
tomboient  dans  un  alToupifl^ement  profond  ; 
d'autres  étoient  agités  d'une  frénéfie 
violente  3  quelques-uns  demandoient  à 
manger ,  Se  quelques  autres  dégoûtés  de 
toute  nourriture  ,  mouroient  d'inanition» 
Dans  certains  temps  ,  ni  médecin  ,  ni 
garde,  ni  foffoyeur  ne  gagnoif  la  maladie 
auprès  des  malades  &  des  morts  3  ils  con- 
tinuoient  à  jouir  d'une  fanté  parfaite  y 
quoiqu'ils  foignafl^nt  &  cnfeveliifent  des 
perfonnes  infedtées  3  d'autres  au  contraire 
gaguoiem  la  maladie  fans  ihvoir  comment. 


53^  P  E  S 

&  eu  moiiroient  incontinent.  Plufieurs,  fans 
être  altérés  de  foif ,  fe  jetoient  dans  l'eau 
douce  ou  dans  la  mer.  Quelques-uns  ,  ians 
avoir  eu  d'affoupiffement  ou  d'attaque  de 
frénéfie  ,  avoient  des  bubons  gangrenés  , 
&:  expiroient  dans  les  douleurs  j  d  autres 
fîniffoient  leurs  jours  par  im  vomilîement 
de  fcLug. 

Quelques  médecins  conjeâurant  que  le 
yeniîi  de  la  maladie  confiftoit  dans  les 
ulcères  peftilentiels ,  ouvrirent  ces  ulcères 
dans  les  corps  morts  ,  &  y  trouvèrent  un 
charbon  énorme.  Ceux  dont  le  corps  étoit 
taché  de  petits  boutons  noirs  de  la  groi^ 
feur  d'une  lentille  ,  ne  vivoient  pas  un 
jour.  Quelques  uns  ,  entièrement  abandon- 
nés des  médecins ,  fe  rétablifToient  contre 
toute  attente  j  d'autres ,  de  la  guérifon  def- 
quels  ils  fe  croyoient  sûrs ,  périffoient  fou- 
dainement.  Le  bain  fit  du  bien  à  quelques- 
uns  ,  il  nuifit  à  d'autres;  ceux-ci  moururent 
par  les  remèdes,  &  ceux-là  échappèrent 
uns  en  avoir  ufë.  En  un  mot  ,  il  n'étoit 
pas  poflible  de  trouver  aucune  méthode 
pour  conferver  la  vie  des  hommes  ,  foit 
en  prévenant  le  mal ,  foit  en  le  dom^ant , 
n'y  ayant  aucune  caufè  apparente  à  la- 
quelle on  pût  attribuer  la  maladie  ou  fa 
guérilon. 

Les  femmes  enceintes  qui  en  étoicnt 
frappées ,  mouroient  ,  les  unes  en  faifant 
de  fauffes  couches  ;,  &  d'autres  délivrées 
iieureufèment ,  périiToient  également  avec 
leurs  enfans  *,  on  vit  peu  d'exemples  du 
contraire.  Les  malades  dont  les  ulcères 
ouverts  couloient  abondamment  ,  réchap- 
poient  pour  l'ordinaire ,  la  violence  du 
eharbon  étant  adoucie  par  l'écoulement  ;, 
mais  ceux  dont  les  ulcères  reftoient  dans  le 
même  état  qu'ds  avoient  paru  d'abord  , 
périlfoient  prefque  toujours.  Quelques-uns 
eurent  les  cuilfes  delféchées  ,  fans  que  les 
ulcères  eulfsnt  flaé  ;  d'autres  échappèrent 
de  la  maladie  avec  la  langue  mutilée ,  <k.  ne 
purent  pendant  le  relie  de  leur  vie  articuler 
que  des  fons  confus. 

Cette  peffe  dura  quatre  mois  à  Conftan- 
tinople  ,  d'abord  avec  alfez  de  béni-^nité  , 
mais  enfuite  avec  tant  de  fureur  ,  que  le 
nombre  des  morts  monta  julqu'à  dix  mille 
perfbanes  en  un  jour.  Au  commencement  , 
on  les  enfeveliifjit  foigueufemeiit ,  mais 


'     P  E  S 

à  la  fin  tout  tomba  dans  la  dernière  con- 
fufion  :  les  domeftiqi^  n'avoient  pas  de 
maîtres  ,  &  les  perlomies  riches  n'avoient 
point  de  domelliques  pour  les  fervir.  Dans 
cette  ville  affligée  ,  on  ne  voyoit  que  mai- 
fons  vuides  ,  &  que  magaiins  &  boutiques 
qu'on  n'ouvroit  plus  ;  tout  commerce  pour 
la    fubfiftance  même  étoit  anéanti. 

L'empereur  chargea  Théodore  ,  l'un  de 
Ces  référendaires  ,  de  tirer  du  tréfor  l'argent 
nécelfaire  pour  en  diitribuer  à  ceux  qui 
étoient  dans  le  befoin  •/  mais  ce  n'étoit-là 
qu'une  foible  relfource.  Procope  ajoute  que 
plufieurs  malheureux,  frappés  d'épouvante  , 
quittèrent  leur  mauvaife  vie  ,  tandis  que 
d'autres  retournèrent  à  leurs  déréglemeus 
aufli-tôt  que  le  danger  fut  pallë. 

Il  réfulte  de  tout  ce  détail ,  que  quoique 
cette  pefie  ait  duré  cinquante-deux  ans  , 
en  changeant  fouvcnt  de  fymptomes  , 
fuiyant  les  pays  ;  cependant  la  defcription 
d'Evagre  diifere  eu  peu  de  choies  eifentielles 

de  celle  de  Procope Mais  comme  l'hif- 

toire  de  Procope  étoit  connue  de  tout  le 
monde  ,  Evagre  eut  tort  d'avancer  que 
cette  maladie  n'avoit  pas  été  décrite  avant 
lui.  On  ne  peut  pas  douter  que  fa  defcrip- 
tion &  celle  de  Procope  ne  regardent  la 
même  pe/Ic  ,  laquelle  ,  au  rapport  d'Aga- 
thias ,  commença  la  cinquième  année  (  il 
faudroit  lire  la  quinzième  année  de  Jufti- 
nien.  )  Procope  l'a  décrite  telle  qu'elle 
parut  à  Conftantinople  la  féconde  année , 
ÔL  Evagre  en  parle  conformément  à  ce 
qu'elle  étoit  plufieurs  années  après  ;  c'efi: 
cette  différence  de  temps  &  de  lieux  ,  qui 
fait  apparemment  la  principale  caufc  de 
la  différence  qui  fe  trouve  quelquefois  dans 
hs  defcriptions  de  ces  deux  hiiloriens. 

Evagre  ,  par  exemple  ,  rapporte  une 
circonffancc  très  -  furprenante  ,  qu'on  ne 
lit  point  dans  Procope  ;  favoir  ,  qu'aucune 
perfonne  native  des  villes  attaqu-ées  ,  quel- 
qu'éîoignée  qu'elle  fût  du  lieu  où  étoit 
la  maladie  ,  n'échappoit  pourtant  à  fa  fu  • 
reur  j  ces  mots  aucune  perfonne  pris  à 
la  rigueur  de  la  lettre  ,  détruifent  toute 
croyance  ;  mais  fi  l'on  interprète  fon  récit 
par  un  très-grand  nombre  de  perfonnes  , 
il  ne  fera  point  fiifpeâ:  de  faulfeté  pour 
ceux  qui  n'ignorent  pas  des  exemples  iem^ 
biables  que  rapportent  les  hiftoriens  dans 

des 


P  E  s 

des  temps  plus  modernes  ,  au  fujet  de  la 
fueur  angloiiè  ,  genre  de  p^fle  qui  vint  à 
éclore  dans  la  r-nncipauré  de  Galles  en 
14.83  ,  ravagea  l'Angleterre  ,  fe  répandi; 
en  Allemagne  ,  reparut  à  Londres  en  1 5  5  ^ 
pour  la  cinquième  fois  ,  attaqua  quantité  de 
naturels  anglois  dans  les  pays  étrangers  , 
&  épargna  prelque  tous  les  étrangers  éta- 
blis en  Angleterre.  V.  SUEUR  ANGLOISE. 
(  Le  chevalier  DE  J  AU  COURT.  ) 

§  Peste  ,  (  Médecine.  )  Remèdes 
contre  la  pefle.  Prenez  tous  les  matins  une 
goutte  d'elfence  de  cannelle  av«c  une  paille  , 
mettez-la  dans  un  verre  demi-plein  de  vin 
ou  d'eau  ,   &  buvez  le  tout. 

Prenez  des  noifettes  de  genièvre  ,  faites- 
les  tremper  dans  de  l'eau-de-vie  jufqu'à  ce 
qu'elle  en  ait  tiré  l'acàmonie  ;  &  après  les 
avoir  fait  fécher  à  l'ombre  ,  confifez-les  au 
lucre  ou  au  miel ,  &  mangez-en  trois  tous 
\ts  matins. 

Prenez  du  Jus  de  limon  ,  &  faites  dilTou- 
dre  dans  icelui  de  l'or  en  feuille  :  buvez-en 
k  matin  en  temps  de  contagion. 

Prenez  trois  figues ,  trois  noix  rôties , 
&  un  petit  rameau  de  rue ,  &  les  mangez 
enfemble  tous  les  matins. 

Prenez  du  tabac  le  matin  ;  &  fi  vous  ne 
l'aimez  point ,  parfumez-en  votre  chambre  ; 
fa  fumée  purifie  grandement  l'air. 

Il  eft  bon  aufli  de  fe  laver  fouvent 
les  mains  &  les  tempes  avec  de  bon 
vinaigre. 

Pour  la  tumeur ,  lorfqu'elle  eft  formée ,  il 
n'eft  fîén  de  plus  excellent  que  la  carcafle 
d'un  crapaud  ,  laquelle  il  faut  préparer  de 
cette  façon  :  pendez  en  l'air  le  crapaud  ,  il 
vomira  petit  à  petit  fon  venin  avec  fa  bave , 
&  enfin  il  fe  féehcra  '-,  après  qu'il  fera  fec , 
tellement  qu'il  ne  lui  refiera  que  le  cuir , 
prenez-le  &  l'appliquez  fur  la  tumeur ,  il 
attirera  tout  le  venin,  en  deviendra  enflé 
comme  s'il  ctoit  derechef  vivant ,  &  fera 
un  effet  merveilleux. 

Il  eft  bon  de  fe  tenir  purgé  ,  car  c'eft  un 
grand  préfervatif  contre  la  contagion. 

Mettez  du  fel  dans  du  vin  à  propor- 
tion )  faitez-les  demeurer  enfemble  toute 
une  nuit  ;  après  ,  coulez-le  bien  ,  &  le 
paflez  par  un  linge ,  &  prenez-en  chaque 
matin.  {Article  tire' des  papiers  de  M,  DE 
Mairan.  ) 

Tome  XXV. 


P  ES  537 

PESTI  ,  (  Géogr.  )  village  à  dix -huit 
lieues  de  Naples  ,  dans  le  golte  de  Salerne  , 
>ù  l'on  trouve  de  très-beaux  relies  d'anti- 
Tuités  ,  long- temps  ignorés  ,  parce  qu*ils 
ont  détournés  de  la  route  ordinaire. 
.  Pceflum  y  enfuite  Pojjidoma  ,  étoit  à 
l'extrémité  occidentale  de  la  Lucanie  ,  & 
donnoit  fon  nom  au  goKçPceflanius  Sinus, 
Solon  dit  que  c'éfoit  une  ville  des  anciens 
Doriens  ;  d'autres  dilént  qu'elle  avoit  été 
fondée  parles  Sibarites.  Strabon  parle  d'un 
fameux  temple  de  Junon  ,  fondé  par  Jafon  , 
à  l'embouchure  du  Silo  ,  qui  eft^  à  deux 
lieues  d«  Pefii  ,  &  il  nous  apprend  qua 
cette  ville  fut  envahie  par  les  Saranites, 

M.  Grolley  raconte  qu'un  jeune  élevé 
d'un  peintre  de  Naples  ,  fur  le  premier 
qui  ,  en  1755  ,  réveilla  l'attention  des 
curieux  fur  les  relies  précieux  d'architec- 
ture qu'on  y  voit.  M.  Morghan  ,  en  1767  , 
les  a  tait  graver  en  fix  feuilles ,  dont  M.  de 
la  Lande  a  donné  un  extrait  en  une  feule 
planche. 

La  troifieme  feuille  de  M.  Morghan  repr^ 
fente  les  trois  temples ,  vus  de  près  par  ua 
obfèrvateur.  Les  temples  font  découverts  en 
defTus  ,  il  y  a  encore  des  colonnes  tout  au- 
tour; les  entablemens  ,  les  frontons  même 
font  encore  en  place  :  l'architedure  ,  qui  efl 
du  meilleur  goût  &  du  plus  beau  temps 
de  la  Grèce ,  peut  aller  de  pair  avec  les 
raonumens  d'Athènes  dont  M.  le  Roi, 
de  l'académie  royale  d'architedure  ,  nous  a 
donné  les  gravures  ,  &  qui  ont  été  publiées 
poflérieurement  en  Angleterre.  On  vient 
de  publier  encore  à  Londres  de  belles  gra- 
vures des  monumens  de  Pœfium  y  avec  des 
explications  ,  en  '^'](>'7.  Voyage  d^ Italie  , 
tome  VII.   Voye\  Pe  s  tu  m. 

Cette  ville  fut  pillée  par  les  Sarrafins  en 
930 ,  faccagée  &  prefque  détruite  par  les 
Guilcards  en  1080 ,  Robert  Guifcard  dé- 
molit les  anciens  édifices,  &  enleva  les 
magnifiques  colonnes  de  marbre  verd  anti- 
que pour  en  décorer  une  églile  ;  depuis  ce 
temps  elle  n'efl  point  relevée  de  (qs  ruines, 
un  lèul  fermier  les  fertihfé  &  s'y  eft  éta* 
bli  Le  libraire  Jombert  a  imprimé  à  Paris 
les  ruines  de  Pefii  ,  avec  18  plans,  en 
1769.  (C) 

PESTIFÉRÉ  ,  adi.  (  Gramm,  )  qui  eft 
attaqué  de  la  pefte.  Voye\  Peste. 

Yyy 


53^  PES 

PESTILENCE ,  ï.  f.  en  Médecine^  c'efi' 
une  maladie  épidémlque  ,  maligne  &  con- 
tagicufe  ,  ordinairement  mortelle  ,  connue 
vulgairement  fous  le  nom  de  pefte.  Voyei 
Peste. 

Ce  mot  efl  formé  du  latin  pejiis  ,  qui 
fignifi"  la  même  choie. 

Maiion  de  pefie  ;  c'eft  un  lazaret  ou  une 
infirmerie ,  où  l'on  met  en  dépôt  &  où  l'on 
a  foin  des  mapchandifes  des  perfonnes  ,  &c. 
infedées  ,  ou  que  l'on  foupçonne  infeâées 
de  quelque  maladie  contagieufe.  l^oyei 
Lazaret. 

PESTILENTIEL,  adj.  (Mededm.) 
fe  dit  en  médecine  des  maladies ,  de  l'air 
&  desalimens  ;  on  dit  un  z\ï  pefiiientiel  , 
un  aliment  cmpeftc. 

La  maladie  peflilentielle  eft  urie  maladie 
épidémique  ,  dont  il  meurt  plus  de  monde 
qu'il  n'en  réchappe  ,  &  dont  les  malades 
meurent  plus  promptem-ent  que  dans  les 
maladies  épidémiques  ordinaires^  Les  fignes 
propres  &  caradériftiques  de  la  maladie  ou 
Bsvre  pejhlentielle  ou  de  lapeftilence  ,  font  : 
iP.  l'épidémie  '-,  2,°.  la  mortalité  ;  3^  les 
accidens  ,  tels  que  les  bubons  ,  les  char- 
bons ,  le  pourpre ,  la  moUeflê  ,  l'abatte- 
ment de  tout  le  corps  ;  ^^.  la  cauie  qui  gît 
dans  le  vice  de  l'air  &  des  alimens. 

Ce  font  ces  quatre- conditions  ,  l'épidé- 
micité  ,.la  mortalité ,  la  q'jalité  des  accidens 
&  la  caufe  commune  ,  qui  conftitucnt  le 
caradere  des  maladies  peftilentielles  ;  ces 
quatre  conditions-  fe  rencontrent  fouvent 
dans  les  fièvres  malignes,  dans  les  fièvres 
continues  à  redoub-lement  ,  dans  les  périp- 
neumonies  ,  dans  les  pleuréfies  ,  les  dyl- 
iènteries  ,  les  petites  véroles ,  Ùc.  &  alors 
CCS  maladies  font  peflilentielles. 

Les  m-A^diQs.  pefiilentielles  dif^rent  de 
la  pefte ,  en  ce  que  l'épidémie  eft  plus  géné- 
rale dans  celk-ci ,  2°.  en  ce  que  la  mor- 
talité y  efl  auffi  plus  grande  '-,  4''.  en  ce  que 
les  accidens  font  plus  violens  dans  la  pefte  ; 
&  enfin  la  caufe  de  la  pefte  eft  différente  , 
car  elle  eft  produite  par  une  infedionparti- 
culiere.  Voye^VESTE. 

La,  caufe  de  la  fièvre  peflilentielle  y   cft" 
;Une  caufe  épidéniiquc  &  fouvent  fporadique , 
jointe  à  une  caufe  particulière  qui  eft  l'infec- 
tion ;  c'eft  ainfi  qu'une  fièvre  maligne  fim- 
ple  qui  attaquera  diâcrens.  habitans  d'une. 


P  E  S 

ville  ,  deviendra  fporadique  ,  &  fouvent  épi- 
démique ;  &  'il  l'infection  particulière  ,  foie 
de  l'air ,  foit  des  alimens ,  fe  joint  à  cette 
fièvre  maligne  ,  elle  (hrapefiHentielle  ;  c'eft 
ainfi  que  la  peftilence  accompagne  la  ficvre 
continue  à  redoublement ,  la  pleuréfie  ,  les 
dyflenteries  ,  les'péripneumonies  ,  la  petite 
vérole  ,  la  rougeole  &  le  pourpre. 

La  pefte  au  contraire ,  eft  toujours  caufée 
par  la  feule  infedion  particulière  fans  cauic 
fporadique  :  les  fymptomes  de  la  fièvre 
peftik miellé  font  :  1°.  l'abattement  des  for- 
ces ,  d'où  dépendent  le  défaut  de  la  refpira- 
tion  ,  la  foiblefle ,  l'intermittence  &:  i'inter- 
cadencedu  pouls. 

^^.  Des  naufées  ,  des  eardialgies  ,  des 
vomiflemens ,  par  'le  vice  de  l'eftomac  où 
les  ofcillations  pèchent ,  &  où  les  bouillorrs 
même  s'aigriftent  ou  fe  corrompent. 

3°-.  Des  urines  troubles  ^  graftes ,  où 
l'huile  eft  comme  par  flocons  ,  par  la  laxité 
des  tuyaux  fecrétoires  des  reins. 

4°.  Des  fueurs  colliquatives  ,  aigres, 
graftes  &  fétides  par  la  même  caufe. 

5*.  Des  bubons  aux  aines  oti  aux  aiflel- 
les  ,  des  charbons  ,  des  lanières  de  pourpre^, 
noires  ou  violettes ,  ou  bleues  ;  l'âcre^é 
des  humeurs  &  leur  épaiffiftement  pro- 
duiiènt  ces  differens  accidens.  J^ojei^ 
Bubons. 

6°.  La  gangrené feche  &  la  mollefîe  des 
membres  après  la  mort.  Voy.  GANGRENE, 
SECHE. 

7°.  Des  déjedions  fanglantes  par  les  fel- 
les  ,  des  excrétions  de  fang  par  les  urines 
&  par  la  fueur. 

Pronofiic.  La  fièvre  pefiilentielle  eft 
.très-funefte  ,  en  effet ,  on  n'en  connoît 
point  le  caradere  ;  on  ne  peut  y  employer 
les  remèdes  ordiiîaires  aux  autres  mala- 
dies, fans  une  crainte  infinie  &  un  ména- 
gement inconcevable.  Le  pronoftic  n'eft 
.d'ailleunsq.ue  trop  vérifié  ,  par  l'expérience 
funefte  que  nous  donne  le  nombre  de 
malades  qui  périftent  de  cette  maladie  ; 
cependant  le  pronoftic  varie  félon  le  degré 
de  la  peftilence  ,  félon  le  nombre  &  la 
violence  des  fymptomes  ,  félon  le  dénatu- 
rement  du  fang  ,  félon  que  la  maladie 
fporadique  domine  fur  la  peftilence  ,  ou 
que  la  peftilence.  prend  ■  le  delTus  fur  ia 
i  maladie  fgoradiquç,. 


P  E  s 

Voici  ce  qui  doit  régler  le  pfonofîic  : 

I".  Plus  l'épidémie  ell  grande  ,  plus  il  y  r- 
des  malades  arraqués  en  même  temps  ,  plu- 
la  ^peflilence  efl  à  craindre. 

2°.  PJus  la  mortalité  ei\  grande  ,  &  plus 
le  danger  eft  grand. 

3^*.  La  violence  &  le  nombre  des  acci- 
dens,  la  gangrené  des  parties  extérieures  , 
l'intermittence  &  l'intercndence  fuivies 
dans  le  pouls,  font  des  fignes  très-dan- 
gereux. 

Curation.  La  peflilence  ou  la  fièvre 
peflilentielle  ell  très-difficile  à  traiter  ;  elle 
prélente  cependant  deux  indications,  celle 
de  la  maladie  fporadique  ou  de  l'épidémie  , 
&  celle  de  la  pertiience.  Le  fenrimenr 
des  médecins  eft  partagé  fur  l'adminiflra- 
tion  de  la  faignée  &  de  la  purgation  :  mais 
fi  nous  diftinguons  nos  chets  d'indication 
&  difîerens  degrés  dans  la  maladie,  nous 
verrons  que  l'on  peut  faigner  dans  cts 
maladies ,  mais  moins  que  dans  les  mala- 
dies inflammatoires  ordinaires  ;  il  en  lera 
de  même  de  la  purgation.  D'ailleurs , 
quoique  ks  cordiaux  foient  confeilLés  par 
le  plus  grand  nomtre ,  il  eft  cependant 
prouvé  par  l'expérience  qu'ils  nuifent  fort 
fouvent ,  &  qu'il  périt  plus  de  perfbnnes 
par  les  cordiaux  que  par  l'ufage  des  autres 
remèdes  j  nous  fbmmes  donc  de  l'avis 
fuivant. 

I*.  On  faignera  ,  s'il  y  a  inflammation  , 
comme  péripneumonie  ,  pleuréfie ,  ^c.  s'il 
y  a  douleur  locale  ,  ou  cfÊrvefcence  conli- 
dérable  dans  le  fang  ;  li  le  pouls  eft  plein  , 
fort  &  tendu  ;  mais  comme  il  y  a  pefti- 
lence  ,  on  faignera  de  façon  que  l'on  modé- 
rera le  nombre  &  la  quantité  des  (aignées  : 
hors  ces  cas ,  on  ne  doit  point  faigner  du 
tout. 

2P.  On  purg:ra  pour  vuider  les  premières 
voies  ,  pour  détourner  le  venin  fur  le  bas- 
ventre  ,  &  le  jeter  par  les  felles  ;  on 
emploiera  les  purgatifs ,  &  même  l'éméti- 
que  ;  on  tiendra  le  ventre  libre  en  donnant 
de  temps  à  autre  des  cathartiques  ;  mais 
la  foibleffc  contre  -  indique  ces  remèdes  ; 
&  il  faut  remarquer  qu'elle  augmente  alfez 
ibuvent  par  la  iàignéc  &  les  purgatifs , 
au  lieu  qu'elle  diminue  dans  les  autres 
maladies.  Ceci  mérite  une  attention  fin- 
jgulicre. 


p  E  s  5^9 

Le  remède  contre  cette  foiblefl^e  eft 
l'antidote  ou  le  fpécifique  propre  contre  la 
peftilence  ^  mais  quel  eft  ce  fpécifique? 
C'eft  ce  qu'on  clierche  depuis  long- temps 
•  ans  le  trouver.  Les  quatre  alexipharma- 
ques  ,  les  confedions  d'alkermès  &  d'hya- 
cinthe ,  la  thénaque  &  l'orviétan  ,  les  efpritsi 
volatils  tirés  des  animaux  '-,  les  cordiaux 
acides  font  mêlés  avec  les  précédens  ,  ou 
donnés  féparément  ;  on  remarque  en  gé- 
néral qu'ils  ne  caufent  pas  une  fi  grande 
dilTolution  du  fàng  ;  ainfi  on  peut  employer 
en  même  temps  que  les  remèdes  généraux,- 
la  pption  fui  vante. 

Potion  antipejiilentielle.  Prenez  des  eaux 
de  chardon-bénit  ,  de  reine-des-prés  & 
d'angélique  ,  de  chaque  deux  onces  ; 
d'eau  thériacale  de  Baudron  ,  de  vinai- 
gre thériacal  ,  de  l'etprit  de  citron  y 
de  chaque  cinq  gros  ;  de  firop  d'œiilet  , 
une  once  :  faites  une  potion  du  tour  , 
dont  on  donnera  par  cuillerée  pour 
foutenir  le  .pouls  &  procurer  une  douce 
moiteur. 

On  peut  employer  la  thériaque ,  la  poudre 
de  vipère  ,  l'antidote  de  Tichobrahé.  Voy, 
ces  articles. 

Enfin  ,  on  applique  les  véficatoires  &  \ts 
ventoufes. 

Quant  aux  amulettes  ,  voje:^  AMU- 
LETTES. 

Le  régime  doit  être  proportionné  à  l'état 
du  mal;  il  doit  erre  analeptique,  reftau- 
rant  &  foutcnu  par  les  antiputrides.  V^oye\ 
Peste. 

PET ,  f.  m.  air  qui  fe  fépare  dans  les 
inteftins ,  &  qui  s'échappe  avec  bruit  par 
Panus.  C'eft  un  eftèt  de  la  digeftion, 
de  la  qualité  des  aHmens  ,  du  froid ,  du 
chaud  ,   O-c. 

Les  anciens  avoient  le  dieu  Pet. 

Pet  ,  (  Cuijine.  )  efpece  de  petits 
beignets  ronds ,  faits  de  farine  ,  de  lait , 
de  lucre  &  de  jaunes  d'œufs  délayés  en- 
femble. 

PETA,  Ç.Ï.  {Mythologie.)  déeffedela 
demande.  Son  nom  vient  du  verbe />e^o, 
demander. 

PÉT  AGUEI ,  (  Geogr.  mod.  )  pays  de 

l'Amérique  méridionale  au  Bréfil ,   borné 

nord  par  le  pays  de  Dele  &  par  la  mer  ; 

fud ,  par  la  capitainerie   de  Rio-grandcj 

Yyy  Z 


540  PET 

ouefi ,  par  les  Tupuyes.,  Il  y  a  des  mines 
d'argent  dans  cette  contrée. 

PETALE  ,  f.  m.  petalum  ;  on  a  donné 
ce  nom  aux  feuilles  de  la  fleur  des  plantes  , 
pour  les  diftinguer  des  vraies  feuilles.  Les 
pétales  font  ordinairement  les  plus  belles 
parties  des  plantes  ,  tant  par  leur  couleur 
que  par  leur  forme  ;  ils  tombent  facile- 
ment d'eux-mêmes  ;  jamais  ils  ne  de- 
viennent l'enveloppe  de  la  femence. 
Quoique  les  feuilles  de  la  fleur  de  l'el- 
lébore n'aient  qu'une  couleur  verte ,  & 
qu'elles  ne  tombent  pas  ,  elles  font  cen- 
iëes  être  de  vrais  piftaks  ,  parce  qu'elles 
ne  font  pas  l'enveloppe  du  fruit.  Voyei^^ 
Fleur. 

PETÀLISME ,  (  Hift.  anc.)  La  crainte 
que  l'on  avoit  à  Athènes  des  citoyens  trop 
puiilâns,  &  dont  le  crédit  s'établifloir  auprès 
du  peuple  ,  fit  introduire  dans  cette  répu- 
blique l'oilracifme  ,  voyei  OSTE-ACISME. 
Un  ufage  femblable  fut  établi  à  Syraculé  ; 
on  le  nomma  pétalif  me  y  parce  qu'on  écri- 
voit  le  nom  de  celui  qu'on  vouloit  bannir 
fur  une  feuille  d'olivier.  Ce  mot  vient  du 
mot  grec  T-^«t^o  .  Le  pétalifme  étoit  une 
jnftitution  beaucoup  plus  inique  &  rigou- 
reufe  que  foltrac  irae  même  ,  vu  que  les 
principau-x  citoyens  de  Syracufe  fe  ban- 
niflbient  les  uns  les  autres  en  fe  mettant 
une  feuille  d'olivier  dans  la  main..  La  loi 
du />eW////7e  parut  fi  dure  ,.  que  la  plupart 
àts  citoyens  diflingués  de  Syracufe  pre- 
noient  le  parti  de  la  fuite  aufli-tôi  qu'ils 
craignoient  que  leur  mérite  ou  leurs 
richeffes  ne  fifî'ent  ombrage  à  leurs  con- 
citoyens '-,  par-là  la  république  fe  trouvoit 
privée  de  fes  membres  les  plus  utiles. 
On  ne  tarda  point  à  s'appercevoir  de 
ces  inconveniens  ,  &  le  peuple  fut  obligé 
lui-même  d'abolir  tme  loi  JÛ  funelle  à  la 
fociété. 

PETALODE,  adi.(Af<î'./ec.) Ceftun 
nom  que  l'on  donne  à  l'urine  quand  elle 
paroît  contenir  de  petites  feuilles  &  de 
petites  bleuettes.  y^oye\  Urine. 

FETAMINAIRE,  f.  m.  {Littérature.) 
petaminwius  y  c'eft- à-dire  ,  homme  qui 
vole  en  Tair ,  de  -^i  a-f^^' ,  voler..  On  ap- 
pelloit  chez  les  Romains  pt'taminaires , 
des  fauteurs  ,  des  voltigeurs  ,  des  gens  qui 
faifoient  en  i'air  des  tgurs  de  fouplefîe , 


PET 

des  fauts  hardis  ,  périlleux  &  furprenans. 
"Le  mot  pétam inaire  fe  trouve  dans  Sylvien 
&  dans  Firmicus. 

PETARASSE  ,  f.  f  (  Marine.  )^efpece 
de  hache  à  marteau  ,  faite  du  côté  du 
taillant  comme  le  calfas  double ,  &  em- 
ployée à  pouffer  l'étoupe  dans  les  grandes" 
coutures. 

PETARD  ,  {.m.  en  terme  de  guerre  ,^ 
eft  une  forte  de  canon  de  métal ,  qui 
reffemble  un  peu  à  un  chapeau  haut  de 
forme  ,  ou  plus  exaftemcnt  à  un  cône  tron- 
qué. Il  fert  à  rompre  les  portes ,  les  bar- 
ricades ou  barrières  ,  les  ponts-levis  ,  & 
tous  les  autres  ouvrages  que  l'on  a  defîcin 
de  furprendre. 

On  peut  confidérer  le  pétard  comme 
une  pièce  d'artillerie  fort  courte ,  étroite 
par  la  culaffe  ,  &  large  par  l'ouverture. 
Elle  ell:  faite  de  rofette  mêlée  avec'  wa 
peu  de  cuivre.  On  en  fait  aufli  de  plomb 
&  d'étain  mêlés  enfemble.  Il  efl  ordinai- 
rement long  de  fept  pouces  ,  &  large  de 
cinq  à  fa  bouche  y  pefant  quarante  à  cin- 
quante livres. 

Sa  charge  efl  de  cinq  à  fix  livres  de, 
poudre  :  on  ne  le  charge  qu'à  troL>  doigts 
de  la  bouche,  le  relie  fe  remplit  d'étoupe  ,. 
&  on  l'arrête  avec  un  tampon  de  bois.  Oa 
couvre  la  bouche  d\me  toile  que  l'on  ferre 
bien  fort  avec  une  corde  ',  on  le  recouvre 
d'un  madrier  ou  d'une  planche  de  bois  , 
dans  laquelle  on  a  pratiqué  une  cavité  pour 
recevoir  la  bouche  du  pétard  ;^  &  on  l'at- 
tache en  bas  avec  des  cordes  ,  ainli  qu'il- 
eff  exprimé  dans  nos  planches. 

Il  efl  d'ufage  dans  les  attaques  cîandefli- 
nés  ;  il  ferf  à  rompre  les  portes ,  les  ponts  ,, 
les  carrières  ,  Ùc.  auxquelles  on  l'attache  ; 
ce  qui  fe  fait  par  le  miyen  d'une  planche 
de  bois.  On  s'en  fert  aufli  dans, les  contre- 
mines  pour  briler  les  galeries  ennemies  ,  & 
.  pour  en  éventer  les  mines. 

Au  lieu  de  poudre  à  canon- pour  charger 
cette  arme  ,  quelques-uns  fe  fervent  de  la' 
compoÊtion  fuivante  ;  favoir,  Çc'^t  livre» 
de  poudre  à  canon  ,  une  once  de  mercure; 
fublimé  ,,  huit  onces  de  camphre  ;  ou  biea 
fix  livres  de  poudre  à  carKjn  ,  une  demi- 
once  de  verre  broyé ,  &  trois  quarts  de 
camphre.  On  fait  aufli  quelquefois  des  pé" 
tards  d*"  ^'^*"  '    '    "'^••^eaux  de  fex*. 


PET 

On  attribue  Pinvention  des  pétards  aux 
huguenots  François  en  i579)  donj  le  plus 
îignalé  exploit  fut  la  furprife  de  la  ville 
de  Cahors  ,  ainfl  que  nous  l'apprend  d'Au- 
bigné.  Chambers. 

Pour  fe  fervir  du  pétard  ,  on  fait  en  forte 
d'approcher  de  la  porte  qu'on  veut  rompre 
fans  être  découvert  des  fentinelles  de  la 
ville  ;  &  avec  un  tire-fond  ,  ou  quelqu'autre 
înftrument  ferablable  ,  on  attache  le  ma- 
drier auquel  le  pétard  eft  joint  à  la  porte 
qu'il  s'agit  de  brifer  ;  ce  qui  étant  fait  , 
on  met  le  feu  à  la  fufëe  du  pétard  ,  la- 
quelle étant  remplie  d'une  compolition 
lente  ,  donne  le  temps  au  pétardier  ,  ou  à 
celui  qui  a  attaché  le />fVar^,  de  fe  retirer. 
La  fulée  ayant  mis  le  feu  à  la  poudre  dont 
le  pétard  eil  chargé  ,  cette  poudre  en  «'en- 
flammant preiTe  le  madrier  contre  la  porte 
avec  un  tel  effort ,  qu'il  la  brifc  ,  ou  qu'il 
y  fait  une  ouverture. 

Le  métier  de  pétardier  eft  extrêmement 
dangereux.  Peu  d'officiers  reviennent  de 
cette  force  d'expédition  ;  car  ou  des  dé- 
fenfes  qui  font  fur  la  porte ,  ou  de  celles 
qui  font  à  droite  ou  à  gauche ,  fi  ceux 
qui  font  dans  la  ville  s'apperçoivent  de 
cette  manœuvre  ,  ils  choifilfent  le  pétar- 
dier ,  &  ils  ne  le  manquent  prefque  Ja- 
mais. 

Les  artificiers  appellent  ^n^i  pétard  nne 
efpecc  de  boîce  de  fer  de  dix  pouces  de 
haut  ,  de  lept  pouces  de  diamètre  par 
en-haut  &  de  dix  pouces  par  en -bas  ,  du 
poids  de  40  à  60  livres  ,  d^nt  on  fe  ferc 
pour  enfoncer  les  herfes  &  les  partes  des 
villes  alliégées  ,  ou  des  ouvrages  où  l'on 
veut  entrer-  Le  madrier  fur  lequel  on  le 
place ,  &  où  il  ci\  attaché  avec  des  liens 
de  fer ,  eft  de  2  pies  par  fa  plus  grande 
largeur,  &  de  18  pouces  par  les  côtés  ; 
l'épaiireur  elt  d'un  noaJrier  ordinaire.  Au 
defîbus  du  maJrier  iont  des  bandes  de  fer 
pafTées  en  croix  avec  un  crochet  qui  iert  à 
attacher  le  pétard. 

Il  n'y  a  pas  d'autre  fecret  pour  l'ap- 
pliquçr  que  de  s'approcher ,  à  l'entrée  de 
la  nuit ,  avec  un  détachement  ,  le  plus 
près  de  la  place  qu'on  peut  \  de  defcendre 
dans  le  tolTé  lorfqu  il  ett  fec  ,  ou  de  trouver 
quelqu'autre  moyen  quand  il  eft  plein 
d'eau  2  ce  qui  n  ell  pas  à  la  vérité  il  facile. 


PET  541 

Peu  d'officiers  reviennent  de  ces  fortes 
d'expéditions  ,  &  il  faut  être  muni  d'une 
très-forte  réfolution  pour  prendre  une  com- 
miffion  pareille  à  celle-là. 

Lorfqu'on  veut  charger  un  pétard  qui 
aura  i  ^  pouces  de  hauteur  ,  &  6  à  7  pouces 
de  cahbre  par  l'ame  ,  il  faut  commencer 
par  le  bien  nettoyer  par- dedans  ,  &  le 
chauffer  ,  de  manière  néanmoins  que  la 
main  puiffe  en  foufi'rir  la  chaleur. 

Prendre  de  la  plus  fine  poudre  &  de  la 
meilleure  que  l'on  puiffe  trouver ,  jeter 
deflus  un  peu  d'cfprit-de-vin  ,.  la  préfenter 
au  foleil ,  ou  la  mettre  dans  un  poêle  3  & 
quand  elle  fera  bien  feche ,  la  mettre  dans 
le  pétard  de  la  manière  fuivante. 

On  palTera  dans  la  lumière  un  dégor- 
geoir que  l'on  y  fera  entrer  de  deux  pouces , 
enfuite  l'on  y  jetera  environ  deux  pouces  &: 
demi  de  haut  de  la  poudre  ci-defl'us.  Voyês^ 
Dégorgeoir. 

On  aura  enfuite.  un  morceau  de  bois- 
du  cahbre  au  pétard  y  bien  uni  parles  deux 
bouts  &  bien  arrondi  par  les  côtés  ,  qu'on 
fera  entrer  dans  le  pétard  ^  &  avec  un 
mailler  de  bois  l'on  frappera  fur  cette 
efpece  de  refouloir  fept  ou  huit  coups  pour 
preffer  la  poudre  ,  obfervant  néanmoins  de 
ne  l'écrafer  que  le  moins  qu'il  ie  pourra  '■, 
l'on  prendra  enfuite  du  fublimé ,  l'on  en 
lémera  une  pincée  fur  ce  lit  de  poudre  y 
puis  l'on  y  remettra  encore  de  la  poudre 
la  hauteur  de  deux  pouces  &  demi  ,  on 
la  refoulera  de  môme  :,  on  aura  dans  une 
fiole  grofie  comme  le  pouce ,  du  mercure 
qui  fera  couvert  d'un  limple  parchemin  , 
auquel  on  fera  lept  ou  huit  petits  trous 
avec  une  épingle  ,  &  l'on  fecoucra  trois 
ou  quatre  fois  pour  en  faire  fortir  diK 
mercure. 

L'on  fera  un  autre  Ut  de  poudre  comme 
le  premier  ,  &  l'on  y  mettra  du  fubhmé  , 
comme  on  a  fait  d'abord  ,  enfuite  un  autre 
ht  de  poudre  ,  &  encore  du  mercure,, 
comme  ci-devant  ;  ce  qui  fait  en  tout 
quatre  lits  j  le  cinquième  fera  comme  le 
premier. 

Vous  le  couvrirez  de  deux  doubles  de 
pajMer  coupés  en  rond  du  diamètre  du 
pétard  y  que  vous  mettrez  deflus  fon  ou- 
verture :  vous  mettrez  des  étoupes  par- 
deiiîjs  à  la  hauteur  d'un  pouce,  &  avec 


54*  PET 

le  morceau  dé  bois  dont  on  a  parlé,  l'on 
entoncera  le  tout  à  force. 

On  tera  un  maftic  compofé  d'une  livre 
de  brique  ou  de  tuile  bien  cuire,  que  l'on 
pulvérifera  &  tamifera  ,  &  d'une  dsmi- 
iivre  de  poix-réline  ou  colophane. 

Vous  'foez  tout  tondre  enfemblc  ,  &l 
remuerez  avec  un  bâton  ,  eniorte  que  le 
tout  (oit  bien  délayé  ,  &  vous  verferez  ce 
mélange  tout  chaud  fur  les  étoupes. 

Vous  aurez  une  plaque  de  fer  de  l'épaif- 
feur  de  4  ou  5  lignes  du  cahbre  du  pétard, 
à  laquelle  il  y  aura  trois  pointes  qui  débor- 
deront du  côté  du  madrier  ,  afin  qu'elles 
puilîent  entrer  dedans  ;  vous  apphquercz 
ce  fer  fur  le  maftic  ,  dont  le  furpius  débor- 
dera par  le  poids  du  fen 

Il  faut  que  ceJter  foit  au  niveau  du  pétard  y 
&  le  pofer  enluire  fur  votre  madrier  ,  qui 
feA  entaillé  de  quatre  à  cinq  lignes  pour 
loger  le  pétard  p  obfervant  de  taire  trois 
trous  pour  recevoir  les  trois  pointes  de  la 
plaque  de  fer  que  vous  avez  applicjuée  fur 
le  cul  du  pétard. 

Vous  remplirez  en(ùite  l'encaffrement 
de  ce  maflic  mis  bien  chaud,  &  renver- 
ferez  dans  le  moment  votre  pétard  deffus  ; 
&  comme  il  doit  y  avoir  quatre  tenons  ou 
tirans  de  fer  palTés  dans  les  anfes  pour 
arrêter  le  pétard  fur  le  madrier  ,  il  faudra 
faire  entrer  une  vis  dans  chacun  ,  &  la 
ferrer  bien  ferme  pendant  que  le  maflic 
fera  chaud  ,  afin  cle  boucher  tout  le  jour 
,qui  pourroit  Ce  trouver  dans  l'encaftrement. 

ïl  eli  bon  de  remarquer  encore  que  la 
lumière  du  pétard  le  met  quelquefois  au 
haut ,  &  quelquefois  à  un  pouce  &  demi 
au-de(îbus  ;  mais  de  quelque  manière  qu'elle 
foit  fifuée  ,  il  taut  toujours  un  porte  -  feu 
fait  de  fer  du  diamet-re  de  la  lumière , 
&  de  trois  pouces  de  longueur ,  qu'on 
.enfonce  dedans  avec  un  maillet  de  bois. 

Avant  que  de  le  placer  ,  il  faut ,  avec 
«n  dégorgeoir  d£  fer ,  dégorger  un  peu  la 
compofition  du  dedans  du  pétard  ,  &  y 
faire  entrer  cnfuite  un  peu  de  nouvelle 
compofition  ,  afin  de  donner  mieux  le  feu , 
&  avec  un  peu  plus  de  Ijenteur. 

Cette  compofition  doit  être  d'un  hui- 
tième de  poudre ,  d'un  quatrième  de  faî- 
pêtre ,  &  d'un  deuxième  de  foufre  ;  c'eft- 
4-dijre ,  que  pour  huit  onces  de  poudre  il 


PET 

faut  quatre  onces  de  falpêtre  &  deux  de 
foufre.  Qn  pulvérife  ces  trois  matières 
féparément  ;  &  après  les  avoir  mêlées  , 
on  en  charge  le  porte-feu  ,  qu'on  couvre 
avec  du  parchemin  ou  du  linge  goudronné 
pour  le  garantir  de  finjure  de  l'air. 

PÉTARD  ,  {terme  d'Artificiers.)  On 
peut  mettre  au  nombre  des  garnitures  ces 
petits  pétards  que  tont  les  enfans  dans  les 
rues  avec  du  papier  &  un  peu  de  poudre , 
qu'on  appelle  aulli  péterolles. 

Oxi  plie  une  feuille  de  gros  papier  fur 
fi  longueur  par  plis  de  ^  ^  io  Yignes  d'in- 
tervalle en  trois  plis  fuccelfifs ,  qu'on  ouvre 
enluite  pour  former  une  eipece  de  canal 
dans  lequel  on  couche  un  lit  de  poudre 
de  peu  d'épaifîeur  ,  étendue  bien  également  ; 
on  l'y  enveloppe  en  plulieurs  doubles  en 
continuant  de  plier  le  refte  de  la  feuille  , 
ce  qui  forme  un  paquet  long  &  plat  qu'on 
replie  endiite  en  travers  de  l'intervalle 
d'environ  un  pouce  &  demi  ,  par  plis 
alternatifs  en  zigzag  ,  en  façon  de  Z  d'un 
côté  &  d'autre  ,  frappant  fur  les  bords  de 
chacun  ;avec  un  marteau  dans  la  largeur 
de  2  à  3  lignes  ,  pour  écrafer  un  peu  la 
poudre  qui  s'y  trouve  ,  afin  que  le  pafïàge 
du  feu  y  étant  moins  ouvert  s'y  commu- 
nique fucceflivement  ,  &  non  pas  tout 
d'un  coup  ,  comme  il  arriveroit  fans  cette 
précaution.  Le  paquet  ainfi  réduit  à  cette 
petite  longueur  ,  doit  être  ferré  par  le 
milieu  avec  plufieurs  tours  de  ficelle  ;  & 
pour  y  mettre  le  feu  ,  on  fait  un  trou  à 
côté  de  la  ligature  qui  pénètre  jufqu'à  la 
poudre  grenée  ,  dans  lequel  on  introduit 
un  peu  de  poudre  écrafée  dans  feau  pour 
lui  fervir  d'amorce.  Il  n'eft  perfonne  qui 
n'ait  vu  l'effet  de  cet  artifice  ,  qui  efl 
tonibé  ,  pour  ainfi  dire  ,  en  mépris  ,  tant 
il  eft  commun  ,  mais  qui  a  fon  mérite 
lorlqu'on  en  joint  enfemble  une  certaine 
quantité  pour  faire  une  efçopetterie  fuc- 
ceflîve  allez  amufante. 
^  PÊTARDER  ,  V.  ad.  (  Art  milit.  > 
c'eft  attaquer  une  porte  ,  un  château  ,  par 
le  moyen  du  pétard. 

PÉTARDIER,  f.  m,  ^Art  milit.) 
officier  d'artillerie  commandé  pour  attacher 
le  pétard  &  y  mettre  le  feu. 

PÉTARRADE  ,  f  f.  (  Maréchal,  ) 
pet  de  cheval  ou  d'âne.    Ceft  aiuflî  un<ç 


PET 

ruade  que  le^  cheval  fait  lorfqu'll  efl  en 
liberté. 

PETASITE  ,  r.  f .  (  Hifi.  nat.  bot.  ) 
petajites  ;  genre  de  planre  à  Heur  en  fleu- 
rons ,  compofée  de  plufieurs  fleurons  pro- 
fondément découpés ,  &  foutenus  par  un 
calice  prefque  cylindrique  ,  &  divifé  en 
plufieurs  parties.  Chaque  fleuron  efl  placé 
fur  un  embryon  qui  devient  dans  la  luite 
une  iemence  garnie  d'une  aigrette.  Ajoutez 
aux  caraéberes  de  ce  genre  que  les  fleurs 
nailTent  avant  les  feuilles.  Tournetort , 
Jnji.  rei  herb.    Voye-{  PLANTE. 

Tournefort  établit  quatre  efpcces  de  ce 
genre  de  plante  ,  en  anglois  bucter-burr  ^ 
dont  nous  décrirons  la  grande  ou  com- 
mune ;  petafites  major  y  vulgaris  ,  /.  R.  H^ 
4-^2  ;  tujjîlago  fcapo  imbricato  thyr/ifero  y 
jiofculis  omnibus  hermaphrodids  y  Linncei. 
Hort.  ClitFort  ,411. 

La  racine  de  cette  efpece  de  pétafîte , 
ou  grand  pas-d'âne  ,  efl  grofïè  ,  longue  , 
brune  en  dehors  ,  blanche  en  dedans  , 
d'un  goCit  acre  ,  aromatique  ,  un  peu  amer  , 
&  d'une  odeur  fuave.  Elle  poufle  des  tiges 
à  la  hauteur  d'environ  un  pié  ,  de  la  groflèur 
du  doigt  ,  creufes  ,  lanugineufes  ,  revêtues 
de  quelques  petites  feuilles  étroites  ,  poin- 
tues ,  terminées  par  un  bouquet  de  fleurs 
à  fleurons  purpurins  y  &  femblables  à  de 
petits  godets  ,  taillés  en  quatre  ou  cinq 
parties  ;  tous  ces  fleurons  (ont  foutenus 
par  un  calice  prefque  cyHndrique  ,  recoupé 
jufques  vers  la  baie  en  plufieurs  quartiers. 
Les  fleurs  fe  flétrilfent  en  peu  dé  temps  , 
&  tombent  avec  leur  tige  f,  elles  font  fuivies 
par  des  femences  garnies  chacune  d'une 
aigrette. 

Après  que  la  tige  efl,  tombée,  il  s'élève 
des  feuilles  grandes  &  amples ,  prefque 
rondes  ,  un  peu  dentelées  en  leur  bord  , 
d'un  verd  brun  en  deflus ,  attachées  par 
le  milieu  à  une  queue  longue  de  plus  d'un 
pié  ,  grolfe  ,  ronde  ,,  charnue  ;  ces  feuilles 
ont  la  figure  d'un  chapeau  renverfé  ,  ou 
d'un  grand  champignon  porté  fur  la  queue. 

Cette  plante,  aime  les  lieux  humides  , 
les  bords  des  rivières  &  des  ruiflèaux  ; 
elle  fleurit  au  commencement  du  prin- 
temps ,  &  même  quelquefois  dès  le  mois 
de  février  dans  les  pays  chauds.  On  fait 
ûfage  de  la  racine  •  on  l'eflime  apéritive  , 


PET  543 

réfolutive  &  vulnéraire  ;  elle  entre  dans- 
l'orviétan  ,  &  l'emplâtre  diabotanum  de 
la  pharmacopée  de  Paris.  {D.  J.) 

PETAURE  ,  f  f.  (  Linér.  )  en  latin 
petaurum  ;  roue  pofée  en  l'air  fur  un 
aiffieu  ,  par  le  moyen  de  laquelle  deux 
hommes  fe  balançoient  l'un  l'autre.  On 
attribue  l'invention  de  cette  efpece  de  jeu' 
aux  Germains  ,  félon  Ammien  JVtarcellin. 
Manilius  en  fait  la  defcription  dans  fon 
Aftronomie  ,  Uv.  V^ 

Ad  numéros  etiam  ille  ciet  cognatd 

per  artem 
Corpora  ,  quce  valido  faliunt  excujpi 

petauro  , 
Alternofque  cient  motus  y  elatus  &  ille 
Nu  ne  jacet ,  atque  hujus  cafu  fufpen-^ 

ditur  alter. 

On  noramoit  pétaurifies  y  ceux  qui  fè 
divertifîbient  à  cet  exercice. 

PETECHIALE  (fièvre)  ,  {Méd,.) 
C*efl  une  fièvre  continue  ,  maligne,  con- 
tagieufe ,  accompagnée  de  taches  plates, 
femblables  à  des  morfures  de  puces ,  de 
différentes  couleurs  ,  &  caufées  par  une 
corruption  des  humeurs  ,  fuivie  d'une  dillb-i 
lution  putride. 

Les  malades  éprouvent  dès  le  commen- 
cement de  ces  fortes  de  fièvres  ,  de  grandes 
foibleffes  ,  &  l'épuifement  des  forces ,  la 
douleur  &  la  peianteur  de  tête ,  l'abatte- 
ment &  l'inquiétude  de  l'eiprit  ;  l'infbmnie 
continuelle  ,  la  pulfation  du  pouls,  languil^ 
fante  ,  foible  &  inégale  ,  l'oppreflion  de 
poitrine  y  les  vomiffemens  ,  &  fouvent  la 
contradion  &:  les  treflaillemcns  de  tendons. 
Plufieurs-raalades  néanmoins  ne  fe  plaignent 
que  d'un  abattement  extraordinaire,  d'une- 
grande  infbmnie ,  &  de  défaillance.  Le 
quatrième,  cinquième  ,  ou  même  le  fep- 
tieme  jour  ,  des  taches  commencent  à 
paroître,  principalement  fur  le  dos  &  les 
reins;  elles  font  plus  ou  moins  abondantes  , . 
affez  femblables  a  des  morfures ^e  puces  &: 
de  différentes  couleurs  &  figures  ,  jaunes, 
rougeâtres  ,  pourprées,  rondes  ,  lenticu- 
laires ;  on  les  nomme  pétéchies,  V.  ce  mot. 

Ces  taches  paroifïênt  fans  ardeur ,  fans 
démangeaifon  ,  fans  élévation  ,  fans  ulcé- 
ration de  la  peau  ,  &  fans  apporter  aucun 


544  PET 

fouliigement  au  malade  ,  parce  qu'elles  font 
d'une  nature  putride  ;  aufli  plus  elles  l'ont 
nombreufes  ,  plus  elles  marquent  le  degré 
de  corruption  ,  &  même  une  corrupiion 
fphacéleule  ,  lorfqu'elles  font  d'une  couleur 
livide  ,  plombée,  &  d'un  verd  noirâtre. 

Les  autres  fignes  funeiles  dans  cette 
maladie  font  une  langue  feche  ,  crevalîee, 
noiiatre,  fans  defir  de  boire;  le  goiier 
enriammé  ,  la  difficulté  d'avaler ,  le  déUre 
après  l'éruption  dts  taches  ;  l'embarras  de 
la  refpiration  ,  l'urine  fans  aucun  dépôt  ; 
s'il  lurvient  en  même  temps  des  trellail- 
kmens  dans  les  tendons  ,  l'écoulement 
involontaire  des  excrémens  ,  la  fueur 
froide  ,  &  les  convulfions ,  il  ne  Faut  point 
douter  que  la  mort  ne  ioit  prochaine. 
^  La  caull-  formelle  de  ces  fièvres  perni- 
cieufes  confille  dans  une  dillblution  pu- 
tride ,  &  dans  une  colliquation  des  hu- 
meurs ,  &  dans  une  corruption  vicieuie 
du  fluide  lymphatique  &  liibtii  qui  eil  dans 
Je  fan  g. 

Cet  état  a  d'ordinaire  pour  première 
origine  une  vapeur  nuifible  qui  pafiè  de 
l'air  dans  le  corps  par  ks  narines  ,  le 
goiier  &  les  bronches.  Ce  venin  atlcâe 
immédiatement  les  nerfs  ,  caufe  la  pelan- 
teur  de  tète  ,  &  l'abattement  des  forces. 
Il  fe  mêle  principalement  avec  la  (àlive , 
&  defcend  avec  elle  dans  le  ventricule 
&  les  inreftins  ;  d'où  naiflent  le  dégoût 
pour  les  alimens  ,  &  les  inquiétudes  par 
ia  communication  des  nerfs  des  parties 
voilines  du  cœur.  Hippocrate  a  déjà  attri- 
bué autrefois  la  première  origine  de  ces 
fièvres  contagieufés  à  la  corruption  géné- 
rale de  l'air  ou  des  humeurs  ;  delà  vient 
qu'elles  font  fréquentes  dans  les  camps  , 
&  qu'on  leur  a  donné  le  nom  de  maladies 
d'armées.  C'eft  aufli  par  la  même  raifon 
qu'elles  font  tant  de  ravages  dans  les  hô- 
pitaux ,  dans  les  vaifleaux  &  dans  les 
priions  publiques. 

Les  médecins  doivent  agir  de  concert 
avec  la  nature  ,  &  la  féconder  pour  par- 
venir à  la  guérifon  de  cette  cruelle  ma- 
ladie. Les  remèdes  volatils  &  fudorifiques  i 
augmentent    la   corruption  ,     occafioncnt  i 
un   orgaime  ,   &  abattent    les  forces  ;    il  * 
saut  donc  les  éviter.   La   bonne  méthode 
curative  confifte  à  corriger  la  putréfaâion , 


PET 

&  à  évacuer  les  humeurs  corrompues^ 
quand  elles  ibnt  en  état  d'être  évacuées, 
ce  qui  arrive  depuis  le  feptieme  jufqu'au 
quatorzième  jour.  Les  remèdes  propres  à 
cet  effet  ,  ibnt  ceux  qui  relâchent  le 
ventre  du  malade  ,  fans  y  caui'er  l'éré- 
thilme  ;  tels  font  la  manne  ,  mêlée  avec 
ia  crème  de  tartre  ;  le  firop  iblutif  de 
roies  ,  mêlé  avec  le  fel  poiycrefle  dans 
quelque  véhicule  délayant  ,  comme  le  petit 
fait ,  la  pulpe  de  tamarins  îc  autres  iem- 
blables.  La  iàignée  ne  doit  avoir  lieu  que 
dans  les  perlonnes  pléthoriques  ,  &  qui 
vivent  dans  l'abondance  de  toutes  choies. 
Les  tifanes  acidulés  font  propres  à  diminuer 
la  corruption  Aes  humeurs.  Enfin  le  régime 
antiputride  convient  dans  le  cours  &  à  la 
fin  de  ces  maladies  ,  pour  préferver  de 
dcingereuiès  rechutes  :  la  nature  elle-même 
les  guérit  quelquefois  par  des  diarrhées 
critiques  ,  qui  furviennent  le  feptieme  ,  le 
neuvième  ou  le  onzième  jour.  Quelquefois 
ces  maladies  font  populaires^  contagieufés  , 
&  preique  peffilentielles  ;  alors  le  plus  fur 
efl  d'éviter  la  contagion  en  fe  retirant  à 
temps  ,  &  en  fuyant  un  air  imprégné 
d'exhalaifons  vénéneufes.  {D.  J.) 

PETECHIES  ,  f.  f.  pi.  (  Me'dec.  ) 
petechiœ  ;  taches  rouges  ou  pourprées  , 
femblables  A  àies^  morfures  de  puces  ou 
de  coufins  ,  qui  s'élèvent  fur  la  peau  dans 
les  fièvres  malignes  &  contagieufés  ,  & 
qui  font  toujours  d'un  très-mauvais  préfage. 
Sydenham  fbupçonne  avec  raifon  qu'elles 
font  quelquefois  excitées  par  un  régime 
&  des  remèdes  trop  chauds  Quoi  qu'il  en 
fbit,  les  anciens  ont  appelle  ces  taches 
du  nom  général  ^exanthèmes  ,*  les  Italiens 
les  ont  nommées  pèdéchies  du  mot  pedc' 
chio  )  morfure  de  puce  ;  les  François  taches 
pourprées  ,*  les  Efpagnols  tabardillo ,  à 
caufe  de  leur  -couleur  rouge  jaunâtre  ;  & 
les  Allemands  lenticulaires ,  à  caufe  qu'elles 
ont  la  figure  &  la  couleur  des  lentilles  : 
ces  fortes  de  taciies  confîituent  avec  d'au- 
tres fymptomcs  les  maladies  qu'on  appelle 
fièvres pétéchiales.  Voyei^  PÉTÉCHIALE, 
fièvre  y  Médec. 

Au  refle ,  ces  taches  pétéchies  ,  &  la 
fîevrc  qui  les  accompagne  ont  été  décrites  ; 
premièrement  &  diffinâement ,  par  Fra* 
caflor,  fous  le  nom  de  lenticulce   &  de 

punclicula  ^ 


PET 

puncîîcula.  J^oye:^  fon  traité  de  morbis  con~ 
tagiofis  ,  /.  //,  cap.  vj  ù  vij.  {D.  J,) 

PÈTELIA,  ou  PETILIA  ,  {Géograph. 
anc.  )  ville  d'Italie  dans  les  terres  chez  les 
Brutiens  ,  ^elon  Pline  ,  liv.  III.  cap.  x  ,  & 
Prolomée  ,  liv.  III,  ci  ;  Virgile,  Énéid. 
liv.  III ,  V.  ^oz  y  attribue  fa  fondation  à 
Philodete  le  Troyen. 

Parya    Fhiloclstœ  fubnixa    Petilia 
muro. 

Elle  ne  demeura  pas  toujours  dans  cet 
crar  de  médiocrité ,  car  elle  devint  dans 
k  fuite  métropole  ,  ou  du  moins  l'une  des 
principales  villes  des  Brutiens.  Srabon  dit 
au  commencement  du  VI.  liv.  page  2,54  , 
que  la  ville  Petilia  étoit  regardée  comme 
la  capitale  des  Lucaniens ,  &  que  de  Ion 
temps  elle  étoit  aflez  peuplée.  li  ajoute 
qu^elle  étoit  forte  .  &  par  fa  lîtuation  & 
par  Ces  murailles.  Elle  étoit  voiiine  de 
Crotone ,  puifqu'elle  avoit  été  bâtie  dans 
le  lieu  où  eft  aujourd'hui  Strongoli ,  où 
l'on  a  trouvé  d'anciennes  infciiptions  :  dans 
Pune  on  ht  ce  mot  P<:tilia ,  &  dans  une 
autre  ceux-ci  Reip.  Petelinorum.  Elle  eft 
fameufe  dans  Phiftoire  ^  &  on  la  compare 
à  la  ville  de  Sagunte  ,  tant  pour  fa  fidélité 
envers  les  Romains ,  que  pour  fesdéfaftres; 
ce  qui  a  fait  dire  à  Silius  Italicus  ,  liv.  XII , 
V.  4SÎ. 

Fumabat  ver  fis  incenfa  Petilia  teclis  , 
Infelix   fidei   y    mijerceque   fecunda 
Sagunîo. 

(D.J.) 

*  PET-EN-L'AIR ,  f.  m.  (  Couturière.  ) 
eft  une  demi-robe  ,  ou  le  haut  d'une  robe 
ordinaire  ,  dont  la  longueur  a  enviion  un 
pié  ou  un  peu  plus  au-de(îbus  de  la  taille  , 
tant  par  devant  que  par  derrière.  Pour 
ce  qui  eft  de  la  conftruétion  de  cet  habille- 
ment de  femme  ,  on  peut  confulter  Yartrcle 
Couturière  où  Pon  explique  toutes 
les  opérations  de  la  conftrudtion  d'une 
obe. 

PÉTENUCHE  ,  fubft.  f.  {Soierie,)  om 
galette  de  cocole.  C'eft  une  bourre  de  foie 
d'une  qualité  inférieure  à  celle  qu'on  ap- 
pelle/ez/rer.  Quand  ciie  eft  filée,  teinte  , 
Tome  XXK 


8c  bien  apprêtée  ,  on  l'emploie  à  la  fabrique 
de  certaines  étoffes  ,  comme  papelines ,  6r. 
On  s'en  fert  auflî  à  faire  des  padous  ,  des 
galons  de  livrée  ,  des  lacets  ,  ôc  d'autres 
(embldbles  ouvrages. 

PÉTER  ,  v.  n.  (  Gram.)  lâcher  un  vent 
par  derrière  ,  avec  bruit.  On  dit  que  les 
liorciens  ne  fe  gênoient  pas  là-deflus  j  cela 
me  paroit  plus  des  Cyniques. 

On  dit;?e^er ,  de  tout  ce  qui  fait  un  bruit 
fubit  &  éclatant. 

Peter  ,(.  m.  {  Gram.  Hijî.  nat.  Bot.  ) 
efpece  de  nénufar  qui  croît  dans  l'eau , 
dont  la  racine  eft  attachée  à  une  fubftance 
blanche  couverte  d'une  peau  rouge,  qui  fç 
partage  en  plufieurs  gouftès  ;  il  a  le  goôt 
de  la  noifette  quand  il  eft  frais.  Son  fuc 
attaque  le  cuivre  ,  à  ce  qu'on  dit  j  cepen- 
dant il  eft  doux. 

PÉTERBOROUG  ,  (  Géog.  moderne.) 
ville  épifcopale  d'Angleterre ,  en  Nortamp- 
tonshire  ,  avec  titre  de  comté.  Elle  envoie 
deux  députés  au  parlement ,'  &  eft  fur  le 
Neu.  C'eft  un  des  fix  évêchés  établis  par 
Henri  VIII.  Longitude  ij  ,  zo  ;  latitude 

PETERKOW  ,  PETRIKOW  ,  PE- 
TRICO VIE ,  ou  PIELTRICOVV ,  (  Gécg. 
moderne.  )  petite  ville  de  Pologne  dans  la 
partie  orientale  du  palatinar  de  Siradie  , 
près  de  la  Pileza  ,  à  i6  lieues  au  nord  de 
Cracovie.  Longit.  37 ,  32, ;  latit.  52  ,  îS, 
(D.J.) 

PETERMANGEN,  (  Commerce.) 
petite  monnoie  d'Allemagne,  qui  fe  frappe 
dans  l'éledtorat  de  Trêves ,  &  fur  laquelle 
on  voit  l'image  de  l'apôtre  laint  Pierre  ; 
elle  vaut  cinq  kreutzers.  Voye^  Kreut- 

PÉTEROLLE  ,  f  f .  (  Artificier.  )  C'eft 
le  petit  artifice  des  écoliers  ,  fait  avec  un 
peu  de  poudre  renfermée  dans  une  feuille 
de  papier  repliée  de  plufieurs  plis  ,  pour 
tirer  plufieurs  coups  de  fuite. 

PETERSBOURG  ,  (  G^og.  moderne.  ) 
La  plus  nouvelle  &  la  plus  belle  ville  de 
l'empire  de  Rulïie ,  bâtie  par  le  czar  Pierre , 
en  170^  ,  à  l'orient  du  golfe  de  Finlande, 
&  à  la  jondion  de  la  Neva  5c  du  lac  de 
Ladoga. 

Pé:erJbourg  ,  capitale  de  l'Ingrie  ,  s'é- 
leve  fiir  le  golfe  de  Cronftadt ,  au  milieu 

Zzz 


S 


54^  PET 

de  neuf  bras  de  rivières  qui  divifent  Tes 
quartiers  i  un  château  occupe  le  centre  de 
la  ville  dans  une  île  formée  par  le  grand 
cours  de  la  Neva  ;  fept  canaux  tirés  des 
rivières ,  baignent  les  murs  du  palais ,  ceux 
de  Tamirauté  ,  du  chantier  ,  des  galères  , 
&  de  quelques  manufadures.  On  compte 
aujourd'hui  dans  cette  ville  trois  cents  mille 
âmes  ,  trente -cinq  églifcs  ;  &c  parmi  ces 
églifes  il  y  en  a  cinq  pour  les  étrangers  , 
foit  catholiques- romains  ,  foit  réformés, 
foit  luthériens  :  ce  font  cinq  temples  élevés  à 
la  tolérance  j  &  autant  d'exemples  donnés 
aux  autres  nations. 

'Les  deux  principaux  palais  font  l'ancien 
palais  d'été  ,  fituc  fur  la  rivière  de  Neva , 
Ôc  le  nouveau  palais  d'été  près  de  la  porte 
triomphale  ;  les  bâtimens  élevés  pour  l'ami- 
rauté ,  pour  le  corps  des  cadets ,  pour  les  col- 
lèges impériaux ,  pour  l'académie  des  fcien- 
ces  ,  la  bourfe  ,  le  maga/in  des  marchan- 
difes  j  celui  des  galères  ,  font  autant  de 
ifionumens  uriles.  La  maifon  de  la  police, 
celle  de  la  pharmacie  puWique  ,  où  tous  les 
vafes  font  de  porcelaine  ;  le  magafin  pour 
la  cour  ,  la  fonderie  ,  Parfenal ,  les  ponts , 
les  plans  ,  les  caferncs  ,  pour  la  garde  à 
cheval  ,  &  pour  les  gardes  à  pies ,  contri- 
buent à  l'embelliflemcnt  de  la  ville ,  autant 
qu'à  fa  sûreté. 

Mais  une  chofe  étonnante ,  c'eft  qu'elle 
ait  été  élevée  dans  l'efpace  de  iix  mois ,  & 
dans  le  fort  de  la  guerre.  La  difficulté  du 
terrain  qu'il  fallut  raffermir ,  l*éloignement 
des  fcGours  ,  les  obftacles  imprévus  qui 
renaifloient  à  chaque  pas  en  tout  genre  de 
travail ,  enfin  les  maladies  épidémiqucs  qui 
enlevoient  un  nombre  prodigieux  de  ma- 
nœuvres ,  rien  ne  découragea  le  fondateur. 
Ce  n'croit  à  la  vérité  qu'un  aflèmblage  de 
cabanes  avec  deux  maifons  de  briques , 
entourées  de  remparts  ;  la  confiance  ôc  le 
temps  ont  fait  le  refle. 

Il  n'efl  pas  mains  furprenant  que, ce  foit 
dans  un  terrain  défert  &  marécageux  ,  qui 
communique  à  la  terre  ferme  par  un  leul 
chemin ,  que  le  czar  Pierre  ait  élevé  Péters- 
bburg  y  atrurément  il  ne  pouvoir  choifir 
une  plus  mauvaife  pofition. 

Quoique  cette  ville  paroifïè  d'abord  une 
«îes  belles  villes  de  l'Europe  ,  on  eft  bien 
déAbufc  quand  ou  la  voit  de  près.  Outre 


PET 

le  terrain  bas  Se  marécageux  ,  une  forêt  im- 
menfe  l'environne  de  toutes  parts  ;  &  dans 
cette  forêt  ,  tout  y  efl:  mort  Se  inanimé. 
Les  matériaux  des  édifices  (ont  très -peu 
fohdes  ,  &  l'architedrure  en  eft  bâtarde. 
Les  palais  des  boyards  ou  grands  feigncurs , 
font  de  mauvais  goût  ,  mal  conftruits  &c 
mal  entretenus.  Quelqu'un  a  dit  que  par^ 
tout  ailleurs  ,  les  ruines  fe  font  d'elles- 
mêmes  ,  mais  qu'on  les  fait  à  Pétersbourg. 
Les  habirans  voient  relever  leurs  maifons 
plus  d'une  fois  en  leur  vie  ,  parce  que  les 
fondemens  ne  fout  pas  durables  faute  de 
piloris. 

Ajoutez  que  cette  ville  ôc  le  port  de 
Croniladt  ,  font  en  général  des  places  peu 
convenables  pour  la  flotte  ,  qui  eût  été 
beaucoup  mieux  à  Revel.  L'eau  douce  de 
la  Neva  fait  pourrir  les  vaifleaux  en  peu 
d'années.  La  glace  qui  ne  leur  permet  de 
fortir  que  fort  tard  dans  la  faiion ,  les  oblige 
de  rentrer  bientôt ,  &  les  expofe  à  beau- 
coup de  dangers.  Lors  mêm^e  que  la  glace 
eft  fondue  ,  les  vailîeaux  ne  peuvent  (ortir 
que  par  un  vent  d'cù  j  ôc  dans  ces  m.ers , 
il  ne  règne  prefque  que  des  vents  d'ouefi: 
pendant  tout  l'été. 

Enfin  ,  les  bâtimens  ne  peuvent  être 
conduits  des  chantiers  de  Pctcrsbourg  à 
Cronfbadt  qu'après  bien  des  périls ,  &  avec 
des  frais  très  -  coûteux  ;  mais  le  czar  fc 
plaifoit  à  vaincre  les  difliculrés ,  6c  à  forcer 
la  nature.  Il  vouloir  avoir  de  gros  vaif- 
feaux,  quoique  les  mers  pour  lefquelles  ils 
étoient  deflinés  n'y  fufiént  pas  propres  :  il 
vouloir  avoir  ces  vaifTeaux  près  de  la  ca- 
pitale qu'il  élevoit.  On  pouvoir  appliquer 
à  fa  flotte.  &  à  fa  ville  ,  ce  qui  a  été  dit 
de  Ve'rrailles  :  votre  flotte  Se  votre  ville 
"ne  feront  jamais  que  des  favoris  fans 
mérite. 

-Le  bois  de  confcruâiion  qu'on  emploie 
pour  les  vaifTeaux  de  Pétersbourg  ,- vient 
du  royaume  de  Cafan  par  les  rivières  ,  les 
lacs  Se  les  canaux  ,  qui  forment  la  commu- 
nication de  la  Baltique  avec  la  mer  Caf- 
pienne!:  ce  bois  demeure  deux  étés  en  che- 
min ,  &  ne  fe  bonifie  pas  dans  le  trajet. 

Tout  mal  fitué  qu'efl  Pétersbourg  ,  il  a 
bien  fallu  que  cette  ville  devînt  le  fiege 
du  commerce  de  la  Rufïîe  ,  dès  qu'une 
fois  le  fouverain  en  a  iait  la  capitale  dt 


PET 

Ton  empire.  Les  marchandifes  de  cet  empire 
confiitent  en  pelleteries,  chanvres,  cendres, 
poix  ,  lin  ,  bois  ,  favon  ,  fer  ôc  rhubarbe. 
On  y  voit  arriver  annuellement  80  à  90 
vailleaux  anglois ,  3c  la  balance  du  com- 
merce des  deux  nations  eft  en  faveur  de  la 
Rulîïe  ,  d'environ  cinquante  mille  livres 
fterlings.  Les  vai{reaux  hoUandois  ne  paf- 
fem  pas  poar  l'ordinaire  par  les  ports  de  la 
Neva  ou  de  Riga.  La  balance  eil  à-peu- 
près  égale  entre  les  deux  peuples.  Le  com- 
merce avec  la  Suéde  eft  prefque  entière- 
ment à  l'avantage  des  Ruflès  ,  aulîî-bien 
que  celui  qu^'ils  font  avec  les  Polonois. 

Mais  Pétersbourg  fait  des  emplettes  très- 
confidérables  des  marchandifes  françoifes, 
qui  fervent  à  nourrir  le  luxe  de  cette  cour  ■■, 
8c  l'on  peut  compter  que  les  P.ufles  ,  pau- 
vres en  argent  ,  y  dépenfent  plus  que  le 
profit  qu'ils  font  fur  l'Angleterre.  Il  fau- 
droir  en  RulIïc  des  loix  fomptuaircs ,  bien 
obiervées  ,  qui  miflent  des  bornes  à  ce 
genre  de  frénéfie  ,  d'autant  plus  ridicule , 
que  dans  un  pays  fi  froid ,  il  n'y  a  que  le 
îuxe  en  pelleteries  de  l'empire,  qui  y  con- 
vienne. 

Pour  comprendre  l'âpreté  des  hivers  qui 
régnent  dans  cette  ville  ,  il  fuffit  de  dire 
que  le  froid  du  27  janvier  1733,  obfervé 
par  M.  de  Lifle  à  Pétersbourg  ,  fit  def-, 
cendre  le  mercure  de  fon  thermomètre  , 
au  degré  qui  répond  au  27,  au-de(Tbus  de 
la  congélation  dans  celui  de  M.  de  Réau- 
mur.  En  1748  le  froid  fut  encore  plus 
grand  ;  le  mercure  defcendit  au  degré  qui 
répond  au  30  de-celui  de  M.  de  Réaumur. 
Si  l'on  confidere  que  le  froid  de  1709  n'a 
fait  defcendre  le  thermomètre  de  M.  de 
Réaumur  qu'à  1 5  degrés  &  demi ,  on  ju- 
gera fans  peine  de  la  rigueur  des  froids  de 
Pétersbourg. 

Cette  ville  a  deux  autres  grands  incon- 
vénicns ,  les  inondations  qui  y  caufent  de 
temps  en  temps  de  grands  ravages  ,  ôc  les 
incendies  fréquens ,  qui  ne  font  pas  moins 
redoutables  ,  parce  que  la  plus  grande  par- 
tie des  maifons  font  bâties  en  bois.  L'in- 
cendie de  1737  confuma  un  tiers  de  Péters- 
bcurg. 

Pétersbourg  eft    à  environ  220  lieues 
jiord-oueft  de  Mofcow  ,  310  nord-cft  de 


PET  547 

Vienne  ,  210  nord-eft  de  Copenhague, 
130  nord-eft  de  Stockolm.  Longit.  fuivanc 
Caffini ,  47.  52 .  lat. 30.  60.  Long,  (uivant 
de  Lifle ,  48.  i .  lat.  55.  57. 

Cette  ville  doit  en  partie  l'éclat  dont  elle 
jouit  à  Pierre  L 

A.  N.  Pierre  I ,  furnommé  le  Grand , 
né  en  1 674  ,  d'Alexis  Michaelowiti^ ,  czar 
de  Mofcovie ,  fut  mis  fur  le  trône  après  la 
mort  de  fon  frère  aine  Fedor  ,  au  pré- 
judice de  Jean  fon  autre  frère  ,^  dont  la 
fanté  étoit  aufïi  foible  que  rejprit.  Les 
Strélitz  excités  par  la  princefl'e  Sophie , 
qui  efpéroit  plus  d'autorité  (ous  Jean  (oa 
frère  ,  fe  révoltèrent  en.  faveur  de  celui- 
ci  ,  ic  pour  éteindre  la  guerre  civile  ,  il 
fut  réglé  que  les  deux  frères  régneroient 
enfemble.  L'inclination  du  czar  Pierre 
pour  les  exercices  militaires  ,  fe  déve- 
loppa de  bonne  heure.  Pour  rétablir  la 
difcipline  dans  les  troupes  de  Ruiïie  ,  il 
voulut  donner  à  la  fois  la  leçon  &  l'exem- 
ple ;  il  fe  mit  tambour  dans  la  compagnie 
de  Lefort  ,  Genevois  qui  l'aida  beau- 
coup à  policer  fes  états.  Il  battit  quelque 
temps  la  cailTe  ,  Se  ne  voulut  être  avancé 
à  des  grades  plus  hauts  qu'après  Pavoir 
mérité.  En  veillant  fur  le  militaire  ,  il 
ne  négligea  pas  les  finances ,  &  il  penfa  en 
même  temps  à  avoir  une  place  qui  fervîc 
de  rempart  à  fes  états  contre  les  Turcs. 
Il  s'empara  d'Azoph,  en  1695,  &  défen- 
dit cette  forterefle  contre  les  infultes  des 
Tartares.  Fierre  méditoit  dès-lors  de  faire 
un  voyage  dans  les  différentes  parties  de 
l'Europe  ,  pour  s'inftruire  des  loix  ,  des 
mœurs  &:  des  arts.  Après  avoir  parcouru 
l'Allemagne  ,  il  palTa  en  Hollande  &  fe 
rendit  à  Amflerdam  &  enfuite  à  Saardam , 
village  fameux  par  fes  chantiers  &  par  fes 
magafins.  Le  czar  déguifc  fe  mit  parmi 
les  ouvriers  ,  prenant  leurs  inftrudtons  , 
mettant  la  main  à  l'œuvre  ,  &  fe  faifann 
palier  pour  un  homme  qui  vouloir  appren- 
dre quelque  métier  ;  il  étoit  des  premiers 
au  travail.  Il  fit  lui-même  un  mât  d'avant , 
qui  fe  démontoit  en  deux  pièces ,  &  qu'il 
plaça  fur  une  barque  qu'il  avoir  achetée  &: 
dont  il  fe  fervoit  pour  aller  à  Amfterdam. 
Il  conftruifit  aufîi  un  lit  de  bois  &  un 
bain.  Ce  prince  fe  fit  enrôler  parmi  les 
charpentiers  de  la  compagnie  des  Indes, 
Zzz  2. 


Wki- 


548  PET 

fous  le  nom  de  Baafpetter  ,  c*eft-à-cîirc, 
Maitre-Pierre.  Ses  compagnons  l'appel - 
loienc  ainfi.  Un  homme  de  Saardam  ,  qui 
étoit  en  Mofcovie  ,  écrivit  à  Ton  père ,  & 
découvrir  par  fa  lettre  le  myftere  qui  cnve- 
ioppoit  le  czar.  Tous  les  ouvriers ,  inftruits 
de  fon  rang ,  voulurent  changer  de  ton  ; 
mais  le  monarque  leur  perfuada  de  conti- 
nuer à  l'appeller  Maitre-Pierre.  Le  czar, 
toujours  amdu  à  louvrage  ,  devint  un  des 
plus  habiles  ouvriers  &  un  des  meilleurs 
pilotes.  Il  apprit  auili  un  peu  de  géomé- 
rrie  &  quelques  autres  parties  des  mathé- 
matiques. Pierre  quitta  la  Hollande  en 
165)8  j  pour  palier  en  Angleterre.  On  lui 
avoit  préparé  un  hôtel  magnifique  ,  mais 
il  aima  mieux  fe  placer  près  du  chantier 
du  roi.  Il  y  vécut  comme  à  Saardam  , 
s'inftruifant  de  tout  ,  &  n'oubliant  rien 
de  ce  qu'il  apprenoit.  Le  roi  d'Angleterre 
lui  donna  le  plaifir  d'un  combat  naval  à 
la  manière  européenne  j  il  n'étoit  point 
polïible  de  lui  procurer  une  fête  plus  agréa- 
ble. On  rravailloit  alors  en  Ruiïie  à  faire 
un  canal  qui  devoir ,  par  le  moyen  des 
éclufes ,  former  une  communication  entre 
le  Don.  &  le  Wolga.  La  jondion  de  ces 
deux  fleuves  ouvroit  aux  Rufles  le  moyen 
de  trafiquer  fur  la  mer  Noire  &  en  Perfe 
par  la  mer  Cafpienne.  Pierre  trouva  en 
Angleterre  des  ingénieurs  propres  à  finir 
ce  grand  ouvrage.  Enfin  Pierre  partit  de 
Londres  &  fe  rendit  à  Vienne  ,  d'où  il 
fe  difpofoit  à  palier  en  Italie  5  mais  la  nou- 
velle d'une  fédition  l'obligea  de  renoncer 
à  fon  voyage.  C'étoit  encore  la  princclle 
Sophie  qui  l'avoir  excitée  du  fond  de  fon 
cloître.  Le  czar  la  calma  à  force  de  tor- 
tures &  de  fupplices.  Il  coupa  lui-même 
la  tête  à  beaucoup  de  criminels.  La  plu- 
part des  Strélitz  furent  décimés  ou  en- 
voyés en  Sibérie ,  en  forte  que  ces  trou- 
pes 5  qui  femblables  aux  Janiffaircs  ,  fâi- 
foicnt  trembler  la  Rulïie  &  le  czar  lui- 
même  ,  furent  dilîipées  &  prefque  entière- 
ment détruites.  Le  czar  inftitua  vers  ce 
temps-là  l'ordre  de  faint  André  pour  ré- 
pandre l'émulation  parmi  fes  gentilshom- 
mes. Les  Rufies  penfoient  que  Dieu  avoit 
créé  le  monde  en  feptembre  ,  &  c'étoit 
par  ce  mois  qu'ils  commençoient  l'an- 
née. Mais  le  czar  déclara  que  l'on  dateroic 


PET 

à  l'avenir  le  commencement  de  l'année 
du  mois  de  janvier  5  il  confacra  cette 
réforme  au  commencement  de  ce  fiecle 
par  un  grand  jubilé  qu'il  indiqua  &  qu^il 
célébra  en  qualité  de  chef  de  la  religion. 
Une  affaire  plus  importante  l'occupoit. 
Entraîné  par  les  follicitations  à'AuguJie  , 
roi  de  Pologne  ,  &  par  l'efpérance  que 
lui  donnoit  la  jeuneflè  de  Charles  XII , 
roi  de  Suéde  ,  il  déclara  la  guerre  à  ce 
monarque.  Les  commencemens  n'en  fu- 
rent pas  heureux  ,  mais  fes  défaites  ne  le 
découragèrent  point.  Je  fais  lien ,  difoit- 
il  ,  que  les  Suédois  nous  battront  long-' 
temps  ;  mais  enfin  nous  apprendrons  à  les 
battre.  Evitons  les  aclions  générales  avec 
eux  y  &  nous  les  affaiblirons  par  de  petits 
combats. 

Ses  efpcrances  ne  furent  pas  trompées  ; 
après  de  grands  défavantages  il  remporta  , 
en  1705)  ,  devant  Pultava  ,  une  viéloirc 
complète.  Il  s'y  montra  aulTi  grand  capi- 
taine que  brave  foldat  ,  &  il  fit  fentir  à 
fes  ennemis  combien  fes  troupes  s'étoienc 
inftruites  avec  eux.  Une  grande  partie  de 
l'armée  fuédoife  fut  prifonniere  de  guerre , 
&  on  vit  un  héros  ,  tel  que  le  roi  de 
Suéde  ,  fugitif  fur  les  terres  de  Turquie  , 
&  enfuite  prefque  captif  à  Bender.  Le 
czar  fe  crut  digne  alors  de  monter  au 
grade  de  heurenant-général.  Il  fit  manger 
à  fa  table  les  généraux  faédois  prifon- 
niers ,  &  un  jour  qu'il  but  à  la  famé  de 
fes  maîtres  dans  l'art  de  la  guerre  ,  le 
comte  de  Rhig.child ,  l'un  des  plus  illuf- 
très  d'entre  fes  prifonniers  ,  lui  demanda 
qui  étoient  ceux  à  qui  il  donnoit  un  fî 
beau  titre.  Vous  ,  dit-il  ,  mejfieurs  les 
généraux.  Votre  majejlé  e(î  donc  bien  in- 
grate f  répliqua  le  comte  ,  d'avoir  fi  mal 
traité  fes  maîtres.  Le  czar  ,  pour  réparer 
,  en  quelque  façon  cette  glorieufe  ingrati- 
tude ,  fit  rendre  auiTi  -  tôt  une  épée  à 
chacun  d'eux.  Il  les  traita  toujours  comme 
auroit  fait  le  roi  qu'ils  auroient  rendu 
victorieux.  Pierre  profita  du  malheur  8c 
de  l'éloignement  du  roi  de  Suéde.  Il 
acheva  de  conquérir  la  Livonie  de  l'In- 
gfie  ,  &  y  joignit  la  Finlande  Se  une 
partie  de  la  Poméranie  fuédoife.  Il  fur 
plus  en  état  que  jamais  de  donner  fes 
foins  à  la  ville  de  Pétersbourg  dont  il 


PET 

Venoit  cîe  jeter  les  fondemens.  Cependant 
hs  Turcs ,  moins  excités  par  Charles  XII 
que  par  leur  propre  intérêt ,  rompirent  la 
rreve  qu'ils  avoient  faite  avec  le  czar  , 
qui  eut  le  malheur  de  Ce  laillèr  enfermer , 
en  1711  ,  par  leur  armée  ,  fur  les  bords 
de  la  rivière  de  Pruth  ,  dans  un  pofte 
où  il  étoit  perdu  fans  relTource.  Au  mi- 
lieu de  la  confternation  générale  de  fon 
armée  ,  la  czarine  Catherine  ,  qui  avoir 
voulu  le  fuivrc  ,  ofa  feule  imaginer  un 
expédient  ;  elle  envoya  négocier  avec  le 
grand  Viiir.  On  lui  fit  des  projîolltions 
de  paix  avanrageufes  :  il  fe  laifla  tenter , 
ôc  la  prudence  du  czar  acheva  le  refte. 
En  mémoire  de  cet  événement ,  il  voulut 
que  la  czarine  inftituâc  Tordre  de  fainte 
Catherine  dont  elle  feroit  chef  ,  &  où  il 
n'entreroit  que  des  femmes. 

Ses  fuccès  ayant  produit  la  tranquillité 
dans  fes  états  ,  il  fe  prépara  à  recom- 
mencer fes  voyages.  Il  s'arrêta  quelque 
temps  à  Copenhague  en  1 7 1 6  ,  où  il  s'oc- 
cupa à  vifiter  les  collèges  ,  les  académies , 
ies  favans  ,  &  à  examiner  les  cotes  du 
Danemarck  &  de  la  Suéde  :  il  alla  delà  à 
Hambourg ,  à  Hanovre  ,  à  Wolfemburel, 
toujours  obfervant  ;  puis  en  Hollande ,  où 
il  parut  avec  toute  fa  dignité  ,  &  en 
France  en  17 17.  Il  fut  reçu  à  Paris  avec 
les  mêmes  refpeds  qu*ailleurs  ,  mais  avec 
une  galanterie  qu'il  ne  pouvoit  trouver 
que  chez  les  François.  S'il  alloit  voir  une 
manufacture ,  &:  qu'un  ouvrage  attirât  plus 
fes  regards  qu'un  autre  ,  on  lui  en  faifoit 
préfent  le  lendemain.  Il  alla  diner  à  Petit- 
bourg  ,  chez  M.  le  duc  d*Antin  ,  &  la 
première  chofe  qu'il  vit  fut  fon  portrait  en 
grand  avec  le  même  habit  qu'il  portoit. 
Qiiand  il  alla  voir  la  monnoie  royale  des 
médailles  ,  on  en  frappa  devant  lui  de 
toute  efpece  &  on  les  lui  préfenroit.  Enfin 
on  en  frappa  une  qu'on  lailîà  exprès 
tomber  à  les  pies  ,  ôc  qu'on  lui  lai  (Ta 
ramafler.  Il  s'y  vit  gravé  d'une  manière 
parfaite  avec  ces  mots  :  Pierre  le 
Grand.  Le  revers  étoit  une  renommée  , 
&  la  légende  ,  Vires  acguirit  eundo  , 
allégorie  aulïi  jufte  que  flatteufe  pour  un 
prince  qui  augmentoit  en  effet  fes  mé- 
rites par  fes  voyages.  En  voyant  le  tom- 
beau du  cardinal  de  Richelieu  de  la  (latue 


de  ce  minifcre  ,  ouvrage  digne  de  celui 
qu'il  reprelente  ,  le  cz;ir  laillà  paroître 
un  de  ces  tranfportî  ,  &  dit  une  de  ces 
chofes  qui  ne  peuvent  échapper  qu'à  ceux 
qui  font  nés  pour  être  de  grands  hommes  ; 
il  monta  fur  le  tombeau  ,  erobraOk  la 
ftatue  ;  grand  minijire  ,  dit-il  ,  que  n'afl-tu 
né  de  mon  temps  ?  Je  te  donnerois  la 
moitié  de  mon  empire  pour  m'apprendre 
à  gouverner  l'autre.  Le  czar  ,  après  avoir 
ainfi  parcouru  la  France  ,  où  tout  dif- 
pofe  les  mœurs  à  la  douceur  &  à  l'indul- 
gence ,  retourna  dans  fa  patrie  ,  &  y 
reprit  fà  févérité.  Son  fils  lui  ayant  occa- 
fioné  du  mécontentement ,  il  lui  fit  faire 
fon  procès  &  les  juges  conclurent  à  la 
mort.  Le  lendemain  de  l'arrêt  ,  il  eut 
une  attaque  d'apoplexie  qui  Pemporta. 
On  raifonna  beaucoup  fur  cet  événement 
funefte.  Cependant  il  eft  probable  que  le 
prince  Alexis  ,  héritier  de  la  plus  va  fie 
monarchie  du  monde  ,  condamné  unani- 
mement par  les  fujcts  de  ion  père  ,  qui 
dévoient  être  un  jour  les  fiens  ,  put  mourir 
de  la  révolution  que  fit  dans  fon  corps 
un  arrêt  fi  étrange.  Le  père  alla  voir 
fon  fils  expirant  ,  &  on  dit  qu'il  verfa 
des  larmes  j  mais  malgré  fes  larmes  ,  les 
roues  furent  couvertes  des  membres  rom- 
pus des  amis  de  fon  fils.  Il  fit  couper  la  tête 
à  fon  propre  beau- frerc  5  le  comte  Zapre- 
chin ,  frère  de  fa  femme  ,  Oitokefa  La- 
prechin  ,  qu'il  avoit  répudiée  ,  &  oncle 
du  prince  Alexis.  Le  confefleur  du  prince 
eut  auffi  la  tête  coupée.  Si  la  Mofcovic 
a  été  civilifée  ,  il  faut  avouer  que  cette 
politefTe  lui  a  coijté  cher.  En  171 1  ,  il 
conclut  une  paix  glorieufe  avec  la  Suéde  , 
par  laquelle  on  lui  céda  la  Livonie  ,  l'Ef- 
tonie  ,  l'Ingermanie  ,  la  moitié  de  la  Ca- 
relie  &:  de  Vibourg.  Les  états  de  Ruffie 
lui  déférèrent  alors  le  nom  de  grand , 
de  père  de  la  patrie  &  d'empereur.  Le 
refle  de  la  vie  du  czar  ne  fut  qu'une 
fuite  de  fes  grands  defleins.  On  ne  peut 
que  parcourir  les  différens  établiflemens 
que  lui  doit  la  Mofcovie  ,  &  feulement 
les  principaux.  I.  Une  infanterie  de  100 
mille  hommes ,  auflî  belle  ôc  aufTi  aguerrie 
qu'il  y  en  ait  en  Europe  ,  dont  une  alïèz 
grande  partie  des  officiers  font  Mofcovites. 
II.  L^ne  marine  de  40  vailîèaux  de  hgne  , 


5  50  PET 

6  de  400  galères.  III.  Des  fortifications  , 
félon  les  dernières  règles  ,  à  toutes  les 
places  qui  en  méritent.  IV,  Une  excellente 
police  dans  les  grandes  villes ,  qui  aupa- 
ravant étoient  auili  dangereufes  pendant 
la  nuit  que  les  bois  les  plus  écartés. 
V.  Une  académie  de  marine  &  de  navi- 
gation ,  où  routes  les  familles  nobles  font 
obligées  d'envoyer  quelques-uns  de  leurs 
enfans.  VI.  Des  collèges  à  Moskow  ,  à 
Pétersbourg  &c  à  Kiof  ,  pour  les  langues  , 
les  belles  -  lettres  &l  les  mathématiques  ; 
de  petites  écoles  dans  les  villages  ,  où 
les  enfans  des  payfans  apprennent  à  lire 
&  à  écrire.  VII.  Un  collège  de  médecine , 
6c  une  belle  apothicairerie  publique  à 
Moskow ,  qui  fournit  de  remèdes  les  gran- 
des villes  &  les  armées. 

On  vit  s'elcver  un  grand  nombre  de 
maifons  régulières  &  commodes  ,  quel- 
ques palais  ,  des  bâtimens  publics  ,  &c 
fur-tout  une  amirauté  ,  qu'il  n'a  faite 
aufïî  fuperbe  ôc  aulïi  magnifique  ,  que 
parce  que  ce  n'eft  pas  un  édifice  deftiné 
à  une  fimple  oftentation  de  magnificence. 
Ses  armées  ayant  conquis  prefque  toute 
la  côte  occidentale  de  la  mer  Cafpienne  , 
en  1711  ôc  1725  j  il  fit  lever  le  plan  de 
cette  mer  ,  Se  grâce  à  ce  philofophe  con- 
quérant ,  on  en  connut  enfin  la  véritable 
forme  ,  fort  différente  de  celle  qu'on  lui 
donnoit  communément.  Il  envoya  à  Paca- 
démie  des  fciences  de  Paris  ,  dont  il  étoit 
membre  honoraire  ,  une  carte  de  fa  nou- 
velle mer  Cafpienne.  Cependant  Pierre 
le  grand  fentoit  fa  fanté  épuifée  ;  il  étoit 
attaqué  depuis  long-temps  d'une  rétention 
d'urine  qui  lui  caufoit  des  douleurs  aiguës, 
&  qui  l'emporta  le  z8  janvier  174 f  ,  à 
5  5  ans.  On  a  cru  ,  on  a  imprimé  qu'il 
avoir  nomrné  fon  époufe  ,  Catherine  , 
héritière  de  l'empire  par  (on  teftament  ; 
mais  la  vérité  eft  qu'il  n'avoir  point  fait 
de  teftament  ,  ou  que  du  moins  il  n^cn 
a  jamais  paru  ;  négligence  bien  étonnante 
dans  un  légiflateur ,  &  qui  prouve  qu'il 
n'avoir  pas  cru  fa  maladie  mortelle.  Pierre 
le  grand  fut  regretté  en  Ru  (fie  de  tous 
ceux  qu'il  avoir  formés ,  &  la  génération 
qui  fuivit  celle  des  partifans  dès  anciennes 
mœurs  5  le  regarda  bientôt  comme  (on  père. 

Quand  les  étrangers  ont  vu  que  tous 


PET 

ces  établiffemens  étoient  durables ,  ils  ont 
eu  pour  lui  une  admiration  conltante  , 
&c  ils  ont  avoué  qu'il  avoir  été  infpiré 
plutôt  par  une  fagefle  extraordinaire  ,  que 
par  Penvie  de  faire  des  chofes  étonnantes  ; 
il  a  forcé  la  nature  en  tout  ,  dans  fes 
fujets  ,  dans  lui-même  ,  fur  la  terre  &  fur 
les  eaux  :  mais  il  Pa  forcée  pour  l'embellir. 
Les  arts  qu'il  a  tranfplaneés  de  fes  mains 
dans  des  pays  dont  piufieurs  alors  étoienc 
fauyages ,  ont ,  en  frudifiant ,  rendu  té- 
moignage à  fon  génie  ,  &  érernifé  fa  mé- 
moire ;  ils  paroiflènt  aujourd'hui  origi- 
naires des  pays  mcm.es  où  il  les  a  portés. 
Loix  ,  police  ,  politique  ,  difcipline  mili- 
taire ,  marine ,  commerce  ,  manufadlures  , 
fciences,  beaux-arts,  tout  s'efr  perfeétionné 
félon  fes  vues  •■,  &:  par  une  fmgularité  dont 
il  n'eft  point  d'exemple  ,  ce  font  quatre 
femmes  montées  après  lui  fucceiïivement 
fur  le  trône  ,  qui  ont  maintenu  tout  ce 
qu'il  acheva  ,  &  ont  perfectionné  tout  ce 
qu'il  entreprir.  Pierre  le  grand  étoit  d'une 
taille  haute  ;  il  avoit  l'air  noble  ,  la  phy- 
fîonomie  fpirituelle  ,  le  regard  rude  ;  il 
étoit  fujet  à  des  efpeces  de  convulfions 
qui  altéroient  quelquefois  les  rraits  de  fon 
vifige  :  il  s'exprimoit  avec  ficilité  ,  &: 
parloir  avec  feu  j  il  étoit  naturellement 
éloquent:  il  haranguoit  fouvent.  Ce  prince 
dédaignoit  &  méprifoir  le  fafte  ,  qui  n'eut 
fait  qu'environner  fa  perfonne  :  c'étoit  le 
prince  ikfe/2:^/^q^' fon  favori  ,  qu'il  char- 
geoit  de  le  repréfenter  par  fa  magnificence. 
Jamais  homme  ne  fut  plus  vif,  plus  labo- 
rieux ,  plus  enrreprenanr  ,  plus  infatigable. 

Pierre  étoit  l'homme  le  plus  (avant  de 
fon^empire  i  il  parloir  plufieurs  langues  ; 
il  étoit  très-habile  dans  les  mathémati- 
ques &  dans  la  géographie  ,  il  avoit  appris 
jufqu'à  la  chirurgie  qu'il  exerça  en  plufieurs 
occafîons.  Il  aimoit  les  projets  vaftes  ;  il 
les  fuivoit  avec  une  ardeur  incroyable  , 
avec  une  conftance  à  toute  épreuve  :  (on 
ambition  étoit  pour  ainfi  dire  de  créer. 

Quelques  écrivains  célèbres  onr  fait 
à  l'envi  fon  éloge  ,  en  nous  le  peignant 
comme  un  des  plus  grands  princes  qui 
.aient  paru  dans  le  [monde.  Je  me  conte- 
terai  d'obferver ,  que  s^il  avoit  de  grandes 
qualités  du  côté  de  l'efprit  ,  il  avoit  audi 
de  grands  défauts  du  côté  du  cœur.  Quoi- 


PET 

au^il  ait  fait  des  chofes  furprenantcs  daiis  ' 
jfès  états  ,  &  qu'il  ait  parcouru  le  monde 
pour  apprendre  mieux  à  régner ,  il  n'a  ja- 
mais pu  dépouiller  une  certaine  férocité  qui 
conftituoit  fon  caractère  ,  réprimer  à  pro- 
pos les  emportemens  de  fa  colère  ,  adoucir 
Ta.  févérité  ,  ni  modérer  Ton  derpotifme. 

Il  obligea  les  feigneurs  de  s'abfenter  de 
leurs  terres ,  ce  qui  contribua  à  leur  ruine , 
ôc  à  Taugmentation  des  taxes.  Il  dégrada 
le  fénat  pour  fe  rendre  plus  abfolu  ,  & 
éloigna  de  fa  confiance  les  perfonnes  de 
diftinction  ,  pour  l'accorder  toute  entière 
à  un  prince  Menzikoft  ,  qui  n'étoit  d'ail- 
leurs qu'un  petit  génie.  Il  corrompit  les 
mœurs  de  Tes  fujcts  ,  en  encourageant  la 
célébration  burlefque  de  ce  qu'ils  appel- 
1  oient  la  Jlavlenie.  En  reculant  Tes  fron- 
tières ,  il  détourna  les  yeux  de  l'intérieur 
de  l'empire  ,  fans  coniidérer  qu'il  ne  faifoit 
que  le  ruiner  davantage,  il  força  les  enfans 
des  meilleures  familles  ,  de  faire,  fans  qu'ils 
y  fuflént  propres ,  le  fcrvice  de  foldats  & 
de  matelors ,  tandis  qu'il  introduifoit  à  fa 
cour  tous  les  excès  de  luxe  étranger ,  qui 
n'ont  fait  qu'appauvrir  fon  pa^'S.  Il  tranf- 
porta  le  commerce  de  l'empire  ,  d'Ar- 
changel  à  Pétersbourg  ,  &  la  réiidence  de 
la  cour  du  centre  de  fes  états  à  une  des 
extrémités.  Sa  manière  irréguliere  def 
vivre  ,  &  les  débauches  auxquelles  il  étoit 
accoutumé  dès  fa  jeunefle  ,  abrégèrent  fes 
jours. 

C'eft  en  vain  qu'il  a  tâché  de  faire  l'uni- 
vers juge  de  fa  conduite  ,  en  publiant  la 
raalheureufe  hiftoire  du  prince  Alexis  ,  fon 
fils  i  il  n'a  perfuadé  perfonne  qu'il  n'avoic 
rien  à  le  reprocher  à  cet  égard.  Il  ne  par- 
loir jamais  à  ce  hls  avec  amitié  ;  &  comme 
il  avoit  entièrement  négligé  fon  éducation , 
on  doit  lui  attribuer  en  partie  les  écarts  de 
ce  malheureux  prince.  (  Le  Chevalier  de 
Jaucou ET.  ) 

A.  N.  Pétersbourg  efl:  gouverné  aujour- 
d'hui par  Catherine  II ,  impératrice  8c  au- 
îocratice  de  toutes  les  Ruflies.  Cette  prin- 
cefle  étonnante  eft  toute  occupée  de  faire  , 
par  la  plus  fage  des  légiOations ,  le  bonheur 
d  un  empire  ,  dont  fes  conquêtes  ont  de 
beaucoup  augmenté  la  fplendeur.  L'auteur 
du  poëme  de  l'éloquence  ,  a  dit  de  cette 
augufte  héioïiie  : 


PET 


551 


Oui  y  j'ai  vu  la  victoire 

Attacher  à  ton  front  le  laurier  de  la 

gloire  ; 
Sur    les   Jîots    étcnnés    ton   fceptrè 

florijfant  , 
A  fait  pâlir  Nérêe   &   trembler    le 

Crorjfant. 
Des  remparts  de  la  Chine  aux  rives 

du  Bofphore  , 
Tu  fécondas  les  arts  que  Pierre  fit 

éclore  ; 
Et   du   dédain  public   tes   Tarîares 

vengés  , 
Triomphent    du  fultan    comme    des 

préjuges. 

PETERSHAGEN  ,  {Géog.  mod.)  petite 
ville  d'Allemagne  ,  dans  la  province  de 
Minden  en  Weftphalie,  à  une  lieue  de  Min- 
den ,  fur  le  Weler.  Long.zG.  j6'.  lut.  ^%.  zo, 

PETER-VARADIN  ,  (  Géog,  mod.  ) 
ou  Pétri  -  Varadin  ,  ou  Peter  -  Wardein  , 
Petri-Varadini  fojfatum  ;  ville  forte  de  la 
badè-Hongrie  ,  à  i(»  lieues  N.  O.  de  Bel- 
grade ,  6  E.  d'Illok  ,  dans  le  comté  de  Eo- 
drog  fur  le  Danube  ,  vis-à-vis  de  Peter- 
Vardin  en  Efclavonie.  Elle  eft  grande  & 
fermée  de  murailles  ;  un  évêque  du  rit  grec 
y  tient  fon  iiege.  C'eft  une  des  places  affi- 
gnées  pour  demeure  à  la  nation  des  Raitzes. 
Elle  appartient  à  la  maifon  d'Autriche.  C'eft 
près  de  Peter- Varadin^ que  le  prince  Eu- 
gène ,  en  1 7 1 6  ,  livra  bataille  au  grand  vifir 
Ali ,  favori  du  fultan  Achmet  III ,  &  rem- 
porta la  viétoire  la  plus  fignalée.  Long,  ^j, 
^4. /(2/.  ^5-.  i8.{D.J.)  » 

PETESI A ,  (  Botanique.  )  Ce  genre  de 
plante  a  pour  caraélere  une  fleur  monopé- 
tale y  en  entonnoir  arrondi  j  pofé  fur  un 
calice  en  campane  à  quatre  dents  ,  avec 
quatre  étamines  &  un  piftil  refendu  en  deux 
à  l'extrémité  ,  8c  dont  l'ovaire  devient  une 
baie  à  deux  loges ,  remplie  de  pluiieurs  fe- 
mences.  Linn.  gen.  pi.  teîr.  monog.  On  en 
connoît  deux  efpeces  qui  font  des  arbuftes 
de  la  Jamaïque.  (D.) 

PETEUSE  ,  voyeiç^  Rosière. 

PETKQR  ,  (  Géog.  ancienne.  )  ville  de 
Méfopotamie ,  &  d'où  étoit  natif  le  mau- 
vais prophète  Balaam.  L'hébreu  appelle 
cette  ville  Pethura  ou  Pathura.  Pcalomia^ 
ia  uomme  P^îtAor/z  ^  &:  Eufcbe  Paihura; 


5Î1  PET 

il  la  place  dans  la  haute  Méfbpotamîe. 
Nous  croyons ,  dit  dom  Caimet ,  Diâion. 
qu'elle  étoic  vers  Thapfaque ,  au  delà  de 
l'Euphrace.  S.  Jérôme,  dans  fa  cradu<5tion 
du  livre  des  Nombres .  c.  xxij ,  v.  5  ,  a 
omis  ce  nom  ;  il  dit  fimplement ,  vers 
JBalaam  ,  çui  demeurait  fur  le  Jleuve  des 
Ammonites,  il  lifoit  autrement  que  nous 
dans  l'hébreu.  Les  Septante  portent  :  A 
Balaam  ,  jils  de  Beov.  Pathura  ,  qui  de- 
meure fur  le  fleuve  du  pays  de  fon  peupl  . 
(D.J.) 

PETIGLIANO  ,  ou  PITIGLIANO  , 
(  Géogr.  mod.  )  petite  ville  d'Italie  dans  le 
Siennois ,  aux  confins  du  duché  de  Caftro. 
Elle  avoit  autrefois  les  comtes  particuliers  ; 
elle  eft  près  de  la  rivière  de  Lente  ,  à 
quatre  lieues  S.  E.  de  Soanna  ,  1 8  S.  E.  de 
Sienne  ,  3.  N.  E.  de  Caftro.  long,  z^,  %o. 
Ut.  4Z.  5^.  (D.  J.) 

PETIIIA  ,  (  Gécgr.  anc.)  ville  d'Italie 
dans  le  Brutium  ,  à  l'entrée  du  golfe  de 
Tarente  ,  mais  dans  les  terres.  Virgile  en 
attribue  la  fondation  à  Philodtete  ,  com- 
pagnon d'Hercule  ôc  roi  de  Melibéc  en 
Theflàlie  ,  qui  au  retour  du  iiege  de  Troye 
vint  s'établir  en  Italie. 

Il  nous  repréfente  Petilie  comme  une 
petite  ville  j  elle  étoit  telle  dans  fa  naif- 
fance  ,  mais  elle  fortit  dans  la  fuite  de  cet 
état  de  médiocrité ,  &  fut  regardée  comme 
la  plus  forte  plaça  de  la  Lucanie.  Dans  la 
deuxième  guerre  punique,  elle  fut,  comme 
Sagonte  ,  vi(Sfcime  de  fa  fidélité  envers  les 
Romains  : 

Infelixfldeiy  miferceque  fecunda  Sagonto. 
Sil.  Ital.  /.  XII. 

Petilie  ëtoit  bâtie  dans  un  lieu  appelle 
aujourd'hui  StrongoH  ,  auprès  du  Noto  , 
dans  la  Calabre  ultérieure.  Géogr.  de  Virg. 
p.ziS.iC) 

PETILIEN  (le  bois),  (  Géogr.  anc.  ) 
Petelinus  lucus.  C'eft  en  ce  lieu  que  Ca- 
mille ,  au  rapport  de  Plutarque  in  Camillo , 
tranfporta  le  tribunal  lorfqu'il  fe  fut  apperçu 
de  PefFet  que  la  vue  du  capitole  produilbit 
fur  les  juges  de  Marcus  Manlius  Capito- 
linus.  Ce  bois  devoir  être  près  de  Rome , 
à  la  gauche  du  Tibre,  puifque  Tite-Live, 
*  /.  VI ,  c.  XX ,  le  place  hors  la  porte  Flu- 
menrane.  {D.  J.) 


PET 

PETILIENS  ,  f.  m.  (  Hifl.  eccUf  )  nom 
de  feéle.  Les  petiliens  ,  hérétiques  dona- 
tiftes  ,  ainlî  appelles  de  Petilianus  ,  faux 
évêque  de  Cyrrhe  en  Afrique  ,  àc  chef  des 
donatiftes  ,  prétendoicnt  que  les  bons  ne 
pouvoient  être  corrompus  par  les  méchans, 
&  qu'un  mauvais  miniftre  ne  conféroit  pas 
validement  un  facrement. 

PETILLER  ,  v.  n.  (  Gramm.  )  éclater 
avec  un  petit  bruit  réitéré.  On  dit  que  le 
Ce\  pétille  fur  le  feu  ,  que  le  vin  pétille  dans 
le  verre  ,  ùc.  Il  (e  prend  au  iîmple  §c  ait 
figuré.  Il  pétille  d'efprit. 

PETILLIERES  ,  f.  f.  Les  gantiers -par- 
fumeurs appellent  ain(î  un  endroit  dans  La 
peau  moins  frappé  que  le  refte  ,  où  les  po- 
res font  plus  déiunis  ôc  bourfoufflés  ,  pour 
ainii  parler. 

PETIT  ,  adj.  (  Grammaire.  )  corelatif 
&  oppofé  de  grand.  Il  n'y  a  rien  qui  ^oit 
abfolument  grand  ,  rien  qui  foit  ablo- 
lumentpe/zV.  L*éléphant  eft  grand  à  l'égard 
de  l'homme ,  qui  pciit  à  Pégard  de  l  élé- 
phant ,  eft  grand  à  l'égard  de  la  mouche  , 
qui  petite  à  Tégard  de  l  homme ,  eft  grande 
à  l'égard  du  ciron.  Ce  mot  a  une  infinité 
d'acceptions  différentes  :  on  dit  ,  un  p^ti£ 
homme,  un  petit  e'pace  ,  un  petit  enfant, 
de  petites  chofes  ,  de  petites  idées ,  de  petits 
animaux  ,  un  petit  gain  ,  &€.  Il  fe  prend  , 
comme  on  voit ,  au  fimple  &  au  figuré.  Il 
femble  queThomme  fe  foit  établi  la  com- 
mune mefure  de  tour  ce  qui  l'environne  : 
ce  qui  eft  au  deftus  de  lui  n'eft  rien  ,  &  il 
l'appelle  grand  ;  ce  qui  eft  au  deflou&eft 
moins  que  rien  ,  &  il  l'appelle  petit. 

Petit,  en  Anatomie ,  nom  de  quelques 
mufcles  ,  ainfi  appelles  par  comparaifbii 
avec  d'autres  qui  ont  plus  d'étendue ,  ÔC 
font  nommés  grands.  Fbj^iç^  Grand. 

le  petit  [igomatique,  Foye^  Z1G0MA-» 
JIQVE. 

le  petit  oblique.  Vbye:^  Oblique. 

le  petit  droit.  Voye^  Droit. 

le  petit  pectoral.  Voye-^^  Pectoral, 

le  petit  dentelé.  Voye:^  Dentelé, 

le  petit  rond.  Voye-^  Rond. 

le  fQZxx.  feffier.  Foye:^  Fessier. 

Petits  bois  des  croifées  à  verre  ,  (  Me 
nuiferie.  )  c'eft  ce  qui  fait  le  rempliflage  de« 
croifées  3  ôc  fert  à  porter  les  carreaux  de 
verre. 

Petit 


PET 

Petit  corps  des    marchands  , 

terme  de  corporation.  C'eft  ainfi  que  les 
trois  premiers  corps  ,  qui  font  la  draperie  , 
l'épicerie  &  la  mercerie  ,  appellent  les  trois 
derniers  corps ,  qui  font  l'a  pelleterie  ,  la 
bonneterie  &  l'orfèvrerie. 

Ils  fè  fervent  fans  doute  de  ce  terme 
petit ,  non  pas  par  rapport  au  nombre  des 
marchands  dont  ces  trois  derniers  corps 
font  compofés  ;  car  il  eft:  certain  que 
celui  des  bonnetiers  &  celui  des  orfèvres 
font  chacun  féparément  beaucoup  plus  nom- 
breux que  celui  des  drapiers  ,  qui  a  cepen- 
dant la  préféance  ;  mais  on  les  appelle />e- 
tits-corps  par  rapport  à  leur  rang. 

AuiC  l'ufage  s'eft  introduit  infenfiblement, 
que  de  quatre  negocians  qui  entrent  chaque 
année  dans  le  confulat ,  il  y  en  a  toujours 
un  de  chacun  des  trois  premiers  corps  ;  & 
à  l'égard  des  trois  derniers  ,  à  peine  per- 
met-on qu'il  y  en  entre  un  de  chaque  corps 
en  trois  ans,  c'eft-à-dire  un  de  l'un  des 
trois  chaque  année.  Savary.  (Z).  /,) 

Petit  corps,  {Sergetterie.)  On 
appelle  ainfi  dans  la  fèrgetterie  de  Beau- 
vais  ,  les  fergers  qui  ne  fabriquent  que  de 
petites  ferges  ,  &  de  certaine  qualité  & 
nature. 

PetiT-GRIS  ,  terme  de  Fourreur  ^  nom 
que  l'on  donne  à  une  forte  de  riche  four- 
rure faite  de  peaux  d'une  efpece  de  rats  ou 
d'écureuils ,  dont  le  poil  de  l'échiné  efl  d'un 
très-beau  gris  cendré ,  &  celui  de  la  queue 
&  du  ventre  d'un  blanc  tirant  un  peu  fur 
ie  gris.  Ces  fortes  de  rats  ou  d'écureuils  fe 
trouvent  communément  dans  les  pays 
froids  ,  fur-tout  dans  la  Sibérie  ,  d'où  les 
Anglois  &  les  Hollandois  en  tirent  quan- 
tité par  la  voie  d'Archangel ,  de  Hambourg 
&  de  Lubeck. 

Furetiere  dit  que  le  petitr-gris  étcfit  au- 
trefois une  fourrure  précieufe  queportoient 
les  dames  &  les  grands  feigneurs  ,  &  qu'il 
étoit  défendu  aux  courtilancs  d'en  avoir  ; 
préfentemcnt  elle  fe  porte  indifféremment 
par  toutes  fortes  de  perfon»es  qui  veulent 
en  porter  &  en  ont  le  moyen. 

Le  petit-gris  dediné  pour  la  Turquie  , 
fe  vend  en  Mofcovie  par  milliers  de  peaux 
aflbrties  ,  depuis  n**.  i  jufqu'à  n**.  4 ,  qui 
vpnt  toujours  en  diminuant  de  beauté  & 
de  prix  depuis  le  premier  numéro  jufqu'au 
Terne  XXV. 


dernier.  Les  Turcs  ,  particuhérement  ceux 
de  Conf!antinople  ,  en  confomment  une 
prodigieule  quantité  pour  leurs  veftes  ,  dont 
ils  en  font  onze  d'un  millier  de  peaux  en- 
tières ;  favoir  ,  cinq  de  l'échiné,  qui  efl  le 
plus  beau  &  le  plus  cher  ,  &  fix  du  ventre , 
qui  eft  le  moins  eitiraé. 

Prcfquetout  le*  petit-gris  qui  fe  voit  «n 
France  y  efl  envoyé  ou  de  Hollande  ou 
d'Angleterre  ;  ce  font  à  Paris  les  marchands 
merciers  &  les  pelletiers  qui  en  font  tout 
le  négoce.  Les  premiers  le  vendent  en  gros 
au  cent  de  peaux ,  &  les'autres  l'cmploienc 
en  fourrures ,  comme  bas  ,  manchons  , 
aumuces ,  jupons  ,  couvre-piés ,  manteaux- 
de-lit,  robes-de- chambre  ,  vefles,  juflau- 
corps,  &c. 

On  nomme  auffi  quelquefois  ,  mais  mal- 
à-propos,  petit-gris  ,  les  peaux  de  lapin  , 
dont  le  poil  eft  un  gris  approchant  de 
celui  du  véritable  petit  gris  ;  quoique  le 
petit-gris  de  lapin  s'emploie  aux  mêmes 
ufages  que  le  véritable  petit-gris  ,  il  eft 
cependant  beaucoup  moins  eftimé.  Savary. 
[D.  /.) 

Petit-gris  ,  {PlumaJJler.)  fe  dit  en- 
core d'une  efpece  de  duvet  ou  petites  plu- 
mes qui  fe  tirent  du  ventre  &  du  deffbus 
des  ailes  de  l'autruche.  Ce  petit-gris  eft 
regardé  comme  le  rebut  des  autres  plumes 
de  cet  oifeau  ,^  &  par  conféquent  peu 
eftimé  :  il  fe  vend  au  poids. 

PETIT-JAN  au  tricluc ,  fe  dit  de 
douze  dames  couvertes  qu'un  joueur  a  dans 
la  table  où  les  autres  font  en  piles.  Quand. 
ce  jan  vient  par  fimples  ,  on  le  compte 
pour  quatre  ,  &  pour  fix  par  doublets,  & 
pour  huit  par  d^x  moyens  fimples  >  &  ' 
douze  par  trois  moyens ,  c'eft-  à-dire  quatre 
par  chaque  moyen  ,  fix  par  doublet  ,•& 
douze  par  deux. 

Avant  que  de  faire  la  café  qui  refte  • 
on  aura  foin  de  marquer  toujours  les  points 
qu'on  gagne  par  le  coup  qui  achevé  le 
petit-jaiiy  qui  arrive  putôt  par  les  dez 
qui  amènent  quatre  &  trois  ,  ou  cinq  & 
deux  ,  que  par  ceux  qui  amènent  iix  & 
as.  Il  eft  bon  de  ne  point  perdre  ce  petite. 
jan  autant  qu'on  le  peut  ,   d'autant    plus 

Ique  chaque  coup  de  dez  qu'on  jet*e  on 
gagne  quatre  points  par  fimples,  &  fix  par. 
doublets. 

Aaa  a 


554  PET 

PETIT-MAITRE,  {Langue  françoife .) 
nom  qu'on  a  donné  à  la  jeuncffe  ivre  de 
l'amour  de  foi-même  ,  avanrageufe  dans 
fes  propos ,  afïèdée  dans  Ces  manières ,  & 
recherchée  dans  fon  ajuflemenr.  Quelqu'un 
a  défini  le  petit-maître ,  un  infede  léger 
qui  brjile  dans  fa  parure  éphémère  ,  papil- 
lonne ,  &  fecoue  .fes  ailes  poudrées. 

Le  prince  de  Condé  devenu  riche  & 
puifTant ,  comblé  de  la  gloire  que  Çqs  fuc- 
cès  lui  avoient  acquife ,  étoit  toujours  fuivi 
d*un  nombreux  cortège.  Les  jeunes  fei- 
gneurs  de  fa  cour  furent  appelles^ jPma- 
jfiaitres  y  parce  qu'ils  étoiept  attachés  à 
celui  qui  paroilToit  le  maître  de  tous  hs 
autres. 

Nos  petits-maîtres  y  dit  M.  de  Voltaire  , 
font  l'efpece  la  plus  ridicule  qui  rampe 
avec  orgueil  fur  la  furface  de  la  terre. 
Ajoutons  que  par-tout'  où  l'on  tolère  ces 
fortes  hommes  ,  on  y  trouve  aufîi  des 
femmes  changeantes ,  vaines ,  capricieufes , 
întérelîees ,  amoureul^s  de  leur  figure  »  ayant 
enfin  tous  les  caraderes  de  la  corruption 
àcs  mœurs  &  de  la  décadence  de  l'amour. 
Aufil  le  nom  Aq  petit-maître  s'eft-il  étendu 
jufqu'au  fexe  taché  des  mêmes  défauts  , 
^  qu'on  nomme  petites-maîtrejfes. 

Quand  Rome  allèrvic  n'eut  plus  de  part 
aux  affaires  du  gouvernement ,  elle  regor- 
gea de  petits-maîtres  &  de*petites-maître(- 
ïts ,  enfans  du  luxe  ,  de  l'oifiveté  &  de 
la  molleffe  des  Sybarites  ;  ils  étoient  fard 
&  cafîblette  depuis  la  tcte  jufqu'aux  pies  ; 
c'eil  un  mot  de  Seneque  :  I<lofli  illos 
jui'enes  y  dit-il ,  epifl.  ^5^  barbd  Ù  comd 
>  nitidos  ,  de  capfulâ  totos.    ' 

Mais  j'aime  finguHér^ent  le  trait  qu'il 
ci^  d'un  petit-maitrc  de  Rome,  qui  ayant 
été  porté  par  les  cfclaves  du  bain  dans  une 
chaife-à-porteurs ,  trouva  bon  de  leur 
demander  d'un  ton  que  nous  imaginons 
entendre  ,  s'il  étoit  ajjis ,  regardant  comme 
iiap  chofè  au  di^ous  de  lui  de  favoir  ce 
qu'il  faifoif.  Il  convient  de  tranfcrire  ici 
tout  le  pafTage  en  original.  Audio  quemdam 
ex  delicatis  yjî  modo  deliciix  vocandce  funt^ 
l'itam  &  confuetudinem  dedifcere  _,  ciimex 
haliieo  in  ter  manus  elatus  y  Ù  infellâ  po- 
Jitus'ejfetj  dixijjet  interrogando,  jam  fedco? 
Nirnis  humilis  Ù  contempti  hominis  ejje 
f'idetur  quidfaciat.  iSeneque ,  de  breyitate 


PET 

vitœ  y  c.  xi).  N*y  auroit-il  point  de  nos 
•aimables  qui  euffent  fait  paroH  à  ce  petite 
maître  romain  ?  Pour  moi ,  je  crois  qu'oui. 
^  PETIT-OLONE  ,  (  Comm.  de  toile.  ) 
c'ell  le  nom  que  l'on  donne  à  une  forte  de 
toile  de  chanvre  écrue  ,  propre  4  faire  àts 
voiles  de  navire  ,  &  d'autres'bâtimens  de 
mer. 

Cette  toile  fe  fabrique  à  Médrignac  &: 
aux  environs  de  ce  petit  bourg  de  Bre- 
tagne ;  car  il  ne  s'en  tait  point  de  cette  e(^ 
pece  dans  la  ville  dX)lone  en  Poitou  ,  quoi- 
qu'elle en  ait  pris  le  nom  ,  à  caufe  que  ce 
font  Ic'j  Olonois  qui  en  firent  les  premiers 
le  négoce. 

Ces  ïortes  de  toiles  ,  qui  ont  vingt  pou- 
ces de  roi  de  largeur ,  le  vendent  à  la  pièce  , 
qui  contient  ordinairement  quatorze  *à 
quinze  aunes ,  mefure  de  Paris.  Dicl.  de 
comm.  (D,  J.) 

PETIT-PERE  ,  ^  {Hijf.  monach.)  c'eft 
ainfi  qu'on  nomme  à  Paris  la  congrégation 
des  Auguflins-Déchauffes.  La  reine  Mar- 
guerite, petite-fille  de  François  I  \ts  éta- 
blit en  1^08  au  Fauxbourg  S.  Germain.  Le 
P.  Hilarion,  Provençal ,  les  établit  Icpt  ans 
après  à  là  porte  de  Montmartre  ,  à  l'endroit 
qu'on  appelle  aujourd'hui  le  quartier  S. 
Jojeph.  Il  y  loua  une  vieille  petite  maifon 
avec  un  petit  jardin ,  dont  il  compofa  un 
hofpice  ;  &  ce  fut  la  pauvreté  &  la  peti- 
tel'fe  de  cet  établiîTemenr  qui  leur  fit  don- 
ner le  nom  de  Petits-Peres  ,  qui  eil  un 
nom  de  compaflion  fur  la  mifere  de  cette 
congrégation  naiifante  ;  mais  ils  ne  font 
plus  dans  ce  cas-là.  Vbje\  Hermites 
des  Auguftins  DéchâuJJes.  {D.  J.) 

PETIT-TEINT  ,  (  Teinturier.  )  nom 
que  l'on  donne  en  France  à  la  commu- 
nauté de  cette  forte  de  teinturiers  qui  n'em- 
ploient que  des  drogues  communes  dans 
les  teintures ,  &  qui  ne  peuvent  auili  tein- 
dre que  \cs  moindres  étoffes  ;  au  contraire 
àQS  teinturiers  du  bon  &  grand  teint,  à 
qui  les  bonnes  étoiles  font'  rélèrvées  ,  mais 
qui  auffi  ne  ab'wtnt  fe  fervir  que  des  meil- 
leures drogues  ;  c'eft  au  fujet  du  grand  & 
du  petit-teint  que  les  ordonnances  de  M. 
Colbert  ont  grand  befoin  d'être  reftifiées. 
{D.  7.) 

PETIT- VENISE  ,  {Comm.  de  toite.) 
nom  que  l'on  donne  à  une  efpece  de  linge 


PET 

ouvré  ,  qui  fe  fabrique  en  BafTe-Norman- 
die.  Il  y  a  aufil  une  autre  forte  de  linge 
ouvré ,  appellée  rofette  ou  petite-vent  fe , 
qui  vient  de  Flandre. 

PETITS-GUERRE  ,  eH  celle  qui  fe 
fait  par  détachemens  ou  par  partis  ,  dont 
l'objet  efl  d'éclairer  les  démarches  de  l'en- 
îierai ,  d'obferver  fes  mouvemens ,  de  l'in- 
commoder ou  le  harceler  dans  toutes  fès 
opérations ,,  de  furpraidre  {ts  convois  ,  éta- 
blir des  contributions  ,  S'c.  Les  détache- 
mens ou  les  partis  qu'on  envoie  ainfi  à  la 
guerre  font  compofés  de  troupes  légères 
&  de  troupes  régulières  ,  de  cavalerie  & 
d'infanterie  ,  plus  ou  moins  nombreufes , 
fui  van  t  les  diftérentes  chofès  qu'ils  doivent 
exécuter.  Cette  guerre  demande  beaucoup 
d'intelligence  &de  capacité  dans  les  offi- 
ciers qui  en  ont  le  commandement.  Ils  doi- 
vent favoir  diftinguer  le  fort  &  le  foible 
du  camp  &  de  la  pofition  de  l'armée 
ennemie ,  &  juger  des  avantages  que  la 
nature  du  terrain  peut  donner  pour  l'atta- 
quer ou  la  furprcndre  ,  foit  dans  là  mar- 
che ou  dans  les  lieux  où  elle  doit  fourra- 
ger. Il  faut  aufli  qu'ils  fâchent  pénétrer  \^s 
deffeins  de  l'ennemi  par  fes  mouvemens  , 
&:  qu'ils  Tobiérvent  affez  exa(Sement  pour 
n'erre  point  trompés  pai*  de  faulTès  ma- 
nœuvres ,  dont  l'objet  feroit  ^tn  impo- 
1er  &  de  furprendre  l'armée  qui  lui  efl 
oppofée. 

Des  partis  ou  détachemens  conduits  par 
des  officiers  habiles  &  expérimentés  font 
abfolument  nécefïârres  pour  la  lûreré  de 
J 'armée.  Un  général  peut  par  ce  moyen 
n'être  Jamais  fijrpris ,  parce  qu'il  eft  tou- 
jours intormé  à  temps  de  tous  les  mouve- 
mens &  de  toutes  les  opérations  de  ion 
fidverfaire.  Il  lui  rend  les  communications 
difficiles  ,  de  -même*  que  te  tranfport  des 
vivres  &  àz^  munitions  ,  &  il  trouve 
le  moyen  d'étendre  les  contributions  juf- 
qu'à  30  ,  40 ,  &:  même  50  Heues  de  fon 
camp.  Par  le  moyen  des  partis  ,  on  aflure 
aufli  les  marches  de  l'armée ,  &  l'on  em- 
pêche l'ennemi  de  venir  lefs  troubler  ou  les 
inquiéter. 

Lorfqu'il  ne  s'agit  que  de  favoir  des  nou- 
velles de  l'ennemi  ,  les  petits  partis  font 
plus  commodes  que  les  grands,  parce  qu'ils 
ont  plus  de  facilité  à  fe  cacher  &  à  roder 


PET 


ny 


avec  moins  d'inconvénient  autour  du  camp 
ennemi ,  attendu  la  célérité  avec  laquelle 
ils  peuvent  s'en  éloigner  :  ces  petits  partis 
doivent  être  de  cavalerie.  M.  le  maréchal 
de  Saxe  ne  Içs  vouloir  point  au  defîiis  èit^ 
cinquante  hommes.  Ils  doivent  marcher  par 
\t%  lieux  les  moins  fréquentés  &  les  plus 
détournés  ,  fe  cacher  ou  s'embufquer  dans 
les  bois  &  autres  lieux  fourrés  de  l'armée 
ennemie  ,  &  tâcher  de  faire  des  prifon- 
niers.  Ceux  qui  commandent  ces  partis  doi- 
vent toujours  ie  ménager  une  retraite  alî'u- 
rée ,  tSi  faire  enforte  de  n'être  point  cou- 
pés &  enlevés.  On  partage  fa  troupe  en 
petits  détachemens  qui  fe  foutiennent  les 
uns  &:  les  autres ,  de  manière  que  fi  \zs 
premiers  font  enlevés  ,  les  autres  puifleoc 
?è  retirer. 

Lorfque  les  partis  ou  les  détachemens 
font  deffinés  à  établir  des  contributions  , 
&  à  forcer  de  petites  villes  ,  châteaux  & 
autres  lieux' capables  de  quelque  défenfe^ 
on  \ç.%  fait  plus  nombreux.  Leur  conduite 
demande  alors  à-peu-près  la  même  fcience 
&  la  même  intelligence  que  la  guerre  qui 
fe  fait  entre  les  grandes  armées.  Il  faut 
vçiller  avec  d'autant  plus  de  foin  à  la  con- 
fervation  de  fa  troupe  &  à  éviter  les  fur- 
'prifes  ,  qu'on  fè  trouve  environné  d'enne*- 
mis  de  toutes  parts;  qu'il  efl  important  de 
brufquer  les  entreprifès  que  l'on  fait ,  pour 
ne  pas  donner  le  temps  à  l'ennemi  de  raP- 
fèmbler  des  troupes  pour  s'y  oppofer,  & 
qu'il  faut'  beaucoup  de  fermeté  &  une 
grande  connoiflance  du  pays  pour  éluder 
toutes  les  difficultés  que  l'ennemi  peut  em- 
ployer pour  s'oppofbr  à  la  retraite.   (O) 

PETIT-VIEUX ,  dans  l'infanterie  fraïi- 
çoife  efî  une  exprellion  bizarre  ,  qui  fer t  à 
diflinguer  les  fîx  régimens  qui  fuivent  les 
vieux  corps.  Par  ces  régimens ,  ceux  de 
la  Tour-du-Pin ,  Boarbonnois  &  j\u- 
vergnc  roulent  enfemble  de  la  même  ma- 
nière que  le  font  Champagne ,  Navarxe  & 
Piémont.  V.  RÉGIMENT.  (Ç) 

PETITESSE  ,  f.  f.  (  Gramm,  )  voyei^ 
H article  PETIT.  On  dit  h  petite£e  de  la 
taille  ,  &  hpetitejje  de  l'eiprit.  La  petitej/e 
de  l'efprit  eft  bien  voiiine  de  la  méchan- 
ceté. Il  n'y  a  prefqu'aucun  vice  qu'elle  n'ac- 
compagne ,  l'avarice ,  l'intolérance  ,  2s 
faaatifme ,  &c, 

•         Aaâa  2. 


<<6  PET 

PÉTITION,  r.  f.  {Junfpmd.)  fignifîe  ^ 
demande  ;  ce  terme  eft  fur-tout   ufité  en 
matière  d'hérédité  ;  par  exemple  ,    on  dit 
que    l'avion   en  pétition    d'hérédité  dure 
trente  ans. 

Pétition  de  principes  -,  c'eft  lorfqu'on 
fonde  fes  demandes  fur  de  prétendus  prin- 
cipes qui  ne  font  point  accordés.  VoycT^  ci- 
après  Pluspétition. 

PÉTITOIRE,f.m.  (Juri/prud.)  c'eû 
h  contelbtion  au  fond  fur  le  droit  qui  efl. 
prétendu  refpedivement  par    deux  parties 
-à   un    héritage  ,  ou  droit  réel ,  ou  à    un 
bénéfice.  •  ^ 

Le.  p/xitoire  efl:  oppofé  au  pojfejjoire , 
lequel  le  juge  parla  pofleflion  d'an  &jour, 
-au  lieu  que  le  pétitoire  fe  juge  par  le  mé- 
rite du  fond  fur  les  titres  &:  la  polTeiiîon 
immémoriale. 

L'action  p^î/VozVi?  ou  2U  pétitoire  ne  peut 
être  intentée  par  celui  contre  lequel  la 
complainte  ou  réinrégrande  '^  été  jugée  , 
qu'après  la  ceflation  du  trouble  ,  &  que  le 
demandeur  a  été  rétabli  avec  reflitution  de 
fruits ,  &  qu'il  n'ait  été  payé  des  dommages 
.&  intérêts  ,  s'il  lui  en  a  été  adjugé. 

S'il  efl  en  demeure  de  faire  taxer  les 
dépens  &  liquider  les  fruits,  dans  le  temps 
ordonné  ,,  l'autre  partie  peut  pourfuivre  le* 
pétitoire  y  en  donnant  caution  de  payer  le 
tout ,  après  la  taxe  &  liquidation  conforr 
îTiémcnt  à  l'article  z>  du  tit,  XVII  de 
l'ordon.  de  1667. 

Uartide  v  du  même  titre  porte  que  les 
demandes  en  complainte  ou  réintégrand;. 
ne  pourront  jêrre  jointes  ^'apétitoiu  yvixXt 
pétitoire  pourfuiv.i  ,  que  le  pofTefToire  n'ait 
été  terminé  &  la  condamnation  exécutée  ; 
ce  même  article  défend  d'obtenir  des  let- 
tres pour  cumuler  le  pétitoire  avec.le  pof- 
fèffoire. 

En  matière  de  régale  ,Ja  cour  connoît 
du  pétitoire  au  lieu  que  dans  les  autres 
cas.  les  juges,  féculiers  ne  prononcent  que 
fur  le  polfelToire  ,'  mai«  cela  revient  au 
même;  car  quand  le  juge  royal  a  main- 
tenu en  pofTeiîîon ,.  comme  le  poiTelîbire 
,€fl  jiigé  fur  les  titres  ,  le  juge  d'églife  ne 
peut  plus  connoître  du  pétitoire.  Voye^  ci- 

jfranrCoMPLAiNTE,  Maintenue,  & 

ciraprès  PoSS'iiSSOmE,  RÉINTÉGRAN- 


PET 

•PETIVERE  ,  f  ï.petii'eria  ,  {Hifl.  nat,. 
Bot.)  genre  de  plante ,  dont  la  fleur  eft 
compofée  de  quatre  pétales  difpofés  pre(- 
qu'en  forme  de  croix.  Il  s'élève  du  fond 
du  calice  un  piftil,  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  découpé  ou  plutôt  échancré  à  fa 
partie  fupérieure  ;  il  reflemble  à  une  be- 
iace  renverlée  ,  &  il  renferme  une  femence 
oblongue.  Fk]vn\çr,noi'a  plant,  amer  gêner. 
Koj'f;^  Plante. 

Voici  les  caraderes  :  fa  fi«ur  cû  com- 
pofée de  quatre  pétales  ,  difpofés  prefque 
en  forme  de  croix.  Il  s'élève  du  calice  un 
pifFil  qui  fe  change  en  un  fruit  découpé  à 
fon  fommet ,  &  qui  a  la  figure  d'un  bou- 
clier renverfé  ;  ce  fruit  efl  rempli  de  femen-- 
ces  oblongues. 

Cette  plante  efl  très-commune  à  la  Ja- 
maïque ,  aux  Barbades ,  &  dans  les  autres 
îles  occidentales  ,  où  elle  croît  abondam- 
ment dans  tous  les  faillis.  Comme  elle  con- 
ferve  long-temps  fa  verdure  ,  elle  attire  les 
befîiaux  ;  mais  elle  donne  à  leur  lait  une 
odeur  forte  ,  défagréable  ,  approchante  de 
celle  de  l'ail  fauvage. 

Le  P.  Plumier  ayant  découvert  cette 
plante  en  Amérique  ,  lui  donna  le  nom  de 
petii'ere  pour  honorer  la  mémoire  de  Cet 
apothicaire  &  fameux  botanifle  Anglois. 
On  ne  connoît  qu'une  feule  efpece  de  cette 
plante  nommée  ,  par  le  P.  Plumier  ,/>«■- 
tiveria  folanis  foliis  y  loculis  fpinojis-, 
{D.  J.) 

PETONCLE,  f.  m.  {Conchyliolog.  ) 
pétongle  dans  quelques  côtes  de  France  y 
en  latin  peciunculus  ,  en  Anglois  cockles. 
Coquille  bivalve  ^  de  la  famille  des  peignes» 
Voye\  Peigne., 

Lifler  cependant  diflingue  le  pétoncle  de 
peigne;  le  pétoncle ^  dit-il  ,  n'a  point  d'o- 
.reille,  mais  comme  iî  y  ^^w^xs  pétoncles 
qui  en  ont,  fa  difiinâion  ne  me  paroît 
pasjufîe.  Voye\  cependant  fon  fyflêmefur 
ce  fujet  au  mot  CoQUILLE» 

Le  pétoncle  efl  recherché  pour  le  co- 
quillage qui  efl  un  des  meilleurs  de  la  mer , 
foit  qu'on  le  rrftnge  cuit ,  foit  qu'on  le 
mange  crud  ;  c'cfl  auffi ,  je  crois,  de  ce 
coquillage  dont  parle  Horace  ,  quand  il  die 
que  "  Tarente  ,  féjour  de  la  mollefîè ,  fe 
«  vante  d'avoir  les  pétoncles  les  plus  dé-^ 
»  licats.. 


PET 

'Bcàm'ihuspatulisjilclatfe  moite  Tarentum. 

Sat.4. /.  II. 

Le  peclen  de  Tarente  efl  celui  que  les 
Italiens  appellent  romia  ,  qui  a  deux  co- 
quilles cannelées  &:  ouvragées.  La  coquille 
du  pétoncle  eft  compofée  de  deux  pièces  ; 
le  ligament  à  reïïort  qui  les  affembk  &  qui 
feit  à  \ts  ouvrir  efl  du  côté  du  fomn^et. Quel- 
que s/!  fVonc/^j  n'ont  point  d'oreilles  ,  d'au- 
tres en  ont  une  ,&  d'autres  deux;  il  y  en 
a  qui  en  difFércn-s  endroits  (ont  armés  de 
petites  pointes.  La  variété  efl  aufG  très- 
grande  dans  la  couleur  de  ces  fortes  de  co- 
quilles ;  les  unes  font  entièrement  blarrches, 
d'autres  rouges,  d'autres  brunes  ,  &  d'au- 
tres tirent  fur  le  violet.  Enfin  on  en  voit 
où  toutes  ces  couleurs  font  diverfement 
combinées. 

Le  poifTon  de  ctUt  coquille  efl  un  des 
fileurs»de  la  mer,  ayant  la  puifTance  de 
filer ,  c'efl-à-dire  de  former  des  fils  comme 
la  moule  ;  mais  ils  font  beaucoup  plus  courts 
&  plus  groHiers  ;  on  n'en  peut  tirer  aucun 
ufage  ;  ils  ne  fervent  qu'à  fixer  le  coquillage 
à  tout  corps  qui  efl  voilin  ,  foit  que  ce  foit 
une  pierre  ,  un  morceau  de  corad ,  ou  quel- 
que coquille. 

Tous  ces  fils  partent  ,  comme  ceux  des 
moules,  d'un  tronc  commun;  ils  fortent 
de  la  coquille  àî^ns^lts  péioncle s  qui  n'ont 
qu'une  oreille  un  peu  au  dclTous  de  cette 
oreille.  Pour  prouver  qu'il  efl  libre  à  ce 
coquillage  de  s'attacher  quand  il  lui  plaît 
avec  fcs  fils  ,  il  fuffit  de  dire  que  fouvent , 
après  une  tempête  ,  on  en  trouve  dans  des 
^endroits  où  l'on  n'en  trouvoit  pas  les  jours 
précédens,  &:  que  cts  coquilles  qu'on  trouve 
font  fouvent  attachées  à  de  grolîés  pierres 
immobiles. 

On  prouve  de  refle  que  ces  coquillages 
forment  leurs  fils  de  la  même  manière  que 
-les  moules  forment  les  leurs,  en  remarquant 
qu'ils  ont  une  filière  afTez  femblable  à  celle 
de  la  moule,  quoiqu'elle  foit  plus  courte, 
&  qu'elle  ait  un  canal  plus  large  ;  aufîi  le 
poifTon  du /J^/o/ïc/f  file  des  fils  plus  courts 
.&  plus  gros  que  la  moule.  {D.J.) 
^.  PÉ-TONG ,  {Hijl,  nat.  Minéral.)  les 
jéfuités,  mifïîonnaires  à  la  Chine ,  difent 
que  l'on  trouve  dans  la  province  de  Yun- 
Nan.  une  efpecc  de.  métal ,  appçllé  pé-tong 


PET  „7 

par  If  s  Chiriois  ;  on  ne  nous  apprend  riea 
Fur  ce  métal  ,  finon  qu'il  efl  blanc  àfon  in- 
térieur ,  ainfi  qu'a  fon  extérieur  ,  &:  .que 
d'ailleurs  il  a  beaucoup  de  rapport  avec  le 
cuivre  ordinaire.  Peut-être  cette  fubfiance 
n'cfl-elle  qu'une  pyrite  arfenicale  dont  la 
couleur  efl  blanche  ,  mais  elle  n'a  aucune 
des  propriétés  du  cuivre, 

PETORRITUMJ.  m.  {Amiq.rom.) 
char  àcs  anciens  Romains  à  quatre  roues. 
On  veut  que  fon  nom  foit  grec  œblien  , 
iTîtofii  ,  quatre ,  &  qu'il  palTà  des  Phcv 
céens  de  Marfeille  à  Rome  ;  mais  il  y  a  plus 
d'apparence  qu'il  efl  purement  gaulois  \  pe- 
ten-ridom  fignifie  encore  aujourd'hui  k 
même   chofe  en  flamand. 

PETOVIO  ,  {Géogr.  anc.)  on  écrit  ce 
nom  fort  diverfement  ;  favoir  ,  Petei'io  y 
Petai'io  ,  Petobio  y  Pcetovium  ^  Pœtevio' 
&  Pcetovio ,  ville  de  la  haute  Pannonie  ^■ 
félon  Tacite,  hijh  l.  III.  c.j.  il  dit  que  la' 
treizième  légion  avoit  fon  quartier  d^hiver  à 
Petovio.  La  pofition  que  l'itinéraire  d'An- 
tonin  &  la  table  de  Peutftger.  donnent  à 
cette  place  fait  juger  que  c'efl  aujourd'hui 
h  ville  de  Pétaw  fur  la  Drave.  (JD.  /.) 

PETRA  ,  {Géogr.  anc.)  ce  mot  en  grec 
&  en  latin  veut  dire  une  roche  ,  un  rocher  ■ 
ou  une  pierre.  On  l'a  appliqué  à   difiereiis 
lieu>;,  à  caufe  de  leur  fituation  fur  un  ro->- 
cher ,  ou  parce  qu'ils  étoient  environnés"  de 
rochers  ,   ou  parce  qu'ils  avoient  quelque' 
autre   rapport  à  un  ou  plufieurs  rochers. 

I*.  Petra  ,  ville  capitale  de  l'Arabie  Pé- 
trée  ,  autrefois  capitale  de  ce  qu'on  appel- 
loir  V  ancienne  PaleJîine.Sr.rcxhon^liè.Xï^I 
dit  qu'elle  étoit  la  métropole  des  Naba- 
théens  ;  qu'elle  étoit  fituée  dans  une'  plaine' 
arrolée  de  fontaines  ,  &  toute  environnée' 
de  rochers:  enfin  que  les  Minéens  &  les 
Gerréens  débitoienr  leurs  parfums  aux  ha- 
bitans.  Pline,  lih.  VI.  c.  axi'iij.  en  parle" 
à^peu-prèsde  même  ;  mais  le  géographe  de 
Nubie,  nubiens  y  climat.  III.  pan.  V  af- 
fure  que  la  plupart  des  maifons  de  Petrtp 
étoient  creufées  dans  le  roc. 

2^  Petra ,  lieu  de  FElide.  Paufanias  ,, 
/.  VI.  c.  xxip.  le  place  au  voifinage  de  la'- 
ville  Elis  ,  &  dit  que  le  fépulcre  de  Pyr-- 
rhon  ,  fils  de  Piflocrate  ,  étoit  dans   ce  lieu.- 

3°.  Petra ,  rocher  habité  dans  la  Sog-^ 
diane.  Quinte'-Curce,..//3.   VILc  :r/..  dit 


558  PET 

qu'Arimazes  le  défendoit  avec  trente  mille 
hommes  armés. 

4°.  Petra ,  ville  de  la  Colchide  au  pays 
dcsLazicns.  Cet  endroit ,  ditProcope  ,n'é- 
toit  autrefois  qu'un  village  fans  nom ,  fur 
Je  bord  du  Pont-Euxin  ;  mais  il  devint  une 
ville  confidérablc  fous  l'empereur  Juftinien 
qui  le  fortifia  &  l'amplifia. 

5**.  Pstra  y  lieu  clevë  proche  de  Dyrra- 
chium;  cet  endroit,  fuivant  Céfar ,  for- 
moit  une  baie  médiocre  où  les  vaifîeaux 
ctoicnt  à  l'abri  de  certains  vents. 
-  6*^.  Petra  ^  ville  de  Sicile,  nommée  par 
Silius  Jralicus  Petnsa,  Le  nom  des  habitahs 
éfoit  Pe triai. 

7°.  Petra  ^  ville  de  laPierie  ,  félon  Tite- 
Livc,  Iib.  XXXIX.  c.  xxrj. 

8°.  Petra .,  ville  de  la  Médie ,  félon  le 
même  Tire-Live  ,  /.  XL.,  c.  x:xij. 

9°.  Petra  Achabron  ,  ville  de  la  Galilée 
"  fupérieure  félon  Jofeph,  de  bel.  l.  II.  c.  xxv. 

io°.  Petra  divifa  y  nom  que  donne  le 
premier  livre  des  rois  ,  c.  xxij.  v.  z8. 
au  rocher ,  ou  ^  la  montagne  du  défert  de 
Mahon. 

II**.  Petra  incifay  lieu  de  Phénicie  ,  au 
voifinage  de  l'ancienne  Tyr  ;  il  éroic  entre 
Capharnaum  &  Dora  ,  deux  villes  mari- 
times. (D./.) 

Petra  y  {Géogr.  tnod.)  ville  de  l'ile 
de  Métclin ,  qui  n'étoit  plus  qu'un  méchant 
village  avec  un  port ,  du  temps  de  Tourne- 
fort;  lecnpitaine  Hugues  Creveliers  avoir 
piiié  cette  ville  en  1676  ,  &  en  avoir  em- 
porté de  grandes  richelfes. 

PETH»x\S  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  nom  mo- 
derne du  Pélion ,  montagne  de  Thefîhîie. 
Voyei  PÉLION.  {D.  J.) 

PETR.EA  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  Botan.  ) 
nom  donné  par  Houllon  à  un  genre  de 
plante ,  en  l'honneur  du  lord  Petre  :  en 
voici  les  vrais  caraâeres  d'après  LinniEus. 
Le  calice  particulier  de  la  fleur  efl  large  , 
coloré ,  &  compofé  d'une  feule  feuille  ,  di- 
vifce  en  cinq  legmens  obtus  &:  déployés  ; 
ils  iubfjflent  avec  le  fruit  ;  la  fleur  tfl  irré- 
guliere ,  plus  petite  que  le  cahce ,  &  tno- 
nopérale  ;  les  étâmines  font  quatre  filets  iné- 
gaux en  grandeur,  mais  tous  cachés  dans 
le  calice  de  la  fieur  ;  les  boffettcs  des  étâmi- 
nes font  fimples;  le  germe  du  piflil  efî  ovale; 
le  %le  ^ft  frmple   &  de  la  longueur  des 


PET 

ëf aminés  ;  enfin  le  {{y\t  du  pirtil  eft  obtus,' 
(D.  J) 

PETRE  AU ,  f.  m.  {Jardinage.)  eft  le 
peuple  qui  croît  au  pié  des  poiriers  &  pom- 
miers ,  &  qui  fert  à  les  replanter  &  à  le» 
produire. 

PETREL,  f.  m.  {Hifl.  nat.  Omitho^ 
log.)  Pinçon   de  mer,  oiseau  de 

TEMPÊTE  ,  plautus  minimus procellarius  , 
Klein  ;  oifeau  qui  a  fixpouces  de  longueur 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité 
de  la  queue-,  &  un  pié  d'envergeure  ;  les 
ailes  étant  pliées  excedentde  plus  d'un  pouce 
le  bout  delà  queue;  le  bec  eft  noir,&  il  a  un 
pouce  de  longueur  ;  les  narines  fe  trouvent 
placées  dans  un  tubercule  qui  efl  au  milieu 
de  la  pièce  fupérieure  du  bec  ;  le  fommet 
de  la  tête  &  le  dos  font  noirâtres  ;  il  y  a 
fur  le  croupion  une  grande  tache  blanche  ; 
le  ventre  &  les  ailes  ont  une  couleur  moins 
foncée  que  celle  du  dos  ;  la  queue  a  un 
pouce  &  demi  de  longueur,  elle  efl  com- 
pofée  de  douze  plumes  qui  font  toutes  bru« 
nés  ;  les  pies  &  les  jambes  ont  une  cou- 
leur brune  folicée.  On  a  donné  au  pétrel 
le  nom  fïoifeaa  de  tempête  y  parce  qu'il 
vient  fc  c'acher  derrière  les  vaifîeaux  qui 
font  en  mer  lorfqu'on  efl:  menacé  d'une 
tempête.  i/{/?.  nat. des  oi féaux parUcrham, 
tom.  III .  Voyei  OiSEAU. 

PETREUX,  en  Anatomie  y  nom  de 
l'apophyfè  pierreufe  de  l'os  temporal  ;  on  la 
nomme  aufli  le  rocher.  V.  TEMPORAL. 

Les  {\T\\s pétreux  de  la  dure-mere  font  au 
nombre  de  fix,  trois  de  chaque  c6té;  un 
antérieur  fur  l'angle  antérieur  du  rocher  ; 
un  moyen  ou  angulaire  ,  Ihr  l'angle  poflëj 
rieur  fupérieur  du  rocher ,  &  un  inférieur. 
Les  deux  inférieurs  achèvent  avec  les  finus 
occipitaux ,  le  finus  circulaire  autour  du 
grand  trou  occipital.  Voye\  RoCHER. 

PÉTRICHERIE ,  f.  f.  {Pêcherie.)  terme 
de  marine  qui  fe  dit  de  tout  l'appareil  qui  fe 
fait  pour  la  pêche  des  morues ,  comme  cha- 
loupes ,  hameçons  ,  couteaux ,  lignes ,  Ùc. 
Les  Bafques  &  les  autres  Terreneuviers  qui 
vont  à  cette  pcche  ,  ont  emprunté  ce  mot 
des  Efpagnols  qui  appellent /'ffrfcAoj,  un 
équipage  de  grerre  ou  de  chafTe. 

PETRIFIANT,  adj.  {Phyfiq.  )  une 
chofe  qui  a  la  faculté  de  pétrifier  ou  de  chan- 
ger \qs  corps  en  pierres,  F<3xe;^PiERaiS» 


PET 

Les  Phyficiens  parlent  d'un  principe  pf'- 
trifiant^  d'un  ei'prit  pétrifiant ,  d'un  lue  pé- 
trifiant. Les  eaux  ou  {'ontâinQS pétrifiantes  , 
font  celles  qui  contenant  des  parties  pierreu- 
ses diflôutcs  ,  &  qui  y  nagent  ^  les  déporent 
fur  les  bois,  fur  les  feuilles  ,  &  fur  d'autres 
corps  qu'on  y  plonge  :  de  forte  qu'après  que 
ces  parties  s'y  font  durcies  en  une  efpece 
de  croûte  ,  on  regarde  ordinairement  ce  qui 
çn  réfulte  comme  des  pétrifications.  Voye\ 

Fontaine',  Pétrification. 

PETRIFICATION,  f.  L  {Hifl.  nat. 
Minéralogie.  )  c'cil:  une  opération  de  la  na- 
ture^ par  laquelle  un  corps  du  règne  végé- 
tal ,  ou  du  règne  animal ,  eft:  converti  en 
pierre  ,  en  confervant  toujours  la  forme 
qu'il  avoit  auparavant,     n 

Toutes  les  pierres  ne  font  formées  que- 
par  la  réunion  de  molécules  terreufes  qui 
ont  été  ou  diflbutes,  ou  détrempées  dans  de 
l'eau  ,  voye\  V article  PlERRES.  C'eft  donc 
aux  eaux  feules  qne  l'on  doit  attribuer  la 
pétrification;  alnfi  il  s'agit  d'examiner  de 
quelle  manière  cette  opération  fe  fait.  Nous 
prendrons  pour  exemple  le  bois  ;  &  nous 
allons  confidérer  comment  cette  fubflance  , 
dont  le  tiilu  efl:  lâche  en  comparaifon  de 
celui  des  pierres,  peut  devenir  un  corps  dur, 
pefant  &  compade,  fans  rien  perdre  de 
fa  forme. 

Le  bois  ,  fuivant  les  analyfes  ,  efl  com- 
pofé  ;  I®.  d'une  terre  qui  lui  fert  de  bafe  , 
ainli  qu'à  tous  les  corps  de  la  nature;  2,0.  d'u- 
ne portion  d'eau  qui  entre  dans  fa  combi- 
najfon;  3^.  d'une  juoflancc  que  l'on  nomme 
eoctraclive  ,  qui  efl  ou  une  gopxime  ,  ou  uns 
réfine  ,  ou  qui  efU'une  &  l'autre  à  la  fois  ; 
4*^.  d'une  fubdance  laline  ,  qui  efl  tantôt  de 
la  nature  du  vitriol,  tantôt  de  celle  du  ni- 
tre,  tantôt  de  celle  du  iel  marin.  Le  bois 
art  formé  par  l'alfemblage  d'un  amas  de 
filets  ou  de  fibres  ,  qui  font  aurai-.t  de  tuyaux 
qui  donnent  pàffage  à  la  fève ,  &  il  cft  rem- 
pli de  pores  qui  vont  du  centre  à  la  circon- 
férence. Lorlqu'un  morceau  de  bois  efl 
enfoui  en  terre,  il  ne  tarde  point  à  être 
pénétré  par  l'eau  ;  ce  fluide  en  s'infinuant 
par  fes  pores  &  fcs  fibres ,  diiîbut  peu-à- 
peu  les  fubflances  dont  il  efl  le  diflblvant , 
telles  que  les  parties  falines,les  parties  gom- 
meufes ,  &c.  &  s'unit  avec  feau  qui  étoit 
déjà  contenue  dans  le  bois ,  &  qui  faifoit 


PET 


5  55? 


partie  de  fa  combinaifon;  par  ce  moyen 
il  fe  fait  une  décompofition  du  bois  y  fes 
parties  fe  détachent  les  unes  des  autres;  les 
pores  &  les  tuyaux  fe  dilatent  &c  s'agran- 
dilîènt ,  f  eau  y  entre  comme  dans  wnc 
éponge.  Quoique  privé  de  plufieurs  de  fes 
principes  ,.  le  bois  confcrvc  fon  liffu  &  fa 
forme  ;  il  lui  relie  encore  la  terre  qui  lui 
fert  de  bafe.  En  eflfet  lorfqu'on  brûle  une 
plante  avec  précaution  ,  c'efl-à-dirc  en  la 
garantiffant  du  vent ,  il  rcfle  une  cendre 
qui  efl  pour  ainfi  dire  le  fquelette  de  la 
plante  ;  &  cette  cendre  n'*eil  autre  chofc 
que  la  terre  &:  la  partie  falinede  cette  même 
plante.  L'eau  en  circulant  fans  celfe  dans 
ces  fibres  ou  tuyaux  vidés  ,  y  dépofe  peu- 
à-peu  les  molécules  terreufes  dont  elle- 
même  efl  chargée  ;  ces  molécules  fe  com- 
binent avec  celles  qui  entroient  dans  la 
combinaifon  du  bois  ,  elles  s'y  moulent  , 
elles  rempliffent ,  &  à  l'aide  de  l'évapo- 
ration  ,  ces  molécules  accumulées  fe  lient 
les  unes  avec  les  aufres  ,  &  le  bois  changé 
en  pierre  confervc  la  même  force  qu'il 
avoit  auparavant.  Alors  le  "bois  devient  une 
mafle  de  pierre  qui  efl  ou  calcaire,  ou  argî- 
leufe ,  ou  de  la  nature  dii  csillou  &  de 
l'agate,  fuivant  la  nature  des  molécules  ter- 
reufes que  les  eaux  ont  ou  diffoutes,  ou 
détrempées,  &  qu'elles  ont  charriées  &: 
dépofées  dans  les  fibres  du  bois. 

Pour  que  cette  opération  fe  faflê ,  il  efl 
ailé  de  concevoir  qu'il  faut  que  la  terre 
dans  laquelle  efl  renfermé  le  corps  qui  doit 
fe  pétrifier  ,  nç  foit  ni  trop  feche  ,  ni  trop 
humide.  Trop  d'eau  pourriroit  le  bois  trop 
promptement ,  &  le  réduiroit  en  terre  , 
avant  que  les  molécules  euffcnt  eu  le  temps 
de  fe  dijpofcr  peu-à-peu ,  &  de  fe  lier  les 
unes  aux  autres.  D'un  aune  côté  ,  un.ter- 
rtim  trop  fec  ne  fourniroic  point  l'eau  qui , 
comme  on  a  vu  ,  efl  ablolument  nccefîàire 
à  la  pétrification.  L'eau  ne  doit  point  êtr€ 
en  mouvement ,  pf.rce-  qu'elle  ne  pourroic 
point  dépofer  les  molécules  dont  elle  efl 
chargée.  Enfin  il  faut  que  le  corps  qui  doit 
fe  pétrifier  ,  foit  garanti  du  contad  de  l'air 
extérieur  ,  dont  le  mouvement  trop  violent 
nuiroit  au  travail  de  la  nature. 

Quelques  perfonnes  n'admettent  point 
de  pétrification  véritable  ;  elles  paroilîsnt 
tonder  l^r  fentiment  fur  une   djfpute  de 


m 


5^0*  PET 

mots.  Il  eu  bien   certain  que  toutes   les 
parties  du  bois  ne  font    point  converties 
en  pierre ,  il  n'y  a  que  celles  qui  font  ter- 
reuîès  qui  foicnt  propres  à  entrer  dans  la 
nouvelle  combinaiibn  quife  produit.  Quant 
aux*  au  très  principes  ,  après  avoir  été  chaf- 
ies ,  ils  font  remplacés   par  les  molécules 
que  les  eaux  dépofènt  :  c'efi:  ce  remplace- 
ment que  l'on  appelle  pétrification.  Dans 
ce  fens ,  il  y  auroit  de  l'abfurdité   à  nier 
l'exiflence  des  pétrifications.  En  effet  ,  on 
a  trouvé  en  plufieurs  endroits  de  la  terre , 
des  arbres  entiers  pétrifiés ,  avec  leurs  bran- 
ches &  leurs  racines.  On  appercevoit  en  les 
coupant,  les  cercles  annuels  de  leur  croif- 
fance  ;  on  en  a  des  morceaux   fur  leiquels 
on  voit   difiindement    qu'ils  ont  été  ron- 
gés  par  les    vers  ;    d'autres    portent  des 
marques  vilibles  de  la  coignée  &  de  la  fcie. 
Enfin ,  ce  qui  doit  fermer  la  bouche  à  l'in- 
crédulité ,  on  a  trouvé  ,  quoique  rarement  , 
des  morceaux  de  bois    dont   une   portion 
étoit  encore  dans  l'état  d'un  bois  véritable 
&  propre  à  brûler,  tandis  qu'une  autre  por- 
tion étoit    changée    en  agate  ,  ou  en  une 
pierre  d'une  autre  efpece. 

Ce    qui  vient  d'être  dit    du  bois    peut 
s'appliquer  aux  parties  des  animaux  qui  fe 
pétrifient.  Les  animaux  ont,  ainfi  que  les 
végétaux  ,  une  terre  .qui  leur  fert  de  bafe; 
e'eil  cette  terre  qui  forme  leurs    os  ,  les 
coquilles  ;  ils  contiennent  encore  àes  parties 
falines  &  aqueufes  ;  ils    font    remplis    de 
fibres  £v  de  pores  qui    peuvent   admettre 
les    eaux    de  la    terre;  ces   eaux  peuvent 
dépofer    dans  les   pores    &:  interftices  de 
ces  fubfcances  animales ,  les  molécules  ter- 
reufes  dont  elles  font  chargées  ,  &  qui  s'y 
durcilfent  peu-à-peu.    Les  llibflances  ani- 
males qu'on  trouve  le  plus   ordinairement 
pétrifiées  ,  font  les    coquilles  ,  les  madré- 
pores ,  les  offemens   de  poifîons  ;  cela  eïl 
.adez  naturel ,  vu    que    ces  fubftances  ont 
déjà  par  elles-mêmes  beraicoup  d'analogie 
>iveç  les  pierres  ,  étant  compofées  pour  la 
plus  grande  partie  ,  de  molécules  terreufès 
■&  calcaires.  A  j'égard  des  parties  gralfes 
&  charnues  des  animaux,  elles  font   d'un 
tifiu  trop  lâche ,  &  trop  fujettes  à  la  pour- 
riture ,  pour  pouvoir  donner  le  temps  aux 
eaux  de  dépofer  la  matière  lippidifique  dans 
leurs  fibres. 


PET 

Quant  aux  p/m^c-arioni'  des  quadrupè- 
des ,  elles  doivent  être  très-rares  ,  fi  tant 
efl  qu'il  en  exifte  ;  on  trouve  affez  fouvent 
leurs  oflcmens  enfouis  en  terre  ,  mais  ils 
ne  font  point  pétrifiés  pour  cela  ;  on  doit 
fur-tout  regarder  comme  très-incertain  ce 
qui  a  été  rapporté  par  quelques  auteurs  , 
d'un  cadavre  humain  pétrifié  que  l'on  dit 


avoir  ete  trouve  en 
la  ville  d'Aix  en  P 


583  aux  environs  de 
rovence  :  on  peut  en 
dire  autant  des  hommes  pétrifiés  que  •  l'on 
prétend  avoir  été  trouvés  dans  une  mon- 
tagne de  la  Suifle  ;  ces  hommes  ,  dit-on  , 
tailoient  partie  de  l'équipage  d'un  vaiilêau 
qui  fut  trouvé  avec  fès  agrès  au  même 
endroit.  Ces  faits  iont  aufii  fabuleux  que 
la  prétendue  ville  de  Bidoblo  en  Afrique  , 
dont  on  nous  cdbte  que  tous  les  habitans 
ont  été  pétrifiés.  Le  merveilleux  de  cette 
hiiloire  difparoîtra  fi  l'on  fait  attention 
que  fouvent  les  voyageurs  qui  pafîent  dans 
les  endroits  fablonneux  de  l'Arabie  &  de  la 
Lybie,  font  tout  d'un  coup  enfevelis  fous 
des  montagnes  de  fable  que  le  vent  élevé  ; 
quelques  fiecles  après  on  rétrouve  les  cada- 
vres durcis  &  defféchés ,  événement  qui 
a  pu  arriver  aux  habitans  de  la  ville  de 
Bidoblo. 

Un  grand  nombre  d'auteurs  nous  parlent 
d'offemensde  quadrupèdes  péfrifiés  ;  cepen- 
dant ,  en  regardant  la  chofe  de  près ,  on 
trouvera  que  r-ien  n'efl  moins  décidé  que 
leur  exiftence ,  &  l'on  verra  que  les  ofîè- 
mens  des  quadrupèdes  que  l'on  rencontre 
en  terre,  font  ou  dans  leur  état  naturel  ou 
fimplcment  rongés  &  calcinés.  Voye^  les 
articles  OSSEMENS  FOSSILES  ,  IvOIRE 
FOSSILE  ,  Ùc.  Cependant  il  peut  fe  faire 
que  ces  os  ,  par  leur  féjour  dans  la  terre  , 
aient  acquis  une  dureté  beaucoup  plus 
grande  qu'ils  n'avoient  auparavant  ;  mais 
cela  n'autorife  point  à  les  mettre  au  rang 
des  pétrifications. 

On  a  aufii  raifon  de  fe  défier  àes  pré- 
tendus oifèaux  pétrifiés  avec  leurs  œufs  , 
que  l'on  affure  fe  trouver  au  pays  de  Heiîê, 
dans  le  Wefi:erwald  ,dans  une  montagne 
appellée  Vogelsberg.  On  doit  porter  le 
même  jugement  des  crapaux  ,  àes  lézards  , 
&  mênie  des  ferpens  pétrifiés  qui  fè  font 
quelquefois  trouvés  en  terre  ;  quajit  aux 
fçrpens ,  il  y  a  lieu   de   foupjronner  que 

des 


PET 

cîçf?  gens  peu  tnffruirs  auront  pu  erre  trom-  ' 
pé.s  pc.r  des  cornes  d'ammon  ,  qui  refîcm- 
blent  afïêz  à  un  lèrpent  entortillé. 

La  chofe  ert  beaucoup  plus  certaine  pour 
les  animaux  marins,  &  l'on  eft  afTuré  qu'il 
s'en  trouve  de  pétrifiés  ;  près  des  villages 
de  Mary  &  de  Lify ,  dans  le  voifinage  de 
Meaux  ,  on  trouve  une  grande  quantité  de 
crabes  pétrifiés  ;    on  rencontre  entre  plu- 
fieurs  autres  endroits  des  dents  &  des  palais 
de  poiflons  pétrifiés  ,  Ùc.  au  point  de  don- 
ner des  étincelles  lorfqu'on  les  frappe  avec 
un  briquet.  Telles  font  les  pierres  que  l'on 
nomme  crapaudines  ,  glojjopetres  ,  &t.  V. 
ces  articles.    Les   belemnites  ,    les  cornes 
d'ammon  ,  les  ourfins  ou  échinites  ,  &  un 
grand  nombre  de  coquilles  &  de  litophytes 
font  fouvent  véritablement  pétrifiés  ;  on  en 
voit  qui  font  entièrement  changés  en  cail- 
loux ou  en  agate  ;  d'autres  ont  fervi  de 
moule  à  la  matière  lapidifique  qui  a   été 
reçue  dans  l'î^ntérieur  de  et?,  corps  ;   mais 
ce  feroit  fe  tromper  que  de  mettre   tous 
les  corps  marins  qui  le  trouvent  dans  le 
(éin  de  la  terre 'au  rang  des  pétrifications; 
quelques-uns  de  ces  corps  n'ont   éprouvé 
aucune  altération  ,  d'autres  ont  été  fimple- 
ment  rongés  ,  ont  perdu   leur  liaifon  ,   ce 
qui  ne  peut  palTer  pour  un  changement  en 
pierre  ;  d'où  l'on  voit  qne  l'on  ne  doit  pas 
donner  indiftindement  le  nom  de  pétrifica- 
tion à  toutes  les  coquilles  ou  corps  marins 
qui  fe  trouvent  enfouis  dans  les  couches  de 
la  terre.  Voye\  l'article  FoSSILLE.  Lorf- 
qu'on veut  parler  avec  exaditude ,  il  feroit  à 
propos  de  diftinguer  même  les  pierres  qui 
font  venues  fe  mouler  dans  l'intérieur  des 
coquilles  ou  des  corps  marins  ,   des  vraies 
pétrifications.    En  effet ,  on  voit   fouvent 
des  pierres  ainfi  formées  ou  moulées  ,  qui 
font  encore  enveloppées  de  la  coquille  qui 
a  fervi  de  moule  à  la  matière  lapidifique  ; 
la  coquille  elle-même  n'a  point  été  chan- 
gée ,   elle  eft  fouvent  dans  fon  état  naturel. 
Il  ne  faut  point  croire  non  plus  que  l'ani- 
mal qui  logeoit  dans  ces  coquilles   ait  été 
converti  en  pierre  ;  tout  ce  qu'on  peut  dire , 
c'eft  que  le  fuc  pierreux  efî  venu  ocfliper 
la  place  de  l'animal. 

Ce  feroit  encore  fe  tromper  que  de  pren- 
dre pour  une  vraie  pétrification  les  incruf- 
tations  ou  croûtes  pierreufes  qui  fe  forment 
Tome  XXV. 


PET  <;6f 

à  l'entorr  de  quelques  iiibilances  qui  ont. 
féjourné  quelque  fe;-!Tps-  au  fond  de  certai- 
nes eaux;  les  molécules  terreufes  conte- 
nues dans  ces  eaux  fe  font  dépofées  fur 
les  feuilles  ou  les  plantes ,  &  les  ont  cou- 
vertes d'un  enduit  qui  s'eft  durci  &  changé 
en  pierre  ,  en  confervant  la  forme  du 
corps  fur  lequel  cts  molécules  fe  font 
dépofées ,  tandis  que  le  corps  lui  -  même 
scïi  pourri  &  a  dilparu.  Fby^^^  INCRUS- 
TATION. 

On  ne  doit  pas  non  plus  confondre  avec 
les  pétrifications  ,  les  empreintes  des  végé- 
taux ou  des  poiffons  qui  fe  trouvent  fur 
quelques  pierres  ;  la  pierre  qui  porte  ces 
empreintes  ,  étant  dans  un  état  de  mol- 
leflè  ,  a  pris  la  figure  du  corps  qu'elle  en- 
veloppoit  ,  elle  s'eft  durcie  peu  à  peu ,  & 
le  corps  qui  a  fait  l'empreinte  a  fouvent 
entièrement  difparu.  Voye'{  PhytOLITES 

ù  Typolites. 

Enfin  ,  on  ne  peut  donner  le  nom  de 
pétrifications  aux  pierres  à  qui  des  circonf» 
tances  fortuites  ont  fait  prendre  dans  le 
fcin  de  la  terre  des  formes  bizarres  ,  qui 
peuvent  quelquefois  avoir  de  la  refîera- 
blancc  avec  des  corps  étrangers  au  règne' 
minéral.  Voye^  l'article  Jeux  DE  LA. 
NATURE. 

Les  vraies  pétrifications  font  donc  les 
iubftances ,  foit  animales  ,  foir  végétales  , 
qui  ont  été  pénétrées  &  imbibées  du  fuc 
pierreux  ,  qui  eft  venu  remplacer  les  princi- 
pes dont  ces  corps  étoient  originairement 
compofés,  fans  changer  leur  flruâure  & 
leur  tiffu.  Une  infinité  d'exemples  nou« 
prouvent  que  la  terre  renferme  des  pétri- 
fications de  cette  efpece  ;  elles  portent  fî 
diftindement  la  forme  du  corps  animal  ou 
végétal  qu'elles  étoient  originairement  , 
qu'il  efl  impoflible  de  s'y  tromper  ;  c'efî 
ainfi  que  nous  avons  un  grand  nombre  de 
bois  pétrifiés.  En  Franche-Comté,  près  de 
Salins  ,  on  a  trouvé  une  afîèz  grande 
quantité  de  noix  &  de  noifettes  entière- 
ment changées  eh  pierre.  On  a  trouvé  aulfi 
des  châtaignes  ,  des  pommes  de  pin  &  d'au- 
tres fruits  (èmblables  véritablement  pétri- 
fiés ;  mais  il  faut  convenir  que  l'on  voit 
fouvent  dans  les  colledions  des  curieux 
des  pierres  que  l'on  veut  faire  paffer  pour 
des  pétrifications  ,  &  qui  ne  font  réeilçr 
*  '      jBbbb 


5^2  PET 

ment  redevables  de  leur  figure  qu*à  des 
«fïèts  du  hazard. 

Quelques  naturaliftesont  été  très-curieux 
de  (avoir  combien  la  nature  employoit  de 
temps  à  la  pétrification  :  ils  ont  cru  que 
cela  pourroit  faire  connoîrre  l'antiquité  de 
notre  globe.  L'empereur  François  I,  aduel- 
lement  régnant ,  dont  le  goût  pour  l'hiftoire 
naturelle  eu  connu  de  tout  le  monde  , 
fît  tirer  du  Danube  un  pilotis  qui  avoit 
fervi  à  un  pont  que  Trajan  avoit  fait  bâtir 
fur  ce  fleuve  en  Servie.  Ce  pilotis  étoit 
pétrifié  tout  autour  à-peu-près  d'un  travers 
de  doigt  d^épaifleur.  Il  paroît  que  cette 
voie  feroit  très  -  peu  fijre  pour  nous  faire 
découvrir  l'âge  du  monde  ,  vu  que  cer- 
taines eaux  Ibnt  plus  chargées  que  d'au- 
tres de  molécules  lapidifiques  ;  certains  ter- 
rains peuvent  être  plus  propres  que  d'au- 
tres à  la  pétrification ,  &  quelques  fubflan- 
ces  peuvent  être  plus  dirpofées  que  d'au- 
tres à  recevoir  les  fucs  pétrifians  ;  nous  en 
avons  un  exemple  dans  le  lac  d'Irlande, 
que  l'on  nomme  Loughneagh.  Voyez  cet 
article.   {  —  ) 

PETRIN  ,  f.  m.  (  Boulang.)  efl  une 
efpece  de  cofFre  dans  lequel  on  pétrit  le 
pain.  Il  efl  fermé 'd'un  couvercle  qu'on 
appelle  tour  y  parce  qu'il  fert  à  tourner  le 
pain  ,  &  qui  eÛ  environné  tout  autour  , 
excepté  fur  le  devant ,  d'une  bordure  de 
planche  haute  d'environ  trois  pouces  ,  qui 
va  toujours  en  rétreciffant  fur  les  côtés  jul- 
qu  à  la  hauteur  du  devant. 

PÉTRINAL  ou  POITRINAL ,  f.  ra. 
{Artmilit.)  étoit ,  fefon  Nicot ,  une  efpece 
d'arquebufe  plus  courte  que  le  moufquet , 
mais  de  plus  gros  calibre  ,  qui  à  caufe  de  fa 
pefanteur  étoit  attaché  à  un  large  baudrier 
pendant  en  écharpe  de  l'épaule  ,  &  couché 
fur  la  poitrine  de  celui  qui  le  portoit.  On 
appelloit  poitrinatier  l'homme  de  guerre 
qui  fefervoit  du  poitrinal  dans  le  combat. 
Il  efl  fait  mention  de  cette  arm.e  dans  une 
relation  du  fiege  de  Rouen  par  Henri  IV, 
en  1592  ;^  il  y  a  long-temps  qu'elle  n'eft 
plus  en  ufage^  {  Q) 

PÉTRINIA  ,  (Geogr.  med.)  petite  ville 
de  la  Croatie  ,  lijr  la  rivière  de  Pétrinia  , 
qui  fe  jette  dans  le  Kulpe  :  elle  appartient 
à  la  maifon  d'Autriche ,  a  été  bâtie  en 
t'y^z  ,  &  efl  à  fcpt  lieues  E.  de  Carlelladt. 


PET 

Longitude  ^^  y  z  <  ;  latitude  46  >  4^» 
(D.J.) 
PETRINUM  SINUESSANUM, 

(  Geogr.  anc.  )  lieu  d'Italie  ,  dans  la  Cam- 
panie.  Horace,  l.  I ,  epijî.  v^v.  ^  y  ^"^ 
fait  mention.  Il  promit  A  Torquatus  du  vin 
qui  croilToit  entre  Minturne  &  Sinuelïè  , 
dans  le  lieu  qu'il  appelle  Petrinum  Sinuef- 
fanum  :  c'étoit  vraifemblablement  une  mon- 
tagne qui  commandoit  la  ville  de  Sinuefïe, 
&  où  il  y  a  maintenant  un  bourg  avec  un 
petit  fort ,  qu'on  nomme  Rocca  di  monté 
Rago^é y  où  l'on  cueilloit  auti'efois  un  des. 
meilleurs  vins  de  l'Italie. 

PÉTRIR  ,  (Boulang.)  Cefl  mêler  l'eau , 
le  levain  &  la  farine ,  &  former  à  bras  ou 
autrement  la  pâte  à  faire  le  pain.  L'avan- 
tage principal  de  pétrir  confifte  à  dillribuer 
également  l'air  ,  l'eau  &  le  levain  dans  tout 
le  corps  de  la  pâte  ,  afin  que  la  fermen- 
tation s'établiflê  par-tout ,  en  même  temps  ,. 
&  également  dans  la  raaffe.  En  conféquenc& 
plus  le  pain  eft  pétri ,  meilleur  il  eft  ,  plus, 
il  y  a  d'yeux.  Les  yeux  du  pain  font-ils 
formés  par  l'ean  mife  en  expanfion  par  l'ac- 
tion du  feu  ,  tandis  que  le  pain  cuit,- oit 
par  la  dilatation  de  l'air  enfermé  dans  la 
pâte  ,  en  le  pêtrifTant  ?  C'eft  ce  qui  n'eft  pas. 
encore  déterminé.  Il  eft  fur  que  le  pain^ 
mal  pétri  efi:  lourd ,  mal  fain ,  &  l'ans 
.  yeux.  Quant  à  ces  bulles  qu'on  voit  le 
former  à  la.  pâte  tout  en  la  pêtrilTant,  je- 
me  trompe  fort ,  ou  c'eil  l'efiTet  d'un  com- 
mencement de  fermentation  ,  dans  lequel" 
une  portion  d'air  le  fépare  ,  comme  il'  arrive 
dans  toute  autre  fermentation  ,  dans  urï, 
fluide  même  ,  où  l'on  voit  des  bulles  fe 
former.  Or  cqs  bulles  font,  toutes  chofes 
égales  d'ailleurs ,  le  phénomène  même  de» 
yeux  formés  dans  la  pâte  &  pendant  qu'oa 
la  pétrit,  &  quand  elle  cuit  au  four. 

PEXROBRUSIENS,  f.  m.  pi.  (Hifil 
eccle'f.  )  fede  d'hérétiques  qui.  parurent  en 
France  vers  l'an  11 26,  &  qui  prirent  ce 
nom  de  leur  chef  Pierre  de  Bruys  ^  pro- 
vençal. 

Un  moine  ,  nommé Henri^  femît  aulîi-i 
Feu  *tête  ,  ce  qui  leur  fit  donner  le  nom 
d'Henriciens.    Fqyq  HenE-ICIENS. 

Pierre  /  le  vénérablie  abbé  de  Cluny  ,  a? 
fait  un  traité  contre  \ts.  Pétrobrujîens  y  dans- 
la:  préface  duquel  il  réduit  leurs  erreurs  h 


PET 

cinq  chefs  principaux.  i°.  Ils  nioient  que 
le  baptême  fût  néceflaire  ni  même  utile  aux 
enfans  avant  l'âge  de  raifon  ,  parce  que  , 
dilbient-ils ,  c'elî  notre  propre  foi  aduelle 
qui  nous  fauve  par  le  baptême.  29.  Qu'on 
ne  dcvoit  point  bâtir  d'églifes  ,  mais  au 
contraire  les  détruire ,  les  prières  étant  fé- 
lon eux  aulll  bonnes  dans  une  hôtellerie 
que  dans  un  temple  ,  &  dans  une  étable 
que  fur  un  autel.  3*.  Qu'il  falloit  brûler 
toutes  les  croix,  parce  que  les  chrétiens 
dévoient  avoir  en  horreur  tous  les  inllru- 
mens  de  la  paillon  de  Jefus-Chrift  leur  chef. 
4°.  Que  Jefus  -Chrifî  n'efl  pas  réellement 
préfent  dans  l'Euchariftie.  5*.  Que  les  fa- 
crifices  ,  les  aumônes  &  les  prières ,  ne 
fervent  de  rien  aux  morts. 

On  les  a  auiïi  accufés  de  manichéifme , 
&  ce  n'eft  pas  à  tort  ;  car  il  eft  prouve 
qu'ils  admettoient  deux  principes  comme 
les  anciens  manichéens  ;  il  Tell  par  Roger 
de  Hoveden  dans  ^ts  annales  d'Angle- 
terre, qu'à  l'exemple  de  ces  hérétiques  , 
\qs  Pétrobrujiens  ne  reccvoient  ni  la  loi  de 
Moïfe  ,  ni  les  prophètes ,  ni  les  Pfeaumes , 
ni  l'ancien  Tellamenr  ;  &  par  Radulphe 
Ardens  ,  auteur  du  onzième  fîecle  ,  qui 
rapporte  que  les  hérétiques  d'Agenois  fe 
vantent  de  mener  la  vie  des  apôtres  ,  di- 
fent  qu'ils  ne  mentent  point  &  ne  jurent 
point  ,  condamnent  l'ufage  àts  viandes  & 
iu  mariage  ,  rejettent  l'ancien  Tellament 
&  une  partie  du  nouveau ,  &  ce  qui  e(î 
de  plus  terrible  ,  admettent  deux  créateurs  y 
difent  que  le  facrement  de  l'autel  n'eft  que 
du  pain  tout  pur  ,  méprifent  le  baptême 
&  la  rélùrredion  <àts  morts  :  or  ces  hé- 
rétiques d'Agenois  du  xj  liecle  n'éroient  au- 
tres que  les  Pétrobrufiens  &  les  Henriciens 
dont  la  fede  s'étoit  répandue  en  Gafcogne 
&:dans  les  provinces  voiiines  ,  &  c'étoient- 
là  fans  doute  des  Manichéens  bien  marqués, 
dit  M.  Rofnet  ,  Hifi.  des  Variât,  liv. 
JCI ,  num.  42.  y  pag.  14-6  y  tom.  II. 
C'eft  donc  à  tort  que  M.  Chambers  accufe 
le  P.  Langlois  d'avoir  voulu  par  un  faux 
,zele  noircir  les  Pétrobrufiens  d'une  accufa- 
tion  de  manichéifme  ;  c'eft  contre  les  auteurs 
contemporains  qu'il  faudroit  intenter  cette 
accufation  ;  mais  on  fait  le  motif  qui  porte 
lesproteftans  à  écarter  le  foupçon  de  ma- 
iiicliéiime  des  hérétiques  qui  dans  le  xj 


PET  yi^5 

fîecle  ont  nié  la  préfence  réelle  ,  &  l'on 
peut  voir  ce  que  M.  Bofluet  a  répondu  k 
ce  fujet  au  miniflre  la  Roque.  Hifl.  des 
Variât,  tom.  II y  liv.  XI  y  c.  xxx  Ù/uiv, 

PETROCORES  (  les  ),  (  Géogr.  anc  ) 
Petrocorii  y  peuples  de  la  Gaule  ,  dont 
Jules-Céfar  fait  mention  parmi  les  Celtes  , 
&  qu'Augufte  comprit  dans  l'Aquitaine.  Ils 
habitoient  les  pays  que  renferment  les  dio- 
celès  de  Périgueux  &  de  Sarlat  ;  car  Sar- 
lat  a  été  tiré  de  l'ancien  diocefê  de  Péri- 
gueux  ;  le  nom  moderne  de  ces  peuples  eft 
corrompu  de  l'ancien  :  on  les  appelle  pré- 
lèntement  Périgourdins  ,•  le  pays  fe  nomme 
Périgord  y  &  leur  capitale  Périgueux. 

PETRO-JOANNITES,  f.  m.  pi.  (Hi/f. 
eccléf.)  nom  de  quelques  fcdaires  a{fez 
obfcurs  ,  ainfi  nommés  d'un  certain  Pierre 
Jean  ou  Pierre  fils  de  Jedn  y  qui  parut 
dans  le  xij?.  liecle.  Sts  opinions  ne  furent 
connues  qu'après  fa  mort ,  &  fon  cadavre 
fut  déterré  &  brûlé. 

Ses  erreurs  fe  réduifoient  à  dire  que  lui 
fèul  avoit  la  connoifîance  du  vrai  fèns  dans 
lequel  les  apôtres  avoient  prêché  l'évangile  ; 
que  l'ame  raifonnable  n'étoit  point  la  forme 
du  corps  ;  qu'aucune  grâce  ne  nous  eft  infufc 
par  le  baptême  ,  &  que  Jefus-Chrift  étoit 
encore  vivant  fur  la  croix  lorfqu'on  lui 
perça  le  côté  avec  une  lance.  Prateol. 

PETROL,  f.  m.  {Hift.  nat.  des  huiles 
miner.)  on  difoit  auparavant  p^/reW,*  en 
Italien  petroglio  ;  en  Anglois  petroly  ou 
rock-oil.  Huile  minérale  ,  fubtile  ,  inflam- 
mable ,  d'une  odeur  forte  de  bitume ,  & 
de  différente  couleur. 

Les  hommes  rapportent  fout  afîez  vo- 
lontiers à  leurs  goûts ,  ou  à  leurs  pallions. 
Il  y  a  peu  de  nos  dames  qui  ignorent  la 
caufe  à  laquelle  Roufîêau  attribue  la  mort 
d€  l'amoureux  fils  d'Alcmenc  ,  &  peut-être 
penfènt-elles  comme  ce  poëte.  Pour  moi 
qui  ne  fonge  qu'à  la  nature  du  pétrol  y  & 
qui  fuis  rempli  des  détails  qu'en  racontent 
divers  auteurs  ;  je  m'imagine ,  avec  quel- 
ques-uns d'eux  ,  que  la  robe  fatale  qu'on 
fuppofoit  teinte  du  fang  de  Neffus  ,  &  que 
Déjanire  envoya  enfuite  à  Hercule  ,  de 
même  que  celle  que  Médée  envoya  à  Glaucé, 
cauferent  la  mort  du  ravifîeur  d'Iole  ,  & 
de  la  fille  de  Créon  ,  parce  que  ces  deux 
Bbbbi 


5^4  PET 

robes  avoient  été  trempées  dans  le  pe'trol, 
qu'on  trouvoit  aux  environs  de  Babylone. 

Ce  pétrol  ou  ce  naphre  de  Babylone  , 
étoir  d'une  nature  li  fubtile  ,  qu'il  s'enflam- 
moit  dès  qu'on  l'approchoit  du  feu  ,  &  l'on 
ne  pouvoit  l'éteindre  qu'en  étouflfànt  ce  feu 
avec  de  la  boue,  du  vinaigre,  de  l'alun  &  de 
la  glu  :  Alexandre  en  fit  l'expérience  fur  un 
jeune  garçon  ,  qu'on  eut  bien  de  la  peine  à 
fauver.  Ces  faits  qu'on  lit  dans  l'hiftoire  , 
m'ont  conduit  à  rechercher  avec  avidité  les 
obfervations  de  nos  meilleurs  phyficiens  fur 
ce  bitume  liquide. 

Les  noms  du  pétrol  che:{  les  anciens.  Le 
nom  de  naphte  que  porte  le  pétrel ,  dérive 
du  chnldécn  nopk  y  découler  ^  parce  qu'il 
découle  &  dégoutte  des  rochers  ,  tantôt 
plus  liquide ,  &  tantôt  moins  ;  le  prophète 
Daniel ,  ch.  iij  ,  v.  ^6,  dit  que  l'on  alluma 
lajf  fournaifel  où  l'on  devoit  jeter  Mifack , 
Sidrack  &  Abdenage  ,  avec  du  naphte,  de 
la  poix  &  d'autres  matières  combuftibles  ; 
mais  le  naphte  dont  il  s'agit  ici ,  ell  le  pif- 
fafphalre  ou  le  bitume  de  Judée.  De  même, 
quand  il  eft  dit  dans  la  genefe ,  ch.  xj  y  v. 
J  y  que  les  murs  de  la  tour  de  Babel  éroient 
liés  avec  un  mortier  où  il  entroit  beaucoup 
de  naphte  ;  ce  mot  défigne  du  pifTafphalre , 
efpece  de  bitume  qui  mêlé  avec  le  limon 
argileux  ,  fait  un  ciment  pour  joindre  \^s 
pierres  des  murailles  ,  lequel  tient  lieu  de 
celui  que  l'on  fait  avec  la  chaux.  C'eft 
avec  ce  ciment  que  Virruve  penfc  que  les 
murs  de  Babylone  ont  été  bâtis  ;  cependant 
les  Babyloniens  nommoient  proprement 
jiaphte  une  huile  blanche ,  ou  noire  ,  qui 
découloit  de  quelques  fontaines  auprès  de 
IBabyloHe. 

Les  Grecs  appelloient  commiUnément  le 
naphte  ,  'z^irçt^ctiov ,  c'eft-à-dire ,  huile  de 
pierre  ;  d'autres  fimplement  huile  ,  ou  huile 
par  excellence  ,  &  quelques-uns  khctiov 
Mnjifiy  huile  de  Médée  ,  ce  qui  judifie  ma 
conjedure  fur  la  mort  de  Creufe  ;  les  La- 
tins àiÇo'ient  petroleum  par  fyncope  ,  parce 
qu'elle  découle  des  roches.  Nicolas  Myrcpfe 
le  nomme  /ui-^o-^  7»  ccyns  hy.eCrt^n  ,  huile 
de  fainte  Barbe  ,  d'autres,  huile  de  fainte 
Catherine  f  ^  huile  fainte  y  quelques-uns 
enfin  'aztcc  ,  âv6-ï  ,  du  verbe  ,  t»  (x-T'i^ict  , 
qui  lignifie  erre  allumé.  -Saint  Ambroife  tire 
l'origine   du  mot  naphte  y    de  vytx-aTuv  ^ 


PET 

attacher  ,  lier  y  joindre  y  parce  que  le 
naphte,  dit-il,  colle,  joint,  unit;  mais 
cela  n'eft  vrai  que  du  piffafphalte ,  &  l'é- 
tymologie  chaldéenne  de  naphte  paroit  la 
feule  bonne. 

Ses  noms  dans  nos  auteurs  modernes. 
Nos  naturahfles  modernes  nomment  l'huile 
de  pétrol ,  naphta  y  naphta  alba  y  &  /zi- 
^ra  y  Kempf.  Amoen.  274  ,  petroleum  , 
oleum  petrx  ;  hitumen  liquidum  oleo  Ji~. 
mile  y  quod  innatat  lacubus.  Kentm.  20. 

Le  pétrol  efi  une  huile  naturelle.  Outre 
ces  huiles  artificielles  &  végétales  ,  c'eft- 
à-dire ,  tirées  des  plantes  par  expreffion  , 
il  y  en  a  de  naturelles  &  de  minérales  , 
qui  iortent  d'elles-mêmes  des  entrailles  de 
la  terre.  On  les  appelle  en  général ,  huiles 
de  pétrol  y  parce  qu'elles  fortent  de  quel- 
ques tentes  de  pierres.  Le  pétrol  eu.  donc 
un  bitume  liquide  qui  ne  diffère  que  par  fa 
liquidité  des  bitumes  folides  ,  tels  que  l'af- 
phaltum  ou  le  bitume  de  Judée,  l'ambre > 
le  jayet ,  &c.  Il  e(l  de  diflërentes  couleurs  , 
blanc  ,  jaune ,  roux  ,  verd ,  noirâtre  ,  lùi- 
vant  les  lieux  qui  le  produifent. 

On  en  trouve  aux  Indes  y  en  AJie  ,  en 
Perfe  y  &c.  Il  y  a  quelques  pays  chauds 
des  Indes  &  de  l'Afie  qui  fourniflènt  du 
pétrel.  Dans  l'île  de  Sumatra  ,  on  en  re- 
cueille une  efpece  très  -  célèbre  ,  fort  efîi- 
mée ,  &  on  l'appelle  miniar-tannah ,  qui 
fignifie  huile  de  terre.  On  en  tire  une 
grande  quantité  de  certaines  fources  qui 
Ibnt  près  de  Hit  en  Chaldée  ,  félon  Edrillî. 
On  en  trouve  aufli  dans  les  montagnes  de 
Farganah  dans  la  province  de  Tonfaxane  , 
félon  Ebu-Hancal.  Oléarius  afTure  qu'il  en 
a  vu  plufieurs  fources  auprès  de  Scamachie 
en  Perfè  ,  aujourd'hui  Schirvan  ,  ville  ren- 
verfée  de  fond  en  comble  par  un  horrible 
tremblement  de  terre. 

Nous  ne  voyons  point  en  Europe  au- 
cun des  pétrols  dont  nous  venons  de  par- 
ler ,  &  nous  ne  connoiflbns  que  ceux  dé 
France  &  d'Itahe.  Ce  dernier  pays  abonde 
en  huile  de  pétrol  y  qui  fe  trouve  dans  les 
duchés  de  Modene  ,  de  Parme  &  dl 
Plaifance. 

On  tire  le  pétrol  en  quantité  de  difFé- 
rens  puits  &  de  plufieurs  fontaines  dans  le 
duché  de  Modene ,  car  tout  le  Modénois 
paroît  remph  de  cette  huile  bitumineufe; 


PET 

inals  fur-toiit  elle  abonde  auprès  du  fort 
de  Monr-Baranzon  ,  dans  un  lieu  appelle 
il  Fiumetto.  Qn  creufe  des  puits  de  30  ou 
40  brafTes  de  profondeur  ,  jufqu'à  ce  qu'il 
paroifîe  une  fource  d'eau  mêlée  avec  de 
î'buile.  Les  puits  que  l'on  creufe  au  bas 
des  collines  ,  fourniiîènt  une  grande  quan- 
tité d'huile  roufle  ;  ceux  que  l'on  creulè  au 
haut  donnent  une  huile  blanche  ,  mais  en 
moindre  quantité.  Il  y  a  encore  dans  le 
même  pays  dans  une  vallée  très-ilérile  du 
bailliage  de  Mont-Feilin  ,  un  grand  rocher 
à  douze  milles  de  Modene ,  du  côté  du 
mont  Apennin  ,  près  du  mont  Gibbius  , 
d'où  découle  continuellement  une  fontaine 
d'eau  ,  où  nage  le  pétrol  ,•  elle  eit  li  abon- 
dante ,  que  deux  lois  la  femaine  ,  on  en 
retire  environ  fix  livres  chaque  fois. 

On  trouve  aujjî  du  pétrol  en  France  ^ 
mais  grojjier. 

Nous  avons  aufli  en  France  de  Vhuile  de 
pétrol  dans  la  Guienne  piès  du  village  de 
Gabian ,  qui  n'efl  pas  éloigné  de  Beziers  ; 
il  découle  d^s  fentes  de  certains  rochers, 
une  huile  noirâtre,  mêlée  avec  de  l'eau, 
que  l'on  recueille  avec  foin.  On  appelle 
cette  huile  de  pétrol ,  hiule  noire  de  Gabian. 
On  la  vend  ordinairement  pour  Vhuile  de 
pétrol  noire  d'Italie  ,  quoiqu'il  s'en  faille 
bien  qu'elle  aoproche  de  fes  qualités.  Elle 
efî  d'une  confiftance  moyenne,  d'une  odeur 
forte  &  puante  ,  d'une  couleur  noire  ;  elle 
fe  contrefait  avec  l'huile  de  térébenthine 
qu'on  colore  avec  de  la  poix  noire.  Elle 
étoit  autrefois  aflez  eftimée  ,  &  failoit  une 
partie  du  revenu  de  M.  l'Eveque  de  Beziers, 
à  qui  la  roche  appartient ,  &  qui  la  faifoit 
recueillir  ,  mais  à  préfent  il  ne  s'en  fait  plus 
de  commerce. 

On  parle  encore  d'une  fontaine  de  cette 
huile  ,  près  de  Clermont  en  Auvergne,  dans 
un  lieu  qu'on  appelle  le  puits  de  Pege  , 
mais  on  n'en  peut  tirer  aucun  parti.  Elle  efl 
noire  ,  épaifle  ,  de  mauvaife  odeur. 

Examen  du  pétrol  de  Mcdene.hc  Ceu\  pé- 
trol recherché  eft  celui  d'Italie  ,  &  fur-tout 
du  duché  de  Modene  ,  qui  efl  conftamment 
le  meilleur;  c'efl  même  un  bonheur  afîez 
■finguher  d'en  poflederqui  foit  hors  de  tout 
foupçon  d'avoir  été  falfifié  ,  car  les  drogues 
rares  &  peu  connues  le  font  prefque  tou- 
jours. M.  Boulduc  profita  de  ce  bonhcur-Ià 


PET  5<^5 

en  171  ^  ,  pour  faire  des  obfervations  qui  ap- 
partinffent  iûremcnt  aux  ytms  pétrols  ,  &  il 
a  donné  ces  obfervations  dans  l'hifloire  de 
l'académie  des  Sciences  de  la  même  année. 
Il  s'agit  dans  les  obfervations  de  M.  Boul- 
duc ,  du  pétrol  qu'on  trouve  près  du  mont 
Gibbius.  Ce  fut  un  médecin  de  Ferrare , 
nommé  François  Ariofie  ,  qui  le  découvrit 
en  1640.  On  a  ménagé  dans  le  lieu  avec 
beaucoup  de  dépenles  ,  &  même  de  périls , 
difiérens  canaux  ,  d^^ù  coulent  dans  de  pe- 
tits réfervoirs  ou  balCns  ,  trois  différentes 
fortes  de  pétrols. 

Le  premier  eff  prefque  aufïî  blanc  ,  auiîî 
clair  &  aufii  fluide  que  de  l'eau ,  d'une  odeur 
très-vive ,  très-pénétrante  ,  &  pas  défagréa- 
ble  ;  c'efl  le  plus  parfait.  Le  fécond  efl  d'un 
jaune  clair  ,  moins  fiuide  que  le  blanc  ,  & 
d'une  odeur  moins  pénétrante.  Le  troifieme 
eff  d'un  rouge  noirâtre  d'une  conliflance 
plus  parfaite  ,  &  d'une  odeur  de  bitume  ua 
peu   défagréable.  * 

Les  Itahens  n'envoient  guère  le  pre- 
mier hors  de  chez  eux  ;  on  feroit  encore 
trop  heureux  qu'ils  donnaffent  le  fécond 
pur  ;  mais  fouvent  en  le  mêlant  en  petite 
quantité  avec  le  troifieme  ,  &  en  y  ajou- 
tant quelque  huile  fubtile  ,  comme  celle  de 
térébenthine,  ils  donnent  le  tout  pour  le 
premier.  L'odeur  de  cts  pétrols  efl  fi  forte 
&  fi  pénétrante  ,  qu'on  dit  qu'on  s'en  ap- 
perçoit  à  un  quart  de  mille  de  la  fource. 
Quoiqu'il  en  foit  ,  M.  Boulduc  a  fait  fur  le 
pétrol  de  la  première  cfpece  ou  blanc ,  les 
obfervations  fuivantes. 

Il  s'allume  à  une  bougie  dont  il  ne  tou- 
che point  la  flamme ,  &  quand  ileff  échauffe 
dans  un  vaiffeau  ,  il  attire  la  flamme  de  la 
bougie  ,  quoique  élevée  de  plulieurs  pies  au 
deifus  du  vaiffeau  ,  &  enfuite  {z  confume 
entièrement ,  c'eff-à-dire  qu'une  vapeur  fub- 
tile ,  qui  s'élève  de  ce  bitume  Hquide,  va 
jufqu'à  la  flamme  de  la  bougie  ,  y  prendre 
feu  ,  &  que  le  feu  qui  fe  communique  à 
toute  la  fphere  de  vapeur ,  gagne  jufqu'ftu 
pétrol  du  vaiffeau. 

Il  brûle  dans  l'eau  ,  &  vraifemblablc- 
mer ,  c'étoir-là  une  des  matières  du  feu 
grégeois. 

Il  fumage  toutes  les  liqueurs  ,  &  même 
l'efprit  de  vin  reftifié  ,  qui  eSS.  plus  pefànt 
de^ 


^66  PET 

Il  fe  mêle  parfaitement  avec  les  huiles 
efTentielles  de  thim  ,  de  lavande ,  de  té- 
rébenthine ,  quoiqu'il  ioit  minéral ,  &  que 
ces  huiles  foient  végétales.  Mais  peut-être 
aulll  le  minéral  &  le  végétal  ne  diiîèrent-ils 
pas  en  cette  matière  ,  car  les  huiles  végéta- 
les ont  été  auparavant  minérales  ,  puifque 
les  plantes  les  ont  tirées  de  la  terre. 

Le />eVro/ fortement  agité,  fait  beaucoup 
de  bulles  ,  mais  il  fe  remet  en  fon  état  na- 
turel plus  promptement  que  toute  autre  li- 
queur. Cela  vient  de  ce  que  l'air  diftribué 
dans  toute  la  fubflance  du  pétwl  ,  y  efl 
diflribué  d'une  certaine  manière  unique  & 
néceflâire  ,  &  que  les  parties  de  la  Uqueur 
n'en  peuvent  naturellement  foufFrir  une 
autre  ;  en  effet ,  les  parties  d'une  huile  ont 
une  certaine  union  ,  certains  engagemens 
de  leurs  filets ,  ou  petits  rameaux  les  uns 
avec  les  autres  ;  ce  qui  oblige  l'air  qu'elles 
renferment,  à  s'y  conformer. 

Le  pétwl  eftd*tme  extenlion  furprenante  : 
fur  l'eau ,  une  goutte  s'étend  plus  d'une 
toife ,  &  en  cet  état  elle  donne  des  cou- 
leurs ,  c'eft-à-dire  que  fes  petits  filets  de- 
viennent àcs  prifmes. 

La  plus  forte  gelée  n'y  fait  aucune  im- 
prefîion. 

Le  papier  enduit  de  pétrol  ne  devient 
franfparent  que  pour  quelques  momens  \ 
il  cefle  de  l'être  dès  qu'il  a  été  féché  à  l'air. 

M.  Homberg  a  fait  voir  qu'il  y  a  des  hui- 
les qui  s'enflamment  par  le  mélange  d'un 
clprit  acide  bien  déflcgmé.  On  auroit  pu 
attendre  le  même  effet  du  pétrol ,  mais  il 
n'arrive  point;  feulement  les  efprits  acides 
s'y  mêlent  parfaitement ,  &  le  rendent  d'une 
confiftance  très-épaifle  ;  ces  huiles  qui  s'en- 
flamment font  à&s  huiles  efTentielles  de 
plantes  aromatiques  des  Indes ,  &  il  n'efl 
pas  furprenant  que  le  pétrol  n'en  ait  pas  les 
conditions. 

Il  fe  mêle  &  s*unit  difficilement  avec  l'ef- 
prit-de-vin  ,  parce  que  peut-être  fa  con- 
îiftance  eft  trop  grafle. 

L'efprit-de-vin  redifié  ,  qui  eft  le  grand 
difîolvant  des  foutres&des  huiles,  ne  tire  rien 
àupétroly  même  après  une  longue  digeflion. 

Parla  diflillation,  M.  Geoffroy  l'ainé  en 
a  retiré  une  liqueur  huileufè  ,  qui  eft  un 
peu  plus  tranfparente  ,  mais  qui  perd  beau- 
coup de  fon  odeur  &  de  fa  fubtihté  natu- 


PET 

relie;  lorfqu'on  l'allume  ,  elle  donne  une 
lueur  moins  obfcure  ,  mais  pluslanguiiîàntc. 
Au  fond  de  l'alembic  il  trouva  feulement 
un  peu  de  marc  jaune. 

De  même  M.  Boulduc  n'a  pu  tirer  du 
pétrol  par  la  diftillation  ,  foit  au  bain  de 
vapeur  ,  foit  au  bain  de  fable ,  aucun  flegme 
ni  aucun  efprit  falin.  Tout  ce  qui  eft  monté 
étoit  de  l'huile  feulement  ;  il  eft  refté  au 
fond  de  la  cornue  une  très-petite  quantité 
d'une  matière  un  peu  épaiffe  &  un  peu 
brune  ;  d'où  il  réfulte  que  le  pétrol  ne  fe 
perfedionne  point  par  la  diftillation. 

On  ne  peut  donc  mieux  faire  quand  on 
ufera  de  pétrol ca  médecine,  que  de  le  lailîèr 
tel  qu'il  eft  ;  c'eltun  remède  tout  préparé  par 
la  nature,  comme  plufieurs  autres  dont  nous 
avons  parlé ,  &  où  l'art  n'a  point  lieu  d'exer- 
cer fon  inquiétude. 

Examen  du  pétrol  de  Plaifance.  Le  pé- 
trol de  Plaifance  efl  d'une  même  nature 
que  celui  de  Modene  c'eft  pourquoi  je 
n'en  dirai  qu'un  mot.  On  le  tire  en  abon- 
dance du  mont  Ciaro  ,  fitué  environ  à  12. 
heues  italiennes  de  Plaifance.  Voici  comme 
on  s'y  prend. 

Il  y  a  dans  cette  montagne  des  ardoifès 
grifes  ,  couchées  prefque  horizontalement , 
mêlées  d'argile ,  &  d'une  efpece  de  félé- 
nite  qui  paroît  d'une  nature  calcaire.  On 
perce  perpendiculairement  ces  ardoifes  juf^ 
qu'à  ce  qu'on  trouve  l'eau  ,  &  alors  le  pé- 
trol qui  étoit  contenu  entre  les  couches 
des  ardoifes  &  dans  leurs  fentes  fuinte ,  & 
tombe  fur  l'eau  de  ces  puits  qu'on  a  creu- 
ilés.  Quand  il  s'y  en  eft  afTez  amalîe ,  comme 
au  bout  de  huit  jours  ,  on  le  va  prendre 
avec  des  baffins  de  cuivre  Jaune.  Il  eft 
mêlé  avec  de  l'eau  ,  mais  on  penfe  aifé- 
ment  qu'il  eft  facile  de  l'en  féparer.  Ce 
pétrol  du  mont  Ciaro  eft  clair ,  blanc  ,  ex- 
trêmement inflammable.  Il  fe  conferve  fort 
bien  fur  l'eau  dans  ces  puits  dont  nous 
venons  de  parler  ,  au  lieu  que  dans  des 
vaift'eaux  bouchés ,  il  ronge  les  bouchons 
dont  on  fe  fert  ordinairement ,  il  s'évapore 
en  grande  partie. 

Origine  du  pétrol.  Il  nous  manque  en- 
core beaucoup  d'obfervations  fur  le  pétrol  y 
fur  fa  nature  &  fur  fon  origine  ;  cependant 
on  peut  conjedurcr  avec  afTez  de  vrai- 
femblance ,  qu'il  eft  l'ouvrage  des  feux  fou- 


PET 

terrains  qui  élèvent  ou  fubliraent  les  parties 
les  plus  fubtiles  de  certaines  matières  bitu- 
mineufes  qui  fe  rencontrent  dans  des  ter- 
roirs particuliers.  Ces  parties  fe  conden- 
fent  en  liqueur  par  le  froid  des  voûtes  des 
rochers  où  elles  s'amafïent ,  &  coulent  par 
les  fentes  ou  les  ouvertures  que  la  difpo- 
fition  du  terrain  leur  fournit. 

Examen  duprétendupétrol  d'Angleterre. 
Quelques  Anglois  ont  mis  au  rang  àespé- 
trols  une  fubftance  bitumineufe  qu'on  tire 
dans  leur  pays  par  art,  d'une  pierre  noi- 
râtre qui  fe  trouve  dans  les  mines  de  char- 
bon. Voici  ce  que  ceû. 

A  Brofely  ,  Bentley  ,  Pichfort  &  autres 
lieux  voifins  dans  la  Shropshire  ,  on  trouve 
fur  la  plupart  des  mines  de  charbon ,  une 
couche  afîez  épaifle  d'un  rocher  ,  ou  pierre 
noirâtre  ,  laquelle  eft  poreufe  ,  &  contient 
une  grande  quantité  de  matière  bitumi- 
neufe. 

On  tranfporte  cette  pierre  dans  l'attelier 
où  on  la  moud  avec  des  moulins  à  cheval , 
femblables  à  ceux  dont  on  fe  fert  pour  bri- 
fer  les  cailloux  dont  on  fait  le  verre.  On 
jette  cette  poudre  dans  de  grands  chau- 
drons pleins  d'eau  ,  &  on  l'y  fait  bouillir  , 
de  façon  que  la  matière  bitumineufe  fe  fé- 
pare  du  gravier ,  ce  dernier  fe  précipitant 
au  fond  ,  &  l'autre  nageant  fur  la  furface 
de  l'eau. 

Cette  fubflance  bitumineufe  étant  recueil- 
lie &  évaporée  ,  acquiert  la  confiftance  de 
la  poix  ;  &  à  l'aide  de  l'huile  diftillée  de 
la  même  pierre  que  l'on  mêle  avec  elle  , 
elle  devient  auffi  liquide  que  le  goudron. 
On  n'en  rire  d'autre  utilité  que  pour  le 
radoub  des  vaifîêaux  ;  &  comme  elle  n'é- 
clate point  ,  &  qu'elle  fe  conferve  noire 
&  molle  ,  elle  peut  être  propre  à  empêcher 
les  vers  de  s'y  mettre. 

On  tire  de  femblable  pétroî  par  la  dif- 
tillation  de  certaines  terres  &  pierres  bi- 
tumineufes  que  l'on  rencontre  en  Allemagne 
&  en  France. 

Choix  â faire  dans  les  divers pétrots  d'I- 
talie. Il  réfùlte  de  tout  ce  que  nous  avons 
^it  jufqu'ïci-,  que  l'huile  de  pe'trol  d'Italie 
eft  la  feule  benne-.  On  eftime  le  pe'trol  qui 
eu  récent ,  clair ,  léger ,  très-inflamn'kable  ,. 
d'une  odeur  forte  &  pénétrante  ,  appro- 
chant dr  celle  du  fguJ[re.  On  ne  peut  le  toa- 


P  E  T  ^^j 

trefaire  ,  &  il  ne  foufTre  aucun  mélange. 
Ceux  qui  en  font  commerce  doivent  uïèr 
de  grandes  précautions  contre  le  feu ,  parce 
qu'il  s'enflamme  du  moins  auffi  aifément  que 
la  poudre  à  canon. 

Le  pe'trol  jaune  efl  le  plus  eflimé  après 
le  blanc,  enfuite  vient  le  roux  ,  enfuite  le 
verd  ;  le  noirâtre  efl  regardé  comme  trop 
groffier ,  c'efi  le  moindre  de  tous. 

Ufage  qu'on  tire  des  pe trois.  On  a  cou- 
tume de  fe  fervir  en  quelques  endroits 
d'Italie  des  ;7âro/j- groffiers  pour  s'éclairer  à 
la  place  d'huile  ;  il  s'en  emploie  auffi  une 
aflèz  grande  quantité  par  les  maréchaux  & 
par  ceux  qui  font  des  feux  d'artifice.  Les 
Perfans  ,  au  rapport  de  Kempfer  ,  ne  tirent 
à-préfent  d'autre  ufage  de  leur  pe'trol  que 
pour  délayer  leurs  vernis. 

Diofcoride  faifoit  grand  cas  du  naphte 
de  Babylone  dans  plusieurs  maladies.  Il  lui 
attribue  un  grand  nombre  de  vertus  médi- 
cinales très-importantes  ,  qui  néanmoins  ne 
nous  inréreflènt  point ,  puifque  nous  ne 
connoiffons  plus  ce  pe'trol.  D'ailleurs  ,  on 
ne  peut  guère  être  prévenu  en  faveur  du 
jugement  de  Diofcoride  ,  quand  on  voit 
qu'il  vante  le  naphte  de  Babylone  pour  l'ap- 
pliquer fur  les  yeux  afin  d'en  diffiper  les 
fluxions  &  les  taies. 

Les  Italiens  font  mieux  fondés  à  regar- 
der leurs  pe'trols  comme  un  remède  fort 
pénétrant ,  incifif ,  balfamique  ,  propredans 
quelques  maladies  chroniques  ,  &  plus  en-!* 
core  employé  extérieurement ,  pour  forti- 
fier les  nerts  des  p-arties  affoiblies ,  donner 
du  jeu  &  du  reflbrt  aux  fibres  relâchâes,^ 
Dans  ce  dernier  cas  ,  L'on  peut  avec  fùc- 
cès  lur  fubflitucr  en  Languedoc  le  pe'trol 
de  Gabian. 

Je  fais  tous  les  éloges  que  Koenig,Etfmul^ 
1er  ,  Schroeder  ,  Boeder  &  quelques  autres- 
auteurs  allemands  donnent  à  l'hujle  de  p/' 
trol  :  je  fais  combien  ils  la  vantent  dans  la. 
fuppreffion  des  règles  ,  l'afl&dion  hyfléri— 
que  ,  la  fièvre  quarte  ,  le  mal  des  dents ,  les^ 
vers  ,  les  douleurs  néphrétiques  ,  &c,  Mai$. 
que  de  telles  ordonnances  reffemblent  biea 
à  celles  des  bonnes  femmes  ,  ou-  des  gens; 
du  monde  qui  parleur  médecine  fans  y  rien-, 
entendre  ,  pnjifque  toutes  ces  maladies  pron 
venant  de  différentes  cauies  ,  demandcrïT 
néceflàireroent  des  remèdes  divei-fifiis-v  ^ 


5<Ç8  PET 

oppofés  ^ux  caufes  du  mnl  !  Dans  les  en? 
même  où  l'huile  de  pe'trol  pourroit  con- 
venir ,  on  a  de  beaucoup  meilleurs  remè- 
des à  employer.  De  plus ,  il  faut  avouer 
que  fi  l'on  devoir  compter  fur  quelques  ob- 
fèrvations  véritables  des  vertus  du  pe'crol  , 
ce  ne  pourroit  être  qu'en  conféquence 
d'expériences  répétées  par  d'habiles  méde- 
cins fur  les  habitans  du  pays  qui  produit 
ce  bitume  liquide  ;  je  veux  dire  dans  le 
duché  de  Modene  ,  ou  de  Plailance.  Par- 
tout ailleurs  on  ne  peut  guère  prefcrirei'huije 
de  pe'trol  avec  confiance  "par  rapport  à  fes 
effets.  Cette  huile  perd  toute  fa  vertu  fubtiie 
par  le  tranfport.  Nos  apothicaires  &  nos 
droguilfes  les  plus  curieux  n'en  ont  jamais 
de  pure  ,  parce  qu'on  la  leur  envoie  failiiiée 
fur  les  heux  même.  Je  ne  parle  pas  des 
autres  falfifications  qu'y  font  les  détail- 
leurs. 

Concluons  qu'il  faut  prefque  nous  paf- 
fer  fans  regret  de  l'huile  de />/fro/ pour  la  mé- 
decine ,  nous  réduire  à  fes  ufages  pour  quel- 
ques arts  ,  &  à  la  confidération  fpécula- 
tive  de  fon  origine  ,  &  des  qualités  parti- 
culières qui  la  diftinguent  de  toutes  les 
huiles  végétales  &  artificielles. 

Auteurs  fur  le  pe'trol.  Voflîus  a  écrit  une 
favante  diflertation  fur  le  naphte  ancien 
&  moderne  ;  mais  c'eft  JacobuS  Oligerus 
qui  a  le  premier  publié  en  169^?  *^  Copenha- 
gue ,  la  brochure  du  médecin  François 
Arioile  fur  le  pe'trol  de  Modene ,  de  oleo 
montis  Zibijiti  ,  feu  petrolo  agri  mutinen- 
Jis  ;  Ramazzini  l'a  redonnée  plus  correôe  & 
plus  étendue.  Elle  ell  dans  le  recueil  de  (qs 
œuvres.  [Le  Chevalier  de  Ja  uco  ur  t.  ) 

PETROMANTAL  UM,{Geogr.anc.) 
ville  de  la  Gaule  Lyonnoife.  L'Itinéraire 
d'Antonin  la  met  fur  la  route  de  Ccefaro- 
magus  (  Beauvais)  y  à Lutetia.  Il  marque 
de  PetrQmantalum  à  Briva-Ifarce  (  Pon- 
toife  )  ,  quatorze  lieues  gauloifès  ;  ainfi , 
félon  M.  l'abbé  Belley ,  Me'm.  des  Infcr. 
tom.  XIX.  in-4°.  c'eft  peut-être  Magny. 
M.  de  Valois  croit  qu'il  faut  placer  Petro- 
mantalum  à  Mantes  ;  mais  on  a  de  la  peine 
à  croire  que  la  grande  toute  de  Beauvais  à 
Paris  eût  defcendu  jufqu'à  Mantes  ,  pour 
paflêr  enfuite  à  5r/V<2-J/ar^  (Pontoife): 
cependant  lî  les  différentes  diftances  de 
i'Itinéraire  convenoicnt  à  Mantes ,  l'opinion 


PET 

de  M.  de  Valois  féroit  plus  que  probable. 

Voici  ce  qu'en  dit  un  autre  auteur. 
L'Itinéraire  d'Antonin  place  ce  lieu  (iir  une 
route  ,  qui  en  partant  de  Carocotinum  pafie 
par  Juliohona  &  Rotomagus  ,  &  conduit 
à  Lutetia.  La  table  Théodoficnne  en  fait 
aufù  mention  ,  Ibus  le  nom  de  Pecrum-' 
Viaco. 

C'ef}  Magni ,  petite  ville  du  Vexin-fran- 
çois  ,  ou  Magni-tot ,  à  1400  roifes  au-delà 
de  Magni  ;  -linfi  l'ont  penfé  Sanfon  &  le 
docte  abbé  Belley. 

M.  de  Vaiois  va  chercher  Me dunta^  Man- 
tes ,  pour  en  faire  Petromantalum. 

En  partant  de  Briva-Ifarce  ,  ou  pafïage 
de  rOile,  &  fur  la  même  diredion  de 
voie  ,  il  exifîe  un  lieu  appelle  Ejîrée ,  â 
via  fî rata.  (C.) 

PETPvO-PHARYNGIEN  ,  f.  m.  ^^ 
Anatomie  ,  nom  d'une  paire  de  mufcles  du 
pharynx.  Ils  viennent  de  la  partie  infé- 
rieure de  l'extrémité  de  l'apophyfè  pier- 
reufe  de  l'os  àes  tempes. 

PETRO-SALPINGO-STAPHYLIN, 
f.  m.  en  Anatomie  ^  nom  de  deux  mufcles 
de  la  luette.  Voye\  S  A  L  p  I  N  G  0-S  T  A- 
P  HY  LIN. 

PETROSILEX,  {Bifl.  nat.  Lithologie.) 
nom  générique  que  M.  Wallerius  donne 
à  une  pierre  de  la  nature  du  jalpe  ou  du 
caillou  ,  fans  cependant  avoir  tout-à-fait  fa 
dureté  ,  &  fans  faire  feu  auffi  vivement  que 
lui  lorfqu'on  le  frappe  avec  le  briquet  '-,  on 
le  trouve  par  Uts  &  par  couches  fuivies  : 
pour  le  vitrifier  il  faut  un  feu  très-violent. 
C'efl:  une  roche  Jilicee  ,  ou  de  la  nature  du 
caillou  ,  mais  qui  n'ell  point  en  morceaux 
ou  en  mafTes  détachées  comme  lui ,  le  jafpe 
en  efl  une  variété.  Voye\la Minéralogie  de 
Wallerius  ,  tome  I. p.  ij6. 

PETS  ,  (  Ge'ogr.  )  Funfkirchen  ,  cinq 
églifes  y  ville  épilcopale  de  la  Bafïe-Hon- 
grie  ,  dans  le  comté  deBarany  ,  &  au  mi- 
lieu des  coteaux  de  vignes  très-riches.  C'é- 
toit  autrefois  une  des  meilleures  villes  du 
royaume  :  elle  avoit  cinq  églifes  ,  dont  l'ap- 
parence étoif  11  frappante ,  que  les  Alle- 
mands lui  en  donnent  le  nom  ;  elle  étoit 
grande  ,  peuplée  &  commerçante  :  fon 
univerfité  jouiflbit  de  beaucoup  de  réputa- 
tion   dans   la    contrée  ;    &    comme    elle 

n'étoit 


P  E  T  ^ 

Ti'étoît  munie  d'aucune  fortification  ,  l'on 
n'y  redoutoit  pas  les  horreurs  âes  fieges ,  fi 
fréquentes  dans  le  refte  du  pays.  Cepen- 
dant par  l'effet  dequelques  autres  malheurs, 
elle  eft  tombée  en  décadence  ;  fa  grandeur , 
fa  population  6^  fon  commerce  ont  difpa- 
ru  ;  Ton  univerfité  n'efi:  plus  fréquentée,  & 
l'on  néghge  la  fertilité  de  fes  environs.  Elle 
réclame  enfin  en  tout  fens  les  fecours  pa- 
ternels de  fes  fouverains ,  aujourd'hui  fi 
bons ,  fi  fages  &  fi  puifians.  fD.  G.J 

PETSCHERSK  OI ,  (  Géog.  )  fameux 
monaftere  de  la  Rufiîe  européenne,  dans 
le  gouvernement  de  Novgorod ,  &  dans 
la  province  de  Pleskow  :  il  eft  fur-tout 
connu  par  les  fieges  qu'en  ont  fait  en  vain 
les  chevaliers porte-épée,  conquérans  delà 
Livonie,  &c  par  les  cavernes  fouterraines  , 
au  moyen  defquelles  un  préjugé  vulgaire 
portoit  que  fes  moines  entretenoienr  com- 
munication avec  les  catacombes  de  Kiovie. 
CD.  G.) 

PETTALORINCHYTESowPETTA- 
LORUNCHYTES ,  f.  m.  pi.  {ïlift.  cul.) 
fanatiques  qui  mettoient  leur  fécond  doigt 
dans  leur  nez  en  priant,  prérendant  par  ce 
gefte  fymbolique  fe  conftituer  les  juges  du 
monde.  Leur  nom  vient  de/^e/^/a/ci,  pieux, 
&  runchos  y  nez.  / 

PETTEIA ,  f.  f.  dans  la  muîqtu  an- 
chmu^  efi:  un  terme  grec,  auquel  je  n'en 
vois  point  de  correfpondant  dans  notre 
langue ,  fi  ce  n'eft  répétition  réitérée  du 
même  ton. 

La  mélopée ,  c'eft-à-dire ,  l'art  d'arranger 
les  fons  de  manière  à  faire  mélodie ,  fe  di- 
vife  en  trois  parues  ,  que  les  Grecs  ap- 
pellent/^yP/^i,  mïxis  ôc  clirefes  :  les  Latins 
fumptio  .,  mixtio  &  ufus  ;  &  les  Italiens 
prefa ,  mefeolamcnto  &  ufo  :  cette  der- 
nière   eft  aufii    appellée    par   les    Grecs 

çrtlTHel. 

h^petuia  eft  donc,  félon  Ariftlde,  Quin- 
tilien,  l'art  de  faire  un  jufte  difcernement 
de  toutes  les  manières  d'arranger  6c  de  com- . 
biner  les  fons  entre  eux ,  enforte  qu'ils  puif- 
fent  produire  leur  effet,  c'eft-à-dire,  qu'ils 
puilfent  exciter  les  différentes  pafiTions que- 
l'on  fe  propofe  de  mettre  en  mouvement. 
Ainfi,  par  exemple,  elle  enfeigne  de  quels 
fons  on  doiit  faire  ou  ne  pas  faire  ufage  , 
^combien  de  fois  on  en  peut  répéter  quel-  I 
Tome  XXK.  ■ 


iPET  5<^ 

ques-uns;  ceux  par  où  l'on  doit  commen- 
cer, ceux  par  où  Ton  doit  finir. 

C'efl:  la  petteia  qui  confl:itue  les  modes 
de  mufique  ;  elle  détermine  au  choix  de 
telle  ou  telle  pafiîon ,  de  tel  ou  tel  mouve- 
ment de  l'ame  ,  propre  à  réveiller  dans  telle 
ou  telle  occ^on;  c'efl;  pourquoi  la pez/e/iz 
efl:  en  mufique  ce  que  les  mœurs  font  en 
poéfie.  FoycT;^  Mœurs.  , 

On  ne  voit  pas  ce  qui  a  déterminé  les 
Grecs  à  lui  donner  ce  nom  ,  à  moins  qu'ils 
ne  l'aient  pris  de  •mina. ,  leur  jeu  d'échecs, 
la  pcttàa  de  mufique  étant  une  forte  de 
combihaifon  &  d'arrangement  de-  fons ,  de 
même  quelejèu  d'échecs  eft  un  arrange- 
ment de  pièces  appellées  crg^lai,  calculi  , 
des  échecs.  {^S ) 

PETTINA  ,  {Hift.  mod.  )  c'eft  le  nom 
que  l'on  donne  en  Rufiie  à  un  impôt  ex- 
traordinaire ,  par  lequel  dans  des  néceflités 
preflantes ,  les  fujets  de  cet  état  defpotique 
font  forcés  à  payer  le  cinquième  de  leurs 
biens. 

PETTA'W ,  (Gèogr.  mod.)  ou  Pettau  , 
petite  ville  d'Allemagne  au  cercle  d'Au- 
triche ,  dans  le' duché  de  Stirie.  Cette  ville 
eft  ancienne  ,  &;  fubfiftoit  du  temps  de$ 
Romains ,  qui  Tont  connue  fous  le  nom 
Petovio ,  diverfement  orthographié.  On 
en  peut  voir  les  antiquités  dans  l'ouvragé 
latin  deLazius,  de  la  république  romaine. 
Pettaw  eft  à  la  frontière  de^a  bafl!e-Stirie, 
à  quatre  millejiaudefrous  de  Rackerfpurg^ 
fur  la  Drave,  qui  étoit  anciennement  U 
borne  des  Romains  ,  à  43  lieues  S.  de 
Vienne ,  14  N.  E.  de  Cilley.  Long.  ^^4 ,  4  ^ 
lat.  46 ,  40.  (  J9.  J.J 

VET\JK?dX,{Géogr.anc.  )  ville  de  la 
Grande-Bretagne.  Ptolomée,  /. ///,  c.  iij ^ 
la  donne  au  peuple  Parifi.  Quelques-utis 
veulent  que  c'eft  préfentement  Peterbon, 
&  d'autres  difent  Bcverley. 

VETVL^, {^Géogr.anc.)  village  d'Ita- 
lie dans  le  territoire  &  au  voifinage  dé 
Mintoue.  C'eft  un  village  bien  remarquar 
b!e,  puifqu'il  occupe  la  place  de  l'ancien 
village  d'Andes,  où  naquit  Virgile  ,  fous  le 
coniulat  du  grand  Pompée  ,  &  de  Mi 
Licinius  CraflTus  ,1e  15  odobre  de  l'an 685 
de  la  fondation  de  Rome.  Il  mourut  à  Brin- 
desle  2Z  feptembre  734.  Voye^^Us articles 
Andex  6'Brundusium.  ,     ,     ..  .. .[ 


"570  PET 

Dans  tous  les  lieux  qui  nous  retraceront 
la  mémoire  de  Virgile ,  nous  ne  nous  laflTe- 
rons  point  d'en  parler,  parce  que  nous  l'ai- 
mons pour  la  beauté  de  fon  caraftere  , 
comme  nous  l'admirons  pour  l'excellence 
de  Ùl  mufe.  Une  penfée  heureufe  dans  les 
écrits  de  Tes  rivaux  lui  plaifolt  autant  que 
s'il  l'avoit  inventée  lui-même.  Telle  étoit 
la  générofité  de  Ton  cœur, qu'il n'étoit pas 
|)iqué  qu'un  autre  s'appropriât  la  gloire  de 
fon  travail.  Sa  modeftie  lui  valut  le  beau 
furnom  qu'il  portoit.  Enfin  il  effaçoit  tous 
les  poètes  de  fon  temps,  &  tous  ne  pou- 
Voient  s'empêcher  de  le  chérir.  On  fait 
avec  quel  art  il  inféra  dans  l'Enéide  l'éloge 
du  fils  d^Oftavie  ,  &:  nous  n'oublierons  pas 
cette  particularité ,  en  parlant  du  théâtre  de 
Marcellus.  fD.  J.  ) 

PÉTULANT  ,  adj.  {Qram.  )  il  fe  dit 
d'un  homme  incommode  par  l'agitation 
Continuelle  où  il  eft ,  le  mouvement  qu'il 
ïe  donne,  &c  le  trouble  où  il  tient  les 
autres. 

PETUNTSE  ou  PETUNSE ,  f.  m. 
{Hift.  nat.  Min,  &  Arts,)  c'eft  le  nom  qiie 
les  Chinois  donnent  à  une  pierre  ,  qui , 
pulvérifée  &  mêlée  avec  une  terre  qu'ils 
appellent  kaolin  ,  fait  une  véritable  porce- 
laine. VoycT^  Porcelaine. 

hQ  pctuntfc  eft  une  pierre  dure  &  opa- 
que, d'un  gris  clair,  tirant  un  peu  furie 
jaunâtre  ou  fur  la  couleur  de  chamois  :  il  y 
en  a  aufîi  qui  eft  un  peu  verdâtre.  Il  fe 
trouve  par  couches  dans  le  fein  de  la  terre , 
&  eft  aflez  fouvent  charge  de  dendrites 
ou  de  figures  femblabies  à  des  arbrifleaux 
©u  à  des  buiftbns.  Cette  pierre  fait  feu 
lorfqu'on  la  frappe  avec  le  briquet ,  mais 
elle  ne  donne  que  peu  d'étincelles,  &  elles 
font  aftez  foibles. 

Le  célèbre  M.  de  Réaumur  a  cru  que  le 
pétuntje  étoit  une  efpece  de  caillou ,  &  que 
c'étoit  comme  pierre  vitrifiable ,  qu'il  fe 
trouvoit  propre  à  entrer  dans  la  compofi- 
tion  de  la  porcelaine ,  qu'il  regardôjt  comme 
une  efpece  de  vitrification;  mais  la  def- 
Cription  qu'on  vient  de  donner  de  cette 
J)ierre  ,  fuffit  pour  faire  voir  qu'elle  diffère 
du  caillou.  D'ailleurs  la  propriété  qu'elle  a 
de  donner  du  corps  à  la  compofitionde  la 
porcelaine ,  &:  de  fe  durcir  au  feu ,  car^dé- 
fife  une  pierre  argilcufe.  '  ■*"' 


PET 

Les  Chinois  ,  après  avoir  réduit  le  pz' 
tuntj'e  en  une  poudre  fine,  lui  donnent  la 
forme  d'une  brique  ,  afin  de  s'en  fervir 
pour  faire  la  porcelaine.  Voye^  cet  article. 

Comme  depuis  plufieurs  années  on  a 
cherché  les  moyens  de  perfeélionner  les 
porcelaines  qui  fe  font  en  Europe  ,  on  a 
tâché  de  fe  procurer  les  matières  employées 
par  les  Chinois.  Dans  cette  vue ,  feu  M.  le 
duc  d'Orléans  qui  s'occupoit  dans  fa  re- 
traite ,  d'expériences  utiles  à  la  fociété  , 
fit  venir  de  la  Chine  du  pltuntfe.  &:  du. 
kaolin.  Après  en  avoir  reçu  des  échan- 
tillons fuffifans ,  ce  prince  n'eut  rien  plus 
à  cœur,  que  de  faire  examiner  fi  ces  fubf- 
tances  ne  fe  trouvoient  point  en  France. 
S>ts  foins  ont  été  affez  infru(ftueux ,  &  de 
fon  vivant  on  n'a  pas  pu  trouver  de  pierre 
qui  reffemblât  en  tout  point  au  pétumfc 
des  Chinois  ;  mais  depuis  on  a  trouvé  que 
cette  matière  étoit  très -abondante  dans 
quelques  provinces  du  royaume.  Quant  au 
koaUn ,  on  en  avoit  déjà  trouvé  depuis  affez 
long-temps;  ainfi  il  ne  nous  manque  plus, 
rien  pour  faire  de  la  porcelaine,  qui  ait  tou- 
tes les  qualités  de  celle  de  la  Chine ,  &  qui. 
ne  foit  point  une  vitrification,  comme  font: 
toutes  les  porcelaines  de  Saxe ,  de  Chel- 
fea  ,  de  Chantilly  ,  &c.  en  un  mot ,  comme- 
toutes  celles  qui  ont  été  faites  en  Europe 
jufqu'à  préfeni.  Voye^^  Partich  Porce- 
laine. 

On  croit  devoir  avertir  qu'il  fe  trouver 
fort  communément  une  efpece  de  pierre  à 
chaux  ,  dure,  compare ,  d'un  grain  fin  & 
un  peu  luifatite ,  qui  au  coup-d'œil  extérieur 
reuemble  beaucoup  au  pétuntfe  dont  nous 
parlons  ;  mais  on  découvrira  bientôt  qîfelle 
en  diffère ,  vu  qu'elle  ne  donne  point  d'é*^ 
tincelles  lorfqu'on  la  frappe  avec  de  l'acier , 
&  qu'elle  fe  diffout  avec effêrvefcence  dans 
les  acides^  ce  qui  caradlérife  une  pierre, 
calcaire  ,  tandis  que  cqs  acides  n'agiftent  en 
aucune  manière  fur  le  vrai  pauntft. 

On  trouve  dans  les  mémoires  de  l'acadé- 
mie royale  des  fciences  de  Suéde ,  artnie. 
1763  ,  une  differtation  de  M.  Henri  Théod. 
Scheffer ,  dans  laquelle  il  prend  pour  le 
pétumfc  Aqs  Chinois,  une  pierre  feuilletée 
luifante,  demi-tranfparente,  d'une  couleur 
verdâtre  &  fort  pefante  ,  qui  lui  avoit  été 
donnée  comme  venant  de  la  Chine.  U  co»- 


PEU 

clut  d'après  les  expériences  qu'il  a  faîtes  Air 
cette  pierre,  qu'elle  eft  de  la  nature  du 
gypfe  ;  mais  la  defcription  que  nous  avons 
donnée  du  pétuntfc  ,  fuffit  pour  faire  voir 
que  ce  fentiment  n'eft  point  fondé.  (— ) 

PETUSJA,{Géogr.  anc.  )  lieu  dont 
parle  iMartial,  //V.  /^,  ^pig^'  ^v,  dans  ces 
vers  : 

Turgent'ipjue  lacus  Petuficeque  , 
Et  pan'cz  vada  pura  Vetonijpc. 

Je  ne  fais  point  ce  que  c'étoient  que  ces 
deux  endroits  qu'il  appelle  Pe£uj7a  èc  Ve- 
tonijfa.  Ils  ne  fe  trouvent  cités  ni  l'un  ni 
l'autre  dans  aucun  auteur.  CD.  J.  ) 

PETZOR A ,  (Giog.  mod.  )  province  du 
nord  de  la  Mofcovie  ,  le  long  de  la  mer 
glaciale ,  vers  le  levant  &  le  feptentrion. 
Elle  eft  rernplie  de  hautes  montagnes,  & 
il  y  fait  fi  froid  ,  que  les  rivières  n'y  dégè- 
lent qu'au  mois  de  mai ,  &  recommencent 
à  geler  au  mois  d'août.  La  rivière  de  Pctio- 
ra ,  qui  donne  le  nom  à  cette  province  ,  en- 
tre dans  la  mer  par  fix  embouchures ,  au- 
près du  détroit  de  ^Yeigatz.  Les  montagnes 
qui  couvrent  ces  deux  rives ,  ôc  qui  nourrif- 
fent  de  belles  zibelines ,  font  peut-être  les 
monts  Riphées  &:  Hyperboréens  des  an- 
ciens. 

PÉVAS  (  LES  ),  Glog.  mod.  peuple  de 
l'Amérique  méridionale,  avec  une  bour- 
gade de  même  nom,  fur  le  bord  fepten- 
trional  de  la  rivière  des  Amazones  ,  au  def- 
fous  de  l'embouchure  du  Napo.  C'eft  la 
dernière  des  miffions  efpagnoles  fur  le  bord 
de  l'Amazone.  (27./,  ) 

PEUCÉDANE,  r.  m.  {Hlfl.  nat.  Bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe  ôc  en  om- 
belle, compofée  de  plufieurs  pétales  difpo- 
fés  en  rond,  &  foutenus  par  un  calice  qui 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  compofé  de 
deux  femences  prefque  plates ,  d'une  figure 
ovale ,  légèrement  ftriées  &  frangées.  Ajou" 
tez  aux  carafteres  de  ce  genre  ,  que  les 
feuilles  font  ailées  ,  étroites ,  faites  comme 
celles  du  chien-dent,  &  dlvifées  en  trois 
parties.  Tournefort,  //z/Z.  reiherb.  Voye^ 
Plante. 

PeucÉdane,  (  Bqtan.J  Tournefort 
compte  quatre  efpeces  de  ce  genre  déplante 
dont  la  plus  commune  eft  le/'ewc^'^^/zs  d'Al- 
lemagne i  pcucedanum  germanicum  I.  R. 
H.  318;  en  anglois,  ihc  german  hogs 


P  EU  57, 

fcnnel.  Se  en  françois  vulgaire  ,  queue  de 
pourceau  d^AlUmagne. 

Sa  racine  eft  groffe,  longue  ,  chevelue  ,' 
noire  en  dedans ,  pleine  de  fuc  ,  rendant 
par  incifions  une  liqueur  jaune  &  d'une 
odeur  virulente  de  poix.  Elle  pouffe  une 
tige  à  la  hauteur  d'environ  deux  pies, 
creufe,  cannelée  ,  rameufe.  Ses  feuilles  fon;t 
plus  grandes  que  celles  du  fenouil ,  laciniées, 
étroites ,  plates  ,  reffemblantes  aux  feuillets 
de  chien-dent.  Les  fommetsde  la  tige  5c 
des  branches  portent  des  ombelles  ou  pa- 
rafols  amples ,  garnis  de  petites  fleurs  jau- 
nes ,  à  cinq  pétales  difpofés  en  rofe.  Lorf- 
que  ces  fleurs  font  pafîées ,  il  leur  fuccede 
des  femences  jointes  deux  à  deux ,  prefque^ 
ovales ,  plus  longues  que  larges ,  rayées  fur 
le  dos,  bordées  d'un  feuillet  membraneux, 
d'un  goût  acre  &  un  peu  amer. 

Cette  plante  croît  aux  lieux  ombrageux , 
maritimes  ,  fur  les  montagnes  &  dans  les 
prés.  Elle  fleurit  en  juillet  Se  août.  Sa  graine 
mûrit  en  automne  ,  6c  c'eft  alors  qu'on  la 
ramafte. 

Sa  racine  eft  très-vivace,  difficile  à  arra- 
cher, &  elle  exhale  une  odeur  forte  &  ful- 
fureufe.  Elle  pafTe  en  médecine  pour  être 
incifive,  atténuante  &  convenable  dans  les 
maladies  des  poumons  furchargés  d'hu- 
meurs vifqueufes.  On  la  recorrimande  aufîi 
dans  les  obftru61ions  des  vifceres.  (D.  J.  ) 

PEUCELAITIS  ou  PEUCELAOTIS , 
(  Géog.  anc.  )  contrée  de  l'Inde ,  qu'Ar- 
rian  ,  liv.  7/^,  chap.  xxij ,  place  entre  les 
fleuves  Cophenes  &c  Indus.  Il  tiroit  font 
nom  de  celui  dfb  fa  capitale.  Strabon  ,  liv. 
XV ^  &:  Pline,  liv.  /^/,  ont  connu  cette 
capitale  ;  mais  le  premier  écrit  Peucolcetis 
&  le  fécond  Peucolais.  CD.  J.  ) 

PEUCELLA  ,  (Géog.  anc.  )  fleuve  de 
Phrygie.  Paufanias , //V.  -ST,  ch.  xxxij  ^à\t 
que  les  peuples  qui  habitoient  fur  fes  bords, 
defcendoientdes  Azanes,  peuples  de  l'Ar- 
cadie ,  &  qu'il  y  avoit  chez  eux  une  caver- 
ne, 011  étoit  un  temple  confacré  à  la 
déeffe  Cybele. 

PEUCETII^  (  Géog.  anc.  Jpevples  d'I- 
talie appelles  aufft  Fediculi  par  les  Latins  , 
&  Daunii  par  les  Grecs.  Ils  habitoient  au 
nord  du  golfe  de  Tarente  ,c'eft-à-dire ,  une 
partie  de  la  terre  d'Otrante,  &  la  terre 
de  Bari.  Il  ne  faut  pas  les  confondre  avec 

C  c  c  c  2 


57^  PEU 

les  Pcuutîœ  ,  peuple  de  la  Liburnie, félon 
Callimaque,  cité  par  Pline,  /iv.  ///,  ch. 
xxj  ,  qui  dit  que  leur  pays  étoit  de  fon 
temps ,  compris  fous  l'Illyrie.  {D.J.) 

PEUCITES  ,  (  Hift.  nat.  )  nom  donné 
par  quelques  naturaliftes  à  une  pierre  char- 
gée d'une  empreinte  femblable  aux  feuilles 
d'un  pin, 

PE  VETTI,  CBoi.  exot,  )  arbre  baccifere 
du  Malabar,  caraflérifé  par  P.  Alpin  :  arbor 
hacc'ifcra  indica^fionhus  adfollorum  exor- 
tis ,  fruclu  fulcaio  decapyreno  ,  folanum 
fomnifcrum  antiquorum  exhibcnu.  {D.  J.  ) 

PÉVÎGUÉ ,  i.  m.  rerms  de  pêche  ;  ufité 
dans  le  relTort  de  l'ainirauté  de  Bordeaux. 
Xes  pécheurs  de  la  baie  d'Arcaffon  com- 
prennent fous  ce  nom  toutes  les  pêches 
■■qu'ils  font  en  mer.  Ils  défignent  par  le  nom 
de  pêche  à  la  petite  mer ,  celles  qu'ils  font 
dans  lebaffin  d'Arcaffon. 
'  PEUILLES  ^  {à  la  Monnole.  )  A  près  la 
délivrance  de  chaque  brere  ,  les  juges-gar- 
des prennent  un  certain  nombre  de  pièces 
<|u'ils  font  effayer  pour  conftater  le  titre 
"de  la  fonte.  Ces  efpeces  ainfi  effayées  pren- 
nent ie  nom  de  peuilUs  :  on  les  envoie  au 
receveur  Aqs  boîtes,  qui  les  garde  juf- 
qu'au  jugement  du  travail  que  prononce  la 
xrour  clés  monnoiesj  enfuite  on  les  remet 
■au  direfteur. 

11  y  a  quatre  différens  effais  pour  chaque 
fonte.  Le  premier  fe  fait  lorfque  la  ma- 
tière eft  en  bain ,  pour  favoir  fi  elle  eft  au 
titre  prefcrit ,  &  pour  en  affurer  le  direc- 
teur. Le  fécond,  pour  la  fureté  des  juges- 
jgardes  qui  font  la  délivrance  :  c'eft  de  cet 
effai  que  proviennent  les  peuilles.  Le  troi- 
ïieme  eft  fait  par  la  cour  des  monnoies  fur 
-ces  mêmes  peuilles ,  &  auiîi  fur  quelques 
pièces  prifes  au  hazard ,  pour  éclairer  la 
conduite  des  officiers,  &  voir  (i  les  direc- 
teurs ,  contrôleurs  &;  juges-gardes ,  ne  font 
point  d'intelligence,  pour  délivrer  des  ef- 

Î')ecesau-deiïbusdu  titre,  &  enfin conftater 
zs  peuiltes  au  i\t\^. 

PEULE  ("la)  ,  Giograph.  mod.  ou  la 
PUELE,  en  latin  ,  Pahula;  petit  canton  de 
France ,  dans  la  Flandre  :  c'efl  un  des  cinq 
^quartiers  qui  ccmpofent  la  châtellenie  de 
Lille,  il  s'étend  entre  la  Deule  &  l'Efcaut. 
L'abbaye  de  Chifon  en  eu  le  chef- lieu. 

tD.j:) 


PEU 

PEUPLADE  ,(J,{  Gramm.)  colonie 
d'étrangers  qui  viennent  chercher  des  ha- 
bitations dans  une  contrée. 

Peuplade,  (  Pêche.)  On  fe  fert  de  ce 
terme  pour  parler  du  frai ,  de  l'alvin  ,  ôc  en- 
fin de  tous  les  petits  poiffons  que  l'on  met 
dans  un  étang  pour  le  rempoiffonner. 

PEUPLE  (  LE  )  ,  f.  m.  Gouvern.  polit, 
nom  colleftifdifficile  à  définir,  parce  qu'on 
s'en  forme  des  idées  différentes  dans  les  di- 
vers lieux  ,  dans  les  divers  temps ,  &  félon 
la  nature  des  gouvernemens. 

Les  Grecs  &  les  Romains  qui  fe  connoif- 
foienten  hommes,  faifoient  un  grand  cas 
du  peuple.  Chez  eux  ,  le  peuple  àonnoii  fa 
voix  dans  les  élevions  des  premiers  magif- 
trats ,  des  généraux ,  &  les  décrets  des  prof- 
criptions  ou  des  triomphes,  dans  les  régle- 
mens  des  impôts,  dans  les  décifions  de  la 
paix  ou  de  la  guerre ,  en  un  mot ,  dans 
toutes  les  affaires  qui  concernoient  les 
grands  intérêts  de  la  patrie.  Ce  même  peu- 
ple entroit  à  milliers  dans  les  vaftes  théâtres 
de  Rome  &  d'Athènes ,  dont  les  nôtres  ne 
font  que  des  images  maigres,  &  on  le  croyoit 
capable  d'applaudir  ou  de  iiffler  Sophocle, 
Eurypide  ,  Plante  Se  Térence.  Si  nous  je- 
tons les  yeux  fur  quelques  gouvernemens 
modernes,  nous  verrons  qu'en  Angleterre 
\q peuple  élit  fes  repréfentans  dans  la  cham- 
bre des  communes,  &  que  la  Suéde  compte 
l'ordre  des  payfans  dans  les  affemblées  na- 
tionales. 

Autrefois  en  France ,  le  peuple  étoit 
regardé  comme  la  partie  la  plus  utile ,  la 
plus  précieufe,  &  par  conféquent  la  plus 
refpeftabîe  de  la  nation.  Alors  on  croyoit 
que  le  peuple  pouvoir  occuper  une  place 
dans  les  états-généraux;  &  les  parîemens 
du  royaume  ne  faifoient  qu'une  raifon  de 
celle  du  peuple  &  de  la  leur.  Les  idées  ont 
changé,  ôc  même  la  claffe  des  hommes 
faits  pour  compofer  le  peuple  ,  fe  rétrécit 
tous  les  jours  davantage.  Autrefois  \t peuple 
étoit  l'état  général  de  la  nation ,  fimplement 
oppofé  à  celui  des  grands  &  des  nobles.  Il 
renfermoit  les  laboureurs ,  les  ouvriers  , 
les  artifans ,  les  nég?)cians ,  les  financiers , 
les  gens  de  lettres  &  les  gens  de  loix. 
Mais  un  homme  de  beaucoup  d'efprit,  qui 
a  publié  il  y  a  près  de  vingt  ans  une  dif- 
fertation  fur  la  nature  du  peuple ,  penft 


PEU 

que  ce  corps  de  la  nation  fe  borne  a(5luel- 
lement  aux  ouvriers  &  aux  laboureurs. 
Rapportons  Tes  propres  réflexions  fur  cette 
matière  ,  d'autant  mieux  qu'elles  font  plei- 
nes d'images  &  de  tableaux  qui  fervent  à 
prouver  (on  fyftême. 

Les  gens  de  loix ,  dit-il ,  fe  font  tirés 
de  la  claffe  du  peuple  ,  en  s'ennoblifl'ant 
fans  le  fecours  de  l'épée  :  les  gens  de  let- 
tres ,  à  l'exemple  d'Horace  ,  ont  regardé 
\e  peuple  comme  profane.  Il  ne  feroit  pas 
honnête  d'appeller  peuple  ceux  qui  culti- 
vent les  beaux  arts ,  ni  même  de  laifTer 
dans  la  claffe  du  peuple  cent  efpece  d'ar- 
tifans ,  difons  mieux,  d'artiftes  maniérés  qui 
travaillent  le  luxe  ;  des  mains  qui  peignent 
divinement  une  voiture  ,  qui  montent  un 
diamant  au  parfait ,  qui  ajuftent  une  mode 
fupérieurement  ^  de  telles  mains  ne  reffem- 
blent  point  aux  mains  àwpeuple.  Gardons- 
nous  auffi  de  mêler  les  négocians  avec  le 
peuple  ;  depuis  qu'on  peut  acquérir  |a  no- 
bleffe  par  le  commerce  ,  les  financiers  ont 
pris  un  vol  fi  élevé,  qu^ils  fe  trouvent  côte 
à  côte  des  grands  du  royaume.  Ils  font 
faufilés,  confondus  avec  eux*,  alliés  avec 
les  nobles,  qu'ils  penfionnent,  qu'ils  fou- 
tiennent ,  &  qu'ils  tirent  de  la  mifere  :  mais 
pour  qu'on  puiffe  encore  mieux  juger  com- 
bien il  feroitabfardede  les  confondre  avec 
\e peuple^  il  fuffira  de  confidérer  un  mo- 
ment la  vie  des  hommes  de  cette  volée  &c 
cqWq  au  ptupU^ 

Les  financiers  font  logés  fous  de  riches 
plafonds;  ils  appellent  l'or  &c  la  foie  pour 
îîler  leurs  vêtemens  ;  ils  refpirent  les  par- 
fums ,  cherchent  l'appétit  dans  l'art  de 
leurs  cuifiniers  ;  &  quand  le  repos  fuccede 
à  leur  oifiveté,  ils  s'endorment  noncha- 
lamment fur  le  duvet.  Rien  n'échappe  à 
■ces  hommes  riches  &  curieux  ;  ni  les  fleurs 
•d'Italie,  ni  les  perroquets  du  Bréfil,  ni  les 
toiles  peintes  de  Mafulipatan,  ni  les  ma- 
gots de  la  Chine ,  ni  les  porcelaines  de 
5axe ,  de  Sève  &:  du  Japon.  Voyez  leurs 
palais  à  la  ville  &  à  la  campagne  ,  leurs 
iiabits  de  goût  ,  leurs  meubles  élégans , 
leurs  équipages  leftes ,  tout  cela  fent-il  le 
peuple  ?  Cet  homme  qui  a  fu  brufquer  la 
fortune  par  la  porte  de  k  finance,  mange 
noblement  en  un  repas  la  nourriture  de 
cent  familles  au  peuple ,  varie  fansjceffe  fes 


PEU.  573 

plaifirs,  réforme  un  vernis,  perfectionne 
un  luftre  par  le  fecours  des  gens  du  métier  , 
arrange  une  fête ,  &  donne  de  nouveaux 
noms  à  fes  voitures.  Son  fils  fe  hvre  aujour- 
d'hui à  un  cocher  fougueux  pour  effrayer 
les  paffans;  demain  îî  eft  cocher  lui-même 
pour  les  faire  rire. 
j      II  ne  refle  donc  dans  la  maffe  du  peuple 
j  que  les  ouvriers  &  les  laboureurs.  Je  con- 
j  temple  avec  intérêt  leur  façon  d'exifter; 
j  je  rrouve  que  cet  ouvrier  habite  ou  fous 
I  le  chaume ,  ou  dans  quelque  réduit  que  nos 
villes  lui  abandonnent,  parce  qu'on  a  be- 
j  foin  de  fa  force.  Il  fe  levé  avec  le  foleil ,  &  > 
fans  regarder  la  fortune  qui  rit  au-deffus 
de  lui ,  il  prend  fon  habit  de  toutes  les 
faifons ,  il  fouille  nos  mines  &  nos  carriè- 
res ,  il  defféche  nos  marais  ,  il  nettoie  nos 
rues,  il  bâtit  nos  maifons,  il  fabrique  nos 
meubles  ;  la  faim  arrive ,  tout  lui  efi  bon  ; 
le  jour  finit ,  il  fe  couche   durement  dans 
les  bras  de  la  fatigue. 

Le  laboureur ,  autre  homme  du  peuple  , 
eft  avant  l'aurore  tout  occupé  à  enfemen- 
cer  nos  terres  ,  à  cultiver  nos  champs  ,  à 
arrofer  nos  jardins.  Il  fouffre  le  chaud  ,  le 
froid  ,  la  hauteur  des  grands ,  l'infolence 
des  riches,  le  brigandage  des  traifans,  le 
pillage  des  commis ,  le  ravage  même  .des 
bêtes  fauves ,  qu'il  n'oie  écarter  de  fes 
moiffons  par  refped  pour  les  plaifirs  i\qs 
puiffans.  Il  eft  fbbre  ,  jufîe  ,  fidèle ,  reli- 
gieux, fans  confidérer  ce  qui  lui  en  revien- 
dra. Colas  époufe  Colette  ,  parce  qu'il 
l'aime  ;  Colette  donne  f^n  lait  à  (qs  enfans , 
fans  connoîrre  le  prix  de  la  fraîcheur  &  du 
repos.  Ils  grandi  fient  ces  enfans,  &  Lucas 
ouvrant  la  terre  devant  eux ,  leur  apprend 
à  la  cultiver.  Il  meurt ,  &  leur  laifl'e  fbn 
champ  à  partager  également  ;  fi  Lucas  n'é- 
toit  pas  un  homme  du  peuple^  il  le  laifié- 
roit  tout  entier  à  Tainé.  Tel  eft  le  portrait 
des  hommes  qui  compofent  ce  que  nous 
appelions /?e///?/e,  &  qui  forment  toujours 
la  partie  la  plus  nombreufe  &  la  plus  né- 
cenaire  de  la  nation. 

Qui  croiroit  qu'on  a  ofé  avancer  de  nos 
jours  cette  maxime  d'une  politique  infâme , 
que  de  tels  hommes  ne  doivent  point  être 
àkuraife,  fi  l'on  veut  qu'ils  foient  indul- 
trieux  &  obéiffans  }  Si  ces  prétendus  poli- 
tiques, ces  beaux  génies  pleins  d'humanité  j 


574  P  E  tJ 

voyageoîent  un  peu  ,  ils  verroient  que 
Pinduftrie  n'eft  nulle  part  fi  aélive  que  dans 
les  pays  où  le  petit  peuple  eft  à  fon  aife , 
ik  que  nulle  part  chaque  genre  d'ouvrage 
ne  reçoit  plus  de  perfedion.  Ce  n'eft  pas 
que  des  hommes  engourdis  fous  le  poids 
d'une  mifere  habituelle  ne  puiTent  s'éloi- 
gner quelque  temps  du  travail ,  fi  toutes 
les  impofitions  ceftbientfnr  le  champ  :  mais 
outre  ia  ^différence  fenfible  entre  le  chan- 
i^ement  du  peuple  &  l'excès  de  cette  fup- 
pofition ,  ce  ne  feroit  point  à  l'aifance 
qu'il  faudroit  attribuer  ce  moment  de  pa- 
refle  ,  ce  feroit  à  la  furcharge  qui  l'auroit 
précédé.  Encore  ces  mêmes  hommes  , 
revenus  de  l'emportement  d'une  joie  inef- 
pérée ,  fentiroient-iis  bientôt  la  néceilité  de 
travailler  pour  fubfifter;  &  le  defir  naturel 
d'une  meilleure  fubfiftance  les  rendroit  fort 
aélifs.  Au  contraire ,  on  n'a  jamais  vu  &  on 
ne  verra  jamais  des  hommes  employer  toute 
leur  force  &  toute  leur  induftrie,  s'^s  font 
accoutumés  à  voir  les  taxes  engloutir  le  pro- 
duit des  nouveaux  efforts  qu'ils  pourroient 
faire  ,  &  iisfe  borneroient  au  foutien  d'une 
vie  toujours  abandonnée  fan^s  aucune  efpece 
-de  regret. 

A  l'égard  de  l'obéiiïance  ,  c'eftune  in- 
i'jftice  de  calomnier  ainfi  une  multitude  in- 
finie d'innocens;  caries  rois  n'ont  point  de 
fujets  f  lus  fidèles,  &,  fi  j'ofe  le  dire,  de  meil- 
leurs amis.  Il  y  a  plus  d'amour  public  dans 
cet  ordre  peut-être  ,  que  dans  tous  les  au- 
tres ;  non  point  parce  qu'il  eft  pauvre ,  mais 
parce  qu'il  fait  très-bien,  malgré  fon  igno- 
rance ,  que  l'autorité  &  la  prote6lion  du 
prince  font  l'unique  gage  de  fa  sûreté  & 
de  fon  bien-être;  enfin,  parce  qu'avec  le 
refpeft  naturel  des  petits  pour  les  grands , 
avec  cet  attachement  particulier  à  notre 
nation  pour  la  perfonne  de  fes  rois  ,  ils 
n'ont  point  d'autre  bien  ,à  efpérer.  Dans 
aucune  hiftoire,  on  ne  rencontre  un  feul 
trait  qui  prouve  que  l'aifance  du  peuple  par 
Xq,  travail  j  a  nui  àYon  obéiffance. 

Concluons  que  Henri  IVavoitraifonde 
defirer  que  (on peuple  fût  dans  l'aifance  ,  & 
■d'afTurer  qu'il  travailleroit  à  procurer  à  tout 
laboureur  les  moyens  d'avoir  l'oie  grafife 


P  E  U 

quantité  proportionnée  que  perfonne  né 
regrettera  :  mais  lui  arracher  de  force  l'ar- 
gent que  fon  labeur  &  fon  induftrie  lui  onc 
procuré ,  c'eft  priver  l'état  de  fon  embon- 
point &de  fes  refifources.  ("Z).  /.J 

Peuple  ROM  AINj/j/e^i  romana{Hlfi. 
rom.  )  Tout  ce  qui  par  l'établififement  de 
Romulus  n'étoit  pas  fénafeur  ou  chevalier, 
étoit  peuple, /?/^^5 ,  habitant  de  la  ville  ou 
de  la  campagne,  ruflica  vel  urhana.  Le 
peuple  de  la  campagne  la  cultivoit,  & 
tenoit  le  premier  rang  :  d'où  il  arriva  que 
dans  les  commencemens  de  la  répubhque  , 
les  praticiens  eux-mêmes ,  dans  le  feinde  la 
paix ,  travailloient  à  la  culture  à^^s,  terres  , 
parce  que  chacun  cultivoit  fans  déshonneur 
fon  propre  champ,  ou  celui  qui  lui  étoit 
aflîgné  fur  les  terres  romaines. 

Une  partie  du  peuple  qui  habitoit  la 
ville,  exerçoit  le  trafic  ,  les  arts  ,  les  dif- 
férens  métiers;  &:  les  plus  diftingués d'en- 
tre eux  s'appliquoient  au  miniftere  du  bar- 
reau pour  s'élever  à  la  magiftrature. 

La  populace  de  Rome ,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  le  peuple  proprement  dit  , 
plebs^  étoient  des  vagabonds,  fans  feu  ni 
lieu ,  toujours  prêts  à  exciter  des  troubles 
&:  à  commettre  àzs  crimes.  Tite-Live 
nomme  cette  troupe  vagabonde  ,  turha. 
forenfis\,  la  troupe  au  forum  ^  parce  qu'elle 
fe  tenoit  dans  les  places  publiques ,  criant 
qu'on  partageât  les  terres  fuivant  la  loi 
agraire.  CAzéronW^^QWQ  plebs  urbana^  la 
populace  de  la  ville  ,  &  Horace  popellum 
tunicatum ,  la  populace  à  tunique ,  parce 
qu'elle  ne  portoit  qu'une  fimple  tunique. 
Pour  foulager  la  ville  de  ces  miférables, 
on  les  envoyoit  dans  les  champs  publics  ; 
mais  une  partie  les  quittoit  pour  revenir  à 
Rome.  C'étoit-là  que  les  féditieux ,  qui  ne 
cherchent  qu'ù  troubler  l'état  pour  envahir 
les  biens  des  honnêtes  gens ,  ameutoient 
cette  canaille  ,  &  ^qx\  fervoient  à  leurs 
fins,  comme  des  coquins  qui  n'avoient  rien 
à  perdre.  {D.J.) 

Peuple  ,  Ç  Jardinage.)  fe  dit  des  jetons 
ou  talles  qui  viennent  aux  pies  des  arbres 
&  des  plantes  bulbeufes.  V'oyei  Talles. 

PEUPLER,  v.aa.  ^n.{  Grammaire.) 


gent  dans  les  mains  au  peuple  ,  il  en  reflue 


nécefiairement  dans  le  tréfor  public  une    trée.  f^oye7^^  L'article  Population. 


dans  fon  pot.  Faites  palier  beaucoup  d'ar-'^Il  fe  dit  des  hommes,  des  animaux  &  des 


plantes.  C'eft  fe  multiplier  dans  une  con- 


PEU 

Peupler,  v.  ad.  (  Charpent.  )c'eflen 
charpenterie,  garnirun  vulde  de  pièces  de 
bois,  efpacées  à  égale  diftance.  Ainfi  ,  on 
dit  peupler  de  poteaux  une  cloifon,  peu- 
pler de  fblives  un  plancher ,  peupler  de 
chevrons  un  comble  ,  &c.  {  D.  J.) 

Peupler  une  éwjfc  en  boutons ,  (  Eai- 
nage.  )  c'eft  la  frifer  par  l'envers  comme 
certains  draps ,  ou  par  l'endroit  comme  des 
racines.  On  dit  qu'une  étoffe  eftbien  peu- 
plée ,  lorfque  les  boutons  de  la  friiure  y 
îbnt  fi  épais  &  fi  durs,  que  l'on  a  peine  à 
appercevoir  le  fond  de  l'étoffe.  C^-  ^ -  ) 

PEUPLIER ,  f.  m.  populus  en  latin , 
popular  en  anglois,  papdbaum  en  alle- 
Kiand ,  (  Hlfl,  nat.  bot.  )  genre  de  plante 
à  fleur  en  chaton,  compolée  de  plufieurs 
petites  feuilles  qui  ont  des  fommets.  Cette 
fleur  eft  f^érile  ;  les  jeunes  fruits  naiffent 
fur  des  efpeces  de  peupliers  qui  ne  portent 
point  de  fleurs  :  ils  font  dilpofés  en  épi , 
&  compofés  de  plufieurs  petites  feuilles, 
fous  lefquelles  on  voit  une  forte  de  cloche 
qui  embraflfe  un  embryon  ;  cet  embryon 
devient  dans  la  fuite  une  filique  membra- 
neufe  &  en  épi ,  qui  s'ouvre  en  deux  par- 
ties ,  &  qui  renferme  des  femences  aigret- 
tées.  Ajoutez  aux  cara61eres  de  ce  genre  le 
port  des  efpeces  du  peuplier,  qui  diffère 
de  celui  des  faules.  Tournefort,  //z/?.  rti 
herb,  Voye^  Plante. 

Peuplier,/?o/7w/w5,( /^rt///z<z^^.)  grand 
arbre  qui  croît  naturellement  dans  les  cli- 
mats tempérés  de  l*Europe  &  de  l'Améri- 
que feptentrionale.  Il  fait  une  tige  droite  , 
quiloinde  fe  confondre  avec  fes  branches, 
conferve  toujours  une  pointe  jufqu'à  la  plus 
grande  élévation  de  l'arbre.  Sa  tête  eft  garnie 
de  quantité  de  rameaux  qui  font  grêlés  & 
un  peu  courbes,  à  caufe  de  leur  difpofition 
naturelle  à  fe  dreffer  du  côté  de  la  princi- 
pale tige.  Son  écorce  ,  d'une  couleur  jau- 
nâtre ,  eft  long- temps  lifte  &  unie  :  il  rie 
s'y  fait  de  gerfures  que  quand  l'arbre  eft 
avancé  en  âge.  Ses  racines  font  fortes ,  & 
s'enfoncent  afi!ez  profondément  dans  la 
terre.  Sa  feuille  eft  lifte,  dentelée,  &  d'un 
verd  brun  ;  elle  eft  légèrement  arrondie 
par  le  bas  ,  &  fe  termine  rapidement  en 
pointe.  Tous  les  peupliers  ne  produifent  pas 
de  graines  ;  les  fleurs  mâles  viennent  fur 
àçfi  ajbres  différens  de  ceux  qui  produifent 


PEU  57f 

leurs  fleurs  femelles  propres  à  donner  des 
femences.  Les  fleurs  mâles  font  des  cha- 
tons d'une  couleur  rougeâtre  d'aftez  jolie 
apparence  ,  qui  paroiftent  au  commence- 
ment d'avril ,  ôc  qui  tombent  au  bout  de 
quinze  jours  ou  trois  femaines.  Les  fleurs 
femelles  qui  donnent  la  graine,  font  raffern- 
blées  fur  un  filet  commun ,  de  même  forme 
que  les  chatons  ,  mais  de  couleur  d'herbe  , 
&  qui  ne  tombe  que  long-temps  après  , 
lors  de  fa  maturité,  vers  la  fin  de  Mai  ou 
le  commencement  de  juin  :  dans  ce  temps  ^ 
les  graines  qui  font  fort  petites  &  termi- 
nées par  une  aigrette ,  font  difperfées  par 
le  vent. 

Le  peuplier  doit  être  mis  au  nombre  des 
plus  grands  arbres,  &  il  m.érite  de  tenir 
le  premier  rang  parmi  ceux  qui  fe  plaifent 
dans  un  terrain  aquatique.  Cet  arbre  croît 
très-promptemenr,  fe  multiplie  avec  la  plus 
grande  facilité;  Se  réfiftè  à  toutes  les  intem- 
péries des  faifons.  Son  utilité  s'étend  à 
divers  ufages  très-profitables  à  la  fociéré. 

Le  peuplier  peut  venir  dansdi/férens  ter- 
rains ,*lnais  il  réufîît  infiniment  mieux  dans 
les  lieux  aquatiques  ,  autour  des  étangs  , 
le  long  des  rivières,  fur  le  bord  desruif- 
féaux  ,  &:  il  fe  plaît  finguliérement  fur  les 
berges  des  foftes  remplies  d'eau.  Cet  arbre 
vient  mieux  dans  les  vallons  que  dans  les 
plaines ,  &  il  fe  contentera  plutôt  de  cette 
dernière  pofitionque  de  celle  des  coteaux; 
il  dépérit  dans  les  terrains  fecs  &  fabîon- 
neux  ,  &  il  ne  dure  pas  long-temps  dans 
les  terres  argileufes ,  trop  fortes  ou  trop 
dures.. 

Cet  arbre  fe  multiplie  de  rejetons,  de 
plançon  &  de  boutures  ;  mais  ce  dernier 
moyen  étant  la  voie  la  plus  facile, la  plus 
prompte  &  la  plusafturée,  c'eft  celle  dont 
on  doit  fe  fervir.  Ces  boutures  fe  font 
après  l'hiver,  aufll-tôt  que  la  terre  com- 
mence à  être  praticable  ;  il  Ihut  choifir  de 
préférence  abfolue,  les  rejetons  de  la  der- 
nière année  ,  les  plus  forts ,  les  plus  vigou- 
reux &  les  plus  unis ,  car  le  bois  de  deux 
&:  trois  ans  n'eft  point  propre  à  cet  ufage. 
On  coupe  les  boutures  d'un  pié  ou  de 
quinze  pouces  de  longueur;  on  les  pique 
dans  la  terre  en  les  couchant  &:  les  tour- 
nant de  façon  qu'il  y  ait  un  œil  en  deffus 
qui  puifîe  pouftTer perpendiculairement,  Ces 


57^  PEU 

boutures  ne  doivent  fortir  de  terre  que  dé 
deux  ou  trois  yeux  :  on  peut  les  planter 
dans  la  place  même  oij  on  veut  les  élever, 
à  un  pie  ou  quinze  pouces  les  unes  des 
autres ,  en  rangées  de  deux  pies  ou  de  deux 
pies  &  demi  de  diftance.  On  les  laiffera 
pouffer  à  leur  gré  la  première  année;  mais 
au  printemps  fuivant  on  coupera  tous  les 
réjetons ,  à  l'exception  de  celui  qui  mar- 
quera le  plus  de  difpofition  pour  fe  dreffer  : 
les  années  fuivanres  on  élaguera  les  jeunes 
plants  à  mefure  qu'ils  prendront  de  la  force  ; 
mais  chaque  année  on  rabattra  jufqu'au  pié 
ceux  qui  feront  d'une  mauvaile  venue  , 
pour  les  obliger  à  former  une  nouvelle  tige. 
Ces  arbres  au  bout  de  quatre  ou  cinq  ans 
auront  communément  dix  à  douze  pies  de 
haut,  ^  feront  en  état  d'être  tranfplantés 
à  demeure  ;  ils  font  à  leur  perfection  325 
00  30  ans. 

Le  peuplier  réuffit  fort  aifément  à  la  tranf- 
plantation  ,  &  on  peut  le  tailler  dans  tou- 
tes les  faifons  fans  inconvénient;  non  pas 
à  la  fa^on  des  faules  que  l'on  étête  entiè- 
rement, mais  en  coupant  toutes  le*  bran- 
ches près  de  la  maîtreffe  tige  ,  au-deffbus 
de  laquelle  on  laiffe  un  bouquet.  Cette 
façon  de  tailler  le  peuplier  tous  les  quatre 
ou  cinq  ans,  eft  la  meilleure  pour  en  reti- 
rer de  l'utilité  ;  on  peut  même  le  couper 
plus  fouvent  en  menus  branchages  pen- 
dant le  mois  d'odobre  :  on  fait  fécher  ces 
rameaux  avec  leurs  feuilles ,  c'eft  une  ex- 
cellente nourriture  pour  le  bétail  pendant 
l'hiver. 

Le  bois  de  peuplier  eft  jaunâtre,  fouple, 
affez  dur ,  paflablement  folide ,  mais  un  peu 
difficile  à  la  fente  ;  on  en  peut  faire  des  pie- 
ces  de  charpente  pour  des  bâtimens  de  peu 
de  conféquence  ;  on  en  tire  aufli  des  plan- 
ches de  durée,  ft  on  les  garantit  de  Ihu- 
midité.  Les  fculpteurs  l'emploient  à  défaut 
du  tilleul;  il  eft  aufli  de  quelque  ufage  pour 
les  menuifîers  ,  les  tourneurs ,  les  fabo-- 
tiers,  &c.  , 

Cet  arbre  a  quelques  propriétés  qui  font 
d'ufage  en  Médecine.  Les  yeux  ou  les  bou- 
tons des  branches  du  peuplier,  lorfque  le 
mouvement  de  la  fève  fe  fait  fentir  au  prin- 
temps, fe  chargent  d'une  efpece  de  gomme 
d'une  odeur  allez  agréable  ;  les  bonnes  qua- 
lités dç  ce  fuc  vifqueux  le  font  entrer  dans 


■     p  E  ir 

la  compofïtion  du  baume  que  l'on  notrttne 
popuUum ,  qui  eft  recommandable  à  plu- 
(ieurs  égards. 

Les  différentes  efpeces  ou  variétés  de 
peupUers',  font  : 

i".  Le  peuplier  noir;  c'eft  à  cette  ef- 
pece que  l'on  doit  particulièrement  appli- 
quer tout  ce  qui  a  été  dit  ci-defi'us. 

"i.^.  Le  peuplier  noir,  que  Ton  nomme 
vulgairement  l'ofier  blanc.  Il  a  plu  aux  gens 
de  la  campagne  de  l'appeller  ainfi,  parce 
qu'ils  emploient  dans  les  travaux  de  la  vigne 
les  jeunes  branches  de  cet  arbre  en  place 
del'olier;  pour  cet  effet,  ils  l'affujettif- 
fent  à  la  tonte  comme  l'ofier,  mais  il 
n'eft  pas  fi  convenable  que  ce  dernier  pour 
l'ufage  que  l'on  en  fait.  Les  feuilles  de  cet 
arbre  font  dentelées  plus  profondément  & 
ondées  fur  les  bords;  &  c'eft  ce  qui  fert 
principalement  à  le  diftinguer  du  peuplier 
noir  ordinaire.  -  • 

3*^.  Le  peupher  noir  de  Lombardie;  c'eft 
une  très-jolie  variété  nouvellement  venue 
d'Italie ,  où  on  en  fait  grand  cas.  Sa  beauté 
confifte  en  ce  que  {q%  feuilles ,  qui  ont  beau- 
coup de  reflemblance  avec  celles  de  l'ofier 
blanc ,  font  d'un  verd  brillant  très-vif,  quoi* 
que  foncé;  &  cette  verdure  qui  eft  ftable, 
ne  s'obfcurcit  point  fur  l'arriére  faifon 
comme  celle  des  feuilles  du  peuplier  noir  or- 
dinaire; mais  un  autre  agrément  plus  re- 
commandable, c'eft  que  le  peuplier  de  Lom- 
bardie forme  naturellement  la  pyramide 
bien  plus  que  les  autres  arbres  de  fon  genre  , 
au  moyen  de  ce  que  fes  branches  affedent 
de  fe  rapprocher  de  la  maîtrefte  tige,  ce 
qui  rend  cet  arbre  des'plt^s  propres  à  for- 
mer des  avenues  d'une  grande  &  fingu- 
liere  apparence. 

4°.  Le  peuplier  de  Canada,  autre  va- 
riété du  peuplier  noir  quia  fon  mérite.  Il 
prend  plus  de  corps,  fa  tête  eft  plus  garnie 
de  rameaux  fort  épais ,  qui  fe  dirigent  plus 
en  deborsque  ceux  du  peuplier  noir  ordi- 
naire, mais  lamaîtreflfe  tige  ne  pointe  pas 
&  l'arbre  prend  moins  d'élévation.  Ses 
jeunes  rameaux  ont  [des  cannelures,  mais 
dont  les  arêtes  font  bien  moins  faillantes 
que  dans  le  peupher  de  la  Caroline ,  dont 
il  fera  parlé  ci-après  ;  fon  écorce  eft  jaunâ- 
tre, elle  eft  fujette  à  contrafter  prompte-^ 
ment  beaucoup  de  gçrfures  très-profondes. 


PEU 

Sa  feuille  éft  plus  grande,  plus  épaiffe, 
plus  obtufe  à  la  pointe ,  &  d'un  verd  plus 
clair  que  celle  du  peuplier  noir  ordinaire. 
Celui  <ie   Canada  dont  il  s'agit  ici  ,    ed 
encore  rare  en  France  :  je  ne  connois  pas 
Tefpece  mâle  ^  tous  les  plants  que  j'ai  de 
cet  arbre  font  de  refpece  femelle.  Le  plus 
gros  qui  eft  âgé  de  ii  ans  ,335  pies  de 
hauteur  ,    fur  trois  de   circonférence  :  fa 
tète  eft  auffi  ronde  que  celle  d'un  tilleul. 
Il  a  18   pies    de    tige  ,    dont   fécorce  eft 
extrêiïiement  &  profondément  fîllonnée   ^ 
cependant  l'afpeâ  n'en  eft  point  défagréa- 
bîe  ,  parce  que  les  gerçures  fè  rappellent 
l'une  l'autre  en   s'adoucilfant  j  elles  font 
un  compartiment   varié  ,     &  la   couleur 
jaunâtre  eft  uniforme.  Quand  l'arbre  entre 
en  fève  au  printemps,  fès  boutons  fe  gon- 
flent &  répandent  au  loin  une  odeur  bal- 
iàmique  extrêmement  agréable  ^  au  mois 
de- juin  fuivant ,  on  voit  tomber  les  filets 
qui  portent  la  graine  ,  &  qui  font  de  trois  , 
quatre   &  cinq  pouces  de  longeur  \  mais 
ce  qu'ils  ont  de  remarquable  ,   c'eft   que 
chaque  loge  qui  contient  ou  doit  contenir 
les  graines ,   eft   remplie  d'un   duvet  plus 
foyeux  que  le  coton ,  &  tout  auffi  blanc  , 
qui   fe    tient   ralferablé   autour  des  filets. 
L'arbre  en  produit    une  fi  grande  quan- 
tité, que  la  terre  en  eft  couverte  au  pié 
de  l'arbre  lorfqu'ils  font  tombés.  Peut-être 
pourra  - 1  -  on  trouver   moyen  d'employer 
cette  matière  dans  les  arts.  Par  la  com- 
paraifon  qui  a  été  faite  de  groiTcs  branches 
de  neuf  pouces  de  tour  que  l'on  a  coupées 
de  cet  arbre,  avec  des  branches  de  pareille 
force  de  peuplier  noir   &  de  tremble  ,  il 
paroït  que  le  bois  du  peuplier  de  Canada 
tient  le  milieu  entre  celui  du  peuplier  noir  & 
du  tremble ,  pour  la  couleur  &  la  confiftance. 
Cet  arbre  feroit  très- propre  à  former  des 
avenues  ;  il  a  phrs  de  foutien  que  le  peu- 
plier noir  5  il  eft  de  plus  belle  apparence  , 
&  il  eft  tout  aufli  robufte.  Il  fè  plaît  dans 
un  terrain  frais  &humide  j  car  ceux  que  l'on 
avoit  plantés  dans  un  terrain  fec  &  élevé  , 
y  ont  bientôt  dépéri ,    &  font  morts  enfin. 
5**.    Le  peuplier  noir  odorant  ,   le  taca- 
mahaca  ,    le  baumier  ;  cet  arbre  eft  origi- 
naire de  la  Caroline ,  où  il  ne  fe  trouve 
que  le  long  des  rivières  :  il  y  devient  fort 
élevé  9  &  il  étend  coiuQdérablemeut  fes 


PEU  577 

branches  ;  mais  il  s'en  faut  bien  que  ce 
peuplier  fafie  de  tels  progrès  en  Europe. 
M.  Miller,  auteur  anglois ,  afTure  que  les 
plus  grands  arbres  de  cette  efpece  que  l'on 
ait  vus  en  Angleterre ,  n'avoient  que  1 5  ou 
16  pies  de  hauteur  ;  &  on  n'en  a  point  en- 
core vu  en  France  qui  aient  atteint  cette 
élévation.   Ce  peuplier  fait  une  tige  affez 
droite  ,  &  il  affeite  de  diriger  Ces  bran- 
ches en   dehors.   L'écorce  des  jeunes  ra- 
meaux eft  d'une  couleur  rouffe  très-obfcure  ; 
fes  boutons  font  fort   gros  ,    &  toujours 
remplis  d'une  gomme  jaune  ,    épaiflè   & 
baifàmique  ,   do4it  l'odeur,  quoique  très- 
forte  ,  n'eft  point  défâgréabie  ^  mais  cette 
gomme  eft  plus  abondante  quand  l'arbre 
entre  eu  lève ,  &  elle  regorge  à  l'infertioti 
des  feuilles  dans  les  tendres  rejetons  :   alors 
elle  eft  plus  liquide  ,  &  d'une  odeur  plus 
pénétrante.  Ses  feuilles  paroiffent  de  bonne 
heure  au   printemps  ,    &  dès   la   fin  de 
février  ^  dans  ce  teirps  elles  font  d'un  jaune 
vif  qui  fe  change  en  4in  verd  clair ,  puis 
en  un  verd  brun  &  terne.  Le  defîbus  de 
la  feuille  eft  d'un  blanc  fale,   mat  &  ua 
peu  jaunâtre  j  elle  eft  grande  ,  figurée  ea 
cœur  ,  légèrement  dentelée  &  pointue.  Je 
n'ai  encore  vu  que  les  chatons  de  l'arbre 
mâle  de  cette  efpece  de  peuplier  ;  ils  pa- 
roiflcnt  en  même  temps  que  les  feuilles  j 
ils  font  plus  gros  &  plus  longs  que  ceux 
du  peuplier  noir  ordinaire,   &  d'un  rouge 
plus  apparent.  Cet  arbre  veut  abfolument 
un  terrain  humide ,  fans  quoi  il  languit  : 
il  eft  fujet  à  poufter    des  rejetons  fur  fès 
racines ,  qui  peuvent  fervir  à  multiplier  ; 
mais  il  eft  plus  court  de  le  faire  venir  de 
boutures  ,  qui  réulîilfent   fort  bien  quand 
on  les  fait  de  bonne  heure  dans  un  endroit 
abrité ,   c'eft-à-dire ,   dès  le    mois    de  no- 
vembre.   Au  lieu  que   fi  on  les  fait  à  la 
fin  de  l'hiver ,  le  fuccès  en  eft  bien  moins 
alftiré.  On  peut  encore  l'élever  des  branches 
couchées  ,   mais  il  ne  réufiît  pas  à  la  greffe 
fur  le  peuplier  noir  j  car  en  ayant  fait  faire 
plufieurs  écuftbns  à  la  pouflè  fiir  des  fujets 
de  cette  efpece  ,   ces  écuflbns  reprirent  & 
pouffèrent  bien  pendant  l'année  ,  mais  au 
printemps  fuivant ,  tous  les  fujets  fe  trou- 
vèrent  morts    &  defféchés.    Ceci    ièrt    à 
prouver  qu'il  ne  fulîit  pas  ,  pour  le  fuccès 
de  la  greffe,  que  les   parties   folides  U 
Dddd  .j 


57^  PEU 

configurantes  du  iîijet  &  de  la  greffe  fe 
correipondent  ,  &  qu'il  faut  encore  de 
Tanalogie  entre  les  fiics  féveux  de  l'un  & 
de  l'autre.  Cet  arbre  m'a  paru  jufqu'à 
préfent-iliffifamment  robufte  pour  réfiller 
en  plein  air  dans  ce  climat.  Ses  feuilles 
fe  iiétriffent  &  tombent  de  bonne  heure 
en  automne,  même  dès  la  fin  de  feptem- 
bre  j  il  eft  vrai  que  cette  feuille  eft  aflcz 
belle  au  printemps  &  en  été.  Mais  cet  arbre 
tire  Ton  principal  mérite  de  fa  gomme  bai- 
fîimique  ,  qui  pourroit  être  d'ufage  en  mé- 
decine ^  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eil  que 
cette  gomme  eft  fouveraine  pour  guérir  les 
coupures. 

6°.  ]-.c  peuplier  noir  de  la  Caroline  ;  c'eft 
fans  contredit  la  plus  belle  efpece  de  peu- 
plier ,  qui  n'eft  pourtant  connue  que  depuis 
peu  d'années  en  France  ,  non  plus  qu'en 
Angleterre.  Cet  arbre  eft  fur-tout  remar- 
quable par  la  grandeur  admirable  de  fes 
feuilles  ,  qui  ont  fouvent  lo  pouces  de 
longueur  ,  fiir  8  à  9  de  largeur  ^  elles  font 
auiîî  légèrement  qu'agréablement  campa- 
lîées  fur  les  bords  :  la  verdure  en  eft  vive , 
brillante  &  ftabl^:  elles  tiennent  à  l'arbre 
par  de  longs  pédicules  ,  qui  étant  applatis 
lijr  les  côtés ,  s'inclinent  à  contre-fens  des 
feuilles  ordinaires  ^  ce  qui  fait  que  la  feuille 
de  ce  peuplier  eft  fufpendue  de  côté.  Vers 
la  fin  de  l'été  les  principales  côtes  de  fa 
furface  fe  teignent  d'une  couleur  rougeâtre , 
qui  fait  avec  la  verdure  un  contrafte  fin- 
gulier  'j  mais  l'accroifTement  ds  ce  peuplier 
eft  un  phénomène  digne  d'admiration  :  c'eft 
de  tous  les  arbres  qui  peuvent  venir  dans 
les  climats  tempérés  de  l'Europe  ,  celui 
qui  croît  le  plus  promptement  ^  il  s'élève 
&  grolîit  d'une  vîtefte  furprenante.  De 
jeunes  plants  d'un  demi  -  pié  de  haut  , 
plantés  dans  une  terre  meuble  &  fraîche  , 
ont  pris  en  deux  ans  1 5  pies  de  hauteur  , 
fur  huit  à  neuf  pouces  de  circonférence  j 
ayant  des  têtes  de  huit  à  dix  pies  de 
diamètre  ,  garnis  de  fix  ,  fept  ou  huit 
branches  de  cinq  ,  fept  &  jufqu'à  neuf  pies 
de  longueur.  On  peut  regarder  cet  arbre 
comme  un  prodige  de  végétation.  Ce  peu- 
plier eft  encore  remarquable  par  fès  pro- 
fondes cannelures  ,  au  nombre  de  quatre 
'  ou  cinq  ,  qui  font  fur  le  bois  de  l'année  , 
èi  dont  les  arêtes  font  faillantes  &:  très- 


P  E  U 

vives  j  ces  arêtes  s'adouciflent  avec  Page  , 
&  laiftent  encore  des  traces  fur  le  bois  de 
deux  &  de  trois  ans.  On  ne  connoît  en- 
core ni  les  fleurs  mâles  ,  ni  la  graine  , 
ni  la  qualité  du  bois  de  cet  arbre  ;  quoi- 
que originaires  des  contrées  méridionales 
de  la  Caroline  &  de  la  Virginie ,  il  eft 
néanmoins  fort  robufte  ^  il  "vient  à  toutes 
les  expoiitions  dans  les  lieux  bas  ^  il  pro- 
fite alfez  bien  dans  une  terre  franche  , 
meuble  &  douée  ,  mais  il  fe  plaît  (iir-tout 
dans  l'humidité  ,  pourvu  qu'elle  ne  foit  pas 
permanente  :  c'eft- là  fur -tout  qu'il  profî^ere 
&  qu'il  fait  de  grands  progrès.  On  le  mul- 
tiplie de  branches  couchées  ,  qui  font  peu 
de  racines  en  un  an  ,  mais  qui  ne  lailîent 
pas  de  reprendre  de  boutures  ,  qui  rculfi- 
fent  paffablement  quand  on  les  fait  dès 
le  Commencement  du  mois  de  novembre  j 
&  par  la  greffe,  qui  prend  aifez  bien  fur 
le  peuplier  noir  ordinaire.  Il  çi'a  paru  que 
le  peuplier  de  Lombardie  n'étoit  pas  ,  à, 
beaucoup  près  ,  fi  propre  à  lui  fervir  de 
fujet.  Le  peuplier  de  la  Caroline  eft  extrê- 
mement convenable  poi;r  former  des  ave- 
nues ,  des  allées  ,  &  fiir-tout  des  /ailes  en 
verdure  &  des  quinconces  ,  où  cet  arbre  fe 
défend  mieux  contre  les  vents  impétueux  , 
qui  lui  rompent  quelquefois  des  branches. 
y^.  Le  peuplier  blanc  a  larges  feuilles  , 
que  l'on  nomme  aufii  grifaille  d'Hollande  , 
ou  ypreau  ,  ou  franc  picard  ,  &  en  Angle- 
terre abele  ,  eft  un  grand  arbre  qui  ne 
pointe  pas  autant  que  le  peuplier  noir  or- 
dinaire ,  mais  qui  s'étend  beaucoup  plus  , 
&;  qui  grofiit  davantage  :  fcn  accroiifement 
eft  aufti  plus  prompt ,  mais  moindre  pour- 
tant que  celui  du  peuplier  de  la  Caroline. 
Son  écorce  ,  qui  eft  blanche  &  fort  unie  , 
ne  fe  ride  que  dans  un  âge  très-avancé. 
Sa  feuille  en  général  ,  eft  figurée  en  cœur , 
&  découpée  par  les  bords  d'échancrures  , 
les  unes  plus  ,  &  les  autres  moins  profon- 
des \  elle  eft  d'un  verd  fort  brun  en  def- 
fous  ,  &  d'une  extrême  blancheur  j>ar 
deflbus  ,  qui  eft  veloutée.  Ses  fleurs  mâles 
&  les  filets  qui  portent  la  graine ,  paroif- 
fent  &  tombent  en  même-temps  que  eews. 
du  peuplier  noir  ordinaire.  Les  racines  du 
peuplier  blanc  s'étendent  beaucoup  à  la 
furface  de  la  terre  ,  ce  qui  le  rend  fijjet 
I  à  cire  quelquefois  renverfé  par  les  vents. 


PEU 

II  a  le  mérite  particulier  êe  rénfTir  dans 
tous  les  terrains  ,  même    dans  •  les   lieux 
aflez  fecs    &  élevés  ^  il  ne  redoute  que  la 
craie  ,  le  g-ravier  maigre  &  le  fable  pur  ^ 
il  fe  plaît  dans  les  terres  noires ,  graffes  & 
argileufès  ;  mais  il  profite   beaucoup  plus 
dans   les  lieux  bas    &:   aquatiques,  où  il 
croît  avec  une  extrême  vivacité.   Les  in- 
tempéries   des    faifons    ne    peuvent    rien 
contre  cet   arbre  ,    que  l'on  peut  multi- 
plier   très-facilement   de  boutures  ,    mais 
plus  promptement  en  fe    fervant  des  reje- 
tons qui  viennent  en  quantité  fur  fes  raci- 
nes j  il  ne  leur  faut  que  trois  ans  de  pépi- 
nière pour  les  mettre  en  état    d'être  plantés 
à  demeure.     Il  fe  garantit    par  lui-même 
des  beftiauxj  car  ils   ne.  veulent  point  de 
fon  feuillage  ,    à  ce  que  rapporte  Ellis  , 
auteur  anglois.  Le  bois  de  ce  peuplier  eft 
très-blanc  ^  auffi  eft-il  tendre  ,  léger  ,   & 
facile  à  fendre  ^    mais    il   eft  moins  fîjjet 
à  fe   gercer  que  beaucoup  d'autres  eipeces 
de  bois  blancs  :    c'cft  ce  qui    le  fait  em- 
ployer par  les  tourneurs ,    les   luthiers  & 
les  layetiers.  Les  menuifiers  font  aufTi  ufàge 
de  ce  bois  ,   qui  eft  excellent  pour  la  boi- 
fèrie  ,    &  fur-tout  pour  parqueter.   Il  {èrt 
auHl  aux  charrons  pour  faire  des  trains  de 
voitures    légères.    Enfin   le  peuplier  blanc 
eft  très-propre    à  former  de  grandes  ave- 
nues le  long  des  canaux  &   dans  des  fonds 
marécageux  ,  où  quantité  d'arbres  refùfènt 
de  venir. 

8°.  Le  peuplier  blanc  h  petites  feuilles. 
Cet  arbre  ne  diffère  du  précédent  que  par 
la  figure  de  fes  feuilles ,  qui  font  plus  pe- 
tites &  moins  échancrées  ,  ce  qui  le  rend 
fort  inférieur  pour  l'agrément. 

9°.  Le  peuplier  blanc  à  petites  feuilles 
panachées.  II  fuit  que  cette  variété  foit  d'un 
agrément  bien  médiocre  ,  car  les  auteurs 
anglois  n'en  font  aucun  détail ,  quoiqu'en 
Angleterre  on  foit  fort  curieux  de  raifem- 
bler  les  arbres  panachés. 

io°.  Le  tremble.  C'eft  un  grand  arbre  , 
&  l'efpece  la  plus  ignoble  des  peupliers  : 
il  a  prefque  toujours  un  air  chenu  &  dé- 
périffant  qui  le  dégrade  5  il  vient  com- 
munément dans  les  bois  dont  le  fol  eft 
froid  ,  humide  ,  argileux  j  il  fait  une  tige 
afîez  droite  .  qui  ne  grofîît  pas  à  proportion 
de  fa  longueur.  Sa  tête  eft  allez  ronde. 


P  E  U  J7, 

Ses  rr.cnies  tracent  à   fleur   de  terre  ,  & 
pouffent  une  grande  quantité  de  rejetons. 
Son   écorce   de   couleur  cendrée  ,    paroît 
terne  ,  matte  ,  &  feche  comme  fi  elle  était 
morte.    Ses  feuilles  ibnt  prefque  rondes  , 
fort  unies  ,  légèrement  campanées  fur  les 
bords  5   &  d'un  verd  clair  cendré  affez  joli  ; 
elles  font  foutenues  par  de  longs  pédicules  , 
fi    minces  ,    que    léis  feuilles  font  agitées 
au  moiudre  mouvement  de  l'air.  Ses  fleurs 
mâles   ou  chatons  paroiffent  des  premiers , 
&  plus  d'un  mois  avant  ceux  des  autres  peu- 
pliers ;  ils  ibnt  d'une  couleur  roufle-obfaire) 
les  filets  qui  portent  la  graine ,    tombent  à 
la  fin  de   mai.  Nul  agrément    à  attendre 
de   cet  arbre  ,   &  encore  moins  d'utilité  , 
•fi   ce  n  eft  celle  qu'on  peut  retirer  de  foà 
bois  ,    qui    n'eft    guère    propre     pour  le 
chauffage  :    c'eft   le   moindre    de  tous  les 
bois  de  différens  peupliers  pour  l'uJ^ige  des 
arts  j  cependant,  les  menuifiers ,  les  tour- 
neurs &  les  fabotiers  ,  l'emploient ,  &  les 
ébéniftes  s'en  fervent  pour  les  bâtis  propres 
à  recevoir  les  bois  de  placage. 

11°.  Le  tremble  à  petites  feuilles.  C'ell 
une  variété  de  l'efpece^qui  précède  ,  dont 
elle  diffère  par  fâ  feuille  ,  &  de  plus  par 
fon  volurtfe.  Le  tremble  ne  devient  ni  fî 
grand  ni  fi  gros  que  l'efj^ece  à  large  feuille; 
mais  ce  diminutif  eft  compenfë  par  la  fa- 
cilité qu'il  a  de  venir  avec  quelque  fuccès 
dans  des  terrains  fecs  &  élevés  ,  &  d'aifez 
mauvaife  qualité.  (  M.  d'Aubenton  le 
fubdélégué.  ) 

Supplément  h  tarticle  peuplier. 

Caraâere  générique. 

Les  fleurs  mâles  &  les  fleurs  femelles 
font  portées  par  des  individus  différens  • 
les  fleurs  mâles  font  grouppces  fur  un 
filet  commun  qui  eft  tout  garni  d'écaillés  : 
fous  chacune  eft  une  feule  fleur  ,  fans  pé- 
tale ,  pourvue  d'un  neftarium  d'une  feule 
pièce  ,  applati  par  le  bas ,  &  cylindrique 
par  le  haut  ;  on  y  trouve  huit  étamines 
furmontées  par  de  grands  fommacts  à  quatre 
cornes  ;  les  fleurs  femelles  font  aufïï  ren-' 
fermées  dans  àes  chatons^  elles  n'ont  qu'iwi 
embryon  aigu  qui  n'a  pîjcfque  point  de. 
ftyle  ,  &  un  ftigmate  à  quatre  pointes. 
Cet  embryon  devient  une  capfùle  ©varie 
Dddd  2 


^jîo  PEU 

a  deux  cellules  renfermant  phCieun  {k- 
menées  ovales  ,  pourvues  d'aigrettes  coton- 
aeuiès. 

Efpects, 

1.  Peuplier  à  feuilles  découpées  en  lobes 
&  dentées  ,  cotonneufes  pardclïbus»  Peu- 
plier blanc  à  feuilles .,  large-abele. 

Populus  foins  lohatis  dentatis  ,  fubtus 
tcmentofis.  MilL 

Abele-tree, 

2..  Peuplier  à  feuilles  arrondies  ,  décou- 
pées en  angles ,  velues  pardeiibus.  Peuplier 
ManC  à  feuilles  oblongues. 

Populus  fo lits  fubrotundis  dentato-angu- 
îatis ,  fubtus  tomentofis,  Hort,  Cliff\ 

White  poplar. 

7.  Peuplier  à  feuilles  arrondies  , ,  décou- 
pées en  angles  y  unies  des  deux  côtés. 
Peuplier  tremble. 

Populus  foliis  fubrotundis  dentaîo-angu- 
latis  utrinquè  glabris,   Hort,  Cliff'. 

The  afpen-tree. 

4.  Peuplier  à  feuilles  ox'ales-cordifor- 
.  mes  ,  ppintues  &.^  crénelées..  Peuplier  noir 

commun. 

Populus  foliis  ovato-cordatit^acuminatis 
crenatis,  Mill. 

The  black  poplar, 

5.  Peuplier  à  feuilles  ovaîes  pointues  & 
crénelées  à  branches  raffemblées  en  faifceau. 
Peuplier  d'Italie; 

Populus  foliis  ovato-cordàtis  acuminatis 
crenatisy  ramis-  i:i  fafîigium  convol'utis-, 
Italian  poplar». 

6.  Peuplier  noir  à  feuilles  ondées». 
Populus  Iteterophilla, 

7.  Peuplier  à  feuilles  ovales  y  approchant 
•de  la  forme  d'un  coin  à  écorce  blanche. 
Oiier  blanc. 

Populus  foliis  ovato-cuneiformibus  ,  cor- 
tice  albicante.  Mort,  Colomb. 

8.  Peuplier  à  feuilles  oblongues  à  dents 
obtufes,  blanchâtres  pardeflbus.  Peuplier 
leard.  Peuplier  de  la  Louifîane. 

Populus  foliis  oblongis  ù  obtus}  dentatis 
fubtus  albicantibus.  Hort,  Colomb, 

9.  Peuplier  a  feuilles  rondes  crénelées, 
vertes  des  deux  côtés,  à  très-longs  pédi- 
iules.  Peuplier  d'Athènes. 

Populus  foliis  roiundioribus  crenatis 
Mfin^uc  viridibus»  HQrt,  Colomi^ 


PEU 

ïo.  Peuplier  à  feuilles  cordiformcs  ntt 
peu  crénelées  ,  unies  des  deux  côtés.  Peu' 
plier  de  Virginie. 

Populus  foliis  CQrdatis  obfolitè  crenatis  ^ 
utrinquè  glabris,. 

Virginian  poplar, 

II.  Peuplier  à  feuilles  prefque  cordl- 
formes-oblongues  &  crénelées.  Peuplier 
de  la  Caroline. 

Populus  foliis  fabco-rdatis'oblongis  en-, 
natis.  Hort,  Clijjf^. 

Carolina  poplar. 

11,  Peuplier  à  feuilles  prefque  cordifor- 
mes  ,  blanches  pardeflbus  ,  d'un  verd  noir 
pardeffus.  Baumier.  Tacamahaca. 

Populus  foliis  fubcordatis  ,  infernè  /Vt- 
canis  ,  fupernè  atroviridis,  iVlilL 

Tacamahaca. 

Quoique  les  peupliers  aiment  à  couvrir 
les  eaux  de  leur  feuillage  ,  ils  croiffent 
néanmoins  fort  bien  dans  les  terres  médio- 
crem.ent  humides ,  particulièrement  les  trois 
premières  efpeces.  Le  /i°.  i.  a  de  très- 
larges  feuilles  agréablement  découpées ,  Ôc. 
fi  blanches  pardeflbus  ,  que  l'arbre  paroît 
tout  blanc  lofque  le  vent  les  foulcve  : 
effet  qui  varie  agréablement  la  fcene  diamr 
pctre* 

'  Le  n°,  2  a  les  feuilles  un  peu  oblongaies  ; 
elles  font  moins  blanches  pardeflbus  que 
celles  du-/2°.  i:  l'arbre  prend  moias  de 
corps  y  vient  plus  haut ,  Se  s'élance  plus 
droit..  Le  tremble  habite  les  bois  &  les 
coteaux  ,  &  parvient  à  une  hauteur  aifez 
confidérabîe  ,  lorfqu'il  fe  trouve  à  une 
certaine  diilance  des  autres  arbres.  Le  doux 
frémiifement  de  fes  feuille?  inquiètes  qu'a- 
gite le  moindre  fouille  de  l'air  ,  n'inter- 
rompt le  filence  des  forêts  que  pour  les. 
'  rendre  plus  propres  à  nourrir  cette  mélai> 
colie  où  fe  plaifent  les  âmes  feniibles. 

Le  /z*^.  4  eft  le  peuplier  commun.  Cet 
arbre  devient  d  une  hauteur  &  d'une  grof- 
feur  prodigieufès  aux  lieux  où  il  iè  plaît  ^ 
nous  en  avons  abattu  un  qui  des  bords 
d'^un  vivier  élevoit  fa  tête  étendue  bien 
au  deffus  d'un  coteau  voifln  très-élevé.  îl 
pous  a  donné  àQS  planches  pour  la  valeur 
de  cent  francs ,  deux  cordes  de  bois  ,  & 
deux  ou  trois  cents  de  fagots  :  il  n'avoit 
que  trente  ans.  On  écime  ce  peuplier  pour 
iè  procurer  toas  les  cinq  ans  une  récolMt 


PEU 

«îe  perches  &  de  menu  bois  :  la  meilleure 
méthode  eft  celle  en  ufage  en  Champa- 
gne :  on  forme  des  têtes  latérales ,  &  on 
lailFe  à  la  flèche  tout  fon  effort  ;  ainfi 
on  jouit  des  récoltes  de  l'arbre  ,  en  fe  mé- 
nageant pour  la  fuite  ,  dans  fon  corps  vi- 
goureux &  fain  ,  des  planches  &  des  bois 
de  conftru^ion. 

Le  n^.  S  eft  le  peuplier  d'Italie  ;  fa  cime , 
qui  reifemble  à  un  clocher  ,  fait  un  bel 
effet  dans  les  lointains  ,  &:  fur  -  tout  au 
haut  des  cêteaux.  Cet  arbre  ne  mérite  ni 
ïenthoufiafme  dont  on  l'a  d'abord  accueilli, 
ni  le  mépris  dans  lequel  il  eft  près  de 
tom.ber.  Son  bois  eft  aufli  bon  que  celui 
du  peuplier  commun ,  mais  il  a  le  défaut 
de  ne  pas  groiîir  en  proportion  de  la 
hauteur  qu'il  acquiert.  Le  terrain  le  moins 
propre  à  cet  arbre  eft  celui  qui  n'étant 
humide  que  par  fa  configuration  qui  lui 
fait  retenir  des  eaux  une  partie  d^  l'année  , 
devient  d'autant  plus  fec,  plus  compacte, 
&  fe  crevaife  plus  profondément  durant  \qs 
fécherelfes  de  l'été. 

J'ai  vu  une  feule  fois  le  /z°.  6  en  Cham- 
pagne ;  c'eft  tout  ce  que  je  puis  dire  de 
ce  peuplier  ,  qui  n'eft  peut  être  qu'une 
variété  du  /i®»  4  :  il  forme  un  fort  bel 
arbre. 

Le  /z®.  7  a  les  branches  encore  plus 
étendues  que  celles  du  n^.  4j  fes  jeunes 
branches  font  liantes  ôc  couvertes  d'une 
ëcorce  unie  &;  blanchâtre.  Son  verd  eft  plus 
clair  de  quelques  nuances  :  il  vient  fort 
vite  5  fon  bois  eft  d'une  bonne  qualité. 

Le  n^.  8  ,  naturel  de  ia  Louilianc  ,  ne 
paroît  pas  devoir  venir  aufli  haut  que  les 
autre»  j  il  croît  lentement ,  &  ne  poulfe 
qu'une  prem.iere  fève.  Son  écorce  eft 
brune  ^  ks  feuilles  paroiflfeat  dès  la  fin  de 
mars  ,  &  font  alors  âi\ii\  verd  tendre  & 
glacé  qui  réjouit  finguliérement  la  vue  j 
il  exhale  une  odeur  balfamique  qu'on  refpire 
volontiers  avec  l'air  printauier.  S«n  bois 
eft  eftimé  en  Amérique. 

Le  /2**.  <^  n'eft  qu'un  petit  arbre  ^  ('QS 
feuilles  font  larges  ,  prefqae  rondes ,  épaif- 
iès  &  d'un  verd  très  obicur.  Les  pédicules 
font  applatis  ^  1  écorce  eft  d'un  brun  noi- 
râtre r  les  boutons  font  petits  ,  &  relTem- 
blcnt  à  ceux  du  tremble  5  ils  ne  ibnt 
<:ouvcrts   que    d'une    couclie   légère    de 


PEU         .       jti 

baume  :    fes  branches  deviennent  un  peu 
noueufes. 

Le  /z°.  10  eft  le  plus  beau  Se  le  plus 
utile  de  tous  -,  fa  tête  eft  fuperbe  ;  fon 
bois  eft  dur  &  excellent  \  il  vient  vite  , 
&  prend-  une  grolfeur  "confidérabie  ^  foii 
écorce  eft  fort  raboteufe  ^  fes  feuilles  , 
moins  larges  que  celles  du  peuplier  de  la 
Caroline ,  le  font  beaucoup  plus  que  celles 
du  peuplier  noir  :  elles  font  très  -  rappro- 
chées \qs  unes  des  autres  j  &  comme  cet 
arbre  eft  très  -  rameux  ,  fà  touffe  ,  qui 
aifcâie  la  figure  d'un  dais ,  eu  impé- 
nétrable aux  rayons  du  foie  il. 

Le  peuplier  de  la  Caroline  eft  un  des 
plus  beaux  arbres  d'ornement  qu'on  puiife 
cultiver.  Ses  feuilles  larges ,  épaiilès ,  gla- 
cées ,  inquiètes ,  fonores  6c  partagées  par 
une  veine  de  corail ,  font  d'un  effet  fii- 
perbe  ;,  elles  ne  tombent  qu'à  la  mi-décem- 
bre ,  &  elles  tombent  vertes.  Cet  arbre 
eft  d'un  effet  admirable  dans  \qs  bofquets 
d'été  &  d'automne  _j  on  a  tor^.  de  croire 
qu'il  ne  puiffe  pas  réfifter  aux  vents.  II 
faut  lui'  procurer  dans  fa  première  éduca- 
tion un  tronc  robufte,  des  branches  baffes 
&  égales  qui  balancent  leur  propre  poids, 
&  il  faura  les  braver. 

Le  /i°.  12,  ne  s'élève  guère  qu'à  dix 
ou  douze  pies  ^  fes  gros  boutons  font 
chargés  d'un  baume  très  -  odorant ,  qui 
feroit  fans  doute  d'un  excellent  ufage  en 
pharmacie. 

Tous  les  peupliers  fe  multiplient,  par  les. 
boutures  ,  hors  le  tremble  y  le  peuplier  de 
la  Caroline  &  celui  d'Athènes. ,  dii  moins 
les  boutures  de  ceux-ci  ne  reprennent  que 
difficilement.  L'àbele  &  le  tremble  fe  rc- 
produifent  abondamment  par  les  furgeons 
qu'ils  poulîent  de  leurs  racines  latérales 
fupérieures.  Le  peupUv  de  la  Caroline  & 
celui  d'Athènes  peuvent  fè  marcotter  :  cui 
les  greffe  auffi  fur  le  peuplier  d'Italie.  Il 
faut  choifir  \ixi  moment  où  la  fève  n'a 
qu'une  aâ;ivité  moyenne  \  fà  trop  grande 
abondance  noieroit  les  écuifons  au  bout 
de  quelques  jours. 

Les  peupliers  noirs  ,  l'ofier  blanc  ,  & 
même  le  peuplier  blanc  à  petites  feuilles^ 
peuvent  fè  planter  à  demeure  de  plan- 
çons ,  comjne  les  faules.  (  Vaye^-ci-aprls- 
Saule.;    il   ne  faut  pas   retrancher  la 


^ni  PEU 

flèche    des    branches    dont    on    fait  les 
plançons. 

Les  peupliers  blancs  forment  vite  de 
gros  arbres.  Leur  bois  eft  employé  en 
FJanare  à  la  charpente  des  maifons  &  à 
plu  fleurs  autres  ufages  ^  aufîi  toute  cette 
province  en  eft  couverte. 

On  a  une  variété  du  n°.  i  &  une  de 
Tofier  blanc ,  dont  les  feuilles  font  pana- 
chées j  mais  à  moins  que  la  terre  ne  foit 
très  -  mauvaife  ,  ces  panaches  s'effacent 
bientôt.   (  M.  le  baron    DE   Tschoudi,  ) 

Peuplier,  (Mat.  méd.)  peuplier  noir:  le 
peuplier  noir  fournit  à  la  pharmacie  (qs  yeux 
ou  bourgons  naiffans  ,  en  latin  oculi  feu 
gemmae  populi  nigrce.  Ces  yeux  fout  enduits 
&  pénétrés  d'un  fuc  balfamique  d'une  odeur 
fort  agréable  :  Tournefort  recommande' 
contre  les  diarrhées  invétérées  &  les  ulcè- 
res internes,  l'ufage  intérieur  d^une  tein- 
ture tirée  des  yeux  de  peuplier.  Plufieurs 
auteurs  en  recomm.andent  encore  l'ufage 
extérieur  \  par  exemple  ,  leur  application 
en  forme  de  cataplafme  fur  les  hémor- 
rhoïdes ,  ^-c.  mais  l'un  &  l'autre  de  ces 
ufages  eft  abfolument  négligé ,  &  les  bour- 
geons de  peuplier  ne  font  abfolument  em- 
ployés que  dans  la  préparation  de  l'onguent 
populeum^  auquel  ils  donnent  leur  nom  , 
&  dont  voici  la  defcription  d'après  la 
pharmacopée  de  Paris. 

Onguent  populeum.  Prenez  des  bour- 
geons de  peuplier  une  livre  &  demie  5 
broyez  les  dans  trois  livres  de  iàin-doux , 
&  gardez  ce  mélange  dans  un  vaiffeau  de 
terre  ver  nilfé,  à  orifice  étroit  &  bien  bouché 
dans  un  lieu  tempéré  ,  jufqu'à  ce  que  vous 
puilTiez  vous  procurer  dans  le  courant  de 
l'été  les  matières  fuivantes  :  favoir,  feuilles 
de  pavot  noir  ,  de  mandragore  ,  ou  à  fon 
défaut,  de  belle  de  nuit ,  de  jufquiame, 
de  grande  &  petite  joubarbe ,  de  laitue , 
de  glouteron  ,  de  violette ,  de  nombril 
(de  Vénus ,  ou  à  fon  défaut  d'orpin  ,  de 
jeunes  pouces  de  roHces ,  de  chacun  trois 
onces  '■)  de  morelle  des  boutiques  ,  fix 
onces  '■)  pilez  toutes  ces  matières  ;  mêlez- 
les  exaôement  avec  votre  fain- doux  chargé 
de  bourgeons  de  peuplier ,  mifes  à  feu 
doux  ,  les  agitant  de  temps-en-temps  dans 
un  vailTeau  couvert  ^  paffez ,  exprimez  à 
la  prelTe ,  6c  yous  aurez  votre  onguent 


P  EU 

Cet  onguent  eft  d'un  ufage  très-commun 
contre  les  tumeurs  inflammatoires  exté- 
rieures ,  &  principalement  contre  les 
hémorrhoïdes  très-douloureufes ,  dont  il 
eft  regardé  comme  le  calm.ant  fpécifique. 

L^onguent  populeum  entre  dans  la  com- 
pofition  de  plufieurs  médicamens  officinaux 
externes  ^  par  exemple  ,  dans  le  baume 
hypnotique  ,  l'onguent  contre  la  gale , 
l'onguent  hémorrhoïdal ,  &  l'onguent  épif- 
paftique  de  la  pharmacopée  de  Paris,  {â) 

PEUR ,  FRAYEUR ,  TERREUR , 
(Syno'n.)  Ces  trois  exprefllons  marquent 
par  gradation  les  divers  états  de  l'a  me 
plus  ou  moins  troublée  par  la  crainte. 
L'appréhenfion  vive  de  quelque  danger  , 
caufe  la  peur  j  fi  cette  appréhenfion  eft 
plus  frappante  ,  elle  produit  la  frayeur  ; 
fi  elle  abat  notre  efprit ,    c'eft  la  terreur. 

La  peur  eft  fouvent  un  foible  de  la  ma- 
chine pour  le  foin  de  fa  confèrvation , 
dans  l'idée  qu  elle  a  du  péril.  La  frayeur 
eft  une  épouvante  plus  grande  &  plus 
frappante.  La  terreur  eft  une  pafllon  acca- 
blante de  l'ame ,  caufée  par  la  préfence , 
ou  par  l'idée  très-forte  de  l'effroi. 

Quelques  exemples  tirés  de  Vhijioire 
romaine ,  vont  juftifier  la  diftiné^ion  qu'on 
vient  de  donner  de  ces  trois  mots. 

Pyrrhus  eut  moins  de  peur  des  forces 
de  la  république  ,  que  d'admiration  pour 
fès  procédés  j  au  contraire  dans  la  fuite 
des  fiecles ,  Attila  faifoit  un  trafic  cooti- 
nuel  de  la  frayeur  des  Romains  ^  mais 
Julien  par  fa  fageife ,  fa  conftance ,  fon 
économie ,  fa  valeur ,  &  une  fuite  perpé- 
tuelle d'aélions  héroïques,  rechalfa  les 
Barbares  des  frontières  de  fon  empire  5 
&  la  terreur  que  fon  nom  leur  infpiroit, 
les  contint  tant  qu'il  vécut. 

Augufte  armé ,  craignoit  les  révoltes 
des  foldats  ^  &  quand  il  fut  en  paix  ,  il 
redoutoit  également  les  conjurations  des 
citoyens.  Dans  la  peur  qu'il  eut  toujours 
devant  les  yeux  d'éprouver  le  fort  de  foa 
prédéceffeur  ,  il  ne  fongea  qu'à  s'éloigner 
de  fa  conduite.  Voilà  la  clé  de  toute  la 
vie  d'Oâiave. 

On  lit  qu'après  la  perte  de  la  bataille 
de  Cannes  la  frayeur  fut  extrême  dans 
Rome  i  mais  il  n'en  eft  pas  de  la  conf^ 
ternatiou  d'un  peuple  libre  &  belliqueux. 


PEU 

qui  fe  trouve  toujours  des  refTources  de 
courage  ,  comme  de  celle  d'un  peuple 
efclave  qui  ne  fent  que  fa  foiblefTe. 

Le  célèbre  fénatus-confulte  que  l'on  voit 
encore  gravé  fur  le  chemin  de  Rimini  à 
Cézene  ,  par  lequel  on  dévouoit  aux  dieux 
infernaux  quiconque  avec  une  cohorte  feu- 
lement paiïeroit  le  rubicon  ,  prouve  com- 
bien le  fénat  appréhendoit  les  deifeins  de 
Ccfar.  AufTi  ne  peut- on  exprimer  la  terreur 
qu'il  r  paiidit  iorfqu'iî  paifa  ce  ruiffeau. 
Pompée  lui-même  éperj^u  ne  fut  que  fuir  , 
abandonner  l'Italie  ,  &  gagner  prompte- 
ment  la  mer.  (  D.  J.  ) 

Peur  é'  Pâleur  ,  (  MythoL  MédcML 
Lktérat  )  divinité':  païennes  qui  avoicnt 
des  autels  chez  lej  Grecs  &  les  Romaiiis , 
afin  qu'elles  préfervafîent  de  l'c^jprobre  êc 
de  i'i-ifamie.  Théfée  leur  facrifîa  dans  cette 
vue  :  Maxandrc  en  fit  de  même  ^  &  par 
les  1!  l'i'^es  principes  ,  la  peur  avcit  une 
chapelle  à  Sparte  5  payions  à  Rome. 

La  ville  cî'Albe  ayant  été  foumife  aux 
Romains  par  un  traité  fait  après  la  victoire 
à^'i  Horaces  ,  la  paix  ne  dura  pas  long- 
temps j  elle  fut  rompue  par  la  trahifon  du 
diûateur  Metius  SufFetius ,  &  par  la  révolte 
àQ%  Albains ,  qui  attirèrent  dans  leur  parti 
les  Fidénates  &  les  Veïens.  Le  roi  Tuilus 
ayant  pris  la  réfoiution  de  les  combattre, 
il  s'apperçut ,  au  milieu  du  combat ,  qu'à 
la  follicitation  du  dictateur  ,  les  Albains 
qui  s'étoient  d'abord  déclarés  pour  les 
Romains  ,  tournèrent  leurs  armes  contre 
eux.  Tuilus  ,  pour  prévenir  l'épouvante 
qui  pouvoit  fe  répandre  dans  fbn  armée  , 
voua  dans  le  moment ,  ditfhiftorien  ,  douze 
Saliens  &  des  temples  à  la  peur  &  à  la 
fâleur.  Ce  vœu  eut  fon  effet,  Tuilus  fut 
vainqueur  ,  ùc. 

Il  y  a  deux  médailles  de  la  famille 
Hoftilia  ,  rapportées  dans  les  familles  ro- 
maines de  Fuîvius  Urfinus  ,  de  Patin  , 
&  de  Vaillant  ,  ierquelles  repréfèntent  la 
peur  &  la  pâleur.  La  première  offre  une 
fête  avec  des  cheveux  hériffés  ,  un  vifage 
étonné  ,  une  bouche  ouverte  ,  &:  un  regard 
qui  marque  l'épouvante  dans  une  occafîon 
périlleufe.  La  féconde  offre  une  face  mai- 
i^xt ,  alongée  ,  les  cheveux  abattus ,  &  le 
regard  *fixe  \  c'eft  la  pâleur  ,  laquelle  eft 
l'effet  ordinaire  de  la  peur  :  le  fang  6c  la 


P  E  Y  5!) 

couleur  fe  retirent  au  dedans  de  nous  , 
lorfque  nous  l'éprouvons  j  le  vifage  devient 
pâle  ,  la  fueur  froide  ,  le  tremblement , 
l'immobilité  ,  fuccedent ,  &c.  Aufll  Lu- 
crèce applique  ingénieufèment  à  la  peur 
les  mêmes  effets  que  Sapho  attribue  à  un 
violent  amour. 

Verum  ubi  vehementi  magis  efl  c6m- 

mota  metu  mens  , 
Confentire  animam  totam  per  membra 

videmus  : 
Sudores   itaque  ,    &  pallorem  exijiere 

toto 
Corpore  ,  6*  infringi  linguam  ,  vocem- 

que  cboriri  , 
Caligare  oculos  ,  fonare  aures  ,  fucci'- 

dcre  anus  ; 
Denique    concidere    ex    animi    terrore 

videmus 
Scepè  homines, 

(D.j.) 

PEUREUX  ,  adjeâ:.  cheval  peureux  , 
voyei  Ombrageux. 

PEWTER  ,  (  Métallurgie.)  nom  -que 
les  Anglois  donnent  à  un  alliage  dont 
l'étain  fait  la  baie  ,  &  dans  lequel  fur  un 
quintal  d'étain ,  on  joint  quinze  livres  de 
plomb  ,  &  lîx  livres  de  cuivre  jaune  j  on 
en  fait  des  vaiffcaux  &  des  uftenfiles  de 
ménage. 

On  fait  audi  une  autre  compofition  ou 
alliage  d'étain ,  dans  lequel  on  fait  entrer 
du  régule  d'antimoine,  du  bifmuth  &  du 
cuivre  ,  dans  des  proportions  différentes. 

On  prétend  que  Jacques  II ,  roi  d'Angle- 
terre ,  étant  en  Irlande  ,  fit  faire  de  la 
monnoie  de  pewter  ou  d'étain  3  on  y  lifoit 
la. légende  melioris  tejfera  fati, 

PEYER  (GLANDES  de),  [Anatom.) 
Peyer  de  Schafoufe  s'eft  attaché  à  la  re- 
che'rche  des  glandes  inteftinales  répand'jes 
dans  \ç.s  inteftins  grêles  \  ces  glandes  por- 
tent fon  nom.  Il  a  ,  outre  cela  ,  fait  diffé- 
rentes découvertes  ,  &  nous  a  laiffé  diffé- 
rens  traités. 

PEYQ  ,  f.  m.  {Hift.  mad.  )  valet-de- 
pié  du  grand- feigneur.  Ils  portent  à  leur 
tête  un  bonnet  d'argent  doré  ,  avec  unQ 
plume  griiè  ou  blanche  qui  pend  par  der- 
rière. 


5^4  P  E  2^ 

PEVREHOURADE ,  {Ghgr,  mod,) 
en  latin  du  inoyen  âge  ,  Petra-Forata  , 
petite  ville  de  France  ,  dans  le  pays  des 
l-andes  ,  au  confluent  de  l'Adour  &  du 
Gave,  Elle  eft  chef  -  lieu  du  vicomte 
d'Orthez. 

PEYRUSSE,  {Géog.  anc)  petite 
ville  de  France  dans  le  Rouergue  :  elle 
eft  fur  une  montagne  ,  au  pié  de  laquelle 
palî'e  la  petite  rivière  de  Diege  ,  à  4  lieues 
de  Capdenac  ,  109  de  Paris.  Long,  18.  40. 
lat.  44.  36.  (  D.  /.  ) 

PEYSE  ,  {iibll.  fém.  (  Monnaie.  )  petite 
iTîOnnoie  de  cuivre  qui  a  cours  dans  les 
ludes  orientales  ,  particulièrement  à  Ama- 
dubath  ,  ville  des  états  du  Mogol.  Les 
l6  peyfes  font  un  mamoudis ,  &  les  54  une 
roupie  ^  ainfi  lapeyfe  eft  environ  deux  fous 
de  France.  {D.  J.) 

PEZGALLO  ,  (  Ichthyolog,  )  c'eft-à- 
dire ,  poifTon-coq  \  c'eft  un  poiflon  de  la 
mer  du  Sud ,  ainfi  nommé  par  les  créoles 
de  l'Amérique  méridionale  ,  de  la  crête  ou 
trompe  qu'il  porte  iiir  le  mufeau.  Les  Fran- 
çois l'appellent  demoifelU  ,  ou  éléphant  ; 
toutes  dénominations  qui  ne  font  f>as  meil- 
leures les  unes  que  les  autres.  Il  a  fur  le  dos 
im  aiguillon  fi  dur  ,  qu'il  pourroit  fervir 
d'aleine  pour  percer  les  cuirs  les  plus  durs. 
M.  Frefier  auroit  dû  entrer  dans  d'autres 
particularités  fur  la  ftruâure  de  ce  poillbn, 
aii  lieu  de  fe  contenter  de  nous  dire  ,  qu'on 
en  pêche  quantité  à  Quillota  ,  &  qu'on  les 
fait  fécher  pour  les  envoyer  à  San  -  Jago. 
{D.J.) 

P  F  A 

PFAFFENHOFEN  ,  (  Géogr.  mod.  ) 
ville  du  bailliage  d'Allemagne  ,  dans  la 
haute  Bavière  ,  fur  l'Un ,  à  12  lieues  d'Li- 
golftad,  18  de  Munich.  Long.  28.  35  j 
latit.  49.   5.  {D.  A  ) 

PFEFFERS  ,  f.  m.  (  Géog.  Hiji.  nat.  ) 
abbaye  célèbre  de  la  Suifle  ,  fituée  dans 
le  voifinage  des  Grifons  ,  à  deux  lieues 
de  Coire ,  dont  l'abbé  eft  prince  de  l'em- 
pire. C'eft  auprès  de  cette  abbaye  que  l'on 
trouve  une  fource  d'eau  thermale  très- 
renommée  par  fon  efficacité.  Cette  fource 
eft  au  fond  d'un  précipice  affreux ,  entouré 
de  tous  côtés  par  les  Alpes  j  fon  eau  cefte 
file  couler  vers  le  commencement  d'o6iQbre , 


P  FO 

&  elle  recotnmence  au  mois  de  mai.  Le» 
eaux  de  Pfejf'trs  fe  nomment  en  latin 
thenncc  fabarice  ,  ou  thermce  piperînje. 

PFIN  ,  C  Géog.  mod.  )  en  latin  i-'ines  , 
ou  ad  Fines  ,  petite  ville  de  Suifle  ,  dans 
le  Thourgaw  ,  fur  le  bord  du  Thour  ,  près 
de  Stein  ,  chef-lieu  d'un  bailliage  de  même 
nom  ,  dépendant  du  canton  de  Zurich  , 
qui  y  envoie  un  bailli ,  dont  la  réfidence 
eft  dans  le  château.  Les  romains  avoient 
bâti  là  une  place  pour  arrêter  \qs  incur- 
fions  des  Germains  &  des  Helvétiens.  On 
voit  encore  les  murailles  de  l'ancienne  ville  , 
&  l'on  a  déterré  quelques  médailles  dans  le 
voifinage.  Les  comtes  d'Ebcretein  pofle- 
doient  cette  place  dans  le  xvj  fiecle.  \Jn. 
gentilhomme  nommé  Wambould  ^  en  fit 
l'acquifîtion  ,  &  après  fa  mort,  fès  héritiers 
la  rendirent  à  M.  de  Zurich. 

PFŒRTEN  ,  (  Géogr.  )  ville  d'Alle- 
magne dans  la  bafle  Luface,  au  cercle  de 
Guben  ,  chef  -  lieu  d'une  feigneurie  de 
vingt  villages  ,  que  les  comtes  de  Bruhl  ont 
acquife  de  ceux  de  Promnitz.  Le  château 
dont  cette  ville  a  été  long-temps  munie  , 
fut  à -peu -près  détruit  par  les  Prufiiens 
l'année  1758.  {  D.G.) 

PFÛRTZHEIM ,  (  Géog.  mod.  )  petite 
ville  a  Allemagne  ,  dans  la  Suabe  ,  au 
marquifat  de  Bade-Dourlach  ,  aux  fron- 
tières du  Craischsgow  j  elle  eft  fur  la  rive 
d'Entz  ,  à  42  milles  eft  de  Dourlach  , 
8  nord  eft  de  Haguenau  ,  7  fud-oueft  de 
Heidelberg  ,  6  fud-eft  de  Spire.  Long.  27. 
17.^  lat.  48.  55.  , 

Reuchlin  (  Jean  ) ,  l'un  des  (avans  hom- 
mes en  langues  latine ,  grecque  ,  &  hébraï- 
que ,  que  l'Allemagne  ait  produit  dans  le 
xvj  fiecle  ,  naquit  à  Pfortiheim.  On  le 
connoît  aufli  fous  le  nom  de  Fumée  ,  &  de 
Capnion ,  parce  que  reirch  en  allemand  , 
&  KA^rvioven  grec  ,  HgniRent  fumée.  Il  s'at- 
tira beaucoup  d'ennemis  ,  pour  avoir  obtenu 
de  l'empereur  qu'on  ne  brûlât  pas  les  livres 
des  Juifs  j  où  il  n'étoit  point  queftion  de 
religion.  Il  donna  lui  -  même  plufieurs 
ouvrages  où  règne  l'érudition  des  lan- 
gues ,  aufil  loin  qu'elle  avoit  été  portée 
jufqu'alors.  Il  mourut  en  1512  ,  367  ans. 
Quelques  écrivains  lui  attribuèrent  les 
Litterœ  obfcurorum  virorum  ,  dans  lel- 
quelles  on  tourne  plaifamment  en  ridicule 

ks 


P  F  R 

les  théologiens  fcholafliques  ;  mais  ce  bacîi- 
nage  eft  de  Henri  Huttcn.  Reuchlii!  ne  pol^ 
fédo'iî  point  l'eiprit  de  raillerie  ;  il  étoit  tou- 
jours grave  &  lërieux  dans  {es  écrits. 

PFPxEIMBD,  (  Geog.  mod.  )  petite 
ville  d'Allemagne  ,  au  cercle  de  Bavière , 
dans  le  ^loïà-Go^.  Long.   z$,  57  ,•  lat. 

PFULLENDORFF  ,  (  Geogr.  mod.  ) 
petite  ville  irxipériale  d'Allemagne  ,  au 
cercle  de  Suabe  ,  dans  le  Hégow ,  fur  la 
rivière  d'Omdel'rpach ,  à  7  lieues  nord  de 
Confiance,  12.  fud-oueft  d'Ulra  ,  4  nord 
d'Uberlingen.  Long.  zG.   £8  ;   lat.  4.8. 

PFULLINGEN  ,  (  Geogr.  )  ville  d'Al- 
lemagne dans  le  cercle  de  Suabe  &  dans 
k  ductté  de  Wirtemberg,  à  l'extrémité  de 
l'Alb  ,  dans  un  vallon  riant  &  fertile.  C'eft 
le  liege  d'une  furinrendance  eccléfiaftique, 
ainfi  que  d'un  grand  bailliage,  où  l'on  trouve 
les  eaux  minérales  d'Engilingen ,  &  la 
caverne  appellée  Nebelloch  ,  remarquable 
par  fa  profondeur  ,  &  par  les  corps  diver- 
fement  figurés  que  les  eaux  gravent  fur 
Ces  parois  ,  ou  rafïemblent  dans  fon  vuide. 
(D.G.) 

P  H  A 

PHABIRANUM,  (  Géog.  anc.  )  ville 
de  la  Germanie,  dans  fa  partie  la  plus  fepten- 
trionale  ,  félon  Ptolomée  ,  qui  la  met  liv. 
II P  c.vj.  entre  Ecclefia  &  Treva.  Gn  croit 
que  c'eft  préfentement  la   ville  de  Brème. 

PHACÉE  ,  qui  ouvre,  (  Hifl.  facr.  ) 
fils  de  Romélie  ,  général  de  l'armée  de 
Phacéias ,  roi  d'Ifraël  ,  ayant  confpiré 
contre  fon  maître,  le  tua  dans  fon  palais  , 
&  fe  fit  proclamer  roi.  Il  régna  vingt  ans  , 
&  fît  le  mal  devant  le  Seigneur ,  fuivant 
les  traces  de  Jéroboam  ,  qui  avoit  fait 
pécher  liraël.  Dieu  ,  irrité  contre  les  crimes 
d'Achaz ,  qui  régnoit  alors  en  Judée  ,  y 
envoya  Rafin  ,  roi  de  Syrie ,  &  Phacée  , 
qui  vinrent  tout-d'un  coup  ,  fans  que  rien 
les  arrêtât,  mettre  le  fiege  devant  Jéru- 
falem  ,  dans  le  deffein  de  détruire  le 
royaume  de  Juda.  Mais  Dieu  ,  qui  ne  les 
avoit  envoyés  que  pour  châtier  fon  peu- 
ple ,  &  non  pour  le  perdre  ,  ne  leur 
permit  pas  pour  lors  de  prendre  Jérufa- 
lera  ,  &  ils  furent  contraints  de  s'en 
retourner  dans  leurs  états.  Cependant 
Tome  XX K 


PHA  585 

AchaZ,'  malgré  le  bienfait  ïnefpéré  qu'il 
vcnoit  de  recevoir  de  la  bonté  de  Dieu , 
s'endurciffant  dans  fon  impiété,  &  Ces  fujets , 
ci  Ion  exemple ,  lé  livrant  à  toutes  les  f*. 
perditions  de  Tidolâtrie ,  Dieu  rappella 
Us  minières  de  fa  jullice  ,  Ralin  &  Phacée  , 
qui  firent  chacun  de  leur  côté  une  irrup- 
tion dans  le  royaume  de  Juda ,  &  le 
réduifirent  à  l'extrémité.  Phacée  tailla  en 
pièces  l'armée  d'Achaz  ,  lui  tua  en  un 
jour  lix  vingts  mille  combattans  ,  fit  deux 
cents  mille  prifon-niers  ,  &  revint  à  Samarie 
chargé  de  dépouilles.  Mais  ,  fur  le  chetnin  , 
un  prophète  nommé  Obed  y  vint  faire  de 
vives  réprimandes  aux  Ifraélites  ,  des  excès 
qu'ils  avoient  commis  contre  leurs  frères  > 
&  leur  perfuada  de  renvoyer  à  Juda  tous 
les  captifs  qu'ils  emmenoient.  Les  vain- 
queurs ,  touchés  des  reproches  du  prophète, 
relâchèrent  aulli-tot  les  prifonniers,  avec 
tous  les  témoignages  de  la  plus  tendre 
compaffion  ,  donnant  des  habits  à  ceux 
qui  n'en  avoient  point,  &  mettant  fur  des 
chariots  ceux  qui  étoient  trop  las  pour 
s'en  retourner  à  pié.  Quelque  temps  après 
Phacée  perdit  la  couronne  ,  &  fut  affaffiné 
par  un  de  fes  fujets  nommé  Ofé,  fils 
d'Ela  ,  qui  régna  en  fa  place  ,  l'an  du 
monde  32.65.  (-f-) 

PH  ACEIAS,  c'e^  le  Seigneur  qui  ouvre  , 
{Hifi.facr.  )  fils  &  fucceflèur  de  Mana- 
hem  ,  roi  d'Ifraël ,  ne  régna  que  deux  ans  > 
&  imita  les  impiétés  de  fon  père  :  il  en 
fut  puni  par  Phacée  ,  qui  l'afTaflIna  dans  un 
fefhn.(-f) 

PHACOLITHUS  ,  (  Hifl.  nat.  )  nom 
que  quelques  naturahfles  ont  donné  à  la 
pierre  lenticulaire.  Voye-{  LENTICU- 
LAIRE. 

PH^ACIE  ,  (  Géogr,  anc.  )  Phœacia  ; 
île  de  la  mer  Ionienne  ,  qu'Homère  appelle 
tantôt  Phœacia  ,  &  tantôt  Pheria  :  dit- 
fut  enfuite  appellée  Corcyra  ;  mais  fon- 
premier  nom  étoit  Drépané ;  c'efl  aujour- 
d'hui Corfou  ,  près  des  côtes  d'Albanie  , 
à  l'entrée  du  golfe  de  Venife. 

Du  temps  qu'Alcinolis  régnoit  dans  cette 
île  i  la  brillante  jeunefle  n'y  refj)iroit  que 
la  volupté.  Alcinolis  lui-inême  le  recon- 
noît  en  parlant  de  fa  cour  ,  dans  le  VIII 
lit',  de  VOdiJffée.  «Lesfeftins,  dit-il,  la 
»  mufiquc  ,  la  danfe ,  les  habits  ,  les  bains 

E  eee 


^86  P  H  A 

«  chauds ,  le  fommeil  &  l'oifiveté  ,  voîIA 
*y  toute  notre  occupation  ».  C'eft  d'après 
Homère ,  qu'Horace  ,  Epift.  ij  y  Ub.  I  y 
voulant  peindre  les  défordres  des  Romains, 
dit  : 

IJos  numents  fumus  y  &fruges  confu- 

mere  nati  y 
Sponfi  Peneîopes  ,  nebulones  y  Alcl- 

noique  y 
In  cute  curandd  plus  œqub  optrattx 

fujentus  y 
Cui  pukhrum  fait  in  medios  dormire 

dus  y  & 
Adfirepitum  dtharce  cejfantem  ducere 

fomnum^ 

**  A  quoi  foiïjmes-nous  bons  nous  autres, 
»  fjnon  à  boire  &  à  manger?  Semblables 
»  aux  amans  de  Pénélope  ,  ou  aux  cour- 
»  tifans  d'Alcinous,  tous  vrais  débauchés, 
«  qui  n'avoient  d'autre  occupation  que 
»  celle  de  leurs  plaifirs  ,  &  qiù  faifoient 
ti  conlîfter  tout  leur  bonheur  à  dormir 
>y  juiqu'â  midi ,  &  à  rappeller  le  fommeil 
7i  fugitif  au  bruit  des  inllrumens  de  mufi- 
9>  que  ».  (  D.  J.) 
^  PH^CASIE,.f.  f.  (Litt&at.  )  phaza/isy 
c  étoit  le  nom  d'une  efpece  de  chauflûre  des 
anciens.  Hefycchius  dit  que  c'éroit  une 
«hauflure  de  laboureur  ,  Icmblable  à  àcs 
Brodequins  de  toile.  D'autres  dîiènt  qu^on 
nommoit  ainfi  les  fouhers  des  philofophes. 
App'icn  y  de  bello  y  prétend  que  c'étoit  la 
chaufTure  des  prêtres  d'Athènes  &  d'Ale- 
xandrie ;  mais  il  ajoute  que  les  philofophes 
qui  fijyoient  le  luxe  ,  la  pôrtoient  ainfi  ,  de 
même  que  les  gens  de  la  campagne,  y^oye:^ 
de  plus  grands  détails  dans-.Hofoan  jLexic. 
univerf. 

PH^CASIËN  ,  adj.  (  Littérat.  )  On 
donnoit  à  Athènes  ce  nom  à  quelques  divi^ 
■ités  ,  foit  parce  qu'elles  étoienr  repréfentées 
avec  des  phœcafi^ns  aux  pies ,  foit  parce 
que  leurs  prêtres  en  portoient ,  ou  qu'ils  en 
prenoient  lorfqu'Us  oôroient  des  facrifices 
â  ces  dieux. 

PH^NICITÉ ,  (  Hifl.  nat.  )  c'efl  ainfi 

que  quelques  auteurs  ont  nommé  la  pierre 

jfudaique,  Vovez  cet  article. 

"    PHAENNA  ,  f  f.  {Mythol.  )  l'une  des 

^  t&jet.Qraces  que  les  Lacédémoniens  recon- 


P  H  A 

noiflôient  ,  f#Ion  Paufanias.  L'autre  éroîé^ 
Clita.  Ces  deux  dénominations  étoient  , 
dit-il ,  fort  convenables  aux  Grâces  :  ea 
effet,  phaenna  iignifie  éclatante  y  &  clita 
fignifie  célèbre. 

PH^STUM  ,  (  Géog.  anc.  )  ou  Pha:f^ 
tus  y  ville  de  l'ile  de  Crète.  Diodore  da 
Sicile ,  liv.  V y  c.  Ixocix  y  dit  qu'elle  fut 
bâtie  par  Minos  fur  le  bord  de  la  mer  :  Stra- 
bon  ,  /.  Xy  p.  4^9  y  &  Plixne,  l.  IV y  c. 
xij  y  la  mettent  dans  les  terres  :  le  premier 
dit  même  qu'elle  en  étoit  éloignée,  de  2.0 
llades  ,  &  qu'elle  étoit  à  60  flades  de  Gor- 
tyna.  Denis  le  Periégete,  v.  88  ,  confirme 
ce  fèntiment  : 

Juxta  facram  Gortynam  &  Méditer^ 
raneam  Phaflum.. 

2*.  Phœflum  ou  Phaftus  y  village  àts 
Locres  Ozoles  ,  félon Phne  ,  liv.  IV y  c.  ii/-. 

3*.  Phaefium  y  ville  de  la  i>lacédoine. 
Ptolomée  ,  liv.  III y  c.  xiij.  la  donne  aux 
Erflioles.  C'efl' apparemment  la  même  que 
Tite-Live  liv.  XXVI  y  c.  xiij.  dit  qui  fut 
prife  par  Bxbius. 

C'cfV  à  Phaefle ,  ville  de  Crète ,  que 
naquit  Epiménide  ,  fuivant  le  témoignage 
de  Strabon,  quoique  Laërce  &  Valere- 
Maxime  difent  que  cet  ancien  poëte  &  phi- 
lofophe  étoit  de  GnoiTe.  On  fait  la  fable  de 
fbn  long  (brameil  ,  que  quelques  auteurs 
réduifent  avec  raifon  au  naturel ,  edimant 
•  qu'il  employa  ce  temps  à  voyager  pour  fc 
perfeâionner  dans  la  connoiiTance  des  fim- 
ples  ;  cependant  fon  aventure  merveilleuse 
ayant  été  répandue  dans  toute  la  Grèce , 
chacun  regarda  Epiménide  comme  le  favoji 
des  dieux.  Les  Athéniens  étant  affligés  de 
■k  pefte,  l'oracle  leur  ordonna  de  purifier 
folemnellement  leur  ville  ,  &  ce  fut  Epimé- 
nide qui  fit  cette  expiation  dans  la  qua- 
rante -  fixierae  olympiade.  Paufanias  & 
Lucien   en  parlent  fort  amplement. 

Cet  homme  fage  lia  une  grande  annitié 
avec  Sqlon  ,  &  lui  donna  de  bons  avis- 
'  pour  l'établilîemcnt  de  It  s  loix.  Laërce  nous, 
aconfèrvé  une  de  (çs  lettres  que  voici.. 

Epiménide  à  Selon.  "  Ayez  bon  cou- 
yy  rage ,  mon  cher  ami  ;  fi  Pifillrate  avoir- 
»  réduit  des  gens  accoutumés  à  la  fer- 
;>  vitude. ,  peut-être   que   fa   dominadoo^ 


P  H  A 

«  p&urroit  durer  long-temps  :  mais  II  a  affaire 
»  à  des  hommes  libres  ,  qui  ne  manquent 
>^  p^s  de  cœur.  Us  ne  tarderont  guère  à  (è 
»  relîourcrjir  des  préceptes  de  Solon;  ils 
9}  auront  honte  de.  leurs  chaînes,  &  ne 
»  foufFriront  pas  qu'un  tyran  les  tienne 
i>  plus  long-temps  en  efclavage.  Enfin 
>j  quand  Pififtrate  refteroit  le  maître  pen- 
»j  dant  toute  fa  vie  ,  fbn  royaume  ne  paf- 
«  fera  jamais  à  Tes  enfans  ;  car  il  eft  im- 
»  poflible  que  des  gens  accoummés  à  vivre 
*>  librement  fous  de  bonnes  loix ,  puiflent 
»  jamais  fe  réfoudre  à  relier  éternellement 
f>  dans  la  fervitude.  Pour  ce  qui  efl  de 
j>  vous,  je  vous  prie  de  ne  point  demeurer 
w  errant  de  côté  &  d'autre  :  dépêchez- 
>i  vous  de  nous  venir  trouver  en  Crète  , 
>f  où  il  n'y  a  aucun  tyran  qui  tourmente 
»  perfonne;  car  je  crains  fort  que  fi  les 
9)  amis  de  Pififirate  vous  rencontroient 
»  dans  leur  chemin ,  ils  ne  vous  fiflènt  un 
f>  mauvais  parti  » . 

Les  Athéniens  rendirent  de  grands  hon- 
neurs à  Epiménide,  &  lui  offrirent  de 
riches  préfens ,  qu'il  retufa.  Il  retourna  en 
Crète  ,  où  il  mourut  bientôc  après  dans 
un  âge  avancé.  Il  a  écrit  plufieurs  ouvrages 
en  vers  ,  dont  Laërce  nous  a  confervé  les 
titres.  Saint  Jérôme  fait  mention  d'un  de 
{es  traités ,  intitulé  :  oracles  &  réponfes. 
C'eft  de  ce  traité  que  S.  Paul ,  rih  I.  v.  l  2.^ 
a  cite  le  vers  fuivant  : 

Les  Cretois  font  menteurs  y  mauvais  & 
hêtes  y  ventres  parejjeux.  Les  anciens  s'ac- 
cordent à  attribuer  aux  Cretois  le  caraftere 
-que  S.  Paul  en  donne,  d'après Epiménide ; 
car  S.  Chryfofiome  ,  Théodoret ,  &  quel- 
ques autres  pères  de  Téglife  fe  font  trompés 
en  attribuant  à  Callimaque  le  vers  qu'on 
vient  de  citer. 

Paufanias  rapporte,  in  Corinthiâ y  ch. 
xxj  y  qu'on  voyoit  à  Argos ,  devant  le  tem- 
ple de  Minerve  trompeue  y  le  tombeau 
d'Epiménide;  &  Plutarque  nous  apprend 
que  ce  poète  philofophe  étoit  mis  au  nom- 
bre des  fept  fages  ,  par  ceux  qui  en  excluoient 
Périandre.  Laërce  nomme  deux  autres  Epi- 
ménide ,  l'un  généalo^ifte  ,  &  l'autre  qui 
«écrivit  en  dialede  dorique  un  ouvrage  liir 
l'île  de  Rhodes.  (JO.Jv) 


P  H  A  ^gf 

Pïî^tELINUS ,  (  Ge'og,  ànc.)  fleure 
de  Sicile ,  félon  Vibius  Sequelîef  ,  dont 
voici  le  paflage  :  Sicilice  fiuvius  y  juxtà 
Peloridem  ,  confinis  tempLo  Diance.  Au 
lieu  de  Phaetelinus  y  quelques  manufcrits 
portent  Fœcelinus.  J'aimerois  mieux,  dit 
Ortelius ,  lire  Fœcelinus  ,  parce  que  la 
Diane  qui  éioit  adorée  dans  ces  quartiers  , 
s'appelloit  Diana  Facelina,  M.  de  Lille , 
dans  fa  carte  de  l'ancienne  Sicile  ,  nomme 
ce  fleuve  Mêlas  y  ou  Facelinus  ;  il  met 
fon  embouchure  à  l'orient  du  temple  de 
Diane  Facehne  ,  &  pour  nom  moderne, 
lui  donne  celui  de  Nuciti, 

PH7ETlALUCI,(Ge'og.anc.)lac  de 
1  Attique.  Wehler  ,  daiia  fon  voyaae  rl'A- 
thenes  ,  liv.  III  ^  p.  za.3  y  dit  qu'en 
rodant  autour  de  la  bâte  qui  s'étend  au 
nord  ,  depuis  Porto-Lione  &  le  détroit  de 
Saiamine  ,  il  arriva  à  un  petit  lac  d'eau 
falée  &  bitumineufe,  qui  fe  décharge  dans 
la  mer  par  un  courant ,  que  Paufanias , 
liv.  ly  ch.  xxi'J  y  appelle  Schirus.  Il  ajoute 
qu  on  nommoit  autrefois  ce  lac  Phcetialuci. 
Paufanias  en  fait  les  limites  des  Athéniens 
&  des  Eleufiniens. 

PHAETON ,  f  m.  {Mythol  )  fils  du 
foleil  &  de  Chimene  ;  fa  fable  eft  connue 
de  tout  le  monde. 

Eurypide  avoit  fait  ,  fous  le  nom  de 
Phaétony  une  tragédie  qui  s'efl  perdue  ,& 
dont  Longin  nous  a  conlèrvé  les  vers  où  le 
foleil  parle  ainfi  à  Phaétony  en  lui  mettant 
entre  les  mains  les  rênes  de  (ts  chevaux  : 

Prens  garde  qu'une  ardeur  trop/unejk 

à  ta  vie 
Ne  t'emporte   au    dejjus  de    Varidc 

Lybie  ; 
Là  jamais   d'aucune    eau    le  Jillon 

arrofé 
Ne  rafraîchit  mon  char  dans  fa  courfe 

emhrafé... 
Aufji-tôt   devant  toi  s'offriront  fept 

étoiles  : 
Dreffe  par4à  ta  courfe  y  Ùfuis  le  droit 

chemin. 
Phaéton  à  ces  mots  prend  les  rênes  en 
^  main  y 
Defes  chePaux  ailù  il  bat  les  flatici 

agiles: 

E<^e£  ^ 


588  P  H  A 

Les  courjiers  du  foleil  à  fa  voix  font 

dociles. 
Ils  vont  p  le  char  s* éloigne  y  Ù  plus 

prompt  qu'un  éclair  y 
Pénètre  en  un   moment    les    vafîes 

champs  de  l'air. 
Le  père  cependant  y  plein  d'un  trouble 

funefie, 
Le   voit  rouler  de  loin  fur  la  plaine 

célefie  y 
Lui   montre    encor  fa   route  y   ^   du 

plus  haut  des  deux  y 
Le  fuit ^  autant  qu'il  peut  y  de  la  voix 

h  des  yeux  ; 
Va  pardà  ,    lui   dit-H  y    reviens  , 

détourne  y  arrête.  _ 

Defpréaux. 

Ne  penferiez-vous  pas  ,  obferve  Longin , 
que  l'ame  du  poëte  monte  fur  le  char  avec 
Phaéton  ;  qu'elle  partage  tous  fes  périls  , 
&  qu'elle  vole  dans  l'air  avec  les  chevaux  ? 

Les  mythologues  moralifles  trouvent 
dans  la  fable  de  Phaéton  remblêrae  d'un 
jeune  téméraire ,  qui  forme  une  entreprife 
au  delà  de  Çts  ïorccs ,  &  qui  veut  l'exécuter, 
fans  prévoir  les  dangers  qui  l'environnent. 

Plutarque  aflûre  qu'il  y  a  eu  réellement 
un  Phaéton  y  qui  régna  fur  les  Moloffes , 
&  qui  fe  r/oya  dans  le  Pô;  que  ce  prince 
s'étoit  appliqué  à  l'aflronomie ,  &  qu'il  avoit 
prédit  une  chaleur  extraordinaire  qui  arriva 
de  fon  temps  ,  &  qui  caufa  une  cruelle 
famine  dans  fon  royaume.  {  D.  J.) 

PHAETONTIADES  ,  f.  i\{Mjthol.  ) 
ou  les  fœurs  de  Phaéton  changées  en  peu- 
pliers ,  après  avoir  pleuré  long-temps  la 
mort  de  leur  frère.   Fqy^^  HÉLIADES. 

PHAGEDENE,  PHAGEDENIQUE, 
en  chirurgie,  &c.  fe  dit  d'un  ulcère  pro- 
fond &  bouribufiié ,  qui  mange  &  corrode 
les  parties   voifines.    Voye^  Ulcere. 

Ce  mot  eft  grec  y  <çecyi<i'eciva,  ,  formé  de 
^ttyïtv  y  manger. 

Médicamens  phagédéniques  y  ce  font 
ceux  dont  on  fe  lert  pour  manger  les  chairs 
fongueufes ,  ou  des    exctefcences.    Voye:^ 

EpulotiqueSj  Sarcotique, Caus- 
tique ,  &?. 

Ulcère  phagédénique  y  voyeT;^  Phage- 
pENE  &  Ulcère.  * 

Les    éphéraérides   de    racadémie    des 


P  H  A 

curieux  de  la  nature ,  rapportent  que  les 
ulcères  phagédéniques  y  ont  été  fouvent 
guéris  avec  la  fiente  des  brebis. 

^ûu  phagédénique  y  en  chym^^  »  le  dit 
d'une  eau  que  l'on  tire  de  la.  chaux  vive  ; 
elle  efl  ainfi  appellée  de  la  vertu  qu'elle 
a  de  guérir  les  ulcères  phagédéniques. 
Voyei  Chaux  &  Eau. 

Pour  préparer  cette  eau ,  on  met  deux; 
livres  de  chaux  vive  dans  une  grande  ter- 
rine ,  &  l'on  verfe  deflus  environ  dix  livres 
d'eau  de  pluie.  On  laifle  cette  compofition 
pendant  deux  jours  ,  en  la  remuant  fort  fou- 
vent  :  enfin  après  avoir  laifle  bien  raffeoir 
la  chaux ,  on  vQxît  l'eau  par  inclinaifon  , 
on  la  filtre ,  &  on  la  met  dans  une  bou- 
teille de  verre  ;  l'on  y  ajoute  une  once 
de  liiblimé  corrofif  pulvérilé  ,  qui  change 
alors  fa  couleur  blanche  en  jaune  ,  &  tombe 
au  fond  de  la  bouteille.  Quand  cette  eau  efî 
raffife  ,  elle  eft  propre  à  nettoyer  les  plaies 
&  les  ulcères  ,  &  manger  les  chairs  fuper- 
flues  ,  particulièrement  dans  les  gangrenés  ^ 
auquel  cas  on  peut  y  ajouter  une  troii^eme 
ou  une  quatrième  partie  d'efprit-de-v4n. 
^oy^:^  Gangrené.  j 

PHAGEDENIQUE  ,  eau,  {  mat.  me'd.  ) 
voye\  fous  le  mot  Eau  ,  &  l'article  MER- 
CURE ,  mat.  méd. 

PHAGESIES,  f  f  pi.  (Mythpl.)  ou 
PHAGESIPOSIES  ,  fêtes  de  Bacchus , 
dans  lefquelles  on  faifoit  de  grands  feftins  ; 
c'efl  ce  que  fignifie  leur  nom  dérivé  de 
?at>s/v ,  manger. 

PHAIOFNÉE,  f  f.  (  Marine.  )  c'efl 
un  bâtiment  du  Japon  dont  les  grands 
feigneurs  fe  fervent  pour  aller  fe  promener , 
à-peu-près  comme  on  fe  fert  des  yachts 
en  ce  pays-ci.  Il  y  a  dans  le  milieu  une 
chambre  pour  le  maître  du  bâtiment.  Elle 
eft  couverte  de  nattes ,  &  les  armes  du 
propriétaire  font  élevées  au  deffus. 

PHALAIA ,  (  Chymie.  )  c'eft  un  mot 
barbare  ,  dont  s'eft  fervi  le  premier  Bafile 
Valentin  pour  défigner  un  remède  pan- 
cbrefte  ,  catholique ,  univerfel  ,  une  pa- 
nacée infaillible  ,  dont  Fufage  intérieur 
guérilîbit  de  tous  les  maux.  Ce  remède 
n'étoit  autre  chofe ,  fuivant  lui  ,  que  le 
mercure philofophiqiîe  ,  dont  on  peut  voir 
l'éJoge  dans  Y  introduction  à  une  longue  lie: 
de  J»p....où  cet  auteur    enthoufiafie  met 


P  H  A 

le  mercure ,  ainfi  préparé ,  le  phaîaia  ,  à 
la  tête  des  remèdes  dont  l'effet  eft  de  pro- 
longer le  nombre  des  années;  ainfi  il  eft 
intérieurement  ce  que  leur  aia  eft  applique 
à  l'extérieur.  Rolfinkius  a  aufll  employé  le 
mot  phalaia  ,  mais  dans  un  autre  iens  :  il 
a  donné  ce  nom  à  la  teinture  de  jalap  , 
formant  par  anagramme  pWa/'a  ,  de  ;/ia- 
lapa.  Traclat.  de  purgat.  feclitm.  ij  ,  artic. 
j.  Voyei  Caftcll. '/ex/c. 

PHALANGE  ,  f.  f .  {Anat.  )  les  trois 
pièces  dont  chaque  doigt  eft  compofé  ,  por- 
tent le  nom  de  phalanges;  chacune  de  ces 
phalanges  eft  divifée  à-peu-près  comme  le 
doigt  entier  ,  en  bafe  ,  en  corps  ,  en  por- 
tion moyenae  ,  en  tête  ,  en  deux  faces  , 
une  convexe  &  l'autre  concave  ,  &  en 
deux  bords.  La  première  phalange  a  plus 
de  longueur  &  d'épaifléur  que  la  féconde  , 
&  les  bafes  des  phalanges  paroifTent  très- 
long-temps  épiphylès  ,  comme^les  têtes 
des  os  du  métacarpe.  Voye^  DoiGT. 
{D.J.) 

Phalange  ,  la,  {An  mdit.)  chez 
les  Grecs  étoit  un  corps  d'infanterie  com- 
pofé de  foldats  armés  de  toutes  pièces  , 
d'un  bouclier  &  d'une  fariffe  ,  arme  plus 
longue  que  n'étoient  nos  piques  qui  avoient 
douze  pies.  Chaque  file  étoit  de  feize  loldars, 
&  elles  étoient  julqu'au  nombre  de  1024. 
Ainfi  la  phalange  étoit  une  efpece  de  ba- 
taillon de  1024.  hommes  defrontfur  16  de 
hauteur  ,  c'efl-à-dire ,  de  16384  foldats 
pefamment  armés.  On  y  joignk  la  moitié 
de  ce  nombre  de  troupes  légères  ,  c'eil-à- 
dire  ,  que  ces  troupes  étoient  de  8192 
hommes ,  lorfque  la  phalange  étoit  de 
16384.  A  l'égard  de  la  cavalerie ,  elle 
étoit  la  moitié  de  ce  dernier  nombre  y  ou 
de  4096  cavaliers. 

Ainfi  ,  dans  les  armées  des  Grecs  ,  le 
rapport  des  pefamment  armés  aux  troupes 
légères  ,  étoit  celui  de  2  à  i  ,  &  celui  de 
toute  l'infanterie  a  la  cavalerie  de  6  à  i  ;  en 
forte  que  la  cavalerie  faifoit  la  feptieme 
partie  de  l'armée  y  comme  on  l'a  déjà  dit 
au  mot  Infanterie. 

Le  nom  de  phalange  paroit  avoir  été 
donné,  chez  les  Grecs  ,  à  tout  corps  d  in- 
fanterie pelàmmeat  armé  ;  mais  Philippe  , 
père  d'Alexandre  ,  s'aj^pliqua  à  en  tormer 
ua  corps  réguher,^  qui  lubulîa  chez   l£s> 


Macédoniens   jufqu'à  la  défaite  de  Perfee 
parles  Romains. 

Polybe  attribue  la  défaite  de  la  phalange 
par  les  Romains ,  à  l'avantage  de  leur 
ordre  de  bataille  ,  qui  étoit  formé  de  plu-, 
fieurs  parties  plus  petites  que  la  phalange  , 
&  qui  fe  mouvoient  plus  aifément.  Les 
généraux  romains  furent  l'attirer  dans  des 
lieux  difficiles  &  raboteux  y  où  la  phalange 
ne  pouvant  conferver  cette  union  qiu  en 
faifoit  la  force ,  ils  profitoient  des  vides 
qu'elle  laiflbit  à  caufè  de  l'inégalité  du 
terrain  ,  &  ils  la  combartoient  ainfi  avec 
beaucoup  d'avantage.  M.  de  Folard  ajoute 
encore  une  autre  raifon  à  celle  de  Polybe. 
Selon  cet  auteur  ,  "  la  longueur  àts  farifles 
»  ou  des  piques  des  foldats  de  Va  phalange  , 
»  fut  la  principale  caufe  de  fà  défaite  ^ 
ii  parce  qu'il  n'y  avoir  guère  que  les  piques 
M  du  premier  &  du  fécond  rang  dont  on 
yy  pût  fe  fervir  dans  la  défenle  &  dans 
»  l'attaque,  &.que  celles  des  autres  rangs 
"  refioient  comme  immobiles  &  fans  effet  * 
fi  elles  fe  trouvoient  toutes  ramaffées  ea 
»  faifceaux  entre  l'intervalle  de  chaque 
«  file  ,  fans  qu'il  fût  prefque  pofllble  aux 
>j  piquiers  du  troifieme  rang  (  car  le  refie 
)j  ne  fervoit  que  d'appui  )  ,.  &  même  aa 
»  fécond  ,  de  voir  ce  qui  fe  pafibit  hors  du» 
n  premier  rang ,  ni  de  remuer  leurs  lon- 
»  gués  piques ,  qui  fe  trouvoient  comme  en- 
iy  châiîées  &  emboîtées  entre  Les  files  ,  fans 
»  pouvoir  porter  leurs  coups  à  droite  ou  i 
yy  gauche  ',  ce  qui  donnoit  une  grande 
yy  facilité  aux  Romains  de  furmonter  ua 
yy  obfiacle  redoutable  en  apparence  ,  &  aa 
»  fond  très-méprifable.  »  Folard  ,  traité 
de  la  colonne.  Voye\  pour  ce  qui  concerne 
la  fora^arion  &  la  compofition  de  la  pha^ 
lajige  y  la  tœclique  t/'Elien  &  celle  d'Ar- 
rien.  (Q) 

Addition  d  t article  que  tojt.  vient  de  lire,. 

Les  Grecs  donnoienr  le  nom  de  /"Âai- 
lange  au  corps  qui  réfultoit  de  l'aiïemblagç: 
de  toutes  \qs  files  jointes  enfemble ,  dans 
l'ordre  qu'on  peut  voir  au  mot  FiLE.  La- 
ligne  droite  que  formoient  les  chefs  de 
file,  étoit  la  longueur  de  la  phalange  ,  & 
ils  la  nommoient  aulfi  le  front,  la  face:  ^ 
h  bataille  ,,  ou  fimplemeiit  un  ran^ ,.  &  le.- 


5^0  P  H  A 

rang  des  chefs  défile.  La  hauteur  qae  les 
fiîes  occupoient  depuis  le  chef  de  file  juf- 
qu'au  ferre-file  ,  s'ai^elloit  la  hauteur  de 
la  phalange. 

Ce  terme  fignlfioit  originairement,  dans 
la  taûique  greque  ,  l'ordre  de  bataille  de 
i'infanteriepefante.  On  le  donna  quelque- 
fois depuis  aux  troupes  de  fantaffins  pe- 
famment  armés  ,  fournies  par  difFérens 
peuples  de  la  Grèce  alliés  :  il  ne  devint  que 
fous  Philippe  ,  père  d'Alexandre,  le  nom 
diftindif  d'un  corps  particulier. 

Former  des  rangs,  c'étoit  mettre  à  côté 
les  uns  des  autres  les  premiers  foldats  de 
toutes  les  files  ,  &  de  même  tous  les  fé- 
conds ,  dans  le  fens  de  la  longueur  de  la 
phalange  ;  &  former  des  files  ,  c'étoit 
placer  de  fuite  les  foldats  de  chaque  file  , 
dans  le  fens  de  la  hauteur,  entre  leurs 
chefs  de  file  &  les  ferre-files. 

Si  l'on  fait  tomber  une  perpendiculaire 
du  milieu  du  front  de  la  phalange  A  l'autre 
extrémité  de  fa  hauteur  ,  on  a  la  divifion 
en  deux  parties  égales ,  dont  l'une  forme 
l'aile  droite  ou  la  tète ,  &  l'autre  l'aile 
gauche  ou  la  queue.  Le  point  d'où  part 
la  ligne  de  divifion  ,  fe  nomme  le  centre , 
la  bouche  ,  la  force  de  la  phalange. 

Dans  l'ufage  ordinaire  ,  les  armés  à  la 
légère  étoient  rangés  derrière  les  oplites , 
&  la  cavalerie  formoit  la  troifieme  ligne. 
Quoiqu'pn  trouve  bien  des  exemples  de 
cette  diipoiition  ,  fur-tout  par  rapport  à 
l'infanterie  ,  il  efi  cependant  vrai  qu'elle 
la  rendoit  fouvent  inutile ,  de  même  que 
ia  cavalerie.  Les  armés  à  la  légère ,  dit 
Onolander ,  c'eft-à-dire  ^  les  [aculateurs , 
les  archers ,  les  frondeurs ,  doivent  être 
mis  en  première  ligne  ;  s'ils  font  placés  à 
la  féconde  ,  ils  feront  plus  de  mal  à  leurs 
gens  qu'aux  ennemis  ;  &  fi  on  les  met  au 
milieu  des  autres  fantallins  ,  ils  ne  rendront 
aucun  fervice  :  car  comment  pourroient- 
ils  fe  porter  en  avant  ou  en  arrière ,  pour 
lancer  avec  plus  de  roidcur  leurs  javelots  , 
ou  agiter  circulairement  leurs  frondes  , 
làns  atteindre  les  foldats  qui  les  environ- 
nent? Quant  aux  archers  mis  en  avant 
de  la  bataille  ,  ils  tirent  l'ennemi  comme  au 
blanc  ;  mais  quand  on  les  place  ailleurs  ^ 
ils  font  obligés  de  diriger  leurs  coups  ep 
haut  ;  &  avec  quelque  vigueur  que  ceux-ci 


P  H  A  I 

fbient  pou  (Tés  ,  ils  n'arrivent  à  l'ennemi 
qu'après  avoir  perdu  ia  plus  grande  partie 
de  leur  force. 

Les  Grecs  préféroient  tous  les  nombres 
qui  font  fuccelfivement  divifibles  jufqu'à 
l'unité ,  à  deux  autres  nombres  égaux. 
Fondés  fur  ce  principe  ,  la  plupart  des 
auteurs  taftiques  compofoient  la  phalange  , 
ou  la,  troupe  des  opUtes  ,  de  16384  hom- 
mes. Ils  donnoient  aux  corps  des  armés  à 
la  légère  la  moitié  du  nombre  précédent, 
&■  feulement  la  moitié  de  cette  moitié  , 
ouïe  quart  du  premier  nombre,  à  la  ca- 
valerie. 

Cette  proportion  varioit  félon  les  temps 
&  les  lieux.  Par  exemple  ,  à  Marathon  il 
n'y  avoit  aucune  infanterie  légère;  à  Platée, 
les  Lacédémoniens  menèrent  fept  foldats 
armés  à  la  légère ,  contre  un  pefamment 
armé  ;  &  dans  le  refte  de  l'armée  des 
Grecs  ,  îf  y  avoit  autant  d'infanterie  pe- 
fante  ,  que  d'infanterie  légère.  Le  nombre 
de  celle-ci  a  quelquefois  été  doublé  ;  mais 
il  étoit  moindrs  pour  l'ordinaire.  L'infan- 
terie légère  diminua  même  chez  les  Grecs  , 
comme  chez  les  Macédoniens  ,  jufqu'à  ne 
faire  qu'un  cinquième  de  l'autre  infanterie. 

Les  Grecs  fe  bornèrent  donc  au  nombre 
de  16384 ,  parce  qu'il  peut  être  toujours 
partagé  en  deux  autres  nombres  égaux , 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  réduit  à  l'unité. 

Quant  aux  noms  &  à  la  force  des  trou- 
pes particulières  de  la  phalange ,  toutes 
les  décuries  fervoient  à  former  plufieurs 
troupes  auxquelles  les  Grecs  donnoient  des 
noms  particuliers. 

Deux  décuries  faifoient  une  dilochie , 
ou  une  troupe  de  32-  hommes,  dont  le 
chef  fe  nommoit  dilochite.  V^oye\  nos  pL 
de  r art  militaire  y  taclique  des  Grecs  ^fig. 
5 ,  dans  lefuppl.  des  pi. 

Quatre  décuries  formoient  une  tétrar- 
chie ,  ou  une  troupe  de  64  hommes^ 
commandée  par  un  tétrarque  ,  fig.  4. 

Deux  tétrarchies  formoient  une  taxiar- 
chie ,  qui  contenoit  huit  décuries  ,  ou  128 
hommes ,  donc  le  chef  s'appelloit  taxiarqucy 

fis-  S- 

La  fyntagme  fe  formoit  de  deux  taxiar-r- 
chies  ou  de  feize  décuries,  &  de  2.Ç6  hom- 
mes ^fig.  6.    Son  principal   oflicicr   étoit 
.  le    fyntagmatarqué.    Quelques  -  uns    ont 


P  H  A 

Tioftîraé  cette  troupe  xénagie  ,  &  foh  clief 
xe'nague.  Aux  2ç6  foldats  dont  elle  étoit 
compofée  ,  on  ajoutoit  toujours  cinq  fur- 
numéraires  :  Tavoir  ,  un  porte-cnfeigne  ,  un 
trompette  ,  un  fourrier  ,  un  héraut  &  un 
(erre -file  extraordinaire.  La  fyntagme 
étoit  cxaâement  quarrée  ,  .  puifqu'elle 
avoit  i6  hommes  de  front  fur  autant  de 
protonaeur. 

Les  cinq  furnuméraires  dont  je  viens  de 
parler,  n'entroient  point  dans  les  rangs: 
les  quatre  premiers  le  plaçoient  à  la  tête 
de  la  troupe ,  &  l'autre  tout-à-fait  à  U 
queue.  La  fonftiondu  héraut  étoit  de  faire 
à  la  voix  le  commandement  des  manœuvres: 
le  porte-enfeigne  le  faifoit  au  moyen  de 
fon  enfeigne ,  lorfque  la  voix  du  hérattt 
ne  pouvoit  être  entendue  ,  &  lorfque  la 
pouffiere  &  le  tumulte  interccptoient  égale- 
ment l'ufage  de  la  voix  &  celui  de  Fenfeigne  ; 
les  commandemcns  étoient  faits  au  fon  de  la 
trompette. 

Quant  au  fourrier ,  il  étoit  chargé  de 
pourvoir  aux  befoins  des  foldats ,  &  de 
leur  porter  ce  qui  pouvoit  leur  être  nécef- 
faire  étant  fous  les  armes  ,  afin  qu'ils  n'eul- 
fent  aucun  prétexte  pour  quitter  leurs  rangs. 
Le  ferre-file  extraordinaire  avoit  foin  de  les 
y  contenii  ,  ou  d'y  faire  rentrer  ceux  qui 
en  étoient  (brtis. 

Deux  fyntagraes  formoient  une  penta- 
cofiarchie ,  troupe  de  5^^  hommes  en 
trente-deux  décuries ,  dont  le  chef  étoit 
le  pcntacofiarqae. 

Deux  pentacofiarchies  formoient  une  clii- 
liarchie  ,  dans  laquelle  il  y  avoit  foîxante- 
quatre  décuries  ,  &  1024  hommes ,  dont  le 
chef  s'apptWon  chiliarque. 

Deux  chiliarchies  étoient  appellées  une 
mérarchle ,  &  quelquefois  une  téléarchie. 
Cette  troupe  qui  contenoit  cent  vingt-huit 
décuries  &  204.8  hommes  ,  étoit  aux  ordres 
d'un  mérarque  ou  d'un  téléarque. 

Une  phalangarchie  ou  phalange  fimple , 
ctoit  compofée  de  deux  téléarchies ,  de 
deux  cents  cinquante  -  fix  décuries  &  de 
4096  hommes  ,  dont  le  commandant  étoit 
\e.  phalangarque.  Ce  corps  fe  nommoir  en- 
core une  firatégie  y  &:  fon  premier  officier 
Uitjiracigue. 

Deux  phalanges  fimples  formoient  une 
phalange   double,  de   81  £2-  hommes,  en 


P  H  ^  y^, 

cinq  cents  douze  décuries  :  oh  lui  donnok 
aufii  le  nom  à^aile  ou  dtfeclion. 

Enfin  deux  doubles  phalanges  formoient 
une  phalange  quadruple ,  qui  retenoit  le  nom 
de  phalange  ;  elle  éaoit  compofée  de  mille 
&  vingt -quatre  décuries ,  &  de  16384 
hommes. 

Il  y  avoit  donc  dans  une  phalange  i 

Deux  ailes. 

Quatre  phalanges  fimples.^ 

Huit  mérarchies. 

Seize  chiliarchies» 

Trente-deux  pentacofiarchies. 

Soixante-quatre  fyntagmes. 

Cent   vingt-huit  taxiarchies. 

Deux  cents  cinquanie-fix  tétrarchies^.- 

Cinq  cents  douze  dilochies. 

Et  mille  ving-quatre  files  ou  décuries  y 

■fi^'  S: .  . 

Voici  quels  étoient  les  poftes  des  prin- 
cipaux officiers  &  autres  chefs  de  la  pha- 
lange. 

Le  premier  phalangarque  ,  par  le  mérite 
&  par  lafupériorité  de  Tes  talens  ,  fe  plaçoip 
à  la  pointe  de  l'aile  droite  ;  le  fécond  à- 
la  pointe  de  l'aile  gauche.  Le  pofle  du 
troifieme  phalangarque  étoit  encore  à  i'ailt 
gauche  ,  mais  contre  la  droite  de  cette 
aile  ,  &  dans  l'intervalle  qui  étorrau  centre: 
de  la  phalange.  Le  quatrième  qui  étoit  ^ 
ainfi  que  le  premier  ,  à  l'aile  droite,  s'ap- 
puyoit  fur  la  gauche  de  l'aile,  en  entrant 
auîfi  dans  le  même  intervalle. 

L'aile  droite  fe  trouvant  ainfi  conduite- 
par  le  premier  &  le  quatrième  phalangar- 
que ,  &  l'aile  gauclie  par  le  fécond  &  le: 
troifieme ,  c^nt  difiriburion  des  chefs  éta— 
bliffoit  entr'elles  une  égalité  parfaite ,  par 
raifort  au  mérite  de  ceux  qui  les  com-^ 
mandoienr.. 

Les  premiers  mérarques  de  chaque  ph§r- 

lange  firaple ,  fe  plaçoient  conformément  à. 

»  ce  principe  ;  ceux  de  la  première  &:  de  la». 

troifieme  ,   à   la  gauche  de   ces  troupes  ;, 

ceux  de  la  deuxième  &  de  la  quatrième,. 

à  leur   droite..    On  obfervoit  lies  mêmes 

proponions  dans  les  tétrarchies  ,  en  mettant 

à  la  tête  de  la  première  décurie  le  premier 

;Ou  le  plus  brave  des  quatre  décurions;  Iff; 

:  fécond  ,    à  la   tête  de  la   quatrième  ;   le 

'^troifieme,    à  la  xhc  de  la-  troifieme  ^  &. 

Ile  quatrième,,  à.  la.  tête,  de  la.  deuxième.^ 


5pi  P  H  A 

Ils  rangeoient  de  même  les  chefs  des 
quatre  rétrarchies  qui  étoient  dans  la  fyn- 
tagme  :  le  premier ,  à  la  droite  de  la  pre- 
mière ;  le  fécond ,  à  la  gauche  de  la  qua- 
trième ;  le  troifieme ,  à  la  droite  de  la  troi- 
fieme;  &  le  quatrième  ,  à  la  gauche  de  la 
féconde.  Les  Grecs  obfervoient  iavioiable- 
mem  le  même  ordre  dans  les  autres  troupes 
de  la  phalange. 

Les  diflances  ou  intervalles  font  de  trois 
fortes  :  le  foldat  occupe  quatre  coudées 
en  tous  fens  ,  lorfqu'il  elt  fimplement  mis  en 
rang ,  deux  coudées  ,  lorfqu'il  elt  en  ordon- 
nance ferrée  ;  une  coudée  feulement ,  quand 
il  €Û  en  ordonnance  prelfée. 

L'ordonnance  de  la  phalange  efl  ferrée  , 
îorfque  les  premières  diftances  ayant  été 
diminuées  également  en  tous  lens  ,  il  refte 
encore  entre  les  foldats  un  eipace  fuffi- 
fant  pour  qu'ils  puilTent  fe  mouvoir  & 
tourner  de  tous-  côtés. 

Elle  eft  prcfTée  ,  Iorfque  les  foldats  fe 
reflêrrent  au  point  de  fe  toucher  ,  &  de  ne 
pouvoir  plus  faire  de  mouvement ,  ni  fur  Isur 
droite,  ni  fur  leur  gauche. 

■  Les  Grecs  chargoient  l'ennemi  en  or- 
donnance ferrée  ;  mais  lorfqu'ils  vouloient 
attendre  qu'il  attaquât,  ils  le  recevoient 
en  bataille  preffée  ,  &  la  raifon  en  eft  , 
qu'on  a  dans  cette  difpofition  plus  de  force 
ou  de  fermeté  pour  foutenir ,  &  même 
pour  rompre  l'impétuofité  d'un  premier 
effort. 

Comme  le  front  de  la  phalange  contc- 
noit  1024.  décurions,  ils  occupoient  par 
conféquent ,  lorfqu'ils  étoient  dans  la  pre- 
mière difpofition ,  une  longueur  de  4096 
coudées  ,  ou  de  10  ftades  &  96  coudées  ; 
dans  la  féconde,  ^  ftades  &  48  coudées, 
&  dans  la  troifieme ,  2.  ftades  &  demie  & 
2.4  coudées. 

Dans  le  premier  cas ,  la  phalange  occu- 
poit  en  longueur  853  toifes  4  pies  ,  & 
12  toifes  8  pies  de  profondeur  ;  dans  le 
fécond  ,  426  toifes  5  pies  de  longueur ,  & 
6  toifes  4  pies  de  hauteur,  &  dans  le 
troifieme,  213  toifes  2  pies  &  demi  de 
longueur,  &  3  toifes  2  pies  de  profondeur. 
V  Les  principales  armes  de  la  phalange 
étoient  la  pique  &  le  boucher  :  il  étoit  de 
cuivre  ,  rond  ,  médiocrement  convexe ,  & 
deS  palmes  ou  20  pouces  de  diamètre. 


P  H  A 

La  longueur  des  piques  étoit  au  moins 
de  8  coudées  ou  de  10  pies ,  &.  quelque- 
fois plus. 

Comme  les  décurions  fe  trouvoient  , 
en  qualité  de  chefs  de  files  ,  toujours  placés 
au  front  de  la  jihalange  ,  les  Grecs  n'éle- 
voient  à  cet  emploi  que  d'excellens  (oldars. 
Non-feulement  il  hlloit  qu'ils  fuflènt  grands 
&  vigoureux,  mais  encore  qu'ils  eufîent 
donné  des  preuves  certaines  de  valeur  & 
d'intelligence  ;  car  c'eft  le  premier  rang  qui 
agit  avec  le  plus  d'etiicacité  ,  &  qui  réunit 
leul  tout  l'eftbrt  &  toute  l'aftivité  de  la  pha- 
lange. Les  Grecs  le  regardoient  comme  le 
tranchant  de  ce  corps  *,  &  ia  mafle  conden- 
fée  &  lerrée  des  autres  rangs  qui  s'appuyoient 
fur  lui ,  comme  un  redoublement  de  charge 
&  de  pefanteur  ,  qui  multiplioit  la  force  de 
(on  a^ion. 

Ils  ne  plaçoient  au  dernier  rang  que  des 
foldats  d'élite ,  parce  que  la  pointe  de  leurs 
piques  n'étant  pas  fort  éloignée  de  l'extrémi- 
té des  premières  ,  cette  proximité  leur  don- 
noit  le  moyen  de  féconder  les  efforts  du 
premier  rang.  D'ailleurs,  Iorfque  quel- 
ques décurions  venoient  à  être  bleffés  ou 
tués,  les  foldats  du  fécond  rang  remphf- 
foient  auflî-tô^  les  vuides  du  premier  ;  ils 
diftribuoient ,  pour  la  même  raifon  ,  les 
foldats  dans  le  troifieme  rang,  &  fuccef- 
fivement  dans  les  autres ,  félon  qu'ils  leur 
connoiffoient  plus  ou  moins  de  vigueur  & 
de  courage.. 

La  phalange  macédonienne  dut  à  la 
difpofition  de  l'es  rangs  ,  cette  force  éton- 
nante à  laquelle  il  étoit  impoffible  de  ré- 
fifter.  Lorfqu'elle  étoit  fur  le  point  de 
charger ,  les  rangs  &  les  files  fe  ferroient , 
&  les  foldats  ne  laifîbient  entr'eux  que 
deux  coudce:«  de  diftance.  Leurs  piques  en 
avoient  14  de  long  ;  &  comme  la  partie 
que  les  mains  en  occupoient  étoit  de  deux 
coudées  ,  ils  en  préfentoient  encore  12  en 
avant.  Les  farilfes  du  fécond  rang  débor- 
doient  le  front  de  la  phalange  de  10  cou- 
dées; celles  du  troifieme  de  8  ;  celles  du 
quatrième  ,  de  6  ;  celles  du  cinquième  , 
de  4  ;  enfin  celles  du  fixieme  ,  de  2  ;  car 
les  piqu£s  des  rangs  poftérieurs  ne  pouvoient 
plus  déborder  le  premier.  Ce  front,  ainfi 
hérifle  dans  fa  vafte  étendue  de  fix  rangs 
de  piques,  fornjôit  un  afped  effrayant, 

mais 


P  H  A 

snals  qui  en  même  temps  qu'il  infpiroit  la 
.terreur  à  l'ennemi,  augmentoit  l'ardeur  & 
i'affurance  du  Toldat  qui  fe  voyoit  protégé 
par  toutes  ces  pointes. 

On  choififToit,  pour  l'emploi  de  ferr^- 
file  extraordinaire,  un  homme  entendu  & 
plein  de  prudence  ;  c'étoit  à  lui  de  faire 
<jen  forte  que  les  rangs  &  les  files  fuffent 
toujours  exatleraent  drefTés ,  de  contenir 
les-  foldats  dans  leurs  rangs  ,  &  de  les 
contraindre  d'y  rentrer  lorfqu'ils  en  for- 
toient.  Il  les  obiigeoit  encore  à  fe  ferrer 
de  fort  près  ,  iorfqu'il  faHoit  preffer 
les  rangs  &  les  files  ;  la  force  de  la  pha^ 
lange  dépendant  beaucoup  de  la  préci- 
•fion  avec  laquelle  ces  manœuvres  s'exé- 
<utoieRt. 

Outre  les  fbldars  dont  je  viens  de  parler, 
&  qui  compofoient  la  phalange,  il  y  €n 
avoit  d^autres  armés  à  la  légère,  qu'on  pla- 
çoit  en  avant  du  front ,  fur  les  ailes  ou  à 
la  queue. 

Ils  en  formoient  1014  décuries ,  c'eft- 
à-dire  ,  autant  qu'il  y  en  avoit  dans  la 
phalange,  &:  ils  les  plaçoient  derrière 
celles-ci  :  la  première  décurie  àes  vélites , 
à  la  fuite  de  la  première  des  oplites  ;  la 
féconde  en  file  de  la  ieconde,  .&  ainfi 
des  autres  ;  mais  avec  cette  différence  ,  que 
les  décuries  des  vélites  n'étx)ient  que  de 
.8  hommes  au  lieu  de  16;  en  forte  que 
les  1024  décuries  ne  contenoient  que  8191 
liommes. 

Voici  les  noms  des  troupes  particulières 
-dont  la  réunion  formoit  le  corps  entier  des 
-vélites. 

Quatre^écuries  ou  irente-deax  vélite* 
faifoienr  une  fyftafe. 

Deux  fyiîafes ,  une  pentacontarchie  de 
64  hommes. 

Deux  pentacontarchies  ,  une  hécaton- 
tarchie  de  118  hommes. 

On  ajoutoit  toujours  dans  cette  troupe 
cinq  furnuméraires  ,  l'enfeigne ,  le  ferre- 
file  extraordinaire,  le  trompette,  le  héraut 
&  le  fourrier. 

Deux  hécarontarchies  compofoient  Une 
pfilagie  de  i'^6  hommes. 

Deux  pfilagies  ,  une  xénagie  de  ^iz 
hommes. - 

Deux  xénagies ,  un  fyflêmfi  de  1080 
hommes. 


I      Deux  fy firmes,  une  épixénagie  de  2048 
i  hommes. 

Deux  épixénagies,  une  ftiphe  de  4096 
hommes. 

Enfin  ,  deux  ftiphes ,  une  épitagme  ,  qui 
contenoit  10x4  décuries,  &  8191  vélites. 

Ce  corps  avoit  de  plus  huit  otficiers  fu- 
périeurs  ,  quatre  épixénagues  ,  &  quatre 
fyflémarques. 

La  phalange  eft  oblongue  ou  tranrverfe, 
lorfque  fa  longueur  excède  fa  hauteur  ; 
elle  eft  droite ,  lorfqu'elle  a  plus  de  hauteu^ 
que  de  front  :  telle  eft'  une  phalange  qui 
marche  par  l'aile.  Ainfi  l'ufage  a  tranfporté 
aux  différentes  difpoiitions  de  la  phalange, 
les  noms  que  Ton  donne  aux  figures  qu'on 
lui  fait  imiter  ;  car  on  appelle  oblongue 
toute  figure  dont  la  longueur  furpaflTe  la 
hauteur  ;  &  droite  ,  celle  qui  a  beaucoup 
plus  de  hauteur  que  de  longueur. 

La  phalange  oblique  eft  celle  qui ,  por- 
tant plus  près  de  l'ennemi  fa  droite  ou  fa 
gauche,  n'engage  le  combat  qu'avec  cette 
ai!e  feulement ,  &  tient  l'autre  comme  en 
réferve  dans  un  certain  éloignement,  juf- 
qu'au  moment  favorable  de  la  faire  agir  , 
jig.  11.  Voyt\  les  mots  INSERTION, 
Préposition  ,  Postposition  ,  Ap- 
position, Imposition  6*  Subjonc- 
tion. 

La  phalange  antiftome  ou  à  deux  fronts 
par -la  tête  &  par  la  queue,  eft  ainfi  nom- 
mée du  double  front  qu'elle  préfente  en 
même  temps.  Les  Grecs  étoient  dans  l'u- 
fage d'appeller/ro/2/  toutes  les  parties  d'une 
troupe  qui  regardent  l'ennemi  direflement. 

Dans  cette  ordonnance,  les  foldats  du 
centre  fe  tournent  mutuellement  le  dos , 
&  ceux  de  la  tête  &  de  la  queue  qui  fe 
trouvent  par  ce  moyen  faire  face  en  même 
temps  vers  les  côtés  oppofés,  foutiennent 
à  la  fois  le  double  effort  de  l'ennemi.  Une 
troupe  d'infanterie,  pour  éviter  d'être  en- 
veloppée ,  ne  fauroit  oppofer  une  meilleure 
difpofition  à  un  corps  de  cavalerie  qui  lui 
eft  fupérieur. 

L,ts  Grecs  empîoyoient  cette  difpofition 
contre  les  barbares  qui  habitoient  fur  les 
bords  du  Danube  ,  &:  qu'on  nommoit 
AmphippUns  ,  parce  que  chacun  d'eux 
menoit  à  la  guerre  deux  chevaux  avec 
i  lui  j  ils   avoient  acquis ,   par  l'effet  de. 


594  P  H  A 

Thabitude  ,  tant  d'adrefTe  &  de  légèreté  ,  ' 
que  dans  la  chaleur  du  combat  ils  pafToient 
de  l*un  à  l'autre  avec  une  rapidité  furpre- 
nante.  Dans  ces  fortes  de  cas ,  la  troupe 
de  cavalerie  fe  trouvoit  dans  la  nécefîité  de 
divifer  fes  forces ,  &  pour  pouvoir  charger 
en  même  temps  les  deux  fronts  de  l'infan- 
terie ,  elle  étoit  obligée  de  former  deux 
efcadrons  oblongs ,  dont  la  longueur  étoit 
double  de  la  hauteur ,  fig.  50. 

La  phalange  amphiftome  ou  à  deux  fronts 
par  les  flancs ,  étoit,  à  quelque  différence 
près ,  femblable  à  la  précédente  ;  &  fon 
objet  éroit  de  réfifter  à  un  corps  de  cava- 
lerie plus  confidérable.  Toute  leur  diflfé- 
rence  confiftoit  en  ce  que ,  dans  la  pha- 
lange antiftome ,  la  double  attaque  étoit 
foutenue  par  la  tête  &  par  la  queue ,  & 
que  dans  celle-ci  c'étoient  les  deux  flancs 
qui  combattoient  en  même  temps.  Les 
■'  Grecs  oppofoient  dans  toutes  les  deux  ,  de 
très-longues  piques  à  la  cavalerie  ;  dans 
toutes  les  deux  ,  chaque  demi-file  prenoit 
un  afpeft  contraire  à  l'autre ,  &  leurs  fol- 
dats  faifoient  face  vers  les  côtés  oppofés. 
D'un  côté  c'étoient  les  chefs  de  file  qui 
faifoient  front,  &  de  l'autre  c'étoient  les 
ferre-files.  Quelquefois  la  troupe  fe  parta- 
geôit  en  deux  divifions,  &  la  féconde  alloit 
fe  porter  à  la  queue  de  la  première ,  en  di- 
rigeant fon  front  du  côté  oppofé,y?g-.  31. 

Dans  la  phalange  doublée  antiflome  ,  à 
fronts  oppofés  par  la  tête  &  la  queue  .  les 
/  chefs  de  file  n'étoient  point  en  dehors , 
comme  dans  la  colonne  indirecte  ;  ils  fe 
trouvoient  à  fronts  oppoles  fur  les  flancs 
intérieurs  des  deux  divifions  ,  &  les  i'errî- 
files  couvroient  les  flancs  extérieurs  de  la 
droite  &  de  la  gauche  ;  on  employoit 
cette  difpofition  contre  un  corps  de  cava- 
lerie ordonné  en  forme  de  coin.  Comme 
le  but  de  l'efcadron  étoit  de  rompre  ,  avec 
la  pointe  &  les  faces  du  coin  oit  étoient 
également  diftribués  les  chefs  &  les  meil- 
leurs cavaliers  ,  l'intanterie  ;  de  même  le 
but  de  celle-ci  étoit  de  vaincre,  par  une 
ferme  réfiftance  ,  l'impétuofité  de  l'efca- 
dron ,  ou  de  la  rendre  vaine  en  lui  cédant 
à  propos. 

Le  coin  dlrigeoit  toujours  fa  principale 
aftion  contre  le  centre  d'une  troupe  , 
parce  que  l'ayant  une  fois  enfoncée,  la 


P  H  A 

déroute  devenoit  générale.  L'infanterie  qui 
jugeoit  du  deiïein  de  l'ennemi  par  fa  ma- 
nœuN>re,  ne  le  voyoit  pas  plutôt  prêt  à 
fondre  fur  elle  ,  .qu'elle  s'ouvroit  par  I» 
milieu  ;  au  moyen  de  quoi  l'efcadron  qui 
ne  pouvoir  modérer  tout-à-coup  la  rapidité 
de  fon  mouvement ,  fe  trouvoit  porter  au 
delà  de  deux  divifions ,  fans  avoir  pu  les 
entamer  ;  ou  bien  les  chefs  de  files  des 
deux  troupes  failant  face  au  terrain  vuide 
qu'ils  laifioient  enrr'eux,  préfentoient  de 
part  &c  d'autre  comme  un  mur  inébranla- 
ble, &  rompoient  par  leur  fermeté  tout 
l'effort  delà  cavalerie, _/%.  32. 

La  phalange  doublée  amphiftome  ou 
périflome,  étoit  celle  dont  les  deux  divi- 
fions ordonnées  en  colonne  indirecte  s'a- 
vançoient  l'une  &  l'autre  obliquement  par 
l'aile  ,  ayant  les  chefs  de  files  en  dehors  & 
les  ferre-files  en  dedans.  Lorqu'une  troupe 
ennemie  rangée  en  bataille  quarrée  ,  fe 
voyoit  attendue  de  pié  ferme  par  une  autre, 
mife  dans  une  difpofition  femblable  ,  elle 
fe  partageoit  en  deux  fec^ions ,  dont  cha- 
cune ,  au  moyen  d'une  marche  faite  de 
biais,  tâchoit  de  tourner  la  troupe  oppo- 
fée  ,  &  de  la  prendre  en  même  temps  6c 
en  flanc  &  en  queue.  Celle-ci  ne  s'apper- 
cevoit  pas  plutôt  du  danger  qui  la  mena- 
çoit ,  qu'imitant  la  même  manoeuvre,  elle 
fe  féparoit  aufli  en  deux  divifions,  qui  fe 
mettoient  tout  de  fuite  en  mouvement ,  ^ 
dont  Tune  s'avançoit  contre  la  droite  de 
l'ennemi ,  tandis  que  l'autre  alloit  faire  tête 
à  fa  gauche. 

On  nomma  cette  ordonnance  amphiflo- 
/72e,  à  caufe  des  deux  fronts  que  les  deux 
divifions  d'une  troupe  ainfi  diipoiëe  ,  pré- 
fentent  en  même  temps  à  l'ennemi  par 
leurs  flancs  extérieurs  ,  fig.  35.  Les  deux 
divifions  a  a  ayant  marché  obliquement 
devant  elle,  après  s'être  féparées  ,  &  fe 
portant  de  plus  en  plus  fur  leur  droite  6c 
leur  gauche  pour  tomber  fur  les  flancs  de 
la  troupe  oppofée  ,  celle-ci  s'ouvroit  par 
le  centre  au  moyen  de  quelques  pas  de  côté 
que  la  divifion  de  la  droite  failbit  à  droite 
5c  l'autre  à  gauche  ;  &  faifant  enfuite  tou- 
tes deux  un  quart  de  converfion,  la  pre- 
mière à  droite  ,  la  féconde  à  gauche ,  elles 
dirigeoient  l'obliquité  de  leur  marche  fur 
celle  de  l'autre  troupe. 


*r 


PH  A 

Pour  avoir  une  phalange  homocoftome, 
11  falloir  que ,  fi  Ton  mettoit  en  tête  une 
décurie  entière  de  i6  hommes,  elle  fût 
immédiatement  fuivie  d'une  même  décurie 
femblablement  pofée,  6c  que  toutes  les 
décuries  marchaffent  ainfi  fuccefllvemeut 
Tune  à  la  queue  de  l'autre  ,  &  formaffent 
chacune  leur  rang.  C'eft  de  l'égalité  par- 
fiiite  qui  fe  trouve  par  ce  moyen  entre 
tous  les  rangs  ,  qu'une  phalange  ainfi  or- 
donnée a  pris  le  nom  d'homocofiome.  On 
employoit  cette  difpofition  contre  la  plin- 
the, (  yoyei  Plinthe)  Jig.  36. 

Lorfque  deux  troupes  formées  en  co- 
lonne indirefte  marchent  à  même  hauteur, 
ayant  l'une  &  l'autre  leurs  décurions ,  ou 
fur  le  flanc  droit ,  ou  fur  le  flanc  gauche  , 
cette  difpofition  femblable  leur  fait  donner 
le  nom  de  double  phalange  homocofiome  , 

Une  phalange  étoit  appellée  hétérQJiome, 
lorfque  marchant  en  colonne  indireâ:e, 
les  décurions  de  la  première  de  Tes  troupes 
particulières  étoient  placés  fur  le  flanc 
droit ,  ceux  de  la  féconde  fur  le  fl-jnc  gau- 
che ,  ainfi  de  fuite  des  autres  troupes  ,  en 
forte  qu'aucune  n'eût  fes  décurions  du  mê- 
me cô:é  que  celle  qui  la  précédoit ,  mais 
qu'ils  fuflent  difl:ribués  alternativement  fur 
les  deux  flancs  ,j^g*.  38. 

La  phalange  creufc  ou  recourbée  en  avant 
étoit  ainfi  nommée  de  ce  que  (^s  deux  ailes 
repliées  en  avant  de  fon  front,  imitent  en 
quelque  façon  la  courbure  d'un  arc.  Le  fruit 
de  cette  manœuvre  étoit,  que  fil'efcadron 
continuoitde  s'avancer  &de  vouloir  com-  . 
battre  de  près,  il  fe  trouvoit  tout-à-coup 
enveloppé  6c  pris  de  toutes  parts  :  s'il  rel- 
toit  de  pié  ferme ,  l'infanterie  qui  le  cho- 
quoiticn  flanc,  au  moyerudefes  ailes  avan- 
cées, l'ébranloit,  mettoit  le  défordre  dans 
{ts  rangs ,  &  venoit  enfuite  aifément  à 
bout  des  meilleurs  cavaliers  qui  étoient  à 
la  tête  de  l'efcadron ,  ^^.  41. 

,  Cette  manœuvre  fe  faifoit  au  moyen 
d'un  quart  de  converfion  fait  à  droite  par 
la  feftion  de  la  gauche,  &  fait  à  gauche 
par  celle  de  la  droite  ,  celle  du  centre  ne 
bougeant  point. 

On  donnoit  quelquefois  à  la  phalange 
une  difpofitioa  contraire  à  la  précédente , 
c*eft-àdire ,  qu'elle  de  venoit  alors  recour- 


P  H  A  59f 

bée  en  arrière  ,  &c  qu'au  lieu  de  fléchir  fes 
ailes  en  avant  du  front,  elle  les  ramsnoU 
&  les  replioit  fur  fon  centre  du  cbxé  de  la 
queue.  On  employoit  cette  manœuvre 
pour  furprendre  l'ennemi.  Le  centre  feul 
d'une  troupe  fe  montrant  à  découvert,  6c 
i'ervant  à  cacher  ce  qui  fuivoit  par  derrière, 
il  comptoit  n'avoir  affaire  qu'à  une  poignée 
de  gens  :  fi  ce  petit  nombre  fuffifoit  pour 
foutenir  Tattaque  &  pour  vaincre,  on  n'en 
oppofbit  pas  davantage  ;  s'il  étoit  trop 
foible ,  en  développant  fes  ailes  de  part 
ôc  d'autre ,  on  fe  trouvoit  bientôt  en 
état  de  défertfe  fur  un  front  trois  fois  plus 
grand. 

Le  Lacédémonien  Cléandre  ayant  ainfi 
formé  fes  troupes  fur  un  front  très-étroit , 
à  ce  que  dit  Frontin  ,  pour  que  le  nombre 
en  parût  moindre ,  les  Lycaoniens  trompés 
par  l'apparence,  vinrent  l'attaquer  ;  mais 
les  Lacédémonienss'étant  dépliés  à  l'inftant 
par  l'un  &  l'autre  flanc  ,  enveloppèrent  les 
Lycaoniens  ,  6>c  les  taillèrent  en  pièces. 

On  combattoit  cette  rufe  par  une  autre 
femblable ,  au  moyen  d'une  troupe  con- 
vexe ou  arrondie  pardevant ,  en  portion 
de  cercle  :  difpofition  qui  la  faifoit  auffi 
paroître  moindre  qu  elle  n'étoit ,  fa  con-^ 
vexité  fervant  à  cacher  une  partie  de  fgi 
ioxcQ,  fig.  44. 

On  employoit  contre  le  pléfion  la  pha~ 
lange  implexe  ,  qui  préfentant  à  l'ennemi 
un  front  inégal  &  tortueux  dans  toute  l'é-, 
tendue  de  fa  longueur,  l'invitoit  à  fondre 
fur  quelques-unes  de  (es  parties  faillantes  , 
&  à  défunir  l'ordonnance  du  pléfion;  mais 
il  falloir  que  les  décurions  qui  étoient  à  la 
tête  de  la  phalange  implexe  ,  euflfent  atten- 
tion à  régler  leurs  mouvemens  fur  ceux  de 
l'ennemi  ;  car  fi  celui-ci  conférvoit ,  fans 
la  rompre,  fa  difpofition  ferrée,  ils  dé- 
voient le  recevoir  de  même ,  &:  ne  garder 
l'inégalité  de  leur  front  que  dans  le  cas  ou 
il  avoit  défuni  le  fien  ,Jtg.  44. 

Les  Grecs  difoient  qu'une  phalange  étoic 
environnante ,  lorfqu'elle  excédoit  de  part 
&  d'autre  le  front  de  l'ennemi ,  &  qu'elle 
pouvoir ,  en  fe  repliant  fur  lui  ,  l'enfermer 
dans  la  courbure  de  fes  ailes. 

C'étoit  une  méthode   particulière  aux 
Lacédémoniens  d'étendre  beaucoup  le  front 
de  leur  bataille  ,  &  de  plier  leurs  ailes  en 
Ffff  i 


Kç)6  PHA 

lorme  de  crôlffant ,  pour  envelopper  leurs 
adverfaires.  Pour  cet  effet  ,  ils  donnoient 
à  leurs  troupes  moins  de  hauteur  que  le 
refte  des  Grecs.  IVleur  étoit  ordinaire  de 
fe  mettre  fur  Huit  rangs  ,  au  plus  fur 
douze  ,  tandis  que  les  autres  peuples  de  la 
Grèce  fe  formoientcommunanenrfur  feize 
de  profondeur. 

On  défignolt  par  la  même  expreffion 
l'une  ou  l'autre  aile  de  la  phalange , .quand 
on  ne  débordoit  l'ennemi  que  par  un  feul 
côté. 

Toute  phalange  mife  en  bataille  fur  un 
front  plus  étendu  que  celui  «de  la  troupe 
qui  lui  eft  oppofée ,  la  déborde  néceffai re- 
ment ,  au  moins  par  l'une  de  fes  ailés  ; 
mais  de  ce  qu'on  déborde  i'ennemi  par  une 
aile  ,  il  ne  s^enfuirpas  toujours  que  l'on 
foit  en  bataille  fur  un  plus  grand  front  ;. 
car  la  même  chofe  peut  a-rriver  ,  quoiqu'on 
ïui  prélénte  im  front  moins  étendu  que  le 
fien.  (K) 

Phalange,  C^îft.  nat.  &med.J  efpece 
d'araignée  venimeufe ,  dont  là  piquure  fait 
tomber  dansun  affoupiiTement  léthargique; 
les  remèdes  à  ce  poifon  font  l'otviétan,  les 
fels  volatils  de  vipères ,  de  corne  de  cerf  , 
d'urine ,  la  dânfe ,  la  fymphonie. 

La  tarentule  eft  une  phalange  dont  pîu- 
fieurs  auteurs  ont  donné  Thiftoire ,  &;  dont 
la  morfure  fe  guérit  par  le  fondes  inftru- 
mens  &  la  danfe. 

Le  venin  des  phalanges  confifle  en  un 
fel  acide  qu'elles  élancent  dans  les  vénules 
des  chairs  par  leur  piquure  ,  &  qui  eft 
porté  enfuite  dans  les  grands  vaifleaux , 
où  il  intercepte  la  circulation  en  figeant 
le  fang;  d'où  vient  que  les  fels  volatils 
alkalins,&  tous  les  autres  remèdes  propres 
à  raréfier  les  humeurs  ,  &  à  les  rendres 
fluides ,  font  bons  pour  diflSper  ce  venin. 

Les  phalanges  écrafées  &  appliquées  au- 
tour du  poignet,  à  l'entrée  de  l'accès  d'une 
fîevre  intermittente  ,  la  guériffent quelque- 
fois à  caufe  de  leur  fel  volatil  qui  entre  par 
les  pores ,  &  qui  diffout  ou  emporte  par  fa 
volatilité  l'humeur  qui  caufoit  la  fièvre. 

PH A»L ANGIUM ,  f.  m.  {ffijî.  nat.  Bot.) 
genre  ae  plante  à  fleur  liliacée ,  &  com- 
pofée  de  fix  pétales.  Le  piflil  fort  du  mi- 
lieu de  cette  fleur ,  &  devient  dans  la  fuite 
UJi  fruit  arrondi  Ôc  divifé  en  trois  loges , 


V^  H  A 

F  qui  renferme  des  femences    anguîeufési 

.Ajoutez  au  caja^Lere  de  ce  genre,  que  la^ 

racine  efî  fibreufe  ;  ce  qui  fera  diftinguer 

'a.\{émentAe  phalangium  de  l'ornitogalum, 

Tournefort ,  Infl.  rei  herè.  V.  PLAI^fTE.. 

P  H  A  L  A  N  G  O  S  E  ,  f.  f.  ÇMédec.} 
i^^KetvyÔ7t{  ;  nous  dirions  en  françois  ,  ra/z— 
gée  d'un  grand  nombre  de  cils  des  paupiè- 
res, qui  fe  portent  au  dedans  de  l'œil  & 
l'ofFenfent , félon  Paul  Eginete  ,hphalan* 
gofe  efî  un  renverfement  du  bord  de  la- 
paupière  au  dedans  de  l'œil,  fans  aucune 
relaxation  de  cette  paupière  ;  ce  vice  de  la 
paupière  efl  une  efpece  de  tricliiafe.  ^<3>'^î 
ce  mot.  > 

PHAlANNA,-  {Géog,  anu^  i^:  ville.- 
de  la  Perrhébie.  Lycophron  écrit  Pliala' 
numy.v\\\e.  de  fîie  de  Grete  ;  Etienne  le 
géographe  dit  que  Pbagiadès  lepéripatéii*- 
cien  étoit  natif  de  cette  ville.  (D.  J .) 

PHALARIQ0E ,  f.  f.  {An  milit.  dest 
anc.)  pkala.rica.\  c'étoit  un  dard  d'une 
efpece  particulière.  V-oici  la  defcriptiorrque 
Tite-Live  en  fait ,  /.  XXI.  Phalarica  crac 
Sûguntinis  miJJlU  telum  ,  hafliii  oblongOy 
&  cetera  ureù  ,  praterquàm  ad  extremum,^ 
uhi  ferrum  extahat.  Et  Jicut  in  pilo  qua^- 
dratumin fïupâ cïrcumligabant ,  linchant^ 
que  pice.  Ferrum  autem  très  in  longum  ha*^ 
bebat  pedes  ,  ut  ciim  arrnis  transfigcre  cor- 
pus po([ct.  Sedid  maximh .,  etiatnjihcefij[tt< 
infcuto  ,  nec penetrajjet  in  corpus^  pauo- 
rem  fnciehat-  :  quod  cîim  médium  acccnfum^ 
mitttretur  ^  eonceptumque  ,  ipjh  motunuUtà 
majore  m  ignemferret ,  arma  omitti  coge^ 
bat  y.  nudumque  militem  ad  infequentes: 
iBus  pr(Bî>ibat, 

La  phalarique  étoit  doue  une  longue 
lance ,  une  efpece  de  perturfane  ;  &  il  fal- 
loit  qu'elle  fût  groffe  ,  puifque  Silius  Ita- 
licus  l'appelle  trabs.  Son  fer  avoir  trois  ' 
pies  de  longueur  ;  c'étoit  une  arme  blan- 
che, &  une  arme  à  feu.  EXans  le  combat  de 
Turnus  ,  décrit  par  Virgile ,  Enéid.  L IX, 
?/.  702^,  la  phalarique  ne  paroit  pas  une 
arme  à  feu.  Dans  d'autres  occafions,  on 
enveloppoit  le  fer  qui  étoit  quatre,  d'étou- 
pes  poiffées:  on  y  mettoitle  feu,  ôc  onle- 
lançoit  avec  la  ballifl:e  contre  les  tours  de 
bois  appellées^^/i ,  &  contre  les  machines 
de  guerre ,  quelquefois  méjne  contre  des 
hommes,  dont  on  perçoit  le  bouclier,  la 


P  H  A 

Ciiîraffe ,  Se  le  corps  en  même  temps.  Ce 
fut  cette  forte  particuiiere  d'armes  dont  Te 
fervirent  les  Sagontins  dans  la  défenfe  de 
leur  ville ,  comme  dit  Tite-Live  ,  que  j'ai 
cité  ci-defl\is.  (D.  J,) 

PHALARIS ,  f.  m.  (Botan)  genre  de 
plante  dont  voici  lescarafteres,  (eion  Ray. 
Il  porte  un  gros  épi  compofé  d'un  amas 
écailleux  de  gouffes  pleines  de  lemences  ; 
deux  de  ces  goufTes  Ibnt  creufes ,  carinées, 
contenant  une  graine  enveloppée  de  fa 
coffe.  Le  même  botanifte  établit  huit  elpe- 
ces  de  pkalaris ,  dont  la  plus  connue  eft  à 
graines  blanches  ;  c'eft  le  gramcn  fpica- 
tiini^  femine  miliaao  albo  ,  de  Tourne- 
fort.  /.  R.  H.  <fi8. 

Mais  le  phalaris  ,  dans  le  fyAême  de 
Linnaeus ,  renferme  tous  les  phalaroïdes , 
&  forme  un  genre  diftinft  de  plante  qu'il 
caradérifeainfi.Le  calice  ,  qui  ne  conrient 
qu'une  fleur,  eft  large  ,  obtus,  app'ati  , 
formé  de  deux  pièces  ^  dont  chacune  eft 
applatie ,  obtufe  en  deflus  ,  avec  des  bords 
qui  fe  rencontrent  en  lignes  parallèles-,  La 
ileur  eft  aufîi  à  deux  pièces,  &  plus  petite 
que  le  calice.  Les  étamines  font  trois  filets 
capillaires  ,  plus  courts  que  le  calice.  Les 
Boftettes  des  étamines  font  oblongues  ; 
Fembryon  du  piftil  eft  arrondi;  les  ftyles 
font  au  nombre  de  deux  ,  &  très-déliés; 
les  ftigmates  font  chevelus  r  la  fleur  fcrt 
d'une  enveloppe  ferrée  à  la  femence.  Cette 
graine  eft  unique  ,  lifte  ,  arrondie  ,  mais 
pointue  aux  deux  bouts.  (Z>;  /.) 

PHALARNA  ,  ou  plutôt  PHALA- 
SARNA ,  (Géogr.  anc.  )  comme  lit  Ca* 
/aubon  dans  Strabon ,  liv.  X ^  p.  479, 
Décéarque  parle  de  Phalafarna  en  cts 
termes  :  on  dit  qu'il  y  a  dans  l'île  de  Crète 
.  wne  ville  nommée  Phalafarna^  fituée  à 
^occident  de  cette  île;  qu'elle  a  un  port 
qu'onpeut  fermer,  &un  temple  de  Diane 
Diétynne.  Oh  croit  que  c'eft  préfentement 
le  bourg  Concarïni, 

PHALERE ,  Phalcrum,  ÇGéogr.  anc.) 
ancien  port  &:  ville  de  l'Aîtique,  nommé 
auparavant  P/uzno5 ,  félon  Suidas.  C'étoit 
ie  port  de  la  ville  d'Athènes  ;  il  étoit  extrê- 
mement habité  avant-que  Thémiftoele  eût 
entrepris  de  fortifier  le  Pyrée  ,  &  d'y 
tranfporter  la  marine. 

C'eft  au  Phalere  qu'on  avoit  mis  les 


t'  H  A  597 

'  auteU  des  dieux  inconnus  ,  dont  a  parlé 

5  Paul.  «  En  paffant,  dit  cet  apôtre,  & 
»»  en  contemplant  vos  dévotions, .j'ai  trouvé 
»  même  un  autel ,  où  il  y  avoit  cette  inf- 
»  criptton  ,  <Xu  dieu  inconnu  \  Je  vous 
»  annonce  donc  celui  que  vous  honorez 
»  fans  le  connoître.  » 

L'infcription  n'étoit  pas  telle  que  S.  Paul 
la  rapportoit,  au  dieu  inconnu  ;  Cay  il  y 
avoir,  aux  dieux  de  UAfie^  de  V Europe 

6  de  l^ Afrique  ,  dieux  inconnus  6*  étran-^ 
gifs  ;  mais  comme  l'apôtre  n'avoit  pas  be^ 
foin  de  plusieurs  divinités  inconn'.ies  ,  & 
qu'il  ne  lui  falloir  qu'un  dieu  inconnu  ,  il- 
s'eft  fervi  du  fîngulier  au  lieuidi;  pluriel. 

Paufanias ,  Phiioftrate  &  Suidas  fe  fer- 
vent du  nombre  pluriel,  quand  ils  parlent 
de  l'infcription  de  cet  autel  ,  &  Diogene' 
Laërce  attribue  à  Epiménide  d'avoir  fait 
bâtir  des  autels  fans  nom  :  or  c'eil  à  Epi- 
.  ménide  qu'on  attribue  ordinairement  l'autel 
de*  dieiix  inconnus;  mais  il  ne  lailTe  pas 
d'être  vrai  que  Théophilaâê,  Ifidore-  de 
'Pélule,  ^cumenius  &  Chryfoftome,  fe 
font  fervi  du  fingulier  en  parlant  de  cet 
autel;  Môurfius  afîure  que  les  habitans^ 
d'Athènes  s'étant  convertis  à  l'évangile,- 
confacrerent  au  dieu  inconnu  lé  temple  où" 
l'autel  d'Eprménide  avoit  été  élevé. 

On  voit  encore  ,  à  la  diftance  d'un  mille" 
de  P/w/ere  fur  le  rivage  ,■  le  lieu  où  étoir 
jadis  la  forterefie  de  Mùnichia,  dont  il  ef^" 
ft  fouvent  parlé  dans  l'hifioire  ancienne  ,- 
tant  paria  beauté  de  fon  temple  de  Diane ,. 
qu'à  caufe  que  les  gens  qu'on  maltraitoit  au- 
Pyrée  &  à  -PAa/^rtf,  y  trouvoient  un  fiir 
afyle. 

Le  Phatere  fe  lîomme  aujourd'hui  PortOy 
&  eft  à  cinq  quarts  de  lieue  d'Athènes  , 
mais  fans  avoir  un  feul  habitant.  Whtha' 
dit  qu'il  y  refte  feulement  quelques  vefti- 
ges  des  murailles  qui  fermoient  autrefois 
ce  port.  Il  eft  aujourd'hui  plein  de  fable, 
tout  à  découvert  ,  tant  au  vent  du  fud  en 
été,  qu'au  vent  d'aval  en  hiver;  &  les 
vaiftéauxquiy  mouillent  font  forcés  de  fe 
tenir  au  large,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  fond; 
en  forte  que  les  Athéniens  eurent  raifon 
d'abandonner  ce  port ,  pour  retirer  leurs 
vaiflTeaux  dans  le  Pyrée, 

Cependant  on  eft  toujours  tenté  d'y 
débarquer ,  quand  on  fe  rappelle  que  le 


59?  P  ^  A 

poëîe  Mufée,  qui  inventa  ia  fphere ,  y  a 
ïa  répuhure  depuis  trois  mille  ans;  &  plus 
encore  ,  .quand  on  fonge  que  c'eft  dans  ce 
lieu  que  vit  le  jftur  un  des  plus  grands  hom- 
mes qu'Athènes  ait  jamais  produits  ;  je 
parle  de  Démétrius  de  PhaUre^  philofo- 
phe  péripatéricien,  homme  d'état ,  favant 
&  plein  de  modération.  Il  s'éleva  par  Ton 
mérite  ,  devint  archonte  d'Athènes ,  & 
gouverna  cette  réjîublique  pendant  dix 
ans  avec  un  pouvoir  abioiu  ,  dont  ii  n'a- 
bufa  jamais. 

On  ne  fait  pas  précifément  l'année  qu'il 
naquit ,  mais  il  paroît  par  Çicéron  ,  qu'il 
ne  devoit  pas  être  âgé  lorfqu'il  parvint  au 
gouvernement  de  la  république  ibus  Caf- 
fander ,  roi  de  Macédoine ,  la  troiliemc 
année  de  la  \i^*.  olympiade. 

Il  fut  non-feulement  le  difcipie ,  m^is  en- 
core l'ami  intime  de  Théophrafte  ;  fous  un 
auffi  favant  maître ,  il  perfedionna  les  ta- 
lens  naturels  qu'il  avoir  pour  l'éloquence , 
&  fe  rendit  encore  habile  dans  la  philofo- 
phie,  la  politique  ôr  l'hiftoire.  On  peut 
voir  dans  Diogene  Laërce,  le  catalogue 
des  ouvrages  qu'il  avoir  compofés  fur  dif- 
férens  genres  de  fciences.  Il  eft  le  feul  des 
Grecs,  dit  Cicéron,  qui  ait  pris  foin  de 
cultiver  en  même  temps  la  philofophie  & 
l'éloquence  ;  &  pour  s'être  attaché  à  trai- 
ter des  matières  philofophiques,  &:  l'avoir 
fart  avec  toute  l'exaftitude  &  la  fubtihté 
que  demande  ce  genre  d'écrire,  il  n'a  pas 
laifTé  d'être  orateur.  Il  eft  vrai ,  ajoure-t-il, 
qu'il  n'eft  pas  des  plus  véhémens  ;  cepen- 
dant il  a  fes  grâces ,  on  reconnoît  aifément 
en  lui  le  génie  de  fon  maître  Théophrafte. 
Cette  douceur ,  qui  faifoit  le  caradere  de 
fes  ouvrages,  étoit  auffi  celui  de  fon  efprit; 
il  étoit  d'ailleurs  très-bien  fait  dans  fa  per- 
fonne  ,  &  la  beauté  de  (qs  fourcils  lui 
valut  le  nom  de  p^«tc/]oi?x%?ofp«?. 

Pendant  les  dix  années  qu'il  gouverna 
fa  patrie ,  il  s'acquit  tant  de  gloire ,  qu'il 
n'eft  pas  facile  ,  ajoute  Cicéron ,  de  trou- 
ver quelqu'un  qui  ait  excellé  comme  lui 
tout  enfemble  dans  l'art  du  gouvernement 
&  dans  les  fciences.  Il  augmenta  les  reve- 
nus de  l'état,  il  embellit  la  ville  d'Athènes 
d'édifices.  Il  diminua  le  luxe  qui  n'étoit 
que  pour  le  fafte ,  &:  laifta  au  peuple  la 
liberté  d'ufer  de  i^s  richeffes  pour  les  ce- 


P  H  A 

rémoniesreîigieufes ,  &  les  (ète%  publique^ 
que  l'antiquité  avoit  confacrées.  Il  régla 
les  moeurs ,  &  les  pauvres  citoyens  ver- 
tiîeux  furent  l'objet  de  (q^  attentions.  C'eft 
ainfi  ,  dit  Elien ,  que  fe  pafta  glorieufe- 
j  ment  radnimiftration  de  ce  grand  homme, 
{  jufqu'à'ce  que  l'envie,  fi  naturelle  à  fes 
compatriotes,  l'obligea  de  fortir  d'Athènes. 
Au  commencement  de  la  féconde  année 
de  la  centdix-huitieme  olympiade,  Démé- 
trius Pohorcetes  vint  aborder  au  port  de 
Pyrée,  avec  une  flotte  de  deux  cents  cin- 
quante vaifleaux  ,  annonçant  aux  Athé- 
niens qu'il  venoit  pour  rétablir  chez  eux  les 
loix  de  ia  liberté ,  &  chafTer  de  leurs  villes 
les  garnifons  de  CafTander.  En  vain  Dé- 
métrius de  PhaUre  repréfenta  au  peuple 
d'Athènes  ,  que  le  fils  d'Antigonus  ne  fe- 
roit  rien  de  ce  qu'il  promettoit  ;  ils  n'é- 
coutèrent point  leur  archonte,  qui  prit  le 
parti  de  fe  retirer  de  la  ville ,  &  de  de- 
mander à  ce  prince  une  efcorte  pour  le 
conduire  à  Thebes.  Démétrius  Poliorcète» 
lui  accorda  fa  demande  ,  refpeâiant ,  dit 
Plutarque ,  fa  réputation  &  fa  vertu. 

Bientôt  les  Athéniens  renverferent  les 
trois  cents  foixante  ftatues  qu'ils  avoient 
élevées  à  fa  gloire,  &  l'accufant  d'avoir 
fait  beaucoup  de  chofes  contre  les  loix 
pendant  fon  gouvernement,  il  fut  con- 
damné à  mort  ;  ceux  qui  avoient  eu  une 
étroite  liaifon  avec  lui ,  furent  inquiétés; 
&  peu  s'en  fallut  que  le  poëte  Ménandre 
ne  fût  appelle  en  jugement ,  pour  la  feule 
raifon  qu'il  avoit  été  de  (qs  amis. 

Démétrius  de  PkaUre  ,  après  avoir  refté 
quelque  temps  à  Thebes  ,  fe  retira  vers 
Ptolémée  Soter,  la  première  année  de  la 
cent  vingtième  olympiade.  Ce  prince , 
recommandable  par  fa  libéralité,  la  nobleffe 
de  fes  fentimens ,  &  fa  débonnaireté  à 
l'égard  de  fes  amis ,  étoit  le  refuge  de  tous 
les  malheureux.  Démétrius  en  fut  bien 
reçu  ;  &  ,  félon  Elien ,  Ptolémée  lui  donna 
la  fondion  de  veiller  à  l'obfervation  des 
loix  de  l'état.  Il  tint  le  premier  rang  parmi 
les  amis  de  ce  roi  ;  ii  vécut  dans  l'abon- 
dance de  toutes  chofes ,  &  fe  trouva  en 
état  d'envoyer  Aqs  préfens  à  fes  amis  d'A- 
thènes :  c'étoit  de  ces  véritables  amis,  dont 
Démétrius  diibit  ,  «  qu'ils  ne  venoient , 
»  dans  la  profpérité,  qu'après  qu'on  les 


P  H  A 

Vh  avoit  mandés  ;  mais  que  dans  l'adverfîtë 
»  i!s  fe  préfentoient  toujours  fans  qu'on 
y>  les  eut  priés. 

H  s'occupa  pendant  fon  exil  à  compo- 
fer  plulieurs  ouvrages  Tur  le  gouverne- 
ment ,  fur  les  devoirs  de  la  vie  civile  ;  & 
cette  occupation  étoit  pour  fon  efpiit  iMp 
efpece  de  nourriture,  qui  entretenoit  en 
lui  le  goût  de  l'urbanité  attique.  Mais  un 
ouvrage  dont  pîafieurs  auteurs  lui  font 
honneur  ,c'eft  i'établiiTement  de  la  fameufe 
bibliothèque  d'Alexandrie. 

Ariftée  ;  Ariftobule  ,  philofophe  pérlpa- 
téticien,  juif;  Jofeph»  Tertullien  ,  Clé- 
ment d'Alexandrie  ,  S.  Cyrille  de  Jérufa- 
lem ,  S.  Epiphane,  S.  Jérôme,  S.  Auguf- 
tin  &  plufieurs  autres  écrivains  chrétiens  , 
qui  ont  parlé  de  cette  bibliothèque  ,  &  de 
la  tradu<5i:ion  des  fepîanre,  difent  tous  que 
cet  établiffement  tut  commis  aux  foins  de 
Démétrius  de  PhaUrc.  Les  auteurs  païens 
ont  à  la  vérité  parlé  de  la  bibliothèque 
d'Alexandrie,  mais  ils  ne  font  point  men- 
tion de  Démétrius.  Jofeph  Scaiiger  s'eft 
déclaré  ouvertement  contre  le  fentiment 
des  auteurs  chrétiens ,  fondé  fur  ce  que 
Démétrius  ayant  été  l'objet  de  la  haine  de 
Ptolémée  Philadelphe  ,  il  n'avoit  pu  être 
l'inftrument  dont  ce  prince  s'étoit  fervi 
pour  cet  établilTement. 

Quoi  qu'il  en  foit,  Démétrius  àe  Pha- 
Urc vécut  paisiblement  en  Egypte  pendant 
dix-neuf  ou  vingt  ans ,  fous  le  gouverne- 
ment tranquille  de  Ptolémée  Soter.  Ce 
prince,  deux  ans  avant  fa  mort,  prit  la 
réfolution  d'abdiquer  la  royauté,  &c  de  la 
céder  à  Ptolémée  Philadelphe,  malgré  les 
raifbns  qu'employa  Démétrius  pour  l'en 
difTuader  ;  bientôt  après,  il  eut  tout  lieu 
de  fe  repentir  de  fes  avis  ;  car  Soter  érant 
mort  l'année  fuivante  ,  Ptolémée  Phila- 
delphe ,  inflruit  du  confeil  que  Démétrius 
avoit  donné  à  fon  père  ,  le  relégua  dans 
une  province ,  où*<il  mena  une  vie  fort 
trifte  ,  &  mourut  enîîn  de  la  piquure  d'un 
afpic  i  âgé  d'environ  67  ans ,  dans  la  troi- 
sième ou  quatrième  année  délacent  vingt- 
quatrième  olympiade.  Cicéron  nous  ap- 
prend qu'il  mourut  volontairement,  &  de 
la  même  manière  que  •Cléoparre  fe  fit 
mourir  depuis.  Vid&o  ,  dit-il  ,  (^Orat.  pro 
Rabirio  )   Demetrium ,  &   ex  republicd 


P  H   A  55,^ 

Athtnunjîum  ,  quam  optlml  Sgejferat  ^ 
&  ex  doclrinâ  nobiUm  &  clarum  ;  q,.i 
PhaUreus  vocitatus  efi  ,  in  eodem  iflo 
u£gyp!ii  regno,  afpide  ad  corpus  admotdj 
vitd  ejfe  privatum.  II  fut  enterré  près  de 
Diofpolis  dans  le  canton  de  Bu(ms. Eoctrait 
des  mém.  delitUrat.  t.   VIII  ^  in-40. 

2^.  Phalerum  efl  encore  le  nom  d'une 
ville  deTheffalie  ,  félon  Suidas  &  Etienne 
le  géographe.  Les  habitans  de  cette  ville 
font  appelles  PjiaUrenfes  par  Strabon.  Le 
chevalier  DE  JaUCOURT. 

PHALEUCE  ,  ou  PHALEUQUE , 

f.  m.  (^Belles-lettres.)  dans  la  poéfie  gre- 
que  (k  latine.  C'eft  une  forte  de  vers  de 
cinq  pies ,  dont  le  premier  eft  un  fpondée  , 
le  fécond  \xn  da6iyîe  ,  &c  les  trois  derniers 
font  des  trochées  :  on  l'appelle  aufli  hende- 
cafTyllabe  ,  parce  qu'il  eft  compofé  d'onze 
fyliabes,  comme 

Numquam  diyitlas  deos  rogavi , 
Contcntus  modicis  ,  meoque  Icctus, 
Martial. 

Ce  vers  eft  très-propre  pour  l'épigramme 
&  pour  les  poéfies  légères.  Catulle  y  ex- 
celloit.  On  prétend  qu'il  a  tiré  fon  nom  de 
Phaleiicus,  qui  l'inventa. 
•  PHALLIQUES ,  (Antiq.  greq.)  fêtes 
que  l'on  célébroit  à  Athènes  en  l'honneur 
de  Bacchus.  Elles  furent  inftituées  par  un 
habitant  d'Eleuthere  nommé  Pégafe ,  à 
l'occafton  qu'on  va  dire.  Pégafe  ayant  por- 
té des  images  de  Bacchus  à  Athènes,  s'at- 
tira la  ri  fée  &  le  mépris  des  Athéniens. 
Peu  après  ils  furent  frappés  d'une  maladie 
épidémique ,  qu'ils  regardèrent  comme  une 
vengeance  que  le  dieu  tiroit  d'eux.  Ils  en- 
voyèrent aufti-tôt  à  l'oracle  pour  avoir  le 
remède  au  mal  préfent ,  &  pour  réparer 
l'injure  qu'ils  avoient  faite  à  Bacchus.  On 
leur  répondit  ,  qu'ils  dévoient  recevoir 
dans  leur  ville  ce  dieu  en  pompe,  &  lui 
rendre  de  grands  honneurs..  On  fit  faire 
des  figures  de  Bacchus  ,  qu'on  porta  en 
proceffion  dans  toute  la  ville,  &  on  atta- 
cha aux  thyrfes  des  repréfentations  des 
parties  malades,  comme  pour  marquer  que 
c'étoit  à  ce>dieu  qu'on  en  devoit  la  guéri- 
fon.  Cette  fête  fut  continuée  dans  la  fuite 
un  jour  chaque  année, . 


éoo  P  H  Â 

PHALLOPHORE,  f.  m.  (Ant.  gref. 
&  rom.J  le;  pkallophores  étolenc  les  mi- 
niflres  des  Grgye-s,  ceux  qui  pojtoicnt  le 
phallus  dans  les  fêtes  de  Bacchiis,  ils  coù- 
roient  les  rues  barbo«ll!és  de  lie  de  vin, 
couronnés  de  lierre ,  &  chantant,  en  l'hon- 
neur du  d.ieu  ,  des  cantiques  dignes  de  ieurs 

PHALI^CJS  ,  fubft.  G3.  ÇLittératJ  c'eft 
.cette  figure  fcandaleufe  à  nos  yeux  ,  du 
<lieu  des  jardins ,  la  même  que  l'on  portoit 
en  Grèce  aux  fétçs  de  Bacchus ,  &  plus 
Boriennement  encore  aux  fêres  d'Ofiris. 
La  coutume  des  Bramins  qui  portent  encore 
^n  procefiion  le  phallus  des  Egyptien? ,  eft 
bien  étrange  pour  nos  mqsurs.  Nos  idées 
de  bienféance  i?ous  font  penfer,  dit  M.  de 
Voltaire, qu'une céréiiionie qui  nous  paroît 
Ç\  infâme  ,  n'a  été  iriventée  que  par  la  dé- 
bauche ;  mais  ,  ajoute  le  même  écrivain, 
il  n'eft  guère  croyable  que  la  dépravation 
des  mœurs  ait  jamais ,  chez  aucun  peuple, 
.établi  des  cérémonies  religieufes.  Il  eft 
probable  au  contraire  que  cette  coutume 
îiit  introduite  dans  des  temps  de  {implicite , 
&  qu'on  ne  penfa  d'abord  qu*à  honorer  la 
divinité  dans  le  fymbole  de  la  vie  qu'elle 
nous  a  donnée.  IJne  telle  cérémonie  a  dû 
enfuite  infpirer  la  licence  à  la  jeunefTe,  & 
paroîrre  ridicule  aux  eijprits  iàges ,  dans 
à^s  temps  plus  rafinés  ,  plus  corrompus 
êc  plus  éclairés-;  mais  lancieii  ufage  a 
Aibfifté  malgré  les  abus  ,  &  il  n'y  a  guère 
jde  peuple  qui  n'ait  confervé  quelque  cé- 
rémonie qu'.on  ne  peut  ni  approuver ,  ni 
pbolir.  (D.J.) 

PHALMAN ,  f.  m.  IJfifi.  jiat.)  monf- 
îre  marin  dont  il  eft  fait  mentiori  dans 
les  auteurs  arabes.  Selon  eux ,  on  le  trouve 
^ur  la  côte  de  Tartarie,  en  une  contrée 
jappellée  /)(/?. 

PHALTZBOURÇ,  (Ghgraph.  mod.J 
petite  ville  de  France  ,  eiitre  l'Alface  &:  la 
Lorraine  ,  avec  titre  de  principauté,  Ç'eft 
june  place  d'import^ace  pour  la  communi- 
.çation  des  trois  évêchés  de  Metz ,  Toul 
&  Verdun.  Elle  eft  fur  une  hauteur  au  pié 
.des  montagnes  de  Vofge ,  à  %  lieues  de 
Saverne ,  ii  N.  O.  de  Strasbourg,  91  E. 
.de  Paris.  Long.  34 ,  56 ,  17  ;  lat.  48  ,  46. 

La  ville  de  PhaLi-^hoiirg  appartenoitaux 
4,ucs  de  ^^Qrraine ,  niçiij  e^le  à  étp  ççdçp  à 


P  H  A 

la  France  avec  {^^  dépendances ,  par  !« 
traité  de  Vincennes,  en  1661  ,enfuite  par 
celui  de  Ryfvv'ii;  en  .1697  ,  &  finalement 
par  celui  de  Paris  en  171 8.  {D.  J.) 

PHAMENOTH,  f.  m.  {CaUnd.égypt.) 
nom  que  les  Egyptiens  donnent  au  feptiem© 
<||pi$  de  leur  année.  Il  commence  le  2Ç 
f^rier  du  calendrier  Julien. 

PHANEyS ,  (Mytkol.J  les  peuples  de 
l'île  de  Chio  honoroient  Apollon  fous  le 
nom  de  Pkantits\  c'eft-à-dire,  celui  qui 
donne,  la  lumière ,  de  ^aûm ,  luire.,  éclairer, 

PHANTASE,  f.  m.  (MythoL)<X\y\. 
nité  trompeufe  qui  enchantoit  les  léns  de 
ceux  qui  veilioieni  ou  qui  dormoient.  Ce 
dieu  njalFaifant ,  environné  d'une  foule  in- 
nombrable de  menfonges  ailés  qui  volti^ 
gent  autour  de  lui ,  répandoit  de  nuit  oa 
de  jour  une  liqueur  fubrile  fur  les  yeux  de 
ceux  qu'il  vouloir  décevoir.. Dès  ce  mo- 
ment leurs  rêves  les  abufoient  ;  &  quand 
ils  étoient  levés,  ils  neprouvoient  pas  de 
moindres  illufions  ,  ils  ne  voyoient  rien  de 
véritable;  enfin  de  faufles  images  de  cç 
qu'ils  regardoient ,  fe  préfentoient  égale- 
ment à  leur  vue  pour  les  tromper.  Ce  font 
là  les  erreurs  de  l'imagination,  &  c'eft  à.Q$ 
phant.ômes  qu'elle  fe  fait ,  que  le  mot  de 
phantafe  a  tiré  fa  naiffance. 

PHANT ASTIQUE  ,  en  mufique ,  ftyle 
phantafiiaue ,  e'eft-à-dire,  manière  de 
compofttion  libre  &  aifée,  propre  aujf 
inftrumens,  Foye^  StyLE  &  COMPOSI- 
TION. fi'J) 

PHANTOME,  Ç  m,  (Thcol. païenne.) 
fpedre  efFrayanr.  La  même  fource  d'où  font 
venus  les  oracles ,  a  donné  naiifance  aux 
phantômes.  On  fe  forgea  des  dieux  qui 
n'infpirojent  que  la  terreur  &  la  crainte  àts 
maux  qu'on  les  croyoit  capables  de  faire  : 
ayant  plus  de  part  à  la  religion  des  peuples, 
que  la  confiance  &  l'amour  de  la  juftice  , 
les  efprits  s'occupèrent  des  idées  de  leurs 
divinités  redoutables  ,  fous  des  fi^gures 
monftrueufes,  qui  ne  pouvoient  manquer 
d'altére.r  l'imagmation  des  çnfans.  Ces 
vains  phantômes  les  tenoient  dans  une 
frayeur  terrible  ,  qui  durpit  quelquefois 
autant  que  leur  vie. 

Mais  les  poètes  ôter^nt  aux  phantômes 

leur  appareil  lidicule,  pour  ne  les  confi- 

,  dérer  que  çomiiie  des  illuftons  que  les  dieux 

ç.mpjoyoient 


PH  A 

employoient  quelquefois  à  tromper  les 
hommes  ;  c'eft  ainfi  que  dans  Virgile  ', 
Junon  voulaîit  fauver  Turnus  ,  &c  le  tirer 
de  la  mêlée  où  il  expofoit  témérairement 
fa  valeur  ,  forma  d'une  épaifle  nuée  ,  le 
phantôme  d'Enée  ,  auquel  elle  donna  les 
armes  ,  la  démarche  &:  le  Son  de  voix  du 
prince  troyen.  Elle  préfente  ce  phantôme 
devant  Turnus ,  qui  ne  manqua  pas  d'abord 
de  Tattaquer  ;  le  faux  Enée  fe  fauve  ,  & 
Turnus  le  pourfuit  jufques  dans  un  vaifleau 
qui  fe  trouvoit  au  port  :  alors  la  déefle 
poulie  le  vaifleau  en  pleine  mer  ,  &:  fiit 
difparoître  le  rival  imaginaire  du  prince 
Rutule. 

QuofugJs  y  JEnea  ?  thalamos  ne  défère  paâos. 


T^lia  vociferans  fequitur  ,  jîriBumque  ce- 


rufcat. 


JMucronem ,  nec  ferre  videtfua  gaudia  ventos. 
Antià.  lib.  îo.  V.  64^. 

«  Où  fuis-tu  ',  Enée  ,  s'écrie-t-il ,  n'aban- 
»>  donne  pas  l*époufe  qui  t'eft  promile  »  î 
En  parlant  ainfi  ,  il  pourfuin  un  phantôme  , 
lYpce  à  la  main  ,  éc  ne  volt  pas  que  les 
vents  emportent  fa  fauflè  joie.  (  D.  /.) 

PHAR^  ,  (  GSogr.  anc.  )  il  y  a  plu- 
sieurs villes  de  ce  nom  ,  favoir  ,  1°.  celle 
de  TAchaïe  propre  ,  félon  Polybe  ,  lïv.  II. 
/i°.  42.  &  Etienne  le  géographe  ,  quicon- 
noît  dans  la  même  contrée  une  ville  nom- 
mée Pharœ. 

Il  fe  pourroit  fort  bien  faire  que  cette 
dernière  feroit  la  même  que  Phares  ,  que 
Ptolomée  ,  liv.  III.  ch,  xvj.  appelle  aulTî 
Pheriv.  Il  la  met  dans  les  terres  :  mais 
fuivant  l'ordre  dans  lequel  Strabon ,  livre 
VIII  y  pagr^SS  ,  qui  écrit  Phara  ,  place 
cette  ville  ,  elle  ne  devoir  pas  être  bien 
éloignée  de  la  mer.  ^ 

2**.  Pharce  du  Péloponefe  ,  près  du 
golfe  Mefféniaque  :  Ptolomée  ,  liv.  III. 
chap.  xvj.  qui  écrit  Pherœ  ,  la  place  au 
delà  du  fleuve  Pamifus  ;  &  Paufanias  ,  liv. 
Meffen.  c.  xxxj.  dit  qu'elle  étoit  preique  à 
6  ftades  de  la  mer. 

3°.  Pharce  de  l'ile  de  la  Crète  ,  félon 
Etienne  le  géographe  ,  qui  dit  que  c^étoit 
une  colonie  de  MelTéniens.  Pline  ,  /.  IV. 
Tome  XXV, 


PHA  6o\ 

chap.  xij.  fait  aufTi  mention  de  cette  ville. 
(£>./.) 

PHARAN  ,  (  Géogr.  anc.  )  i«.  défert 
de  l'Arabie  pétrée  ,  au  midi  de  la  terre 
promile  ,  au  nord  &  à  Torient  du  golfe 
Elanitique.  Il  en  eft  bsaucoup  parlé  dans 
l'écriture  ;  la  plupart  des  demeures  de  ce 
pays  étoient  creufées  dans  le  roc. 

1°.  Pharan. ,  ville  de  l'Arabie  pétrée  , 
fituée  à  trois  journées  de  la  ville  d'Elat  ou 
Ailat ,  vers  l'orient  :  c'eft  cette  ville  qui 
donnoit  le  nom  au  défert  de  Pharan. 

PHARANGIUM  ,  (  Gécgr.  anc.  ) 
forterefl'e  de  la  Perfe  arménienne.  Procope , 
liv.  II.  chap,  XXV.  dans  fon  hiftoire  de  la 
guerre  contre  les  Perles  ,  dit  qu'il  y  avoir 
des  mines  d'or  aux  environs ,  &  q ue  Cavadc 
à  qui  le  roi  de  Perfe  en  avoir  donné  la 
direârion  ,  livra  le  fort  de  Pharangium 
aux  Romains  ,  à  la  charge  qu^il  ne  leur 
donneroit  rien  de  l'or  qu'il  tiroit  des  mi- 
nes. Procope  dit  plus  bas  ,  liv.  II.  chap. 
xxix.  que  le  fleuve  Boas  prend  fa  fburce 
dans  le  pays  des  Arméniens  qui  habitent 
Pharangium  ,  proche  des  frontières  dzs 
Traniens.  {D.  /.) 

PHARAON ,  f.  m.  (  Jeu  de  hafard.  ) 
les  principales  règles  de  ce  jeu  font , 

Que  le  banquier  taille  avec  un  jeu  entier 
conipofé  de  cinquante-deux  cartes. 

Qu'il  tire  toutes  les  cartes  de  fuite  , 
mettant  les  unes  à  fa  droite  ,  &  les  autres  à 
fa  gauche. 

Qu'à  chaque  main  on  taille  ,  c'eft-à-dire, 
de  deux  en  deux  cartes  :  le  ponte  a  la 
liberté  de  prendre  une  ou  plufieurs  cartes , 
&  de  hafarder  deflus  une  certaine  fommc. 

Que  le  banquier  gagne  la  mife  du  ponte , 
lorfque  fa  carte  du  ponte  arrive  à  la  main 
droite  dans  un  rang  impair  ,  8c  qu'il  perd , 
iorfque  la  carte  du  ponte  tombe  à  la  maia 
gauche ,  ôc  dans  un  rang  pair. 

Que  le  banquier  prend  la  moitié  de  ce 
que  le  ponte  a  mis  fur  la  carte ,  lorlquc 
dans  une  même  taille  ,  la  carte  du  ponte 
vient  deux  fois  ;  ce  qui  fait  une  partie  de 
davantage  du  banquier. 

Et  enfin  que  la  dernière  carte  qui  devroit 
être  pour  le  ponte ,  n'cft  ni  pour  lui  ,  ni 
pour  le  banquier  î  ce  qui  eft  encore  ua 
avantage  pour  le  banquier. 

D'où  l'on  voit ,  1°.  que  la  carte  du  ponte 
GSSS 


^oi  P   H  A 

n'étant  plus  qu'une  fois  dans  le  talon  ,  la 
différence  du  fort  du  banquier  &  du  ponte 
eft  fondée  fur  ce  qu'entre  tous  les  divers 
arrangemens  poffibles  des  cartes  du  ban- 
quier ,  il  y  en  a  un  plus  grand  nombre  qui 
le  font  gagner  ,  qu'il  n'y  en  a  qui  le  font 
perdre  ,  la  dernière  carte  étant  confidérée 
comme  nulle  ;  2°.  que  l'avantage  du  ban- 
quier augmente  à  mefure  que  le  nombre 
des  carres  du  baTiquier  diminue;  5°.  que  la 
carte  du  ponte  étant  deux  fois  dans  le  ta- 
lon ,   l'avantage  du  banquier  fe  tire  de  la 
.probabilité  qu'il  y  a  que  la  carte  du  ponte 
viendra  deux  fois  dans  une  même  taille  ; 
car  alors  le  banquier  gagne  la  moitié  de 
la  mife  du  ponte ,  excepté  le  feul  cas  où 
îa  carte  du    ponte  viendroit   en    doublet 
dans  la  dernière  taille  ,  ce  qui  donneroit 
au   banquier    la  mife  entière  du   ponte  ; 
4°.  que  la  carte  du  ponte  étant  trois  ou 
""  quatre  fois  dans  la  main  du  banquier  ,  l'a- 
vantage du  banquier  eft  fondé  fur  la  pof- 
iîbilité  qu'il  y  a  que  k  carte  du  ponte^  fè 
Trouve  deux  fois  dans  une  même  taille  , 
avant  qu'elle  ioit  venue  en  pur  gain  ou  en 
pure  perte  pour  le  banquier.  Or  cette  pol- 
fibilité  augmente  ou  diminue  ,  félon  qu'il 
y  a  plus  ou  moins  de  cartes  dans  la  main  du 
banquier  ,  &  félon  que  la  carte  du  ponte 
s'y  trouve  plus  ou  moins  de  fois. 

D'où  l'on  conclud  encore  que  pour  con^ 
noître  l'avantage  du  banquier  ,  par  rapport 
aux  pontes  ,  dans  toutes  les  différentes 
circonftances  du  jeu  ,  il  faut  découvrir  dans 
tous. les  différens  arrangemens  poflîbles  des 
cartes  que  tient  le  banquier  ,  &  dans  la 
fuppolition  que  la  carte  s'y  trouve  ou  une  , 
ou  deux  ,  ou  trois  ,  ou  quatre  fois  ,  quels 
font  ceux  qui  le  font  gagner  ,  quels  font 
ceux  qui  lui  donnent  la  moitié  de  la  mife  du 
ponte ,  quels  font  ceux  qui  le  font  perdre  , 
&  quels  (ont  ceux  enfin  qui  ne  le  font  ni 
perdre  ni  gagner. 

On  peut  former  deux  tables  de  tous  ces 
différens  hazards.  Pour  en  connoître  l'u- 
fage  ,  dans  la  première  ,  le  chiffre  ren- 
fermé dans  la  cellule  n  exprimeroit  le 
nombre  de  cartes  que  tient  le  banquier  ;  & 
le  nombre  qui  fuit ,  ou  la  cellule  dans  la 
première  colonne  ,  ou  deux  points  dans 
les  autres  colonnes  ,  exprimeroient  le 
nombre  de  fois   que   la   carte  du  ponte 


P  H  A 

efl  fuppof^e  fê  trouver  dans  k  main  du 
banquier. 

L'ufage  de  la  féconde  table  feroit  de 
donner  des  exprefïions  ,  à  la  vérité  moins 
exactes ,  mais  plus  fîmples  ôc  plus  intelligi- 
bles aux  joueurs  :  pour  entendre  cette  ta- 
ble ,  il  faut  favQJr  q,ue  ce  fîgne  ^  marque 
excès  j  &  que  celui-ci  ■<  marque  défaut  j 
en  forte  que  >■  ^  ^f  lignifie  plus  grand 
que:^ ,  &  plus  petit  que  |. 

En  examinant  ces  tables ,  on  verroit 
dans  la  première  colonne ,  que  l'avantage 
du  banquier  eft  exprimé  dans  la  première 
colonne  par  une  fraction  dont  le  numé-* 
rateur  étant  toujours  l'unité  ,  le  dénomi- 
nateur eft  le  nombre  des  cartes  que  tient 
le  banquier. 

Dans  la  fecoçde  colonne ,  que  cet  avan- 
tage eft  exprimé  par  une  fraction  dont  le; 
numérateur  étant  lelon  la  fuite  des  nombres 
naturels ,  i  ,  2  ,  3,4,  &c.  le  dénomina- 
teur a  pour  différence  entre  ces  termes  , 
les  nombres  8  ,  26  ,  34,  42  ,  50 ,  j8,  dont 
la  différence  eft  8. 

Que  dans  la  troifieme  colonne  le  numé-^ 
rateur  étant  toujours  3  ,  la  diffirence  qui 
règne  dans  le  dénominateur  eft  8. 

Que  dans  la  quatrième  colonne  k  difTé-^ 
rence  étant  toujours  4  dans  le  numérateur  , 
le  dénominateur  a  pour  différence  entre  Ces 
termes  les  nombres  24 ,  40 ,  56  ,  72  ,  88  . 
dont  la  différence  eft  16. 

Qu'une  autre  uniformité  afîez  fingulier« 
entre  les  derniers  chiffres  du  dénominateur 
de  chaque  terme  d'une  colonne  ,  c'eft  que 
dans  la  première  les  derniers  chiffres  du, 
dénominateur  font,  félon  cet  ordre:  4,  6^ 
8,0,2,14,6,  8,0,  i  i  &  dans  la  fé- 
conde ,  félon  cet  ordre  ,2,0,6,0,2, 
[2,0,6,0,2,  1 2  ,  a,  6 ,  o,  2  j  &  dan^ 
la  troifieme ,  félon  cet  ordre  , 
2,0,8,6,4,12,0,  8,6,  4;  Se  dans 
la  quatrième ,  félon  cet  ordre,  6  ,  0,0,6, 
8  ,  I  6 ,  o,  o,  6  ,  8  ,  &c. 

On  pouiroir ,  parle  moyen  de  ces  tables* 
trouver  tout  d'un  coup  combien  un  ban- 
quier a  d'avantage  fur  chaque  carre  ,  com- 
bien chaque  taille  complète  aura  dû  ,  à 
fortune  égale ,  apporter  de  profit  au  ban- 
quier ,  fi  l'on  le  fouvient  du  nombre  de 
cartes  prifes  par  les  pontes ,  des  diverfes 


P  H  A 

circonftances  dans  lefquelles  on  les  a  mifcs  j 
au  jeu  ,  &  enfin  de  la  quantité  d'argent  | 
Jiafardé  fur  ces  cartes. 

On  donncroicde  juftes  bornes  à  cet  avan- 
tage ,  en  établiffanrque  les  doublets  fuiîènt 
indifférens  pour  le  banquier  ôc  pour  le 
ponte  ,  ou  du  moins  qu'ils  valulïènt  feule- 
ment au  banquier  le  tiers  ou  le  quart  de  la 
mile  du  ponte. 

Afin  que  le  ponte  prenant  une  carre  ait 
le  moins  de  défavancage  pofïible ,  il  faut 
qu'il  en  choififlc  une  quiairpalFé  deux  foisi 
il  y  auroit  plus  de  défavantage  pour  lui  , 
s'il  prenoit  une  carte  qui  eût  paflé  une 
fois;  plus  encore  fur  une  carte  qui  auroit 
pafle  trois  fois ,  &c  le  plus  mauvais  choix 
feroit  d'une  carte  qui  n'auroit  point  encore 
paiïé. 

Ainfi  ,  en  fuppofant  ^=une  piftole  , 
l'avantage  du  banquier  qui  feroit  19  fous  2 
deniers ,  dans  la  fuppofition  que  la  carte 
<lu  ponte  fût  quatre  fois  dans  douze  cartes , 
deviendra  1 6  fous  8  deniers  ,  fi  elle  n'y  eft 
qu'une  fois  ;  1 5  fous  7  deniers ,  fi  elle  y  eft 
trois  fois  ;  &  ig  fous  7  deniers ,  Ci  elle  n'y 
eft  que  deux  fois. 

Les  perfonnes  qui  n'ont  pas  examiné  le 
fond  du  jeu  demanderont  pourquoi  on  n'a 
arien  dit  des  maflès  ,  des  parolis  ,  de  la 
paix  ,  &  des  fept  &  le  va  :  c'eft  que  tout 
cela  ne  fignifie  rien  ,  qu'on  rifque  plus  ou 
moins  ,  &  puis  c'eft  tout  ;  les  chances  ne 
changent  point. 

L'avantage  du  banquier  augmente  à 
pr(lf)ortion  que  le  nombre  de  fes  cartes 
diminue. 

L'avantage  du  banquier  fur  une  carte 
qui  n'a  point  paffé  ,  eft  prefque  double  de 
celui  qu'il  a  fur  une  carte  qui  a  paflé  deux 
fois;  fon  avantage  fur  une  carte  qui  a  pafte 
trois  fois  eft  à  fon  avantage  fur  une  carte 
qui  a  pafte  deux  fois  dans  un  plus  grand 
rapport  que  de  trois  à  deux. 

L'avantage  du  banquier ,  qui  ne  feroit 
qu'environ  14  fous  ,  fi  le  ponte  mettoit  fix 
piftoles  ou  à  la  première  taille  du  jeu  ,  ou 
fur  une  carte  qui  auroit  pafte  deux  fois , 
lorfqu'il  n'en  reft^oit  plus  que  vingt-huit 
dans  la  main  du  banquier  (  car  ces  deux  cas 
reviennent  à-peu-près  à  la  même  chofe  ) 
fera  7  liv.  t  fous,  il  le  ponte  met  fix  pif- 
toles fur  une  caice,  qui  n'aie  point  encore 


P  H  A  éo^ 

pafte ,  le  talon  n'étant  compofé  que  de  dix 
cartes. 

L^avantage  du  banquier  feroit  précifë- 
ment  de  fix  livres,  fi  la  carte  du  ponte  ^- 
dans  ce  dernier  cas ,  paflé  trois  fois. 

Ainfi  ,  toute  la  fcience  du  pharaon  (e 
réduit ,  pour  les  ponces,  à  Tobièrvation  des 
deux  règles  fuivantes. 

Ne  prendre  des  cartes  que  dans  les  pre- 
mières tailles  ,  &  hafarder  fur  le  jeu  d'au- 
tant moins  qu'il  y  a  un  plus  grand  nombre 
de  tailles  paftées. 

Regarder  comme  les  plus  mauvailès  car- 
tes celles  qui  n*ont  point  encore  pafte  ,  ou 
qui  ont  pafte  trois  fois ,  &  préférer  à  toutes 
celles  qui  ont  paflé  deux  fois. 

C'eft  ainfi  que  le  ponte  rendra  fon  défa- 
vantage le  moindre  poftible. 

PHARE  ,  fubf.  m.  (  Littérature.  )  tour 
conftruite  à  l'entrée  des  ports  ou  aux  en- 
virons ,  hquelle  ,  par  le  moyen  des  feux 
qu'on  y  tient  allumés  ,  fert  fur  mer  à 
guider  pendant  la  nuit  ceux  qui  approchent 
des  côtes. 

Ces  tours  éroient  en  ufage  àQ%  les  plus 
anciens  temps.  Lefchès ,  auteur  de  la  pe- 
tite Iliade  ,  qui  vivoit  en  la  trentième 
olympiade ,  en  mettoit  une  au  promon- 
toire de  Sigée  ',  auprès  duquel  il  y  avoir 
une  rade  oij  les  vaifleaux  abordoiciit.  Il  y 
avoir  des  tours  femblables  dans  le  pyrée 
d'Atkenes  &:  dans  beaucoup  d''autres  ports 
de  la  Grèce.  Elles  étoient  d'abord  d'une 
ftruifture  fort  fimple  j  mais  Ptolémce  Phi- 
ladelphc  en  fit  faire  une  dans  Pile  de 
Pharos ,  Çi  grande  &  fi  magnifique ,  que 
quelques-uns  l'ont  mife  parmi  les  mer- 
veilles du  monde.  Cette  tour  ,  élevée  Tan 
470  de  la  fondation  de  Rome  ,  prit  bien- 
tôt le  nom  de  Pile  ;  on  l'appella  le  phare  , 
nom  qui  depuis  a  été  donné  à  toutes  les 
autres  tours  fervant  au  même  ulage.  Voici 
Phiftoire  àtsphares  d'après  un  mémoire  de 
dom  Bernard  de  Montfaucon,  inféré  dans 
le  recueil  de  Lit  ter.  tom.  VJ. 

Les  rois  d'Egypte  joignirent  l'île  de 
Pharos  à  la  terre  par  une  chauffée  ,  &  par 
un  pont  qui  alloit  de  la  chauflee  à  Pile. 
Elle  avoir  un  promontoire  ou  une  roche 
contre  laquelle  les  flots  de  la  mer  fe  bri- 
foienr.  Ce  fut  fur  cette  roche  que  Ptolé- 
mée  fie  bâcir  de  pierre  blanche  k  tour  du 
GgSg  i 


^o4  P  H  A 

phare  ,  ayant  pluheurs  étages  voûtés ,  a- 
peu  près  comme  la  tour  de  Eabylone  , 
qui  étoit  à  huit  étages ,  ou  plutôt ,  comme 
Hérodote  s'exprime  ,  à  huit  tours  Tune  fur 
Tautre. 

L'extraordinaire  hauteur  de  cette  tour 
faifoit  que  le  feu  que  Ton  allumoit  deflus 
paroiflbit  comme  une  lune  j  c'eil  ce  qui  a 
fait  dire  à  Stace  : 

Lumina  ncBivagce  tollit  Pharos  cemuîa  lunce. 

Mais  quand  on  le  voyoit  de  loin  ,  il  fem- 
bloit  plus  petit  ,  &  avoit  la  forme  d'une 
étoile  aflèz  élevée  fur  Phorizon  ,  ce  qui 
trompoit  quelquefois  les  mariniers ,  qui 
croyant  voir  un  de  ces  aftres  qui  les  gui- 
doient  pour  la  navigation ,  tournoient  leurs 
proues  d'un  autre  coté ,  &  alloient  fe  jeter 
dans  les  fables  de  la  Marmarique. 

Le  géographe  de  Nubie  ,  auteur  qui 
écrivoitil  y  a  environ  650  ans ,  parle  de  la 
tour  de p/^ûre  comme  d'un  édifice  qui  fub- 
liftoit  encore  de  fon  temps  ;  il  l'appelle 
un  candélabre  ,  à  caufe  du  feu  &  de  la 
flamme  qui  paroiffoit  toutes  les  nuits.  Il 
13'y  en  a  point ,  dit-il ,  de  femblable  dans 
tout  l'univers  ;  quant  à  la  folidité  de  fa 
ftrudure  ,  elle  eft  bâtie  de  pierres  très- 
dures  jointes  enfemble  avec  des  ligatures  de 
plomb.  La  hauteur  de  la  tour ,  pourfuit-it, 
eft  de  trois  cents  coudées  ou  de  cent  fta- 
tures  5  c'tft  ainfi  qu'il  s'exprime  pour  mar- 
quer que  la  tour  avoit  la  taille  de  cent 
hommes ,  en  comptant  trois  coudées  pour 
la  taille  d'un  homme.  Selon  la  defcription 
du  même  auteur  ,  il  falloir  qu'elle  'îixx.  fort 
large  en  bas  ,  puifqu'il  dit  qu'on  y  avoit 
bâti  des  maifons.  Il  ajoute  que  cette  partie 
d'en  bas  ,  qui  éroit  li  large  ,  occupoit  la 
moitié  de  la  hauteur  de  cette  tour  ;  que 
l'étage  qui  étoit  au  deflus  de  la  première 
voûte  étoit  beaucoup  plus  étroit  que  le 
précédent  ,  en  forte  qu'il  laiflbit  une  ga- 
lerie où  l'on  pouvoir  fe  promener.  Il  parie 
plus  obfcurément  des  étages  iupérieurs ,  & 
il  dit  feulement  qu'à  mefurc  qu'on  maontc , 
les  efcaliers  font  plus  courts ,  &  qu'il  y  a 
des  fenêtres  de  tous  côtés  pour  éclairer  les 
montées. 

Pline  dit  que  ce  phare  coûta  huit  cents 
talens ,  qui  à  laifon  de  quatre  cents  cin- 


PH  A 

quante  livres  fterlings  pour  chaque  talent  y 
fuppofé  que  ce  foit  monnoie  d'Alexandrie  , 
font  la  fomme  de  trois  cents  foixante  mille 
livres  fterlings.  Softrare  Gnidien  ,  qui  en  fut 
l'architecte  ,  fentant  tout  le  prix  de  fon 
travail ,  craignit  l'envie  &  la  bafte  jalou- 
fie  5  de  tout  temps  ennemies  du  vrai  mé- 
rite ,  s'il  en  faifoit  parade ,  &  s'il  ne  l'ap- 
puyoit  d'une  puiftante  proie6bion.  Touché 
également  de  l'amour  de  la  gloire  ôc  de 
celui  du  repos,  il  voulut  concilier  l'un  avec 
l'autre.  Dans  cette  vue  il  dédia  ce  phare 
au  roi ,  par  une  infcription  toute  à  fon 
avantage  ;  mais  il  ne  la  grava  que  fur  du 
plâtre  ,  proprement  plaqué  fur  une  autre 
infcription  contenant  ces  mots  :  Soflrate 
Gnidien  ,  fils  de  Dixiphane  ,  a  confacrê 
cet  ouvrage  aux  dieux  nos  confervateurs  & 
au  falut  des  navigateurs.  Par  cet  artifice 
la  première  dédicace  ne  fubfifta  guère  que 
pendant  la  vie  du  roi ,  le  plâtre  fe  détrui- 
fànt  peu-à-peu  j  l'autre  parut  alors ,  &: 
a  tranfmis  le  nom  de  Softrare  à  la  poftérité. 
Fifcher  a  repréfenté  le  phare  de  Softrate 
dans  fon  •  Ejfai  d* architecture  hiftoriqut  > 
pl.iyi.liv.I. 

Le  phare  d'Alexandrie  ,  qui  communi- 
qua (on  nom  à  tous  les  autres ,  leur  fervit 
aufïî  de  modèle.  Hcrodien  nous  apprend 
qu'ils  étoient  tous  de  la  même  forme. 
Voici  la  defcription  qu'il  en  donne  à  l'oc- 
cafion  de  ces  catafalques  qu'on  drefloit  aux 
funérailles  des  empereurs.  "  Au  deftiis  du 
■•>  première  quarré  il  y  a  un  autre  étage  plus 
'>  petit  ,  orné  de  même  ,  &  qui  If  des 
»  portes  ouvertes  j  fur  celui-là  il  y  en  a 
»  un  autre ,  H  fur  celui-ci  encore  un 
»  autre,  c'eft-à-direjufqu'à  trois  ou  qua- 
y>  tre  ,  dont  les  plus  hauts  font  toujours 
"  de  moindre  enceinte  que  les  plus  bas  > 
»  de  iorte  que  le  haut  eft  le  plus  petit 
"  de  tous  ;  tout  le  catafalque  eft  1cm- 
"  blable  à  ces  tours  qu'on  voit  fur  les  ports 
»  &  qu'on  appelle  phares  ,  où  l'on  met 
»  des  feux  pour  éclairer  les  vaiftcaux  ,  & 
»  &  leur  donner  moyen  de  fe  retirer  en 
'>  lieu  sûr.  »j 

il  y  a  eu  plufieurs^iécrcjen  Italie.  Pline 
parle  de  ceux  de  Ravenne  &  de  Pouzzot  j. 
Suétone  fait  aufïî  mention  du  phare  de 
l'île  Capréc  ,  qu'un  tremblement  de  terre 
fit  tomber  peu  de  jours  avant  la  mort  de 


P  H  A 

Tibère.  Il  ne  faut  pas  douter  qu'on  n'en  ait 
fait  encore  bien  d'autres. 

Denys  de  Byfance ,  géographe ,  cité  par 
^Pierre  Gilles ,  fait  la  delcription  d'un  phare 
célèbre  ,  fitué  -à  l'embouchure  du  fleuve 
Chiytorrhoas ,  qui  fe  dégorgeoir  dans  le 
.rofphore  de  Thrace.  Au  fommet  de  la 
colline  ,  dit-il ,  au  bas  de  laquelle  coule  le 
Chry  forrhoas ,  on  voit  la  tour  Timée  d'une 
hauteur  extraordinaire  ,  d'où  Pon  découvre 
une  grande  plage  de  mer ,  &  que  l'on  a 
bâtie  pour  la  sûreté  de  ceux  qui  navigeoient, 
en  allumant  des  feux  à  ion  fommet  pour 
les  guider  ;  ce  qui  étoit  d'autant  plus  nécef- 
faire,  que  l'un  &  l'autre  bord  de  cette  mer 
efl:  fans  ports  ,  &c  que  les  ancres  ne  fau- 
roient  prendre  à  fon  fond  :  mais  les  Bar- 
bares de  la  côte  allumoient  d'autres  feux 
aux  endroits  les  plus  élevés  des  bords  de  la 
mer ,  pour  tromper  les  mariniers  &c  profiter 
de  leur  naufrage,  lorfque  fe  guidant  par 
ces  faux  fignaux  ,  ils  alioient  le  briler  fur 
la  cote  ;  à  préfenr ,  pourfuit  cet  auteur  ,  la 
tour  eft  à  demi  ruinée  ,  &  l'on  n'y  met 
plus  de  fanal. 

Un  des  plus  célèbres  phares  que  l'on 
connoiflè,  écqui  fubfi doit  encore  en  1645  , 
c'eft  celui  de  Boulogne  fur  mer  ,  Bcnonia  , 
qui  s'appelloir  aufïi  autrefois  Gejforiacum. 
Il  femble  qu'il  n'y  ait  pas  lieu  de  douter  que 
ce  ne  foit  de  et  phare  dont  parle  Suétone 
dans  la  vie  de  l'empereur  Caïus  Caligula 
qui  le  fît  bâtir.  Il  y  a  d'autant  plus  lieu 
de  le  croire  ,  que  l'hiftoire  ne  fait  mention 
que  d'un  phare  bâti  fur  cette  cote ,  & 
qu'on  n'y  a  jamais  remarqué  de  trace  d'au- 
cun autre. 

Cette  tour  fut  élevée  fur  le  promontoire 
ou  fur  la  falaife  qui  commandoit  au  port  de 
la  ville.  Elle  étoit  oftogone  j  chacun  des 
côtés  avoir  ,  félon  Bucherius ,  vingt-quatre 
ou  vingt-cinq  pies.  Son  circuit  étoit  donc 
d'environ  deux  cents  pies  ,  &  fon  diam^etre 
de  foixante-iîx.  Elle  avoit  douze  entable- 
mens  ou  efpeccs  de  galeries  qu'on  voyoit 
au  dehors ,  en  y  comprenant  celle  d'en  bas 
cachée  par  un  petit  fort  que  les  Anglois 
avoient  bâti  tout  autour  quand  ils  s'en  ren- 
dirent maîtres  en  1545.  Chaque  entable- 
ment ménagé  fur  l'épaifléur  du  mur  de  dei- 
fous  ,  faifoit  comme  une  petite  galerie  d'un 
pié  &  demi  j  ainfi  cq  phare  alloit  toujoi^ 


P  H  A  ^05 

en  diminuant ,  comme  nous  avons  vu  des 
autres  p/îûrei-. 

Ce  phare  étoit  appelle  depuis  plufieurs 
fîecles  tiirris  ordans  ,  ou  turris  ordenfis. 
Les  Boulonnois  l'r.ppelloientla  tour  d'ordre, 
Plufieurs  croient ,  avec  aflez  d'apparence , 
que  turris  ordans  ou  ordenfis  ,  provenoic 
de  turris  ardens  ,  la  tour  ardente:  ce  qui 
convenoit  parfaitement  à  une  tour  où  le 
feu  paroiffoit  toutes  les  nuits. 

Comme  il  n'y  a  point  d'ouvrage  fait  par 
la  main  des  homm.es  qui  ne  pétille  enfin , 
foi:  par  l'injure  du  temps  ,  foit  par  quel- 
que autre  accident ,  la  tour  &:  la  forte- 
reflè  tombèrent.  Voici  commuent  :  cette 
partie  de  la  falaife  ou  de  la  roche  qui 
avançoit  du  côté  de  la  mer ,  étoit  com.me 
un  rempart  qui  mettoit  la  tour  &  la  for- 
terefîe  à  couvert  contre  la  violence  des 
marées  &  des  flots  \  mais  les  habitans  y 
ayant  ouvert  des  carrières  pour  vendre  de 
la  pierre  aux  Hoîlandois  &  à  quelques  villes 
voifines ,  tout  ce  devant  fe  trouva  à  la  fin 
dégarni,  &  alors  la  mer  ne  trouvant  plus 
cette  barrière ,  venoit  fe  brifer  au  deflôus 
de  la  tour  ,  &  en  détacboit  toujours  quel- 
que pièces  d'un  autre  côté,  les  eaux  qui 
découloient  de  la  falaife ,  minoient  infe»- 
fiblement  la  roche  ,  &  creufoient  fous 
les  fondemens  du  phare  &  de  la  foriereffe, 
de  forte  que  l'an  1647,  le  29  de  juillet  , 
la  tour  &  la  fortefle  tombèrent  en  plein 
midi.  C'eft  encore  un  bonheur  qu'un  Bou- 
lonnois ,  plus  curieux  que  fes  compatrio- 
tes ,  nous  ait  confcrvé  la  figure  de  ce 
phare;  il  feroit  à  fouhaiter  qu'il  fe  fut 
avifé  de  nous  inftruire  de  même  fur  fes 
dimcnfions. 

Ce  phare  ,  bâti  par  les  Romains ,  éclai- 
roit  les  vaifl'eaux  quipafibient  de  la  Grande- 
Bretagne  dans  les  Gaules.  Il  ne  faut  point 
douter  qu'il  n'y  en  eût  aufïi  un  à  la  côte 
oppofée  ,  puifqu'il  y  étoit  auiîi  néceflrûre 
pour  guider  ceux  qui  pafïôient  dans  l'ile. 
Plufieurs  perfonnes  croient  que  la  vieille 
tour  qui  fubfîfte  aujourd'hui  au  milieu  du 
château  de  Douvres  ,  étoit  le  phare  des 
Romains;  d'autres  penfent  que  ce  phare 
étoit  fitué  où  eft  le  grand  monceau  de 
pierres  &  de  chaux  qu'on  vo^Éuprès  diï 
château  de  Douvres ,  &  que  ^Ç  gens  du 
pays  appellent  la  goutte  du  diabk. 


'ëo$  P  H  A 

L'archevêque  de  Cantorbéry  envoya  au 
P.  Momfaucon  un  plan  de  ce  qu'il  croyoit 
être  le  phare  de  Douvres.  En  fouillant  dans 
un  grand  monceau  de  mafures,  par  l'ordre 
de  cet  archevêque ,  on  trouva  un  p/inre 
tout-à-fait  femblable  à  celui  de  Boulogne  , 
fans  aucune  différence  ;  ce  qui  fait  juger 
que  celui  qui  eft  encore  aujourd'hui  fur 
pié  ,  ne  fut  fait  que  quand  l'ancien  eut  été 
ruiné. 

Le  i:om  â^  phare  s'étendit  bien  davan- 
tage que  celui  de  maufolée.  Grégoire  de 
Tours  le  prend  en  un  autre  fens.  On  vit , 
dit-il,  un  phare  de  feu  çui  fortit  de  Véglife 
de  faint  Hilaire  ,  &  qui  vint  fondre  fur 
le  roi  Claris.  Il  fe  fert  auffi  de  ce  nom 
pour  marquer  un  incendie  :  ils  mirent  , 
dit -il ,  le  feu  à  VégUfe  de  faint  Hilaire  , 
Ù  firent  un  grand  phare  ,  &  pendant  que 
Véglife  brûlait  ,  ils  pillèrent  le  monajîere  : 
tîn  brûleur  d'églife  étoit  par  conléquent  un 
faifeur  de  phares. 

On  appella  phares  dans  des  temps  pof- 
térieurs  ,  certaines  machines  où  l'on  met- 
toit  pluiieurs  lampes  ,  ou  pluiieurs  cierges , 
&  qui  approchoient  de  nos  luftres  :  elles 
étoienr  de  diverfes  formes. 

Ce  mot  phare  a  encore  été  pris  en  un 
feus  plus  métaphorique  ;  on  appelle  quel- 
quefois phare  tout  ce  qui  éclaire  en  inftrui- 
fant ,  Ôc  même  les  gens  d'efprit  qui  fervent 
à  éclairer  les  autres  :  c'eft  en  ce  fens  que 
Ronfard  difoit  à  Charles  IX. 

Soye':^  mon  phare  ,    ù  garde  d'abymes  , 
Ma  nef' qui  tombe  en  fi  profonde  mer. 

{Le  chevalier  DE  J au  court.) 

PHARE'S  ,  (  Gévgr.  ancienne.  )  ville 
d'Achaïe  ,  où  Mercure  &  Vefta  avoient 
conjointement  un  oracle  célèbre.  Augufte 
réunit  cette  ville  au  domaine  de  Patra  : 
voici  ce  qu'en  dit  Paufanias. 

On  compte  de  Pharh  à  Patra  ,  environ 
cent  cinquante  ftades  ;  &  de  la  mer  au 
continent  ,  on  en  compte  environ  foixante 
&  dix.  Le  fleuve  Piérus  pafle  fort  près  des 
murs  à^Phar}s  \  c'eft  le  m.ême  qui  baigne 
les  ruin^p'Olcne ,  &:qui  ed  appelle  P/'eVi/j 
du  côté  de  la  mer.  On  voit  fur  fes  rives 
comme  une  forêt  de  platanes ,  vieux ,  creux 


PH  A 

pour  la  plupart ,  &  en  même  temps  d'une 
fi  prodigieulè  groflTeur  ,  que  plufieurs  per- 
fonnes  y  peuvent  manger  &  dormir  comme 
dans  un  antre. 

La  place  publique  de  Phares  ,  continulj^. 
Çaufanias  ,   eft  bâtie  à  l'antique  ,  &   forjkï^^ 
circuit   eft   fort  grand.    Au   milieu  vous^  y 
voyez  un  mercure  de  marbre  qui  a  une 
grande  barbe  ;  c'eft  une  ftatue  de  médio- 
cre grandeur  ,  de  figure  quarrée ,  qui  eft 
debout  à  terre  ,  fans  piédeftal.  L'infcrip- 
tion  porte  que    cette   ftatue  a  été  pofée 
là  par   Simylus    Meflenien ,  &  que  c'eft 
Mercure  Agoreus  ,  ou  le  dieu  du  marché  : 
on  dit  que  ce  dieu  rend  là  des  oracles. 

Immédiatement  devant  fa  ftatue  ,  il  y 
a  une  Vefta  qui  eft  aulTi  de  m.arbre  ;  la 
déeile  eft  environnée  de  lampes  de  bronze  , 
attachées  les  unes  aux  autres ,  &  fondées 
avec  du  plomb.  Celui  qui  veut  confulter 
l'oracle  ,  fait  premièrement  fa  prière  à 
Vefta  ,  il  Pencenfe  ,  il  verfe  de  l'huile 
dans  toutes  les  lampes  Se  les  allume  ;  puis 
s'avançant  verslautel ,  il  met  dans  la  main 
droite  de  la  ftatue  une  petite  pièce  de 
cuivre  ,  c'eft  la  monnoie  du  pays  ;  ehfuire 
il  s'approche  du  dieu  ,  &  lui  fait  à  l'oreille 
telle  queftion  qu'il  lui  plaît.  Après  toutes 
ces  cérémonies ,  il  fort  de  la  place  en  fe 
bouchant  les  oreilles  avec  les  mains  -,  dès 
qu'il  eft  dehors  ,  il  écoute  les  pafTans  ,  & 
la  première  parole  qu'il  entend  ,  lui  tient 
lieu  d'oracle.  La  même  chofe  fe  pratique 
chez  les  Egyptiens  dans  le  temple  d'Apis. 

Une  autre  curiofité  de  la  ville  de  Pharh , 
c'eft  un  vivier  que  l'on  nomme  hama ,  & 
qui  eft  confacré  à  Mercure  avec  tous  les 
poiflbns  qui  font  dedans  ;  c'eft  pourquoi 
on  ne  le  pêche  jamais.  Près  d^  la  ftatue 
du  dieu  ,  il  y  a  une  trentaine  de  grofies 
pierres  quarrées,dont  chacune  eft  honorée 
par  les  habitans  fous  le  nom  de  quelque 
divinité  ;  ce  qui  n'eft  pas  fort  furprenant , 
car  anciennement  les  Grecs  rendoient  à 
des  pierres  toutes  brutes  les  même  hon- 
neurs qu'ils  ont  rendus  depuis  aux  ftatues 
des  dieux. 

A  quinze  ftades  de  la  ville  ,  les  Diof- 
cures  ont  un  bois  facré  tout  planté  de  lau- 
riers :  on  n'y  voit  ni  temples ,  ni  ftatues  j 
jnais  (i  l'on  en  croit  les  habitans ,  il  y  a 
"eu  autrefois  dans  ce  lieu  nombre  de  ftatues 


P  H  A 

qnî  ont  cté  tranfporrées  à  Rome  ;  préfen- 
tement  il  n'y  refte  qu'un  autel  qui  eft  bâti 
de  très-belles  pierres.  Au  rerte ,  je  r/ai  pu 
favoir  fi  c'eft  Pharh  ,  fils  de  Philodamie  , 
&  petit-fils  de  Danalis ,  qui  a  bâti  la  ville 
de  Phares  ,  ou  fi  c'en  eft  un  autre.  Ce 
récit  de  Paufanias  contient  bien  des  chofes 
Gurieufes  ,  entre  lefquelles  il  faut  mettre 
l'oracle  fingulier  de  cette  ville.  (  D.  7.  ) 

PHARICUM  ,  r.  m.  (  HiJÎ.  despoifons.) 
nom  d'un  poifon  violent,  qui  par  bon  heur  eft 
inconnu  aux  modernes.  Scribonius  Largus 
nous  apprend,  n°.  195  ,  qu'il  étoitcompofé 
de  plufieurs  ingrédiens  ;  mais  on  n'en  con- 
noït  aujourd'hui  aucun.  {  D,  J.) 

PHARINGEE  ,  en  anatomie  ,  nom  des 
artères  qui  fe  diftribuent  aux  pharinx. 
Haller  ,  icon.  Anat.  faf.  ii.  6"  J. 

PHARINGO-PALATIN  DE 
SANTORINI,  en  anatomie  ,  eft  le 
fkaringo-fîiiphilin  de  VVinllow  ,  de  Wal- 
ilier  ,  d'Heifter  ,  de  Valfava ,  ùc.  &  une 
partie  du  mulcle  thryro-palatin.  F'oye^ 
Thyro  -  Pal  ATiN. 

PH  ARINGO-STAPHILIN,e/2 
anatcmie  ,  nom  d'une  paire  de  mu'cles  de 
la  luette  ,  qui  viennent  de  chaque  coté  des 
parties  latérales  de  pharinx ,  de  le  terminent 
au  voile  du  palais^ 

PHARÏNGOTOME  ,  f.  m.  inftrument 
de  chirurgie,  dont  on  fe  fert  pour  fcarifier 
les  amygdales  enflammées  &  fi  gonflées, 
qu'elles  empêclient  la  déglutition  &  mena- 
cent de  fuflàcation  ,  ou  pour  ouvrir  les 
abcès  dans  le  fond  de  la  gorge. 

Ce  mot  eft  grec  ^tpvyyarouot  ,  formé  de 
»âf L^l  >  pharinx ,  go(ier  ,  &  de  lo/xiî  ,  fe3io  , 
incifio ,  fedion  ,  incifion. 

Cet  inftrument  ,  imaginé  par  M.  Petit , 
eft  une  lancette  cachée  dans  une  canule 
ou  gaine  d'argent  ,  &  que  l'on  porte  dans 
le  fond  de  la  bouche  fans  aucun  ri! que  , 
&  fans  que  les  malades ,  qui  pour  l'ordi- 
naire craignent  beaucoup  les  inftrumens 
tranchans,  s'en  apperçoivent  ,^^.  ?  ,  PL 
XXIII. 

Le  pharingoîome  eft  compofé  de  trois 
parties  ;  d'une  canule ,  d'un  ftylet  &  d'un 
lefîort.  f^eye:^  la  fig. 

La  canule  ie  divife  en  deux  parties  ;  la 
fupérieure  qui  forme  le  manche  de  Pinf- 
trument  relfemble  à  une  petite  feringue  à 


P  H  A  éoj 

injedion  5  c'eft  une  petite  canonnfere  exac- 
tement cylindrique.  Ce  cylindre  eft  creux , 
fort  poli  en  dedans  ,  &c  Umg  de  deux 
pouces  fur  fix  lignes  de  diamètre.  On  fait 
Moudcr  fur  le  milieu  de  cette  canonnière 
un  anneau  ,  exaébement  rond  &  poli  fur 
Je  coté  parallèle  au  tranchant  de  la  lan- 
cette :  on  palîe  le  doigt  du  m.ilieu  dans 
cet  anneau  lorfqu'on  tient  TinAru ment. 

La  partie  inférieure  de  la  canule  eft  un 
fourreau  ou  gauie  d'argent ,  de  même  que 
le  cyhndrc.  Sa  longueur  eft  de  quatre 
pouces  6c  demi  ,  là  largeur  de  quatre 
lignes  ,  &  ion  diamètre  dune  ligne  &c 
un  tiers  ,  y  compris  la  cavité.  Ce  fourreaa 
ne  doit  pas  être  foudé  à  la  partie  infé- 
rieure da  la  canonnière  ;  il  faut  qu'il  s'y 
monte  par  le  moyen  d'une  vis  ,  pour 
pouvoir  nettoyer  l'inftrument  avec  facilité, 
après  une  opération  qui  a  couvert  de  pus 
ou  de  fang  la  lancette  ,  qui  rentre  dans  le 
fourreau  dès  que  les  incifions  convenables 
fi^nt  faites. 

La  gaîne  doit  être  légèrement  courbe, 
de  façon  que  la  convexité  fe  trouve  formée 
par  un  des  cotés  du  fourreau  ,  &  la 
cavité  par  l'autre  ;  cette  légère  courbure 
permet  à  l'œil  de  voir  l'endroit  abcédé 
ou  gonflé  où  l'on  veut  opérer ,  avantage 
que  n'auroit  point  une  gaine  droite. 

La  féconde  partie  du  pharingoîome  eft 
le  ftyiet ,  on  pour  mieux  dire ,  le  mandrin,  j 
fa  matière  eft  d'argent  comme  toute  la 
gaine ,  &  il  eft  de  deux  ou  trois  lignes 
plus  long  qu'elle  3  les  deux  tiers  de  fon 
corps  doivent  être  applatis  ,  afin  de 
cadrer  avec  la  cavité  du  fourreau  ou 
gaîne.  Ses  deux  extrémités  font  diffé- 
remment conftruites  ,  car  l'une  eft  émincée 
pcHix  y  fonder  une  lancette  à  grain  d'orge* 
aftez  forte  pour  réfifter  &  ne  pas  s'émou- 
cheter  j  l'autre  extrémité  eft  exaéxeraent 
ronde  ,  &  reprélente  un  petit  cylindre 
dans*l'étendue  de  deux  travers  de  doigt  , 
au  bout  duquel  on.  fait  faire  un  petit  bou- 
ton en  forme  de  pommette  ,  &  garni  lur 
fon  fommetde  petites  cannelures  radieufes^ 
pour  recevoir  le  pouce  par  une  furface 
ijîégale.. 

Un  ponce  ou  environ  au  deftbus  de 
cette  pomme  ,  il  y  a  une  plaque  circu»» 
laire  3  placée    horizontalement  &   foudéc^ 


^o8  P  H  A 

dans  cet  'endroit  ;  l'ufage  de  cette  plaque 
eft  de  pefer  fur  le  redore  à  boudin  ,  de 
le  pou  (1er  vers  la  partie  inférieure  de  la 
canonnière  ,  &  d'empêcher  le  ftylet  de 
s'élever  plus  qu'il  ne  faut. 

Enfin  la  troiiieme  partie  du  pharin- 
gotome  eft  un  relfort  à  boudin  fait  avec 
un  reflort  de  montre  tourné  en  cône  ; 
on  met  ce  boudin  dans  la  canonnière  , 
de  forte  que  lorfqu'on  poufle  le  bouton 
du  ftylet  ,  la  petite  plaque  circulaire  ap- 
proche les  pas  de  ce  rellbrt  Tun  de 
l'autre  ,  ce  qui  permet  au  ftylet  d'avancer 
vers  l'extrémité  antérieure  de  la  gaine  , 
&  à  la  lancette  de  fortir  tout  -  à  -  fait 
dehors  pour  faire  des  fcarifications  ou 
ouvrir  des  abcès.  Aullî-tôt  qu'on  celle  de 
poulfer  le  bouton  avec  le  pouce  ,  le 
reftbrt  l'éloigné  de  la  canonnière  ,  &:  la 
lancette  rentre  dans  fa  gaine.  {Y) 

PHARINX  ,  f.  m.  terme  d'anatomie  , 
qui  fe  dit  de  l'ouverture  fupérieure  de 
rœfophage  ou  du  gofier  ,  qui  eft  placée 
au  fond  de  la  bouche  ,  &  que  Ton  appelle 
auffi  fauces,  Voye^  (Ssophage  & 
Bouche. 

Le  pharinx  eft  cette  partie  que  l'on 
appelle  plus  particulièrement  le  gojier  , 
par  où  commence  l'acSbion  de  la  dégluti- 
tion ,  &  où  elle  reçoit  fa  principale  forme. 

Cette  fonftion  eft  aidée  par  tous  les 
mufcles  qui  compofent  principalement  le 
pharinx.  V'oye:^  Déglutition. 

Pharinx  ,  maladie  du  ,  (  Médec.  ) 
Toute  la  cavité  poftérieure  du  gofier  ap- 
puyée fur  les  vertèbres  du  cou ,  recouverte 
à  l'extérieur  par  les  artères  carotides  qui 
font  couchées  deffus ,  par  les  veines  jugu- 
laires ,  &  par  la  fîxieme  paire  des  nerfs , 
ayant  pour  enveloppe  intérieure  une  mem- 
brane enduite  de  mucofité  ,  rendue  mo- 
bile par  pluficurs  mufcles  qui  lui  (ont 
propres  ,  le  terminant  à  l'œfophage ,  def- 
tinée  à  la  déglutition  des  alimens ,  6?*con- 
nue  fous  le  nom  de  pharinx  ,  eft  fujette 
à  grand  nombre  de  maladies. 

Qiiand  cette  membrane  fe  tuméfie  à  la 
fuite  d'une  inflammation  ,  d'une  éréftpelle , 
ou  d'une  hydropifie ,  maladies  qu'on  diftin- 
guera  les  unes  des  autres  par  leurs  fignes 
caradtériftiques  ,  elle  rend  la  déglutition 
douloureufe  ou  impolïibîe  i  elle  repoufle 


P  H  A 

les  aliraenç  par  les  narines  ,  la  falive  s'é- 
coule de  la  bouche  ainli  que  la  mucolité  ; 
comme  elle  comprime  le  larinx  qui  lui 
eft  adjacent  &  les  autres  vaideaux  ,  elle 
caufe  pluficurs  fymptomes irréguliers;  cette 
maladie  doit  être  traitée  par  des  remèdes 
appropriés  &  convenables  à  la  partie. 

Si  cette  cavité  fe  trouve  bouchée  par 
la  déglutition  de  quelque  bol,  il  le  faut 
tirer  ,  chafl'er  ,  ou  ôrer  par  Popération 
de  la  pharingotomie  ;  mais  la  mucofité 
concrète  ,  la  pituite  ,  le  grumeau  ,  les 
aphthes  qui  rempliflent  le  pharinx  ,  doi- 
vent être  détruits  par  le  moyen  des  déter- 
fifs ,  ôc  rejetés  au  dehors  par  l'excrétion  ; 
il  faut  avoir  recours  à  Part  pour  déraciner 
le  polype  qui  remplit  ces  parties. 

Le  refterrcmcnt  naturel  de  ces  mêmes 
parties  eft  incurable  ;  mais  celui  qui  eft 
occafioné  par  la  convulfion  trouve  (a 
guéri(bn  dans  l'ufage  des  anrifpafmodiques  : 
dans  la  curation  de  la  comprelTion  exté- 
rieure ,  il  faut  avoir  égard  à  la  caufe  qui 
la  produit.  L'afpérité ,  la  ficcité  ,  Se  Pex- 
coriation  du  pharinx  ,  fe  diilipent  par  les 
boiftbns  adouciflantes  ;  les  ulcères  ,  les 
bleflures ,  la  rupture  demandent  les  confo- 
lidans  pris  en  petite  dofe.  Dans  la  dégluti- 
tion ,  il  faut  éviter  tous  les  alimens  trop 
durs  ,  de  n'en  prendre  qu'avec  ménage- 
ment. La  paralyfie  des  mufcles  a  fa  caufe 
ordinairement  dans  le  cerveau  ,  d'une  ma- 
nière peu  connue  :  toute  métaftafe  qui 
arrive  à  cette  partie  ,  eft  toujours  dange- 
reufe.  L'acrimonie  catarreufe  fe  trouve 
foupent  diflipée  par  un  gargarifme  émol- 
lient  ,  &  par  une  boillbn  mucilagineufe. 
{D.J.) 

PHARISIENS  ,  {Hiji.  &  critiq.facrk.  ) 
les  Pkarifiens  formoient  la  fecte  la  plus 
nombreufe  des  juifs  ;  car  ils  avoient  non 
feulement  les  fcribes  &  tous  les  favans 
dans  leur  parti  ,  mais  tout  le  gros  du 
peuple.'  Ils  différoient  des  Samaritains ,  en 
ce  qu'outre  la  loi  ,  ils  recevoient  les  pro- 
phètes ,  les  hagiographes  ,  &:  les  tradi- 
tions des  anciens.  Ils  différoient  des  Sad- 
ducéens  ,  outre  tous  ces  articles  ,  en  ce 
qu'ils  croyoient  la  vie  à  venir  &  la  réfur- 
reétion  des  morts  ;  &  dans  la  doéVrine  de 
la  prédeftination  &  du  franc  arbitre. 

Pour  le  premier  de  ces  points ,  il  eft  dit 
•  da(is 


P  H  A 

dans  Pcfcriture,  qu'au  lieu  que  les  Sad- 
ducéens  afT.irenr  q  'il  n'y  a  point  de  réfur- 
redion  ,  ni  d'anges ,  ni  d'etprits ,  les  Pha- 
rijîens  confelîl-nt  l'un  &  l'autre;  c'eft-à- 
dire ,  i®.  qu'il  y  a  une  réiurredion  de- 
morts  ;  2°.  qu'il  y  a  des  anges  &  de 
efprits.  A  la  vérité  ,  félon  Joleph  ,  cette 
rélîirreâion  n'étoit  qu'une  réfunedion  à  la 
pythagoricienne  ,  c'efl-à-dirc  ,  fimplemenr 
un  paffage  de  i'ame  dans  un  autre  corps  ,  où 
elle  renaifîbit  avec  lui. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'opinion  des  Pha- 
rijîens  fur  la  prédeftination  &  le  franc 
arbitre  ,  il  n'efl  pas  aifé  de  la  découvrir  au 
jufle;  car,  félon  Jofeph  ,  ils  croyoient  la 
prédefîination  abfolue  ,  auffi-bien  que  les 
Elîeniens  ,  &  admet tôient  pourtant  en  même 
temps  le  libre  arbitre  ,  comme  les  Saddu- 
c^ens.  Ils  attribuoient  à  dieu  &  au  deflin 
tout  ce  qui  fe  fait ,  &  lailfoient  pourtant  à 
l'homme  fa  liberté.  Comment  faifoient-ils 
pour  ajufter  enfemble  ces  deux  chofes  qui 
paroiflènt  fi  Incompatibles?  C'efl  ce  que 
perfonne  n'expliquera. 

Mais  le  caradere  diftindif  des  Pharijîens 
étoit  leur  zèle  pour  les  traditions  des  an- 
ciens ,  qu'ils  croyoient  émanées  de  la  même 
(burce  que  la  parole  écrite  ;  ils  préten- 
doient  que  ces  traditions  avoient  été  don- 
nées à  Moïfe  en  même  temps  que  la 
parole  fur  le  Mont  Sinaï  ;  &  aufli  leiu- 
attribuoient  -  ils  la  même  autorité  qu'à 
celle-là. 

Cette  fede  qui  faifoit  fon  capital  de 
travailler  à  leur  propagation ,  &  à  les  faire 
obferver  où  elles  étoient  déjà  établies , 
commença  en  même  temps  qu'elles^  & 
les  traditions  &  la  fede  s'accrurent  fi  bien 
avec  le  temps  ,  qu'enfin  la  loi  traditionale 
croufFa  la  loi  écrite  ,  &  Çts  fedateurs  de- 
vinrent le  gros  de  la  nation  juive.  Ces 
gens-là  ,  en  vertu  de  leur  obfervation 
rigide  de  la  loi,  ainfi  groffie  de  leurs  tra- 
ditions ,  fe  regardoient  comme  plus  faints 
que  les  autres  ,  &  fe  féparoient  de  ceux 
qu'ils  traitoient  de  pécheurs  &  de  profanes  , 
avec  qui  ils  ne  vouloient  pas  feulement 
manger  ou  boire  :  c'eft  delà  que  leur  eft 
venu  le  nom  de  Pharijîens  ,  du  mot  de 
pharas  ,  qui  fignifie  /epare,  quoique  cette 
féparation ,  dans  leur  première  intention , 
eût  été  de  s'écarter  du  petit  peuple  ,  qu'ils 
Tome  XXV. 


P  H  A  600 

appelloîent  am-haaret7^  ,  le  peuple  de  la 
'"erre",  &  qu'ils  regardoient  avec  un  fou- 
verain  mépris  ,  comme  les  balayures  du 
nonde.  Leurs  prétentions  hypocrites  d'une 
'ainteté  au  defîus  du  commun  ,  impofc«-ent 
à  ce  petit  peuj^le  même  &  l'entraînèrent, 
par  la  vénération  &  l'admiration  qu'elles 
lui  cauferent. 

Notre-Se'gneur  les  accufe  (buvent  de 
cette  hypocrifie  ,  &  d'anéantir  la  loi  de 
dieu  par  l?urs  traditions.  Il  marque  plu* 
fieurs  de  ces  traditions  ,  &  les  condamne  , 
comme  nous  le  voyons  dans  l'évangile  ; 
mais  ils  en  avoient  encore  bien  d'autres  , 
outre  celles-là.  Pour  parler  de  toutes,  i! 
faudroit  copier  le  talmud  ,  qui  n'a  pas- 
moins  de  douze  vol.  in-fol.  Ce  livre  n'efl 
autre  chofe  que  les  traditions  que  cette 
kàt  impofoit  &  commandoit,  avec  leurs- 
explications.  Quoiqu'il  y  en  ait  plufieurs 
qui  font  impertinentes  &  ridicules  ,  &  que 
pre'que  toutes  foient  onéreulès  ,  cette  fede 
n'a  pas  laifle  d'engloutir  toutes  les  autres  ; 
car  depuis  plufieurs  fiecles  ,  elle  n'a  eu 
d'oppofans  qu'un  petit  nombre  de  Caraïtes, 
A  cela  près  ,  la  nation  des  Juifs  ,  depuis  la' 
deftrudion  du  temple  jufqu'à  préfènt  ,  a 
reçu  \ts  traditions  pharijiennes  ,  &  les  ob- 
ferve  encore  avec  refped. 

Les  Pharijîens  ne  fe  contentèrent  pas  des 
vaines  fpéculations  fur  la  réflirredion  ,  les 
anges ,  les  efprits ,  la  prédeftination  &;  les 
traditions  ;  ils  s'intriguoient  dans  toutes  les 
affaires  du  gouvernement ,  &  entr'autres 
chofes  ils  fbutinrent,  fous  main,  le  parti 
qui  ne  vouloit  point  d'étranger  pour  roi. 
Delà  vient  que  pendant  le  minifiere  de 
notre  fauveur  ,  ils  lui  propoferent  maligne- 
ment la  qucilion  ,  s'il  étoit  permis  de 
payer  le  tribut  à  Céfar  ou  non  ;  car  quoique 
la  nécefilté  les  obligeât  de  le  payer  ,  ils 
prétendoient  toujours  que  la  loi  de  dieu 
le  défendoit  ;.  mais  ce  n'efl  pas  à  Notre- 
Seigneur  feulement  qu'ils  tendirent  des 
pièges  ;  long-temps  avant  fa  naifîànce ,  ils 
perlécuterent  avec  violence  tous  ceux  qui 
n'étoient  pas  de  leur  fadion.  Enfin  leur 
tyrannie  ne  finit  qu'avec  le  règne  d'Ariflo- 
bule  ,  après  avoir  tourmenté  leurs  compa- 
triotes depuis  la  mort  d'Alexandre  Jannée. 
(  Le  chevalier  DE  Ja  uco  urt.  ) 

PHARMACIE ,  f.  f.  (  Ordre  encydop.  \ 
Hhhh 


€io  P  H  A 

La  pharmacie  ç{ï  la  fcience  ou  Part  de 
recueillir  ,  conferver  ,  préparer  &  mêler 
certaines  matières  pour  en  former  des  mcdi- 
camens  efficaces  &  agréables. 

Il  eu  déjà  clair  ,  par  cette  définition  ,  que 
lu  pharmacie  peut  être  divifée  en  quatre 
branches  ou  parties  principales.  La  recette 
ou  choix  ,  eleciio  ,  la  conlèrvation  ,  la  pré- 
paration ,  &  le  mélange  ou  compofition. 

Nous  avons  répandu  dans  les  articles 
de  dérail  ,  dellinés  à  chaque  drogue  ou 
rr.atiere  pharmaceutique  ,  toutes  les  obferva- 
tions  qui  regardent  la  recette  ou  le  choix. 
Nous  avons  traité  de  la  confervation ,  de 
la  préparation  &  de  la  compofition  des 
médicamens  ,  dans  des  articles  exprès  & 
généraux ,  &  dans  un  grand  nombre  d'ar- 
ticles fiibordonrés  à  ceux-là  ,  &  défîmes 
aux  divers  fijjets  ,  aux  diverfes  opéra- 
tions, aux  di\  ers  inftrumens  pharmaceuti- 
ques ,  aux  divers  produits  ,  c'ell-à-dire  , 
aux  diverfes  hDrmes  de  remède.  On  trou- 
vera donc  un  corps  afîez  complet  de 
doârine  pharmaceutique  ,  dans  les  articles 
GONSE  R  V  ATI  ON  ,  DeSSICATION  , 

Composition  ,  Dispensation, 
Fruits  ,  Fleurs  ,  Semences  ,  Ra- 
cines ,  Cuite  ,  Clarification  , 
Despumation  ,  Décantation, 
Filtre,  Manche,  Tamis ^  Mor- 
tier ,  Electuaire  ,  Emulsion  , 
Emplâtre,  Sirop,  ô'c. 

Il  ne  nous  refte  ici  qu'à  préfenter  un 
tableau  abrégé  de  ces  fujets^  de  ces  opé- 
rations ,.  de  ces  infirumens ,  de  ces  pro- 
duits, &  à  propofer  quelques  notions  gé- 
nérales fijr  l'efTence  même  de  l'art. 

Les  fijjets  pharmaceutiques  font  toutes 
les  fijbflances  naturelles  fimples  des  trois 
règnes  ;  &  un  grand  nombre  de  produits 
chymiques  ,  dans  lefquels  les  hommes  ont 
découvert  des  vertus  médicamenteuies.  Ils 
font  tou^  compris  Tous  le  nom  6 1  madère 
médicale.  Voy.  MATIERE  MÉDICALE  Ù 

Simple  Pharmacie. 

Les  opérations  pharmaceutiques  onr^ 
toutes  pour  objet  de  préparer  ces  divers 
corps,  de  manière  qu'ils  deviennent  àts 
remèdes  efficaces ,  mais  à  un  certain  degré 
déterminé,  &  aufîi  agréables  qu'il  efl  pol- 
fible.  Les  pharmaciens  rempliflènt  ces  deux 
©bjets,    i°.  en  extrayant:  deis>  corgs  leurs. 


PHA 

principes  vraiment  utiles ,  &  rejetant  leufi 
parties  inutiles  ou  nuifiblcs  ;  la  diflillation  , 
la  décodion  ,  l'infijfion  ,  la  macération  , 
l'expreffion  >  la  filtration  ,  l'adion  de 
monder  ,  la  dépuration  ,  la  clarification  , 
la  cribration  ,  opèrent  cette  utile  fépa- 
ration  :  2°.  en  mêlant  enfemblc  diverfes 
matières  qui  s'aident  ou  fe  tempèrent  mu- 
tuellement ;  la  compofition  ,  la  correôion  , 
l'aromatifation  ,  l'édulcoration  ,  la  colora- 
tion ,  font  \qs  ouvrières  de  cet  effet  phar- 
maceutique :  3°.  en  donnant  diverfes  formes 
aux  remèdes  corapofés  ,  ce  qui  s'opère  par 
les  jufles  proportions  des  divers  ingrédient  , 
qui  efî:  la  même  chofe  que  la  difpenfation  , 
par  la  cuite ,  la  pulvérifation ,  l'ai^ion  de 
brader  ,  de  malaxer.  Les  diverfes  formes  de 
remèdes  compolés ,  font  divilées  ,  félon  un 
ancien  ufàge  ,  en  formes  liquides  ,  formes 
molles  &  formes  feches.  Les  liquides  fe  fiib- 
divifent  en  formesde  remèdes  magiflraux,  &: 
formes  de  remèdes  officinaux ,  dont  le  carac- 
tère effenfiel  &  diflinûif  confifie  en  ce  que 
les  premiers  n'ont  pas  befoin  de  rendre  le 
remède  durable,  &  que  cette  qualité  cil 
au  contraire  effentielle  aux  dernières.  V^.. 
Officinal  &  Magistral. 

Les  remèdes  magifiraux  liquides,  font 
la  décodion  ,  l'infufion  ,  qu'on  appelle- 
théiforme  ,  lorfqu'elle  efl  courte  ,  &  qu'on 
emploie  l'eau  bouillante i  la  macération ,  ap-  • 
pellée  plus  communément  infufion  à  froid  ;: 
le  julep  ,  l'émulfion  ,  la  potion  ,  la  tifàne  ,-, 
la  mixture,  le  gargarifme ,  le  collyre,  le. 
clyflere  ,  l'injedion  >  k  fomentation,  l'cm^ — 
brocation  ,  l'épitheme  liquide  ,  le  bain  ,  Je, 
demi-bain  ,  l'inceiîus ,  le  vin  &  les  vinair-- 
gres  médicamenteux  magiflraux. 

Les  remèdes  olHcinaux  liquides  ,  Çont* 
les  vins-  &  les  vinaigres  médicamenteux,, 
les  teintures  ,  les  élixirs  ,  les  baumes,  les. 
firops  ,  les  ioochs  ,  les  huiles  par  infufion  &: 
décodion  ,  les  eaux  diflillées  &  compofées  , , 
les  efprits  diflillés -&■  corapofés ,  les  efprits  . 
volatils ,  aromatiques  ,  huileuXi 

Les  remèdes  mous  font  pareillement^ 
divifés  en  magiflraux- &  officinaux.  Les  pre-^- 
miers  font  les  gelées  ,  les  opiars  magiflraux , . 
les  cataplafraes.  Lés  féconds  for. t  les  clec — 
tuaires  mous ,  les  conferves  molles ,  ie^  ex-- 
traits  compolés, les  miels  mcdicamenteux,les  . 
linimens ,  onguents  &  cérats  ,  les  emplâtres^ , 


P  H  A 

Les  remèdes  fecs  ou  folicfes  peuvent 
être  tous  prefcrits  fur  le  champ  par  le 
médecin  ,  &  être  dans  ce  cas  regardés 
comme  magiftraux  ;  mais  comme  ils  font 
tous  ,  par  leur  confiibnce  ,  capables  d'être 
confervés  dans  les  boutiques  ,  ils  font  eflen- 
tiellement  officinaux.  Ce  font  les  poudres  , 
les  efpeces ,  les  bols  ,  les  tablettes  ,  les 
trochilques ,  les  conl'erves  folides ,  les  pi- 
lules. Il  y  a  dans  ce  didionnaire  des  arti- 
cles particuliers  fur  toutes  les  chofes  nom- 
mées dans  ces  confidérations  générales. 
J^oye^  ces  articles. 

Le  ledeur  doit  s'être  appcrçu  que  nous 
avons  confondu  la  pharmacie  y  appellée 
vulgairement  galenique  ,  avec  celle  qu'on 
appelloit  chymique  ,  lélon  la  même  divi- 
fion.  Nous  l'avons  fait ,  parce  que  cette 
divilion  efl:  mal-entendue  ;  car  les  décoc- 
tions, les  infufions  ,  la  cuite  des  emplâtres, 
celle  àts  firops  ,  qui  appartient  à  la  phar- 
macie appellée  galenique  ,  font  des  opé- 
rations tout  auiii  chymiques  ,  que  la  dif- 
tillation  Ats  efprits ,  que  la  préparation 
des  régules  ,  Ùc.  qu'on  renvoyoit  à  la 
pharmacie  chymique.  Il  eft  vrai  que  les 
fimples  mélanges  &  les  fimplcs  difgréga- 
tions  foat  des  opérations  méchaniques  ; 
mais  la  chymie  elle-même  emploie  des 
moyens  de  cet  ordre,  [b  ) 

PHARMACITIS  ,  (  Hifl.  nat.  )  nom 
donné  par  quelques  auteurs  à  une  terre 
imprégnée  de  bitume ,  &  qui  eft  propre 
à  s'enflammer ,  avec  une  odeur  délagréa- 
ble.  On  lui  a  auflï  donné  le  nom  ^am- 
pelitis.  Il  paroît  que  Ion  nom  lui  a  été 
donné  à  caufe  qu'on  en  faifoit  ufage  dans  la 
médecine. 

PHARMACOLOGIE ,  f  f.  [Médec.  ) 
fcience  ou  traité  des  médicamens  &  de 
leur  préparation.  C'efl  une  branche  de  la 
partie  de  la  médecine  appellée  thérapeu- 
tique. Voye\  Thérapeutique.  Elle 
embraffe  l'hidoire  naturelle  chymique  & 
médicinale  de  la  matière  médicale.  Voye-^ 
Matière  médicale  ,  &  la  pharmacie. 
Fbye:^ -Pharmacie.  {B) 

PHARMACOPEE  ,  fubil.  fém.  vcyei 
Dispensaire. 

PHARMACOPOLA  ,  (  Lang.  lat.  ) 
Le  mot  de  pharmacopola  ne  defigne  pas 
chez  les  Laeias-  nés  pharmacopoles  ,  nos 


P  H  A  ^ir 

apothicaires  d'aujourd'hui  :  il  fe  dit  égale- 
ment chez  eux  des  pharmaciens  ,  des  dro- 
guifles  ,  des  épiciers  &  des  parRjmeurs. 
Il  efl  fynonyme  à  ungiLentariui  ,  ;wjfê4'f  » 
vendeurs  de  drogues  &  de  parRims  ,  autant 
de  gens  qui  étoient  ordinairement  de  la 
bande  des  débauchés  ,  parce  qu'outre  les 
parfums  qu'ils  fourniffoient  ,  ils  donnoient 
aulE  des  drogues  pour  faire  avorter  ,  & 
pour  empêcher  les  groffeflês.  En  Grèce 
il  étoit  défendu  par  une  loi  de  Solon  , 
qu'aucun  citoyen  d'Athènes  exerçât  cet 
art  ;  &  Séneque  nous  apprend  que  tous 
\cs  parfumeurs  ,  pharmacopoîce  ,  furent 
chaffés  de  Lacédémone.  Ils  n'étoient  pas 
moins  méprifés  à  Rome  qu'en  Grèce  :  c'efi 
pourquoi  Horace  les  range  avec  les  joueur^ 
de  flûtes  ,  les  porteurs  de  beface  ,  les  bate- 
leurs ,  les  danlèurs ,  Ùc.  fatyr.  z  y  lip.  I , 
vers   i . 

Ambuhajarum  colîegia  y  Pharmaco* 

pol^  , 
Mcndici  y    mimi  y   balatron-es  y    hoë 

genus  omne 
Maîflam  ac  follichum   efl  cantor'n 

morte  Tigelli, 

Le  muficien  Tigellius  efl  mort.  Les 
joueufes  de  Çi\xiç.%  ,  les  parfumeurs  ,  \t^ 
porte-befaccs  ,  les  bateleurs ,  &  toute  la 
canaille  de  même  efpece  ,  en  font  en  deuiL 

PHARMACOPOLE,  f.  m.  {Hifl.de 
la  médecine  anc.  )  Pharmacopoh  étoit 
chez  les  anciens  tout  vendeur  de  médi- 
camens. Mais  il  faut  entrer  dans  quelques 
détails  de  la  médecine  ancienne ,  pour 
donner  au  ieûeur  une  idée  jufl^  de  la 
différence  qu'il  y  avoir  entre  un  pharma- 
ceure  ,  un  pharmacopoh  y  un  pharmaco- 
tribe,  un  herborifle ,  &  autres  mots,  qui 
concernoient  chez  eux  la  matière  àti 
médicamens. 

Ceux  qui  s'attachèrent  à  la  pharmaceu- 
tique ou  à  la  médecine  médicamentaire , 
furent  appelles  pharmaceut^  ;  car  le  nom 
de  pharmacopceus  fe  prenoit  alors  en  mau- 
vaife  part ,  &  iignifioit  dans  l'ufagc  ordi- 
naire ,  un  empoifonneur  :  il  «toit  fynonyme 
à  na.^'fj.cf.yfç  &  ttt^iAayCoi ,  dérivé  de  p  fAA'/}Vf 
mot  générique  pour  toute  forte  de  drogues , 
^hhh  i 


_6i3,  P  H  A 

ou  de  compofirion  bonne  ,  ou  mauvalfe , 
ou  pour  tout  médicament  ou  poifon ,  tant 
fimple  que  compofé.  Les  Latins  entendolent 
auflî  par  medicamentum  ,  un  poifon ,  & 
j>ar  me dicamentarius  y  un  empoifonneur  ; 
quoique  le  premier  fignifiât  encore  un  mé- 
dicament,  &  le  dernier  un  apothicaire. 

Les  pharmacopoles  ,  (  pliarmacopoliX  ) 
formoient  encore  chez  les  anciens  un  corps 
différent  des  premiers.  En  général  on  ap- 
pelloit  de  ce  nom  tous  ceux  qui  vendoient 
'des  médicamens  ,  quoiqu'ils  ne  les  préparaf- 
fent  point  ;  en  particulier ,  ceux  que  nous 
nommons  aujourd'hui  charlatans ,  bate- 
leurs ,  gens  drefîant  des  échafauds  en 
place  publique ,  allant  d'un  lieu  en  un 
autre  ,  &:  courant  le  monde  en  diflribuant 
des  remèdes  ;  c'cft  delà  que  dérivent  les 
dénominations  de  circulatores  ,  circuitores 
et  circum/canei.  Ils  avoient  encore  celle 
à^agynœ  ,  du  motccyv^Tul  ,  qui  ajfemble  , 
parce  qu'ils  aflembloient  le  peuple  autour 
ti*eux ,  &  que  la  populace  ,  toujours  avide 
du. merveilleux j  accouroit  en  foule,  auffi 
crédule  à  leurs  promefles  ,  qu'elle  l'efl: 
encore  aujourd'hui  à  celles  des  charlatans 
qui  les  rcpréientent,  C'eff  par  la  même 
raifon  qu'on  les  appelloit  ^^aa^-oj^sî.  On  leur 
donnoit  enfin  le  nom  de  médecins  fédentai- 
resyfellularn  medici,  7n<f.fi:  i  ï  'tu.T(oi ,  parce 
qu'ils  attendoient  les  marchands  aflls  fur 
leurs  boutiques.  Ce  fut  le  métier  d'Euda- 
mus  ,  d'un  certain  Charlton ,  de  qui  Galien  a 
tiré  quelques  defcriptions  de  médicamens  , 
&  à  qui  il  donne  l'épithete  d'J^A<>o>-o  ;  & 
de  Clodlus  d'Ancone  ,  que Cicéron  appelle 
pharmacopola  circumfoianeus. 

On  ne  l'ait  fi  les  pharmacorrites ,  phar. 
macotritœ  y  ou  mêleurs  y  broyeurs  de 
drogues ,,  étoient  les  mêmes  que  les  phar- 
maceutes  ,  pharmaceutce  ;  ou  fi  ce  nom 
ne  convenoit  qu'à  ceux  qui  compofoient 
\^s  médicamens  fans  les  appliquer.  Ces 
derniers  pourroient  bien  avoir  été  les  va- 
lets des  droguiftes  ^  ou  ces  gens  appelles 
par  les  Latin s/e;?/a/zan'/  &  pigmentarii  y  & 
par  les  Grecs  r.'VTo'râhat.i  ou  (cm.  oAi^oi  ,  ou 
vendeurs  de  drogues;,  &  dans,  les  derniers 
temps  de  la,  Grèce  >  vïi/jiiVTct.pm  ,  terme  dé- 
rivé du  latin. 

Les  boutiques  .ou  magafîns  de  ces  mar- 
chands ,  s'appelloient  feplajia  au  neutre 


P  H  A 

piuriei ,  &  leur  métier  feplafia  au  féminin 
fmgulier.  Ils  vendoient  aux  médecins ,  aux 
peintres ,  aux  parfumeurs  &  aux  teintu- 
riers ,  toutes  les  drogues  tant  {impies  que 
compofées  ,  dont  ils  avoient  befoin.  Ils 
étoient ,  ainfi  que  les  charlatans  ,  fort  fujets 
à  débiter  des  compofitions  mal  condition- 
nées &  mal  faites.  Pline  reprochoit  aux 
médecins  de  fon  temps  de  négliger  la  con- 
noilTance  des  drogues  ,  de  recevoir  les  com- 
portions telles  qu'on  les  leur  donnoit ,  & 
de  les  employer  fur  la  bonne  foi  d'un  mar- 
chand ,  au  lieu  de  fe  pourvoir  des  unes ,  & 
de  compofer  les  autres  à  l'example  des  an- 
ciens médecins. 

Mais  ce  n'étoit  p§s  feulement  des  dro 
guifîes  que  les  médecins  achetoient  '•>  ils 
tiroient  les  plantes  communes  des  herbo- 
rifles  ,  herbarii  en  latin  ,  en  grec  p](,o'roy.oi , 
ou  coupeurs  de  racines  y  &  ^jto.:  ohoyc)  ,  ou 
(^oToLvtKoi  ,  cueilleurs  d'herbes  ,  &  non  pas 
(ioTAiiçici  y  nom  propre  à  ceux  qui  mondoient 
les  blés  ,  ou  qui  en  arrachoientles  mauvaifcs 
herbes.  Les  herborises  ,  pour  faire  valoir 
leur  métier ,  afFeâoient  fuperflitieufement 
de  cueillir  les  fimples  en  de  certains  temps 
particuliers ,  avec  diverfes  précautions  & 
cérémonies  ridicules.  Ils  étoient  fort  atten- 
tifs à  tromper  les  médecins  ,  en  leur  don-, 
nant  une  herbe  ,  ou  une  racine  pour  une 
autre. 

Les  herboriftes ,  &  ceux  qui  exerçoient 
la  pharmaceutique  ,  avoient  des  lieux 
propres  pour  placer  leurs  plantes  ,  leurs 
drogues  &  leurs  compofitions  ;  on  appel- 
lolt  ces  lieux  en  grec  «.To^yua»,  apothecce  , 
d'un  nom  général  ,  qui  Ggnlfîe  place  où 
Ton  renferme  quelque  chofe. 

Les  boutiques  des  chirurgiens,  fe  nom- 
moientengrec  i^yç'riri  ,  de  icnç]-.^  médecin  , 
parce  que  tous  ceux  qui  fe  mêlolent  de 
quelque  partie  de  la  médecine  que  ce  fût, 
s'appelloient  médecins  y  &  que  tous  les, 
médecins  excrçolenr  anciennement  la  chi- 
rurgie. Plaute  rend  le  terme  It-rf  i^  ,  par  ce- 
lui de  medicina  ;  &  comme  de  fon  temps 
la  médecine  n'étoit  point  encore  partagé'' ,. 
&  que  le  médecin ,.  le  chirurgien  ,  l'apo- 
thicaire &  le  droguiHe  ,  n'étoient  qu'urie 
feule  perfonnc  ,,  ce  i*om  s'étend  dans  ce 
poëte  à  toutes  les  boutiques  en  générai', 
fojt  qu'on  y  penfât  des  biclTés ,  qu'on,  y 


P  H  A 

vendît  des  drogues  &  des  médlcamens  ^  ' 
foit    qu'on   y   étalât    des    plantes    &    des 
herbes  ;    de  même    que   medicus    fignifie 
dans  le  même  poëte  un  vendeur  de  mé- 
dicamens. 

Le  partage  de  la  médecine  tel  qu'on 
vient  de  rexpofer  ,  cft  celui  qui  fubfiftolt 
au  temps  de  Celle.  L'ufiige  changea  dans 
la  fuite  ;  les  uns  ayant  empiété  fur  la 
proleflion  des  autres,  ou  en  ayant  exercé 
plus  d'une  j  les  mêmes  noms  reflerent , 
quoique  les  emplois  ne  fuflent  plus  les 
mêmes.  Quelques  iiecles  après  CcKe  ,  ceux 
que  l'on  nommoit  en  grec  'TDiuivTa.pioî ,  &  en 
latin  pimemarii  ,  ou  pigmentarii  ,  qui  dé- 
voient être  des  droguiftes ,  faifoicnt  auflî 
la  fonction  d'apothicaires  ;  ce  que  l'on 
prouve  par  un  palîlige  d'Olympiodore , 
ancien  commentateur  de  Platon.  Le  mé- 
decin ,  dit-il ,  ordonne  ,  &  le  pimentarius 
prépare  tout  ce  que  le  médecin  a  ordonné. 
On  ne  peut  marquer  avec  exaûitude  la 
date  de  ce  changement  ;  mais  Olympio- 
dore  vivoit  environ  400  ans  après  Celfe. 
iD.  J.  ) 

..PHARMACUSE,  Pharmacufa  , 
(  Geogr.  anc.  )  1°.  île  de  la  mer  Egée  , 
félon  Pline  ,  lU'.  IV ^  chap.  ij.  On  croit 
que  c'efl  dans  cette  île  que  fut  tué  Attalus. 
Aujourd'hui  ,  félon  l'opinion  commune  , 
cette  île  fe  nomme  Pafmafa.  C'eft  auprès 
de  l'île  Pharmacufe  que  Jules-Céfar  fut 
pris  par  des  pirates.  iP,  Etienne  le  géo- 
graphe met  deux  îles  d«  ce  nom  proche 
celle  de  Salamina  ;  &  Strabon  ,  Uv.  IX  y 
pag.  38 ^  y  dit  que  ce  font  deux  petites 
îles ,  dans  la  plus  grande  defquelles  on 
voyoit  le  tombeau  de  Circé.  (  D.  J.  ) 

PHARMUTHI,  f  m.  (Calend.  égypt.) 
nom  du  huitième  mois  de  l'année  égyp- 
tienne ;  il  répondoit  au  mois  d'avril  de 
l'année  julienne.  Théon  dit  que  le  tempo 
de  la  moiffon  tombait  vers  le  25  de  ce 
mois.   {D.  J.)  '      ^ 

PHARxMACES,  (  G/ogr.anc.  ).peuples 
d'Ethiopie,  félon  Pline  ,  Iw.  VII  y  c.  il  y 
qui  dit  ,  après  Damon  ,  que  la  fueur  de  ce 
peuple  cauioit  la  phthilie  à  ceux  qu'elle 
touchoit.  Quelques  miinufcrits  portent 
pharmaces  pour  phirnaces. 

PHARNAK,  {Mjthol.  )  dieu  adoré 
dans  k  Pont.  Strabon  nous  apprend  que 


P  H  A  ^13 

le  dieu  adoré  fous  ce  nom  dans  IToérie 
&  dans  le  Pont  ,  étoit  le  même  que  le 
dieu  Lunus  ,  ou  que  l'intelligence  qui 
préfidoit  au  cours  de  la  lune.  Ce  diea 
avoit  un  temple  célèbre  à  Cabira  ou 
Sebafiopolis  y  Ibus  le  nom  de  Mhv  (fetovAy^oi  y 
&c  les  iermens  qui  fe  failoient  en  joignant 
fon  nom  à  celui  du  roi  régnant ,  paflbient 
pour  inviolables.  Strabon  ajoute  que  ce 
dieu  Lunus  avoit  des  temples  en  Phrygie 
&  en  Pilidic ,  fous  le  titre  de  Mnv  A^/etiot, 
On  voit  dans  Haun  ,  fur  une  médaille 
de  Sardis  ,  le  bufte  de  ce  dieu  ,  coëfïe 
d'un  bonnet  phrygien  ,  &  porté  dans  un- 
croiflant ,  avecje  titre  de  MHN  A2KHN02. 
Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  la  figure 
en  pié  qui  fe  voit  au  revers  des  médailles 
de  Pharnace  &  de  fon  fils  Mithridate  ,  eft 
celle  du  MHN  *APN  AX02 ,  ou  du  dieu  Lunus 
de  Cabira  ,  repréfenté  à-peu-près  comme- 
on  le  voit  fur  plufieurs  médailles  publiées 
par  M.  Vaillant.  On  compte,  dans  ces 
médailles  greques  des  empereurs  ,  jufqu'à 
19  villes  de  l'Afie  mineure  ,  de  la  Thrace 
&  de  la  Sjrie  ,.  qui  ont  mis  ce  dieu  Lunus 
fur  leurs  médailles.  (  D.  J.  ) 

PHARODENI,  (  Geogr.  anc.  )  peuples 
de  Germanie.  Ptolomée,  lii'.  Il,  ch.  xj  , 
dit  qu'ils  habitoient  après  les  Saxons  ,  depuis 
le  tieuve  Çlialafus  y  juiqu'au  fleuve  Suei'us, 
Peucer  croit  que  les  Pharodeni  de  Ptolomée 
Ibnt  les  Suardones  de  Tacite. 

PHAROS  ,  (  Geogr.  anc.  )  île  d'Egypte, 
vis-à-vis  d'Alexandrie  ;  je  dis  île  y_  parce 
que  Pharos  étoit  au  commencement  une 
véritable  île,,  à  fept  lîades  de  la  terre- 
ferme  ,  &  on  n'y  pouvoit  aller  que  par 
eau  ;  mais  enfuite  on  la  joignit  au  conti- 
nent par  une  chauifée  ,  comme  cela  s'étoit 
lait  à  Tyr  :  cette  chauifée  fut  appellée 
ïheptafidde  y  à  caufc  des.  fept  ftades  qu'elle 
avoit  de  longueur- 
Cet  ouvrage  ordonné  par  Ptolémée 
Fhikdclphel,  &  non  par  Cléopatrc,  comme 
le  dit  Ammien  Marcellin  y  fut  exécuté  l'an 
284  avant  Jefus-Chrift  y  à-peu-près  en 
même  temps  que  la  tour  du  phare  ,  par 
Soflrate  ,  fils  de  Dixiphane  ;  &  fans 
doute  que  ce  ne  tut  pas  le  plus  facile  des 
deux  ouvrages.  Ainfi ,  pour  les  difHnguer 
quand  on  parle  de  la  peninfule  ,  on  dit 
l'île  ou  la  £eninfule  de  Pharos  y  &  q^uand 


-on  parle  6u  fanal  ou  du  phare  qui  étoit 
dans  Pharos  ,  on  dit  iimplemenr  le  phare. 

L'iie  de  Phuios  avoir  un  promontoire 
ou  une  roche  ,  contre  laquelle  les  flots 
de  la  mer  ie  briioient.  Ce  fut  fur  cette 
roche  que  Ptolemée  Philadelphe  I  fit  bâtir 
de  pierre  blanche  la  tour  du  phare ,  ou- 
vrage d'une  magnificence  furprenantc  ,  à 
plufieurs  étages  voûtes  ,  à-p-u-près  comme 
la  tour  de  Babylone  ,  qui  étoit  à  huit  étages , 
Ou  ,  comme  HerocTote  s'exprime  ,  à  huit 
tours  l'une  fur  l'aurre. 

L'extraordinaire  hauteur  de  cette  tour 
faifoif  paroître  comme  une  lune  le  feu  qu'on 
allumoit  au  dcffus  ;  c'efl  ce  qui  fait  dire  à 
jStace  : 

Lumina  noBU'agiX  toll'u  Pharos  œmula 
lunce. 

Le  géographe  de  Nubie  ,  qui  écrivoit 
al  y  a  environ  650  ans  ,  parle  de  la  tour 
;du  phare  comme  d'un  édifice  qui  fubfifîoit 
encore  de  fon  temps.  Un  fcholiaffe  de 
Lucien  ,  manufcrif ,  cité  par  Ifaac  Voflius , 
dit  que  ctnt  four  éroit  quarrée  ,  &:  que 
ïts  côtés  avoicnt  près  d'un  ffade  de  long. 

Tous  les  anciens  auteurs  ont  parle  de 
l'île  de  Pharos.  Voye^  Céfar  ,  comment, 
de  bell.  cil',  c.  iij.  Strabon  ,  Uî-'.  XP  II  , 
pag.  JSZ.  Pomponius  Mcla  ,  //V.  II,  ch. 
vij.  Plmc,  //V.  V y  chap.  xj ,  éc In'.  XIII , 
fihap.  xij.  Ce  dernier  lui  donne  le  titre  de 
fiolonie  de  Jules-Céfar. 

Homère  a  bien  chagriné  fes  admirateurs  , 
iCnfaifant  dire  à  Ménéias  ,  dans  ^'Odyjjle  ^ 
liu.  IV y  vers  J55  ,  que  l'île  de  Pharos 
«jcff  éloignée  d'une  journée  de  l'Egypte  , 
cciyvT/la.  Plufieurs  critiques  ont  açcufé  le 
jpoëte  grec  d'une  énorme  bévue  ;  mais 
xfautres  leur  ont  répondu  que  le  mot 
^îEg-yptus  défignoit  ici  le  Niî  ,  &  qu'en 
-effet  l'île  de  Pharos  efl  éloignée  d'une 
journée  de  la  principale  embouchure  du 
ileuve  j^gyptus  ,  qui  efl  le  Nil.  Strabon 
,;€Ût  peut-être  adopté  cette  explication  ,  s'il 
y  eût  fongc;  mais  en  homme  d'efprit ,  il 
a  entrepws  de  juflifier  fon  poète  tavori  de 
»tout  reproche  d'ignorance.  "  C'efî ,  dit-il , 
9i.  Ménéias  qui  raconte  ^ts  voyages;  il 
-»>  ufe  du  privilège  des  voyageurs  ^  il  ment. 
99  D'ailleurs  ,  c'efl  un  poëte  qui  le   fait 


P  H  A 

»  parler ,  qui  favoit  bien  que  cette  dif^' 
«  tance  n'étoit  pas  aufli  confiderable  que 
M  le  dit  iMenélas  ,  mais  il  veut  intéreflcr 
»>  le  ledeur  par  le  merveilleux  de  la  fic- 
r>   tion.  » 

Ortelius  dit  qu'on  nomme  aujourd'hui 
l'île  de  Pharos  Farion  ,  &  qu'elle  efl 
appellée  Magrah  par  les  habitans  du  pays. 

l».  Pharos  y  ou  Ijfa  -  Pharos  ,  île  de 
la  mer  Adriatique  ,  fur  la  côte  de  flllyrie  , 
lèlon  Phne  ,  lip.  III ,  c.  xxj  ,  qui  dit  qu'on 
la  nqmmoit  auparavant  Pa'os.  Le  père 
Hardouin  retranche  cette  île  dans  fon 
édition  de  Pline  ;  mais  c'eff  un  retranche- 
ment bien  hardi  ,  d'autant  plus  que  Dio- 
dore  de  bicile ,  //>.  XV.  Strabon,  lh\  VII, 
p.  5  2  5  ,  &  Polybe  ,  //>.  Vyp.  1 08  y  ta. 
font  mention. 

3*^.  Pharos  y  île  fur  la  côte  d'Italie , 
vis-à-vis  de  Brundufium.  Pomponius 
Mcla  ,  liv.  II  y  chap.  l'ij  ,  en  parle  ,  &  dit 
qu'en  l'appella  Pharos  y  à  caufe  du  phare 
qui  y  fut  élevé  pour  guider  les  vaifleaux^ 
{D.  J.) 

PHARPHAR  ,  (  Geogr.  anc  )  un  àçs 
deux  ileuver  de  Damas  ;  ou  plutôt  c'efl 
un  bras  du  Barrady  ou  du  Chryforrhoas , 
qui  arrofe  la  ville  &  les  environs  de  Damas. 
Le  fleuve  de  Damas  a  fa  iource  dans  \ts 
montagnes  du  Liban  ;  étant  arrivé  près 
de  la  ville  ,  il  -fe  partage  en  trois  bras  > 
dont  l'un  traverle  Damas  ,  les  deux  autres 
arroiènt  les  jardins  qui  font  tout  autour  ; 
puis  le  réuniflanC ,  ils  vont  ié  perdre  à 
quatre  ou  cinq  lieues  de  la  ville ,  du  côté 
du   nord. 

PHARSALE  ,  Pharfalusy  (  Ge'ograph. 
anc.  )  1°.  ville  de  Theffilie  ,  que  certaines 
cartes  attribuent  mal-à-propos  à  l'Effréo- 
tide  ,  puilque  Strabon,  lu'.  IX  y  la  range 
parmi  les  villes  de  la  Phthiotide.  Elle  étoit 
à  fix  lieues  de  Larida ,  &:  à  l'extrémité  d'une 
.  plaine  très- fertile  qui  a  plus  de  quatre 
lieuesi^'étendue.  Imaginez  -  vous  ,  dit  la 
Guillctiere ,  fi  je  pus  traverfer  cette  plaine 
lans  me  rappeiler  que  j'étois  lur  les  lieux 
où  Céiar  &  i-'orapée  terminèrent  le  plus 
grand  différend  qui  ait  jamais  troublé  l'u-» 
;  nivers  ,  &  que  la  bataille  qu'ils  y  donnè- 
rent renverfa  la  plus  puifîànte  de  toutes 
les  républiques  ,  &  fonda  la  plus  formi- 
dable de  t0ute;s  les  monarchies  ?  Noranje^ 


à 


P  H  A 

fflDÎ  tant  de  batailles  qu'il  vous  plaira , 
celle-ci  efl  fans  contredit  la  plus  fameufe  ; 
elle  fè  donna  48  ans  avant  la  naiflance 
de  Jefus-Chrift.  C'^lt  cette  journée  mé- 
morable où  ,  félon  Corneille  , 

Quand  lej  Dieux  étonnés  fembloient 

fe  partager, 
Pharlale  décida,   ce   qu*ils   n'of oient 

juger. 

Pompée  ayant  perdu  la  bataille,  fe  retira 
rers  Larifîa  ,  comme  la  ville  la  plus  voi- 
fîne  ,  où  il  n'entra  pas  néanmoins.  Le 
i!euve  Enipus  arrofoit  Fharfale  ;  &  ce 
fleuve  qui  le  jetoit  dans  l'Apidenus ,  étoit 
différent  de  l'Enipus  de  Macédoine.  Ap- 
pien  ,  lip.  II ,  cii'it.  pag.  y y8  y  rapporte 
que  l'armée  de  Pompée  étoit  campée  entre 
la  ville  de  Pharfale  &  le  iîcuvc-  Enipée  : 
ce  qui  femble  contredire  ce  que  Srrabon  , 
lir.  IX y  avaiice  ,  que  l'Enipée  baignoit  la 
ville  de  Pharfale  '-,  mais  comme  il  y  avoit 
deux  villes  de  ce  nom  ,  la  nouvelle  &  la 
vieille  ,  il  eft  apparent  que  l'une  éroit  bâcie 
fur  le  bord  du  fleuve,  &  que  l'auu-e  en 
étoit  peu  éloignée. 

La  bataille  entre  Céfar  &  Pompée  fe 
donna  auprès  de  la  ville  de  Fharfale, 
appellée  P alxpharfalus  par  Tite-Live, 
liv.  XLIV,  chap.  ij  y  &  c'etoit  celle-là , 
iàns  doute  ,  qui  fe  trou  voit  à  quelque,  dil- 
tance  du  fleuve. 

2°.  Pharfalus  étoit  auffi  un  lieu  de 
TEpire  où  Céfar  arriva  avec  fa  flotte ,  & 
où  il  débarqua  fes  ioldats.  Quelques  ma- 
nufcrifs  ,  au  lieu  de  Pharfalus  ,  portent 
Pharfalia  ,  d'autres  difent  Palefiina  ;  & 
c'eft  de  cette  dernière  façon  qu'écrit  Lucain, 
liv.  V y  V.  4.G0  y  en  parlant  de  la  Ibrte  de 
Céfar  : 

Lapfa  Paleflinas  uncis  confixit  arenas-. 

3^.  II  y  avoit  encore  une  ville  de  Pam- 
phylic   qui  portoit  le  nom  de  Pharfalus. 

p  Fharsale  ,  batadle  dé  y   (  Hifl.  rom.  ) 

nom  de  cette  laineufe  bataille  qui  termina 
\sl  guerre  civile  des  Romains , ,  &  \  qui  :  lè 
donna  l'an  705  de  Rome  ,  entre  Célar 
&  Pompée  ,  auprès  de  Pharfale  ,  ville  de 
.Xheûâlie  ,  voiliae  de  Lariilê.  Il  faut  lire  ,  ^ 


P  H  A  ^if 

fùf  cette  bataille  ,  Lucain  ,  Denis  d'Ha- 
licarnaffe  ,  liv.  XLI  y  Appian  ,  Hp.  II y 
Plutarque  ,  dans  la  l'ie  de  Céfar  ,  Fiorus  , 
Eutropius  ,  Velleius  Paterculus  ,  Cicéron  , 
Céfar  ,  de  bello  cii^'ili  ,  liv.  I  &i  II  y  &:c. 
C'efi  atîez  pour  moi  de  faire  deux  ou  trois 
remarques. 

_  On  fait  que    l'empire   ne  coûta  ,   pour 
ainfi  dire  ,  à  Céfar  qu'une  heure  de  temps  , 
&   que  la  bataille  de  Pharfale  en  décida. 
La  perte  de  Pompée,  qui  périt  depuis  en- 
Egypte  ,  entraîna  celle  de  fon  parti  ;  mais- 
on ne  peut  afîez  s'imaginer  quels  étoient 
alors  le  luxe  &  la  mollelTe  des  Romains. 
Le    pauvre    officier    languifToit     dans   les. 
honneurs   obfcurs  d'une  légion  ,    pendant 
que   les  grands  tâchoient  de   couvrir  leur- 
lâcheté  te  d'éblouir  le  public  par  la  magni- 
ficence de  leur  train  ,  &  par  l'éclat  de  leur' 
dépenfe.  Lucain  difoit  : 

Sasvior  armis 
Luxuria  incubuit ,  viciumque  ulcifcitur' 
orbenu 

Les  jeunes  gens  ne  connoifToient  que  des 
chanteufcs  &  àf^  baladines,  dont  ils  fai*> 
foienr  l'objet  de  leurs  ridicules  nflèclions  ; 
ifs  fe  friloient  comme  elles  ;  ils  affedoient 
même  d'imiter  le  fon  de  leur  voix  &  leur 
démarche,  lafcive  ;  ils  ne  furpaffoient  ces 
femmes  perdues  que  par  leur  molleffe  & 
leur  lâcheté.  Auffi  Jules-Céfar  ,  qui  con- 
noiffoit  la  faufle  délicatefl'e  de  cette  jeu- 
neife  efféminée  qui  fuivoit  le  parti  de 
Pompée,,  ordonna  à  fes  foldars ,  dans 
la  bataille  de  Pharfale  y  au  lieu  de  lancer 
de  loin  leurs  javelots  ,  de  les  porter  droit 
au  vifage  :  Miles  faciem  feri.  C'eft  une 
anecdote  que  raconte  Fiorus,  liv.  IV y 
c-  ij  y  &  il  arriva  que  ces  jeunes  gens , 
idolâtres  de. leur  beauté,  prirent  la  fuite, 
de  peur  de  s'expofer  à  être  défigurés  par-. 
des  blclTures  &.  des- cicatrices.- 

Le  lux'e  &  la  mollcffe  régnoient  dàns^ 
leur  camp  comme  à  Rome  :  on  voyoit- 
une  foule  de  valets  &  d'efelaves  avec  tout ^' 
l'attiraii  de  la  volupté,  luivre  l'armée 
comme  une  autre  armée.  Pompée  étoit ^ 
ainfi  campé  délicieuiemcnt  entre  la  ville 
de  Pharfale  &  le  fleuve  Ènipée ,  dont  il; 
tirgic  toutes  fes  pjrovifiûDs.  -  Ccfar  , .  après 


^i6  ■  ï>  H  A 

avoir  forcé  (on  camp  ,  y  trouva  les  tables 
•  dreifées  comme  pour  des  feftins.  Les  buf- 
fets-, dit -il,  de  belLo  civili  y  lib.  V, 
plioient  Ibus  le  poids  des  vafes  d'or  & 
d'argent.  Les  tentes  étoient  ornées  de 
gazon  verd  ;  &  quelques-unes,  comme 
celles  de  Lentulus  ,  pour  confcrver  le  frais, 
croient  ombragées  de  rameaux  &.  de  lierre. 
En  un  mot,  il  vit  du  côté  qu'il  força, 
le  luxe  &  la  débauche ,  &  dans  l'endroit 
où  l'on  le  bartoit  encore  ,  le  meurtre  & 
le  carnage.  Alibi  prcelia  Ù  vulnera  ,  alibi 
popinûE  )  Jimiil  cruor  Ù  flrues  corporum 
juxtcL  fcona  Ù  fcords  Jîmile. 

On  a  remarqué  que  Céfar  régla  à  certe 
bataille  la  difpofition  de  fon  armée  fur  le 
modèle  de  la  dilpoiïtion  que  Cyrus  a\oir 
faite  à  la  bataille  de  Thimbrée  ;  &  c'eit 
à  cette  dilpofition  qu'il  dut  fa  vidoire 
complète. 

Prefque  tous  nos  auteurs  ne  font  que 
louer  la  modération  &  la  clémence  que 
Céfar  fit  paroître  après  fa  vidoire.  Quoi- 
qu'il tût  élevé  par  Alarius  fon  oncle  ,  nous 
difènt-ils ,  il  facrifia  ks  reflênrimens  à 
l'établi fîemcnt  de  là  domination  ,  &  par- 
donna à  tous  les  partifans  de  Pompée. 
Mais  Dion  n'en  parle  point  fur  ce  ton  là. 
Voici  (qs  propres  paroles  ,  livre  XLIX': 
Equités  Ùfenatores  qui  Pompeio  favijj'ent 
fupplicio  affecli  y  paucis  exceptis.  Legio- 
narios  milites  ingenuos  Cœfar  in  Juas 
legiones  adfcripjit  ;  fervos  dominis  reddi- 
dit  y  ut  pocnas  durent  ;  qui  non  ingénie- 
bant  dominos  fuos  ^  incrucem  acii.  «  Tous 
V  \t^  fénateurs  &  les  chevaliers  qui  lui 
w  avoient  été  attachés  ,  furent  punis  de 
»  mort,  à  l'exception  d'un  très  -  petit 
»  nombre.  Ses  légions  furent  incorporées 
i}  dans  celles  d'Odavien  :  on  donna  les 
w  efclaves  à  leurs  maîtres  pour  les  punir  ; 
M  &  ceux  qui  ne  trouvoient  point  de  maî- 
«    irt^  rnoururent  en  croix.  >» 

Ainfi  la  liberté  de  Rome  ,"  H  précleufè 
a,ux  premiers  Romains,  &  qui  avoit  été  fi 
long-temps  Ions  la  garde  de  la  pauvreté , 
de  la  tempérance  ,  &  de  l'amour  de  la 
patrie  ,  fut  enfevelie  par  Céfar  dans  les 
champs  de  Pharfale.  Tout  pha  depuis  fous 
fa  puifîance  ;  &  deux  ans  après  le  pafTage 
du  Rubicon  ,  on  le  vit  entrer  dans  Rome 
trioinphant, ,  &  bientôt  juflement  afTaliiné 


PHA 

au  milieu  d'une  république  dont  il  étoit  de- 
venu le  tyran.  {  D.  J.) 

PHARUSES  ,  LES  ,  Pharufii ,  (  Ge'ogr, 
anc.  )  peuples  de  la  Lybie  ,  (elon  Sirabon, 
/.  Xî^II  y  &  Etienne  le  géographe.  Pora^ 
ponius  Mêla ,  liv.  III  ^  c.  x  y  les  met  au 
deffus  des  Nigrites  ,  &  les  étend  julqu'à 
l'Ethiopie.  Pline,  lii^.  V,  c.  viij  ,  d^t  .:)ue 
CCS  peuples  étoient  Perles  d'ongin",  & 
qu'ils  accompagnèrent  Hercule  lorlqu'il  en- 
treprit de  palTer  dans  le  jardin  dts  Hcipé- 
rides.  {D  J.) 

PHASES  ,  f  f.  en  AJÎron.  fe  dit  àts 
diverfes  apparences  de  la  lune ,  de  venus  , 
de  mercure  &  des  autres  planètes  ,  ou 
des  diiférentes  manières  dont  elles  paroif- 
lent  éclairées  par  le  foleil.  Voye\  Pla- 
nète. 

Ce  mot  efl  formé  du  grec  ^'.  Ua  ,  je  pa- 
rois y  je  brille. 

La  variété  des  phafes  de  la  lune  efl  fort 
remarquable  ,  quelqîielois  elle  croît ,  quel- 
quefois elle  décroît ,  quelquefois  elle  efî 
courbée  en  forme  de  corne  ,  puis  paroîc 
comme  un  demi-cercle  ,  enfuite  elle  paroît 
boffue ,  &  reprend  enfin  une  face  circu- 
laire pleine.  Voye\  CROISSANT  ,  Bossu, 
Dichotomie,  Faux,  ùc.  Quant  à  la 
théorie  des  phafes  de  la  lune  ,  voye\ 
Lune. 

Pour  celles  de  venus  ,  on  n*y  découvre 
aucune  diverfifé  à  la  vue  fimple  ,  mais  on 
y  en  remarque  avec  le  télefcope  :  Copernic 
prédit  que  les  fiecles  à  venir  découvriroient 
que  venus  4prouveroit  les  mêmes  change- 
mens  que  la  lune  :  Galilée  fut  le  premier 
qui  accomplit  cette  prédidion  ;  en  diri- 
geant fon  télefcope  fur  venus  y  il  obferva 
que  les  phafes  de  cette  planète  étoient 
Jemblables  à  celles  de  la  lune  ,  que  tantôt 
elle  étoit  pleine  ,  tantôt  en  croiffant.  V^oy, 

Vénus. 

Mercure  fait  voir  les  mêmes  apparences  ; 
toute  la  différence  entre  celles-ci  &  celles 
de  la  lune  ,  efl  que  quand  ces  planètes 
font  pleines  ,  le  foleil  efl  entr'elles  & 
nous  ;  au  lieu  que  quand  la  lune  efl  pleine , 
nous  fommes  entr'elie  &:  le  foleil.  Voye^ 
Mercure. 

Saturne   a  embarrafTé   long  -  temps  les 

aflronomes   par  fon  étrange  diverfité    de 

phafes  :  Hevelius  &  d'autres  la  trouvent 

i**.  monofphériquc  g 


P  H  A 

1°,  monorphérique  ,  2,°.  trifphérique  ,  3°. 
fphëricb-anl'é ,  4*.  elliptico-anfé  ,5®  pointu- 
ipherique.  Huygfiens  crut  d'abord  que  ces 
phafes  prétendues  ne  venoient,  pour  la  plu- 
part ,  que  de  i'imperf'edion  des  téieicopes  de 
CQs  oblèrvateurs  ;  cependant  il  a  remarqué 
lui-même  des  variétés  réelles  dans  la  figure 
de  cette  planète  ,  &  les  a  expliquées.  Ce 
grand  homme,  avec  le  (ecours  des  meilleurs 
téieicopes  ,  y  remarqua  trois  p/îû/e^  princi- 
pales :  lavoir ,  le  16  Janvier  1656  ,  cette 
planète  lui  parut  ronde;  le  13  Odobre,  il  la 
vif  comme  li  elle  avoit  des  bras  ;  &  le  17  de 
décembre  1^57 ,  comme  fi  elle  avoit  des 
anles. 

Il  expliqua  ces  différentes  irrégularités  par 
la  luppofition  d'un  anneau  lumineux  dont 
faturne  eft  entouré ,  &  publia  fa  décou- 
verte dans  Ton  iyilême  de  làturne  ,  imprimé 
parmi  les  autres  ouvrages  dans  les  recueils 
qu'on  en  a  faits  ;  les  différentes  polirions  de 
cet  anneau ,  par  rapport  à  notre  œil ,  occa- 
lionent  ces  irrégularirés  apparences.    V^oye^ 

Saturne  ik  Anneau. 

Un  obferve  aulii  beaucoup  de  changemens 
iùr  le  dilq.ie  de  Jupiter.  Vvy.  JuPITER  & 
Bandes.  Chamrers.  (O)  - 

Les  piidfes  de  la  lune  prouvent  que  la 
furface  do  cette  planète  efl  fenliblement 
iphérique  :  car  en  la  luf^poiant  fphérique  , 
oirtrou\  e  que  la  plus  grande  largeur  de 
la  phafe  doit  être  à-peu-près  comme  le 
iinus  verlè  de  l'elongation  au  foleil  ;  or  , 
Vivant  les  obfervvnions  d'Hevelius  ,  \qs 
largeurs  des  phafes  luivent  à-peu-près  ce 
rapport.  Voye\.  mes  Recherches  fur  le  fyf- 
tême  du  monde  y  II  partie  y  page  z  6*5 
Ù  Z64. 

Phase  ,  (  Géog,  anc.  )  1°.  Phajîsy  grand 
&  célèbre  fleuve  de  TAiie  qui  traverfe  la 
Colchide  ,  aujourd'hui  la  Mingrelie,  &  fe 
rend  dans  la  mer  Noii'e.  Hérodote  le  donne 
pour  la  borne  entre  l'Afie  &  l'Europe.  M.  de 
Liile  ^'eff  trompé  en  ioutenant*quele  P/za/e 
é'oit  le  mîme  que  l'Araxe.  Les  Turcs  l'ap- 
pellent Frachsy  &c  les  gens  du  pays  le  nom- 
ment Rione. 

On  l'appelloir  anciennement  Areturus , 
&  il  ne  prit  le  nom  de  Phajisy  que  depuis 
qu'un  jeune  homme  s'y  fut  précipité  '-,  ce 
jeune  homme  etoit  fils  d'Apollon  &  d'O- 
c^roë  ,  fille  de  l'Océan.  Après  avoir  tué 
Tome  XXy^, 


P  H  A  gij 

fa  mère  qu'il  avoit  furprife  entre  les  bras  d'un 
amant ,  \qs  furies  le  tourmentèrent  à  un  tel 
point ,  qu'il  fe  jeta  dans  VAreturus. 

Mais  il  n'y  a  rien  qui  ait  fait  autant  parler 
du  PhaJiSy  que  l'expédidon  des  Argonautes  ; 
puifque  tous  les  Poètes  qui'onr  chanté  cette 
expédition  ,  ont  été  obligés  de  fe  fouvenir  du 
grand  fleuve  qu'il  fallut  que  les  Argonautes 
remontaflent  pour  fe  rendre  maître  de  la 
toifon  d'or. 

Cette  rivière  étoir  encore  célèbre  ,  parce 
qu'on  trouvoit  fur  (es  bords  la  plante  nom- 
mée leucophyllus  y  qui  étant  cueillie  avec 
quelques  précautions  ,  avoit  la  vertu  d'em- 
pêcher les  femmes  de  tomber  dans  l'adul- 
tère. Voyei  LeUCOPHYLLUS. 

Pour  revenir  à  la  topographie  du  Phafe  y 
le  P.  Archange  Lamberti ,  relat.  de  la  Min- 
grelie y  &  Chardin,  qui  tous  deux  ou  par- 
couru les  bords  de  ce  fleuve  ,  depuis  Ion 
embouchure  jufqu'à  fa  fource  ,  difent  qu'il 
court  d'abord  rapidement  dans  un  lieu  étroit, 
mais  que  dans  la  plaine  ,  fon  cours  qui  efî 
d'orient  en  occident,  devient  très-imperctp- 
tiblc.  Il  fè  décharge  dans  la  mer  par  deu-x 
embouchures  qui  font  éloignées  de  fa  fource 
d'environ  90  milles  ,  &  qui  font  féparées 
par  une  île  que  forme  cette  rivière. 

On  ne  trouve  aujourd'hui  dans  cette  île 
du  Phafe  y  aucun  vefHge  du  temple  de 
Rhea  ,  qu'Arrien  dit  qu'on  y  voyoit  de 
(on  temps.  On  cherche  avec  aulIi  peu  de 
luccès  les  ruines  de  l'ancienne  Sebafle  ; 
qu'on  dit  avoir  été  bâtie  à  l'embouchure 
du  Phafe.  Tout  ce  qu'on  y  remarque  de 
conforme  A  Ce  que  les  anciens  ont  écrit  de 
cet  endroit  de  la  mer  Noire  ,  c'eft  qu'il  y 
a  beaucoup  de  faifans ,  &  qu'ils  font  plus 
gros  &:  plus  beaux  qu'en  aucun  autre  en- 
droit. Martial  prétend  que  les  Argonautes 
apportèrent  de  ces  oifeaux  en  Grèce  où 
on  n'en  avoit  jamais  vu  auparavant  ,  & 
qu'on  lesappella ^u.7ixvot ,  en  latin phajiani y 
parce  qu'on  les  avoit  pris,  fur  le  bord  du 
Phafe. 

Les  anciens  difent  qu'on  avoit  été  obligé 
de  jeter  defîijs  cette  rivière  jufqu'à  fix- 
vingts  ponts ,  à  caufè  de  fes  fréqu'ën tes  cour- 
bures. Strabon  raconte  que  la  plupart  de 
ce^  ponts  étoient  aux  environs  d'une  forte- 
reflê  delà  Colchide,  nommée  Sarapanes y 
&  qui  étoit  le  premier  des  quatre  palTascli 

liii 


par  où  l'on  entroit  dans  l'Ibérie.  Ces  ponts  , 
ajoute-t-il ,  font  néceiFaires  ,  parce  que  "h 
rivière  coAile  rapidement  dans  ces  lieux  rem- 
plis de  rochers  ,  &  tout  creufés  par  les  tor- 
rens  qui  fe  précipitent  des  montagnes  voiii- 
nes.  Une  pareille  defcription  montre  qu'on 
avoit  une  aflez  exade  connoifTance  de  La 
contrée  dont  on  parloit:  &  il  falloit  bien  qu'on 
Feût ,  puifqu'on  y  avoit  cherché  un  palTage 
dans  un  pays  dont  toutes  les  entrées  étoierjt 
^  extrêmement  difficiles,,  &. qu'on  l'y  avoir 
trouvé. 

Le  Phafe  fépare  aujourd'hui  la  Mingr^lie 
de  la  principauté  de  Guriel ,.  &  du  petit  royau- 
me d'Imirette.  La  côte  eft  par-tout  unterrain 
bas  ,  fablonneux  ,,  chargé  de  bois  &  de  peti- 
tes îles  habitées  ça  &  là.  Il  reçoit  dans  fon 
cours  trois  rivières  aiTez  confidérables ,  fa- 
voir  l'Hippus  des  anciens ,  appelle  par  les 
gens  d\i  p^ys  Scheni-Scliari  j  le  Gl^cus., 
appelle  AbaJJla.  ;  &  le  Sicamen  ,,  qu!on 
nomme  aujourd'hui  Tachur._ 

2".  Phjjls  eil  encore  le  nom  d'un  fieuve  de 
l'ile  de  Taprobane.  Ptoloméc  en  parle.,  Uu. 
VIL  c.  U\  {D.  /.) 

Phase  ,  (  Critique  facr/c.^  terme  hé- 
breu ,  qui  répond  au  mot  François  pajfpage. 
Vous  mangerez  l'agneau  pafchal  prompte- 
ment ,  car  c'eft  le  phafe  ^  c'eft-à-dire ,  le 
pajjage  du  Seigneur  ,  Exod.  zJHp  il  .ha 
raitbn  de  cet  ordre ,  c'efl  que  l'agneau  pafchal 
fut  immolé  à  l'occafion  de  l'ange  qui  pafla  les 
maifons  marquées  du  fang  de  cet  agneau,  & 
entra  dans  celles  des  Egyptiens ,  pour  y  tuer 
les  premiers  nés.  Delà  vient  que  phafe  dé- 
.  iîgne  auffi  l'agneau  pafchal  qu'on  immoloit 
en  mémoire  de  ce  paj/age  de  l'ange.  Im- 
molez le  phafe  y  Exod.  iz.  2.1,,  c'eft-àr- 
dire  ,  V agneau  pafchal  ;  de  pJus  y  ce  mot  fe 
prend  pour  le  jour  qu'on,  immoloit  cet 
agneau  ,  favoir  le  quatorzième  de  la  lune; 
&  finalement  pour  toutes,  les  vidimes 
qui  étoient  immolées  pendant  la  femaine  de 
Pâque.  Vous  immolerez  au  Seigneur  le 
phafe  de  vos  bœufs  &  de  vos  hrçhïs..Deu- 
téronome  xvj.  a,. 

^  PHASELIS,  (Géog.  me.)  ville  mari- 
time dans  la  Lycie ,  fur  les  confins  de  la 
Pamphylie  ,  près  d'une  montagne  nommée 
Climan,  félon  Strabon, /.  XIF".  p.  66 S. 
Pomponius  Mêla ,  liv.  I.  c.  xiv  ,  prétend 
flu'elk  avoit  été  bâtie  par  Mopfus.  Etience 


P  H  A 

le  ge'ographe  dit  qu'on  l'appella  première- 
ment Petyujfay  &  enfiiite  Phafelis.  Elle 
fubfifloit  d'elle-même  y.  &  n'entroit  point  en 
communauté  avec  les  Lyciens. 

Ce  fut  l'une  des  villes  qui  s'enrichirent  le 
plus  des  pirateries  des  Ciliciens  ;  &  Florus 
nous  apprend  que  c'eft  par  cette  raifon  qu'elle 
fut  ruinée  par  Publius  ServiUus.,  après  les 
viftoires  qu'il  remporta  fur  ces  corfaires, 
Phafelim  y  dit  cethiftorien,  Ù.  Olympon 
evertity  Ifaurumque,  ipfajn  arcem  Ciliciûe:. 
Elle  éfoit  dans  un  pitoyable  état  lorfque 
Pompée  y  aborda  après  la  bataille  de  Phar- 
falejcar  Lucain  ,  /.  ï>^///^  raconte  qu'il,  y 
avoit  plus  de  gens  dans  le  vaifleau  de  Pomr 
pée  que  dans  cette  ville.. 

Te  primùm^  parva.  PhafèU ,, 
Magnus  adit  ;    nam  te  nutui  vetajt 

incola  rarusy 
Exauflceque-  domus  popuUs  y    major-- 
que  carince 
Quà/ri  tua.  turhafuiu, 

Ainfi  quand  Straboir ,  qui  vivoit  après. 
Pompée,  parle  de  Phafelis  comme  d'une 
ville eonfidérable  ,  &  à  trois  ports,  il  avoit 
égaxd. apparemment  à  ce  qu'elle  avoit  é.té  ;. 
mais  il  auroit  dû  ne  pas  s-'exprimer  au  temps 
préfent ,  car:  il  n'y  a  point  d'appar^ence  que 
depuis  la  bataille  de  PAar/à/e  jufqu'au  temps 
de  Sîrabon ,  cette  ville  eût  été  rétablie. 

Elle  pouvoit  néanmoins  toujours  fe  van-* 
ter  d'avoir  été  le  lieu  de  la  naiffance  &  du; 
raaufoléc  de  Théodede  ,.  contemporaiîj 
d'Arillote ,  un  des  plus  beaux  hommes  clç 
fon.terhps.;  mais  la  beauté  de  réfprit  fur- 
paffoiten  lui  celle  du  corps.  Ilétoit  égale- 
ment grand  poète  ,  &  grand  orateur.  Il  avoit 
fait  cinquante  tragédies.  &  plufieurs  oraifons, 
qui  toutes  ont  péri.  (  D.  J.) 

PHASELUS,  L  m,  {Litter.)  forte  dç 
bâtiment  à  voiles  &  à  rames ,  dont  les  Ro- 
mains faifoieat  ufage  pour  n'être  point  arrêr- 
tés  dans  leurs  expéditions;  ce  bâtiment  avoijt 
tiré  .fon.nom  de  la.ville  de. Phafelis  en  Pam»- 
philie,  qui  avoit  fervi  long-temps  de  retraite 
aux  pirates   (D.J.) 

PHASEOLE,  f.f.  {Botan.)  ce  genre 

de   plantes   que   les    auteurs  appellent    en 

latin  phafeolus  ^   &  qui  porte   une  longue 

^gouife  remplie  de  femences  faites  en  forna^ 


PH  A 

d'un  petîl  tein  ,  conftitue  un  genre  tth- 
étendu  dans  le  fyftême  de  Tournefort ,  puif- 
qu'il  renferme  cmquante-neuf  efpeces.  Nous 
en  avons  décrit  çà  &  là  quelques-unes  d'é- 
trangères ,  fous  leurs  noms  propres  ,^Sc  en 
particulier  la  plus  commune  connue  dans  nos 
jardins  fous  le  nom  de  haricot. 

PHASEOLOIDE,  f.  f.  {Botan.  exot.) 
genre  de  plante  ,  que  les  Anglois  nomment 
kidnei-beaa-tree  ;  en  voici  les  caraderes  : 
fès  feuilles  font  ailées  ,  compofées  d'un 
nombre  inégal  d'autres  feuilles  découpées. 
Sa  fleur  eft  légumineufe  ;  le  piflil  qui  fort 
du  calice  devient  une  longue  goufle,  ren- 
fermant plufieurs  femences  faites  en  forme 
de  rein.  On  ne  connoît  en  Europe  qu'une 
feule  e(pece  de  ce  genre  de  plante  ;  on  la 
nomme  phafeoloides  carolinianap  frutef- 
cens  ,  fcandens  ,  foliis  pinnatis  y  jîoribus 
caruleisfpicatis.  Les  graines  de  cette  plante 
ont  été  envoyées  de  la  Caroline  en  Angle- 
terre par  M.  Catesby ,  en  172.4,  &  diftri- 
buées  aux  curieux  ;  il  s'eft  élevé  de  Çqs 
graines  plufieurs  phafeoloides  dans  les  jar- 
dins des  environs  de  Londres ,  &  on  les  a 
multipliées  par  des  rejetons  que  la  racine 
fournit  en  abondance.  Ils  viennent  en  tou- 
tes fortes  de  terres,  fur- tout  dans  une 
bonne  terre  légère ,  &  ne  craignent  rien 
de  la  dureté  des  hivers  ,  pourvu  qu'on  les 
abrite  des  vents  les  plus  rudes.  On  peut 
placer  cette  plante  avec  les  arbrifleaux 
grimpans  ;  &  en  la  foutenant  par  des  piquets, 
elle  grandit  à  la  hauteur  de  douze  ou  qua- 
torze pies  ,  &  produit  plufieurs  épis  de 
très-belles  fleurs  bleues.  Dans  une  faifon 
favorable ,  (ts  graines  viennent  à  parfaite 
maturité.  (D.  /.) 

§  PH  ASÉOLOÏDE,(5of.  Jard.)  en  latin 
glycine  y  en  anglois  knobbed  -  rooted  li- 
quorice  vetch. 

Caractère  générique. 

La  fleur  efl:  papilionacée  ;  l'étendard  efl 
courbé  par  les  bords  ,  &  denté  au  bout  ; 
les  ailes  font  tournées  en  arrière  ;  la  na- 
celle efl:  figurée  en  faucille,  &  fa  pointe 
fe  haufl^e  vers  l'étendard.  Le  calice  a  deux 
lèvres.  On  y  trouve  dix  étamines  ,  dont 
neuf  font  jointes  enfemble  ,  &  une  fépa- 
rée.  Au  centre  efl  fitué  un  embryon  oblong 


P  H  A  ^i^ 

qui  devient  une  filique  de  la  même  forme  > 
laquelle  s'ouvre  en  deux  valves  ,  &  con-. 
tient  des  fenaences  réniformes. 

Efpeces^ 

1.  Phaféoloïde  à  feuilles  ailées  ,  à  tige 
pérenne. 

Glycine  foliis  pinnatis  y  caule  perennî,' 
Hort.  Ciiff. 

Glycine  with  à  perennial  fialk. 

2.  Phaféoloïde  à  feuilles  ailées  ovale-Ian* 
céolées. 

Glycine  foliis  pennatis  ovato-lanceolatis^ 
Hort.  Cliff. 

Glycine  with  oral  fpear  shaped  winged 
leavçs. 

3 .  Phaféoloïde  à  feuilles  ailées  conjuguées, 
à  lobes  ovales  /  oblongs ,  obtus. 

Glycine  foliis  pennatis  conjugatisy  pen- 
nis  ot'dtis  y  oblongis  y  ohtufis.  Flor.  ZeyU 
IVhite  liquorice  in  the  wefi  Indies. 

4.  Phaféoloïde  à  feuilles  à  trois  lobes  ve-« 
lus ,  à  grappes  latérales. 

Glycine  foliis  ternatis  hirfutisy  racemis 
lateralibus.ïÂn.  Sp.  pi. 

Glycine  with  hairy  trifoliate  le  ave  s. 

5.  Phaféoloïde  à  feuilles  à  trois  lobes 
laineux  ,  à  grappes  axillaires  très -cour- 
tes ,  dont  les  filiques  n'ont  que  deux  {è* 
mences. 

Glycine  foliis  ternatis  tomentofis  y  ra- 
cemis axillaribils  breyifjîmisy  leguminibiu 
difperniis. 

Glycine  with  woolly  trifoliate  leavesy  &cc. 

La  première  efpece  efl:  naturelle  de  la 
Caroline,  la  Virginie  ,  &î quelques  autres 
parties  de  l'Amérique  lèptentrionale.  C'efl 
un  arbrifleau  farmenteux  ,  qui  s'élève  ea 
s'entortillant  autour  des  fupports  voifins  , 
à  la  hauteur  d'environ  quinze  pies.  Ses 
feuilles  font  compofées  d'un  grand  nombre 
de  folioles  d'un  verd  un  peu  argenté.  Les 
fleurs  naiffênt  à  l'aiflelle  des  feuilles  ;  elles 
font  d'une  couleur  purpurine,  &  paroifl!ênc 
en  été.  Cet  arbrifleau  ië  multiplie  par  les 
marcottes  qu'il  faut  faire  au  mois  de  juillet , 
&  qui  feront  bien  enracinées  la  féconde 
automne.  Il  faut  mettre,  l'hiver,  delà  litière 
autour  des  glycines  ,  pour  empêcher  le 
grand  froid  de  pénétrer  jufqu'aux  racines 
qui ,  fi  les  tiges  périflent  ,    en  poufTcrom 

lii.ii 


éio  P  H  A 

de  nouvelles  au  printemps.  Cet  arbriiTeau 
ddir  être  employé  dans  les  bofquets  d'été  ; 
ou  fi  l'on  en  garnit  le  tronc  des  arbres  , 
les  builTons  ,  les  cintres  &  les  tonnelles, 
il  produira  un  effet  &  une  variété  très- 
agréables. 

.  La  (èconde  efpece  eu  une  plante  vivace 
naturelle  de  la  Virginie  ;  elle  s'élève  ,  en 
grimpant ,  à  environ  dix  pies  de  haut  ;  les 
fleurs  font  de  couleur  de  chair.  Elle  fè  inulti- 
plie  en  (éparant ,  au  commencement  d'avril, 
{çs  racines  charnues  qu'il  faut  couvrir  de  li- 
tière pendant  l'hiver. 

La  troifieme  èfl  naturelle  des  deux  Indes 
"&  de  l'Egypte.  C'ell  une  plante  vivace  & 
volubile  qui  s'élève ,  en  rampant ,  à  huit  ou 
dix  pies.  Les  fleurs  ibnt  d'un  pourpre  clair , 
&  reflémblantes  à  celles  des  haricots.  Les 
iemences  font  d'une  couleur  écariate  vive , 
&  marquées  d'un  point  noir.  Cette  plante 
demande  là  ferre  chaude  :  elle  a  les  mêmes 
qualités  que  la  réglilîe. 

Le  /2*.  4  eft  auffi  une  plante  vivace  volu- 
bile, qui  ne  s'élève  qu'à  deux  ou  trois  pies. 

.  Les  fleurs  font  d'un  beau  bleu:  elle  efl 
naturelle  de  l'Amérique  feptentrionale.  Ainii 
©n  peut  l'élever  en  pleine  terre  dans  nascli- 
niats ,  en  lui  donnant  une  fituation  chaude 
&  abritée.  Il  faut  la  femer  &  la  traDfplanter 
an  .printemps.  On  la  multiplie  aiiément  en 
feparanc  fcs  racines. 

La  cinquième  efpece  ,  naturelle  de  la 
Virginie  ,  s'él  ve  a  cinq  ou  flx  pies  :  fes 
fleurs  font  Jaunes.  On  la  multiplie  par  les 
femences ,  mais  elle  demande  d'être  arbritée 
durant  l'hiver.  {Monfieur  le  baron  de 
TSCHOUDI.) 

.  PH ASS ACH ATES  ,,  (  Hifl,.  nat,)  nom 
donné  par  les  anciens  à  une  agate  dont  ils 
né  nous  ont  tranlmis  que  le  nom.-Cepen- 
dant  M.  Hill  prétend  que  c'eit  la  même 
pierre  que  les  anciens  nommoient  auffi 
Leucdchates  y  agate  blanche  eu  perilmcBs . 
Il  dit  que  le  fond  de  la  couleur  de  cette 
agate  .eîK  d'^un  gris  pâle  &  bleuâtre ,  au 
gorge  de  pigeon  ,  &  que  fou  vent  on  y 
voii  des  veines  noires  &  blanche;  qui  for- 
ment des  cercles  aflez  concentriques  ;  ce 
qui  fait  que  les  morceaux  de  ce'ite  pierre 
reflerablent  à  des  cnyx.  Il  s'en  trouve  aux 
Indes  orientales ,  en  Bohême ,  &:  en  plu^ 


P  H  A 

Ceufs  endroits  d'Europe.  Voy,  Hill ,  naniK 
hifiory  offojjils. 

PHATZISIRANDA  ,  {Botan.  exot.) 
plante  de  la  Florîde  >  qui  paroît  être  une 
efpece  de  porreau  ;  mais  les  voyageurs  ne 
nous  en.  donnent  que  des  defcriptions  infi- 
dèles &  fabuleules.  Ses  feuilles  font  fem- 
blables  à  celles  des  porreaux  ,  mais  plus  lon- 
gues &  plus  menues.  Sa  tige  efl  noueufe  ,  & 
s'élève  fulement  à  une  coudée  &  demie. 
Sa  fleur  ell  petite  ,  étroite  ,  compofée  de 
flx  pétales  ,  difpofées  en  hs  ;  la  racine  eft 
toute  boutonnée.  Les  habitans  broient  les 
feuilles  de  cette  plarue  entre  deux  pierres  , 
pour  en  tirer  un  iuc  dont  ils  fe  frottent 
tout  le  corps  pour  fe  peindre  &  fe  fortifier. 
('£>./.) 

PHAUSDAR  OM  FAUSDAR,  {Hifi, 
mod.  )  Nom  que  l'on  donne  dans  l'in- 
doflan  aux  fermiers  des  domaines  du  grand 
Mogol. 

PHAUSIA  ,  (  Géog.  anc.  )  nom  com- 
mun à  plufieurs  endroits.  i°.  C'efi:  un  lieu 
du  Cherionnefe  desRhodiens  ,  c'efl-à-dire  ,- 
dans  la  partie  de  la  Carie  oppofée  à  l'île  de 
Rhodes,  félon  Pline  ,/.  XXX/.  c.  ij.  2«. 
C'efl  une  ville  de  Médie;  Pline,  /.  VI.  c. 
XIV.  en  fait  mention.  3'*'  Ceii  une  ville  de- 
la. grande  Arménie  ,  quePto'oméê,  /.  V. 
c.  xiij.  place  entre  Sogocaria  &  Phânda- 
lia.  {D.J.) 

PHAZEIV  ONITIS ,  (  G^bgr.a/ic.)  con- 
trée du  Pont.  Elle  s'ettndoit  ,.  félon  Srra— 
bon  ,  /.  XII.  p.  ^60.  depuis  le  fleuve  d'A» 
myius  julqu'à  celui  d'Halys.  Pompée  chan-r 
gen  le  nom  de  cette  contrée  en  celui  de  Me- 
gaK  pohs  ;  &  du  bourg  Phazemont  il  fit  une- 
ville  qu'il  iippelia  Neapolis.  EnennQ  le  gco-- 
graphe  écrit  Phamizon  pour  Phazemont,  & 
place  cette  ville  près  de  l'Amylus ,  vers  le- 
.raidi.  (  D.  7.  ) 

PHEA,  {Ge'og.anc.)  nom  d'une  ville • 
de  l'Elide  ,  d'un  fleuve  peu  confidérable  du; 
Péloponefe  ,.  &  d'une  ville  de  Theflfalie,, 
ielon  Ortelius.  (D,  /.); 

PHÉBUS,  (ATy/Â.)  rojq Apollon.. 

PHEDRE ,  {Mj'tkol  )  fille  de  Pafii^haé, 
&  de  Minos,  roi  cie  Creie,  fœur.  d'Ariane: 
&  de  Deucalion,  fécond  du  nom  ,  époufa- 
Théfée  ,.  roi  d'Athènes.  Ce  princf  avoit-r 
eu  d'une  première  femme  un  fils  nommé- 
Hipolyte  y  qu'il  failbit  éiev-er  à  Trézene.  i. 


P  H  E 

chVigè  d'aller  faire  quelque  fôjouf  en  cette 
ville ,  il  y  mena  fa  nouvelle  époufe.  Phèdre 
n'eur  pas*  plurof  vu  le  jeune  Hipolyte  , 
qu'elle  fut  éprife  d'amour  pour  lui  ;  mais  , 
n'olant  donner  aucun  indice  de  là  paflîon 
en  préiènce  du  roi  ,  &  craignant  qu'après 
ion  retour  à  Athènes  elle  ne  iùî  privée  de 
la  vue  de  l'objet  qui  Texcifoit ,  elle  s'avifa 
de  faire  bâtir  un  temple  à  Vénus  fur  une 
montagne  près  de  Trézene ,  où,  fous 
prétexté  d'aller  ofîrir  fes  vœux  à  la  déefïè  , 
elle  avoit  occaiion  de  voir  le  jeune  prince 
qui  tailoic  (es  exercices  dans  la  plaine 
voifine. 

Selon  Euripide,  Phèdre  fait  d'abord 
tous  fes  efforts  pour  étouffer  cet  amour 
naifTant.  "  Dès  que  je  fentis  les  premiers 
r>  traits  d'une  criminelle  flamme,  dit-elle, 
je  n'eds  d'autre  vue  que  de  lutter  avec 


ferrr 


rmete   contre    un    m 


uil 


mvolontaire 


ri    je    commençai  à    i'cnfeveiir    dans    un 
?)   filence  profond....    je  me  ûs  enfuite 


un   devoir  de  me   vaincre,,   &    d'être    hêtre  célèbre  qui  fervoit  à  un  oracle  ,    & 


charte  en  dépit  de  Vénus.  Enfin  mes 
efforts  contre  cette  puilîante  divinité 
devenant  inutiles,  ma  dernière  reiîourct 
«  eif  de  recourir  à  la  mort....  L'hon- 
n  neur ,  fondé  lur  la  vertu ,  efi  plus  pré- 
»  Cîeux  que  la  vie.  ».  Mais  la  malheureuiè 
confidente  ,  qui  lui  avoir  arraché  le  fiua] 
fecret  de  fon  amour ,  fe  charge  de  le  faire 
réuiîir  &  d'en  faire  la  déclaration  à  Hipolyte. 
Gelui-ci  tû  faifi  d'horreur  à  cette  afireuiè 
propofition^  &  veut  s'exiler  du  palais 
jufqu'à  l'arrivée  de  fon  père.  La  reine  , 
inrtruite  des  fentimens  d'Hipolyte,  &  au 
délefpoir  de  fe  voir  diffamée  ,-  a  recours 
à  un  lâche  artifice  pourfauv^r  fon  honneur: 
**  J'expirerai ,  dit -elle  ,  fous  les  traits  de 
y>  l'amour  ;:  mais  cette  mort  même  me 
»  vengera  ,  &  mon  ennemie  ne  jouira 
?>  pas  du  triomphe  qu'elle  fc  promet  :  l'in- 
«  grat,  devenu  coupable  à  fon  tour,  ap- 
»  prendra  à  réprimer  la  fierté  de  fa  fa- 
**  rouche  vertu  ».  Elle  fc  donne  la  mort; 
mais  en  mourant  ellç  tient  dans  fa  main  une 
lettre  qu'elle  écrit  à  Théfée  ,  par  laquelle 
elle  déclare  qu'Hipolyte  avoit  voulu  la 
déshonorer,.  &  qu'elle  n'avoit  évité  ce 
malheur  que  par  fa  morr. . 

tXans  le  fameux  tableau  de  Polygnote  , 
Mhedre.  étoit   peinte   élevée,  de  -terre    & 


fufpendue  â  une  corde  qu'elle  tient  des 
deux  mains ,  femblant  fe  balancer  dans 
les  airs.  C'éft  ainfi ,  dit  Paufanias ,  que  le 
peintre  a  voulu  couvrir  le  genre  de  more 
dont  la  malheureufe'PA^^rf  finir  lés  jours; 
car  elle  lé  pendit  de  défefpoir.  Elle  eue 
fa  fépulture  à  Trézene ,  près  d'un  myrte 
dont  les  feuilles  étoient  toutes  criblées.  C& 
myrte ,  difoit-on ,  n'étoit  pas  venu  ainfi  ; 
mais  dans  le  temps  que  Phèdre  étoit  poP 
fédée  de  fa  paillon  ,  ne  trouvant  aucun' 
foulagement  ,  elle  trompoit*  fon  ennui* 
en  s'amufartt  à  percer  les  feuilles  de  ce- 
myrte     avec    fon    aiguille    de     cheveux, 

PHEGITES  ,  {Hifi.  na:.  )  nom  donné" 
par  quelques  auteurs  au  bois  de  hêtre' 
pétrifié. 

PHEGONÉE  ,  (  Mythol.  )^  Jupiter  de 
Dodone  efl  quelquefois  appelle  Phe'sçoneey. 
c'eft-à-dire  ,  qui  habite  dans  un  hérre  ,. 
■noi  parce    qu'il  fe  trouvoirà  Dodone  un 


dans  lequel  le  peuple  s'imagina  que  Jupiter' 
avoit  choifi  fa  refidence.  {  D.  J.  ) 

PHEGOR  ,    (Ge'og..  anc.)  nom  d'une-* 
montagne  ,  félon  Ortehus,  qui  cite  Ifidore.- 
Delà,  ajoute-t-il ,  vient  le  nom  de  Baal-^ 
Phc'gor  y  11.  X^.   J.  &  £.  D£uter.  iv.  j.. 
Jofaé y  xxij.  r/.- c'^fî-à-dire  ,  Baal  fur  la- 
montagne  de  Phégor..  Béel-Phégor  figni- 
fie  ,  lelon  Suidas  ,   le  lieu  où  Saturne  éroir 
adoré.  Béel-Phégor,   dit  dom  Calmet ,  efl- 
le  dieu  Phégor  ou  Phogor.   On   peut  voir 
les  conjedures  qu'il  a  rapportées  fur  cette 
faufîe  divinité.    Dans  une  difïertarion  que 
ce  lavant  bénédidin  a  faite  exprès  à  la  tête 
du  livre  des  Nombres  ,  A  tâche  d'y  mm-- 
trer  que  c'eft  le  même  dieu  ,   Adonis  ou 
Crus ,  adoré  par  les  Egyptiens   &  par  la 
plupart  des  peuples  d'Orient.-  L'Ecriture 
dit  que  les  Ifraéhteâ  étant  campés  au  défèrt 
de  Sen  ,  fe  laifferenf  aller  à  l'adoration  de 
Béel-Phégor,.  qu'ils   participèrent,  à  fes 
facrifices  , .  &    qu'ils  tombèrent  dans  l'im-- 
pndicité   avec  les  filles   de   Moab.     Et  le 
Pfalmlfle  racontant  le  même  événement, 
dit  que  les  Hébreux  furent  initiés  aux  myf^ 
teres  de  Béel-Phégor,-  &  qu'ils  partici-- 
perent  aux  facrifices  des  morts-  Phégor  ou^^ 
Pé-or ,  ajoute  dom  Calmet ,  ell  le  même 
qu'Or   ou -.Crus  V  CQ  retranchant  de  ce 


ëii  P  H  E 

mot  l'article  pe\  qui  ne  fîgnifie  fien.  A 
l'cgard  d'Orus ,  dit  -  il  ,  c'eft  le  même 
qu'Adonis  ou  Ofiris.  On  célébroir  les  fêtes 
d'Adonis  comme  des  funérailles  ,  &  l'on 
comraettoit  dans  ces  fêtes  mille  diflblu- 
tions  ,  lorfqu'on  chantoit  qu'Adonis  qu'on 
avoit  pleuré  mort  étoit  vivant.  Ainfi  dom 
Calmet  eft  bien  éloigné  de  dire  que  Phégor 
foit  une  montagne.  {D>  J.) 

PHEHUAME,  fubf.  mafc.  {Bot.) 
cette  plante  qui  ,  félon  Hernandez  ,  efl 
une  efpece  d'ariftoloche ,  croît  au  Mexique  ; 
fes  feuilles  ont  la  figure  d'un  cœur  ;  fes 
fleurs  font  purpurines  ;  fa  racine  efl:  lon- 
gue ,  grofle ,  couverte  d'une  écorce  rou- 
geâtre.  Elle  eft  acre ,  odorante  ,  chaude. 
Les  fauvages  s'en  fervent  pour  guérir  la 
toux  invétérée  &  pour  difliper  les  vents. 
{D.J.) 

PHELLANDRIUM ,  f.m.  (Hifi.nat. 
■Botan.  )  genre  de  plante  auquel  on  a  donné 
le  nom  de  ciguë  d'eau  ,  &  dont  la  jfleur  efl 
enrôle  &.en  ombelle  ,  compofée  de  plu- 
Ceurs  pétales  faits  en  forme  de  cœur,  dif- 
pofes  en  rond  &  foutenus  par  un  calice  , 
qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  compofé 
de  deux  petites  femences  relevées  en  boffe  , 
légèrement  ftriées  d'un  côté  &  plates  de 
l'autre.  Tournefort,  infi,  rei  herb.  Voye^ 
Plante. 

Tournefort  ne  compte  que  deux  efpeccs 
de  ce  genre  d.e  plante  :  le  phellandrium 
des  Alpes  ,  phellandrium  alpinum  y  um- 
bellâ  pUrpurafcente  ;  &  le  phellandrium 
aquatique.  La  première  efpece  a  une  vertu 
approchante  de  celle  du  meum.  Ses  racines 
font  apéritives  ,  incilives  &  difcuffives.  La 
féconde  efpece  eft  au  contraire  fufpede 
dans  {es  effets ,  &  pafTe  pour  avoir  les 
mêmes  qualités  que  la  ciguë  aquatique  ; 
c'eft  pourquoi  \ts  Angloisla  nomment //tf 
Water-hemlock.  Elle  vient  dans  les  marais, 
&  s'élcve  au-deflus  de  l'eau  à  la  hauteur 
de  deux  ou  trois  pies  ;  fà  tige  eft  cannelée  , 
nouée,  vide,  divifée  en  plufieurs  rameaux 
qui  s'étendent  en  ailes.  Ses  feuilles  font 
amples ,  découpées  comme  celles  du  cer- 
feuil,  d'un  goût  afTez  agréable,  un  peu 
acre.  Ses  fleurs  naiffent  en  ombelles  au 
fommet  des  branches  ;  elles  font  difpofées 
en  rofè ,  â  cinq  feuilles  blanches  ;  il  leur 
fuccede  des  femences  jointes  ideux  à  deux , 


ï>  H  E 

un  peu  plus  grofTes  que  celles  de  l'anis  ; 
prefque  ovales  ,  rayées  ,  convexes ,  noi«- 
râtres  ,  odorantes  ;  (ts  racines  font  fibrées. 
On  n'emploie  eette  plante  qu'extérieure- 
ment, pour  arrêter  les  progrès  de  la  gan- 
grené. {D.  J.) 

PHELLODRYS  ,  f.  m.  {Botan.  )  arbre 
que  nous  pouvons  nommer  laurier-chêne  ; 
il  croît  en  Dalmatie  ,  &  ,  fuivant  quelques- 
uns  ,  en  Grèce.  C'eft  le  phellodrys  alba  , 
latifolia  y  &  anguflifolia  de  Parkinfon  , 
théat.  î^S9-  Ses  feuilles  ,  fon  écorce.& 
Çts  glands  font  employés  au  même  ufage 
que  ces  mêmes  parties  du  chêne  ordinaire» 
II  paroît  que  Phne  a  confondu  le  phello- 
drys de  Théophrafte  ,  qui  eft  la  même 
plante  que  celle  qu'il  appelle  aria  ,  avec  le 
fuber  y  nommé  phellos  ;  car  il  attribue  au 
fuber  toutes  les  propriétés  que  Théophrafte 
donne  au  phellodrys.  {  D.  J.) 
^  PHELLOÉ,  {Géogr.  anc.)  ville  de 
l'Achaïe.  Paufanias ,  /.  VII.  c.  xxij\  qui 
la  met  au  voifinage  d'^gira  ,  dit  que  s'il 
y  a  un  lieu  dans  la  Grèce ,  qui  puiflè  être 
dit  arrofé  d'eaux  courantes  ,  c'eft  Phelloé.  Il 
ajoute  qu'on  y  voyoit  deux  temples ,  l'un 
confacré  à  Bacchus ,  &  l'autre  à  Diane, 
La  ftatue  de  Diane  étoit  d'airain ,  &  dans 
l'attitude  d'une  perfonne  qui  tire  une  flèche 
de  fon  carquois  :  celle  de  Bacchus  étoit  de 
bois    peint    en  vermillon.  {  D.  J.) 

PHELLUS ,  (  Géogr.  anc.  )  c'eft  le 
nom  de  plufieurs  lieux  :  i°.  d'une  ville  de 
Lycie,  oppofée  à  Antiphellus ,  ou  plutôt, 
comme  dit  Pline,  liv.  V.  chap.  xxvij ^ 
dans  l'enfoncement,  ayant  Antipbellus  k 
l'oppofite  ;  car  Phellus  étoit  à  quelque  dif- 
tance  dans  les  terres ,  au  lieu  qu'Antiphel*- 
lus  étoit  fur  le  rivage.  Le  périple  de  Scy- 
lax,  pag.  je;,  donne  un  port  à  Phellus,* 
mais  ou  ce  port  étoit  celui  d'Antiphellus , 
ou  il  n'étoit  pas  contigu  à  la  ville.  A  la  vé- 
rité Strabon  ,  /.  XIV.  p.  G 66  ,  femble 
mettre  l'une  &  l'autre  de  ces  villes  dans  les 
terres  ;  mais  on  ne  peut  le  dire  que  de  Phel- 
lus ;  &  s'il  y  place  Antiphellus ,  ce  n'eft 
qu'à  caufe  du  voifinage  de  ces  deux  places» 
Elles  étoient  toutes  deux  épifcopales , 
fuivant  la  notice  d'Hiérocles.  2*>.  Nom 
d'une  ville  du  Péloponefe  ,  appellée  au- 
trement Phello  y  dans  i'Elide.  Strabon , 
Ur.  VJIJ.  pag.  334^  la  mec  au  voifinage 


P  H  E 

id'OIympia.  3*.  Nom  d'une  montagne 
d'Italie.  Le  grand  étymologique  qui  en 
parle  ,  dit  qu'on  y  voyoit  beaucoup  de 
pefles  ,  forte  d'arbre  d'où  découle  la  poix. 

(n.j.) 

PHELONÉ  ,  f.  m.  (  Critique  facree.  ) 
^■-yovt]  ou  çî^oA»  :  faint  Paul ,  dans  fa  féconde 
cpître  à  Timothéc ,  chap.  iv.  v.  zj,  dit: 
**  apportez  avec  vous  le  phelone'iôv  (pi^ôvttv , 
«  que  jai  laifîe  à  Troas  chez  Carpus ,  avec 
»y  mes  livres ,  &  fur-tout  mes  parchemins». 
On  varie  dans  l'explication  de  ce  mot 
çê^3f^)  ;  quelques  -  uns  l'entendent  d'une 
caflette  où  faint  Paul  avoit  rais  les  livres, 
mais  la  plupart  l'entendent  d'un  manteau 
qui  fervoit  contre  le  froid  &  la  pluie; 
auffi  la  vulgate  rend  (piKovn  par  penula^ 
qui  étoit  une  forte  de  manteau  romain 
dont  nous  avons  parlé  fous  ce  mot.  L'au- 
teur du  commentaire  fur  les  épîtres  de 
faint  Paul ,  qui  fe  trouve  parmi  les  œuvres 
de  faint  Ambroife ,  &  qu'on  croit  être 
faint  Hilaire  ,  diacre  de  Rome  ,  dit  qu'à 
la  vérité  faint  Paul  ,  en  qualité  de  Juif, 
pe  devoit  point  avoir  de  penula  ^  parce 
que  ce  vêtement  n'étoit  point  à  l'ufage 
des  Juifs  ;  mais  que  comme  les  habitans 
de  Tharfe  avoient  été  admis  à.  l'honneur 
d'être  citoyens  romains  ,  ils  le  fervoient 
HuQl  du  vêtement  appelle  penula:  :  il  ajoute 
que  les.  habitans  de  Tharfe  avoient  obtenu  cg 
privilège  ,  pour  avoir  été  au  deyarxt  des 
Romains,  &  leur  avoir  fait  des  préfens- 
La  bourgeoifie  romaine  ,  dont  faint  Paul 
{è  glorifie,  venoit ,  félon  le  même  auteur, 
de   ce    qu'il    étojt   bourgeois  dp    Xharie. 

PHELYP^A,  f.f.  (,Hifi;nat.Bùt.) 
genre  de  plante  à  fleur  monopétale,  ano- 
male, en  mafque ,  divifée  en  deux  lèvres  , 
dont  la  fupérieure  efl  droite  &  partagée 
çn  deux  parties,  &  l'inférieure  en  trois. 
Le  pifljl  fort  du  calice  ;  il  eft  attaché 
comme  un  clou  à,  la  partie  pof|érieure  de 
la  fleur,  &  il  devient  dans  la,  fuite  un 
Cruit  arrondi  qui  s'ouvre  en  deux  portions , 
&.  qui.  renferme  des  femences  petites  pour 
l'ordinaircTcMirnefor  t ,  infi.js.i,  herb. .  V^oj^, 
Plante. 

PHENEUS,,  (  Géog.  anc)  i».  Lac  ou 
étang  de  l'Arcadie.  C'étoit  dans  ce  lac  que 
k,  fleuve  Ladon  prenoit  fafQwrce.a  felpn 


P  H  E  ^23 

Paufanias ,  /.  VIII.  c.  xx.  Ovide  attribue 
aux  eaux  du  Pheneus  une  vertu  merveilleufe . 
Si  on  buvoit  de  ces  eaux  la  nuit  ,  elles 
donnoient  la  mort  \  mais  on  pouvoit  en  boire 
le  jour  fans  aucun  péril  : 

Efi  lacus   Arcadiœ  ,    Pheneum   dixêre 

priores  y 
Ambiguis  fufpeâus  aquis  >   quas  nocle 

timeto  ; 
Nocle  nocent  potx ,    ^ne    noxâ    luce 

bibentur, 

2.^.  Pheneus  ou  Pheneum  ,  ville  du  Pé- 
loponefe  dans  l'Arcadie  ,  proche  de  No- 
marus.  Selon  Strabon,  L  VIII y  c'elt  entre 
ct^  deux  villes  que  fe  trouve  le  rocher  d'où 
ccw-jle  l'eau  du  Styx.  Virgile  ,  jS,neid.  lib. 
VIII^v  î  G ^  ,  fait  entendre  que  Pheneus, 
fut  la  demeure  d'Evander  &  celle  de  (es 
ancêtres.  Plutarque  ,  in  Cleomen.  &  Pau- 
fanias ,.  /.  VIII  y  c.  xiv  y  font  aufll  men- 
tion de  cette  ville  ;  &  le  premier  parle  d'une 
ancienne  Phénéon  qui  avoit  été  détruite  par 
une  inondation.  {D-J<) 

PHENGITES  ,  (  Hifloire  naturelle  ,  ). 
■om  donné,  par  Agricola  &  quelques  autres 
naturalises  à  un  marbre  jaune  d'une  feule 
couleur. 

M.  Hill  croît  que  c'étoi^  un  marbre  ou 
un  albâtre  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre  & 
tranfparent ,  à-i.peu-près  comme  de  la  cire. 
Il  prétend  qu'il  n'étoit  point  fortcompade  , 
&  que  le  temple  de  la  Fortune  en  étoit 
entièrement  bâti.  Gomme  ce  marbre  étoit 
tranfparent,  le  temple  étoit  éclairé,  quoi- 
qu'on n'y,  eût  point  fait  de  fenêtres..  Selon 
lui,  il.  le  trou  voit  en.  Gappadoce  ,  &  il 
en  rencontra  encore  en  Allemagne ,  ea 
France  &  en,  Angleterre  ,  dans  la  pro- 
vince de  Derby,  Voye\  Hjll ,  natur.  hijîor. 
offo/ds.^ 

PHENIGIE;  (  Geogr.  anç.)Phc£mcia., 
province,  de;.  Syrie  ,  dont  les  limites  n'ont 
pas  toujours.été.lûs mêmes.. Quelquefois  o«a 
lui  donne  l'étendue  du.  nord  au  midi ,  de- 
puis Orthofie  jufqu'à.  Pélufe  ;  d'autres  fois 
on  la  borne ,  du  côté  du  midi ,  au  mont 
Garmei  ,  &  à  Çtolémaïde.  Il  efl  certain 
qu'anciennement,  c'efl-à-dire  ,  depuis  la 
conquête  de  la  Palefline  par  les  Hébreux  , 
elle  étoit  aûez  bornée ,    &  ae  pofTcdgic. 


^14  P  H  E 

xien  transie  pays  des  Philiftins,  quîoccu- 
po^ienr  prefque  tout  le  terrain  y  depuis  le 
monr  Carmei ,  le  long  de  la  Médit  rranee, 
jufqu'aux  frontières  de  1  Egypte.  Elle  avoif 
aulii  trèfc-peu  d'étendue  du  côic  de  la  terre  , 
parc-'  quii  les  liraélites  qui  occupaient  la 
Galilée,  la  reflèrroicnt  fur  la  Méditerranée." 
Ainii  lorlqu'on  parle  de  -  la  Pnénicie  ,  il 
faut  bien  diilinguer  le  temp.>.  Avant  que 
Jofué  eût  fait  la  conquête  de  la  Palciline, 
tour  ce  pays  étoit  occupé  par  les  Cbana- 
néens ,  fils  de  Cham  ,  partagés  en  onze 
familles,  dont  la  plus  puilfante  etoit  celle  de 
Chanaan  ,  fondateur  de  Sidon  ,  &  chct 
àiQs  Chananéens  proprement  dits ,  aux- 
quels les  Grecs  donnent  le  nom  de  Pké- 
niciens. 

Ils  fe  maintinrent  k)ng-tcmps  dans  l'in- 
dépendance ;  mais  enfin  ils  lurent  ajj^ujéttis 
par  les  rois  d'AlFyrie  &  par  ceux  de  Chaî- 
née. Ils  obéirent  enfuite  fuccelfivement 
,aux  Perles*,  aux  Grecs  &  aux  Romains, 
&  aujourd'hui  la  Phenicie  e{ï  foumife  aux 
Ottomans ,  n'ayant  point  eu  de  rois  de 
leur  nation  ,  ni  de  lorme  d'état  indépen- 
dant depuis  trois  mille  ans;  car  les  rois 
que  les  AîTyriens  ,  les  Chaldéens ,  les  Per- 
fes ,  les  Grecs  &  les  Romains  y  ont  quel- 
quefois laifîes  ,  étoient  tributaires  de'  ces 
conquérans  ,  &  n'exerçoient  qu'un  pouvoir 
emprunté. 

Les  principales  villes  de  Phenicie  étoient 
Sidon,  Tyr  ,  Proie  naïde,  Ecdippe  ,  Sa- 
repra  ,  Bérythe  ,  Bibiis  ,  Tripoli  ,  Oflno- 
iie  ,  Siraire  >  Arade.  Les  Phéniciens  po(- 
fédoient  aulli  anciennement  qudques  villes 
dans  le  Liban  ,  &  perlonne  n'ignore  que 
Cartha^e  fut  une  de  leurs  premières  co- 
lonies. 

Quelquefois  les  auteurs  grecs  compr^n- 
ment  toute  la  Judée  fous  le  nom  de  Phé- 
jîicie.  Dans  les  janciennes  notices  ecclé- 
^alfiques ,  on  dillingue  la  Phenicie  de 
deflus  la  mer ,  ^  la  Phenicie  du  Liban. 
L'une  étoit  dans  les  terres ,  &  l'autre  lur 
|e  bord  delà  mer.  Hérodote  ,  /.  IV.  c.  çiv , . 
dit  que  les  Phéniciens  habitèrent  d'abord 
ilir  la  mer  Rouge  ,  &  que  delà  ils  vinrent 
^'etabhr  lùr  la  Méditerranée  entre  la  Syrie 
§f  l'Egypte. 

Le  nom  de  Phenicie  ne  fe  trouve  point 
4^an^  rE^riuiçç ,  4î»ns  les  Uv/es  écrits  e;» 


P  H  E 

I  hébreu  ,    mais  feulement  dans  ceux   dont 

i  l'original  eit  grec ,  comme  les  Machabees 

j  &  les  livres  du  nouveau  teltament.  L'hé- 

J  breu    dit  toujours    Ckanaan.     Moïie  fait 

venir  ks  Phehiciens  de  Cnam ,  qui  peupla 

l'Egypte  &  le.s  pays  voilins.  S.   Matthieu 

qui   écrivoit  en   hébreu   ou  en    fyriaqua , 

appelle    ckanantemie  ,     une    femme    que 

S.  Mcirc  qui  ecnvoit  en  grec  ,  a  appellée 

fyro  -  phénicienne  ,     ou    phénicienne    de 

Syrie  ,  pour  la  diftinguer  des  Phéniciens 

d'Afrique  ,  ou  àes  Carthaginois. 

On  dérive  le  nom  de  phénicien  ,  ou 
de  palmiers ,  appelles  en  grec  phoinix  , 
qui  iont  communs  dans  la  Phenicie  ^  ou 
d'un  Tyrien,  nommé  Fhœnix  ,  dont  parle 
la  lable  ;  ou  de  la  mer  Rouge ,  des  bords 
de  laquelle  on  prétend  qu'ils  étoient  venus, 
Phanix  lignifie  quelquetois  rouge  ;  d'où 
vient  paniceus    &  phtjiiceus  color. 

On  attribue  aux  Phéniciens  plufieurs 
belles  inventions  ,  par  exemple  ,  l'art  d'é- 
crire. Le  poëte  Lucain  s'exprime  ainfi  : 

Phœnices  primi ,  famce  Jî  creditur , 

auji 
Manfuram    rudibus    vocem   fignart 

figuris. 

C'e/I-à-dire  :  «  Les  Phéniciens  ,  fi  l'on 
»>  en  croit  la  tradition  ,  lurenr  les  pre  iers 
»  qui  fixèrent  par  des  fignes  durables  les 
«  accens  lugitils  de  la  parole.  >>  On  dit  de 
plus  qu'ils  ont  les  premiers  inventé  la  navi-p 
gation  ,  le  trafic  ,  l'alironomie  ,  les  voya- 
ges de  long  cours.  Bochart  a  montré,  par 
un  rravail  incroyable  ,  qu'ils  avoient  en- 
voyé des  colonies  ,  &  qu'ils  avoient  laifî^ 
des  velliges  de  leur  langue  dans  prefque 
toutes  lesiles  &  dans  toutes  les  côtes  de  la 
Méditerranée. 

Ils  ont  les  premiers  habité  l'île  de 
Délos.  Leur  trafic  avec  les  Grecs  intro- 
duifit  chez  ce  peuple  la  corruption  &  le 
luxe.  Leurs  colonies  portèrent  dans  les 
heux  où  elles  s'établirept  le  culte  de  Jupiter 
Ammon  ,  d'Ifis  ,  &  des  déefî'es-meres.  Ils 
lurent  \es  feuls ,  au  commencement,  qui 
culTent  la  liberté  de  trafiquer  avec  l'Egypte. 
Dès  le  règne  de  Necos ,  ils  firent  le  rour 
de  l'Afrique ,  &  en  connurent  les  côres 
niéridionaies»  Jls  échangèrent  fur  les  côte j 

^'gi^agn^ 


P  HE 

d*Efpagne  le  fer  &  le  cuivre ,  contre  de 
l'or  &  de  l'argent  qu'ils  reccvoient  en 
retour. 

On  peut  ajouter  qu'ils  ont  ouvert  le 
commerce  àes  îles  britanniques.  Quelques 
modernes  ont  voulu  faire  honneur  aux 
Grecs  des  commencemensde  ce  commerce; 
mais  outre  qu'il  eu  très-incertain  que  les 
Grecs  l'aient  jamais  fait ,  Strabon  dit  net- 
tement que  les  Phéniciens  l'ont  commencé, 
&  qu'ils  lefaifoient  feuls  ;  termes  précis  qui 
détruifent  toutes  les  conjedures  des  mo- 
dernes en  faveur  des  Grecs  &  de  toute 
autre  nation. 

Strabon  nous  donne  le  détail  de  ce  com- 
merce. Les  Phéniciens  ,  dit-il,  portoient 
aux  îles  britanniques  de  la  vaifTelle  de  terre , 
du  fel ,  toutes  fortes  d'inftrumens  de  fer 
ou  de  cuivre  ,  &  ils  recevoient  en  échange 
des  peaux ,  des  cuirs  &  de  l'étain  :  mais 
il  y  a  apparence  que  ce  commerce  étoit  plus 
étendu  ;  car  le  même  Strabon  nous  dit , 
dans  un  autre  endroit ,  que  ces  îles  étoient 
fertiles  en  blé  &  en  troupeaux  ;  qu'.elles 
avoient  des  mines  d'or ,  d'argent  &  de 
fer ,  &  que  toutes  ces  chofes  faifoient  par- 
tie de  leur  commerce  ,  aufll-bien  que  les 
peaux  ,  les  efclaves  ,  &  les  chiens  même 
qui  étoient  excellens  pour  la  chalîè  ,  & 
dont  les  Gaulois  ,  quelquefois  auffi  les  peu- 
ples de  l'orient ,  fe  fervoient  à  la  guerre. 
Quoi  qu'il  en  foit  de  l'étendue  de  ce  com- 
merce ,  il  efl:  certain  que  celui  de  l'étain 
fcul  étoit  une  fource  inépuifablc  de  richefî'es 
pour  les  Phéniciens.  (Le  chevalier  de 
Jaucourt.) 

^  PHENICIENS,  {Philofophie  des) 
{Hifi.  de  la.  philofoph.  )  voici  un  peuple 
intérefîe ,  turbulent ,  inquiet ,  qui  ofe  le 
premier  s'expofer  fur  des  planches  fragiles , 
traverfer  les  mers  ,  vifiter  les  nations  ,  lui 
porter  {es  connoiflTances  &  fes  produdions , 
prendre  les  leurs,  &  faire  de  fa  contrée 
le  centre  de  l'univers  habité.  Mais  ces 
entreprifes  hardies  ne  fc  forment  point 
fans  l'invention  des  fciences  &  des  arts. 
L'aftronomie ,  la  géométrie  ,  la  méchani- 
que  ,  la  politique  (ont  donc  fort  anciennes 
chez  les  Phéniciens. 

Ces   peuples  ont  eu  des  philofophes  & 
même  de  nom.  Mofchus  ou  Mochus  elt  de  cc 
nombre.  Il  eft  dit  de  Sidon:  il  n'a4)as  dépendu 
Tome  XXy, 


PHE  ^15 

de  Pofljdonius  qu'on  ne  dépouillât  Leucippc 
&  Démocrite  de  l'invention  du  iyflêmc 
atomique  en  faveur  du  philofophe  Phéni- 
cien ;  mais  il  y  a  mille  autorités  qui  récla- 
ment contre  le  témoignage  de  PoÙidonius. 

Après  le  nom  de  Mofchus  ,  c'efl  celui  de 
Cadmus  qu'on  rencontre  dans  les  annales 
de  la  philofophie  phénicienne.  Les  Grecs  le 
font,  fils  du  roi  Agénor  ;  les  Phéniciens  , 
plus  croyables  fur  un  homme  de  leur 
nation  ,  ne  nous  le  donnent  que  comme 
l'intendant  de  fa  mailon.  La  mythologie 
dit  qu'il  fe  fauva  de  la  cour  d' Agénor  avec 
Harmonie  ,  célèbre  joueufe  de  flûte  ;  qu'il 
aborda  dans  la  Grèce  ,  &  qu'il  y  fonda  une 
colonie.  Nous  n'examinerons  pas  ce  qu'il 
peut  y  avoir  de  vrai  &  de  faux  dans  cette 
fable.  Il  efl  certain  qu'il  efl  l'inventeur  de 
l'alphabet  grec ,  &  que  ce  fervice  feul 
exigeoit  que  nous  en  fifllons  ici  quelque 
mention. 

Il  y  eut  entre  Cadmus  &  Sanchoniaton  , 
d'autres  philofophes  ;  mais  il  ne  nous  refle 
rien  de  leurs  ouvrages. 

Sanchoniaton  ell  très-ancien.  Il  écrivoit 
avant  l'ère  troyenne.  Il  touchoit  au  temps 
de  Moïle.  Il  étoit  de  Biblos.  Ce  qui  nous 
refte  de  fes  ouvrages  eft  fuppofé.  Voici 
fon  fyftême  de  cofmogonie. 

L'air  ténébreux ,  l'eiprit  de  l'air  ténébreux 
&  le  chaos ,  font  les  principes  premiers  de 
l'univers. 

Ils  étoient  infinis  ,  &  ils  ont  exifîé  long- 
temps avant  qu'aucune  limite  les  circonf- 
crivît. 

Mais  l'cfprit  anima  Ces  principes  ;  le  mé- 
lange fe  fit  ;  les  chofes  fe  lièrent  ;  l'amour 
naquit ,  &  le  monde  commença. 

L'efprit  ne  connut  point  fa  génération. 

L'efprit  liant  les  chofes  ,  engendra  mot. 

Mot  efl:  félon  quelques-uns ,  le  limon  ; 
félon  d'autres  ,  la  putréfadion  d'une  mafîê 
aqueui'e. 

Voilà  l'origine  de  tous  les  germes ,  & 
!e  principe  de  toutes  les  chofes  ;  delà  forti- 
rent  des  animaux  privés  d'organes  &  de 
!ens,  qui  deviiirent  avec  le  temps  6es  êtres 
intelligens ,  contemplateurs  du  ciel  ;  ils 
étoient  fous  la  forme  d'œufs. 

Après  la  production  de  mot  ^  fuivit  celle 
iu  foleil  ,  de  la  lune&  àts  autres  afîres. 

De  Tair  éclairé  par  la  mer  &  échauffé 
Kkkk 


6i6  P  H  E 

par  la  terre,  ilréfulta  les  vents  ^les  nuées 
il  les  pluies. 

Les  eaux  furent  féparées  par  la  chaleur 
du  (bleil ,  &  précipitées  dans  leur  lieu  ;  & 
il  y  eut  des  éclairs  &  du  tonnerre. 

A  ce  bruit  les  animaux  afToupis  font 
réveillés  ;.  ils  fortent  du  limon  &  rempli!^ 
fent  la  terre  ,  l'air  &  la  mer  ,  maies  & 
femelles. 

Les  Phéniciens  font  les  premiers  d'entre 
les  hommes  ;  ils  ont  été  produits  du  vent 
&  de  la  nuit. 

Voilà  tout  ce  qui  nous  a  été  tranfmis  de 
la  phllofophie  des  Phéniciens.  C'elî  bien 
peu  de  chofe,  Scroit-ce  que  l'efprit  de  com- 
merce eft  contraire  à  celui  de  la  piiilofophie? 
Seroit-ce  qu'un  peuple  qui  ne  voyage  que 
pour  s'enrichir,  ne  fonge  guère  à  s'inftruire  ? 
Je  le  croirois  volontiers.  Que  l'on  compare 
les  efTaims  incroyables  d'européens  qui  ont 
palTé  de  notre  monde  dans  celui  que  Colomb 
a  découvert ,  avec  ce  que  nous  connoifîons 
de  l'hilloire  naturelle  des  contrées  qu'ils 
ont  parcourues,  &  l'on  jugera.  Que  de- 
mande un  commerçant  qui  defcend  de  fon 
vailTeau  fur  un  rivage  inconnu  ?Eil*-ce ,  quel 
dieu  adorez-vous  ?  avez-vous  un  roi  ? 
quelles  font  vos  loix  ?  Rien  de  cela.  Mais  , 
avez-vous  de  For?  des  peaux  ?  du. coton  ? 
des  épices  ?  Il  prend  ces  fubftances  ,  il 
donne  les  fiennes  en  échange  ;  &  il  recom- 
mence cent  fois  la  même  chofe,  fans  daigner 
leulement  s'informer  de  ee  qu'elles  font , 
comment  on  les  recueille.  Il  fait  ce  qu'elles 
lui  produiront  à  fon  retour  ,  &  il  ne  fe  foucie 
pas  d'en  apprendre  davantage.  Voilà  le 
commerçant  hoUandois.  Et  le  commerçant 
françois?  Il  demande  encore  ,  vos  femmes 
lont-elles  jolies  ? 

PHENINDE  ,  f.  f.  (  Sphérifliq.  des 
anciens.  )  nom  d'un  jeu  chez  les  anciens 
Romains ,  nommé  plus  communément  la 
petite  balle.  Ce  jeu  ie  jouoit  avec  une  petite 
balle  que  les  joueurs  fe  pouiîoient ,  mais  en 
tâchant  de  fe  tromper,  faifant  femblant 
de  vouloir  la  jeter  à  l'un  ,  &  cependant 
la  jecaHt  à  l'autre.  Voye^  SphÉris- 
TIOUE. 

§^  PHENOMENE  ,  f.  mafc.  {Phyf.)  Ce 
mot  eft  formé  du  grec  ?!« /'«>« ,  '{apperçois  ; 
il  fe  dit  dans  l'ufage  ordinaire  de  quelque 
chofe  d'extraordinaire  qui  paroît  dans  les 


P  H  E 

cieux^  comme  les  comètes,  l'aurore  bo- 
réale, ^'c.  Mais  les  philofophes  appellent 
phénomènes  tous  les  effets  qu'on  obferve 
dans  la  nature  ,  ou  plutôt  tout  ce  que  nous 
découvrons  dans  les  corps  à  l'aide  des  fens. 
Les  phénomènes  concernent  la  fituation  , 
le  mouvement,  les  changemens  &  les  effets 
des  corps.  Lorfque  nous  confidcrons  ^.par 
exemple  ,  l'ordre  &  la  combinaifon  de  fept 
étoiles  que  l'on  remarque  à  la  grande  ourfe , 
c'eft  un  phénomène  de  fituation  :  le  lever 
du  folcil ,  fon  midi  &  fon  coucher,  nous 
offrent  un  phénomène  de  mouvement  :  la 
lune  qui  commence  à  paroître  ,  qui  croît 
enfuite  fenfiblement ,  devient  demi-pleine  , 
paroît  après  cela  dans  fon  plein  ,  &  qui 
foufîre  enfuite  en  décroiflant  ,  mais  dans 
un  ordre  renverfé  y  les  mêmes  variations 
qu'elle  a  fubies  pendant  fba  accroiffance  , 
nous  préfente  un  phénomène  de  change- 
ment. Lofqu'un  corps  eft  pouffé  contre 
un  autre,  il  agit  fur  lui;,  là  même  chofe 
arrive  lorfqu'un  corps  en  tire  un  autre,  6c 
c'efî    ce    qu'on    appelle    un   phénomène 

Les  phénomènes  font  la  pierre  de  touche 
des  hypothefes  ;,  pour  qu'une  hypothefè 
acquière  quelque  degré  de  probabilité,  il 
faut  qu'on  puifle  par  fon  moyen  expliquer 
quelques  phénomènes  ;  &  la  probabilité  de 
l'hyporhefe  augmente  dans  la  même  raifon 
que  le  nombre  des  phénomènes  y  e.}ip[iqués 
par  fon  moyen. 

Newton  nous  a  donné  des  règles  admi- 
rables pour  l'explication  des  phénomènes  de 
là  nature  ;  elles  font  trop  importantes  , 
pour  ne  pas  les  donner  ici  avec  quelques- 
exemples. 

-  1°.  On  ne  doit  admettre  pour  véritable s^^ 
caufes  des  phénomènes  de  la  nature  ,  que 
celles  que  Pon  connolt  pour  être  véritables  ^ 
&  dont  la  vérité  eft  démontrée  par  des 
expériences  ,  par  des  obfervations  pLuJieurs 
fois  réitérées  &  de  différentes  manières  ^ 
&  qui  fiiffifent  pour  rendre  raifon  des  phé- 
nomènes que  Von  doit  expliquer. 

On  ne  doit  donc  admettre  pour  caufes  que 
celles  que  les  phénomènes  de  la  nature 
indiquent  manifeftement.  Elles  font  véri- 
tables :  i*^.  s'il  ell conftanr  qu'elles  exiflent 
dans  la  nature,  &  fi  tous  les  phénomènes 
concourent   à  démontrer  leur  exiiîencc  ; 


P  H  E 

s.*.  £i  non  feulement  les  phénomènes  peu- 
vent erre  déduits  ,  mais  encore  s'ils  ont 
une  connexion  nécelTaire  avec  les  caufes  ; 
3".  fi  les  corps  éprouvés  &  traités  de  diffé- 
rentes manières,  nous  indiquent coniîam- 
ment  les  mêmes  cauies  des  mêmes  phe'- 
nomenes  i  4°.  fi  on  ne  peut  fupprimer  ces 
cauies  ,  lans  détruire  \ts  phénomènes  eux- 
mêmes. 

Nous  allons  mettre  cette  théorie  dans 
toyt  fon  jour  pas  l'exemple  fui  van  t.  Si  on 
plonge  dans  l'eau  d'un  réfervoir  la  queue 
d'une  pompe  afpirante  ^  &  qu'on  fafTe 
mouvoir  le  piflon  ,  l'eau  s'élèvera  dans  le 
corps  de  la  pompe  &  le  remplira  :  or  , 
la  caufé  de  l'élévation  de  l'eau  ,  dans 
cexie  occafion  ,  eft  manifeflement  la 
preflîon  que  l'air  exerce  fur  la  furface  de 
l'eau  du  réfervoir  ,  à  l'exception  de  la 
colonne  qui  répond  à  la  cavité  pratiquée 
félon  la  longueur  de  la  queue  de  la  pompe  , 
&  dont  le  pifîon  raréfie  l'air  par  fon  élé- 
vation. Une  preuve  incontefiable  que  c'eft 
«  la  preflîon  de  l'air  que  l'on  doit  rapporter , 
comme  à  fa  véritable  caule  ,  \e  phénomène 
-que  nous  venons  d'expofer  ;  c'eft  que , 
I*.  on  fait  que  la  furface  de  l'eau  du  réfer- 
voir eft  foumife  à  la  prelTion  de  l'air  qui 
pcfe  fur  cette  furface  ;  2°.  parce  que 
la  preflîon  de  l'air  efl  capable  de  faire 
jaillir  l'eau  à  une  certaine  hauteur  ;  3®.  parce 
que  l'expérience  nous  apprend  que  fi  on 
lupprime  l'air  qui  efi:  compris  dans  le 
rélèrvoir  ,  ou  qu'on  le  remplifïè  exacle- 
ment  d'eau  ,  &  qu'on  le  bouche  de  manière 
que  l'air  n'y  puifl"e  point  pénétrer  ;  Fexpé- 
ricnce ,  dis-je,  démontre  que  l'eau  ne 
s'élèvera  point  dans  la  pompe  ,  malgré  les 
fuccions  réitérées  du  pifton  ;  mais  qu'elle 
s'y  élèvera  aulli-tôt ,  fi  on  donne  entrée 
À  l'air  dans  le  réfervoir.  Il  arrive  encore 
ia  même  chofe  5  lorfqu'on  fait  agir  une 
pompe  fur  tout  autre  fluide  que  fur  l'eau  , . 
avec  cette  différence ,  que  la  preflîon  de 
l'air  l'élevé  plus  ou  moins  haut ,  fuivant 
qu'il  efl  plus  ou  moins  pefant  qu'un  pareil 
volume  d'eau.  D'après  ces  obfervations  , 
peut-on  fe  retufer  à  croire  que  c'eft  à^  la 
preflîon  de  l'air  qu'on  doit  attribuer  l'élé- 
vation de  l'eau ,  ou  de  tout  autre  liquide , 
dans  les  pompes  ?  Il  fuit  de  tout  ce  que 
.,     nous  venons  de  dire  ,  que  dès  qu'il  eu 


P  H  E  ^17 

démontré  qu'une  caufe  exifîe  réellement 
dans  la  nature ,  que  c'eft  elle  qui  a  opéré 
un  phénomène  quelconque  ,  &.qu'elb  fuffit 
à  'fà  produdion  :  il  cft  inutile  de  recourir 
à  une  autre  caufe  quelconque ,  quoiqu'il 
fût  pofiîble  d'en  imaginer  une  autre  qui 
eût  pu  produire  le  même  efiet. 

S'il  arrive  que  la  nature  ,  quelquefors 
jaloufe  de  (es  fecrets  ,  dérobe  à  nos  re- 
cherches les  caufes  des  effets  qu'elle  nous 
permet  de  confidérer  ,  il  convient  alors 
d'avouer  fon  infufîîfance  ,  plutôt  que  d'ima- 
giner fur  le  champ  quelques  caufes  pure- 
ment probables  au  premier  abord  ,  &  de 
s'en  fervir  pour  fâcher  de  rendre  raifon 
àes  phénomènes  qu'on  fe  propofe  d'expli- 
quer. Une  fcience  fimple  ,  mais  fiable  & 
certaine  efl  toujours  préférable  à  une 
autre  qui  feroit  incertaine  ,  vague  & 
erronée ,  quoiqu'elle  fût  établie  fur  des 
fondemens  ingénieufement  imaginés  ,  & 
ornée  d'argumens  fpécieux  &  propres  à 
induire  en  erreur  :  cette  vérité  peut  être 
confirmée  par  plufieurs  exemples.  Quand 
je  remue  les  doigts  ,  ce  mouvement  efî 
produit  par  l'aclion  de  certains  mufcies  qui 
fe  contradent  :  c'efl  un  fait  confiant.  Mais 
quelle  efl  la  caufe  de  la  contraftion  de 
ces  mufcies?  Seroit-ce  la  feule  affluencc 
de  la  partie  rouge  du  iang  qui  aborderoic 
dans  les  vaifleaux  &  dans  les  véficules 
mufculaires  ,  ainfi  qu'on  l'a  prétendu  ?Non 
certainement  ,  puifqu'on  remarque  que  les 
mufcies  pâhfîent  lorfqu'ils  fe  contraâent. 
Seroit-ee  donc  les  efprits  animaux  ,  qui  fè 
portant  avec  rapidité  dans  les  nerfs  ,  ex- 
citeroient  la  contradion  mufculaire?  Ce 
ièntiment  n'efl  pas  mieux  fondé  que  le 
précédent ,  puifque  ces  efprits  animaux 
font  des  êtres  chimériques  qui  n'exillent 
pas  :  &  comment  d'ailleurs ,  en  fùppofant 
feur  exiflence,  pourroit-on  concevoir  leur 
manière  d'agir  ,  puifque  les  nerfs  font  de 
fibres  folides  &  non  valculeufes  ,  indépen- 
damment de  l'autorité  de  plufieurs  méde- 
cins ,  qui  ont  adopté  l'un  &  l'autre  fluides  , 
favoir  ,  le  fang  &  les  efprits  animaux  ,  pour 
expliquer  l'action  mufculaire  ?  En  eflèt  , 
on  remarque  conflamment  fi  on  pique,  ou 
qu'on  pince ,  ou  qu'on  prefi'e  ,  ou  enfin 
qu'on  irrite ,  de  quelque  manière  que  ce 
ibit ,  un  des  nerfs  d'un  animal  vivant  ou 
Kkkk2 


€iB  P  H  E 

récemment  mort ,  ou  même  appartenant  à 
une  partie  féparée  du  tronc  ,  aufïi-tôt  on 
obferve  que  tous  les  mufcles  ,  dans  lefquels 
ce  nerf  fournit  des  rameaux  ,  fe  gonflent  , 
fe  diirciiîênt ,  fe  contradent  ;  &  tous  ces 
cfïfets  ont  lieu ,  &  s'opèrent  de  la  même 
manière  qu'ils  ont  coutume  de  s'opérer 
jnatureliement  dans  le  vivant  :  cette  expé- 
rience peut  fe  répeter  avec  le  même  fuccès 
pendant  plufieurs  heures  ;  &  lorfque  la 
contradion  du  mufcle  commence  à  s'airbi- 
blir ,  on  peut  la  rétablir  en  jetant  de  l'eau 
tiède  fur  le  nerf.  L'huile  de  vitriol  & 
J'éledricité  produiroient  le  même  efîèt. 
Quelle  cft  donc,  dans  cette  occafion  ,  la 
caufe  de  l'irritabilité  des  nerfs  ,  des  fibrilles 
mufculaires  ,  enfin  de  la  contradion  de  ces 
mufcles  ?  C'eft  ce  que  perfonne  ne  fait 
encore  :  c'efi:  pourquoi  il  convient  ,  &  on 
doit  fufpendre  fon  jugement  &  ne  rien  pro- 
noncer fur  cela  ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  fait 
de  nouvelles  découvertes  plus  certaines  & 
plus  propres  à  déceler  la  caufe  de  ces  phé- 
nomènes. Je  tiens,  par  exemple  ,  un  corps 
Iblide  dans  la  main  ;  j'ouvre  la  main^  &  le 
corps ,  abandonné  à  lui-même  ,  tombe 
alors  par  terre  :  pour  quelle  raifon  ?  C'eft 
qu'il  eft  grave.  Mais  fi  je  veux  pouffer 
mes  recherches  plus  loin  ,  &  découvrir 
la  caufe  de  la  gravité  ,  je  fuis  alors  arrêté  , 
&  je  ne  trouve  rien  de  certain  &  de 
démontré:  je  m'arrête  donc  aufîî-tôt  ;  je 
fufpends  mon  jugement ,  &  j'attends  qu'un 
temps  plus  heureux  me  faffe  part  de  cette 
-  découverte  :  je  fais  cependant ,  à  n'en 
pouvoir  douter  ,  qu'il  n'y  a  aucun  effet 
dans  la  nature  qui  n'ait  une  caufe  à  laquelle 
il  doit  fon  exiltence. 

C'efl  pour  ces  raifons  que  l'on  doit 
profcrire  &  bannir  de  la  pnyfique  toutes 
les  hypothefes  &  les  conjedures;  tout  ce 
qu'elles  nous  aprennent  eu  vague  &  in»- 
certain  ,  &  ne  doit  point  fe  ranger  dans 
la  clafle  des  vérités  démontrées.  Outre 
cela  il  cfi  confiant  que  les  hypothefes  fer- 
vent plutôt  à  embarrafTer  &  à  furcharger 
une  fcience  ,  qu'à  reculer  fes  bornes  :  elles 
excitent  àes  difputes  inutiles  ;  les  phéno- 
mènes en  deviennent  plus  difficiles  à  faifir  ; 
elles  font  néghger ,  &  fouvent  même  rejeter 
les  circonfiances  les  plus  importantes  qui 
accompagnent  ces  phénomènes  ,  bien  plus , 


P  H  E 

on  en  imagine  de  fauflès ,  pour  donner  du 
poids  &  du  crédit  aux  hypothefes  qu'on 
veut  défendre  ;  car  parmi  les  phjlofophes  , 
il  s'en  trouve  plufieurs  qui  font  plus  flattés 
par  l'efpérance  d'une  vaine  gloire ,  qu'oc- 
cupés de  l'amour  de  la  vérité  :  jaloux  de 
fe  faire  admirer,  ils  veulent  fe  faire  paff!er 
pour  être  plus  favans  qu'ils  ne  le  (ont 
véritablement  :  ils  imaginent  des  opinions 
fauffes ,  qu'ils  foutiennent  hardiment  ,  & 
ils  abufent  de  la  confiance  de  ceux  qui  ne 
font  pas  en  état  d'éviter  l'erreur  dans 
laquelle  elles  les  entraînent. 

Des  gens  de  cette  cfpece  font  plus  de 
tort  aux  fciences  ,  qu'ils  ne  peuvent  fervir 
à  leurs  progrès.  Les  obfervations  &  les 
expériences  font  les  feuls  fondemens  de  la 
phyfique.  Lorfqu'on  les  examine  d'une  ma- 
nière géométrique  ,  elles  nous  fournifTent 
fouvent  le  moyen  de  découvrir  les  caufès 
des  phénomènes  que  nous  obfervons  ,  de 
connoître  toute  l'intenfité  &  l'étendue  de 
ces  caufes  ,  ainfique  leurs  propriétés  :  nous 
en  avons  un  exemple  dans  les  pompes  dont 
on  fe  fert  pour  tirer  de  l'eau  des  heux 
profonds  ;  mais  nous  ne  pouvons  pas  tou- 
jours découvrir  les  caufes  des  effets  que 
nous  obfervons  :  c'efi  pourquoi  on  ne  peut 
exphquer  que  peu  de  chofes  dans  la  phy- 
fique. Cela  fait,  à  la  vérité  ,  une  dodrinç 
maigre  &  ûér'ûe  dans  bien  des  points  ; 
mais  auffi  elle  eft  sûre  &  inconteftable. 
Celui  qui  s'attache  aux  obfervations  &  à 
l'expérience ,  &  qui  les  répète  avec  toute 
l'attention  qu'elles  exigent  ,  parvient  à 
acquérir  du  dégoût  pour  les  hypothefes  & 
pour  tout  ce  qui  n'efi  que  conjedure  ;  car 
il  découvre  à  chaque  infîant ,  que  les  opé- 
rations de  la  nature  font  bien  différentes 
des  idées  qu'il  s'en  étoit  formées  :  il  ap- 
prend que  la  véritable  conffitution  des 
parties  ,  &  les  qualités  des  corps  ,  ne 
reffemblent  en  rien  à  ce  qu'il  avoit  ima- 
giné à  cet  égard  ;  ce  qui  paroît  évident  , 
par  les  idées  qu'on  s'étoit  formées  fur  les 
faveurs ,  fur  la  flrudure  des  rayons  de  la 
lumière ,  &c. 

Nous  nous  trouvons  à  chaque  infîant 
arrêtés  par  des  difficultés  infurmontables , 
dans  la  recherche  des  caufès  des  différens 
phénomènes  de  la  nature ,  parce  que  nous 
n'avons  jufqu'à  préfcnt  aucune  règle  cer- 


P  H  E 

tainc  ,  aucun  moyen  sûr,  qui  puifTent  nous 
faire  juger  que  nous  foyons  parvenus  à 
/Livre  ,  fans  interruption  ,  toute  la  férié 
des  caufes  qui  fe  précèdent  mutuellement , 
&  que  l'enchaînement  de  nos  raifonne- 
rnens  nous  ait  conduits  de  la  première 
jufqu'à  la  plus  éioignse  des  caufes  ,  en 
commençant  ce  développement  par  la 
coniidération  des  phénomènes.  Quand  il 
arriveroit  même  que  nous  ferions  parvenus 
jufqu'à  la  dernière,  qui  ne  dépend  que  de 
la  feule  puiffance  du  créateur ,  nous  n'en 
comprendrions  pas  mieux  pour  cela  la 
liaifon  qu'il  y  auroif  entre  cette  caufe 
&  la  puiffance  divine  qui  l'auroit  établie  ; 
parce  que  l'efprit  de  l'homme  ne  pourra 
jamais  comprendre  de  quelle  manière 
Dieu  ,  qui  efl  un  efprit  infini ,  peut  agir 
fur  un   corps. 

L'auteur  de  la  nature  a  fu  tellement 
ibuftraire  à  notre  connoiflfance  les  moyens 
qu'il  emploie  pour  régir  l'univers  ,  qu'il  n'eft 
pas  poflible  aux  philofophes  de  percer  les 
ténèbres  épaifl'es  qui  les  dérobent  à  leurs 
recherches.  Delà ,  de  quelque  côré  que 
nous  portions  nos  regards  ,  nous  décou- 
vrons aulTi-tôt  les  bornes  de  notre  génie  ; 
de  forte  que  notre  refped  pour  l'Etre 
fuprême  s'accroît  à  chaque  infîant ,  &  que 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  recon- 
noitre  &  d'avouer  la  diftance  infinie  qui 
le  fépare  de  la  créature  ,  lui  qui  eft  la 
fource  &  l'origine  de  tous  les  elïèts ,  de 
leurs  caufes ,  &  de  toutes  les  puiflances 
quelconques  ;  de  forte  que  nous  ne  pouvons 
ne  nous  pas  foumcttre  de  plein  gré  à  tout 
ce  qu'il  nous  a  révélé  dans  les  faintes  écri- 
tures ,  &  ne  pas  refpeder  bien  des  chofes 
qu'elles  contiennent  ,  qui  furpalTent  les 
lumières  qu'il  a  données  à  l'homme. 

2°,  Les  phénomènes  ou  les  effets  de  la 
nature  y  qui  font  du  même  genre  y  recon- 
noijfent  les  /fiêmes  caufes. 

C'elî:  par  le  même  moyen  ,  &  félon  la 
même  méchanique ,  que  la  refpiration 
s'opère  dans  l'homme ,  &  dans  tout  autre 
animal  terreftre.  La  chute  des  corps  graves 
dépend  de  la  même  caufe  dans  l'Europe  , 
ainfi  que  dans  toutes  les  régions  de  la 
terre.  La  difFufion  de  la  lumière  &  de  la 
chaleur  ,  foit  du  foleil ,  foit  du  feu  de  nos 
foyers,   reconnoît  les  mêmes  caufes.  La 


P  H  E  ëi^ 

réflexion   de  la  lumière    s'exécute  de    la 

même  manière  par  les  planètes  y  que  par 
les  corps  terrc^res.  Il  en  efl  de  même  de 
l'ombre  que  jettent  derrière  eux  les  corps 
opaques  ,  foit  qu'ils  appartiennent  à  notre 
globe ,  foit  qu'ils  foient  fufpendus  dans 
l'immenfité  des  cieux  ,  tels  que  les  planè- 
tes ,  &c.  Si  des  effets  aufli  fimples  ,  &: 
qui  font  les  mêmes ,  dépendoient  de  diffé- 
rentes caufes  ,  il  faudroit  admettre  plufieurs 
caufes  pour  produire  les  mêmes  effets  ;  ce 
qui  eft  tout-à-fait  contraire  au  génie  de 
la  nature  ,  ou  plutôt  à  la  fagefîe  infinie 
de  l'Etre  fuprême.  Car  ç'eft  opérer  quelque 
chofe  en  vain  ,  que  de  faire  par  une  com- 
plication de  moyens  ,  ce  qu'on  peut  taire 
à  moins  de  frais.  Cependant  quand  les  efïèts 
font  compofés ,  les  caufes  peuvent  être 
différentes,  &  on  peut  parvenir  à  les  dé- 
couvrir par  une  obfervation  attentive.  Par 
exemple ,  le  vent  d'efl  peut  venir  de  diffé- 
rentes caufes  :  quelquefois  le  mouvement 
du  foleil  &:  les  vapeurs  chaudes  peuvent 
le  produire  :  quelquefois  il  doit  fon  origine 
au  concours  de  deux  autres  vents  ;  favoir , 
l'aquilon  &  le  vent  du  midi.  Quelquefois 
l'équilibre  de  l'air  étant  rompu  ou  troublé 
dans  la  partie  occidentale  de  l'atmofphere  j 
le  vent  d'orient  s'élevç  alors.  D'autres  fois 
il  fe  trouve  encore  d'autres  caufes  parti- 
culières dans  la  partie  orientale  du  ciel  qui 
l'excitent  &  le  produifent  :  par  exemple , 
un  efpace  libre  entre  des  montagnes  fufîit 
pour  déterminer  un  courant  d'air ,  ^c.  C'efl 
pourquoi  on  doit  ufer  de  beaucoup  de 
prudence ,  lorfqu'il  s'agit  de  diftinguer  les 
caufes  fimples  de  celles  qui  font  compofées, 

3**.  Les  qualités  des  corps  qui  ne  fouf- 
frent  ni  du  plus  ni  du  moins  y  &  qui 
conviennent  à  tous  les  corps  que  nous 
pouvons  foumettre  à  l'expérience  ,  doivent 
être  regardées  comme  des  qualités  générales 
des  corps. 

Quelques  corps  qui  fe  préfentent  à  nos 
recherches ,  foit  célefîes  ,  foit  terreflres , 
grands  ou  petits  ,  folides  ou  fluides ,  tous 
ces  corps  nous  paroiffent  &  font  réelle- 
ment étendus  :  nous  pouvons  donc  conclure 
avec  certitude  ,  que  tous  les  autres ,  ceux 
que  les  entrailles  de  la  terre  recèlent ,  ceux 
que  nous  ne  verrons  &  nous  ne  toucherons 
jamais ,  font  pareiilemeat  étendus  ;  puifque , 


é^o  PRE 

conjointement  avec  les  autres  ,  ils  concou- 
rent à  former  l'étendue  du  globe  terreftre. 
Mais  rétendue  des  parties  de  la  matière 
ne  foufFre  jamais  aucune  augmentation  ;  le 
volume  d'un  corps  peut  bien  augmenter 
par  la  raréfadion  à^^Qs  parties  intégrantes  , 
mais  l'étendue  des  parties  matérielles 
n'augmente  pas  pour  cela.  Par  exemple  , 
concevez  un  pouce  cubique  de  matière 
totalement  folide  ;  que  toute  fa  fubflance 
devienne  parfemée  de  pores ,  &  qu'il  fe 
«•aréfic  de  manière  que  fon  volume  (oit  cent 
fois  plus  grand  :  quelque  grand  que  foit  ce 
volume ,  il  ne  contiendra  néanmoins  qu'un 
pouce  cubique  de  matière  folide  ,  &  fon 
étendue  en  folidiré  ne  fera  point  augmen- 
tée :  que  cette  maffe  raréfiée  foit  com- 
primés &  qu'elle  foit  réduite  à  un  plus 
petit  volume  ,  on  retrouvera  encore  un 
pouce  cubique  d'étendue  matérielle  ;  cette 
étendue  ne  fera  point  diminuée:  d'où  on 
peut  conclure  que  l'étendue  doit  être  rangée 
parmi  les  propriétés  générales  de  la  ma- 
tière. Pareillement  fi  tous  les  corps  que 
nous  avons  confidérés  &  examinés,  font 
figurés  impénétrables  &  inadifs  ,  nous  pou- 
vons conclure  que  ceux  fiir  lefquels  nous 
n'avons  pas  encore  porté  nos  recherches  , 
font  également  figurés  impénétrables  & 
inadifs;  car  ces  propriétés  ne  foufFrent  ni 
plus  ni  moins  :  elles  ne  peuvent  être 
augmentées  ni  diminuées. 

Si  tous  le^  corps  qui  font  placés  fur  la 
Superficie  de  la  terre  ont  une  tendance 
qui  les  maîtrife  vers  fon  centre  ;  fi  la  lune 
gravite  vers  la  terre ,  &  que  celle-ci  ait 
iauffi  une  gravitation  vers  la  lune  ;  fi  les 
planètes  ,  ainfi  que  [qs  comètes  ,  font  fou- 
mifès  à  la  même  loi  ,  &  qu'elles  aient 
toutes  une  tendance  mutuelle  \qs  unes  vers 
les  autres  ,  &  vers  le  centre  du  foleil  ;  fi  le 
Ibleil  lui-même  efi  maîtrife  par  la  même 
force,  &  qu'il  gravite  vers  les  corps  célefles 
dont  nous  venons  de  paiier ,  on  pourra  con- 
clure univerfellement  que  tous  les  corps 
-qui  font  partie  du  fyftême  planétaire  ,  gra- 
virent les  uns  vers  les  autres  ,  &  que 
l'attradion  efi  une  propriété  générale  de  la 
jTiatiere. 

Mais  fi  on  remarque  que  certaines  pro- 
priétés s'afFoibliffent  &  diminuent  avec  le 
,ccrnps ,  elles  pourront ,  par  cette  railbn. 


P  H  E 

difparoître  tout-à-fait  ;  de  forte  qu'on  ne 
doit  point  les  ranger  parmi  les  propriétés 
générales  de  la  matière  :  par  exemple ,  de 
ce  que  la  tranfparence  du  verre  &  de  quel- 
ques autres  corps  s'afFoiblit  infenfiblement 
&  à  la  longue ,  de  ce  que  la  chaleur  diminue 
par  degrés  dans  les  corps ,  on  peut  croire 
que  ces  deux  qualités  pourront  être  totale- 
ment détruites  ;  d'où  il  fuit  que  ,  ni  la 
tranfparence  ,  ni  la  chaleur  ne  peuvent 
être  rangées  parmi  les  propriétés  générales 
de  la  matière.  Et  c'cfï  de  cent  manière 
que  plufieurs  qualités  que  nous  appelions 
fenjibles  y  conviennent  à  la  matière. 

4°.  Les  propojidons  que  Von  déduit  des 
phénomènes  que  Von  obfen'e  dans  lu  phi- 
lofophie  expérimentale  ,  peuvent  être  re- 
gardées  comme  ahfolument  vraies  y  ou  au 
moins  comme  approchant  très-fort  de  la 
vérité  y  nonohflant  les  opinions  contraires 
qui paroijfent  les  détruire  ^jufqu^ à  ce  qu*on 
ait  découvert  de  nouveaux  phénomènes 
qui  concourent  à  les  établir  plus  folide- 
ment  y  ou  qui  indiquent  les  exceptions  qu'il 
y  faut  faire. 

En  effet ,  l'examen  de  nouvelles  décou- 
vertes doit  toujours  fe  faire  par  la  voie 
de  l'analyfe ,  avant  d'employer  la  méthode 
fynthétique.  Par  le  moyen  de  l'analyfe  ,  on 
raffemble  tous  les  phénomènes  &  tous  les 
effets  de  chaque  chofe  qui  fè  préfente  à 
nos  recherches.  Cette  méthode  nous  con- 
duit iàgement ,  &  autant  que  faire  fe  peut  , 
à  la  connoifîance  des  puifïances  &  des 
caufes  de  tous  les  efFers  que  nous  obfer^ 
vons.  De  l'examen  des  phénomènes  y  fui- 
vent  immédiatement  des  propofitions  qui 
ne  font  d'abord  que  particulières  ,  mais  qui 
deviennent  enfuite  univerfelles  par  induc- 
tion :  par  exemple,  lorlque  je  connoisque 
le  feu  ordinaire  de  nos  foyers  ,  &  que 
celui  du  foleil  ont  la  propriété  de  raréfier" 
l'or ,  j'établis  aufli-tôt  cette  propofitioa" 
finguliere ,  le  feu  raréfie  Vor  ;  mais  fi 
enfuite  ,  portant  mes  recherches  plus  loin , 
je  découvre  que  le  feu  produit  le  même 
effet  fur  Its  autres  métaux  ,  fur  les  demi- 
métaux  ,  fur  plufieurs  fofliles  ,  fur  les  parties 
animales  &  fur  les  végétaux  ,  alors  j'établis 
cette  propofition  univerfelle  ,  le  feu  a  la. 
propriété  de  raréfier  tous  les  corps  ;  & 
cette  propofition ,  toute  générale  qu'eilç 


P  H  E 

foît  ,  doit  être  reconnue  pour  vraie.  Con- 
tinuant encore  mes  recherches  ,  fi  je 
trouve  quelques  corps  qui  réfiftent  à  l'adion 
du  feu  ,  &  qui  ne  fe  dilatent  point  ,  ou 
que  j'en  obferve  quelques-uns  qui  ,  au  lieu 
de  fe  dilater ,  fe  reflèrrent  &  fe  renfer- 
ment dans  de  plus  petites  bornes  y  ma 
propofition  générale  n'en  fera  pas  moins 
vraie  pour  cela  ;  mais  elle  foufti-ira  une 
exception  ,  relativement  aux  fubdancesdont 

Pnous  venons  de  parler.  De  ce  que  nous 
obfervons  conftamment ,  que  jG  on  fond 
plufieurs  métaux  enfemble  ,  le  mélange 
formera  une  mafTe  plus  dure  que  chaque 
métal  en  particulier ,  nous  concluons  en 
général ,  que  les  métaux  hétérogènes  (ont 
plus  durs  que  les  métaux  homogènes:  or 
comme  on  obferve  aufS  que  l'alliage  de 
l'érain  fin  d'Angleterre  avec  celui  de  Malac 
forme  une  maflè  moins  dure  ^  cette  obler- 
vation  donne  lieu  à  une  exception  qui 
reflreint  l'étendue  de  la.  propofition  uni- 
verielle.  Cette  exception  a  encore  lieu 
dans  le  mélange  de  plufieurs  métaux  ,  félon 
certaines  proportions  ;  la  malTe  qui  en 
réfulte  forme  un  m^ixte  d'une  moindre  {o- 
lidité  que  fès  parties  cqnltituantes  :  aulîi 
dans  tous  ces  cas  doit-on  indiquer  ces 
exceptions  ,  ainfi  que  leurs  bornes. 

Ayant  beaucoup  avancédans  ïts  recher- 
ehes  par  la  voie  de  l'analyfe  ,  &  ayant 
découvert  par  fon  moyen  les  caufes  de 
plufieurs  phe'nomenss  ,  c'efl  alors  qu'il  eft 
permis  de  mettre  en  ufage  la  méthode 
contraire ,.  c'eft-à-dire  ,  la  méthode  fyn- 
thétique.  On  fe.fert  de  ce  moyen  ,.  lorf- 
qu'ayant  déjà  découvert  plufieurs  caufès  ,  & 
que  \ts  ayant  mifes  dans  toute  leur  évidence, 
on  les  regarde  com.me  des  principes  cer- 
tains ,  propres  à  développer  \qs  phénomènes 
qui  y  ont  rapport.  Par  exemple ,  lorfque 
j'ai  découvert  que  les  corps  que  l'on  fou- 
met  à  l'acHon  du  feu  ,  (è  lailTent  pénétrer 
par  la  matière  ignée  ,  &  que  le  feu  fe 
développant  &  agiiTant  en  toute  forte  de 
fens  ,  les  dilate  ;  je  conclus  ,  qu'une  pierre 
que  je  tiens  en  ma  main  fe  dilatera  fi  je 
l'expofc  à  l'ardeur  du  feu  ;  &  chaque  fois 
que  je  me  propofe  de  dilater  un  corps  , 
&  d'augmenter  fon  volume  ,  j'ai  recours 
au  feu  ,  comme  à  une  des  caufes  que  je 
reconnois  pour  être  propres  à  produire  cet 


P  H  E  ^3t 

effet.  Les  philofophes  ne  font  en  cela  que 
fuivre  la  méthode  des  mathématiciens ,  qui 
procèdent  d*abord  par  la  voie  de  l'analyfe  , 
îorfqu'il  s'agit  de  découvrir  des  chofes 
difficiles  &  inconnues  ,  &;  qui  n'ont  re- 
cours à  la  fynthefe  qu'après  avoir  profité 
des  fecours  de  l'analyfe. 

Il  n'efl  guère  p^Ëible  ,  dans   la  philo- 
fbphie  ,  de  porter  ks  recherches  plus  loin  ; 
cependant  on   tâche  d'employer  utilement 
l'analogie  pour  augmenter  le  nombre  des 
connoiflànces  philolophiques.En  (uppofanr, 
par  exemple  ,  une  harmonie  étabhe  entre 
les  différentes  parties  de  l'univers ,   &  que 
\qs  qualités  que  nous  favons  appartenir  aux' 
lubilances  que  nous  connoifibns  ,  appar- 
tiennent   également     à    celles    que    nous- 
n'avons  pas    encore    examinées ,  nous  ju- 
geons que  les  propriétés  que  nous  décou- 
vrons dans  les  corps    célelîes  conviennent 
également  aux  corps  fublunaires  ,  &  alter-r- 
nativement.  Bien  plus  ,  dans  la    conduite 
ordinaire  de  la  vie,  nous  raifonnons  foL»- 
vent   par   analogie ,  &  nous  conformons 
nos  adions  à  cts  raifonnemens.  Par  exem- 
ple ,  nous  marchons  aujourd'hui  avec  tran- 
quillité fur  un  terrain   fur  lequel  nous  vî-^ 
mes  plufieurs  perfonnes  fè  promener  hier  ^, 
nous  mangeons  aujourd'hui     d'un    mets  y. 
parce  que  nous  le  trouvâmes' bon  hier,  éc 
que  nous  éprouvâmes  que  c'étoit  une  bonne 
nourriture. 

Ce  fut  conformément  à  cette  méthode  , 
que  Hermès  établit  fa  philolbphie  ,  &  plu- 
fieurs   philofophes    modernes    l'ont     imité- 
en  cela.  Cependant  il  efî  bon    d'obferver 
qu'on  ne  doit  fe  fervir  de  l'analogie  qu'avec 
prudence,  fi  on    veut    éviter   l'erreur  où 
cette  méthode  peut  conduire ,  &  qu'il  ne 
faut  pas  toujours  fe  confier  aveuglément  à 
un  railonneraent  qui    ne  feroit    établi  que- 
.fur  l'analogie  ,  parce  que  la  nature  n'agit 
pas  toujours  de  la  même  manière  dans  la 
produâion    dts    effets    femblables  ^  mais 
compofés.  Par    exemple ,  de  ce  que  plu- 
fieurs efpecès  de  mouches  font  ovipares  , 
efl-ce  une  raifen  fuffifante  pour  conclure 
qu'elles  le  font  routes  ?  Le  célèbre  M.  de 
Réaumur  en  a  découvert  plufieurs  ,  dont 
il  nous  a  donné  une  très-belle  dcfcription> 
qui  font  vivipares.  De    ce  que    plup  j 
animaux  périflènt  lorfqu'on  leur  p^^  ^* 


^3i  P  H  E 

tête  ,  efl-ce  une  raifon  ruffifante  pour  con- 
clure que  tous  ceux  à  qui  on  coupera  la 
tête  mourront  ?  non  certainement ,  &  on 
fait  aduellement  qu'il  y  en  a  plufieurs  , 
tels  que  les  polypes  de  rivière  &  plulieurs 
autres  encore ,  qui  furvivent  à  cette  opé- 
ration. De  ce  que  le  concours  du  mâle  & 
de  la  femelle  eft  nécfiTaire  pour  la  pro- 
pagation de  plufieurs  efpeces  ,  ce  n'eft  pas 
une  raifon  fufïifante  pour  conclure  que  cet 
accouplement  foit  néceflâire  pour  la  pro- 
pagation de  tous  les  infedes.  On  trouve 
plufieurs  animaux  qui  font  hermaphrodites  ; 
on  en  trouve  d'autres  qui ,  quoique  fe- 
melles ,  ont  la  faculté  d'engendrer  jufqu'à 
cinq  fois,  fans  le  concours  du  mâle.  De  ce 
que  les  rameaux  de  prefque  toutes  les 
plantes  s'élèvent  en  haut  &  ne  retombent 
point  vers  la  terre,  eft-ce  une  raifon  d'affir- 
mer que  le  gui  de  chêne  fuit  la  même 
diredion  dans  foa  accroiflance  ?  Non  cer- 
tainement ,  car  l'expérience  démontre  qu'il 
croît  &  qu'il  fe  dirige  en  toute  forte  de 
fens.  Dans  l'hiver ,  une  forte  gelée  s'op- 
pofe  à  l'accroifîânce  des  plantes  ;  l'agaric 
néanmoins  continue  à  pouffer.  D'où  il 
paroît  qu'on  ne  doit  point  faire  ufage ,  ou 
au  moins  qa'on  ne  doit  ufer  qu'avec  la 
dernière  circonfpedion  ,  de  l'analogie ,  ainfi 
que  Needham-  nous  le  confeille  fort  pru- 
demment. {D.  F.) 
Phénomène  électrique  ,  {étoile 

tombante)  (  Phyjiq.  )  MM.  Morton  & 
Meret  croyoient  que  la  matière  vilqueufe  , 
tenace  &  d'un  blanc  tirant  fur  le  jaune,  que 
l'étoile  tombante  laifle  à  l'endroit  où  elle 
tombe  ,  n'étoit  autre  chofe  que  les  ex- 
crémens  de  quelques  oifeaux,  tels  que  des 
corbeaux  ,  Ùc.  qui  après  avoir  mangé  àes 
grenouilles  en  rendoienr  les  inteftins  fans 
les  avoir  pu  digérer  ;  ce  qui  n'eft  guère  pro- 
bable ,  puifqu'on  en  voit  dans  àts  lieux 
fouvent  où  les  oifeaux  ne  vont  jamais. 
Quant  à  M.  Muifenbroeck  ,  il  lui  paroît 
vraifemblable  que  ces  étoiles  doivent  leur 
origine  à  une  matière  huileufe  ,  qui  a  été 
élevée  par  la  chaleur  du  jour  ,  qui  fe  con- 
çlenfè  par  le  froid  ,  qui  retombe  par  ion 
propre  poids  &  s'enflamme  :  il  appuie  fa 
conjedure  fur  ce  que  l'on  voit  ces  feux  en 

tomne  après  les  fortes  chaleurs  de  l'été. 

^^'^  il  c'çtoit  là  la  véritable  caufe  ,  on 


m 


P  H  E 

ne  les  devfolt  pas  voir  au  printemps  avant 
les  chaleurs  ,  ni  en  hiver ,  comme  M.  Kraftt 
l'a  obfèrvé  en  Ruflie  dans  le  mois  de  no- 
vembre pendant  la  nuit ,  qui  étoit  d'ail- 
leurs des  plus  froides. 

Le  P.  Bellaria  a  été  plus  heureux  dans 
^^ts  conjedures ,  à  ce  qu'il  nous  paroît  ; 
il  croit  que  les  étoiles  tombantes  ne  font 
que  des  phénomènes  éleBriques ^  &  voici 
le  fait  fur  lequel  il  fè  fonde  ;  il  efl  d'ail- 
leurs afTez  curieux  pour  trouver  place  ici. 

Un  jour  qu'il  étoit  affis  en  plein  air  avec 
un  ami ,  une  heure  après  le  coucher  du 
foleil ,  ils  virent  une  de  ces  étoiles  tom- 
bantes qui  dirigcoit  fa  courfe  vers  eux  ,  & 
qui  groiiiiroit  à  vue  d'œil  à  mefure  qu'elle 
approchoit  d'eux  ,  jufqu'au  moment  où  elle 
difparut  à  peu  de  diflance  de  l'endroit  où 
ils  étoient:  leurs  vifages  ,  leurs  mains,  & 
leurs  habits ,  ainfi  que  la  terre  &  tous  les 
objets  voifîns  ,  furent  alors  illuminés  d'une 
lumière  difFufe  &  légère ,  mais  fans  aucun 
bruit.  Ayant  eu  peur  ils  fe  levèrent ,  &  fe 
regardèrent  l'un  l'autre  ,  furpris  de  ce  phe'- 
nomene.  Un  domeftique  accourut  à  eux 
d'un  jardin  voifin  ,  &  leur  demanda  s'ils 
n'avoient  rien  vu  ;  que  pour  lui  il  avoit 
apperçu  briller  dans  le  jardin  une  lumière 
fubite  ,  principalement  fur  l'eau  dont  il  fe 
fervoit  pour  arrofer. 

Toutes  ces  apparences  étoient  évidem- 
ment éledriques  ;  &  le  P.  Bellaria  fut 
confirmé  à  penfer  que  l'éledricité  en  étoit 
la  caufe  ,  par  la  quantité  de  la  matière 
éledrique  qu'il  avoit  vue  ,  dans  d'autres 
ocçafions  ,  avancer  par  degrés  vers  {on 
cerf- volant  ;  car  ,  dit-il ,  elle  avoit  toute 
l'apparence  d'une  étoile  tombante.  Il  vit 
auiîi  quelquefois  une  efpece  de  gloire  au- 
tour du  cerf-volant ,  qui  le  fuivoit  quand 
il  changeoit  de  place ,  mais  qui  laiffoit  un 
peu  de  lumière ,  à  la  vérité  pour  fort  peu 
de  temps ,  dans  le  lieu  qu'il  venoit  de 
quitter. 

Il  nous  paroît  que  cette  différence  fa- 
tisfait  parfaitement  à  tous  \ts  phénomènes 
des  étoiles  tombantes.  Car  ,  i°.  il  y  a  dans 
l'atmofphere  ,  en  tout  temps  &  dans  toutes 
les  faifons ,  une  circulation  du  fluide  élec- 
trique ,  comme  on  l'a  fait  voir  à  Y  article 
Cerf-volant.  Aufîi  l'on  voit  de  ces 
étoilçs  dans  toutes  les  {âifons  ^  comme  il 

paroît 


PME 

paroit  par  les  obferyacions  de  M.  Gadendi 
Ce  de  M.  Krafft ,  que  nous  avons  rapportées. 
z°.  On  a  aufTi  faïc  voir  dans  le  même  article , 
que  réled:ricité  pofitive  régnoit  dans  les  ré- 
gions Tupérieures  de  l'atmofphere  dans  un 
temps  ferein.  Cette  obfervarion  ,  qui  eft 
de  M,  Kinnerfley  ,  nous  découvre  laraifbn 
pour  laquelle  ces  étoiles  dirigent  toujours 
leurs  courfès  contre  la  terre  ;  c'eft  que  le 
feu  électrique  abonde  dans  ces  régions  fu- 
périeures  ,  ôc  il  s'ouvre  un  paflagc  au 
travers  de  1  atiriorphere  inférieur  ,  pour 
venir  jufqu'à  la  terre  ,  qui  cft  éledrifée 
en  moins  j  de  c'eft  un  phénomène  que  les 
autres  hypotheles  n'expliquent  point.  5°.  Le 
mouvement  progreilif  de  ces  étoiles ,  qui 
cft  quelquefois  lent ,  d^autres  fois  rapide , 
quelquefois  en  ligne  droite  ,  d'autres  fois 
en  zigzag  ,  s'accorde  très- bien  avec  celui 
du  fluide  éle6trique  ,  quand  il  Ce  propage 
d'un  lieu  à  un  autre  ;  car  Pon  fait  qu'en 
général  le  fluide  fuit  toujours  les  meilleurs 
conducteurs  ,  &  qu'il  ne  fuit  pas  le  chemin 
le  plus  court  d'un  endroit  à  un  autre  :  de- 
là vient  Pirrégularité  de  (on  mouvement; 
ôc  s'il  éprouve  moins  de  réfiftance  en  les 
pénétrant ,  fuivant  qu'ils  fe  trouvent  plus 
ou  moins  parfaits  ,  il  fe  meut  plus  ou 
moins  vite  ;  mais  fa  vîteflè  dépend  encore 
de  la  quantité  de  fluide  mife  en  mouve- 
ment à  la  fois  ;  car  fi  cette  mafle  eft  confi- 
dérable  ,  on  apperçoit  une  vive  lumière, 
lorfque  l'irruption  fe  fait ,  ôc  même  il  arrive 
fouvent  qu'on  entend  alors  quelque  éclat , 
comme  il  arrive  quand  il  paroît  des  globes 
de  feu  :  enfin  quand  cette  mafle  devient 
encore  plus  confîdérable  ,  fa  force  &  fa 
vîtcfle  augmentent ,  &  elle  porte  alors  le 
nom  de  foudre  (  voyei^  ce  /nor.)  Nous  ajou- 
terons que  fi  ce  feu  abonde  dans  les  hautes 
légions  de  l'atmofphere ,  pourvu  qu'il  ne 
foit  pas  réuni  en  une  feule  maflè  ,  &  que 
les  vapeurs  foient  féparées  par  des  parties 
jd'air  pur  ,  en  forte  que  fon  mouvement 
foit  alors  retardé  ,  &  qu'aucune  quantité 
confidérable  ne  puiflc  s'écouler  à  la  fois , 
il  y  aura  alors  des  irruptions  continuelles  , 
&  l'on  verra  tous  les  phénomènes  que  l'on 
a  décrits  à  l'article  Aurore-bore  ale  ,  ou 
plutôt  il  y  aura  alors  une  aurore-boréale. 
4°.  Nous  remarquerons  enfin  ,  qu'on  fent 
quelquefois  une  odeur  de  foufre  ,  quand 
Tome  XXV, 


PH    E  6^^ 

on  fe  trouve  dans  l'endroit  où  ces  phéno- 
mènes ont  lieu  :  mais  on  ne  doit  pas 
en  inférer  qu'ils  (oient  produits  par  des  va- 
peurs fulfureufes  qui  s'enflam.ment  d'elles- 
mêmes  ;  car  nous  favons  que  le  fluide 
électrique  enflamme  les  fubftances  huileufes 
éthérées  ,  au  travers  deiquelles  il  pafle. 
Ainfi  ceux  qui  jugent  de  la  caufe  par  l'o- 
deur qu'ils  fentent  ,  courent  rifque  de 
prendre  l'effet ,  qui  eft  pureraenr  acciden- 
tel ,  pour  la  caufe  même.  (P.  B.) 

PHEONS  ,  en  terme  de  Blafon  ,  ce  font 
des  fers ,  des  dards ,  des  flèches  ou  d'autres 
armes  barbelées. 

«  Dans  les  planches  de  blafon  on  voit  la 
figure  des  phéons.  D'Egerton  de  fable  ,  à  la 
fafce  d'hermine  entre  tïo'is  phéons. 

PHEOS ,  f.  m.  {Botan.  anc.  )  nom  donné 
par  Théophrafte ,  Diofcoride  &  autres  ,  à 
une  plante  dont  fe  fervoient  les  foulons 
pour  apprêter  leurs  draps  ,  c'eft  peut-être 
le  gnaphalium  des  modernes  \  mais  les  an- 
ciens donnoient  auffi  le  nom  de  phéos  au 
filago  ,  c'eft-à-dire  à  notre  herbe  de  coton. 
Ils  eraployoient  cette  dernière  à  faire  les 
matelas  de  leurs  lits  ,  &  à  empaqueter  leur 
poterie  pour  l'empêcher  de  fe  cafler. 

PHERECRATE  ,  ou  PHEREGRA- 
TIEN  ,  f.  m.  (  Belles-Lettres.  )  dans  l'an- 
cienne poéfie  ,  forte  de  vers  compofé  de 
trois  pies  ;  favoir  d'un  daCtyle  entre  deux 
fpondées ,  comme  : 

Cràs  dZ\nàleris\hce  dô 
FëfsJs  1  vômërë  \  tàurïs. 

On  conjecture  que  ce  nom  lui  vient  de 
Pherecrate  fon  inventeur. 

PHEREPHATTE  ,  f.  f .  (  Mythologie.  ) 
c'étoit  le  premier  nom  de  Proferpine ,  & 
fous  lequel  elle  avoit  des  fêtes  chez  les 
Cycicéniens ,  appellées  phéréphatties. 

PHEREPOLE  ,  adj.  (  Mythologie.  )  ou 
celle  qui  porte  le  pôle.  Pindare  donne  ce 
furnom  à  la  fortune  ,  pour  marquer  que 
c'eft  elle  qui  fouticnt  l'univers ,  &  qui  le 
gouverne.  La  première  ftatue  qui  fut  faite 
de  la  fortune  pour  ceux  de  Smyrne  ,  la 
repréfèntoit  ayant  le  pôle  fur  la  tête  ,  & 
une  corne  d'abondance  à  la  main. 

PHERE'S  ,  (  Géog.  anc.  )  Pherce  ;  il  y 
avoit  de  ce  nom  plu  fleurs  villes  :  favoîr , 
une  dans  l'Achaïe  ,  une  dans  le  Pélopo- 

LIU 


^34  P  H  E 

nefe  ,  une  <^ans  la  Macédoine  ,  une  dans 
l'A  fie  ,  une  dans  la  Baotie  ,  une  dans  la 
lapygie  ,  une  dans  la  Laconie  ,  ùc. 

PHÉRÉZÉENS  ,  (  Géographie  facrk,  ) 
anciens  peuples  qui  habitoient  la  Paleftine , 
&  qui  étoient  mêlés  avec  les  Cananéens  \ 
mais  comme  ils  navoient  point  de  demeure 
fixe ,  &  qu'ils  vivoient  dirperles  ,  tantôt  en 
un  lieu  du  pays ,  &  tantôt  dans  un  autre ,  on 
les  nomma  ThéreT^ens ,  c'ert-à-dire  ,  épars. 
Phéra-^t  fignifie  des  hameaux,  des  villages. 
Il  eft  beaucoup  parlé  des  Théré'^éens  dans 
l'écriture  ,  &  même  du  temps  d'Efdras  , 
après  le  retour  de  la  captivité  de  Babylone  ; 
plufîeurs  ifraélites  avoient  époufé  des  fem- 
mes de  cette  'nation.  {D.J.) 

PHESANE  ,  (  Géog.  anc.)  ville  d'Arca- 
die  ,  félon  le  fcholiafte  de  Pindare  ,  &  le 
fentiment  de  tous  les  auteurs ,  excepté  Di- 
dime ,  qui  prétend ,  fans  aucun  fondement , 
que  c'étoit  une  ville  de  TElide. 

PHESTI ,  (  Géog.  anc.)  lieu  d'Italie  dans 
le  Latium  ,  à  cinq  ou  (ix  milles  de  Rome. 
C''étoit  autrefois  l'extrémité  du  territoire 
de  cette  ville  ;  ce  qui  fait  que  du  temps  de 
Strabon ,  les  prêtres  y  faifaient  les  (àcrifices 
nommés  ambarralia  ,  comme  dans  les  au- 
tres lieux  qui  étoient  aux  frontières  des  Ro- 
mains. 

PHEUGARUM  ,  (  Géog.  anc.  )  ville  de 
la  Germanie  ,  entre  Tulifurgium  &c  Cen- 
iuum ,  félon  Ptolomée ,  liv.  II ,  ch.  xj.  On 
croit  que  la  ville  d'Halberftadt  ,  dans  la 
Saxe  ,  a  été  bâtie  de  fes  ruines. 

PHIAGIA  ,  (  Géog.  anc.  )  i°.  ville  ou 
bourgade  de  l' Attique.  Elle  eft  attribuée  par 
quelques-uns  à  la  tribu  Egéide ,  &  par  d'au- 
tres à  l'Aïantide  ;  mais  une  infcription  dont 
parle  M.  Spon  ,  la  met  fous  l'Hadrianide. 
2°.  Bourgade  de  TAttique  ,  dans  la  tribu 
Pandionide  ,  félon  Etienne  le  géographe. 

(P./.) 

PHI ALE ,  (  Géog.  anc.  )  en  grec  ç/aA»  ; 
ce  mot  qui  veut  dire  une  coupe  plate ,  rem- 
plie jufqu'au  bord  ,  a  été  donné  à  divers 
lacs  ou  réfervoirs  d*eau  ,  à  caufe  de  leur 
reflemblance  à  un  balïîn  plein  d'eau. 

1°.  Thiale  ,  fontaine  ou  lac  célèbre  au 
j>ié  du  mont  Hermon ,  &  d'où  le  Jourdain 
prend  fa  fource.  Joieph  j  de  bel.  hb.  LU, 
c.  xviij ,  raconte  qu'à  cent  vingt  ftadcs  de 
Céfaxée  de  Phiîippes  ,  fur  le  chemin  qui 


PHI 

va  à  la  Tranchonite  ,  on  voit  le  lac  de 
Phiale ,  lac  rond  comme  une  roue,  &  dont 
l'eau  eft  toujours  à  pleins  bords,  fans  dimi- 
nuer ni  augmenter.  On  ignoroit  que  ce  fût 
la  fource  du  Jourdain  ,  jufqu'a  ce  que  Phi- 
lippe ,  tétrarque  de  Galilée ,  le  découvrit 
d'une  manière  à  n'en  pouvoir  douter  ,  en 
jetant  dans  ce  lac  de  la  menue  paille  qui  fe 
rendit  par  des  canaux  louterrains  à  Panium, 
d'où  jufqu'alors  on  avoit  cru  que  le  Jour- 
dain tiroit  fa  (ource. 

1°.  Phiale  ,  ou  Fhiala ,  eft  un  Heu  d'E- 
gypte fur  le  Nil  &  dans  la  ville  de  Mem- 
phis.Touslesans,  dit  Pline,/.  VIII,c.xlviJ  , 
on  y  jetoit  une  coupe  d'or  &  une  coupe 
d'argent  le  jour  de  la  naiftance  du  dieu  Apis. 

3°.  C'eft  encore  un  heu  d'Egypte  dans  la 
ville  d'Alexandrie,  On  donnoit  le  nom  de 
phiale  au  lieu  où  l'on  ferroit  le  blé  qu'on 
amenoit  d'Egypte  fur  des  bateaux  par  le 
canal  que  l'on  avoit  creufé  depuis  Chérée 
jufqu'à  Alexandrie  ;  mais  comme  le  peuple 
étoit  accoutumé  à  exciter  dans  cet  endroit 
de  fréquentes  féditions  ,  Juftinien  ,  pour 
arrêter  le  cours  de  ce  défordre ,  fit  enfer- 
mer ce  lieu  d'une  forte  muraille. 

4°.  Phiale  eft  auiïi  le  nom  de  la  fource 
du  Nil. 

5°.  Phiale  ,  ou  Phialia  ,  ou  Phigalia  > 
étoit  une  ville  de  l'Arcadie  fur  les  bords  du 
fleuve  Néda ,  auquel  les  enfans  de  cette  ville 
coniacroient  leurs  cheveux.  Le  nom  mo- 
derne de  cette  ville  eft  ,  à  ce  qu'on  croit  , 
Davia.  (  Z>.  /.  ) 

PHIBIONITES ,  f.  m.  pî.  (  Wft.  eccléf,  > 
c'eft  une  branche  des  gnoftiques. 

PHIDITIES  ,  f.  m.  pi.  (  Antiquités gre^ 
ques  Ù  de  Lacédémone.  )  Phiditia  ,  les  phi- 
dities  étoient  des  repas  publics  qui  fe  don- 
noient  en  Grèce.  Ils  furent  inftitués  par  Ly- 
curgue.  Ce  légiflateur  voulant  faire  plus 
vivement  la  guerre  à  la  moileiTè  &  au  luxe  , 
&  achever  de  déraciner  l'amour  des  richef- 
fes ,  fit  à  Lacédémqne  l'établiftèment  des 
repas  publics.  Il  en  écarta  toute  fomptuo- 
fité  de  toute  magnificence  :  il  ordonna  que 
tous  les  citoyens  mangeroient  enfemble  des 
mêmes  viandes  qui  étoient  réglées  paflb  loi  ; 
&  il  leur  défendit  expreftement  de  manger 
chez  eux  en  particulier. 

Les  tables  étoient  de  quinze  perfonnes 
chacune  ^  uu  peu  plus  ou  uu  peu  moins  >  & 


PHI 

clucun  .ipportoit  par  mois  un  hoitîeaa  de 
farine ,  huit  mefures  de  vin  ,  cinq  livres  de 
fromage ,  deux  livres  &  demie  de  figues ,  & 
quelque  peu  de  leur  monnoie  pour  acherer 
de  la  viande.  Il  cft  vrai  que  quand  quelqu'un 
faifôit  chez  lui  un  facrifice  ,  ou  qu'il  avoic 
été  à  la  chalTe ,  il  envoyoic  une  pièce  de  (a 
vicSbime  ou  de  (à  vénaifon  ,  à  la  table  dont 
ilétoit  i  car  il  n'y  avoir  que  ces  deux  occa- 
fîons ,  oît  il  fur  permis  de  manger  chez  loi , 
favoir ,  quand  on  ctoit  revenu  de  la  chalîè 
fort  tard  ,  &  que  l'on  avoit  achevé  fort  tard 
fon  facriiice  :  autrement  on  étoit  obligé  de 
fc  trouver  au  repas  public  ;  ôc  cela  s'obièrva 
fort  long-temps  avec  une  très-grande  exac- 
titude ,  jufques-là  que  le  roi  Agis  ,  qui 
revenoit  de  l'armée  ,  après  avoir  défait  les 
Athéniens ,  &  qui  vouloit  fouper  chez  lui 
avec  fa  femme  ,  ayant  envoyé  demander 
fès  portions  dans  la  falle  ,  les  polémarques 
les  lui  refuferent  ;  8c  le  lendemain  Agis 
ayant  négligé  par  dépit  d'offrir  le  facrifice 
d'ad;ions  de  grâces,  comme  on  avoit  accou- 
tumé après  une  heureufe guerre,  ils  le  con-  i 
damnçrent  à  une  amende  qu'il  fut  obligé 
de  payer. 

Les  enfans  même  fe  trouvoient  à  ces  re- 
pas ,  &  on  les  y  menoit  comme  à  une  école 
de  fagelTe  Se  de  tempérance.  Là ,  ils  enten- 
doient  de  graves  difcours  fur  le  gouverne-  j 
ment  ;  ils  voyoient  des  maîtres  qui  ne  par- 
donnoient  rien  ,  Ôc  qui  railloient  avec  beau- 
coup de  liberté,  8c  ils apprenoient eux-mê- 
mes à  railler  fans  aigreur  &  fans  ballèflfè , 
ôc  à  fouffrir  d'être  raillés  ;  car  on  trouvoit 
que  c'étoit  une  qualité  digne  d'un  Lacédé- 
monien  ,  de  fupporter  patiemment  la  rail- 
lerie. S'il  y  avoit  quelqu'un  qui  ne  pût  la 
fouffrir  ,  il  n'avoir  qu'à  prier  qu'on  s'en 
abftint-,  &  l'on  ceflbit  fur  l'heure, 

A  mefure  que  chacun  entroit  dans  la 
falle  ,  le  plus  vieux  lui  difoit  en  lui  mon- 
trant la  porte  ,  rien  de  tout  ce  qui  a  été  dit 
ici  5  ne  fort  par -là. 

Quand  quelqu'un  vouloit  être  reçu  à  une 
table  ,  voici  de  quelle  manière  on  procé- 
doit  à  fon  élection  ,  pour  voir  s'il  étoit 
agréé  dans  la  compagnie.  Ceux  qui  dévoient 
le  recevoir  parmi  eux  ,  prenoient  chacun 
une  petite  boule  de  mie  de  pain  ;  l'efclave 
qui  les  fervoit  ,  pafloit  au  milieu  d'eux , 
portant  un  vaifïèau  fur  fa  tête  :  celui  qui 


PHI  ^35 

agréoit  le  prétendant  ,  j  ctoit  fimplemenc 
la  boule  dans  ce  vailleau  ;  &  celui  qui  le 
refufoit ,  l'applariflbit  auparavant  entre  fcs 
doigts.  Cette  boule  aînfi  applatie  valoit  la 
fève  percée  qui  étoit  la  marque  de  condam- 
nation ;  8c  s'il  s'qxï  trouvoit  une  feule  de 
cette  forte ,  le  prétendant  n'étoit  point  reçu  ; 
car  on  ne  vouloit  pas  qu'il  y  en  eût  un  fcul 
qui  ne  plût  à  tous  les  autres.  Celui  qu'on 
avoit  refufé  étoit  dit  decaddé ,  parce  que  le 
vaifîèau  dans  lequel  on  jetoit  les  boules , 
étoit  appelle  caddos.  ■ 

Après  qu'ils  avoient  mangé  &  bu  très- 
fobrement ,  ils  s'en  retournoient  chez  eux 
fans  lumière  ;  car  il  n'étoit  pas  permis  de  fc 
faire  éclairer  ,  Lycurgue  ayant  voulu  que 
l'on  s'accoutumât  à  marcher  hardiment 
par-tout  de  nuit  8c  dans  les  ténèbres.  Voilà 
quel  étoit  l'ordre  de  leur  repas. 

Par  cet  établiflement  des  repas  com- 
muns ,  8c  par  cette  frugale  fimplicité  de 
la  table  ,  on  peut  dire  que  Lycurgue  fit 
changer  en  quelque  iorre  de  nature  aux 
richeffes ,  en  les  mettant  hors  d'état  d'être 
defîrées  ,  d'être  volées ,  8c  d'enrichir  leurs 
pollèlîèurs  ;  car  il  n'y  avoit  plus  aucun 
moyen  d'ufer  ni  de  jouir  de  fon  opulence , 
non  pas  même  d'en  faire  parade  ,  puifquc 
le  pauvre  8c  le  riche  mangeoient  enfemble 
en  même  lieu  ;  8c  il  n'étoit  pas  permis  de 
venir  fe  préf6iter  aux  falles publiques ,  après 
la  précaution  d'avoir  pris  d'autre  nourriture, 
parce  que  tous  les  convives  obfervoient  avec 
grand  foin  celui  qui  ne  buvoit  8c  ne  man- 
geoit  point ,  &  lui  reprochoient  fon  intem- 
pérance ou  fa  trop  grande  délicateflc ,  qui 
lui  faifoient  méprifer  ces  repas  publics. 

Les  riches  furent  extrêmement  irrités  de 
cette  ordonnance ,  8c  ce  fut  à  cette  occafion 
que  dans  une  émeute  populaire  ,  un  jeune 
homme ,  nommé  Alcandre ,  creva  un  ceii  à 
Lycurgue  d'un  coup  de  bâton.  Le  peuple 
irrité  d'un  tel  outrage  ,  remit  le  jeune 
homme  entre  les  mains  de  Lycurgue,  qui 
fut  bien  s'en  venger  ;  car  d'emporté  8c  de 
violent  qu'étoit  Alcandre  ,  il  le  rendit  très- 
fage  8c  très-modéré. 

Les  repas  publics  étoient  aufTî  fort  en 
ufage  parmi  les  philofophes  de  la  Grèce. 
Chaque  fe6te  en  avoit  d'établis  à  certains 
jours  avec  des  fonds  8c  des  revenus ,  pour 
en  faire  la  dépenfe  j  8c  c'étoit ,  comme  le 
LUI  1 


è^é  PHI 

remarque  Athénée,  «  afin  d'unîr  davantage 
w  ceux  qui  s'y  trou  voient ,  afin  de  leur  inf- 
»»  pircr  la  douceur  &  la  civilité  fi  nécef- 
«  faircs  au  commerce  de  la  vie.  La  libertç . 
w  d'une  table  honnête  produit  ordinaire- 
»  ment  tous  ces  bons  effets.  «  Et  qu  on  ne 
s'imagine  point  que  ces  repas  fullènt  des 
écoles  de  libertinage  ,  où  Pon  rafinât  fur 
les  mets  &  fur  les  boitions  enivrantes ,  & 
Gii  Ton  cherchât  à  étourdir  la  févere  raifon  : 
tout  s'y  pafioit  avec  agrément  &c  décence. 
On  n'y  cherchoit  que  le  plaifir  d'un  entre- 
tien libre  &  enjoué  :  on  y  trouvoit  une  com- 
pagnie choifie  ,  &:  aufifi  fobre  que  fpiri- 
tuelle  :  on  y  chantoit  l'hymne  qu'Orphée 
adrefle  aux  mufes  ,  pour  faire  voir  qu'elles 
préfident  à  toutes  les  parties  de  plaifir  dont 
la  vertu  ne  rougit  point.  Timothée  ,  géné- 
ral des  Athéniens  ,  fut  un  jour  traité  à 
Tacadcmie  par  Platon.  Un  de  Tes  amis  Par- 
rêta  en  fortant ,  &  lui  demanda  s'il  avoir 
fait  bonne  chère.  Quand  on  dîne  à  l'acadé- 
mie ,  répondit-il  en  fouriant ,  on  ne  craint 
point  d'indigefiion. 

Rien  ne  reflembloit  mieux  à  cts  feftins 
philofophiques  ,  que  les  agapes  ou  repas  de 
charité  des  premiers  chrétiens,  qui  fiàfoient 
même  une  partie  du  fervice  divin  dans  les 
jours  folemnels  j  mais  comme  les  meilleures 
chofes  dégénèrent  infenliblement ,  le  luxe 
y  prit  la  pince  de  la  modeftie  ,  &  la  licence 
q  à  ofe  tout ,  en  chifla  la  retenue.  On  fut 
enfin  obligé  de  les  liipprimer. 

Meurfius  a  épuifé  tout  ce  qui  regarde  les 
phidities \  lifez-lc.  {D.  J.)      , 

PHILA  ,  r.  f.  (  Mythol.)  un  des  noms 
de  Vénus  ,  qui  caraétériie  la  mère  de  l'a- 
mour i  car  (fiKih  5  c'eft  aimer.  {D.  J.) 

Phila ,  (  Gécg.  anc.)  i°.  île  de  la  Libye. 
Elle  étoit  formée  par  les  eaux  du  fleuve 
Triton  ,  &  on  y  voyoit  la  ville  de  Nyfa , 
dans  laquelle  on  ne  pouvoit  entrer  que  par 
un  feul  endroit  appelle  portas  Nyfiae  ,  les 
portes  de  Nyfa.  i'^.  Il  y  avoir  une  ville  nom- 
mée Phila  en  Macédoine,  à  moitié  chemin 
entre  Dium  &c  Tempe^ ,  fur  un  rocher  au 
tord  d'un  fleuve  qui  iemble  être  PEnipée  , 
fuivant  la  narr^^rion  de  Tite-Live,  livre 
XLIV,  c.  viij.  (D.J.) 
^  PHILADELPHE  ,  (  Hifoire  anc,  )  nom 
tiré  du  grec  <f,ih'i ,  amateur  ,  &  d'«<lê^(fof , 
Jrejre,  Il  tut  donné  copime  une  marque  de 


PHI 

diftin^tion  par  les  anciens  àquelques  princes 
qui  avoient  marqué  beaucoup  d'attache- 
ment pour  leurs  frères.  Le  plus  connu  eft 
Ptolémée  Philadelphe  ,  roi  d'Egypte ,  dont 
la  mémoire  ne  périra  jamais ,  tant  que  du- 
reront les  lettres  ,  qu-'il  honora  toujours 
d'une  protedbon  éclatante  ,  foit  en  formant 
la  magnifique  bibliothèque  d'Alexandrie  , 
compofée  de  400C00  ,  &  félon  d'autres  , 
de  7000G0  volumes ,  fous  la  direétion  de 
Démétrius  de  Phalere  ;  foit  en  fàifant  tra- 
duire en  grec  les  livres  faints  ;  traduction 
qu'on  appelle  communément  la  verfon  des 
feptante  ,  parce  que  ce  prince  y  employa 
foixante  &  dix  favans. 

Le  P.Chamillart  avoir  une  médaille  d'une 
reine  de  Comagene  ,  avec  le  titre  àephila~ 
delphe ,  fans  aucun  autre  nom  ;  &  M.  Vail- 
lant dit  que  Philippe  ,  roi  de  Syrie  ,  avoit 
pris  le  même  titre. 

PHILADELPHIE ,  (  Géogr.  ancienne  ^ 
moderne,  )  Fhiladelphia  ,  ou  Philadelphea  ^ 
ville  de  l'Alie  mineure ,  à  27  milles  de  Sar- 
des vers  le  fud-eft ,  au  pié  du  Tmolus ,  d'où 
la  vue  eft:  très-belle  fur  la  plaine  :  elle  riroic 
fon  nom  d'Attalus  phiîadelihe ,  frère  d'Eu- 
ménès  fon  fondateur.  Les  habitans  s'appel- 
loicnt  philadelphei  &  philadelphini.  Cette 
ville  fut  célèbre  ,  entr'autres  par  des  jeux 
pubhcs  ;  Georges  Wheler  rapporte  une  inf^ 
cription  ,  où  ,  entr'autres  chofes  >  on  y  lit 
KOINA  ACIAC  EN  4>IAA:lEA$EIA  ,  c'eft-à- 
dire ,  les  fêtes  communes  de  l'Ajie  a  Thila- 
dclphie  ,  ou  l'aflémblée  folemnelle  pour  les, 
jeux  de  PAfie  à  Philadelphie^ 

Philadelphie  a  été  dans  le  premier  fiecle 
un  ficgc  épifcopal.  Les  Grecs  modernes, 
confervent  l'ancien  nom  de  Philadelphie  y 
&c  les  Turcs  l'appellent -^//ûA/cAeyr,  comme 
pour  dire  ,  la  ville  de  Dieu.  Lorlqu  ils  vin- 
rent pour  s'emparer  du  pays  ,  les  habitans 
fe  défendirent  vigoureu'ement  j  mais  les 
Turcs ,  pour  leur  donner  de  la  terreur  , 
s'avifercnt  de  faire  un  retrap.chemenr  par 
une  muraille  toute  d'os  de  morts ,  fiés  en- 
femble  avec  de  la  chaux  j  les  habitans  fe 
rendirent  en  faifant  une  capitulation  plus 
douce  que  celle  de  leurs  voifins.  On  leur 
laiflà  quatre  égliles  qu'ils  ont  encore  ;  (a- 
voir ,  Panagia ,  S,  George  ,  S.  Théodore  & 
■>.  Taxiarque  ,  qui  eft  le  mêm.e  que  S.  Mi- 
jchel.  Il  y  a  dans  Philadelphie  cinq  à  ^\ 


P  HI 

mille  habitans  ,  entre  lefquels  on  peut 
compter  mille  Chrétiens.  Long.  47.  latit. 
28.  &. 

Il  y  a  eu  une  ville  de  Cilicie  ,  &  une 
ville  d'Egypte  ,  qui  ont  porté  le  nom  de 
Philadelphie.  {D.J.) 

Philadelphie  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville 
de  l'Amérique  feptentrionale  ,  capitale  de 
la  Penfylvanie  (  ^  j  j  c'eft  aujourd  hui  une 
de  plus  belles  ,  des  plus  riches  &  des  plus 
florillantes  villes  que  les  Anglois  aient  dans 
le  nouveau  monde.  Elle  ctl  (îtuée  entre 
deux  rivières  navigables  ,  à  deux  milles 
de  leur  jonction.  Elle  attente  rues  ,  dont 
il  y  en  a  dix  de  deux  milles  de  long  ,  qui 
traverient  d^une  rivière  à  Pautre.  Les  vingt 
autres  qui  les  coupent  à  angles  droits  ,  ont 
la  moitié  delà  longueur  des  premières.  On 
a  laiflé  autour  du  centre  de  ce  parallélo- 
gramme ,  un  quarré  de  dix  arpens  {acres  ); 
ôc  au  milieu  de  chacun  des  quatre  quartiers 
de  ce  parallélogramme  ,  il  y  en  a  un  de 
cinq.  Ces  places  font  deftinées  à  y  élever 
des  éghfes  ,  des  écoles ,  d'autres  édifices 
publics  ,  &  à  fervir  de  promenade  aux 
habits  ns  ,  comme  font  les  mourfields  à 
Londres, 

C'eft  !e  fameux  Guillaume  Pen  qui  a 
tracé  les  alignemens  de  fa  ville  de  Philadel- 
phie. Les  Anglois  ne  fauroient  trop  honorer 
fa  mémoire  ;  &;  en  mon  particulier  ,  je  lui 
ai  déjà  rendu  mes  homma-  es  en  parlant  de 
la  Penfylvanie.  Il  y  a  trois  à  quatre  mille 
maifons  bâties  dans   la  capitale  de  cette 


PHI  6ij 

province  de  l'Amérique  feptenrrional  : 
angloife.  Sa  pofition  eft  très-avantageufe 
pour  le  commerce,  à  caufe  des  deux  rivières 
qui  y  amènent  les  vailleaux  par  celle  de  la 
Ware  ,  dans  laquelle  elles  (e  déchargent , 
à  deux  milles  delà.  On  pourroit  dans  la 
fuite  ,  pour  exécuter  le  plan  du  fondateur  , 
former  un  quarré  parfait  des  deux  cotés  du 
parallélogramipe  ;  &  pour  lors  Philadelphie 
rcdémbleroit  à  Babylone, excepté  (ts  murail- 
les &  la  grandeur  de  fonenceinte;mais  elle  la 
furpafleroit  de  beaucoup  pour  la  commo- 
dité de  fa  fituation.  Long.  ^01,^^0.  latit, 
5^.  ^o.  {D.J.) 

PHILADELPHIES  ,  (  Littérat.  &  Art. 
numifm.  )  (pihaJ\ih<p-.Kt  j  c'eft  ainiî  qu'on 
nommoit  des  jeux  inftitués  à  Sardes  ,  pour 
célébrer  l'union  de  Caracalla  &  de  Géta  , 
fils  de  Septime-Sévere  ,  (piha.S'zK'pict. 

Les  Sardiens  ayant  élevé  un  temple  en 
l'honneur  de  Septime  &  des  princes  fes 
enfans  ,  ils  y  offrirent  des  facrifices  ,  & 
célébrèrent  des  jeux  lolemnels  qu'ils  nom- 
mèrent Philadclphies  ,  pour  engager  les 
deux  frères  à  la  concorde  ,  ou  plutôt 
pour  demander  aux  dieux  cette  union 
tant  defirée  ,  &  qui  étoit  l'objet  principal 
des  vœux  de  l'empereur  leur  père.  Sur  un 
médaillon  frappé  à  Sardes ,  fous  Septime  , 
la  Concorde  paroît  debout  entre  Caraça^ia 
&  Géta  ,  avec  cette  légende  :  Etti  f^riyuout 

t)a.fj[i<tvav  Jii  vîM^c^av  iptha/iihtpia. 

Ces  jeux  n'étoient  point  différens  des 
anciens  jeux  confacrés  aux  dieux  ;  il  paroic 


(  *)  Cette  ville  merveilieule  ,  fur  lafin  du  dernier  fîecle,  s'éleva  prefque  fubiremcntau  milieu  des 
fauv.iges  de  l'Amérique  ,  &  ne  ceffe  de  s'érenHre  de  jour  en  jour.  L'amour  fraternel  eft  (on  unique 
loi  fondamentale  :  fes  portes  font  ouvertes  atout  le  monde  ,  &  fon  fondateur  n'en  a  formellement 
CxgIu  que  deux  fortes  d'hommes ,  le  fainéant  &  l'athée. 

Les  Tiembleurs  ou  Quakeis  ,  perfécutés  en  Angleterre  ,  s'étant  réfugiés  en  Amérique  fous  la 
conduire  de  Guillaume  Pen  ,  y  fondèrent  cette  colonie.  L'enthoufiafme  que  Fox  leur  avoient  com- 
muniqué n'avou  pour  objei  que  les' vertus  morales,  fans  aucun  dognie  mctaphyfique.  Ils  s'exci- 
toieiit  au  trt  ir.olement  pour  confulter  le  Seigneur ,  &  ils  fe  cioyo^en:  tous  autant  de  prophètes  Se 
de  ptophcrefTcs.  Pen  paya  !e  terrain  dtfert  où  il  vouloit  bâtir  fa  ville  ,  afin  que  fon  ctablifiemenc 
fût  bénit  de  Dieu  &  des  hommes.  Ces  Trembleurs  ont  beaucoup  rabattu  de  leur  enthoufiafme  j 
mais  ils  ont  confervé  leurs  m.iximes  &  leurs  ufages. 

Cette  ville  eft  la  patrie  du  célèbre  M.  Franck! in  ,  dont  M,  Barbeu  du  Boarg  vient  de  pub'ier  les 
<E«^r«,  traduites  fur  la  quatiienie  édition  angloife,  en  i  vol.  in  4°.  1773  ,  avec  le  poiuait  de 
l'auteur  ,  au  bas  duquel  on  lit  ces  quaite  vers  : 


//  a  ravi  le  feu  des  deux  ,' 
Jl  fait  fleurir  les  arts   en  des  elimats  fauvages  : 
L'ylmeriqtie  le  place  a  la  tête  des  fages  : 
La  Grèce  l'aurait  mis  au  namhe  de  fes  dieux. 


ic.y 


^j8  PHI 

même  qu'ils étoientpythiques ,  c'eft^à-dire, 
qu  on  cëlébroit:  les  jeux  pythiques  pour  la 
concorde  de  Caracalla  &  de  Géta  ;  la  cou- 
ronne de  laurier  qui  eft  fur  la  médaille  ,  en 
eft  une  preuve  vifible  :  &  même  ces  jeux 
font  expreflTémenr  nommées  pythiens  fur 
une  médaille  de  Périnthe ,  (p/A*cflrA(pÊ/«  -rgf  9« 
'TTipsvriùjv  y  avec  une  urne  qui  indique  que  ces 
deux  noms  expriment  la  même  efpece  de 
jeux.  S'ils  avoicnt  écédifFérens ,  ilsauroient 
été  défignés  par  deux  urnes  ,  fuivaiit  un 
ufage  reconnu  par  les  plus  favans  anti- 
quaires. 

Les  deux  temples  couronnés  font  con- 
noîrre  qu'on  célébra  à  Sardes  les  jeux 
<{iiKo!.lih.(piia.  ,  en  même  temps  que  lesauguf- 
taux  ,  comme  ils  le  furent  fous  le  même 
règne  à  Nicée.  On  lit  fur  une  médaille  de 
cette  ville ,  ctvyovçta  x,aî  <t>'ihat</\:h(piict  vikuhkv. 
Les  deux  temples  couronnés  paroifîènt  fur 
une  autre  médaille  de  Sardes ,  avec  la  tête 
de  Julia  Domna  ,  mère  des  deux  princes. 

Au  refte  ces  vœux  furent  bien  inutiles. 
Caracalla  ,  peu  après  la  mort  de  Septime , 
eut  Tinhumanité  monftrueufe  de  poignar- 
der Géra  entre  les  bras  de  l'impératrice 
leur  mère  ;  &  fi  les  deux  temples  font 
encore  repréfentés  avec  leurs  couronnes  , 
fur  une  médaille  de  Caracalla  ,  on  n'y  lit 
plus  le  titre  de  (piha.S'îh^uit. 

On  pourroit ,  dit  M.  de  Montefquieu  , 
appeller  Caracalla  ,  non  pas  un  tyran  , 
mais  le  de(lruâ;eur  des  hommes.  Caligula  , 
Néron  &  Domitien  bornèrent  leur  cruauté 
dans  Rome  ;  celui  -  ci  alla  promener  fa 
fureur  dans  tout  l'univers.  Ayant  com- 
mencé fon  règne  par  tuer ,  comme  nous 
l'avons  dit ,  Géta  fon  frère  entre  les  bras 
de  l'impératrice  leur  mère ,  il  employa  fes 
richelîèsà  faire  fouffrir  (on  crime  aux  fol- 
dars  qui  aimoient  Géta  \  &  difoient  qu'ils 
avoient  fait  ferment  aux  deux  enfans  de 
Sévère  ,  non  pas  à  un  feul  ;  qu'enfin  les 
temples  qu'ils  avoient  bâtis  ,  6c  les  Phila- 
delphies  qu'ils  avoient  célébrées  ,  regar- 
doient  les  deux  fils  de  l'empereur  ,  &  non 
pas  un  feul. 

Caracalla  ,  pour  les  appaifer  ,  augmenta 
leur  paie  ,  &  pour  diminuer  l'horreur  du 
meurtre  de  fon  frère  ,  il  le  mit  au  rang  des 
dieux  :  ce  qu'il  y  a  de  fingulier  ,  c'eft  que 
cela  lui  fut  exad;ement  rendu  par  Macrin  , 


P  H  I 

qui ,  après  l'avoir  fait  poignarder  ,  lui  fît 
bâtir  un  temple  ,  &  y  établit  des  prêtres 
flamines  'en  fon  honneur.  Cela  fit  que  fa 
mémoire  ne  fut  pas  flétrie  ,  &  que  le  fénat 
n'ofant  le  juger  ,  il  ne  fut  pas  mis  au  rang 
des  tyrans  ,  comme  Commode  ,  qui  le 
méritoit  moins  que  lui.  Mém.  de  Littérat, 
tom,  XVIÎI  y  ind.  4.  fag.  î^^.  {D.  J.) 

Philadelphie  ,  pierres  de  ,  {  Hifi. 
nat.  )  les  murs  de  Philadelphie  ,  ville  de 
l'Afie  mineure  ,  font  bâtis  d'une  pierre 
qui  renferme  des  concrétions  femblables 
à  des  os  ;  ce  qui  a  donné  lieu  à  une 
fable  qui  dit  que  les  Turcs  ,  après  s'être 
rendus  maîtres  de  cette  ville  ,  la  fortifiè- 
rent avec  les  os  des  chrétiens  ,  dont  ils 
élevèrent  des  murailles. 

PHILtE  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  d'Egypte, 
proche  de  la  cataraélé  du  Nil  ,  félon 
Ptolomée  ,  liv.  IV ,  c.  v.  Il  y  avoit  auilî 
une  île  de  même  nom  ;  &  c'eft  dans  cette 
île  que  la  ville  étoit  bâtie  ,  lelon  Séncque  , 
liv.  IV  y  quefi.  nat.  c.ij.  Le  Nil  ,  après 
s'erre  répandu  dans  de  vaftes  déferts  j  & 
y  avoir  formé  divers  marais  ,  fe  raflemble 
au  deflus  de  Vkilœ  ,  île  efcarpée  de  tous 
côtés.  Deux  bras  du  fleuve  font  cette  île  , 
&  fe  réunifiant  au  dcflous  ,  ne  forment 
plus  qu'un  feul  lit  ,  qui  efl:  le  Nil  ,  &  qui 
en  porte  le  nom.  (D.  /.  ) 

PHILAKI ,  f.  m.  (  Ant.  greq.  )  nom 
que  les  Grecs  modernes  donnent  à  la  prifon 
publique  de  Mififtra  :  c'eft  la  même  prifon 
où  le  roi  Agis  finit  malheureufement  fes 
jours.  Ces  fortes  de  lieux  changent  peu 
d'ufage  ,  fur-tout  quand  ils  font  près  d'un 
tribunal  fouverain  ,  comme  celui-ci  l'étoic 
autrefois  des  Nomophylaces  ,  &  comme 
on  dit  qu'il  l'eft  encore  aujourd'hui  du 
Mula.  Quoique  ce  foit  un  réduit  effroya- 
ble ,  il  n'y  en  a  point  de  plus  renommé 
chez  les  auteurs.  Strabon  rapporte  qu'il 
s'appelloit  cœades  ,  &  pour  nous  figurer 
un  cachot  ,  il  le  repréfentc  comme  une 
caverne.  Dion  ,  Chryfoftome  ,  Euftathius, 
Suidas  ,  &  plufieurs  autres  ,  en  ont  parlé; 
mais  auffi  c'étoit  la  prifon  de  Sparte.  Plu- 
tarque  m'attendrit  fans  ceflè  ,  quand  je 
relis  dans  fa  vie  d'Agis  ,  de  quelle  façon 
ce  jeune  roi  &  les  deux  princelîès  Archi- 
damia  &  Agéfiftrata  moururent  dans  cette 
petite  prifon.  Elle  eft  fitueé  près  de  la  rue 


PHI 

du  grand-bazar  ,  cette  fameufc  rue  qu'on 
appelloit  autrefois  y^pA^/û/j  ,  &  qu'Ulyfle 
contribua  tant  à  rendre  célèbre  ,  quand  elle 
lui  fervit  de  carrière  pour  difputer  à  la 
courfe  la  poflelïîon  de  Pénélope  contre  Tes 
rivaux.  Icarius  ,  père  de  cette  belle  Lacé- 
démonienne  ,  voyant  plufieurs  amans  qui 
la  recherchoient ,  incertain  du  choix  ,  leur 
propofa  des  jeux  de  courfe  dans  ce  même 
lieu  5  &  promit  Pénélope  pour  prix  de 
la  vidoire  ,  qu'Ulyfle  eut  la  gloire  de  rem- 
porter. En  reconnoiflance  de  cet  avan- 
tage ,  il  confacra  dans  Sparte  trois  temples 
à  Pallas  ,  fous  le  nom  de  Cékutée.  {D.  J.) 

PHILANDRE,  PHILANDER, 
OPOSSUM  ,  f.  m.  (  Zoologie.  )  animal 
très-remarquable  d'Amérique.  Il  a  été  fort 
mal  décrit  par  divers  auteurs  fous  le  nom 
de  maritacaca  ,  caregoi  ,  ropo'^a  ,  care- 
gueia  ,  jupatuma  ,  îlaquafj^n  ,  farigoi  , 
femi  vulpa  ,  marfupiale  ,    &C. 

C'eft  un  animaûde  la  grofl'eur  d'un  gros 
chat.  Sa  tête  eft  faite  comme  celle  d'un 
renard.  Il  a  le  nez  pointu  ,  &  la  mâchoire 
fupériaure  plus  longue  que  Pinférieure.  Ses 
dents  font  petites ,  mais  femblables  à  celles 
du  renard ,  excepté  qu'il  en  a  deux  grandes 
comme  le  lièvre  au  haut  du  mufeau  ;  fes 
yeux  font  petits  ,  ronds  ,  &  pleins  de  vi- 
vacité. Ses  oreilles  font  grandes ,  H  (l'es , 
douces ,  droites ,  comme  celles  du  renard , 
minces  ,  &  comme  tranfparentes.  Il  a 
comme  le  chat  des  mouftaches  noires ,  & 
d'autres  poils  de  même  efpece  lur  la  face 
&  au  deflus  des  yeux  ;  èâ.  queue  eft  ronde 
&  d'un  pié  de  long  ,  pleine  de  poils  à  fon 
infertion  ,  enfuite  toute  chauve  ,  de  cou- 
leur en  partie  noire  ,  &  en  partie  d'un 
brun  cendré  \  fes  pies  de  derrière  font 
beaucoup  plus  longs  que  ceux  de  devant , 
ils  relTemblcnt  à  des  mains  ,  &  onr  chacun 
cii>q  orteils  armés d'onglesblancs&  crochus; 
l'orteil  de  derrière  eft  le  plus  long  ,  ainfi 
que  dans  les  finges.  Son  dos  6c  Çts  côtés 
font  de  couleur  noirâtre  avec  un  mélange 
de  gris  ,  &  d'un  faux  jaune  fur  le  ventre. 
Uopcjfum  répand  une  odeur  puante 
comme  le  renard^;  il  fe  nourrit  de  cannes 
de  fucre  ,  &  d'autres  végétaux  ;  il  mange 
auHi  ks  oifeaux  qu'il  va  prendre  juique  fur 
ks  arbres  ,  &  imite  fouvent  les  rufes  du 
lenard  pour  piller  la  volaille. 


PHI  6^^ 

Mais  ce  qui  le  diftingue  de  tous  lesautres 
animaux  du  monde  ,  c'eft  le  fac  ou  la 
poche  dans  laquelle  la  femelle  fait  entrer 
les  petits  lorfqu'elle  met  bas  ;  alors  le  petit 
opojfum  n'eft  pas  plus  gros  qu'une  noix  , 
quoique  deftinéà  l'être  autant  qu'un  chat; 
Ce  fàc  eft  placé  fous  le  ventre  près  des 
jambes  de  derrière.  Les  petits  s'y  trouvent 
à  l'abri  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  en  état  de 
fe  tirer  d'affaire  ;  &  quand  ils  commen- 
cent à  être  forts  ,  ils  en  fortent  ,  &  y 
rentrent  librement  pendant  quelques  fe- 
maines.  Enfin  lorfqu'ils  font  grands  ,  la 
mère  les  en  chafle  pour  toujours ,  comme 
font  les  femelles  des  autres  animaux 
à  l'égard  de  leurs  petits.  L'opojfum  mâle  a , 
de  même  que  la  femelle  ,  cette  efpece  de 
poche  fous  le  ventre  ,  &  prend  de  temps- 
en- temps  fur  lui  le  foin  d'y  porter  fes 
petits  ,  pour  les  tirer  d'un  danger  prellant , 
&c  foulager  fa  femelle. 

Cette  poche  hnguliere  mérite  bien  que 
nous  la  décrivions.  C'eft  un  corps  mem- 
braneux af[ez  mince  ,  quoique  compole 
de  plufieurs  membranes  ;  il  y  a  quatre 
paires  de  mufcles  qui  (ervent  à  la  reflèrrer 
&  à  l'étendre  ,  à  ouvrir  Se  à  fermer  l'ou* 
verture.  Deux  os  particuliers  à  cet  animal, 
&  qui  font  placés  dans  cette  partie  de  fon 
corps  3  fervent  à  l'infertion  des  mufcles 
dont  nous  venons  de  parler.  La  poche 
paroît  être  en  partie  mufculeufe  ,  &c  en 
partie  glanduleufe  ,  car  elle  a  la  double 
aétion  de  mouvement  &c  de  fecrétion. 
L'intérieur  de  cette  poche  eft  tapilîe  de 
quelques  poils  ,  qui  font  ça  &  là  couverts 
d'une  matière  jaune  &  gluante  ,  produite 
par  diverfes  petites  glandes ,  dont  la  poche 
eft  femée  ;  cette  matière  cérumineufe  eft 
d'une  odeur  forte  8c  délàgréable. 

Le  (ac  de  VopoJTum  ,  outre  fa  tunique 
glanduleufe  &:  mulculaire ,  eftpourvu  d'une 
troilieme  tunique  vafculaire  ,  dans  laquelle 
les  vaifleaux  fanguins  découlent  en  grand 
nombre.  j 

L'opojhm  fent  aulTî  mauvais  pendant 
quM  eft  en  vie  que  le  putois  »  &  même 
davantage.  Cette  odeur  virulente ,  vient 
principalement  de  la  matière  contenue  dans 
fa  poche  ,  qui  eft  d'une  nature  ii  fembla- 
ble  à  celle  du  fac  de  la  civette  ,  qu'après 
avoir  été  expofée  à  Pair  pendant  quelques 


^40  PHI 

jours,elle  perd  fou  odeur  forte  ,  Se  devient 
un  parfum  des  plus  agréables  ,  approchant 
de  celui  de  la  civette. 

La  ftrudure  des  jambes ,  des  pies  &  des 
ongles  de  Vopojfum  ,  femble  lui  avoir  été 
donnée  pour  grimper  avantageufement  fur 
les  arbres  ;  &  c'eft  auffi  ce  qu'il  exécute 
avec  beaucoup  de  vitefle. 

Enfin ,  la  nature  a  employé  une  méchani- 
que  admirable  dans  les  épines  ou  crochets 
qui  font  au  centre  du  coté  inférieur  des 
vertèbres  de  fa  queue.  Les  trois  premières 
vertèbres  n'ont  point  d'épines  i  mais  on 
les  voit  dans  toutes  les  autres.  Elles  font 
placées  iuftement  au  milieu  &c  à  coté  de 
chaque  jointure.  Je  crois  qu'on  ne  fauroit 
rien  imaginer  de  plus  propre  à  cette  fonc- 
tion que  de  le  fufpendre  par  la  queue  j 
car  la  queue  étant  une  fois  tournée  autour 
d'une  branche  ,  foutient  aifément  le  poids 
de  l'animal  par  le  moyen  de  ces  épines 
crochues  :  cette  a6tion  ne  demande  qu'un 
peu  de  travail  dans  les  mufcles  pour  cour- 
ber ou  fléchir  la  queue. 

J'aurois  beaucoup  d'autreschofescurieu- 
fes  à  ajouter  ,  mais  je  les  fupprime  en 
renvoyant  le  ledteur  à  l'anatomie  de  l'o- 
pcjfum  par  le  dodeur  Tyfon  ,  en  1698  , 
dans  les  Tranf.  philof.  n.  2.^9.  Le  chev. 
deJaucourt. 

Il  y  a  plufîeurs  efpeces  de  philandres 
que  Pon  a  réunies  fous  un  même  genre. 
Leurs  caraderes  communs  font  d'avoir  , 
dans  la  mâchoire  du  deflbus  ,  huit  dents 
incifivcs ,  &  dans  celle  de  deflus  dix  (  les 
deux  du  milieu  (ont  plus  grandes  que  les 
autres  )  ,  &  d'avoir  les  pies  conformés 
comme  ceux  des  finges.  Les  efpeces  de 
philandres  font  au  nombre  de  neuf  ;  favoir 
1°.  le  philandrt  amplement  dit  ,  c'eft  celui 
qui  a  déjà  été  décrit  dans  cet  article  ; 
z°.  le  philandrt  oriental  ,  qui  a  une  cou- 
leur brune  foncée  fur  le  dos  ,  &  jaune 
fous  le  ventre  ,  avec  des  taches  jaunes 
au  deflous  des  yeux  :  il  eft  plus  grand  que 
le  philandrt  fimplement  dit  ;  car  il  a  onze 
pouces  de  longueur  depuis  l'occiput  ju (qu'à 
l'origine  de  la  queue  ,  tandis  que  l'autre 
n'a  que  huit  pouces  ;  3°.  le  philandrt 
d'Amboine  ,  qui  eft  d'un  rouge  bai  noi- 
râtre fur  le  dos  ,  &  de  couleur  cendrée 
|?lanchâtre  fous  Iç  ventre  ,  avec  des  taches 


PHI 

d'un  brun  fcncé  ;  fa  longueur  eft  de  treize 
pouces.  Les  femelles  de  la  fecoiîde  &  de 
la  troilieme  efpece  de  philandres  ont  une 
poche  fous  le  ventre  ,  comme  celle  de  la 
première  eipece  ;  mais  les  femelles  des 
cinq  elpeces  fuivantes  n'ont  pas  cette 
poche  ,  &c  on  ne  fait  11  les  individus  , 
tant  mâles  que  femelles  de  ces  cinq  efpeces, 
ont  les  autres  caractères  de  ce  genre  feu- 
lement ;  il  eft  certain  qu'ils  refîèmblent 
aux  philandres  des  trois  premières  elpeces 
par  la  forme  de  la  tête  ,  du  mufeau  , 
de  la  queue  ,  des  pies  ,  ùc.  &  par  la 
façon  de  vivre  :  ces  cinq  efpeces  font  le 
philandrt  du  Bréfil  ,  le  philandrt  d'Amé- 
rique ,  \e  philandrt  d'Afrique  ,  \q  philandrt 
de  Surinam  ,  le  philandrt  à  grolfe  tête  ,  & 
le  pkilaadre  à  courte  queue.  Regn.  anim. 
par  M.  Briiibn. 

PHILANTHROPIE  ,  f.  f.  (  Moral.  )  la 
philanthropie  eft  une  vertu  douce  ,  patiene 
&c  délmtéreflée  ,  qui  fup porte  le  mal  fans 
l'approuver.  Elle  fe  fert  de  la  connoillànce 
de  (a  propre  foibleflè  ,  pour  compatir  à 
celle  d  autrui.  Elle  ne  demande  que  le  bien 
de  l'humanité  ,  &  ne  fe  laflè  jamais  dans 
cette  bonté  défintéreflee  -,  elle  imite  les 
dieux  qui  n'ont  aucun  be'oin  d'encens  ni 
de  vidimes.  Il  y  a  deux  manières  de  s'atta- 
cher aux  hommes  ;  la  première  eft  de  s'en 
faire  aimer  par  fes  vertus  ,  pour  employer 
leur  confiance  à  les  rendre  bons  ,  &  cette 
philanthropit  eft  toute  divine.  La  féconde 
manière  eft  de  fe  donner  à  eux  par 
l'artifice  de  la  flatterie  ,  pour  leur 
plaire  ,  les  captiver  &  les  gouverner. 
Dans  cette  dernière  pratique  ,  fi  com- 
mune chez  les  peuples  polis  ,  ce  ne  font 
pas  les  hommes  qu'on  aime  ,  c'eft  foi- 
même.  (  D.  J.) 

PHILARMONICI ,  (  Hi/l.  littér.  )  c'eft 
le  nom  que  prend  une  (ociété  littéraire 
établie  à  Vérone  en  Italie  ,  en  1543.  Elle 
a  quatre  préfidens  ou  directeurs ,  que  l'on 
nomme  pères.  Cette  académie  embrafte 
tous  les  objets  des  fciences.  Elle  s'aftèmble 
dans  un  édifice  dans  lequel  on  voit  plu- 
fîeurs falles  ornées  de  portraits  des  prin- 
cipaux membres  de  la  fociété ,  avec  cette 
infcription  :  anno  MDXLIII ,  cœtus  phil- 
harmonicus  academicas  leges  fancit ,  ac 
mujis  omnibus  litat, 

PHILAUTIE  , 


PH  I 

PHILAUTIE  ,  f.  f.  ( Morale.)  c\a  ce 
que  l'on  entend  dans  les  écoles  par  V amour 
de  foi-même  ,  qui  eft  une  afFeâion  vi- 
cieufe  ,  &  une  complaifance  démefurée 
pour  fa  propre  perfonne. 

Ce  mot  ell:  formé  du  grec  <ptMt ,  aniicus  y 
ami  ,  &  ttvjoi ,  ipfe  y  foi  -  même.  Voye\ 
Amour-propre. 

PHILELIE,  f.  f.  (Belles -Lettres.) 
cKanfon  dei  anciens  Grecs  en  l'honneur 
d'Apollon.  La  philelie  ,  dit  Athénée  ,  liv. 
XIV y  chap.  iij  y  étoit  une  chanfon  à 
l'honneur  d'Apollon  ,  comme  l'enfeigne 
Telefilla.  Elle  fut  ainfi  appellée  ,  obferve 
Cafaubon  ,  du  refrain  propre  à  cette  chan- 
iôn,  o|ï*  Q^iKi  y  a  çiK\ht:j  leve\-vous  y  lei'e^- 
vous  y  charmant  foie  il;  le  nom  feul  de  cette 
chanfon  peut  terminer  la  queftion  par 
laquelle  on  a  quelquefois  propofé  ,  fî  le 
foleil  eft  dans  l'ancienne  fable  le  même 
qu'Apollon.  Mém.  de  Vacad.  des  belles- 
lettres  ,  tom.  XI  y  page  3^5' 

PHILÉT^RE,f.  m.  {amiquit.  greq.) 
Les  Pliilétceres  formoient  une  fociéré  de 
plufieurs  perfonnes  qui  avoient  une  elpece 
de  magiflrature  à  Cyzique  ;  mais  on  ignore 
en  quoi  conlilloient  leurs  fondions.  On 
connoît  plufieurs  monnoies  des  rois  de 
Pergame  fur  lefquelles  on  lit  le  nom  de 
Philétcere  y  (piMretipov  autour  de  différentes 
têtes  ;  mais  ces  monnoies  n'ont  aucun 
rapport  à  la  fociété  de  Cyzique.  Elles 
tirent  lear  nom  de  Philétœre  y  premier  roi 
de  Pergame  ;  &  cependant  comme  il 
feroit  bien  fingulier  que  ces  monnoies 
fulfent  toutes  de  ce  prince  ,  quelques  an- 
tiquaires croient  que  i^Qs  fuccelFeurs  prirent 
le  même  nom  fur  leurs  monnoies  ,  comme 
les  rois  d'Egypte  adoptèrent  le  nom  du 
premier  Ptolemée.  Voye\  les  antiq.  de 
M.  de  Caylus. 

PHILÉT^RIENNE,  adj.  {Bot.anc.) 
cpithere  donnée  par  les  anciens  botaniltes 
à  une  plante  qui  avoit  quelque  refïêm- 
blance  avec  la  rue.  Pline  en  fait  mention  ; 
&  le  P.  Hardouin  ,  dans  ^ts  notes ,  penfe 
que  cette  dénomination  lui  a  été  donnée 
par  rapport  à  Philetsre  ,  roi  de  Cappa- 
doce  :  elle  pourroit  également  avoir  reçu 
fon  nom  de  Philetsrus ,  roi  de  Pergame  ; 
mais  le  principal  feroit  de  connoître  la  plante 
même.   {  D.   J.) 

Tottu  XXV. 


PHI  6^1 

PHILIADES ,  {Gc'ogr.  anc.)  Philiadœ^ 
bourgade  de  TAttique.  Elle  prenoit  fbn 
nom  de  PhilîEus  ,  fils  d'Ajax ,  &  étoit  la 
patrie  de  Pififtrate.  On  lit  aujourd'hui  à 
Athènes  ,  au  rapport  de  M.  Spon ,  lifle 
de  VAttique  ,  l'infcription  fuivantc  :  Kiynii 
AVJlfay  niKA  j  Eua^/ic/JiK  Ktjit-'iou  fiKiJïm  ^X^?^^ 
Ayi7//-Jrtp^/^îî  ET/</lit/<cr/«ê  nvKit  Xa.{ihA  o!  ^oK^of 
tJliMTKiEjSvKçnof  n^x  «'jc'eft-à-dire,"la  tribu 
«  -/Edéide  des  hommes  a  eu  la  vidoire  ; 
>j  Evadiges  ,  fils  de  Ctéfias  de  Philiadoé  , 
«  a  préfidé  aux  jeux  ;  Lyfimachidès  Epi- 
M  damnien  a  eu  foin  de  la  raufique  ; 
>i  Charilaiis  Locrien  a  fécité  ;  Euthycritus 
»   a  été  archonte.»    {D.  J.) 

PHILIPPE  ,  {Médailles.)  médaille  & 
monnoie  de  Philippe  ,  roi  de  Macédoine. 
On  donne  fur-tout  ce  nom  aux  monnoies 
d'or  &  d'argent  de  ce  prince.  Les philippes 
d'or  étoient  célèbres  dans  l'antiquité,  parce 
que  c'étoit  une  fort  belle  monnoie  &  d'ex- 
cellent or.  Snellius  ,  dans  fon  livre  de  re 
nummariâ  ,  parle  d'un  phdippe  qui  pefoit 
179  grains  de  Hollande.  11  y  en  a  parmi 
les  médailles  du  roi  qui  pêfent  i^S  grains, 
&  nos  grains  font  plus  pefans  que  ceux 
de  Hollande  ,  dont  Snellius  fe  fervoit  ;  les 
179  grains  de  Hollande  reviennent  à  160 
de  France,  &  à  154  d'Angleterre.  Il  y  a 
aufli  àts  philippes  ôi' argent  &  àts  philippei 
de  bronze.    {D.  J.) 

Philippe,  famt ,  (  Géogr.  mod.  ) 
forterefle  de  l'île  de  Minorque ,  au  àe^xxs 
de  Port-Mahon  ,  fur  un  rocher  près  de 
la  côte.  Les  rois  d'Efpagne  l'avoient  fait 
bâtir  dans  le  fiecle  dernier  pour  la  défenfc 
de  cette  île  ,  dont  les  Anglois  s'emparè- 
rent en  1708  ;  les  François  leur  ont  enlevé 
le  fort  &  l'île  en  17^7  ,  mais  la  paix  leur 
a  rendu  cette  île. 

Philippe,  (Monnoie.)  ou philippus, 
monnoie  d'or  de  Flandre  ,  d'un  titre  affcz 
bas.  On  la  nomme  rider  en  Allemand. 

Il  y  a  eu  aufli  des  philippus  d'argent 
qui  pèlent  près  de  fix  deniers  plus  que  les 
écus  de  France  ,  de  neuf  au  marc  ,  mais 
qui  ne  prennent  de  fin  que  neuf  deniers 
vingt  grains. 

Les  philippus  d'Efpagne  ,  qui  ont  eu  un 
grand  cours  en  plufieurs  villes  d'Allema- 
gne ,  où  on  les  appelloit  philippe-thaler y 
particulièrement  à  Francfort  &  à  Nurera- 
M  m  ra  m 


€^1  PHI 

berg  )  s'y  récevoient  fur  le  pië  de  cent 
creutzers  communs  ,  ou  de  81  creutzers 
^e  change  :  c'eft  ordinairement  fur  cette 
efpece  de  monnoie  ,  que  fe  réduifoient  & 
s'évaluoient  les  paiemens ,  au  commence- 
ment de  ce  fieclç.  {D.  J.) 

PHILIPPE  {Saint),  {  Hifi.  facr.) 
apôtre  de  Jefus-Chrill,  naquit  à  Betzaïde  , 
ville  de  Galilée  ,  fur  le  bord  du  lac  de 
Généfàreth.  Il  fut  le  premier  que  Jedis- 
Chrift  appella  à  fa  fuite:  Philippe  le  fuivit  ; 
&  peu  de  temps  après  ,  ayant  trouvé  Na- 
thanaëi  ,  il  lui  dit  qu'il  avoit  trouvé  le 
Meffie ,  &  l'amena  à  Jefus-Chrifl.  Ils  fui- 
virent  enfemble  le  "  Sauveur  aux  noces  de 
Cana  ,  &  Philippe  fut  bientôt  après  mis 
au  rang  des  apôtres.  Ce  tut  à  lui  que 
Jefus  -  Chriïl:  s'adreiîa  ,  lorlque  voulant 
nourrir  cinq  mille  hommes  qui  le  fuivoient , 
Jl  demanda  d'où  l'on  pourroit  acheter  du 
pain  pour  tant  de  monde  ;  Philippe  lui 
répondit  qu'il  en  faudroit  poui"  plus  de 
deux  cents  deqjjprs.  Dans  ie  long  difcours 
que  Jefus  -  Chrift  tint  à  i'ts  apôtres  la 
veille  de  fa  paffion  ,  Philippe  le  pria  de 
leur  faire  voir  le  père  ;  mais  le  Sauveur 
lui  répondit  :  Philippe  ,  celui  qui  me 
voit  y  voit  aujji  mon  père  ,  Joan.  xiv.  ^. 
Voilà  tout  ce  que  l'évangile  nous  apprend 
<î«  ce  faint  apôtre.  Les  auteurs  eccléliafti- 
^ues  ajoutent  qu'il  étoit  marié  &  avoit 
plufieurs  filles  ;  qu'il  alla  prêcher  l'évan- 
gile en  Phrygie  ,  &  qu'il  mourut  à  Hiéraple, 
ville  de  cette  province.    (+) 

Philippe  ,  {Hifi.  facr.)  le  fécond  des 
fept  diacres  que  les  apôtres  choifirent 
après  Pafcenfion  de  Jefus-Chrift.  On  croit 
qu'il  étoit  de  Céfarée  en  Palelline  ;  au 
moins  efl-il  certain  qu'il  y  demeuroit,  & 
qu'il  y  avoit  quatre  filles  vierges  &  pro- 
phéreifès  ,  Act.  xxj.  g.  Après  le  martyre 
de  faint  Etienne  ,  les  apôtres  s'étant  dif- 
perfés ,  le  diacre  Philippe  alla  prêcher 
J'évangile  dans  Samarie  ,  où  il  fit  plufieurs 
converfions  éclatantes.  II  y  étoit  encore , 
îorfqu'un  ange  lui  commanda  d'aller  fur  le 
chemin  qui  defcendoit  de  Jérufalem  à 
Gaze.  Philippe  obéit ,  &  rencontra  l'eu- 
Duque  de  Candace  qui  étant  venu  à  Jéru- 
zalera  pour  y  adorer  le  vrai  Dieu  ,  s'en 
retournoit  lifant  dans  fon  char  le  pro- 
fhete   Ifaïe.  L'efprit  de  Dieu  dit  alors  à 


PHI 

Philippe  de  s'approcher  ,  &  le  iàint  dia- 
cre ouit  que  l'eunuque  hibit  ce  paflâge  du 
prophète  :  //  a  été  mené  comme  une  brebis 
à  la  boucherie  ,  &  n'a  point  ouvert  la 
bouche  non  plus  qiùun  agneau  qui  demeure 
muet  devant  celui  qui  le  tond.  Il  a  été 
dans  fon  abaifjement  délivré  de  la  mort  ; 
qui  pourra  raconter  fa  génération  &  fon  ori- 
gine ?  Act.  vil].  52..  L'eunuque  lui  ayant 
demandé  de  qui  parloit  le  prophète  en  cet 
endroit  :  Philippe  commença  à  lui  annon- 
cer Jefus-Chrifl  ;  &  ayant  trouvé  un  ruif* 
feau  fur  la  route ,  l'eunuque  touché  des  pa-< 
rôles  du  diacre  ,  demanda  à  être  baptifé  y 
&  ils  defcendirent  tous  deux  dans  l'eau , 
où  Philippe  le  baptifa  ;  après  quoi ,  l'efprit 
du  Seigneur  le  tranfporta  à  Azot  ,  où  il 
prêcha  la  parole  de  Dieu  ,  jufqu'à  ce  qu'il 
vint  à  Céfarée  de  Paleftine.  On  croit  qu'il 
y  mourut ,  quoique  quelques-uns  le  faflent 
aller  à  Tralles  en  Afie ,  où  ils  prétendent 
qu'il  fonda  une  églife  dont  il  fut  l'apôtre  & 
l'évêque.  (  -}-  ) 

Philippe  I,  ( Hifi.  am.  Hifi.  de 
Macédoine.  )  troifieme  fils  d'Amyntas  , 
roi  de  Macédoine  ,  >&  fon  fucceffeur  au 
trône  ,  naquit  l'an  du  monde  3621.  Son 
père,  pour  gage  de  Tobfervation  des  trai- 
tés ,  le  remit  aux  Thébains  ,  qui  confièrent 
fon  éducation  au  fagc  Epaminondas.  Le 
•jeune  Macédonien  formé  par  les  leçons 
d'un  fi  grand  maître  ,  en  eut  tous  les 
talens  ,  fans  en  avoir  les  vertus.  Lorfqu'ii 
parvint  à  l'empire  ,  il  eut  honte  de  ne 
commander  qu'à  des  barbares  :  il  entreprit 
d'en  faire  des  hommes  ,  en  leur  donnant 
des  loix  &  des  mœurs.  Les  moyens  dont 
il  fe  fervit  pour  monter  fur  le  trône  ,  ma- 
nifeflerent  qu'il  en  étoit  digne.  Appelle  de 
Thebes  pour  prendre  la  tutele  de  fon 
neveu ,  il  profita  de  fon  enfance  pour  pré- 
parer fa  grandeur.  Les  Macédoniens,  en- 
vironnés d'ennemis  ,  avoient  juiqu'alors 
combattu  fans  courage  &  fans  gloire;  & 
s'ils  n'avoient  point  encore  été  fubjugués , 
c'eft  que  leurs  voifins  avoient  dédaigné  d'en 
faire  leur  conquête.  Philippe  afFedant  une 
confiance  que  peut-être  il  n'avoit  pas  ,  re- 
leva les  courages  abattus.  Le  foldat  fier  de 
marcher  fous  un  difciple  d'Epaminondas , 
fe  foumit ,  fans  murmurer  ,  à  une  difcipline 
févere.  Ses  manières  affables  &  prévenantes 


PHI 

adoucirent  la  rigueur  du  commandement  : 
les  Macédoniens  ,  heureux  &  triomphans 
le  placèrent  fur  le  trône  que  Ton  ambition 
dévoroit  en  fecret^  &  dont  il  afFedoit  de 
redouter  les  écueils. 

Le  choix  de  la  nation  fut  Juflifîé  par  les 
plus  brillans  fuccès  ;  Philippe  ,  âgé  de 
2.4  ans  ,  développa  tous  les  talen^  qui  font 
le  fruit  de  l'expérience.  Tous  fes  concur- 
rens  au  trône  furent  fubjugués  par  fcs  bien- 
faits :  il  n'y  eut  ni  murmurateurs  ,  ni 
rebelles  ;  ics  vidoires  impoferent  Clence 
aux  rivaux  de  fa  grandeur ,  &  firent  ou- 
blier par  quels  degrés  il  étoir  parvenu  à 
l'empire.  Sobre  &  tempérant,  il  introduifit 
la  frugalité  dans  le  camp  ;  fa  cour  fimple 
&  même  auflere  n'offroit  point  cet  éclat 
impofleur  dont  les  rois  indignes  de  l'être 
mafquent  leur  petitefle.  La  févérité  de  la 
difcipline  miltaire  n'eut  rien  de  pénible  , 
parce  qu'il  en  donna  lui-même  l'exemple. 
Sts  fbidats ,  honorés  du  titre  de  fes  com- 
pagnons ,  fe  précipitoient  dans  tous  les 
périls  pour  mériter  les  diflindions  dont  il 
rccompenfoit  la  valeur.  Ce  fut  lui  qui  créa 
cette  fameufe  phalange  qui  prcfentoit  à 
l'ennemi  un  rempart  impénétrable  ;  ce  ba- 
taillon formoit  un  quarré  long  de  400  hom- 
mes de  front  fur  16  de  profondeur  ;  il 
étoit  11  ferré  dans  fa  marche  ,  que  le  choc 
de  l'ennemi  ne  pouvoit  l'ébranler  ni  réfifîer 
au  fien.  Chaque  foldat  étoit  armé  d'une 
pique  longue  de  vingt  &  ùnpiés  :  ce  fut 
cette  phalange  redoutable  qui  éleva  les  Ma- 
cédoniens à  un  fi  haut  degré  de  fplendeur. 

Une  armée  aulll  bien  difciplinée  lui  injP- 
pira  la  paflîon  des  conquêtes  ;  il  contint  la 
Grèce  en  répandant  le  bruit  artificieux  ,  que 
le  monarque  Perfan  méditoit  d'y  faire  une 
invafion  ;  ce  fut  ainli  qu'en  réalifant  à^s 
dangers  imaginaires ,  il  fe  rendit  l'arbitre 
des  rivaux  de  fa  puiflance.  Les  Illiriens 
étoient  maîtres  de  plufieurs  places  dans  la 
Macédoine  ;  il  les  en  chafîà  ,  &pour  mieux 
les  afFoiblir ,  il  porta  le  feu  de  la  guerre 
dans  leur  pays.  Après  leur  avoir  livré  plu- 
fieurs combats ,  toujours  fuivis  de  la  vic- 
toire ,  il  s'empara  d'Amphipolis  ,  colonie 
des  Athéniens  ,  que  cette  hoftilité  rendit  Çts 
ennemis.  Philippe  ,  fans  leur  déclarer  la 
guerre  ,  leur  enleva  Potidée.  Son  infidieufe 
.  éloquence  leur  perfuada  qu'en  perdant  ces 


P  H  I  ^41 

places  ,  ils  ne  perdoient  rien  de  leur  puif- 
fance.  La  plus  utile  de  i^ts  conquêtes  fut 
^celle  de  Cnidé  ,  à  qui  il  donna  foi>  nom  » 
&  qui  devint  dans  la  fuite  célèbre  par  la 
mort  de  Brutus  &  Caffius.  Cette  acquifi- 
tion  ,  fans  être  glorieufe  à  (ts  armes  » 
fervit  de  degré  à  fa  puiflance  ;  il  fit  ouvrir 
près  de  cent  ville  une  mine  d'or  d'où  il 
tira  par  an  trois  millions.  Cette  fource  de 
richefles  le  mit  en  état  d'acheter  des  efpions 
&  des  traîtres  qu'il  entretint  dans  toutes 
les  villes  alarmées  de  fçn  ambition.  IJ 
avoit  coutume  de  dire  qu'il  n'y  avoir  de 
villes  imprenables  que  celles  où  un  mulet 
chargé  d'or  ne  pouvoit  entrer  ;  en  effet , 
ce  fut  avec  ce  métal  ,  plutôt  qu'avec  fes 
armes,  qu'il  fubjugua  la  Grèce. 

Il  efl:  un  héroïfme  domeftique  que  le  fàge 
feul  peut  apprécier  :  l'ambitieux  Philippe  , 
du  tumulte  du  camp  ,  veilloit  aux  devoirs 
d'un  père  de  famille.  Sa  femme  Olympias 
ayant  mis  au  monde  Alexandre  ,  il  n'en 
eut  pas  plutôt  appris  la  nouvelle  ,  qu'il 
écrivit  à  Arifiore  pour  le  prier  de  fe  char- 
ger un  jour  de  fon  éducation.  "  Je  vous 
w  apprends ,  lui  dit-il  ,  qu'il  m'eft  né  un 
»  fils  ;  je  rends  grâces  aux  dieux ,  moins 
»  pour  me  l'avoir  donné  que  pour  m'avoir 
»>  fait  ce  préfent  de  votre  vivant  :  je  me 
»  flatte  que  vos  foins  en  feront  un  prince 
»  digne  de  fes  hautes  defiinées.» 

La  guerre  facrée  qui  embrafa  la  Grèce  > 
y  donna  le  fpedacle  de  toutes  les  atrocités 
qu'entante  le  zèle  religieux  ;  Philippe , 
tranquille  fpeâateur  de  cette  fcene  horri- 
ble ,  laiflia  aux  dieux  le  foin  de  venger 
leur  injure.  Sa  politique  ténébreufe  attifbit 
en  fecret  le  feu  qui  dévoroit  les  différentes 
contrées  de  la  Grèce.  Tandis  que  fes 
voifins  s'affoibliflbient  par  leurs  défaites 
&  même  par  leurs  vidoires  ,  il  affèrmiflbit 
fa  puiflance  dans  la  Thrace  ;  il  établiflbit 
fes  droits  fur  tout  ce  qui  paroiflpit  lui  con- 
venir. Ce  fut  au  fiege  de  Methone  qu'un 
novavcà.  Ajler  ^  extrêmement  adroit  à  tiret 
de  l'arc  ,  vint  s'offrir  à^  lui  :  Philippe  j, 
plein  de  mépris  pour  un  fi  foible  talent , 
lui  dit  qu'il  le  prendroit  à  fon  fervice 
lorfqu'il  feroit  la  guerre  aux  hirondelles. 
After  irrité  de  ce  dédain  ,  fe  jeta  dans  la 
ville  affiégée  ,  d'où  il  tira  contre  le  mo- 
narque une  flèche  où  étoit  écrit ,  à  Vacil 
Mmmm  2. 


^44  PHI 

droit  de  Philippe  y  dont  l'œil  en  efFet  fut 
crevé.  Philippe  renvoya  la  iîeche  dans  !a 
ville  ,  avec  cette  infcription  :  -^Jler  fera 
pendu  aujfi-  tôt  que  la  ville  fera  prife. 
Cette  menace  fut  bientôt  fuivie  de  l'exécu- 
tion. Ce  prince  ,  fi  au  deflus  du  refte  des 
hommes  ,  fe  rapprochoit  d'eux  par  quelques 
foiblefles  ;  depuis  qu'il  avoit  perdu  un  œil , 
il  ne  pouvoit  entendre  prononcer  le  nom 
de  cyclope   fans  fe  fentir  humilié. 

Philippe  appelle  par  fes  voifins  pour 
être  l'arbitre  de  leurs  querelles ,  en  profitoit 
pour  les  aflervir.  Les  habitans  de  Pherès 
implorèrent  fon  fecours  contre  Lycophron , 
beau-frcre  du  cruel  Alexandre  ,  dont  il 
imitqit  la  tyrannie.  Le  monarque  Macédo- 
nien ,  flatté  du  titre  de  protedeur  d'un 
peuple  opprimé  ,  remporta  deux  vidoires 
fur  le  frère  du  tyran.  Comme  ces  peuples 
s'étoient  déclarés  contre  les  violateurs  du 
temple  d'Apollon  ,  Philippe  qui  les  pro- 
tégeoit  fut  regardé  comme  le  vengeur  de 
la  religion.  Les  Grecs  acharnés  à  fe  dé- 
truire, fe  préparèrent  eux-mêmes  des  fers. 
Philippe  inflruit  de  leur  foiblefîè  ,  conçut 
Je  defîein  de  les  fubjuguer  :  un  feul  homme 
réprimoit  les  vœux  de  fon  ambition,  c'étoit 
l'orateur  Démoflhene,  dont  l'éloquence  lui 
paroiffoit  plus  redoutable  que  toutes  les 
Bottes  &  les  armées  de  la  Grèce.  Ce  fut 
lui  qui  détermina  les  Athéniens  à  difputer 
le  paflage  des  Thermopiles  à  CQt  ambitieux , 
qui  vouloit  s'en  emparer  pour  s'ouvrir  l'en- 
trée de  la  Grèce  ;  mais  ne  quittant  qu€  pour 
un  moment  les  jeux  &  les  fpedacles  ,  ils 
fe  plongèrent  bientôt  dans  leur  premier 
fommeil.  Tandis  qu'ils  perdoient  le  temps 
en  déhbérations  ftériles  ,  Philippe  inondoit 
la  Tlirace  ,  &  fe  rendoit  maître' d'Oiin te, 
colonie  Athénienne  ,  qui  fut  contrainte 
d'abandonner  fes  foyers  pour  errer  fans 
patrie»  Les  traîtres  qui  lui  livrèrent  la 
.ville  ,  ne  reçurent  pour  liiiaire  que  les  rail- 
leries des  Macédoniens  ;  ils  s'en  plaignirent 
à  Philippe  .*  ce  prince,  railleur  lui-même, 
leur  répondit  :  "  Les  Macédoniens  font  fi 
«  groffiers  ,  qu'ils  appellent  tout  par  leur 
j)  nom.w  Cette  conquête  fut  célébrée  par 
des  jeux  &  des  fpedacles.. 

Les  Thébains  ,  après  avoir  efîùyé  diffé- 
rentes défaites  ,  crurent  fe  relever  par  l'ap- 
|Hii  de  Philippe  :  rechercher  un  allié  £ 


PHI 

puilîant  ,  c'étoit  foUiciter  des  fers.  Leur 
haine  contre  les  Phocéens  égara  leur  poli- 
tique ;  Philippe  ,  fous  le  titre  de  hbéra- 
teur  ,  fe  vit  l'arbitre  de  toute  la  Grèce , 
dont  les  Thébains  venoient  de  lui  ouvrir 
les  portes.  Ce  fut  fous  le  fpécieux  prétexte 
de  protéger  Ces  nouveaux  alliés  ,  qu'il  rentra 
dans  la  Phocide,  &  que  maître  des  Ther- 
mopiles, il  répandit  la  terreur  dans  toute 
la  Grèce.  Les  Phocéens  ,  trop  foibles  pour 
oppofer  une  digue  à  ce  débordement ,  s'a- 
bandonnèrent à  fa  difcrétion  ;  leurs  villes 
furent  démohes  ;  on  leur  impofa  un  tribut 
fi  rigoureux  ,  qu'ils  aimèrent  mieux  s'exiler 
eux  -  mêmes  ,  que  d'être  réduits  à  vivre 
malheureux  pour  enrichir  leur  oppreffeur. 
Philippe  y  fans  foi  dans  les  traites ,  fans 
frein  dans  fon  ambition  ,  fans  modération 
dans  le  traitement  des  vaincus  ,  eut  encore 
le  fecret  d'être  regardé  par  le  vulgaire 
comme  le  vengeur  des  autels  &  de  la 
religion.  Les  Amphidions  ,  dont  il  avoit 
acheté  les  fuf&ages  ,  applaudirent  à  tous 
fes  décrets  ,  &  même  ils  lui  donnèrent 
féance  dans  leur  aifemblée.  Sa  fombre  po- 
htique  craignoit  de  réveiller  l'amour  de  la 
liberté  dans  le  cœur  des  Grecs  ;  &  au  heu 
de  les  fubjuguer ,  il  les  façonna  à  l'obéif- 
fance  par  de  fages  délais  ;  il  parut  refpeder 
la  hberté  pubhque  en  tournant  {qs  armes 
contre  les  Barbares.  Après  s'être  aflliré 
de  la  Theffahe  ,  il  tranfporta  le  théâtre  de 
la  guerre  dans*  la  Thrace  ,  d'où  Athènes 
tiroit  fes  fubfifiances  ,  &  qui  ,  privée  de 
cette  refl'ource  ,  tomboit  dans  le  depérifle- 
ment  ,  làns  qu'il  lui  fournît  de  juftes  motifs 
dé  fe  plaindre. 

Son  ambition  allumée  par  des  fuccès, 
lui  fit  tenter  une  expédition  dans  la  Quer- 
fonnefe  ,  prefqu'île  fertile  en  toutes  les 
produdions  néceflaires  à  la  vie.  Cette  ré- 
gion ,  alors  prefqu'inconnue  ,  avoit  paffé 
de  la  domination  des  Spartiates  lôus  celle 
des  Macédoniens  :  c'étoit  le  théâtre  des 
révolutions  ;  Athènes  y  avoit  encore  quel- 
ques colonies  :  mais  les  habitans  impatiens 
d'un  joug  étranger  ,  avoient  remis  lùr  le 
trône  les  defcendans  de  leurs  anciens  rois* 
Les  Athéniens  qui  regardoient  cette  région 
comme  une  partie  de  leur  domaine  j  mur- 
murèrent de  l'irruption  des  Macédoniens  i 
leurs  ofareurs    tonnèrent  dans  la  tribune  ;, 


PHI 

Philippe  les  laifla  dire  ,  &  ils  lui  laifTerent 
tout  exécuter. 

Les  Mefleniens  ,  les  Argicns  &  les 
Thébains  ,  fatigués  d'efluyer  l'orgueil  fa- 
rouche des  Spartiates ,  lui  portèrent  leurs 
plaintes ,  qui  lui  fournirent  un  prétexte  de 
tourner  fes  armes  contre  la  Laconie.  Cette 
entreprife  fut  autorifée  par  un  décret  des 
Amphidions  ,  dont  les  intentions  pures 
éroient  de  tirer  Argos  &  Meflene  de 
l'oppreffion  de  Lacédéraone.  Au  bruit  de 
cette  irruption  ,  l'alarme  fe  répandit  dans 
la  Grèce  ,  dont  les  forces  réunies  le  dé- 
L.  terminèrent  à  fufpendre  l'exécution  de  Ton 
*'  entreprife  ;  mais  toujours  ennemi  du  repos  , 
il  alla  fondre  fur  l'Eubée  ;  &  a  la  faveur 
des  intelligences  qu'il  avoir  fu  fe  ménager  , 
il  prit  quelques  places  où  il  établit  des  gou- 
verneurs pour  commander  fous  fon  nom. 
Les  Athéniens  lui  oppoferent  Phocion  , 
philofophe  guerrier  dont  on  admiroit  au- 
tant l'intégrité  que  l'éloquence.  Sa  fagefle 
&  fon  courage  ramenèrent  la  victoire  fous 
les  drapeaux  des  Athériiens  ,  qui  conferve- 
rent  l'Eubée ,  d'où  les  lieutenans  de  Phi- 
lippe furent  chafîes.  Ce  prince  ,  pour  fe 
venger  de  cette  difgrace ,  porta  fes  tem- 
pêtes dans  la  Thrace  ,  dont  le  falut  inte- 
reflbit  les  Athéniens  ;  il  fe  préfenra  devant 
les  murs  de  Perinthe ,  ville  de  la  Propon- 
tide  ,  à  la  tête  d'une  armée  de  trente  mille 
hommes  accoutumés  à  vaincre  fous  lui  : 
la  place  eût  été  forcée  de  fe  rendre  ,  11  elle 
n'eût  été  fecourue  par  les  Bifantias. 

Philippe ,  fenfible  à  cet  afFront ,  tourna 
fes  armes  contre  Bifance  ;  &  ce  fut  à  ce 
fiege  que  fon  fils  Alexandre  fit  fon  appren- 
tif&ge.  La  Grèce  alors  fortit  de  fon  (om- 
meii  ,  (^  la  Perfe  vit  avec  inquiétude  les 
cntreprifes  d'un  prince  fi  ambitieux.  Pho- 
cion fut  envoyé  avec  une  armée  au  fecours 
de  Bifance  ;  la  fagelFe  de  ce  général  dé- 
concerta tous  les  projets  de  l'ennemi  com- 
mun ,  qui  fut  contraiat  de  lever  le  fiege, 
&  d'abandonner  l'Hélelpont.  Philippe  , 
fécond  en  relTources  ,  fe  relevoit  prompte- 
ment  de  fes  pertes  'y.  fon  or  qu'il  prodi- 
guoit,  fervoit  à.  corrompre  ceux  dont  il 
ne  pouvoir  triompher  par  les-  armes  ou 
fon  éloquence..  Tandis-  que  (ks  minières 
amufoient  les  Athéniens  par  des  négocia- 
tions artilicieufes  ,  il  fit  une  irruçtion  dans 


PHI  ^45 

la  Scythie  ,  d'où  il  revint  chargé  d'un 
riche  butin.  Au  retour  de  cette  expédition 
il  fut  attaqué  dans  fa  marche  par  les  Tri- 
bailcs  ,  peuples  de  Mœfie  ,  qui  vivant  de 
leurs  brigandages ,  tentèrent  de  lui  enlever 
Ces  richefîês  ;  il  fut  forcé  de  leur  livrer  un 
combat ,  où  couvert  de  blefTures  il  fe  vit 
fur  le  point  d'être  fait  prifonnier.  Son  fils 
Alexandre  voyant  le  péril  ,  perce  les  ba- 
taillons les  plus  épais  ,  &  parvient  à  le  dé- 
livrer des  mains  des  barbares  ;  cette  vidoire, 
en  le  rendant  plus  puifTant  ,  ne  fit  que  lui 
fufciter  de  nouveaux  ennemis.  Les  divifions 
des  Grecs  l'en  rendirent  l'arbitre  ,  il  fuc 
engager  les  Amphiétions  à  le  déclarer  gé- 
néral dans  la  guerre  que  les  Grecs  déclarè- 
rent aux  Locriens ,  accufés  d'avoir  envahi 
quelques  terres  appartenantes  au  temple  de 
Delphes.  Tous  les  peuples  féduits  par  la 
fuperftition  ,  s'engagèrent  par  piété  dans 
cette  guerre  facrée  :  Philippe  à  la  tête  de 
ceux  qu'il  ambitionnoit  d'avoir  pour  fujets  , 
entra  dans  la  Phocide ,  où  il  s'empara 
d'Elatée  ;  les  Athéniens  s'apperçurent  trop- 
tard  que  cette  conquête  le  rendoit  maître, 
des  pafîages  de  l'Attique.  L'orateur  Dé- 
moflhene  fut  envoyé  à  Thebes  où  les  Grecs» 
étoient  affemblés  ,  il  déploya  toute  fon< 
éloquence  pour  leur  repréfcnter  que  la 
hberté  étoit  prête  d'expirer  ;  en  vain  on 
lui  oppofa  les  réponles  des  oracles  que  l'or 
de  Phjlippe  avoit  corrompus,  il  répondit 
que  la  Pythie  philippifoit.  Les  Grecs  en- 
traînés par  l'impétuofité  de  fon  éloquence  y 
fe  déterminèrent  à  la  guerre  ;  leurs  forces, 
réunies  étoient  à-peu-près  égales  à  celles^ 
de  leur  ennemi  ,  mais  elles  leur  étoient 
bien  inférieures  en  expérience  &  en  difci- 
pline.  Les  deux  armées  rivales  en  vinrent: 
aux  mains  près  de  Chéronée  dans  la  Béotie  ; 
l'habileté  de  Phihppe  &  le  courage  du 
jeune  Alexandre  ,  qui  commandoit  l'aile: 
gauche,  décidèrent  de  la  vidoire.  Ce  fuccès- 
tranfporta  de  joie  le  monarque  vainqueur 
qui  ,  après  des  facrifices  offerts  aux  dieux  ,. 
récompenfa.  avec  magnificence  les  foldats 
&  les  otficiers  qui  s'étoientdiffingués  ;  plu- 
fieurs  jours  fe  palfer^enf  en  tefîins  ,  où  il 
le  livra  à  l'intempérance.  Ce  fut  dans  un^ 
de  ces  excès  qu'il  fe  tranfporta  fur  le  champ' 
de  bataille  ,  où  chantant  &  danfant  comme: 
.un  bouffon,  il  outragea  les.  morts.  L^Athil- 


6^6  PHI 

nicn  Demacle  ,  qui  étoît  (on  prifonnier  , 
eut  le  courage  de  lui  repréfenter  qu'étant 
Agamamnon  ,  il  fe  déshonoroit  en  jouant 
le  rôle  de  Therfite.  Philippe  ,  revenu  de 
Ibn  ivrefTe  ,  en  répara  l'erreur  par  la  liberté 
qu'il  rendit  aux  Athéniens  ,  &  par  le  par- 
don qu'il  accorda  aux  Thébains  dont  il 
avoit  juré  la  perte. 

Ha  bataille  de  Chéronée  décida  du  fort 
de  la  Grèce  ;  les  Spartiates  avilis  n'étoient 
plus  que  l'ombre  de  ce  qu'ils  avoient  été 
autrefois.  Les  Athéniens ,  fans  émulation , 
préFéroient  les  jeux  aux  ajBTairçs  :  ces  deux 
peuples  qui   tour  -  à  -  tour  avoient  été  les 
dominateurs  de  la  Grèce  ,    furent  obligés 
de  reconnoître   un  étranger  pour  chef  de 
l'expédition    qu'on     méditoit    contre    les 
Perles.  Philippe  fatisfait  de  ce  titre  qui  lui 
donnoit  la  réahté  du  pouvoir  ,  n'ambitionna 
pas  celui  de  roi ,    qui  eût  réveillé  dans  les 
efprits  le  fentiment   de  la  liberté   dont  il 
ne  refloit   que   le   fantôme.    Tandis  qu'il 
triomphoit  au  dehors ,  fa  vie  étoit  empoi- 
fonnée  de  chagrins  domeftiques  ;  l'humeur 
jmpérieufe  &  chagrine  de  fa  femme  Olim- 
pias  le    contraignit   de  la  répudier ,  pour 
époufer  Cléopatrc ,  fille  d'un  de  fes  prin-* 
cipau'x  officiers  ;    la  folemnité  de  la  noce 
fut  troublée  par  l'indifcrétion   d'Attale  , 
père  de  la  nouvelle  reine,  qui  dans  l'ivrefle 
du  feftin  invita  les  convives  à  prier  les  dieux 
d'accorder  à  Phihppe  un  légitime  fuccef- 
feur.  Alexandre,  indigné  de  cette  audace, 
s'élança  fur  lui  ,  en  difant ,   malheureux , 
me  prends-tu  pour  un  bâtard  ?  &  dans  le 
moment    il    lui  jette   fa  coupe    à  la  tête. 
Philippe  courroucé   s'élance    fur  fon    fils 
l'épce  à  la  main  ;    &  comme  il  étoit  boi- 
teux ,  il  fit    une  chute  qui  le  préferva  de 
l'horreur  d'un  parricide.  Alexandre  qui  fans 
doute  avoir  participé  à  l'ivreffe  ,   infulta  à 
la  chute  de, fon  père   :  Quoi,    lui  dit-il, 
vous  prétendez  aller   en  Perfe  ,    &  vous 
n'avez  pas    la  force  de   vous   tranfporter 
d'une  table  à  une  autre  !    Il  fe  retira  en 
Epire  avec  fa  mère  ,    d'où   il  fut  bientôt 
rappelle. 

Phihppe ,  roi  «de  la  Grèce  ,  fans  en 
avoir  le  nom  fafiueux  ,  célébra  les  noces  de 
fa  fille  avec  une  magnificence  afiatique  ; 
tous  les  Grecs  diflingués  par  leur  naifTance 
pu  leurs  dignités ,   furent  invités   à   cette 


PHI 

fête.  Cqs  républicains-,  autrefois  fi  fierf  J 
&  devenus  les  .complices  de  leur  dégrada- 
tion ,  lui  firent  préfent  de  couronnes  d'or 
au  nom  de  leurs  villes  ;  Athènes  donna 
l'exemple  de  cet  hommage  fervile.  Dans 
le  temps  qu'il  jouiffoit  de  toute  fa  gran- 
deur ,  Paufanias  ,  jeune  Macédonien ,  perce 
la  foule ,  &  liii-plonge  fon  poignard  dans 
le  fein  :  cet  affaffin  avoit  inutilement  de- 
mandé à  Philippe  juftice  d'un  outrage 
(ànglant  ,  &  ce  refus  en  fit  un  régicide. 
La  nouvelle  de  cette  mort  laifla  refpirer 
la  Grèce  ,  qui  fe  flatta  de  rentrer  dans  fa 
première  indépendance.  Les  peuples  cou- 
ronnés de  guirlandes  chantoient  des  canti- 
ques d'alégrefle  au  lieu  d'hymnes  funérai- 
res ;  cette  indécence  qui  étoit  le  témoignage 
de  la  foiblefîc  de  Ces  ennemis  ,  étoit  le 
plus  grand  honneur  qu'on  pût  rendre  à  fa 
cendre. 

Ce  prince  fut  un  aflcmblage  de  vices  & 
de  vertus  :    ambitieux  fans  frein  ,    &  fans 
délicatefTe  dans  les    moyens  ,    il  poulToic 
la  prudence    jufqu'à  l'artifice   &  la    per- 
fidie ,    femant  par-  tout  les  troubles  pour 
avoir  la  gloire  de  les  pacifier.  Ses  plaifirs 
étoient  des  débauches  ;    il    profiituoit  fa 
confiance    &    fes   grâces    aux    complices 
de  Ces  excès  ;    contempteur  des    dieux  & 
de  leur  culte  ,  il  aflfedoit  de  refpeder  leurs 
miniftres  pour    en  faire  les  agens  de  fes 
defleins.    Son    éloquence    éblouiflante   fit 
croire  aux   peuples  qu'il  vouloir  aflervir , 
qu'il  ne  combattoit  que  pour  leurs  intérêts 
&  leur  liberté.  Il  ne  dut  (es  profpérités  y 
ni  aux  négociations  de  fes  miniftres ,    ni  à 
la  capacité  de  fes  généraux  :  il  voyoit  tout 
par  Ces  yeux  ;  &  comme  il  étoit  fon  propre 
confeil ,  il  exécutoit  tout  par  lui  -  même. 
Libéral  jufqu'à  la  prodigalité ,  il  fe  débar- 
rafîbit  du  poids  des  richefles  en  les  verfanc 
fur    ceux   qui   pouvoient   lui    être    utiles. 
Egalement  chéri  &  refpefté  du   foldat,  il 
fe  rendoit    populaire    &    favoit   prévenir 
l'abus  de  la  familiarité.  Un  de  fes  officiers 
étoit  chargé  de  lui  répéter  tous  les  matins 
ces   mots  :  Phihppe  ,   foui'ene\-vous  que 
vous  êtes  mortel.  Perfide  envers  (es  enne- 
mis ,  il  fepiquoit  d'équité  envers  (es  fujets  : 
un  jour  qu'il  fortoit  de  table ,  où  il  avoiç 
bu  avec  excès  ,    une  femme  qui  vint  lui 
demander  juffice  ,   n'en  put  obtenir   une 


PHI 

tdécifîon  favorable  :  J'en  appelle ,  dit-elle 
au  roi ,  de  Philippe  ivre  à  Philippe  à  ]cun  ; 
le  monarque,  au  lieu  de  la  punir,  reâiiîa 
fon  jugement.  Une  autre  femme  à  qui  il  dit 
qu'il  n'avoit  pas  le  temps  de  lui  rendre 
juftice  ,  lui  répliqua  :  Si  vous  n'avez  pas  le 
temps  de  protéger  vos  fujets  ,  cefTez  d'être 
roi.  Démocharès ,  Athénien  ,  lui  ayant  été 
député,  le  monarque  lui  dit,  faites-moi 
connoître  le  fervice  que  je  puis  rendre  aux 
Athéniens  ?  L'orateur  impudent  lui  répliqua, 
c'eft  de  t'aller  pendre.  Philippe  armé  du 
pouvoir ,  le  renvoya  fans  le  punir ,  &  le 
chargea  de  dire  à  {es  .maîtres  que  ceux 
qui  (àvent  entendre  &  pardonner  de  fem- 
blables  outrages ,  font  plus  eflimables  que 
ceux  qui  les  prononcent.  Inllruit  des  ca- 
lomnies dont  les  orateurs  d'Athènes  tâ- 
choient  de  flétrir  fss  adions  ,  il  leur  fit 
dire  qu'il  feroit  fi  circonfpeâ  dans  Ces 
adions  &  dans  fes  paroles  ,  qu'il  les  con- 
vaincroit  de  menfonge  &  d'impoflure  aux 
yeux  de  toute  la  Grèce.  Ce  fut  le  mérite 
d'Alexandre  qui  mit  le  comble  à  la  gloire 
de  Philippe  ;  le  fils  jeta  un  plus  grand 
éclat ,  mais  le  père  ,  en  applanifîant  les 
obflacles  qui  s'oppofoient  aux  fuccès  de  fon 
fils  ,  montra  plus  de  folidité  :  l'un  ,  comme 
dit  Cicéron  ,  fut  un  plus  grand  conquérant , 
mais  l'autre  fut  un  plus  grand  homme  :  ce 
prince  fut  aiïaffiné  à  l'âge  de  quarante-fept 
ans  ,  après  en  avoir  régné  vingt-quatre. 
Philippe  II,  roi  de  Macédoine  ,  après 
la  mort  de  fon  père  Antigone  ,  monta 
fur  lé  trône  de  Macédoine  220  ans  avant 
Jefus-Chrift.  L'aurore  de  fon  règne  fut 
brillante  :  la  Macédoine  déchue  de  fon 
ancien  éclat  reprit  fa  première  fplendeur. 
La  guerre  des  Achéens  lui  fournit  l'occa- 
fion  de  développer  fes  talenspour  la  guerre  ; 
ces  peuples  implorèrent  fon  fecours  contre 
les  Etoliens,  Philippe  flatté  du  titre  de 
protedeur  d'un  peuple  opprimé  ^  entra  dans 
i'Etolie ,  à  la  tête  de  quinze  mille  hom- 
m-es ,  qui  le  rendirent  maître  de  plufieurs 
places  importantes  :  il  réuffit  dans  toutes 
its  entrcpriics  tant  qu'il  écouta  les  confeils 
d'Aratus  ,  général  des  Achéens ,  habile 
général ,  &  plus  habile  encore  dans  l'art 
de  gouverner.  Philippe  avoit  laiffé  pren- 
dre un  grand  afcendant  fur  fon  efprit  à 
Apelle ,    qui  après  avoir  été  fon  tuteur , 


PHI  64J 

étoit  devenu  fon  favori  ;  cet  Apelle  ,  obf- 
curci  parle-mérite  d'Aratus  qui  partageoic 
la  confiance  de  fon  maître  ,  traverfa  tous 
leurs  projets  ,  perfuadé  qu'en  les  faifanc 
échouer  ,  il  fupplanteroit  le  rival  de  fa 
faveur.  Le  jeune  monarque ,  avec  une  flotte 
puiiTante ,  defcendit  datis  l'île  de  Cépha- 
lonie  ,  où  il  forma  le  fiege  de  Palée^  qu'il 
eut  la  honte  de  lever  ,  par  la  faute  des 
Lcontins  ,  dévoués  au  traître  Apelle  ;  après 
cet  échec  il  marcha  contre  Therme,  ville 
où  toutes  les  richefîês  de  l'Etohe  étoient 
accumulées.  Les  Macédoniens  ,  vainqueurs 
facrileges  ,  brûlèrent  le  temple  ,  briferent 
les  flatues  ,  &  fe  retirèrent  chargés  des 
dépouilles  des  dieux  &  des  hommes  ;  ils 
faccagerent  dans  leur  marche  la  Laconie  ; 
&  de  retour  à  Corinthe  ,  Philippe  décou- 
vrit la  trahifon  d' Apelle ,  qui  fut  condamné 
à  la  mort  avec  fon  fils. 

Phihppe  enivré  de  fes  profpérités  , 
s'abandonna  à  la  bafléffe  des  penchans  qui 
jufqu'alors  êtoit  reffée  cachée  dans  fon 
cœur  :  infblent  &  cruel  dans  la  vidoire  , 
fans  pudeur  dans  la  débauche ,  il  devint 
l'exécration  des  peuples  dont  il  avoit  été 
l'idole  :  fon  humeur  aigrie  par  les  revers  , 
le  rendit  févere  jufqu'à  la  férocité.  Après 
fa  défaite  à  la  journée  d'Apollonie  ,  il  fè 
vengea  fur  fts  alliés  de  la  honte  d'avoir 
été  battu  par  les  Romains.  Aratus  lui 
repréfentant  l'horreur  de  les  excès  y  lui 
parut  un  cenfeur  importun  ;  il  eut  la 
cruauté  de  le  faire  empoifonner ,  oubliant 
qu'il  étoit  redevable  de  fes  profpérités  aux 
talens  de  ce  gr^hd  homme. 

Quoique  privé  de  fon  fecours ,  il  enleva 
aux  Etoliens  la  ville  d'KTus ,  devant  hiquelle 
les  plus  grands  capitaines  avoient  échoué  : 
cette  conquête  fut  fuivie  de  deux  grandes 
vidoires  remportées  fur  les  EtoHens.  L'anc 
de  fuccès  lui  faifoient  efpérer  l'empire  de 
la  Grèce ,  lorfque  Ptolémée  ,  roi  d'Egypte, 
les  Rhodiens  &  les  Athéniens  ligués  le 
forcèrent  de  foufcrire  à  la  paix ,  qui  fut 
rompue  auflî-tôt  que  jurée.  Les  Romains 
commandés  par  Sulpitius  ,  lui  livrèrent  un 
combat,  ou  la  vidoire  fut  vivementdifputéc; 
le  téméraire  Philippe  fe  précipita  au  milieu 
de  l'infanterie  romaine  ;  &  cette  efpece 
de  défefpoir  occafiona  un  grand  carnage 
pour  lé  délivrer.    Philippe ,    après   avoir 


^4»  P  H  ï         - 

ravagé  les  terres  des  Rhodiens ,  fondit  fur 
les  provinces  d'Attale  ,  allié  des.  Romains. 
Quelques  échecs  efluyés  le  rendirent  plus 
barbare  y  il  fembloic  ne  faire  la  guerre  que 
pour   changer  en    défcrts  les  contrées  ^les 
plus    floriflantes.     S'étant    rendu    maître 
de    Cios    en    Bythinie  ,    il    fit    périr   au 
milieu    des   fupplices    les    principaux  ha- 
bitans  :    ceux   qui  n'expirèrent   point  par 
le    fer    &    le    feu  ,    furent  réfervés   pour 
i'efclavage.    Après   avoir    afTouvi  fa   ven- 
geance brutale  ,   il  fit  mettre  le  fiege  devant 
Abydos  ,  ville  fituée  fur  FHéiefpont ,  dans 
l'endroit  que  nous  appelions  le  détroit  des 
Dardanelles.  Les  habitans  voyant  qu'il  cxi- 
geoit    d'eux   de   fe  rendre    à   difcrétion  , 
réfoiurent  de  périr  les  armes  ;\  la  main  ; 
il  fut  arrêté  qu'auffi-tôt  que  les  affiégeans 
feroient  maîtres  des   remparts  ,    cinquante 
des  principaux  citoyens    égorgeroient  les 
femmes ,    les  enfans  &  les  vieillards  dans 
le   temple  de    Diane ,  après  qu'on  auroit 
jeté  dans  la  mer  les  effets  &  les  métaux 
qui  pouvoient  flatter  la  cupidité  de  l'en- 
nemi.   Cette  délibération    fcellée  par  des 
ferraens ,  eut  une  prompte  exécution  :  les 
Macédoniens  étant  entrés  dans    la  ville  , 
virent  avec  horreur  des    furieux   égorger 
leurs  femmes  &  leurs  enfans  ,  pour    les 
fouftraire  à  I'efclavage;  tous  dans  chaque 
famille  firent  l'office  de  bourreaux. 

L'humetsr  inquiète  &  guerrière  de  Phi- 
lippe le  rendoif  incapable  de  repos  ;  il 
fond ,  le  fer  &  la  flamme  à  la  main  ,  fur 
l'Attique  :  les  Athéniens  demandent  du 
fecours  aux  Roraaips ,  qui  envoyèrent  Va- 
Iprius-Levinus  .avec  une  flotte  fur  les  côtes 
^e  la  Macédoine.  ^Philippe  ,  (ans  être 
étonné  du  nom  de  fcs  nouveaux  ennemis , 
fe  préfente  devant  Athènes  :  fon  arrivée  eft 
Cgnalée  par  une  viâoire.  Les  Athéniens 
forcés  de  rentrer  dans  leur  ville  ,  y  dé- 
fièrent impunément  leur  vainqueur.  Les 
Etoliens  &  les  Thébairts  raflurés  par  la 
préfence  des  Romains  ,  fe  déclarèrent 
pour  eux  :  Quintius-Flaminius  ,  fécondé 
de  leur  alliance  ,  engagea  un  combat  près 
de  Cynofcéphale  dans .  la  ThefîIiKe  ;  l'iné- 
galité du  terrain  rendit  inutile  la  phalange 
Macédonienne.  Philippe  vaincu  fe  vit  dans 
âa  néceflîté  de  foufcrire  à  toutes  les  con- 
.ditions   que  le  vainqueur  daigna   lui  im- 


PHI 

pofcf  ;  &  il  ne  fut  plus  qu'uti  fantôme  ie 
roi ,  qui  ne  parut  fenfible  qu'au  fouvenir  de 
fon  ancienne  grandeur. 

Des  chagrins  domeftiques  femerenf  une 
nouvelle  amçrtume  fur  {qs  jours  ;  le  mérite 
de  fon  fils  Démétrius  excita  fa  jaloufie  : 
fon  frère  Perfée  ,  pour  rapprocher  l'inter- 
valle qui  le  féparoit  du  trône  ,  l'accufa  de 
former  des  complots  pour  hâter  le  moment 
de  régnera  Le  foupçonneux  Philippe  le 
fit  empoifonner  ;  mais  ce  parricide  rendit 
fon  cœur  la  proie  des  remords  :  fa  vie  ne 
fut  plus  qju'un  fupplice  ,  &  il  eût  exhé- 
rédé  Perfée  pour  le  punir  de  fa  délation  , 
fi  la  mort  n'eût  prévenu  la  jufte  ven- 
geance :  il  mourut  178  ans  avant  notre 
£re.(T-N.) 

Philippe,  (Marc-Jule)  (Hift.  rom.) 
pafîa  des  plus  bas  emplois  à  la  première 
dignité  du  monde  ;  né  en  Arabie  de  parens 
obfcurs ,  il  fut  l'artilan  de  fa  fortune ,  & 
il  eût  paru  digne  de  l'empire  romain  ,  s'il 
ne  Tavoit  point  acheté  par  le  meurtre  de 
fon  bienfaideur.  Gordien ,  qui  l'avoit  fait 
capitaine  de  Ç^s  gardes  &  le  dépofitaire  de 
its  fecrets  ,    alluma    dans  fon  cœur    une 
ambition  dont  il  fut  la  viâime  ,    &  à  force 
de  lui  parler  des  douceurs  de  commander, 
il  aiguifa  le  poignard  qui  lui  perça  le  fein. 
Philippe  ,    par    (ts  largelTes ,    corrompit 
les  légions  dont  les  fufFrages  ['élevèrent  à 
l'empire.   L'impatience  de  fe  montrer  aux 
Romains  pour  faire  confirmer  fon  éledion 
par  le  fénat ,    lui  fit  trahir  les  intérêts  de 
l'état  par  la  ceflîon  de  la  Méfopotamie  aux 
Perfes.  Dès   qu'il  fut  arrivé  dans  la  capi- 
tale  du .  monde ,   il  captiva  le    cœur    du 
peuple   par  fa  popularité  &  (es  largefTes. 
Le  tréfor  public  fut  ouvert  pour  faire  des 
établiffemens    utiles ,   &  fur-tout   pour  la 
conflrudion  d'un  canal  qui  fournit  de  l'eau 
H  un  quartier  de  Rome  qui  en  manquoit. 
Il  favoit  qu'il  ne  falloit  aux  Romains  que 
du  pain  &  àçs  fpeâacles .;  ce  fut  pour  leur 
complaire  qu'il  célébra  [es  jeux  féculaires 
avec  une  magnificence  qui  éclipfa  tout  ce 
qu'on   avoit   vu    jufqu'alors.   Deux   mille 
gladiateurs  combattirent  jufqu'à  la    mort. 
Chaque  pays  fournit  àts  bêtes  féroces  dans 
le  cirque.  Le  théâtre  de  Pompée  offrit  des 
fcenes  variées  pendant  trois  jours  &  trois 
nuits.    Ce  fut   en    carefîànt  le   goût    du 

peuple , 


PHI 

peuple  ,  qu'il  fe  maintint  fur  un  trône  fouillé 
du  iang  de  fon  bienfaiteur  :  mais  cette 
complaifance  ne  put  le  dérober  à  la  fureur 
des  foldats ,  qui  le  malFacrerent  près  de  Vé- 
rone ,  après  fa  défaite  par  Dece ,  qui  s'étoit 
fait  proclamer  empereur  par  l'armée  de 
Pannonie.  Il  étoit  alors  âgé  de  quarante- 
cinq  ans,  &  il  en  avoit  régné  cinq  &  demi. 
(  T-N.  ) 

Philippe  de  Suabe ,  (  mji.  d'AlUm,  ) 
XV^.  roi  ou  empereur  de  Germanie  de- 
puis Conrad  I  ,  XXI».  empereur  d'Occi- 
dent depuis  Charlcmagne  ,  né  en  1180  , 
de  Frédéric  Barberoulfe  &  de  Béatrix  de 
Bourgogne  ,  duc  de  Tofcane  en  1 195  ,  de 
Suabe  en  1196,  élu  empereur  en  1197, 
mort  en  1228  ,  le  22  juin. 

Si  l'on  en  excepte  rére(5èion  de  la  Bo- 
hême en  royaume  ,  le  règne  de  Philippe 
ii'eft  marqué  par  aucun  événement  mémo- 
rable. Né  avec  tous  les  talens  du  cmiqué- 
rant  &  de  l'homme  d'état ,  ce  prince  parut 
infènfible  à  fa  gloire,  &  ne  fongea  qu'à 
rendre  le  calme  à  l'empire.  Nommé  tuteur 
de  Frédéric  II,  &  régent  du  royaume  pen- 
dant fa  minorité  ,  il  fut  obligé  de  prendre 
la  couronne  pour  lui  -  même ,  parce  que 
les  états  &  le  pppe  ne  vou-lant  pas  recon- 
noître  le  jeune  Frédéric  ,  il  étoit  à  crain- 
dre que  le  fceptre  ne  pafsât  dans  une  fa- 
mille ennemie  de  la  fienue.  Il  eut  d'abord 
à  efliiyer  toutes  les  contradié^ions  de  la 
cour  de  Rome  ,  qui  haiïToit  les  Suabes  , 
moins  par  rapport  aux  cruautés  exercées 
par  Henri  VI ,  qu'à  leur  puiffauce  &  à  leur 
fierté  ,  qui  ne  leur  avoit  jamais  permis  de 
reconuoître  un  maître  dans  un  pontife. 
Innocent  III ,  fi  fameux  par  l'éredlion  du 
iànglant  tribunal  de  l'inquifition ,' occupoit 
alors  le  fiege  apoftolique  \  il  expliqua  lui- 
même  fes  motifs  :  fi  Frédéric,  difoit-il, 
déjà  roi  de  Sicile  ,  étoit  encore  empereur  , 
il  feroit  à  craindre  que  ,  fon  royaume  étant 
uni  à  l'empire  ,  il  ne  refusât  un  jour  d'en 
faire  hommage  à  l'églife.  Ce  pape  s'étoit 
propofé  d'affoiblir  la  maifon  de  Suabe  :  fes 
îiicceffeurs  firent  plus  ,  ils  l'anéantirent. 
Pour  réufiir  dans  fon  projet ,  Innocent  III 
fit  une  ligue  avec  plufieurs  princes  d'Al- 
lemagne en  faveur  d'Othon  de  Brunfwik , 
refte  d'une  famille  illuftre  &  puiflante , 
mais  ruinée  par  les  derniers  empereurs. 
TomeXXr, 


PHI  64^ 

Le  pape  defiroit ,  avec  une  ardeur  fi  vive 
d'opérer  une   révolution  ,    qu'il  écrivit  au 
roi  de  France    (  Philippe- Augufte  )  ,  qu'il 
falloit  que  Philippe  perdît  l'empire  ou  qu'il 
perdît  le  pontificat.  Quelques  princes  d'Al- 
lemagne avoient  vendu  la  couronne  à  un 
troifieme  concurrent ,  qui   ne  la  pouvant 
confèrver  ,    fut  obligé  de   la  revendre  à 
Philippe  qui  ,  après,  avoir  défait  Othon  IV 
dans  plufieurs    combats  ,    convoqua   une 
afi"emblée  générale  :  il  fit  un  difcours  aux 
états  pour  leur  infpirer  des  fêntimens  paci- 
fiques \  il  dépofa  les  marques  de  fa  dignité  , 
s'offrant    généreufement    à    defcendre    du 
trône  ,   s'ils  connoiflbient  quelqu'un  qui  fût 
plus  digne  d'y  monter.  Cette  magnanimité 
lui  concilia  tous   les   cœurs,   &  tous   les 
fuffrages  fe  réunirent  pour  l'engager  à  con- 
fèrver une  couronne  dont  il  étoit  vraiment 
digne.  On  prétend  qu'il  confentit  qu'Othon 
régnât  après  lui  :  mais  eft-il  croyable  que 
ce  prince  eût  voulu  écarter  Frédéric  II  , 
fon  neveu  ,  d'un  trône  où  ce  jeune  prince 
avoit  déjà  été  appelle  par  les  vœux  de  la 
nation   ?   Philippe  mit  tous  fès  foins  à  fè 
réconcilier  avec  Innocent    III.    Ce    pape 
étoit  bien  capable  d'exciter  {^^  inquiétu- 
des :  c'étoit  l'ame  de  Grégoire  VII ,  qu'il 
fiirpafibit  encore  par  la  force  de  fon  génie. 
C'eft  ce  pape  que  l'on  vit  dans  les  croifàdes 
abandonner  avec  adrefle  le  foin  ftérile  de 
délivrer  la  terre  -  fainte  pour  fe  faifir  de 
Conftantinople  ,   conquête   bien  plus  im- 
portante pour  fon  fiege.  L'accommodement 
fe  fit  ,  à  condition  que  l'empereur  don- 
neroit  fa  fille  en  mariage  à  Richard ,  neveu 
du   pontife  ,    avec   tous  fos  droits  fur  la 
Tofcane ,  la  Marche-d'Ancone  5f  le  duché 
de  Spolettte.  Les  uns  prétendent  qu'Othon 
fut  compris  dans  le  traité  ^  d'autres  qu'il 
fut  oublié.    Philippe  ne   put  recueillir  le 
fruit  de  cette  paix  qui  étoit  fon  ouvrage  ; 
il   fut  aflafiîné  par  Othon  de  Vitelsbak  , 
qui   le    furprit    au    lit   comme   on   venoit 
de  le  iaigner ,  &  lui  coupa  la  gorge  d'un 
coup  de  fabre.  La    haine  de  cet  aflàfliu 
étoit  excitée  par  le  refus  qu'avoit  fait  l'em- 
pereur <  de  lui    donner   une  des  princeffes 
fès  •  filles  ,  parce   qu'il  s'étoit  déjà  fouillé 
d'un   parricide*    Philippe   avoit    le   vilàge 
beau ,  les  cheveux  blonds  ,  le  corps  ïo)b\^ 
&  un  peu  maigre  j  ^a  taille  étoit  médio-; 
^N  una 


é^o  PHI 

cre.  Les  avantages  de  fon  efprit  étoient 
bien  au  deffus  de  ceux  de  fon  corps.  Il 
étoit  doux  ,  huinain  ,  libéral  ;  il  favoit 
pardonner  à  propos  ;,  il  avoit  une  éloquence 
naturelle  &  peu  ordinaire  dans  un  prince. 
Inftruit  par  la  nature  &  par  l'art  à  difîî- 
muler ,  il  ne  fe  fit  jamais  une  funefte 
étude  de  tromper  ou  de  trahir.  L'hiftoire 
ne  lui  reproche  aucun  crime  politique. 
Sa  valeur  qui  lui  afTura  le  trône  ,  avoit 
facilité  les  fuccès  de  Henri  VI  ,  fon  frère 
&  ion  prédécefleur.  Son  corps  fut  enterré 
dans  l'églife  de  Bamberg  ,  d'où  fon  neveu 
Frédéric  le  fit  tranfporter  dans  celle  de 
Spire.  Il  eut  ,  de  fon  mariage  avec  Irène  , 
fœur  d'Alexis  ,  empereur  de  Conftantino- 
ple  ,  quatre  filles  ,  Cunegonde  ,  femme  de 
Winceflas  ,  roi  de  Bohême  ^  Marie ,  femme 
de  Henri  ,  duc  de  Brabant  ^  Ethie  ou 
Elife  ,  femme  de  Ferdinand  III  ,  roi  de 
Caitille  -,  &  Béatrice  ,  femme  d'Othon  IV. 
On  prétend  que  fa  mort  caufa  celle  de 
l'impératrice  ,  qui  ne  put  vaincre  fa  dou- 
leur.   C  M-r.  ) 

Philippe  I,  (Hijî.de  France.)  étoit 
né  en  1052.  Il  parvint  à  la  couronne  de 
France  en  1060.  Pendant  la  minorité  du 
roi ,  la  régence  fut  confiée  à  Baudouin  fon 
oncle  ,  comte  de  Flandr».  Après  la  mort 
de  Baudouin ,  Philippe  âgé  de  quinze  ans  , 
gouverna  par  lui-même.  La  fougue,  natu- 
relle à  fon  âge  ,  lui  mit  les  armes  à  la 
main  j  mais  il  fut  vaincu  par  Robert ,  fils 
puîné  de  Baudouin  ,  qui  avoit  ufurpé  le 
patrimoine  de  fes  iieveux.  En  1091  , 
Philippe  répudia  la  reine  Berthe  ,  fit 
enlever  Bertrade  de  Montfort ,  femme  du 
comte  d'Anjou  ,  &  l'époufa  publiquement. 
Rome  lança  fes  foudres  ^  Philippe  paroît 
les  braver  ^  Rome  l'excommunie  de  nou- 
veau. Incapable  de  contenir  par  lui-m.ême 
le  peuple  que  les  prélats  excitoient  à  la 
révolte  ,  il  alfocie  à  fou  trône  Louis-le- 
Gros  fon  fils  ,  l'amour  de  la  nation.  La 
préfence  du  jeune  prince  fait  rentrer  les 
fadlieux  dans  le  devoir.  Philippe  reçoit 
enfin  fon  abfoluîion  ,  promet  de  i;envoyer 
Bertrade ,  &  continue  de  vivre  avec  elle. 
Il  ne  paroît  pas  que  la  cour  de  Rome  ait 
jamais  approuvé  fon  mariage.  Mais  le 
comte  d'Anjou  ,  plus  intéreflé  que  le  pape 
à  cette  aflfaire  5  fembla  y  confeiitir,  Phi- 


P  H  I 

lippe  mourut  à  Melun  ,  le  29  juillet  iioS, 
C'étoit  un  prince  livré  à  fes  plaifirs  ,  efclave 
de  ks  paiîions  ,  incapable  de  céder  à  {^qs 
remords  ,  8c  de  les  étouffer. 

Philippe  II  ,  fumommé  Auguste  , 
roi  de  France  ,  n'avoit  que  quinze  ans 
lorfqu'il  parvint  à  la  couronne  en  11 80. 
Né  avec  des  pallions  vives  ,  des  talens 
précoces  ,  un  defir  infatiable  de  gloire  , 
fon  caraftere  indocile  hii  fit  rejeter  les 
confeils  de  fa  micre ,  qui  vouloit  rompre 
le  mariage  projeté  avec  la  fille  de  Bau- 
douin ,  comte  de  Flandre.  La  reine  ,  plus 
injulle  que  fon  fils  ,  arma  contre  lui  le 
roi  d'Angleterre.  Philippe  battit  les  An- 
glois  ,  époufa  fa  maîtrefle  ,  &  força  fa 
mère  au  filence  :  plufîeurs  valTaux  fe  révol- 
tèrent ,  il  les  vainquit  &:  leur  pardonna  ; 
mais  bientôt  les  villes  du  Vexin  ,  qui 
dévoient  retourner  à  la  couronne  après  la 
mort  de  Marguerite  ,  fœur  de  Philippe , 
époufe  de  Henri  II  ,  roi  d'Angleterre  , 
rallum.crent  la  difcorde  entre  les  deux  rois 
en  II 86.  Riciiard ,  fils  de  Henri  ,  fe  jeta 
dans  le  parti  de  Philippe.  La  guerre  fe 
réveilla  encore  entre  Philippe  &  Richard  , 
fijcceifeur  de  Henri.  La  cour  de  Rome , 
qui  avoit  befoin  des  àcviSi  rois  pour  com- 
battre les  infidèles  ,  réufilt  enfin  à  rap- 
procher leurs  intérêts.  La  paix  fut  à  peine 
lignée  ,  qu'ils  allèrent  porter  la  guerre  eii 
Afîe  :  Acre  fut  pris  ^  mais  les  querelles 
fans  celle  reuailîantes  de  Richard  &  de 
Philippe  fufpendirent  plus  d'une  fois  les 
opérations  des  Chrétiens.  Le  roi  revint  en 
France  en  11 92  ,  &  s'empara  de  la  plus 
belle  portion  de  la  Normandie.  Richard, 
échappé  des  fers  où  l'empereur  le  rete- 
noit ,  tourna  fes  armes  contre  la  France, 
Un  traité  ne  produifit  qu'un  calme  mo- 
mentané ^  on  fe  remet  en  campagne  , 
Philippe  enveloppé  par  les  Anglois ,  lè 
fait  jour  l'épée  à  la  main  ,  court  à  Gifor-s  , 
le  pont  fë  rompt  fous  lui ,  il  tombe  dans 
la  rivière  ,  &  fon  cheval  \m  fauve  la  vie» 
Richard  meurt  ;  Jean-fans  Terre  fait  jeter 
dans  un  cachot  Artus  fon  neveu  ,  qui  avoit 
des  droits  fur  la  couronne  :  le  jeune  prince 
périt  ^  Jean ,  qyi  s'étoit  emparé  du  royaume 
d'Angleterre  ,  eft  cité  à  la  cour  des  pairs 
de  France  :  il  ne  comparoît  point  ,  ies 
biens  fout  coufifqués ,  la  Normandie  cSl 


PHI 

réunie  à  la  couronne  ^  le  Maine  eft  con- 
quis ,  la  Touraine  Ce  foumet ,  &  les  habi- 
tans  du  Poitou  impatiens  de  fêcouer  le 
joug  Anglois  ,  reçoivent  Philippe  avec 
des  acclamations  de  joie  ^  ce  fut  l'an  12.02 
que  ces  provinces  changèrent  de  maître. 

Philippe  fut  affez  fage  pour  ne  pas 
s'engager  dans  la  quatrième  croifade ,  qui 
fut  publiée  en  1204^  mais  il  fut  allez 
imprudent  pour  autorifèr  celle  qui  le  pré- 
paroit  contre  les  Albigeois.  Ce  fut  dans 
cette  guerre  que  les  Chrétiens  montrèrent 
qu'ils  font  plus  acharnés  contre  eux-mêmes 
que  contre  leurs  ennemis  ^  jamais  les  Sarra- 
iias  n'elTuyerent  autant  de  maux  que  les 
malheureux  hérétiques  du  Languedoc. 

Cependant  les  Anglois  font,  en  1213  , 
«ne  irruption  dans  la  Flandre  ^  Philippe 
y  court ,  &  brûle  leur  flotte.  L'empereur 
Othon  IV  fè  ligue  avec  l'Angleterre ,  & 
paroît  à  la  tête  d'une  armée  de  deux  cents 
mille  hommes  ^  on  en  vient  aux  mains 
près  de  Bouvines.  On  prétend  qu'avant  le 
combat  Philippe  dit  aux  foldâts  ;  «  Fran- 
»  çois  ,  voilà  ma  couronne  \  s'il  en  eft 
»  un  parmi  vous  plus  digne  que  moi  de 
»  la  porter ,  qu'il  fe  montre ,  je  la  lui 
»  mets  fur  la  tête  ,  mais  fi  vous  me 
3)  croyez  digne  de  vous  commander  , 
»  fongez  qu'il  y  va  aujourd'hui  du  falut 
»  &  de  l'honneur  de  la  France.  »  Philippe 
fit  éclater  tout  le  génie  d'un  général ,  tout 
le  courage  d'un  Toldat  \  renverfé  fous  les 
pies  des  chevaux ,  il  fe  releva  plus  terrible 
&  gagna  la  bataille. 

Jean  venoit  d'être  détrône  en  Angle- 
terre j  Louis  fils  de  Philippe  y  fut  appelle  ^ 
.  mais  cette  révolution  palfagere  ne  lui 
offrit  la  couronne  que  pour  la  lui  ravir 
aufll-tôt. 

La  cour  de  Rome  pria  Philippe  d'a- 
jouter à  Cts  domaines  tout  ce  qu'on  avoit 
conquis  fur  Raimond,  comte  de  Tou- 
loufè  ,  &  fur  les  Albigeois  j  le  roi  méprifà 
les  dons  des  papes ,  comme  il  avoit  méprifé 
leurs  foudres.  Ce  prince  mourut  Je  15 
juillet  1223,  âgé'de  59  ans.  Si  l'on  n'en- 
vifàge  en  lui  que  les  qualités  guerrières  , 
c'eft  un  des  plus  grands  hommes  qui  aient 
gouverné  la  France  :  il  conquit  la  Nor- 
mandie ,  l'Anjou  ,  le  Maine  la  Touraine , 
ie  Poitou  ,  l'Auvergne  ,   le  Vermandois , 


PHI.  ^51 

\  l'Artois ,  ô'c....  Infatigable  dans  les  travaux 
de  la  guerre  ,  faiîs  luxe  dans  Ces  camps , 
fans  molleffe  dans  fa  tente ,  fàge  &  calme 
avant  le  combat  ,  terrible  dans  la  mêlée , 
doux  après  la  vi^loire ,  il  avoit  toutes  les 
qualités  que  l'on  appelle  héroïques.  Il  avoit 
coutume  de  dire  qu'il  ne  tenb^t  fa  couron- 
ne que  de  Dieu  &  de  fon  épée.  Ce  fut 
d'après  ce  principe  qu'il  lutta  contre  l'am- 
bition de  la  cour  de  Rome  avec  une  {a- 
^qKq  que  l'on  traitoit  alors  d'audace  & 
même  d'impiété.  Mais  on  lui  reprochera 
toujours  une  croifade  inutile  ,  les  Juifs 
injuftement  chalfés  &  dépouillés ,  iès 
éternels  démêlés  avec  l'Angleterre  ,  ou 
l'on  apperçoit  autant  de  jaloufie  contre 
Henri  &  Richard  ,  que  de  zèle  pour  la 
défeniè  &   la  fplendeur  de   l'état. 

Philippe  III,  furnommé  le  Hardi, 
naquit  en  1245  ,  époufa  Ifabelle  d'Aragon 
en  1262,  &.  fuiviî  S.  Louis,  fon  père  , 
dans  fa  dernière  croifade  en  Afrique.  Ce 
prince  étant  mort  en  1270  fous  les  murs 
de  Tunis ,  Philippe  III  fut  proclamé  par 
toute  l'armée  :  c'étoit  moins  un  camp  qu'ua 
hôpital  ou  plutôt  un  cimetière  ^  la  pefte 
avoit  enlevé  des  milliers  de  foldats  ,  le 
refèe  languiffoit.  Les  Sarrafins  étoieut 
devenus  agreffeurs  *,  leur  multitude  fem- 
bloit  devoir  accabler  les  François.  Philippe 
mérita  le  fiirnom  de  Hardi  par  l'audace 
avec  laquelle  il  les  repouffa  :  il  conclut 
avec  eux  une  trêve  de  dix  ans ,  &  revint 
en  France,  où  il  fut  facré  e^  12,71^  il 
y  trouva  quelques  révoltes  que  l'ablènce 
du  maître  avoit  favorifées ,  &  les  calma 
fans  violence.  La  guerre  qu'il  déclara  à 
Alphonfè ,  roi  de  Caftille ,  parce  que  ce 
prince  avoit  dépouillé  de  leurs  droits  les 
enfans  de  Blanche  ,  fceur  de  Philippe  , 
ne  fut  pas  plus  funefte  ^  elle  fut  bientôt 
terminée.  Philippe  eut  la  .foibleffe  de  fb 
laiffer  gouverner  par  la  Brofi^e  ,  fon  favori  j 
inais  il  eut  le  courage  de  le  faire  pendre , 
lorfque  ce  vil  calomniateur  accufa  Marie 
de  Brabant ,  féconde  femme  du  roi , 
d'avoir  empoifbnné  Louis ,  l'un  de  Ces 
enfans  du  premier  lit.  Ce  prince  mourut 
en  1285,  dans  la  quarantième  année  de 
fbn  à^.  La  gloire  de  fon  règne  fut  entiè- 
rement èlïàcée  par  celui  qui  l'avoit  pré- ' 
eéd(é  j  il  eût  paru  grand  peut-  être  ,  s'il" 
N  n  n  n  i 


^5î  PHI 

avoit  remplacé  un  prince  foible  ou  mé 
chant  ;,  mais  c'étoit  beaucoup  ,  en  fuccédant 
à  Louis  IX,  de  ne  pas  fe  montrer  indigne 
d'un  tçl  père.  Ce  fut  fous  fon.  règne  que 
Pierre  ,  roi  d'Aragon  ,  fit  égorger  tous  les 
François  qui  étoient  en  Sicile ,  époque  qui 
n'eft  que  trop  connue  fous  le  nom  de 
vêpres  Jiciliennes. 

Philippe  IV,  furnommé  le  Bel, 
fîjs  &  fucceffeur  de  Philippe  III  ^  il  par- 
vint à  la  couronne  en  1285  ^  il  pofîédoit 
déjà  celle  de  Navarre  ^  Jeanne  fon  époufe , 
la  lui  avoit  apportée  pour  dot.  Charles  de 
Valois  ,  roi  de  Sicile ,  étoit  dans  les  fers  ;, 
Jacques ,  frère  d'Alphonfe  ,  roi  d'Aragon  , 
l'y  retenoit.  Philippe  obtint  fa  liberté  ^ 
inais  à  peine  échappé  de  fa  priibn  ,  Charles 
alla  mettre  l'Italie  en  feu  ,  &  reprit  fes 
prétentions  auxquelles  il  avoit  renoncé. 

Cependant  une  infiilte  faite  par  les  An- 
glois  à  quelques  vaillèaux  Normands ,  excite 
une  querelle  férieufe  :  l'Angleterre  &  l'em 
pire  fe  liguent  contre  la  France  :  Edouard 
eft  cité  à  la  cour  des  pairs  ,  comme  vaiTal 
de  la  couronne  :  il  ne  comparoit  point  ;, 
on  le  déclare  convaincu  de  félonie ,  &  fon 
duché  de  Guienne  eft  confifqué.  Philippe 
y  envoie  des  princes  de  fon  fàng  à  la 
tête  d'une  armée  i  pour  lui  il  pénètre  dans 
la  Flandre ,  &  fe  faifit  de  la  perfonne  du 
comte  Guy  ,  fanatique  partifan  du  roi 
d'Angleterre.  Edouard  demanda  la  paix^ 
on  négocia  ;  le  pape  Boniface  VIII  voulut 
dans  cette  querelle  jouer  le  rôle  d'arbi- 
tre des  rois;  fa  bulle  fut  déchirée  en 
France  ^  Philippe  fut  excommunié  ,  mais 
il  brava  les  foudres  de  Rome  ,  &  fut 
en  lancer  de  plus  réelles.  De  plus  grands 
intérêts  afîbupirent  ce  différend  pour  quel- 
que temps  ^  la  guerre  continuoit  entre 
l'Angleterre  &  la  France  ^  on  fe  menaçoit 
en  Champagne  ,*  on  fè  battoit  en  Guienne  3 
une  trêve  fùfpendit  les  hoftilités ,  &  l'on 
convint,  en  1297,  que  Marguerite  fœur 
de  Philippe  ,  épouferoit  Edouard  I  ^  qu'Ifà- 
belle  de  France  s'uniroit  à  Edouard , 
héritier  préfomptif  de  la  couronne  d'An- 
gleterre ,  &  que  cette  princefTe  lui  appor- 
teroit  pour  dot  la  Guienne  ,  dont  fon 
époux  devoit  rendre  hommage  au  roi  de 
France. 

Philippe  avoit  défendu  aux  feigne urs  de 


PHI 

prendre  les  armes  contre  eux-mêmes ,  tant 
qu'il  les  auroit  à  la  main  contre  l'Angle- 
terre. Puifqu'il  avoit  aiTez  d'autorité  pour 
affoupir  ces  guerres  privées  pendant  quel- 
ques années ,  que  ne  les  éloignoit-il  pour 
toujours  ?  Ces  petits  combats  minoient 
lentement  l'édifice  de  l'état  :  ce  n'étoient 
que  des  elcarmouches  ;  mais  elles  étoient 
fi  fréquentes  ,  qu'en  livrant  une  bataille 
chaque  année ,  on  auroit  perdu  moins  de 
{àng ,     &  caufé  moins  de  ravages. 

Cependant  en  Flandre  toutes  les  gar- 
nifons  françoifes  font  maffacrées.  L'an 
1302  ,  un  tilferand  ,  à  la  tête  d'un  ramas 
de  payfans  ,  taille  en  pièces  une  armée  de 
cinquante  mille  François  ,  qui  dédaignoient 
de  îe  tenir  en  garde  contre  cette  troupe 
indifciplinée.  D'un  autre  côté  ,  Boniface 
VIII  ne  pardonnoit  pas  à  Philippe  de 
n'avoir  pas  voulu  partager  avec  lui  les 
décimes  levées  fur  le  clergé  de  France  \ 
il  l'excommunia  ,  &  jeta  fur  le  royaume  un 
interdit  général.  Philippe  envoya  Nogaret 
en  Italie^  fidèle  miniftrede  la  vengeance  de 
Ion  maître  ,  cet  officier  fe  faiiît  de  la  per- 
fonne du  pontife  :  la  mort  de  Boniface  qui 
arriva  peu  de  temps  après ,  prévint  les 
fuites  de  cette  affaire. 

Il  reftoit  encore  à  Philippe  un  affront 
à  venger ,  c'étoit  la  défaite  de  Courtrai. 
Il  entra  en  Flandre  à  la  tête  d'une  armée  , 
&  préfenta  la  bataille  aux  Flamands  près 
de  Mons-en-Puelie.  Ce  prince  fit  des  pro- 
diges de  bravoure ,  &  demeura  maître  du 
champ  de  bataille  ,  le  18  août  1304.  A 
fon  retour  ,  il  attaqua  des  ennemis  plus 
difficiles  à  vaincre  que  les  Flamands  \  c'é- 
toient  \^%  préjugés  de  fon  fiecle  :  il  tqita 
d'abulir  cet  ufage  atroce  de  prendre  la  bra- 
voure ou  l'adreffe  pour  juge  de  toutes  les 
conteftations  \  mais  malgré  cette  fage  ordon- 
nance ,  le  duel  fe  renouvella  encore. 

L'ordre  des  templiers  étoit  parvenu  à 
un  degré  de  puiffance  qui  excitoit  la  ja- 
loufie  de  tous  les  corps  de  l'état.  Il  feroit 
difficile  de  prononcer ,  d'une  manière  déci- 
five ,  fur  \ts  motifs  qui  déterminèrent  Phi- 
lippe ^  en  13 12,  à  anéantir  cet  ordre. 
Des  accufations  ridicules  furent  le  prétexte 
de  cette  perfécution ,  peu  s'en  faut ,  auffi 
affeeufè  que  le  fut  depuis  le  maffacre  de 
la  làiut  Barthelemi.  Ou  reproche  eucore 


PHI 

à  Philippe  d'avoir  altéré  la  monnoie  ^  on 
l'appelloit  à  Rome  faux  monoyeur.  Ces 
fautes  ne  Tont  point  alFez  réparées  par  les 
loix  qu'il  établit  contre  le  luxe  ,  &  par  les 
titres  de  noblelfe  qu'il  accorda  aux  François 
qui  avoient  bien  fervi  l'état.  Il  mourut 
le  20  novembre  13 14.  Ce  prince  avoit  de 
grandes  qualités  \  mais  il  étoit  facile  à  ré- 
duire ,  opiniâtre  dans  ion  erreur,  impla- 
cable dans  fes  vengeances  j  il  fit  tant  de 
mal  ,  qu'on  ofe  à  peine  le  louer  du  bien 
qu'il  a  fait. 

Philippe  V  ,  furnommé  le  Long  , 
étoit  frère  de  Louis  X  ,  &  lui  fiiccéda 
l'an  1316.  Un  parti  confidérable  voulut, 
au  m>épris  de  la  loi  falique  ,  placer  fur  le 
trône  Jeanne  ,  fille  de  Louis  ^  mais  Phi- 
lippe triompha  de  cette  faction:  il  avoit 
époufé  Jeanne ,  fille  &  héritière  d'Othon  , 
comte  de  Bourgogne  ,  &  de  Mahaud  , 
comtelTe  d'Artois.  Robert  d'Artois  pré- 
tendoit  encore  à  ce  comté  ^  il  fut  déclaré 
déchu  de  fes  prétentions  ,  &  prit  en  vain 
les  armes  pour  les  foutenir  :  les  Flamands 
ne  tardèrent  pas  à  lever  l'étendard  de  la 
révolte  qu'ils  avoient  tant  de  fois  arboré  j 
la  paix  fut  l'ouvrage  de  la  cour  de  Rome  j 
elle  fut  conclue  le  2  juin  1320.  Cette 
guerre  ,  qui  avoit  duré  feize  années  , 
avoit  fait  couler  beaucoup  de  fang,  fans 
rendre  ni  les  Flamands  plus  libres  ,  ni  les 
rois  de  France  plus  puifTans.  Un  des  projets 
de  Philippe- le-Long  ^  étoit  d'établir  dans 
toute  l'étendue  du  royaume ,  une  même 
monnoie  ,  un  même  poids  ,  une  même 
mefure.  Peut-être  le  fuccès  de  cette  opé- 
ration lui  auroit-il  fait  featir  au/Ti  la  ,iié- 
celTîté  de  donner  un  même  code  à  toutes 
nos  provinces.  .  Mais  la  mort  le  prévint 
avant  qu'il  eut  même  achevé  la  première 
entreprife.  Elle  l'enleva  le  3  janvier  1322  , 
à  l'âge  de  28  ans.  Ce  prince  donuoit  les 
plus  belles  efpérances.  Sa  modération  eft 
d'autant  plus  fublime  ,  qu'il  étoit  né  vif 
&  impétueux.  Les  courtifans  l'excitoient 
un  jour  à  châtier  l'archevêque  de  Paris  , 
prélat  inquiet  ,  ennemi  (ecret  de  ion 
maître.  «  Il  eiî  beau  ,  répondit  Philippe , 
))  de  pouvoir  ie  venger  éc  de  ne  le  pas 
w   faire.  » 

Philippe  VI  (  de  Valois  ,)  roi  de 
France.  Charles -le-Bel    étoit   mort    faiis 


PHI  ^53 

enfans  mâles  en  1328.  Philippe-de-Valois 
étoit  fils  de  Charles ,  frère  de  Philippe- 
le-Bel  ;  Edouard  III  ,  roi  d'Angleterre 
étoit  ,  par  fa  mère  Ifabelle  ,  petit- fils  du 
même  Philippe- le-Bel.  Si  les  femmes 
avoient  pu  fuccéder  à  la  couronne  de 
France  ,  elle  lui  auroit  appartenu  j  mais 
la  loi  étoit  pofitive  ^  Philippe-de- Valois 
étoit  l'héritier  du  trône.  Edouard  ci"ut 
que  quelques  viâoires  lui  tiendroient  lieu 
des  droits  qu'il  n'avoit  pas  j  il  prit  les 
armes  ,  &  vint  diiputer  la  couronne  à 
Philippe.  Celui  -  ci  fe  montra  digne  de 
régner .  par  un  adle  d'équité  bien  rare.  Il 
rendit  à^  Jeanne  ,  fille  de  Louis-le-Hutin  , 
le  royaume  de  Navarre  ,  dont ,  fous  le 
nom  de  tuteurs  ,  Philippe  IV  &  Charles 
IV  s'étoient  emparés.  Au  lieu  de  ralfem- 
bler  fes  forces  contre  l'Angleterre  qui 
exerçoit  déjaxles  fiennes,  Philippe  j  moins 
attentif  à  fes  intérêts  qu'à  ceux  de  iès 
valiâux  5  alla  foumettre  les  Flamands  qui 
s'étoient  révoltés  contre  Louis  leur  comte. 
Il  s'avança  jufqu'à  MontcaiTel  ^  les  rebelles 
vinrent  fondre  iùr  fon  camp  ,  &  y  por- 
tèrent le  défordre.  La  bravoure  du  roi 
rétablit  le  combat^  l'IlFue  en  fut  glorieufe 
pour  les  François  ^  le  chainp  de  bataille 
leur  demeura  ,  &  toute  la  Flandre  ie 
fournit  ^  mais  il  falloit  réferver  tant  de 
bravoure  &  de  bonheur  pour  la  journée 
de  Créci.  «  Mon  çoufîn ,  dit  Philippe  au 
»  comte  ,  fi  vous  aviez  gouverné  plus 
»  fagement  ,  je  n'aurois  pas  été  forcé  de 
))  répandre  tant  de  fang  pour  rétablir 
»  votre  autorité  :  fongez  à  l'avenir  que 
w  Çx  le  devoir  du  fujet  eft  la  foumiifion  , 
w  celui  du  fouverain  eft  la  juftice.  w  Phi- 
lippe avoit  achevé  d'épuifer  ,  dans  cette 
guerre  ,  fes  finances  &  iès  forces  j 
Edouard  augmentoit  les  fiennes  par  tous 
les  fecours  que  lui  envoyoient  l'empereur  , 
le  comte  de  Hainaut  &  d'autres  princes. 
La  guerre  fut  bientôt  alluinée.  Edouard 
paiTa  la  mer  &  ravagea  la  Flandre.  Ce- 
pendant en  1329  il  avoit  rendu  au  roi  un 
hommage-  lige  ,  comme  duc  d'Aquitaine, 
Mais  les  rois  ne  craignoient  pas  de  lailfer 
entrevoir  des  contradiéiions  dans  leur 
conduite.  Ce  qu'il  y  a  d'inconcevable  , 
c'eft  que  dans  la  trifte  fîtuation  où  la 
France  &  le   roi  ie  trouvoieut,  Philippe 


<J54  PHI 

fongeolt  à  aller  attaquer  les  Sarrafïns ,  au 
lieu  de  fe  défendre  contre  les  Anglois.  Heu- 
reufement  cette  croifade,  projetée  par  Phi- 
lippe &  par  le  pape  ,  ne  trouva  d'autres  par- 
tifans   qu'eux-mêmes. 

Tandis  que  le  roi  méditoit  des  con- 
quêtes en  Afie  ,  Edouard  en  faifoit  en 
JF.landre  \  mais  les  troubles  d'EcofTe  le 
forcèrent  à  repaffer  en  Angleterre.  A  la 
favsur  de  la  difcorde  qui  régnoit  entre  la 
cou/  de  Paris  &  celle  de  Londres ,  Jean 
IV  ,  comte  de  Montfort ,  avoit  ufurpé  le 
duché  de  Bretagne  fur  Jeanne  ,  époufè 
de  Charles  ,  comte  de  Blois  ,  &  nicce  de 
Jean  lïl.  Jean  IV  avoit  rendu  hommage 
de  ce  duché  à  Edouard  \  il  falkrt  porter 
la  guer/e  en  Bretagne  ç,  Philippe  la  fit 
avec  fuccès.  Mais  les  viôoires  qu'il  rem- 
portoit  iur  ies  fujets ,  étoient  autant  de 
pertes  réelles  ^  Montfort  fut  pris  &  mourut 
dans  les  fers.  P/z/7//>/j^  ,  l'an  1343,  conclut 
avec  Edouard  une  trêve  dont  ce  prince 
profita  pour  faire  des  préparatifs  de  guerre. 
On  reprit  les  armes  en  1 346.  On  en  vint 
aux  mains  près  de  Créci  ^  les  Anglois  fe 
fervirent  avec  avantage  de  leur  artillerie  , 
învenrion  nouvelle  dont  les  François  ne 
faifoient  point  encore  ufage  \  ceux-ci 
furent  entièrement  défaits.  Edouard  aflié- 
•Çea  Calais  :  on  connoît  la  géiiéreule  réfif- 
taiice  des  habitans  ,  l'emportement  d'E- 
donarxl ,  le  dévouement  héroïque  d'Euf- 
tache  Sîde  k^  compagnons,  enfin  la  prifè 
de  la  ville.  Toute  la  France  fut  indignée 
de  ce  que  Philippe  n'avoit  point  fecouru 
ces  braves  aiîiégés  \  pour  prix  de  leur 
fidélité ,  il  leur  donna  tous  les  offices  qui 
viendroient  à  vaquer  ,  foit  à  la  nomina- 
tion ,  foit  à  celle  de  ^^%  enfans  ,  jufqu'à 
ce  qu'ils  fulTent  dédommagés  de  leurs 
pertes. 

Pour  comble  de  malheurs  ,  une  pefte 
afFreufè  ravagea  l'Europe.  On  crut  appai- 
ièr  le  ciel  par  des  macérations.  Tandis 
que  l'épidémie  détruifoit  l'efpece  humai- 
ne ,  la  fedte  des  Flagellans  la  désho- 
noroit.  Avec  quelques  coups  de  difcipline 
on  croyoit  guérir  des  maux  incurables ,  & 
çffâcer  les  plus  grands  crimes.  Ces  péni- 
tens  devenus  voleurs  ,  furent  un  fléau 
plus  terrible  que  la  pefte  qui  les  avoit 
fait  naître.    11  fallut  toute  l'autorité  des 


PHI 

pontifes  &  des  rois  pour  réprimer  leurs 
excès.  , 

Si  les  armes  de  Philippe  étoient  mal- 
heureufcs  au  nord  de  la  France ,  fa  poli- 
tique étoit  heureufe  au  midi.  Humbert  H  , 
prince  de  la  maifon  de  la  Tour-du-Pin  , 
lui  céda  le  Dauphiné  en  1349.  Il  acquit 
encore  le  comté  de  Montpellier ,  domaine 
du  roi  de  Majorque  ,  &  jouit  peu  de  ces 
paifibles  conquêtes.  Il  mourut  le  22  août 
1350.  On  l'avoitfurnommé  le/orrw/2/ après 
la  bataille  de  Montcaffel  \  mais  il  fut  dans 
la  fuite  le  plus  malheureux  des  princes  , 
&  le  peuple  reconnut  qu'il  s'étoit  trop  hâté 
de  lui  donner  un  furnom.  Philippe  avoit  la 
bravoure  d'un  foldat  ,  les  vertus  d'un  ci- 
toyen ;  mais  il  n'avoit  pas  les  talens  d'un 
roi.  Inexorable  pour  les  financiers  lorfque 
leurs  concuflions  éclatoient  au  grand  jour , 
il  oublioit  qu'il  vaut  mieux  prévenir  le 
crime  que  de  le  punir  j  téméraire  à  la 
guerre  ,  mal-adroit  dans  la  plupart  de  fes 
négociations ,  il  croyoit  que  toutes  les 
grandes  qualités  d'un  prince  peuvent  être 
fuppléées  par  la  bravoure  &  la  probité. 
S'il  eût  été  fécondé  par  la  nation  dans 
fon  projet  de  croifade  ,  s'il  eût  amené  avec 
lui  en  Afie  toutes  les  forces  de  l'état ,  c'en 
étoit  fait ,  la  France  étoit  perdue  ,  &nous 
étions  Anglois.  (  M.  de  Sacy.  ) 

*  Philippe  I ,  (  Hijîoire  d'Efpagne.  ) 
furnommé  le  Beau  ou  le  BeL  ,  à  caulè 
des  grâces  de  fâ  figure  ,  étoit  fils  de  l'em- 
pereur Maximilien  I  &  de  Marie  de 
Bourgogne.  Il  monta  fur  le  trône  d'Ef- 
pagne en  1 504  ,  par  Ion  mariage  avec 
Jeanne  ,  furnommée  la  Folle  ,  reine  d'El^ 
pagne  ,  féconde  filie  &  principale  héri- 
tière de  Ferdinand  V ,  roi  d'Aragon ,  & 
d'Ifabelle  ,  reine  de  Caftille.  Il  ne  régna 
pas  deux  ans  ,  étant  mort  à  Burgos  en 
1506. 

Philippe  II  ,  fils  de  Charles-Quint 
&  d'Ifabelle  de  Portugal,  fiiccéda  à  ion 
père  en  i55<5  ,  après  l'abdication  de  ce- 
lui-ci. Jamais  règne  ne  flit  plus  fécond 
en  événemens  ^  jamais  prince  ne  forma 
tant  &  de  fi  vaftes  projets  ^  &  quoiqu'il 
ne  manquât  ni  de  génie  ,  ni  de  reflburces 
pour  les  faire  réuffir  ,  levénemeut  juftifia 
prefque  toujours  cette  maxime  ,  qu'une 
ambition  démefurée  eil  la  ruine  des  états. 


PHI 

Ce  prince  commença  par  faire  la  guerre 
à  la  France  j  mais  il  ne  fut  pas  profiter 
des    vi61oires    de    Saint  -  Quentin    &    de 
Gravelines.  La  paix  glorieufe  de  Cateau- 
Cambrefis  ,  chef-d'œuvre  de  fa  politique  , 
Taveugla   fur    des   intérêts    plus    réels.   Il 
alluma  les  bûchers  de  l'inquifition  ,  &  prit 
un   plaifir  barbare  à  voir  blûler  fes   mal- 
heureux  fujéts.    Il   conquit  le  Portugal   ', 
mais  cette  conquête  ne  le  dédommageoit 
pas  de  la  perte  d'une  partie  des  Pays-Bas. 
Il  fe  déclara  le  protecteur  de   la  ligue   ^ 
&  ,  en  voulant  démembrer  la  France  par 
les  faftions  que  fon  argent  y  fomentoit  , 
il  lailfa  entamer  fon  patrimoine,  &  couper 
des  fburces   d'où   cet  argent  couloit  dans 
fes  coffres.   Il  porta  (es  vues  ambitieufes 
fur  la  couronne  d'Angleterre  ,  entreprife 
malheureufe  qui  coûta  à  l'Efpagne  quarante 
millions  de  ducats  ,  vingt-cinq  mille  hom- 
mes Se  cent  vaiffeaux  :  c'étoit  acheter  bien 
cher  la   honte  de  ne   pas  réuflir.  Enfin  il 
afix)iblit  fes  forces  en  Efpagne  pour  s'en- 
richir en  Amérique  ;,  &  malgré  les  tréfors 
immenfes   qu'il  tira  du   nouveau  monde  , 
il  ne  lailfa  à  fon  fucceffeur  que  cent  qua- 
rante millions  de  ducats  de  dettes.  Il  mou- 
rut le    13   feptembre   1598  ,     après  qua- 
rante-quatre ans    &  huit  mois  de  règne  , 
dans  la  foixante-quatorzieme  année  de  fon 
âge. 

Philippe  III,  fils  du  précédent 
&  d'Anne  d'Autriche  ,  fut  obligé  de  re- 
connoître  l'indépendance  des  Provinces- 
Unies  ,  de  rétablir  la  maifbn  de  Naffau 
dans  la  polfefllon  de  tous  fes  biens  ,  & 
de  lailfer  aux  Hollandois  la  liberté  du 
commerce  dans  les  grandes  Indes.  Aveuglé 
par  la  confiance  entière  qu'il  eut  pour  des 
miniflres  avares  &  defpotiqucs  ,  il  chafla 
les  Maures  d'Efpagne  ,  &  avec  eux  l'in- 
duftrie  &  les  arts.  Il  eft  vrai  qu'il  accorda 
enfuite  les  honneurs  de  la  nobleffe  & 
l'exemption  d'aller  à  la  guerre  ,  à  tous 
les  Efpagnols  qui  s'adouneroient  à  la  cul- 
ture de  la  terre  ^  mais  quel  bien  pouroit 
produire  une  telle  prérogative  ,  fiir  une 
nation  qui  fe  faifoit  gloire  de  fa  parelfe 
&  du  funelle  métier  des  armes  ?  Ce  prince 
mourut  eu  1621  ,  âgé  de  quarante-trois 
ans. 
Philippe  IV  ,•  fils  de  Philippe  III  & 


P  H  î  ^5  j 

de  Marguerite  d'Autriche ,  fuccéda  à  fou 
père.  Il  fit  la  guerre  aux  Hollandois  9 
d'abord  avec  avantage  ,  puis  avec  perte. 
Il  voulut  s'en  venger  {iir  la  France  :  ics 
armes  eurent  le  même  fort  ;,  &  il  vit  des 
provinces  entières  pafTer  fous  la  domination 
de  fon  ennemi.  Le  Portugal  fccoua  aufîî 
le  joug  de  l'Efpagne  ,  &  recontuit  poiM- 
roi  le  duc  de  Bragance  :  ce  qui  lui  reftoft 
du  Brefil  lui  échappa  de  même.  Peu  feii- 
fible  à  tant  de  pertes  ,  il  s'en  confoloit 
dans  le  fein  des  plaifirs.  Ainfi  vécut  dans 
une  molleffe  honteufe  Philippe  IF ,  m. 
aimé  ,  ni  craint,  ni  refpeâé  de  (qs  fujets. 
Ils  parurent  avoir  pour  lui  l'indifférence 
qu'il  eut  pour  eux.  II  mourut  en  1675  , 
âgé  de  foixante  &  dix  ans. 

Philippe  V  ,  duc  d'Anjou  ,  fécond  fils 
de  Louis  ,    dauphin    de    France ,    &  de 
Marie- Anne  de  Bavière  ,   né  à   Verfailles 
en  1683  ,  fut  appelle  au  trône  d'Efpagne 
par  le  teftament  de  Charles  II  ;  mais  il 
eut   bien  de   la  peine   à  s'y    affermir.    Il 
oppofà  à  tous  les  obftacles  une  confiance 
inébranlable  ,    qui  à  la   fin  en  triompha. 
Après  la  paix  d'Utrecht ,   Philippe  eut  la 
confolation  de  voir  la  couronne  d'Efpagne 
affurée  pour  jamais  à  fa  poftérité  dans  la 
ligne  miafculine.  En   1720,   ce  monarque 
fe  dégoûta  du  rang  fuprôme  qui  lui  avoit 
tant  coûté.  II  abdiqua  en  faveur  de  Louis 
fon  fils.   Celui-ci  ne   régna  que  quelques 
mois.   Sa  mort  précoce  rappeila    Philippe 
fur  un  trône  qu'il  n'eût  jamais  dû  quitter  : 
alors  il  fe  montra  vraiment  digne  de  ré- 
gner.  II  réforma  la  juftice  ,  mit  les  loik 
en  vigueur  ,  fit  fleurir  le  comnîerce,  anima 
l'indufirie  ,  appella    les   arts  ,  établit  àes 
manufadhircs  ,  rétablit  là  marine  &  la  dis- 
cipline inilitaire  ,  encouragea  hs  fciences  , 
fut  aimé  de  iès    fiijets  ,    &   s'acquit  des 
droits  aux  hommages  de  la  poftérité.  Phi- 
lippe V  mourut  en  1746  ,  âgé  de  foixante 
quatre  *is  ,  dont  il  en  avoit  régné  qua? 
rante-cinq. 

Philippes  ,  bataille  àe  ,  (  Rifi.  rom.  ) 
Cette  bataille  fe  donna  l'an  71 1  de  Rome 
fiir  la  fin  de  l'automne.  Brutus  &  Cafllus , 
les  derniers  Romains  ,  y  périrent  ,  &  leurs 
troupes  furent  entièrement  défaites  par 
celles  d'Oâavien.  Cette  ville  de  Philippes 
étoit  de  Phthiotide  ,   petite  province  de 


6^6  P  H   T 

ThelTalie  ^  &:  c  eft  une  chofe  afTez  remar- 
quable ,  que  la  bataille  de  Pharfale  &  celle 
de  Philippes  qui  porta  le  dernier  coup  à 
la  liberté  des  Romains  ,  fë  foieut  données 
dans  le  même  pays  &  daus  les  mêmes 
plaines. 

Philippes  ,  (  Géogr.  anc,  )  en  latin 
Thilippi ,  ville  de  la  Macédoine  ,  félon 
quelques-uns  ,  &  de  la  Thrace  ,  félon  le 
plus  grand  nombre,  entre  le  Strymon  & 
le  Neftus  ou  Neiîus ,  affez  proche  de  la 
mer.  Pline  ,  Uv.  IV ,  chap.  xj  ,  Pompo- 
nius  Mêla  ,  Uv.  Il ,  chap.  ij  ,  &  d'autres 
anciens  géographes  ont  eu  raifon  de  mettre 
Thilippi  dans  la  Thrace  ,  parce  qu'elle 
étoit  à  notre  égard  au  delà  du  fleuve  Stry- 
mon qui  fépare  la  Macédoine  proprement 
dite  ,  d'avec  la  Thrace. 

Avant  que  Philipppe  la  fortifiât ,  elle  fe 
nommoit  Dathos  ,  &  auparavant  encore 
on  la  nommoit  Crénides  ,  félon  Appien  , 
civil.  Uv.  IV  ,  p.  650 ,  qui  nous  apprend 
qu'elle  étoit  iituée  fur  une  colline  efcar- 
pée,  dont  elle  occupoit  tout  le  fommet. 
Les  Romains  y  établirent  une  colonie.  Le 
titre  de  colonie  lui  ell  donné  dans  les  aétes 
des  apôtres  ,  c.  xvj  ,  verf.  12  ,  &  dans 
Pline  ,  Uv.  IV  ,  chap.  xj  ,  de  même  dans 
plufieurs  médailles.  Aujourd'hui  cette  ville 
s'appelle  Philippigi ,  &  conferve  encore 
quelques  relies  d'antiquités. 

Elle  eft  célèbre  à  d'autres  égards ,  & 
particulièrement  dans  le  Chriftianifme  , 
par  l'épître  que  faint  Paul  adreffa  à  fes 
.habitans.  Elle  eft  encore  bien  mémorable 
dans  l'hiftoire  par  la  bataille  qui  s  y  donna 
l'an  de  Rome  712  ,  &  qui  fut  fatale  à 
Brutus  &  à  Caflîus  ,  cutn  fracla  vinus  , 
6»  minaces  turpe  folum  tetigére  mento  , 
dit  Horace  ^  cette  bataille  où  la  valeur 
même  fut  contrainte  de  céder  à  la  force. 
Caiïîus  périt  dans  cette  malheureufe  jour- 
née ,  &  Brutus  s'y  donna  la  mort  ,  défef- 
pérant  trop  tôt  du  falut  de  fa  pa||ie. 

Comme  l'occafion  fè  préfentera  de  pein- 
dre ailleurs  le  caraélere  de  Brutus ,  je  me 
contenterai  de  rapporter  ici  ce  que  Célar 
en  augura  dans  la  conjondiure  fuivante. 
Le  roi  Déjotarus  eut  une  grande  affaire  à 
Rome  ,  dont  perfonne  n'ofoit  entrepren- 
dre la  défenfc  :  Brutus  s'en  chargea  ^  & 
Céiàr  l'a/ant  entendu  plaider  cette  caufe 


PHI 

dont  il  étoit  juge  ,  dit  en  fe  retournant 
vers  fes  air.is  :  ce  il  eft  de  la  dernière  impor- 
»  tance  d'examiner  fi  ce  que  cet  homm.e- 
»  là  veut  eft  jufte  ou  non  ;  car  ce  qu'il 
»  veut  ,  il  le  veut  bien  fort.  )>  Le  roi  de 
la  petite  Arménie  n'oublia  jamais  le  fèr- 
vice  de  Brutus  ^  il  fe  déclara  hautement 
en  fa  faveur  après  l'affafîinat  de  Céfàr  5 
mais  malheureufement  pour  Brutus ,  ce 
prince  ne  furvécut  guère  lui-même  à  cet 
événement.  (  JD.  /.  ) 

PHILIPPEVILLE  ,  (  Géogr.  mod.  ) 
petite  ville  de  France  dans  le  Hainaut, 
fur  une  hauteur  auprès  des  ruiffeaux  de 
Jaimagne  &  de  Bridon  ,  à  6  lieues  N.  O. 
de  Charlemont ,  à  3  N.  de  Marienbourg  , 
à  10  S.  E.  de  Mons ,  &  à  56  de  Paris. 
Ce  n'étoit  autrefois  qu'un  bourg  ,  nommé 
Corbigni  ,  que  Maris  ,  reine  de  Hongrie  , 
fœur  de  Charles  -  Quint  ,  fit  fortifier  en 
1555  î  ^  qu'elle  nomma  Philippeville  ,  eu 
l'honneur  de  Philippe  II ,  roi  d'Efpagne  , 
fon  neveu.  Il  y  a  de  nouvelles  fortifications 
de  la  façon  de  M.  de  Vauban.  Long.  22. 
6.  lat.   50.  10.  {D.  J.) 

PHILIPPINE  ,  (  Géogr.  )  petite  ville 
àcs  états  de  la  généralité  ,  dans  la  Flandre 
holJandoife ,  au  bailliage  de  Bouchoute  , 
fur  la  rivière  de  Brackman  :  elle  n'eft  que 
d'environ  foixante  &  dix  maifons  ^  mais 
elle  eft  munie  de  fortifications  confidéra- 
bles.  Le  comte  Guillaume  de  Naffau  la 
prit  auxEfpagnols  l'an  1633.  Ceux-ci  ten- 
tèrent la  même  année  de  la  reprendre  , 
mais  en  vain  ;,  &  ce  fut  encore  en  vain 
qu'ils  en  formèrent  le  fiege  en  1*535.  Les 
François  furent  plus  heureux  en  1747  ^  ils 
y  entrèrent  alors ,  comme  dans  tant  d'autres  , 
pour  en  fbrtir  à  la  paix  de  1748.  {D.  J.) 

PHILIPPINES  {LES),{Géogr.  mod.)  îles 
de  la  mer  des  Indes  ,  au  delà  du  Gange,  pref- 
que  vis-à-vis  les  grandes  côtes  des  riches 
royaumes  de  Malaca ,  Siam  ,  Camboia  , 
Chiampa ,  Cochinchine ,  Tunquin  ,  &  la 
Chine.  Elles  font  fituées  dans  fa  mer  que 
Magellan  appella  t  archipel  de  S.  Lazare  , 
parce  qu'il  y  mouilla  ce  jour-là  fous  la  zone 
Torride  ,  entre  l'équateur  &  le  tropique  du 
Cancer. 

Ces  îles  anciennement  connues  fous  le 
nom  de  Maniolœ  ,  furent  découvertes  en 
1521  par  le  même  Magellan  dont  je  viens 

de 


ée  parier ,  &  qui  y  fut  tué.  Elles  furent 
appellées  Philippines  du  nom  de  Philippe 
II ,  roi  d'Efpagne  ,  fous  le  règne  duquel 
les  Efpagnols  s'y  font  fixés  en   1564' 

Quand  ils  y  entrèrent ,  ils  y  trouvèrent 
trois  fortes  de  peuples.  Les  Maures  Malais 
ëtoient  maîtres  des  côtes  ,  &  venoient , 
comme  ils  le  difoient  eux-mêmes  ,  de 
Bornéo  &  de  la  terre-ferme  de  Maiaca. 
De  ceux-ci  font  fortis  les  Tagales  ,  qui 
font  les  originaires  de  Manille  &  des  en- 
virons ,  comme  on  le  voit  par  leur  langage 
qui  eft  fort  fembiable  à  celui  des  Malais  , 
parleur  couleur,  par  leur  taille  ,  par  leurs 
coutumes  &  leurs  manières.  L'arrivée  de 
ces  peuples  dans  ces  îles  a  pu  être  fortuite 
&  caulée  par  quelque  tempête^  parce  qu'on 
y  voit  fouvent  aborder  des  hommes  dont 
on  n'entend  point  le  langage.  En  1690  , 
par  exemple  ,  une  tempête  y  amena  quel- 
ques Japonois.  Il  pourroit  bien  fe  faire 
auiîi  que  les  Malais  feroient  venus  habiter 
ces  îles  d'eux-mêmes  y  foit  pour  le  trafic 
ou  autres  raifons  ;  mais  tout  cela  efi  in- 
certain. 

Ceux  qu'on  appelle  Bifayas  &  Pintados 
dans  la  province  de  Camerinos  ,  comme 
auili  à  Ley te  ,  Samal ,  Panay  &  autres 
lieux,  viennent  vraifemblablement  de  Ma- 
cafTar  ,  où  l'on  dit  qu'il  y  a  plulieurs 
peuples  qui  fè  peignent  le  corps  comme 
des  Pintados. 

Pierre  Fernandez  de  Quiros ,  dans  la 
relation  de  la  découverte  des  îles  de  Sa- 
lomon  en  i  ^9  ^  y  dit  qu'ils  trouvèrent  à  la 
hauteur  de  io<i.nordà  1800 lieues  du  Pérou, 
à-peu-près  à  la  même  diftance  des  Phi- 
Uppines  ,  une  île  appellée  la  Magdeleine  , 
habitée  par  àts  Indiens  bien  faits  f  plus 
grands  que  les  Efpagnols  ,  qui  ailoient  nus  , 
&  dont  le  corps  étoit  peint  de  la  même 
manière  que  celui  des  Bifayas. 

On  doit  croire  que  les  habitans  de  Min- 
danao  ,  Nolo  ,  Bool  &  une  partie  de  Cébu  , 
font  venus  de  Ternate.  Tout  le  perfuade  : 
le  voifmage  ,  le  commerce ,  &  leur  reli- 
gion ,  qui  efl  fembiable  à  celle  des  habitans 
de  Ternate.  Les  Efpagnols  ,  en  arrivant , 
les  trouvèrent  maîtres  de  ces  îles. 

Les  noirs   qui   vivent  dans  les  rochers 
&  dans  les  bois ,  dont  l'île  de    Manille 
cil  couverte ,    différent    entièrement    des 
Tome  XXV. 


PHI  ^57 

autres.  Us  font  barbares ,  ^  nourrifîênt 
de  fruits ,  de  racines ,  de  ce  qu'ils  pren- 
nent àia  chaffe  ,  &  n'ont  d'autre  gouver- 
nement que  celui  de  la  parenté ,  tout 
obéifîànt  au  chef  de  la  famille.  Ils  ont 
choifi  cette  forte  de  vie  par  amour  pour 
la  liberté  :  cet  amour  eft  fi  grand  chez  eux , 
que  les  noirs  d'une  montagne  ne  permettent 
point  à  ceux  d'une  autre  de  venir  fur  la 
leur  ;  autrement  ils  fe  battent  cruellement. 

Ces  noirs  s'étant  alliés  avec  des  Indiens 
fauvages  ,  il  en  efl  venu  la  tribu  des  Man- 
ghiens  y  qui  font  des  noirs  ^i  habitent 
dans  les  îles  de  Mindora  &  de  Mundo. 
Quelques-uns  ont  les  cheveux  crépus 
comme  \ts  nègres  d'Angola  ,  d'autres  \qs 
ont  longs.  Les  Sambales  ,  autres  fauvages, 
portent  tous  les  cheveux  longs  ,  comme 
[ts  Indiens  conquis. 

Du  refle  ,  il  efl  encore  vraifemblable 
qu'il  a  paffé  dans  les  Philippines  des  ha- 
bitans de  la  Chine  ,  de  Sia*Ti  ,  de  Cam- 
boya  ,  &  de  la  Cochinchine.  Quoi  qu'il 
en  foit,  les  Efpagnols  ne  poffedent guère 
que  \ts  côtes  de  la  plupart  de  ces  îles. 

Le  cHmat  y  efl  chaud  &  humide.  Il  y 
a  plufieurs  volcans  ,  &  elles  font  fujettes 
non  feulement  à  de  fréquens  tremblemens 
de  terre  ,  mais  à  des  ouragans  fi  terribles  , 
qu'ils  déracinent  les  plus  gros  arbres.  Ces 
accidens  n'empêchent  point  que  les  arbres 
ne  foient  toujours  verds ,  &  qu'ils  ne 
portent  deux  fois  l'année.  Le  riz  vient 
alfez  bien  dans  cts  îles  ,  &  les  palmiers 
y  croiffent  en  abondance.  Les  bufles  fau- 
vages y  font  communs  ;  les  forêts  font 
remplies  de  cerfs ,  de  fangliers  ^  &  de 
chèvres  fauvages  femblables  à  celles  de 
Sumatra.  Les  Efpagnols  y  ont  apporté  de 
la  nouvelle  Efpagne ,  du  Japon  &  de  la 
Chine  ,  des  chevaux  &  des  vaches  qui  ont 
beaucoup  multipHé. 

On  tire  de  ce  pays  des  perles,  de 
l'ambre  gris ,  du  coton  ,  de  la  cire  &  de 
la  civette.  Les  montagnes  abondent  en 
mines  d'or ,  dont  les  rivières  charrient  àts 
paillettes  avec  leur  fable  ;  mais  les.  Indiens 
s'attachent  peu  à  les  ramaflér,  dans  la 
crainte  qu'ils  ont  qu'on  ne  les  y  force  par- 
l'efclavage. 

Les  principales  d'entre  les  Philippines 
font   Manille     ou     Luçon  ,    Mindanao  > 

Oo  00 


^58  PHI 

Ibabao  ,  Leytc  ,  Paragua  ,  Mlndoro  j  1 
Panay,  Cébu  ,  Bool  &  l'île  des  Noirs. 
Les  cartes  géographiques  mettent  toutes 
les  Philippines  entre  le  13^  ^  ^^  ^45 
degré  de  hongitude^  &  leur  latitude  depuis 
5  degrés  jufqu'à  20.  (  le  chevalier  DE 
JaU  COURT.) 

Philippines,  les  nouvelles,  ou  les 
iles  de  Palaos  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  îles  de 
la  mer  des  Indes  ,  fituées  entre  les  Mo- 
luques  ,  les  anciennes  Philippines  &  les 
Mariannes.  Le  hafardles  fit  découvrir,  au 
commencâïtoenr  de  ce  fiecle ,  par  la  vio- 
lence des  vents  ,  qui  portèrent  à  la  pointe 
de  l'île  du  Samal ,  une  des  plus  orientales 
àes  Philippines  y  quelques-uns  des  infu- 
laires  qui  s'étoient  embarqués  pour  fe 
rendre  dans  une  de  leurs  propres  îles. 
On  en  peut  voir  le  récit  dans  les  lettres 
édifiantes. 

Elles  nous  apprennent  qu'on  compte 
plus  de  quatre-vingts  nouvelles  îles  Philip.- 
pines  5  qui  forment  un  des  beaux  archipels 
de  l'Orient  &'  qui  font  fort  peuplées.  Les 
habitans  vont  à  moitié  nus  à  caufe  de  la 
grande  chaleur.  Ils  ne  paroiflent  avoir 
aucune  idée  de  la  divinité  _,  &  n'adorent 
aucune  idole,  ils  ne  connoiflent  aucun 
métal ,  fe  nourriflent  de  poiflbns  &  de 
fruits.  Ils  laiflent  croître  leurs  cheveux 
qui  leur  flottent  fur  les  épaules.  La  cou- 
leur de  leur  vifagc  efl  à-peu-près  la 
même  que  celle  des  Indiens  des  anciennes 
Philippines  ;  mais  leur  langage  eft  en- 
tièrement différent  de  tous  ceux  qu'on 
■parle  dans  les  îles  efpagnoles ,  &  même 
dans  les  îles  Mariannes.  C'efl  dommage 
que  nous  n'ayions  aucune  connoiflance  de 
ces  nouvelles  îles  &  des  peuples  qui  les 
habitent  ;  car  les  Efpagnols  ont  fait  juf- 
qu'ici  des  tentatives  inutiles  pour  y  aborder  j 
les  ouragans  &  les  brifes  qui  régnent  dans 
ct?i  mers ,  ont  fait  périr  tous  \qs  vaiiTcaux 
qu'ils  avoient  équipés  pour  s'y  rendre. 
Long,  i^.^  160  i  latit.  z  juf qu'au  2  i. 
{D.  /.) 

PHILIPPIQUES  ,  f.  f.  plur.  (  Litte'r.  ) 
nom  qu'on  donne  aux  oraifons  ou  harangues 
de  Démofthene  contre  Philippe  _,  roi  de 
Macédoine.  Voye\  OraISON. 
■  On  regarde  les  philippiques  comme  les 
pièces  les  plus  importantes  de  ce  célèbre 


PHI 

orateur.  Longin  cite  un  grand  nombre 
d'exemples  du  f^yle  fublime  qu'il  tire  de 
ces  oraifons  ,  &  il  en  développe  parfai- 
tement les  beautés.  En  eflfet  -,  la  véhé- 
mence &  le  pathétique  qui  faifoient  le 
caradere  de  Démoflhene ,  ne  fe  produifent 
nulle  part  ailleurs  avec  plus  de  force  que 
dans  ces  interrogations  pj  cflântes  ,  &  dans 
ces  vives  apoftrophes  avec  lefquelles  il 
tonnoit  contre  l'indolence  &  la  molleiïè 
des  Athéniens.  Quelque  délicatefle  qu'il 
y  ait  dans  le  diicours  du  même  orateur 
contre  Leptines ,  les  philippiques  l'em- 
portent encore  ,  foit  par  la  grandeur  du 
fujet,  foit  par  l'occafion  qu'elles  fournif- 
fent  à  Démofthene  de  déployer  fon  princi- 
pal talent ,  celui  d'émouvoir  &  d'étonner. 

Denys  d'HalycarnafTe  met  l'oraifon  fur 
l'Halonefe  au  nombre  des  philippiques  , 
&  la  compte  pour  la  huitième  ;  mais  quel- 
que refpeîtable  que  foit  l'autorité  de  ce 
critique,  cette  oraifon  fur  l'Halonefe  n'a 
ni  la  force  ,  ni  la  majefié  qui ,  félon  Cicé- 
ron  ,  caradérilènt  les  philippiques  de  Dé- 
mofthene; aulli  les  favans  la  regardent-ils 
généralement  comme  un  ouvrage  fuppofé. 

Libanius  ,  Photius  ,  &  d'autres  l'attri- 
buent à  Hégéfipe  ,  fondés  principalement 
fur  la  longueur  du  ftyle  &  liir  la  bafteiîe 
d'expreflions  qui  régnent  dans  cette  pièce  , 
&  qui  font  diamétralement  oppofées  à 
l'énergie  &  à  la  nobleffe  de  l'élocution  de 
Démofthene. 

M.  de  Tourreil  a  donné  une  excellente 
traduéfion  àts philippiques  de  Démofthene^ 
c'eft  une  cholè  extraordinaire  que  de  voir 
tant  d'efprit  dans  une  tradudion ,  &  de 
trouver  dans  une  langue  moderne  une  auffi 
grande  partie  de  la  force  &  de  l'énergie 
de  Démofthene ,  &  cela  dans  une  langue 
auflî  toible  que  la  langue  françoifè.     . 

Tel  eft  le  jugement  que  M.  Chambcrs 
a  porté  de  la  tradudion  de  M.  de  Tourreil  , 
triais  nos  meilleurs  écrivains  en  penfent 
bien  différemment. 

«  On  a  laiflc,  dit  M.  Rollin  ,  dans  la 
»  dernière  édition  de  M.  de  Tourreil, 
»  quoique  beaucotfp  plus  travaillée  6^  plus 
«  correde  que  les  précédentes ,  beaucoup 
»  d'expreflions  baffes,  triviales;  &  d'uti 
»}  autre  côté  le  ftyle  en  eft  quelquefois 
»  enflé  &  empoulé  (  &  il  doiine  à^s  exera- 


P  H  ï 

»  pies  Je  l'un  &  de  ~  l'auttc  )  ;  défauts  , 
$i  ajoute-t-il ,  diredement  oppofés  au  ca- 
w  radere  de  Démofthene  dont  l'élocution 
fi  réunit  en  même  temps  beaucoup  de  lim- 
w  plicité  &  beaucoup  de  noblefïè.  M.  de 
w  Maucroix  en  a  traduit  quelques  difcours; 
»  fa  tradudion ,  moins  correde  en  quelques 
»  endroits,  me  paroît  plus  conforme  au 
^5  génie  de  l'orateur  grec  » .  Traité  des 
études  p  tome  II  ^  p^ge  ^J  ^. 

Cependant  cette  tradudion  de  M.  de 
Maucroix ,  félon  M.  l'abbé  Maffieu  dans 
fa  préface  des  œuvres  de  M.  de  Tourreil  , 
n'efl:  rien  moins  que  parfaite  ,  puisqu'on 
n'y  trouve  pas  autant  de  fidélité  &  de 
force  qu'on  y  rencontre  d'élégance  & 
d'agrément  :  or  qu'cf}-ce  qu'une  traduc- 
tion qui  manque  de  fidélité  ?  &  qu'efl-ce 
qu'une  tradudion  de  Démoflhene,  fur-tout 
quand  elle  manque  defor^? 

Le  même  abbé  Maffieu  ,  dans  des  re- 
marques (dont  l'original  fe  garde  manufcrit 
à  la  bibliothèque  du  roi  )  fur  la  féconde 
édition  de  M.  de  Tourreil  ,  parle  ainfi  de 
ce  dernier  tradudeur.  "  Le  privilège  d'cn- 
f)  tendre  M.  de  Tourreil  n'eft  pas  donné 
>>  à  tout  le  monde.  En  beaucoup  d'en- 
»>  droits  ,  on  doute  qu'il  s'entende  lui- 
9)  même.  Il  quitte  le  fens  pour  les  mots  , 
»  &  le  folide  pour  le  brillant.  Il  aime  les 
»  épithetes  qui  emplifTent  la  bouche  ,  les 
»  phrafes  fynonymes  qui  dîfent  trois  ou 
»  quatre  fois  la  même  chofè ,  les  expref- 
py  fions  fingulieres  ,  les  figures  outrées  , 
»  &  généralement  tous  ces  excès  qui  font 
»  les  écueils  des  écrivains  médiocres.  Il 
9)  ignore  fur  -  tout  la  naïveté  du  langa- 
p>  ge ,  &c  fi.  Préface  de  M.  l'abbé d'Oli- 
vet  fur  fa  traduction  des  philippiques  de 
Démofthene.  Seroient-ce  toutes  ces  qualités 
qui  auroient  féduit  M.  Chambers  ,  &  dé- 
cidé fon  admiration  pour  la  tradudion  de 
M.  de  Tourreil. 

Il  fufRra  d'ajouter  que  dans  les  remarques 
dont  on  a  parlé  ,  M.  l'abbé  Maffieu  compte 
treize  fautes  dans  la  tradudion  que  M.  de 
Tourreil  a  donnée  de  la  première /^Az/^'p- 
pique  y  &  que  le  P.  Jouvenci  en  compte 
vingt-neuf  dans  celle  de  la  première.  On 
peut  voir  ces  obfervations  dans  un  ouvrage 
de  M.,  l'abbé  d'Olivet ,  intitulé  p/iilippiques 
de  Démofthene ,   &.  catilinaires  de  Cicé- 


PHI  ^59 

ron  ,  imprimé  à  Paris  en  1744 ,  où  l'on 
trouve  auffi  une  tradudion  latine  de  la 
premkre philippiqae ,  parle  P.  Jouvenci. 

On  a  auffi  donné  le  nom  de  philippiq:'es 
à  quatorze  oraifons  de  Cicéron  contre 
Marc- Antoine.  C'efl  Cicéron  lui  -  même 
qui  leur  donna  ce  titre  dans  une  épître 
à  Brums  où  il  en  parle  '■,  &  la  pofterité 
l'a  trouvé  fi  jufte  ,  qu'il  s*eft  perpétué  jtif- 
qu'à  nous. 

La  féconde  de  ces  harangues  a  toujours 
été  la  plus  eflimée.  Juvenal  ne  craint  pas 
de  l'appeller  un  ouvrage  divin, 

Quam  te  confpicuce  divina  philîppica 

famœ 
Volveris  à  prima  quce  proxima, 

Satyr.  x. 

Le  nom  même  que  Cicéron  donna  a  ces 
pièces,  qu'il  eût  dû  naturellement  appeller 
antoniques  y  marque  afTez  le  cas  qu'il  en 
taifoit ,  &  combien  il  s'y  étoit  propofé 
d'imiter  Démofthene,  dont  on  dit  qu'il  avoit 
traduit  la  première  philippique  ;  mais  cetta 
tradudion  n'a  pas  pafTé  jufqu'à  nous. 

Les  philippiques  de  Cicéron  lui  coûtè- 
rent la  vie  ,  Marc  -  Antoine  en  ayant 
été  fi  irrité  ,  que  dans  la  profcription  qui 
fignala  fon  triumvirat  avec  Augufle  & 
Lepide  ,  il  obtint  qu'on  lui  abandonneroit 
Cicéron ,  le  fit  poignarder ,  &  attacher 
la  tête  &  les  mains  de  cet  orateur  fur  la 
tribune  aux  harangues  où  il  avoit  prononcé 
les  philippiques. 

Durant  la  minorité  de  Louis  XV  ,  & 
fous  le  règne  de  M.  le  duc  d'Orléans ,  il 
paruf  contre  ce  dernier  prince  un  libelle 
en  vers  très-injurieux  fous  le  nom  de  phi- 
lippiques y  par  allufion  au  nom  de  Phi- 
lippe que  portoit  M.  le  régent.  Plufieurs 
poètes  furent  foupçonnés  d'en  être  ks  au- 
teurs ,  mais  fur-tout  la  Grange  ,  auteur  de 
plufieurs  tragédies  ,  qui  fut  envoyé  aux  îles 
de  Sainte-Marguerite  ,  &  ne  s'en  fauva 
que  pour  s'expatrier.  M.  de  Voltaire  en 
parle  ainfi  dans  fon  épître  fur  la  calomnie  : 

Vous  ave^    bien    connu  y  comme  je 

penfe  , 
Ce   bon    régent   qui   gâta    tout   en 

France  : 

O  000  2. 


66o  PHI 

//  etoit  ne  pour  lafocïetêy 

Pour  les  beaux  arts  Ù  pour  la  vo- 
lupté ; 

Grand  y    mais  facile  y    ingénieux  y 
affable , 

Peu   fcrupuleux  y    mais     de  crime 
incapable  : 

JEt  cependant  y  ô  menfonge  !  ô  noir- 
ceur ! 

jNous  avons  vu  la  ville  &  les  pro- 
vinces 

'Au  plus  aimable  y  au  plus  clément 
des  princes  y 

Donner  les  noms  . .  .  Quelle  abfurde 
fureur  ! 

Chacun  les  lit ,  ces  archives  d*  horreur  y 

Ces  vers    impurs  y    appelles    philip- 
piques, 

De    Vimpofture    éternelles    chroni- 
ques ! 

Et  nul  François  n\fl  ajfe\  généreux 

Pour  s^ élever  y  pour  dépofer  contre 
eux. 

I|s  auront  le  fort  de  tous  les  libelles  , 
ils  feront  oubliés  ,  &  la  mé.iioire  du  prince 
qu'ils  outrageolent  ne  périra  point. 

PHILIPPISTES ,  f.  m.  pi.  {Hift.  eccL) 
nom  que  quelques  Luthériens  ont  donné  à 
ceux  de  leur  fefte ,  qui  fè  font  attachés 
aux  fentimens  de  Philippe  Melanchton. 
Voye:{  LUTHÉRANISME. 

Ce  réformateur  s'étant  oppofé  vivement 
aux  Ubiquiftes  ou  Ubiquitaires  qui  s'éle- 
vèrent de  fon  temps  ;  &  la  difpute ,  loin 
de  ccfler  après  fa  mort ,  n'en  étant  devenue 
que  plus  opiniâtte  ,  les  Flacciens  ou  dif- 
ciples  de  Flaccus  ,  fon  antagonifle  ,*  don- 
nèrent ce  nom  de  Philippines  aux  théo- 
logiens de  l'univerlité  de  Wirtemberg ,  qui 


P  H  ï 

fôutenoient  le   fentiment  de  Melancbton; 
Voye:[  Ùbiquiste  oz/Ubiquitaire. 

PHILIPPOPOLI,  (G%r.  mod.)  ville 
de  la  Turquie  Européenne  ,  dans  la  Ro- 
manie  ,  dont  voje^  l'article  au  mot  Phi- 
LIPPOPOLIS.  {D.  J.) 

PHILIPPOPOLIS  ,  {Géogr.  anc.)  ville 
de  Thrace  au  nord ,  dans  les  terres  ,  & 
fur  l'Hebrus.  Elle  reconnoiflbit  Philippe  , 
fils  d'Amyntas ,  pour  fon  fondateur  ,  ou 
plutôt  pour  fon  reftaurateur  ,  &  elle  étoit 
déjà  célèbre  ,  lorfque  la  ville  de  Philippe  , 
Philippi  y  commença  à  faire  figure  dans 
le  monde. 

Cette  ville  fubfifle  encore  ,  &  s'appelle 
Philippopoli  y  ville  de  la  Turquie  en  Eu- 
rope ,  dans  la  Romanie ,  à  2,4  lieues  au 
defTus  d'Andrinople  ,  au  nord-oueft  ,  &  à 
68  de  Conftantinople.  Elle  eft  fans  mu- 
railles ,  &  bâtie  fur  trois  hauteurs  qui  , 
félon  les  apparences  y  lui  fervoient  autre- 
fois de  forterefîes.  Elle  a  au  ponent  la 
Marife,  quiefl  THebrus  des  anciens,  & 
qui  lui  fournit  les  commodités  de  la  vie  ; 
elle  efl  habitée  par  un  petit  nombre  de 
turcs  ,  de  juifs  &  de  chrétiens.  Long.  4.Z 
50, •  lat.  4z  z  A.{D.J.) 

PHILIPSTAD,  {Géogr.  mod)  petite 
ville  de  Suéde  dans  la  partie  orientale  du 
Vermeland.  Elle  efl  entre  des  marais  & 
des  étangs ,  à  7  lieues  nord  de  Carlcfladt  , 
42.  nord-ouefl  de  Stockolm.  Longit.  J2.  , 
5,-  latit.  S9  y30.{D,  J.) 

PHILISBOURG  ou  PHILIPSBOURG, 
{Géogr.  mod.)  ville  d'Allemagne ,  dans 
le  cercle  du  haut  Rhin  y  fur  iur  la  rive  orien- 
tale du  Rhin  ,  à  l'embouchure  de  la  Saltza  , 
à  2.  lieues  au  raidi  de  Spire,  ^  eft  de 
Landaw  ,  9  efl  de  Worms  ,  16  nord-eft 
de  Strasbourg,  &   no  fud  de  Paris.  (*) 


(*)  Louis  XIV  apprit  la  reddition  de  cette  place  par  M.  de  Louvois ,  étant  au  fermon  qui  fut  in- 
terrompu ,  le  premier  novembre  itf88  ;  enfuite  le  roi  dit  au  père  Gaillard:  te  Mon  père  ,  continuez 
»î  quand  il  vous  plaira,  c'eft  la  prife  de  Pè/7«^(7«r^,  il  faut  en  remercier  Dieu,  «  Le  Jéfuice  reprit  fon 
fermon  ,  &  il  fit  encrer  les  louanges  de  Monfeigneur;  ce  qui  plut  fort  à  tout  le  monde.  «  11  faut  croire, 
35  dit  l'éditeur  du  journal  de  Louis  XIV  ,  en  1770 ,  qu'on  étoit  bien  indulgent  alors  j  car  la  vérité  eft 
»  que  le  pcre  Gaillard  étoit  un  aflez  plat  prédicateur,  n 

C'eft  à  l'occafîon  de  la  prife  de  Fhilisbour^ ,  que  le  duc  de  Montaufier  écrivit  au  dauphin  cette  lettre 
digne  d'un  Romain,  te  Monfeigneur,  je  ne  vous  fais  pas  compliment  fur  la  prife  de  cette  place  ;  vous 
M  avez  une  bonne  armée  ,  une  excellente  artillerie  &  Vauban  ;  je  ne  vous  en  fais  pas  non  plus  fur  les 
»  preuves  que  vous  avez  données  de  bravoure  &  d'intrépidité  ,  ce  font  des  vertus  héréditaires  dans 
«  votre  maifon  ;  mais  je  me  réjouis  avec  vous  de  ce  que  vous  êtes  libéral,  généreux  ,  humain ,  faifaac 
p.  valoir  les  ferviccs  d'amrui  &  oubliant  les  vôtres  ;  c'eft  fur  q^uoi  je  vous  fais  mon  compligicnt.  ?i  (0) 


P  H  I 

Ce  n'étoit  autrefois  qu'un  village  appelle 
Udenheim,  où  Jean-George,  comte  palatin, 
bâtit  un  palais  pour  l'évêque  de  Spire  ,  en 
13 13:  Philippe-Chriflophe  de  Sotteren  , 
évêque  de  Spire ,  fortifia  ce  lieu  de  fept  bâf- 
rions, &  l'appella  Philippo-burgum.En  forte 
que  cet  endroit  eft  devenu  une  place  très-im- 
portante qui  appartient  à  l'évêque  de  Spire  , 
mais  où  l'empereur  a  droit  de  mettre  gar- 
nifon  en  temps  de  guerre  :  c'efl  auffi  pour 
cela  qu'elle  a  fouvent  été  prife  &  reprife  ; 
par  les  Suédois,  en  1^33;  parles  Impé- 
riaux ,  en  1635  i  par  Louis  de  Bourbon  , 
alors  duc  d'Enghein  ,  en  1644  ;  par  les 
alliés  ,  en  1676  ;  par  Louis  dauphin  de 
France ,  en  i588  ;  par  les  François ,  en 
1734  ;  mais  cette  place  fut  rendue  bientôt 
après  à  l'empereur  ,  par  le  traité  de  Vienne. 
long.  z6.  S',  l  5"  ,'  latit.  4S.  13'.  £o". 
(D.  J.) 

PHILISTINS  (les)  ,  (Geog.  facrée.) 
peuples  venus  de  Tîle  de  Caphtor  dans 
laPaleftine  ,  &  defcendus  des  Caphtorims , 
qui  font  forcis  des  Chafluims  ,  enfans  de 
Mizraïm ,  fuivant  le  récit  de  Moyfe ,  Gen. 

Dom  Calmet  a  tâché  de  prouver  dans 
une  dijfertation  fur  l'origine  &  les  divi- 
nités des  Philiftins  ,  que  l'île  de  Caphtor 
défignoit  l'île  de  Crète.  Le  nom  de  phi- 
lifiin  n'efi  point  hébreu.  Les  feptante  le 
traduifent  ordinairement  par  allophyli  ^ 
étrangers.  Les  Péléthéens  &  les  Céréthéens 
étoient  auffi  philifiins  ;  &  les  feptante  tra- 
duifent quelquefois  ,  comme  dans  Eiech. 
XXV y  i6.  Sophron.  xj y  5  ,  6* ,  céréthim 
par  x-priJut ,  Cretois.  Les  Chafluims  ,  pères 
^es  Caphtorims ,  demeuroient  originaire- 
ment dans  la  Pentapole  cyrénaïque  ;  félon 
le  Paraphrafle  Jonatham  ,  ou  dans  le  can- 
ton pentafchenite  de  la  bafle  Egypte , 
félon  le  paraphrafte  jérofolymitain. 

Nous  trouvons  dans  la  Marmarique  ,  la 
ville  d'Axilis  ,  &  dans  la  Lybie  Sagylis  , 
noms  qui  ont  quelque  rapport  avec  Chaf- 
luim.  Ce  pays  ell  fitué  près  de  l'Egypte , 
où  les  enfans  de  Mizraïm  ont  eu  leur  de- 
meure ;  &  il  eft  affis  vis-à-vis  de  l'île 
de  Crète.  Strabon  ,  /.  XVII ,  pag.  83  j  , 
ne  met  que  mille  flades  de  dillance  entre 
le  port  de  Cyrene  &  celui  de  Crète  , 
nommé  Criou-Metvpou  ou  front  de  bélier. 


PHI  66t 

Le  commerce  étoit  grand  entre  la  Cyré- 
naïque &  l'île  de  Crète  ,  comme  ilparoît 
par  Pline  &  Strabon.  il  y  a  donc  beau- 
coup d'apparence  que  les  Chafluims  en- 
voyèrent de  la  Cyrénaïque  des  colonies 
dans  cette  île  ,  lefquelles  paflTefent  delà 
fur  les  côtes  de  la  Palçfl^ine. 

Ce  fyflême  ingénieux  de  dom  Calmet , 
efl:  encore  appuyé  par  la  conformité  qui 
fe  trouve  entre  les  noms  de  Céréthim  & 
des  Cretois ,  &  par  plufieurs  traits  de  ref* 
femblance  entre  les  mœurs ,  les  armes  , 
les  divinités  ,  &  les  coutumes  de  ces  deux 
peuples. 

Les  Philifiins  avoient  déjà  des  villes 
dans  la  Paleftine  du  temps  d'Abraham.  Au 
commencement  du  règne  de  David ,  leur 
état  étoit  divifé  en  cinq  petites  fatrapies  ; 
ils  furent  aflujettis  par  David  ,  &  fournis 
au  roi  de  Juda  pendant  environ  240  ans. 
Pfammiticus  ,•  roi  d'Egypte  ,  prit  leur  ville 
Azoth ,  après  un  fiege  de  29  ans  ,  fuivanc 
Hérodote,  /.  II,  c.  clvij  ;  &  c'efl  le  plus 
long  fiege  de  ville  que  l'on  connoifle. 
Nabuchodonofor  affujettit  vraifemblable- 
ment  les  Philiftins  avec  les  autres  peuples 
de  la  Syrie  ,  de  la  Phénicie ,  &  de  la 
Palefline.  Ils  tombèrent  enfuite  fous  la 
domination  des  Perfes  ,  puis  fous  celle 
d'Alexandre  le  grand  ,  &  enfin  les  Afmo- 
néens  les  foumirent  à  leur  domination.  Le 
nom  de  Palefline  efl:  venu  des  Philifiins  , 
quoique  ces  peuples  n'en  pofledaiTent  qu'une 
petite  partie.  {D.  J.) 

PHILLUS ,  (  Géog.  anc.  )  ville  de  la 
Theflàlie^  Strabon,  /.  IX y  pag.  45^  , 
dit  que  c'étoit  dans  cette  ville  qu'étoit  le 
temple  de  Jupiter  Phyllcen.  (Z).  /.) 

PHILLYREA  ,  {Botan.  Jardinage.)  en 
anglois  mockprivet  y  en  siHcmund  fteinlinde. 

Caractère  générique. 

Un  calice  permanent  découpé  en  cinq  .' 
foutient  une  fleur  monopétale ,  dont  le 
tube  efl^  très-court  &  divifé  par  le  bord  en 
cinq  fegmens  renverfés  ;  on  y  trouve  deux 
étamines  courtes ,  oppofées  l'une  à  l'autre  , 
&  terminées  par  des  fommets  droits  & 
fimples  ;  au  centre  efl  fitué  un  embryon 
arrondi  ,    furmonté   d'un    flyle  délié  que 

1'  couronné    un   gros    fligmate  ;   l'embryon 
devient  une  baie  globuleufe  à  une  feuift 


(?(f2  P    H    I 

cellule  qui  contient  un^  femence   arroti-" 
die.  (*) 

Efpeces. 

1.  Phillyrea  A  feuilles  ovale-lancéolces 
entières  ;  vrai  filaria  des  jardiniers. 

Phillyrea  folio  opatç-lanceolatis  ,  inte- 
gerrimis.  Mill. 
Trice  phillyrea. 

2.  Phillyrea  à  feuilles  ovales  ,  prefque 
entières. 

Phillyrea  foliis  oyatis  fubintegerrimis. 
Mill. 

Broadleav*d  phillyrea. 

3.  Phillyrea  à  feuilles  cordiformes  , 
ovales  &  dentées. 

Phillyrea  foliis  cordato-ovatis  ^ferratis 
Hort.  Clif. 

Broad  leaved  prickly  phillyrea, 

4.  Phillyrea  à  feuilles  lancéolées  ,  entiè- 
res. Phillyrea  à  feuilles  de  troène. 

Phillyrea  foliis  lanceolatis  inte  gerrimis. 
Hort.  Clif. 

Prii>et  leaif*d  phillyrea. 

5.  Phillyrea  à  feuilles  lancéolées  ,  ovales 
&:  entières ,  à  fleurs  raflembiées  en  bou- 
quets axillaires. 

Olive  leaved  phillyrea. 

6.  Phillyrea  à  feuilles  lancéolées  étroites 
&  entières  ,  à  fleurs  raflembiées  en  bou- 
quets axillaires. 

Narrow-leavd  phillyrea. 

7.  Phillyrea  à  feuilles  étroites. 
Phillyrea  foliis  linearihus. 
Rofe  mary  leav'd  phillyrea. 


P  H  I 

8.  Phillyrea  à  feuilles  étroites  &  cré- 
nelées. 

Phillyrea  foliis  linearihus  crenatis.Hort, 
Colomb. 

Les  trois  premières  efpeces  s'élèvent  fur 
un  tronc  droit  à  près  de  vingt  pies  ,  & 
peuvent  être  plantées  fur  de  petites  allées 
dans  les  bofquets  d'hiver  ,  les  déferts  à 
l'angloife  &  les  parcs.  L'efpece  /z®.  6  par- 
vient à  la  hauteuir  de  dix  ou  douze  pies  ; 
les  /z"*.  4.  8)C  ^  atteignent  à  peine  à  dix 
pies ,  &  la  taille  du  n°.  7  n'excède  guère 
une  toife  :  quoique  tous  foient  indigènes 
des  parties  méridionales  de  l'Europe  ,  ils 
fupportent  néanmoins  les  rigueurs  de  nos 
hivers  ;  &  quoiqu'un  froid  exceflif  leur 
faflè  quelquefois  perdre  leurs  feuilles  & 
quelques  branches,  ils  fe  rétabliflent  pen- 
dant la  belle  faifbn.  Les  grandes  efpeces 
font  très-touffues  ,  &  forment  des  arbres 
d'un  afped  fort  agréable  ,  qui  procurent 
des  afyles  aux  oifeaux  &  les  invitent  à 
faire  plutôt  leurs  nids.  Les  efpeces  baflès 
forment  des  buiflbns  très-agréables  ;  toutes 
contribueroient  flnguliérement  à  la  décora- 
tion des  bofquets  d'hiver  ,  par  la  variété  du 
ton  de  leur  verd  obfcur  &  glacé  dans  cer- 
taines efpeces  ,  d'une  nuance  plus  herba- 
cée dans  d'autres ,  &  tirant  fur  le  glauque 
dans  la  pénultième  ,  ainfi  que  par  leurs 
feuilles  différemment  figurées  &  de  diverfe 
grandeur ,  &  leurs  rameaux  »  tantôt  rai- 
(èmblés  &  tantôt  épars. 

Les  phillyrea  peuvent  fe  multiplier  par 
leurs  baies  qu'il  faut  fe  procurer  des  pays 


(*)  Tournefort  compte  treize  efpeces  de  ce  genre  de  plante.  Décrivons  ici  la  plus  commune  qui 
eft  à  feuille  de  troène  ,  fhillyrea  folio  ligtijîri  ;  C.  B.  P.  476  &  /.  R.  H.  50^. 

Sa  racine  eft  ferme  enfoncée  profondément  en  terre.  Elle  pouffe  phifieurs  tiges  à  la  hauteur  de 
fîxàhuit  pies  ,  rameufes,  revêtues  d'une  écorce  blanchâtre  ,  un  peu  ridée.  Ses  feuilles  font^affez  fem- 
blables  à  celles  du  troène  ,  mais  plus  amples  &  plus  longues  ,  charnues  ,  d'un  verd  brun  ,  oppofées 
les  unes  aux  autres  ,  ou  deux  à  deux  le  long  de  la  tige  &  des  branches ,  toujours  vertes ,  d'un  goût 
aftringent. 

Ses  fleurs  naiffent  plufiaurs  enfemble  des  aiffelles  des  feuilles  ,  petites,  femblables  à  peu-près  à 
celles  de  l'olivier  ;  chacune  d'elles  eft  un  godet  découpé  en  quatre  parties  ,  de  couleur  blanche  ver- 
dâtre.  Après  que  ces  fleurs  font  paffées,  il  leur  fuccede  des  baies  fphériques  groffes  comme  celles 
du  myrte  noir,  quand  elles  font  miîres  ,  difpofces  en  petites  grappes ,  d'un  goût  douçatre,  accom- 
pagné de  quelque  amertume  ,  &  approchant  des  baies  de  genièvre  ;  elles  contiennent  chacune  un 
petit  noyau  rond  àc  dur. 

Cet  arbriffeau  croît  dans  les  haies  &  les  bois  aux  environs  de  Montpellier.  Il  fe  plaît  dans  les 
endroits  pierreux  ,  rudes  &  incultes  :  il  fleurit  en  mai  &  juin  ,  &  fon  fruit  eft  mûr  en  feptembre. 
Comme  fon  feuillage  eft  toujours  verd, on  en  fait  des  berceaux  &  de  jolie-s  palifladcs.  Elle  s'eleve 
facilement  de  graine  &  de  bouture.  On  la  tond  comme  on  veut  ,  en  buiffon  ,  en  boule  ,  en  haie, 
ea  efpalier.  La  médecine  ne  fait  point  ufage  de  cette  plante  ;  oa  ne  pcnfe  pas  même  que  o*  foit  la 
même  plante  que  la  philljrea  de  Diofcoiidc.  {D.J.) 


.¥' 


PHI 

chauds  ;  fi    on  les  feme   dans  de  petites 
caifTes  en  automne  ,  elles  lèveront ,  pour  la 
plus  grande  partie  ,  le  printemps  ibivant , 
pourvu    qu'on   mette  les    caifTes  fur    une 
couche  tempérée  :   à   la  fin  de  feptembre 
du  troifieme  été  ,  on   les  mettra  en  pépi- 
nière ,    à  deux  pies    &  demi  les    uns  des 
autres ,    &  on  les  y  cultivera  jufqu'à    ce 
qu'ils  aient  une  force  convenable:    alors 
on   les  enlèvera  en  motte  pour    les  fixer 
aux  lieux  où  ils   doivent   demeurer.    Ces 
arbres  fe  multiplient  auffi   très  -  ailément 
par    les   marcottes  ;    il  faut  coucher    en 
terre ,   au  mois  de    juillet ,    les   branches 
inférieures  les  plus  jeunes  &  les  plus  fou- 
pies  ,  avec   toutes  les  attentions  déraillées 
à  ïan.  AlatERNE^  la  féconde  automne 
elles  feront  fuffifamment   garnies  de  raci- 
nes :  on  pourra  les  enlever  pour  les  mettre 
en  pépinière  ou  les  planter  en  pot ,  jufqu'à 
ce  qu'elles  foient  en  état  de  figurer  dans 
les  bofquets  pour  lefquels  on  les  defline  : 
on    peut  auiii    les  greffer  les  uns  fur  les 
autres  ;,  &  j'ai  fait  reprendre  les  boutures 
de  quelques  efpeces  :   une  terre  franche , 
ni  feche  ,  ni  humide  ,  mais  douce ,  onc- 
tueufe   &  un   peu    fraîche  ,   elf  celle   qui 
leur    convient  le    mieux  ;  mais  ils    n'en 
rebutent  aucune  ,     fi  ce  n'eif  celles    qui 
font  trop  abreuvées.  La  fin  de  feptembre 
ou  le  commencement  d'oftobre  eftle  temps 
le  plus  propre  à  leur  tranfplantation ,  qu'il 
faut    toujours  faire   avec   la  motte  ;    &  à 
l'égard  des    marcottes^  en  laiflant  autant 
de  terre  que  l'on  pourra  après  les  racines  , 
&  les  confervant  bien   entières  ;    car   cgs 
arbres    ne    reprennent    fûrement    qu'avec 
ce.<:   précautions.   J'en   al  planté  à  la   mi- 
avril  avec  affrz    de  luccès.  (M.  le  Baron 
DE    TSCHOUDI. 

FHÎL030ETUS  ,  (  Geogr.  anc.  ) 
montagne  de  la  Béotie  ,  dans  la  plaine 
d'Ela:ée  ,  félon  Ortelius,  qui  cite  Plutar- 
que  ;  mais  Plutarque,  in  Syllâ  y  dit  fim- 
plement  qu'il  y  avoit  dans  la  plaine  d'Elatée 
une  éminence ,  où  Hortenfius  &  Sylla  cam- 
pèrent. Cette  éminence  étoit  très-fertile  , 
couverte  d'arbres ,  &  au  pié  couloit  un 
ruifleau.  Plutarque  avance  que  Sylla  van- 
toit  extrêmement  la  fituation  de  ce  lieu. 
Au  refîe,  le  texte  grec  porte  ^'AoiHsiwrof , 
PhUoboews.  {D,J^ 


P  H  I  66^ 

PHILOCANDROS  ,  {Gcog.  anc.)  ÎI« 
de  la  m£r  Egée  ,  &  l'une  des  Cyclades , 
félon  Ptolomée ,  /.  /// ,  c,  xv.  Pline  , 
/.  IV y  c.  xij  y  &  Etienne  le  géographe 
écrivent  Pholecandros ,  &  la  mettent 
parmi  \ts  îles  Sporades.  Hefyche  écrit 
Phlegandos.  On  la  nomme  aujourd'hui 
Policandro  :  elle  elf  entre  les  îles  de  Milo 
&  de  Sikino.  [D.J.) 

PHILOGEE  ,  f.  m.  {Mythol)  c'eflle 
nom  d'un  des  chevaux  du  foleil  :  ce  mot 
fignifie  qui  aime  la  terre  ,  de  (?/aw  ,  'faime , 
&  yn  y  terre  j  il  prend  ion  nom  du  foleil  à 
fon  coucher  ,  où  il  paroît  tendre  vers  là 
terre.  Quand  cet  afire  s'abaifle,  qu'il  femble 
s'élargir  par  degrés  au  déclin  du  jour  ;  que 
les  nuages  entourent  avec  magnificence  le 
trône  du  couchant ,  comme  difent  nos 
poètes;  c'eft  dans  cet  infiant,  fi  l'on  en 
croit  les  chantres  fabuleux  de  la  Grèce  , 
que  Phébus  donnant  relâche  à  fes  cour- 
fiers  fatigués  ,  Philogee  ,  Pyroeis  ,  Eous 
&  Ethon ,  cherche  les  bofquets  d'Amphi- 
trite  pour  fe  repofer  lui-même  avec  las 
nymphes  océanides.  Il  baigne  (es  rayons  à 
moitié  plongés  ,  &  bientôt  montrant  un 
demi -cercle  doré,  il  donne  un  dernier 
regard  lumineux  ,  &  difparoît  enfin  tota- 
lement dans  le  fein  de  Téthis.    {D.J.) 

PHILOLAUS  ,  (  Mythol.  )  Efculape 
avoit  un  temple  près  de  la  ville  d'Afope 
dafltt|^  Laconie  ,  où  il  étoit  honoré  fous 
le  imm  de  Fhilolai/s  y  c'efi-«-dire  3o«  & 
falutaire  aux  hommes.  Il  ne  pouvoit  avoir 
un  fùrnom  plus  glorieux.  {D.  J.) 

PHILOLOGIE  ,f.  f.  {Littér.)  efpe^e 
de  fcience  compofée  de  grammaire  ,  de 
poétique,  d'antiquités  ,  d'hifloire  ,  de  phi- 
lofophie  ,  quelquefois  même  de  mathéma- 
tiques,  de  médecine,  de  jurifprudence , 
fans  traiter  aucune  de  ces  matières  à  fond, 
ni  féparément,  mais  les  effleurant  toutes 
ou  en  partie. 

Ce  mot  eil  dérivé  du  grec  (^l^of  &  Koyof , 
amateur  des  difcours  j  des  lettres  ou  des 
fciences. 

La  philologie  efl  une  efpece  de  littéra-- 
ture  univerfelle,  qui  traite  de  toutes  les 
fciences  ,  de  leur  origine  ,  de  leur  progr«ès  , 
des  auteurs  qui  les  ont  cultivées ,  Ùc. 
Voye^  POLYMATHIE. 

La  philologie  n'efl  autre  chofe  que  ce 


é^4  PHÎ- 

que  nous  appelions  en  France  les  lelles- 
lettres  ,  &  ce  qu'on  nomme  dans  les  uni- 
verfiiés  les  humanités  y  humaïuores  litterœ. 
Elle  faifoit  autrefois  la  principale  &  la  plus 
belle  partie  de  la  grammaire.  V.  GRAM- 
MAIRE (&  Grammairien. 

PHILOLOGUE ,  f.  m.  {Lit.)  on  appelle 
ainfi  quiconque  embraflè  cette  littérature 
univerlèlle  qui  s'étend  fur  toutes  fortes  de 
fciences  &  d'auteurs  ^  comme  ceux  qui  ont 
travaillé  fur  les  anciens  autCurs  pour  \ts 
examiner  ,  les  corriger ,  les  expliquer  & 
les  mettre  au  jour. 

Eratoflhene  ,  bibliothécaire  d'Ale^fan- 
drie  ,  fut  le  premier  qui  porta  le  nom  de 
philologue  y  fî  l'on  en  croit  Suétone  ,  ou 
celui  de  critique  y  lelon  Clément  alexan- 
drin. Il  vivoit  du  temps  de  Ptoléraée 
Pliiladelphe  ,  &  mourut  fort  âgé  dans  la 
cxlvj  olympiade.   ^ 

On  compte  encore  parmi  \ts  philologues 
fameux  dans  l'antiquité  ,  Varron  ,  Afco- 
nius  Pedianus  ,  Pline  l'ancien  ,  Lucien  , 
Aulugele  ,  Athénée  ,  Julius  Pollux ,  Solin , 
Philoltrate  ,  Macrobe  ,  Donat ,  Servius  , 
Stobée  ,  Fhotius,  Suidas,  Ùc. 

Entre  les  modernes,  les  deux  Scaliger, 
Turnebe ,  Cafaubon  ,  Lambin ,  les  VolTius 
&  les  Heinfius  ,  Erafme  ,  Jufte-Lipfe  ;  les 
PP.  Sirmond  ,  Petau  &  Rapin  ,  Grono- 
vius ,  Graevius  ,  Spelman  ,  ô'c.  fe  font  fort 
diftingués  dans  la  philologie.  Elle  eflUlès- 
cultivée  en  Angleterre  ,  en  Allemagne  & 
en  Italie.  Notre  académie  de  belles-lettres 
s'efforce  de  la  remettre  en  honneur  parmi 
nous  ,  &  rien  n'y  efl  plus  propre  que  les 
mémoires  curieux  dont  elle  enrichit  le 
public. 

PHILOMELE,  f.  f.  {Mythol)  Les 
mythologues  ont  parlé  de  Progné  &  de 
JPhilomele  d'une  manieretrcs-peu  uniforme. 
L'opinion  généralement  reçue  par  les  mo- 
dernes ,  eft  que  Progné  fut  changée  en 
hirondelle ,  &  Philomele  en  roflignol ,  & 
c'eft  auffi  le  fentiment  de  quelques  anciens; 
cependant  d'autres  ,  en  grand  nombre  ,  ont 
dit  le  contraire.  Homère  ,  par  exemple  , 
au  XIX  livre  de  Vodyjfe'e  ;  Ariffophane 
&  fon  Tcholiaffe  ,  dans  la  comédie  des 
oifeaux  ,*  Anacréon  ,  dans  fa  xij  ode  ; 
Ovide  ,  dans  Vépitre  de  Sapho  ,  &  Var- 
ron ,  au  IV  livre  de  la  langue  latine.  Ce 


P  H  I 

contrafte  forme  une  double  tradition  fa- 
buleufe  ,  &  met  les  poètes  en  droit  de 
choifir.  Virgile  a  fait  plus  ,  car  il  a  luivi 
tantôt  l'une  &  tantôt  l'autre  tradition  ; 
dans  la  vj  bucolique  il  change  Philomele 
en  hirondelle  ,  &  au  IV  livre  de  fes 
géorgiques  ,  il  en  fait  un  roffignol. 

On  fait  que  Progné  &  Philomele  étoient 
deux  fcEurs  extrêmement  belles  ,  &  filles 
de  Pandion.  Térée ,  roi  de  Thrace  ,  époufa 
Progné ,  &  fe  livra  à  la  brutalité  de  fa 
paflion  pour  Philomele  ,  après  l'avoir  con- 
duite dans  un  bois  écarté.  Ovide  vous  dira 
les  fuites  de  cette  déplorable  aventure  ; 
le  changement  de  Philomele  en  roflignol , 
de  Progné  en  hirondelle,  & -de  Térée 
en  huppe.  Il  fcmble  que  la  mythologie  , 
par  ces  métamorphofes  ,  ait  voulu  peindre 
le  caradere  de  ces  différentes  pcrfbnnes  ; 
mais  la  Fontaine,  en  adoptant  la  fable  ,  a 
fu  en  tirer  un  parti  bien  plus  heureux 
dans  la  réflexion  fine  &  judicieufe  qu'il 
prête  à  Philomele.  Progné  la  trouvant 
enfin  dans  un  féjour  folitaire ,  lui  dit  : 

Vene:^  faire    aux    cités    éclater  leurs 

merveilles  ,• 

AuJJl-bien  en  voyant  les  bois  y 

Sans  cejfe  il  vous  fouvient  que  Térée 

autrefois 

Parmi  des  demeures  pareilles  , 

Exerça  fa  fureur  fur  vos  divins  appas. 

Eh  !    c'ejî  le  fouvenir  d'un  Ji  cruel 

outrage 
Qui  fait  y  reprit  fa  fœur  y   que  je  ne 
vous  fuis  pas  ; 
En  voyant  les  hommes  y  hélas  ! 
Il  m'en  fouvient  bien  davantage. 
(D.J.)  ^ 

PHILONIUM  ,  f.  m.  (Mat.  méd.anc.) 
efpece  d'opiat  anodin  &  fomnifere,  ainfî 
nommé  de  Philon  fon  inventeur.  Galien 
dit  que  le  philonium  jouiflbit  d'une  grande 
réputation  depuis  long-temps  ,  &  que  ce 
médicament  étoit  un  des  plus  anciens  de 
ce  genre  ,  ce  qui  fignifie  plus  ancien  que 
le  mithridate  ,  la  thériaque  ,  la  hiere  & 
autres  femblables.  Cependant  il  efl  permis 
de  douter  que  la  compofition  du  Philonium 
fût  tout-à-tait  auflî  ancienne  que  le  mi- 
thridaltc  ;  mais  elle  alloit  apparemment  de 

pair 


PH  ï 

pair  pour  le  temps ,  avec  la  hlere  fimpîe  ,1 
inventée  par  Thémifon  qui  vivait  fous  le 
règne  d'Augufte.  La  thériaque  étoit  plus 
nouvelle ,  car  ce  ne  fut  que  fous  Néron 
qu'on  commença  à  la  compofer.  Ce  qui 
fait  croire  que  le  phiLonium  étoit  un  peu 
poftérieur  au  mithridate,  c'eft  que  Philon 
recommande  fon  remède  pour  la  collique. 
Or  cette  maladie  n'a  pas  été  connue  fous 
ce  nom  ,  long-temps  avant  le  règne  de 
Tibère.  Il  eft  donc  aHez  vraifemblable  que 
Philon  a  vécu  fous  Augufte  ,  à-peu-prèsen 
même  temps  que  Thémifon ,  &  les  pre- 
miers difciples  d'iA-fclépiade  ;•  cette  date 
n'empêche  pas  que  Galien  n'ait  dû  parler 
an philoniumcomme  d'une  ancienne  com- 
pofition,  puifqu'il  n'a  écrit  qu'environ  deux 
cents  ans  après  le  temps  auquel  nous  fup- 
pofons ,  avec  M.  le  Clerc  ,  que  cette  com- 
poiition  a  été  inventée.  Au  refte  ,  elle  efl 
très-mal  digérée  ;  mais  quiconque ,  du  temps 
de  Galien  ,  fe  iéroit  aviié  de  le  dire  ,  eût 
pifTé  pour  atteint  du  crime  delefe-pharma- 
cie  ,  &  rarement  les  médecins  en  ont  été 
coupables.  fD.  J.) 

PHILO NIUS  FORTUS,{ Géograp, 
anc.J  port  de  l'île  de  Corfe.  Ptolomée  , 
/.  ///,  c.  ij ,  le  place  fur  la  côte  méridio- 
nale ,  près  d'Alifta.  Niger  &  Léander  di- 
fent  que  c'eft  aujourd'hui  Porto-Vecchio. 
(D.J.) 

PHILOPARABOLOS  ,  (  Méd,  anc.  ) 
çro7*p4ê?oAor,épithetequ'Afclépiade  donne 
à  l'une  des  deux  méthodes  dont  il  fe  fervit 
dans  la  cure  de  la  frénéfie  ;  &  cette  épi- 
thete  fignifie  une  méthode  violente,  par 
oppofition  à  l'autre  qu'il  pratiquoit.  Or 
cette  méthode  violente  qu'il  novamoM phi- 
loparaholos  ,  terme  dont  Plutarque  cnfuite 
s'ert  fervi  pour  défigner  un  homme  qui  fe 
jette  fans  ménagement  dans  les  plus  grands 
dangers,  confiftoit  à  donner  au  malade, 
dès  la  première  viiïte  ,  un  grand  verre  de 
via  pur,  mêlé  avec  de  l'eau  falée.  Ce  re- 
mède ,  dit  le  médecin  grec ,  eft  fort  à  la  vé- 
rité ,  mais  il  a  cet  avantage  fur  le  mulfum 
&  les  autres  liqueurs  femblables  ,  d'arrêter 
les  fueurs  coliquatives ,  d'élever  le  pouls  , 
&  d'opérer  par  la  détention  du  ventre  ,  la 
guérifon  du  malade.  (  D.J.  ) 

PHILOPATOR,  {Hifi.  anc.  )  furnom 
donné  par  les  anciens  à  quelques  prmces 
Tome  XXV,  '   ~    ' 


PHI  éS^ 

qui  s'étolent  diftingués  par  leur  tendrefTe 
pour  leurs  pères  ;  comme  l'exprime  ce 
mot  tirédeç/'/of,  amateur ,  &  <T<AT«f  ,perc. 
On  connoît  dans  l'hiftoire  d'Egypte,  Pto- 
Xirviio.  F hilopator ,  &  dans  celle  des  rois  de 
Syrie,  un  Seleucus  &  un  Antiochus  diftin- 
gués  des  autres  princes  du  même  nom,  par 
le  titre  de  Philopator. 

PHILOPEMEN,  {Flift.  anc.  Hifl.  de 
la  Grèce.  J  né  à  Mégalopolis,  ville  d'Arca- 
die  ,  mérita  par  fes  vertus  d'être  appelle  le 
dernier  des  Grecs.  Le  camp  fut,  pourainfi 
3ire,  fon  berceau  ;  mais  quoique  (es  pen- 
chans  fuiTent  tournés  vers  la  guerre,  il  prit 
les  leçons  d'Arcéfilas  ,  qui  avoit  ouvert  une 
école  pour  former  de  véritables  citoyens  : 
fa  philofophie  n'avoit  point  pour  but  d'éta- 
ler des  préceptes  faftueux,  ni  d'exciter  une 
curioiité  ftérile-,  il  apprenoit  à  fervir  la  patrie 
dans  les  difFérens  emplois  du  gouverne- 
ment. Épaminondas  fut  le  modèle  qu'il 
choifit ,  &  il  allia  ,  comme  lui ,  les  devoirs 
de  la  philofophie  aux.exercices  de  la  guerre  : 
lesmomens  qui  n'étoientpas  confacrés  au 
fervice  de  la  république,  étoient  employés 
à  lachaiTe,  à  l'agriculture,  &  à  d'autres 
exercices  propres  à  endurcir  le  corps  & 
à  former  un  véritable  homme  de  guerre  : 
on  le  voyoit  conduire  fa  charrue  ,  & 
faire  lui-même  ce  qu'il  pouvoir  com- 
mander aux  autres  ;  toujours  occupé  dans 
fon  loifir  ,  il  fe  déîaffoit  de  (es  travaux 
par  la  leélure  d'Homère  ou  de  la  vie 
d'Alexandre ,  où  il  puifcit  de  grandes  le- 
çons d'héroiïme. 

Ce  fut  contre  Cléomene  ,  roi  de  Sparte , 
qu'il  fit  fon  apprentiffage  de  guerre;  (q^ 
manœuvres  favanres  &  fon  courage  tran- 
quille décidèrent  de  la  viftoire  à  la  jour- 
née de  Selafie.  La  trêve  rendant  (qs  talens 
inutiles  ,  il  fe  tranfporta  dans  la  Crète 
pour  fe  perfeftionner  dans  l'art  militaire  ; 
à  fon  retour  dans  fa  patrie  ,  il  fut  nommé 
général  de  la  cavalerie  ;  ce  n'ouveau  grade 
le  mit  dans  l'exercice  de  (qs  taléns.  La 
difcipiine  militaire  fut  mife  en  vigueur, 
tous  les  citoyens  devinrent  foldats  ;  les 
infracleurs  furent  punis  avec  févérité,  ÔC 
l'oblervation  des  devoirs  fut  récompenfée 
parles  mêmes  diftinélions  dont  on  honore 
la  valeur.  Le  changement  qu'il  fit  dans 
l'armure  du  foldat ,  le  nouvel  ordre  de 

PPPP 


^5(5       ^         PHI 

bataille  qw'il  établit ,  les  rangs  devenus  plus 
ferrés  &c  plus  difficiles  à  rompre ,  affurerent 
la  Tupériorité  aux  Athéniens  fur  tous  les 
peuples  de  la  Grèce.  Général  &  légiflateur, 
il  ht  dés  loix  fomptuaires  pour  réprimer  le 
luxe  qui  amoUifToit  les  courages  ;  fafimpli- 
cicé  &  fon  défintéreffement  donnèrent  de 
la  force  à  Tes  loix  ;  &  il  établit  dans,  la 
fociété  civile  une  difcipline  auffi  auftere 
que  celle  du  camp;  mais  il  laiffa  fubfifter 
dans  l'armée  un  certain  luxe  militaire  qui 
lui  parut  néceffaire  ;  il  voulut  que  tou^ 
les  équipages    fufient   riches   ^  magnifi 
ques  :  chacun  fe  livra  à  l'ambition  d'avoir 
Xes  plus  beaux  chevaux  &  les  plus  belles 
armes  :  il  crut ,  comme  Céfar  &  Plutarque , 
que  cette  pompe  militaire  étoir  propre  à 
élever  le  courage  du  foldat ,  &  à  lui  donner 
une  plus   haute  idée  de  lui  -  même  ;  on 
conferve  avec  loin  ce  qu'on  chérit.  Il  fut 
le  feul  qui  ne  participa   point  à  ce  luxe; 
toujours  iimple  &  négligé ,  il  dédaigna  les 
ornemens  qui  pouvoient  déguifer  l'irrégu- 
larité de  fes  traits  ;  fa  phyfionoraie  étoit 
baffe  &:  ignoble  ;  la  nature  avoit   tout 
épuifé  pour  former  fon  ame ,  il    en   fit 
Fexpérience  un  jour  qu'il  fut  invité  à  un 
feftin,  chez  un  de  fes  amis  dont  la  femme 
jugeant  à  fa  figure  qu'il  ne 'pouvoir  être 
que   d'une  vile  condition  ,  lui  dit  :  gar- 
içon ,  foyez  bon  à  quelque  ehofe  ,  aidez- 
moi  à  faire  la  cuifine;  le  philofophe  guer- 
rier, fans  fe  fentir  humilié  ,  fe  mita  fendre 
du  bois  :  fon  ami  étant  furvenu  ,  s'écria 
avec  étonnement  :  feigneur  Philopemeriy 
que  faites- vous  là?  Je  paie,  répondit-il, 
l'inrérêt  de  ma  mauvaife  mine. 

Les  Achéens  l'ayant  élu  pour  leur  géné- 
ral ,  il  fe  montra  bientôt  digne  d'occuper 
ce  premier  grade  de  la  milice ,  par  la  dé- 
faite des  Lacédémoniens  dans  les  plaines 
de  Mantinée.  Les  fuyards  qui  avoient  cru 
trouver  un  afyle  dans  Tégée,  furent  ou 
maffacrés,  ou  faits  efclaves  ,  lorfque  cette 
ville  eut  été  prife  d'affaut.  Le  tyran  Ma- 
chanidas  fut  tué  dans  la  chaleur  du  com- 
bat :  cette  viftoire  rendit  la  fupériorité 
aux  Achéens  qui ,  pour  immortalifer  leur 
reccnnoiffance ,  érigèrent  une  ftatug  de 
broiize  à  leur  général,  qui  reçut  encore 
un  hommage  plus  flatteur  dans  la  célé- 
braticii  dies  jeux  Nétnéens;  il  parut  ûir 


PHI 

le  théâtre  accompa-gné  de  la  jeuneffe  bel- 
liqueufe  qui  compofoit  fa  phalange  ,  dans 
le  temps  que  le  muficien  Pilade  chantoit 
ces  vers. 

Ce/?  met  qui  couronne  vos  têtes 
Des  Jlcurons  de  La  Liberté, 

Tous  les  fpe(5lateurs  fixèrent  leurs  regards 
fur  PhiLopemen  ;  &  un  grand  battemetit 
de  m.ains  fut  le  témoignage  non  fufped  de 
l'amour  public  pour  ce  héros. 

Nabis ,  fucceffeur  de  Machanidas  ,  le 
furpaffoit  encore  en  cruauté  ;  fléau  de  l'hu- 
manité ,  il  en  étoit  devenu   l'exécration. 
Les  Achéens,  pour  délivrer  la  Grèce  de  ce 
monftre  ,  lui  déclarèrent  la    guerre,   ÔC 
PhiLopemen  fut  nommé  général  :  la  valeur 
trahit  fa  prudence  dans  une  bataille  navale  j 
mais  prorapt  à  réparer  fes  pertes  ,  il  fe  pré- 
fenta  devant    Sparte,    &   remporta  une 
grande  viftoire  fur  le  tyran  ,  qui  fut  con- 
traint de  fe  tenir  enfermé  dans  la  ville.  Le 
défordre  où  l'avoient  jeté  les  différentes 
faélions  ,  donna  à  PhiLopemen  la  facilité 
d'y  entrer  avec  un  corps  de  troupes;  aufl[i- 
tôt  il  convoque  l'affemblée  ,  &:  perfuade 
les  Spartiates  qu'il  eft  de  leur  intérêt  d'em- 
^braffer  la  querelle  des  Achéens  :  cette  ac* 
tion  qui  le  couvroit  de  gloire,  fervit  en- 
core à  faire  éclater  fon  défintéreffement;, 
les  Spartiates  lui  firent  préfent  de  ving^t  ta- 
lens  qu'il  eut  la  générofité  de  refufer. 

Cette  alliance  fut  bientôt  rompue  par  les  . 
intrigues  de  la  faftion  turbulente  de  Na- 
bis. Les  Achéens  offenfés  de  cette  perfidie  ^ 
fe  préparèrent  à  la  guerre.  PhiLopemen^  à 
la  tête  d'une  armée  ^  fe  préfenta  devant 
Sparte  ,  étonnée  de  fa  célérité  ;  il  exigea, 
qu'on  lui  livrât  les  artifans  des  troubles  r 
étant  enfuite  entré  dans  la  ville ,  il  en  fit 
fortir  les  foldats  étrangers  qui  en  troubloient 
la  tranquiUi;é.  Les  murs  furent  démolis  ,^&C 
les  loix  de  Lycurgue  furent  pour  jamais, 
abrogées.. 

Ce  fiit  dans  ce  temps-là  que  les  Meffé- 
niens  fe  détachèrent  de  la  ligue  des 
Achéens  r  PhiLopemen  fe  mit  à  la  tête 
d'une  armée  pour  les  punir  de  cette  infidé- 
lité; il  étoit  alors  âgé  de  foixante  ans  y. 
&:  il  avoit  encore  tout  le  feu  de  la  jeuneffe  t 
le  combat  s'euigaga  fous  les  murs  de  Mef- 


PHI 

fene  ;  ra£î:ion  fut  vivement  difputée;  Phi- 
lopemcn  s'y  furpafTa  lui-même  ;  il  auroit 
fixé  la  fortune  du  combat,  s'il  ne  fût  tombé 
de  cheval  couvert  de  bleffures.  Les  Meffé- 
niens  le  chargèrent  de  fers,  &  le  jetèrent 
dans  un  fombre  cachQt.  Quelques  jours 
après  ils  le  condamnèrent  à  terminer  fa 
vie  par  le  poifon  ;il  fe  fournit  fans  murmu- 
rer, à  fon  arrêt  ;  il  prit  la  coupe  empoi- 
fonnée  avec  la  même  tranquillité  qu'il  auroit 
bu  une  liqueur  délicieufe  ,  &:  il  mourut 
quelques  momens  après. 

Les  Achéens  ne  lalfferent  point  cette 
atrocité  impunie  ;  ils  entrèrent  dans  la 
Meffénie,  dérerminésàenfairele  tombeau 
de  (q5  habirans.  Tous  les  auteurs  de  la 
mort  du  héros  expirèrent  dans  les  fupplices 
auprès  de  fon  tombeau  :  on  lui  fit  des 
obfeques  magnifiques  ;  {es  cendres  furent 
tranfportées  à  Mégalopolis  où  il  avoit 
pris  naiffance.  La  pompe  funéraire  ref- 
fembloit  à  la  marche  d'un  triomphateur; 
toute  l'armée  fuivoit  le  convoi ,  oc  les 
liabitans  des  villes  &  des  villages  s'em- 
preifoient  fur  le  paffage  pour  y  jeter  des 
fleurs.  L'année  de  fa  mort  fut  encore  re- 
marquable par  la  mort  de  Scipion  &  d'An- 
nibal.  (  T-nJ 

PHILOSÉB  ASTE ,  {Ant.  greq  &  rom.) 
çi\B<TS^ct(rjo{,  c'eft-à-dire ,  ami  d'Augufie. 
C'étoit  un  titre  que  des  princes  &  des  villes 
prenoientafin  de  témoigner  publiquement 
leur  attachement  à  quelque  empereur.  Ce 
titre  fe  trouve  fur  des  marbres  de  Cyzique , 
&  fur  d'autres  infcriptions.  Il  ne  faut  pas 
s'étonner  que  la  ville  de  Cyfique  s'en  foit 
décorée ,  puifque  l'empereur  Adrien  l'avoit 
comblée  de  bienfaits.  Il  y  a  dans  Mura- 
tori ,  P.  DXC.  1,  une  infcription  qui 
montre  que  la  ville  d'Ephefe  avoit  auffi 
pris  la  qualité  de  philoftbafie.  Plufieurs 
villes  &  plufieurs  princes  ont  pris  fem- 
blablement  la  qualité  ôi^ami  des  Romains  , 
Çi>.of cftstof ,  &  à' ami  de  Cèfar  ^  ç/a  ntifct^, 
&c.  CD.J.) 

PHILOSOPH  ALE  (pierre),  voye^  Us 

articles  HERMÉTIQUE  ,  PHILOSOPHIE  , 

Chymie. 

PHILOSOPHE ,  f.  m.  Il  n'y  a  rien  qui 
coûte  moins  à  acquérir  aujourd'hui  que 
le  nom  de  phdojophe  \  une  vie  obfcure  & 


P    H  I  6C-f 

retirée,  quelques  dehors  de  fageiïe,  avec 
un  peu  de  leâiure  ,  fuffifent  pour  attirer  ce 
nom  à  des  perfonnes  qui  s'en  honorent 
fans  le  mériter. 

D'autres  en  qui  la  liberté  de  penfer  tient 
lieu  de  raifonnement ,  fe  regardent  comme 
les  feuls  véritables  philojophes  ,  pa  ce 
qu'ils  ontofé  renverfer  les  bornes  facrées 
pofées  par  la  religion,  &  qu'ils  ont  brifé 
les  entiaves  où  la  foi  mettoit  leur  raifon. 
Fiers  de  s'être  défaits  dei  préjngés  de  l'é- 
ducation ,  en  matière  de  religion  ,  ils  re- 
gardent avec  mépris  les  autres  comme  des 
âmes  foibles  ,  des  génies  ferviles ,  des  ef- 
prits  pufillanimes  qui  felaiffent  effrayer  par 
les  conféquences  où  conduit  l'irréligion  , 
&  qui,  n'ofant  fortir  un  inftant  du  cercle 
des  vérités  établies  ,  ni  marcher  dans  des 
routes  nouvelles  ,  s'endorment  fous  le 
joug  de  la  fuperftition. 

Mais  on  doit  avoir  une  idée  plus  jufte 
du  philofophe  ,  &  voici  le  caraftere  que 
nous  lui  donnons. 

Les  autres  hommes  font  déterminés  à 
agir  fans  fentir  ni  connoître  les  caufes  qui 
les  font  mouvoir ,  fans  même  fonger  qu'il 
y  en  ait.  Le  philofophe  au  contraire  dé- 
mêle les  caufes  autant  qu'il  eft  en  lui ,  & 
fouvent  même  les  prévient ,  &  fe  livre  à 
elles  avec  connoifîance  :  c'eft  une  hor- 
loge qui  fe  monte,  pour  ainfi  dire  ,  quel- 
quefois elle-même.  Ainfi  il  évite  les  oÎDJets 
qui  peuvent  lui  caufer  des  fentimens  qui 
ne  conviennent  ni  au  bien-être,  ni  à  l'être 
raifonnable  ,  &  cherche  ceux  qui  peuvent 
exciter  en  lui  des  affeâ:ions  convenables  à 
l'état  où  il  fe  trouve.  La  raifon  eftà  l'égard 
du  philofophe ^ct  que  la  grâce  eft  à  l'égard 
du  chrérien.  La  grâce  détermine  le  chré- 
tien à  agir  ;  la  raifon  détermine  le  philo- 
fophe. 

Les  autres  hommes  font  emportés  par 
leurs  pafllons ,  fans  que  les  avions  qu'ils 
font  foient  précédées  de  la  réflexion  ;  ce 
font  des  hommes  qui  marchent  dans  les 
ténèbres;  au  lieu  que  \t  philofophe  ^  dans 
fes  paflions  mêmes ,  n'agit  qu'après  la  ré- 
flexion ;  il  marche  la  nuit^  mais  il  eft  pré- 
cédé d'un  flambeau. 

Le  philofophe  forme  fes   principes  fur 

une    infinité    d'obfervations  particulières. 

i  Le  peuple  adopte  le  principe  fans  penfçr 

Pppp  2 


I 


658  PHI 

aux  obfervations  qui  l'ont  produit  r  11  croît 
que  la  maxime  exifte  ,  pour  ainfi  dire  ,  par 
eile-même  ;  mais  le  philofophe  prend- la 
maxime  dès  fa  fource  ;  il  en  examine  l'o- 
rigine ;  il  en  connoît  la  propre  valeur  ,  & 
n'en  fait  que  l'ufage  qui  lui  convient. 

La  vérité  n'efl:  pas  pour  \e  philofophe  Mne 
jnaurefTe  qui  corrompe  fon  imagination  , 
&  qu'il  croie  trouver  par-tout  ;  il  fe  con- 
tente de  la  pouvoir  démêler  où  il  peut  l'ap- 
percevoir.  Tl  ne  la  confond  point  avec  la 
vraifemblance  ;  il  prend  pour  vrai  ce  qui 
eft  vrai ,  pour  faux  ce  qui  eft  faux ,  pour 
douteux  ce  qui  eft  douteux  ,  &  pour  Vrai- 
femblable  ce  qui  n'efl  que  vraifemblable.  Il 
fait  plus,  &  c'eft  ici  une  grande  perfection 
àw  philofophe  ,  c'eft  que  lorfqu'il  n'a  point 
de  motif  propre  pour  juger,  il  fait  demeu- 
rer indéterminé. 

Le  monde  eft  plein  de  perfonnes  d'ef- 
prit  &  de  beaucoup  d'efprit,  qui  jugent 
toujours;  toujours  ils  devinent,  car  c'eft 
deviner  que  de  juger  fans  fentir  quand  on 
a  le  motif  propre  du  jugement.  Ils  ignorent 
la  portée  de  l'efprit   humain;  ils  croient 
qu'il  peut  tout  connoître  :  ainfi  ils  troiivent 
de  la  honte  à  ne  point  prononcer  de  juge 
ment ,  &  s'imaginent  que  l'efprit  confifte 
à  juger.  hQ philofophe  ex o\i  qu'il  conftfte  à 
bien  juger  :  il  eft  plus  content  de  lui-même 
quand  il  a  fufpendu  la  faculté  de  fe  déter- 
miner, que   s'il  s*étoit    déterminé  avant 
d'avoir  fenti  le  motif  propre  à  la  décifton. 
Ainfi  il  juge  &  parle  moins  ,  mais  il  juge 
plus  fûrement   &  parle  mieux;  il  n'évite 
point  les  traits  vifs  qui  fe  préfentent  natu- 
rellement à  l'efprit  par  un  prompt  affem- 
blage  d'idées  qu'on  eft  fouvent  étonné  de 
voir  unies.  C*eft  dans  cette  prompte  liaifon 
que  confifte  ce  que  communément  on  ap- 
pelle cfprit  ;  mais  aufti  c'eft  ce  qu'il  recher- 
■che  le  moins ,  &  il  préfère  à  ce  brillant  le 
foin  de   bien  diftinguer  fes  idées ,  d'en 
connoître  la  jufte  étendue  &  la  liaifon  pré- 
cife ,  &  d'éviter  de  prendre  le  change  en 
portant  trop  loin  quelques  rapports  parti- 
cu-liers  que  les  idées  ont  entr'elles.  C'eft 
dajîs  ce  dîfcernement  que  confifte  ce  qu'on 
appelle  justement   &;  jufieffe  d'efprit  :  à 
cette  juftefie  fe  joignent  encore  \d.foupUffe 
&  la  netteté.  Le  philofophe  n'eft  pas  telle- 
meat  attaché  à  un  fyitême ^  qu'il  ne  fente. 


P  H  I 

toute  la  force  des  objeélions.  La  plupart  des 
hommes  font  fi  fort  livrés  à  leurs  opinions , 
qu'ils  ne  prennent  pas  feulement  la  peine 
de  pénétrer  celles  des  autres.  Le  philofo" 
phe  comprend  le  fentiment  qu'il  rejette  , 
avec  la  même  étendue  &:  la  même  netteté 
qu'il  entend  celui  qu'il  adopte. 

L'efprit  philofophique  eft  donc  un  efprit 
d'obfervation  &  de  jufteft^e ,  qui  rapporte 
tout  à  (es  véritables  principes  ;  mais  ce  n'eft: 
pas  l'efprit  feul  que  le  philofophe  cultive  9 
il  porte  plus  loin  fon  /attention  &  fes 
foins. 

L'homme  n'eft  point  un  monftre  qui  ns 
doive  vivre  que  dans  les  abymes  delà  mer, 
ou  dans  le  fond  d'une  forêt  :  les  feules  né- 
ceflités  de  la  vie  ^lui  rendent  le  commerce 
des  autres  néceftaire  ;  dans  quelque  état  qu'il 
puift'e  fe  trouver,  fes  befoins  ,  &  le  bien- 
être  l'engagent  à  vivre  en  fociété.  Ainfî  la 
raifon  exige  de  lui  qu'il  connoiffe ,  qu'il 
étudie  ,  &:  qu'il  travaille  à  acquérir  les  qua- 
lités fociables. 

Notre  philofophe  ne  fe  croît  pas  en  exrl 
dans  ce  monde;  il  ne  croit  point  être  en 
pays  ennemi  ;  il  veut  jouir ,  en  fage  écono- 
me ,  des  biens  que  la  nature  lui  offre  ;  il 
veut  trouver  du  plaifir  avec  les  autres  ;  & 
pour  en  trouver ,  Il  en  faut  faire  :  ainii  il 
cherche  à  convenir  à  ceux  avec  qui  le  ha- 
zard  ou  fon  choix  le  font  vivre  ;  &  il  trou- 
ve en  même  temps  ce  qui  lui  convient  t 
c'eft  un  honnête  homme  qui  veut  plaire  &C 
fe  rendre  utile. 

La  plupart  de?  grands  à  qui  les  diftîpa- 
tions  ne  laiftent  pas  aflez  de  temps  pour 
méditer ,  font  féroces  envers  ceux  quils 
ne  croient  pas  leurs  égaux.  'LesphUo/ophes 
ordinaires  qui  méditent  trop  ,  ou  plutôt 
qui  méditent  mal  ,  le  font  envers  tout  le 
monde;  ils  fuient  les  hommes,  &  les 
hommes  les  évitent.  Mâ-s  notre  philofophe 
qui  fait  fe  partager  entre  la  retraite  &  le 
commerce  des  hommes ,  eft  plein  d'huma- 
nité. C'eft  le  Crémès  de  Térence,  qui  fent 
qu'il  eft  homme,  &  que  la  feule  humanité 
intérefte  à  la  mauvaife  ou  à  la  bonne  foE- 
tune  de  fon  vbifin.  Homo  fum  ,  kumani  à 
me  nihil  alienum  puto , 

II  feroit  inutile  de  remarquer  ici  com- 
bien le  philofophe.  eft  jaloux  de  tout  ce 


PHI 

qui  s'appelle  honneur  &  probité.  La  fociété 
civile  eft ,  pour  ainfi  dire  ,  une  divinité 
pour  lui  fur  la  terre  ;  il  l'encenfe  ,  il  l'ho- 
nore par  la  probité  ,  par  une  attention 
exacte  à  fes  devoirs ,  Se  par  un  deiir  fincere 
de  n'en  être  pas  un  membre  inutile  ou 
embarraffant.  Les  fentimens  de  probité  en- 
trent autant  dans  la  conftitution  mécha- 
nique  du  philofophe  ,  que  les  lumières  de 
l'efprit.  Plus  vous  trouverez  de  raifondans 
un  homme  ,  plus  vous  trouverez  en  lui 
de  probité.  Au  contraire  où  régnent  le  fana- 
tiime  &  la  fuperftition ,  régnent  les  pafïions 
&  l'emportement.  Le  tempérament  du 
phiiofophe ,  c'eft  d'agir  par  efprit  d'ordre 
ou  par  raifon  ;  comme  il  aime  extrême- 
ment la  fociété ,  il  lui  importe  bien  plus 
qu'au  refte  des  hommes ,  de  difpofer  tous 
{qs  refforts  à  ne  produire  que  Aqs  effets 
conformes  à  l'idée  d'honnête  homme.  Ne 
craignez  pas  que,  parce  que  perl'onne  n'a 
les  yeux  fur  lui ,  il  s'abandonne  à  une  aftion 
contraire  à  la  probité.  Non.  Cette  aclion 
n'eft  point  conforme  à  la  difpofition  mé- 
chanlque  du  fage;  il  eft  pé^i ,  pour  ainfi 
dire  ,  avec  le  levain  de  l'ordre  &:  de  la 
règle  ;  il  eft  rempli  des  'idées  du  bien  de 
la  i'ociété  civile  ;  il  en  connoît  les  princi- 
pes bien  mieux  que  les  autres  hommes.  Le 
crime  trouveroit  en  lui  trop  d'oppcfîtions  ; 
il  auroit  trop  d'idées  naiurelies ,  &  trop 
d'idées  acquifes  à  détruire.  Sa  faculté  d'agir 
eft,  pourainfi  dire,  comme  une  corde  d'inf- 
trument  de  mufique  montée  fur  un  certain 
ton  ;  elle  n'en  fauroit  produire  un  contraire. 
Il  craint  de  fe  détonner,  de  le  défaccorder 
avec  lui-même;  &ceci  me  faitrefTouvenir 
de  ce  que  Velleius  dit  de  Caton  d'Utique. 
«  Il  n'a  jamais ,  dit-il  ,  fait  de  bonnes 
»  aftions  pour  paroître  les  avoir  faites , 
»  mais  parce  qu'il  n'étoit  pas  en  lui  de 
»  faire  autrement.  » 

D'ailleurs  dans  toutes  les  aftions  que  les 
hommes  font ,  ils  ne  cherchent  que  leur 
propre  fatisfaclion  aéluelle  ;  c'eft  le  bien 
ou  plutôt  l'attrait  préfent ,  fuivant  la  difpo- 
iition  méchanique  où  ils  fe  trouvent,  qui 
les  fait  agir. Or  le  phiiofophe  eft  difpofé  plus 
que  qui  que  ce  foit  par  fes  réflexions  à  trou- 
ver plus  d'attrait  &  de  plaifir  à  vivre  avec 
vous ,  à  s'attirer  votre  confiance  &  votre 
eftime ,  à  s'acquitter  des  devoirs  de  l'amitié 


PHI  66<) 

&  de  la  reconnoiffance.  Ces  fentimens 
font  encore  nourris  dans  le  fond  de  fon 
cœur  par  la  religion ,  où  l'ont  conduit  les 
lumières  naturelles  de  fa  raifon.  Encore  un 
coup  ,  l'idée  de  mal-honnête  homme  eft 
autant  oppofée  à. l'idée  de  phiiofophe  > 
que  l'eft  l'idée  de  ftupide  ;  ôc  l'expérience 
fait  voir  tous  les  jours  que  plus  on  a  de 
raifon  Si  de  lumière,  plus  on  eft  sûr  &: 
propre  pour  le  commerce  de  la  vie.  Un 
for,  dit  la  Rochefoucault,  n'a  pas  affez 
d'étoffe  pour  être  bon  ;  on  ne  pèche  que 
parce  que  les  lumières  font  moins  fortes 
que  les  pallions  ;  &  c'eft  une  maxime  de 
théologie  vraie  en  un  certain  fens ,  que  tout 
pécheur  eft  ignorant. 

Cet  amour  de  la  fociété,  fi  effentiel  au 
phiiofophe  ,  fait  voir  combien  eft  véritable 
la  remarque  de  l'empereur  Antonin  :  «  Que 
»  les  peuples  feront  heureux  quand  les  rois 
»  feront  philofophes,  ou  quand  les  philo- 
»  fophes  feront  rois  I  » 

Le  phiiofophe  eft  donc  un  honnête  hom- 
me qui  agit  en  tout  par  raifon,  &  qui  joint 
à  un  efprit  de  réflexion  &  de  juftefte  les 
mœurs  &  les  qualités  fociables.  Entez  un 
fouverain  fur  un  phiiofophe  d'une  telle 
trempe ,  &  vous  aurez  un  parfait  fouverain. 

De  cette  idée  il  eft  aifé  de  conclure  com- 
bien le  fage  infenfible  des  ftoïcienseft  éloi- 
gné de  la  perfeélion  de  notre  phiiofophe  ! 
un  tel  phiiofophe  eft  homme  ,  &  leur 
fage  n'étoit  qu'un  phanrôme.  Ils  rougif- 
foient  de  l'humanité ,  &  il  en  fait  gloire  j 
ils  vouloient  follement  anéantir  les  pallions, 
&  nous  élever  au-deflus  de  notre  nature 
par  une  infenfibilité  chimérique  ;  pour  lui, 
il  ne  prétend  pas  au  chimérique  honneur 
de  détruire  les  pallions ,  parce  que  cela  eft: 
impoflible  ;  mais  il  travaille  à  n'en  être  pas 
ryrannifé,  à  les  mettre  à  profit,  &  à  en- 
faire  un  ufage  railbnnable  ,  parce  que 
cela  eft  pofllbie ,  ôc  que  la  raifon  le  lui 
ordonne. 

On  voit  encore,  par  tout  ce  que  nous 
venons  de  dire ,  combien  s'éloignent  de 
la  jufte  idée  du  phiiofophe  ces  indolens  , 
qui ,  livrés  à  une  méditation  parefteufe , 
négligent  le  foin  de  leurs  affaires  tempo- 
relles ,  6c  de  tout  ce  qui  s'appelle  fortune^ 
Le  vrai  phiiofophe  n'eft  point  tourmenté 
par  l'ambitiori  ,   mais  il  veut   a-voif   W* 


6-jo  PHI 

commodités  de  la  vie  ;  il  lui  faut ,  outre  le 
nécelTaire  précis  ,  un  honnêie  fuperflu 
nécefiaire  à  un  honnére  homme,  &  par 
lequel  feui  on  eft  heureux  :  çtù.  le  fonds 
6.Q'i  bienîéances  &  des  agrémens.  Ce  font 
de  faux  philofophes  qui  ont  fait  naître  ce 
préjugé ,  que  le  plus  exaél  nécefTaire  lui 
îuffir,  par  leur  indolence  &  par  des  maxi- 
mes éblouiflantes. 

Philosophe  Chrétien.  Foy^:^ 
Système  dI;  PhilosopheChrétien. 
Philosophes ,  (ALchym'u  &  Chym'u.) 
Ce  mot,  dans  !e  langage  a!chy mique ,  figni- 
fie  la  même  chofequ'^z^^/^/^  on  poffejjeur  de 
la.  pierre  phiLofophale.  Les  alchymiftes 
n'ont  pas  manqué  de  fe  décorer  de  ce  grand 
nom ,  &:  de  cefui  de  fage. 

II  exifte  dans  la  chy  mie  ordinaire  plufîeurs 
préparations  &  opérations,  la  plupart  affez 
communes,  &  qui  font  apparemment  àts 
préfens  de  l'alchymie  ,  qui  font  fpécifiées 
par  le  nom  de  leurs  inventeurs,  qualifiés 
du  titre  de  philofophes,  Ainlî  il  y  a  une 
huile  des  philofophes,  appellée  autrement 
huile  de  brique ,  oLcum  laterinum  ,  qui 
n'eft  autre  chofe  que  de  l'huile  d'olive  dont 
on  a  imbibé  des  briques  rougies  au  feu  ,  & 
qu'on  a  enfuite  diftillée  à  feu  nu;  une  édul- 
coration  philofophique ,  qui  eft  une  diftil- 
lationdes  fels  métalliques  à  la  violence  du 
feu.  (  Voje:{ Distillation;)  une  pul- 
vérifation  philofophique,  une  calcination 
philofophique.  V'oyei  PULVÉRISATION 
&  Calcination.  (  bj 

Philosophes,  hui/e  des  ÇPharm.) 
c'eft  l'huile  de  brique.  Ce  nom  lui  a  été 
donné  par  les  alchymiftes ,  qui  fe  difent 
les  véritables  philofophes,  à  caufe  qu'ils 
emploient  fouvent  de  la  brique  dans  la 
conftru6lion  de  leurs  fourneaux  ,  dont  ils 
fe  fervent  pour  faire  ce  qu'ils  appellent  le 
grand-œuvre ,  ou  la  pierre  philofophale, 
Voyei  Brique. 

PHILOSOPHIE  ,  f.  f.  Philofophie 
fîgnifie,  fuivant  fon  étymologie,  X amour  de 
lafagejfc.  Ce  mot  ayant  toujours  été  allez 
vague  ,  à  caufe  à,ts  diverfes  lignifications 
qu'on  y  a  attachées  ,  il  faut  faire  deux 
chofes  dans  cet  article  ;  i°.  rapporter 
hiftoriquement  l'origine  &  les  différentes 
acceptions  de  ce  terme  ;  2°.  en  fixer  le  fens 
par  une  bonne  définition. 


PHI 

1°.  Ce  que  nous  appelions  aujourd'hui 
philofophie  ,  s'appelloit  d'abord  fophie  ou 
fageffe  ;  &  l'on  fait  que  les  premiers  phi- 
lofophes ont  été  décorés  du  titre  de  fagcs. 
Ce  nom  a  été  dans  les  premiers  temps  ce 
que  le  nom  de  bel  efprit  eft  dans  le  nôtre  ; 
c'eft-à-dire ,  qu'il  a  été  prodigué  à  bien  des 
perfonnes  qui  ne  méritoient  rieii  moins 
que  ce  titre  faftueux.  C  etoit  alors  l'en- 
fance de  l'efprit  humain  ,  &  l'on  étendoit 
le  nom  de  fageffe  à  tous  les  arts  qui  exer- 
çoientle  génie  ,  ou  dont  la  fociété  retiroit 
quelque  avantage  ;  mais  comme  le  favoir, 
l'érudition  eft  la  principale  culture  de  l'ef- 
prit ,  &  que  les  fciences  étudiées  &  réduites 
en  pratique  apportent  bien  des  commodités 
au  genre  humain,  la  fagefle  &.  l'érudition 
furent  confondues  ;  &  l'on  entendit  par 
être  verfé  ou  inftruit  dans  la  fageffe,  pof^ 
féder  l'encyclopédie  de  ce  qui  étoit  connu 
dans  le  (iecle  oii  l'on  vivoit. 

Entre  toutes  les  fciences  ,  il  y  en  a  une 
qui  fe  diflfngue  par  l'excellence  de  fon 
objet  ;  c'eft  celle  qui  traite  de  la  divinité  , 
qui  règle  nos  idées  &  nos  fentimens  à 
l'égard  du  premier  être,  6c  qui  y  conforme 
notre  culte.  Cette  étude  étant  la  fageffe 
par  excellence  ,  a  fait  donner  le  nom  de 
fages  à  ceux  qui  s'y  font  appliqués ,  c'eft-à- 
dire,  aux  théologiens  5c  aux  prêtres.  L'é- 
criture elle-même  donne  aux  prêtres  chal- 
déens  le  titre  de  fages ,  fans  doute  parce 
qu'ils  fe  l'arrogeoient ,  6c  que  c'étoit  un 
ufage  univerfellement  reçu.  C'eft  ce  qui  a 
eu  lieu  principalement  chez  les  nations 
qu'on  a  coutume  d'appeller  barbares  ;  il 
s'en  falloir  bien  pourtant  qu'on  pût  trouver 
la  fageffe  chez  tous  les  dépofitaires  de  la 
religion.  Des  fuperftitions  ridicules ,  àt% 
myfteres  puériles  ,  quelquefois  abomina- 
bles ;  des  vifions  &  des  menfonges  deftinés 
à  affermir  leur  autorité,  &  à  en  impofer  à 
la  populace  aveugle,  voilà  à  quoi  fe  réduifoit 
la  fageffe  des  prêtres  de  ces  temps.  Les 
philofophes  les  plus  diftingués  ont  effayé 
de  puifer  à  cette  fource,;  c'étoit  le  but  de 
leurs  voyages,  de  leur  initiation  aux  myf- 
teres les  plus  célèbres  ;  mais  ils  s'en  font 
bientôt  dégoûtés  ;  Se  l'idée  de  la  fageffe 
n'eft  demeurée  hée  à  celle  de  la  théologie , 
que  dans  l'efprit  de  ces  prêtres  orgueilleux 
§c  de  leurs  imbécilles  efdaves. 


PHI 

.    De  fublimes  génies  fe  livrant  donc  à 
leurs  méditations  ,  ont  voulu  déduire  des 
idées  &  de*-f«-4ncTpes  que  la  nature  &  la 
raifon  fourniffent  ,  une  fageffe  folide,  un 
fyftême  certain  &  appuyé  fur  des  fonde- 
mens  inébranlables  ;  mais  s'ils  ont  pu  fe- 
couer  par  ce  moyen  le  joug  des  fuperfti- 
tions  vulgaires ,  le  refte  de  leur  entreprife 
n'a  pas  eu  le  même  fuccès.  Après  avoir 
détruit ,  ils  n'ont  fu  édifier ,  femblables  en 
quelque  forte  à  ces  conquérans ,  qui  ne 
laiH^ent  après  eux  que  des  ruines.  Delà 
cette  foule  d'opinions  bizarres  &  contra- 
diftoires ,  qui  a  fait  douter  s'il  reftoit  en- 
core   quelque   fentiment  ridicule  ,    dont 
aucun  philofophe   ne  fe  fût  avifé.  Je  ne 
puis  m'empêcher  de  citer  un  morceau  de 
M.  de  Fontenelle  ,  tiré  de  fa  dilTertation 
fur  les  anciens  &  fur  les  modernes ,  qui 
revient  parfaitement  à   ce  fujet.   «  Telle 
»  eft  notre  condition,  dit-il,  qu'il  ne  nous 
»  eft  point   permis   d'arriver   tout-d'un- 
»  coup  à  rien  de  raifonnable  fur  quelque 
»  matière  que  ce  ibit  ;  il  faut  avant  cela 
>»  que  nous  nous  égarions  long-temps ,  & 
»  que   nous  paftions  par  diverfes   fortes 
»  d'erreurs ,  &  par  divers  degrés  d'imper- 
»  tinence.    II  eût  toujours  dû  être  bien 
»  facile  de  s*avifer,  que  tout  le  jeu  de  la 
»  nature  confifte  dans  les  figure«  &  dans 
»  les  mouvemens   des  corps  ;  cependant 
»  avant  que  d'en  venir  là,  il  a  fallu  effayer 
»  des  idées  de  Platon ,  des  nombres  de 
>♦  Pythagore  ,    des  qualités    d'Ariftote  ; 
»  &   tout  cela  ayant  été  reconnu  pour 
»  faux ,  on  a  été  réduit  à  prendre  le  vrai 
»  fyftéme.  Je  dis  qu'on  y  a  été  réduit , 
»  car  en  vérité  il  n'en  reftoir  plus  d'autre  ; 
>»   &  il  femble  qu'on  s'^eft  défendu  de  le 
»  prendre  auffi    long-temps  qu'on  a  pu. 
i>  Nous  avons  Tobligation  aux  anciens  de 
»  nous  avoir  épiiifé  la  plus  grande  partie 
>t  des  idées  faufîes  qu'on  fe  pouvoir  faire; 
»  il  fal'oit  abfolumenr  payer  à  l'erreur  & 
»  à  l'ignorance  le  tribut  qu'ils  ont  pr.yé , 
»  &L  nous  ne  devons  pas  manquer  de  re- 
»  connoiffance  envers  ceux  qui  nous  en  ont 
»  acquittés.  Il  en  eft  de  m'ême  fur  diver- 
»  fes  matières  >  oii  il  y  a  je  ne  fais  com- 
»  bien  de  fottifes  qi.}Q  nous  dirions  fi  elles 
>f  n'avoient  pas  été  dites ,  &  fi  on  ne  nous 
»  Iqs  avoit  pas,  pour  ainfi.  dire,  enlevées^ 


PHI  Syi 

»  Cependant  il  y  a  encore  quelquefois 
»  des  modernes  qui  s'en  reftaififtent'^^eut- 
»  être  parce  qu'elles  n'ont  pas  encore  été 
»  dites  autant  qu'il  le  faut.  » 

Ce  feroit  ici  le  lieu  de  tracer  un  abrégé 
des]  divers  fentimens  qui  ont  été  en  vogue 
danslaplîilofophie  ;  mais  les  bornes  de  nos 
articles  ne  le  permettent  pas.  On  trouvera 
l'ellentiel  des  opinions  les  plus  fam^ufeî 
dans  divers  autres  endroits  de  ce  diftion- 
naire  ,  fous  les  titres  auxquels  elles  fe  rap- 
portent. Ceux  qui  veulent  étudier  la  ma- 
tière à  fond  ,  trouveront  abondamment  de 
quoi  fe  fatisfairè  dans  l'excellent  ouvrage 
que  M.  Brucker  a  publié  d'abord  en  alle- 
mand ,  &  enfuite  en  latin  fous  ce  titre  : 
Jacobi  Bruckeri  hiftoria  critica  phllofo- 
phice  ,  à  mundl  incunabuUs  ad  nofiram 
ufque  œtaiem  dtdiicta.  On  peut  au(Ii  lire 
l'hiftoire  de  la  philofophic ,  par  M.  Des- 
landes. 

L'ignorance  ,  la  précipitation ,  l'orgueil , 
la  jaloufie  ,  ont  enfanté  des  monftres  bien 
flétriffans  pour  la  plùlofophu  ,  &  qui  ont 
détourné  les  uns  de  l'étudier,  ou  jeté  les 
autres  dans  un  doute  univerfel. 

N'outrons  pourtant  rien.  Les  travers  de 
l'efprit  humain  n'ont  pas  empêché  la  phi' 
lofophu  de  recevoir  des  accroiftem.ens 
confidérables,  &  de  fendre  à  la  perfeftion 
dont  elle  eft  fufceptible  ici-bas.  Les  anciens 
ont  dit  d'excellentes  chofes ,  fur-tout  fur 
les  devoirs  de  la  morale ,  &  mètre  fur  ce 
que  l'homme  doit  à  Dieu  ;  &c  s'ils  n*ont 
pu  arriver  à  la  belle  idée  qu'ils  fe  formoient 
de  la  fage/Te  ,  ils  ont  au  moins  la  gloire 
de  l'avoir  ccnçue  &  d'en  avoir  ten'é  l'é- 
preuve. Elle  devint  donc  entre  leurs  mains 
une  fcience  pratique  qui  embrafloit  les  véri- 
tés divines  &  humaines,  c'eft- à-dire,  tout 
ce  que  l'entendement  eft  capable  de  décou- 
vrir au  fujet  de  la  divinité  ,  &  tout  ce  qui 
peut  contribuer  au  bonheur  de  la  iociété. 
Dès  qu'ils  lui  eurent  donné  une  force  fyf- 
tématique  ,  ils  fe  mirent  à  l'enfeigner ,  & 
l'on  vit  naître  les  écoles  &  les  fedes;  &c 
comme  pour  faire  mieux  recevoir  leurs  pré- 
ceptes ,  ils  les  ornoient  des  embeiliflemens 
de  l'éloquence  ,  celle-ci  fe  confondit  infen- 
fiblement  avec  la  fagefte ,  chez  ks  Grecs 
fur-tout,  qui  faifoient  grand  cas  dé  l'art 
de  bien  dire  ,  à  caufe  de  fon  influence  fur 


6-11  PHI 

les  affaires  d'état  dans  leurs  républiques. 
Le  nom  de  fage  fut  travefti  en  celui  de 
fophlfte  ou  maître  d'éloquence  ;  &  cette 
révolution  fit  beaucoup  dégénérer  une 
fcience  qui  ,dans  fon  origine  ,  s'étoit  pro- 
pofé  des  vues  bien  plus  nobles.  On  n'é- 
couta bientôt  plus  les  maîtres  de  la  fagef- 
fe,  pours'inftruire  dans  des  connoifiances 
folides  &  utiles  à  notre  bien-être ,  mais 
pour  repaître  fon  efprit  de  queftions  cu- 
rieufes,  amufer  Tes  oreilles  de  périodes 
cadencées,  &  adjuger  la  palme  au  plus 
opiniâtre,  parce  qu'il  demeuroit  maître  du 
champ  de  bataille. 

Le  nom  de  fage  étoit  trop  beau  pour 
de  pareils  gens,  ou  plutôt  il  ne  convient 
point  à  l'homme  :  c'eft  l'apanage  de  la 
divinité,  fource éternelle  &  inépuisable  de 
la  vraie  fageffe.  Pythagore,  qui  s'en  ap- 
perçut  ,  fiibflitua-  à  cette  dénomination 
faftueufe,  le  titre  modefte  de  philofophe, 
qui  s'établit  de  manière  qu'il  a  éré  depuis 
ce  temps-là  le  feul  ufité.  Mais  les  fages 
rai  Tons  de  ce  changement  n'étouffèrent 
point  l'orgueil  des  philofophes  ,  qui  con- 
tinuèrent de  vouloir  paffer  pour  les  dépo- 
fîtaires  de  la  vraie  fageffe.  Un  des  moyens 
les  plus  ordinaires  dont  ils  fe  fervirent  pour 
fe  donner  du  relief,  ce  fut  d'avoir  une  pré- 
tendue doftrine  de  réferve,  dont  ils  ne 
faifoient  part  qu'à  leurs  difciples  afîidés  , 
tandis  que  la  foule  des  auditeurs  étoit  re- 
pue d'inftrudions  vagues.  Les  philofophes 
avoient  fans  doute  pris  cette  idée  &  cette 
méthode  des  prêtres,  qui  n'initioient  à  la 
connoiffance  de  leurs  myfleres  qu'après  de 
longues  épreuves  ;  mais  les  fecrets  des  uns 
&  des  autres  ne  valoient  pas  la  peine  qu'on 
fe  donnoit  pour  y  avoir  part. 

Dans  les  ouvrages  philofophiques  de 
l'antiquité  qui  nous  ont  été  confervés  , 
quoiqu'il  y  règne  bien  des  défauts ,  &  fur- 
tout  celui  d'une  bonne  méthode  ,  on  dé- 
couvre pourtant  les  femences  de  la  plupart 
des  découvertes  modernes.  Les  matières 
qui  n'avoient  pas  befoin  du  fecours  des 
obfervations  &  des  inftrumens,  comme  le 
font  celles  de  la  morale  ,  ont  été  pouffées 
aufli  loin  que  la  raifon  pouvoit  les  conduire. 
Pour  la  phyfîque,  il  n'eft  pas  furprenant 
que  favorifée  des  fecours  que  les  derniers 
iîecles  ont  fournis ,  elle  furpaife  aujourd'hui 


PHI 

de  beaucoup  celle  des  anciens.  On  doit 
plutôt  s'étonner  que  ceux-ci  aient  fi  biei) 
deviné  en  bien  des  cas  où  ils  ne  poavoient 
voir  ce  que  nous  voyons  à  préfent.  On  en 
doit  dire  autant  de  la  médecine  &  di^% 
mathématiques  ;  comme  ces  fciences  font 
compofées  d'un  nombre  infini  de  vues,  &c 
qu'elles  dépendent  beaucoup  des  expé- 
riences ,  que  le  hazard  feul  fait  naître ,  & 
qu'il  n'amené  pointa  point  nommé,  il  eft 
évident  que  les  phyficiens  ,  les  médecins 
&  mathématiciens  doivent  être  naturelle- 
ment plus  habiits  que  les  anciens. 

Le  nom  de  philofophie  demeura  toujours 
vague  ,  &  comprit  dans  fa  vafte  enceinte  , 
outre  la  connoifïance  A^s  chofes  divines 
&:  humaines  ,  celle  des  loix ,  de  la  méde- 
cine ,  &  même  àts  diverfes  branches  de 
l'érudition,  comme  la  grammaire,  la  rhé- 
torique ,  la  critique  ,  fans  en  excepter 
l'hifîoire  &  la  poéfie.  Bien  plus,  il  paflfa 
dans  l'églife  ;  le  chriftianihr.e  fut  appelle  la 
philofophie  lainte;  les  doéleurs  de  la  reli- 
gion qui  en  enfeignoient  les  vérités,  les 
afcetes  qui  en  praiiquoient  les  auftérités, 
furent  qualifiés  de  philofophes. 

Lesdivifions  d'une  fcience  conçue  dans 
une  telle  généralité  ,  furent  fort  arbitrai- 
res. La  plus  ancienne  &  la  plus  reçue 
a  été  celle  qui  rapporte  la  philofophie 
à  la  confidération  de  Dieu  &  à  celle  de 
l'homme. 

Ariflote  en  introduifit  une  nouvelle;  la 
voici.  Tria  gênera  funt  theoreticarumjcien- 
tiarum^  mathemaùca ,  fhyjica^  theologica» 
Un  paffage  de  Séneque  indiquera  celle  de 
quelques  autres  feéles.  Stoici  verb  philo- 
fophice  très  panes  ejfe  dixerunt ,  moralem  , 
naturalem  ,  6*  rationalem  :  prima  corn- 
ponit  animum  ;  fecunda  rerum  naturam 
fcrutatur  ,  tertia  proprietatis  verborum 
exigit  & ftrucluram  &  argumentationes^  m 
pro  veris  falfa  fubrepant.  Epicurù  duas 
panes  philofophife  putaverunt  ejje  ,  natu- 
ralem atque  moralem  ;  rationalem  remo- 
verunt.  Deinde  ciim  ipjîs  rehus  cogercntur 
ambigua  fecernere  ,  falfa  fub  fpecie  veri 
latentia  coargxere  ,  ipji  quoquc  locum , 
quem  de  Judicio  &  régula  appellant ,  alio 
nomine  rationalem  induxerunt  :  fed  eam 
acce(Jionem  efjenaturalis partis  exiftimant. 
Cyrenaici    naturalia    cum     rationalibus 

fufiuUrunc  ji 


P  H  I 

fufiulerunt  )  &  contenu  fueriint  morallbus  y 
Ê'c.  Seneca  ,  epifl.  8g. 

Les  écoles  ont  adopté  la  divifion  de  la 
philofophie  en  quatre  parties  ,  logique , 
métaphyiique  ,  phyfique  &  morale. 

2°.  li  ell  temps  de  pafler  au  fécond  point 
de  cet  article  ,  où  il  s'agit  de  fixer  \é  fens 
du  nom  de  la  philofophie  ,  &  d'en  donner 
une  bonne  définition.  Philofopher  ,  c'eft 
donner  la  raifon  des  chofes  ,  ou  du  moins 
la  chercher  ;  car  tant  qu'on  fe  borne  à 
voir  &  à  rapporter  ce  qu'on  voit,  on  n'eft 
qu'hiflorien.  Quand  on  calcule  &  mefure 
\ts  proportions  des  chofes  ,  leurs  grandeurs , 
leurs  valeurs  ,  on  eft  mathématicien  ;  mais 
celui  qui  s'arrête  à  découvrir  la  raifon  qui 
fait  que  les  chofes  font ,  &  qu'elles  font 
.plutôt  ainli  que  d'une  autre  manière  ,  c'eft 
le  philofophe  proprement  dit. 

.Cela  pofé ,  la  définition  que  M.  Wolf  a 
donnée  de  la  philofophie  y  me  paroît  ren- 
fermer dans  la  brièveté  tout  ce  qui  carac- 
térife  cette  fcience.  C'efi  ,  félon  lui  ,  la 
fcience  des  pojfibles  en  tant  que  poffibles. 
C*efl  une  fcience,  car  elle  démontre  ce 
qu'elle  avance.  C'eft  la  fcience  des  poffi- 
bles ,  car  fon  but  efl  de  rendre  raifon  de 
•  tout  ce  qui  eft ,  &  de  tout  ce  qui  peut 
être  dans  toutes  les  choies  qui  arrivent; 
le  contraire  pourroit  arriver.  Je  hais  un 
tel ,  je  pourrois  l'aimer.  Un  corps  occupe 
une  certaine  place  dans  l'univers ,  il  pourroit 
<;n  occuper  une  autre  ;  mais  ces  diHérens 
poffibles  ne  pouvant  être  à  la  fois  ,  il  y  a 
-donc  une  raifon  qui  détermine  l'un  à  être 
•plutôt  que  l'autre  ;  &  c'ell  cette  raifon  que 
le  philofophe  cherche  &  affigne. 

Certe  définition  embralTe  le  préfent ,  le 
paffé  &  l'avenir ,  &  ce  qui  n'a  jamais  exiflé 
&:  n'exifiera  jamais  ,  comme  font  toutes 
les  idées  univerielles  ,  &  les  abllradions. 
,Une  telle  fcience  eft  une  -véritable  ency- 
clopédie *  tout  y  eil  lié,  tout  en  dépend. 
Ced  ce  que  les  anciens  ont  fenti  ,  lorf- 
qu'ils  ont  appliqué  le  viom  àz  philofophi&^ 
comme  nous  l'avons  vu  ci-deifus  ,  à  toutes 
fortes  de  fciences  &  d'arts  ;  mais  ils  ne 
juftifioient  pas  l'influence  univerfelle  de 
cette  fcience  fur  toutes  les  autres.  Elle  ne 
fauroit  être  mile  dans  un  plus  grand  jour 
que  par  la  définition  de  M.  Wolf.  Les 
poffibles  comprennent  les  objets  de   tout 


PHI  €yi 

ce  qui  peut  occuper  l'efprit  ou  l'induftrie 
des  hoj-nmes  :  auffi  toutes  les  fciences , 
tous  les  arts  ont-ils  leur  philofophie.  La 
chofè  eft  llairc  :  tout  fe  fait  en  jurilpru- 
dence  ,  en  médecine  ,  en  poHtique  ,  tout 
fe  fait ,  ou  du  moins  tout  doit  fe  faire  par 
quelque  raifon.  Découvrir  ces  raifons  Se 
les  affigner  ,  c'efl  donc  donner  la  philo- 
fophie des  fcieaces  fufdites  ;  de  même  l'ar- 
chitede  ,  le  peintre ,  le  fculpteur  ,  je  dis 
plus  ,  un  fimple  fendeur  de  bois  ,  a  its 
raifons  de  faire  ce  qu'il  fait ,  comme  il  le 
fait  ,  &  non  autrement.  Il  eft  vrai  que 
la  plupart  de  cqs  gens  travaillent  par  rou-i 
tine  ,  &  emploient  leurs  inftruraens  fahss 
fentir  quelle  en  eft  la  méchanique  ,  &  la 
proportion  avec  les  ouvrages  qu'ils  exé- 
cutent ;  mais  il  n'en  eft  pas  moins  certain 
que  chaque  inftrument  a  fa  railbn ,  &  que 
s'il  étoit  fait  autrement ,  l'ouvrage  ne  réuf- 
firoit  pas.  Il  n'y  a  que  le  philofophe  qui 
fafle  CQs  découvertes,  &  qui  foit  en  éràt: 
de  prouver  que  les  chofes  font  comme  elles 
doivent  être  ,  ou  de  les  redifier,  lorfqu'elles 
en  font  fufceptibles  ,  en  indiquant  la 
railon  des  changemens  qu'il  veut  y  ap- 
porter, f' 

Les  objets  de  la  philofophie  font  les 
mêmes  que  ceux  de  nos  connoifiances  eu 
général ,  &  forment  la  divifion  naturelle 
de  cette  fcience.  Ils  fe  réduifent  à  trois 
principaux  ,  dieu  y  Uame  &  la  matière. 
A  ces  trois  objets  répondent  trois  parties 
principales  de  la  p/ii/q/bp/zze.  La  première, 
c'efl  la  théologie  naturelle  ,  ou  la  fcience 
des  poffibles  à  l'égard  de  Dieu,  hes  poj/i-' 
blés  à  l'égard  de  Dieu  ,  c'efl  ce  qu'on  peut 
concevoir  en  lui  &  par  lui.  11  en  efl  de 
même  des  définitions  àes  poffibles  à  l'égard 
de  l'ame  &  du  corps.  La  féconde  ,  c'çfl 
la  pfychologie  ,  qui  concerne  les  poffibles  à 
, l'égard  de  l'ame.  La  troifieme  cîk  la  phy- 
fique qui  concerne  les  poffibles  à  l'égard 
des  corps.         .^ 

Cette  divifion  générale  foufFre  enfuite 
des  fubdivifions  particulières'  ;  voici  la 
manière  dont  M.  Vv  olf  les  amené. 

Lorfque  nous  réfiéchiflbns  fur  nou^- 
mêmes  ,  nous  nous  convainquons  qu'il; y 
a  en  nous  une  faculté  de  former  des  idées 
des  chofes  poffibles  ,  &  nous  nommons 
4ettc  f^çulîé.te^</zi<:/7Ztr/zr;  mais  il  .n|^il 


^74  PHI 

|>as  aifé  de  connoitre  jufqu'où  cette  faculté  : 
«'étend,  ni  comment  on  doit  s'en  fcrvir, 
-pour  découvrir  par  nos  propres  médita- 
tions, des  vérité  inconnues  pour  nous, 
&  pour  juger  avec  exaditude  de  celles, 
que  d'autres  ont  déjà  découvertes.  Notre 
première  occupation  doit  donc  être  de  re- 
chercher quelles  font  les  forces  de  l'enten- 
dement humain  ,  &  quel  eft  leur  légitime 
ufage  dans  la  connoiiîance  de  la  vérité  : 
3a  partie  de  la  philofophie  où  l'on  traite 
cette  matière ,  s'appelle  logique  ou  Van 
de  penfer. 

Entre  routes  les  chofes  poffibles  ,  il  faut 
de  toute  néceffité  qu'il  y  ait  un  être  fub- 
fiHant  par  lui-même  ;  autrement  il  y  auroit 
des  chofes  pofllbles,  de  la  poflîbiiité  AtÇ- 
quelles  on  ne  pourroit  rendre  raifon  ,  ce 
qui  ne  fauroit  iè  dire.  Or,  ctt  être  fub- 
fiftant  par  lui-même  ,  efî  ce  que  nous 
nommons  Dieu.  Les  r.utrcs  êtres  qui  ont 
la  raifon  de  leur  exiflence  dans  ctt  être 
fubliftant  par  lui-même,  ont  le  nom  de 
créatures  ;  mais  comme  la  phiîofopkie  doit 
rendre  raifon  de  la  poflibilité  à^s  chofes  , 
il  convient  de  faire  précéder  la  dodrine 
qui  traite  de  Dieu  ,  à  celle  qui  traite  des 
créatures  :  j'avoue  pourtant  qu'on  doit  déjà 
avoir  une  connoiflance  générale  àts  créa- 
■  tures  ;  mais  on  n'a  pas  befoin  de  la  puifèr 
'  dans  \2i  philofophie  y  parce  qu'on  l'acquiert 
dès  l'enfance  par  une  expérience  continuelle. 
La  partie  donc  de  la  philofophie  ,  où  l'on 
traire  de  Dieu  &  de  l'origine  des  créatures  , 
qui  eft  en  lui  ,  s'appelle  théologie  naturelle 
ou  doctrine  de  Dieu. 

Les  créatures  manifeftent  leur  adivité , 
ou  par  le  mouvement ,  ou  par  la  penfée. 
Celles-là  fonr  des  corps,  celles-ci  font 
des  efprits.  Puis  donc  que  la  philofophie 
s'applique  à  donner  de  tout  des  raifons 
fuffifantes  ,  elle  doit  aufli  examiner  les 
forces  ou  les  opérations  de  ces  êtres  ,  qui 
agilTent  ou  par  le  mollement  ou  par  la 
penfée.  La  philofophie  nous  montre  donc 
ce  qui  peut  arri^-er  dans  le  monde  par  les 
forces  des  corps  &  par  la  puilfance  des 
«fprits.  On  nomme  pneumatologie  ou  doC' 
trine  des  efprits ,  la  partie  de  la  philofo- 
phie où  l'on  explique  ce  que  peuvent 
rfFeftuer  les  efppits  ;  &  l'on  appelle  phyfi- 
%u^  Qït.  d^Brtnt  de  ia  natun  cette  autre 


PHI 

partie  où  [l'on  montre  ôe  qui  cfl  poflîble  en 
vertu  Ats  forces  des  corps. 

L'être  qui  penfe  en  nous  s'appelle  ame , 
or  comme  cette  ame  cft  du  nombre  des 
efprits ,  &  qu'elle  a  ,  outre  l'entendement , 
une  volonté  qui  eft  caufe  de  bien  des  évé- 
nemêns  ,  il  faut  encore  que  la  philofophie 
développe  ce  qui  peut  arriver  en  confc- 
quence  de  cette  volonté  :  c'eft  à  quoi  l'on 
doit  rapporter  ce  que  l'on  enfeigne  du  droit 
de  la  nature  ,  de  la  morale  &  de  la  po- 
litique. 

Mais  comme  tous  les  êtres  ,  foit  corps  , 
ou  efprits ,  ou  âmes ,  fe  refiêmblent  a 
quelques  égards  ,  il  faut  rechercher  auôi  ce 
qui  peut  convenir  généralement  à  tous  les 
êtres  ,  &  en  quoi  confifte  leur  différence 
générale.  On  nomme  omhologie  aufcience 
fondamentale  j  cette  partie  et  la  philofo- 
phie qui  renferme  la  connoifîânce  générale 
de  tous  les  êtres  ;  cette  fcience  fonda- 
mentale ,  la  doctrine  des  esprits  &  k 
théologie  naturelle  ,  compolènt  ce  qui 
s'appelle  me'taphyfique  ou  fcience  princi" 
pale. 

Nous  ne  nous  contentons  pas  de  poufîêr 
nos  connoiifances  jufqu'à  favoir  par  quelles 
forces  le  produîfcnt  certains  effets  dans  la 
nature  ,  nous  allons  plus  loin  ,  &  nous 
mefurors  avec  la  dernière  exaditudc  les 
degrés  des  forces  &  àts  efFers,  afin  qu'il 
paroiiïè  vifiblemcnt  que  certaine  force  peut 
produire  certains  effets.  Par  exemple  ,  il 
il  y  a  bien  des  gens  qui  fe  contentent  de 
favoir  que  l'air  comprimé  avec  force  dans 
une  fontaine  artificielle  ,  porte  l'eau  jufqu'à 
une  hauteur  extraordinaire  ;  mais  d'autres 
plus  curieux  font  des  efîorts  pour  décou- 
vrir de  combien  s'accroît  la  force  de  l'air  , 
lorfque  par  la  compreffion  il  n'occupe  que 
la  moitié  ,  le  tiers  ou  le  quart  de  l'efpace 
qu'il  remplifibit  auparavant  ,  &  de  Combien 
de  pies  il  fait  monter  l'eau  chaque  fois  : 
c'efl  poulTer  nos  connoiflances  à  leur  plus 
haut  degré  ,  que  de  favoir  mefurer  tout 
ce  qui  a  une  grandeur  ,  &  c'eff  dans 
cenç  vue  qu'on  a  inventé  les  mathéma- 
tiques. 

Le  véritable  ordre  dans  lequel  les  par- 
ties de  la  philofophie  doivent  être  rangées  , 
c'eft  de  faire  précéder  celles  qui  contien- 
,  lient  \t5  principes ,    dcmt  la^  conncîflânflç 


PHI 

crt  néfitflâire  p(^r  l'intelligence  &  U  dé- 
monflrarion  des  fuivantes  j  c'eft  à  cet  ordre 
que  M.  Wolfs'eftreligieulèment  conformé; 
comme  il  parole  par  ce  que  je  viens  d'ex- 
traire de  lui. 

On  peut  encore  divifer  la  philofophle 
en  deux  branches ,  &  la  confidércr  fous 
deux  rapports  ;  elle  efl  théorique  ou  pra- 
tique. 

La  philofophie  théorique  ou  (péculative 
fc  repofe  dans  une  pure  &  fimple  con- 
templation des  choies  ;  elle  ne  va  pas  plus 
loin. 

La  philofophie  pratique  efl  celle  qui 
donne  à^s  règles  pour  opérer  fur  fon  objet  ; 
elle  eft  de  deux  fortes  par  rapport  aux 
deux  efpeces  d'aûions  humaines  qu'elle  fe 
propole  de  diriger  ;  ces  deux  efpeces  font 
la  logique  &  la  morale  :  la  logique  dirige 
les  opérations  de  l'entendement  ,  &  la 
morale  les  opérations  de  la  volonté.  Voye\ 
Logique  ù  Morale.  Les  autres  parties 
de  la  philofophie  font  purement  Ipécula- 
tives. 

La  philofophie  fe  prend  auffi  fort  ûf di- 
nairement  pour  la  doctrine  particulière. ou 
pour  les  fyflêmes  in\«entés  par  des  philo- 
iophes  de  nom ,  qui  ont  eu  des  fedateurs. 
La  philofophie  ainll  envilâgée  s'efl  divifée 
tx\  un  nombre  infini  de  (cà^s  ,  tant  an- 
ciennes que  modernes  ;  tels  font  les  plato- 
niciens ,  les  péripatéticiens ,  les  épicuriens  , 
les  floïciens ,  les  pythagoriciens  ,  les  pyr- 
rhoniens  &  les  académiciens  j  &  tels 
font  de  nos  jours  les  cartéfiens  y  les  nev- 
toniens.  Voye\  Forigine  y  le  dogme  de 
chaque  fecle  ,  à  V article  qui  lui  ejl  par- 
ticulier. 

La  philofophie  fe  prend  encore  pour  une 
certaine  manière  de  philofopher ,  ou  pour 
certains  principes  fur  lefquels  roulent  toutes 
les  recherches  que  l'on  fait  par  leur  moyen  ; 
en  ce  fens  l'on  dit ,  philofophie  corpufcu- 
iaire ,  philofophie  méchanique ,  philofophie 
expérimentale. 

Telle  eft  la  faine  notion  de  \2i philofophie; 
fon  but  eft  la  certitude,  &  tous  Ç^s  pas  y 
tendent  par  la  voie  de  la  démonftration. 
Ce  qui  caradérife  donc  le  philofophe 
&  le  diftingue  du  vulgaire  ,  c'eft  qu'il 
n'admet  rien  fans  preuve ,  qu'il  n'acquiefce 
point  ;\  des  notions  trompeufcs ,  &  qu'il 


pofe  exadement  les  limites  du  certairj,  du 
probable  &  du  douteux.  Il  ne  fe  paie  point 
de  mots  ,  &  n'explique  rien  par  des  qualités 
occultes ,  qui  ne  font  autre  chofc  que  l'effet 
même  transformé  en  caufe  ;  il  aime  beau- 
coup mieux  faire  l'aveu  de  fon  ignorance, 
toutes  les  fois  que  le  raifonnement  &  l'ex- 
périence ne  fauroient  le  conduire  à  la  vé* 
ritablc  raifon  des  chofes. 

La  philofophie  eft  une  fcience  encore 
très-imparfaite ,  &  qui  ne  fera  jamais  com- 
plète ;  car  qui  cft-ce  qui  pourra  rendre 
raifon  de  tous  les  poflîbles  ?  L'être  qui  a 
tout  fait  par  poids  &  par  mefure  ,  eft  le 
feul  qui  ait  une  connoifîancé  philofophi- 
que ,  mathématique  ,  &  parfaite  de  fès 
ouvrages  ;  mais  l'homme  n'en  eft  pas  moin^ 
louable  d'étudier  le  grand  livre  de  la  nature , 
&  d'y  chercher  des  preuves  de  la  fageflc 
&  de  toutes  les  perfedions  de  fon  auteur  : 
la  fociété  retire  aufli  de  grands  avantages 
des  recherches  philofophiques  qui  ont  occa- 
lioné  &  perfedionné  plulieurs  découvertes 
utiles  au  genre  humain. 

Le  plus  grand  philofophe  eft  celui  qui 
rend  raifon  du  plus  grand  nombre  de  cho- 
fes ,  voilà  fon  rang  afiîgné  avec  précifion  : 
l'érudition  par  ce  moyen  n'eft  plus  confon- 
due avec  la  philofophie.  La  connoilîànce 
àes  faits  eft  fans  contredit  utile  j  elle  eft 
même  un  préalable  elîêntiel  à  leur  expli- 
cation ;  mais  erre  philofophe  ,  ce  n*eft  pas 
fimplement  avoir  beaucoup  vu  &  beaucoup 
lu  ;  ce  n'eft  pas  auffi  pofTéder  l'hiftoire  de 
la  philofophie  ,  des  fcj^nces  &  des  arts  5 
tout  cela  ne  forme  fouvent  qu'un  chaos 
indigefte  ;  mais  être  philofophe  ,  c'eft 
avoir  des  principes  folides  ,  &  fur-tout 
une  bonne  méthode  pour  rendre  raifon 
de  ces  faits  ,  &  en  tirer  de  légitimes 
conféquences. 

Deux  obftaclcs  principaux  ont  retardé 
long-temps  les  progrès  de  la.philofophie  y 
l'autorité  &refprit  fyftématique. 

Un  vrai  philofophe  ne  voit  point  par 
les  yeux  d'autrui ,  il  ne  fe  rend  qu'à  la 
convidion  qui  naît  de  l'évidence.  B  eft 
allez  difficile  de  comprendre  comment  il 
fe  peut  faire  que  des  gens  qui  ont  de  l'et* 
prit ,  aiment  mieux  (e  fervir  de  l'efpric 
àcs  autres  dans  la  recherche  de  la  vérité , 
que  de  celui  que  Dieu  leur  a  donné.  11^^ 
Qqqq  Z 


^7^  .PHI 

a  fans  ioute  infiniment  plus  de  pïalfir  & 
plus  d'honneur  à  fe  conduire  par  {es  pro- 
pres yeux  que  par  ceux  des  autres ,  &  un 
homme  qui  a  de  bons  yeux  ne  s'avifa 
jamais  de  le  les  fermer  ou  de  fe  les  arra- 
cher ,  dans  l'efpérance  d'avoir  un  Conduc- 
teur ;  c'efi  cependant  un  ufàge  aflez  uni- 
verfel  :  le  père  Mallebranche  en  apporte 
diverfes  railbns. 

1°.  La  pareiîe  naturelle  des  hommes  , 
qui  ne  veulent  pas  fe  donner  la  peine  de 
méditer. 

2°.  L'incapacité  de  méditer  dans  laquelle 
on  cft  tombé  ,  pour  ne  s'être  pas  appliqué 
dès  la  jeuneffe  ,  lorfque  les  fibres  du  cer- 
veau étoient  capables  de  toutes  fortes 
d'inflexions. 

3®.  Le  peu  d'amour  qu'on  a  pour  les 
vérités  abllraites  ,  qui  font  le  fonde- 
ment de  tout  ce  qu'on  peut  connoître 
ici- bas. 

4.'^.  La  fofte  vanité  qui  nous  fait  fou- 
îiaiter  d'être  eiîimés  fa  vans  ;  car  on  appelle 
fayans  ceux  qui  ont  plus  éle  ledure  :  la  con- 
noifi'ancc  des  opinions  eu  bien  plus  d'ufage 
pour  la  converfation  &  pour  étourdir  les 
efprits  du  commun  ,  que  la  connoifTance  de 
l'a  vraie  philofophie  ^  qui  elt  le  fruit  de  la 
réflexion. 

5°;  L'^admiration  exceffive  dont  on  eu 
prévenu  pour  les  anciens  ,  qui  fait  qu'on 
s'imagine  qu'ils  ont  été  plus  éclairés  que 
nous  ne  pouvons  l'être ,  &  qu'il  n'y  a  rien 
à  faire  où  ils  n'ont  pas  réulli. 

6"^.  Un  je  ha^fais  quel  refped  ,  raêlé 
d'unie  fotte  curlofité  ,  qui  fait  qu'on  admire 
davantage  les  cBofes  les  plus  éloignées  de 
nous  ,  les  cbofes  les  plus  vieilles  ,  celles 
qui  viennent  de  plus  loin  ,  &  même  les 
livres  les  plus  obfcurs  r  ainfi  on  eftimoit 
autrefois  Heraclite  pour  fon  obfcurité.  On 
recherche  les  médailles  anciennes  ,  quoique 
rongées  de  la  rouille  ,  &  on  garde  avec 
grand  foin  la  lanterne  &  lapantouffle  de 
quelques  anciens  ;  leur  antiquité  fait  leur 
prix.  Des  gens  s'appliquent  à  la  lè£ïure 
des  rabbins  ,  parce  qu'ik  ont'  écrit-  dans 
une  langue  étrangère  ,  très-cor  rompue  & 
frès  -  obfcure.  On  eflime  davantage  les- 
opinions  les  plus'  vieilles  ,  parce  qu'elles 
ibnt  les  plus  éloignées  de  nous  ;  &  fans 
-jdoure  li  Nembroi  avoir  écrit  i'hiiîoire  de 


P  H  ! 

fon  fegtie',  toute  la  politique  la  plus  fîné 
&  même  toutes  les  autres  fciences  y  fe-- 
roient  contenues ,  de  même  que  quelques- 
uns  trouvent  qu'Homère  &  Virgile  avoient 
une  connoifïànce  parfaite  de  la  nature.  Il 
faut  refpeder  l'antiquité  ,  dit-on  ;  quoi  ! 
Ariflote ,  Platon  ,  Epicure ,  ces  grands  hom- 
mes fe  feroient  trompés  ?  On  ne  confidere  pas 
qu'Ariflote  ,  Platon  ,  Epicure  étoient  des 
hommes  comme  nous  ,  &  de  même  efpece 
que  nous  ,  &  de  plus  ,  qu'au  temps  où  nous 
fommes  ,  le  monde  eit  îigé  de  plus  de  deux 
mille  ans  ;  qu'il  a  plus  d'expérience  ,  qu'il 
doit  être  plus  éclairé  i  &  que  c'efî  la  vieil- 
leffe  du  monde  &  l'expérience  qui  font 
découvrir  la  vérité. 

L^n  bon  efprit  cultivé  &  de  notre  fiecle  , 
dit  M.  de  Fontenelle  ,  efl,  pour  ainfi  dire  , 
compofé  de  tous  les  efprits  des  fiecles 
précédons  ,  ce  n'efl  qu'un  même  efprit  qui 
s'efî  cultivé  pendant  tout  ce  temps-là: 
ainfi  cet  homme  qui  a  vécu  depuis  le  com- 
mencement du  monde  jufqu'à  préfent ,  a 
eu  fon  enfance,  où  il  ne  s'eû  occupé  que 
de^i^foins  les  plus  prtffans  de  la  vie;  fa 
jeurièfTe  ,  où  il  a  affez  bien  réufS  aux  chofes 
d'imagination,  telles  que  la  poéfie  &  l'é- 
loquence, &  où  même  il  a  commencé  à 
raifonner  ,  mais  avec  moins  de  folidité 
que  'de  feu  ,  &  il  ell  maintenant  dans  l'âge 
de  virilité  ,  où  il  raifonne  avec  plus  de 
forces  &  plus  de  lumières  que  jamais.  Cet- 
homme  même  ,  à  proprement  parler  ,. 
n'aura  point  de  vieillelîe  ,  il  fera  toujours: 
également  capable  àes  chofes  auxquelles 
fa  jeuneflè  éroit  propre  ,  &  il  le  fera 
toujours  de  plus  en  plus  de  celles  qui 
conviennent  à  l'âge  de  virilité,  c'efl-à- 
dire  ,  pour  quitter"  Tallégorie  ,  les  hommes 
ne  dégénèrent  jamais  ,  &•  les  vues  faines 
de  tous  les  bons  eiprits ,  qui  fe  fuccé- 
deronr,  s'ajouteront  toujouFS  les  unes  ai>x 
auti'es.  ) 

Ges  réflexions  folides  &  judicieufès  d-s— 
vroient  bien  nous  guérir  des  préjugés  ridi- 
cules que  nous  avons   pris  en  faveur  des 
anciens.  Si  notre  rai  fon ,   foutenue  de»  la- 
vanité  qui  rjous  cff  fi  naturelle ,   n'eit  pas- 
capable  de  nous  cter  une  humilit-é   fi  maL 
entendue,  comme  fi  en  qualité  d'homm«s- 
nous  n'avions  pas  droit  de  prétendre  à  "une 
aiiffi  grande  perfeâion  ;   l'expérience-  du.. 


>s 


P  H  ï 

Tfioiûs  fefa  affez  forte  pour  nous  convain- 
cre que  rien  n'a  tant  arrêté  le  progrès 
àes  chofès  ,  &  rien  n'a  tant  borné  les  eC- 
prits  ,  que  cette  admiration  exceflive  des 
anciens.  Parce  qu'on  s'étoit  dévoué  à  l'au- 
rorité  d'Arifiote  ,.  dit  M.  de  Fontenelle  , 
&  qu'on  ne  cherchoit  la  vérité  que  dans 
ûs  écrits  énigmatiques ,  &  jamais  dans  la 
nature  ,  non-feuiement  la  philofophie  n'a-- 
vançoit  en  aucune  façon  ,  mais  elle  étoit 
tombée  dans  un  abyme  de  galimathias  & 
d'idées  inintelligibles  ,  d'où  l'on  a  eu  toutes 
les  peines  du  monde  à  la  retirer.  Ariiiote 
n'a  jamais  fait  un  vrai  philofophe ,  mais 
il  en  a  beaucoup  étoutfë  qui  le  fuflént 
devenus,  s'il  eût  été  permis.  Et  le  mal 
eft  qu'une  fantaifîe  de  cquq  efpece  une 
fois  établie  parmi  les  hommes  ,  en  voilà 
pour  lo«g-temps;  on  fera  des  fîccles  entiers 
à  en  revenir ,  même  après  qu'on  en  aura 
connu  le  ridicule.  Si  l'on  alloit  s'entêter 
un  jour  de  Defcartes  ,  &  lé  mettre  à  la 
place  d'Ariftote ,  ce  feroit  à-peu-près  le 
même  inconvénient. 

Si  ce  rcfped  outré  pour  l'antiquité  a  une 
fi  mauvailé  influence  ,  combien-  devient- 
il  encore  plus  contagieux  pour  les  commen- 
tateurs des  anciens  ?  Quelles  beautés  ,.  dit 
l'auteur  ingénieux  que  nous  venons  de  citer, 
ne  fe  tiendroient  heureufes  d'infpireràleurs 
•amans  une  paffion  aulil  vive  &  auffi  ten- 
dre ,  que  celle  qu'un  grec  ou  un  latin  inl-' 
pire  à  fon  refpedueux  interprète?  Si  l'on 
commente  Arillote  ,  c'efi  le  génie  de  la 
nature  :  fi  l'on  écrit  fur  Platon  ,  cefi  le 
divin  Platon.  On  ne  commente  guère  les 
ouvrages  des  hommes  tout  court-;  ce  font 
toujours  les  ouvrages  d'hommes  tout  divins , 
d'hommes  qui.  ont  été  l'admiration  de  leur 
liecle.-  Il  en  efî  de  même,  de  la  matière 
qu'on  traite  ,  c'eft  toujours  la  plu5  belle, 
la  plus  relevée  ,  celle  qu'il  efl  le  plus  nécef- 
làirede  favoir.  Mais  depuis  qu'il  y  a  eu  des 
Defcartes  ,  des  Newton,  des- Léibnitz  , 
&  des  Woif  ,  depuis  qu'on  a  allié  les 
mathématiques  à  h  philofophie ,  la  manière 
de  raifonner  s'efl  extrêmement  perfec- 
tionnée. 

7^.  L'efprit  fyflématique  ne-  nuit  pas 
moins  au  progrès  de  la  vérité  :  par  efprit 
{fûémanque  ,  je  n'entends  pas  celui  qui 
iieies  V  élites  entre  -  elles. , ,  poui  former  des 


PHI  ^77 

I  démonfîratîons ,   ce  qui  n'efî  autre  chofe 
j  que  le  véritable  efprit  phiIolbphi.:^ue  ,  mais 
■  je   défigne  celui   qui  bâtit  des  plans  ,    & 
\  forme  des  fyftêmes  de  l'univers  ,  auxquels 
S  il  veut  enfuite  ajuller  ,  de  gré  ou  de  force;, 
I  les  phénomènes  ;  on. trouvera  quantité  de 
I  bonnes  réflexions  là-deiîlis  dans  le  fécond 
tome  de  l'hiftoire  du  ciel ,   par  M.  l'abbi' 
Pluche.  Il  les  a  pourtant  un  peu  trop  pouf- 
fées  ,  &  il  lui  feroit  difficile  de  répondre  iV 
certains  critiques.  Ge  qu'il  y  a  de  certain,* 
c'elè  que  rien  n'ell  plus  louable  que  le  parti- 
qu*a  pris  l'académie  des  fciences  ,  de  voir,, 
d'oblèrver,   de  coudier  dans  i&s  regiflres 
les  obfervations  &  les  expériences  ,  &  de' 
laifTer  à  la  pofîérité  le  foin  de  faire  un  fyl-- 
tême  complet ,_  lorfqu'il  y  aura  affez  de- 
matériaux  pour  cela  ;   mais  ce   temps  eQ' 
encore  bienéloigpé  ,.  fi  t^nt  eii  qu'il  arrive 
jamais^ 

Ce  qui  rend  donc  l'clprit  fyflématique  C; 
contraire  au  progrès  de  la  vérité  ,  c'efl  qu'il 
n'efl  plus  poitibledc  détromper  ceux  qui  ont 
imaginé  un  fyftême  qui  a  quelque  vraifem- 
blance.    Ils  coniervent  &  retiennent  très-- 
chèrement   routes  les  chofes   qui  peuvent 
fervir-  en    quelque    maniera  a   le  confir- 
mer i    &  au  contraire  ils  n'apperçoivent- 
pas  pr^fque toutes  les  objedions  qui  lui  font- 
oppoiëes',  ou  bien  ils  s'en  défont  par-  quel-- 
que  difiinâion  frivole.  Us  feplailent  inté- 
rieurement dans  la  vue  de  leur  OQv^-age  & 
de  l'eliime  qu'ils  efperent  en  recevoir.  Ils 
ne  s'appliquent  qu'à  confidérer  l'image  de" 
la  vérité  que  portent  leurs  opinions  vrai- 
ferablablesi    Ils.  arrêtent- cette  image  fixe 
devant  leurs  yeux',   mais  ils  ne  regardcr^t 
jamais  d'une  vue  arrêtée  les  autres  faces  de 
leurs  fentimens,-  lelquelles  leur  en  décou- 
vriroient  la  fauffeté. 

Ajoutezi^icela  les  préjugés  &  les  paffions. 
Les  préjugés  occupent  une  partie  de  l'efpric 
&  en  infedent  tout  le  refîe.  Les  paffions 
confondent  les  idées  en  mille  manières- 
Qc  nous  font  prefque  toujours  voir  dans  les 
objets  tout  ce  que.  nous  délirons  d'y  trou- 
ver: la  pafllonmême  quenous  avons  pour 
la  vérité  nous  trompe  quelquefois  ,  lorf^ 
qu'elle  efl  trop  ardente.  Malle  branche. 

Philosophie,  f.f.  feptieme corps  des 
•caractères  d* Iniprimerie  ;  fa  propon'ion  efl^ 
.d'une  ligpe  5  points ,  raefurc  de  i'échella^v 


^7«  î^  H  I 

fon  corps  double  eft  le  gros  parangon. 
Voje:;^  PROPORTION  des  cara^eres d' Im- 
primerie. 

La  philofophie  eft  un  entre-corps  ;  on 
emploie  ordinairement ,  pour  le  faire ,  l'œil 
de  cicero  fur  ledit  corps  àt  philofophie  qui 
cil  de  peu  de  chofe  plus  foibîe.  Voye\ 
Mignonne  &  l'exemple  à  Tar/ic/^  Ca- 
ractères. 

PHILOSOPHIQUE  (esprit)  , 
(  Morale.  )  L'efprir  philofophiqiie  eft  un 
don  de  la  nature  perfedionné  par  le  travail , 
par  l'art  &  par  Thabitude  ,  pour  juger  faine- 
ment  de  toutes  cliofes.  Quaad  on  poflede  ' 
cet  ,efprit  fupérieurement ,  il  produit  une 
intelligence  merveilleufe  ,  la  force  du  rai- 
fonnement ,  un  goût  sûr  &  rélicchi  de  ce 
qu'il  y  a  de  bon  ou  de  mauvais  dans  le 
monde  ;  c'eft  la  règle  du  vrai  &  du  beau. 
Il  n'y  a  rien  d'eftimable  dans  les  différens 
ouvrages  ,  qui  fortcnt  de  la  main  des  hom- 
mes ,  que  ce  qui  eft  animé  de  cet  efprit.  De 
lui  dépend  en  particulier  la  gloire  des  belles- 
lettres  ;  cependant  comme  il  eft  je  partage 
de  bien  peu  de  favans  ,  il  n'eft  ni  poflible , 
ni  nécefîaire  pour  le  fuccès  des  \tnxcs  , 
qu'un  talent  fi  rare  fe  trouve  dans  tous  ceux 
qui  les  cultivent.  Il  fuffit  à  une  nation  que 
certains  grands  génies  le  pofledent  éminem- 
ment ,  &  que  la  fupérioriré  de  leurs  lumières 
les  rendent  les  arbitres  du  goût ,  \ts  oracles 
de  la  critique,  les  difpenfateurs  de  la  gloire 
littéraire.  Ve/prit  philofophiqiie  réfidant 
avec  éclat  dans  ce  petit  nombre  de  gens, 
il  répandra ,  pour  ainfi  dire  ,  fes  influences 
fur  tout  le  corps  de  l'état ,  fur  tous  les 
ouvrages  del'efprit  ou  de  la  main  ,  &  prin- 
cipalement fur  ceux  de  littérature.  Qu'on 
banniflê  les  arts  &  les  fciences ,  on  oan- 
nira  cet  efprit  philofophique  qui  les  pro- 
duit^ dès-lors  on  ne  verra  plus  perfonne 
capable  d'enfanter  l'excellence  ;  &  les 
lettres  avilies  languiront  dans  l'obfcurité. 
iD.J,) 

PHILOTE  ,  f.  f.  {Mythol  )  Tune  des 
filles  de  la  nuit,  félon  Héfiode  dans  fa 
Théogonie  ,  2.2.4.  ^^  poëte  a  entendu  par 
philote  y  l'abus  du  penchant  que  les  deux 
hxts  ont  l'un  pour  l'autre.  Hygin  a  rendu 
ce  mot  par  celui  ai  incontinence. 

PHILOTESIE  ,(.  ï.{  Littérat.  )  c'eft 
ainfi  que  s'appelloit ,  chez  les  Grecs ,  la 


PHI 

cérémonie  de  boire  à  la  fanté  les  uns  àei 
autres  ;  elle  fe  pratiquoit  de  cette  manière. 
Dès  que  le  roi  du  feftin ,  ou  celui  qui  don- 
noit  un  grand  repas  avoit  verfé  du  vin  dans 
fa  coupe  ,  il  en  répandoit  d'abord  en  Thon* 
neur  àts  dieux  ;  enfuite  après  l'avoir  porté 
à  (es  lèvres  ,  il  préfentoit  la  coupe  à  fon 
voifin  ou  à  la  perfonne  à  qui  il  vouloit 
faire  honneur ,  en  lui  fouhaitant  toutes 
Ï^OYtQS  de  profpérités  ;  celui-ci  en  buvoit  » 
la  préfentoit  enfuite  à  Un  autre,  &  ainft 
la  coupe  alloit  de  main  en  main  ,  jufqu'à  ce 
que  tous  les  conviés  en  euiTent  bu.  Les  phi"^ 
lote'fies  fe  prariquoicnt  encore  à  l'arrivée  de 
quelque  hôte  ,  mais  il  n'étoit  permis  qu'aux 
étrangers  de  boire  à  la  fan  té  de  la  femme 
du  roi  de  feftin.  A  l'égard  des  autres  règles 
de  cette  cérémonie  de  table  ,  on  peut  con- 
fultcr  la  lettre  du  P.  Fronteau  à  M.  de  Bel- 
lievre.  Le  mot  uKÔrtiaïf ,  veut  dire  amitié', 

^  PHILOTI ,  (  Iliff.  littéraire.  )  fociété 
établie  à  Véronne  en  Italie  ^  pour  les  pro- 
grès des  exercices  convenables  ù  la  nobleflê, 
comme  le  manège  ,  les  armes  ,  la  danfe , 
&c.  elle  eft  gouvernée  par  des  préfidens. 

PHILTRE  ,  f.  m.  (  HiJ^.  anc.  & 
Divinat.  )  breuvage  ou  autre  drogue  pour 
donnsr  de  l'amour  ;  ce  mot  eft  grec,  çiATpor, 
&  vient  du  verbe  ^1^7 v  ,  aimer. 

On  diftingue  les  philtres  en  faux  &  en 
véritables  ;  &  l'on  tient  pour  faux  ceux  que 
donnent  quelquefois  les  vieilles  femmes  ou 
les  femmes  débauchées  ;  ceux-là  font  ridi- 
cules ,  magiques  &  contre  nature  ,  plus 
capables  d'infpirer  de  la  folie  que  de  l'amour 
à  ceux  qui  s'en  fervent  ;  les  fyraptomcs  en 
font  mcrae  dangereux. 

Tous  les  démonographes  conviennent 
qu'on  emploie  de  ces  fortes  de  philfres  ^ 
&  les  mettent  au  nombre  des  maléfices.  Il 
eft  certain  que  \ts  anciens  les  connoiflbient, 
&  que  dans  la  confeftion  de  ces  poilbns  ils 
invoquoient  les  divinités  infernales.  Il 
entroit  dans  leur  compofition  diverfès 
herbes  ou  matières ,  telles  que  le  poiflbn 
appelle  remore  ,  certains  os  de  grenouilles  , 
la  pierre  aftroïtès ,  &:  fur-tout  l'hippomanès. 
Voy.  HiPPOMANès.  Delrio  ajoute  qu'on 
s'y  eft  aufll  fervi  de  fpcrme  ou  femence 
humaine  ,  de  fang  menftruel ,  de  rognures 
d'ongles ,  des  métaux  ,  des  reptiles ,  des 


^      PHI 

inteftins  de  poifTons  &  d'oîfeaux ,  &  qu'il 
y  a  eu  des  hommes  aflez  impies  pour  mêler 
avec  tout  cela  de  l'eau  bénire  ,  du  fainr- 
chrême  ,  des  reliques  des  faints  ,  des  frag- 
mens  d'ornemens  d'égliic ,  &c.  On  a  des 
excmpl-s  de  perfonnes  ainfi  maléficiëes  & 
précipitées  dans  une  rage  d'amour^  mais 
î'auteur  que  nous  venons  de  citer  prétend 
qu'un  philtre  ne  peut  pas  agir  k  moins  qu'il 
n'y  ait  dans  la  perlonne  à  qui  on  l'a  donné , 
un  penchant  &  des  dirpofitions  à  aimer  la 
perfonne  qui  le  lui  a  donné  ,  &  encore 
qii'un  ferme  refus  de  confentement  de  la 
part  de  la  première  empêche  FclFet  du 
philtr£.  Delrio  ,  Difquijit.  magie,  lié.  Jlly 
pjrt.  I  y  quivfi.  iij  y  fecl.  2    &  z. 

On  entend   par  véritables  philtres  ceux 
qui  peuvent  concilier  une  inclination  mu- 
tuelle entre  une  perfonne  &  une  autre  ,  par 
l'interpofition  de  quelque  moyen  naturel  & 
magnétique    qui    tranlplaate  ,    pour   ainfi 
dire  ,   ralFedion.  Mais  on  demande  s'il  efl 
des  philtres  de  cette  nature  ;    &  d'ordi- 
naire on  répond  que  non.  Quelques-uns 
croient  avoir    des  expériences  contraires. 
On  dit  que  fi  un  homme  met  un  morceau 
de  pain  fous  fon  aiflèlle  ,  pour  l'imbibar  de 
fa   ilieur  &   de    la   matière  de  l'infenfible 
tranfpiration  ,  le  chien  qui  en  aura  mangé 
ne  le  quittera  jamais.  On  tient  qu'Hartman- 
nus ayant  donné  unphdcre  tiré  des  végétaux 
à  un  moineau  ,  cet  oifeau  ne  le  quitta  plus 
depuis ,  demeurant  avec  lui  dans  fon  cabi- 
net ,  &   volant  pour  le    fuivre  quand   il 
viiitoit  (ts  malades.    Vanhelmont  a   écrit 
qu'ayant  tenu  une  certaine  herbe   dans  fa 
main  durant  quelque  temps  ,  &  pris  enfuire 
la  patte  d'un  petit  chien  de  la  même  main, 
cet  animal  le  fuivit  par-tout  6l  quitta  fon 
premier   maître.    Le  même   auteur  ajoute 
que  Us  philtres  demandent  une  confermen- 
tation   de  mumie  ,  pour  attirer  l'amour  à 
un   certain  objet,  &  rend  par -là   raifon 
pourquoi  l'attouchement  d'une  herbe  échauf- 
fée ,  tranfplante  l'amour  à  un  homme  ou  à 
iine  brute.  C'eft  ,  dit-il  ,  parce  que  la  cha- 
leur qui  échauffe  l'herbe  n'étant  pas  feule  , 
mais  animée  par  les  émanations  des  clprits 
tiaturels,  détermine  l'herbe  \crs  foi  &  fe 
l'identifie  ;    &    ayant  reçu    ce    ferment  , 
«lie  attire  magnétiquement  l'efprit  de  l'autre 
oh'i^t  j  âc  le  force  d'aimer  ou  de  prendre 


PHI  6jc, 

un  mouvement  amoureux  ;  delà  il  conclut 
qu'il  y  a  des  philtres  déterminés.  Les  ma- 
lades ,  après  avoir  mangé  ou  bu  quelque 
chofe  ,  foupçonnent  quelquefois  certaines 
perfonnes  de  leur  avoir  donné  quelque 
charme  ,  &  fe  plaignent,  principaien«nt 
du  défordre  de  l'eftomac  &  de  l'elprit.  On 
dit  encore  que  la  paflion  ^moureufe  caufée 
par  un  philtre  revient  périodiquement.  Le 
docteur  Langius  témoigne  qu'il  a  guéri  un 
jeune  homme ,  qui  ayant  mangé  à  quatre 
heures  après  midi  ,  la  moitié  d'un  citron 
qu'il  îivoit  reçu  d'une  femme  ,  fenroit  tous 
les  jours  ,  à  la  même  heure  ,  un  amour  em- 
preflé  qui  le  falfoic  courir  de  côté  &  d'au- 
tre ,  pour  la  chercher  &  la  voir.  Cela  lui 
durcit  une  heure  ;  &  comme  il  ne  pouvoit 
iatisfaire  fon  envie  ,  à  caufe  de  l'abfence 
de  cette  femme  ,  fon  mal  augmenta  &  le 
jeta  dans  un  état  pitoyable.  Les  philtres 
caufent  de  fréquentes  manies  &  afltz  f^u*- 
vtm  la  perte  de  la  mémoire.  Il  peut  y  avoir 
des  breuvages  qui  produifent  cet  effet  ;  mais 
il  efl  difficile  de  croire  qu'il  y  en  ait  qui  inf- 
pirent  de  l'amour  plutôt  pour  une  perfonne 
que  pour  une  autre.  Dicfionn.  des  arts. 

PHILYRA  ,  f.  f.  {Lme'rat.  )  peau 
fort  déliée  qui  fe  trouve  entre  l'écorce 
des  arbres  &  l'aubier  ;  les  anciens  en  fai- 
foient  des  bandelettes  ,  -dont  ils  entrek- 
çoient  leurs  couronnes  de  fleurs  :  le  tilleul 
étoit  particulièrement  eftimé  pour  cet  ufase. 
(D.J.) 

PHILYRES  ,  (  Ge'ogr.  anc.  )  peuples 
qui  habifolent  fur  le  Pont-Euxin  ,  (èlon 
Etienne  le  géographe.  Valerius  Fla.cus 
Appoliinius,  lip.  JI ,  met  dans  le  Pont- 
Euxin  une  île  appellée  Philyrida  y  qui 
pouvoit  tirer  fon  nom  de  celui  de  ces 
peuples  ,  ou  lui  avoir  donné  le  fien  ;  &  il 
y  a  apparence  que  ce  font  les  malfbns  des 
Philyres  qu'Ovide ,  Me'tamorph.  Uv.  VJI, 
appelle  philyrea  tecla.  {D.  J.) 

PHIMOSIS ,  f  m.  (  Chirurgie.  )  c'c/l 
une  maladie  de  la  verge  ,  dans  laquelle  le 
prépuce  eil  collé  &  fortement  reflèrré  fur 
le  gland  ,  de  manière  qu'on  ne  peut  pas  le 
tirer  en  arrière  ,  pour  découvrir  le  gland. 
Voyc\  Gland  ,  Prépuce.  Ce  mot  eft 
grec  ;  il  fignifie  proprement  une  ligature 
avec  une  ficelle  ,  (piuaTu  ,  fignifiaot  ligature 
faite  ai'ec  itni  corde^ 


ao  p  H I 

Quelquefois  unphimojîs  cache  des  cha-n- 
jcres  qui  ionr  fur  le  gland  ,  ou  qui  l'envi- 
ronnent. Il  eft  quelquelois  il  v'olenr,  qu'il 
caille  une  inflaramation  &  enfin  la  gangrené 
^dans  cette  partie. 

^n  dillingue  le  phirr\oJis  en  naturel  & 
en  accidentel.  Le  naturel  vient  de  naif- 
fancej  il  n'eil  point  ordinairement  dange- 
reux ,  à  moins  qu'il  n'y  iurvienne  une  in- 
flammation par  l'acrimonie  de  l'urine  ,  fi 
jclle  féjourne  long-temps,  entre  le  gland  & 
Je  prépuce-  L'accidentel  eft  bénin  ou  malin. 
Le  premier  vient  de  quelque  caule  externe 
.qui  irrite  le  prépuce ,  y  attire  une  inflam- 
jnation  &  un  gonflement ,  &  le  fait  telle- 
inent  reiTerrer  ,  qu'il  (è  forme  à  fon  -extré- 
jnité  un  bourrelet  circulaire  qui  l'empêche 
de  fe  renverler  &  de  découvrir  le  gland.  Le 
f)hLmoJis  malin  efl  femblable  à  celui  -  ci  ; 
mais  il  reconnoît  pour  caufe  un  virus  véné- 
.rien  ;  il  fur  vient  fou  vent  à  la  chaudepifle  , 
âux  chancres  ,  &  à  d'autres  maladies  véné- 
riennes qui  attaquent  la  verge. 

Le  pJumoJis  naturel  peut  mettre  dans  le 
.cas  d'une  opératjon  ,  même  làns  qu'il  y 
iurvienne  d'inflammation.  Si  l'ouverture 
.du  prépuce  ne  répondoit  pas  précifément  à 
l'orifice  de  l'urètre ,  l'urine  ne  fort iroit  point 
j)ar  un  jeu  continu  ,  mais  s'épancheroit 
entre  le  gland  &  le  prépuce.  Le  défaut  de 
foin  dans  ce  cas  a  fouvent  donné  lieu  à  la 
concrétion  de  l'urine  ,  &  conféquemment 
,à  la  formation  àts  pierres  dans  cette  partie. 
Si  l'on  â  foin  de  preflTer  le  prépuce  après 
.qu'on  a  uriné  ,  on  évitera  cet  inconvénient^ 
jnais  on  fent  que  ces  perfonnes  font  hors 
d'état  d'avoir  des  enfans  ,  parce  qu'il  arri- 
vera à  la  liqueur  féminale  ce  qui  arrive  à 
l'urine.  Une  petite  fcarificarion  au  prépuce 
,à  l'un  des  côtés  de  la  verge  ,  lui  donnera  la 
facilité  de  découvrir  l'orifice  de  î'uretre  ,  & 
ievera  les  obilacles  qui  s'oppofent  à  réjacu- 
îation. 

On  a  imaginé  un  petit  inftrument  d'acier 
^laftique  ,  pour  dilater  le  prépuce  trop 
jétroit.  Voyeifig.  £  y  planche  VI'.  L'ex- 
;trémiré  antérieure  fe  met  dans  le  trou  du 
prépuce  ,  &  ou  dilate  Its  branches ,  en  la- 
chant  la  vis  qui  les  contient. 

Lorfque  le  phimojis  eft  accidentel  ,  il 
faut  laigner  le  rnalade  relativement  à  la 
mmxb  S  aux  "prcgrçj^  de  Tinflapirçatipn  j 


P  H  I 

fair€  àe^  injeâions  adoucifïàntes  entre  le 
prépuce  &  le  gUnid  ,  appliquer  des  cata- 
plalmes  anodins  &  reiolutits  ,  en  obfer- 
vant  la  iituation  de  la  sQxgt  ,  qui  doit 
être  couchée  fur  le  ventre  ,  pour  les  raifons 
que  nous  avons  dltee  au  mot  Paraphi- 
MOSIS  :  ce  n'eft  qu'après  avoir  employé 
tous  ces  moyens  fans  fuccès  ,  qu'on  doic 
en  venir  à  l'opération. 

Le  malade  peut  être  aflîs  dans  un  -fau- 
teuil ,  ou  refter  couché  lur  le  bord  de  fon  Ht^ 
Le  chirurgien  prend  la  verge  de  fa  main 
gauche  ,  &  tient  de  fa  main  droite  des 
cileaux  droits  &  moufles;  il  introduit  une 
des  deux  lames  à  plat ,  entre  le  prépuce  &  le 
gland  au  delà  de  la  couronne  ;  on  en  relevé 
enfuite  la  lane  ,  &  on  coupe  tout  ce  qui  elî 
compris  entre  deux.  Cette  inclfion  doit  fè 
faire  au  milieu  de  la  partie  fupérieure  ,  à 
l'oppofite  du  filet.  Si  le  prépuce  étoit  chan- 
creux  ou  infiltré  d'une  lymphe  gangreneufe  f 
comme  je  l'ai  vu  prefque  toujours  lorfque  le 
pkimofis  ^  été  néglige  ,  il  faut  emporter 
tout  le  prépuce  en  ôtant  les  lèvres  de  la 
plaie  obliquement,  pour  aller  mourir  au 
filet  qu'il  n'efl  point  néceflairq  de  couper. 
Céd  fe  tait  avec  les  cifeaux  ou  avec  le 
biftouri. 

La  perfedion  de  l'opération  du  phimojis 
confifle  à  couper  également  la  peau  &  la 
membrane  interne  du  prépuce.  Pour  cet 
effet ,  il  ne  faut  point  tirer  la  peau  vers  le 
gland  ;  car  par  la  fedion  on  mettroit  une 
partie  des  corps  caverneux  à  découvert  : 
il  faut  au  contraire  retirer  la  peau  de  la 
verge  vers  le  pubis  ,  avant  de  couper. 

Feu  M.  de  la  Peyronie  a  corrigé  l'ancien 
biflouri   herniaire    pour    cette    opération. 

Voye:{  Bistouri  herniaire.  L'ufagc 

des  cilèaux  doit,  autant  qu'il  eflpoifible,  être 
profcrit  de  la  chirurgie  opératoire.  L'inci-» 
fion  du  prépuce  le  fait  bien  plus  facilement 
avec  un  biflouri  qui  coule  le  long  d'une 
fonde  cannelée  qu'on  a  introduite  prélimi- 
nairement  entre  le  prépuce  &  le  gland. 

Le  premier  appareil  de  l'opération  du 
phimofis  confifle  à  arrêter  le  fang  avec  de 
la  charpie  feche.  La  plaie  qui  en  réfultc 
fuppure  les  jours  fuiviins  ;  &  l'on  dirige 
les  foins  pour  en  obtenir  la  cicatrice ,  Iç 
plutôt    qu'il  efl  polfibie.  Voye\  PlAlE, 

I Ulcère..  [Y)  .  , 

-  PHINÈE, 


P  H  I 

^  PHINÉE  ,  {Mythol.)  fils  d'Agénor  , 
rcgnoic  à  Salmidede  dans  la  Thrace  :  il 
avoir  époufé  Cléobule  oa  Cléopatre  ,  fille 
de  Borée  &  d'Orithie  ,  donc  il  eur  deux 
fils  ,  Plexippe  &c  Pandion  ;  mais  ayanc 
répudié  dans  la  faire  cecre  princeffe  pour 
époufer  Idéa  ,  fille  de  Dardanus  ,  cette 
marârre  ,  pour  fe  défaire  de  fes  deux 
beaux-fils  ,  les  accufa  d'avoir  voulu  la 
déshonorer  ,  &  le  trop  crédule  Phinée 
leur  fit  crever  les  yeux.  Les  dieux  ,  pour 
l'en  punir  ,  fe  fervirent  du  miniftere  de 
l'Aquilon  pour  l'aveugler.  On  ajoute  qu'il 
fur  en  même  temps  livré  à  la  perfécution 
àts  Harpies  qui  enlevoient  les  viandes  fur 
la  table  de  Phinée  ,  ou  infedtoient  tout 
ce  qu'elles  touchoient ,  &  lui  firent  fbuf- 
frir  une  cruelle  famine.  Les  Argonautes 
étant  arrivés  en  ce  temps-là  chez  Phinée  , 
en  furent  fivorablement  reçus  ,  &  en 
obtinrent  des  guides  pour  les  conduire  à 
travers  les  roches  Cyanées.  En  reconnoif- 
fance  ,  ils  le  délivrèrent  des  Harpies  , 
auxquelles  ils  donnèrent  la  charte.-  Dio- 
dore  dit  qu'Hercule  follicita  La  liberté  des 
jeunes  princes  que  Phinée  tenoit  en  prifon  , 
&  que  ,  n'ayant  pu  le  fléchir  ,  il  l'emporta 
de  force  ,  tua  le  père  ,,  &  partagea  fes 
f  tats  aux  deux  enfans.  (  -f-  ) 

Phinée  ,  (  Mythol.  )  frère  de  Céphée  , 
jaloux  de  ce  que  Perfée  lui  enlevoit  fa 
nièce  Andromède  qui  lui  avoir  été  promife 
en  mariage  ,  réfolut  de  troubler  la  foîem- 
nité  de  leurs  noces  \  il  rafîembla  fes  amis , 
entra  dans  la  falle  du  f^ftin  ,  &  y  porta 
le  carnage  &  l'horreur.  Perfée  auroit  fuc- 
combé  Ibus  le  nombre  ,  s'il  n'eni  eu  re- 
cours à  la  tête  de  Médufe  ,  dont  la  vue 
pétrifia  Phinée  &  fes  compagnons.  (  +  ) 

PHINÉE  S  ,  face  de  la  confiance, 
(  Hijl.  facr.  )  fils  d'Eléazar ,  &  petit-fils 
d'Aaron  ,  fut  le  troifieme  grand-prêtre  des 
Juifs  ,  &  eft  célèbre  dans  l'écriture  par 
fc)n  grand  zèle  pour  la  gloire  de  Dieu.  Les 
Madiani tes  ayant  envoyé  leurs  filles  dans 
le  camp  d'Ifraël  ,  pour  faire  tomber  les 
Hébreux  dans  la  fornication  &  dans  l'ido- 
lâtrie ,  &  Zambri  ,  un  d'entr'eux ,  étant 
entré  publiquement  dans  la  tente  d'une  Ma- 
dianite  ,  nommée  Coi^^i  ,  Phiné}s  le  fuivit 
la  lance  à  la  main  ,  perça  les  deux  cou- 
pables &  les  tua  d'un  feul  cod|.  Alors  la 
Tome  XX  y. 


PHI  €Si 

maladie  dont  le  Seigneur  avoir  déjïPIrom- 
mencé  à  frapper  les  Ifraélites ,  ccfTâ  auflî- 
tôt.  Dieu  ,  pour  récompenfer  le  zèle 
ardent  que  Phinéh  avoit  témoigné  pour 
la  loi  dans  cette  occafion ,  lui  promit  d'éta- 
blir la  grande  facrificature  dans  là  fa- 
mille. Cette  promefïe  que  le  Seigneur  fit 
à  Phinéh  ,  de  lui  donner  le  facerdoce 
par  un  padc  éternel  ,  fut  exaéfcement  ac- 
complie. Cette  dignité  demeura  fans  in- 
terruption dans  fa  famille  pendant  enviroH 
5  35  ans  jufqu'à  Héli ,  par  lequel  elle  pafià 
à  celle  d'Ithamar  ,  fans  que  l'écriture 
nous  apprenne  la  manière  ni  la  caufe  de 
ce  changement.  Mais  cette  interruption 
ne  dura  pas  ;  car  le  pontificat  rentra 
bientôt  dans  la  maifon  de  Phinéh  par 
Sadoc  ,  à  qui  Salomon  le  rendit  ,  &  donc 
les  defcendans  en  jouirent  jufqu'à  la  ruine 
du  temple  ,  l'efpace  de  mille  quatre-vingt- 
quatre  ans.  Cependant  cciiç.  interruption  , 
èc  l'extinction  entière  du  (acerdoce  même, 
nous  font  voir  qu'il  manque  quelque  chofe 
à  l'exadte  vérité  de  la  parole  de  Dieu  ,  fi 
elle  n'a  d'autre  objer  que  Phinéh  de  Ca, 
poftérité.  Il  faut  donc  chercher  l'entier 
accompliflément  de  cette  parole  dans 
Jefus-Chrift  ,  qui  a  brûlé  de  zèle  pour  la 
gloire  de  Dieu  ,  jufqu'à  réparer  par  fa 
mort  l'outrage  que  nos  crimes  fiifoient  à 
la  divinité  ,  &z  que  Dieu  a  élevé  à  un 
facerdoce  érernel ,  auquel  toute  fa  poftérité 
eftaflbciée  pour  offrir  avec  lui  &  par  lui  des 
(acrifices  fpirituels  dans  tous  les  fiecles." 
L'auteur  de  Vhccléfiafte  fait  un  très-grand 
éloge  de  cet  illuftre  grand-prêtre,  (-f-  ) 

PHINTHIA,  {Géogr.anc.)  i°.  ville 
de  Sicile ,  que  l'on  juge  avoir  été  dans  l'en- 
droit où  eft  aujourd'hui  Licata  ,  &où  l'on 
découvre  un  grand  nombre  d'antiquités. 
i°.  Phinthia  eft  encore  une  fontaine  de 
Sicile  ;  Pline  raconte  d'après  Appien  ,  mais 
fans  en  rien  croire ,  que  tout  ce  qui  y  étoic 
jeté  furnageoit.  Elle  étoit  apparemment  au 
voifinage  de  la  v'^t  Phinthia. 

PRÎNTONIS  ,infula,  (Géogr.anc.) 
île  de  la  mer  Méditerranée ,  entre  la  Sar- 
daigne  &  l'île  de  Corfe  ,  félon  Pline  ,  liv, 
III  ,  •  c.  vij.  ,  &  Ptolomée  liv.  III ,  c. 
iij.  Les  uns  croient  que  c'eft  aujourd'hui 
Pile  de  Figo  ,  ifola  di  Fign  ,  &  d'autres  la" 
prennent  ^m- ifola  Roffa.  (  D.  J.)  '  '  - 
R  r  r  r 


6%i  PHI 

PUfOLE  ,  r.f.  (  (krammairc.  )  c'eft  ime 
pente  bouteille  de  verre  mince.  Voy&i^ 
Verre.  Ce  mot  eft  formé  du  grec  çi«A« 
qui  fignifie  la  même  chofe. 

Phiole  élémentair  e  ,  (  Fhyfique.  ) 
vafe  dans  lequel  on  met  divers  folides  & 
liquides ,  dont  chacun  fe  place  félon  fa  dif- 
férente gravité  fpécifique  ,  de  manière  que 
le  tout  repréfente  les  quatre  élémens  ainfî 
nommés  vulgairement  j  favoir ,  la  terre , 
Veau  y  Vair ,  &  le/ez/. 

Il  y  a  différentes  manières  de  faire  la 
phiole  des  quatre  élémens  ;  voici  une  des 
meilleui"es.  Prenez  de  Pémail  noir  groflié- 
rement  caflé  ,  qui  ira  au  fond  du  vaitleau 
de  verre  ,  &  il  repréfeutera  la  terre.  Pour 
l'eau  ,  ayez  dm  tartre  calciné  ,  ou  des  cen- 
dres gravelées  \  laillez-les  à  Phumidité  , 
&  prenez  la  difiblution  qui  s'en  fera  ,  & 
fur- tout  celle  qui  fera  la  plus  claire  :  mêlez 
y  un  peu  d'azur  de  roche,  pour  y  donner  la 
couleur  d'eau  de  mer.  Pour  l'air  ,  il  faut 
avoir  de  l'eau-de-vie  la  plus  fubtile  ,  que 
l'on  teindra  en  bleu  célefte  avec  un  peu  de 
îournefol.  Enfin  pour  repréfenter  le  feu  , 
prenez  de  l'huile  de  lin ,  ou  de  Phulle  de 
térébenthine  qui  fe  fait  ainfi.  Diftillcz  de  la 
-térébenthine  au  bain-marie ,  l'eau  &  l'huile 
monteront  cnfemble  également  blanches  & 
Uanfparentes  ,  cependant  l'huile  furnagera. 
Il  la  faut  féparer  avec  un  entonnoir  de 
verre  j  enfuite  teignez -la  en  couleur  de 
feu ,  avec  de  l^orcanette  &  du  fafran.  Si 
vous  la  diftillez  au  fable  dans  une  cornue  , 
il  viendra  de  la  térébenthine  reftée  au  fond 
de  l'alembic  ,  une  huile  épaifle  &  rouge  , 
qui  eft  un  très- excellent  baume.  Toutes 
ces  matières  font  tellement  différentes  en 
poids  &  en  figures ,  que  quand  on  les  brouille 
par  quelque  violente  agitation  ,  on  voit  à  la 
vérité  pour  un  peu  de  temps  un  vrai  chaos, 
&  une  confufion  telle ,  qu'on  s'imagineroit 
que  tous  les  j>etits  corps  de  ces  liqueurs  font 
pêle-mêle  ,  fans  aucun  rang  \  mais  à  peine 
a-t-on  cefiTé  d'agiter  ces  fubftanccs,  qu'on 
voit  chacune  retourner  en  fon  lieu  naturel, 
&ç  tous  les  corpufcules  d'un  même  ordre 
s'unir  pour  compofer  un  volume  féparé 
abfolument  des  autres.  Cette  expérience 
fait  donc  voir  ,  comment  les  corpufcules 
les  plus  légers  cèdent  aux  plus  pcfans ,  & 
f  aUeut  ïécipro^emenç  enuc  \x%  poics  Us 


P  H  î 

uns  des  autres  ,  pour  aller  prendre  leur 
place  naturelle.  La  différente  figure  empê- 
che tellement  que  les  corps  qu'on  mêle  ne 
fe  confondent  ,  que  quelque  inféparables 
qu'ils  paroilTènt  les  uns  des  autres  dans  le 
mélange  qu'on  en  fait ,  ils  ne  laiflènt  pas  de 
le  démêler  ;  de  manière  que  fî  on  met  de 
l'eau  dans  du  vin ,  on  peut  en  retirer  l'eau 
afTèz  facilement.  Il  ne  faut  qu'avoir  une 
taflè  faite  d'un  tronc  de  lierre ,  on  y  verfè 
le  vin  &  l'eau  mêlés  ;  à  peine  font-ils  de- 
dans ,  que  l'eau  pafïè  ,  le  filtre  au  travers 
des  pores  de  la  tafîe  ,  &  laiflé  le  vin  qui  ne 
peut  pafîcr  ,  parce  que  la  figure  de  fes  cor- 
pufcules n'a  point  de  proportion  avec  les 
interfticesqui  font  dans  le  bois  de  lierre  ^ 
c'eft  ainfî  enfin  qu'il  y  a  des  fleuves  qui 
confervent  leur  cours ,  &:  même  la  douceur 
de  leurs  eaux  durant  plu fîeurs  lieues ,  après 
être  rentrés  dans  la  mer.  Article  de  M. 
Formey. 

PHISIQUE  ,  r.  f.  Voyei  PnYsiauE. 

PHISON,  étendu  ,  (  Géogr.fac.)  un 
des  quatre  grands  fleuves  qui  arrofoient 
le  paradis  terreftre.  Pli;fieurs  ont  cru  que 
le  Phifcn  étoit  le  Gange  \  mais  ce  fleuve 
eft  trop  éloigné  de  l'Euphrate  &  du  Tigre  , 
que  Moïfe  dit  avoir  été  dans  le  paradis 
terreftre.  Ceux  qui  mettent  le  paradis  tcr-^ 
reftre  dans  l'Arménie  ,  entre  les  fources  du 
Tigre  ,  de  l'Euphrate ,  de  l'Araxe  &  du 
Phafis  ,  qu'ils  croient  être  les  quii.re  fleu- 
ves défîgnés  par  Moïfe  ,  expliquent  le 
PA(/c/2par  le  Phafis  ,  fleuve  delaColchide, 
célèbre  par  fon  or.  Mais  dans  le  fyftême 
de  M.  Huet  ,  le  Fhifcn  &  le  Géhon  ne 
font  que  deux  bras  que  forment  le  Tigre 
&c  l'Euphrate ,  après  que  ces  deux  grands 
fleuves  ayant  uni  leurs  eaux  ,  les  divifent 
de  nouveau  ,  &  coulent  féparément.  Il  y 
a  de  l'apparence  que  le  Phifori  eft  celui 
qu'on  appelle  le  Pafuigris ,  d'un  mot  com- 
pofé  de  Phi  fon  &  de  Tigris ,  parce  qu'ils 
mêlent  leurs  eaux  enfemble.  (  H-  ) 

PHITON  ,  leur  morceau  ,  (  Géogr. 
fûcrée.  )  une  des  villes  que  les  Hébreax 
bâtircjit  aux  Egyptiens  On  croit  que  cette 
ville  eft  Pathmos  ,  fur  le  canal  que  les  rois 
Necho  &  Darius  avoient  fait  pour  joindre 
la  mer  Rouge  au  Nil ,  ôc  par-là  à  la  Mé- 
diterranée. (  +  ) 

PHLAQUSA  y   (  Ci^ogr,  mt,  )  villit 


P   HL 

de  la  Cherfonnefc ,  voifine  de  la  ville  de 
Troye ,  où  l'on  voyoïc  le  tombeau  de 
Protéfîlaiis  ;  cette  ville  ayoit  un  port  nommé 
Crater ,  félon  Hygin.  {D.  J.) 

PHLÉBOTOMIE  ,  f.  f.  en  mtdédn&  & 
en  chirurgie  ,  c'efl:  ce  que  l'on  appelle 
faignêe ,  c'eft-à-dire  i  Part  ou  l'opération 
de  tirer  du  fang.  Voye[  Sang. 

Ce  mot  eft  compoic  du  grec  çhl4- ,  veine 
&  Tifjivèiv  ,  couper. 

La  phlibotomie  eft  une  efpece  d'évacua- 
tion de  la  plus  grande  importance  en  méde- 
cine ;  fur  ce  que  nous  allons  dire ,  on  peut 
prendre  une  idée  de  fes  effets,  avec  la 
raifon  de  fes  ufages. 

Il  eft  évident  que  le  fang  poufle  hors 
dik  cbeur  ,  en  frappant  fur  le  lang  qui  le 
précède  ,  &  la  chaftant  en  avant ,  lui  com- 
munique une  partie  de  fon  propre  mouve- 
ment ,  &  qu'ainfî  ce  mouvement  en  eft 
rallenti  d'autant  :  par  conféquent  fi  Ton  tire 
du  fang  de  la  veine  bafilique  du  bras  droit, 
celui  qui  lui  fucqede ,  ou  celui  qui  eft  porté 
par  l'artère  axillaire  ou  la  fous  -  claviere 
droite  ,  fera  moins  embarrafte  dans  fbn 
mouvement  qu'il  ne  l'étoit  auparavant  que 
cette  veine  (nx.  ouverte  ;  car  une  partie  du 
faHg  étant  ôtéc  par  l'ouverture  de  cette 
veine ,  il  en  refte  une  moindre  quantité 
dans  la  veine  axillaire ,  ou  bien  il  y  a 
moins  de  fang  contenu  entre  l'extrémité  la 
plus  éloignée  de  l'artère  axillaire  &  le  cœur, 
qu'il  n*y  en  avoir  auparavant  \  c'eft  pour- 
quoi en  faifant  fortir  le  fang  par  la  veine  , 
ce  qui  en  refte  dans  l'artère  fera  moins 
cmbarrafle  dans  fon  mouvement  qu'avant 
cette  ouverture.  Voye^^  Pouls. 

Ainfi  le  fang  de  cette  artère  qui  commu- 
nique avec  la  veine  qui  eft  ouverte,  coulera 
avec  plus  de  vîtefîe  après  cette  ouverture 
qu'il  ne  faifoit auparavant; par  conféquent, 
lorfque  le  fang  fort  par  la  veine  du  bras, 
celui  qui  eft  pouffé  du  cœur  dans  l'aorte , 
trouve  moins  de  réfiftance  dans  le  troijic 
afcendant  que  dans  le  tronc  defcendant  j 
il  coulera  donc  plus  vite  dans  l'afcendant 
que  dans  le  defcendant  ;  &  par  conféquent 
auffi ,  il  trouvera  moins  de  réfiftance  dans 
l'artère  fous-clavicre  droite ,  que  dans  la 
gauche. 

Enfin  il  paroît  delà  ,  qu'après  avoir 
tiré  du  fàng  d'une  veine  du  bras  droit  , 


PH  L  ^^^ 

celui  qui  refte  dans  l'artère  axillaire 
droite  coulera  avec  une  plus  grande 
vîteffe  dans  l'artère  de  ce  bras  qui  lui 
eft  contigu  ,  que  par  l'artère  thorachi- 
que  ou  la  fcapulaire  droite  ,  qui'  lui  eft 
aufli  contiguë  ;  parce  que  quand  on  ne 
fuppofe  pas  que  le  fang  eft  tiré  de 
quelque  veine  correfpondante  à  l'attere 
thorachique  ,  ou  dans  laquelle  cette  artère 
fe  décharge ,  il  y  a  à  proportion  un  plus 
grand  obftacle  au  mouvfpient  du  fang  dans 
Partere  thorachique  ,  que  dans  celle  du 
bras  ;  mais  comme  la  vîteffe  du  fàng  dans 
l'artère  fous-claviere  ou  dans-  Paxilkirc 
droite  eft  plus  grande  que  dans  la  gauche  » 
la  vîteffe  dans  l'artère  thorachique  droite 
fera  auffi  plus  grande  que  dans  l'artère  tho- 
rachique gaucha.  D'où  il  eft  clair  ,  qu'en 
tirant  du  fang  par  une  veine  du  bras  droit, 
la  plus  grande  vîteffe  du  fmg  reftant  fera 
dans  l'arrere  de  ce  bras  ,  à  caufe  qu'il 
décharge  fon  fang  immédiatement  dans 
la  veine  qui  eft  ouverte  ;  &  la  plus  grande 
vîteflc  après  celle-ci ,  fè  trouvera  dans  l'ar- 
tère thorachique  ou  la  fcapulaire ,  du  même 
côté  qui  fort  de  l'artère  axillaire  j  mais 
la  vîtertè  du  fang  fera  beaucoup  moindre 
dans  l'artère  brachiale  ,  axillaire  &  thora- 
chique ,  du  côté  gauche  àc  oppofé  ,  Se  la 
moindre  de  toutes  dans  les  artères  qui  vien- 
nent du  tronc  defcendant  de  Paortc. 

Sur  ces  principes  ,  on  peut  aifément 
inférer  ce  qu'il  faut  faire  dans  pîufieurs  cir- 
conflances  de  la  faignée  :  par  exemple  ,  G. 
l'on  veut  empêcher  le  progrès  de  quelque 
humeur  provenant  du  Hmgftagnant  dans  la 
jambe  gauche  ,  ou  fi  l'on  veut  parvenir  à 
faire  couler  dans  cette  jambe  en  un  efpace 
de  temps  donné  quelconque ,  une  auffi 
petite  quantité  de  fang  qu'il  eft  poffible  , 
on  doit  premièrement  tirer  du  fang  par  le 
bras  ou  la  jambe  du  côté  droit  ;  car  c'eft-là 
le  véritable  moyen  de  faire  ce  que  l'on 
appelle  révulfion. 

De  plus  ,  fi  l'on  tire  du  fang  du  même 
côté  ,  &  par  quelque  veine  qui,  reçoit  le 
fang  d'une  branche  de  ce  tronc  qui  le  tranf- 
raet  à  la  partie  enflée  ,  on  occafionera 
une  plus  grande  dérivation  de  fang  à  ce 
membre. 

Quant  à  ce  qui  regarde  toute  la  confti- 
tutio»  du  corps ,   daj>6  tous  les  cas  où  le 
Rrrr  z 


a4-  PHL 

fang  coule  avec  lenteur  ,  ou  quand  il  efl 
vifqueux  ,  s'il  y  a  encore  aflez  de  force  & 
d'élafticité  dans  les  folides  ,  la  phléboîomie 
fera  circuler  plus  vite  le  fang  qui  refte  ,  le 
rendra  plus  coulant  &  plus  chaud  ;  mais 
dans  une  pléthore  qui  vient  de  débau- 
che &  d'une  trop  grande  quantité  d'alimens 
fpiritueux  ,  ou  d'une  diminution  de  tranf- 
piration ,  dans  laquelle  cependant  le  fang 
conferve  fa  fluidité  naturelle ,  la  phUbotomie 
fera  circuler  le  reft#de  la  malle  plus  lente- 
ment &  le  rafraîchira. 

Dans  le  premier  cas ,  une  diminution  de 
réiiftance  dans  les  vaifTeaux  fanguins ,  aug- 
mentera les  puiflances  contradtives  de  ces 
,  vaifîèaux  ;  elle  les  fera  battre  plus  vite  ,  & 
fera  circuler  avec  plus  de  rapidité  les  hu- 
meurs qu'ils  contiennent  ;  mais  dans  le 
dernier  cas ,  une  diminution  de  la  quantité 
d'un  fang  fpiritueux  fera  auiïi  diminuer  la 
quantité  d'efprits ,  dont  la  fecrétion  fe  fait 
dans  le  cerveau  :  il  s^enfuivra  que  le  cœur 
&  les  artères  ne  fe  contracteront  plus  fi 
fouvent ,  rîi  fi  fortement  qu'auparavant  ; 
ainfi  le  fang  circulera  plus  doucement  & 
deviendra  plus  frais.  Vcye^  XH  ce  u  r  ù 
Artère  j  &  voilà  les  principes  fur  Icfquels 
loule  toute  la  doArine  de  la  faignée.  Voye:^ 
Évacuation  ,  Dérivation  ù  Ré- 
vulsion. 

Pour  la  manière  de  faire  la  phléhoromie. 
ybye^  Saignée. 

PHLEGETON  ,  f.  mafc.  {Mythol.) 
fleuve  d'enfer  ,  qui  non  feulement  rouloit 
des  torrensde  flammes ,  mais  qui  em'!j:on- 
noit  de  toutes  parts  la  pri(on  des  fcéiérats; 
fon  nom  vient  de  ^Xs'jw  ,;e  brûle.  Les  habi- 
tans  ,  voifins  du  marais  Achérufè  plein 
d'eaux  croupiflantes ,  débitoient  fur  ces 
eaux  mille  fables  ridicules ,  dont  les  p&è'tes 
fe  jouèrent  en  les  ennobiiflànt.  {D.J.) 
^  PHLEGM AGOGUE , adj.  ( Médecine.  ) 
c'eft  un  médicament  propre  à  purger  !c 
pblegme  ou  la  pituite. .  Voye^^  Purgatif. 
Ce  mot  eft  formé  du  grec  <p?À'yfj(.tt  phuita  , 
piruire  ,  &  of^av ,  chajfer  ou  tirer.  L'agaric, 
Phermodadyle ,  le  'urbith  font  répuiés  des 
drogues  phlegmagogues. 

PHLLGMASIE  ,  f.  f.  (  Médecine.  ) 
<îans_  Hipocrate  ,  fignifie  non  feulement 
«ne  inflammation  en  général,  mais  quel- 
quefois encore  une  chaleur  violente  excitée 


PHL 

par  une  fièvre  :  ailleurs  il  fignifie  une  cfpece 
d'urine  piruiteufe  qui  contient  beaucoup 
d'humeurs  froides  (5c  grofïieres. 

On  peut  dire  que  l'inflammation  attaque 
la  lymphe ,  comme  le  fang.  Les  inflamma- 
tions lymphatiques  ne  font  pas  connues  des 
médecins  ordinaires  ,  qui  ne  caraderifent 
que  les  maladies  dont  ils  ont  étudié ,  ou  fé 
(ont  accoutumés  à  reconnoître  les  fympto- 
mes  dans  les  livres  des  anciens ,  ou  dans  le 
courant  de  leur  pratique  ordinaire.  Voyei^ 
Lymphe  6f  Inflammation. 

PHLEGMATIQUE  ,  adj.  (  Médecine.  ) 
tempérament  dans  lequel  le  phlegmeouk 
pituite  eft:  l'humeur  dominante.  Voye^^ 
Tempérament  ù  Phiegme. 

Les  tempéramens  phîegmatiques  fofit 
fujets  aux  rhumes  ,  aux  fluxions  ,  &c. 
Voye^  Constitution   &  Complexion. 

PHLEGME,  f.  m.  (  Médecine.)  Une- 
humeur  morbifiquc  ,  fecréroire  ,  tenace  , 
glutineufe  j  blanche  ,  fansaârion,  produite 
peu-à-peu  par  une  augmentation  de  cha- 
leur ,  ou  de  mouvement  du  corps ,  s'ap- 
pelle phkgme. 

Les  humeurs  naturelles  ,  albumineufes  j^. 
gélatineufes,  mucilagineufes ,  muqueufes , 
&  peut-être  la  graiflè  elle-même  ,  par  une 
dirpofition  morbifique  du  corps,  paroiflènt 
dégénérer  en  cette  matière. 

Comme  dans  la  diftillation  ,  après  l'af- 
cenlion  de  la  partie  volatile  ,  monte  le 
phiegme  (ans  aclion  j  de  même  lej  humeurs 
de  bonne  qualité  qui  ont  fouffert  une  lon- 
gue agitation  par  la  force  de  la  circulation 
&  la  chaleur  du  coips ,  fe  changent  en  cette 
humeur  tenace  6c  glutineufc 

Le  phiegme  ,  difficile  à  fe  réfoudi  e  après 
la  cellàtion  d'une  violente  inflammation  .3c 
de  la  fièvre ,  prétage  toujours  la  longucuf 
de  la  maladie ,  produit  des  aphtes  de  durée , 
un  fédiment  maqueux  dans  l'urine ,  des. 
crachats  abondans  &  tenaces  dans  les  pou- 
mons, des -ordures  dans  les  ulcères,  dans, 
la  bouche  ,  fur  lalangue ,  &;  dans  les  yeux  , 
des  (elles  muqueuies  &  tenaces  que  le- 
malade  rend  (ans  aucun  (ouln^ement. 

Pour  divifè:-  le  phiegme ,  il  faut  employer 
les  déterfifs  (avonneux  ,  incapables  de  trop 
échauffer  ou  de  trop  rafraîchir  :  par  le 
moyen  de  femblables  antifeptiques  ,  on 
prévient  le  trop  grand  progrès  ôc.  U  corrup- 


P  H  L 

tion  <îu  phkgme  \  enfin  dn  le  diilîpe  très- 
doucement. 

Phlegme  ,  dans  les  anciens ,  comme  dans 
Galien  ,  fîgnifie  toute  humeur  froide  & 
humide  3  mais  dans  Hippocrate  ce  mot  ne 
déligne  pas  feulement  une  humeur  blanche 
éc  froide ,  mais  encore  une  inflammation. 
De  plus  (f\iy/^cta'iv ,  dans  le  même  auteur  , 
lignifie  quelquefois  une  chaleur  violente 
excitée  par  la  fièvre.  Enfin ,  dans  le  même 
Hippocrate ,  (pAiyixctivuv  ne  fîgnifie  pas  feu- 
lement caufer  une  tumeur ,  mais  exténuer. 
{D.J.) 

PHLEGMON ,  f.  m.  terme  de  chirurgie , 
inflammation  fanguine  qui  fait  éminence 
au  dehors  ,  &  qui  s'étend  profondément 
dans  la  partie  qu'elle  occupe.  On  définit 
ordinairement  le  phlegmon  ,  une  tumeur 
circonfcrite  avec  rougeur ,  chaleur ,  dou- 
leur &  puKation. 

.  La  caufc  du  phkgmon  eft  un  engorge- 
ment dans  les  extrémités  capillaires ,  arté- 
rielles ,  fanguines  ,  avec  conflriclion  & 
ëréthifme  des  vailïeaux  engorgés.  Voye'^ 
[i  Inflammation  ù  Éréthisme,  L'amas 
dm  fangdansdesvaiiTeauxdontradionleroif 
abolie  ou  empêchée,  ne  produit  point  une 
tumeur  inflammatoire.  Voye-;^  Aposteme. 

Lesfignesqui  fontconnoitre  Xtphlegmon , 
font  la  rougeur ,  la  chaleur  ,  la  circonfcrip- 
tion  ,  la  tumeur  ,  la  dureté  ,  la  tenfion , 
la  douleur  ,  la  pulfation  ,  la  fièvre  &  l'in- 
fomnie.  L'application  du  doigt  fur  la 
tumeur  ne  fait  pas  évanouir  pour  un  mo- 
ment la  rougeur,  comme  dans  Péréiîpelle. 
Voye'^  ErÉsipelle. 

Pour  guérir  le  phlegmon  ,  il  faut  tâcher 
de  piocurer  la  réfolution  de  l'humeur  arrêtée 
dans  la  partie  :  aucun  remède  ne  peut  fup- 
pléér  à  la  fàignie  ;  &  fi  la  plupart  des 
phlegmons  fe  terminent  par  fuppuration  ,' 
c'éfl  parce  qu'on  n'a  point  employé  les 
faignées  aufïî  promptement  &  auffi  abon- 
damment qu'iîl'auroit  fallu.  On  ne  peut  que 
parune  fouftradion  fort  confidérable  delà 
partie  rouge  ,  rendre  la  mafie  du  fang  aflèz 
féreufe  Se  afiez  fluide  ,  pour  que  cette 
partie  rougç  qui  contribue  à. l'étranglement 
&  à  l'embarras  ,  fe  trouve  inondée  ou 
détrempée  au  point  d'êrfefiicilenient  dépla- 
cée &  entraînée  par  ion  véhicyle. devenu 
plus  abondant.  Tout  coufifl-edoiic  à  rendic 


P  H  L     -  .        a^ 

le  fàrig  fort  aqueux,  coulant,  &  moins 
inflammable  j  &  il  n'y  a  d'autre  moyen 
pour  y  réufïir  ,  que  d'abondantes  faignées 
pratiquées  aflez  promptement. 

Qiioique  la  faignée  foit  le  principal  re- 
mède que  Pon  puifle  employer  pour  pro- 
curer la  réfolution  du  phlegmon ,  il  faut 
la  féconder  par  d'autres  remèdes  dont  l'ex- 
périence a  fait  connoître  l'utilité. 

Dans  le  commencement  de  la  maladie  , 
on  peut  fe  fervir  avec  fuccès  des  re- 
percuffifs.  J^oye:^  Repercussifs. 
Ces  médicamens ,  en  reffèrrant  par  leur 
vertu  afl:ringente  les  vaiflèaux  fanguins  , 
empêchent  non  feulement  une  partie  du 
fang  d'entrer  dans  les  vaiflèaux  refier- 
rés ,  mais  ils  forcent  celui  qui  y  eft  arrêté 
d'enfler  les  vaiflèaux  collatéraux .  où  la 
circulation  n'eft  pas  empêchée.  Pour  peu 
que  l'inflammation  ait  fait  de  progrès  , 
ces  remèdes  ne  doivent  point  être  em- 
ployés ;  ils  attireroient  la  mortification  : 
il  faut  avoir  recours  aux  émolliens  réfolu- 
tifs ,  pour  relâcher  Pctranglement  qui  arrête 
le  cours  du  fang  dans  les  capillaires  ar- 
tériels. On  fe  fert  fort  efficacement  du 
cataplafme  avec  la  mie  de  pain  cuite  dans 
le  lait ,  ou  de  celui  des  quatre  farines 
cuites  pai;eillement  dans  le  lait  ou  dans 
de  l'eau.  Ces  remèdes  farineux  contien- 
nent une  huile  muciîagineufe ,  relâchante  , 
qui ,  fécondée  par  les  mêmes  qualités  qui 
fe  trouvent  dans  le  bit ,  procure  la  dérente 
des  vaiflèaux  :  ces  remèdes  contiennent 
aufïî  un  fel  acefcent  qui  leur  donne  une 
vertu  légèrement  repère ufTîve. 

C'eft:  l'expérience  qui  a  fait  conncître 
l'excellence  de  ces  remèdes  ;  car  en  fui- 
vant  l'idée  qu'on  s'efl  toujours  faite  de  la 
réfolution  des  tumeurs  ,  on  a  donné  le 
nom  de  réfolutifs  à  des  médicamens  qui 
ont  une  vertu  atténuante  ,  incifive  ,  pé- 
nétrante ,  propre  à  fubrilifer  Phumeur  &: 
à  la  faire  évaporer  par  les  pores  de  la 
peau  ;  tels  que  font  tous  les  remèdes  rem- 
plis de  fels  volatils ,  d''huiles  éthérées ,  les 
liqueurs  fpirirueufes  ,  chargées  d'huiles  al- 
kooHfées  &  d'huiles  e(îèntielles,  oud'huile$ 
éthérées  diftillées.  Mais  tous  cts  remèdes 
n'ont  aucunement  la  vertu  qu'on  leur  attri- 
bue ;  loin  de  diffoudre  &  d'atténuer  k  fang  ,  ' 
ils  Pépaifïîfl^èut  &  le  condenfeut  poux  k 


6Sé  P  H  L 

plupart:  cts  remèdes  font  des  ftimulans  ' 
violens ,  qui  n'agiflent  qu'en  irrifanc  les 
folides  ,  &  qui  font  capables  d'augmenter 
beaucoup  l'inflammation ,  &  d'en  caufer 
même  où  il  n'y  en  a  point. 

Il  i^mble  cependant  que  ces  remèdes ,  en 
excitant  le  jeu  des  vai(îèaux  ,  devroient 
procurer  le  même  effet  que  s'ils  atténuoient 
les  humeurs  en  agiflant  fur  elles  immé- 
diatement ;  parce  que  l'avion  des  vaifTeaux 
augmentée  paroît  devoir  les  brifer  ôc  les 
fubtilifer  :  cet  effet  peut  avoir  lieu  à  l'égard 
des  tumeurs  œdémateufes,  cauféespar  une 
crudité  piruiteufe  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de 
même  du  fang  qu'un  jeu  des  vaitTeaux  trop 
violent  durcit  &c  racornit.  Si  l'aftion  vio- 
lente des  vaifTeaux  étoit  un  remède  contre 
l'inflammation ,  la  maladie ,  félon  l'expref- 
fîon  de  M.  Quefnay  ,  feroit  à  elle-même 
fon  propre  remède ,  puifqu'elle  confiftedans 
cette  action  même  devenue  exceffive  ;  il  ne 
feroit  pasnéceflaire  d'avoir  recours  à  des 
remèdes  capables  d'exciter  cette  a6tion 
déjà  trop  animée.  L'ufage  inconfidéré  des 
femedes  réfolutifs  procure  l'induration  des 
tumeurs  inflammatoires.  V.  Induration. 

Lortque  le  phlegmon  eft  dans  fon  état , 
on  applique  les  émolliens  tout  fimples  en 
forme  de  cataplafme  ,  voye^ÉMOLLiENs  ; 
&  fi  la  maladie  donne  des  fignes  de  réfolu- 
tion ,  on  joindra  les  réfolutifs  aux  émol- 
liens ,  pour  paflér  enfuite  par  degrés  aux 
réfolutifs    feuls.    f^oye^  Résolutifs    Ù 

RÉSOLUTION. 

S>ï  la  tumeur  donne  des  fignes  qu'elle 
fuppurera  ,  voye[  Suppuration  ,  on  (c 
fert  des  remèdes  gras  &  ondueux ,  voye:^ 
SuppuRATiFs  i  &  lorfque  le  pus  efl: 
formé  ,  le  phlegmon  eft  dégénéré  en  abcès. 
Voye[ AbcÉs.  (Y) 

Antrax  ,  charbon  ,  clou  ,  furoncle  , 
font  quatre  mots  prefque  fynonymes  qui 
défignent  tous  des  efpeces  de  phlegmon  , 
avec  cette  différence ,  que  le  charbon  efî 
le  furoncle  tombé  en  pourriture  ,  5c  qu'il 
eft  un  fymptome  ordinaire  des  maladies 
peftilentielles. 

Le  mot  antrax  eft  tout  grec  &  défigne 
proprement  les  véficules  fphacéleufcs ,  qui 
s'élèvent  fur  la  peait  en  temps  de  pefte , 
&  qui  font  fcmblables  à  celles  qu'auroit 
fait  une  brûlure. 


PH  L 

Le  mot  clou  eft  le  terme  dont  le  vul- 
gaire fè  fert  à  la  place  de  celui  à^  fu- 
roncle. Le  clou  eft  proprement  une  tubé- 
rofité  dure ,  qui  fe  forme  par  tout  le  corps 
dans  la  graifîè  fous  la  peau ,  &  eft  accom- 
pagnée d'inflammation  ,  de  rougeur  &  de 
douleur  ;  non  feulement  les  adultes  ,  mais 
aufTî  les  jeunes  perfonnes ,  &  même  les 
enfans  nouveau  -  nés  ,  y  font  fujets.  Les 
clous  demandent  extérieurement  d'être 
oints  d'efprit  de  vitriol  mêlé  avec  du  miel  ; 
ils  exigent  enfuite  les  emplâtres  digeftifs  , 
tels  que  le  diachylon  fimple  ,  l'emplâtre 
de  mélilot ,  de  fperma  ceti,  ùc.  s'ils  ré- 
fiflent  à  ces  remèdes ,  il  faut  les  amener 
àiuppuration  par  les  maturatifs,  en  déloger 
la  matière  corrompue ,  nettoyer  l'ulcère  , 
&  enfin  confolider  la  plaie. 

Les  puftules  que  les  Latins  nomment 
vari ,  clous  du  vifàge,  font  des  diminutifs 
an  furoncle  f  5c  ils  demandent  fur-tout  les 
remèdes  internes  qui  tendent  à  dépurer 
&  à  purifier  la  mafle  viciée  du  fàng» 
(£>./.) 

PHLEGRA,  (  G^og.  anc.)  ville  de  la 
Theflalie,  félon  Martianus  .Capella.  Ce 
fut ,  difent  les  poètes ,  dans  les  champs  de 
cette  ville  ,  que  les  géans  combattirent 
contre  les  dieux  ,  &  qu'il  furent  fou- 
drovés.  (  Z).  7.  ) 

PHLEGYAS  ,  (  Mythol.  )  chef  des 
Phlégicns  ,  peuple  belliqueux  de  la  Béotic  ; 
après  les  avoir  raflemblés  de  toutes  parts , 
il  porta  fon  audace ,  dit  Paufanias ,  jufqu'à 
marcher  avec  eux   contre   Delphes  ,    pour 

piller  le  temple  d'Apollon mais  ils 

furent  exterminés  par  le  feu  du  ciel ,  par 
des  tremblcmens  de  terre  ,  &  par  la  pefte. 
^  -"   poètes ,    pour    punir    Phlégyas  ,  le 


Les 


mettent  dans  le  Tartare  ,  &  nous  repré- 
fentent  TiCphonc  toute  enfanglantée  , 
gbûtant  aux  mets  qu'on  lui  préfentoit  , 
afin  qu'il  en  eût  horreur  ,  malgré  la  faim 
qui  le  dévoroit.  {D.  J.) 

PHLÉGYiC ,  (  Geog.  anc.  )  peuple  de 
la  Theffalie  ,  félon  Strabon  ;  il  y  avoit 
auflî  dans  la  Béotie  ,  une  ville  appelles 
Phlegya  :  le  mot  Thlegyœ  fe  Ht  dans 
Virgile,  Mneid.l.  VI,  verf,  6i8. 


Admonet, 


Phlegyaf^z/e  miferrimus  omnef 


P  HL 

■  Le  poète  défigne  vraifèmbîablement  îci , 
ces  gens  de  la  Bœotie  ,  qui  ,  félon  Paufa- 
nias  ,  ayant  voulu  piller  le  temple  d'Apol- 
lon à  Delphes ,  périrent  prefque  tous  par 
la  foudre  ,  par  des  tremblemens  de  terre  , 
6c  par  la  pefte.  Delà  vient  que  Phkgyce 
a  fignific  en  généraU  des  impies  Se  fa^cri- 
leges;  &  ctd  en  ce  fens  qu^il  faut  prendre 
ce  mot  dans  le  palTage  de  Virgile. 

PHLEUM,  f.  m.  {Botan.)  c'eft  dans 
le  fyftéme  de  Linnaeus ,  un  genre  de  plante , 
dont  voici  les  caraderes.  Le  calice  eft  une 
balle  contenant  une  fleur  ;  cette  balle  eft 
bivalve,  oblongue  ,  comprimée  &  ouverte 
au  fommet  ;  la  fleur  eft  com.pofée  de  deux 
piecesplus  courtes  que  celles  du  calice  ;  les 
étamines  font  trois  .filets  capillaires,  qui 
s'élèvent  au  deftus  du  calice  ;  les  boflèttes 
des  étamines  font  oblongues  &  fendues  en 
deux  à  leur  extrémité  5  Tembryon  du  piftil 
eft  arrondi  ;  les  ftyles  font  au  nombre  de 
deux ,  petits  &  penchés  ;  le  calice  &  h 
fleur  renferment  une  feule  graine  qui  eft 
de  figure  arrondie.  {D.J.) 

PHLIUS  ,  (  Géog.  anc.)  nous  tradui- 
fons  en  françois  Phlionte  ;  il  y  a  trois  villes 
de  ce  nom  de  Phlius  ,  toutes  trois  dans  le 
Péloponefe. 

La  première  cft^  une  ville  du  Pélopo- 
nefe enSicyonie ,  félon  Ptolomée  ,  /.  ///, 
c.  xvj ,  qui  la  place  dans  les  terres.  Stra- 
bon  ,  /.  VII r,  p.  ^8z  ,  dit  "  que  la  ville 
»>  d'Arœthyrée  ,  que  Ion  appcUoit  de  fon 
»  temps  Phlyafia  ,  étoit  dans  une  con- 
»»  trée  de  même  nom ,  près  de  la  montagne 
»>  Cœ/cjfa  :  il  ajoute  que  dans  la  fuite  les 
»  habitans  changèrent  de  place ,  ôc  alle- 
»'  rent  à  trente  ftades  de  ce  lieu  ,  bâtir 
y  une  autre  ville,  qui  fut  aufti  nommée 
M  Phlius.  "       • 

^  La  féconde  Phlius  eft  une  ville  mari- 
time du  Péloponefe  dans  TArgie,  placée  , 
félon  Ptolomée,  /.  /// ,  c.  xvj ,  entre 
Nauplia  -  Navale  ,  <5c  Hormioné.  Pinet 
prétend  que  c'eft  Focia ,  de  Sophien  Yri. 
La  troiiieme  Phlius  eft  une  ville  du 
Péloponefe  dans  l'Elide ,  félon  Pline ,  qui 
la  met  à  cinq  milles  de  Cyllene.  Le  P. 
Hardouin  prétend  que  c'eft  la  même  qui 
eft  placée  dans  la  Sicyonie  par  Ptolomée 
&  par  Strabon. 
J'ignore  laquelle  de  ces  trois  villes  du 


P  H  L  6^-; 

Péloponefe  ,  étoit  la  patrie  du  poète 
muficien  Thrafylle  ,  dont  parle  Plutarque 
dans  fon  dialogue  fur  la  mufique  ,  outre 
qu'il  y  a  trois  Thrafylles  fameux  chez  les 
Grecs  par  leurs  talens.  Le  premier  étoit 
le  Phlionte  ;  le  fécond  eft  un  philofophe 
cynique ,  contemporain  du  vieil  Antigo- 
nus,  l'un  des  fucceftèurs  d^ Alexandre  le 
gïand  ;  le  troifiemc  étoit  de  Mendès,  ville 
d''Egypte. 

Al.    Pabbé  Sévin  dans  les    mém.    des 
Infcri^.    tom.    X  ,    pag.    8c,  ,    prend    ce 
dernier  Thrafylle,    homme   vcrfé   dans 
pre.que  toutes  les  fciences ,  pour  le  Thra- 
^y\de  Phlwnte  y  mais  ce  favant  eft  vrai- 
lemblablement  dans  l'erreur.  Le  Thrafylle 
de  aMendès  étoit   à   la   vérité  muficieîi  , 
mais  un  iimple  muficien  fpéculatif  ;  au  lieu 
que  le  Thrafylle  de  Phlionie  étoit  mufi- 
cien praticien ,  comme  Pindare  &  Simo- 
mde,  comme    Efchyle  &    Phrynique 
comme  Pancrate  &  Tyrtée.  Il  joignoïc  ] 
com.me  eux ,  le  mérite  de  lapoc/îe  lyrique 
a  celui  de  la  mufîque  ;  c'eft-à-dire  ,  qu^il 
compofoit  comme  eux  ,  des  airs  Ôc  de$ 
chants  de  plus  d'une  efpece  ,  qui  s'exécu- 
toient  auiïî  lur  les  inftrumens. 

Cette  mu/îque  des  Grecs  dans  les  /îecles 
d  Augufte  ,  de  Tibère  &  de  Thrafylle  le 
mmdélien  ,  étoit  bien  déchue  de  la  belle 
/implicite  qui  en  faifoit  autrefois  le  prin- 
cipal mérite.  Mais  fi  Thrafylle  de  Mnidès 
ne  le  diftingua  pas  dans  la  mufique      il 
joua  un  grand  rôle  auprès  de  Tibère,  Vir 
Ion  étude   de    Paftrologie  judiciaire    Ce 
prince,  quoique  naturellement  rrès-réfêrvé 
l'honora  delà  confiance  la  plus  intime,  & 
Il  fur  la  conferver  jufqu'à  fa  mort  qui  ne 
précéda  que  d'un  an  celle  de  l'empereur. 
Tous  les  hiftoiiens  romains,  Su-rone 
Tacite     Dion  Çamifi     parlent  beaucou; 
de  ce    Thrafy  le  ;  il  le  méritoit  par  fon 
elprit ,  par  la  bonté  de  fon  cœur ,  &  par 
la  droiture  de  Ces  intentions. 

Il  ne  s'en  tint  pas  là  :  les  mêmes  auteurs  * 
rapportent  que  plufieurs  illuftres  romains 
furent  redevables  de  leur  confervarion 
a  la  figefle  de  Thrafylle.  Les  défiances 
5^/'Jf^''i"gmenterenf  avec  l'âge,  &  le 
delir  d  aflurer  à  fa  maifohPautori'té  fouvc- 
ranie  excita  un  violent  orage  contre  les 
membres  du  fénat  les  plus  diftingucs,  de 


62S  P  H  L 

par  la  naiflance ,  ôc  par  le  mérite  perfonnel. 
On  les  arrêta,  &  ils  auroient  péri  infail- 
liblement ,  fi  Thrafylle  n'eût  pas  trouvé  le 
fecret  de  perfuader  à  l'empereur  que  les 
aftres  lui  proraettoicnr  une  vie  extrême- 
ment longue.  Ce  que  l'on  fbuhaite  avec 
ardeur ,  eft  cru  fort  aifémcnt:  Tibère  con- 
vaincu de  la  vérité  de  cette  prédidiion  , 
différa  toujours  d'immoler  à  Ces  foup- 
çons  un  fi  grand  nombre  de  vidimés. 
Enfin  ,  attaqué  de  la  maladie  qui  le  con- 
duifit  au  tombeau  ,  il  rejeta  les  fecours 
de  la  médecine  qu'on  lui  offrit ,  &  fa  mort 
combla  les  vœux  de  tout  le  monde. 

C'eft  à  Phlionte  en  Sycionie  ,  que  na- 
quit Afclépiade  ,  difciple  de  Stilpon  ,  & 
le  tendre  ami  de  Ménédeme.  Tous  deux 
fort  pauvres  ,  ils  gagnèrent  leur  vie  com- 
mune à  11  fueur  de  leur  vifage ,  &  devin- 
rent par  leur  génie  &:  par  l'étude ,  de 
grands. &  d'eftimables  philofophes;  ils  le 
furent  encore  par  les  liens  d'une  amitié 
rare  ,  &qui  dura  jufqu^au  tombeau.  Ré- 
iblus  tous  deux  de  fe  marier  &  de  ne  fè 
•jamais  féparer ,  ils  jugèrent  nécefîàire,  pour 
réufïir  dans  ce  delTein ,  de  choifir  leurs 
femmes  ,  avec  une  précaution  qui  leur 
pût  promettre  la  concorde  domeftique  ;  &c 
ils  trouvèrent  ce  bonheur  dans  une  fa- 
mille où  il  y  avoir  une  femme  &  une  fille  , 
l'une  &  Pautre  en  âge  d'être  mariées.  Mé- 
nédeme prit  la  mère ,  Se  Afclépiade  la  fille; 
celle-ci  étant  morte  au  bout  d'un  an  , 
Ménédeme  céda  fon  époufe  à  fon  ami  , 
&  fe  maria  avec  une  riche  &  vertueufe 
héritière,  qui  dépofa  le  fonds  &  l'admi- 
niftration  de  fes  biens  entre  les  mains  de 
fa  belle-fœur.  Les  amcs  des  deux  amis  & 
des  deux  femmes  fe  réunirent  encore  ,  & 
fe  confondirent  avec  leur  fortune  ÔC  l'édu- 
cation de  leurs  enfan%(  Xe  Chevalier  de 
Jaucourt.  ) 

PHLOGINOS  ,  (  Hifi.  nat.  )  Pline 
donne  ce  nom  à  une  pierre  qui  fe  trouvoit 
'en  Egypte  ,  dont  la  couleur  étoit  d'un 
jaune  vif.  Quelques  modernes  ont  cru.  que 
cette  pierre  eft  la  même  que  les  anciens 
nommoient  û/!r{/r/?m. 

PHLOGISTIQUE ,  f.  m.  (  Phyfique.  & 
Chymie.  )  A  mefure  que  la  chymie  fait  des 
progrès ,  les  termes  qui  lui  font  propres 
devieniicnt  communs  à  la  phyfique ,  ou 


P  H  L 

font  relégués  dans  le  vocabulaire  des 
adeptes.  L'expérience  &  l'obfervation  .  ont 
rapproché  &  confondu  ces  deux  fciences  , 
long-temps  divifées  par  un  faux  efprit  de 
fyftême:  on  a  fenti  que  la  nature  devoir 
être  la  même  pour  celui  qui  l'admire  dans 
(ts  grands  ouvrages,  &  pour  celui  qui 
l'étudié  dans  les  parties  infenfibles  des 
compofés.  Si  quelques  écrivains  ,  imbus 
d'anciens  préjugés  qu'ils  prennent  pour  des 
principes  sûrs ,  dont  ils  forment  une  bar- 
rière au  devant  de  ceux  qui  travaillent  à 
reculer  les  bornes  de  nos  connoifiances , 
ofent  encore  réfider  à  la  voix  du  génie 
qui  leur  a  révélé  que  la  nature  n'avoir 
qu'une  loi  pour  les  grands  comme  pour 
les  petits  effets  (  Voye-^  Affinité  )  , 
bientôt  cette  unité  ,  chit  fimplicité  ,  cette 
harmonie  ,  deviendront  les  types  infaiUi- 
bîes,  d'après  lefquels  le  chymifte  &  le 
phyficien  d'accord  viendront  eflàyer  leurs 
découvertes. 

Sous  ce  point  de  vue  ,  Yartkîe  Phlo- 
GiSTiQUE  auroit  peut-être  dû  être  ren- 
voyé à  V article  Feu  ;  mais  leur  identité 
n'eft  point  encore  généralement  avouée 
par  les  phyficiens;  6c  cttx.e  diverfité  d'opi- 
nions exige  que  l'on  conferve  à  ce  principe 
une  dénomination  indéterminée  ,  comme 
le  dit  très-bien  l'auteur  de  V article  Feu  , 
(  Chymie.  )  Il  feroit  à  defirer  qu'il  eût 
rempli  lui-même  la  tâche  qu'il  s'étoit  don- 
née ,  en  renvoyant  au  //zor  Ph logistique . 
Nous  allons  eflayer  d'y  fuppléer. 

Le  feu  qui  brûle  n'eft  autre  chofe  qu'une 
matière  mife  en  mouvement  :  lïiais  toute 
matière  n'eft  pas  propre  à  recevoir  ,  à 
entretenir,  à  communiquer  ce  mouvement 
d'ignition  ,  caufe  prochaine  de  la  chaleur. 
On  a  été  forcé  de  reconnoigre  qu'il  y  avoir 
dans  la  nature  une  fiibftanceeflentiellement 
douée  de  cette  propriété,  &  des  corps  plus 
ou  moins  pourvus  de  principe  inflammable. 
C'eft  ce  principe ,  confidéré  dans  la  com- 
pofition  des  corps  ,  abftradion  fiite  du 
mouvement ,  que  Stahl  a  nommé  phlo- 
gijlique. 

Suivant   quelques-uns  ,    le  phlogijlique 

eft  un  principe  fecondaire  ,  compofé  de 

l'élément   du    feu   &  d'une   terre   vitri- 

fiable  :  d'autres  au  contraire  le  regardent 

^ comme  la  pure  matière  du  feu,  non  qu'ils 

prétendent 


P   H  L 

prétendent  qu'il  ne  puifTe  jamais  être  con- 
lîdéré  comme  déjà  combiné  avec  d'autres 
fubflances  ,  lorfqu'il  entre  dans  la  formation 
d'un  compoié  ;  mais  comme  ,  en  exami- 
nant fa  nature  &  Tes  caractères  dans  tous 
les  mixtes  où  il  exille  abondamment ,  dans 
toutes  les  opérations  oii  il  joue  le  rôle 
principal ,  ils  l'ont  toujours  retrouvé  fem- 
blable  à  lui-même,  ils  penfent  que  c'eft 
un  être  fimple  dont  les  propriétés  font 
indépendantes  des  différentes  matières  où 
il  eft  engagé';  &  ce  Tyliéme  nous  paroît 
tonde  fur  la  raiion  &  fur  robfervation. 

Si  l'on  efl  encore  livré  à  des  conjec- 
tures &  à  des  doutes  à  ce  fujet,  c'efl: 
probablement  parce  que  l'on  a  trop  perdu 
de  vue  la  loi  primitive  de  la  nature  &  fa 
marche  univoque.  Toute  combinailbn  n'efi 
que  le  produit  d'une  attradion  {imultanée 
des  parties  conftituantes.  Cette  attradlon 
refpedive  ne  peut  s'exercer  qa'enlùite  de 
diifolution  {Voye'^  AFFINITÉ);  &  le 
teu  eu  le  plus  grand  diffolvant ,  le  feul 
dans  la  nature  ,  s'il  eft  le  feul  fluide  eflen- 
riel.  Dès-lors  on  ne  doit  pas  être  furpris 
que  le  feu  exifle  dans,  tous  les  corps  ,  puis- 
qu'il n'y  a  point  de  difTolution  fans  un 
fluide  ;  puifqu'il  efl:  impoffible  de  conce- 
voir le  palîage  de  l'état  fluide  à  l'état 
folide,  fans  qu'une  partie  quelconque  du 
fluide  dilîblvant  y  demeure  retenue  & 
fixée. 

Ainfl  dans  ce  fyflême  ,  la  divifîon  de 
corps  combuftibles  &  non  combuflibles  , 
n'eft  plus  qu'une  comparaifon  indétermi- 
née de  proportions  différentes  ,  &  d'effets 
plus  ou  moins  viiibles  y  (  Voye:[  COM- 
BUSTION. )  Ainfi  l'eau  elle-même  reçoit 
fa  fluidité  &  fa  qualité  difîblvante  du  feu  ; 
&  fi  l'on  peut  prendre  confiance  dans  une 
analogie  que  tout  confirme ,  que  rien  ne 
dément ,  qui  dérive  des  conféquences  im- 
médiates des  première?  loix  de  la  nature, 
on  fe  formera  une  jufle  idée  du  phlogijîi- 
qiie  ,  en  difant  qu'il  efl  aux  métaux  &c  à 
tous  les  corps  dont  il  efl  le  diffolvant  pro- 
pre, ce  que  tout  autre  diffolvant  compole 
efl  aux  fubflances  qu'il  attaque  ,  ce  que  le 
mercure  efl  à  l'or  dans  l'amalgame,  ce  que 
l'eau  efl  aux  fels. 

On  leur  ôte  ce  principe  par  la  calcina- 
tion  fcche  ,  ou  par  la  calcination  humide-, 
Tome  XXK 


P  H  L  ég9 

&  leur  terre  demoure  dans  un  état  pulvé- 
rulent ,  d'autant  p!us  indiifoluble  par  le  feu, 
ou  même  par  tout  autre  menflrue  ,  qu'acné 
efl  plus  complètement  dépouillée  de  phlo- 
gifilque. 

Veut-on  leur  rendre  la  forme  métalli- 
que ,  il  faut  les  rediffoudre  par  le  feu  : 
cet  élément  environnant  cha^e  molécule 
tcrreule,  forme  un  tout  homogène  dont 
les  parties  fufpendues  par  l'équipondérance, 
ne  gravitent  que  toutes  enlèmble  vers  le 
centre  de  la  terre  ,  &  cèdent  à  la  loi  de 
i'attraélion  prochaine   réciproque. 

^  mcfure  que  le  fluide  ignée  furabon- 
dant  s'évapore  ,  les  atomes  métalliques  fe 
rapprochent ,  les  points  de  contad  fe 
mukiphent  ,  l'adhérence  naît ,  la  portion 
de  la  matière  du  feu  qui  a  perdu  Ion  mou- 
vement par  la  combinaifon  y  demeure  ,  & 
la  maffe  efl  redevenue  folide. . 

Si  la  rapidité  de  l'évaporatian  ou  quel- 
qu'autre  circonftance  méchanique  n'a  point 
troublé  l'adion  progrefïive  de  fattradion 
réciproque  ,  le  loHde  prend  une  figure 
régulière  déterminée  par  la  forme  généra"* 
trice  des  parties  conflituantes:  c'efl  une 
vraie  cryflallifation  bien  frappante  dans 
le  culot  d'antimoine  étoile ,  &  dont  on 
a  déjà  obfervé  d'autres  exemples  moins 
fenfibles. 

Comme  il  y  a  des  fels  dont  la  cryflal- 
lifation cft  plus  parfaite  ,  quand  l'évapora- 
tion  efl  plus  rapide ,  l'acier  exige  un  re- 
froidifîement  plus  fubit. 

Comme  il  y  a  des  fels  efflorefcens ,  il 
y  a  des  métaux  qui  perdent  plus  aifémenî 
le  feu  qu'il  ont  pris  dans  leur  cryflalli- 
fation. 

Enfin  la  fluidité  du  mercure  eft  une  forte 
de  déliquefcence  ignée. 

Ceux  qui  nient  que  le  phlogiftique  foit 
le  feu  pur  élémentaire  ,  fe  fondent  princi- 
palement fur  ce  que  le  feu  qui  traverfè  les 
vaiffeaux  ne  peut  réduire  les  métaux,  c'efl- 
à-dire ,  leur  rendre  la  forme  métallique , 
en  leur  reflituant  le  principe  qu'ils  ont 
perdu  :  mais  s'il  efl  bien  prouvé  qu'un  feul 
métal  puifîe  reprendre  ce  principe  ,  étant 
Amplement  expofé  au  feu ,  fans  contad 
d'aucune  fubflance  huileufe  ou  charbon- 
ncufe ,  c'en  eft  affez  pour  faire  voir  que  fi 
les  autres   ne   fe  revivifient  pas  dans  les 

S  s  s  s 


6^0  P  H  L 

mêmes  circonftances ,  ce  n'efl  pas  la  ma- 
tière propre  qui  manque ,  mais  le  moyen 
d'union  :  or  ,  la  nature  particulière  de  la 
terre  mercurielle  fournit  à  cet  égard  une 
preuve  décifive.  Il  y  a  plufieurs  moyens  de 
la  dépouiller  de  Ton  phlogiftique  ,  &  de 
la  convertir  en  chaux ,  comme  les  autres 
métaux  :  fi  l'on  préfère  le  procédé  du  tur- 
bit  ,  c'eft-à-dire  ,  de  déphlogifliquer  \t 
mercure  par  l'acide  vitriolique  ,  on  a 
l'avantage  de  s'affurer  en  même  temps 
que  le  principe  qu'on  lui  enlevé  ed  bien 
le  même  que  celui  qui  exifle  dans  tous  les 
autres  métaux  imparfaits  ,  puifqu'il  com- 
munique toutes  les  mêmes  propriétés  fèn- 
libles  ;  cependant  cette  chaux  traitée  feule 
en  vaifTeau  clos  ,  reprend  la  forme  métal- 
lique ,  redevient  capable  de  fulfurer  de 
nouvel  acide  '-,  la  même  quantité  de  mer- 
cure peut  fubir  ,  fans  aucune  diiFérence  , 
autant  de  ces  alternatives  que  l'on  voudra  '-, 
c'efl  une  éponge  que  l'on  peut  imbiber  & 
prelîer  à  volonté. 

On  a  obfervé  que  le  plomb  (e  revivifioit 
nufli  en  partie  par  le  feu ,  fans  contad  de 
matière  charbonneufe  ni  huileufe  ;  mais  fi 
cet  accident  fuffit  pour  établir  un  rapport 
entre  la  terre  du  plomb  &:  la  terre  du 
mercure ,  &  pour  confirmer  la  théorie  de 
l'identité  du  feu  pur  &  du  principe  métal- 
lifant ,  c'eft  au  mercure  qui  poflède  fi 
éminemment  la  propriété  de  le  combiner 
avec  le  feu  ,  en  quelque  érat  qu'il  foit  , 
que  l'on  doit  la  dcmonftration  d'une  vé- 
rité auffi  importante,  que  l'on  n'eût  peut- 
être  jamais  ioupçonnée  ,  fi  la  nature  n'eût 
placé  ce  métal  iingulier  hors  la  clafîè  ordi- 
naire des  fubftances  minérales.  Cette  pro- 
priété avoit  indu?t  en  erreur  la  plupart  Aqs 
chymifles  ;  ils  croyoient  devoir  en  con- 
clure que  le  mercure  étoitun  métal  parfait 
à  qui  l'on  pouvoit  faire  éprouver  difierens 
changemens  extérieurs  &  apparens  ,  mais 
qui  ne  fe  calcinoit  pas  réellement ,  puifqu'il 
fe  revivifioit  feul  en  vaifî'eau  clos ,  c'étoit 
en  effet  à  cette  condition  unique  que  l'on 
étoit  convenu  d'attacher  l'idée  de  perfec- 
tion. Cependant  la  calcination  du  mercure 
une  fois  reconnue  >  il  faut  abandonner  cette 
opinion  démentie  par  les  faits;  &  la  pré- 
tendue indefîruâibiliré  de  l'or  ,  de  la  pla- 
^îaejde  l'argent ,  n'efl  plus  qu'une  dilpo- 


P  H  L 

lition  à  s'unir  au  feu  ou  principe  métalll- 
iant  fans  intermède ,  tout  de  même  que 
le  mercure.  Cette  explication  naturelle  ne 
laifTe  fubfiflcr  aucune  de  ces  prétendues 
contradictions  dans  la  dodrine  de  Sthal  , 
qui  ont  frappé  ceux  qui  n'ont  pu  concevoir 
pourquoi  le  feu  agiflbit  fur  le  phlogijil- 
que  du  fer ,  &  n'agiffoit  pas  fur  le  phlo- 
giftique de  l'or  ;  la  raifon  en  efl  évidente 
dans  nos  principes  ;  cqs  deux  métaux  font 
également  attaqués  &  difTous  par  le  feu  ; 
caria  fufion  eft  une  difîblution  parle  fluide 
ignée  :  tant  que  leurs  molécules  terreufes  y 
nagent  difperfées  par  l'équipondérance  > 
leur  métallifation  efl:  également  parfaite  , 
parce  que  la  quantité  de  feu  aÉBuente 
remplace  la  portion  précédemment  com- 
binée qui  s'échappe ,  &  qui  dans  cet  érat 
n'eft  pas  plus  fixe  que  le  feu  nouveau  ; 
mais  dans  tous  les  inflans  ,  dans  tous  les  pro- 
cédés, l'oi*  retient  toujours  la  quantité  de  ce 
fîuide  nécelîaire  à  fa  métallifation  ,  au  lieu 
que  la  terre  du  fer  fe  laiffe  enlever  par 
l'air  cette  quantité  (  que  l'on  peut  nommer 
feu  de  cryftallifation  ,  comme  on  dit  par 
rapport  aux  fels ,  eau  de  cryflaUifation  )  y 
fi  fà  furface  n'efl  défendue  par  le  con- 
taâ:  immédiat  de  matières  propres  à  la 
retenir. 

Peu  de  temps  après  que  l'auteur  de  cet 
article  eut  publié  les  expériences  qui  l'a- 
voient  convaincu  que  le  turbit  minéral 
étoit  une  vraie  chaux  méralhque  ,  M.  le 
comte  de  Buflbn  ,  dont  la  vue  femble  ne 
s'arrêter  fur  un  objet  que  pour  deviner 
ce  qui  efl  au  delà  ,  lui  propofa  de  vérifier 
encore  l'identité  du  feu  métallifant  &  de 
la  lumière ,  en  elfayant  de  revivifier  le 
turbit  au  foyer  d'un  miroir  ardent  :  le 
luccès  a  été  tel  qu'il  i'avoit  prévu.  Une 
feuille  d'or  fufpendue  au  bouchon  d'une 
bouteille  au  tond  de  laquelle  on  avoit  mis 
du  turbit  minéral  bien  pur ,  fut  complè- 
tement blanchie  en  quelques  minutes  par 
révaporation  de  cette  chaux  réduire  par 
les  feuls  rayons  du  foleil  afTemblés  au  foyer 
d'un  miroir  concave  de  feize  pouces  de 
diamètre. 

Je  ne  crois  par  devoir  omettre  id  une 
autre  obfervation  également  importante, 
qui  annonce  que  la  feule  chaleur  du  corps 
humai»    peut  rcflufciter   le    mercure  de 


P  H  L 

l'état  de  chaux ,  ou ,  ce  qui  eft  la  même 
chofe  ,  de  l'état  falin.  Je  faiiois  part  à 
l'académie  de  Dijon  ,  à  la  féance  du  29 
novembre  177 1  ,  d'une  conjeâure  que  j'a- 
vois  formée  d'après  les  faits  que  l'on  vient 
de  voir ,  de  la  manière  d'agir  du  mercure 
dan3  les  maladies  dont  il  eft  le  fpécifique  ; 
&  ayant  rapproché  plufieLirs  circonftances 
qui  prouvent  que  fa  vertu^  curative  eft 
indépendante  des  différentes  préparations 
qu'on  lui  donne  ,  des  dififérens  acides  aux- 
quels on  l'unit,  pourvu  toutefois  qu'il  foit 
éteint  ;  j'en  concluois  que  l'on  pourroit 
attribuer  fon  efficacité  à  cette  propriété 
ftnguiiere  de  s'emparer  du  phlogifiique  en 
tout  état ,  tellement  qu'il  ne  rétablit  la 
fluidité  de  la  lymphe  ,  qu'en  lui  enlevant 
ce  principe  furabondant.  M.  Hoin ,  mem- 
bre de  cette  académie,  connu  par  plu- 
iieurs  bons  ouvrages  de  chirurgie ,  afTura 
k  cette  compagnie  avoir  vu  un  de  ^es 
malades  rendre  du  mercure  coulant  par 
les  pores  de  la  peau  ;  ce'  qui  l'avoit  d'au- 
tant plus  étonné  ,  qu'il  ne  le  lui,  avoit 
donné  qu'intérieurement,  &  fous  forme 
faline.  Cette  obfervation  fut  retenue  fur 
le  regiftre. 

Ainfi  le  feu ,  la  lumière ,  la  chaleur 
raême  réduifent  le  mercure  ;  &  comme 
il  eft  d'ailleurs  prouvé  que  le  principe  qu'il 
perd  dans  la  calcination ,  qu'il  reprend 
dans  la  rédudion^  eft  bien  le  même  qui 
métallife  les  autres  métaux  ,  il  paroît  que 
l'identité  du  phlogifiique  avec  la  lumière 
&  le  pur  élément  du  feu,  ne  peut  plus 
être  révoquée  en  doute.  Il  y  a  toute 
apparence  que  le  fluide  éledrique  n'eft 
encore  quela  raême  matière  dans  un  au- 
tre état. 

Le  phlogifiique  ou  feu  fixe  entre  nécef- 
fairement  comme  partie  conftituante  dans 
tous  les  corps  compoies  ;  il  fe  trouve  fur- 
tout  en  abondance  dans  le  foufre ,  les 
huiles,  les  charbons  &  autres  matières 
combuftibles  :  ce  font  auifi  celles  qu'on 
emploie  le  plus  communément  pour  rédiiire 
les  métaux. 

Dire  que  dans  tous  ces  mixtes  le  phlo- 
gifiique eft  le  même  &  dans  le  même  état , 
c'eft  peut-être  une  propofition  hafardée  , 
du  moins  trop  générale  &  fufceptible  de 
quelques  controverfes  j  parce  que,  conwnc 


PHL  6<^t 

on  Ta  déjà  dit ,  il  eft  très-poftlble  qu'il  ne 
foit  admis  dans  quelques-uns  ,  qu'après 
une  combinaifon  précédente:  mais  que 
de  toutes  les  différentes  fubftarices  que 
l'on  peut  employer  arbitrairement ,  Ici 
terres  métalliques  ne  reçoivent  conftam- 
ment  que  le  même  principe  identique  & 
fans  mélange  ,  c'eft  une  vérité  dont  l'évi- 
dence frappera  tous  ceux  qui  feront  affez 
initiés  pour  voir  enfemble  tous  les  faits 
fans  nombre  qui  l'établifTent ,  les  rapports 
néceffaircs  qui  les  lient  ,  &  les  caufes  fea- 
fibles  des  exceptions  apparentes. 

Une  goutte  d'huile  quelconque  ,  un  mor- 
ceau de  métal ,  un  peu  de  charbon  fuffifenc 
également  pour  fulfurer  l'acide  vitriolique: 
le  feu  appliqué  à  la  cornue  où  on  le  diftille  , 
ne  (ert  qu'à  le  faire  monter  avec  le  p/z/o— 
gifiique  ,  &  à  les  féparer  ainfi  des  autres 
matières  plus  fixes.  La  vapeur  du  foie  de 
foufre  refîùfcite  la  chaux  de  plomb  ;  une 
terre  métaUique  précipitée  de  l'acide  qui 
la.tenoit  en  diffolution ,  par  un  autre  mé- 
tal ,  reprend  le  phogifiique  qui  l'aban- 
donne ,  &  reparoît  avec  le  brillant  métal- 
hque  :  la  fimple  digeftion  d'une  chaux  de 
fer  dans  l'huile  ^  la  rend  attirable  à  l'ai- 
mant :  la  même  chofe  arrive  fi  on  l'éva- 
poré au  foyer  de  la  lentille  ;  enfin  le  fer 
fe  convertit  en  acier ,  c'eft-à-dire ,  fe 
fature  de  phlogifiique  y  lorfqu'on  le  plonge 
dans  du  fer  de  gueufe  en  fufion  ,  parce 
qu'il  y  a  d'une  part  alTez  de  chaleur 
pour  le  dilToudre  ^  &  de  l'autre  une  ma-» 
tiere  environnante  propre  à  retenir  ce 
difTolvant.    • 

Le  phlogifiique  du  charbon  s'unit  à  l'a- 
cide vitriolique  ,  lorfqu'on  diftille  enfem- 
ble ces  deux  fubftances  ;  &  au  contraire 
il  s'en  fépare ,  lorfqu'on  laifTe  l'acide  ful- 
fureux  expofe  à  l'air  ,  lorfqu'on  brûle  le 
foufre  ,  lorfqu'on  calcine  l'hépar,  &c.  Ces 
efïèts  fe  concilient  très-bien  par  la  feule 
différence  méchanique  :  dans  le  premier 
cas  ,  ce  font  deux  corps  inégalement  vo-» 
latils  qui  font  forcés  de  monter  &  de  s'ar*- 
rêter  enfemble  :  dans  les  autres  ,  le  plus 
léger  a  la  liberté  d'abandonner  le  plus 
pefant  ;  l'acide  eft  retenu  par  l'alkali ,  où 
s'unifTant  à  l'eau  qu'il  rencontre  dans  l'air, 
fa  combinaifon  avec  le  principe  inflam- 
mable devient  d'autant  plus  foiblç.  Si   h 

^  s  ss  % 


6^%  P  H  L 

foufre  ,  quoique  abondamment  pourvu  de 
phogiftique  ,  n'eft  pas  propre  à  la  réduc- 
tion des  métaux ,  c'efî  que  ce  principe  y 
eft  engagé  dans  un  acide  trop  puiflant  & 
trop  fixe  ;  l'adion  refpedive  de  ces  trois 
fubflances  tend  à  former -un  hépar  métal- 
lique :  cette  affinité  compofée  diminue 
Heceflairement  l'adhérence  ,  le  feu  s'échap- 
pe ,  &  l'acide  qui  demeure  recalcineroit  à 
chaque  inftant  la  partie  de  la  terre  mé- 
tallique qui  auroit  pu  fe  revivifier. 

Dans  le  charbon  ,  le  phlogiflique  eft  auffi 
engagé  dans  un  acide  (  Kqytf^^  HÉPAR  )  ; 
maiscet  acide  fe  trouve  précifément  afîez 
fort  pour  le  retenir ,  allez  foible  pour 
'  céder  à  l'affinité  de  la  terre  métallique; 
&  c'efi  là  fans  doute  ce  qui  forme  la 
condition  la  plus  avantageufe  pour  les  ré- 
duûions. 

Il  ne  faut  pas  croire  ,  comme  quelques- 
uns  l'afllirent ,  que  l'aftion  du  feu  dans  \ts 
cvaporations  ,  dans  les  calcinations  ,  ne 
foit  qu'un  fimple  relîichement  d'agréga- 
tion ;  c'eft  encore  une  vraie  difîolution  , 
fmon  complète  &  fimukanée ,  du  moins 
partielle  &  fucceffive  :  la  preuve  en  ré- 
fulte  de  l'identité  de  l'efiDet  de  la  calcina- 
tion  par  le  feu  ,  &  de  la  calcination  par 
les  acides.  Dans  la  première ,  la  terre  du 
métal  eft  (éparée  du  phlogiflique  y  parce 
que  la  tufion  eft  ménagée  pour  favorifer 
la  diflipation  de  ce  principe  volatil  ;  dans 
la  féconde  ^  parce  que  la  terre  mctalhque 
l'abandonne  pouf  s'unir  à  l'acide.  Si  l'on 
^êne  la  cryfiallifation  d'un  fel ,  en  l'agi- 
tant ,  par  exemple ,  pendant  i'évapora- 
xion  ,  ■  on  n'a  plus ,  au  lieu  <le  cryilaux 
iblides  &  réguliers,  qu'une  poufiiereplus 
ou  moins  tenue  qui  fe  rapproche  de  l'état 
xl'effloréfcence.  Cependant  l'opération  a 
commencé  néceiïairement  par  unediffolu- 
tion  aqueufe  ^  &  fi  ce  fel  n'a  pas  retenu 
•une  fuffifante  quantité  de  ce  fluide  diiîbl- 
vant,  on  n^en  va  pas  chercher  la  raifon 
iiors  des  circonfiances  méchaniques  qui 
ont  empêché  la  combinaifon  :  il  en  eiî  de 
jnême  dans  la  calcination. 

C'efî  une  qucffion  fort  agitée  en  phyfi- 
que  ,  de  favoir  pourquoi  la  calcination  ne 
iè  fait  pas  en  vailîeauxexadement  fermés  , 
fttjifque  l'on  ne  peut  douter  raifonnable- 
«BÊ^t  ^ue  le  feu  ne  les  pénètre  alTez  aboa- 


P  H  L 

damment  pour  fondre  le  métal:  c'efl  dans 
l'état  de  l'air  qu'il  faut  chercher  la  caufe 
de  cet  effet  ;  en  conféquence ,  les  uns 
djfent  que  c'efl  parce  que  le  fluide  man- 
que ,  &  que  fon  aâion  efl  nécefTaire  ; 
d'autres  penfent  que  fa  préfence  n'agit  pas 
feulement  méchaniquement  ,  mais  qu'il  fe 
fixe  dans  les  chaux  métalliques  '-,  qu'elles 
ne  .peuvent  d^nc  paffer  à  cet  état  ,  qu'au- 
tant qu'on  leur  fournit  une  quantité  luffi- 
fànte  d'air.  Sur  quoi  on  peut  objeder 
I®.  que  ,  dans  cette  fuppofition  ,  il  faudroit 
au  moins  qu'il  y  eût  une  calcination  pro- 
portionnelle à  la  quantité  d'air  renfermé. 
iM.  Beccaria  dit  l'avoir  obfervé  dans  des 
vaifîeaux  de  verre  fermés  hermétiquement  ; 
mais  cela  efi-il  bien  confiant?  &  d'ail- 
leurs la  preuve  de  ce  fait  efl  nécefTaire  à 
l'hypothefe  &  ne  fuffit  pas  pour  la  prou- 
ver: 2°,  ilparoît  contraire  à  tous  les  prin- 
cipes d'admettre  une  combinaifon  de  deux 
corps  fans  difîolution ,  ou  une  difîolution 
fans  cryflallifation  :  3°'  il  s'enfuivroit  delà 
que  Tair  auroit  avec  les  terres  métalliques 
plus  d'afïinifé  que  le  feu  ;  que  cependant 
il  n'en  pourroir  faire  qu'une  difîolution 
moins  complète ,  &  ne  pourroit  les  attaquer 
qu'à  l'aide  du  feu  :  4°*  les  acides  calcinent 
\qs  métaux  comme  le  feu  ;  &  comment 
concevoir,  par  exemple,  que  l'air  puifTe  aller 
fe  combiner  avec  l'étain  que  l'on  calcine 
au  fond  d'un  vafe  rempli  d'efprit  de  nitre  y 
ou  que  cet  efprit  de  nitre  contienne 
afîèz  d'air  fixe  pour  calciner  fuccefîive- 
ment  le*  nouvel  étain  qu'on  lui  préfente  ? 
5°.  L'analogie  de  la  combufîion  &  de  la 
calcination  efî  évidente  dans  nos  princi- 
pes ;  elle  efl  démontrée  par  l'inflamma- 
tion des  demi-métaux  ,  &  cependant  le 
charbon  qui  ne  fè  confume  pas  non  plus 
dans  \qs  vaifTeaux  clos  ,  fe  confume  fenfible- 
ment  lorfqu'il  eil  enfermé  dans  un  vaiffeau 
purgé  d'air- 

En  fu i va nt  cette  analogie  ,  on  efl  tenté 
de  penfèr  que  la  calcination  exige  ,  comme 
la  combufîion  ,  un  mouvement  ofcillatoire 
qui  favorife le  déplacement,  &  que,  dans  J| 
l'appareil  à^s  vaifîeaux  clos ,  ce  mo;jve-  tI 
ment  efl  arrêté ,  parce  que  la  raréfadion 
de  l'air  dans  un  efpace  borné  équivaut  à 
la  denfité. 

S'il  y  a  quelques  procédés  auxquels  cette 


P  H  L 

explication  ne  puifTe  convenir  ,  c'efl  qu'il 
y  a  plufieurs  moyens  de  faire  manquer  un 
effet  qui  dépend  du  concours  de  plufieurs 
caufes.  Un  phénomène  qui  Te  pafTe  fous 
les  jours  fous  nos  yeux ,  fans  que  Ton  ait 
encore  cherché  à  s'en  rendre  raifon  ,  nous 
met  fur  la  voie  de  découvrir  un  nouveau 
principe  très-con(équent  aux  loix  générales 
de  la  nature  ,  &  que  l'on  pourroit  peut- 
être  appliquer  avec  fùccès  à  plufieurs  opé- 
rations de  la  chymie.  Un  vafe  de  terre 
cuite  en  grès  tient  l'eau  ,  plufieurs  années 
de  fuite,  fans  s'imbiber.  Cette  eau  eû- 
elle  imprégnée  de  fel ,  on  la  voit  bientôt 
iraverfer  les  pores  du  vafe  :  il  efl  évident 
que  (ts  pores  ne  font  pas  devenus  plus 
perméables  ,  que  les  parties  compofées  âcs 
deux  corps  combinés  ne  peuvent  être  plus 
ténues  que  les  parties  compofantes  de 
chacun  de  ces  corps  ;  mais  la  combinaifon 
a  changé  la  figure  des  molécules  :  cette 
figure  produit  une  nouvelle  afîinité  ,  &  il 
y  a  pour  lors  une  attradion  de  tranfinif^' 
Tion  qui  porte  fucceflivement  les  atomes 
de  la  diffolution  faline  ,  des  parois  infé- 
rieures aux  parois  extérieures  ;  c'efl  ce 
dont  on  ne  peu*  raifonnablement  douter. 
Ces  fels  gravitent  exaâement  dans  les 
cavités  des  vaifîèaux  de  poterie  ,  comme 
ils  grimpent  fur  les  vafès  de  verre  , 
comme  l'eau  s'élève  dans  l'éponge  ^  dans  le 
fucre ,  &c.  ceû  même  eau  &  même  efièt. 

Ainfi  l'on  pûurroit  dire  qu'il  ne  fe  fait 
point  de  calcination  dans  les  vaifleaux  clos, 
parce  que  l'air  manquant  ,  le  phloglfiiqae 
ou  feu  fixe  ne  peut  y  former  de  combi- 
naifon ,  qui  le  rende  fufceptible  de  l'at- 
traâion ,  de  tranfmifiion ,  &  favorife  par- 
là  fa  féparation  de  la  terre  métallique  ; 
l'efFet  des  cimens  maigres  qui  calcinent  les 
métaux ,  même  en  vaiflèaux  clos  ,  paroît 
confirmer  cette  hypothefe  ,  &  elle  n'exclut 
nullement  la  pénétration  du  feu  environ- 
nant ,  puifqu'il  s'efl  néceffairement  combiné 
pendant  l'ignition. 

On  voit ,  par  ce  que  nous  venons  de  dire , 
que  la  fcience  de  la  chymie  ne  préfente  rien 
d'aufîi  difîicile,  ni  d'aufTi  important  que  cette 
théorie  :  -toutes  ces  difficultés  fc  réduifent 
néanmoins  à  une  feule  queftion  qui  fufpend 
en  ce  moment  les  progrès  de  nos  connoif^ 
làûccs^;  Éft'CC  addition  3  efi-ce  fouftraâion 


PHL  ^pî 

de  quelque  matière  ,  qui  conflitue  Vétat  de 
chaux  après  la  calcination  ?  M.  Black  l'at- 
tribue à  l'abfence  de  l'air  fixe  ;  M.  Mayer , 
à  la  préfence  d'une  fubflance  qu'il  appelle 
acidum  pingue  ou  caujlicum  :  M.  Prieflley 
a  ajouté  de  nouvelles  obfervations  qui  con- 
firment l'hypothefe  de  M.  Black  :  la  plupart 
des  phyficiens  s'occupent  de  la  folution  de 
ce  problême  intérefîant.  M.  Lavoifier  vient 
de  publier  une  belle  fuite  d'expériences  fur 
l'exiflence  &  les  propriétés  du  fluide  élaf- 
tique  qui  fe  fixe  ,  fuivant  lui ,  dans  les 
terres  métalliques  pendant  leur  calcina- 
tion ,  &  nous  favons  que  M.  Macquer  ,  à 
qui  la  chymie  efl  déjà  redevable  de  tant 
de  découvertes  ,  travaille  à  éclaircir  cette 
matière,  en  développant  la  théorie  de  la 
cauflicité.  Il  fiiut  efpérer  que  de  tant 
d^eflTorts  excités  par  l'intérêt  général  ,  & 
dirigés  vers  le  même  but  ,  naîtra  enfin 
une  lumière  afTez  vive  pour  frapper  tous 
les  yeux  ,  &  ramener  llir  la  même  route 
tous  ceux  qui  s'apphquent  à  l'mide  de  cette 
partie  àts  fciences  naturelles.  7^oj(r;|^  AiR 
FIXE  ,  Calcination  ,  Causticité, 
Caustjcum y  Combustion. 

hc  phlogijiique  ou  feu  fixe  efl-il  pefant? 
C'efl  encore  une  queflion  intérelTante ,  & 
qui  touche  de  près  à  celle  que  nous  venons 
d'annoncer.  Boyle  a  cru  la  flamme  pe- 
fànte  ,  même  pondérable  ;  mais  la  flamme 
n'eft  pas  la  matière  pure  du  feu.  Boerhaave 
a  obfervé  qu'une  barre  de  fer  embrafée 
ne  pefbit  pas  plus  que  lorfqu'elle  étoit 
froide.  Madame  du  Châtelet  dit  nettement 
que  le  feu  efl  Vantagonifie  de  la  pefanteur  : 
elle  confirme  l'expérience  de  Boerhaave  , 
&  certifie  que  l'égaliré  de  poids  s'eft  re- 
trouvée dans  des  malTes  de  fer  depuis  une 
hvre  jufqu'à  deux  mille  ,  qu'elle  a  fait  pefer 
toutes  enflammées  &  enfuire  refroidir.  J'a'i 
moi-même  pefé  un  marc  d'argent  très-pur 
en  fufion  ,  &  j'ai  vu  l'équilibre  fe  conferver 
pendant  la  confolidation  &  après  le  re- 
froidilTement.  Mais  il  faut  convenir  que 
de  pareilles  expériences  ,  qui  varient  fans 
cefîë  par  une  foule  d'accidens  inévitables 
peut-être  par  des  circonflances  néceffaires  y 
ne  font  pas  afîê^  sûres  pour  nous  autorifer 
à  excepter  le  feu  de  la  loi  commune  de 
la  gravitation.  Le  feul  fait  de  l'incurvation 
des  rayons  de  la  lumière ,  fuiîit  pour  nous 


^5?4.  P  H  L 

convaincre   qu'il  n'eft  pas  fournis  à  une' 
autre  pulflance. 

Cependant ,  abflra^lion  faire  de  l'état 
de  lumière  ,  d'ignition  &  de  chaleur  ,  le 
feu  efl  eflentiellement  volatil  ;  c'efl:  une 
vérité  démontrée  par  l'évaporation  fpon- 
tanée  de  tous  les  corps  où  il  entre  ,  lors- 
que la  quantité  ou  la  deniité  des  autres 
parties  conllituantes  ne  l'enchaînent  pas 
par  leur  contrepoids  ;  mais  cette  volatilité 
s'explique  très-bien  par  la  pelànteur  fpéci- 
fique  de  l'air  ,  plus  grande  que  celle  du  feu. 
C'efl:  fur  ce  rapport  hydroftatique  qu'eft 
fondée  l'explication  de  l'augmentation  de 
poids  des  chaux  métalliques  par  l'abfence 
du  phlogiftique.  Voye^  CaLCINATION. 

Cette  volatilité  du  phlogijiigue  le  fait 
regarder  ,  avec  raifon  ,  comme  le  principe 
des  odeurs  y  parce  que  c'eft  lui  qui  élevé , 
répand  &  apporte  fur  l'organe  de  l'odorat 
\qs  corpufcules  qui  l'afFedent. 

On  dit  encore  que  le  phlogiftique  eu  le 
principe  des  couleurs  ;  mais  cette  expreffion 
ne  nous  paroît  pas  avoir  en  général  la 
même  juftefîè.  Si  le  feu  qui  fe  fixe  dans 
les  corps  change  les  couleurs  qu'ils  avoient 
avant  cette  combinaifon  ^  c'eft  qu'elle 
donne  aux  parties  conftituantes  une  autre 
figure  ,  une  autre  denfité  ;  d'où  il  réfulte 
une  autre  quahté  réfléchifTante  ou  réfrin- 
gente: ainfi  cet  élément  ne  peut  être  confi- 
déré  ici  que  comme  toute  autre  matière 
qui ,  recevant  la  lumière  ,  eft  di(pofée  à 
renvoyer  tel  ou  tel  rayon  coloré. 

Lorfque  je  m'engageai  à  fournir  cet  ar- 
ticle ,  je  favois  que  M.  le  comte  de  BufFon 
préparoit  fon  introduélion  à  l'hiftoire  na- 
turelle des  minéraux  ;  ce  qui  l'qbligeoit  à 
traiter  des  élémens ,  &  particulièrement 
du  feu.  Je  fentis  combien  il  (èroit  inté- 
reflant  de  pouvoir  enrichir  ce  didionnaire 
de  tout  ce  que  ce  grand  homme  devoit  ajou- 
ter à  nos  connoiffances  fur  cette  matière , 
qui  eft  la  clef  de  la  bonne  chymie.  N'ayant 
reçu  fon  ouvrage  que  très-peu  de  jours 
avant  le  terme  donné  pour  la  remife  des 
manufcrits  ,  je  n'ai  pu  en  extraire  que 
quelques  idées  principales  ,  &  c'eft-là  fans 
doute  tout  ce  que  l'on  defirera  de  trouver 
ici.  Il  n'eft  perfonne  qui  ne  s'emprefle  de 
chercher  dans  fon  livre  même  cette  manière 
fin^ple  &:  fublime  qui  lui  eft  propre ,  pour 


P  H  L 

annoncer  &  développer  ks  plus  grandes 
vérités. 

M.  de  BufFon  regarde  le  phlogifiique 
comme  un  être  de  méthode  ,  &  non  pas 
comme  un  être  de  nature  :  ce  n'eft  pas 
un  principe  fimple  ,  c'eft  un  compofé  de 
deux  élémens  ,  de  l'air  &  du  feu  fixés  dans 
les  corps.  Le  feu  ou  la  lumière  produifent , 
par  le  fecours  de  l'air  ,  tous  les  e^eis  du 
phlogifiique. 

Il  n'y  a  qu'une  matière  ;  tous  les  élé- 
mens font  convertibles  :  la  lumière ,  la 
chaleur  &  le  feu  ne  font  que  des  manières 
d'être  de  la  matière  commune  ;  ils  ont  les 
mêmes  propriétés  elîéntielles.  Le  foleii 
gravite  fur  les  autres  aftres ,  la  lumière 
s'incline  ou  fe  réfraâe  par  l'attradion  des 
autres  corps  ;  fa  fubflance  n'eft  pas  plus 
fimple  que  celle  de  toute  autre  matière ,  puif- 
qu'clle  eft  compofée  de  parties  d'inégale 
pefanteur  ,  plus  ou  moins  petites,  plus  ou 
moins  mobiles,  &  différemment  figurées.  Le 
rayon  rouge  ne  pefe  pas  plus  que  le  rayon 
violet  ,  &  il  y  a  une  infinité  d'intermé- 
diaires entre  ces  deux  extrêmes. 

Ainfi  toute  matière  peut  devenir  lu- 
mière, lorfqu'étant  futfifamment  divifée  , 
lès  molécules  acquièrent  une  force  expan- 
five  par  le  choc  de  leur  attradion  mu- 
tuelle: la  lumière  peut  de  même  fe  con- 
vertir en  fubftance  fixe  &  folide ,  par 
l'addition  de  fes  propres  parties  accumtalées 
par  l'attradion  des  autres  corps.  La  vola- 
tilité &  la  fixité  dépendent  de  la  même 
force  ,  attraBive  dans  le  premier  cas , 
devenue  répuljive  dans  le  fécond. 

Le  feu  ,  la  chaleur  &  la  lumière  peu- 
vent être  confidérés  comme  trois  chofes 
différentes  ;  &  leur  différence  la  plus  gé- 
nérale paroît  confifter  dans  la  quantité,  & 
peut-être  la  qualité  de  leurs  aîimens.  La 
chaleur  du  globe  doit  être  regardée  comme 
notre  feu  élémentaire.  Lorfque  la  chaleur 
efl  appliquée  long-temps  aux  corps  folides  , 
elle  s'y  fixe  ,  &  en  augmente  la  pefanteur 
fpécifique. 

Le  feu  eft  le  moins  pefant  àes  corps  ,' 
mais  il  efl  pefant  ;  &  c'eft  en  conléquence 
de  cette  pefanteur ,  qu'il  a  des  rapports 
d'affinité  avec  les  autres  fubftances.  L'air 
eft  fon  premier  aliment,  les  matières  com- 
buftibles  ne  font  (^ue  le  fecon^.  Le  feu  fç 


P  H  L 

frouve  ,  comme  l'air  ,  fous  forme  fixe  , 
dansprefque  tous  les  corps  ;  il  en  devient 
partie  conftituante  par  la  torce  attradive , 
&  perd  alors  fa  chaleur ,  fon  élafticite  & 
fon  mouvement.  n  -r  > 

Toute. liquidité,  &  même  toute  tluidite 
fuppolb  la  préfence  d'une  certaine  quantité 

de  feu. 

Les  faveurs  ,  les  odeurs  &  les  couleurs , 
ont  toutes  également  pour  principe  celui 
de  la  force  expanfive  ,  c'efl-à-dire  ,  la  lu- 
mière &  les  émanations  de  la  chaleur  & 
du  feu  ;  car  il  n'y  a  que  ces  principes  adits 
qui  puiflfent  agir  fur  nos  fens  ,  &  les  ajteder 
d'une  manière  différente  &  diverlihee  , 
félon  les  vapeurs  ou  les  particules  des 
différentes  iùbftances  qu'ils  nous  apportent. 
Les  matières  doivent  être  diviiees^  en 
trois  clafles  par  rapport  à  l'aaion  du  teu  ; 
1°.  celles  dont  il  augmente  la^peianreur , 
parce  qu'elles  font  douées  dune  force 
attraâive  ,  telle  que  fon  effet  eft  lupeneur 
à  celui  de  la  force  expanfive ,  dont  les 
particules  du  feu  font  ammées  :  de  ce 
genre  font  l'étain  ,  le  plomb  ,  les  fleurs  de 
zing  ,  &c.  2«.  celles  qu'il  renl  plus  légères 
parce  qu'elles  ne  peuvent  le  fixer  ,  &  qu  il 
enlevé  au  contraire  les  parties  les  moins 
liées,  comme  le  fer ,  le  cuivre  ,  &c.  3«.  celles 
qui  ne  perdent  ni  n'acquièrent  par  1  appli- 
cation du  feu  ,  parce  que  n'ayant  aucune 
affinité  avec  lui  ,  elles  ne  peuvent  m  le 
retenir  ,  ni  l'accompagner  ,  tels  iont  1  or  , 
la  platine  ,  l'argent ,  le  grès  ,  ^c. 

La  combuilion  &  la  calcmatioti^  (ont 
àeux  effets  du  même  ordre  ,  dont  1  or  & 
le  phofphore  font  les  deux  extrêmes. 
'Toute  calcination  eft  toujours  accora^pa- 
^gnée  d'un  peu  de  combuflion  ;  de  même 
toute  combuflion  el|  auffi  accompagnée 
d'un  peu  de  calcination. 

Les  particules  d'air  fixe  &  de  chaleur 
fixe  ,  font  les  premiers  principes  de  la  com- 
buff  bilité  ;  ils  fe  trouvent  en  plus  ou  moins 
grande  quantité  dans  les  différentes  ^ubl- 
tances  ,  félon  le  degré  d'affinité  qu'ils  ont 
avec  elles;  les  parties  animales  &  végétales 
paroiflent  être  la  bafe  de  toute  matière 
combuftible.  ^ 

La  plupart  des  minéraux  &  merpe  des 
métaux  ,  contiennent  une  affez  grande 
quantité  de  parties  combuftibks ,  puifqu  ils 


P  H  L  ^5> 

produifent  une  flamme.  Si  on  continue  le 
feu  y  la  combuflion  finie ,  commence  la 
calcination  ,  pendant  laquelle  il  rentre  dans 
ces  matières  de  nouvelles  parties  d'air  & 
de  chaleur  qui  s'y  fixent ,  &:  qu'on  ne  peut 
en  dégager  ,  qu'en  leur  préfentant  quelque 
matière  combuflible  ,  avec  laquelle  ces 
parties  d'air  &  de  chaleur  fixe  ont  plus 
d'affinité,  qu'avec  celles  du  minéral  aux- 
quelles elles  ne  Iont  unies  que  par  force  , 
c'eit-à-dire  ,  par  l'effort  de  la  calcination. 

Ainfi,  la  rédu61ion  n'ell  ,  dans  le  réel, 
qu'une  féconde  combuftion  :  le  métal  ou 
la  matière  calcinée  à  laquelle  on  a  rendu 
les  parties  volatiles  qui  s'en  étoient  féparées 
jiendaot  la  première  ,  reprendra  forme  ,  & 
là  pefanteur  fe  trouve  diminuée  de  toute 
la  quantité  des  particules  de  feu  &  d'air 
qui  s'étoient  fixées  ,  &  qui  font  enlevées 
par  la  féconde  combufllon. 

Tout  cela  s'opère  par  la  feule  loi  des 
affinités  ;  la  chaux  d'un  métal  fe  réduit , 
comme  il  fe  précipite  en  dilToIution  ;  l'a- 
cide abandonne  le  métal  diffous  ,  parce 
qu'on  lui  préfente  une  autre  fubflance  avec 
laquelle  il  a  plus  d'affinité  qu'avec  le  métal  ; 
de  même  l'air  &  le  feu  fixés  qui  tenoient 
le  métal  fous  la  forme  de  chaux ,  le  laifTent 
précipiter  lorfqu'on  leur  préfente  des  ma- 
tières combufl:ibles  avec  lefquelles  ils  ont 
plus  d'affinité  ;  &  ce  métal  reprend  en 
même  temps  ,  aux  dépens  des  matières 
combuflibles  ,  les  parties  volatiles  qu'il 
avoit  perdues. 

C'efl  a.nfi  que  ce  philofophe,  accoutumé 
à  nous  faire  voir  toujours  la  nature  d'autant 
plus  grande ,  qu'il  la  fait  agir  par  des 
jnoyens  plus  fimples  ,  explique  la  compo- 
fition  intérieure  des  corps  &  leur  diflb- 
lution  y  comme  les  grands  phénomènes 
célefles ,  avec  une  feule  matière  &  une 
feule  puifTance.  (  Cet  article  eft  de  M,  DE 

MORVEAU.  ) 

PHLOGITES  ,  {Hifl.  mt.  )  Les  natu- 
ralifles  ne  font  point  décidés  fur  la  nature 
de  la  pierre  que  les  anciens  ont  défignée 
Ibus  ce  nom.  Les  uns  croient  que  c'efl 
l'opale,  à  caufe  du  feu  qu'elle  femble  jeter. 
PHne  met  cette  pierre  au  rang  des  pierres 
précieuiès. 

D'autres  croient  que  ce  nom  doit  ctrt 
appliqué  à  une  cfpece  de  fpath  iîrié ,   & 


dr5>^  P  H  L 

d'une  couleur  rouge ,  qui  refîèmblc?  afTêz  a^ 
une  flamme  ,  &  que  quelques-uns  ont  ridr- 
cuiement  regardé  comme  une  flamme  pé- 
trifiée. Il  s'eil  trouvé  en  Allemagne   des 
pierres  qui  avoient  cette  iigure. 

PHLOGOSE ,  en  Médecine  ,  accident 
qui  dénote  quelquefois  une  menace  d'in- 
flammation. 

Quand  l'inflammation  de  l'œil  efl  légère  , 
&  modérée  ,  on  l'appelle  M%o/é  >  quand 
elle  efl:  violente  ,  ctûxxncchemoje, 

La  phlogofe  eft  la  difpQfirion  à  l'in- 
tlammation  en  général.  Voye'^  INFLAM- 
MATION. 

PHLOGUS,  f.  m.  (Bot.anc.)  nom 
donné  par  quelques-uns  des  anciens  natu- 
ralifl:es  ,  à  différentes  efpeces  de  glayeuls , 
ou  d'iris  bulbeux ,  &  par  quelques  autres , 
à  la  flammula-jovis  ,  efpece  de  clématite , 
ainfi  nommée  à  caufe  de  fon  goût  acre  & 
brûlant  ;  mais  il  femble  que  cette  plante 
a  reçu  le  dernier  nom  de  fiammula-joi>is  , 
d'une  méprife  de  Pline ,  qui  copiant 
Tliéophrafle  ,  &  trouvant  que  cet  auteur 
parle  en  même  te  mps  du  phlogus ,  & 
d'une  autre  plante  nommée  diofantos  y 
c'efl-à-dire ,  fleur  de  Jupiter ,  a  confondu 
les  deux  noms  qui  étoient  réunis ,  pour 
mettre  entr'eux  le  mot  flammula-rjovis. 
Il  y  a  plus  d'une  erreur  fçmblable  dans 
les  écrits  de  Pline.  {D.  /.) 

PHLOMIS,  {Bot.  Jard.)  en  anglois 
the  fagetree  or  Jerufalem  fage  ;  en  iàXç.- 
manà  Jalbeybaunzy  J  erufalemfalbey  y  gelbc 
falbey.n 

Caractère  générique. 

Le  calice  qui  eft  permanent  eft  fillonné ,, 
pentagonal ,  &  figuré  en  gobelet  ;  la  fleur 
eft  monopétale,  labiée  ;  la  lèvre  fupéricure 
eft  courbée  en  volute  &  relevée  par  les 
bords  ;  la  lèvre  inférieure  eft  échancrée 
vers  fa  bafe  en  deux  fegmens  aigus  ;   çllç 


P  H  L 

eÛ  terminée  par  une  partie  fort  Targé  ; 
découpée  en  deux  par  le  bout ,  &  ondé(t 
par  les  bords  ;  le  defïbus  eft  relevé  de 
trois  nervuresj^ui  forment  enrr'elles  autant 
de  gouttières  en  defTous  ,  &  de  convexités 
en  delîus  ;  la  partie  fupérieure  cache 
quatre  longues  étamines  courbées ,  dont 
les  fommets  ont  deux  mamelons  ;  au  fond 
du  calice  eft  l'embryon ,  divifé  en  quatre 
parties,  &  funnonté  d'un  long  ftyle  courbé  ; 
ce  ftyle  a  un  crochet  au  deffus  de  fa 
pointe:  les  parties  de  l'embryon  devien- 
nent autant  de  femences  oblongues  &  an- 
guleules  ,  qui  demeurent  long-temps  fixées 
au  fond  du  calice. 

Efpeces. 

1.  Phlomis  à  feuilles  arrondies,  velues,' 
crénelées  ,  à  tige  d'arbrifteau. 

Phlomis  foliisfubrotundis  ,  tomentojis  y 
crenatis  y  caule  fruticofo.  Mill. 
Phlomis  with  crenated  leaves. 

2.  Phlomis  à  feuilles  lancéolées  ,  velues  jj 
très-entières  ,  à  tige  d'arbrifTeau. 

Phlomis  foliis  lanceolatis  y  tomentojis  y 
integerrimis  ,  caule  fruticofo.  Mill. 

Phlomis  with  fpear  shap'd  entire  lea-* 
ves  ,  &:c. 

3.  Phlomis  ii  feuilles  oblong-ovales ,  ve- 
lues ,  ayant  des  pétioles ,  à  fleurs  en  têtes 
terminales  ,  à  tige  d'arbrifTeau. 

Phlomis  foliis  oblongo^opatisypetiola  tis^ 
iomentqfis  y  floribus  capitatis  y  çaule  fru», 
ticofo.  Mill, 

Phlomis  with  flowers  growing  in  large 
heads  y  Sic. 

4.  Phlomis  à  enveloppes  hériffées ,  3t 
feuilles  oblong-ovales  ,  rudes  au  toucher  j, 
f\  tige  herbacée, 

Phlomis  involucris  fetaceis  hifpidis y 
foliis  ovato-ohlongis  fcabris  ,  caule  herba^ 
ceo.  Hort.  Upfal. 


(*  )  Le  phlomis  eft  un  genre  de  plante  à  fleur  monopétale&labiée;  la  lèvre  fupérieure  eft  en  forme 
de  cafque  ,  &  tombe  fur  la  lèvre  inférieure  qui  eft  un  peu  renflée  &  divifée  en  trois  parties.  Le 
piftil  fort  du  calice  ;  il  eft  attaché  comme  un  clou  à  la  partie  poftérieure  de  la  fleur  ,  &  entouré  de 
quatre  embryons,  qui  deviennent  dans  la  fuite  autant  de  femences  oblongues  ,  renfermées  dans  une 
capfule  ,  ou  tuyau  à  cinq  angles,  qui  a  fervi  de  calice  à  la  fleur.  Tournefort ,  Injlit.  rei.  herb.  Foyex, 
PLANTE. 

Tournefort  compte  huit  efpeces  de  ce  genre  de  plante  ;  la  principale  phlomis  fruéîicofa/alvi&fôlto- 
latiçrs  éf  rotundiore  ,  /.  R.  H.  177,  fe  cultive  dans  les  jardins,  &  fleurit  au  mois  de  juin.  On  lui 
4onnc  les  vertus  de  la  fauge ,  d'être  aftringenie  âc  vulnérafte.  (£>./.  j 


P  H  L 

-  lÊ^htomis  with  brijîly  prickly  invotucrums 
and  an  herbaceous  Jlalk. 

y.  Phlomis  à  enveloppes  compofées  de 
feuilles  hérifless  en  forme  d'alêne  ,  à  feuil- 
les cordiformes ,  rudes  au  toucher  ,  à  tige 
herbacée. 

Phlomis  involucris  hifpidis  fubulaÉs  , 
foliis  cordatis  fcabris  ,  caule  herbaceo. 
Hort.  Upfal. 

Phlomis  with  awl-shaped  prickly  in- 
volucrums ,  &c. 

6.  Phlomis  à.  feuilles  lancéolées  velues  , 
dont  celles  deflbus  les  fleurs  font  ovales  , 
6c  dont  les  involucrums  font  lanugineux 
de  hériiïes. 

Phlomis  foliis  lanceolatis  tomentofis  ,  flo- 
ralibus  ,  ovatis  involucris  fetaceis  ,  lanatis. 
Linn.  Sp.  pi. 

Phlomis  with  fpear  shaped  woolly  ha- 
vts  ,  Sec. 

7.  Phlomis  à  feuilles  ovale-lancéolées , 
crénelées ,  velues  pardeflous,  à  involucrums 
hériflés. 

Phlomis  foliis  m'ato-lanceolatis  ,  cre- 
natis  j  fubtùs  îomentofis  ,  involucris  feta- 
ceis. Mill. 

Phlomis  with  oval  fpear  shap*d  hâves  , 

8.  Phlomis  à  feuilles  cordiformes  , 
aiguës  ,  velues  pardeflous  ,  &  dont  les 
feuilles  qui  enveloppent  les  fleurs  fontroides 
&  divifées  en  trois. 

Phlomis  foliis  cordatis  ,  acutis  ,  fubtàs 
îomeMtofis  ,  involucris  Jîriâis  ,  tripartitis. 
Mill. 

Phlomis  with  acute  ,  pointed  ,  htart- 
shap'd  leaves  and  îhe  covers  of  the  Jlowers 
divided  into  three  parts. 

9.  Phlomis  à  feuilles  cordiformes  ,  ru- 
des ,  velues  pardeflous  ,  à  involucrums 
lanugineux  ,  à  tige  herbacée. 

Phlomis  foliis  cordatis ,  rugojîs  ,  fubtàs 
tomentcfis  ,  involucris  lanatis  ,  caule  her- 
baceo. Mill. 

Phlomis  with  rough  heart-shaped  leaves 
and  an  herbaceous  Jlalk. 

10.  Pi^/om/5  à  feuilles  lancéolées,  cré- 
nelées ,  velues  pardeflous  ,  à  involucrums 
lanugineux  ,  à  tige  d'arbriflèau. 

Phlomis  foliis    lanceolatis  ,    crenatis  , 
.  fubtus  tomentofis  ,  involucris  lanatis  ,  caule  j 
fruticofo,  Mill. 

Tomt  XXV. 


P  H  L  ^^7 

Phlomis  vit  h  fpear  shap'd  crenat^ 
leaves  and  shrubby  Jlalks. 

1 1 .  Phlomis  dont  les  feuilles  d'en  bas 
font  cordiformes ,  velues  &  laineufes  des 
deux  côtés. 

Phlomis  foliis  radicalibus  cordatis  ,  utrik' 
que  tomentofis.  Linn.  Sp.pl. 

Phlomis  whofe  lower  leaves  are  heart^ 
shaped  wooly  and'hairy  on  everyflde. 

11.  Phlomii  à  involucrums  lancéolés,  à 
feuilles  cordiformes ,  velues  pardeflous  ,  à 
tige  demi-boifeufe. 

Phlomis  involucris  lanceolatis  ,  foliis 
cordatis  fubtus  tomentofis  ,  caule  fuffruti^ 
cofo,  Mill. 

Whitejl  shrubby  fpanish  Jerufalem  fage 
with  an  iron  colouredflower. 

15.  Phlomis  dont  les  petites  feuilles  qui 
enveloppent  la  fleur  ,  font  formées  en 
alêne  ,  à  feuilles  cordiformes-ovales  velues 
pardeflous  ,  à  tige  d'arbriflèau. 

Phlomis  involucris  fubulaîis  ,  foliis  cor- 
data  ovatis  ,  fubtus  tomentofis  ,  caule  fru- 
ticofo. Mill, 

Phlomis  with  awl-shap'd  involucrums 
and  a  shrubby  Jlalk  ,  &c. 

14  Phlomis  à  feuilles  alternativement 
ailées ,  à  foUoles  échancrées  ,  à  calice  la-, 
nugineux. 

Phlomis  foliis  alternatim  pinnatis  ,  fo^ 
liolis  laciniatis  ,  calicibus  lanatis.  Linn. 
Sp.  pi. 

Phlomis  with  leaves  alternately  winged 
whofe  lobes  are  eut ,  &c. 

Les  efpeccs  n°*.  i  ,  z  ,  3  ,  7 ,  10  ,  12  ,,- 
15  ,  font  des  arbrifleaux  de  la  nature  des 
fauges  &  des  ciftes  :  ils  diflerent   des  ar- 
briflegux  proprement  dits  ,  en  ce  que  les 
boutons  d'entre    les   feuilles   ne   font  ni 
écailleux  ni  (àillans,  &:  que  l'écorceadeux 
épidermes  feches  &  untilfu  cellulaire  bru- 
nâtre &  fort  mince  :  on  obferve  auiïî  que 
ce  genre  de  plantes  ne  foufFre  que  diflî- 
cilement    le    retranchement    de  quelque 
branche  ;    il  ne  le  fait  pas  de  bourrelet 
autour   de   la  coupure.  Dans  le  nombre 
des  autres    efpeccs  de  phlomis  ,    iKs'sii 
trouve  qui  tiennent  encore  de  plus  prés  à 
la  plante  Ample  ,  &  enfin  plufleurs  ne  font 
réellement  que  des  herbes. 

Examinons  d'abord  les  phlomis  arbrif^ 
féaux  :  nous  fuivrons  Miller  à  l'égard  des 

Tctt 


4^î  P  H  L 

-^''efpeces  que   nous  n'avons  pas  fous   les 
yeux. 

L'efpece  n°.  i  croît  naturellement  en 
Efpagne  &  en  Sicile  ,  aux  lieux  monta- 
gneux :  elle  forme  un  arbriffeau  qui  s^cleve 
à  cinq  ou  fix  pies  fur  une  affez  groffe  tige 
couverte  d'une  écorce  dont  1  epiderme  fe 
détache  &c  pend  par  lambeaux  :  cette  tige 
fe  iubdivife  en  pluiîeurs  branches  velues 
&  anguleufes  ,  d'un  porc  irrégulier.  De 
chacun  de  leurs  joints  ,  qui  font  affez 
éloignés  les  uns  des  autres ,  fortcnt  oppo- 
fées  deux  feuilles  arrondies ,  qui  font  atta- 
chées par  d'adéz  courts  pétioles.  Les  fleurs 
font  jaunes  ,  naiffent  verticillées  autour 
des  tiges ,  &  font  rafiemblécs  fous  la  forme 
de  gros  pefons. 

La  féconde  efpecc  ne  s'élève  pas  £  haut. 
Les  branches  font  plus  foibles  ,  les  feuilles 
plus  longues  &c  plus  étroites  ,  les  pefons 
des  fleurs  moins  gros  ;  mais  les  fleurs  ont 
la  même  forme  &  la  même  couleur. 

Le  phlomis  n^.  5  ne  s'élève  guère  qu'à 
quatre  ou  cinq  pies  :  les  feuilles  font  plus 
larges  &  plus  blanchâtres  que  celles  des 
efpeces  précédentes  :  les  pétioles  des  feuil- 
les inférieures  icnt  aflez  longs  ;  mais  lits 
feuilles  lupérieures  f^nt  afl^ifes  &  jointes 
■par  une  membrane,  particuUérement celles 
d'où  fortent  les   pelons  des  fleurs  :  elles 
font  veinées  &  maillées  pardeflbus ,  &  cou- 
vertes d'un  tiflfu  lanugineux  ;  le  deflus  n'eft 
que  légèrement  velu  >  les  pelons  des  fleurs 
naiflènt  ordinairement  aubout  desbranches; 
elles  font  plus  grandes  que  celles  des  phlo- 
mis r\°.  I  &  2.  La  lèvre  fupérieureeft  très- 
velue  pardeflus  :  vue  à  la  loupe ,  elle  paroît 
avoir  la  même  contexrure  que  les  cocons 
de  vers  à  foie.  Elles  font  d'un  jaune  vif 
&  d'un  fort  bel  effet  ,  elles  paroiflént  en 
juin.  Les  phlomis  contribueront  à  l'agré- 
ment  desbofquets  de  ce  mois  :  il  fout  les 
placer  fur  les  devants  des  mafïifs  ,  parmi 
les  ciftes  &  les  fauges  ,    dans  une  terre  I 
feche  ic  dans  un   lieu   abrité  contre  les. 
\'énts  de  nord  ,  nord-eft  &  nord-oueft  :  de 
femblables  polîtions  mettront  ces  arbrif- 
feaux  en  état  de  réfifler  très-bien  aux  froids 
de  nos  provinces  feptentrionales  :  on  peut 
suffi  en  employer  quelques  pies  dans  les 
Ibofquets  d'été  ,  d'automne  &  d'hiver  ,  où 
leurs  belles  touffes  blanchâtre  s  jetteiont  une 


PHL 

variété  piquante  parmi  les  mafîes.  "D.'?ns 
les  terres  lèches  ils    vivent  quatorze  ou 
quinze  ans  ,  tandis  que  dans  les  fols  hu- 
miides ,  leur  vie  eft  bornée  à  la  moitié  de 
cet  efpace  de  temps  ;   mais  comme  il  efl 
t|jgs-facile  de  les  multiplier ,  avec  un  peu 
d'attention  on  n'en  fera  jamais  dépourvu: 
on  les  marcotte  en  mai  ;  on  en  fait  des 
boutures  en  avril  &  en  juillet,  que  l'on 
plante  dans  une  planche  de  terre  expoféc 
au  levant.  Les  marcottes  &  les  boutures 
du  printemps  peuvent  fe  rranfplanter  au 
mois  d'août  par  un  temps  humide ,  &  être 
alors  ifîxées  où  elles  doivent  demeurer.  Les 
boutures  de  juillet  feront  abritées  par  des 
paillafTbns  durant  l'hiver  j  on  les  tranfplan- 
tera  au  mois  d  avril  fuivant.  Les  marcot- 
tes ,  les  boutures  &  le  plant  enraciné  ^ 
nouvellementplanté,  demandent  qu'onleuE 
donne  louvent  de  l'eau  en  periue  quantités 
Si  l'en  plante  les  boutures  dans  un  poE 
empli  de  bonne  terre  ,  &  qu'on  enfonce 
ce  pot  dans  une  couche. tempérée  &  om- 
bragée au  plus  chaud  du  jour  ,  leur  reptile 
fera  certaine.  La  graine  mûrit  aflez  fou- 
vent  dans  nos  provinces  feptentrionales  i 
on  la  feme  en  avril  dans  une  planche  de 
bonne  terre  ,  &  durant  Thiver ,  l'on  couvre 
le  femis  de  paillaflbns.   Au  mois  d'avril 
ou  au  mois  de  juillet  fuivant  ,  on  peut 
tranfplanter  cts pklcmis  du  lemis  aux  lieux 
de  leur  demeure  :  ces  arbrifleaux  ne  re- 
prennent pas  facilement ,  lorfqu'on  ne  les 
plante  pas  très- jeunes. 

L'efpece  n**.  7  s'élève  environ  à  quatre 
ou  cinq  pies.  Ses  fleurs  font  d'un  pourpre 
obfcur  ,  ôc  naiflènt  en  pefons  à  chaque 
joint  :  ce  phlomis  fe  multiplie  &  fe  traite 
comme  les  précédens  5  fes  tiges  font  qua- 
drangulaires  &  blanchâtres. 

L'efpece  n®.  10  vient  de  Smyme  :  elle 
form.e  unarbrifleau  qui  s'élève  en  buifïbn 
à  environ  trois  pies  :  les  branches  >  ainfi 
que  le  deflous  des  feuilles  ,  font  couvertes 
d'une  laine  jaunâtre  :  les  fleurs  font  d'un 
jaune  fale  ,  naiffent  en  bouquets  au  bout 
des  bourgeons  ,  ôc  font  plus  petites  que 
celles  des  n"^  î  ,  a  &  5  :  leurs  involu- 
crums  i  c'efl-à-dire  ,  les  petites  feuilles 
qui  entourent  &  qui  renferment  le  bou- 
quet ,  font  extrêmement  cotonneufes.  C'efï: 
avec  le  /z°.  a-  que  celle-ci  a  le  plus  de  re£^ 


P  HL 

(ambiance  ,  mais  outre  les  différences 
marquées  dans  ia  phrafe  ,  les  feuilles  font 
beaucoup  plus  petites ,  ôc  les  branches  font 
plus  grêles  :  il  s'en  faut  beaucoup  que  les 
pelons  des  fleurs  foient  aulïi  gros.  Ce 
phlomis  ic  multiplie  comine  les  précédens. 
Etant  un  peu  plus  délicat ,  il  faut  l'abriter 
avec  foin  pendant  fa  première  éducation  , 
&  le  planter  à  demeure  en  desiieux  encore 
mieux  expofés  &  plus  fècs. 

ht  phlomis  n°.  il  efl  indigène  de  l'Ef- 
pagne  &  du  Portugal  :  fa  tige  eft  demi- 
ligneufe  ,  &  s'eleve  à  environ  deux  piés& 
demi  :  elle  efl  couverte  d'un  coton  épais 
&  blanc  ;  plulîeurs  d'entre  les  tiges  qui 
s'élèvent  de  (ts  racines  font  garnies  de 
feuilles  cordiformes.  De  la  partie  inférieure 
de  ces  tiges  naiflént  oppofés  à  chaque 
joint  deux  bourgeons  courts  ,  qui  portent 
cinq  ou  fîx  petites  feuilles  de  la  même 
forme  que  celles  des  efpeces  pjrécédentes. 
Les  fleurs  qui  font  d'une  couleur  de  fer  , 
lortent  en  petits  pefons  vers  le  bout  des 
branches  :  les  petites  feuilles  qui  entourent 
leur  grouppe  font  lanugineufes  &  lancéo- 
lées. Comme  cette  efpece  trace  beaucoup, 
on  la  multiplie  aifément  par  les  drageons 
enracinés  que  l'on  fevre  6c  tranfplante  vers 
la  mi-fcptembre  :  après  les  avoir  plantés  , 
il  faut  mettre  de  la  menue  litière  ou  du 
ran  autour  ,  pour  empêcher  le  froid  de 
pénétrer  jufqu'à  leur  racine.  On  peut  aufTi 
mu  kl  j^ièr  ce /)/^/6m/j  de  boutures  ,  comme 
les.elpeces  précédentes  ,  au  printemps  & 
en  été.  Il  demande  le  même  régime  que 
le  n°.  10. 

L'efpece  n°.  r  5  efl  naturelle  des  mêmes 
contrées  :  elle  forme  un  buiflbn  qui  s'élève 
à  trois  ou  quatre  pies  :  fes  tiges  fe  fubdi- 
vifent  en  plu  fleurs  branches  quadrangu- 
laires ,  couvertes  d'un  duvet  :  dans  la  partie 
inférieure  les  feuilles  font  cordiformes  ,  au 
haut  des  branches  elles  font  ovales  ,  lan- 
céolées :  elles  naiffent  oppofées  fur  de 
courts  pétioles  ,  &  font  lanugineufes  par- 
defTous  :  les  fleurs  font  grouppées  en  pefons 
autour  des  tiges  ,  elles  font  d'un  pourpre 
brillant  ,  &  ne  frudlifient  pas  dans  nos 
provinces  feptentrionales.  Ce  phlomis  fe 
multiplie  de  marcottes  &  de  boutures  ,  & 
ie  traite  comme  le  /z°.  lo. 

Le  n°.  4  aoît  naturellement  dans  b 


P  H  L  ^5^9. 

France  méridionale  &:  l'Italie  :  la  racine 
eft  pérenne  ;  les  tiges  font  annuelles  ,  elles 
font  quadrangulaires  ,  &  s'élèvent  à  deux 
pies  de  haut.  Les  feuilles  y  font  attachées 
immédiatement.  Les  fleurs  naifTcnt  en 
pelons  autour  des  branches  \  elles  font 
d'un  pourpre  brillant  ,  &  font  beaucoup 
d'efî'et.  Il  faut  tous  les  trois  ans  partager 
les  racines  de  cette  plante  pour  la  mul- 
tiplier ;  cette  efpece  eft  dure ,  &  peut  être 
plantée  dans  des  lieux  découverts  j  elle 
craint  les  terres  humides. 

La  cinquième  efpece  eft  indigène  de  la 
Tartarie  \  la  racine  eft  pérenne  ;  les  tiges 
font  purpurines  &  s'élèvent  à  cinq  ou  fix- 
piés.  Les  fleurs  font  pourpres  :  on  la  mul- 
tiplie par  fes  graines  qu'on  feme  au  prin- 
temps ,  on  tranfplante  le  jeune  plant  en 
automne. 

La  fixieme  efpece  croît  naturellement 
dans  la  France  méridionale  ,  en  Efpagne 
&  en  Italie  :  la  racine  eft  pérenne  &  les 
tiges  annuelles  \  elles  font  menues  &  ont 
environ  deux  pies  de  haut  :  à  leur  bafe 
fort  près  de  terre  une  touffe  de  feuilles 
enveloppées  en  deflbus  par  une  couverture 
commune.  Ces  touffes  de  feuilles  durent 
toute  l'année  :  les  fleurs  font  jaunes  ;  on 
la  multiplie  de  drageons  ou  de  boutures  au 
printemps.  Cette  plante  demande  une  terre 
feche  &  une  fîtuation  r.britée. 

La  huitième  efpece  habite  le  Levant  :  la 
racine  eft  pérenne  &  la  tige  annuelle  : 
les  feuilles  ont  cinq  veines  fortes  &  fail» 
lantes  :  les  tiges  s'élèvent  d*un  pié  & 
demi  ;  les  feuilles  d'en  haut  font  plus  pe-« 
rites  que  celles  d'en  bas.  Les  fleurs  qui 
naiflcnt  en  pefons  autour  des  branches  , 
font  d'un  pourpre  éteint. 

La  neuvième  a  été  envoyée  de  Smyrne  ; 
ce  phlomis  a  une  racine  pérenne  :  les 
tiges  qui  font  annuelles  ,  s'élèvent  d'un 
pié.  Les  fl.eurs  font  grandes  &:  jaunes  ,  8i 
naifîènt  en  pefons  autour  des  branches  :  le 
tube  de  leurs  calices  eft  très-long  ;  cette 
efpece  fubfifte  en  plein  air  dans  les  hivers 
ordinaires ,  mais  elle  ne  réfifte  pas  à  un 
froid  très- rigoureux. 

Le  phlomis  n°.    i  ï   eft  indigène  de  l'Ar^^lr' 
chipel  &  de  l'Efpagne  :  la  racine  eft  pé-> 
renne  ,  mais  les  tiges  font  annuelles  ,   ^ 
cela  près   que    les   fçuilles   d'en    ba^   pf 
-     Tut  ^ 


70O  P  H  L 

périirent  pas  l'hiver  ;  elles  ne  partent  pas 
immédiatement  de  la  couronne  de  la  ra- 
cine ;  elles  naifl'ent  en  grouppe  fur  de 
petites  branches  traînantes  ôc  cotonneufes  : 
les  tiges  font  grêles  Se  ne  s'élèvent  que 
d'un  pie  :  elles  pouflTent  ordinairement  , 
vers  le  bas ,  deux  bourgeons  latéraux  op- 
pofés.  Depuis  cette  divifion  jufqu'au  bout, 
elles  font  garnies  de  petits  pefons  de  fleurs 
jaunes:  les  fleurs  n'y  Tont  pas  jointescomme 
dans  les  autres  efpeces  ;  chacune  efl:  fé- 
parée.  Ce  phlomis  fe  multiplie  &  fe  traite 
comme  le  n°.  6. 

L'efpece  n°.  1 4  eft  naturelle  du  levant. 
La  racine  eft  pérenne ,  la  tige  eft  annuelle  ; 
mais  les  feuilles  inférieures  durent  toute 
l'année  :  elle  s'élève  d'un  pié  &  demi  ;  les 
fleurs  qui  font  d'un  pourpre  éteint  naiflent 
en  pefons  autour  des  tiges ,  elles  paroiflent 
en  juin  ;  fes  feuilles  qui  font  conjuguées  , 
k  rendent  aflez  finguliere  :  on  la  multiplie 
de  drageons  comme  l'efpece  n°.  8  ^  mais 
il  n'en  naît  que  peu  autour  du  pié.  Ces 
plantes  ont  duré  vingt  ans  en  pleine  terre 
en  Angleterre  ,  &  ont  été  toutes  détruites 
par  le  froid  de  1740.  Tous  les  phlomis  font 
rrès-parants  ;  leurs  fleurs  fe  fuccedent  pen- 
dant deux  ou  trois  mois.  (  M.  h  Baron 
BE    TscHGUni.  ) 

PHLIACOGR  APHIE  ,  f.  m.  (  Dttér.  ) 
nom  que  donnoient  les  anciens  à  une  imi- 
tation gaie  &  burlefque  de  quelque  pièce 
grave  &  férieufe  ,  &  particulièrement  d'une 
tragédie  tournée  fur  le  top  d'une  pièce 
comique.  Foye^  Parodie. 

Ce  mot  eft  grec  ,  formé  de  t^hiet^uv  , 
badiner  ,  ou  de  i^Kictç  ,  folâtre  ^  dérivé  de 
fXu»  ,  je  badine  ,  joint  avec  y^eupa  , 
j'écris  y  c'eft-à-dire  ,  pièce  ou  compojition 
badine. 

La  phliacographie  paroît  avoir  été  la 
même  chofe  que  l'hilarodie  ou  l'hilarotra- 
gédie.  Voye"^  Hilarodie  ,  ùc. 

On  diftinguoit  cependant  pluficurs  efpe- 
ces de  phliacographie ,  dont  on  peut  voir 
les  noms  dans  le  livre  de  Saumaife  ,  intitulé 
Exercitationes  in  Solinum. 

Les  parodies  qu'on  a  faites  de  quelques 

**tnorceaux  ou  pièces  des  meilleurs  poètes, 

comme  le  Virgile  travefti   de  Scarron  & 

de  Cotton  ;  les  coquines  rivales  de  Cybber 

tiavefties  des  reines  rivales  de  Lee  j  quel- 


PHt 

ques  morceaux  d'opéra  dont  on  a  adapté 
la  mufique  à  des  paroles  bouffonnes  &  ridi» 
cules ,  font  auffi  comprifes  dans  la  notion 
àt phliacographie.  l^oye[  Parodi e. 

PHLYA  ,  (  Géog.  anc.  )  bourgade  de 
PAttique  :  elle  étoit  de  la  tribu  de  Ptolé- 
maïde  ,  félon  le  marbre  des  treize  tribus  , 
rapporté  par  M.  Spon  ;  &  félon  Héfychius , 
cette  ancienne  bourgade  qui  eft  dans  le 
Mefoia  ,  entre  Rafti  &  le  Cap-Colonne  , 
conferve  encore  fon  nom.  C'étoit  la  patrie 
du  poëte  Eurypidc  ;  mais  il  y  a  eu  trois 
poètes  célèbres  de  ce  nom.  -là.  Paufanias 
fait  mention  de  plufieurs  tem-ples  &  autels 
qui  étoient  à  Phlya  ,  entr'aurres  de  ceux 
d'Apollon  ,  de  Diane  ,  de  Bacchus  &  des 
Eumcnides.  A  Athènes  ,  ajoute  M.  Spon, 
dans  l'églife  Agivi  Apoftoli  ,  on  lit  cette 
infcription  :  2EAETP02  HENONN02  , 
*AT5TM.  {D.J.) 

PHLYCTENES  ,  f.  f.  (  Chirurgie.  ) 
ce  font  de  petites  puftules  ou  véhcuîes  qui 
caufent  des  démangeaifons ,  &  qui  viennent 
fur  la  peau ,  principalement  entre  les  doigts 
&  autour  du  poignet.  Elles  font  pleines 
d'une  férofité  lympide  *,  elles  dégénèrent 
quelquefois  en  gale  ,  Se  quelquefois  en 
dartres.  Voye-^^  Gale  ,  fi'c.  On  les  guérit 
de  même  que  les  autres  éruptions  cutanées. 
P^oye'^  PsoRA  &  Pustule. 

Phlyâdnes  fîgnifient  auflU  de  petites 
véficules  ulcéreufes  qui  viennent  quelque- 
fois fur  la  conjonctive,  &  quelquepqîi  fur  la 
cornée  de  l'œil  ,  femblables  à  autant  ^  de 
petites  veffies  pleines  d'eau  ,  que  l'on  ap- 
pelle vulgairement /jw/?zy/ej  aux  yeux. 

Elles  paroiflent  comme  des  grains  de 
millet  ;  &  quand  elles  font  produites  par 
une  humeur  fort  corrofive  ,  elles  caufent 
une  violente  douleur  :  les  puftules  qui  vien- 
nent fur  la  conjonctive,  font  rouges  ;  celles 
qui  viennent  fur  la  cornée  font  noirâtres  , 
fi  elles  font  proche  de  la  furfacc  ;  mais 
elles  font  plus  blanches  quand  elles  font 
plus  profondes.  On  les  guérit  avec  des 
defllîcatifs  &  des  difculTifs. 

On  appelle  aufl^i  phlycîenes  les  veflfîes 
qui  furviennent  à  la  gangrené  ,  aux  brû- 
lures ,  &  à  l'application  d'un  véficatoire  ; 
elles  font  formées  par  l'amas  de  la  lymphe 
entre  la  peau  &  l'épiderme.  En  coupanc 
l'épiderme  ,  on  détruit  la  phlySene  :  un 


P  H  L 

peu  de  cérat  camphré  fufïit  pout  deffécher 
la  peau  dans  les  phlyclenes  bénignes  ,  telle 
que  celle  formée  par  la  tranfpiration  rete- 
nue ,  à  1  occafion  de  Tappareil  &  bandages 
dans  les  fraârures.  Les  phlyclenes  qui  font 
le  fymptome  d'une  maladie  dangereufe  , 
ne  (ont  d'aucune  coiifidération  ;  c'eft  la 
maladie  qui  les  a  produites  ,  qui  mérite 
l'attention  du  chirurgien.  Le  mot  de  phlyc- 
tenes  eft  grec  j  il  vient  de  ?Ay&> ,  ferveo  ,  je 
bous,  (r) 

PHLYSTENE ,  f.  f .  (  Médecine.  )phlyf. 
tana  ;  èfpece  d'ébullition  ,  comme  l'indi- 
que le  mot  grec  (pKvaaa  ,  ebullio  ;  c'eft:  une 
maladie  qui  produit  des  boutons  pleins  de 
férofité  ,  quelquefois  gros  ,  livides  ,  pâles 
ou  noirâtres.  Quand  on  les  perce  ,  la  chair 
paroît  dedous  comme  ulcérée.  Ces  boutons 
font  caufés  par  une  lymphe  chaude  &  acre  ■•, 
ils  viennent  par  tout  le  corps ,  &  quelque- 
fois même  fur  la  cornée  :  Celfe  en  parle 
dans  fes  ouvrages.  {D.  J.) 

PHOBETOR  ,  f.  m.  (  Mythologie.  )  le 
fécond  des  trois  fonges ,  enrans  du  Som- 
meil :  fon  nom  fignifie  épouvanter  ,  parce 
qu'il  épouvantoit  en  prenant  la  reflemblance 
des  bêtes  fauvages  ,  des  ferpens  ôc^autres 
animaux  qui  inlpirent  la  terreur. 

PHOBOS  ,  (  Mythologie.  )  ou  la  peur  ; 
elle  étoit  perfonnifiée  chez  les  Grecs ,  &: 
repréfentée  a.vec  une  tête  de  lion. 

P  HOC  ARUM  infula  ,  (  Géogr.  anc.  ) 
île  fur  la  côte  de  P  Arabie ,  au  voifinagc 
de  \'l\t  des  Tortues  èc  de  celle  des  Eper- 
viers.  Elle  étoit  ainfi  nommée  à  caufe  de 
la  quantité  de  veaux  marins  qu'on  y  pc- 
choit.  Strabon ,  liv.  XVI ,  p.  jj6 ,  femble 
encore  mettre  une  île  du  même  nom  fur 
la  même  côte  ,  près  du  promontoire  des 
Jvlabatéens.  {D.  J') 

PHOCAS  ,  voyei  Veau  marin. 

PHOCÉE ,  (  Géogr,  anc.  )  ville  de  l'Afie 
mineure  ,  a(ïèz  voiiîne  de  Smyrne.  Elle 
tiroit  apparemment  fon  nom  du  mot  pho- 
cas  ,  qui  fignifie  un  veau  marin  ,  parce 
qu'il  fe  pèche  près  de-là  quantité  de  ce 
poilfon  •,  &  même  dans  tout  le  golfe  de 
Smyrne.  Un  médaillon  de  l'empereur  Phi- 
lippe femble  le  confirmer  par  fon  revers , 
où  il  y  a  un  chien  qui  eft  aux  prifes  avec 
un  de  ces  phocas ,  &  le  mot  de  zokocîvv  ,  à 
i'cntour  ,  qui  veut  dire  que  c'-eft  une  mé- 


PHO  7or 

daillc  des  "Phocéens.  L'emblème  eft  diffi- 
cile à  pénétrer  \  car  pourquoi  joindre  un 
chien  avec  un  poiflbn  ,  fi  ce  n'efl:  peut- 
être  pour  donner  à  entendre  que  leur  puif- 
iance  fur  terre  ,  étoit  égaie  à  leurs  forces 
maritimes  ,  ou  que  leur  fidélité  à  l'empe- 
reur romain  ,  &  leur  vigilance  dont  le 
chien  eft  l'emblème  ,  difpofoient  leur  ville 
fignifiée  par  ce  poifion  ,  à  tous  les  devoirs 
que  demandoit  une  (\  douce  domination.  " 
Mais ,  dit  M.  Spon  ,  ces  fortes  d^énigmes 
font  des  nez  de  cire  qu'on  peut  tourner  de 
quel  côté  l'on  veut.  Phccœenfes  étoit  le 
nom  des  habirans  ;  &  Phocaïcus  étoit  le 
pofleiïif  3  comme  on  le  voit  dans  ce  vers  de 
Lucain,  lih.  III,  v.^Sj. 

Fhccaicis  romana  rafis  vallata  cariais. 

Fhocaicis  eft  là  pour  Majjllienfibus  , 
parce  que  la  ville  de  Iviarfeille  eft  une  colo- 
lonie  de  Phocéens. 

Phocée  étoit  la  dernière  ville  d'Ionie  , 
au  feptentrion  vers  PEolide  ,  fur  la  mer 
de  fon  nom  ;  aujourd'hui  c^eft  Foglia- 
Vecchia  ,  miférable  village  fur  les  côtes  de 
la  petite  Aidine  ,  entre  la  rivière  de  Quiai 
&  le  golfe  de  Sanderli. 

Les  anciens  habitans  de  cette  ville  pri- 
rent le  parti  de  la  quitter ,  plutôt  que  de 
tomber  entre  les  mains  des  Perfes  qui  leur 
faifoient  continuellement  la  guerre.  C'eft 
de  là  &  non  d'ailleurs  ,  que  fortirent  cts 
nombreu fes  peuplades  qui  s'établirent  dans 
quelques  îles  d'Italie  ,  &  fur  les  cotes  de 
la,  Lucanie ,  de  la  Ligurie  ,  de  la  Provence , 
du  Languedoc  ,  du  Rouiïillon  &  de  la  Ca- 
talogne ,  où  ils  bâtirent  plufieurs  villes , 
&  y  portèrent  les  fciences  de  leur  pays 
ainfi  que  leur  commerce.  Il  ne  faut  pas 
confondre  ces  Phocéens  d'Afie  ,  avec  les 
peuples  de  la  Phocide  en  Europe.  Les 
premiers  s'appellent  en  latin  Phocei  ou 
Phocœenfcs  ;  &  les  derniers  Phocenfes  :  on 
s'y  eft  trompé  plus  d'une  fois.  La  première 
tranfmigrarion  des  Phocéens ,  arriva  la  164 
année  de  Rome  ;  il  s'en  fit  une  autre  l'an 
iio  de  Rome  :  les  tranfmigrations  fui- 
vanres  ne  fe  trouvent  point  dans  l'hiftoire. 
(D.  J.) 

,    PHOCIDE  ,  (  Géogr.  &  Hifl.  ancienne.) 
PhocL?  f  contrée  de»  la  Gxece  ,  encie  la 


701  P  H  O 

Béotie  &  la  Locride.  Elle  avoir  ancienne- 
ment des  frontières  plus  reculées  ,  puifque 
Srrabon  ,  Ub.  IX ,  dit  qu'elle  éroit  bornée 
au  nord  par  la  Béotie  ,  mais  qu'elle  s'éten- 
doit  d'une  mer  à  l'autre;  c'e(t-à-dirc  ,  de- 
puis le  golfe  de  Corinthe  ,  jurqu^à  la  mer 
Eubée.  Si  nous  nous  en  rapportons  à  Denis 
le  périégete ,  la  Phocide  s'eft  autrefois  éten- 
due jufqu'aux  Thermopyles  ,  ce  qui  néan- 
moins fut  de  courte  durée. 

Deucaiion  commença  à  régner  dans  la 
Phocide  ,  autour  du  mont  Parnafle ,  du 
temps  de  Cécrops.  Les  Phocidiens  formè- 
rent en'.uite  une  république  ,  en  changeant 
leurs  chefs  félon  les  occafions.  Leur  pays 
avoir  pour  principaux  ornemens  le  temple 
de  Delphes  &  le  monr  Parnaflè. 

Les  Phocidiens  s'aviferenr  de  labourer 
des  terres  confacrées  à  Apollon  ,  ce  qui 
étoit  les  profaner.  Auffi-tot  les  peuples 
d'alentour  crièrent  au  facrilege  ,  les  uns  de 
bonne  foi  ,  les  autres  pour  couvrir  d'mi 
pieux  prétexte  leurs  vengeances  particu- 
lières. La  guerre  qui  furvinr  à  ce  fujer , 
s'appella  facrée  ,  comme  cnrreprife  par  un 
motif  de  religion. 

On  déféra  les  profanateurs  aux  Amphic- 
tibns ,  qui  compofoient  les  élats-généraux 
de  la  Grèce ,  &  qui  s'affèmbloient  tantôt  aux 
Therr»opyîes  ,  tantôt  à  Delphes.  L'affaire 
ayant  été  portée  à  leur  tribunal ,  on  déclara 
les  Phocéens  facrileges ,  &  on  les  condamna 
à  une  grofle  amende.  Un  d'entr'eux  nom- 
mé Philemele  ,  homme  audacieux  &  fort 
accrédité ,  les  révolta  contre  ce  décret.  Il 
proi^va  par  des  vers  d'Homère  ,  qu'ancien- 
nement la  fouveraineté  du  temple  de  Del- 
phes appartenoit  aux  Phocidiens  ;  il  fallut 
loutenir  la  révolte  par  les  armes  :  on  leva 
de  part  &  d'autre  des  troupes. 

Les  Phocidiens  s'afTurerent  du  fecours 
d'Athènes  &:  de  Sparte ,  ôc  ne  fe  promirent 
pas  moins  que  d'abattre  l'orgueil  de  Thebes, 
qui  s'étoit  montrée  la  plus  ardente  à  pour- 
fuivrele  jugement.  Les  premiers  avantages 
qu'ils  remportèrent ,  ne  fervirent  pas  peu 
à  fortifier  cette  efpérance.  Mais  bientôt  les 
fonds  nécetfaires  pour  les  dépenfes  de  la 
guerre  leur  ayant  manqué ,  ils  y  fuppléerenr 
par  un  nouveau  facrilege. 

Philomele  avoir  eu  afîez  de  religion 
pour  ne  pas  coucher  au  temple  de  Delphes. 


P  HO 

Onoraarque  &  Phayllus  qui  lui  fuccéderent 
dans  le  comm^andemenr  ,  fureur  moins 
(crupuleux;  ils  enlevèrent  tous  les  précieux 
dons  que  la  piété  des  rois  ik  des  peuples  y 
avoir  confacrés.  Les  fommes  qu^ils  en  reti- 
rèrent à  plufieurs  fois  ,  montèrent  à  plus 
de  dix  mille  ti^lens.  Us  trouvèrent  ain(i  le 
fecret  de  foutenir  la  guerre  aux  dépens 
d'Apollon.  Les  dévots  crièrent  plus  que 
jamais  au  facrilege.  On  en  vint  fouvenc 
aux  mains.  La  fortune  fe  rangea  tantôt 
d'un  parti  ,  tantôt  de  l'autre.  Les  Phoci- 
diens réduifirent  enfin  les  Thébains  à  fe 
jeter  entre  les  bras  de  Philippe  ,  qui  fe 
chargea  volontiers  de  mettre  les  ennemis 
de  Thebes  à  la  raifon. 

Ce  prince  n'eut  qu'à  paroître  pour  ter- 
miner une  guerre  qui  duroit  depuis  dix  ans, 
&qui  avoir  également  épuife  l'un  &  l'autre 
parti.  Les  Phocidiens  défefpérerent  de  ré- 
iifter  à  un  tel  ennemi.  Les  plus  braves  obtin- 
rent la  permilïion  de  fe  retirer  dans  le  Pélo- 
pone^e  ;  le  refte  fe  rendit  à  difcrétion,& 
fut  traité  fort  inhumainement. 

Philippe  ne  fauva  que  les  apparences 
dans  ce  delfein  aux  yeux  du  peuple  ;  il 
convoqua  les  Amphidions ,  les  établit ,  pour 
la  forme  ,  fouverains  juges  de  la  peine  en- 
courue par  les  Phocidiens  ;  ôc  (bus  le  nom 
de  ces  juges  dévoués  à  (es  volontés  ,  il 
ordonne  qu'on  ruinera  les  villes  de  la 
Phocide  ;  qu'on  les  réduira  toutes  di 
bourgs  de  foixante  feux  au  plus  ;  que  l'on 
profcrira  les  facrileges  ,  ^  que  les^autres 
ne  demeureront  pollèlïeurs  de  leurs  biens 
qu'à  la  charge  d*un  tribut  annuel  ,  qui 
s'exigera  jufqu'à  la  reftitution  entière  des 
fix  mille  taîens  enlevés  dans  le  temple  de 
Delphes.  Cela  faifoit  une  fomme  d'environ 
fix  millions  d'écus ,  ou  dix-huit  millions  de 
hvres. 

On  ne  doit  point  être  furprîs  que  le 
butin  pris  par  les  Phocéens  montât  Ci  haut. 
Il  y  avoir  dans  le  remple  de  Delphes  des 
richefl'es  immenfes ,  à  caufe  de  la  mulri- 
rude  innombrable  de  vafcs ,  de  rrépiés ,  de 
flatues  d'or ,  d'argent  8c  de  bronze  que  les 
rois ,  les  grands  capitaines ,  les  villes  8c  les 
narions  y  envoyoicnt  de  rous  les  endroits 
de  la  terre. 

Le  vainqueur  ,  c'eft  Philippe  dont  je 
veux  parler  ,  ne  s'oublia  pas  pour  pri^îç 


P  H  O 

d'une  viAoire  qui  ne  lui  coûta  que  la  peine 
de  le  monrrer  :  outre  le  titre  de  prince 
religieux  ,  de  fidèle  allié  ,  il  eut  encore  les 
Thermopyles ,  le  grand  objet  de  l'es  dedrs , 
ik  Punique  partage  qui  menât  de  Macé- 
doine en  Italie. 

Avec  le  temps  néanmoins  les  Phocidiens 
parvinrent  à  (c  rouvrir  une  belle  porte  pour 
leur  rétabliflement  ;  car  challés  en  ^qualité 
de  profanateurs  exécrables  ,  ils  rentrèrent 
avec  la  qualité  d'infignes  libérateurs.  Une 
ccuvre  de  religion  réhabilita  de  la  forte 
ceux  qu'une  adtion  facrilegc  avoit  dégra- 
dés. On  les  avoit  exclus  des  privilèges  des 
autres  Grecs ,  pour  avoir  pillé  de  leurs  pro- 
pres mains  le  temple  de  Delphes ,  on  les 
leur  rendit  honorablement  pour  l'avoir 
fauve  du  pillage  des  Gaulois  ,  commandés 
par  Brennus.  {  D.  J.) 

PH(EACES  ,  Pheaciens  ,  (  Géogr.  & 
Hijf.  anc.  )  les  anciens  habirans  de  l'ile  de 
Cor  fou  ,  autrefois  Corcyre  ,  à  l'entrée  du 
golfe  de  Venife  :  elle  s'appella  d'abord 
Schetia  ,  fuivant  Homère  ,  c*eft- à-dire  , 
lieu  de  commerce ,  dans  la  langue  des  Phé- 
niciens ,  parce  que  les  habirans  portèrent 
le  leur  dans  les  pays  éloignés,  &c  devinrent 
puiflans  fur  mer. 

Les  richcfles  qu'ils  acquirent  par  le  com- 
merce ,  les  firent  appeller  Pheaciens ,  c'eft- 
à-dire  ,  dans  la  même  langue  ,  heureux , 
puiffans.  Ils  vécurent  dans  l'opulence ,  & 
fe  livrèrent  à  une  moUelIe  honteufe ,  qui 
affoiblit  leur  efprit  &  énerva  leur  cœur. 
C'eft  pourquoi  ils  écoutèrent  avec  tant 
d'avidité  le  récit  qu'UlyOe  leur  fit  de  fes 
aventures  ,  quelque  peu  vraifemblables 
qu'elles  fufl'ent.  Homère  a  célébré  les  jar- 
dins d'Alcinolis ,  qui  réunilToient  les  fruits 
de  toutes  les  faifons ,  dans  lefquels  les  ar- 
bres n'étoient  jamais  fans  fruits  ni  l'hiver  j 
ni  Tété. 

Enée  ,  en  partent  d'AcIium  ,  fit  voile 
dans  le  canal  qui  eft  entre  Pile  des  Phea- 
ciens &  l'Epire  ,  &c  bienrct  il  perdit  de 
vue  les  hauteurs  qui  font  au  midi  de  l'île , 
&  entra  dans  le  port  de  Buthtotum. 

L'île  de  Corfou  eft  aujourd'hui  aux 
Vénitiens  ,  auxquels  elle  alTure  l'entrée  du 
golfe  de  Venife.  Géographie  de  Virg.page 

PKCEBADE  ,  (  MythcL)  c'eft  le  nom 


P  H  O 


703 


qu'on  donnoit  à  la  prêtrelfe  d'Apollon  à 
Delphes  ,  &  à  tous  les  miniftres  de  fon 
temple. 

PH(EBUS  ,  (  Mythol.  )  nom  que  les 
Grecs  donnoient  à  Apollon,  pour  faire 
aîiufion  à  la  lumière  du  foleil  ,  &  à  la 
chaleur  qui  donne  la  vie  à  toutes  chofes  , 
comme  li  Pon  difoit ,  o«<  ^'ov  (èiou  ,  lumière 
de  la  rie.  D'autres  difent  que  le  nom  de 
Phœbvs  fut  donné  à  Apollon  par  Phœbé 
mère  de  Latone.  {D.  J.) 

PHONICE  ,  (  Géogr.  anc.  )  ou  Phœ^ 
nica  ;  c'eft  le  nom  ,  1°.  d'une  ville  de 
l'Epire  ;  2°.  d'une  île  iituée  fur  le  golfe 
A^atiandynus  en  Bithynie  5  5*.  d'une  île 
de  la  Méditerranée  ,  fur  la  cote  de  la  Gaule, 
&c  Pune  des  plus  petites  îles  appeliées 
Sicechades.  Pline  ,  /.  lll ,  c.  v  ,  parle  de 
cette  île  ,  &  la  joint  avec  celles  de  Stu- 
rium  &  de  Fhila.  Ces  trois  iles  font  au- 
jourd'hui Ribaudas  ,  l.angovper  &  Ba~ 
quéou  ;  a^ .  c'eft  encore  le  nom  d'une  île 
de  la  mer  Egée  ,  &  l'une  des  Sporades  j 
elle  s'appella  enfuite  Jos  ,  félon  Pline  , 
liv.  IV,  c.  xij.  Le  nom  de  Phœnice  lui 
avoît  été  donné  à  caufe  àts  palmiers  qu'elle 
produit  ;  j°.  c'eft  un  des  noms  que  Pon 
donna  à  Pile  de  Ténédos  ,  félon  Pline  , 
liv.  V,  c.  xxxj. 

PHGENICIARQUE  ,  f.  m.  (  Littérat.  ) 
nom  qu'on  donnoit  aux  premiers  magiftrats 
chez  les  Phéniciens  ;  tels  étoient  les  Afiar- 
ques  en  Aiîe  ,  &  les  Lyciarques  en  Lycie. 
Ce  mot  vient  de  ç<fif ,  un  Phénicien ,  & 
*iX^  y  je  comm.ande.  {D.  J.) 

PH(ENICOPTERE ,  rojr;^  Flamant. 
PHdSNICUM  ,  (  Cécgr.  anc.  )  c'eft-à- 
dire  ,  lieu  planté  de  palmiers.  Procope  , 
dans' fon  hijloire  de  la  guerre  contre  les 
Fer  fes  ,  dit  :  "  Lorfque  l'on  a  pafîe  les 
'*  frontières  de  la  Paleftine  ,  on  trouve  la 
'*  nation  des  Sarra fins,  quilhn.birentdepui* 
"  long-temps  un  pays  planté  de  palmiers 
»  &  où  il  ne  croît  point  d'autres  arbres. 
»  Abocarabe  qui  en  étoit  le  maître  ,  eu 
M  fit  don  à  Juftinien  ,  de  qui  en  récom- 
>»  penfe  ,  il  reçut  le  gouvernement  des 
"  Sarrafins  de  la  Paleftine  ,  où  il  fe  rendit 
»  fi  formidable  ,  qu'il  arrêta  les  courfes 
»  des  troupes  étrangères.  Aujourd'hui  , 
»  ajoute  Procope ,  Pem.pereur  n'eft  maître 
»'qu€  de  nom  de  ce  pays  qui  eft  plar^  .:||^ 


704  P  H  O 

»  de  palmiers  ,  &  il  n'en  jouit  pas  en 
»  eiFet  :  touc  le  miliea  qui  contient  en- 
»>>  viron  dix  journées  d^  chemm  étant  en- 
»  tiéremenc  inhabité  ,  à  caufe  de  la  fé- 
»'  chereilè  i  &  il  n'a  rien  de  confidérabie 
»>  que  le  vain  titre  de  donation  faite  par 
»  Abocarabe  ,  &c  acceptée  par  Juftinien  ». 
Il  y  avoit  encore  une  ville  de  T Arabie  heu- 
reufe  ,  appeliée  Phanicum  ,  fur  le  golfe 
Elanitique  ,  entre  les  villages  Hippos  & 
Ahavnathi.  {D.  J.) 

PHÛSNICUSA  ,  (  Géogr.  anc.  )  île  de 
la  Méditerranée  ,  au  nord  de  la  Sicile  ,  & 
l'une  des  îles  Eoàennes  :  fon  nom  mo- 
derne eft  Felicur.  M.  de  llfle  écrit  Feli- 
cudi. 

FHCSNICUS  POR TUS  ,  (  Géograph. 
anc.)  \^.  port  de  l'île  de  Crète  ;  i^.  port 
de  PAlîe  propre  dans  llonie-,  &  queTire- 
Live  appelle  le  premier  port  du  territoire 
d'Erythiœ;  3°.  port  du  Péloponefe ,  dans 
k  Meflcnie  ;  4°.  port  du  nome  de  Lybie; 
5*^.  port  de  la  Lycie  ;  6°.  port  de  la  Sicile  ; 
7°.  port  de  Tile  de  Cythere.  {D.  J.) 

PHSENIGME  ,  f.  m.  c'eft  un  médica- 
ment qui  cccafione  une  rougeur,  &  qui 
produit  des  ampoules  aux  endroits  où  on 
l'applique.  Fojq  Vésicatoire  ,  6c. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  ço/v/r,  rouge  ; 
tels  font  la  graine  de  moutarde ,  le  poivre , 
les  l^éficatoires ,  ùc.  Foyf^  Vésicatoire  ^ 
Sinapisme  ,  ùc. 

On  fait  ufage  de  ces  remèdes  pour  attirer 
l'humeur  à  la  partie  où  on  les  applique  , 
afin  de  la  détourner  de  la  partie  affligée. 
Voye-;^  Révulsion. 

PH(ENIX,  f.  m.  (HiJIoire  nat.  fabul  ) 
oifeau  merveilleux  qui  ,  fclon  les  idées 
populaires ,  vivoit  plufieurs  fiecles ,  &c  en 
mourant  produifoit  de  la  moelle  de  fes 
os  un  petit  ver  qui  formoic  un  nouveau 
phanix. 

Les  Egyptiens ,  dit  Hérodote  dans  fbn 
Euterpe  ,  ont  un  oifeau  qu'ils  eftiment  fa- 
cré  ,  que  je  n'ai  jamais  vu  qu'en  peinture. 
Auffi  ne  le  voit-on  pas  fouvent  en  Egypte , 
puifque ,  fi  l'on  en  croit  ceux  d'Héliopolis , 
il  ne  paro-'t  thez  eux  que  de  cinq  en  cinq 
iiecles  ,  &  feulement  quand  fon  pefe  eft 
mort.  Ils  difent  qu'il  eft  de  lagrandeur  d'une 
aigle,  qu'il  a  une  belle  houppe  fur  la  tête, 
H   les  plumes  de  fon  cou  dorées ,  les  autres 


P  HO 

pourprées ,  la  queue  blanche  mêlée  de 
pennes  incarnates  ,  des  yeux  étincelans 
comme  des  étoiles,  Lorfque  chargé  d'an- 
nées ,  il  voit  fa  nn  approcher  ,  il  le  forme 
un  nid  de  bois  &  de  gommes  aromatiques , 
dans  lequel  il  meut.  De  la  moelle  de  fes  0$ 
il  n^it  un  ver  d'où  fe  forme  un  autre  pAœ- 
nix.  Le  premier  foin  de  celui-ci  eft  de  ren- 
dre à  fon  père  les  honneurs  de  la  fcpulture  ; 
&  voici  comment  il  s'y  prend  ,  fclon  le 
même  Hérodote. 

Il  forme  avec  de  la  myrrhe  une  malîe  en 
forme  d'œuf  :  il  eftaie  enfuite  en  la  (bule- 
vant ,  s'il  aura  afiez  de  force  pour  la  porter: 
après  cet  efl'ai ,  il  cçeufe  cette  maft'e  ,  y  dé- 
pofe  le  corps  de  fon  père ,  qu'il  couvre  en- 
core de  myrrhe  j  &  quand  il  l'a  rendue  du 
même  poids  qu'elle  éroit  auparavant ,  il 
porte  ce  précieux  fardeau  à  Héliopolis  , 
dans  le  temple  du  foleil.  C'cft  dans  les  dé- 
ferts  d'Arabie  qu'on  le  fait  naître  ,  &  or» 
prolonge  fa  vie  jufqu'à  cinq  ou  fix  cents  ans. 

Les  anciens  hiftoriens  ont  compté  quatre 
apparitions  du  pkœnix  ;  la  première  fous 
le  règne  de  Séfoftris  ;  la  féconde  fous  celui 
d'Amalîs  j  la  troifieme  fous  le  troifieme  des 
Ptolémées.  Dion  Caflius  donne  la  qua- 
triem.e  pour  un  préiage  de  la  mort  de 
Tibère.  Tacite  place  cette  quatrième  appa- 
rition du  phanix  en  Egypte  fous  l'empire 
de  Tibère  j  Pline  la  fait  tomber  à  l'année  du 
I  confulat  de  Quintus  Plancius  ,  qui  vivoit 
à  Pan  36  de  Père  vulgaire  :  &  il  ajoute 
qu'on  apporta  à  Rome  le  corps  de  ce 
phœnix  ;  qu'il  fut  expofé  dans  la  grande 
place ,  &  que  la  mémoire  en  fut  confèrvéc 
dans  les  regiftres  publics. 

R endo ns  j  ufticc  aux  anciens  qui  ont  parlé 
de  cet  oifeau  fabuleux  \  ils  ne  l'ont  fait  que 
d'une  m^aniere  qui  détruit  leur  propre  rela- 
tion. Hérodote,  après  avoir  raconté  l'hiftoirc 
du  phanix  ,  ajoure  qu'elle  lui  paroît  peu 
vraifemblable.  Pline  dit  que  perfonne  ne 
douta  à  Rome  que  ce  ne  fût  un  faux;7Acc- 
nix  qu'on  y  avoit  fait  voir  ;  &  Tacite  donne 
la  même  conclufion  à  fon  récit. 

L'opinion  fabuleufe  à\i,phœnix  fe  trouve 
reçue  chez  les  Chinois ,  dit  le  P.  du  Haldc 
dar\^  fa  defcription  de  la  Chine  ;  ils  n^ont 
donc  pas  été  (i  renfermées  chez  eux  ,  qu'ils 
n'aient  emprunté  plufieurs  opinions  des 
Egyptiens  ,  des  Grecs  &  des  Indiens , 

puifqu'ils 


P  H  O 

puirqu'ils  attribuent  à  un  certain  oifeau  de 
leur  pays  la  propriété  d'être  unique  ,  &  de 
renaître  de  fcs  cendres.  {D,  J.) 

Ph(ENIX,  { Botan.)  nom  donné  par 
Kerapter  &  Linnsus  à  un  genre  de  plantes 
appelle  par  les  ajtres  botanifles  date  & 
katovindel  ;  en  voici  les  caraderes.  Ce 
genre  de  plantes  produit  féparément  des 
rieurs  mâles  &  femelles  ,  &  leur  enveloppe 
tient  lieu  de  calice.  Dans  les  fleurs  mâles  , 
les  pétales  font  au  nombre  de  trois  ,  ovales 
&  concaves  ;  leurs  étaraines  font  trois  filets 
déliés ,  dont  les  boflettes  font  très-courtes. 
Dans  les  fleurs  femelles  l'embryon  du  piflil 
efl  arrondi  ;  le  ftyle  efl  court  &  pointu  ; 
le  fruit  eft  une  baie  ovale ,  qui  n'a  qu'une 
feule  loge  ;  elle  renferme  une  femence  dure 
comme  un  os  ,  ovale,  marquée  d'une  raie 
profonde  dans  toute  fa  longueur.  Linnzi 
gen.  plant.  5  z  J.  M.af.  cUff.  z  Hort. 
malab.  5.  aj. 

PhCSNIX,  (  Mufiq.  inflr.  des  anc.  ) 
inflrument  à  cordes  des  anciens  ,  dont , 
au  rapport  de  Mufonius  ,  les  rois  de 
Thrace  fe  fervoient  dans  leurs  feflins  ; 
quelques  auteurs  en  attribuent  l'invention 
aux  Phéniciens  ,  apparemment  à  caule  de 
Tanalogie  des  noms.  (  F.  D.  C.  ) 

PhsNIX  ,  (  Aftronomie.  )  conftellation 
méridionale ,  fituée  entre  l'éridan  &  le 
poiffon  auftral  :  elle  contient  72.  étoiles  dans 
le  catalogue  de  M.  de  la  Caille  ;  la  prin- 
cipale efl  une  étoile  de  féconde  grandeur  , 
dont  l'afcenflon  droite  étoit  en  i75*-*  de 
3^  ,  28' ,  2"  ;  &  la  déclinaifon  de  43^  , 
39',  52,"  du  côté  du  midi  :  cette  conflel- 
lation  n'avoit  que  13  étoiles  dans  l'ancien 
catalogue  ;  elle  ne  fait  que  rafer  l'horizon 
en  Europe  ,  à  minuit ,  vers  la  fin  du  mois 
de  feptembre.  {M.  DE  LA  Lande.  ) 

PhceNIX  ,  f.  m.  (  terme  de  Blafçn.  ) 
oifeau  qui  paroît  de  profil ,  les  ailes  éten- 
dues fur  un  bûcher  ,  qu'on  nom  ne  immor- 
t édité  y  laquelle  ne  s'exprime  en  T^lafonnant, 
que  lorfqu'elle  eft  d'un  autre  émail  que 
l'oifeau. 

Sur  les  médailles  &  anciens  monumens , 
le  plixnix  efl  le  fymbole  de  l'immorta- 
lité ,  parce  que ,  feloa  la  fable  ,  cet  oifeau 
fe  renouvelle  de  cinq  fiecles  en  cinq  fiecles  ; 
alors  il  fe  drelfe  un  bûcher  ,  bat  des  ailes 
pour  l'allumer ,  s'y  confume  ■  il  naît  dans 
Tome  XXV. 


P  H  O  7oy 

l'inflant  un  ver  de  fà   cendre ,  d'où  il  (è 
forme  un  autre  phœnix.       >, 

Viart  de  Quemigny ,  en  Bourgogne  ; 
d'or  au  phœnix  de  fable  fur  fon  immor- 
talité de  gueules  ,  au  chef  d'a\ur  ,  ckargé 
de  trois  coquilles  d'argent.  (  G.  D.  L.  T.  ) 

P  H  (E  N  I  X  ,  (  Géog.  anc.  )  1°.  lieu 
fortifié  dans  l'Àfie  propre  ,  fur  la  côte 
orientale  du  golfe  de  la  Doride  ;  2,**.  mon- 
tagne de  l'Afie  propre  dans  la  Doride  ; 
3®.  fleuve  de  l'Afie  propre  ,  près  de  la 
ville  de  Phœnix  ,  dans  la  Doride  ;  4**.  port 
de  Lycie  ;  ǰ.  bourg  d'Egypte;  6<*.  ville 
d'Italie  ou  de  Sicile ,  près  du  promontoire 
Coccynum  ,  félon  Appien  ;  7°.  fleuve  de 
Theflalie  ,  'qui  fe  jetoit  dans  le  fleuve 
Apidanus  ;  8°.  petite  rivière  de  l'Achaïe 
propre.  (D.  J.) 

^  PHOLADE  ,Ç.  £.{  Conchyliel.  )  nom 
d'un  genre  de  coquilles  dont  voici  les  ca- 
raderes.  C'efl  une  coquille  multivalve  > 
oblongue ,  qui  a  deux  ou  fix  pièces  ,  unie, 
raboteufc ,  faite  en  réfeau  ,  fermant  d'or- 
dinaire cxadement  «  &  quelquefois  entr'ou- 
verte  en  quelque  endroit. 

Entre  les  coquilles  oblongues  ,  nommées 
communément  pholades  y  &  qui  font  à 
deux  écailles ,  on  difl:ingue  les  eipeces 
fui  vantes  ;  1°.  la  pholadelifle  de  Rondelet  ; 
2°.  la  pholade  lifTe  &-  étroite  d'Aldrovan- 
dus  ;  3^.  la  pholade  de  Rumphius  ;  4°.  la 
pholade  de  Lifler;  5°.  la  pholade  unie 
faite  comme  la  moule  ;  6°.  la  pholade  de 
Bonanni  faite  en  doigts  ;  7^.  la  pholade 
rougeâtre  &  blanche. 

Entre  les  pholades  oblongues  irrégulieres 
confiflant  en  deux  écailles ,  on  connoît , 
1°.  une  grande  pholade  d'Amérique  ; 
2°,  la  pholade  large  avec  un  tuyau  très- 
épais  fortant  en  dehors. 

Dans  la  cLiiîe  àts  pholades  oblongues 
irrégulieres  à  fix  écailles  ,  on  diflinguc 
l'elpece  décrite  par  Lifler  ,  &  qui  efl  logée 
dans  la  pierre.  Il  y  a  plufieurs  autres  pho- 
lades à  fix  écailles ,  dont  la  plupart  font 
américaines. 

Le  mot  pholade  efl  grec ,  &  veut  dire 
une  chofe  rentermée ,  parce  que  le  poifïbn 
qui  loge  dans  cette  coquille  ,  fe  forme  & 
iè  cache  communément  dans  les  trous  àcs 
pierres  fpongieufes ,  de  la  nature  de  celle 
de  ponce,  de  banche  ,  de  marne  ,  ou  bie« 

Vv  vv 


70^  P  H  O 

^ans  la  glaîfe ,  comme  nous  le  dirons  dans 
la  fuite. 

Il  fe  trouve  ordinairement  plufieurs  de 
ces  coquilles  dans  une  même  pierre ,  quel- 
quefois jufqu'à  vingt,  comme  on  l'a  remar- 
qué dans  divers  ports  d'Angleterre  &  de 
France.  L'ufage  eft  d'enlever  ces  pierres 
delà  mer,  &  de  les  cafler  par  morceaux 
pour  en  tirer  le  poiffon  qui  eft  excellent 
à  manger;  il  fert  auffi  d'appât  pour  en 
prendre  d'autres. 

On  donne  dilFérens  noms  à  cette  co- 
quille. On  l'appelle  en  Normandie  pirau  ; 
en  Poitou  &  en  pays  d'Aunis  on  la  nomme 
dail;  à  Toulon  datte  ;  en  Angleterre 
piddoek  ;  à  Paris  ,  pholade  efl  le  nom 
reçu. 

Aldrovandus  admet  deux  efpeces  de  pho- 
îades  différentes  de  celles   de  Rondelet  : 
la  première  eft  attachée  au  rocher  ,   &  fe 
trouve  en   quantité  dans  la  même  pierre. 
Elle  a  deux  pièces  ou  écailles  ;  fa   figure 
ei\  oblongue  ,  arrondie  comme  un  cylindre, 
&  reflemble  à  une  datte.  La  féconde   ef- 
pece,  compofée  de  fix  pièces  de  couleur 
cendrée,  eft  longue  de  cinq  doigts,  avec 
un  petit  pédicule.  Lifter  a  décrit  exacte- 
ment une  pholade  A  cinq  pièces ,  dont  les 
trois  dernières  inférieures  en  grandeur  aux 
deux  principales ,  font    attachées  par  des 
ligameps.  au  dos  de  la  coquille  ,  &  tomhent 
aulïi-tôt  que  la   pholade  fort   de  la  mer  ; 
mais  cette  coquille  de  Lifter  eft  fort  rare. 
On  lit  dans  V auciuarium  mufcei    Bal- 
fouriani  y    que  les    pholades  d'Angleterre 
ont  cinq  valves  ;  il  falloit  àwQ  Jix  y   comme 
les  obfervarions  nouvelles  en  ont  convaincu 
les  naturaliftes.  Celles  de  la  Rochelle  ,    du 
Poitou  ont  aftez  communément  lix  pièces. 
On  apporte  aufll  He  l'Amérique  des  pho- 
lades toutes  blanches,  longues  de   fept  à 
huit  pouces ,  groffes  à  proportion  ,    &  qui 
ont  fix  valves.  Mais  les  dattes  de  Toulon 
&  d'Ancone  font  bivalves.  Concluons  qu'il 
y  a  deux  genres  de  pholades ,  l'une  à  fix 
valves  ,  l'autre  à  deux  ;  &  cependant  leur 
différence  avec  d^autres  coquilles   fe    peut 
faire  par  la   figure  &  par  le  caradere    du 
coquillage  ,  qui  fe  creufe  lui-même  un  trou 
dans  la  pierre  ,  &  qui   ne  prend  de  l'eau 
Ijue   par  un  très-petit  canal. 
Le   coquillage  de   la    pholade   à   deux 


P  H  O 

valves,  ne  diffère  du  poiiron  de  la  pho- 
lade à  fix  valves  que  par  fa  coquille.  Il 
fort  du  milieu  de  fon  corps  une  grande 
trompe  ou  long  tuyau  ,  partagé  en  deux 
cloifons  inégales  ,  dont  un  trou    lui   fert  à 


I 


vuider  fes  excrémens ,    l'autre   à    refpirer 
&  à  prendre  de  la  nourriture. 

L'ovaire  &  les  parties  de  la  génération 
font  logées    fous    ce   tuyau.    Sa  fuperficie 
extérieure  eft  toujours  la  même  ;  elle  ref~ 
femble  à  une  lime  avec  des  afpérités  affez 
élevées ,   dentelées ,    &    ferrées  depuis   le 
haut  de  la  coquille  jufqu'en  bas  ,  de  ma- 
nière que  les   pointes  les  plus  forces  font 
vers  la   tQtç.  Il  femble  qu'avec  ^ts  armes 
ce  coquillage  perce  les  pierres  ,  &  agrandit 
fa    fepulture  à    mefure  qu'il  grclTit  ;  mais 
c'eft  avec  une  partie  ronde  &  charnue  ,  telle 
qu'une  langue  ,    qu'il  fait  cette  opération. 
Il  convient  de  remarquer  que  ces  coquil- 
lages ,  quoique  renfermés  dans  leurs  trous  , 
font  peut-être  -les  animaux  qui  fe  donnent 
le  plus  de  mouvement  intérieur  ,  puilqu'ils 
creufent    continuellement   leur    demeure  \ 
mais  ils  ont   un  mouvement  progreflif  fi 
lent ,  qu'il  n'y  en    a  guère   de  plus    lent 
dans  la   nature.    Muré,    comme    eft    cet 
animal  dans  fon  trou,   il  n'avance    qu'en 
s'approchant  du  centre  de  la  terre  ,  &  ne 
creulè  ion  domicile    qu'autant  qu'il  croît 
lui-même  ,    comme  je    viens    de   le  dire» 
Le  terroir   qu'habitent  ces   coquillages  , 
eft  d'ordinaire  la  hanche  &  quelquefois  la 
glaife  ;  ils  font  logés  dans   des   trous  plus 
profonds  que    leur  coquille    n'eft   longue» 
L'efpace  qui  refte  eft  occupé  par  le  tuyau 
charnu  de  figure   conique  dont  j'ai  parlé;. 
ils  l'alongent  ordinairement    jufqu'à  l'ou- 
verture du  trou  ,  &  fe  fervent  de  ce  tuyau 
à  tirer  alternativement  l'eau  dans  leur  co- 
quille ,  &:  à  la  rejeter.  Lorfqu'on    appro- 
che de  leur  domicile^  ils  font    rentrer  fort 
vite  le  tuyau  dans  la  coquille  ,  &  chaffent 
de  même  avec  vîtefte  l'eau  qu'il  contenoit. 
Au  refte  ,    ce  n'eft  pas  feulement    dans 
des  pierres  qu'on  a  trouvé  des  pholades  y 
mais  on  en  rencontre   auffi    dans  le  bois  y. 
&    particuhérement    dans    àçs   fonds    de 
vaîfteaux.     Voye-{  fur    tout    cela    Lifter , 
Aldrovandus ,  Bonanni ,  Rumphius  ,  Dar- 
genville  ,    &   les   mémoires  de  l'académie 
des  fciences ,  année  t^z  z.  {D,  7.} 


P  H  O 

PHOLLIS  ,  f.  m.  (  Monn.  judaïq.  )  c\{[ 
la  plus  petite  efpece  de  monnoie  de  cuivre 
qui  i^t  en  ufage  chez  les  Juifs  dans  le 
temps  du  bas  empire.  lifalloit  vingt-quatre 
phollis  de  cuivre  pour  un  denier  d'argent , 
dont  douze  valoient  un  denier  d'or ,  de 
forte  qu'il  falloit  iSS  phollis  pour  un  denier 
d'or  ;  les  phollis  répondoient  à-peu-près 
^u  fefîerce  des  Romains.  Voye\  le  P.  Petau 
fur  fàint  Epiphane,  &  Saumaife  fur  la  vie 
d'Eliogabale ,  par  Lampridius. 

PHOLOÉ  ,  (  Géogr.  anc.  )  i*'.  mon- 
tagne de  la  Theffalie.  Quintus  Calaber  , 
/.  Vil  y  dit  que  c'efî  le  lieu  où  Hercule 
tua  le  centaure  ;  i^ .  montagne  du  Pélo- 
ponefc  ,  félon  Pomponius  Mêla  ,  l.  Il  ^ 
c.  iij.  Pline  ,  Up.  IV y  c.  vj  y  met  cette 
montagne  dans  i'Arcadie,  &  y  joint  une 
ville   du  même  nom.  (  D.  J.   ) 

PHONASCIE,ff.  (i//^.  anc,  )  l'art 
de  former  la  voix  humaine.  Voye^  VoiX. 

Ce  mot  efl  dérivé  du  grec  <i>uvin  ,  voix  : 
dans  l'ancienne  Grèce  on  avoit  établi  des 
exercices  où  l'on  difputoit  pour  la  fupé- 
riorité  delà  voix,  de  même  que  pour  les 
autres    parties  de  la  Gymnallique. 

Ces  combats  duroient  encore  du  temps 
de  Galien  ,  c'efl  pourquoi  on  apelloit  pho-- 
nafciens  ,  za-.'acTKo,- ,  les  maîtres  de  cet  art , 
&  ceux  qui  montroient  à  bien  conduire 
la  voix  :  tous  ceux  qui  fe  deflinoient  à  l'art 
oratoire ,  au  chant ,  au  théâtre ,  prenoient 
des  leçons  de  ces  maîtres ,    &c. 

PHONIQUE  ,  f  f.  eft  la  dodrinc  ou 
la  fcience  des  fons  ,  que  l'on  appelle  au- 
trement &  plus  communément  acouftique. 

Voyei  Acoustique. 

Ce  mot  eft  dérivé  du  grec  ^ovii  ^  voix, 
fon;  la  phonique  peut  fe  confidérer  comme 
une  icience  analogue  à  l'optique.  Quelques 
auteurs  ,  en  faifant  allufion  aux  trois  parties 
de  l'optique  ,  favoir ,  l'optique  proprement 
dite ,  la  catoptrique  &  la  dioptrique  (  voye?^ 
ces  mots  )  appellent  les  branches  ou  parties 
de  l'acouftique  ,  phoniques  y  diaphoniques 
&  cataphoniques. 

On  peut  cultiver  ou  perfedionner  la 
phonique  par  rapport  à  l'objet ,  au  milieu 
&  à  l'organe. 

L'objet ,  qui  eft  le  fon ,  peut  être  per- 
fcdionné  quant  à  la  génération  &  à  la  pro- 
jpagation  des  fons. 


P  H  O  707 

La  génération  àts  fons  peut  fe  perfec- 
tionner en  perfedionnant  toutes  les  ma- 
nières de  produire  des  fons  ;  car  toutes 
les  manières  de  produire  le  fon  ,  foit  par 
la  parole ,  foit  par  le  chant ,  foit  par  les 
infîrumens  ,  &c.  font  des  arts  qui  ont  leur 
méthode. 

La  propagation  des  fons  peut  devenir 
plus  parfaite  par  la  pofition  des  corps 
fonores. 

Quant  au  milieu ,  la  phonique  peut  ac- 
quérir de  nouveaux  degrés  de  perfedion 
par  la  ténuité  ou  le  repos  des  parties  du 
milieu  ,  &  par  le  corps  fonore ,  lorfqu'il  efl 
litué  proche  d'une  muraille  fort  unie  , 
plane  ou  voûtée ,  particulièrement  en  forme 
de  parabole  ou  d'eUipfe  ;  &  c'eft  là- 
deffus  qu'eft  fondée  la  conftrudion  des 
voûtes  ou  cabinets  fecrets.  Voye\  CABI- 
NETS SECRETS. 

C'eft  auffi  delà  que  vient  la  théorie  des 
inftrumens  qui  augmentent  confidérable- 
ment  le  fon ,  comme  les  cors-de-chaflê  » 
les  trompettes  ,  ^c. 

En  plaçant  le  corps  (bnore  près  de  la 
furface  de  l'eau  ,  le  fon  en  devient  plus 
doux  ;  &  fi  on  le  place  fur  une  furface 
plane  &  bien  unie  ,  le  fon  fera  porté  à 
une  diftance  beaucoup  plus  grande  ,  que  fl 
le  corps  fonore  pofoit  fur  un  terraia 
inégal  ou  raboteux.  Voye\  SON. 

Pour  l'organe  du  fon  ,  qui  eft  l'oreille  , 
on  le  rend  de  meilleur  fervice,  en  em- 
ployant des  inflrumens  qui  augmentent  la 
force  du  fon  ,  &  qui  aident  les  oreilles 
foibles,  comme  les  lunettes  aident  \qs 
yeux  ,  tels  que  les  cornets  acoufliques  ,  le 
porte-voix  ,    Ùc.     Voye\  PoRTE-VOIX 

&  Cornets  ,  voye-{  aujfi  Lunette  (j 
Oreille. 

La  cataphonique  ,  ou  l'cyiie  confldérée 
par  rapport  aux  fons  réfléchis  ,  peut  être 
perfedionnée  par  différentes  efpeces  d'échos 
artificiels.  Voye\  EcHO.   Cliambers.  {O) 

Phonique  Centre  ,  voy.  Centre. 

PHONOCAMPTIQUE  CENTRE, 
voye\  Centre. 

PHOQUES  ,  f  m.  pi.  phoci,  (Mythol.) 
ce  fontles  veaux  marins  de  Neptune,  dont 
Protée  étoit  le  berger.  {  D.  J.)  * 

PHORBEION,  {Mufiq.  inflr.  des  anc.) 
C'cfl    ainfi  que  je   francife  le   mot  gr^c 

V  V  v  v  a 


-yoS  P   H   O 

phorbeia,  qui  fignifie  une  efpece  de  ban- 
dage de  cuir  ,  dont  les  anciens  pueurs 
de  flûte  s'entouroient  la  tète.  Le  phorbéion 
étoit  placé  devant  la  bouche  du  muficien  , 
vis-à-vis  de  laquelle  étoit  une  fente  par  où 
pafToit  l'anche  de  la  flûte.  F'ojq  Flute  , 
{Mufique  inftr.  des  anc.  )  Le  phorbeion 
cmpêchoit  les  joues  &  les  lèvres  du  joueur 
de  fouffrir  ,  &  mettoit  ce  dernier  à  même 
de  mieux  gouverner  fon  haleine  ,  qui  ne 
pouvoit  s'échapper. 

Il  me  femble  que  ceux  qui  jouent  des 
inftrumens  à  anches,  tels  que  le  bafTon,, 
le  hautbois ,  la  clarinette  ,  ^c.  devroient 
tous  fe  fervir  du  phorbéion  ;  un  de  leurs 
plus  grands  défauts,  &  pourtant  un  des 
plus  ordinaires  ,  étant  de  laifler  échapper 
le  vent  à  côté  de  l'anche  ,  ce  qui  provient 
de  la  tenfion  continuelle  des  joues  ,  ten- 
fion  qui  va  fouvent  jufqu'à  la  foufFrance  , 
fur-tout  pour  les  commençans  :  le  phorbeion 
remédieroit  à  tout.  (  F.  D.  C.  ) 

PHORCUS  ou  PHORCYS,  f.  m. 
{Mythol.)  étoiî,  félon  Héfiode  ,  fils  de 
la  mer  &  de  la  terre  ;  il  époufa  Céto  dont 
il  eut  les  Grées  &  les  Gorgones  ;  il  fut 
vaincu  dans  un  combat  par  Atlas  ,  &  de 
dépit  il  fe  précipita  dans  la  mer.  Nos 
mythologues  penfènt  que  c'étoit  un  roi  de 
l'île  de  Corfe ,  qui  fut  défait  par  Adas 
dans  quelque  combat  naval  ;  &  comme 
on  ne  put  retrouver  fon  corps,  on  fup- 
pofa  qu'il  avoit  été  changé  en  dieu  marin. 
{D.J.) 

PHORCYNIDOS  ,  antra  Medufœ  , 
(^Ge'og.  anc.)  caverne  que  Silius  Italicus  , 
lip.  V^II yV.  i^  ^  met  dans  la  Marmari- 
que.  Lucain  , //i'.  IX y  v.  6zG  y  parle  des 
champs  de  Méduie  Phorcynide.  Le  nom 
de  Phorcynide  avoit  été  donné  à  Médufe  , 
à  caufe  que  fon  père  s'appelloit  Phorcus 
ou  Phorcys,  félon  ApoUodore  ,  lii'.  ly 
c.  ij  yènliv.II,  c.  iv.  {D.J.) 

PHORCYNUS,  {Géogr.  anc.)  port 
de  l'île  d'Ithaque.  \{om^r q  ,  OdiJT.v.  ^6, 
y  place  l'antre  des  Nayndes  ;  mais  Stra- 
bon  ,  //V.  J,  p.  £S  y  dit  que  de  fon  temps 
on  ne  voyoit  aucun  veflige  de  cet  antre. 
Il  vaut  pourtant  mieux ,  dit-il ,  en  attri- 
buer la  caufe  aux  changemens  qui  ont  pu 
arriver  ,  que  d'accufer  un  poëte  tel  qu'Ho- 
mère d'ignorance  ou  de  menfonge.  {D.  J.) 


P  H  O 

?H0RMINGE,  {Mujiq.  inflr.  des  anc.) 
PoUux  met  la  phorminge  au  nombre  des 
inftrumens  à  cordes.  Plufieurs  auteurs  , 
entr'autres  Bullenger  (  de  theatro  )  ,  pré- 
tendent que  c'étoit  une  cythare  :  ce  dernier 
ajoute  que  ,  fuivant  Hefychius  ,  c'étoit  une 
cythare  qu'on  portoit  fur  les  épaules.  (  F. 
D.  C.) 

PHORQNJCUM,  {Géogr. anc.  )  nom 
que  Paufànias,  Uv.  II  y  c.  xvj  ,  &  Etienne 
le  géographe  donnent  à  la  ville  d'Argos, 
capitale  de  l'Argie  dans  le  Péloponefe. 
Elle  fut  premièrement  nommée  Phoroni- 
cum  ,  du  nom  de  fon  fondateur  Phoro- 
nius,   fils  d'Inachus,  (  D.J.) 

PHORONOMIE  ,  f.  f.  (  Méchaniq.  ) 
La  phoronomie  efl  la  fcience  des  loix  de 
l'équilibre  ,  du  mouvement  des  lolides  & 
des  fluides.  Ce  mot  efl  compofé  de  ç'r^u  , 
mouvement  y  &  de;o//of ,  loi.  Nous  avons 
un  excellent  ouvrage  fur  cette  matière  , 
de  Jacques  Herman  ,  célèbre  mathéma- 
ticien de  ce  fiecle.  Cet  ouvrage  intitulé 
Phoronomia  yjîve  de  viribus  &  motibus 
corporum  folidoTum  &fiuidorum  y  a  paru  à 
Amflerdam,  en  171 5  ,  m-^°.  Il  efl  par- 
tagé en  deux  livres^  dont  voici  le  précis. 

Le  premier  hvre  où  il  s'agit  des  forces 
&  des  mouvemens  des  folides  ,  cfl  divife 
en  deux  fedions.  La  première  roule  liîr 
les  loix  de  l'équilibre  des  puiflànces  m'é- 
chaniques  qui  s'entrepoufient ,  &  leurs 
diredions  moyennes ,  foit  que  ces  puiflànces 
(oient  appliquées  à  des  corps  inflexibles  & 
roides ,  foit  à  des  corps  flexibles.  Ces 
deux  cas  lui  fourniffent  des  théorèmes  gé- 
néraux fort  ingénieux  ,  par  lefquels  on  peut 
fixer  les  loix  de  l'équilibre  des  fluides  & 
des  fohdes ,  &  trouver  les  folutions  de 
divers  problèmes  ;  d'où  l'on  tire  ,  par 
forme  de  corollaire  ,  les  figures  d'une 
voile  ,  d'un  linge ,  &c.  La  féconde  fedion 
contient  la  doctrine  du  mouvement  ,  en 
tant  qu'il  provient  de  l'impulfion  que  l'au- 
teur nomme /o///amr/o72  c:o/7f//2z/f//e  de  la 
pefanteur y  ou  en  tant  qu'il  réfulte  du  choc 
des  corps  entr'eux.  Cette  fedion  renferme 
donc  les  principales  chofes  qu'on  peut  dé- 
montrer touchant  les  mouvemens  accélérés 
ou  retardés  par  la  pefanteur  uniforme  ou 
diverfifiée.  Elle  donne  aufïi  la  ligne  ifo- 
chrone  ou  que  les  corps  décrivent  en    des 


P  H  O 

temps  égaux ,  quelque  fyflême  que  l'on  fuive 
touchant  la  pefanteur  ,  &  cela  en  cas  que  les 
direclions  des  corps  pefans  tendent  à  un  feul 
&  mènîe  point..  Mais  parce  que  le?  courbes 
des  corps  mus ,  en  quelque  hypothefe  que  ce 
foit ,  d'un  mouvement  diverfifié  ,  ne  peuvent 
pas  erre  algébriques  ,  on  donne  une  règle 
générale  félon  laquelle  la  pefanteur  doit  va- 
rier ,  afin  que  les  corps  mus  décrivent  des 
courbes  algébriques. 

Pour  les  orbes  mobiles  &  prefque  cir- 
culaires ,  on  donne  aufll  une  règle  facile  , 
félon  les  forces  centripètes  requifes  dans  la 
courbe  mobile  ;  &  l'on  montre  enfuite  com- 
ment cette  force  centripète  étant  donnée  ,  on 
peut  trouver  le  mouvement  d'une  courbe 
circulaire. 

On  trouve  dans  cet  ouvrage  une  nouvelle 
théorie  du  centre  d'ofcillation  ,  qui  plaît 
par  fa  fimplicité  ;  elle  eu  toute  fondée  fur 
ce  que  certaines  follicitations  fuppofées  qui 
agiiîent  fur  les  particules  qui  ont  un  mou- 
vement ofcillaroire  dans  les  direftions  per- 
pendiculaires ,  font  d'une  égale  force  aux 
prefSons  de  la  pefanteur  félon  les  diflances 
des  particules  ^.  l'axe  de  l'ofcillation.  Par 
ce  principe  ,  &  par  la  comparaifon  d'un 
pendule  compofé  avec  un  fimple  qui  lui 
foit  ifochrone  ,  ou  trouve  la  longueur  du 
pendule  ,  &  cela  par*  une  feule  &  fimple 
analogie. 

Le  fécond  livre  de  la  phoronomie  , 
defbné  aux  corps  fluides,  traite  i°.  de -la, 
gravitation  des  liqueurs  lurles  plans  qui  les 
fiipportent ,  &  fur  \ts  côtés  des  vaies  dans 
kfquels  elles  font  contenues  ;  d'où  l'on 
tire  àts  règles  fur  la  force  dont  ces  vaies 
doivent  être  pour  pouvoir  contenir  ces 
liqueurs  fans  fe  rompre  ;  2°.  de  l'équilibre 
àiQs  liqueurs  entr'elles  &  avec  les  corps 
folides  qu'on  y  jeitc  ;  3***  ^^^  figures  que 
les  fluides  donnent  aux  corps  flexibles  qu'ils 
renferment  ;  4*^.  de  la  pefanteur  &  de 
l'élaflicité  de  l'air  &  des  denfités  de  l'at- 
mofphere  dans  toutes  \qs  diflances  de  la 
terre  ,  &  félon  quelque  loi  de  l'élafticlfé 
que  ce  foit  ;  5°.  du  mouvement  &  de  la 
mefure  des  eaux  qui  s'écoulent  de  quelque 
vafe  que  ce  foit  ,  ou  qui  coulent  dans  des 
canaux  ;  6°.  des  effets  du  choc  dans  les 
fluides  ;  à  quoi  appartiennent  la  réûflance 


P  H  O  70J 

que  les  figures  des  corps  fouffrent  dans  les 
fluides  )  les  direclions  moyennes  de  ces 
réfiflances ,  &  le  problême  de  la  courbe 
des  voiles  ,  &c.  7°.  des  mouvemens  tant 
redilignes  que  courbes  ,  dans  des  milieux 
qui  réfiflent  aux  corps  qui  s'y  meuvent  ; 
8°.  du  mouvement  des  vaifl"eaux  pouflïs 
par  le  vent  ;  9°*  ^^  mouvement  circulaire 
àes  fluides  ;  10°.  du  mouvement  de  l'air 
dans  la  produdion  du  fon  ;  ii**.  du 
mouvement  interne  des  fluides  ,  duquel 
naît  la  chaleur.  Chaufepié ^  DicHonnaire. 
[D.  J.) 

PHOSPHORE,  f.  m.  {Phyf.ÙChym.) 
M.  Willermoz  ,  doâeur  en  médecine,  ci- 
devant  démonflrateur  royal  de  chymie  en 
l'univerfité  de  Montpellier,  a  fait  des  addi- 
tions &  corredions  à  l'article  qu'il  avoit  in- 
féré dans  l'édition  de  Paris.  Nous  allons 
imprimer  fa  difTertation  fur  les  phofphores 
avec  les  changemens  qu'il  a  jugé  à  propos  d'y 
faire ,  &  nous  nous  flattons  que  nos  ledeurs 
partageront  la  reconnoiifance  que  nous  lui 
devons  pour  les  foins  avec  lefquels  il  a  revu 
plufieurs  àes  articles  dont  il  avoit  déjà  enri- 
chi l'édition  de  Paris. 

Les  phofphores  font  àts  corps  qui  ont  la 
propriété  d'être  lumineux  ,  lorfqu'on  les 
examine  dans  l'obfcurité.  Il  en  eft  de  natu- 
rels ,  qui  n'ont  befoin  que  d'être  vus  ainfi  , 
après  avoir  été  expofés  au  feu ,  au  foleil ,  à 
la  chaleur  lans  lumière ,  ou  fimplement  à  la- 
lumière,  ou  feulement  frottés  ,  ou  frappés; 
il  en  eft  d'artificiels  ,  ou  totalement  produits 
par  l'art ,  comme  \t phofpkore  de  Kunchel , 
le  pyrophore  d'Homberg  ,  ùc.  ou  qui 
n'ont  beloin  que  du  fecours  de  quel- 
ques préparations  ,  comme  calcination  , 
torréfadion  y  ou  d'autres  genres  d'ap- 
propriations. 

La  caufe  générale  de  la  lumière  des 
phofphores  y  eft  que  la  matière  du  feu  oi> 
celle  de  la  lumière  fe  trouve  abonder  dans  ces 
corps  ,  foit  qu'elle  y  foit  dans  l'état  d'ab- 
forption ,  comme  l'eau  dans  l'éponge,  ou 
dans  une  mixtion  lâche,  ou  de  décompofi- 
tion  aduelle. 

Plufieurs  des  phénomènes  des  phofpho^ 
resy  ont  rapport  aux  phénomènes  éleâriques 
&  à  l'état  varié  du  phlogiffique  dans  les 
corps.  Voje:{  FeU  ,  LUMIERE  ,  PhlO- 
GISTIQUE,  ElECXS^ICITÉ. 


7IO  P  H  O 

Quoique  notre  defïcin  foit  de  ne  tfaiterque 
du  phofphore  de  Kunchel ,  nous  croyons 'à 
propos  de  préfenter  l'ordre  particulier ,  dans 
lequel  les  différentes  efpeces  àt  phofphore  s 
peuvent  être  rangées. 

Premier  Ordre. 

Il  eft  formé  des  corps  animés  que  le 
fluide  électrique  pénètre  &  rend  phofpho- 
riques  ;  tels  font  les  vers  luilans  ,  le  luc- 
ciolas  d'Italie  ,  les  moucherons  des  lagunes 
de  Venife  ,  les  mouches  des  Antilles, 
celles  de  la  Cayenne ,  l'aiguillon  de  la  vipère 
irritée  ,  les  yeux  de  quelques  animaux  vi- 
vans  ,  la  chair  de  ceux  qui  font  nouvel- 
lement tués  ,  quelques  poifTons  ,  quelques 
coquillages ,  les  poils  &  cheveux  de  plu- 
fleurs  animaux  ,  lorfqu'ils  font  vivement 
frottés  ,  &o 

Ces  corps  ne  font  pas  tous  organifés  pour 
être  conftamment  des  phofphores  éleâri- 
ques  ,  comme  la  torpille ,  l'anguille  de  Suri- 
nam ,  Ùc.  mais  ils  le  dcvie»nent  dans  cer- 
taines circonftances  ,  comme  par  l'amour, 
l'irritabilité ,  la  colère  dans  plulieurs  ;  &  l'on 
connoît  l'identité  du  fluide  nerveux  à  celui 
de  l'éledricité. 

II,  Ordre, 

Il  comprend  les  phofphores  éledriques 
inanimés  ,  qui  s'excitent  par  frottement 
ou  communication  ;  tels  font  le  globe 
dlHauxbée  ,  les  tubes  vuides  d'air ,  foit  qu'on 
les  frotte  intérieurement  ou  extérieure- 
ment ;  le  diamant  ,  les  linges  ,  les  étoffes 
chaufl'ées  ,  frottées  rudement  :  on  peut  y 
ajouter  certains  éclairs  &  quelques  autres 
météores  éledriques  lumineux.  J^oy.  ÉLEC- 
TRICITÉ. 

III.  Ordre. 

Nous  comprenons  dans  cet  ordre  les  corps 
rendus  phofphores  par  àes  chocs ,  frot- 
temens  rudes  ,  qui  les  éledrifent  ou  mettent 
en  mouvement  leur  lumière  propre ,  ou 
incendient  le  phlogifîique  qu'ils  contien- 
nent. 

Les  cailloux  ,  les  pierres  cornées  ,  les 
iigates ,    les  diamans  ,  prefque   toutes   les 


P  H  O 

pierres  fines,  les  mafTes  de  verre,  les  cryC" 
taux  ,  battus  ou  frottés  vivement  ;  comme 
aufli  le  fucre  ,  la  cadmie  des  fourneaux ,  le 
fel  marin  à  bafe  terreufe  nouvellement  fon- 
du ,  font  tous  des  corps  phofphoriques  fous 
cette  acception  ,  ainli  que  l'union  de  dif- 
férentes terres  &  fubffances  entre  elles ,  tel- 
les que  les  porcelaines  ,  plufieurs  fpaths  & 
quartz  ,  ou  le  colcothar ,  fondus  avec  l'ar- 
gile ,  &c. 

La  féconde  divifion  de  cet  ordre  pré- 
fente l'embrafement  de  l'acier  &  du  fer  , 
vivement  percutés  par  un  corps  dur ,  ainli 
que  les  marcaflites  ,  l'alliage  du  fer  à 
l'antimoine  ,  &  de  plufieurs  autres  métaux 
entre  eux  ,  lorfqu'on  les  percute  ,  ou  qu'on 
les  lime  rudement  ;  dans  ce  rang  fe  doi- 
vent claffer  aufli  les  bois  durs  &  réfmeux 
frottés  vivement  dans  l'obfcurité  ,  lorfqu'on 
ne  veut  avoir  que  de  la  lumière  fans 
incendie. 

IV.    Ordre. 

Il  comprend  les  corps  qui ,  comme  la 
pierre  de  Bologne  &:  autres  fpaths  fufibles 
félénireux,  acquièrent  les  propriétés  phof^ 
phoriques  ,  après  avoir  été  calcinés  au  feu 
de  charbon  ;  c'efl-ù-dire ,  reçoivent  la  lu- 
mière du  foleil  ,  ou.  du  jour  ,  ou  de  la  lune, 
la  retiennent  &  la  rendent  plus  ou  moins 
long-temps  ,  plus  ou  moins  vivement 
dans  l'oblcurité ,  félon  les  qualités  ^  per- 
fections naturelles  &  artificielles  defdites 
pierres. 

Bien  plus  ,  la  chaleur  fans  lumière  com- 
munique auffi  la  phofphoricité  à  ces  pierres  , 
ainfi  qu'à  plufieurs  autres  corps  déjà  ob- 
fervés  ,  comme  les  fpatfis  vitreux  ,  les' ter- 
res calcaires  ,  les  craies  ,  le  fucre  fondu  , 
le  tartre  vitriolé ,  le  fublimé  corrofif ,  le  pa- 
pier blanc ,  &c. 

Il  eu  vraifemblable  que  tous  les  corps 
de  la  nature  ,  fans  art ,  ou  après  différentes 
appropriations ,  combinaifons  ,  diffolutions  , 
mélanges  ,  font  fufceptibles  de  devenir 
phofphores  i  on  le  doit  penfer,  d'après  une 
immenfe  quantité  de  fubflances  qui  ont 
été  traitées  par  divers  lavans  de  diffé- 
rens  pays  ,  &  toujours  avec  plus  ou  moins 
de  fuccès.  Ceux  qui  délireront  de  plus 
grandes   inflrudions    fur    cette   matière  , 


P  H  O 

confulreront  MM,   Beccari   de  Bologne 


Margraf  de  Berlin  ,  Wilfon  &  Canton  de 
Londres  ,  Bernouilli  de  Gottingue  ,  le  P. 
Beccaria  de  Turin  ,  MM.  Homberg ,  Dufay, 
Lefevre ,  Lemery ,  Geofroy ,  Macquer ,  La- 
voifier  ,.de  Paris,  Ùc. 

Il  paroît  que  la  forme  qu'affedent  les 
corps ,  les  rend  plus  ou  moins  fufcepcibles 
de  la  phofplioricité  ;  qu'en  général  ils  doi- 
vent être  très-divifés  &  atténués.  Les  fubf- 
rancés  calcaires ,  imprégnées  d'acide  ou  de 
foufre ,  celles  qui  en  ionr  laturées  ,  comme 
le  lel  neutre  à  bafe  terreule  ,  fournirent 
les  phofphores  les  plus  brillans  de  cet  or- 
dre. Les  métaux  ,  les  chaux  ,  les  corps 
obfcurs  &  les  végétaux  frais  ou  imprégnés 
d'eau  ,  ne  le  deviennent  pas  ,  quoique  les 
phofphores  plongés  dans  l'eau  &  expofés  à 
la  lumière  ou  à  la  chaleur  ,  ne  perdent  pas 
leurs  propriétés. 

Il  lé  préfente  plufieurs  queflions  fur  ces 
phofphores  :  luifent-ils  de  leur  lumière  ou 
phlogifîique  naturel ,  que  la  lumière  ou  la 
chaleur  étrangère  ont  allumés  ,  ou  admet- 
tent-ils la  lumière  comme  une  éponge  dans 
leurs  pores?  Eft-ce  par  ceméchanifme  long: 
temps  répété,  que  la  lumière  devient  prin- 
cipe des  corps  telle  qu'elle  efl  dans  l'état 
du  phlogiftique  ;  ou  ces  fublîances  con- 
tiennent-elles une  vraie  combinaiion  d'acide 
&  de  phlogiftique  qui  y  conflitue  un  loufre 
plus  ou  moins  bien  mixtionné,  plus  ou  moins 
volatil ,  plus  ou  moins  fulceptible  d'inflam- 
mation fpontanée  ,  félon  le  genre  d'acide 
qui  le  conflitue  foutre  ,  félon  fa  quantité 
ou  la  réadion  qu'ont  fur  lui  les  fubftances 
étrangères  auxquelles  il  ell  mélangé  ?  L'odeur 
fulfureufè  ou  phofphorique  de  prefque 
tous  ces  phofphores  ,  liir-tout  ^es  plus  lu- 
mineux ,  doit,  félon  M.  Macquer,  appuyer 
cette  théorie.  Voye-{  fon  diBionnaire  de 
'  Chymie.  Le  charbon  cmbrafé  n'eft-il  pas 
lui-même  un  phofphores  dont  ces  fubfïances 
peuvent  s'imprégner  ?  Ce  qui  efl  certain  , 
c'ell  que  ces  corps  brillent  mieux  à  l'air 
libre  ,  rendent  gafeux  l'air  atmofphérique  , 
font  éteints  par  le  froid  ,  ranimés  par  la 
fimple  chaleur  ;  mais  les  phyficiens,  malgré 
leurs  travaux  lijr  ces  matières  ,  n'ont  pas 
encore   afTez  multiplié  leurs  expériences 


PHO  711 

M.  "Wilfon ,  d'après  plufieurs  eflais ,  croit 
pouvoir  afîurer  que  les  phofphores  rendent 
la  couleur  prifmatique  de  la  lumière ,  &  il  dit 
avoir  répété  les  expériences  du  P.  Beccaria 
fans  fuccès.  Ce  phyficien  avoit  afluré  que  la 
lumière  reçue  fur  les  phçfphores  avec  l'in- 
termède d'un  verre  coloré  ,  rendoit  dans 
l'obfcurité  la  lumière  couleur  du  verre  ; 
mais  M.  Allemand  ,  phyficien  de  Leyde , 
y  a  réuffi  en  portant  fur  \ts  phofphores  de 
Bologne  &  les  fulfureo-terreux  ,  \qs  rayons 
colorés  du  foleil  détachés  par  un  prifme. 
Voyei  Journal  de  phyjïque  de  M.  Vabbé 
Ro\ier j février  IJJJ. 

V.    Ordre. 

Il  comprerid  \ts phofphores  produits  par 
les  fermentations  putrides  ,-diftilations  de 
fubftances  inflammables, déflagrations  des 
foufres ,  difTolutions  des  métaux  abondans 
en  phlogiiîique  par  la  voie  des  acides,  &<:. 

Le  feu  qui  naît  dans  les  fubflances  par  la 
chaleur  àts  fermentations  établies  dans  cer- 
tains agrégés ,  comme  dans  les  foins  mouil- 
lés ,  la  farine  ,  les  fumiers ,  les  exhalaifons  , 
\qs  vapeurs  lumineufes  des  poifTons  &  vian- 
des cuites  ou  pourries ,  les  vapeurs  àt^  eaux 
iîagnantes ,  de  quelques  eaux  minérales  , 
des  latrines  ,  des  mines  ,  foit  qu'elles  s'allu- 
ment Ipontanément  ou  par  l'éledricité ,  com- 
me les  feux  follets ,  certains  éclairs  ,  les  au- 
rores boréales,  les  étoiles  filantes  &  autres 
pareils  météores  ;  foit  qu'elles  exigent  le  con- 
tad  d'un  corps  aduellement  enflammé  , 
comme  les  vapeurs  fpiritueufes,  érhérées, 
fulfureufes,  les  feux  briifou  Ats,  mines,  l'in- 
flammation de  l'efprit  redeur  ou-gas  qui 
s'échappe  de  quelques  végétaux  ,  comme 
auffi  de  quelques  animaux  connus  fous  le 
nom  à'ignislambens;  enfin  celles  quedivers 
auteurs  rapportent  s'allumer  fpontanément 
dans  leurs  intérieurs  &  les  confumer. 

Il  faut  auflî  clafîêr  dans  cet  ordre  la 
flamme  ou  le  feu.  produit  par  la  réadion 
de  différentes  fubftances  les  unes  fur  les 
autres  ,  coinme  de  l'air  &  de  l'eau  ,  ^c. 
tels  que  les  volcans  artificiels  de  M.   Le- 


.  -  .  ,    mery  ,  par  le  mélange  dû  fer  ,  du   foufre 

pour    lavoir    à    quoi    s'en    tenir   fur    ces    &  de  l'eau ,  l'inflammation  àcs  pyrites  par 
théories.  J  l'humidité ,  celle  des  huiles  par  les  acides , 


7ft  PHO 

l'inflammatioti  des  vapeurs  4e  foie  de 
foufre ,  du  mélange  du  foufre  &  des  huiles  , 
obfervée  par  Hoiïman  ,  enfin  l'inflamma- 
tion du  pyrophore  par  l'air.  Voye\  Py- 
ROPHORE. 

Si  l'on  examine  attentivement  la  théorie 
de  la  plupart  de  ces  inflammations,  foit 
fpontanées,  foit  éledriques,  foit  par  commu- 
nication du  phlogiftique  aduellement  incen- 
dié ,  on  ne  peut  s'empêcher  de  reconnoître 
quepfefque  tous  ces  phénomènes  phoiphori- 
ques  font  dus  à  l'embrafement  tranquille  ou 
avec  déflagration  de  l'efpece  particuHere  du 
foufre  volatil ,  que  l'on  a  nommé  gas  in- 
flammable ;  &  confidérés  fous  ce  point  de 
vue ,  ils  devroient  être  claflés  dans  l'ordre 
fuivant.  D'ailleurs  n'étant  pas  bien  prouvé 
que  ces  inflammations  ,  à  l'exception  de 
quelques -unes*  foient  fpontanées,  toutes 
flibftances  en  combuftion  pourroient  être 
claflées  fous  cette  unique  acception  com- 
me pho/phores  y  ce  qui  les  générajiferoit 
trop. 

V  L      Ordre. 

Il  comprend  \ts  phofpkore s  ^çroèimxs  par 
l'union  d'un  acide  fee  avec  le  pWogiftique 
pur  ,  d*où  réfulte  un  véritable  foufre  ; 
mais  tous  les  foutres  ou  toute  union  d'acide 
&  de  phlogifliquç  n'efl  pas  un  phofphore  : 
\t%  uns  ne  paroifîent  tels  que  dans  l'inftant 
de  leur  formation,  &  fe  détruifént  dans  ce 
même  moment ,  comme  le  foufre  nitreux 
&  le  foufre  gafeux  ;  les  autres  demandent 
le  contad  d'une  matière  aduellement  em- 
brafée  ou  enflammée  pour  paroître  lumi- 
neux ,  &  rentrent  par-là  dans  la  clafïé 
des  fubflances  incendiées  ,  Gorffme  le  fou- 
fre vitriolique  &  le  charbon.  Il  faut  néan- 
moins palîêr  en  revue  cts  difîerens  foufres  , 
pour  mieux  faire  fentir  les  difiércnces  & 
\qs  analogies  qu'ils  ont  avec  le  phofphore 
de  Kunchel ,  qui  eft  lui-même  un  foufre 
parfait. 

L'acide  nitreux  fous  forme  feche ,  coilime 
jorfqu'il  efr  combiné  avec  une  bafe  quel- 
.ccnque ,  préfenté  au  phlogiftique  dans  fon 
itat  de  développement  comme  aux  char- 
jbons  allumés  ,  ou  aux  métaux  abondans 
«n  phlogiftique  ,  lorfqu'ils  font  dans  l'état 
.d'incandefcence ,  fournit  junfoufrc  incoer- 


PHO 

cible  &  qui  fe  détruit  dans  le  moment  de  (a 
formation  ;  le  réfultat ,  après  la  déflagration 
retenue  dans  des  vaiffeaux  pneumato-chymi- 
ques ,  relTemble  afl'ez  au  gas  acide ,  &  eft  mé- 
phitique comme  lui. 

L'acide  nitreux  n'a  pas  toujours  befoin  d''ê- 
tre  en  contad  avec  des  fubftances  dans  l'état 
d'ignition ,  pour  former  un  loufre  défla- 
grant, le  nitre  ammoniacal  détonne  avant  d'ê- 
tre incendié.  M  Macquer  a  oblervé ,  Dic^ 
donnaire  de  chymie  ^  la  flamme  de  la  pou- 
dre fulminante  avant  la  détonnation  ;  la  pou- 
dre à  canon  &  l'or  fulminant  préïentcnt  le 
même  phénomène  dans  l'obfcurité ,  &  ces 
détonnations  leiont  par  la  feule  chaleur  bien 
éloignée  de  l'ignition.  Par  tous  ce^s  procé- 
dés on  ne  fait  que  voir  le  foufre  nitreux , 
&  on  n'a  point  encore  pu  l'avoir  feul  non 
déflagrant. 

Il  n'en  eft  pas  de  ipême  de  ce  foufre 
volatil  &  inviiible  que  les  phyficiens  & 
chymiftes  modernes  ont  nommé  gas  inflam- 
mable ;  on  peut  le  confèrver  à  volonté 
dans  des  vaifTeaux  fermés  fous  l'apparence 
d'air.  On  n'a  pas  encore  bien  oblervé  ce 
qui  fè  pafïe  dan^  l'inflammation  de  ce 
foufre  volatil  ou  gafeux  ;  foit  qu'il  brûle 
lentement  en  contad  avec  l'air  atmof^ 
phérique  ,  ou  rapidement  ,  lorfqu'il  y  eft 
mélangé ,  il  le  comporte  exadement  comme 
les  foufres  ;  on  ne  peut- pas  dire  qu'il  fe 
forme  dans  le  moment  du  contact  de  l'air  , 
par  l'union  du  phlogiftique  que  l'on  flip- 
poferoit  conftituer  efl'entiellement  ce  gas, 
avec  le  gas  acide  que  Ton  fait  exifter  dans 
l'a'r  atmofphérique  ;  puifque  cette  com- 
buftion ,  aiiîfi  que  la  déflagration  de  ce  foufre 
galeux  ,  a  lieu  encore  mieux  avec  l'air 
déphlogiftiqué  qui  ne  contient  pas  ce  gas 
acide  ;  d'ailleurs  le  foufre  gafeux  une 
fois  brûlé  ou  déflagré  ne  fe  comporte 
plus  que  comme  gas  acide  ,  ainli  que  le 
clijjus  de  foufre  nitreux  ,  &  les  vapeurs 
fultureufes  vokitiles  des  foufres  vitrioli- 
ques  &  phofphoriques  ,  que  l'on  raffem- 
ble  dans  les  vailTeaux  pneumato  -  chy- 
miques  ,  après  leur  combuftion  lente. 
Encore  une  réflexion  fur  ce  foufre  gafeux 
fi  fouvent  phofphorique ,  même  fans  contaâ 
de  corps  incendié  ;  c'eft  que  l'étincelle  élec- 
trique qui  développe  dans  l'air  atmofphé- 
rique le  gas  acide,  &  qui  l'y  multiplie  , 

n'operc 


P  H  O 

n'opère  peut-être  cet  effet  qu'en  propor- 
tion de  ce  qu'elle  décompofè  le  gas  in- 
flammable dont  l'air  inflammable  elt  tou- 
jours mélangé  :  comme  le  loutre  gafeux  eft 
plus  léger  que  l'air  acmofphérique  ,  c'ell 
dans  la  région  fupérieure  que  les  phénomènes 
de  fa  décompolition  ont  fur-tout  lieu  fous 
l'apparence  d'éclairs  ou  de  déflagration,  que 
l'on  appelle  tonnerre.  L'odeur  phofphorique 
de  l'étincelle  éledrique  ,  iemblable  à  l'odeur 
du  gas  inflammable  en  combulHon ,  elt 
encore  une  analogie  qui  favorife  ce  que 
nous  avançons. 

Le  foufre  vitriolique  diffère  ,  à  bien  des 
égards  ,  du  foufre  phoiphorique ,  comme  on 
le  verra  dans  les  propriétés  du  phofphore  ; 
ils  ont  cependant  le  rapport  de  ne  brûler 
qii'à  l'air  libre ,  d'être  indeftruâibles  au  feu 
lorfqu'ils  font  traités  fans  mélange  dans 
des  vaiffeaux  fermés,  &  d'être  également 
volatils ,  avec  les  différences  que  l'on  obfer- 
vera.  Voye^  SoUFRE. 

Le  charbon  une  fois  incendié  ,  brûle 
comme  le  foufre  vitriolique  &  Xtphofphor» 
de  Kunchel ,  jufqu'à  la  fin  de  fa  confomma- 
tion  ,  s'il  efl  à  l'air  libre  comme  eux ,  & 
s'éteint  de  même  s'il  en  efl  privé  ;  on  en 
retire  un  gas  inflammable  lorfqu'on  le 
diflille  en  raifïèaux  fermés  ,  &  un  gas  acide 
lorfqu'on  le  laifîè  s'incinérer  à  l'air  libre 
ou  dans  un  appareil  approprié.  On  peut 
retirer  de  plufleurs  cendres  végétales  l'acide 
phofphorique,  auffi-bien  que  des  os  des 
animaux.  L'huile  hypoflatique  qui  forme 
le  charbon  ,  approche  affez  de  la  pureté  du 
phlogiflique  ,  &  le  charbon  ne  diffère  peut- 
être  du  phofphore  y  qu'en  ce  que  fbn  acide 
efl  plus  fixe ,  n'ayant  pas  encore  été  com- 
biné avec  le  phlogiftique  :  union  qui  rend 
l'acide  phofphorique  bien  plus  volatil  qu'il 
ne  l'eft  dans  le  [d  natif  d'urine  ou  dans 
route  autre  fubflance  ;  d'ailleurs  la  combi- 
naifon  de  l'acide  &  du  phlogiftique  ,  ne  fe 
tait  dans  le  charbon  que  durant  fa  deflruc- 
tion  phofphorique  par  l'incendie  ;  la  terre 
végétale  qui  furcompofe  le  charbon  ,  le  fait 
encore  différer  des  fourres  ;  elle  s'oppofe 
à  fa  déflagration  rapide  ,  &  comme  on  l'a 
dit  ci-deffus  ,  il  n'y  a  de  vrai  foufre  que 
lorfqu'un  acide  peut  être  en  contaâ  fous 
forme  feche  avec  le  phlogifHque  pur.  L'ad- 
idicion  de  la  terre  au  phlogiflique  fait  un 
Tomt  XXV, 


P  H  O  713 

charbon ,  l'addition  de  l'eau  à  l'acide  fait 
une  huile  ou  un  efprit  ardent. 

Le  foufre  phofphorique  ,  ou  phofphore 
de  Kunchel,  du  nom  d'un  de  fes  inventeurs 
le  plus  célèbre  ,  efl  auffi  appelle  ph-ofphore 
d'urine ,  parce  que  pendant  long-temps  on 
l'a  tiré  uniquement  de  l'urine  ou  d'un  de 
fes  produits;  ce  foufre  efl  compofé  d'un 
acide  particulier  &  du  phiogiflique. 

Chaque  artifle  a  eu  une  méthode  différente 
pour  faire  le  phofphore  :  celui  qui  a  éclairé 
le  plus ,  foit  fur  les  principes  conftituant  ce 
foufre  ,  foit  fur  les  macieres  qui  fervent 
à  le  former  ,  efl  M.  Margraf  de  l'académie 
de  Berlin.  Ce  favant  femble  avoir  épuifé 
la  matière,  il  a  démontré  que  la  méthode 
pour  l'obtenir  le  plus  facilement ,  étoit  de 
réunir  le  fel  que  Boerhaave  a  le  premier 
bien  décrit  &  reconnu  dans  l'urine,  qu'il 
a  appelle  fel  natif ,  fel  eflentiel  d'urine  , 
voye\  Sel  natif  ,  avec  la  poudre  de 
charbon  ,  &  le  produit  par  la  dinillation  de 
ce  mélange  à  un  degré  de  chaleur  violent, 
donne  le  phofphore.  Comme  ce  fel  efl 
difficile  à  obtenir  pur  de  l'urine  fans  mé- 
lange d'autres  fèls  étrangers  ,  &  fur-tout  de 
la  matière  cxtradive  barbouillante  de  l'u- 
rine ;  lorfqu'on  n'aura  d'autre  but  que  le 
phofphore  ,  le  procédé  fuivant  ,  éprouvé 
plufieurs  fois ,  nous  a  paru  le  remplir  en 
ce  que  l'opération  efl  moins  longue  &  moins 
taflidieufe. 

Il  efl  vraifemblable  que  toute  urine  feroic 
apte  à  fournir  la  matière  du  phofphore  , 
puifque  l'on  retire  du  ftl  narir  de  celle 
de  plufieurs  animaux  ;  mais  il  efl  douteux 
qu'elle  en  fourniffe  autant.  M.  Margraf  ^ 
fur-tout  choili  celle  d'homme  buvant  bière  , 
fè  nourriffant  de  végétaux  rafîèmblés  en 
été  :  depuis  la  découverte  de  la  fubflance 
glutineufe  ,  animalifée  dans  les  femences 
des  graminées  ,  &  que  l'on  a  obtenu  du 
phofphore  de  cette  fubflance  ,  l'obfervation 
de  M.  Margraf  n'efl  pas  indifférente  :  éva- 
porez l'urine  par  i'évaporation  infenfibleou 
rapide ,  ou  déflegmez-la  par  la  congéla- 
tion; qu'elle  foit  évaporée  à  ficcité  dans 
des  vafès  de  terre  ou  de  fer.  M.  Margraf 
aaufli  fait  au  phofphore  avec  cette  njatierc 
ainfi  préparée  ,  en  la  mêlant ,  avant  de  la 
defïécher  &  diflillcr ,  avec  la  moitié  de  Çorx 
poi4^i  de  plomb  corné ,  préparé   par    \$ 

Xxxx 


714  P  HO 

«îécompofîtion  du  Tel  ammoniac  au  moyen 
iu  minium  ;  mais  cette  méthode  n'ajoute 
rien  à  l'opération  ,,  &  eil  produite  par  la 
théorie  de  la  convedion  de  l'acide  marin 
etl  phûiphorique  ,  qui  a.  été  fi  long-temps 
Fobjet  des  travaux  inutiles,  àes^  chymiiles. 
Nous  calcinons  cette  matière  épaiffie  dans 
ône  capfule  de  fer ,  en  la  remuant  jufqu'à 
ce  qu'elle  ne  donne  aucune  fumée ,  &:  dans 
cet  état  toutes  les  matières  qui  pouvoient 
nuire  à  la  purification  des  fels  que  con- 
tient l'urine,  &  à  la  cry^allifation  ,  font 
détruites  ou  mifes  en  charbon.  Il  faut  alors 
diflbudre  dans  l'eau  tout  ce  qui  efl  diflb- 
luble  ;  &  fi  l'on  a  fait  éyaporet  loo  pots 
d'urine  ,  il  faut  dans  cette  diflblution  ajouter 
3  onces  lèl  alkali  volatil  concret ,  &  l'éva- 
porer lentement  jufqu'au  prélude  ordinaire 
des  crySallifations ,  comme  oléaginofité  de 
la  liqueur,  pellicules  &  cryfiallifationfari- 
neufe  autour  du  vafe  évaporatoire ,  formant 
une  zone  en  contact  de  fa  liqueur  :  alors 
faites  cryftallifer  en  lieu  frais ,  vous  obtien- 
drez le  fel  natif  d'urine.  On  peut  réitérer 
l'évaporation  &  la  cryllallifation  jufqu'à  ce 
qu'on  fe  le  foit  tout  procuré.  Ce  fel  cryf- 
rallife  en  petits  cryflaux  brillants ,  formant 
des  primes  parallèles  égaux  entr' eux ,  ay-ant 
quatre  faces  égales  dont  leà  extrémités  font 
tronquées  ;  laifïant  un  goût  frais  &  très- 
peu  falin  fur  la  langue  :  il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec  le  lèl  admirable  perlé  de. 
M.  Haupt ,  ni  avec  le  fel  de  Glauber  ,, 
ci  avec  le  fel  marin  qui  cryftallife  après , 
%'Oje:{  Sel  natif  p'URIlSJE.  La  quantité 
d'urine  indiquée  fournit  à- peu -près  lix 
onces  dudit  fel ,  &  pourra  prodtiire  plus, 
de  demi-once  de  pàofphore.  Il  faut  mêler 
cxadement  ce  fel  avee  fix  onces  de  charbon 
de  faule  en  poudre,  mettre  ce  mélange 
dans  une  cornue  de  très-bonne  terre ,  qui 
en  foit  remplie  aux  trois  quarts  ;  cette 
cornue  doit  avoir  été.  lutée  pour  la  mettre 
à  l'abri  du  froid  fubit  que  l'air  ou  le  vent 
d'un  foufflet  peut  lui  communiquer  ;  elle 
fera  ainfi  placée  dans  un  fourneau  à  vent-, 
garni  de  fon  dôme  &  de  fes.  cornets; 
qu'il  y  ait  l'intervalle  de  cinq  pouces  de 
la  cornue  aux  parois  intérieures  du  four- 
neau ;  élevez  la  grille  par  un  fupport  ou 
par  des  barres  ,  &  le  tout  garni  de  char- 
îrons.  Le  feu  fera  donné- gradueUement , 


P  H  O  ^ 

après  avoir   adapté  &   luté  cette  cornue 
a  un  ballon  de  verre  aiTez  ample  ,  tubulé 
dans  fa  partie  moyenne  fupérieure  ,  &  rem- 
pli d'eau  au  tiers  ,  alTez  féparé  du  fourneau 
pour   qu'il   en  foit  peu   échauffé;   que  le 
cou  de   la  cornue  entre   cependant    alTez 
avant  dans  le  ballon  ,  &  que  l'é^chancrure 
du  fourneau  foit  bien  bouchée  de  lut.  Les 
premières   choies    qui    paroifï'ent    dans   le 
récipient ,  font   quelques  fuliginofltés  qui 
tachent  l'extérieur  &  l'embouchure  du  cou 
de   là   cornue ,    enfuite  un  fel   qui  tapifTô 
la  partie  vuide  du  ballon  ,   qui  efl  bientôt 
diiiouspar  une  rofée  qui  lui  fuccede ,,  & 
par  la  vapeur  de  l'eau  du  ballon  :  ce  (kl 
efl  de  l'alkali  volatil  concret ,  qui  avoit peut- 
être  été  mis  par  furabondance  ,  ou  qu'il  eli 
vraifemblable  que  le  fel  natif  ne  changé, 
pas  tout  en  alkali  volatil  cauffique  ,  comme 
l'efî  celui  qui  fort  en  forme  de  rofée.   J^, 
Sel  natif.  En  augmentant  toujours  de 
plus  en  plus  la   violence  du  feu  du  four- 
neau, il  s'élève  un  autre  fel  qui  s'attache 
au  cou  de  la  cornue  ,.  &:  aux  parois  (upé-» 
rieurcs  du  ballon  ,  &c  dont  il  fera  fait  men-. 
tion-  aux  mots   SeL    SEDATIF    &    SèD 
NATIF.  Les  vapeurs,  aqueufes  ne  le   dif-i 
fol  vent  plus  ,    il  efl   en  filets    minces  & 
bnUans  ;  dans  ce  même  temps  fort  auliv 
le  phofphore  partie  volatil ,  qui  ne  fe  con-. 
denfepas  &  ne  brûle  pas;  le  doigt  appliqué 
fur  la  tubulure,  examiné  dans  l'oblcurité  , 
efl  enduit  de  phofphore  ;   c'efl  ce  phofphore 
volatil  qui  rend    tout  le  vuide   du   ballon  = 
lumineux,  lorfqu'on  l'examine  dans  l'obf^ 
Gurité,  même  long-temps  après  l'opération 
complétée  '•,  mais  lorfque  le  vrai  phofphore 
diflllle  ,.il  le  fait  par  gouttes  &  par  larmes  , 
qui  gagnent  le  fond  &  les  parois  du  ballon , 
&  s'y  réuniffent  en  mafTe ,  û  l'eau  du  ballon 
eft;  bien  chaude.  Il  fouffle  alors  par  la  tu- 
bulure des  traits  de  feu  quelquefois  avec 
décrépitation,  &  qui-incendient  les  corps 
combufiibles  qu'on    en  approche.  Le  feu 
efl  alors  à  fa  plus  haute  violence  ,  il  faut 
l'entretenir  tel  une  heure;  c'éfî  à  ce  degré 
de  feu  qu'il  fe  brûle  ,  &  fe  détruit  en  partie 
une  portion  du  phofphore ,  dont  une  petite 
quantité  fe  préfente  fous  la  forme  d'écaillés 
d'un  brun  rougeâtre ,  attachée  au  cou  exté- 
rieur delà  cornue  &  aux  parois fupérieures  ; 
.&  l'autre  plus  abondante  3  fe  précipite  fot^s 


ta  forme  d*une  poudre  blanchâtre  au  fond 
de  Teau  du  récipient.  M.  Mitouard  ,  qui 
a  examiné  ces  fub/lances ,  y  a  reconnu 
beaucoup  d'acide  phofphorique  &  plulieurs 
indices  de  phofphore  détruit  >  qui  lembient 
indiquer  ,  comme  le  conleille  M.  Macquer 
Dicl,  de  Ckym.  qu'il  ne  faut  pas  poulîer 
ie  feu  fi  rapidement  fur  la  fin  de  l'opération  ;  ' 
qu'il  convient  d'éviter  la  préfence  des  traits 
lumineux  décrépitans  &  incendians  ,  dont 
il  eft  fait  mention  ci-defTus. 

On  tire  du  ballon ,  quand  l'appareil  efl 
refroidi ,  toutes  les  fubflances  phofphori- 
ques  ;  &  pour  en  féparer  ie  phofphore  & 
le  mouler  en  bâton ,  on  les  met  dans  un 
tube  de  verre  plus  évafé  par  le  haut  que 
par  le  bas,  qui  efl  bouché,  trempé  dans 
l'eau  chaude  ;  il  s'y  fond  comme  de  la 
cire  ;  les  fubilances  étrangères  le  furna- 
gent ,  &  on  les  en  fépare  après  le  refroi- 
diflement  :  on  peut  auflî  le  purifier  en  le 
diftillant  dans  une  cornue  de  verre  au  bain 
de  fable ,  lutée  à  un  récipient  à  moitié 
plein  d'eau. 

Propriété  du  phofphore, 

Ccft  une  fubUance  molle  comme  de  la 
cire ,  d'un  blanc  jaunâtre ,  derai-tranfpa- 
rente ,  expofée  à  l'air  chaud  &  tempéré 
de  ratmofphere.  Il  a  une  odeur  forte 
d'ail  ou  d'arfenic  ,  il  eft  entouré  d'une 
fumée  blanche  ;  mais  dans  l'obfcurité  c'eft 
une  flamme  d'un  blanc  bleuâtre  ,  qui  n'ai-  i 
îume  pas  les  corps  combuftibles  ,  &  il  fe 
détruit  lentement  :  mais  s'il  efl  échauffe 
à  l'air  libre  ou  vivement  frotté ,  ou  en 
contad  avec  un  corps  enflammé  ,  feule- 
ment mis  au  foleil  avec  la  poudre  à 
canon ,  alors  il  donne  une  flamme  blan- 
che &  brillante  au  plus  grand  jour  avec 
bruit  &  crépitation  ,  met  le  feu  aux  ma- 
tières corabufîibles  avec  rapidité  ,  &  fe  dé- 
truit en  peu  de  temps.  On  trace  avec  ce 
phofphore )  comme  avec  un  crayon  ,  des 
caraâeres  &  des  deflins  qui  font  lumineux 
dans  l'obfcurité  ;  un  vent  froid  &  humide 
éteint  ces  traits,  ils  paroifîènl  plus  bril- 
lans  dans  un  temps  chaud  &  fec.  Ce  foufre 
ne  jouit  de  la  propriété  phofphorique  que  l 
parce  qu*il  eft  dans  un  état  habituel  de  ; 
décompofition  ;  fi  on  le  regarde  au  rai-  • 


P  H  O  71J 

crofcope  ,  Ton  voit  toute  fa  furfaee  dans 
un  mouvement  violent  d'ébullition  :  il 
paroît  que  la  mixtion  de  fes  principes  eft 
lâche  ,  ou  que  fon  acide  très  -  concentré 
étant  très-avide  d'humidité  ,  (  puifqu'il  ca 
abforbe  la  moitié  de  fon  poids  )  ne  peut 
conferver  une  forte  mixtion  avec  le  phlo- 
giflique;  il  le  laiffe  échapper  du  moment 
qu'il  n'dfl-  plus  fous  forme  feche.  Comme 
néanmoins  c'efl  dans  l'eau  qu'on  le  con-r 
ferve ,  un  grand  nombre  d'années  ,  fans 
prefque  aucun  déchet ,  ne  peut-on  pas  ap- 
pliquer à  la  décompofition  du  phofphore  la 
théorie  des  diflblvans,  qui  divifent  les  fubf- 
tances  auxquelles  ils  font  appliqués  en  va- 
peurs ,  &  les  laifîênt  intaâes  ,  lorfqu'ils 
font  appliqués  en  mafîe  ? 

Et  lorfque  l'acide  phofphorique  fe  difîout 
par  l'humidité  de  l'air,  l'air  lui-même  de- 
vient le  difïblvant  du  phlogiflique.  Si  cette 
décompofition  fe  fait  dans  le  vuide  d'une 
machine  pneumatique  ,  ou  dans  l'appareil 
pneumato-chymique ,  d'abord  \t  phofphore 
brille  beaucoup  plus  ,  mais  il  s'éteint  bien- 
tôt par  les  vapeurs  ou  gas  dont  il  imprègne 
l'air  ;  ce  qui  le  rend  impropre  à  toute? 
les  combuflions  :  fi  l'on  purifie  cet  air  par 
l'agitation  avec  l'eau  ,  l'eau  fê  charge  d'ua 
acide  &:  devient  acidulé,  &  l'air  qui  la- 
fùrnage  devient  lumineux  ,  dans  l'obfcurité 
fur- tout,  s'il  efl:  agité.  Il  en  efl  de  même 
de  l'eau  où  l'on  conferve  le  phofphore 
qui  efl:  acidulé  ,  &  n'eft  lumineux  qu'à  fa 
furfaee  ;  c'efl  ainfi  que  la  portion  vuide 
du  ballon  où  l'on  a  fait  l'opération  ,  efl  la 
feule  partie  lumineufe  :  ce  qui  appuie  ce  qui 
a  été  dit  ci-deffus,  que  lorfque  l'eau  s'unit 
à  l'acide  volatil  pholjjhorique  ,  l'air  s'unit 
au  phlogiflique ,  &  cet  air  phlogiflique  & 
lumineux  n'efl  pas  détonnant ,  dans  quelque 
proportion  qu'on  le  mêle  avec  l'air  déphlo- 
gifliqué  ;  ce  qui  le  fait  différer  du  gas  in- 
flammable ,  que  nous  avons  nommé  foufre 
volatil  ou  gafeux. 

L'eau  du  ballon  qui  a  fcrvi  à  l'opération  , 
ainfi  que  l'eau  où  l'on  conferve  le  phof-^ 
phore  p  fi  elle  eft  échauffée  ou  examinée 
dans  l'obfcurité  ,  lance  de  temps  en  temps 
des  traits  de  lumière  qui  partent  en  difîe- 
rens  fens,  &  viennent  toujours  aboutir  dans 
l'air  qui  la  fumage  ,  où  ces  traits  lumineux 
s'épanouiffent  en  éclairs.  j 

Xxxx  2. 


yi6  P  H  O 

Il  fe  forme  à  la  longue  fur  la  furfac 
du  phorphore  ,  un  encroûtement  blanchâ- 
tre qui  diminue  fa  tranfparence.  Il  fe  pro- 
duit de  même  ,  lorfqu'on  le  fait  bouillir  dans 
l'eau  ;  mais  alors  il  ne  lui  rcfte  pas  attaché  , 
il  fe  divife  en  forme  de  poudre  terne  & 
bla  nche  ,  obfervée  par  M.  Fougeroux  ,  & 
qui  eft  femblable  à  celle  que  M.  M^itouard 
avoit  vu  fe  précipiter  au  fond  du  ballon 
où  l'on  diftille  le  phofphore,  &  qu'ayant 
été  expofée  fur  une  pèle  chaude ,  a  encore 
donné  des  indices  de  phofphore  par  l'odeur 
&  la  lumière. 

Le  phofphore  fe  diffout  dans  les  huiles  ; 
les  huiles  eflenticUes  pefantes  ne  le  dliîblvent 
pas  fi  bien  que  celles  qui  font  plus  légères  , 
comme  celles  de  citron  ou  de  térébenthine  ; 
néanmoins  on  choifit  les  premières  ,  parce 
que  le  phofphore  liquide  que  l'on  en  produit , 
cft  plus  lumineux  &  ne  s'éteint  pas  fi 
promptement.  Le  procédé  fuivant  pour  le  le 
procurer,  eftaiTez  uficé. 

Broyez  enfemble   &  mêlez  exadement 
-trois  gros  d'huile  de  gérofle  ou  de  cannelle  , 
demi-gros  de  camphre  &  trois  grains  de 
phofphore  ;  on  peut  frotter  de  ce  mélange 
les  cheveux  ,    la  face  ,    les   vêtemens  ou 
tout  autre  corps ,  en  former  des  carafteres 
•  ou  figures  ,   elles   feront  lumineufes  dans 
l'obfcurité  :  on  mêle  aufli  le  phofphore  , 
foit  folide,  foit fluide,  avec  les  graifles  & 
les  pommades  ,  &  elles  deviennent  lumi- 
neufes.  Le  phofphore    fe    cryftallife   dans 
l'huile  où  il  a  été  diflbus  ,  comme  le  fait 
le  foufre  ;  les  cryllaux  s'enflamment  à  l'air , 
ils  perdent  cette  propriété  s'ils  font  feule- 
ment trempés  dans  felprit-de-vin  :  alors 
expofés  à  l'air  pendant  quinze  jours  ,  félon 
les  expériences  de  M.  Groffe ,   ils  n'ont  pas 
diminué  de  poids  ;  ils  s'enflamment  néan- 
moins comme  le  phofphore^  s'ils  font  frottés 
ou  échauffés  :  le  phofphore  fe  diffout  auffi 
dans  les  éthers  ,  mais  plus  difficilement  que 
dans  les  huiles  ;   il  fe  diiTout  mieux  dans 
Je  nitreux  que  dans  le  vitriolique  ,  il  leur 
communique  une  foible  lueur  phofphori- 
que  ;    digéré    avec   l'efprit-de-vin  ,    il   fe 
change    en  une  efpece  d'huile  blanche  & 
tranfparente  ,  qui  relie  au  fond  du  vafe  fans 
ie   diflbudre.    Cette   huile   ne   fe  coagule 
qu'à  un  grand  froid  ;   lavée  plufieurs  fois 
^a?  l'eau ,  le  phofphore  recouvre  fa  con- 


P  H  O 

^  fiilance  ,  mais  s'enflamme  plus  difEcilemeffff' 
par  la  chaleur  ;  il  a  perdu  fa  couleuî-  jaune 
&  ne  brille  plus  dans  l'obfcurité.  L'eiprit. 
de-vin  retiré  de  deffus  cette  huile ,  a  une 
forte  d'odeur  phofphorique  ,  &  n'efl  lumi- 
neux que  dans  l'inflant  où  on  le  mêle  avec 
de  l'eau.  "" 

Il  eft  à  préfumer  que  fi  l'on  traitoit  le 
phofpkore  &  l'efprit-de-vin   par   le  pro- 
cédé   que    M.   le  comte    de   Lauragais  a 
employé  pour  le  foufre  ,  &  qui  confifle  à 
faire    rencontrer  ces  deux    fubflances    en 
vapeurs  dans  un  récipient  commun ,  on  ob- 
tiendroit ,    comme  il  l'a  obtenu  du  foufre  , 
une  mixtion  plus  complète   de  ces   deux 
fubflances.   Le  phofphore  trituré  avec  le 
camphre  ,   le  nitre  ou  la  limaille  de  fer , 
donne  la   phofphoricité  à  ces  fubflances, 
reflanf  uni  avec  elles.   La   trituration    ne 
les  enflamme  pas  ,  aflbre  Hofifhian.  Comme 
nous  avons  vu  le  contraire  fiir  le  camphre 
&  le  nitre ,  ainfi  que  Vogel  fur  le  nitre , 
nous  penfons  que  cela  dépend  de  la  quan- 
tité du  phofphore  mélangé ,  plus  que  ds 
l'activité  de  la  trituration    :    le  phofphore 
efl  dilToiis  &  même  décompofé  par  l'alkali 
fixe  en  liqueur ,  à-peu-près  comme  l'efl  le 
foufre.  Vogel  a  retiré  de  cette  union  des 
fels    qu'il   a  cru  être  analogues  au  tartre 
vitriolé  &  au  fel  marin;    l'expérience  n'a 
pas  confirmé  leur  analogie.  Plufieurs  aci- 
des altèrent  beaucoup  le  phofphore.  L'acide 
marin  ne  l'attaque  que  foiblement  en  mafle  ; 
peut-être  que  fous  la   forme   de   vapeurs 
il  auroit  plus  d'aâion  fur  lui ,  mais,  digéré 
avec  «l'acide  nirreux,  il  y  demeure  quel- 
que temps    indiifoluble  &  très-lumineux  : 
Je  matras  bien  échauffé  ,   le  mélange  dé- 
flagre  avec  éclat  &  explofion  du  vaifTeau  ; 
l'acide  vitriohque  foible  ou  concentré ,  le 
réduit  en  poudre.  Dans  cette  efpece  de  dif^ 
folution  il  s'élève  beaucoup  de  vapeurs  qui 
font  lumineufes  dans  l'obfcurité  ;    &  la  li- 
queur qui  fumage  la  poudre ,   garde  long- 
temps la  phofphoricité. 

L'argent ,  le  fer ,  le  cuivre  &  d'autres 
métaux  ou  demi  -  métaux  ,  expofés  aux 
vapeurs  du  phofphore  ,  ou  poufles  au  feu 
dans  une  cornue  ,  mêlés  avec  lui ,  éprouvent 
des  changemens  fingulicrs  ,  qui  ont  néan- 
moins quelques  rapports  avec  ce  qui  arrive 
à  ces  mêmes  corps  traités  avec  le  foufre. 


P  H  O  P  ^  ^  717 

Fqyq  les  expériences  de   Chriftian  De-    ou   de    fa   combinaifon  par   le   travail  d« 
-mocrite ,  de  Sthal ,  de  Simker  y   &  fur-    ranimalifarion. 

tout  de  Margraf^  qui  a  aufli  fublimé  le  •  L'acide  phofphorique  doit  fe  confidérer 
■phofphore  avec  i'arfenic  ,  dont  il  a  réfulté  fous  trois  afpeds  ditférens  ;  i**.  comme 
une  efpece  de  réalgal  d'un  rouge  de  rubis,  acide  phofphorique  volatil ,  produit  par  la 
Ayant  diiHllé  le  mélange  du  phofphore  avec  deflrudion  lente  du  phofphore  ;  2°.  comme 
le'foufre  ,  il  a  paiîë  avec  lui  4l  s'efl  figé  j  acide  phofphorique  provenant  de  fa  défla- 
dans  l'eau  du  récipient  :  cette  matière  étoit  gration  rapide  &  defîëchée  jufqu'àla  fufion; 
peu  phofphorique,  lorfqu'elle  étoit  échauf-  3°-  comme  fel  natif  d'urine  dont  on  a  fé- 
fee  ,  elle  brûloit  rapidement  &  répandoit  )  paré  l'alkali  volatil.  Il  fera  traué  de  ce 
une  odeur  fétide. 

Propriété   de    Vacide  phofphorique. 


Des  chymlftes  ,   même  de  grande  répu- 
tation ,    d'après  Sthal   inventeur   de  cette 
opinion  ,  ont  penfé  que  l'acide  marin  étoit 
le    même   que   l'acide  phofphorique,    ou 
.qu'il  n'étoit  que  déguifé  par  l'union  qu'il 
contractoit  avec  le  phlogillique  ,  ou  enfin 
que  l'ade  de  l'animaUfation  étoit  une  fer- 
mentation particulière  ,  qui  pouvoit  chan- 
ger l'être  du  lel  marin  &  de  l'alkali  mi- 
néral ,  qui  exiflent  enfemble  &  féparément 
abondamment  dans  les  humeurs  &  fubf- 
•  tances  animales  ;  mais  ces  deux  acides  fe 
comportent  fi  différemment,  qu'on  ne  pnut 
fe  prêter  à  cette  conjedure  ,    &  qu'il  faut 
confidérer  l'acide  pholphorique  comme  un 
genre    d'acide    nouveau  ,    qui    n'eit   pas 
même  particulier  aux  animaux  :  car  quoi- 
qu'on n'ait  pas  encore  démontré  rigoureu- 
fement  le  fel  natif ,  ou  l'acide  phofphorique 
dans  les  végétaux,  comme  on  l'a  démontré 
dans  l'urine  ,  comme  nous  l'avons  démon- 
-tré  dans  la  nacre  en  chet^chant  la  magnéfie, 
comme  MM.  Vallerius  ,  Gahn  ,  &  Scheel 
l'ont  trouvé  depuis  dans  les  os  calcinés  , 
voye\  leurs  procédés,  journal  de  M.  Rozier 
■^777/^  néanmoins,   vu  la  grande  quantité 
de  (ubfiances  végétales  qui  ont  fourni  du 
phofphore  à  M.  Margraf^  par  leur  diihlla- 
tion  à  un  feu  violent ,  comme  lesJemences 
de  moutarde  ,  de  roquette  y  de  creflon  ,  de 
raves ,   de  rue  ,  de  feigle  &  de  froment , 
on   ne  doit  pas   douter  de  l'exiflence  de 
ce  fel  dans  les  végétaux;    &  nous  appre 
nons  par  des  expériences  comparées  ,  que 
la  lubfiance  glutineufe   animalifée  des  fa- 
rines ,  eft   celle  qui    en    contient   le  plus 
dans   les  végétaux  :  ce  qui  juilifieroit  en- 
core la  tkéorie  de  la  création  de  ce  fel  , 


dernier  au  motSEL  NATIF;  préfentèment 
nous  ne  le  confidérons  que  fous  les  deux 
premières  faces. 

Par   la    décompofition   lente  du  phof- 
phore à  l'air  libre  ,  ou  dans  des  vaifîèaux 
fermés  dans  lefquels  on  introduit  de  l'air 
de  temps  en  temps  pour  réparer  celui  qur 
efl  devenu  inepte  à  la  combuftion  ,    il  fe 
produit  un  gas  phofphorique  &  un  acide 
volatil ,   ayant  une  forte  odeur  de  phof^ 
phore  ;  -  ce  gas  n'efl    pas    afîèz  examiné , 
ainfi  que  cet  acide  mis  en  contad  avec  l'huile 
de  tartre  par  défaillance  :  il  le   cryftallife 
bien  différemment  que  ne   le  fait  l'acide 
phofphorique    ordinaire   ;    de   forte    qu'il 
paroit    être    à   fon  acide   qui  refle  après 
la  déflagration   rapide  ,    ce  qu'efi  l'acide 
fuîfureux  volatil  à  l'acide  vitriohque ,  ou 
à   celui  du  foufre  déiiagré»  avec   le   nitre. 
Bien  plus,  \q phofphore  diffous  dans  l'huile 
&    difliilé    comme   le  baume   de   foufre, 
fe  comporte  de  même  ;  l'acide  vitriolique 
du    foufre   qui    entre  dans  le    baume ,  fè 
change  par   ce    procédé  prefquc   tout    en 
acide   fuîfureux  volatil ,    &   le  baume  de 
phofphore  fournit  aufli  beaucoup  plus  de 
cet   acide  volatil.   Il   eff  fingulier  ,  vu  la 
fixité  que  l'on  connoît  à  l'acide  phofpho- 
rique ,  qu'il  puilTe  s'évaporer  &  fe  vola- 
tilifer    en  fi    grande  quantité  par  ce  pro- 
cédé. Cela  vient  fans  doute  ,    comme  dan»  ' 
l'acide   fqlfureux  volatil  ,    de  Tunion  que 
ces  acides  ont  contradée  avec  le  phlogif^ 
tique  qui  eff  le  principe  volatilifant  ;  mais 
union  différente  ou    plus   lâche  que  celle 
qui  les  confiitue  foufre  ou  phofphore.  Que 
l'on  confidere  d'ailleurs  que  l'acide  phol^ 
phorique  fixe  &  pur  décompofe    les   feis 
neutres  ,  même  le  tartre  vitriolé  ;  que  d'une 
autre  part  ,  comme  il  a  été  dit  ci-devant , 
l'acide  vitriolique  digéré  avec  le  phofphore , 
le  réduit  en  poudre  qui  n'eft  plus  phof- 


7i8  P  H  0 

phorique  ,  fi  elle  n'eil  pas  aidée  de  la 
chaleur  ;  lorfqu'au  contraire  la  vapeur  qui 
s'en  élevé  çû  phofphorique  dans  l'obfcu- 
■rité ,  ainli  que  fà  liqueur  qui  la  fumage  , 
&  qu'elle  en  conferve  l'odeur  ;  ces  faits 
rapprochés  de  ce  qui  fe  paiîè  dans  le 
phofphore  par  l'adion  de  refprit-de-vin  , 
où  il  paroît  que  cet  efprit  diflbut  la  por- 
tion du  phofphore  la  moins  combinée  ,  la 
plus  volatile ,  la  plus  phofphorique  ;  on 
ne  pourra  nier  que  l'acide  phofphorique 
ne  {bit  dans  le  phofphore  fous  deux  états 
bien  difFérens.  Lorfque  M.  Mitouard  a  fait 
détonner  avec  du  nitre  la  terre  phofpho- 
rique ,  qui  fe  précipite  au  fond  de  l'eau 
du  ballon  où  on  a  fait  l'opération  du 
phofphore ,  &  qui  a  perdu  en  partie  fon 
inflammable ,  ne  brûlant  que  comme  le 
foufre  par  l'adion  de  la  chaleur  ,  le  fel 
neutre  qui  en  a  été  le  réfultat ,  étoit  déli- 
quefcent ,  bien  différent  en  cela  de  celui 
qui  eft  formé  par  l'union  de  l'alkali  de 
nitre  avec  l'acide  phofphorique  fixe.  Enfin 
ce  qui  complète  la  preuve  de  ce  que  nous 
avançons  ,  c'efl  que  l'acide  phofphorique 
produit  par  la  déflagration  rapide  du  phof- 
phore ,  n'efl  même  pas  exempt  d'une  por- 
tion d'inflammable  ou  phlogiffique  qui 
diminue  fa  fixifc  ;  il  précipite  de  leur  bafe 
l'acide  marin  &  le  nirreux  ,  mais  ne  dé- 
compofe  pas  mieux  le  tartre  vitriolé,  que 
celui  qui  efl  produit  par  la  combufiion 
lente  au  phofphore.  Le  premier  a  bcfoin  , 
pour  acquérir  cette  faculté ,  d'être  évaporé , 
feché  &  chauffé  jufqu'à  rincandefcence,dans 
ces  opérations.  Il  jette  encore  des  éclairs 
&  des  traits  de  lumière  qui  le  dépouillent 
entièrement  de  fon  phlogilfique  i  mais  dans 
cette  deffication,  il  donne  moins  d«  vapeurs, 
ayant  l'odeur  phofphorique  ,  que  celui  qu'a 
produit  ÏQ phofphore  qui  s'eft  confumé  len- 
tement. 

L'acide  du  phofphore  dépouillé  de  tout 
fon  phlogiflique  ,  efl  l'acide  le  plus  fixe 
qui  foit  connu  ;  il  fe  réduit ,  étant  pouffé 
au  feu  ,  en  un  verre  tranfparent  qui  attire 
l'humidité  de  l'air  &  tombe  en  deliquium  y 
&  qui  fe  fond  dans  le  double  de  fon  poids 
d'eau  :  il  s'échaufïè  moins  dans  l'eau  pen- 
dant fa  diffolution  ,  que  les  autres  acides  ; 
il  rougit  la  teinture  de  tournefol  &  le 
firop  violât ,  feit  effervefcence  ,  &  s'unit 


P  HO 

en  Tel  neutre  avec  les  alkalis  ,  foît  fixes ,; 
foit  volatils  ,  ainfi  qu'avec  les  terres  abfor- 
bantes  &  plufieurs  fubffances  métalliques 
avec  lefquelles  il  forme  divers  fels  très- 
peu  «connus.  Il  corrode  &  diffout  plus 
généralement  les  chaux  métalliques  que 
leurs  mé?àux  ,  comme  celles  de  cuivre , 
d'arfenic  ,  le  précipité  de  mercure  ;  il 
attaque  cependant  aifement  quelques  mé- 
taux abonaans  en  phlogiffique ,  comme  le 
fer  &  le  zinc  ,  avec  lefquels  il  fe  reproduit 
par  la  difhllation  du  phofphore;  il  les  attaque 
aufli  fous  forme  feche  par  voie  de  fufion  ; 
il  précipite  quelques  métaux  de  leur  diflbl- 
vant ,  conferve  aux  précipités  des  métaux 
parfaits  leur  brillant  métallique  ;  il  refîe 
en  partie  uni  aux  précipités ,  auxquels  il 
communique  une  grande  fixité  &  une  diC- 
pofition  à  la  vitrification  ,  même  au  pré- 
cipité de  mercure.  Il  ne  contrade  aucune 
union  avec  le  foufre  ;  diflillé  avec  la  poudre 
de  charbon  ,  il  fe  rétablit  en  phofphore 
à  un  affez  foible  degré  de  chaleur.  La 
plupart  de  ces  faits  que  nous  ne  détail- 
lons pas  ,  ont  été  peu  obfervés  ,  peu  véri- 
fiés ,  &  point  approfondis  ;  la  difficulté  de 
fe-f>rocurer  cet  acide ,  elf  caufe  qu'on  n'a  pas 
beaucoup  multiplié  les  expériences  à  faire 
fur  ces  unions  avec  différentes  fubffances  ; 
mais  on  en  a  afTez  fait  pour  favoir  qu'il 
ne  fe  comporte  pas  avec  elles  comme  le 
fel  fixe  du  fel  natif  d'urine ,  avec  lequel 
on  l'a  fou  vent  confondu.  MM.  Pott  & 
Margraf  ont  fait  fur  ce  dernier  un  beau- 
coup plus  grasd  nombre  d'expériences  , 
pour  en  établir  le  caradere  ,  &  qui  peu- 
vent aufiî  induire  à  en  développer  les  prin- 
cipes.  Voyei  Sel  NATIF  d'urine. 

PHOSPHORIES ,  f.  f.  plur.  (  Amiq. 
greq.  )  <^ucr((;ofia.  ,  fête  chez  les  Grecs  en 
l'honneur  de  Phofphorus  &  de  Lucifer. 
Voye;{  Poîter  ,  archœoL  grœc,  tome  I  y 
page  43  e.  {D.  J.) 

PHOSPHORIQUE  (colonne), 
(  Archit.  )  Cette  épithete  ,  tirée  du  grec 
Çû»^(})5t^o,' ,  porte  -  lumière  y  caradérife  une 
colonne  creufe  à  vis  ,  élevée  fur  un  écueil , 
ou  fur  le  bout  d'un  môle  ,  pour  fervir  de 
fanal  à  un  port  ;  &  en  général  toutes  les 
colonnes  qui  dans  les  fêtes ,  réjouifîances  , 
&  places  publiques  ,  portent  àes  feux  & 
des  lanternes,  comme  autrefois  les  colonnes 


P  HO 

gfouppées   de   la  place    des    victoires  ,  à 
Paris.  {D.  J.) 

PMOSPHORUS,  fedlt.,  enAflrono^ 
tnîe  y  de  l'étoile  du  matin  ,  c'eft-à-dire  ,  de 
la  planète  de  Vénus  ,  quand  elle  précède  le 
foleil.    Voyei  VÉNUS. 

Les  Latini  l'appellent  Zwi: //et,*  le  peuple, 
en  France  ,  la  nomme  Vétoih  du  berger  ; 
les  Grecs  ,  Phofphoras  ,  qui  eft  compofé 
de  ipaf,  lumière  y  &  de  çiçco ,  je  porte. 
Chambers. 

PHOTHINGE ,  {Mufiq.inflr.  desanc.) 
Il  paroît  par  un  pafl'aged'Arhénée  {liv.  IVy 
JOeipnos.  )  ,  que  c'étoit  une  à^s  flûtes  des 
anciens  ,  &  la  même  qu'on  appelloi'  la- 
tine &  oblique  (  plagiaule  ) ,  &  dont  F(  !lux 
attribue  l'invention  aux  Lyhiens  ,  Gnom. 
liv.  IV y  chap.  lO.  Athénée  prétend  que 
ce  fut  Ofiris  l'Egyptien  qui  inventa  la 
phothinge  y  Çwrnommét  oblique.  Or  comme 
il  paroît  que  les  anciens  ne  connoilToient 
point  la  flûte  traverfiere,  voye\  Flute, 
L'épitliete  oblique  ne  peut  lignifier  ici  que 
courbe  ;  &  comme  je  crois  avoir  prouvé 
dans  Varticle  Flute  ,  que  toutes  les  ûtxtts 
des  anciens  étoient  à  anches  ,  la  phothinge 
devoit  avoir  de  la  reflembiance  avec  le 
tournebout  :  il  eft  même  probable  que 
celui-ci  en  dérive. 

Au  refle  ,  la  courbure  de  la  phothinge 
ne  venoit  que  de  la  corne  de  veau  qu'on 
^joutoit  au  bas  des  flûtes  ,  comme  nous 
l'avons  déjà,  dit  à  V article  FluTE  ;  cette 
corne  de  veau  s'appelloit  codon.  Voye^ 
ce  mot.  (  F.  D.  C.  ) 

PHOTINIENS ,  f.  f.  pi.  (  Hifi.  eccléf.  ) 
fedc  d'anciens  hérétiques  qui  parurent  dans 
le  quatrième  fiecle  ,  &  qui  nioient  la  divi- 
nité de  Jellis  -  Chrifl.  Ils  furent  ainfi 
nommés  de  Photin  leur  chef,  évêque  de 
Sirmich  ,  difciple  de  Marcel  d' Ancyre , 
&.  célèbre  par  fon  favoir  &  par  fon  élo- 
quence. L'abus  qu'il  fit  de  fes  talens  ,  le 
précipita  dans  l'erreur.  Non  cotitent  de 
renouveller  celles  d'Ebion  ,  de  Cerinthe  , 
de  Sabelhus ,  &  de  Paul  de  Samofate  ,  il 
foutenoit  que  non-feulement  Jefus-ChriH 
n'étoit  qu'un  pur  homme,  mais  encore 
qu'il  n'avoit' commencé  à  être  le  Chrifl 
que  quand  le  Saint-Efprit  defcendit  fur 
lui  dans  le  Jourdain  ;  &  qu'il  eft  appelle 
fiU  Unique  par  la  féale  rajfon  qae  la  fainte 


PHR  719 

Vierge  nVn  eut  point  d^autre.  Il  fut  d'a- 
bord condamné  par  les  évêques  d'Orient 
dans  un  concile  tenu  à  Anrioche  en  345  , 
&  par  ceux  d'Occident  au  concile  de 
Milan  ,  en  34.6  ou  347  ",  &  enfin  dépofé 
dans  un  concile  tenu  à  Sirmich  en  351. 
L'hérélie  dts  Photiniens  a  été  renouvellée 
dans  ces  derniers  temps  par  Socin.  Voye:^ 
SOCINIANISME. 

PHOTOSCIATÉRIQUE,  adj.  terme 
dont  quelques  auteurs  fè  fervent  pour  dé- 
fignerlagnomonique.  V.  GngmONIQUE. 
Ce  nom  vient  de  ce  que  la  gnomonique 
apprend  à  déterminer  les  heures  non-feur- 
lement  par  l'ombre  d'un  gnomon  ,  ce  qui 
l'a  fait  nommer  fciate'rique  j  mais  quelque- 
fois aufli  par  la  lumiiere  du  foleil ,  comme 
dans  les  cadrans  qui  marquent  l'heure  par 
un  point  lumineux  ,  &c.  à  travers  lequel 
pafTent  les  rayons  du  foleil.  Ce  mot.  vient 
de  TKiet  ,  ombre  y  ôc  de  <pui  y  lumière.   V. 

Gnomonique  ,  Cadran  ,  Gnomon  , 

é'c.  Au  relie  le  mot  de  photo-fciotérique 
ne  s'emploit  plus  aujourd'hui.  C^a^J^erj, 
(O) 

PHOXOS  ,,  (  Léxic.  médec.  )  ?>ofk  ,  efl 
celui  qui  a  le  fommet  de  la  tête  extrê- 
mement pointu,  &  parconféquent  difïbrrae. 
Homère,  nous  dépeint  ïhcrfite  avec  une 
pareille  tête»  Ce  mot  fc^os  fe  rencontre 
deux  fois  dans  le  iixierae  livre,  des  épidé- 
miques  d'Hippocrate. 

PHRAHATE  ,  (  Hifi.  anc,  Hifl.  des 
Parthes.  )  petit-fils  d'Arface  ,  fondateur 
des  Parthes  ,  ne  fit  que  paroître  fur  un 
trôhe  dont  il  eût  augmenté  la  fplendeur 
s'il  eût  eu  un  règne  plus  long.  Egalement 
propre  à  la  guerre  &;.  aux  affaires ,  il  fub- 
jugua  les  Mardes  y  peuples  belliqueux  ,  & 
julqu'alors  indomtés.  Il  avoit  plulieurs  fils 
auxquels  il  étoit  hbre  de  tranfmettre  fon 
héritage  ;  mais  attentif  au  bonheur  de  fon 
peuple,  ir leur  préféra  fon  frère  Mithri- 
date  ,  dans  qui  il  avoit  reconnu  tous  les 
talens  &  toutes  les  vertus  qui  font  les  grands 
rois.  Ce  prince  voulant  être  bienfaifant , 
même  après  là  mort,  crut  devoir  plus  à 
fà  patrie  qu'à  fes  enfans.  Il  oublia  qu'il 
étoit  père,  &  fe  fouvint  qu'il  étoit  roi  , 
en  défignant  Mithrioate  pour  fon  fuc- 
cefTeur. 

Phrahate  II,  «près  îâ  mon  de  fçai 


710  P  H  R 

père  Mithridate  ,    qu'il  ne  faut  pns   con- 
t'opàrs  avec   le  fameux  roi  de  Pont ,    fut 
élevé  fur  le  trône  des  Parthes.   Dès  qu'il 
fut  revêtu  du  pouvoir  fupréme  ,  il  tourna 
fes  armes  contre  la  Syrie  pour  tirer  ven- 
geance d'Antiochus  qui  avoit  tente  de  lui 
ravir ,  ainfi    qu'à  fon  père  ,   l'empire  des 
Parrhes.    Son  début  fut  brillant ,  il  auroit 
pouffé  plus  loin  îcs  conquêtes,  fi  les  Scythes 
qu'il   avoit   appelles  à  fon  lècours,  ne  fe 
fufïent  point  déclarés  fes. ennemis.    Cette 
révolution  déconcerta  fes  projets.  Il  fongea 
moins  à  faire  des  conquêtes  qu'à  défendre 
fes  états.  Il  confia  le  gouvernement  de  fon 
royaume  à  un  nommé  Hymer  ,    rniniffre 
lànguinaire  qui  fit  détefler  fon  adminiflra- 
rion,  &   rendit  odieux    le   monarque  qui 
l'avoit  choili.  Phrahate ,   uniquement  oc- 
cupé de    la  guerre  ,    marcha  contre    les 
Barbares  ,   à  qui  il  livra   une  bataille  où 
l'attaque   fut  aufîi  vive    que   la  réfifbnce 
fut  opiniâtre.  Un  corps  de  dix  mille  Grecs , 
en  qui  il  avoit  mis  fa  confiance  ,  tut  l'au-  , 
teur  de    fa  défaite.    Ces  Grecs  faits  pri- 
fonniers  dans  la  guerre  contre  Antiochus  , 
avoient    été    indignement   traités   pendant 
leur  captivité  ;    dès    qu'ils  virent  que    la 
viétoire    étolt   long  -  temps    inuécife  ,    ils 
pafferent   dans   le  camp  des  Scythes  ,  & 
décidèrent   du   fuccès   de    c(tnc    journée. 
Phrahate  y  accablé  par  le  nombre,  perdit 
la  vie  après  avoir  été  témoin  du  carnag^e  de 
fon  armée. 

Phrahate  III ,  fîls  d'Orode ,  roi  des 
Parthes  ,  avoit  été  défigné  fon  fucceffeur 
à  l'empire  ;  ce  prince  ,  impatient  de  régner, 
trouva  ûue  fon  père  vivoit  trop  long-temps. 
Aveugle  par  fon  ambition  ,  il  fouilla  le 
premier  jour  de.  fon  règne  par  un  parri- 
cide ,  &  par  le  meurtre  de  vingt -neur 
de  ^Qs  frères  ,  qu'il  crut  devoir  facrifîer  à 
fon  ambition  ,  pour  n'avoir  plus  de  con- 
current à  l'empire.  Tant  d'atrocités  le  ren- 
dirent l'exécration  de  ^qs  fujets  ,  qu'il  fut 
contenir  dans  l'obéiffance  par  le  fpe(^acle 
des  fupplices.  Il  avoit  un  fils  dont  les  vertus 
lui  devinrent  f'ufpedes  ,  parce  qu'il  le  voyoit 
auffi  chéri  des  Parthes  qu'il  er?  étoit  abhorré. 
Il  ne  vit  plus  en  lui  qu'un  criminel  qui  ne 
cherchoit  à  fe  concilier  les  cœurs  que  pour 
lui  enlever  fa  couronne.  Ce  fut  pour  dif- 
fiper  fes  foupçons ,  qu'il  le  fit  égorger  fous 


P  H  R 

£qs  yeux.  Marc-Antoine  infîruit  de  la  haine 
qu'infpiroient  fes  crimes ,  crut  qu'il  lui  fèroic 
facile  d'en   triompher.    Il    lui   déclara  la 
guerre  ,  fous  prétexte  de  le  punir  d'avoir 
donné  du  fecours  à  (ts  ennemis.  Il  pénétra 
dans  fes  provinces  où  il  trouva  l'écueil  de 
fà  gloire  militaire.  Après  avoir  eu   quel- 
ques fuccès  ,  il  effuya  plufîeurs  défaites  ; 
&  fè  trouvant  dans  un  pays  éloigné  où  il 
ne  pouvoit  réparer  fes  pertes  ,  il  fut  dans 
la  néceffité  de  faire  une  honteuie  retraite. 
Phrahate  dans  l'ivrefîc  de  fes  profpérités , 
s  abandonna  fans  frein  à  fes  penchans  fan- 
guinaires.  Les  Parthes  fatigués  de  {ts  excès 
ie  révoltèrent ,  &  placèrent  fur  fon  trône 
Tiridate    qui    fit  pendant  quelque    temps 
hs  délices  de  la  nation.  Le  monarque  dé- 
gradé ,  devint  auffi  humble  &  *auffi  ram- 
pant dans  la  difgrace  ,  qu'il  avoit  été  in- 
fblent  &  cruel  dans  la  profpérité.  Il  affeda 
d'être  humain    &    populaire  pour  exciter 
la  compaffion   ;    mais  le  fouvenir  de   fes 
forfaits  n'infpira  que  le  mépris  &  la  haine. 
Les  Scythes  qui  lui  donnèrent  un  afyle  , 
le  rétablirent  à  main  armée  dans  fes  états. 
Tiridate  {e  réfugia  auprès  d'Augufle  ,  em- 
menant avec  lui  le  plus  jeune  des   enfans 
de  fon  compétiteur.  Phrahate  informé  de 
fon  évafion  &c  du  heu  de  fa  retraite  ,  en- 
voya des  ambafîadeurs  à    Augufle  ,   fous 
prétexte  qu'il  étoit  un  fujet  rebelle.  Au- 
guffe  ,  en  refufant  de  le  hvrer  aux  ambaf- 
fàdeurs  ,  promit  de  ne  fournir  aucun  fecours 
pour  le  rétablir  ;    mais   pour  tempérer  la 
rigueur  de  fon  refus ,  il  renvoya  le  fils  de 
Phrahate  fans  rançon  ,  &  en  même  temps 
il  affigna  à  Tiridate  les  fonds  néceffaires 
pour   vivre  au    milieu  de  Rome   avec  la 
magnificence  d'un  roi  afiatique.  Lorfque  la 
guerre  d'Efpagne  eut  été  terminée  ,   Au- 
gufle  fe  rendit  en  Syrie  pour  y  régler  les 
affaires  des  provinces  de  l'Orient.  Phrahate 
alarmé  de  fon  voifinage  ,  craignit  que  ce  ne 
fût  un  prétexte  pour  envahir  fes  états.  Ce 
fut  pour  détourner  l'orage  ,  qu'il  raffembla 
les  prifonniers  Romains  qui ,  depuis  les  dé- 
faites' de   Craffus  &:  d'Antoine  ,  erroient 
malheureux  dans  {es  provinces.  Tous  furent 
renvoyés  fans  rançon.  Il  joignit  à  ce  préfent 
les  aigles  enlevées  à  ces  deux  généraux  ; 
&  pour  gage   de  fa  fidéhté  ,    il  donna  à 
Augufte  (es  fils  &  fes  petits-fils  en  otage. 

La 


P  H  R 

Le  ref^  ^^  ^on  règne  fut  paiilble.  II  n'eut 
d'autres  ennemis  que  fts  fujets  ,  qui  gémi- 
rent en  lilence  fur  (es  cruautés  ,  tandis  qu'il 
vivoit  abruti  dans  la  molleffe  &  la  volupté. 
Il    mourut   deux    ans   avant    notre   cre. 

(r-r.) 

PHRASE,  f.  f.  c'eft  un  mot  grec 
francifc  ,  <P!>xTii ,  locutio  ,•  de  'n^â^co ,  loquor; 
une  phrafe  eft  une  manière  de  parl.r  quel- 
conque ,  &  c'eft  par  un  abus  que  l'on  doit 
profcrire  ,  que  les  rudimentaires  ont  con- 
fondu ce  mot  avec  propojîtion  ;  en  voici 
la  preuve  :  legi  tuas  Utteras ,  litteras  tuas 
legi  y  tuas  legi  litteras  ;  c'efl  toujours  la 
même  propofition  ,  parce  que  c'efl  toujours 
rcxprellîon  de  l'exiHence  inrelleduelle  du 
même  (ujet  fous  le  même  attribut  :  cepen- 
dant il  y  a  trois  phrafes  différentes  ,  parce 
que  cette  même  propofitioa  efl  énoncée  en 
trois  manières  différentes. 

Aufîi  les  qualités  bonnes  ou  mauvaifes 
de  la  phrafe  font-elles  bien  différentes  de 
celles  de  la  propofition.  Une  phrafe  efî 
borme  ou  mauvaife  ,  félon  que  les  mots 
dont  elle  réfulte  ,  font  affemblés  ,  terminés 
&  conflruits  d'après  ou  contre  les  règles 
établies  par  l'ufage  de  la  langue  :  une  pro- 
pofition au  contraire  efl  bonne  ou  mau- 
vaife )  félon  qu'elle  efl  conforme  ou  non 
aux  principes  immuables  de  la  morale.  Une 
phrafe  e{{  correde  ou  incorrecte  ,  claire  ou 
obfcure  ,  élégante  ou  commune ,  fimple  ou 
figurée,  6'c.  une  propofition  efl  vraie  ou 
fauffe ,  honnête  ou  déshonnête  ,  jufle  ou  in- 
jufle  ,  pieufé  ou  fcandaleufe ,  &c.  fi  on  l'en- 
vifage  par  rapport  à  la  matière ,  &  fi  on 
l'envifage  dans  le  difcours  ,  elle  efl  direde 
ou  indirecte  ,  principale  ou  incidente  »  &c. 
Voyei  Proposition. 

\J ne  phrafe  efl  donc  tout  afTemblagc  de 
mots  réunis  pour  l'exprefiîon  d'une  idée  quel- 
conque :  &  comme  la  même  idée  peut  être 
exprimée  par  différens  aff^mblages  de  mots , 
elle  peut  être  rendue  par  desphrafes  toutes 
différentes.  Contra  Italiam  y  efl  nv.ephrafe 
(impie  ;  Italiam  contra  ,  efl  une  phrafe  figu- 
rée. Aio  te  y  ^acida  y  Romanos  vincere 
poffe ,  efl  une  phrafe  louche  ,  ambiguë  ,  am- 
phibologique ,  obfcure  ;  te  Romani  vincere 
poffunt ,  efl  une  phrafe  claire  &.  précife  ; 
clianter  très-bien  ,  efl  une  phrafe  correde , 
chanter  des  mieux  ,  efl  une  parafe  incor- 
Tome  XXV. 


PHR  7,r 

reâe.  «  Cette  façon  de  parler  ,  dit  Th.  Cor^ 
»>   neille  fur  la  Rem.  izG  de  Vaugelas 
»   n'éfl  point  reçue  parmi  ceux  qui  ontquei- 
w   que  foin  d'écrire  corredement. 

»  Il  efl  indubitable  ,  dit  M.  de  Vauge- 
»  las ,  Rem.  préf.  §  îX.p.  6^  y  que  cha- 
»  que  langue  a  {es phrafes  y  8>c  que  l'efîence, 
»  la  richefïe  &  la  beauté  de  toutes  les  lan- 
t>  gués  &  de  l'élocution  confiflent  princi- 
»  paiement  à  fe  fervir  de  ces  phrafes  -  U. 
«  Ce  n'efl  pas  qu'on  n'en  puifîê  faire  quel- 
»  quefois  , ...  au  lieu  qu'il  n'eft  jamais  per- 
»  mis  de  faire  des  mo's  ;  mais  il  y  faut  bien 
»  des  précautions  ,  entre  lefquelles  celle-ci 
M  efl  la  principale  ,  que  ce  ne  foit  pas 
»  quand  l'autre  phrafe  qui  efl  en  ufage 
"  approche  fortde  celle  que  vous  inventez. 
»  Par  exemple  ,  on  dit  d'ordinaire  lei'erles 

»  yeux  au  ciel  y c'efl  parler  françois  de 

»  parler  ainfi  :  néanmoins,  comme  quelques 

»   écrivains  (  modernes  )  croient  qu'il  efl 

yj   toujours  vrai  que  ce  qui  efl  bien  dit  d'une 

yy  façon  n'efl  pas  mauvais  de  l'autre  ,    ils 

»   trouvent  bon  de  dire  aufli  élever  les  yeux 

yy   vers  le  ciel ,  &  penfent   enrichir  notre 

yy   langue  d'une  nouvelle  phrafe.  Mais  au 

y)   lieu  de  l'enrichir ,  ils  la  corrompent  ;  car 

*y  fon  génie  veut  que  l'on  dife  leve^  y  & 

»   non  pas  éleve\  les  yeux  ;  au  ciel ,  &  non 

»   pas  vers  le  ciel.  Ils   s'écrient  encore , 

»   que  fi  nous  en  fommes  crus ,  Dieu  ne 

yy  fera  plus  fupplié  y   mais  feulement  prie. 

»   Je  foutiensavec  tous  ceux  qui  favent  no- 

»  tre  langue  ,  que  fupplier  Dieu  n'efl  point 

»  parler  françois  ,  &  qu'il  faut  dire  abfo- 

»  lument  prier  Dieu  ,  fans  s'amufer  à  rai- 

«   fonner  contre  fufige  qui  le  veut  ainfi. 

M    Quitter  l'envie  pour  perdre  l'envie  ne 

»   vaut  rien  non  plus. . . .  Mais  pour  fortifier 

»  encore  cette  vérité  qu'il  n'efl  pas  permis  de 

yy  faire  ainfi  des /î/zm/fi,  je  n'en  alléguerai 

»   qu'une  qui  efl  que  l'on  dit  abonder  en 

»  fonfens  ,  &  non  pas  abonder  enfonfen^ 

>j  timent  ,  quoique  fens  &  fentiirent  ne 

»>   foient  ici  qu'une  même  chofe  ;  &  ainfi 

»   d'une    infinité  d'autres  ,   ou  plutôt  de 

«   toute  la  langue    dont  on    faperoit  les 

«   fondemens  ,  fi  cette  façon  de  l'enrichir 

»   étoit  recevable.  Qu'on  ne  m'allègue  pas, 

)>  dit  ailleurs  Vaugelas  ,  Rem.  12.5  ,  qu'aux 

«   langues  vivantes  ,  non  plus  qu'aux  mor- 

ii  tes  ,  il  n'ell  pas  permis  d'inventer  de 

Yyyy 


711  PHR. 

t>  nouvelles  façons  de  parler  »  &  qu'il  faut  ' 
»  fuivre  celles  que  l'ulage  a  établies  ;  car 
»  cela  ne  s'entend  que  des  mots. . . .  Mais  il 
f)  n'en  eft  pas  ainfi  d'une /)Ara/e  entière  , 
»  qui  étant  toute  compofée  de  mots  con- 
»  nus  &  entendus  ,  peut  être  toute  nou- 
7>  velle  &  néanmoins  fort  intelligible  ;  de 
«  forte  qu'un  excellent  &  judicieux  écri- 
»  vain  peut  inventer  de  nouvelles  façons 
?j  de  parler  qui  feront  reçues  d'abord  , 
»  pourvu  qu'il  y  apporte  toutes  les  circonf- 
9)  tances  requilès  ,  c'eft-à-dire ,  un  grand 
9)  jugement  à  compofer  la  phrafe  claire  & 
9>  élégante  ,  la  douceur  que  demande  l'o- 
«  reiile  ,  &  qu'on  en  ufe  fobrement  &  avec 
9)  difcrétion  ». 

Qu'il  me  foit  permis  de  faire  quelques 
obfervations  fur  ce  que  dit  ici  Vaugelas. 
**  Un  excellent  &  judicieux  écrivain  peut 
»  inventer  ,  dit-il  ,  de  nouvelles  façons 
yy  de  parler  qui  feront  reçues  d'abord  , 
>j  pourvu  (^ily  apporte  toutes  les  circonf- 
93  tances  requifes  « .  Il  me  femble  c\v^ ap- 
porter les  circonflances  requifes  ,  n'eft 
point  une  phrafe  françoife  ;  on  apporte  les 
attentions  requifes  ,  on  prend  les  précau- 
tions requifes  ,  mais  on  efî  dans  les  circonf- 
tances  requifes,,  ou  on  les  attend  ;  d'ailleurs 
un  grand  jugement,  Ù  la  douceur  que  deman- 
de V oreille  y  ne  peuvent  pas  être  regardés 
comme  des  circonflances  ,  &  moins  encore 
comme  circonflances  d'un  même  objet. Vau. 
gelas  ajoute,  &  qu^on  en  ufe  fobrement  i 
c'efl  une  phrafe  louche  :  on  ne  fait  s"il  faut 
ufer  fobrement  d'un  grand  jugement,  ou 
de  la  douceur  que  demande  l'oreille ,  ou 
d'une  phrafe  nouvellement  inventée  ,  ou  du 
pouvoir  d'en  inventer  de  nouvelles.  Ilparoît 
par  le  fens  ,  que  c'efl  fur  ce  dernier  article 
que  tombent  les  mots  uferfebremem ,-  mais 
par-là  même  ,  h  phrafe  outre  le  vice  que  je 
viens  d'y  reprendre ,  efl  encore  eflropiée. 
«  On  dit  qu'une  phrafe  efl  eflropiée  quand 
w  il  y  manque  quelque  chofe  ,  &  qu'elle 
j>  n'a  pas  toute  l'étendue  qu'elle  devroit 
9f  avoir  ».  Bouh.  Rem.  nouv.  t.  II ^  p  29. 
Or  il  manque  à  hphrafe  de  Vaugelas  le  nom 
auquel  il  raporte  ces  mots  ,  qu'on  en  ufe 
fobrement  ,  je  veux  dire  le  pouvoir  d'in- 
venter de  nouvelles  phrafes. 

On  fent  bien  que  s'il  y  a  quelque  cliofe 
d»  permis  à  cet  égard  ,  c'eft  fur-tout  dans 


P  H  R. 

le  fens  figura  ,  par  lequel  on  peut  quelque- 
fois introduire  avec  fuccès  dans  le  langage 
un  tour  extraordinaire  ,  ou  une  affociation 
de  termes  dont  on  n'a  pas  encore  fait  ufage 
jufqu©s-là.  Mais  ,  je  l'ai  dit  ,  article  NÉO- 
LOGISME ,  il  faut  être  fondé  fur  un  befoin 
réel  ou  très-apparent ,  Tz/orr^  neceffe  efl  ; 
&  dans  ce  cas-là  même  il  faut  être  très- 
circonfped  &:  agir  avec  retenue  ,  dabitur 
licentia  fumpta  prudenter, 

"Parler  par/'/t/"a/>j-,ditleP.Bouhours , 
»  Rem.  nouv.  tom.  II ,  pag.  ^.zS  y  c'eft 
»  quitter  une  expreflion  courte  &  fimple 
n  qui  fe  préfente  d'elle-même ,  pour  en 
»  prendre  une  plus  étendue  &  moins  natu- 
»  relie ,  qui  a  je  ne  fais  quoi  de  faflueux. . . . 
»  Un  écrivain  qui  aime  ce  qu'on  appelle 
»  phrafe. ...  ne  dira  pas. . .  .fi  vousfavie\ 
»  vous  contenir  dans  de  jufîes  bornes  y 
>y  mais  il  dira  ,  fi  vous  avie\foin  de  retenir 
yy  les  mouvemens  de  votre  efprit  dans  les 
»  bornes  d'une  jufte  modération. .  .  .  Rien 
»  n'efl  plus  oppofé  à  la  pureté  de  notre 
»  flylc  ».  Et  c'eft  ordinairement  le  flyle  que 
les  jeunes  gens  rapportent  du  collège  , 
où  ,  au  lieu  de  prefcrire  des  règles  utiles  à 
la  fécondité  naturelle  de  leur  âge  ,  on  leur 
donne  qulquefois  des  fecours  &  des  motifs 
pour  l'augmenter  ;  ce  qui  ne  manque  pas 
de  produire  les  efïcs  les  plus  contraires  au 
but  que  l'on  devoit  fe  propofer  y  &  que 
l'on  fe  propofoit  peut-être. 

On  emploie  quelquefois  le  mot  àt phrafe 
dans  un  fens  plus  général  qu'on  n'a  vu  juf- 
qu'ici  ,  pour  défigner  le  génie  particulier 
d'une  langue  dans  l'expreflion  des  penfées. 
C'efl  dans  ce  fens  que  l'on  dit  que  h  phrafe 
hébraïquea  de  l'énergie  ;  la  phrafe  greque, 
de  l'harmonie  ;  la  phrafe  latine  ,  de  la 
majeflé  ;  la  phrafe  françoife  ,  de  la  clarté 
&  de  la  naïveté ,  Ùc.  &  c'efî  dans  la  vue 
d'accoutumer  les  jeunes  gens  au  tour&  au 
génie  de  la  phrafe  latine  ainfi  étendue  , 
que  l'on  a  fait  des  recueils  de  phrafes  déta- 
chées ,  extraites  des  auteurs  latins  & 
rapportées  à  certains  titres  généraux  du 
fyflême  grammatical  qu'avoient  adopté  les 
compilateurs  :  tels  font  l'ouvrage  du  car- 
dinal Adrien  de  modis  latine  loqulndi;  un 
autre  plus  moderne  répandu  dans  les  col- 
lèges de  certaines  provinces  ,  les  délices 
d€  la  langue  latine  ^  celui  de  Mercier , 


P  H  R  P  H  R  713 

intitulé  le  manuel  des  grammairiens ,  &c.  [  três-eflentielle  tant  au    compofiteur  qu'à 


ce  font  autant  de  moyens  méchaniques  labo 
rieufement préparés,  pour  ne  faire  fouvent 
que  des  imitateurs  ferviles  &  mal-adroits. 
Il  n'y  a  qu'une  ledure  affidue ,  fuivie  & 
raifonnéedes  bons  auteurs ,  qui  puifîc  met- 
tre fur  les  voies  d'une  bonne  imitation. 
(B.E.R.M.) 

Phrase  ,  f.f.  en  mufique  y  eft  une  fuite 
de  chant  ou  d'harmonie ,  qui  forme  un  fens 
plus  ou  moins  achevé ,  &  qui  fe  termine 
fur  un  repos  par  une  cadence  plus  ou  moins 
parfaite. 

II  y  a  deux  efpeces  de  phrafes.  En  mé- 
lodie ,  Xzphrafe  eft  conftituée  par  le  chant, 
c'ell-à-dire  ,  par  une  fuite  defons  tellement 
difpofés  ,  foit  par  rapport  au  ton  ,  foit  par 
rapport  à  la  raefure ,  qu'ils  faflent  un  tour 
bien  lié  ,  lequel  aille  fe  réfoudre  fur  une  des 
cordes  effentiellcs  du  mode. 

Dans  l'harmonie ,  lapkrafe  eftunefuite 
régulière  d'accords  ,  tous  liés  entr'eux  par 
des  diflbnances  exprimées  ou  fous-enten- 
dues. Cette  fuite  fe  rélbut  fur  une  cadence  , 
&  félon  l'efpece  de  cette  cadence  ;  félon 
que  le  fèns  eft  plus  ou  moins  achevé ,  le 
repos  eft  aufE  plus  ou  moins  parfait. 

C'eft  dans  l'invention  des  phrafes  mufl- 
cales  ,  fur-tout  dans  leur  liaifon  entr'elles 
&  dans  leur  ordonnance  félon  de  belles  pro- 
portions ,  que  confifte  la  véritable  beauté 
de  la  mufique  (  *  )•  Mais  cette  dernière 
partie  a  été  prefque  entièrement  abandonnée 
par  nos  compofiteurs  modernes  ,  fur-tout 
dans  les  opéra  françois  de  ce  temps  ,  où 
l'on  n'apperçoit  plus  que  des  rapfodies  de 
petits  morceaux  durs,  étranglés  ,  mal  cou- 
fus  ,  &  qui  ne  femblcnt  faits  que  pour  jurer 
cnfemble.  (  S  ) 

PHRASER,  v.  a,  (  Mufique.  )  Il  me 
(èmble  qu'on  pourroit  adopter  ce  verbe 
en  françois  ,  &  dire  phrafer  la  mufique , 
pour  indiquer  l'aftion  de  bien  marquer 
chaque  phrafe  d'une  pièce  de  mufique  dans 
la  compofition  &  dans  l'exécution.  Je  vais 
tâcher  de  donner  quelques  moyens  pour 
parvenir  à  bien  phrafer  la  mufique  ,  chofe 


l'exécutant,  comme  on  le  peut  voir  iiV  ar- 
ticle Phrase  (  Mufique.  ) 

La  mufique  a  fcs  phrafes  ,  comme  le 
difcours,  &  le  compofiteur  les  doit  mar- 
quer ,  non  feulement  dans  fa  mélodie  , 
mais  encore  dans  fon  harmonie  '■)  ainfi  pour 
un  point  il  fera  une  cadence  parfaite  ,  & 
pour  les  autres ,  d'autres  cadences  y  fui- 
vant  les  cas.  Quant  à  l'exécutant ,  il  ne 
peut  phrafer  fa  mufique  qu'à  l'aide  d'un 
filence  qu'il  doit  faire  fentir  ,  quoique  le 
compofiteur  ne  l'ait  pas  marqué  ;  pour  cfX 
effet  il  faudroit  que  quand  un  écolier  com- 
mence à  lire  pafïàblement  la  mufique  ,  le 
maître  lui  apprît  à  bien  diftinguer  les  phrafes 
&  à  les  marquer  ;  fi  c'eft  un  chanteur  ou 
un  joueur  d'inftruraent  à  vent  ,  en  repre- 
nant haleine  ;  &:  s'il  joue  d'un  inftrument 
à  archet  ,  en  recommençant  d'un  nouveau 
coup  d'archet  bien  marqué  &  féparé  du 
refte.  Toutes  les  fois  qu'un  morceau  de 
mufique  paroît  confus  ,  embarrafïe  ,  foyez 
(ûr  que  c'eft  parce  que  le  compofiteur  , 
ou  l'exécutant ,  ou  tous  les  deux  ,  ne  favent 
pas  phrafer  la  mufique.  Ce  défaut  eft  fur- 
tout  ordinaire  dans  l'adagio  ,  parce  qu'on 
veut  le  rendre  touchant  en  traînant  les 
fons ,  &  qu'on  finit  par  ne  plus  rien  dif^ 
tinguer. 

Au  refte  ,  une  phrafe  de  mufique  eft  quel- 
quefois équivoque  ,  en  forte  qu'elle  peut 
finir  en  deux  endroits  également;  dans  ce 
cas  il  feroit  à  fouhaiter  que  le  compofiteur 
marquât  fon  intention  par  quelque  figne , 
une  virgule  ,  par  exemple  :  remarquons  ce- 
pendant ,  en  pafTant  ,  que  toute  phrafe 
équivoque  eft  une  faute.  (  F.  D.  C.  ) 

PHRATRIARQUE  ,  f.  m.  (  Ami,^. 
greq.  )  <ffX7HA?x°i ,  magifîrat  d'Athènes  qui 
préfidoit  furies  ^p^^Tf/*,  c'eft-à-dire  ,  fur  la 
troifiemc  partie  d'une  tribu  ;  il  avoit  le  mê- 
me pouvoir  fur  cette  partie  de  la  tribu, 
que  le  phylarque  avoit  iur  la  tribu  entière. 
Potter  ,  Ârchœol.  graec.  1. 1 ,  p.  j8. 

PHRATRIUS  C  MOIS  )  ,  Mois  des 
Grecs.  )  (pfArpUf  ^  mois  particulier  à  la  ville 


(*)  Un  compofiteur  qui  pondue  &  phrafe  bien ,  eft  un  homme  d'efprit  :  un  chanteur  qui  fent  ; 
mtqne  bien  Ces  phrafes  Se  leur  accent,  eft  un  homme  de  goût  :  mais  celui  qui  ne  fait  voir  & 
rendre  que  les  notes,  les  tons,  Içs  temps,  les  intervalles,  fans  entrer  dan^  le  fens  des  phrafes, 
fl[uclque  fur,  quelque  cxaa  d'ailleurs  qu'il  puiflc  être,  n'eft  qu'un  croque-fol.  (S) 

Yyyyl 


714  1^  H  R 

de  Cumes  en  Eolie  ;  il  etoit  compofé  de 
30  jours  ;  on  ne  trouve  le  nom  de  ce  mois 
que  fur  un  feul  marbre  tiré  des  ruines  de  la 
ville  de  Cumes  ,  &  dont  i'infcription  eft 
en  diaîefte  éolien  ,*  vous  la  pourrez  lire 
tout  entière  dans  les  antiquités  de  M.  de 
Caylus,  tome  II.  C'eilaflezde  remarquer 
ici  que  le  mot  ((i?a.-.pih  vient  du  nom  de 
^fatTfieti  ,  qui  lignifie  àes  fociétés  ou  con- 
frairies  établies  en  différentes  villes  de  la 
Grèce  ,  &  qui  s'alîèmbloient  en  des  temps 
réglés  pour  la  célébration  des  ïètes  ou  de 
certaines  cérémonies  ;  le  lieu  de  Taflemblée 
s'appelloit<Pf6tTf<r.  j  peut-être  que  le  mois 
où  cesaflemblées  fe  tenoient  à  Cumes  y  en 
reçut  Ton  nom.  (D.  J.)    ■ 

PHR^NIAN  ^  (  Botaniq.  anc.  )  nom 
donné  par  les  anciens  boraniftes  grecs  & 
romains  à  une  forte  d'anémone  qu'ils  em- 
ployoient  dans  les  bouquets  ,  les  guirlandes 
&  autres  femblables  ornem^ens.  (  D.J.  ) 

PHRÉATIS  (  LE  )  ,  (  Antiq.  greq.  ) 
Le  phréatis  ou  phréatium  faifbit  un  âes. 
quatre  anciens  tribunaux  d'Athènes  ;  il  étoit 
établi  pour  iuger  ceux  qu'on  pourliiivoit  à 
l'occaiion  d*un  fécond  meurtre  ,  fans  s'être 
réconciliés  avec  les  parens  du  citoyen  qu'ils 
avoient  tué  involontairement.  L'exilé  accufé 
paroiflbit  fur  la  mer  à  un  endroit  appelle 
le  puits  ,  d'où  ce  tribunal  reçut  fon  nom  ; 
là  il  ie  défendoit  fur  fon  bord  fans  jeter  l'an- 
cre ,  ni  aborder  à  terr'e  ;  s'il  étoit  convaincu , 
on  lui  infligeoif  les  peines  impo fées  au  meur- 
trier volontaire  ;  s'il  étoit  innocent,  il  re- 
tournoit  à  fon  exil ,  à  caufe  de  fon  premier 
meurtre.  Teucer  fut  le  premier  qui  fé  juP 
tifia  de  cette  manière  ,  &  qui  prouva  qu'il 
n'éroit  point  coupable  de  la  mort'd'Aiax. 
{D.J.)      , 

PHRÉNESIE  ,  f:  m.  (  (  Médecine.) 
délire  continuel  ou  dépravation,  des  fonc- 
tions du  cerveau ,  caufée  par  une  inflamma- 
tion dans  les  vaiflê^aux  de  ce  vifcer'e ,  ac- 
compagnée d'une  fièvre  fynocKe  ou  putride. 
La  paraphrénéfie  fe  dit  d'une  maladie  qui 
en  approche  ,  &  qui  efî  caufée  par  l'inflam- 
mation du  diiiphragme. 

La  caufè  a  toujours  été  regardée  comme 
propre  au  cerveau  &  à  ùs  membranes.  Ces 
parties  font  alors  affeâées  d'une  inflammtj- 
tion  produite  par  un  fang  échauffé  ,  defle- 
chë  &  bouillant  ,*  comme  l'oat  reconnu! 


P  H  R 

Hippocrâte  ,  les  plus  grands  médecînjf  en- 
fuite  ,  &  avec  eux  les  plus  fimples  d'entre 
le  peuple  ,*  ils  ont  penfé  qu'elle  venoit  d'ua 
fang  épais  qui  fe  portoit  à  la  tête  ,  &  que 
l'urine  ténue  &  aqueufe  dans  un  féhricitant , 
annonçoit  une  phrénéjie  prochaine.  Ainfi 
il  femble  qxielîiphrénejie  a  pour  caufe  une 
métaflafft  qui  fe  fait  de  quelque  humeur  d'une 
partie  fur  une  autre  ,  ou  un  tranfport  de  la 
matière  fébrile  dans  le  cerveau. 

Les  difTedions  apprennent  que  la  phré-. 
nejie  n'ellpas  caufée  par  l'inflammation  des 
méninges ,  non  plus  que  la  paraphrénéfie 
par  celle  du  diaphragm*e  ;  mais  par  l'engor- 
gement variqueux  des  vailfeaux  da  cerveau 
&  des  méninges  ;  elle  eft  quelquefois  avec 
une  inflammation  dans  les  formes ,  &  d'aur 
très  fois  fans  inflammation. 

Ainfi  toutes  les  caufes  qui  difpofent  à 
l'engorgement  de  ces  parties  ,  font  celles 
de  la  phrénéjie.  Ainfi  le  chagrin  ,  la  forte 
&  continuelle  application  de  l'efprit  à  un 
même  fujet ,  la  douleur ,  les  pafïîons  vives ,, 
telles  que  la  colère ,  la  fureur ,  l'amour  ,  les 
excès  de  la  fureur  utérine  y  font  autant  de 
caufes  de  la  phrénéjie. 

Quelle  que  foit  fa  caufe  ,  elle  fe  connoîç 
par  les  fignes  fuivans  ,  félon  Lommius  : 
favoir  ,  une  fièvre  aiguë  &  continue  ^ 
accompagnée  d'un  délire  continuel,  concert 
nant  tantôt  les  unes,  tantôt  les  autres  des. 
adions  vitales  ;  le  malade  efl  difpofé  à 
entreprendre  tout  ce  qu'une  audace  efFrénée 
peut  lui  infpirer  ;  il  eft  travaillé  tour-à- 
tour  par  des  infomnies  cruelles  >  ou  par  des 
fommeils  fâcheux  &  tqrbulens  ;.  en  forte 
qu'étant  éveillé  ,  il  fort  inopinément  defoa 
ht ,  il  fait  de  grands  cris. ,  il.  agit  en, furieux ,. 
tantôt  il  pleure  ,  tantôt  ii  chante  ,  ou  fait, 
àts  difcours  fans  ordre  &  fansfîiite  ;  quand 
ilefî  interrogé  ,  il  fait  des  réponfés  qui  n'ont 
aucun  rapport  aux  demandes  qu'on  lui  fait;, 
fes- yeux  font  toujours  en  mouvement ,  étin- 
cellans  ,  rouges  &  mal-propres  ;  le  malade, 
les  frotte  fans  cefTe  ,  &  ils  font  tantôt  fccs  ,, 
&  tantôt  larmoyans  ;  fa  langue  efl.  rude  & 
noire  ,  il  grince  les  dents  ;  &  il  lui.  fort, 
fouvent  des  narines  uneférofifé  fanglante  ,* 
il  reflent  affez  fouvent  de  la  douleur  au 
derrière  de  la  tête  ,  il  démêle  entre  fes 
doigts  à(LS  flpccons  de  hine.  qu'il  tire  de  (es 
couvertures  ;  fon  urine  efl  tenue  &  enflana-' 


P  H  R 

xnée ,  &  ce  qui  efl  de  plus  fâcheux  ,  c*e/! 
qu'elle  eft  quelquefois  limpide,  ténue  ,  & 
Cuvent  blanchâtre.  La  phràiefiefe  termine 
en  peu  de  temps  ,  conjointement  avec  la 
fièvre  ,  par  le  retour  de  la  fa  nté  ,  ou  parla 
mort  du  malade  ;  ou  fi  elle  dure  long- 
temps ,  ou  qu'elle  fublifte  après  la  fièvre  , 
alors  ou  elle  guérit  ,  ou  elle  dégénère  en 
d'aurres  maux  comme  font  la  léthargie  ,  la 
rnanie  >  la  mélancolie  ,  ou  les  malades  tom- 
bent dans  une  folie  perpénielle ,  leur  cer- 
veau étant ,  comme  l'on  dit,  tout  détraqué  ; 
la  phrénefie  qui  fuccede  à  lapéripneumonie , 
ou  au  miféréré  ,  efl:  m.ortelle  ,  les  hémorrha- 
gies  la  guéri.fîent  quelquefois. 

Curation.  Si  la  fièvre  accon^pagne  la 
phrénéfie  dans  le  commencement  ,  on  a 
recours  à  la  faignée  ,  aux  lavemcns  ,  aux 
pugatifs  &  aux  émériques  ,  aux  bains  & 
demi-bains  ,  aux  douches  fur  la  tête  ;  on 
applique  aux  pies  des,  cataplafmes  avec  les 
feuilles  de  rue ,  de  camomille  ,  de  verveine  , 
la  racine  de  brionne  ,  les  fleurs  de  pavot 
chanipêtre  &  le  favon  ;  ou  bien  en  leur 
place ,  on  peut  appliquer  aux  mômes  par- 
ties des  pigeons  ou  des  poulets  coupés  félon 
leur  longiieur.. 

Pour  appaifer  îa  foif ,  que  les  malades 
boivent  d'une  tifane  délayante  &  calmante  , 
^  de  la  potion,  divine  de  PalmPrius,  qui  eft 
proprement  une  limonnade  faite  avec  l'eau 
de  fontaine ,  le  fuc  de  limon  ,  &  le  fucre  ; 
ou  bien  qu'il  prenne  des  émulfions  ordinaires 
gdoucis  avec  le  fuçre  ,  ou  bien  les  délayans 
nitreux  &  antiphlogiliiques. 

On  peut  appliquer  fur  la  ittt  ou  fur  \qs 
tempes  _,  le  marc  ou  chapeau  de  rôles  ,  ou 
bien  un  bandeau  chargé  de  fleurs  de  pavot , 
arrofé  de  vinaigre ,  &  làupoudr.é  de  muf- 
cade.. 

Les  lotions  &  lé  rafement  de  la  tête  , 
les  véficatoires  &  les  ventoufes  appliquées 
^ux  parties  inférieures. 

Les  faignées  du  pié  &  de  la  gorge  ,  faites 
conlécLKivement  ,  lont  excellentes  dans 
cette  maladie  ,  &.  dans  la  plupart  des  ma- 
ladies delà  tête.. 

Les  emplâtres  dé  poix ,  d'ail  ^  de  graiiie 
de  moutarde  ,  &  de  vieux  fromage  de 
ïloquelort  ,  font  aufli  excellens  pour  pro- 
curer une  évulfion  de  làng  vers  les  parties 
iiaférieures. 


PHR  7iy 

PHRÉNIQUE  en  AnatemU  ,  c'efl  un 
nom  que  l'on  donne  à  une  veine  &  à  quel- 
ques artères  du  corps  humain  y  à  caufe 
de  leur  paflage  par  le  diaphragme.  Voye\ 
Diaphragme. 

L'artère  phréniqiie  ou  diaphragmati- 
que ,  vient  de  l'aorte  defcendante  ,  &  fe 
diftribue  au  diaphragme  &  au  péricarde. 
Voy€-{  I  y  obfervation  anat.  (  angiol.  ) 
fig.  /_,  n**.  %o.  Voyei  aulli  Artere, 
Aorte  ,  ùc. 

Les  veines  phreniques  font  deux  veines  , 
que  la  veine-cave  defcendante  reçoit  immé- 
diatement après  avoir  percé  le  diaphragme. 
Voyei  nos  pi.  d'anat.  &  leur  explic 
Voye^  aujji  Yei^E  &  Cave.. 

PHIKCODÈS  ,  (  M/dec.  anc.  )  terme 
employé  par  les  anciens  médecins  pour  défi- 
gner  une  fièvre  accompagnée  de  chaleur 
&  de  friflon  ,  non  feulem.ent  au  commen- 
cement de  l'accès  ,  mais  en  différens  inter- 
valles pendant  tout  le  cours  de  la  fièvre  :. 
telle  eft  l'hémitritée.  Les  fymptomes  ordi- 
naires de  cette  fièvre  ,  mêlée  de  chaleur  & 
de  friflbn  ,  font  un  pouls  extrêmement  foi- 
ble  ,  qui  eft  injenfible  au  toucher  ,  &  fe- 
retire  ,  pour  ainfi  dire  ,  en  dedans  ;  le  ven- 
tre eft  un  peu  enflé,  avec  àts  vents  &  àç.s 
borborygraes  ;  la  langue  eft  très-humide ,, 
&  chargée  d'une  humeur  acide  &  piquante. 
(  D-  /..) 

P  H  R I XUS  ,  (  Géogr.  anc.)  nom  de 
divers  endroits  ;  i°.  c'eft  une  ville  de 
Lycie  ,  félon  Etienne  le  géographe  ;  2®. 
c'çft  un  fleuve  de  l'Argie  ,.qui  ,  félon  Pau- 
fànias  ,  /.  III  y  c.  xxxvj  ^  rece voit  les  eaux 
de  rErafmus  ,  &  alloit  fe  jeter  dans  la 
mer  ,  entre  Temenium  &  Lana  ;  3°.  c'étoit 
un  port  de  l'Afie ,  dans  le  Bofphore  de 
Thrace  ,  près  de  fon  embouchure,  dans  le 
Pont-Euxin,  félon  Denysde  Bizance,  de 
Thracic.  BoÇph.  p..  zz  ^  &.  Etienne  le 
géographe.  (  D.  J.  ), 

FHRONTIS  ,  {Méd.  anc.  )  p^oyrh 
v^-vTQi  ,  maladie  dont  parle  Hippocratc  y  & 
qu'on  peut  ranger  fous  la  clafle  desafïèc-- 
tions, mélancoliques.  Dans. cette  maladie, 
dit  ce  célèbre  médecin  ,  le  malade  fent. 
comme  une.  épine  qui  le  pique  au  basT'Ven-. 
tre;.il  eft  extrêmement  inquiet,  il  fuit  la: 
lumière  &  la  compagnie- ,  fe  plaît,  dans- 
l!obfc.urité  ,  &.  a.  peur  de  tout;  il  a  des.. 


71^  P  H  R 

fonges  terribles ,  &  croit  voir  atout  moment 
des  objets  épouvantables.  (  D.J-) 

PHRONTISTE  ,_  f.  m.  (  l'/iéol.  )  nom 
qu'on  donnoit  autrefois  à  des  chrétiens  com- 
temp]atifs. 

PHRONTISTERE  ,  f.  m.  {  Gram. 
Tlieol.  )  lieu  où  l'on  médite.  Il  étoit  autre- 
fois fynonyme  à  monaftere. 

PHRUDIS,  (Geogr.anc^)  fleuve  de 
la  Gaule  Belgique.  Ptolomée  ,  //V.  //  y 
c.  ix  y  place  Ton  embouchure  entre  celle 
de  la  Seine,  &  le  promontoire  Itium.  Les 
uns  croient  que  Phrudis  eft  aujourd'hui  la 
Sambre  y  &  les  autres  la  prennent  pour  la 
Somme.  {D.J.) 
PHRURIUM ,  (  Géogr.  anc.  )  nom  grec , 
qui  fignifîe  un  lieu  fortifié  où  l'on  tient 
garnifon.  On  l'adonné  à  quelques  lieux  for- 
tifiés y  OU  par  la  nature  ou  par  l'art ,  &  où 
il  y  avoit  garnifon  ,*  comme  i**.  à  un  pro- 
montoire de  l'île  de  Cypre  ,  fur  la  côte 
méridionale,  félon  Ptolomée  y  Uv.  V y 
c,  xiij.  Lufignan  &  Mercator  l'appellent 
Cabo-Bianco  ;  2**.  à  une  ville  de  l'Inde  ,  en 
deçà  du  Gange.  Ptolomée  ,  Uv.  VII  y  c.  j. 
la  donne  aux  Arvarnes  ,  &  dit  qu'elle  étoit 
dans  les  terres. 

PHRYGIE  ,  (  Géogr.  anc.  )  Phrigia, 
grande  contrée  de  l'Afie  mineure  ,  fur  l'é- 
tendue de  laquelle  tous  les  auteurs  ne  font 
pas  d'accord.  Elle  étoit  bornée  au  midi  par 
la  Lycaonie  ,  la  Pifidie  &  la  Migdonie  ;  à 
l'orient  par  la  Cappadoce  ,  &  au  nord  par 
la  Galatie. 

La  Phrygie  fe  divifoit  en  grande  &  en 
petite.  Srrabon  nomme  la  petite  Phrygie , 
tantôt  Phrygie  de  VHellefpom  ,  &  tantôt 
Phrygie  épiclete  ,  c'cft-à-dire  ,  Phrygie  ac- 
quife.  Il  dit  que  la  grande  Phrygie  étoit 
celle  dont  les  Galates  "occupèrent  une  par- 
tie ,  &  dont  Mydas  étoit  roi. 

Les  notices  eccléfiafliques  diftinguent  la 
Phrygie  (ur  l'Hellefpont ,  la  Phrygie  paca- 
rienne  ,  la  Phrygie  montueufe  ;  &  la  Phry- 
gie  falutaire.  Chacune  de  ces  Phrygies  con- 
tenoitplufieursévêchés.  {D.J.) 

PHRYGIEN  ,  adj.  (  Mufique  )  mode 
phrygien  y  eft  un  des  principaux  &  des  plus 
anciens  modes  de  la  mufique  des  Grecs; 
le  caradere  en  étoit  fier  &  guerrier  ,  auffi 
étoit-ce ,  félon  Athénée ,  fur  le  ton  phry- 
gyen  que  l'on  fonnoit  les  trompettes  &  autres 


P  H  R 

înflrumens  militaires.  Ce  mode  occupe  le 
milieu  entre  le  lydien  &  le  dorien,  &  efl 
à  un  ton  de  l'un  &  de  l'autre;  il  fut  inventé 
par  Mîirfyas.    Voye^  MoDE.  {S) 

PHRYGIENNE,(PiERRE),(i//^. 
nat.  )  lapis  phry  gins;  nom  donné  par  Pline 
&  par  Diofcoride,  à  une  pierre  qui  fe 
trouvoit  ,  dit-on  ,  en  Phrygie  &  en  Cap- 
padoce. On  la  faifoit  rougir  &  on  l'étei- 
gnoit  par  trois  fois  dans  du  vin  pour  la 
teinture.  Diofcoride  dit  qu'elle  étoit  d'une 
couleur  pâle  ,  d'un  poids  médiocre  ,  d'un 
tifTu  peu  compare  ,  &  traverfée  de  raies 
blanches  ,  comme  la  cadmie.  Galien  dit  que 
cette  pierre  étoit  un  remède  pour  les  maux 
d'yeux ,  les  ulcères  ,  &c.  Elle  nous  tû  in- 
connue :  de  Boot  la  foupçonne  d'avoir  été 
vitriolique.  Voye^  fon  traité  de  lapidibus 
Ù  gemmis. 

Quelques  auteurs  donnent  auffi  le  nom  de 
lapis  phry  gius  à  une  pierre  qui  fe  trouve  au 
royaume  de  Naples  ,  &  qui  produit  des 
charnpignons.  Les  Italiens  la  nomment  pze- 
trafongara.   Voyez  FUNGIFER  LAPIS. 

PHRYGIENS  ou  PHRYGASTES  , 
f.  m.  pi.  (  Théologie  )  nom  que  donne 
S.  Epiphane  à  d'anciens  hérétiques  qui 
parurent  en  grand  nombre  dans  la  Phrygie, 
province  de  l'Afie  mineure  ,  &  qui 
étoient  une  branche  des  Montanifles.  Voye:{ 
Cataphryges. 

Ils  avoient  une  extrême  vénération  pour 
Montan  &  pour  fes  deux  prétendues  prophé- 
tefTes  ,  Prifcille  &  Maximille.  Le  caraâere 
diftindif  de  cette  fede  étoit  l'efprit  de  ver- 
tige ou  d'enthoufiafme  ,  dont  étoient  agi- 
tés fes  partifans  qui  ,  de  leur  propre  au- 
torité,  s'érigeoient  en  prophètes  à  l'exem- 
ple de  leur  chef.  C*efl  mal-à-propos  que 
M.  Chambers  les  prétend  orthodoxes  fur 
le  myftere  de  la  Trinité.  Montan  l'attaquoit 
ouvertement ,  en  difant  qu'il  étoit  lui-mê- 
me le  S.  Efprit  &  il  y  a  grande  appa- 
rence que  les  Phrygiens  l'en  croyoicntfur  fa 
parole. 

PHRYNÊ  y  {Mufiq.  des  anc.  )  PoIIux  , 
Onomafi.  Uv.  IV y  chap.  $  ,  parle  d'un 
air  ou  chanfon  qu'il  appelle  phry  né  y  de 
Camon ,  qui  en  étoit  probablement  l'auteur. 
Il  ajoute  que  cet  air  ou  nome  étoit  formé 
de  modulations  détournées  &  difficiles. 
{F.D,C.) 


P  H  T 

PHTHIES  ,  (  Geogr.  anc.  )  Phthîa-^ 
ville  de  Grèce  ,  dans  la  Phthiotide  ,  fur  le 
golfe  Maliacus.  Pline  ,  /.  IV,  c.  vij  y  la 
donne  comme  une  des  plus  célèbres  villes 
de  la  Phthiotide.  Pomponius  Mêla ,  lib.  II y 
c.  iij  ,  &  d'autres  auteurs  la  connoiflent. 
Eh  !  pouvoient-iis  ne  pas  connoître,  au 
moins  de  nom  ,  la  patrie  d'Achille  ?  Mais 
Procope  dit  que  de  fon  temps  cette  ville  ne 
fubfiftoit  plus  ,  &  qu'il  n'en  refîoit  aucun 
veftige  '■,  ce  qui  ne  favorife  pas  le  fentiment 
de  ceux  qui  prétendent  qu'on  la  nomme  pré- 
lentement  Pharfala.  2°.  Phthia  port  de 
Ja  Marmarique.  VioXomtQ  ^  lib.IV' ,  c.p, 
le  place  entre  la  grande  Cherfonaefe  & 
Paliurus.  On  veut  que  ce  port  s'appelle 
aujourd'hui  Patriarcha,  3°.  Phthia  ,  ville 
d'Alie  y  au  voiiînage  du  Pont-Euxin. 
Euftachius  ,  in  Dionyf.  dit  qu'elle  avoit 
été  fondée  par  les  Phthiotides  Achéens. 
{D.J.) 

PHTHIOTIDE,  (Gtb^r.  anc.  ) 
Phthiotis  ,  province  de  la  Thelîàlie.  Pto- 
lomée  y  place  plufieurs  villes  ,  entr'autres 
Pégafic  ,  Larilfa  ,  Coronia  &  Héraclia 
Phthiotidis.  La  Phthiotide  efl  maintenant 
une  partie  de  la  Jauna  ,  qui  borde  au  fud  le 
golfe  de  Volo. 

PHTHIRIASE  ,Ç.i.{  Médec.  )  phthi- 
riajis  ,  de  ^^û? ,  un  pou  j  voye\  Pédi- 
CULAIRE  ,  maladie  :  on  dit  que  c'ell  de 
cette  maladie  qu'cft  mort  le  chancelier  du 
Prat ,  cet  homme  qui  a  introduit  le  premier 
en  France  la  vénalité  des  charges  de  judi- 
cature  ;  qui  a  appris  l'art  de  mettre  toutes 
fortes  d'impôts  ;  qui  a  divifé  l'intérêt  du  roi 
d'avec  le  bien  public ,'  qui  a  mis  la  dif- 
corde  entre  le  confeil  &  le  parlement  ,  & 
qui  a  établi  cette  maxime  fi  faulTe  &  fî  nui- 
lible  à  la  liberté  naturelle,  qu'il  n'eft  point 
de  terre  fans  feigneur. 

PHTHIROPHAGIENS,  (Gf'og-r.  anc.) 
Phthirophagi  ,  peuples  qui  habitoient  fur 
les  bords  du  Pont-Euxin ,  félon  Pompo- 
nius Mêla.  Strabon  ,  lib.  II ,  pag.  499  , 
dit  qu'ils  avoient  été  nommés  ainfi  à  caufe 
de  leur  mal-propreté.  {  D.  J.) 

PHTHISIE  ,  f.  f.  (  Médec.  )  fe  dit  en 
général  de  toute  exténuation  ,  confomp- 
tion  ,  amaigrifTement  y  deîTéchement  & 
marafme  ,  qui  arrivent  au  corps  humain. 
Dans  le  langage  ordinaire  on  n'entend  par 


7^7 


P  HT 

I  ce  mot  que  la  feule  confomption  tabifique 
I  du  poumon. 

Nous  allons  traiter  hphthijie  en  général  ,• 
on  appliquera  aux  différentes  parties  ce  que 
nous  allons  dire  fur  cette  matière. 

Si  les  poumons ,  ou  quelqu'autre  partie 
noble ,  font  réellement  rongés  par  un  ulcère, 
on  appelle  cette  maladie  confomption  ;  & 
celle  gui  attaque  le  poumon  ,  fe  nomme 
phthijie  ;  ce  qui  provientde tout  ulcère  ,  ou 
de  toute  autre  caufe  de  pareille  nature  ,  qui 
appliquée  au  poumon  ou  à  une  autre  partie , 
le  corrompt  y  le  détruit  ,  &  fait  tomber 
cette  partie  dans  le  marafme  &  le  deîTé- 
chement. 

Le  foie  ,  le  pancréas ,  la  rate  ,  le  méfen- 
tere  ,  les  reins  ,  la  matrice  ,  la  veffie  ,  peu- 
vent être  ulcérés  &  produire  la  phthifie. 

Les  caufes  font  d'abord  toutes  celles  qui 
difpofent  à  i'hémophthilie ,  ou  aux  obff rue- 
rions des  vifceres  ;  d'où  il  fuit  un  ulcère  dans 
les  parties  ,  qui  les  confomme. 

L'habitude  &  le  tempérarwent  particulier 
y  influent  ,  ainfî  que  la  délicatefTe  des  vail- 
feaux  artériels  ,  &  des  membranes  qui  for- 
ment le  tiflu  des  vifceres  ;  l'irapétuoiité 
d'un  fang  un  peu  acre  ;  la  délicatefTe  des 
petits  vailîèaux  &  de  tout  le  corps  ;  la 
longueur  du  cou  ;  le  pau  de  capacité  de 
la  poitrine  ,  l'afïîiifTement  des  épaules  ;  la 
rougeur ,  la  ténuité  ,  l'âcreté  &  la  chaleur 
du  Ikng  ;  la  blancheur  &  la  rougeur  du 
vilage  ;  la  tranfparence  de  la  peau  ;  la  vi- 
vacité du  tempérament  ;  la  maturité  &  la 
iubtiiité  de  l'elprit ,  font  comme  des  lignes 
avant-coureurs  &  des  caufes  concomitan- 
tes de  la  phthijie  en  général  ,  &  fur-tout  de 
la  pulmonaire. 

2.®.  La  débilité  des  vifceres  qui  ne  peut 
fe  prêter  à  la  digeffion  des  alimens  natu- 
rellement trop  tenaces  ,  donne  lieu  à  des 
obffrudions  ;  d'ailleurs  les  alimens  mal 
élaborés  fe  corrompent  &  acquièrent  une 
acrimonie  qui  ulcère  les  vailîèaux  déjà 
irrités,  tiraillés  ,  &  fouvent  corrodés , 
enfuite  de  la  ffagnation  qui  a  produit  un 
crachement  de  fàng.  La  foibleiTe  des  vaif^ 
(eaux  fe  manifeffe  par  une  petite  fièvre 
légère  ,  &  une  petite  toux  feche  ;  par  une 
grande  chaleur  ;  par  la  rougeur  des  lèvres  , 
de  la  bouche  ,  des  joues ,  qui  augmente 
vers  le  temps  qu'il  entre  de  nouveau  chyle 


7iS  PHT 

vers  le  fang  ;  par  la  grande  difi^ofition  que 
Ton  a  à  fuer  en  dormant;  par  la  FoiblefTe  &  la 
difficulté  que  l'on  a  de  refpirer  ,  pour  peu 
qu'on  fe  donne  de  mouvement. 

3''.  La  phthifie  fe  forme  à  l'âge  que  les 
vaifleauxne  croiflentplus  ,  &  refirent  par 
ce  moyen  à  l'effort  que  font  les  fluides  pour 
les  dillendre  ,  tandis  que  le  fang  augmente 
en  impétuofité  ,  en  âcreté  ,  ce  qui  provient 
de  la  pléthore  vraie  ou  faufle.  Ceci  arrive 
entre  l'âge  de  feize  &  trente-fix  ans  ;  de 
meilleure  heure  dans  les  filles  que  dans  les 
garçons ,  parce  que  les  premières  font  plu- 
tôt formées. 

4°.  Ce  vice  qui  ^voéxntl^i  phthijîe  ,  vient 
d'une  difpofition  héréditaire. 

Les  caufes  déterminantes  font ,  i^.  toutes 
les  fuppreffions  Àqs  évacuations  ordinaires, 
fur-tout  du  fang  ,  comme  du  flux  hémor- 
rhoïdal ,  du  flux  raenflruel  &  des  vuidanges , 
du  faignement  de  nez  ;  la  ceflation  des  fai- 
gnées  auxquelles  on  s'étoit  accoutumé ,  fur- 
tout  dans  les  perfonnes  d'un  tempérament 
pléthorique ,  ou  à  qui  l'on  a  coupé  quel- 
que membre. 

iP.  Par  tout  état  violent  du  poumon  , 
fur-tout  qui  atira  été  produit  par  la  toux  , 
les  cris,  les  chants  ,  la  courfe  ,  de  grands 
efforts ,  par  la  colère  ,  par  une  bleffure 
quelconque. 

3°.  Par  des  alimens  falins  ,  acres  ou  aro- 
matiques ,  par  une  boiffon  femblable  ;  par 
le  régime  ,  par  une  maladie  propre  A  aug- 
menter la  quantité  &  l'acrimonie  du 
fàng  ,  fa  vélocité  ,  fa  raréfadion  &  fa 
chaleur.  Delà  vient  que  ces  fymptomes  font 
fi  fréquens  à  la  fuite  des  fièvres  ai- 
guës ,  delà  pefle  ,  de  la  petite  vérole  &  du 
feorbur. 

Symptômes.  La  phthifie  commence  ac- 
compagnée d'une  douleur  légère  ,  d'une 
chaleur  modique  ,  &  d'une  oppreffion  de 
poitrine.  Le  fang  qui  fort  du  poumon  eft 
ordinairement  rouge  ,  vermeil  &  écumeux , 
plein  de  petites  fibres ,  de  membranes  ,  de 
vailîèaux  artériels  ,  veineux  &  bronchiques  ; 
il  fort  avec  toux  &  bruit ,  ou  ralement 
des  poumons.  Le  pouls  eftmoa,  foible  & 
ondoyant  ;  la  refpiration  eft  difficile  :  tous 
ces  fymptomes  font  précédés  d'un  goût  de 
fel  dans  la  bouche. 
>    Lorfque  la  phthifie  eft  menaçante  ou  con- 


Put 

I  fîrmée  ,  on  la  peut  reconnoitre  par  les 
fignes  fuivans.  i**.  Une  toux  feche  quî 
continue  pendant  plufieurs  mois  ,  tandis 
qu'un  fimple  catarre  humoral  ne  dure  pas 
long-temps.  Le  vomiflement  qui  vient  de 
cette  toux  après  le  repas  ,  eft  un  figne  très- 
certain  de  hphthifie. 

.  2°.  La  fièvre  éthique  ,  où  l'on  fènt  une. 
chaleur  à  la  paume  de  la  main  &  aux  joues  y 
fur- tout  après  le  repas. 

3°.  L'exténuation  des  parties  folides  qui 
fe  remarque  particulièrement  à  l'extrémité 
des  doigts ,  &  qui  caufe  la  courbure  des 
ongles. 

4°.  La  fièvre  éthique  qui  dégénère  en 
fièvre  coliquative  &  en  confomption  ,  la 
fahvation  ,  les  fueurs  coliquatives  ,  la  bouf- 
fiffure  ,  \gs  hydropilies  ;  les  aphtes  au 
gofier  ,  qui  font  opiniâtres  &  incurables  , 
font  connoître  que  la  mort  n'eft  pas 
éloignée. 

La  phthifie  héréditaire  eft  la  plus  mau  vaifè 
de  toutes  ;  &  on  ne  peut  la  guérir  qu'en 
prévenant  le  crachement  de  fang  ,  ou  les 
autres  caufes  qui  peuvent  la  déterminer. 

Celle  qui  vient  d'un  crachement  de  fang 
produit  par  une  caufe  externe  ,  fans  qu'il 
y  ait  de  vice  externe  préexiftant  ,  toutes 
chofes  égales  ,  eft  la  moins  dangereufe. 

5°.  La  phthijîe  dans  laquelle  la  vomique 
fe  rompt  tout-à-coup  ,  &  dans  laquelle  on 
crache  un  pus  blanc,  cuit ,  dont  la  quan- 
tité répond  à  l'ulcère  ,  fans  foif  ,  avec 
appétit  ,  bonne  digeftion  ,  fecrétion  & 
excrétion  ,  eft  à  la  vérité  difficile  à  guérir; 
cependant  elle  n'eft  pas  abfoluraent  incu- 
rable. 

6°.  La  phthifie  qui  vient  de  l'empyerae 
eft  incurable. 

y^.  Quand  les  crachats  font  folides  , 
pefans  &  de  mauvaife  odeur  ,  &  accom- 
pagnés des  fymptomes  décrits  ci-deiTus  ,  il 
n'y  a  plus  d'efpérance. 

Curation.  Lorfqu'il  s'eft  déjà  formé  une 
vomique  dans  le  poumon  ,  l'indication  mé- 
dicale eft  de  la  rompre;  &  on  en  vient  à 
bout  par  l'ufàge  du  lait ,  l'exercice  du  che- 
^  val  ,  les  vapeurs  tiedes  &  les  remèdes  ex- 
peâorans.  T^oye^  VoMIQUE. 

Lorfque  la  vomique  eft  crevée ,  on  la 
traite  comme  un  ulcère  interne,  i*.    On 

garantit 


P  HT 

garantit  le  fang  de  l'infedion  du  pus.  i".  On 
évacue  le  pus  le  plus  promptement  qu'il  eu 
poiîible  ;  on  nettoie  &  on  conl^Ade  les 
lèvres  de  l'ulcère.  3'*'  On  doitufer  d  alimens 
aifés  à  digérer ,  &  propres  à  circuler  avec  le 
fang  y  &  capables  de  nourrir  le  corps  ,  & 
incapables  d'engendrer  de  nouveau  pus. 

Oii  fafisfait  à  la  première  indication  par 
l'ulage  des  médicamens  d'une  acidité  & 
d'une  falure  douce  &  agréable;  par  des 
remèdes  vulnéraires  &  balfamiques,  donnés 
long-temps,  en  toute  forme  &  à  grande 
dofe.  Vqye^  BALSAMIQUE. 

On  fatisfait  à  la  féconde  par  les  remèdes 
liquides  ,  diurétiques  externes  &    internes 

(  Voyei  Diurétique  )  ;  par  ceux  qui 

font  propres  à  exciter  la  toux  ;  par  i'équi- 
tation  ,  l'air  de  la  campagne  étant  propre 
à  hâter  la  fortie  du  pus  ;  par  les  déteriifs 
&  les  balfamiques  internes  &  externes 
(  Voye^  DÉTERSIF  )  ;  &  enfin  par  des 
parégoriques  confolidans. 

On  remplit  la  troifieme  par  l'ufage  des 
bouillons  ,  du  lait  &  des  tifanes.  VoycT^  ces 
articles. 

La  cure  palliative  de  la  phthifie  regarde 
la  toux  ,  les  oppreflîons  ,  la  fièvre  lente  & 
le  flux  de  ventre  coUiquatif. 

On  y  remédie  par  la  diète ,  des  opiats 
prudemment  adminifirés  ,  &  des  liqueurs 
chaudes  convenables. 

Remèdes  pour  la  phthijle.  On  emploie 
difFérens  reniedes  pour  la  phthifie  ;  voici 
ceux  que  confeille  Morthon.  Il  commence 
par  la  faignée  ,  la  purgation  douce  avec 
les  pilules  de  .  Rufus  ,  la  teinture  facrée  ; 
il  emploie  les  diurétiques  ,  le  baume  de 
foufre  térébenthine  ,  les  eaux  minérales, 
les  diaphoréfiques ,  la  décoction  des  bois 
dans  l'eau  de  chaux. 

Lorfque  le  catarre  fe  trouve  joint  à  la 
chaleur  ctique  ,  il  faut  mêler  les  narco- 
tiques avec  ,  les  purgatifs  ;  \q^  meilleurs 
font  les  pilules  de  cynogloffe  ou  celles  de 
•llyrax  :  on  rafera  la  tête  du  malade  , 
on  y  appliquera  les  véficatoires  à  la  nu- 
que entre  les  épaules  ,  aux  cuifTes  &  aux 
jambes.  ^ 

La  phthifie  confirmée  ne  fe  guérit  Jamais  , 

mais  il  ne  faut  pas  pour  cela  abandonner 

le  malade  ;  parce  que  fi  l'on  ne  peut  pas 

jguérir    radicalement    une  maladie., -l'hu- 

TomeXXV, 


P  H  T  '  71^ 

■  manité  veut  que  l'on  tâche  au  moins 
de  foulager  le  malade  par  une  cure  pal- 
liative. 

Le  lait  dans  la  phthifie  pulmonaire  avec 
le  baume  de  foufre  &  les  pilules  de 
Morthon-,  efi  un  excellent  remède  :  on 
fubfiitue  au  lait  les  bouillons  au  riz  ,  à 
l'orge ,  ■  &^. 

Dans  la  diarrhée  ,  la  décodion  blanche 
doit  être  la  boifibn  ordinaire  du  malade  ; 
mais  l'opium  eft  le  principal  remède. 

Electaaire  contre  la  diarrhée.  Prenez 
des  yeux  d'écreviffe  préparés  ,  un  gros  & 
demi  ;  du  corail  rouge  préparé  ,  &  de  la 
nacre  de  perle ,  de  chacun  deux  fcru- 
pules  ;  de  perles  préparées  ,  un  demi-gros  ; 
des  poudres  de  la  confection  hyacinthe  , 
un  fcrupule  ;  de  l'efTence  de  cannelle  , 
quatre  gouttes  ;  de  la  gelée  de  coings  , 
une  once  ;  du  labdanum  dllTous  dans  l'ef- 
prit  de  (afran  ,  fix  grains  ;  du  firop  balfà- 
mique  ,  autant  qu'il  en  faut  pour  faire  un 
éleduaire ,  ^c. 

Pour  adoucir  l'acrimonie  ,  on  fait  pren- 
dre les  bouillons  de  veau  ,  de  mouton ,  de 
mou  de  veau  ,  d'efcargots. 

On  fait  quelquefois  des  injedions  &  des 
clyfteres  avec  le  bouillon  de  mouton ,  & 
une  demi-once  dediafcordium. 

Les  narcotiques  font  excellens  dans  les 
cas  de  diarrhée  ,  à  caufe  du  tranfport  de 
la  matière  morbifique  qui  fe  fait  de  la 
poitrine  fur  les  inteflins.  Il  ne  faut  pourtant 
pas  arrêter  raal-à-propos  ni  fi  prompte- 
ment la  diarrhée  ,  de  peur  de  caufer  iws 
plus  grand  mal  :  ce  que  l'on  préviendra 
^  donnant  au  malade  des  potions  expec- 
4brantes  &  lubrifiantes ,  &  en  modérant 
plutôt  la  diarrhée  qu'en  l'arrêtant  tout-à- 
coup.       '  ,  - 

On  ne  doit  prefqu'employer  que  l'opium, 
pour  calmer  la  toux  &  donner  du  repos 
au  malade  ,  qui  eft-  travaillé  d'une  infomnie 
opiniâtre  ;  mais  on  doit  l'ordonner  avec 
beaucoup  de  précaution  &  en  petite  quan- 
tité ,  &  feulement  dans  une  nécellité  très* 
prefîante  ,  de  crainte  qu'il  ne  jette  le  raa^ 
lade  dans  des  langueurs  &  dans  de  grandes 
difficultés  de  refpirer,  &  qu'il  ne  lui  caufc 
un  troid  aux  extrémités ,  &  qu'ainfi  il  n'ar 
vance  fa  mort ,  à  la  honte  du  médecin. 
•  Les  loochs  de  diiférente  forte.,.  &  les 


730  '  P  H  T 

trochifques  ou  tablettes  ,  font  ici  d'un  bon 
ufage. 

Les  Tueurs  colliquatives  ne  doivent  pas 
t'tre  arrêtées  ,  à  moins  qu'elles  ne  foient 
exceffives  ;  mais  fi  elles  font  {i  abondan- 
tes qu'elles  caufent  au  malade  des  défail- 
knces  dangereufes  ,  on  les  modère  par  des 
aftringcns  &  d'autres  fecoiu-s  convenables. 

On  fe  fert  à  cette  intention  du  julep 
fuivant.  Prenez  des  eaux  de  tormentillc  & 
de  plantin  ,  de  chacune  quatre  onces  & 
demie  ;  de  l'eau  de  cannelle  ,  quatre  onces  ; 
de  l'eau  admirable ,  une  once  ;  de  perles 
préparées ,  &  du  corail  rouge  préparé  ,  de 
chacun  deux  fcrupules  ;  du  bol  &  du  fang 
de  dragon  ,  de  chacun  demi-gros  ;  du  ca- 
chou ,  un  fcrupule  ;  du  lirop  de  myrrhe  , 
une  once  &  demie  ;  de  l'eiprit  de  vitriol 
dulcifié  ,  ce  qu'il  en  faut  pour  donner 
nu  remède  une  agréable  acidité  :  mêlez 
tout  cela  pour  un  julep.  Le  malade  en 
prendra  deux  ou  trois  onces  ,  à  deux  ou 
trois  heures  d'intervalle,  après  avoir  agité 
la  phiole. 

On  peut  rapporter  à  la  phthifie  &  à  la 
cure  que  nous  venons  de  donner  ,  diffé- 
rentes autres  maladies  qui  portent  le  nom 
de  phthifie  ,  &  qui  ne  différent  que  par  le 
fiege,  la  caufe  éloignée,  ou  différentes 
autres  modifications.  Telles  font  la  phthi- 
fie par  hémorrhagie  ;  elle  fe  guérit  après 
que  l'hémorrhagie  eft  paffée  ,  par  les 
adouciflans  ,  le  lait  ;  le  malade  tombe 
dans  la  fièvre  étique  ,  qu'on  emporte  par 
le  quinquina. 

Les  purgatifs  font  fur-tout  nuifibles  dans 
cette  maladie. 

La  phthifie  cai^fée  par  la  gonorrhée  otr 
par  les  fleurs  blanches  ,  quand  elle  efl  con- 
firmée ,  eu  abfolument  incurable. 

Quand  elle  efl  récente  ,  on  arrête  d'a- 
bord les  évacuations ,  enfuite  on  emploie 
la  diere  reflaurante.   V.  GoNORRHÉE  & 

Fleurs  blanches. 

Pour  éteindre  la  chaleur  fébïile  &  étique, 
Tufage  du  petit-lait  &  de  l'eau  ferrée  efl 
tiès-convenable. 

La  phthifie  qui  fuccede  aux  abcès  &  aux  '' 
ulcères  du  foie  ,  de  la  rate  ,    du  pancréas , 
du  mcfentere. 

On  commence  par  guérir  les  abcès  & 


PHT 

rieurs  &  extérieurs  ;  la  boiffon  ordinaire 
du  malade  fera  d'une  eau  de  chaux. 

La  jJpfhifie  des  nourrices  Iceonnoît,  i°,à 
la  dimmution  de  l'appétit ,  à  la  foibleffe  & 
au  refferrement  des  hypocondres. 

La  phthifie  des  enfans  qui  vient  du  car- 
reau ,  &  qui  font  en  état  de  chartre ,  l'oyet^ 
Chartre. 

La  phthifie  rachitiquc  provient  du  virus 
rachitique ,  &  enfin  de  la  confomption 
totale  qu'il  produit  dans  la  lymphe ,  des 
nodofités  qui  compriment  les  vaiffcaux. 
Kq)'q  RaCHITIS. 

La  phthifie  qui  furvicnt  à  la  diarrhée ,  à 
la  dyffenterie  ,  aux  diabets  ,  aux  futurs 
exccflives ,  n'a  rien  de  particulier  :  on  iuivra 
le  plan  de  la  cure  générale. 

La  phthifie  écrouelleulè  ;  on  la  connoît 
par  les  tumeurs  fcrophuleufes  &  crues  des 
ophtalmies ,  des  gales  &  autres  affedions. 
yqye:{  ECROUELLES. 

On  doit  faire  ici  une  artention  ,  que  cette 
maladie  eff  la  plupart  du  temps  abandonnée 
à  des  chirurgiens  fans  connoiffance  ,  qui 
ne  favent  que  tailler  &  rogner  :  ce  qui  ne 
guérit  pas  ce  mal. 

La  phthifie  fcorbutique.  Les  principaux 
fignes  font  les  taches  fcorbutiques  "répan- 
dues fur  tou{e  la  peau  ,  le  crachement 
prefque  continuel  d'un  pus  vifqueux  &  ialé 
que  fourniffent  les  glandes  jugulaires ,  f  ul- 
cération &  l'exténuation  des  mâchoires. 
l^oye\  Scorbut. 

La  phthifie  afihmatique.  Les  fignes  font 
la  courte  haleine  &  la  difficulté  de  ref^ 
pirer  ;  cette  phthifie  eiï  une  maladie  chro- 
nique ,  qu'on  appelle  la  phthifie  delà vieil- 
lefïè. 

La  phthifie  hypocondriaque  ou  hyfîéri- 
que ,  efl  celle  qui  furvient  aux  affedions 
de  ce  nom ,  &  ce  que  l'on  appelle  l'a- 
peurs.  Voyei  PhTHISIE  NERVEUSE  & 

Vapeurs. 

Phthisie  dorsale,  {Médecine.) 
efpece  de  phthifie  qui  a  été  ainfi  appellée  , 
parce  qu'outre  les  fymptomes  généraux , 
elle  efl  accompagnée  d'une  démangeaiiba 
douîoureufe  &  finguliere  le  long  de  l'épine 
du  dos  ;  les  malades  la  repréfentent  en  la 
comparant  à  la  fcnfation  que  feroient  une 
grande  quantité  de  fouriiiis  qui  couifoien» 
fui;  cette  partie» 


P  HT 

Hippocfate  eft  le  plus  ancien  auteur  qui 
air  parlé  de  cette  maladie  ,  &  celui  qui  l'a 
décrite  avec  le  plus  d'exaditude.  Ceux  qui 
en  font  attaqués  évacuent  avec  l'urine  ,  ou 
en  même  temps  qu'ils  font  des  efforts  pour 
aller  â  la  Telle  ,  une  grande  quantité  de 
(èmcnce  liquide  ;  ils  font  fujets  à  des  pol- 
lutions nodurnes  {i-'qyê7  ce  mot) ,  ce  qui 
les  jette  dans  une  foiblefle  extrême ,  &  dans 
une  maigreur  alFreufe  :  leur  refpiration  eu 
difficile  &  courte  ;  ils  l'ont  elToufiés  au 
moindre  mouvement ,  prêts  à  fufïoquer 
quand  ils  ont  couru  ou  monté  dans  des 
lieux  élevés  :  une  pefanteur  de  tête  les 
tourmente  fans  cefle  ,  &  un  tintement 
importun  leur  fatigue  l'oreille  ;  ils  éprou- 
vent fouvent  des  attaques  de  fièvre  vio- 
lente ,  enfin  la  fièvre  lipyrie  fe  déclare  , 
un  feu  intérieur  les  conlUme  ,  tandis  que 
les  parties  externes  font  preique  toujours 
glacées.  Il  n'efl  pas  rare  alors  de  voir  fur- 
venir  des  (ymptomes  efFrayans  ,  avant- 
coureurs  d'une  mort  terrible  ,  &  pour 
l'ordinaire  bien  méritée.  Lib.  II,  de  mor- 
bis  y  de  aère  ,  de  locis  Ù  aquis  ,*  de  genït. 
de  natur.  pueri. 

La  phthijie  dorfale  eft  la  fuite  familière 
&  la  jufle  punition  des  débauches  outrées  , 
des  excès  dans  les  plaifirs  vénériens  ;  tous 
les  accidens  qui  l'accompagnent  ont  pour 
caufe  l'évacuation  immodérée  de  la  fe- 
mence ,  dit  Hippocrate  ,  qui  porte  (es 
principaux  coups  fur  le  cerveau  &  fur  la 
moelle  épinicre ,  qui  n'en  eft  qu'un  pro- 
longement. Trois  autres  caufes  peuvent 
aulîi ,  fuivant  le  même  auteur  ,  produire 
cette  maladie  ,  quoique  moins  fréquem- 
ment ;  (avoir ,  un  influx  trop  abondant 
de  fang  dans  la  moelle  épiniere  ,  un  tranf- 
port  d'humeurs  de  mauvais  caradere  fur 
cette  partie  y  &  enfin  fon  exficcation  ; 
mais  alors  l'excrétion  de  femence  n'eft  pas 
fi  abondante ,  &  les  accidens  ne  font  ni 
aulfi  rapides  ni  aufli  violens.  Le  danger 
cft  plus  grand  &  plus  prochain  dans  la 
vraie  phthifie  dorfale  qui  a  pris  naiflance  de 
la  diffipation  exceffive  de  la  femence  :  ces 
malades  font  fujets  à  dés  enflures  de  jam- 
bes ,  à  des  ulcères  opiniâtres  &  périodi- 
iques  dans  la  région  des  lombes ,  à  des 
catarades  épaifles  fur  les  yeux  ;  il  n'eft 
,pa$  rare  d'en  voir  qui  perdent  tout-à-fait 


PHT  ^n 

la  vue.  La  plithifie  dorfale  eft  foûvent  pré- 
cédée &  accompagnée  de  fatyriafis ,  du 
priapifrae  ,  de  la  pollution  nodurne  ,  &  des 
accidens  terribles  qui  fe  rencontrent  dans 
ces  maladies.  l^oye\  ces  articles  Ù  Ma- 
NUSTUPRATION  ,  qui  eft  une  des  prin- 
cipales caufes.  Les  malades  parvenus  A  ce 
point ,  n'échappent  prefque  jamais  à  la 
mort.  Ce  fut  ainfi  que  fe  termina  cette 
maladie  dans  Grypalopax  ,  dont  Hippo- 
crate rapporte  Thiftoire  ,  epidem.  lib.  VI, 
fect.viij.  text,  ^z  ,  qui  tombé  dans  cette 
confomption  ,  étoit  fujet  à  des  excrétions 
involontaires  de  femence  ,  non  feulement 
durant  la  nuit  ,  à  l'occafion  de  fonges 
voluptueux  ,  mais  même  pendant  le  jour 
étant  très-bien  éveillé. 

Les  diflipations  ,  les  voyages ,  l'exer- 
cice ,  l'équitation  ,  &  les  plaifirs  qui  foient 
plus  propres  à  difliper  qu'à  faire  naître  les 
idées  voluptueufes  ,  font  les  principaux 
fecours  defquels  on  puifle  atÉtndre  du 
foulagement  dans  cette  maladie  :  fans  leur 
concours  ,  en  vain  fatiguera-t-on  le  ma- 
lade par  les  médicamens  qui  paflent  pour 
les  plus  appropriés  ;  on  n'en  obtiendra  que 
peu  ou  point  d'eftèt  ;  le  parti  le  plus  avan- 
tageux eft  de  les  féconder  les  uns  par  les 
autres.  Ainfi  aux  fecours  indiqués  on 
pourra  joindre  l'ufage  d'alimens  légers , 
de  facile  digeftion  ,  &  capables  de  fournir 
une  bonne  nourriture ,  &  des  remèdes  qui  , 
fans  occafioner  du  trouble  dans  la  ma- 
chine ,  réparent  doucement  fes  pertes  ,  Sc 
rétabliflent  infenfiblement  le  ton  des  vaif» 
féaux  relâchés.  C'eft  pourquoi  on  évitera 
avec  foin  les  purgatifs  de  quelque  efpece 
qu'ils  foient ,  &  tous  les  remèdes  échauf- 
fans  ;  on  mettra  le  malade  au  lait ,  même 
pour  toute  nourriture  ;  mais  on  infiftera 
davantage  fur  celui  d'ânefle.  Hippocrate 
confeille  d'en  continuer  l'ufage  pendant 
quarante  jours  ;  pendant  ce  temps  on 
pourra  faire  prendre  quelques  légères  pri- 
(es  d'une  poudre  tonique  faite  avec  là 
quinquina  ,  le  nitre  &  le  fafran  de  mars  , 
ou  le  tartre  chalybc  :  on  augmentera  in- 
fenfiblement la  (lofe  de  ce  remède  à  me- 
fure  qu'on  s'appercevra  de  (es  bons  effets  , 
qu'il  n'anime  pas  trop ,  &  n'entraîne  aucun 
accident.  On  pourra  venir  enfui  te  à  l'ufage 
des  bouillons  ftomachiques ,  des  extrait^ 
Zzzz  ^ 


73*  P  H  T 

amers ,  de^  eaux  minérales  fcrrugîneufè»  , 
excellentes  à  plus  d'un  titre  :  par  ce  moyen 
on  parviendra  à  arrêter  les  progrès  de 
cette  funefle  maladie  ,  &  peut-être  à  la 
guérir  entièrement  ;  il  ne  faut  pas  oublier 
que  Içs  bains  froids  font  très-bien  indiqués 
dans  le  cas  préfent  (  Voy€\  Manustu- 
PRATION  )  ;  ils  ont  l'admirable  propriété 
de  calmer  la  mobilité  des  nerfs ,  de  leur 
donner  de  la  forcç  &  du  ton  ,  fans  exciter 
la  moindre  chaleur  ou  la  plus  légère  agita- 
tion ;  avantages  bien  précieux ,  fur-tout 
dans  le  traitement  de  cette  maladie. 
,,  Phthisie  nerveuse  ;c'eft  unecon- 
fomption  tabide  de  tout  .  le  corps  ,  fans 
fièvre  ,  fans  toux  ,  ni  <iilT5culté'de  refpircr 
qui  foit  confidérabie.,  avec  perte  d'appé- 
tit ,  indigeftion  &  grande  iolblclTe  ,  les 
ehairs  étant  fondues  &  confumées.  Cette 
maladie  attaque  quelquefois  les  Anglois  , 
&  fur-tout  dans  les  derniers  temps  ,  de 
même  qut  quelques  françois.  La  cauiè  eri 
eft  évidente,  c'eft  l'ufàge.  des  liqueurs 
fpiritueufes  ;  elle  arrive  auffi  à  ceux  qui 
reviennent  des  Indes  occidentales  :  toute 
l'habitude  du  corps  paroît  d'abord  œdéma- 
teufè  &  fe  gonfle  ,  étant  remplie  d'une 
lymphe  vapide  &  nullement  fpiritueufe  ; 
le  vifage  eft  pâle  ,  l'eftomac  répugne  à 
toutes  fortes  d'alimens ,  à  l'exception  des 
liquides  ;  le  malade  rend  peu  d'urine ,  qui 
fouvent  efl  rouge ,  quelquefois  pourtant  pâle 
&  abondante.  Il  n'y  a  ni  fièvre  ni  difficulté 
de  refpirer ,  fi  ce  n'efl  dans  le  dernier  état 
de  la  maladie.  Le  genre  nerveux  eil  afîèdé 
dans  cette  maladie  ,  mais  l'eflomac  en  efl 
iùr-tout  le  fiege. 

.  Les  caufes  primitives  font  pour  l'ordi- 
naire les  violentes  paifions  de  l'ame ,  l'ufage 
trop  fréquent  &  trop  abondant  des  hqueurs 
fpiritueufes  ,  le  mauvais  air ,  &  générale- 
ment tout  ce  qui  peut  produire  \ç.s,  crudi- 
tés. C'ef}  une  vraie  maladie  chronique  ,  & 
très-difficile  à  guérir  ,  à  moins  qu'on  ne  s'y 
applique  dès  fon  commencement  ;  elle  fe 
termine  ordinairement  par  une  hydropifie 
incurable. 

Traitement.  Il  demande  les  remèdes 
généraux,  &  enfuite  les  flomachiques  in- 
térieurs &  les  extérieurs,  les  martiaux  ,  les 
anti-fcorbutiques  ,  les  céphaliques  ,  les 
amers.  Il  faut  purger  de  la  façon  lûivante  : 


•^  P  H  U 

prenez'des-eaux  de  cefîfe^  noires ,  de*  pi- 
voine ,  de  poudre  de  hiera. 

On  emploie  extérieurement  l'emplâtre 
flomachiquc  magifiral ,  avec  quelques  gout- 
tes d'huile  de  cannelle  &  d'abfinthe  fiir  la 
région  de  l'eflomac.  On  fe  fert  en  été  des 
eaux  minérales  ferrugineufes.  Entre  les  pré- 
parations du  mars  ,  l'extrait  de  Menficht 
efl  à  préférer. 

PHTOSE,  {Médec.)  ^^<>ui  y  relâche- 
ment de  la  paupière  ,  dans  lequel  cas  fbii 
bord  fe  retourne  en  dedans  ,  conjointe- 
ment avec  fès  cils  qui  offenfent  &  bleffent 
l'œil  ;  c'eft  une  efpece  de  trichiafe.  Voye-^ 
TllICHIASE.  {D.J.) 

PHURIM  ou  PUHIM  ,  {Crit.  facr.) 
c'efi- à-dire  ,  \qs  forts  ,  fête  très-folcmnelle 
des  Juifs ,  inftituée  en  mémoire  de  leur 
heureilie  délivrance  du  projet  des  forts  que 
fit  jeter  Aman  par  des  devins  ,  pour  exter- 
miner toute  la  nation  juive  qui  fe  trouvoit 
dans  les  états  d'Artaxerxes.  On  fait  par  le 
livre  d'Eflher  ,  les  détails  de  cet  affi-eux 
projet ,  comment  il  échoua  ,  le  fupplice 
d'Aman  &  de  fa  famille ,  &  le  mafiacre 
que  les  Juifs  eux-mêmes  ,  autorifés  par  le 
roi  de  Perfe  à  fe  défendre ,  firent  en  un 
feul  jour  de  tous  leurs  ennemis  ,  le  13  du 
moisAdar,  l'an  45 2  avant  J.  C.  Délivrés 
du  danger  qui  les  avoit  menacés  d'une 
extermination  totale  ,  ils  en  célébrèrent 
pendant  deux  jours  des  réjouifîànces  ex- 
traordinaires :  par  ordre  d'Eflher  &  de 
Mardochée  ,  trois  jours  entiers  furent  con- 
fàcrés  pour  en  faire  tous  \qs  ans  la  commé- 
moration ;  le  premier  jour  par  un  jeûne , 
&  les  deux  autres  par  des  aâes  de  vive 
réjouifTance.  Efther /a: ,  2.0  _,  2.2..  Jofeph, 
Antiq.Uv.  XI.  c.  vj. 

Ils  obfervent  encore  aujourd'hui  le  jeûne 
&  la  réjouifTance  ;  ils  appellent  le  jeûne, 
lej'eûne  d'EJiher y  &  nomment  la  réjouif- 
fance  ,  la  fête  de  Purim  ou  Phurim  y 
parce  qu'en  perfan  ,  purim  fignifie  les 
forts  y  &  qu'Aman  s'étoit  fervi  de  cette 
efpece  de  divination  pour  fixer  le  jour  de 
leur  perte.  Cette  fête  a  été  long-temps 
célébrée  parmi  les  Juifs  ,  dans  le  goût  àçs 
bacchanales  ;  &  ils  y  poufîbient  la  débau- 
che à  de  grands  exchs  ,  du  moins  pour 
la  boifibn  ,  prétendant  que  ce  fut  par  des 
fefUas  qu'Ejfther  fut    mettre    Artaxerxes 


P  H  Y 

dans  la  bonne  humeur  dont  elle  avolt 
befoin  pour  obtenir  la  délivrance  de  fa 
nation. 

Pendant  les  jours  de  cette  fête  ,  on  lit 
folemneliement  dans  les  fynagogues  le  livre 
d'Efther  :  tout  le  monde  y  doit  affilier  y 
hommes  ,  femmes  ,  enfans  &  fervireurs  , 
parce  que  tous  ont  eu  part  à  la  délivrance. 
Chaque  fois  que  le  nom  d'Aman  revient 
dans  cette  lefture  ,  la  coutume  établie  eft 
de  frapper  des  mains  &  des  pies ,  en  s'é- 
criant  :  que  fa  mémoire  périjje  I  C'ell  la 
dernière  fête  de  leur  année  ,  car  la  lui- 
v-ante  eft  la  paque  qui  eu  toujours  au  mi- 
lieu du  mois  par  lequel  commence  l'année 
àts  Juifs.  (Z>.  /.  ) 

PHYCITES  ,  (  Hifi.  nat.  )  nom  donné 
par  les  anciens  naturalises  à  une  pierre 
chargée  de  l'empreinte  d'une  plante  ma- 
rine ,  telle  que  l'algue  ou  le  fucus. 

PHYC US  ,  (  Géog.  anc.  )  promontoire 
&  forterefîe  de  la  Cyrénaïque  ,  lelon 
Ptolomée,  liv.  IV,  ch.  h-.  Sirabon ,  là'. 
XP^II.  pag.  86)  ,  dit  que  le  promontoire 
efl  fort  peu  élevé ,  mais  qu'il  s'étend  beau- 
coup du  côté  du  nord.  Les  mariniers  ita- 
hens  le  nomment  Caborena^  à  ce  que  pré- 
tend Niger. 

PHYGELA,  {Gtogr.  anc.)  ville  de 
rionie.  Piine  ,  /zV.  V.  c.  xxix.  S^  Pom- 
ponius  Mcla  ,  lii'.  I.  c.  xi'ij  y  difent  qu'elle 
fur  bâtie  par  des  fugitifs.  Strabon  ,  lii^re 
XIV  y  p.  639;  Etienne  le  géographe  qui 
l'a  fuivi,  &  Surdas  ,  ne  dérivent  pas  ce 
nom  de  çvyjcf ,  qui  veut  dire  un  fugitif  y  un 
exile' y  mais  de  •?:'>«:' ,  forte  de  maladie  dont 
les  compagnons  cf  Agamemnon  furent  atta- 
qués ,  &  qui  les  obligea  de  demeurer  dans 
ce  lieu  ;  auffi  ces  auteurs  n'écrivent-ils  pas 
Phygela  ,  mais  Pugela.  Diofcoride*,  Up. 
V.  c.  xij  y  fait  l'éloge  du  vin  de  Phygela. 
Selon  le  P.  Hardouin  ,  le  nom  moderne  de 
cette  ville  eft  Figela.  {D.  J.) 
•  PHYGETHLON  ,  f.  m.  terme  de  Chi- 
rurgie y  tumeur  inflammatoire  ,  éréfipéla- 
tcufe  ,  dure  ,  tendue  ,  large  ,.peu  élevée  , 
garnie  de  petites  pullules  ,  accompagnée 
d'une  douleur  &  d'une  chaleur  brûlante , 
&  qui  ne  vient  prefque  jamais  en  fuppura- 
tk)n.   Voye\  TUMEUR. 

Ce  mot  efl  dérivé  du  grec  (fiva  ,  f  en- 
gendre. .        * 


PHY  ^ii 

Le  phygethlon^ne  difTre  du  phyma  , 
qu'en  ce  qu'il  ne  s'élève  pas  fi  haut;  il  vient 
à  maturité  très-doucement ^  &  ne  produit 
qu'un  peu  de  pus.  Voye^  Phyma. 

Gorrsus  définit  le  pliygethlon  ,  un  phleg- 
mon qui  vient  fur  les  parties  glanduleufes  , 
particulièrement  autour  du  cou  ,  des  aif. 
lelles  &  de  l'aine  :  ce  dernier  elt  appelle 
buhon.   Voyei  PHLEGMON. 

Les  caufes  &  les  f}'mptomes  du  ph3'ge- 
thlon  (ont  \cs  mêmes  que  ceux  du  bubon 
commun.  F'q)'^:{BUBON.  Il  vient  fouvent 
après  Us  fièvres  &  les  douleurs  de  bas- 
ventre  ;  on  \ts  guérit  de  même  que  les 
autres  inflammations.  Voye^  INFLAMMA- 
TION. (  r) 

PH YLACE  ,  (  Geogr.  anc.  )  nom  com- 
mun à  quatre  diîféreas  endroits.  1°.  C'étoit 
une  ville  de  la  Theffalie  ,  dans  la  Phtiothide , 
au  voifinage  des  Maliens,  félon  Strabon  , 
lii'.IX.pag.  45  j.  lien  efl  f  lit  mention 
dans  rihade  ,  B.  v.  GqG.  On  ne  fait  fi  elle'' 
étoit  fur  la  côte  ou  dans  les  terres.  2°,  C'é-' 
toit  un  lieu    du  Péloponefe.    Paufanias , 
Arcad.    c.  ult.  dit  que  c'efl  où  le  fleuve, 
Alphée  prenoit  fa  fource.   3®.  C'étoit  une' 
ville  de  la  Moloflide  ;   félon   Tite  -  Live , 
/.  XLV.c.  xxij  y  elle  étoit  différente  de - 
celle  de  Theffalie.  4°.  C'étoit  enfin  une  ville 
de  la  Macédoine  dans  la  Piérie  ,  félon  Pto- 
lomée,   //V.  III,  c.   xiij ,  qui  écrit  aulïî 
phylacx.   {D.   J.) 

PHYLACTERE,  f  m.    {Hifl.  anc.) 
nom  quifignifie  en  ^rec  pref en- atif  y  &  que 
les   Juifs  ont  donné  à  certains  inflrumens 
ou  ornemens  qu'ils  portoicnt  &  qu'ils  ap-' 
pelloient  en  hébreu   thephilim  ,    c'efl -la- 
dite ,  infirumens  de  prière  y    parce   qu'on 
les  portoit  particuhérement   dans  le  temps 
de  la  prière.     Ces  phylaâeres    àts   Juifs 
étoient  des  morceaux  de  parchemin   bien 
choifis ,  fur  lefquels  on   écrivoit  en  lettres  . 
quarrées  avec  foin  ,  &  avec  de  l'encre  pré- 
parée exprès  ,  des  paflages  de  la  loi.  On  les 
rouloit  enfuire,  &  on  les attachoit dans  une. 
peu  de  veau  noire  qu'on   portoit ,  fbit  au  ' 
bras  ,  foit  au  front.  Il  efl  fait  mention  de 
cts  phylactères  d^-^s  l'évangile  de  S.  Mat-  ' 
thieu  ,  où  J.  C.  faifant  le  portrait  d&s  Pha- 
rifiens ,  dit  qu'ils  aiment    à  étendre  leurs  ^ 
phylactères  :  dilatant phy\aQ.Qrh  fua  ^  c'efl- 
i  à-dire  ,  qu'ils  aflèdoient  d'en  porter  de  plus 


7jt  PHY 

larges  que  les  autres.  Quelques-uns  croient 
que  Moïfe  eft  l'auteur  de  cette  coutume  , 
&:  fe  fondent  fur  ce  verfet  du  Deutéro- 
nome ,  c  vj  :  Vous  lire";  ces  paroles  pour 
fignes  fur  vos  mains  ,  &  elles  vous  feront 
comme  des  fronteaux  entre  vos  yeux.  Mais 
faint  Jérôme  foutient  avec  rail'on  ,  que  ces 
expreflîons  font  figurées  ,  &  fignifient  feu- 
lement que  îes  Hébreux  dévoient  toujours 
avoir  la  loi  de  Dieu  devant  les  yeux  ,  & 
la  pratiquer  \  mais  les  Pharifiens  s'en  te- 
noient  ridiculement  à  la  lettre  ,  &  leurs 
defcendans  ,  les  dodeurs  juits  modernes, 
ont  poufîé  l'extravagance  lur  les  phylactè- 
res ,  jufqu'à  foutenir  iérieulement  que  Dieu 
en  portoit  fur  fa  tête.  Quelques  auteur^ont 
-^tendu  le  nom  de  phylactère  aux  anneaux 
&  bracelets  conftellés ,  aux  talilmans  ,  & 
même  aux  reliques  des  iàints.  Voye\  TA- 
LISMAN ,  àc. 

PHYL ARQUE  ,  f.  m.  {Antlq.  grcq.)  en 

Îrec  d'hct'^X"--  ou  (pÎAstf  p^o; ,  chef  d'une  tribu. 
-e  peuple  des  grandes  villes  greques  étoit 
partagé  en  un  certain  nombre  de  tribus 
qui  parvenoient ,  fuccefîïvement&  dans  des 
temps  réglés  ,  au  gouvernement  de  la  répu- 
blique. Chaque  tribu  avoit  fon  chef  ou 
phylarque  qui  préfidoit  aux  alîemblées  de 
fa  tribu  ,  avoit  l'intendance  &  la  diredion 
de  fon  tréfor  &  de  fes  affaires.  Ariliote , 
dans  fes  Politiques  ,  parle  de  ces  phylar- 
ques.  Hérodote  rapporte  que  Califtene 
ayant  augmenté  le  nombre  àcs  tribus 
d'Athènes  ,  &  en  ayant  formé  dix  des 
quatre  anciennes  ,  11  augmenta  auiîi ,  dans 
là  même  proportion  ,  le  nombre  des  phy- 
larques.  Les  marbres  de  Cyziquc  font 
mention  de  plufieurs  phylarques  ;  on  lit 
fur  un  marbre  de  Nicomédie  ,  qu*Aure- 
lius-Earinus  avoit  été  phylarque  d'une 
des  tribus  de  cette  ville.  Dans  la  fuite , 
ce  terme  perdit  fa  fignification  naturelle 
&  primitive  ,  en  devenant  le  titre  d'une 
dignité  militaire.  On  y  fubflitua  le  nom 
è^épimelete  y  adminillrateur  ,  préfident  , 
afin  d'éviter  toute  équivoque  ,  &  de  n'ê- 
tre pas  fans  cefTe  dans  le  rifque  de  con- 
fondre le  commandant  d'une  troupe  de 
cavalerie  ,  ave  un  magiflrat.  Potter  ,  Ar- 
ehœol.  grcec.  liv.  I.  c.  xij. 

Il   eft  aulîî  parlé    de    phylarques  dans 
l'empire  grec  ,    où  l'on  donnoit  ce    nom 


PHY 

an  chef  des  troupes  que  l'on  foufnî{lbîe 
aux  alliés  ,  ou  que  les  alliés  fournilloient 
à  l'empire  ;  c'eii  aiafi  qu'il  fut  donné  au 
chef  des  Sarrazins  ,  parce  que  leurs  troupes 
auxiliaires  étoient  divifées  en  tribus. 

PHYLE ,  ou  PHYLA  ,  ou  PHYLON  , 
(  Géogr.  anc.  )  bourgade  de  l'Attique  , 
\  oifinc  de  Decelia  ou  Decelea.  Cornélius 
Nepos  in  Thrafibuloy  c.  xij  ,  l'appelle  caf- 
tellum  munitijjîmum  ,•  &  Diodore  de  Si- 
cile, /.  IV.  ^.  JJ  >  qui  en  parle  dans  les 
mêm^s  termes ,  ajoute  que  ce  lieu  étoit  à 
cent  flades  d'Athènes.  Etienne  le  géogra- 
phe place  Phyle  dans  la  tribu  (Enéide. 
Cela ,  dit  Celiarius  ,  Géogr.  anc.  liv.  II, 
c.  xiij  y  lait  naître  une  dimculté.  Il  s'agit 
de  favoir  fi  Phyle  étoit  bien  près  de  Dé^ 
celia  ,  dans  la  partie  orientale  de  l'Atrique; 
car  la  tribu  (Enéide  s'étendoit  plutôt  du 
coté  du  couchant.  Les  habitans  font  ap- 
pelles Phylajii  par  Ariitophane  ,  Suidas  , 
Xénophon. 

PHYLLANTHUS,  (Botan.)  c'eftie 
genre  de  plante  nommé  par  Martin ,  nyuri  , 
ainll  que  dans  YHortus  d'Amfterdam  &■  de 
Malabar.  Voici  les  caraûeres  de  ce  genre 
de  plante;  les  fleurs  font  les  unes  mâles, 
&  les  autres  femelles  ,  produites  fur  la 
même  plante  :  dans  les  fleurs  mâles ,  le 
calice  eft  compofé  d'une  feule  feuille  en 
forme  de  cloche  ,  &  divifée  en  fix  feg- 
mens  ovales  &  obtus  ;  ils  font  colorés, 
&  forment  la  fleur  entière.  Les  étamines 
font  trois  filets  plus  courts  que  le  calice  , 
&  attachés  fermement  à  fa  bafe  ;  les  bof- 
féttes  des  étamines  font  doubles  dans  la 
fleur  femelle  ;  mais  le  calice  eft  femblable 
à  celui  de  la  fleur  mâle.  Le  nedarium 
environne  le  germe  du  piflil  ,  &  forme 
comme  une  bordure  à  douze  angles.  Le 
germe  efl  arrondi ,  mais  formant  trois  an- 
gles obtus  ;  \cs  flyles  ,  au  nombre  de  trois , 
font  fendus  à  leur  extrémité  ;  les  fligmates 
font  obtus  ;  le  fruit  efl  une  capfule  arron- 
die ,  marquée  de  trois  filions  ,  &  contenant 
trois  loges  ,  compofées  chacune  de  deux 
valvules.  Les  graines  font  uniques  ,  arron- 
dies ,  &  ne  remphffent  pas  entièrement 
les  loges  de  la  capfule.  Linncei  gen.  plant, 
447'  Martin,  î/br^  malab.  vol.  X.  pag^ 
zj.  (D.J.) 

PHl^LLITES,  {ffifi.  nac.l  non» 


P  HT 

employé  par  les  naruraliftes  ,  pour  défigner 
des  pierres  fur  lerquelles  on  voit  des  feuil- 
les empreintes ,  ou  bien  à  des  feuilles  pé- 
trifiées. 

PHYLLOBOLIE  ,  f.  f.  (Annq.greq.) 
çi.Ms^oA/*  ,  mot  qui  dédgne  i'ulage  où 
étoient  les  anciens  ,  de  jeter  des  fleurs  & 
des  f.uilies  de  plante  fur  le  tombeau  àts 
morts.  1.CS  Romains  ,  en  prenant  cette 
coutume  des  Grecs  ,  joignoient  aux  fleurs 
quelques  Hocons  de  laine.  La  phyllobolic 
fe  pratjquoit  auiii  à  l'occafion  des  viâoires 
gagnées  par  un  athlète  dans  quelqu'un  des 
jeux  publics  ;  on  ne  fe  contentoit  pas  de 
jetjer  des  fleurs  au  vrdorieux  ,  mais  encore 
à  tous  les  parens  qui  le  trouvoicnt  dans  fa 
compagnie. 

PHYIXON  ,  f.  m.  {Botan.)  nom  que 
les  Bauhains  ,  Parckinfon  &  Ray,  donnent 
à  deux  efpeces  de  m.rcuriale  ,  dont  Tune 
eft  appeliée  par  Tournelort  ,  mercuriilis 
fruticojaf  incana  ,  tefticulata  ;  &  l'autre  , 
mercurialis  fnuicofa  ,  incana  ,  fpicata  , 
parce  que  les  flj^yrs  de  cttio.  dernière  nail- 
fent  en  épis.    (iiP.  /.  ) 

PHYLLUS  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  de 
Thelîàlie,  Strabon  ,  liv.  IX.  p.  455,  dit 
que  c'efldans  cette  ville ,  qu'étoit  le  tem- 
ple de  Jupiter  Phylléen.  Ortelius  croit  que 
c'eft  la  ville  PhylUius  d'Apollonius  ;  il 
croit  aufli  que  c'eft  la  même  que  Stace 
appelle  Phyllos.  Il  s'embarrafîè  peu  du 
témoignage  de  Placidus  ,  qui  lui  cft  con- 
traire. Placi.dus  ,  dit-il ,  eft  un  grammai- 
rien ,  &  ces  fortes  de  gens  *ne  font  pas 
fort  exaâs  en  fait  de  géographie. 

PHYLOB ASILE,  i\m.  {Amlq,  greq.) 
les  phylobajiles  y  (pjKXoL7ÏA'-ii  ,  étoient  chez 
les  Athéniens  des  magiftrats  i^uï  avoient  fur 
chaque  tribu  particulière  le  même  emploi , 
la  même  dignité  ,  que  le  CeiTiK-vi  avoit  par 
rapport  à  toute  la  république  ;  on  choifif- 
fojt  les  phylobafiles  d'entre  la  nobleiïe  ; 
ils  avoient  l'intendance  âts  facrifices  pu- 
blics ,  &  de  tout  le  culte  religieux  qui 
concernoit  chaque  tribu  particulière  ;  ils 
tenoient  leur  cour  ordinairement  dans  le 
grand  portique  appelle  CxTihii-iv ,  &  quel- 
quefois dans  celui  qu'on  nommoit  C->K.cKii»\ 
Porter  ,  Archxol.  grecq.  tome  I.pag.  78. 

in.  j.  ) 

PHYAIE,  fubf.    {Mfdec.)  ?^/i<*,   de 


PH  Y 


55 


oUfjutt ,  je  nais  de  moi-même  ;  ce  mot  dé 
fgne  dans  la  fignification  générale  toutes 
fortes  de  tubercules  ou  de  tumeurs  ,  qui 
s'élèvent  fur  la  furperficie  du  corps  ;  fans 
caulè  externe  ,  augmentent  ,  s'enflam- 
ment ,  &  luppurent  en  peu  de  temps. 
Conformément  à  cette  defcription  ,  Hip- 
pocrate  appelle  phymata  y  toutes  érup- 
tions ou  tubercules  qui  viennent  d'un  fiing 
vicié  ,  &  qui  lont  excitées  fur  la  peau  par 
la  force  de  Isl  circulation,  i**.  Phymata 
dans  Galien  ,  dcfigne  des  inflammations 
des  glandes  qui  f^irvicnnent  tout  d'un  coup 
&  fùppurcnt  en  peu  de  temps.  2°.  On 
trouve  aufll  le  même  mot  emplo}  é  pour 
déiigner  des  tumeurs  fcrophuleu.'es  aux- 
quelles les  "enfàns  font  fujets.  3°.  Celfe 
rend  le  mot  phymata  pulmcnum  ,  par 
tubercules.  Senequc  en  fait  de  même ,  & 
rapporte  qu'une  perfonne  ayant  reçu  un 
coup  d'épée  d'un  tyran  qui  en  vouioit  à 
(a  vie ,  ne  fut  que  légèrement  bleffé  ,'  & 
eut  le  bonheur  d'être  guéri  par  ce  coup 
d'un  abcès  ,  tuber  ,  qui  l'incommodoit 
beaucoup.  Pline  qui  raconte  la  même  hii^ 
toire  ,  lui  donne  le  nom  de  vonjique,  vo- 
mica.  40.  Phyme  chez  les  modernes  ,  dé- 
figne  une  tumeur  àts  glandes  ,  ronde  , 
plus  petite  &  plus  égale  que  le  phygé- 
thlon  ,  moins  rouge  &  moins  doulou- 
reufe,  qui  s'élève  &  fuppure  prbmptement. 
{D.  J.) 

PHYRAMMA,  {mat.m^d.anc.)  nom 
donné  par  quelques-uns  des  anciens  au- 
teurs ,  à  la  gomme  ammoniaque  ,  particuliè- 
rement à  celle  qui  étoit  douce  &  dudile  entre 
Us  doigts  ;  mais  il  n'eft  pas  trop  certain 
que  la  gomme  ammoniaque  de  ces  temps-là 
foit  la  même  que  la  nôtre. 

PHYSCEokPHYSCA,  {Gcog.anc.) 
ville  de  la  Mœlie  intérieure  ,  félon  Ptolo- 
mée  ,  liv.  III.  c.  x  y  qui  la  place  entré 
les  embouchures  d.^  l'Axiacus  &  du  Tyras. 
Niger  dit  qu'on  l'appelle  préfentcmcnt 
chofahet.  {Di  J.) 

PHYSCUS  ,  (  Géogr  anc.  )  il  y  a  pîti^ 
ficurs  Heux  de  ce  nom;  favoir ,  1®.  une 
ville  de  l'Afic  mineure ,  dans  la  Doride  , 
fur  la  côte  ,  vis-à-vis  de  file  de  Rhodes, 
félon  Diodore  de  Sicile  ,  liv.  XIV ^  Srra- 
bon,  lii'.XlV.  pag.  6^  a..  Ce  deinier  dit 
qu'elle    avoit  un  porc  ;    elle  eiV  nommée 


&I 


73^  PHY 

jp/iyfda  par  Etienne  •  le   géographe  , 

Thyfca  par  Ptoiomée ,  Uv.  V.  c  ij.  1°.  une 
ville  des  Ozoles  de  la  Locride  ;   Plutar- 

,  que   en  parle  dans  Tes  quelîions  greques  ; 

.3°.  une  ville  de  la  Carie,  félon  Etienne  le 
géographe  ;  4°.  une  ville  de  la  Macédoine  , 

jèlon  le  même  auteur  ;  5'^.  il  donne  aufiî 
ce  nom    à  un  port   de  l'île  de   Rhodes  ; 

.6°.  un  fleuve  aux  environs    de   TAfîjTie  , 

.fuivant  un  paiiage  de  Xénophon  ,  lii're 
II.    de  Cyri   exped.  ,    cité  par  Ortelius  ; 

.7°.  une  montagne  d'Italie  dans  la  grande 
Grèce  ,  près  de  Crotone  ,  félon  Tlîéocrite^ 
Idyl.  4.  (  D.  /..) 

PHYSICIEN  ,  f.  m.  On  donne  ce  nom 
il  une  perfonne  verfée  dans  la  phylique  ; 
autrefois  on  donnoit  ce  nom  aux  médecins  , 
&  encore  aujourd'hui  en  anglois  un  méde- 
cin s'appelle  phyficien.  Voye^  PHYSIQUE 
Ù   MÉDECINE.    (  O  ) 

Physico-Mathématiques  (  Scien- 
ces. )  On  appelle  ainli  les  parties  de  la 
Phylique ,  dans  lefquelles  on  réunit  l'ob- 
ièrvation  &  l'expérience,  au  calcul  mathé- 
matique ,  &  où  l'on  appHquc  ce  calcul 
aux  phénomènes  delà  nature.  Nous  avons 
déjà  vu  au  mot  APPLICATION  ,  les  abus 
que  l'on  peut  faire  du  calcul  dans  la  phyfi- 
que  ;  nous  ajouterons  ici  les  réflexions 
fuivantes. 

Il  efl  aifé  de  voir  que  les  diflPérens  fu- 
jets  de  phyfique  ne  font  pas  également 
fufceptibles  de  l'apphcation  de  la  géomé- 
trie*. Si  les  obfervations  qui  fervent  de  bafe 
au  calcul  font  en  petit  nombre  ,  (i  elles 
font  {impies  &  lumineufes  ,  le  géomètre 
fait  alors  en  tirer  les  plus  grands  avantages, 
&  en  déduire  les  connoilfances  phyfiques 
'les  plus  capables  de  fatisfaire  l'efprit  ;  des 
obfervations  moins  parfaites  fervent  fou- 
vent  à  le  conduire  dans  {qs  recherches  , 
&  à  donner  à  Çts  découvertes  un  nouveau 
degré  de  certitude  :  quelquefois  même  les 
/ailbnnemens  mathématiques  peuvent  l'inf- 
truire  &  l'éclairer  :  quand  l'expérience  eft 
iriuette  ,  on  ne  parle  que  d'une  manière 
çonfufe.  Enfin  ,  fi  les  matières  qu'il  fe 
propofe  de  traiter  ne  laifïent  aucune  prife 
à  (ts  calculs  ,  il  fe  rendroit  alors  aux  fim- 
ples  faits  dont  les  obfervations  l'inflruifent  ; 
incapables  de  fe  contenter  de  fauffes  lueurs  , 
^uaod   la  lumière   lui    manque  ,    il  n'a 


PHY 

point  recours  à  des  raifonnemens  vagues 
&  obfcurs  ,  au  défaut  de  démonflrations 
rigoureufes. 

C'efl  principalement  la  méthode  qu'il 
doit  fuivre  par  rapport  à  cts  phénomènes  , 
fur  la  cauie  defquels  le  raifbnnement  n,e 
peut  nous  aider  ,  dont  nous  n'appercevons 
point  la  chaîne  ,  ou  dont  nous  ne  voyon-s 
du  moins  laliaiion  que  très-  imparfaite^ 
ment  ;  comme  les  phénomènes  de  l'aimant , 
de  l'éledricité  ,  &  une  infinité  d'autres 
fer>ïblables  ,  ^c.  Voy.  EXPÉRIMENTAL. 

Les  fciences  phyfico-mathémanques  font 
en  auffi  grand  nombre  qu'il  y  a  de  bran- 
ches dans  les  mathématiques  mixtes.  Voye:^ 

Mathématiques    &  l'explication  du 

fyflê me  figuré  des  connoijfances  humaines  ^ 
dans  le  premier  volume  de  ctt  ouvrage  ,  a 
la  fuite  du  difcours  préliminaire. 

On  peut  donc  mettre  au  nombre  des 
fciences  phyjico-mathématiques  y  la  mé- 
chanique  ,  la  fîatique  ,  l'hydroflatique  , 
Fhydrodynamique  ou  hydraulique  ,  l'opti- 
que, la  catoptrique  ,  la  dioptrique,  l'airo- 
métrie  ,  la  mufique  ,  wfcouflique  ,  &c. 
Voye:^  ces  mots.  Sur  Vacouflique  dont  nous 
avons  promis  de  parler  ici ,  voye\  V article 
Fondamental  ,  où  nous  avons  d'avance 
rempli  notre  promefTe  ;  voye^  auffi  flir  l'op- 
tique ,  l'ar/zc/e Vision;  &  fur  l'hydrody- 
namique Vdrticle  FlUIDE. 

Une  des  branches  les  plus  brillantes  & 
les  plus  utiles  des  fciences  phy/ico- mathé- 
matiques efl  l'aflronomie  phyfique  ;  l'oye:^ 
Astronomie  ;  j'entends  ici,  par  aflrono- 
mie  phyfique  ,  non  la  chimère  des  tourbil- 
lons ,  mais  l'explication  des  phénomènes 
aflronomiques  par  l'admirable  théorie  de 
la    gravitation.     Voye:{  GRAVITATION, 

Attraction  ,  Newtonianisme.  Si 
l'afîronomie  eft  une  des  fciences  qui  font 
le  plus  d'honneur  à  l'efprit  humain  ,  l'aftro- 
nomie  phyfique  newtonienne  eft  une  de 
celles  qui  en  font  le  plus  à  la  philofophie 
moderne.  La  recherche  des  caufes  des  phé- 
nomènes céleftes  ,  dans  laquelle  on  fait 
aujourd'hui  tant  de  progrès  ,  n'eft  pas  d'ail- 
leurs une  fpéculation  ftérile  &  dont  le  mé- 
rite fe  borne  à  la  grandeur  defon  objet  &  à 
la  difficulté  de  le  faifir.  Cette  recherche  doit 
contribuer  encore  à  l'avancement  rapide 
de  l'aftronomie  proprement  dite.    Car- on 


P  H  Y 

ne  pourra  fe  flatter  d'avoir  trouvé  les  vé- 
rirables  caufes  des  raouvemens  des  planètes, 
que  lorfqu'on  pourra  alîîgner  par  le  calcul 
les  effets  que  peuvent  produire  ces  caufes  , 
&  taire  voir  que  ces  effets  s'accordent  avec 
ceux  que  i'obfervation  nous  a  dévoilés.  Or 
la  combinailbn  de  ces  effets  eft  aflèz  con-  j 
fidérable ,  pour  qu'il  en  refte  beaucoup  à 
découvrir  ;  par  conféquent  dès  qu'une  fois 
on  en  connoîtra  bien  le  principe ,  les  con- 
clufions  géométriques  que  l'on  en  déduira 
feront  en  peu  de  temps  appercevoir  & 
prédire  même  des  phénomènes  cachés  & 
fugitifs  ,  qui  auroient  peut-être  eu  befbin 
d'un  long  travail  pour  être  connus  ,  dé- 
mêlés &  fixés  par  I'obfervation  feule. 

Parmi  les  différentes  fuppolitions  que 
nous  pouvons  imaginer  pour  expliquer  un 
effet ,  les  feules  dignes  de  notre  examen 
font  celles  qui  par  leur  nature  nous  four- 
niiîènt  des  moyens  infaillibles  de  nous 
affurer  fî  elles  font  vraies.  Le  fyftême 
de  la  gravitation  eft  de  ce  nombre  ,  & 
mériteroit  pour  cela  feul  l'attention  des 
philofophes.  On  n'a  point  à  craindre  ici 
cet  abus  du  calcul  &  de  la  géométrie , 
dans  lequel  les  phyficiens  ne  font  que  trop 
fouvent  tombés  pour  défendre  ou  pour 
combattre  des  hypothefes.  Les  planètes 
étant  fuppofées  lé  mouvoir ,  ou  dans  le 
vide  ,  ou  au  moins  dans  un  efpace  non 
réfiftant ,  &  les  forces  par  lefquelles  elles 
agiffent  les  unes  fur  les  autres  étant  con- 
nues ,  c'eft  un  problême  purement  ma- 
thématique ,  que  de  déterminer  les  phé- 
nomènes qui  en  doivent  naître  ;  on  a 
donc  le  rare  avantage  de  pouvoir  juger 
irrévocablement  du  fyftême  newtonien  ,  & 
cet  avantage  ne  fauroit  être  faifi  avec  trop 
d'empreffcment  ;  il  feroit  à  fouhaiter  que 
toutes  les  queftions  de  la  phylique  puffent 
être  aufli  inconteftablement  décidées.  Ainii 
on  ne  pourra  regarder  comme  vrai  le 
fyftême  de  la  gravitation  ,  qu'après  s'être 
alîùré,  par  des  calculs  précis  ,  qu'il  répond 
exadement  aux  phénomènes  ;  autrement 
l'hypothefe  newtonienne  ne  mériteroit  au- 
cune préférence  fur  celle  des  tourbillons  , 
par  laquelle  on  explique  à  la  vérité  bien 
des  circonftances  du  mouvement  des  pla- 
nètes ;  mais  d'une  manière  11  incomplète  , 
&  pour  ainfi  dire  ,  fi  lâche  ,  que  fi  les  phé- 
Tome  XXV, 


ï>  H  Y  737 

nomenes  étoient  tout  autres  qu'ils  ne  font, 
on  les  expliqueroit  toujours  de  même  , 
très-fouvent  auflî-bien  ,  &  quelquefois 
mieux.  Le  fyftême  de  la  gravi-ration  ne 
nous  permet  aucune  illufion  de  cette  cf* 
pece  ;  un  feul  article  où  I'obfervation  dé- 
mentiroit  le  calcul ,  feroit  écrouler  l'édifice  , 
&  relégueroit  la  théorie  newtonienne  dans 
la  clafle  de  tant  d'autres  que  l'imagination 
a  enfantées  ,  &r  que  l'analyfe  a  détruites. 
Mais  l'accord  qu'on  a  remarqué  entre  les 
phénomènes  céleftes  &  les  calculs  fondés 
(ùr  le  fyftême  de  la  gravitation  ,  accord  quf 
fe  vérifie  tous  les  jours  de  plus  en  plus ,  fem- 
ble  avoir  pleinement  décidé  les  philofophes 
en  faveur  de  ce  fyftême.  Voye\  les  articles 
cités. 

A  l'égard  des  autres  (ciences  phyJico-ma~ 
thématiques  ,  confultef:  les  articles  de  cha- 
cune. (  O) 

PHYSIOLOGIE, f  f.  de  ^cri? ,  natifre , 
&  hoyoç ,  difcours  ,  partie  de  la  médecine  > 
qui  confidere  ce  en  quoi  confifte  la  vie  , 
ce  que  c'eft  que  la  fanté  ,  &  quels  en  font 
les  e'^ets.  Voye^  ViE  &  SanTÉ.  On 
l'appelle  aulîi  économie  animale  y  traité  de 
Vufage  des  parties  ;  &  (e^  objets  fe  nom- 
ment communément  chofes  naturelles  ou 
conformes  aux  loix  de  la  nature.  Voyc^ 
Naturel  ù  Nature. 

Or  toutes  les  adions  &  les  fondions  du 
corps  humain  font  ou  vitales  ,  ou  natu- 
relles ,  ou  animales.  Voye^  VlTAL  ,  NA- 
TUREL &  Animal.  Les  adions  &  les 
fondions  vitales  dépendent  de  la  bonne 
conftitution  du  cerveau  ,  du  cœur ,  &  du 
poumon;  les  naturelles,  de  celle  de  tous 
les  organes  qui  concourent  à  la  nutrition  ; 
tels  font  ceux  de  la  maftication  ,  de  la 
déglutition  ,  de  la  digeftion  ,  de  la  chyli- 
fication  ,  de  la  circulation ,  des  fecrc- 
tions  ,  &6V  &  enfin  les  animales  dépendent 
de  la  bonne  difpofirion  des  organes  à 
l'adion  defquels  l'ame  paroît  concourir 
d'une  manière  particulière  ;  tels  font  ceux 
des  fenfations ,  de  la  vue  ,  de  l'odorat , 
de  l'ouie  ,  du  goût ,  du  toucher ,  du  mou- 
vement mufculaire  ,  du  fommeil ,  de  la 
veille,  de  la  faim,  de  la  foi  f,  Ùc.  Voye\ 
toutes  ces  chofes  à  leur  article  particulier  y 

Cerveau  ,  Respiration,    Diges- 
tion ,  Sensation  ,  6"<:. 

Aaaaa 


73»  P  H  Y 

Tout  ce  qui  eft  purement  corporel  dans 
l'homme  ,  ne  nous  offre  que  des  principes 
tirés  des  méchaniques  &  des  expériences 
de  phyfique  ;  &  c'efl  par-là  feulement  qu'on 
peut  connoître  les  forces  générales  &.  par- 
ticulières des  corps.  La  médecine  ,  comme 
l'obferve  le  grand  Boerhaave ,  a  donc  àes 
démonfîrations  diftinâes  &  même  fi  clai- 
res ,  fi  faciles  à  faifir ,  fi  évidemment  vraies , 
^u'il  faut  être  infcnfé  pour  les  nier.  Voici 
un  exemple  tiré  de  la  refpiration,  ^  Tout 
animal  vivant  refpire  fans  cefTe  ,  c'eft-à- 
dire,  infpire,  ou  prend  l'air  ,^ou  l'expire, 
pu  le  rend  tour-à-tour.  Dans  l'infpiration  , 
les  vélîcules  du  poumon  fe  dilatent,  les 
vaifTeaux  difiribués  entre  elles  fe  relâchent  , 
&  laiiTent  un  plus  libre  paflage  au  fang  : 
dans  l'expiration  ,  ces  vaifTeaux  font  com- 
primés,  le  fang  eft  fortement  chaflfé  du 
cœur  aux  poumons  ,  par  une  artère  élal- 
tique  ,  conique,  convergente,  contre  les 
parois  de  laquelle  toute  la  partie  du  liquide 
qui  y  eft  contenu  ,  doit  néceflairement 
heurter  ,  &  conféquemment  dilater  en  rai- 
Ibn  de  fon  adion.  Ainfi  le  fang  eft  tantôt 
plus  mollement  poufle  par  le  cœur  ,  & 
tantôt  poufle  avec  force  dans  les  petits 
vaifTeaux  par  la  compreflîon  des  véficules 
qui  ne  manquent  pas  de  refïôrt.  De  cette 
méchanjque  démontrée  par  la  difTedion  des 
animaux  vivans  ,  on  déduit  clairement  tous 
les  effets  de  la  refpiration  ;  &  l'on  fait 
pourquoi  dans  toutes  les  maladies  dans 
lefquelles  le  poumon  ne  laifTe  pas  librement 
pafTer  le  fang  ,  comme  dans  l'afthme ,  dans 
la  péripneuraonie  vraie  ou  fauffe  ,  &c.  le 
vifage  eft  fi  rouge  ,  fes  vaifTeaux  &  ceux 
du  cou  fi  gonflés  ,  la  tête  entreprife.  juf- 
qu'au  vertige  &  au  délire,  le  fang  qui 
reflue  pax  les  veines  jugulaires  fe  mêle  à 
celui  de  la  "veine  cave ,  delà  dans  le 
ventricule  droit  &  dans  l'artère  pulmo- 
•naire  ;  mais  c'eft  à  fon  extrémité  qu'eft  la 
digue  qui  empêche  le  trajet  du,  lang  :  il 
retournera  donc  fur  fes  pas ,  &  produira 
toutes  fortes  d'accidens  fâcheux  ,  fi.  on  ne 
diflipe  ces  obftacles  ;  &  il  eft  également 
évident  que  la  faignée  &  les  délàyans.  peu- 
vent en  venir  à  bout.  La  définition  du 
cercle  n  eft  pas  plus  claire  en  géométrie , 
que  les  lumières  qui  guident  fouvent  un 
lavant  prasticien.    Il  ne  s'occupe  que  (k{ 


P  H  Y 

corps ,  &  il  ne  connoît  que  les  loix  mé- 
chaniques qui  fuivent  tous  les  corps ,  & 
par  lefquelles  il  eft  facile  d'expHquer  leur 
adion  ;  ainfi  il  peut  appliquer  au  corps  de 
l'homme  ,  fans  ie  tromper  ,  tout  ce  qui  eft 
vrai  de  tout  autre  corps.  Le  frottement 
de  deux  parties  folides  produit  de  la  cha- 
leur dans  le  corps  humain ,  comme  par- 
tout   ailleurs. 

Quant  au  commerce  mutuel  de  l'ame 
&  du  corps ,  c'eft  non-feulement  la  chofe 
du  monde  la  plus  inconcevable ,  mais 
même  la  plus  inutile  au  médecin.  La  cha- 
leur produite  dans  le  corps  peut  bien  fè 
concevoir  ,  quand  même  l'homme  ne  feroit 
qu'un  ,  comme  parle  Montagne  ,  puifque 
les  pierres  s'échaufTent  par  le  frottement. 
Le  mouvement  ne  peut  s'expHquer  ni  par 
les  aftèdions  du  corps ,  ni  par  les  pro- 
priétés de  Tame  ;  il  n'y  a  rien  dans  l'idée 
de  l'ame  qui  fe  trouve  dans  celle  du  mou- 
vement. C'eft  pourquoi  la  chaleur  &  le 
mouvement  ne  peuvent  s'expliquer  par 
l'ame  5  &c  fi ,  voulant  expHquer  le  mouve- 
ment volontaire  ,  vous  dites  qu'il  confifte 
en  ce  que  l'ame  veut  le  mouvement , 
vous  n'éclaircifTez  rien  ,  parce  qu'il  n'y  a 
rien  dans  l'idée  du  mouvement  que  vous 
puiffiez  trouver  dans  l'idée  de  l'ame  ;  car 
éclaircir  ou  rendre  raifon  d'une  chofe , 
c'eft  taire  voir  clairement  qu'il  y  a  dans 
l'idée  d'A  quelque  chofe  contenue  auûi 
dans  celle  de  B^  mais  encore  une  fois  le 
médecin  ne  doit  s'embarafTer  que  de  ré- 
tablir la  fanté.  Or  cette  curation  eft  un 
changement  qui  fe  fait  dans  le  corps  hu- 
main par  l'adion  d'autres  corps.  Mais  l'ame 
n'^eft  pas  fufceptible  de  pareils  changemens  : 
ainfi  tous  les  fyftêmes  fur  fon  commerce 
avec  le  corps  font  inutiles.  Qui  a  guéri  ie 
corps  ne  doit  pas  s'inquiéter  de  Tame  , 
elle  revient  toujours  sûrement  à  fes  fonc- 
tions ,  quand  le  corps  revenant  aux  fiennes  , 
levé  tous  les  obftacles-  qui  fembloient 
l'empêcher  d'agir.  La  catarade  fe  forme 
dans  l'œil  ,  &  empêche  Tame  de  voir  ; 
abattez  le  cryftaUin,  les  rayons  repren- 
dront leur  ancienne  route  ,  Tame  verra  ,  & 
vous  aurez  Tait  toute  votre  charge.  Quel- 
qu'un tombe  en  défaillance  ,  comment  rap-~ 
peller  fon  ame  avec  laquelle  la  vôtre  n'a-, 
auç.un    commerce?    Irritez  les   nerfs   de 


P  H  Y 

l'odorat,  les  fondions  de  l'ame  reparoî- 
tront ,  comme  fi  elle  fe  fut  rémllée  au 
bout  de  ces  nerfs ,  ou  comme  fi  la  cor- 
refpondance  des  organes  avec  cette  fubf^ 
tance  fpirituelle  vous  étoit  parfaitement 
connue.  Boerhaave  ,  comment.  . 

Boerhaave  a  été  le  plus  grand  théori- 
cien que  nous  ayons  jamais  eu ,  &  il  palToit 
auffi  pour  un  grand  praticien  :  en  effet , 
combien  de  découvertes  en  anatomie 
avoient  jufqu'à  lui  paru  fans  utilité  !  On 
en  peut  juger  par  l'explication  admirable 
de  l'aélion  du  voile  du  palais ,  qu'on  trouve 
dans  quelques  -  unes  des  éditions  de  (es 
inflitutions  de  médecine  ,  dont  le  doûeur 
Haller  a  enrichi  le  commentaire  d'un  nom- 
bre infini  d'obfervations ,  par  lefquelles  on 
peut  juger  autant  de  fon  profond  favoir 
dans  l'anatomie  ,  que  dans  toutes  les  autres 
parties  relatives  à  \z.phyfiologie.  Outre  les 
ouvrages  que  nous  avons  de  lui  dans  d'au- 
tres genres  ,  comme  dans  la  botanique  , 
dans  l'anatomie ,  ^c.  il  vient  de  .^ous 
donner  une  phyjiologie  intitulée  ,  prnmœ 
lïneœ  phyfiologix  ,  qui  le  fera  d'autant  plus 
eftiraer  parmi  les  connoiffeurs ,  qu'il  étoit 
extrêmement  épineux  d'en  donner  une  qui 
parût  encore  nouvelle ,  après  le  précieux 
commentaire  qu'il  venoit  de  communiquer. 
Voye\  Traités  de  phyjiologie  ,  où  l'on  fera 
connoître  tous  ceux  qui  ont  écrit  fur  cette 
matière  importante. 

PHYSIONOMIE,  f  f.  (  Morale.)  la 
phyjionomie  eff  l'expreiïîon  du  caradere; 
elle  eft  encore  celle  du  tempérament.  Une 
fotte  phyjionomie  eft  celle  qui  n'exprime 
que  la  complexion ,  comme  un  tempéra- 
ment robufte  ,  Ùc.  Mais  il  ne  faut  jamais 
juger  fur  la  phyjionomie.  Il  y  a  tant  de 
traits  mêlés  fur  le'vifage  &  le  maintien 
des  hommes ,  que  cela  peut  (ouvent  con- 
fondre ;  fans  parler  des  accidens  qui  défi- 
gurent les  traits  naturels  ,  &  qui  empê- 
chent que  l'ame  ne  fe  manifsfle  ,  comme 
la  petite  vérole  ,  la  maigreur  ,  &c. 

On  pourroit  plutôt  conjedurer  fur  le 
caradere  des  hommes  ,  par  l'agrénJlnt 
qu'ils  attachent  à  de  certaines  figures  qui 
répondent  à  leurs  palfions ,  mais  encore 
s'y  tromperoit-on. 

Physionomie  ,  f  f  (  Science  imag.) 
je  pourrais    bien    m' étendre   fur   cet   art 


prétendu  qui  enfeigne  à  connoître  l'hu- 
meur ,  le  tempérament  &  le  caradere  de^ 
hommes  par  les  traits  de  leur  vifage  ;  mai^ 
M.  de  BufFon  a  dit  tout  ce  qu'on  peut  • 
penfer  de  mieux  fur  cette  fcience  ridicule  , 
dans  les  deux  feules  réflexions  fuiva!!res. 

Il  efl  permis  de  juger  A  quelques  égards 
de  ce  qui  fe  pafïe  dans  l'intérieur  des 
hommes  par  leurs  adions,  &  connoître  k 
l'infpedion  des  changemens  du  vifage  ,  la 
fituation  aduelle  de  l'amç.  ;  m?.is  comme 
l'ame  n'a  j^int  de  forme  qui  puifle  être 
relative  à  aucune  forme  matérielle  ,  oh 
ne  peut  pas  la  juger  par  la  figure  du 
corps  ,  ou  par  la  forme  du  vifage.  Un 
corps  mal  fait  peut  renfermer  une  fort 
belle  ame  ,  &  l'on  ne  doit  pas  juger  du  bon 
ou  du  mauvais  naturel  d'une  perfonne  par  le? 
traits  de  fon  vifage  ;  car  ces  traits  n'ont 
aucun  rapport  avec  la  nature  de  l'ame, 
ils  n'ont  aucune  analogie  fur  laquelle  on 
puifïè  feulement  fonder  des  conjedures  rai- 
fonnables. 

Les  anciens  cependant  étoient  fort  at- 
tachés à  cette  efpece  de  préjugé  ,  &  dans 
tous  les  temps  il  y  a  eu  des  hommes  qui 
ont  voulu  faire  une  fcience  divinatoire  de 
leurs  prétendues  connoifîances  en  phyfiO'. 
nomie  ;  mais  il  efl  bien  évident  qu'elles  ne 
peuvent  s'étendre  qu'à  deviner  ordinaire- 
ment les  mouvemens  de  l'ame ,  par  ceux 
des  yeux ,  du  vifage  &"  du  corps  ;  mais 
la  forme  du  nez ,  de  la  bouche  &  des 
autres  traits  ,  ne  fait  pas  plus  à  la  forme 
de  l'arae ,  au  naturel  de  la  perfonne  ,  que 
la  grandeur  ou  la  groffeur  Ôlqs  membres 
fait  à  la  penfée.  Un  homme  en  fera-t-il 
moins  fage  ,  parce  qu'il  aura  les  yeux  petits 
&  la  bouche  grande?  Il  (aut  donc  avouer 
que  tout  ce  que  nous  ont  dit  les  phyfio- 
nomifles  efl  deflitué  de  tout  fondement  , 
&  que  rien  n'efî  plus  chimérique  que  les 
indudions  qu'ils  ont  voulu  tirer  de  leurs 
prétendues  obfervations  métopofcopiques. 
Hift.  nat.  de  V homme.  {D.  J.) 

PHYSIONOMIQUE,adj.  terme  dont 
fe  fervent  quelques  médecins  &  naruralif^ 
tes  pour  exprimer  les  fignes  que  Ton  tire 
du  maintien  ou  de  la  contenance  ,  afin  de 
juger  de  l'état ,  de  la  difpofition  ,  &c.  du 
corps    &    de    l'efpnt.    Voye\   SiGKE  Ù 

Physionomie. 

Aaaaa  2. 


740  P  H  Y 

PHYSIQUE,  f.f.  {Ordre  encychpéd. 
entendement ,  raifon  ,  philofophie  ou  faïen- 
ce y  fcience  de  la  nature  ,  phyjique.  )  Cette 
fcience  que  l'on  appelle  aufîî  quelquefois 
philofophie  naturelle  ^  efl  la  fcience  des 
propriétés  des  corps  naturels ,  de  leurs  phé- 
nomènes &  de  leurs  effets  ,  comme  de  leurs 
différentes   affedions ,    mouvemens  ,  Ùc. 

Voyei  Philosophie  ù  Nature.  Ce 
mot  vient  du  grec  ^v<rt( ,  nature. 

On  fait  remonter  l'origine  de  la  phyfique 
aux  Grecs  &  même  aux  Barbai^s  ,  c'eft-à- 
dire ,  aux  brachraanes  ,  aux  mages  ,  aux 
prêtres  égyptiens.  Foyf;[  Brachmane, 
Mages  ,  éc 

De  ceux-ci  elle  pafla  aux  fages  de  la 
Grèce  ,  particulièrement  à  Thaïes  ,  que 
l'on  dit  avoir  été  le  premier  qui  fe  foit 
appliqué  ,  parmi  les  Grecs  ,  à  l'étude  de 
la  nature. 

Delà  elle  fe  communiqua  aux  écoles  de 
Pythagore,  de  Platon  ,  desPéripatéticiens, 
qui  la  répandirent  en  Italie  ,  &  delà  par 
Tout  le  reiîe  de  l'Europe.  Cependant  les 
druides  ,  les  bardes  ,  Ùc.  avoient  aufîî  une 
phyfique  qui  leur  étoit  propre.  Voye\  PY- 
THAGORICIEN ,  Platonicien,  Pé- 
RiPATÉTiciEN  ;  voye^  auffi  Druide, 
Barde,  &<:. 

On  peut  voir  dans  \q  fy fit  me  figura  qui 
cil  à  la  fuite  du  difcoars  préliminaire  de 
cet  ouvrage  ,  &  dans  l'explication  détaillée 
de  ce  fyflême ,  les  différentes  diviiions  & 
branches  de  la  phyfique.  Pour  ne  point 
nous  répéter  ,  nous  y  renvoyons  le  ledeur  , 
comme  nous  avons  déjà   fait    à    Vanicle 

Mathématiques  pour  les  divifions  de 
cuiQ.  fcience. 

Par  rapport  à  la  manière  dont  on  g 
traité  la  phyfique  ,  &  aux  perfonnes  qui 
l'ont  cultivée  ,  on  peut  divifer  cette  fcience 
€n  phyfique  fymbolique  ,  qui  ne  confiitoit 
qu'en  fymboles  ;  telle  étoit  celïe  des  an- 
ciens Egyptiens,  Pythagoriciens  &  Pla- 
toniciens ,  qui  expofoient  les  propriétés  ô,qs 
corps  naturels  fous  des  caractères  arithmé- 
tiques ,  géométriques  &  hiéroglyfHies.  V^oy. 
Hiéroglyphes. 

La  phyfique  péripatéticienne ,  ou  celle 
des  fedateurs  d'Àriflote  ,  qui  expliquoit  la 
rature  des  chofes  par  la  matière  ,  la  forme 
&  ia  piivatioa ,  par  les  qualité^élémentaires  j 


P  H  Y 

&  occultes  ,  les  fympathies  ,  les  antipa- 
thies ,  Ùc. 

La  phyfique  expérimentale,  qui  cherche 
à  découvrir  les  raifons  &  la  nature  des 
chofes  ,  par  le  moyen  des  expériences  , 
comme  celles  de  la  chymie,  de  l'hydrof^ 
tatique  ,  de  la  pneumatique  ,  de  l'optique  , 
^c.  Voyei  l'art.  EXPÉRIMENTALE  ,  où 
on  a  traité  en  détail  de  cette  efpece  de 
phyfique ,  qui  eft  proprement  la  feule  digne 
de  nos  recherches. 

La-phyliqueméchanique  &  corpufculaire^ 
qui  fe  propofe  de  rendre  raifon  des  phé- 
nomènes de  la  nature ,  en  n'employant 
point  d'autres  principes  que  la  matière  , 
le  mouvement ,  la  flrudure  ,  la  figure  des 
corps  &  de  leurs  parties  ;  le  tout  con- 
formément aux  loix  de  la  nature  &  du 
méchanifme  bien  conflatées.  J^oy.  COR- 
PUSCULAIRE. Chambers. 

La  phyfique ,  dit  M.  MufTchenbroek  , 
a  trois  fortes  d'objets  ,  qui  font  le  corps  , 
l'efjjice  ou  le  vuide,  &  le  mouvement. 
Nous  appelions  corps  tout  ce  que  nous  tou- 
chons avec  la  main ,  &  tout  ce  qui  foufîre 
quelque  réfif!:ance  lorfqu'on  le  prefTe.  Nous 
donnons  le  nom  à^ejpace  ou  df  vide  à 
toute  cette  étendue  de  l'univers  ,  dans 
laquelle  les  corps  fe  meuvent  librement. 
Le  mouvement  efl  le  tranfport  d'un  corps 
d'une  partie  de  i'elpace  dans  un  autre.  V^oy, 
Corps  ,  Espace  ,  Mouvement. 

On  appelle  phénomènes  tout  ce  que  nous 
découvrons  dans  les  corps  à  l'aide  de  nos 
fens.  Ces  phénomènes  regardent  la  fituation, 
le  mouvement ,  k  changement  &  l'effet. 

Tout  changement  que  nos  voyons  furve- 
nir  aux  corps  y  n'arrive  que  par  le  moyen 
du  mouvement  ;  il  fuffit  d'y  faire  quelque 
attention  ,  pour  en  être  entièrement  con- 
vaincu. Un  morceau  de  bois,  quelque  dur 
qu'il  puifîe  être ,  devient  vieux  avec  le 
temps  ;  il  le  fend,  il  fe  defîéche  ,  il  dé- 
périt ,  &  tombe  enfin  en  poufllere ,  quoi- 
qu'il foit  toujours  relié  dans  la  même 
place  fans  aucun  mouvement  ;  ce  change- 
rrÉnt  efl  arrivé ,  parce  que  l'air  ou  les  parties 
du  feu  ont  con^'inuellement  environné  ce 
bois  ,  &  s'y  font  introduits.  Une  boule  de 
cire  ferrée  &  comprimée  des  deux  côtés  » 
devient  plate  &  change  de  figure  ,  parce 
que  lès  parties  étant  preiTées  &  enfodicies^j, 


P  H  Y 

fcmt  par  conféquent  mifes  en  mouvement 
&  hors  de  leur  place.  On  peut  taire  voir 
fluflî  de  quelle  manière  un  changement 
peut  arriver  lorfque  le  mouvement  vient  à 
s'arrêter.  Cela  paroît  dans  un  verre  rempli 
d'eau  trouble  mêlée  de  boue  ;  cette  eau 
refte  trouble  aufli  long-temps  qu'on  la  tient 
en  mouvement  ;  mais. dès  qu'on  la  laifTe 
repofer  pendant  quelque  temps  ,  toutes 
les  petites  parties  de  cette  boue  n'étant 
plus  foutenues  par  celles  de  l'eau  ,  tom- 
beront par  leur  propre  poids  au  fond  du 
verre  ,  &  fe  répareront  de  Teau  qui  reftera 
fort  claire.  Le  mouvement  efl  donc  un  des 
principaux  objets  de  la  phyfique. 

On  a  obfervé  que  tous  les  corps  fe  meu- 
vent félon  certaines  loix  ou  fegles  ,  quelle 
que  puilfe  être  la  caufe  qui  les  met  en 
mouvement.  Toutes  les  plantes  &  tous 
les  animaux  ne  fe  produiient  que  par  le 
moyen  de  leurs  femences  ,  &:  cela  toujours 
de  la  même  manière,  &  félonies  mêmes 
loix.  Les  corps  qui  fe  choquent ,  ou  fe 
communiquent  réciproquement  leurs  for- 
ces ,  ou  les  font  diminuer  ,  ou  perdre 
entièrement ,  félon  les  loix  confiantes. 
Voyei  Percussion. 

On  n'a  encore  découvert  qu'un  petit 
nombre  de  loix  dans  la  phyfique  ,  parce 
qu'on  n'a  pas  fait  beaucoup  de  progrès  dans 
cette  fcience  durant  les  fiecles  précédens. 
Il  efl  par  conféquent  de  notre  devoir  de 
faire  une  recherche  exade  de  ces  loix 
autant  qu'il  efl  pofïîble.  Pour  cet  effet 
nous  devons  obferver  avec  foin  toutes 
fortes  de  corps  terreflres  ;  les  examiner 
enfuite  ,  &  y  faire  toutes  les  recherches 
&  les  remarques  dont  nous  fommes  ca- 
pables/ 

On  range  tous  les  corps  terreflres  dans 
quatre  différentes  clafîes  ,  qui  font  celle 
àes  animaux ,  celle  des  végétaux  ,  celle 
des  foflilos  &  celle  des  corps  de  l'atmof- 
phere.  Chiicun  de  ces  genres  fe  partage 
encore  en  diverfes  efpeces  ;  &  celles-ci  le 
dillribuent  auffi  en  diverfes  autres  moins 
«étendues  que  les  premières.  Après  avoir 
commencé  à  raffembler  les  corps  ,  &  les 
avoir  rangés  félon  leurs  genres  &  leurs 
efpeces  ,  on  a  trouvé  que  le  nombre  de 
chacun  de  ces  genres  étoit  fort  grand  ; 
de  forte   que   la  phyfique    efl  inépuifable. 


.      p  H  Y  74, 

La  première  chofe  que  nous  devons 
faire  ,  c'efl  d'examiner  tous  ces  corps ,  & 
de  mettre  tout  en  œuvre  pour  tâcher  de 
connoître  les  propriétés  de  chacun  d'eux 
en  particuher  ;  nous  pourrons  enfuite  éta- 
bhr  d'abord  les  loix  communes  ,  félon 
lefquelles  nous  remarquerons  qu'il  a  plu  au 
Tout-puifTant  d'entretenir  &  de  faire  opérer 
tout  ce  qu'il  a  créé  lui-même.  Nous  ne  de- 
vons pas  nous  trop  précipi.ter  dans  cette 
occafion  ,  en  tirant  d'abord  des  conclufions 
générales  de  quelques  obfervations  parti- 
culières que  nous  pourrions  avoir  i'dkes  ; 
mais  il  vaut  mieux  n'aller  ici  que  lente- 
ment ,  &  travailler  beaucoup  à  faire  des 
recherches  &  des  découvertes.  Quand  on 
examine  tout  avec  exaditude  ,  on  trouve 
qu'il  y  a  beaucoup  plus  de  loix  particuliè- 
res ,  que  de  loix  générales. 

C'efl  pourquoi  on  doit  prier  tous  les 
véritables  amateurs  dé  la  nature  de  recher- 
cher &  d'examiner  avec  foin  &  avec  la 
dernière  exaâitude  toutes  fortes  de  corps  , 
afin  que  les  hommes  puiflent  parvenir  ,  un 
jour  ou  l'autre,  à  une  plus  parfaite  con- 
noifîance  des  loix  de  la  nature.  Il  efl  en- 
tièrement impolllble  de  parvenir  à  ce  point, 
fans  recueillir  les  remarques  &  les  décou- 
vertes des  favans ,  &  fans  recourir  en 
même  temps  à  de  nouvelles  expériences, 
MufCch.  EJfai  de  phjjiqiie  y    §  5  &  fuii>^. 

Un  des  grands  écueils  de  la  phyfique  efl 
la  manie  de  tout  expliquer.  Pour  montrer 
cohnbien  on  doit  fe  défier  des  explications 
même  les  plus  plaufibles  ,  je  fuppofèrai  ua 
exemple.  Suppofons  que  la  neige  tombe 
en  été  ,  &  la  grêle  en  hiver  (  on  fait  que 
c'efl  tout  le  contraire  )  >  &  imaginons 
qu'on  entreprenne  d'en  rendre  raifon  ;  on 
dira:  la  neige  tombe  en  été  ,  pnrce  que  les 
particules  des  vapeurs  dont  elle  efl  formée 
n'ont  pas  le  temps  de  fe  congeler  entiè- 
rement avant  d'arriver  à  terre,  la  chaleur 
de  l'air  que  nous  refpirons  empêchant  cette 
congélation  ;  au  contraire  en  hiver  l'air 
qui  efl  proche  de  la  terre  étant  très-froid  , 
congelé  &  durcit  ces  parties  ;  c'efl  ce  qui 
iorme  la  grêle.  Voilà  une  explication  dont 
tout  le  monde  feroit  facisfait ,  &  qui  paf- 
feroit  pour  démonflrative.  Cependant  le 
fait  efl  faux.  Ofons  après  ^ela  expliquer 
les  phéoomv'ûes  de  la  nature.  Suppo-lons 


74»  P  H  Y 

encore  que  le  baromètre  hauffe  avant  la  ' 
pluie  (  on  fait  que  c'eft  le  contraire  )  ; 
cependant  on  l'expliqueroit  très-bien  :  car 
on  diroit  qu'avant  la  pluie  ,  les  vapeurs 
dont  Ta'ir  eft  chargé  le  rendent  plus  pefant, 
&  par  conféquent  doivent  faire  haulîèr  le 
baromètre- 

Mais  fi  la  retenue  &  la  circonfpeétion 
doivent  être  un  des  principaux  caraderes 
■du  phyficien ,  la  patience  &  le  courage 
doivent,  d'un  autre  coté  ,  le  foutenir  dans 
fon  travail.  En  quelque  matière  que  ce  (oit , 
on  ne  doit  pas  trop  fe  hâter  d'élever  entre 
la  nature  &  l'efprit  humain  un  mur  de 
fépararion;-en  nous  méfiant  de  notre  in- 
duflrie,  gardons-nous  de  nous  en  méfier 
^vec  excès.  Dans  Timpuiflance  que  nous 
fèntons  tous  les  jours  de  furraonter  tant 
d'obftacles  qui  fe  prcfentent  à  nous  ,  nous 
ferions  fms  doute  trop  heureux ,  fi  nous 
pouvions  du  moins  juger  au  premier  coup- 
d'œil  jufqu'où  nos  efforts  peuvent  attein- 
dre ;  mais  telle  eft  tout-à-la-fois  la  force 
&  la  foibleflé  de  notre  efprit  ,  qu'il  eft 
fouvent  aullî  dangereux  de  prononcer  fur 
ce  qu'il  ne  peut  pas,  que  fur  ce  qu'il  peut. 
Combien  de  découvertes  modernes  dont 
les  anciens  n'avoient  pas  même  l'idée  ! 
Combien  de  découvertes  perdues  que  nous 
contefterions  trop  légèrement  !  Et  combien 
d'autres  que  nous  jugerions  impoiTibles , 
font  réfervées  pour  notre  poftérité  !  (  O  ) 

Physique,  pris  adjeOivcment ,  fe  dit 
de  ce  qui  appartient  à  la  nature  ou  à  la 
phyfique.  Voye^  PHYSIQUE  &  NATURE. 

En  ce  fens  l'on  dit  un  point  phyfique  , 
par  oppofition  au  point  mathématique  ,  qui 
n'exlfte  que  par  abftradion  ,  &  qui  eft 
confidéré  comme  étant  fans  étendue. 
Veye^  PoiNT. 

Ori  dit  aufti  une  kibftance  ou  un  corps 
phyfique  ,  par  oppofition  à  efprit  ,  ou  à 
fubftance   miétaphyfiquc  ,   &c.  ■ 

HorÏT^on  phyjique  ou  fenfible.  Voye:{ 
Horizon. 

PHYSITERE,  f  m.  {Hlfi.  nat. 
Ichthiolog.  )  efpece  de  baleine  ou  de  Poif- 
ftn  teftacée  ,  appelle  autrement  lefouffleur. 

Voye\  Souffleur. 

PHYSOCELE  ,   tumeur    venteufe    du 
fcrotum.  Voyei  PneumATOCELE. 
Ce  mot  el^rec  pTVKtjKn  du  verbe  ?y  «rà» , 


P  H  Y 

fiatu  dlflendo  ,  je  gonfle  en  foufHant ,  & 
de  >'i^n  ,    hernie. 

PH YTALIDES ,  (  Hift.  anc.  )  PAy w- 
lidoe  ;  Plutarque  &  Paufanias  dlfent  que 
les  Phytalides  étoient  des  defcendans  de 
Phytalus ,  à  qui  Cérès  avoit  donné  l'in- 
tendance des  faints  myfteres  pour  le  récom- 
penfer  de  rhofpitalité  qu'il  avoit  exercée 
à  fon  égard  ,  l'ayant  reçu  fort  humaine- 
ment dans  fa  maifon.  {  D.  J .) 

PHYTALMIEN,  adj.  (My/Âo/.) 
(fVTaKf^ioi  ,  de  ip-JTO" ,  plante ,  &  de  ?i«  ,;'^/z- 
t retiens  ;  ainfi  phytalmien  veut  dire  pro- 
tecleur  des  plantes  ^  ou  des  biens  de  la 
terre  ;  c'eft  un  furnom  que  les  anciens 
donnoient  à  quelques-uns  de  leurs  dieux  , 
&  particulièrement  à  Jupiter.  Les  Trœze- 
niens  le  donnèrent  à  Neptune ,  &  lui 
firent  bâtir  un  temple  fous  les  murs  de 
leur  capitale ,  parce  qu'il  n'inondoit  plus 
leurs  terres  &  leurs  maifons  de  i^ts  flots 
falés  ;  la  mer  s'étant  infenfiblement  retirée 
de  Trœzene. 

PHYTEUMA,  f.  m.{Botan.)  efpece 
de  réfeda  qui  croît  aux  environs  de  Mont- 
pellier ,  où  on  l'appelle  herbe  maure  ; 
c'eft  le  réfeda  minor  vulgaris  de  Tour» 
nefort.    Voyei^    RÉSÉDA. 

PHYTOLAQUE  ,  phytolacca  ,  f  f. 
(  Hifl.  nat.  Bot.  )  genre  de  plante  à  fleur 
en  rofe ,  compofée  de  plufieurs  pétales  dif- 
pofés  en  rond  :  le  piftil  fort  du  milieu  de 
cette  fleur  ,  &  il  devient  dans  la  fuite  un 
fruit  ou  une  baie  prelque  ronde  &  molle , 
qui  renferme  des  femences  difpofées  en 
rond.  Tournefort ,  injl.  rei  herb.  Voye^ 
Plante. 

Tournefort  compte  deux  efpeces  de  ce 
genre  de  plante  d'Amérique  ;  la  principale 
eft  la  phytolacca  de  Virginie  ,  qu'il  nomme 
phytolacca  americana  ,  majori  fructu  ,  /. 
jR.  H.  ZXQ  ;  en  anglois ,  the  great  red- 
clufter- fruité d  ,     Virginiam  night-shade. 

Sa  racine  eft  longue  d'un  pié  y  groife 
comme  la  cuifîe  d'un  homme  ,  quelque- 
fois davantage ,  blanche  &  vivace  durant 
plufieurs  années.  Elle  pouffe  une  tige  à 
la  hauteur  de  trois  ou  quatre  pies  ,  ronde  , 
ferme ,  rougeâtre  ,  divilée  en  plufieurs  ra- 
meaux. Ses  feuilles  font  placées  fans  or- 
dre ,  amples ,  veineufes  ,  lifîes  &  douces 
au  toucher ,  d'un  verd  pâle  &  quelquefois 


P  H  Y 

rougeâtfe  ,  prefque  reflèmblantes  en  figure  à 
celles  de  la  morele  commune.  Au  haut 
de  la  tige  nailfent  des  pédicules  qui  fou- 
tiennent  de  petites  fleurs  en  grappes  ; 
chaque  fleur  eu  en  roie  ,  compolée  de 
plufieurs  pétales  rangés  circulairement  ,  de 
couleur  rouge  pâle.  Après  la  chute  de  la 
fleur  ,  le  pillil  qui  occupe  le  milieu  devient 
un  fruit  ou  une  baie  ovoïde^  molle,  pleine 
de  fuc  ,  femblable  à  un  petit  bouton  ap- 
plati  en  delfus  &  en  defTous  ;  en  mûrif- 
fant  elle  prend  une  couleur  rouge  brune  , 
&  renferme  quelques  femences  ovales, 
noires  ,.  dirpofées    en   rond. 

Cette  plante  efil  originaire  de  la  Vir- 
ginie ;  on  la  cultive  en  Europe ,  fur-tout 
en  Angleterre  ;  &  Miller  vous  inftruira 
de  l'art  de  fa  culture.  Ses  baies  teignen^ 
le  papier  en  une  belle  couleur  de  pour- 
pre ,  qui  n'eft  cependant  pas  durable. 
(D.J.) 

PHYTOLITES,  (if//?,  nat.  Miner.) 
nom  générique  donné  par  les  naturahftes  à 
toutes  les  pierres  qui  ont  la  figure ,  ou 
qui  portent  l'empreinte  de  quelque  corps 
du  règne  végétal.  Les  auteurs  ont  donné 
des  noms  differens  aux  pierres  ,  fuivant  les 
parties  des  végétaux  qui  étoient  pétrifiées , 
ou  dont  elles  portoient  les  empreintes  ; 
c'eft  ainfi  que  l'on  a  nommé  carpolites 
les  empreintes  des  fruits ,  ou  les  fruits  pé- 
trifiés ;  lythoxyla  ,  \ç.s  bois  pétrifiés  ;  rifo- 
lithes  y  les  racines  pétrifiées  ;  les  pierres 
chargées  d'empreintes  de  végétaux  ont  été 
nommées  ty polîtes  ou phytoty polîtes  ;  enfin 
les  pierres  fur  lefquelles  on  voyoit  des 
empreintes  des  feuilles,  ont  été  nommées 
lythobiblia.  Voye\  ces  difFérens  articles,  & 
Voye^    PÉTRIFICATION.   ( ) 

C'efl  ordinairement  dans  des  pierres 
feuilletées ,  telles  que  les  fchiltes  &  les 
ardoifes  ,  que  l'on  rencontre  des  emprein- 
tes des  végétaux  ^^  on  \qs  trouve  très-fré- 
quemment dans  \qs  couches  de  ces  fortes 
de  pierres  qui  accompagnent  les  mines  de 
charbon  de  terre.  Le  phénomène  qui  a  le 
plus  embarraffé  les  phyficiens  fur  ces  fortes 
d'empreintes,  c'efl  que  lorfqu'on  les  con- 
îidere  avec  attention  ,  on  trouve  qu'elles 
ont  été  faites  par  des  végétaux  entière- 
ment differens  de  ceux  qui  croiflent  aduel- 
lement  d^s  Içs  pays  où  on  Içs  rencontre  ; 


p  H  Y  74J 

c'efl  ainfi  que  M.  de  Jufîîeu  ,  en  examinant 
les  empreintes  qui  fe  trouvent  fur  la  pierre 
qui  accompagne  les  mines  de  Saint-Chau- 
mond  enLyonnois,  crut  botanifer  dans 
un  nouveau  monde  en  voyant  des  em- 
preintes de  plantes  dont  les  analogues  ne 
croilfent  point  en  France  ,  mais  font  pro- 
pres aux  climats  les  plus  chauds  des  Indes 
orientales  &  de  l'Amérique  ;  la  plupart  de 
ces  empreintes  font  êits  fougères  &  des 
capillaires.  Le  célèbre  M.  de  Leibnitz  avoit 
déjà  été  très-furpris  de  trouver  àts  em- 
peintes  de  plantes  exotiques  fur  des  ar- 
doifes d'Allemagne.  Au  refle ,  M.  de  Juflieu 
a  remarqué  que  les  feuilles  empreintes  dans- 
les  pierres  de  Saint-Chaumond  ,  étoient 
toujours  étendues ,  comme  fi  elles  eulfent 
été  collées  àdeffein;  ce  qui  prouve  ,  félon 
lui ,  qu'elles  y  ont  été  apportées  par  l'eau. 
Un  autre  phénomène  digne  de  remarque  , 
c'eff  que  les  deux  lames  de  ces  pierres  ont 
l'empreinte  de  la  même  face  de  cts  feuilles  , 
l'une  en  creux  ,  l'autre  en  relief.  ^o>r^  les 
mémoires  de  V académie  royale  des  fciences  , 
année    iji8. 

M.  de  Juffieu  cherche  à  expliquer  ces 
phénomènes  par  le  féjour  de  la  mer  fur 
quelques  parties  de  notre  globe  ,  où  fes 
eaux  ont  porté  des  plantes  qu'elles  avoient 
apportées  d'autres  pays  éloignés  ;  mais  il 
paroît  que  l'on  ne  peut-  guère  expliquer  ce 
phénomène  étrange  ,  qu'en  fuppofant  que 
les  pays  que  nous  habitons ,  ont  produit 
anciennement  des  plantes  très-difi'érentes 
de  celles  qu'ils  no»is  offrent  maintenant  , 
&  que  les  révolutions  générales  que  notre 
globe  a  éprouvées  depuis  ,  ont  changé 
notre    climat    &    fès  produdions.    Voye-^ 

l'article  Fossiles  y&  Terre  rép'olution 
de  la.(  —  ) 

PHYTOLOGIE*,  f  f.  difcours  fur  les 
plantes  ,  ou  une.delcription  de  leurs  formes 
de  leurs  efpeees  ,  de  leurs  propriétés ,  6'c. 
Voye\  Plante. 

Ce  moteficompofédugrec  (D'jtov^  plante  y 
&  >^oyoç  ,  difcours  ydç  Kiys> ,  je  décris  y  je 
raconte. 

PH YTOT YPOLITES  ,  (  Hifl.  nat.  ) 
les  naturaliffes  fe  fervent  de*  ce  mot  pour 
défigner  les  végétaux  ,  dont  on  trouve  des 
empreintes  flir  des  pierres  ou  fur  d'autres 
fubffances  du  règne  minéral. 


744  P  H  Y 

PHYXIEN,adj.  (  Af/Mo/.  )  ?/'r;W ,  de 
çvyajje  me  fauve  ,  je  me  réfugie  ;  épirhete 
qu'on  donnoit  à  Jupiter  chez  les  Grecs  , 
parce  qu'il  éroit  cenfé  le  protedeur  de  ceux 
qui  fe  réfugioient  dans  les  lieux  où  on 
Fhonoroit. 

PI 

PI ,  (  Luth.  )  nom  que  les  Siamois  don- 
nent à  une  efpece  de  chalumeau  extrême- 
ment aigu.  {F.  D.  G.  ) 

PIABUCU,  r.m.  (Ichtyol.)  nom  d'un 
poilTon  d'Amérique  ,  que  les  habitans  man- 
gent en  pluiieurs  endroits  ;  c'efl  un  petit 
poiflbn  de  trois  ou  quatre  pouces  de  long  , 
&  d'un  ou  deux  de  large  ,  tout  couvert 
d'écailles  argentines  ,  olivâtres  fur  le  dos  , 
avec  des  nageoires  toutes  blanches  :  ce 
petit  poiffon  eil  fi  gourmand  du  fang  hu- 
main ,  que  11  un  homme  qui  fe  baigne ,  a 
quelque  part  fur  le  corps  une  bleiTure  ou 
une  écorchure ,  ce  poiiîbn  fait  fes  efforts 
pour  en  venir  fucer  le  fang  J  c'eft  du 
moins  ce  que  dit  Margrave  dans  fon  hiji. 
lat.duBr(liL{D.  J.) 

PIACHES ,  f.  m.  (  Hifioire  mod.  culte.  ) 
nom  fous  lequel  les  Indiens  de  la  côce  de 
Cumana  en  Amérique  défignoient  leurs  prê- 
tres. Ils.étoient  non  feulement  les  minif- 
tres  de  la  religion  ,  mais  encore  ils  exer- 
çoient  la  médecine ,  &  ils  aidoient  les  Caci- 
ques de  leurs  confeils  dans  toutes  leurs  en- 
treprifes.  Pour  être  admis  dans  l'ordre  des 
piaches  f  il  falloit  paffer  par  une  efpece 
de  noviciat ,  qui  confiftoit  à  errer  pendant 
deux  ans  dans  les  forêts,  où  ils  perfùa- 
doient  au  peuple  qu'ils  recevoient  des  inf- 
trudions  de  certains  efprits  qui  prenoient 
une  forme  humaine ,  pour  leur  enfeigner 
leurs  devoirs  &  les  dogmes  de  leur  reli- 
gion. Leurs  principale^  divinités  ëtoient  le 
f()leil  &  la  lune,  qu'ils  afluroient  être  le 
mari  &  la  femme.  Ils  regardoient  les  éclairs 
&  le  tonnerre  comme  des  fignes  fenfibles 
de  la  colère  du  foleil.  Pendant  les  éclipfes 
on  fe  privoit  de  toute  nourriture  ;  Us 
femmes  fe  tiroient  du  fang  &  s'égrati- 
gnoient  les  bras ,  parce  qu'elles  croyoient 
que  la  lune  ctoit  en  querelle  avec  fon 
mari.  Les  prêtres  montroient  au  peuple 
une  croix  ,  femblablc  à  celle  de  S.  André , 
que  l'on  regardoit  comme  préfervatif  contre 


P  T  A 

les  fantômes.  La  médecine  qu'exerçoient 
les  piaches  confiiloit  à  donner  aux  mala- 
des quelques  herbes  &  racines ,  à  les  frotter 
avec  le  fang  &  la  graiffe  des  animaux  ;  & 
pour  les  douleurs  ils  fcarifioient  la  partie 
affligée ,  &  la  fuçoient  long-temps  pour 
en  tirer  les  humeurs.  Ces  prêtres  le  raê- 
loient  auffi  de  prédire  ,  &  il  s'efl  trouvé 
des  Efpagnols  aflez  ignorans  pour  ajouter 
foi  à  leurs  prédidions.  Les  piaches ,  ainli 
que  bien  d'autres  prêtres,  favoient  mettre 
à  profit  les  erreurs  des  peuples  ,  &  fe 
faifoient  payer  chèrement  leurs  fervices. 
Ils  tenoient  le  premier  rang  dans  les  fef- 
tins  où  ils  s'enivroient  fans  difficulté.  Ils 
n'avoient  aucune  idée  d'une  vie  à  venir. 
On  brûloit  les  corps  des  grands  un  an 
après  leur  mort  ,  &  les  échos  palïbient 
pour  les    réponfes    des   ombres. 

FIACULUM y  f  m.  (  Ant.  rom.  ) 
facrifice  expiatoire,  Piacula  y  chez  les 
Latins,  font  ce  que  les  Grecs  appelloient 
KA-^A/xxTct ,  les  purgations  dont  on  fe  fervoit 
pour  expier  ceux  qui  avoient  commis  les 
crimes  ;  ce  motlignifioit  aulli  les  parfums, 
d  vuU[jt.Ara. ,  qu'on  employoit  pour  délivrer 
ceux  qui  étoicnt  polfédés  de  quelque  démon. 
Horace ,  Epit.  première  y  lii'.  I y  fait  un 
bel  ufage  de  ce  terme  au  figuré  ,  pour 
défigner  les  remèdes  de  la  philofophie  pro- 
pre à  purger  l'ame  de  (es  vices.  {D.  /.  ) 

PI ADENA  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  petite  ville 
d'Italie,  aujourd'hui  bourgade  dans  le 
Crémonefe  ,  fur  les  confins  du  Mantouan. 

Cette  bourgade  cft  le  lieu  de  la  naiffànce 
de  Barthelemi  Platine  dans  le  xv  fiecle. 
Il  donna  les  vies  des  papes  jufqu'à  Paul  II. 
Cet  ouvrage  eft  écrit  d'un  ftyle  paflable  , 
avec  beaucoup  de  liberté,  mais  non  d'exac- 
titude ;  il  a  été  traduit  en  françois  ,  en 
italien  &  en  allemand.  Platine  a  compofé 
plufieurs  autres  livres  ,  &  toutes  (ts  œuvres 
réunies  ont  été  imprimées  àLouvain  en  1 572', 
&  à  Cologne  en  1574  ,  in-folio.   {  D.  J.) 

PIAFFER  ,  V.  n.  (  Maréchallerie.  )  fe 
dit  d'un  cheval  qui ,  en  marchant  ,  levé 
les  jambes  de  devant  fort  haut,  &  les 
replace  prefque  au  même  endroit  avec 
précipitation,  hts  chevaux  qui  piaiTent  , 
de  même  que  ceux  qui  font  inftruits  au 
paffege ,  font  les  plus  propres  pour  les  car- 
roufels  &  pour  les  occafions  d'éclat. 

PIAFFEUR , 


P  I  A  P  I  A  74J 

m.  {Maréckallerle.)  On  |  conduites  par  deux  hommes.  Au  Pérou  on 


PIAFFEUR, 
ïippelle  ainli  un  cheval  qui  piaffe.  Foye^ 
Piaffer. 

PI  AIE ,  f.  m.  (  Hiftoire  moderne.  )  C'eft 
le  nom  que  les  fauvages  qui  habitent  l'île 
de  Cayenne  donnent  à  un  mauvais  génie  , 
qu'ils  regardent  comme  l'auteur  de  tous  les 
maux.  Ces  mêmes  fauvages  donnent  en- 
core le  nom  de  piaies  ou  de  piayes  à  leurs 
prêtres  ,  qui  font  en  même  temps  leurs 
Torciers  &  leurs  médecins.  Avant  que  d'être 
agrégé  à  ce  corps ,  celui  qui  s'y  deftine 
pafTe  par  des  épreuves  fi  rudes ,  que  peu 
de  gens  pourroient  devenir  médecins  à  ce 
prix.  Lorfque  le  récipiendaire  a  reçu  pen- 
dant dix  années  les  in(lru6iionsd'un  ancien 
piaic ,  dont  ileft  en  même  temps  le  valet , 
on  lui  faitobferver  un  jeûne  (\  rigoureux, 
qu'il  en  eft  totalement  exténué  ;  alors  les  an- 
ciens piaies  s'aiïemblent  dans  une  cabane, 
&  apprennent  au  novice  le  principal  myf- 
tere  de  leur  art ,  qui  confifte  à  évoquer 
\qs  puilTances  de  l'enfer  ;  après  quoi  on  le 
fait  danfer  jufqu'à  ce  qu'il  perde  connoif- 
fance  ;  on  le  fait  revenir  en  lui  mettant 
des  colliers-  &  des  ceintures  remplis  de 
fourmis  noires  ,  qui  le  piquent  très-vive- 
ment ;  après  cela  ,  pour  l'accoutumer  aux 
remèdes  ,  on  lui  fait  avaler  un  grand 
verre  de  jus  de  tabac ,  ce  qui  lui  caufe 
des  évacuations  très-violentes,  qui  durent 
quelquefois  pendant  plufieurs  jours.  Lorf- 
que toutes  ces  cérémonies  cruelles  &  ri- 
dicules font  finies ,  le  récipiendaire  eft  dé- 
claré piaie ,  &:  on  lui  confie  le  pouvoir  de 
guérir  toutes  les  maladies  ;  cependant  il 
n'eft  en  droit  d'exercer,  qu'après  avoir 
paffé  encore  trois  ans  d'abftinence.  Leur 
méthode  curative  confifte ,  en  grande 
partie  ,  dans  l'évocation  des  efprits  infer- 
naux ;  cependant  on  affure  qu'ils  font 
iifage  de  quelques  plantes  très  -  efficaces 
contre  les  plaies  les  plus  envenimées,  à 
l'aide  defquelles  ils  opèrent  quelquefois 
des  cures  merveilleufes. 

PIALIES ,  f.  f.  pi.  (Littér.  )  jeux  infti- 
tués  par  Antonin  Pie ,  à  la  mémoire  d'A- 
drien. C'étoit  un  combat  ifélaftique  qu'on 
donnoit  à  Pouzzoles. 

PIARA,  f.  ï.  terme  de  relation,  nom 

que  donnent  les  Efpagnols  dans  l'Amérique 

méridionale  à  une  troupe  de  dix  mules 

Tom&  XXV. 


divife  les  troupeaux  ou  requats  des  mules , 
en  plufieurs yP/^r^i  ;  &:  comme  il  y  a  quel- 
quefois des  journées  de  hautes  &  rudes 
montagnes  à  traverfer,  les  mules  de  re- 
change montent  ordinairement  au  double 
des  pïaras. 

PIASTE  ou  PLAST,  f.  m.  ÇHifloirt 
moderne.  )  en  Pologne  eft  le  nom  que  les 
peuples  de  ce  royaume  donnent  aux  can- 
didats qu'on  propofepour  remplir  le  trône, 
lorfqu'ils  font  originaires  ou  naturels  du 
pays.  On  tient  communément  que  ce  nom 
vient  d'un  payfan  de  Crufvies  ,  appelle 
Piafle  ,  à  qui  les  Polonois  déférèrent  la 
couronne  après  la  mort  de  Popiel  en  830, 
&  qui  rendit  heureux  les  peuples  foumis  à 
fon  gouvernement.  Le  trône  de  Pologne 
refta  dans  fa  famille  pendant  plus  de  400 
ans. 

PIASTRE ,  f.  f.  (  Monnaie.)  monnoie 
d'argent ,  d'abord  fabriquée  en  Efpagne  , 
&:  enfuite  dans  plufieurs  autres  états  de 
l'Europe  ,  qui  a  cours  dans  les  quatre  par- 
ties du  monde. 

On  l'appelle  auftî  pièce  de  huit,  ou  réate 
de  huit ,  parce  qu'elle  vaut  huit  réaiix  d'ar- 
gent; elle  eft  à-peu-près  au  titre  &c  du 
même  poids  que  les  écus  ou  louis  blancs  de 
France  de  neuf  au  marc. 

Il  y  a  deux  fortes  de  piaftres  ou  écus 
d'Efpagne,  les  unes  qui  fe  fabriquent  au 
Potofi ,  que  l'on  a.ppe\\e piajires  du  Pérou  - 
les  autres  qui  viennent  du  Mexique.  Ces 
dernières  pefent  un  peu  plus  que  les  péru- 
viennes ;  mais  par  compenfation  elles  ne 
font  pas  d'un  argent  auifi  pur  que  celles 
du  Potofi. 

La  piajire  a  (es  diminutions  *  qui  font  la 
demi'pia/ire  ou  réale  de  quatre  ;  le  quart  de 
piajire  ou  réale  de  deux;  le  huitième  éepiaf- 
trc  ou  réaîe  fimple  ;  &le  feizierae  àtpiafirc 
ou  demi-réale. 

"L^i  piajire  de  huit  réaux  d'argent  vaut 
quinze  réaux  de  vellon ,  ou  ,  comme  on  le 
prononce  en  efpagnol ,  de  veiLlon  ;  en  forte 
que  par  rapport  à  cette  différence  de  réaux 
ou  de  vellon ,  il  faut  pour  chaque  piajire 
171  maravedis  d*argent  ,  &  jufqu  â  510 
maravedis  de  vellon.  Savary ,  Ricard  & 
autres.  (  D.  J .) 

PI  AVE,  (Géogr.  mod.  )  rivière  d'Italie 
Bi^bbb 


74<^  P    I  C 

dans  rérat  de  Venife  ;  elle  prend  Ta  fource 
dans  le  Tirol ,  &  fe  partage  en  deux  bran- 
ches ,  qui  toutes  deux  plus  près  ou  plus 
loin  ,  vont  fe  jeter  dans  le  golfe  de  Venife. 
Quelques-uns  croient  que  la  Piavc  eft 
VAnaJfua  des  anciens. 

PIAUTE,  f.  m.  {terme  de  marine.) 
efpece  de  gouvernail  dont  on  fe  fert  pour 
les  bateaux  marnois ,  chalans  &  toue. 

PIC  ,  f.  m.  f  Hifioire  nat.  Ornitholog,  ) 
nom  générique  que  l'on  a  donnéà  plufieurs 
oifeaux.  Les  carafteres  de  ce  genre  font 
rapportés  à  \'art.  OiSEAU.  V.  OiSEAU. 

Pic  d'Auvergne.  F(5>y«{Pic  de  mu- 
raille. 

Pic  cendré.  ^.  Torchepot. 

Pic  de  muraille  ,  Echelette  , 
Ternier,  Pitschat,  Pic  d'Auver- 
gne ,  picus  murarius  Aldrovandi.  Wil. 
oifeau  qui  eft  un  peu  plus  gros  que  le  moi- 
neau domeftique;  il  a  le  bec  long ,  mince 
&  noir  ;  la  tête ,  le  cou  &  le  dos  font  cen- 
drés ;  la  poitrine  a  une  couleur  blanchâtre  ; 
les  ailes  font  en  partie  cendrées  &:  en  par- 
tie rouges ,  fur-tout  près  du  corps  ;  les  plus 
longues  plumes  At%  ailes,  la  partie  infé- 
rieure du  dos ,  le  ventre  &  les  jambes  font 
noires  ;  la  queue  eft  courte  &:  a  la  même 
couleur  qu«  le  dos  ;  les  jambes  font  courtes 
comme  dans  toutes  les  efpeces  de  pic.  Cet 
oifeau  a  les  doigts  très-longs  ;  il  y  en  a  trois 
dirigés  en  avant  &  un  en  arrière  ;  les  on- 
gles font  crochus  &  pointus.  Aldrovande 
dit  que  \t  pic  de  muraille  a  le  vol  fembla- 
ble  à  celui  de  la  huppe ,  parce  qu'il  re- 
mue prefque  continuellement  les  ailes  ; 
on  a  donné  à  cet  oifeau  le  nom  de  pic 
de  muraille ,  parce  qu'il  fe  fou  tient  & 
grimpe  le  long  des  murs  pour  chercher 
des  vers  entre  les  joints  des  pierres  , 
comme  le  pic  verd  en  cherche  fur  le 
tronc  des  arbres  :  il  a  une  voix  très-agréa- 
ble ;  il  vole  ordinairement  feul ,  quelque- 
fois on  en  voit  deux  enfemble  ;  il  niche 
dans  des  creux  d'arbres.  Willughby  ,  Orn. 
V.  Oiseau. 

Grand  Pic  noir.  V.  Pimar. 

Pic  rouge.  ^.  Epeiche. 

Pic  verd  ,  Pivert  ,  Pic  mars  , 
picus  viridis.  Willug.  oifeau ,  qui  a  environ 
onze  pouces  de  longueur  depuis  la  pointe  du 
feec  jufqu'au  bout  à.Q%  doigts ,  &  plus  d'un 


P  î  C 

pié  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  :  l'en- 
vergure eft  d'un  pié  fept  pouces  &c  plus  ; 
le  bec  a  près  de  deux  pouces  de  longueur  , 
depuis  fa  pointe  jufqu'aux  coins  de  la  bou- 
che ;  il  eft  noir,  dur,  épais,  triangulaire 
&  obtus  par  le  bout.  Cet  oifeau  a  la 
langue  très  -  longue  &  terminée  par  une 
forte  de  pointe  ofleufe,  dont  il  perce  les 
infedes  en  lançant  fa  langue  fur  eux  comme 
un  dard  ;  fa  tête  eft  d'une  belle  couleur 
rouge  parfemée  de  taches  noires  ;  les  yeux 
font  entourés  de  noir ,  &  il  y  a  de  cha- 
que côté  fous  la  pièce  inférieure  du  bec  un 
trait  rouge  de  même  couleur  que  la  têre; 
la  gorge,  la  poitrine  &  le  ventre  font  d'un 
verd  pâle  ;  Iç  dos ,  le  cou  &  les  petites  plu- 
mes des  ailes  ont  une  couleur  verte  ;  le  crou- 
pion eft  d'un  jaunecouleur  de  paille;  les  plu- 
mes du  deftbus  de  la  queue  ont  de  petites 
bandes  brunes  tranfverfales.  Il  y  a  dix-neuf 
grandes  plumes  dans  chaque  aile  ,  fans 
compter  la  première  qui  eft  très-courte; 
celles  qui  font  le  plus  près  du  corps  ont 
les  barbes  extérieures  vertes  ,  &  les  in- 
térieures de  couleur  brune  ,  parfemées 
de  taches  blanches  en  demi -cercle  ;  les 
autres  ont  les  barbes  intérieures  de  la  mê- 
me couleur  que  les  premières  plumes ,  & 
les  barbes  extérieures  font  brunes  &  ont 
des  taches  blanches  ;  la  queue  a  quatre 
pouces  &  demi  de  longueur,  elle  eft  com- 
pofée  de  dix  plumes  recourbées  en  def- 
fous,  qui  parôiflent  fourchues  ,  parce  que 
le  tuyau  ne  s'étend  pas  jufqu'aux  dernières 
barbes  de  chaque  plume  ;  les  deux  du  milieu 
&  les  deux  qui  fuivent  de  chaque  côté  ont 
fur  la  face  fupérieure  des  taches  tranfverfa- 
les d'un  verd  obfcur ,  &  fur  la  face  infé- 
rieure des  taches  blanchâtres;  les  deux 
extérieures  de  chaque  côté  ont  la  pointe 
plus  obtufe  que  les  autres  ;  la  plus  grande 
a  fur  toute  fa  furface  des  taches  noires  & 
des  taches  d'un  verd  obfcur ,  la  plus  pe- 
tite eft  verdâtre  à  la  pointe  ,  &  noirâtre 
à  la  racine;  les  pies  font  d'un  blanc  ver- 
dâtre. Cet  oifeau  a  deux  doigts  en  avant 
&  deux  eh  arrière  ;  il  fe  nourrit  d'infeéies , 
&  principalement  de  fourmis.  La  femelle 
pond  cinq  ou  fix  œufs  à  chaque  couvée. 
Lepic  verd  iur  lequel  on  a  fait  cette  def- 
cription ,  étoit  mâle  ;  il  pefoit  prefque  fept 
onces  ;  dans  toutes  les  efi^eces  de  pics ,  la 


PIC 

pointe  du  ruyaa  des  plumes  de  h  queue  pa- 
roît  ulëe  &:  rompue,  parce  que  ces  oifeaux 
ie  foutiennent ,  comine  je  l'ai  déjà  die ,  fur 
ces  plumes  en  grimpant  fur  les  arbres.  Wil. 
Omit.  FoyeiOlSEkV. 

La  langue  de  cet  oifeau  a  arrêté  les  re- 
gards de  plufieurs  phyficiens,  &  entr*au- 
tres  de  MM.  Borelli  ^  Perrault  ,JDerham 
&  Mery. 

Elle  eft  faite  d'un  petit  os  fort  court,  re- 
vêtu d'un  cornet  d'une  fubftance  écailleu- 
fe  ;  fa  figure  eft  pyramidale  ;  elFe  eft  arti- 
culé^par  fa  bafe  avec  rextrémlté  antérieure 
de  l'os  hyoïde  ,  &  l'oifeau  peut  tirer  fa 
langue  hors  du  bec  ,  à  l'étendue  de  trois  à 
quatre  pouces. 

Cet  os  &  le  filet  antérieur  des  branches 
qui  ie  compofent,  font  renfermés  dans  une 
gaine  formée  de  la  membrane  qui  tapiiïé  le 
dedans  du  bec  inférieur  :  l'extrémité  de 
cette  gaine  s'unit  à  l'embouchure  du  cor- 
net écailieux  de  la  langue.  Cette  gaine 
s'alonge  quand  la  langue  fort  du  bec ,  &: 
s'accourcit  quand  elle  y  rentre. 

Le  cornet  écailleux  qui  revêt  le  petit  os 
de  la  langue  eft  convexe  en  defTus ,  plat 
en  deflous  ,  &  cave  en  dedans.  Il  eft 
armé  de  chaque  côté  de  fix  pointes  très- 
fines  ,  tranfparentes  &  inflexibles;  leur 
extrémité  eft  un  peu  tournée  vers  le 
gofier. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ce  cornet 
armé  de  petites  pointes,  eft  l'inftrumcnt 
dont  le  pic  verd  fe  fert  pour  enlever  fa 
proie;  ce  qu'il  fait  avec  d'autant  plus  de 
facilité ,  que  cet  inftrument  eft  toujours  em- 
pâté d'une  matière  gluante  ,  qui  eft  verfée 
dans  l'extrémité  du  bec  inférieur  par  deux 
canaux  excrétoires  ,  qui  partent  de  deux 
g'andes  pyramidales ,  fituées  aux  côtés  in- 
ternes de  cette  partie. 

Pour  fe  fervir  de  cet  inftrument ,  la  na- 
ture a  donné  au/?icveri/plufieurs  mufcles  , 
dont  les  uns  appartiennent  aux  branches 
de  l'os  hyoïde  ;  ceux-ci  tirent  la  langue 
hors  du  bec  :  d'autres  appartiennent  à  la 
gaine  qui  renferme  le  corps  de  l'os  hyoïde 
avec  les  filets  antérieurs  de  fes  branches  ; 
ceux-là  retirent  la  langue  dans  le  bec  : 
enfin  la  langue  a  ks  mufcles  propres  qui 


PIC  747 

la  t'fent  en  haut ,  en  bas ,  de  l'un  &  de  l'au- 
tre côté. 

La  langue  de  cet  oifeau  ,  l'os  hyoïde  ,' 
&  fes  branches  jointes  enfemble ,  ont  en- 
viron huit  pouces  de  longueur,  &  de  cette 
longueur  il  en  fort  près  de  quatre  pouces 
quand  elle  eft  tirée  ;  d'où  il  réfulte  que  la 
langue  parcourant  le  même  chemin  en  ren- 
trant qu'elle  fait  en  fortant ,  les  mufcles  qui 
la  lient  &  retirent  doivent  avoir  en  lon- 
gueur plus  de  quatre  pouces,  parce  qu'ils  ne 
peuvent  pas  s'accourcir  de  leur  longueur 
entière.  V^oyc^  Us  détails  avec  figures 
dans  les  Mém.  de  Cacad.  des  fciences , 
ann.  1709.  (D.J.) 

Pic  verd  y  petit,  picus  varius  minor  ^ 
oifeau  qui  reftembfe  beaucoup  à  l'épeiche 
par  fa  forme  &  par  fa  couleur,  &  qui  n'ea 
diffère  prefque  qu'en  ce  qu'il  eft  beaucoup 
plus  petit.  Il  pefe  à  peine  une  once  ;  il  a 
environ  fix  pouces  de  longueur  depuis  la 
pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue ,  &  dix  pouces  d'envergure.  La 
queue  a  deux  pouces  de  longueur  ;  elle  eft 
compofée  de  dix  plumes  ;  les  deux  du  mi- 
lieu font  les  plus  longues  ;  les  autres  dimi- 
nuent fucceffivement  de  longueur  jufqu'à 
Textérieure  qui  eft  la  plus  courte  ;  les  qua- 
tre du  milieu  font  entièrement  noires  6c 
courbées  en  deffbus  :  l'oifeau  fe  fert  de 
ces  plumes  pour  fe  foutenir  en  grimpant 
contre  les  arbres;  les  trois  ext^ieures  de 
chaque  côté  font  moins  pointues;  l'exter- 
ne eft  noire  à  fon  origine  ,  &  blanche  vers 
la  pointe.  Cette  couleur  blanche  eft  inter- 
rompue par  deux  taches  noires  &  tranfver- 
fales.  Le  noir  de  la  féconde  plume  exté- 
rieure s'étend  jufqu'à  la  féconde  tache  noire 
tranfverfale  ,  feulement  fur  le  côté  inté- 
rieur du  tuyau  ;  le  blanc  defcend  plus  bas 
fur  le  côté  extérieur ,  &  il  n'y  a  qu'une  feule 
tache  noire  tranfverfale  près  de  la  pointe. 
La  troifieme  plume  eft  noire ,  à  l'exception 
de  la  pointe  qui  a  une  couleur  blanche.  La 
gorge ,  la  poitrine  ,  &  le  ventre ,  font  d'un 
blanc  pâle;  le  defiiis  Aç.s  narines  eft  brun, 
&  il  fe  trouve  une  tache  blanche  plus  haut 
fur  le  fommet  de  la  tête  ;  le  derrière  de 
la  tête  eft  noir ,  &  il  y  a  deux  lignes 
larges  &  blanches  qui  s'étendent  de- 
puis les  yeux  jufqu'au  milieu  du  cou  ; 
le  devant  du  dos  ,  &  une  partie  des 
Bbbbbi 


748  P    ï  ^      . 

pet'ues  plumes  des  ailes  font  noires  en  en- 
tier; les  autres  &f  les  grandes  ont  des  ta- 
ches blanches  en  demi-cercle  ;  le  mUieu  du 
dos  eft  blanc  &  a  des  lignes  tranlverfales 
noires;  les  jambes  font  couvertes  de  plu- 
mes p-efque  jafqu'aux  doigts  :  cetoifeau  le 
n.ourrit  d'infedes  ;  le  mâle  diffère  de  la 
femelle  ,  en  ce  qu'il  a  une  tache  rouge  fur 
la  tête  au  lieu  d'une  tache  blanche.  Wil- 
lughby,  Ornith.  FoycT^  OiSEAU. 

Pic  varié  ,  voye:^  Épeiche. 
Pic  vkRD(/7^m),  Petit  PIC  varié, 
Cul  ROUGE ,  voyq  Épeîche. 

Pic  d'Adam  ,  C Hifl.  mod.  Ghgr.  ) 
montagne  très  -  élevée  de  l'île  de  Ceylan , 
que  les  Indiens  nomment  Hamald ,  &  qui 
eft  pour  eux  un  objet  de  vénération ,  parce 
que  ,  fuivant  quelques  traditions  orientales , 
Adam  fut  c:éé  lur  le  fonimet  de  cette 
montagne  Le  dieu  Ruddon ,  en  m.ontant 
au  cie^ ,  laiHa  lur  le  roc  l'empreinte  de  fon 
pié,  qui  eft  ,  dit-on ,  d'une  grandeur  dou- 
ble de  celui  d'un  hornme  ordinaire.  La  fu- 
perftition  y  attire  tous  les  ans  au  mois  de 
mars,  des  troupes  innombrables  de  pèle- 
rins ,  qui  vont  y  faire  leurs  dévotions. 

Pic  le,  (  Géog.  mod.  )  autrement  le 
Pic  d'Adam^  en  hoUandois  Adams-Pic  , 
montagne  de  i'île  de  Ceylan.  M.  del'Isle  , 
dans  fon  atlas ,  donne  à  cette  montagne 
98  degrés <|  25  à  p  minutes  de  longirude  , 
fur  5  degrés  «5  \  mmutes  de  latitude  nord. 
Elle  eft  fort  haute  ,  fort  roide  ,.  fort  efcar- 
pée ,  &  à  vingt  lieues  de  la  mer  ;  mais  les 
mateloîs  la  voient  encore  de  dix  à  quinze 
lieues  en  mer.  Ribero  en  a  fait  une 
delc  iptiiin  fort  étendue ,  &  mêlée  de 
récits  fabuleux,  qui  ne  méditent  aucune 
créance. 

Les  géographes  ont  donné  le  nom  de 
pic  à  quelques  montagnes  fort  éievées,  & 
qui  (e  terminent  en  une  feule  poirue.  Téi 
eft  le  pic  d'Adam  ,  le^icde  Saint-George,. 
\e  pic  de  Ténériffe  ,  &c.  Ce  nom  vient  de 
la  reft^emblance  de  ces  montagnes  à  l'outil 
de  ïtr  nommé  pic  y  dont  on  le  ferr  pour 
fouir  la  terre  ,  &  qui  n'a  qu'une  pointe 

Pic  de  DerbY,  (  Oéogr.  mod.J  en 
anglois  Pcûk  of  Derby  Shire,  c'eft-à-dire  , 
h  poi  îre  ouïe  fommet  du  comté  de  Der- 
h^y  C'eft  un  endroit  ûtué  entre  les  monta-  ! 


P  I  c 

gnes  dans  le  nord-oueft  de  ce  comté.  îl  efî 
remarquable  ,  1°.  par  fes  carrières  ;  2^.  par 
Ton  plomb  ;  3^.  par  fes  trois  cavernes.  On 
les  connoît  en  Angleterre  fous  le  nom  de 
Devils-Arfe ,  le  cul  du  diable  ,  Eldepis- 
HoU  y  ôc  PooW'Hok,  Elles  font  toutes, 
trois  larges  &  profondes.  On  dit  qu'il  fort 
de  la  première  de  l'eau  qui  a  fon  flux  & 
reflux  quatre  fois  dans  une  heure.  Elle  fe 
diftinguc  par  l'irrégularité  des  rochers 
qu'on  trouve  en  dedans.  Celle  qu'on  appelle 
Eldens-Ho le  ,2.  (on  entrée  bafte  &  étroite  ; 
les  eaux  qui  en  découlent,  fe  congèlent 
en  tombant,  &:  forment  à&s  glaçons  pen- 
dans  à  la  caverne.  On  peut  joindre  ici  les 
puits  du  Boxton,  d'où  dans  fefpace  de 
huit  à  dix-neuf  verges  d'Angleterre  ,  il  fort 
quelques  fources  d'eaux  un  peu  minérales 
&f  chaudes ,  excepté  une  feule  qui  e(l 
froide. 

Pic  de  Saint- George,  (  Géogr,. 
moderne.  )  On  trouve  dans  une  des  îles  de 
l'oueft  oudes  Açores,  auprès  de  l'île  Fal, 
une  montagne  appellée  le  Pic  de  Sainte- 
Georges  ^  d'où  l'île  elle-même  a  pris  le  nom 
de  P/co.  On  prétend  qu'elle  eft  aufîi  haute  ^ 
ou  peu  s'en  faut,  que  le  pic  de  Ténériffe.. 
Long,  du  p'.c  de  Saint-Georges ,  félon  Cafiir 
ni  ,  349,21  ,  3o;/^^  38,  35. 

Pic  de  Ténériffe  ,  (Géographie: 
moderne, J  le  pic  de  Ténériffe  .^  que  les  ha- 
bitans  appellent /7/ca  de  Terraira  ,  eft  regar^ 
dé  comme  la  plus  haute  montagne  du  mon- 
de, &  on  en  voit  en  mer  le  fommet  à  cin- 
quante milles  de  diftance. 

On  ne  peut  y  monter  que  dans  les-, 
mois  de  j\iillet  6)C  d'août;  car  dans  les  au- 
tres mois  il  eft  couvert  déneige  ,  q.uoiqu'on; 
n'en  voie  jamais  dansxette  île  ,  ni  dans  les- 
îles  Canaries  qui  en  font  voifines.  Son; 
fommet  paroît  diftinéfement  au  deffus- 
des  nues  ;  mais  comme  il  eft  ordinaire- 
ment couvert  de  neige  ,  il  n'eft  certaine- 
ment pas  au  deffus  de  la  moyenne  région, 
de  l'air.  Il  faut  deux  à  trois  jours  pour 
arriver  au  haut  de  cette  montagne;  forr; 
extrémité  n'eft  pas  faite  en  pointe,  mais-, 
unie  &c  plate  ;  delà  on  peut  appetcevoir 
diftindement  par  un  temps  ferein  le  refte; 
des  îles  Canaries  ,  quoique  quelques- 
unes  en  foient  éljoignées  de  plus  de  feize- 
lieues», 


P  I  c 

Scaliger  écrit  que  cette  montagne  vo- 
mlfloit  autrefois  des  charbons  enflammés , 
fans  difconiinuer  :  on  ne  fait  eu  cet  auteur 
a  pris  ce  fait.  Cependant  il  eft  vraifembla- 
ble  que  cette  montagne  a  été  autrefois  brû- 
lante; car  il  y  a  au  fommet  un  entonnoir 
qui  produit  une  forte  de  terre  fulfureufe , 
telle  que ,  fi  on  la  roule  ôc  qu'on  en  fafle 
une  chandelle ,  elle  brûle  comme  du  fou- 
fre.  Il  y  a  plufieurs  endroits  fur  le  bord  du 
pic  ,  qui  brûlent  ou  fument  :  dans  d'autres 
fi  on  retourne  les  pierres,  on  y  trouve 
attaché  du  foufre  pur.  Il  y  a  auffi  dans  le 
fond  des  pierres  qui  font  luifantes  &  fem- 
blables  au  mache-fer  ;  ce  qui  vient  fans 
doute  de  l'extrême  chaleur  du  lieu  d'où 
elles  fortent.  C'eft  ce  que  confirme  M. 
Edens  ,  qui  y  a  fait  un  voyage  en  171  "J. 
f^ojc:;^  les  Tranfaci.  philofoph.  n^.  345. 
Longit.  dupic  de  Ténériffe ,  félon  Cafliai  , 

2 , 5 1 ,  30  ; /^//^  18 ,  30.  f /).  y.  J 

Pic  a  pic  ,  [Marine.  )  c'eft-à-dire,  à 
plomb  ,  ou  perpendiculairement., 

A  pic  fur  une  ancre  ^  c'eft-à-dire,  que 
le  vaiffeau  eft  perpendiculairement  fur 
cette  ancre  ,  &C  qu'elle  eft  dégagée  du 
fond. 

Des  fauts  à  pic  dans  une  riiùere^C^eû 
quand  il  fe  trouve  un  rocher  efcarpé  ou 
faut  dans  une  rivière ,  où  toute  l'eau 
tombe  de  haut  en  bas  comine  dans  une 
cafcade ,,  ainfi  qu'il  s'en  trouve  dans  de 
grandes  rivières  de  l'Amérique.  FojeT;^ 
PoilTAGE,  faire  portage  ;  le.  vent  e(i  à 
pic.  V.  Vent. 

Pic,  C  Poids.  )  gros  poids  de  la. Chine 
dont  on  fe  fert  particulièrement  du  côré  d^ 
Canton,  pour  pe  fer  les  raa.chandifes  ;  ii 
fe  divife  en  centcatis  ;  quelques-uns  difenr 
en  cent  vingt-cinq;  le  catis  en  feizetaels; 
chaque  lael  faifant  une  once  deux  gros  de 
France,  en  f ^r  e  que  le  pic  de  la  Chine 
revient  à  cent  vingt-einq,  livres,  poids  de 
marc.  Savary. 

Pic  ,  (  Inflrument  d'ouvriers.  )  inftru- 
raent  de  fer  un  peu  courbé  ,  pointu  &  acé- 
ré ,  avec  un  long  manche  de  bois  qui  fert 
aux  maçons  terrafiiers  à  ouvrir  la  terre  ,  ou 
à.  démolir  ies  vieux  bâtunens.  Les  carriers 
%t\\  lervent  auffi  pour  déraciner  6c  décou- 
vrir les  pierres  dont  ils  veulent  trouver  le 
blanc.  Cet  outil  ne  diifere  de  la  pioche  [ 


PIC  749 

pointue ,  qu'en  ce  que  le  fer  en  eft  plirs 
long ,  plus   fort ,   &  mieux  acéré.   (  D, 

Vie  ^  en  terme  de  Bouionnier  ,  petit 
ouvrage  en  cartifane  qui  fert  d'ornemen» 
dans  difïérens  ouvrages,  foit  dans  les  car- 
roffes ,  foit  dans  les  harnachemens  des 
chevaux ,  dans  les  ameublemens  ou  hab'ille- 
mens  d'hommes  ou  de  femmes ,  &c.  C'eft 
un  carreau  un  peu  arrondi  fur  (ts  an- 
gles :  pour  faire  un  pic  ^  la  première  chofc 
néceftaire ,  c'eft  de  découper  du  vélin  de  la 
grandeur  convenable  avec  l'emporte-piece  ;. 
on  le  met  alors  en  foie  en  tournant  une 
bobine  autour  de  lacannetille  ou  du  mille- 
ray  qui  borde  ce  fond.  Par-là  on  arrête  le 
bord  ,  6c  on  couvre  le  vélin  tout  enfemble. 
Voyei  Cannetille.  Enfuite  on  recom- 
mence l'opération  en  or  6c  en  aï-gent, 
s'il  le  faut.  Le  principal  ufage  du  pic  ,  c'eft 
dans  les  graines  d'épinards  ,  ou  dans  les 
jafmins.  K.  JaSMINS» 

Pic  ,  en  terme  de  Rafîneur,  eft  un  inf- 
trumentdefer  en  forme  <ie  langue  de  bœuf,, 
monté  fur  un  manche  de  trois  pies  de  long  ; 
on  s'en  fert  à  piquer  les  matières  ,  quand"- 
elies  font  frop  maftiquées  dans  le  bac  à^ 
fucre.  f^.  Bac  a  sucre. 

Pic  ,  (  JeuJ  le  pic  a  lieu  dans  le  jeu  de 
piquet ,  lorfqu'ayant  compté  un  certain 
nombre  de  pqints  fdns  que  l'adverfaire  ait 
rien  compté  ;  l'on  va  en  jouant  jufqu'à 
trente  ;  auquelcas,  au  lieu  de  dire  trente^ 
l'on  compte  foixante  ^^  l'on  continue  dé- 
compter les  points  quWon  fait  de  furpius.. 
V  faut  remarquer  que  pour  faire  pic ,  il 
taut  être  premier  ;  car  fi  vous  êtes  der- 
nier, le  premier  qui  jette  une  carte  qui 
marque  ,  vous  empêche  d'aller  à  foixanre,- 
quand  vous  auriez  compté  dans  votre  jeu- 
vmgt-neuf,  6c  que  vous  lèveriez  la  carte 
jetée. 

PICA  ,  f  m.  (  Médec.  pratiq.)  ce  mot 
défigne  une  maladie  dont  le  caraaere  dif- 
nndif  eft  un  dégoût  extrême  pour  les  bons 
alimens,.  6c  un  appétit  violent  pour  des 
ehofesabfurdes,nuifibles,/i^//V/;z^^z/<7///we/2- 
tiufes.  Lesétymologyftes  prétendent  qu'on, 
lui  a  donné  ce  nom  ,  qui,  dans  le  fens  na- 
turel,  fignifie /"/e  ;  parce  que  comme  cet 
oifeau  eft  fort  varié  dans  {<s  paro'es  6c 
Ion  plumage ,  de  même  l'appétit  dépravé 


750  PIC 

de  cette  eTpecé  de  malade  s'étend  à  pîu- 
fieurs  difFérentes  chofes  ,  &  fe  diverfifia  à 
l'infini.  N'auroit-on  pas  pu  trouver  un  rap- 
port plus  ienfible  &  plus  frappant  enrre  cet 
oifeau  remarquable  par  f'on  babil ,  &  les 
perfonnes  du  Texe ,  qui  font  les  fujets  or- 
dinaires de  cette  maladie  ?  Eft-ce  un  pareil 
rapport  qui  auroit  autorile  cette  dénomi> 
nation  ?  ou  plutôt  ne  feroit-ce  pas  parce 
que  la  pie ,  comme  l'ont  écrit  quelques 
naturaliftes  ,  Te 'plaît  à  manger  dej>etites 
boules  de  terres  ?  On  voit  aufli  que  le  mot 
grec ,  par  lequel  on  exprime  cette  maladie , 
Kt^et  ,  ou  (uivant  le  dialede  attique  , 
xitIa  ,  c'eft  le  nom  de  la  pic  ;  quelques  au- 
teurs ,  comme  il  s'en  trouve  fouvent , 
préférant  aux  explications  naturelles  les 
ïens  les  plus  recherchés  ,  ont  taché  de 
trouver  au  mot  mttcc  une  autre  étymolo- 
gie  ;  ils  l'ont  dérivé  de  Kta-am ,  qui  veut 
dire  //Vrr^,  établi  (Tant  la  comparai-on  entre 
la  maladie  dont  il  s'agit  &  cette  plante  pa- 
ra fite  5  fur  le  nombre  &  la  variété  àQs  cir- 
convolutions &  détours  qu'elle  fait  à  l'aide 
des  autres  corps  qai  lui  fervent  d'appui  : 
quoi  qu'il  en  foit  de  la  jufteffe  de  ces  éty- 
molcygies  &  de  ces  commentaires  ,  laifTons 
cette  difcuffiori  des  mots  poqr  paiîer  à  l'exa- 
men àQs  chofes. 

L'objet  de  l'appétit  des  perfonnes  atta- 
quées du  pica ,  eft  extrêmement  varié  ;  il 
n'y  a  rien  de  fi  abfurde  qu'on,  ne  les  ait  vu 
quelquefois  defirer  avec  paflîon;  la  craie  , 
la  chaux,  le  mortier,  le  plâtre,  la  pouf- 
fiere ,  les  cendres ,  le  charbon ,  la  boue  , 
le  deflous  des  foulwrs  ,  le  cuir  pourri  , 
les  excrémens  même ,  le  poivre  ,  le  fel , 
la  cannelle  ,  le  vinaigre,  la  poix  ,  le  co- 
ton ,  &c.  &  autres  chofes  femblables ,  font 
fouvent  recherchées  par  ces  malades  avec 
le  dernier  empreflement.  Il  y  a  une  obser- 
vation rapportée  par  M.  Nathanael  Fairfaix, 
Aci.philofoph.  anglic.  num.  19,  cap.  v.  § 
5  ,  d'une  fille  qui  avoit  un  goût  particulier 
pour  l'air  qui  fortoit  des  foufflets  ;  eHe  étoit 
continuêttement  occupée  à  faire  jouer  les 
foufflets;  &  avaloit  avec  un  plaifir délicieux 
l'air  qui  en  étoit  exprimé.  Cette  maladie  eft 
très-ordinaire  aux  jeunes  filles  ;  elle  peut 
même  paffer  pour  une  de  ces  affeftions  qui 
leur  font  propres.  Quoiqu'il  y  ait  quelques 
obfervarions  rapportées  par  Rivière  Rho- 


PIC 

dius  Se  Schenkius ,  qui  prouvent  que  les 
hommes  n'en  lontpas  tout-à-fait  exempts, 
ces  faits  font  très-rares  &  (buvent  peu  conf- 
tatés  ;  il  en  eft  de  même  des  prétentions 
de  Reifelius  &  dePrimerofe,  &  des  hif- 
toires  qu'ils  rapportent ,  d'où  il  réfulteroit 
que  àes  maris  ont  été  attaqués  de  cette 
maladie  lorfque  leurs  femmes  étoient  en- 
ceintes ,  ou  s  etoient  expofés  aux  caufes 
qui  la  produifent  ordinairement  ;  ou  ,  pour 
mieux  dire  ,  ces  hiftoires  font  évidemment 
faulTes  ,  &ces  prétentions  ridicules;  il  ne 
manqueroit  plus ,  pour  porter  le  dernier 
coup  à  l'état  de  mari ,  que  de  lui  faire  par- 
tager les  maladies  de  fa  femme,  &  de  le 
charger  des  peines  de  fes  dérangemens  , 
après  l'avoir  rendu  refponfable  de  fa  fa- 
geiïe  ,  en  le  couvrant  de  ridicule  &  de 
honte  lorfqu'elle  en  manque.  On  affure  aufli 
que  les  animaux  font  fujets  ^upica;  Schen- 
kius dit  l'avoir  obfervé  clans  des  chats ,  cent. 
4,  ohferv.  45.  On  en  voit  aufîi  des  exem-- 
pies  dans  les  chiens  &  les  cochons ,  rap- 
portés dans  les  Actes  philofophiques  an- 
glois ^  vo/. /,/?.  741.  Les  pigeons,  fans  en 
être  attaqués,  mangent  fouvent  du  petit 
gravier,  du  fable ,  bequetent  les  murs ,  ôc 
les  autruches  dévorent  du  fer  ;  d'autres 
oifeaux  avalent  des  cailloux  ;  mais  c'eft  plu- 
tôt pour  aider  leur  digeftion  naturelle,  que 
par  maladie. 

Les  jeunes  filles  auxquelles  cette  maladie 
eft  familière  ,  commencent  fouvent  d'aftez 
bonne  heure  à  s'y  adonner  ;  l'exemple ,  les 
invitations  de  leurs  amies  ,  quelquefois 
l'envie  de  devenir  pâles ,  un  dérangement 
d'eftomac  ,  peut-être  auffi  d'efprit,  font 
les  premières  caufes  de  cette  paffion  ;  dès- 
lors  l'appétit  ordinaire  ceffe  ,  les  alimens 
qu'elles  aimoient  autrefois  leur  paroiffent 
infipides  ,  mauvais;  elles  deviennent  trif- 
tes  ,  rêveufes ,  mélancoliques  ,  fuient  la 
compagnie  ,  fe  dérobent  aux  yeux  de  tout 
le  monde  pour  aller  en  cachette  fatisfaire 
leur  appétit  dépravé  ;  elles  mangent  les 
chofes  les  plus  abfurdes,  les  plus  fales,les 
plus  dégoûtantes  avec  un  plaifir  infini  ;  les 
chofes  abfolument  infipides  flattent  déli- 
cieufement  leur  goût  ;  ce  plaifir  eft  bien- 
tôt une  paflion  violente  ,  une  fureur  qu'elles 
font  forcées  de  fatisfaire ,  malgré  tout  ce 
que  la  raifpn  peut  leur  infpirer  pour  les  en 


PIC 

dëfourner  ;  la  privation  de  Tobjet  qu'elles 
appetent  û  vivement ,  \e,s  jette  clans  un 
chagrin  cuiiant,  dans  une  noire  mélancolie, 
ôc  quelquefois  même  les  rend  malades;  fi 
au  contraire  elles  la  fatisfont  ^librement , 
leureftomac  fe  dérange  de  plus  en  ^us  ; 
toutes  Tes  fondions  Te  font  mal  &  diffi- 
cilement ;  il  furvient  des  anxiétés ,  des  nau- 
{ées ,  des  rots,  des  gonfiemens ,  douleurs, 
pefanteurs ,  ardeurs  d'eftomac  ,  vomifTe- 
ment,  conftipation;  la  langueur  s'empare 
de  leurs  membres  ;  les  rofes  difparoiffent 
de  deffus  leur  vifage;  la  pâle  blancheur 
du  lis  ou  une  pâleur  jaunâtre  prend  leur 
place;  leurs  yeux  perdent  leur  vivacité  & 
leur  écht ,  voyei  Pale?  couleurs,  & 
leur  tête  panchée  languiffamment  &  fans 
force  ,  ne  fe  foutient  qu'avec  peine  fur  le 
cou  ;  fatiguées  au  moindre  mouvement 
qu'elles  font ,  elles  fentent  un  mal-aife  ; 
lorfqu'elles  font  obligées  de  faire  quelques 
pas,  &  fur-tout  fi  elles  montent,  alors 
elles  font  effouflées  ,  ont  de  la  peine  à 
refpirer ,  &  éprouvent  des  palpitations  vio- 
lentes :  on  dit  alors  qu'elles  ont  les  pâles 
couleurs ,  ou  qu'elles  font  opilées.  Voye:^ 
Pales  couleurs,  Opilation.  Cène 
maladie  ne  tarde  pas  à  déranger  l'excré- 
tion menftruelle ,  fi  fon  dérangement  n'a 
pas  précédé  &  produit  le  pica ,  comme-il 
arrive  fouvent ,  à  moins  qu'il  ne  furvienne 
avant  l'éruption  des  règles. 

On  a  beaucoup  difputé  fur  la  caufe  &c 
le  fiege  de  cette  maladie;  les  uns  ont  pré- 
tendu que  fon  fiege  étoit  dans  l'eftomac  , 
&  ne  dépendoJt  que  de  l'accumulation  de 
mauvais  fucs  ;  les  autres  l'ont  regardée 
comme  une  maladie  de  la  tête ,  &  en  ont 
fait  une  efpece  d'afFeftion  mélancolique. 
Parmi  les  premiers ,  les  uns  ont  jcru ,  avec 
Aphrodifée,  que  les  mauvais  (vics  qui  fe 
ramaffoient  dans  l'efiomac  étoient  de  la 
même  nature  que  les  alimens  ,  ou  que  les 
chofes  qui  étoient  l'objet  de  l'appétit  ;  & 
que  c'étoit  en  vertu  de  cP rapport,  de 
cette  fympathie  ,  qu'on  les  appétoit  ;  ils  fe 
fondoient  fur  ce  que  tous  les  fucs  étant 
viciés  ,  ils  dévoient  exciter  l'appétit  de 
mauvais  alimens  ,  comme  l'eftomac  fain 
ou  les  fucs  bons  font  defirer  des  alimens 
de  même  nature.  i°.  Ceux  qui  font  d'un 
tempérament  bilieux  ne  voient  en  fonge 


,    .       P   ÏC  75, 

que  ûes  incendies;  les  pituitéux  ont  tou- 
jours devant  les  yeux  de  l'eau ,  des  débor- 
demens ,  &c.  Il  en  doit  être  de  même  ùe^ 
fucs  d'une  telle  efpece  déterminée  ,  ils 
doivent  frapper  l'imagination  d'une  telle 
façon ,  5j  lui  repréfenter  les  alimens  ana- 
logues ;  les  fucs  acides ,  faire  defirer  les 
fruits  aigrelets;  les  fucs  brûlés,  du  char- 
bon, &c.  &  par  conféquent  en  faire  naître 
l'appétit.  Les  autres  penfent,  avec  Avicen- 
ne ,  que  les  fucs  de  l'eftomac  font  d'une 
nature  contraire  ,  &  que  cette  contrariété 
efi  la  caufe  du  pica  ;  alors  ces  prétendus 
.alimens  font  l'effet  des  remèdes;  il  ne  leur 
manque  pas  de  raifons  pour  étayer  &  con- 
firmer leur  fentiment.  1°.  L'appétit  des 
chofes  analogues  au  fuc  de  l'efiomac,  ne 
devroit  jamais  fe  rafiTafier  ,  &  devroit  au 
contraire  toujours  augmenter ,  parce  que 
ces  fucs  recevroient  toftjours  plus  de  force 
&  d'a6livité  de  la  part  des  chofes  qui  fe- 
roient  prifes  en  guife  d'aliment  ;  ce  qui 
n'arrive  pas.  2°.  Eft-il  probable  que  les  fucs 
puififent  s'altérer  au  point  d'être  comme 
du  bois  pourri ,  de  la  boue ,  du  plomb  ?  &c. 
3°.  II  n'eft  pas  plus  naturel  que  i'efiomac 
fe  porte  vers  des  chofes  dont  il  regorge. 
4°.  Dans  la  foif  &  la  faim  ,  les  objets 
defirés  font  propres  à  faire  cefier  l'état 
forcé  du  gofier  &.  de  l'eftomac  ,  parce 
qu'ils  lui  font  contraires ,  &c.  On  pourroit 
encore  ajouter  à  cela  que  les  perfonnes 
bilieufes  défirent  avec  ardeur  les  fuits 
acides  ,  oppofés  à  la  nature  &  à  l'aélion 
de  fa  bile;  2°.  que  les  perfonnes  attaquées 
êiupica  font  bien  moins  incommodées  de 
l'ufage  des  chofes  abfurdes  &  nuifibles , 
quelque  immodéré  qu'il  foit ,  qu'elles  ne 
le  feroient  fi  elles  n'avoient  pas  cette  ma- 
ladie i  fi  elles  ne  s'y  portoient  pas  avec 
cette  fureur  ;  3*.  enfin ,  qu'il  eft  rare  qu'on 
fouhaite  palîionnément  une  chofe  dont  la 
jouifi^ance  n'eft  pas  un  befoin  ,  un  bien , 
en  même  temps  qu'elle  eft  un  plaifir.  Toutes 
ces  raifons  donnent  beaucoup  de  vraifem- 
blance  à  ce  fentiment  ;  les  expériences  & 
les  obfervations  de  M.  de  Réaumur  lui 
donnent  encore  un  nouveau  poids.  Cet 
illuftre  académicien  dit  avoir  trouvé  une 
analogie  entre  les  fucs  digeftifs  de  ces 
malades  &  les  chofes  qu'ils  mangeoient  ; 
&  cette  analogie  étoit  telle  que  ces,  chofes 


75*  P^  ^ 

fe  dilTolvoient  très-facileirent  dans  leurs 

ïucs ,  ainfi  que  celles  qui  aimoient  la  craie , 
la  chaux,  ô-c.  avoient  des  Tues  légèrement 
acides  qui  dilTolvoient  très-bien  les  ab- 
foibans,alkalis,  &c.  Ces  expériences  n'ont 
pas  été  poullées  affez  loin  ,  &:  ne  l'ont  pas 
affez  générales  pour  avoir  la  force  de  la 
dén^omlration  ;  mais  cette  opinion  peut 
toujours  paffer  pour  une  hypoihefe  ingé- 
nieufe ,  bien  fondée  &  très-vraifemblable. 
Mais  ,  demandera-t-on  ,  n'y  a-t-il  point 
de  vice  d'imagination  ,  de  délire  ?  Ceux 
dont  nous  venons  d'expofer  le  fentiment, 
prétendent  qu'il  n'y  a  point  de  dérange- 
ment de  raifon ,  qu'il  n'y  a  qu'une  dépra- 
vation de  cupidité,  &  qu'ainfi  on  ne  deit 
pas  pliîs  regarder  le  pica  comme  délire  , 
que  la  faim  canine,  que  l'érotomanie,  le 
fatyriafis  ;  cas  où  les  befoins  naturels  font 
iîmplement  portés  à  un  trop  haut  degré, 
6c  dépravés. 

Cependant  on  ne  pourra  guère  s'empê- 
cher de  regarder  le/'/c^  comme  une  efpece 
de  délire ,  il  l'on  fait  attention,  i°.  qu'on 
peur  délirer  &  raifonner  très-bien;  2°.  que 
le  délire  n'exclutpas  les  motifs  des  allions 
qu'on  fait;  qu'il  eft  même  très-vraifem- 
blable que  la  plupart  àts,  délires  ne  con- 
fident que  dans  de  fauffes  apperceptions  ; 
'  &  qu'étant  fuppofées  vraies,  comme  elles 
le  paroifTent  aux  fous,  toutes  leurs  allions 
faites  en  conféquence  font  raifonnables  : 
un  homme  qui  regarde  tous  les  affiftans 
.comme  (ts  ennemis ,  comme  des  gens  qui 
veulent  l'alTaffiner  ,  s'emporte  contre.eux 
en  injures  6>c  en  coups,  quand  il  peut;  y 
a-t-il  rien  de  plus  naturel?  3*^.  On  pourra 
bien  dire  qu'une  fille  mange  de  la  craie , 
de  la  chaux  ,  de  la  terre  ,  parce  qu'elle  a 
de  l'acide  dan<<  l'eftomac  ;  mais  expliquera- 
t-on  par-là  cette  ardeur  à  fe  cacher,  cette 
paflion  violente  qui  fubfifte  long-temps 
après  que  tous  les  acides  feront  détruits? 
Et  poiiiquoi  tous  les  enfans  qui  font  fi  fort 
tourmentés  par  l'acide,  n'ont-ils  pas  le 
pica}  &c.  Comment  expliquera-t- on 
d'ailleurs  l'appétit  du  coton  ,  du  plomb  , 
de  l  i  poix  ,  de  l'air,  des  excrémens ,  &c, 
y  a-t-il  des  fucs  propres  à  les  digérer? 
y  a-t-il  un  vice  dans  ces  humeurs  qui 
exige  ces  corps  pour  remède  &  dont  le  vice 
en  puiffe  être  corrigé  ?  4?.  N'eft-il  pas 


PIC 

j  naturel  de  regarder  cette  afFeélion  comme 
j  dépendante  de  la  même  caufe  que  la  paf- 
j  fion  de  compter  les  carreaux,  les  vitres, 
les  folives  d'une  chambre  ,  de  fe  plaire  à 
la  vue  de  certains  objets  laids ,  fales  ou 
déshonnêtes ,  de  rechercher  ^vec  fureur 
quelque  odeur  défagréable  ,  comme  celle 
des  vieux  livres  pourris ,  d'une  chandelle , 
d'une  lampe  mal  éteinte ,  &  même  des 
excrémens  ?  Ces  fymptomes  familiers , 
de  même  que  le  pica  aux  chlorotiques , 
annoncent  évidemment  &  de  l'aveu  de  tout 
le  monde,  un  délire  mélancolique  ,  &  l'on 
ne  s'avife  pas  de  leur  attribuer  de  l'efiS- 
cacitépour  la  guérifondu  dérangement  qui 
en  eft  la  caufe.  Voyc^VkhES  COULEURS. 
5°.  Parcourons  les  caufes  qui  produifent 
ordinairement  \q pica\  nous  verrons  pref- 
que  toujours  un  vice  dans  l'excrétion  menf- 
truelle^ou  des  chagtins,  des  inquiétudes, 
des  pafiions  vives  retenues  ,  des  defirs 
violens  étouffes ,  des  befoins  naturels ,  pref- 
ans ,  non  fatisfaits  par  vertu ,  par  crainte 
&  par  pudeur  ;  quelles  autres  caufes  font 
plus  propres  à  déranger  l'efliomac  &  l'ima-» 
gination  ?  Nous  pourrions  ajouter  bien 
d'autres  preuves  qui  fe  tirent  de  l'état  de 
ces  malades ,  de  leur  manière  d'agir ,  de 
fe  comporter ,  &c.  qu'on  peut  voir  tous 
les  jours ,  &  qu'on  auroit  de  la  peine  à  dé- 
crire :  chacun  peut  là-defliis  prendre  les 
éclairciffemens  convenables  :  les  occafions 
en  font  malheureufement  aflTez  fréquentes. 
Les  femmes  enceintes  font  fujettes  à 
une  dépravation  d'appétit  fort  finguliere, 
&  qui  eft  fort  analogue  au  pica  ,-  les  au- 
teurs qui  ne  fe  piquent  pas  d'une  exaftitu- 
de  fcrupuleufe,  confondent  ordinairement 
ces  deux  affe(5f  ions ,  qui  font  cependant  dif- 
férentes ;  celle  qui  eft  propre  aux  femmes 
enceintes  ,  s'appelle  en  latin  &  en  françois 
malacia,  nom  dérivé  du  grec  (.tthtt^cii , 
Je  mollis  :  quelques  auteurs  l'ont  attribué 
à  l'état  de  molUJJe  ,  ou  de  relâchement  des 
femmes  enoiinces  ;  ce  qui  conftitue  le 
malacia  ,  eft  un  goût  particulier  pour  une 
feule  efpece  d'aliment,  à  l'exclufion  de  tout 
autre  ;  mais  cet  aliment  n'eft  pas  nécefl^ai- 
rement  &  par  lui-même  mauvais ,  abfurde; 
il  eft  toujours  nutritif;  ce  font,  par  exem- 
ple,  des  fruits  d'une  telle  efpece,  du  riz, 
des  poulets ,  des  anchois ,  des  harengs  ;  il 

n'y 


P  I  c 

n'y  a  que  l'aliment  pour  qui  Ton  s'eft  dé- 
terminé qui  plaife,  qui  ait  un  goût  déli- 
cieux ,  qui  fe  digère  facilement  ;  les  autres 
rebutent,  déplaifent,  pefent  fur  Peftomac  : 
&  quoiqu'il  y  ait  de  ces  alimens  dont  on 
dût  d'abord  s'ennuyer ,  ou  dont  on  pût 
erre  incommodé  à  la  longue,  comme  des 
harengs ,  des  enchois  ;  cependant  on  ne 
s'en  dégoûte  point ,  &  on  n'en  reflènt 
aucun  mauvais  effet.  Cet  appétit  déter- 
miné commence  a  fe  déclarer,  pour  l'ordi- 
naire, vers  le  quatrième  jour  de  lagroflèlie, 
Ô-:  ce{fc  à  la  fin  du  troiiieme  mois  ou  au 
commencement  du  quatrième.  Il  me  paroît 
qu'on  doit  diftinguer  cette  affeélion  des 
envies  des  femmes  enceintes,  par  lefquelles 
elles  défirent  la  pofïefîion  de  quelque  objet , 
un  joyau,  un  fruit,  un  mets  particulier; 
elles  font  fatisfaites  dès  qu'elles  l'ont  ob- 
tenu ;  &  j(i  elles  ne  peuvent  pas  Pavoir  , 
ou  n-'ofent  pas  le  demander ,  elles  en  font 
incommodées ,  rifquent  de  fe  bleflèr ,  & 
on  prétend  que  l'enfint  en  porte  la  marque. 
Foye^EnviE ,  Tachr,   &c. 

Le  pica  efl  une  maladie  très-  férieufè  ; 
elle  eft  ordinairement  ou  la  fuite  &  l'effet 
de  quelque  ob{l:ru6bion ,  du  dérangement 
du  flux  menflruel ,  ou  l'avant-coureur  Se 
la  caufe  de  ces  maladies;  elle  affaiblit  tou- 
jours le  tempérament,  gâte  l'eftomac  ,  & 
prépare  pour  la  fuite  une  fource  inépuifible 
&  féconde  d'incommodités;  ainfi  les  filles 
qui  n-'en  meurent  pas,  refirent  long-temps 
languifTantes ,  maladives  ,  dans  une  efpece 
de  convalcfcence  difficile.  Cette  maladie 
efl  plus  ©u  moins  dangereufe  ,  fuivant  la 
qualité  des  objets  de  Pappétit ,  fuivant  la 
violence  de  la  paflion  &  Tintenfîté  des 
fymptomes  qui  s'y  joignent.  Il  eft  évident 
qu'un  ufage  &  un  ufage  immodéré  du 
poivre,  du  fel,  des  épiceries,  peut  faire 
plus  de  ravages  que  ce  çnême  ufage  limité, 
ou  que  l'ufàge  des  terreux ,  de  la  craie,  &c. 
Fernel  a  vu  furvenir  un  ulcère  à  la  ma- 
trice, dont  la  malade  mourut,  à  l'appétit 
déréglé  du  poivre  trop  abondamment  fa- 
tisf.iit  ;  le  danger  eft  bien  plus  grand ,  fi 
le  plomb  &  fes  préparations  font  l'objet  de 
l'appétit  ;  perfonne  n'ignore  les  funeftes 
accîQens,  la  terrible  coliqjae  qu'occafione 
ce  métal  pris  intérieurement  par  lui-même, 
ou  par  les  parties  hétérogènes  vénéneufes 
Tome  XXr. 


dont  il  eft  altéré.  î^oyei  Plomb  ,  Coli- 
que DES  PEINTRES.  Tulpîus  rapportc 
l'obfervarion  d'une  jeune  fille,  qui  man- 
geoit  avec  avidité  de  petites  lames  de 
plomb  bien  divifées  ;  elle  tomba  en  peu 
de  temps  dans  une  njaladie  affreufe  ,  à 
laquelle  elle  fuccomba  ;  fa  langue  étoit 
feche  ,  fes  hypocondres  refTerrés ,  la  rate 
obftruée ,  l'eftomac  douloureux  ,  le  ven- 
tre conftipé  ;  fans  ceflè  tourmentée  par 
des  fuflbcations  de  matrice ,  par  des  dé- 
faillances fréquentes,  el^ne  put  trouver 
du  foulagement  dans  aucun  remède  , 
Nicol.  Talp,  obferv.  medicar.  Ub.  I V. 
Ce  qui  redouble  fou  vent  la  difficulté  de 
la  guérifon,  c'eft  que  ces  malades  cachent 
auffi  long  -  temps  qu'il  leur  eft  poffible 
leur  état  ,  &  on  ne  le  découvre  que 
tard,  qu'après  que  le  mal  eft  invétéré -& 
rendu  plus  opiniâtre;  d'ailleurs,  lors  même, 
qu'on  s'en  apperçoit  &  qu'on  veut  y  re- 
médier ,  les  malades  font  peu  dociles  > 
elles  ne  veulent  pas  fe  priver  du  plaifîr 
de  fatisfaire  à  leur  paffion  ,  fouvent  elles 
ne  le  peuvent  pas;  &  fi  elles  rencontrent 
d£s  médecins  imprudens  par  trop  de  fé- 
vérité,  qui  leur  défendent  tout  ufage  de 
mets  pour  lefquels  elles  lont  paffionnées, 
&  des  parens  trop  rigides  &c  trop  fcru- 
puleufement  attentifs  à  obferver  l'ordon- 
nance du  médecin ,  elles  deviennent  rriftes, 
mélancoliques  &  férieufement  malades. 
Le  malacia  n'eft  pas  une  maladie,  il  n'y 
a  point  de  danger  à  laiffer  fuivre  aux 
femmes  enceintes  leur  caprice  ,  il  y  en 
auroit  à  les  «n  empêcher  ;  elles  n'en 
éprouvent  pour  l'ordinaire  aucune  incom- 
modité ,  ni  elles  ni  l'enfanc  qu'elles  por- 
tent ;  cependant  lorfque  les  alimens  pour 
lefquels  elle  s'eft  déterminée  ,  font  d*un 
mauvais  caractère ,  trop  fales ,  trop  épiçés , 
que  ce  font  des  poilîbns ,  par  exemple , 
defîechés  Se  endurcis  par  le  fel  &  la  fu- 
mée ,  il  eft  certain  que  le  chyle  qui  s'en 
forme  ne  fauroit  être  bien  bon;  on  doit, 
autant  qu'on  peut ,  faire  en  forte  par  les 
avis ,  les  invitations ,  que  la  femme  en 
ufe  fobrement  ;  il  faut  auifi  pour  cela  lui 
préfenter  des  mets  agréables,  d'une  nature 
oppofée  ,  qui  puifTe  modérer'  Se  contre^ 
balancer  l'action  dès  autres  :  on  les  môle 
pour  cela  fouvent  cufemble. 

C  cccc 


75+  PIC 

Quand  oiî  Te  propole  de  guérir  une 
£lle  attaquée  du  pica ,  il  eft  très-impor- 
tnnt  de  s'attirer  fa  coii fiance ,  de  lui  faire 
approuver  &  délirer  le  foin  qu'on  va 
prendre  de  fà Mante  :  on  peut  réulïîr  en 
cela  en  la  plaignant ,  en  compatiflant  à 
fes  peines ,  en  fe  prêtant  à  fes  goûts ,  à 
ji  pallîon  j  on  ne  la  défapprouve  pas,  on 
fe  garde  bien  d'en  faire  un  crime  Se  de 
la  défendre  j  on  aflure  au  contraire  que 
c'eft  une  maladie  indépendante  de  la 
volonté  ,  qui  n|P5ie  peut  être  bien  lorf- 
qu'elle  eft  modérée;  on  le  contente  d'en 
faire  voir  les  inconvéniens,  on  infifte  fur- 
tout  fur  les  atteintes  que  la  beauté  pour- 
roit  en  recevoir.  On  touche  rarement 
cette  corde  fans  fuccès  ;  il  eft  facile  de 
prouver  combien  cet  appétit  déréglé  fait 
du  tort  à  un  joli  vifage,  on  a  toujours 
quelques  exemples  connus  à  citer;  on 
peut  engager  par-là  les  malades  à  fe  mo- 
dérer dans  l^'ulàge  de  ces  chofes  abfurdes , 
à  en  diminuer  tous  les  jours  la  quantité, 
à  faire  quelques  remèdes  ;  on  promet  une 
prompte  guerifon ,  le  retour  de  la  fanté , 
de  la  beauté  &  de  l'embonpoint  ;  on 
peut  aulïi  ,  en  s'infnmant  adroitement 
cans  Tefprit  de  ces  jeunes  de  timides 
malades ,  en  flattant  ainfi  leurs  defirs , 
s'inftruire  de  la  caufe  qui  a  déterminé  la 
maladie ,  &  des  corps  qui  en  font  Pobjet  ; 
chofès  qu'elles  s'obftincnt  d'autant  plus  à 
cacher  qu'elles  font  plus  ridicules,  &C  qu'il 
eft  ceper.danr  très  -  important  que  le 
médecin  fâche.  N  eft-il  pas  bien  naturel 
qu'elles  refufent  d'avouer  que  leur  appétit 
les  poite  violemment  à  manger  du  cuir 
pourri ,  par  exemple ,  des  matières  fécales  ? 
&  quand  la  caufe  de  cette  maladie  fe 
trouve  être  une  envie  de  fe  marier ,  qu'il 
leur  eft  défendu  de  faire  paroîtrc  &  en- 
core plus  de  fatisfaire;  quelle  peine  ne 
do:r-il  pas  leur  en  coûter  pour  rompre 
le  lilence  ?  Cependant  de  quelle  utilité 
ces  fortes  d'aveux  ne  font -ils  pas  pour 
le  médecin  î  Utilité  au  refte  qui  reflue 
fur  la  malade.  Lorfqu'on  eft  inftruit  de 
la  caufe  du  mal ,  on  y  apporte  le  remède 
convenable  :  dans  l'exemple  propofé ,  on 
n'a  point  de  fecours  plus  approprié  que 
le  mariage;  il  remplit,  en  guériflant,  ces 
foi^    nrandes   conditions   iî    difficiles    à 


P  I  c 

réunir  5,  cno  ,  tuio  &  jucundh  Voyez  Ma- 
riage. Lorfque  la  maladie  eft  l'effet  d'une 
fuppreftion  ou  d'un  dérangement  dans 
l'excrétion  menftruelle ,  il  faut  avoir  re- 
cours aux  emmenagogues  variés  fuivanc 
les  cas.  Voyei^  Règles  ,  Suppression 
(  maladie  de  la  ).  Cependant  on  doit  en- 
gager la  malade  à  ufer  de  mets  fuc- 
culeiis  &c  de  facile  digeftion  ;  l'eftomac 
affoibli  fe  fortifie  par  les  ftomachiques 
amers ,  aloétiques  ;  on  diftrait  &  on  ré- 
crée l'efprit  trifte  &  rêveur  par  les  pro- 
menades, les  parties  de  plailîrs,  les  com- 
pagnies agréables ,  les  fpectacles ,  la  mu- 
iîque  ,  les  concerts  ,  ùc.  Parmi  les  re- 
mèdes intérieurs,  il  faut  choilir  ceux  qui 
font  les  plus  appropriés  à  l'elpece  de  dé- 
rangement d'eftomac  qu'a  occafioné  l'abus 
des  alimens  ou  des  corps  qui  étoienc 
l'objet  des  délires  mélancoliques;  il  faut 
oppofer  aux  fpiritueux  aromatiques  ,  à 
laikali  cauftique,  les  légers  apéritifs,  dé- 
layans ,  Ê'c.  aux  terreux  invifquans ,  les 
toniques,  les  martiaux,  les  fort  apéritifs; 
ôc  a  quelques  maladies,  comme  les  cbf- 
tru6tions  de  vifceres  3  les  pâles  couleurs , 
y  font  furvenues  ,  alors  il  faut  diriger 
&  varier  le  traitement  en  conféquence. 
K.  Oestruction,  Pales   couleurs, 

PIC  ARA,  {Géographie  moderne.)  pro- 
vince de  l'Amérique  méridionale  ,  au 
nouveau  royaume  de  Grenade.  Elle  eft 
bornée  par  les  grandes  montagnes  des 
Audets ,  du  côté  de  l'orient.  {  D.  J.) 

PICARDIE  (la).  Géographie  mod, 
province  de  France,  bornée  au  nord  par 
le  Hainault ,  l'Artois  de  la  mer  ;  au  midi 
par  l'iIe  de  France  ;  au  levant  par  la 
Champagne  ,  &  au  couchant  par  la 
Manche  &  la  Normandie.  Elle  a  qua- 
rante-huit lieues  du  levant  au  couchant, 
&  trente- huit  du  midi  au  nord.  Ses  prin- 
cipales rivières  iont  la  Somme  ,  l'Oyfe  ^ 
la  Cauche ,  la  Scarpe ,  la  Lys  ,  &  l'Aa. 
Cette  province  eft  abondante  en  blé  & 
autres  grains. 

On  divife  la  Picardie  en  haute ,  moyenne 
&  baflè.  La  haute  comprend  le  Ver- 
mandois  Se  la  Thiérache  ;  la  moyenne  , 
l'Amiénois  èc  le  Santerre  ;  la  baflè  com- 
prend le  pa^'s  reconquis ,  le  Boulenois  a 


PI  c 

le  Ponthieu  &:  le  Vimeu.  Les  fabriques 
&  les  manufaftures  y  occupent  beaucoup 
de  monde  :  on  y  fait  quantité  de  ferges , 
de  camelots ,  d'étamines ,  de  pannes  & 
de  draps;  il  y  a  plufieurs  verreries.  On 
voit  dans  la  forêt  de  la  Fere,  au  châ- 
teau de  Saint-Gobin ,  la  manufii6ture  des 
glaces;  d'où  on  les  tranfporte  à  Paris  pour 
être  polies. 

Outre  le  gouvernement  militaire  de  Pi- 
cardie ,  qui  comprend  trois  lieutenances 
générales ,  il  y  a  des  gouverneurs  parti- 
culiers de  villes  ôc  citadelles.  Amiens  eft 
la  capitale  de  la  province. 

Oji  compte  quatre  évêchés  dans  le 
gouvernement  de  Picardie  ,  tel  qu^il  eft 
aujourd''hui  :  Amiens  ôc  Boulogne  font 
fuffragans  de  Parchevêché  de  Rheims  : 
Arr.is  &  Saint-Omer  en  Artois,  font  fous 
la  métropole  de  Cambrai. 

Le  nom  de  Picardie  n'eft  pas  ancien  , 
ôc  ne  fe  trouve  en  aucun  monument 
avant  la  fin  du  XIII^.  fiecle,  où  Guil- 
laume de  Nangis  a  appelle  ce  pays  Pi- 
cardie. Matthieu  Paris  parlant  de  la  fédi- 
tion  arrivée  Pan  1129  à  Paris,  entre  les 
bourgeois  &c  les  clercs  ou  écoliers  de 
Puniverfité  ,  dit  que  les  auteurs  de  ce 
trouble  furent  ceux  qui  étoient  voifins  de 
la  Flandre ,  de  qu'on  nommoit  communé- 
ment Picards. 

La  Picardie  ayant  été  conquife  par 
Claudion  ,  tomba  fous  la  domination  des 
rois  Francs;  ce  prince  établit  à  Amiens 
{on  fiege  royah  Mérouée  lui  fuccéda ,  ainli 
que  Childeric  fon  fils.  Enfuite  la  Picardie 
échut  en  partage  à  Clotaire  fils  de  Clovis , 
&  refta  fous  la  domination  des  rois  de 
France,  jufqu'à  Louis  le  débonnaire ,  qui 
y  établit,  en  825,  des  comtes  qui  de- 
vinrent prefque  fouverains. 

Philippe  -  Augufte  s'arrangea  de  cette 
province  avec  Philippe  d'Alfàce ,  comte 
de  Flandre.  En  143  ç ,  Charles  VII  enga- 
gea toutes  les  villes  fituées  fur  la  Somme 
au  duc  de  Bourgogne ,  pour  quatre  cents 
mille  écus.  Louis  XI  les  retira  en  1463  ; 
<k  depuis  ce  temps -là  ,  la  Picardie  n'a 
plus  été  aliénée.  {D.  J.) 

Cette  province  a  vu  naître  Duquefne, 
le  vainqueur  de  Ruiter ,  amiral  hollan- 
dois  ;  la   Motte  -  Houdancourt.  ,  qui  fe 


diftîngua  devant  Turin;  Charles  Mouchy 
d'Hocquincourt,  qui  força  les  lignes  efpa- 
gnoles  devant  Arras  ;  le  chevalier  de 
Malte,  Adolphe  de  Vignacourt ,  d'une 
famille  de  héros;  Jérôme  Feuquicres;  le 
brave  Salency,  colonel  de  Normandie, 
qui  attaqua  la  phalange  angloife  à  Fon- 
tenoy  ;  le  capitaine  Turot ,  qui  s'eft  fignalc 
dans  la  marine.  Ce  brave  homme ,  more 
en  i7j'9,  méritoit  un  meilleur  fort.  Il  a 
fait  des  prodiges  avec  trois  petites  frégates, 
&  a  tenu  en  échec  la  flotte  Angloife  pen- 
dant un  an.  Il  a  vécu  Se  il  eft  rsort  en 
héros.  Les  Anglois  même  le  craignoient  Se 
Padmiroient.  C'eft  aflcz  pour  fa  gloire  j 
mais  ce  n'en  eft  pas  aftèz  pour  celle  de 
la  France  :  il  étoit  l'efpérance  de  notre 
marine. 

Pierre  Ramus  ,  un  des  favans  auxquels 
les  belles-lettres  ont  le  plus  d'obligation , 
fils  d'un  charbonnier ,  devint  principal  du 
collège  de  Prcfle ,  &  profefteur  royal.  C'ellt 
le  premier  qui  ait  donné  une  grammaire 
françoife.  Sa  première  thefe ,  pour  être 
reçu  maître -es- arts ,  fut  la  caufè  de  fes 
difgraces.  Tel  en  eft  le  fujet,  qitaecumque 
ab  Arifotele  diSa  fint  falfa  ejfe  &  com^ 
mentitia.  On  fait  quelle  fut,  en  lyyi,  la 
fin  malheureufe  de  ce  favant  qui  avoit 
fondé  une  chaire  de  mathématiques.  On 
prétend  qu'il  a  le  premier  introduit  Yv 
Se  Vj  confonnes. 

Pierre  Galand ,  principal  du  collège  de 
Boncour ,  profeffeur  royal ,  Se  chanoine 
de  Notre  -  Dame  ,  né  à  Rollot ,  près  de 
Mondidier.  Sa  rie  du  célèbre  Pierre  Du' 
châteî ,  fon  ami ,  écrite  en  beau  latin  ,  a 
mérité  l'éloge  des  favans. 

Jacques  Fernel,  médecin  Se  mathéma- 
ticien ,  né  à  Mondidier.  Peu  d'auteurs  ont 
reçu  autant  dMionneurs  que  lui  dès  fon 
vivant.  Il  mourut  en  1558  :  on  voit  fbii 
épitaphe  à  S.  Jacques  de  la  Boucherie. 

Guy  Patin,  dont  Fernel  étoit  le  faint, 
affuroit  dans  fes  lettres  qu'il  tiendroit  à 
plus  grande  gloire  d^être  defcendu  de  cet 
auteur ,  que  d'être  roi  d'Ecofte.  Il  ajoute 
qu*il  a  fait  revivre  l'art  de  la  médecine. 
Se  que  jamais  prince  ne  fit  autant  de  bien 
au  monde  que  lui.  On  peut  voir  la  lifte 
des  ouvrages  de  Fernel ,  dans  VhiJIoirt  de 
Mondidier  y  par  le  P.  Daire  ,  i7<^i. 
C  ccc  c  2 


75^  PIC 

Le  dode  François  Varable,  né  à  Ga- 
mâches. 

Denis  Lambin ,  par  fes  veilles ,  a  dé- 
friché les  avenues  du  parnafïe  grec  ôc 
latin  :  les  preuves  de  Ton  (avoir  font  con- 
fignées  dans  Tes  commentaires  &c  les  ha- 
rangues :  il  mourut  en  1572,  de  douleur 
de  la  perte  de  fbn  ami  Ramus,  maflacré 
à  la  boucherie  de  la  S.  Barthclemi. 

Jacques  Lefevre ,  d'Etaples ,  profefïeur 
au  collège  du  cardinal  le  Moine ,  penfà 
être  brûlé  par  le  fougueux  Noël  Beda  , 
fyndic  de  Sorbonne ,  pour  avoir  foutenu 
qu'il  y  avoit  trois  Maries ,  félon  le  fen- 
riment  des  pères  Grecs.  Il  dut  la  vie  à 
Guillaume  Petit ,  dominicain  ,  confe fleur 
<ie  François  1 ,  homme  fage  &  éclairé  , 
qui  ne  confeilloit  au  roi  que  des  adtes 
'd'humanité.  Guillaume  Briçonet,  évêque 
de  Meaux,  qui  aimoit  les  favans,  Tartira 
auprès  de  lui,  avec  Rouflel,  Fatel  ôc 
Vatable. 

Le  grand  RoufTel,  dedcur,  étoit  aufli 
Picard. 

Les  Sanfons,  fameux  géographes,  étoient 
d'Abbeviile.  On  peut  remarquer  que  la 
Picardie  a  produit  de  bons  géographes  ; 
le  père  Philibert  Briet ,  Pierre  Duval ,  pa- 
rent des  Sanfons  ,  &c  leur  compatriote  ; 
Jacques  Robbe ,  né  à  Soiflbns  ;  Claude  le 
Câton ,  né  à  Mondidier. 

Le  favant  qui  fait  le  plus  grand  honneur 
à  cette  province ,  eft  André  Duchêne. 

Jacques  Dubois  ou  Sylvius ,  médecin 
êc  profefleur  au  XVP.  fiecle ,  étoit  d'A- 
miens :  perfonne  ne   parloir  mieux  latin 
■  que  ce  Picard. 

Antoine  Mouchi,  reéleur  de  Tuniverfité 
en  1539,  inquifiteur  contre  les  Huguenots 
fous  Henri  II ,  ou  plutôt  l'efpion  du  car- 
dinal de  Lorraine.  C'eft  pour  lui  qu'on 
inventa  le  fobriquet  de  mouchard,  pour 
déilgner  un  e(pion  :  fon  nom  feul  devint 
une  injure. 

L'immortel  auteur  à'Atalie,  Jean  Ra- 
cine, eft  né  à  la  Ferté-Milon  en  Valois  : 
Jean  Riolan ,  médecin  ;  Voiture ,  un  des 
beaux  efprits  du  fiecle  de  Louis  XIV  j 
Rohault  le  phyficien  ,  étoient  tous  trois 
d'Amiens.  Laurent  Bechel  Se  Loifel,  ju- 
rifconfultes  ;  l'abbé  Dubos  ;  M.  le  Cat  ; 
le  célèbre  abbé  NoUeti  BcHiaventure  Ra- 


P  I  c 

cîne ,  qui  a  donné  en  douze  volumes  un 
excellent  al>régé  de  l'hiftoire  eccléfiaftique, 
étoient  Picards. 

Jean  Cholet,  né  à  Nointel,  profefleur 
en  droit  &  cardinal,  mort  en  1291  , 
établit  le  collège  de  fbn  nom  pour  des 
bourfiers  théologiens  de  la  nation  de  Pi- 
cardie. 

Jean  le  Moine,  né  à  Crey,  près  d'Ab- 
beville ,  également  revêtu  de  la  pourpre , 
fonda  le  collège  de  fon  nom,  dont  il  dreflà 
les  ftatuts ,  ainfi  que  ceux  du  collège  de 
Cholet. 

André  le  Moine,,  fon  frère,  fonda,  en 
1 3 1 1 ,  en  faveur  des  écoliers  d'Amiens  5c 
de  Noyon ,  huit  bourfes  de  théologie. 
Guillaume  Durant! ,  de  Beauvais ,  afligna  la 
dixième  partie  de  fes  bénéfices  aux  pauvres 
écoliers. 

Le  collège  de  Laon  doit  une  partie  de 
fa  fondation  à  Guy ,  doyen  de  Laon.  Le 
fécond  fondateur  fut  ,  en  1 3 1 3 ,  Raoul 
de  Prefle,  clerc  du  roi  Philippe- le-Bel  , 
mort  en  1 3  3 1  ,  d'où  le  collège  a  pris  le 
nom  de  Prefle,  bourg  du  Soiflbnnois. 

Celui  de  Beauvais  doit  fon  origine  à 
J.  de  Dormans ,  évêque  de  '  Beauvais , 
cardinal ,  chancelier  de  France  ,  qui ,  en 
1 370  fonda  les  bourfiers  qui  dévoient 
être  de  la  paroifle  de  Dormans ,  ou  des 
villages  du  diocefe  de  Soiflbns  ,  Se  leur 
afTigna  4  fous  parifis  par  femaine.  Son 
neveu  Se  fon  fuccefïcur ,  Milles  de  Dor- 
mans ,  acheva  la  chapelle  d^édiée  en  1 382 , 
Se  infîitua  quatre  chapelains.  Il  y  a  eu  un 
chancelier  de  France  du  même  nom. 

Jean  Nolin ,  procureur  de  ce  collège  , 
augmenta,  en  1501,  les  fondations  de 
deux  bourfiers  Se  d'un  chapelain ,  qui 
dévoient  être  de  la  ville  de  Compiegne. 
C'efl:  le  collège  qui  a  eu  tant  de  réputa- 
tion fous  les  excellens  principaux  Rollin 
Se  Cofîin. 

Le  cardinal  Pierre  d'Ailly  a  fondé  une 
chaire  au  collège  de  Navarre.  L'argent 
qu'il  a  lailTé  pour  acheter  des  livres ,  Sc 
le  logement  des  théologiens  qu'il  a  fait 
conftruire  ,  l'ont  fait  regarder  comme  le 
fécond  fondateur.  Il  naquit  à  Compiegne 
en  1350,  profclfa  la  théologie  à  Navarre 
en  1386,011  il  eut  pour  difciples  Gerfon , 
Clémengis  i  Gilles  Defciiamps,  Ôc  mourut 


PIC 

en  142.J'.  Il  a  été  nommé  Vaigle  des  doc- 
teurs &  le  fléau  des  héréjîes.  C'eft  lui  qui 
fit  établir,  par  Bonifacc  IX,  un  théologal 
dans  toutes  les  égliies  épifcopales. 

N'oublions  pas  Adrien  Baillet ,  favant 
&  judicieux  critique  ,  qui  a  purgé  les 
vies  des  faints  du  merveilleux  hc  du  fa- 
buleux. * 

Claude  Caperonier ,  né  à  Mondidier , 
profefleur  en  langue  greque  au  collège 
royal. 

D.  Luc  d'Achery,  favant  bénédidtin. 

Le  poëte  Vadé,  né  à  Ham,  mort  en 

1757. 

Antoine  de  la  Place,  né  à  Calais. 

François  Mafclef ,  auteur  d'une  gram- 
maire hébraïque  ,  étoit  d'Amiens.  (  C) 
■  Picardie  (  canal  de  ).  Lettre  de  M. 
de  Voltaire  fur  le  canal  de  Picardie ,  conf- 
truit  par  M.  Laurent.  "  Je  favois ,  mon- 
fîeur ,  il  y  a  long-temps ,  que  vous  aviez 
fait  des  prodiges  de  méchanique  ;  mais 
j'avoue  que  j'ignorois,  dans  ma  chaumière 
&  dans  mes  déferts,  que  vous  travail- 
laiTiez  aduellemènt  9  par  ordre  du  roi , 
aux  canaux  qui  vont  enrichir  la  Flandre 
&  la  Picardie.  Je  remercie  la  nature  qui 
nous  épargne  les  neiges  cette  année  :  je 
fuis  aveugle  quand  la  neige  couvre  nos 
montagnes  ;  je  n'aurois  pu  voir  les  plans 
que  vous  avez  bien  voulu  m'envoyer  :  j^en 
fuis  aufïi  furpris  que  reconnoi fiant.  Votre 
canal  fouterrain  fur  -  tout  eft  un  chef- 
d'œuvre  inoui.  Boileau  difoit  à  Louis 
XIV ,  dans  le  beau  fîecle  du  goût  : 

P entends  déjà  frémir  les  deux  mers  étonnées , 
De  fe  voir  réunir  au  pié  des  Pyrénées. 

Lorfque  fon  fuccefîèur  aura  fait  exécuter 
tous  fes  projets,  les  mers  ne  s'étonneront 
plus  de  rien;  elles  feront  très-accoutumées 
aux  prodiges. 

Je  trouve  qu'on  fe  faifoit  un  peu  trop 
valoir  dans  le  fîecle  pafle ,  quoiqu'avea 
juftice,  ôc  qu'on  ne  fe  fait  peut-être  pas 
allez  valoir  dans  celui-ci.  Je  connois  le 
poëme  de  l'empereur  de  la  Chine ,  &  j'igno- 
rois les  canaux  navigables  de  Louis  XV. 

Vous  avez  raifon  de  me  dire,  monfieur, 
que  je  m'intérclTe  à  tous  les  arts  ôc  aux 
objets  du  commerce»; 


PI  c 


757 


Tous  les  goûts  à  la  fois  font  entrés  dans  mon 
ame. 

Quoiqu'odlogénaire  ,  j*ai  établi  des  fa- 
briques dans-  ma  folitude  fauvage.  J'ai 
d'excellens  artiftes  qui  ont  envoyé  de  leurs 
ouvrages  en  RuiTie  &  en  Turquie  ;  &  iî 
j'étois  plus  jeune ,  je  ne  défefpérerois  pas 
de  fournir  la  cour  de  Pékin  du  fond  de 
mon  hameau  SuilTe. 

Vive  la  mémoire  du  grand  Colbert , 
qui  fit  naître  l'induftrie  en  France, 

Et  priva  nos  voifins  de  ces  tributs  utiles , 
Que  payoit  à  leur  art  le  luxe  de^nos  villes. 

Reniflons  cet  homme  qui  donna  tant 
d'encouragemens  au  vrai  génie,  fans  af- 
foiblir  les  fentimens  qoe  nous  devons  au 
duc  de  Sully ,  qui  commença  le  canal  de 
Eriare ,  &  qui  aima  plus  l'agriculture  que 
les  étoffes  de  foie.  Illa  debuit  facere  &  if  a 
non  omittere. 

Je  défriche  depuis  long-temps  une  terre 
ingrate  :  les  hommes  quelquefois  le  font 
encore  plus;  mais  vous  n'avez  point  fait 
un  ingrat ,  en  m'envoyant  le  plan  de  l'ou- 
vrage le  plus  utile. 

J'ai  l'honneur ,  fiv.  ». 

M.  de  la  Condamine,  qui,  étant  à  S. 
Quentin  en  feptembre  1775,  montra  au 
duc  de  Cumberland  le  canal ,  que  ce  prince 
trouva  un  ouvrage  admirable  &c  digne  des 
Romains,  fit  ce  quatrin  : 

L'homme ,  depuis  Noé ,  s'ajfervijfant  les  mers^ 
Avoitfu  rapprocher  les  bouts  de  Vunivers. 
'Neptune  étoit foumi  s;  Plut  on  devienttraitable. 
A  la  voix  de  Laurent  la  terre  efî  navigable. 

Cet  excellent  ingénieur,  qui  étoit  chargé 
du  ^anal  de  Bourgogne ,  projeté  depuis 
Henri  IV,  vient  d^'être  enlevé  à  la  France 
&  aux  arts,  par  une  mort  prématurée  ," 
en  odtobre  1773  '•  il  étoit  Flamand.  (C) 

PICARDS,  {Hifî.  eccléf)  nom  d'une 
feéte  qui  s'établit  en  Bohême  au  commen- 
cement du  XV^.  fiecle ,  &  qui  y  fut  cruel- 
lement perfécutée.  Elle  eut  pour  chef  un 
prêtre  qui  s'appelloit  Jean ,  &  qu'on  iwmma 


75^  PIC 

Picard  ,  parce  qu'il  écoit  de  Picardie  ; 
d'autres  l'ont  nommé  Martin,  ôc  d'autres 
Zoquis. 

L'article  que  Bayle  a  donné  de  la  fede 
des  Picards  ne  lui  fait  pas  honneur ,  & 
on  ne  peut  aflez  s'étonner  que  ce  génie  fi 
fin  dans  la  critique  des  hiRoriens  de  la 
Grèce  &:  de  Rome,  fe  foit  plu  à  adopter 
les  contes  ridicules  qu  il  avoir  lus  fur  les 
malheureux  Picards.  Ajoutez  que  fon  ar- 
ticle eft  kc  ôc  entièrement  tiré  de  Varillas, 
hardi  conteur  de  fables ,  qui  a  ici  copié 
celles  d'Enée  Sylvius ,  lequel  déclare  avoir 
rapporté  ce  que  d'autres  ont  dit ,  êc  avoir 
écrit  bien  des  chofcs  qu'on  ne  croyoit 
point}  c'eft  fon  propre  aveu  :  aliorum , 
dit- il,  dicla  reccnfeo»  &  plura  fcribo  quàm 
credo. 

Lafitius  rapporte  que  le  prétendu  Picard 
arriva  en  Bohême  en  141  §  ,  du  temps 
de  Wenceflas ,  furnommé  le  fainéant  ôc 
l'ivrogne  ;  qu'il  vint  accompagné  d'en- 
viron quarante  autres  ,  fans  compter  les 
femmes  ôc  les  enfansj  que  ces  gens -là 
difoic^nt  qu'on  les  avoir  chp.fTés  de  leur 
pays  à  caufe  de  l'évangile.  Le  jéfuite  Bal- 
binus ,  dans  fon  épitomt  rerum  Bohemi- 
carum  ^  liv.  II,  dit  la  même  chofe  ,  ôc 
n'impute  aux  Picards  aucun  des  crimes  , 
ni  aucune  des  extravagances  qu'Enée  Syl- 
vius leur  attribue. 

Jean  Schledat,  fecretaire  de  Ladiflas, 
roi  de  Bohême ,  rendant  compte  à  Erafme 
des  diverfes  fedes  qui  partageoient  la  pa- 
trie j  entre  dans  de  plus  grands  détails 
fur  celle  des  Picards.  Ces  gens-là,  dit-il, 
ne  parlent  du  pape  ,  des  cardinaux  &  des 
évêques,  que  comme  de  vrais  antéchriftsj 
ils  ne  croient  rien  ou  fort  peu  des  fàcre- 
mens  de  l'églife.  Ils  prétendent  qu'il  n'y  a 
rien  de  divin  dans  le  facrement  de  PEu- 
chariftie ,  affirmant  qu'ils  n'y  trouvent  que 
le  pain  ôc  le  vin  confacrés,  qui  repréfen- 
tent  la  mort  de  Jefus-Chrift;  &  ils  fou- 
tiennent  qtte  ceux  qui  adorent  le  facrement 
font  des  idolâtres,  ce  facrement  n'ayant 
été  inftitué  que  pour  faire  la  commémora- 
tion de  la  mort  du  Sauveur ,  ôc  non  pour 
être  porté  de  côté  Ôc  d'autre  ;  parce  que 
Jefus-Chrift  qui  eft  celui  qu'il  faut  honorer 
du  culte  de  latrie  ,  eft  afïîs  à  la  droite  de 
Dieu   le   père.   Ils  traitent  d'ineptie  les 


p  r  c 

fuffrages  des  faints  Se  les  prières  pour  les 
morts  ,  aulTî-bien  que  la  confefTion  auri- 
culaire ,  Ôc  h  pénitence  impoiée  par  les 
prêtres.  Ils  difent  enfin ,  que  les  vigiles  ôc 
les  jeûnes  font  le  fard  de  l'hypocrifie  ; 
que  les  fêtes  de  la  vierge  Marie ,  des  apô- 
tres ôc  des  autres  faints,  font  des  inven- 
tions de  gens  oififs.  Ils  célèbrent  pourtant 
les  dimanches  ôc  les  fêtes  de  Noël  ôc  de 
la  Pentecôte.  EpiJI.  Erafm,  liv.  XIV.  Ce 
récit  de  Schledat  nous  apprend  manifef^ 
tement  que  les  Picards  n'étoient  autres  que 
des  Vaudois ,  ôc  M.  de  Beaufobre  a  dé- 
montré cette  identité  dans  fon  hiftoire  de 
la  guerre  des  Hulïites.  Vous  en  trouverez 
l'extrait  dans  le  didionnaire  de  M.  de 
Chaufepié ,  qui  a  fait  un  excellent  article 
des  Picards.  Voici  en  peu  de  mots  le 
précis  de  ce  qui  les  concerne. 

Les  Vaudois  étoient  en  Bohême  dès  l'an 
1178;  des  difciplcs  de  Valdo  s'y  réfugièrent 
ôc  furent  fort  bien  reçus  à  Zatée  ôc  à  Lau- 
nitz  ,  deux  villes  voifines  fituées  fur  la 
rivière  d'Egne ,  ôc  afièz  proche  des  fron- 
tières de  Mifnie  ,  par  où  les  Vaudois 
entrèrent  vraifemblablement  en  Bohême; 
une  partie  du  peuple  fuivoit  alors  le  rit 
grec,  pendant  que  la  noblefle  ôc  les  grands 
qui  avoient  commerce  avec  les  Allemands 
leurs  voifins ,  ôc  qui  fe  conforment  ordi- 
nairement à  la  cour ,  fuivoient  pour  la 
plupart  le  rit  latin  ;  mais  ce  rit  ayant  été 
introduit  par  force ,  n'en  étoit  que  plus 
défagréable  au  peuple.  Les  Vaudois  ayant 
trouvé  de  l'humanité  ôc  de  l'accueil  dans 
les  habitans  de  ces  deux  villes ,  leur  firent 
connoître  les  fuperftitions  que  le  temps 
avoir  introduites  dans  la  religion  chré- 
tienne ,  ôc  les  affermirent  dans  l'averfion 
qu'ils  avoient  déjà  pour  l'églife  romaine. 
Ces  peuples  conferverent  l'exercice  pu- 
blic du  rit  grec ,  jufques  vers  le  milieu  da 
XV*.  fiecle,  que  l'empereur  Charles  IV  ÔC 
l'archevêquQ  Eri-teft  l'interdirent  à  la  fol- 
licitation  des  papes  &  à  la  pourfuite  des 
moines.  Le  rit  latin  ayant  été  établi  par- 
tout ,  les  peuples  s'aflemblerent  dans  les 
bois,  dans  les  folitudes  &  dans  les  châteaux 
de  quelques  gentilshommes  qui  les  proté- 
geoient  ;  mais  quand  les  troubles  s'élevèrent 
en  Bohême ,  ôc  que  la  nation  leva  l'éten- 
dard contre  le  pape,  ces  Picards,  ces 


PIC  PIC  755> 

Vaudois  cachés ,  commencèrent  à  (e  mon-  ■  mois,  les  fîticrer  tous  deux  dans  un  tonneau 


trer  i  il  s'en  mêla  quelques-uns  parmi  les 
Taborites;  d'autres  qui  fe  virent  en  aflez 
grand  nombre  dans  une  île  que  forme  la 
nviere  de  Launiiz ,  aflèz  près  de  Neuhaus , 
dans  le  dilhict  de  Eechin ,  prirent  les 
armes  &  furent  défaits  par  Ziska. 

On  peut  réduire  à  trois  chefs ,  les  preu- 
ves qui  juftinent  que  ces  Picards  étoient 
Vaudois  ;  i°.  le  principal  prêtre  qu'on  leur 
donne;  2°.. les  dogmes  qu'on  leur  attri- 
bue; 3°.  les  crimes,  les  folies,  ôc  les 
hércties  qu'on  leur  impute  :  tout  quadre 
avec  les  Vaudois. 

I.  Théobalde  dit  que  leur  principal  prê- 
tre s'appelloit  Martin  de  Moravet.  Laurens 
de  Byzin ,  chancelier  de  la  nouvelle  Pra- 
gue ,  fous  Wenceilas,  quia  écrit  un  journal 
de  la  guerre  des  Huffites ,  diarium  de 
bello  hL'jJltico  ,  raconte  qu'au  commence- 
ment de  1410,  quelques  ptêtres  Taborites 
débitèrent  de  nouvelles  explications  des 
prophéties  ,  &  annoncèrent  un  avènement 
grojluin  du  fîls  de  Dieu  pour  détruire 
ies  ennemis  ,  &  purifier  l'églife.  "  Le 
'>  principal  auteur  de  cette  dodrine ,  dit 
»  Laurens  de  Eyzin ,  étoit  un  jeune  prêtre 
»>  de  Moravie ,  fort  bel  efprit  Se  d'une 
»  prodigieufe  mémoire  ;  il  fe  nommoit 
"  Martin ,  de  fat  furnommé  Loquis  , 
"  parce  qu'il  prêchoit  avec  une  hardiefle 
"  étonnante  fes  propres  penfées ,  Ik.  non 
"  celles  des  faints  dodeurs.  Ses  principaux 
yy  aiîociés  furent  Jean  Oilczin,  lebacheHer 
»  Markold  ,  le  fimeux  Coranda ,  Ôc  autres 
"  prêtres  Taborites  ».  Martin  de,Morave: 
ou  de  Moravie,  furnommé  Loquis^  le  prin- 
cipal prêtre  des  Picards,  eft  donc  un  prêtre 
Taborire,  un  collègue  du  fimeux  VVencei- 
las  Coranda  ,  qui  ht  tant  de  bruit  dans  ce 
parti ,  &  qui  avant  &:  depuis  la  m.ort  de 
Ziska ,  futUa têtedes  affaires.  Delà  il  s'en- 
fuit qu'au  fond  les  Picards  font  des  Tabori- 
tes ,  &  que  les  accufations  d'inceftes  &  de 
nudités  qui  leur  ont  été  intentées,  font  de 
pures  calomnies,  puifque  tour  le  monde 
convient  que  les  Taborites  n'enfuient  jamais 
coupables. 

Martin  de  Moravie  fut  pris  avec  un 
autre  prêtre  ,  &  envoyé  à  Conrad ,  ar- 
chevêque de  Prague ,  qui ,  après  les  avoir 


de  poix  ardente.  Quel  étoit  leur  crime? 
c'étoit  d^ivoir  foutenu  jufqu'à  la  mort ,  ô^ 
fans  avoir  jamais  voulu  fe  retraiter  ,  que  le 
corps  de  Jefus-Chrift  n'cft  qu'au  Ciel ,  Se 
qu'il  ne  faut  point  le  mettre  à  genoux  de- 
vant la  créature,  c'eft-à-dire ,  devantle  pain 
de  Peuchariftie.  Voilà  un  prêtre  Picard,  qui 
a  tout  l'air  Vaudois. 

II.  Les  dogmes  des  Picards  &  des  Vau- 
dois ,  font  les  mêmes;  nous  l'avons  déjà  vu 
par  le  détail  que  Schleélat  fait  des  opinions 
des  Picards  de  Bohême.  Ils  foutenoienc 
qu'il  ne  fliut  point  adorer  l'euchariftie  , 
parce  que  le  corps  de  Jefus-Chrift  n'y  eft 
point ,  le  Seigneur  ayant  été  élevé  au  Ciel 
en  corps  &  en  ame  ;  que  le  pain  &  le  vin 
de  Peuchariftie  demeurent  toujours  du  pain 
&  du  vin  ,  6'c.  Ce  font-là  des  doctrines 
vaudoiies  &  purement  vaudoifes. 

Les  accufations  mêmes  font  des  ufages 
vaudois  déguifés  en  dogmes  ;  par  exemple, 
les  Vaudois  ne  reconnoiflbient  point  de 
fainteté  attachée  aux  autels ,  &  n'en  fai- 
foient  point  une  condition  du  lervice  divin. 
Si  cela  eft,  difoient  leurs  adveriaires ,  vous 
feriez  donc  dans  les  temples  ce  que  .les 
maris  &  les  femmes  font  dans  leurs  mai- 
ions  î  La  conféquencc  fut  transformée  en 
dogme.  Les  Picards ,  dit-on  .  ont  com- 
merce avec  leurs  femmes  dans  les  lieux 
facrés;  ce  font  donc  des  miférablcs  qu'il 
faut  exterminer. 

Les  prêtres  Vaudois  étoient  mariés ,  & 
ils  fburenoient  que  leurs  mariages  étoient 
légitimes.  Quoi  !  difoient  leurs  ennemis  , 
un  prêtre  fortant  du  lit  de  fà  femme  ap- 
prochera des  autels  ?  Autre  conféquence 
convertie  en  dogme. 

Les  Vaudois  n'adoroient  point  le  facre- 
mcnr,  &  ne  fléchiflbicnt  point  le  genou 
dans  les  églifes  à  la  vue  du  pain  facré. 
Autre  conféquence  :  il  n'eft  pas  ncceilaire 
d'adorer  Dieu. 

Ajoutez  à  cela  les  autres  dogmes  attri- 
bués aux  Picards  par  Schledat.  Ils  n'in- 
voquoient  point  les  faints  ;  ils  ne  prioient 
point  pour  les  morts  ;  ils  n'admettoient 
point  la  confefïion  auriculaire ,  f-'c  Si  ce 
ne  font  pas  là  des  Vaudois ,  ce  font  des 
gens    qui  leur  refiemblent  parfiitementj 


gardés  dans  un  cachot  pendant  pluiieursl  &  qui  peuvent  bien  leur  être  aftcciés. 


7^o  PIC 

III.  Les  crimes ,  les  folies  ôc  les  héréfies 
qu'on  leur  attribue,  perfuadent  encore  que 
les  pauvres  Picards ,  exterminés  en  Bohême, 
étoient  de  véritables  Vaudois  i  c'eft  ce  dont 
on  trouvera  les  preuves  détaillées  dans  l'ou- 
vrage de  M.  de  Beaufobre  :  nous  y  ren- 
voyons le  leéfceur. 

Nous  remarquerons  feulement  que  la 
nudité  qu'on  leur  impute  eft  une  pure 
fliufleté,  &  que  les  Picards  n'ont  jamais 
été  adamiftes.  On  n'apporte  que  deux  preu- 
ves dans  l'hiftoire ,  de  la  nudité  picarde  :  la 
première  eft  le  témoignage  du  prêtre  Tabo- 
rite  ,  de  du  dodeur  Gitzinus  ;  ils  n'accufent 
pourtant  pas  les  Pic'ards  d'une  nudité  prati- 
que ,  mais  feulement  d''enfeigner  que  les 
habits  n'étoient  point  néceflaires ,  &  que  fi 
ce  n'étoit  le  froid  ,  on  pourroitauffi-bien 
nllernuque  vêtu.  Ce  n'eft  donc,  fur  ces 
deux  témoins ,  qu'une  erreur  fpéculative 
qui  ne  conclut  rien  pour  la  pratique,  encore 
moiiîs  pour  ces  ridicules  opinions ,  que  la 
nudité  eft  un  privilège  de  la  liberté  ou  de 
l'innocence. 

La  féconde  preuve  qu'on  donne  de  la 
nudité  des  Picards ,  eft:  tirée  de  ce  qu'on 
fît  le  rapporta  Ziska  que  ceux  qui  s'étoient 
fortifiés  dans  une  ile  y  alloient  tout  nus  , 
de  commettoient  fans  honte  toutes  fortes 
d'infamies  :  cette  preuve  n'eft  qu'un  conte 
abfurdc ,  qu'on  inventa  contre  des  malheu- 
reux qu'on  vouloit  facrifier  ;  &  ce  qui  ré- 
fute pleinement  la  faufteté  de  ce  bruit , 
c'eft  qu'entre  tant  de  Picards  que  Ziska 
faifir  dans  celte  ile,  &  qu'il  fit  périr, 
on  ne  voit  pas  dans  l'hiftoire  qu'un  feul 
aie  été  trouvé  nu.  De  plus,  comment  fe 
perfuader  que  la  noblefte  de  Moravie  , 
qui  protégeoit  les  Picards  de  fon  pays  , 
ait  pu  fourenir  des  fanatiques  qui  donnoient 
dans  l'excès  ridicule  de  fe  faire  une  reli- 
gion de  la  nudité  ?  Enfin  ,  comment  ima- 
giner que  d'infâmes  voluptueux  foufFrent 
conftamment  les  plus  cruels  fupplices,  & 
qu'ils  embmflent  volontairement  une  mort 
cruelle  qui  les  va  priver  de  tous  les  plai- 
lîrs  après  lefquels  ils  couroient  ?  Ajoutez 
à  toutes  ces  preuves  le  témoignage  du 
jéfuire  Balbinus,  qui  ne  doit  pas  être  fuf- 
peélé  de  'favorifer  ces  hérétiques  ;  & 
néanmoins  il  convient  que  c'eft  à  tort 
.(ju'on  a  accufé  les  Picards  à  cet  égard , 


P  I  c 

&  il  reproche  à  Théobalde  d'avoir  donné 
mal-à-propos  aux  adamites  le  nom  de 
Picards.  Balbin.  Epitom.  rer.  Bohem. 
lib.  IVy  piig.  44^.  Voici  ce  que  les 
théologiens  catholiques  les  plus  modérés 
pen'ent  des  Picards  :  ils  difent  que  ce 
fut  une  feéte  d'hérétiques  qui  s'élevèrent 
en  Bohême  dans  le  XV^  fiecle  ,  &  qui 
prirent  ce  nom  de  leur  chef  appelle  Pi- 
card, natif  des  Pays-bas. 

Qiie  ce  fanatique  fe  fit  fuivre  d'un  afTèz 
grand  nombre  d'hommes  &  de  femmes, 
qu'il  prétendoit  ,  difoit-il,  rétablir  dans 
le  premier  état  d'innocence  où  Adam  avoic 
été  créé  j  c'eft  pourquoi  il  prenoit  aulîi  le 
titre  de  nouvel  Adam. 

Que  fous  ce  prétexte  il  établit  comme  un 
dogme  parmi  fes  fecftateurs,  la'iouiflance 
des  femmes,  ajoutant  que  la  liberté  des 
enfans  de  Dieu  conliftoit  dans  cet  ufage, 
&  que  tous  ceux  qui  n "étoient  pas  de  leur 
fe<5le  étoient  efclaves.  Mais  quoiqu'il  auto- 
risât la  communauté  des  femmes,  fes  di(- 
ciples  ne  pou  voient  cependant  en  jouir  fans 
fa  permiffion  ,  qu'il  accordoit  aifément , 
en  difant  à  celui  qui  lui  préfentoit  une 
femme  avec  laquelle  il  défiroit  avoir  com- 
merce :  Va  ,  fais  croître ,  multiplie  & 
remplis  la  terre.  Il  perm.ettoit  auflî  à  cette 
populace  ignorante  d'aller  toute  nue ,  imi- 
tant en  ce  point ,  comme  en  l'autre ,  les 
anciens  Adamites.  Fbje^  Adamites. 

Les  Picards  avoient  établi  leur  réfidencc 
dans  une  île  de,  la  rivière  de  Lanfnecz ,  à 
quatorze  lieues  de  Thabor ,  place  forte ,  où 
Ziska,  général  des  Hullîtcs,  avoit  fon 
quartier  principal.  Ce  guerrier  inftruit  des 
abominations  des  Picards  ,  marcha  con- 
tre eux  ,  s'empara  de  leur  île ,  &  les  fit  tous 
périr  par  le  fer  ou  par  le  feu ,  à  l'exception 
de  deux  qu'il  épargna ,  pour  s'inftruire  de 
leur  dodrine.  Dubrav.  liv.  VI.  Sponde  ad 
ann.  chr.  Z^fZO. 

PICAREL  ,  f.  m.  imarisy  \Hifi.  nat. 
lâhyol.  )  poiftbn  de  mer.  On  lui  a  donné 
à  Antibes  le  nom  de  garon ,  &  en  Lan- 
guedoc celui  de  picarel ,  parce  qu'il  pique 
la  langue  lorfqu'il  eft  dcfleché  &  falé.  C'eft 
une  efpece  de  mendole  qui  eft  toujours 
blanche.;  cependant  il  eft  plus  étroit  & 
plus  court  que  la  mendole ,  car  il  n'a  que  la 
longueur  du  doigt.  Le  mufeau  eft  pointu  ; 

-il 


P  I  c 

îl  y  a  de  chaque  côte  fur  le  milieu  6u  corps 
une  tache  noire  &  des  traits  argentés  St 
dorés  ,  mais  peu  apparens  ,  qui  s'étendent 
depuis  la  tête  jufqu'à  la  queue  j  an  relie 
il  reiTemble  à  la  mendole  parles  nageoires , 
les  aiguillons  ,  la  queue  ,  &c.  Rondelet , 
hijioire  des  poijfons  j  liv.    V^  chapitre  xiv. 

Voyei  Mendole  ,  poiffbn. 
^  PICATAPHORE  ,  fubft.  m.  (  Ajîrolog. 
judic.  )  Les  artrologues  appellent  ainfi  la 
huitième  maifon  célefle  ,  par  laquelle  ils 
font  des  prédictions  touchant  la  mort  &  les 
héritages  àes  hommes.  On  la  nomme  encore 
porte  fupérieure  ,  lieu  pareffeux  ,  maifon  de 
mort  &  des  héritages.  Ranzovius  ,  dans  fbn 
tracîat.  ajirolog.  part.  Il ,  a  traité  toutes  ces 
ladaifès  ridicules.  {D.  J.) 

PICAVERET  ,  voyei  LiNOTE. 

PICCA-FLOR  ,  f.  m.  {Hifloire  nat. 
Crnithol.  )  c'eft  le  nom  que  les  Efpagnols 
donnent  au  colibri  ou  à  roifeau-mouche ,  à 
caufe  qu'il  ne  vit  que  du  fuc  àes  fleurs.  Son 
article  efl:  fiiit  au  mot  Colibri. 

Rien  ^n'égale  la  beauté  du  plumage  de 
ces  charmans  oiieaux  \,  ils  font  leurs  nids  avec 
tout  l'art  &  \es  précautions  poflibles  j  cepen- 
dant ils  n'en  font  que  trop  fouvent  chaflbs 
par  de  groiles  &  cruelles  araignées  ,  qui  y 
viennent  pour  fucer  les  œufs  ou  le  fang  des 
pauvres  petits  colibris. 

Prefque  tous  les  auteurs  alTurent  que  cet 
oifeau  n'habite  que  les  pays  chauds  ^  mais 
M.  de  la  Condamine  déclare  qu'il  n'en  a 
vu  nulle  part  en  plus  grande  quantité  que 
dans  les  jardins  de  Quito ,  dont  le  climat 
tempéré  approche  plus  du  froid  que  de  la 
grande  chaleur.  Mém.  de  tacad.  des  fcknc. 

PICEA  ABIES  ,^  (  Jardinage.  )  eft  une 
efpece  de  fapin  vulgairement  appelle  épicia , 
&  femblable  à  l'if  pour  le  bois  &  la  feuille, 
qui  ne  tombe  point  \  il  s'élève  plus  haut  , 
fans  être  ni  fi  garni  ,  ni  fi  beau.  Le  picea 
produit  de  la  graine  qui  le  perpétue.  On  le 
place  ordinairement  dans  les  parcs  entre 
les  arbres  ifolés  des  allées  doubles ,  ou  dans 
les  bofquets  verds. 

PICELLO ,  {Géogr.  mod.)  ville  ou  bourg 
de  l'Anatolie  fur  la  mer  Noire,  entre  Pen- 
derachi  &  Samaftro.  C'eft  l'ancienne  Pfyl- 
lium  de  Ptolomée.  \ 

Tome  XXr, 


PIC  7î^f 

»  PTCENTIA,  (Gécgraph.  anc.)  ville 
d'Italie  ,  capitale  des  Picentins.  Cette  ville 
étoit  dans  les  terres.  Les  habitans  furent 
chafies  de  leur  ville  ,  pour  avoir  pris  le  parti 
d'Annibaî.  Léander  &  Mazella  difent  qu'on 
la  nomme  préfentement  Vicentia.  i.  Il  y 
avoit  une  autre  ville  d'Italie  du  nom  de 
Picentia  ^  elle  étoit  dans  le  Latium,  feloa 
Denis  d'Halicaniaflè  ,  lib.  V, 

PICENTINORUM  tENS ,  PICEN- 
'  TINI  &  PICENTES  ,  (  Geogr.  anc.  ) 
peuples  d'Italie.  Ils  habitoient  fur  la  côte- 
de  la  mer  de  Toicane  ,  depuis  le  promon- 
toire de  Minerve  ,  qui  les  féparoit  de  la 
Campa'nie ,  jufqu'au  fleuve  Silarus  ,  qui 
étoit  la  borne  entre  les  Picentins  &  les 
Lucaniens.  Dans  les  terres  ils  s'étendoient 
jufqu'aux  limites  des  Samnites  &  des  Har- 
pini  ,  limites  qui  nous  font  néanmoins  ab- 
lolument  inconnue?. 

PICENUM  ,  (  Géogr.  anc.  )  contrée- 
d'Italie  à  l'orient  de  l'Umbrie  ,  &  connue 
aufiî  /bus  le  nom  à'ager  Picenus.  Les  habi- 
tans de  cette  contrée  étoient  appelles  P/'c^/z- 
tes  ;  ils  étoient  différens  des  Picentini  ,  qui 
habitoient  fur  la  côte  de  la  mer  inférieure. 
Ce  peuple  étoit  fi  nombreux  ,  que  Pline  , 
lib.  III ,  cap.  xviij ,  fait  monter  à  trois 
cents  foixante  mille  le  nombre  des  Picentes 
qui  fe  fournirent  aux  Romains.  Les  bornes 
du  Picenum  proprement  dit ,  s'étendoient 
le  long  de  la  côte ,  depuis  le  fleuve  (Efus 
jufqu'au  pays  des  Prœtutiani.  Dans  un  fens 
plus  étendu  ,  le  Picenum  comprenoit  le 
pays  des  Prœtutiani  &  le  territoire  de  la 
\i\\e  Adria. 

J'ai  dit  que  les  Picentins  ,  Picentini , 
habitoient  fur  la  côte  de  la  mer  inférieure  ^ 
j'ajoute  ici  que  ce  peuple  étoit  une  colonie 
de  Sabins  ,  qui  étant  fortis  de  Picenum^ 
aujourd'iîui  la  Marche  d'Ancone  ,  s'empa- 
rèrent d'une  partie  de  la  Campanie.  Ils 
pofiédoieiît  le  canton  de  terre  où  eft  à  pré- 
fent  la  partie  occidentale  du  Principat  mé- 
ridional ,  entre  le  cap  Campanella  &  le 
fleuve  Sélo.  On  croit  que  Salerne  étoit  la 
capitale  de  ces  peuples.  (  D.  J.  ) 

PICHA-xMAL  ,  {Uijl.  nat.  Botan.)  fleur 
qui  fè  cultive  dans  l'île  de  Ceylan  j  elle  efl 
blanche  &  a  l'odeur  du  jafmin  :  on  en 
apporte  tous  les  matins  un  bouquet  au  roi 
du  pays ,  enveloppé  dans  un  linge  blanc  j  & 
Ddddd 


7^2  PIC  P  i  C 

fufpeudu  à  un  bâton.  Ceux  qui  rencontrent    foie.   II  contient  fbixante-fîx  catis  &  trois 


ce  bouquet ,  fe  détournent  par  refpetft.  Ily  a 
àcs  officiers  qui  tieiuient  des  terres  du  roi 
pour  y  planter  de  ces  fleurs  ^  ils  ont  le  droit 
de  s'emparer  de  tous  les  endroits  où  ils  peu- 
iènt  qu'elles  croîtront  le  mieux. 

PICHET,  PICHER,  PICHE  ,  f.  m. 
(  Marchands  de  vin.  )  petite  cruche  de  terre 
à  bec ,  qui  leur  ^rt  à  tirer  du  via  d'une 
pièce  pour  en  remplir  d'autres. 

PICHINCHA  ,  (  Géogr.  mod.  )  monta- 
g!îe  de  rAmérique  méridionale  ,  dans 
l'audience  de  Quito  ,  &  au  pié  de  laquelle 
eft  bâtie  la  ville  de  Quito.  C'eft  une  pointe 
de  la  Cordelière  ,  &  flir  laquelle  il  y  a  un 
volcan,  aind  que  fur  la  plupart  des  autres: 
celle-ci  a  2434  toifes  au  delfus  de  la  mer. 
MM.  de  la  Condatnine  oc  Bouguer  ,  dans 
leur  voyage  du  Pérou  ,  paflerent  trois 
femaines  fur  le  fominet  de  Pichincha. 
C  D.  J,  ) 

PICICITLI  ,  f  m.  (Hijf.  nat.  Ornith.) 
iîetit  oifeau  de  palfage  des  Indes  occiden- 
tales e^agnoîes ,  qui  ne  paroît  au  Mexi- 
que qu'après  la  faifcu  des  pluies.  Tout  fon 
pennage  eft  gris ,  excepté  la  tête  &  le  cou  , 
qui  font  noirs.  Nieremberg  eft  le  feul  auteur 
qui  en  ait  donné  la  defcription.  {D.  J.) 

PICINCE,  {Géogr.  anc.)  lieu  d'Italie 
entre  Rome  &  Noie.  C'eft  l'endroit  où 
Sylla  reçut  la  féconde  ambalfade  du 
fénat ,  qui  le  prioit  de  ne  pas  marcher 
à  main  armée  contre  la  ville    de   Rome. 

PICNOSTYLE ,  oz^  PICNOSTYLLE, 

r.  m.  (  Architeci.)  c'eft  le  moindre  entre- 
colonne  de  Vitruve  ,  qui  eft  d'un  diamètre 
&  demi  ,  ou  de  trois  modules  ,  du  grec 
'TTiyj.'oi  ^Jirré  y  ^  s-uKa  adonne. 

PICO  ,  (  Géogr.  mod.  )  îles  de  l'Océan , 
l'une  des  Açcres  ,33  lieues  fid-eft  de 
Traial  >  à  4  fud-oueft  de  Saint-Georges, 
&  à  12  fud-oucft  quart  à  l'oueft  de  Tercere. 
Cette  île  a  environ  1 5  lieues  de  circuit , 
&  eft  expofée  à  des  volcans  ^  elle  produit  de 
meilleurs  vins  que  toutes  les  autres  Açores. 
Son  nom  lui  vient  d'une  haute  montagne 
qui  y  eft  ,  &  qu'on  appelle  le  Pie  ou  Pic 
des  Acores.  Long,  fjlcn  Delifle ,  l^ç).  zi. 
lat.  38.  35.   (D.  J.) 

P 1 C  O  L  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  poids 
(tet  Ott  S&  fert  à  la  Chiue  pour  pefer  la 


quarts  de  catis  j  eu  lorte  que  trois  pi- 
cols  font  autant  que  le  bahar  de  Nla- 
laca  ,  c'eft- à-dire  ,  deux  cents  catis.  Voye^^ 
Bahar. 

Picol  eft  aufti  un  poids  en  ufage  en  divers 
lieux  du  continent  &  des  îles  des  Indes 
occidentales  ^  il  pefe  environ  vingt  livres 
poids  de  Hollande.  Diction,  de  commerce. 

PICOLETS  ,  f.  m.  pi.  (  Serrurerie.  )  les 
ferruriers  appellent  de  la  forte  deux  petites 
pièces  de  fer  rivées  au  côté  de  chaque  pou- 
pée de  leur  tour ,  à  travers  lefquelles  paf- 
fent  les  bras  qui  foutiennent  le  fupport^  les 
picolets  font  aufii  de  petits  crampons  qui 
foutiennent  le  pêne  dans  la  ferrure  ,  on 
plutôt  qui  en  conduifent  la  queue.  Il  y  en  a 
de  deux  fortes ,  le  pjcolet  à  patte  &:  le 
picolet  à  rivure.  Le  premier  fe  tire  d'une 
pièce  de  fer  battue  mince  ,  &  large  de  lix 
lignes  \  on  plie  le  pié  fur  un  mandrin  fait 
de  la  hauteur  &  largeur  de  la  queue  du  pêne  j 
on  le  plie  en  dehors  ,  ce  qui  forme  la  patte 
qu'on  perce  d'un  trou  où  pafîera  la  vis  qui 
doit  le  fixer  fur  le  palaftre.  Au  bout  du  pié 
011  il  n'y  a  point  de  patte  ,  on  pratique  un 
tenon  qui  entre  dans  une  petite  entaille 
qu'on  a  foin  de  pratiquer  au  palaftre.  Cette 
forte  de  picolet  ne  fe  rive  point ,  &  on  le 
démonte  à  volonté. 

Le  picolet  qui  fe  rive  fur  le  palaftre  fe  fait 
comme  le  précédent,  excepté  qu'il  n'a  point 
de  patte  à  un  de  its  pies  ,  mais  deux  tenons 
pour   le  river  {\\x  le  palaftre. 

PICOLI ,  f  m.  C  Monnaie.  )  m.onnoie 
de  compte  dont  on  fe  fert  en  Sicile,  parti- 
culièrement à  Mefline  &  à  Palerme ,  pour 
les  changes  &  pour  tenir  les  livres,  foit  en 
parties  doubles ,  fbit  en  parties  fimples  5 
huit  picolis  valent  un.  ponti ,  &  fix  picolis 
iowt  le  grain.  On  compte  par  onces,  tarins^ 
grains  &  picolis  ,  qu'on  fomme  par  30  , 
par  20  &  par'6  \  l'once  valant  30  tarins  y, 
le  tarin  20  grains  ,  &  le  grain  6  picolis^ 
Dictionn.  de  Commerce. 

PICOLLUS,  f.  m.  (MythoL  des  Ger^ 
mains.  >  divinité  des  anciens  habitans  de 
la  Prufle  ,  qui  lui  confacroient  la  tête  d'ua 
homme  mort  ,  brûloient  du  fuif  en  Thon- 
neur  de  ce  dieu  ,  &  lui  oiTroient  des  fa- 
crifices  fanglnns ,  pour  n'eu  être  pas  toux^ 
mentes.  ( Z>.  Ai 


PIC 

PICORÉE  ,  f.  f.  (  An  milh.  )  eft  l'cf- 
pece  de  petite  guerre  que  fait  le  foldat  lor{^ 
qu'il  fort  du  camp  pour  piller  ou  marauder. 
Voyei  Pillage  6^  Maraude. 

Suivant  la  Noue  ,  hpicçree  prit  iiaifFance 
dans  les  guerr-es  civiles  ou  de  religion  fous 
Charles  IX.  D'abord  les  troupes  avoicnt 
obfervé  beaucoup  de  difcipline  5  mais  elles 
fe  portèrent  bientôt  aux  plus  grands  déCor- 
tires  :  chacun  fe  compc-rtoit  ,  dit  ce  mili- 
taire célèbre  ,  comme  s'il  y  avoit  eu  un  prix 
de  propofe  à  celui  qui  feroit  le  plus  de  mal  ; 
d'où  s'enfuivit ,  dit  -  il ,  /a  procréation  de 
inademoifdU  la  picorée  ,  qui  depuis  efl  fi 
bien  accrue  en  dignité ^  quon  t appelle  main- 
tenant madame.  Cependant  l'afr.iral  Co- 
ligni  ne  négligeoit  rien  pour  miaintenir  la 
difcipline  *,  mais  malgré  les  exemples  de 
févérité  dont  il  ufoit  pour  réprimer  ce 
défbrdre  ,  comme  tout  le  monde  y  prenoit 
part,  k  nobleiîe  ainfi  que  le  lîmpîe  foldat  , 
il  ne  lui  ftit  pas  pofllble  d'y  remédier  entiè- 
rement,  [q) 

PICO  r  ,  f  m.  terme  de  bûcheron ;y^z\\X.z. 
pointe  qui  refte  du  bois  taillis  coupé  fur 
terre  ,  t>j:  qui  blefie  vivement  les  pies  , 
quand  on  m^arche  deffus  ï\xw%  y  prendre 
garde. 

Picot  f.  m.  [Injîrument  de  carrier.)  ce 
que  les  carriers  nomment  un  picot  ^  cil  une 
éfpece  de  marteau  pointu  ,  qui  n'a  qu'un 
coté  j  il  porte  environ  huit  pouces  de  lon- 
gueur, &:  un  pouce  en  quarré  à  l'endroit 
où  il  eft  emmanché.  Son  manche  n'a  pas 
moins  de  cinq  pies  de  long  j  c'ell  un  des 
outils  qui  fervent  à  foule  ver  la  pierre. 

Picot,  f.  m.  ( Pajementcrie.)  c'eft  la 
partie  qui  conftitue  le  bas  d'une  dentelle  ou 
palîbînent,  &  qui  règne  d'un  bout  à  l'autre, 
où  elle  forme  une  jîetite  engrclure  ^  il  y  a 
de  l'apparence  qu'on  lui  a  donné  ce  nom 
à  caufe  qu'elle  fe  termnie  en  petites  pointes 
placées  les  unes  contre  les  autres  ;  en  ellime 
fort  les  dentelles  dont  le  picot  eft  bien  tra- 
vaillé &  bien  ferré  ,  parce  qu'elles  durent 
plus  que  les  autres.  (  D.  /.  ) 

Picot  ,  f.  m.  (  PécAe.  )  c'eil  une  fjrtc 
de  filets  qui  tire  fon  nom  de  l'opération  que 
font  les  pêcheurs  en  piquant  les  fonds  voiims 
du  lieu  où  ils  ont  tendu  leurs  filets.  La  gran- 
deur de  la  maille  fk  la  quantité  du  plomb 
dont  ils  doivent  être  chargés  par  le  bas , 


PIC  j6s 

font  prefcnts   par  l'ordonnance,  AV.   y 
tir.   2  ,  art.  8. 

^  La  pêche  des  picots  commence  à  la  En 
d'avril,   &  fe  continue   jufqu'au  mois  de 
novembre.  Pour  faire  cette  pêche ,  les  pê- 
cheurs viennent  dans  leurs  bateaux  établir 
leur  filet  d'che  &  de  baiîe  eau  fur  des  fonds 
qui  ont  encore  quelquefois  cinq  à  fix  braffes 
d'eau.  Le  filet  a  40  à  50  bralfes  de  long  , 
&  2  à  3  de  chute.  Le  bout  forain  qui  eft 
le  premier  que  l'on  jette  à  la  mer   ,    eft 
frappé  fur  une  ancre.  Ils  tendent  le  filet  un 
peu  en  demi  -  cercle  &   en  travers  de  la 
inarée.  L'autre  bout  du  filet  eft  frappé-  fur 
une  grolfe  pierre  ou  cabiiere  ,    qu'ils  nom-  ' 
ment  étalon  ,  &  fur  laquelle  eft  frappée  une 
bouée  pour  la  reconnoître. 
^  Quand  ils  font  ainfi  établis ,  les  pêcheurs 
s'éloignent  un  efpace  confidérable  de  leurs 
filetf .  Après  s'en  être  éloignés  fuffifam.mcnt , 
lis  reviennent  en  piquant  h  f  )nd,  pour  faire 
faillir  le  })cifibn  &  le  faire  donner  ;:laus  le 
filet  qu'ils  relèvent  enfflite  ,  £4  recomunen- 
eent  la  même  opération  phifieurs  fois  •  ce 
qu'ils  appellent  trajets  ,  tant  que  dure  l'ebe. 
S'ils  n'ont  rien  péché,   ils  Continuent   de 
flot  en  faifant  la  même   mr.nœuvrc   ■    Se 
quand  ils  ne  fe  feirent  pas  de  perches  pour 
piquer  le  fond  ,  ils  Ont  une  groffe  pierre  cm 
cabîicrc  percée  ,  du  poids  de  60  à  80  livres, 
a-narréc  à  un  cordage  -,  ils  la  lailTent  tombef 
au  fond  de  l'eau  pour  épouvanter  le  poifibii 
plat ,  &  le  faire  faillir  hors  du  fable  &  fe 
jeter  dans  le  filet  ;  ce  qui  leur  réufiît,  fur- 
tout  Cl  hs  picots  font  tendus  fur  des  fonds 
durs  &  de  roche  ,  où  il  fe  trouve  encore 
un  peu  de  fable  dans  lequel  le  poiiTon  plat 
fe  puille  enfouir. 

On  prend  principiiîement  avec  ce  filet , 
des  poiifons  pîats ,  comme  turbots ,  barbues  , 
folles  (k  des  fiers,  que  pour  cette  raifoii 
les^pêcheurs  nom.m^nt  des  picots  francs. 
,  ^^'^OTE  ,  f.  f.  {Lainage.  )  ou  gucufe  , 
etofietoutede  laine  d'un  tiès-bas  prix  ^  c'eft 
une  efpece  de  petit  camelot.  Cette  forte 
d'étolTe  fe  fabrique  à  Lille  en  Flandre .  où 
il  s'en  fait  de  pîufieurs  longueurs  &  qualités. 
Elle  eft  à-peii-prcs  femblable  aux  la«:pa- 
rilîas  &  polimites,  mais  non  pas  de  Ci 
bonne  qualité.  Sa  deftination  la  plus  ordi- 
naire eft  pour  l'Elpagne  ,  car  pour  en 
France  il  ne  s'y  en  confomme  prcfque  pas» 
D  d  d  d  d  2 


7^4  P  I  '^ 

il  y  a  auflî  des  picotes  qui  font  mêlées  de 

foie.   Savary. 

PICOTEMENT,  f.  m.  (Médec.)e^ 
une  propriété  des  corps  angulaires  &  aigus ,  | 
par  laquelle  ils  picotent  &  caufont  des  vibra- 
tions &  les  infle-sions  des  fibres  des  nerfs  , 
&  une  grande  dérivation  du  fluide  nerveux 
dans  les  parties  affediées. 

hes  picotemens  produifent  la  douleur  ,  la 
chaleur  ,  la  rougeur  ,  &c.  On  peut  les  ré- 
duire aux  dépilatoires  violens  &  pénétrans , 
aux  finapifmes  modérés  ,  aux  véfîcatoires 
&  aux  cauftiques.  J^oyei  SINAPISME,  VÉ- 
SICA^OIRE  ,  &c. 

PICOTER  ,  V.  aâ:.  piquer  des  trous  ;, 
&  PICOTÉ  ,  adj.  (  Gramm.  )  tadié  de 
petits  trous.  Il  fe  dit  de  ceux  qui  ont  eu  la 
peti^e- vérole.  Il  fe  dit  auflii  en  blafon  pour 
marqueté.  Les  pêcheurs  Se  les  naturaliftes 
ont  remarqué  que  la  truite  étoit  picotée; 
c'cft  ainfi  qu'ils  rendent  le  mot  latin  varie- 
gatus  ,  -qui  fignifie  ftriil'ement  couvert  de 
taches   de  dijférentes  couleurs. 

PICOTEURS  ,  f.  m.  plur.  (Pêche.) 
petits  bateaux  fervant  au  lamanage  &:  à  la 
pêche  ^  terme  de  pèche  ufité  dans  l'amirauté 
de  Saint  Vallery  en  Somme. 

PICOTIN  ,  f.  m.  (  Mef.  de  contenance.  ) 
forte  de  petite  mefure  à  avoine  qui  contient 
quatre  litrons  ,  c'eft-à-dire  ,  le  quart  d'un 
boifleau  de  Paris.  Le  picotin  dont  fè  fervent 
les  bourgeois  pour  la  diftributîon  de  l'avoine 
à  leurs  chevaux  ,  ell  ordinairement  d'ofier  ;, 
mais  celui  dont  fe  fervent  les  regrattiers  Si 
maîtres  grainiers ,  doit  être  de  bois. 

Le  picotin  de  bois  n'eft  autre  chofe  que 
le  quart  du  boifleau  de  Paris  :  il  doit  avoir 
quatre  pouces  neuf  lignes  de  h,autéur  fiir  fix 
pouces  neuf  lignes  de  diamètre  ou  de  large 
entre  les  deux  ïi\u. 

Le  picotin  ,  en  anglois  pect:^ ,  eft  encore 
luie  mefure  pour  les  grains  dont  on  fe  fort 
à  Londres  &  dans  le  rcfte  de  l'Angleterre  ^ 
.  quatre  picotins  fout  ini  galon  ou  boiiTeau  ^ 
huit  galons  font  le  quartcau  ou  barique ,  & 
dix  quartcaux  mi  quart  font  le  laft.  Savary. 
iD.J.) 

Picotin  ,  (  Arpentage.  )  c'eft  une  me- 
iùre  qui  fert  à  l'arpentage  dans  quelques 
Jieux  de  la  Guienne.  Il  faut  12  efcaits  pour 
faire  le  picotin  ,  chaque  efcait  de  12  pies 
jne£ire  d'Ageu ,  qui  eil  çiiviroo  de  trois 


PIC 

lignes    plus    grande    que   le   pie   de    roi; 
Savary. 

PICPUS,  PICPASSE  ,  PIQUE- 
PUSSE  ,  fubiL  m.  (  Hift.eccléf.  )  religieux 
du  tiers-ordre  de  S.  François  ,  autrement 
dits  pénitens  ^  fondés  en  1601  à  Picpus  ^ 
petit  village  qui  touche  au  fauxbourg  faint 
Antoine  de  Paris.  C'eft  ce  village  qui  a 
donné  nom  à  la  maifon  des  religieux,  & 
c'eft  cette  maifon  qui  n'eft  que  la  féconde 
de  l'ordre  ,  qui  a  donné  nom  à  l'ordre 
entier.  Lorfqu'un  ambaffadeur  fait  foii 
entrée ,  les  officiers  du  roi  vont  le  pren- 
dre à  Picpus.  Ils  dînant  dans  la  maifon. 
C'eft  delà  que  la  m.arche  commence.  Ma- 
dam.e  Jeanne  de  Sault ,  veuve  de  René  de 
Rochechouart ,  comte  de  Mortemar ,  en 
fut  reconnue  pour  fondatrice.  Henri  IV 
accorda  des  lettres-patentes  au  nouvel  éta- 
bliflement.  Louis  XIII  pofa  la  première 
pierre  de  l'églife  ,  &  prit  dans  les  lettres- 
patentes  qu'il  accorda  en  1624  au  monaf- 
tere ,   la  qualité  de  fondateur. 

PICQ  ou  PIC  ,  f.  m.  {Mef.  de  longueur.) 
mefure  étendue  dont  on  iê  fert  en  Turquie  , 
ainfi  que  l'on  fait  de  l'aune  en  France  pour 
mefurer  les  corps  des  longueurs ,  comme 
étoffes  ,  toiles  ,   &c. 

Le /7/,r^  contient  2  pies  2  pouces 2  lignes, 
qui  font  trois  cinquièmes  d'aune  de  Paris  j 
en  forte  que  cmc{^picqs  font  trois  aunes  ,  ou 
trois  aunes  font  cinq  picqs. 

On  appelle  à  Smyrne  tapis  de  picq ,  la 
féconde  forte  de  tapis  de  Turquie  ou  de* 
Perfe,  qui  s'y  achètent  par  les  nations  qui 
font  le  commerce  du  levant.  Ils  font  ainfî 
nommés  ,  parce  qu'ils  ne  fe  vendent  pas  à 
la  pièce  ,  mais  au  picq  quarré.  Diclionn.  de 
commerce. 

PICQUINAIRE,  f.  m.  {Art  milit.) 
anciennement  homme  de  guerre  armé  d'une 
pique. 

PICRIS ,  (  Botaniq.  )  nom  donné  par 
Linnaeus  au  genre  de  plantes  appelle  par 
Vaillant  helminthotheca  ;  en  voici  les  carac- 
tères. Le  calice  commun  eft  double  5  l'exté- 
rieur eft  compofé  de  cinq  feuilles  faites  en 
cœur  j  fintérieur  eft  de  forme  ovale  & 
tout  ouvert.  La  fleur  eft  d'un  genre  com. 
pofé  ,  elle  eft  partie  uniforme  ,  &  en  partie 
faite  en  faîtière.  Les  petites  fleurs  qui  la 
forment  font  égales  &  nombreufes  3  chap 


PIC 

cunc  eft  compofée  d'un  feul  pétale  partagé 
en  cinq  fegmens  j  les  étamines  font  cinq 
filets  capillaires-,  les  boiFettes  des  étamines 
font  cylindriques  ^  le  germe  du  piftil  eft 
placé  fous  la  fleur  ^  le  ftyle  eft  de  la  lon- 
gueur des  étamines  ^  les  ftigmates  au  nombre 
de  deux ,  font  recourbés  ^  les  calices  fub- 
fîfteut  après  la  chiite  des  fleurs ,  &  fervent 
de  capfule  aux  fèmences  qui  font  ovoïdes  , 
obtufes  &.  à  aigrettes  ^  le  réceptacle  ou  l'en- 
veloppe ,  eft  nn  j  les  graines  varient  en 
figure. 

PICTES  (les),  (Hifi.  Géogr,)  en 
latin  Piâi  ^  anciens  peuples  de  la  Grande- 
Bretagne  ,  mais  dont  l'origine  eft  fort  obi- 
cure.  Lorfque  les  Romains  s'emparèrent  de 
la  Grande-Bretagne  ,  les  Piâes  occupoient 
la  partie  orientale  de  l'île  ,  depuis  la  Tine 
jufqu'à  l'extrémité  feptentrionale. 

Sous  les  premiers  empereurs  romains  il 
ne  fè  paifa  rieu  de  remarquable  où  les  Picles 
paroilfent  avoir  eu  part^  mais  fous  Vaien- 
tinien  I  ,  les  Romains  les  attaquèrent , 
parce  que  ces  peuples ,  de  eoncert  avec 
leurs  voifins  ,  avoient  fait  des  irruptions 
dans  la  province  romaine.  Neftaridius , 
gardien  des  côtes  ,  Buchobandes  ,  Severe 
■&  Jovin  enrreprirent  inutilement  de  les 
foumettre  ,  car  ils  furent  défaits  tour-à- 
tour.  Enfin  Théodofe  l'ancien  y  ayant  été 
envoyé ,  augmenta  les  terres  des  Romains 
d'un  grand  pays  qui  appartenoit  aux  Vicies, 
Dans  la  fuite  Stilicon  ,  tuteur  d'Honorius, 
envoya  Viv3:orinus  pour  réprimer  forte- 
ment ces  peuples ,  qui  depuis  ia  mort  de 
Théodofe ,  recommençoient  à  faire  de 
nouvelles  courfes  dans  la  province  romaine. 
Vidèorinus  agiifant  en  maître  ,  leur  défendit 
de  nommer  un  fticcelfeur  à  Hengift  leur  roi, 
qui  venoit  de  mourir.  Cette  a£fion  de  hau- 
teur irrita  \qs  Piâes ,  qui  crurent  qu'il 
vouloit  les  chalTer  de  leur  île  ,  comme  il 
eu  avoit  chalfé  les  Scots  par  leur  fecours. 
Dans  cette  crainte  ,  ils  rappellerent  les 
Scots  ^  &  Ferjus  ,  prince  du  fang  royal 
d'Ecolfe  ,  ravagea  les  terres  des  Romains , 
&  fè  fit  céder  tout  le  pays  au  nord  de 
l'Humber. 

Vers  l'an  511,  les  Picles  s'étant  alliés 
avec  les  Saxons,  affiégerent  Arécluîe  j  mais 
Arthur  les  battit  ,  &  ruiiw  kur  pays 
d'un  bout  à  l'autre. 


PIC  7éry 

Depuis  l'irruption  Aes  Anglois  ,  la  Bre- 
tagne avoit  été  partagée  entre  les  Bretons 
ou  Gallois  ,  les  Ecofibis  ,  les  Picles  &  les 
Anglo- Saxons.  Les  Picles  &  \es  Ecoifois 
habitoient  la  partie  feptentrionale  de  l'île. 
L'Efca  &  la  Ewede  ,  &  les  montagnes  qui 
font  entre  ces  dexiK  rivières ,  les  féparoient 
des  Anglo-Saxons.  Les  Picles  étoient  à 
l'orient  ^  les  Ecofibis  à  l'occident.  Le  mont 
Gratbain  faifoitleur  borne  commune  depuis 
l'embouchure  de  la  Nyffe  jufqu'au  lac  Lo- 
mon.  Alberneth  étoit  la  capitale  des  Picles , 
&  Edimbourg  étoit  encore  à  eux.  Ils  ne  fe 
contentèrent  pas  de  ces  terres ,  ils  attaquè- 
rent en  670  Egfrid ,  roi  de  tout  le  Nor- 
thumberland ,  qui  les  battit ,  &  les  con- 
traignit de  lui  céder  une  partie  de  leur  pays 
pour  avoir  "la  paix. 

Peu  de  temps  après  ils  eurent  leur  revan- 
che ,  &  s'emparèrent  d'une  province  de  la 
Bernicie.  Enfin ,  dans  l'année  840  ,  ayant 
perdu  deux  grandes  batailles  contre  Knetfi 
roi  d'Ecolfe  \  le  vainqueur  qui  vouloit  ven- 
ger la  mort  de  fon  père  ,  qu'ils  avoient  tué  , 
&  dont  ils  avoient  traité  le  corps  avec 
indignité ,  agit  envers  eux  de  la  manière 
la  plus  inhumaine.  Il  les  extermina  telle- 
ment ,  que  depuis  lors  il  n*eft  plus  refté  que 
la  mémoire  de  cette  nation  belliqueufe,  qui 
avoit  fleuri  fi  long-temps  dans  la  Grande- 
Bretagne  j  &  c'eft  par  la  deftru6lion  des 
Piâes ,  que  Kiieth  eft  regardé  par  les  Ecof- 
fois  comme  uii  des  principaux  fondateurs 
de  leur  monarchie.  ^ 

Au  refte,  l'origine  des  Piâes  ,  ainfi  que 
celle  de  leur  nom  ,  eft  entièrement  incon- 
nue. On  ne  voit  dans  l'hiftoire  romaine  des 
deux  premiers  fiecles  ,  que  le  nom  de  Calé- 
doniens ,  &  jamais  celui  de  Piâes ,  ni 
celui  des  Scots.  Tacite  qui  connoiifoit  bien 
la  grande  Bretagne ,  par  les  voyages  &  par 
les  conquêtes  de  fon  beau-pere  Agricola, 
dont  il  a  écrit  la  vie,  ne  parle  que  des  Ca- 
lédoniens ,  qu'il  met  au  rang  des  Bretons. 

Réfamons.  De  tout  ce  qui  précède  y  on 
voit  que  les  Piâes  furent  un  peuple  qui  du 
temps  des  Romains  habitoit  la  partie  orien- 
tale de  file  de  la  Grande-Bretagne  \ers  le 
nord  ,  c'eft  -  à  -  cîire  ,  dans  le  royaume 
d'Eccife  ;  qu'on  croit  qu'ils  étoient  un 
peuple  différent  des  anciens  Bretons ,  & 
que  Bcde   pcufe   qu'ils  étoient  venus  de 


•^a  PIC 

Scythie  ^  par  cù  il  a  peut-être  voulu  cîéfi- 
gner  la  Norvv>_<;2  CvOnquife  par  \q,s  Scythes 
Ibus  la  conduite  d'Odin  ,  que  leur  nom 
vint  5  dit-on  ,  de  Fiai  ,  que  les  Romains 
leur  avoient  donné  ,  parce  qu'ils  ctoient 
dsns  Tufagc  de  fe  peindre  ,  &:  qu'ils  furent 
fubjngés  pcr  l'empereur  Julien  ,  par  Théo- 
ciofe  &c  par  Conltantin. 

PiCTES  {Murai lies  des),  (Géog.  anc. 
6'  anîiq.  )  c'eft  \xi\  monument  des  Romains. 
Lorfqii'ils  s'établirent  en  An3:leterre  par  la 
force  des  armes,  ils  fe  trouvoient  conti^ 
nucllemcnt  harcelés  par  Jes  Picles  ,  du 
côté  de  rEcofic.  Pour  rnckr  leurs  cour- 
fes,  Adrien  éleva  une  muraille  de  plâtre 
qui  tenoit  chpuis  l'Océan  gcrm.anique  juf- 
<ju'à  la  mer dir'ande  ,  lefpace  de  27  lieues 
de  France  ,  &  la  fortifia  par  des-pa'.ilTades 
en  Tan  123.  L'empereur  Sévère  la  fit  faire 
rie  pierres  avec  des  tours  de  mille  en  mille  . 
où  il  y  avoit  garnifbn.  Les  Piâes  néan- 
inoins  s'ouvrirent  un  pafTage  plufieurs  fois 
en  abattaîit  cette  muraille.  Enfin  Actius, 
général  romain  ,  la  rcbâîit  de  brique  l'an 
430;  m.ais  les  P:cies  ne  furent  pas  long 
temips  à  la  renvcrfer.  E^lle  avoit  8  pies  d'é- 
pailfeiir  ,  &  32  de  haut.  On  en  voit  aujour- 
d'hui des  traces  en  divers  endroits  des 
provinces  de  Cumberland  &  de  Northum- 
berland.   [D.  J.) 

PICTONES  ,  (  Géogu  anc.  )  Piclones  , 
peuples  de  la  Gaule  aquitaiiique.  Ils  étoient 
connus  du  temps  de  Céllir ,  qui ,  lorfqu'il 
voulut  f  lire  lafftierre  aux  Venctes,  ralTem- 
bla  les  vaiffeaux  des  Piciones  ,  àes  San- 
tones  &  des  autres  peuples  qui  étoient  en 
paix.  Vcrcengcntorix  fe  joignit  aux  Picîones 
pour  s'oppofer  aux  Romains ,  ôc  les  princes 
de  la  Gaule  ordonnèrent  aux  Picîones  de 
fournît  huit  mille  hommes,  lorfqu'il  fut 
qucftion  défaire  lever  le  ficge devant  Alefe. 
Strabon  dit  que  la  Loire  couloit  entre  \ts 
Piâones  &  les  Nair.nétes  j  il  met  \qs 
Picîones  avec  les  Santones  fur  l'Océan , 
&  il  les  range  au  nombre  des  vingt- quatre 
peuples  qui  habitoient  entre  la  Garonne  & 
ja  Loire  ,  &  qui  ctoient  com.pris  fous  l'A- 
quitaine. Pline,  //V.  ir,  ch.  xix ,  met 
.  pareillen-ient  les  Picîones  panni  les  peuples 
d'Aquitaine.  Lucain ,  liv.  IV ,  v.  436  , 
fait  entendre  qu'ils  étoient  libres  :  Pidlones 
immunes  fubi^unt  fua  rura^ 


P  I  E 

Ptoloméc  écrit  Pecloncs  ,  Se  ajoute 
qu'ils  occupoient  la  partie  fëptentrionale 
de  l'Aquitaine  ,  le  long  de  la  Loire  &  le 
long  de  la  côte  de  l'Océan.  Il  leur  donne 
deux  villes,  (avoir;  Augujîoritum  &  Limo- 
num.M..  Sanfon  ,  dans  les  remarques  iur  la 
carte  de  l'ancienne  Gaule  ,  dit  que  les  Piâo- 
nes font  les  peuples  des  diocefes  de  Poitiers, 
Mailleraies  &  Luçon  ,  qui  ont  été  autrefois - 
tous  compris  fous  le  diocefe  de  Poitiers. 

Il  eft  bon  d'obferver  que  ÏQi  peuples 
Piâones  étoient  primitivemiCnt  compris 
dans  la  Gaule- celtique.  AuguRe  les  attri- 
bua à  l'Aquitaine  dans  la  nouvelle  diviliou 
qu'il  fit  de  la  Gaule,  &  depuis  ils  en  ont 
toujours  fait  partie.  Leur  territoire  étoit 
d'une  grande  étendue  :  il  occupoit  toute 
la  côte  fëptentrionale  de  l'Océan ,  depuis 
le  pays  des  Santones  jufqu'à  la  Loire  ,  en 
forte  que  ce  fleuve  avoit  fon  cm.bouchure 
entre  les  Piâones  &  les  Namnetes  (peuples 
de  Nantes.  )  Telle  étoit  anciennement 
l'étendue  du  pays  des  Piâones.  Ses  limites 
-ctoient  encore  les  Uiêmes  du  côté  de  la 
Loire  ,  -nu  milieu  du  neuvième  fiecle  ,  en 
forte  qu'alors  il  étoit  plus  grand  que  n'cifc 
la  province  de  Poitou  \  peut-être  coin- 
prcnoit  -  il  le  territoire  des  Camholcârl 
agcjinates  qui  étoient  joints  aux  Piâones ^ 
comme  Pline  l'alîijre  ,  &  qui  probable- 
ment occupoient  l'Angoumois.  {D.  J.) 
PICTONIUM  ,  (  Géogr.  anc.  )  pro- 
miOntoire  de  la  Gaule  dans  f  Aquitaine  qui, 
f:Ion  toute  apparence ,  eft  la  pointe  des 
fables  d'Olonne. 

PICUMNUS,  &  PILUMNUS, 
(  Mytfiolcg.  )  étoient  deux  frères  fils  de 
Jupiter  &  de  la  nymphe  Garamantis.  Le 
premier  avoit  inventé  l'ufage  de  fumer  les 
terres  ,  d'où  il  fut  nommé  Sterquilinus  ^ 
&  Pilumnus  trouva  l'art  de  moudre  le 
blé ,  c'cft  pourquoi  il  étoit  honoré  parti- 
culîérement  par  les  nieûniers.  Comme  tous 
deux  }>ré/idoient  aux  aufpices  qu'on  prenoit 
pour  \t%  mariages ,  on  dreflbit  pour  eux 
des  lits  dans  les  temples,  à  la  naiiTance 
d'un  enfant  ^  &  lorfqu'on  le  pofoit  par 
terre  ,  on  le  recommiandoit  à  ces  deux 
divinités ,  de  peur  que  le  dieu  Sylvain  ne 
lui  nuisît. 

PIE  ,    AGASSE  ,    MATAGESSE  , 
MARGOT,  DAME- JAQUETTE  ,  f.  f. 


PIE 

(  HiJ}.  nat.  Ornitk.  )  pica  varia  caudata  , 
Wil.  oifeaii  qui  a  \\i\  pié  ixY.  pouces  de 
longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à 
rextrémitc  de  la  queue  ,  &  feulement  un 
pié  jusqu'au  bout  des  ongles  \  l'envergeure 
eft  d'u.'i  pié  dix  pouces  :  le  bec  a  un  pouce 
fept  lignes  de  longueur  depuis  la  pointe 
jufqu'aux  coins  de  la  bouche.  Le  devant 
de  la  tête  eft  d'un  noir  tirant  fur  le  verd 
doré  &  le  violet  5  le  refte  de  la  tête  ,  la 
gorge  ,  le  cou  ,  le  haut  de  la  poitrine  ,  la 
partie  antérieure  du  dos  &  les  plumes  du 
defîiis  de  la  queue  ,  font  d'un  noir  tirant 
fur  le  violet.  Chacune  des  plumes  de  la 
gorge  a  une  petite  ligne  cendrée  qui 
s'étend  dans  la  direction  du  tuyau.  La 
partie  poRérieure  diï"  dos  &:  le  croupion 
font  gris  \  les  grandes  plumes  des  épaules 
&  celles  du  bas  de  la  poitrine,  àw  ventre 
&  des  côtes  du  corps ,  ont  une  couleur 
blanche  \  celle  des  plumes  du  bas-ventre , 
des  jamibes  ,  de  la  face  inférieure  des  ailes 
&:  du  defîbus  de  la  queue  ,  elt  noire.  Les 
petites  plumes  de  l'aile  font  d'un  verd 
oblcur  ^  les  grandes  ont  la  même  couleur 
qui  tire  un  peu  fur  le  violet  du  côté  externe 
du  tuy:îu  \  le  côté  interne  eft  noir.  II  y 
a  vingt  grandes  plumes  à  chaque  aile  j  la 
première  eft  la  plus  courte  ,  elle  a  trois 
pouces  fîx  lignes  de  moins  que  la  cinquie- 
TJ.e  ,  qui  eft  la  plus  longue.  Les  douze 
plumes  de  la  queue  font  toutes  noires  err 
deflbus  \  la  face  (iipérieure  des  deux  du 
miliau  eft  d'un  verd  femblable  à  celui  de 
la  tête  du  canard  ,  m.êlé  d'un^eu  de  couleur 
bronzée  vers  la  pointe  \  l'extrémité  eft 
d'un  verd  obfcur  tirant  liir  le  violet  \  les 
autres  ont  le  côté  intérieur  noir  &  le 
refte  a  les  mêmes  couleurs  que  les  plumes 
du  milieu  ,  qui  font  plus  longues  d'un 
pouce  que  les  deux  qui  les  fuivent  immé- 
diatement ^  les  autres  diminuent  fuccefli- 
vement  de  longueur  jufqu'à  la  première 
qui  n'a  que  cinq  pouces  fcpt  lignes ,  tandis 
que  celles  du  milieu  ont  dix  pouces  cinq 
lignes.  Le  bec  ,  les  pies  &  les  ongles  font 
noirs.  On  trouve  des  individus  de  cette  ef- 
pece  qui  font  devenus  entiéreaient  blancs. 
La  pie  fait  fon  nid  au  haut  des  grands 
arbres  j  l'extérieur  de  ce  nid  eft  hérifle 
d'épines ,  &  couvert  prefqu'en  entier  ;,  il 
n'y  a  qu'une  petite  ouverture  cj^ui  fert  de 


PIE  i6j 

pafTage  à  l'oifeau.  La  femelle  pond  cinq 
ou  fix  œufs  ,  &  quelquefois  fêpt  à  chaque 
couvée.  Ornith.  de  M,  Briifon,  tom.  //,• 
Voyei  Oiseau. 

Pie  du  Brésil.  Voyei  Toucan. 

Pie  du  Brésil  grande,  Pica  mexî-^ 
cana  major  ,  oifeau  qui  furpaffe  en  grof- 
feur  le  choucas.  Il  eft  en  entier  d'un  noir 
tirant  vlw  peu  fur  le  bleu  j  les  grandes 
plumes  des  ailes  n'ont  que  le  côté  exté- 
rieur de  cette  couleur  ,  le  cote  intérieur 
&  la  face  inférieure  font  purement  noirs. 
Cet  oifeau  chante  prefque  continuellement  ^ 
fa  voix  eft  forte  &  fonorej  il  s'approche  vo- 
lontiers des  endroits  habités.  On  le  trouve 
au  Mexique.  OrnithoL  de  M.  Brifîbn  ,  tome 
//.  F^ojeç  Oiseau. 

Pie  de  la  Jamaïque  ,  pica  jamai- 
cenjis  y  oifeau  qui  a  près  d'un  pié  de  lon- 
gueur,  depuis  la  pointe  du  bec,  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  la  queue  ,  &  environ  dix  pouces 
jufqu'au  bout  des  ongles  j  les  ailes  étant 
pliées  ,  ne  s'étendent  pas  jufqu'à  la  moitié 
de  la  longueur  de  la  queue  ;  le  hQC  a  un 
pouce  quatre  lignes  de  longueur  ,  depuis  la 
pointe  jufqu'aux  coins  de  la  bouche  j  cet  oi- 
feau eft  en  entier  d'un  beau  noir  mêlé  de 
violet ,  &  brillant  principalement  fur  la  tête 
&  le  cou  \  \qs  grandes  plumes  des  ailes  ont 
feulement  le  côté  extérieur  de  cette  mê'me 
couleur  j  le  coià  intérieur  ,  &  toute  la  face 
inférieure  font  noirs  j  la  queue  eft  compo- 
fée  de  douze  plumes  ;  les  dQXiK  du  m.ilieii 
font  beaucoup  plus  longues  que  les  autres  y. 
qui  diminuent  de  longueur  fucceJlivement 
jufqu'à  la  première  qui  eft  la  plus  courte  5 
les  yeux  font  gris  5  la  femelle  diffère  du 
mâle  en  ce  qu'elle  eft  entiérenient  brune  'y 
cette  couleur  eft  plus  foiicée  fur  le  des ,. 
fur  les  ailes  &  ft.r  la  queue  ,  qu'ail- 
leurs. Ou  trouve  cet  oifeau  en  diftérens 
endroits  de  l'Amérique  fcptentrionale  j» 
comme  la  Jamaïque  ,  la  Caroline  ,  le 
Mexique ,  &c,  Briifon  ,  Omit,  tome  IK 
Voyei  Oiseau. 

Pie  de  mer  ,  Bécasse  de  mer  ; 
hœmatopus  bcll,  pica  marina  Gallorum  6* 
Anglorum ,  Wil.  oifeau  de  la  groffeur  de 
la  pie  ordinaire  ou  de  la  corneille.  Il  a 
feize  à  dis-fèpt  pouces  de  longueur,  de- 
puis la  pointe  du  bec  ,  jufqu'à  l'extrémiitê 
de  ia  q^Lieue  \  les  pies  étendus  u'exwcdfiiiî; 


768  PIE 

pas  la  longueur  de  la  queue  ^  le  bec  eft 
droit ,  pointu  ,  long  d'environ  trois  pou- 
ces ,  &  appiati  fur  les  côtés  ;,  la  pièce  ûi- 
périeure  cft  un  peu  plus  longue  que  l'in- 
férieure j  les  pies  font  rouges  .5  &  quel- 
quefois bruns  ^  cet  oifeau  n  a  point  de 
doigt  poftérieur  ^  la  tête  ,  le  cou  ,  la 
gorge ,  la  partie  fupérieure  de  la  poitrine 
&  le  dos  5  ont  une  couleur  noire  ;  le  refte 
de  la  poitrine  ,  le  ventre  &  le  croupion 
font  d'un  très- beau  blanc  3  il_  y  a  des 
individus  de  cette  efpece  ,  qui  ont  une 
grande  rache  blanche  fous  le  menton ,  & 
une  autre  plus  petite  au  delTous  des  yeux  j 
la  première  des  grandes  plumes  des  ailes 
eiè  noire  prefqu'en  entier  j  elle  "a  feule- 
ment le  bord  extérieur  blanc  j  cette  cou- 
leur occupQ  fucceflivement  un  espace  de 
plus  en  plus  grand  dans  les  autres  plumes, 
de  forte  que  la  vingtième  ,  &  les  trois 
qui  fuivent ,  font  entièrement  blanches  5 
les  autres  plumes  intérieures  ont  un  peu 
de  noirâtre  ^  on  trouve  dans  l'ePcomac  de 
cet  oifeau  des  patelles  entières  ^  fa  chair 
eft  dure  &  prefque  noire.  Wiliughbi.  Or- 
nit.  Voyei  OiSEAU. 

Pie  du  Mexique  ,  petite  ,  pica 
mexicana  minor.  Oiièau  qui  eft  à  peu-près 
de  la  grofieur  de  la  pie  ordinaire  ,  &:  qui 
a  une  couleur  noirâtre  f  ir  toutes  les  par- 
ties du  corps ,  excepté  la  tête  Se  le  cou  , 
dont  la  couleur  tire  fur  le  fauve.  Cet  oi- 
feau apprend  aifément  à  parler.  On  le 
trouve  au  Mexique.  BrilToH ,  Omit,  tome 
JI.  Voye[  Oiseau. 

Pie  de  l'île  Pavoe,  pica paponen/Is  , 
oifeau  qui  eft  de  la  groffeur  du  merle  j  il 
a  environ  un  pié  huit  pouces  de  longueur , 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité 
de  la  queue  ,  &  feulement  huit  pouces 
jufqu'au  bout  des  ongles  -^  les  ailes  étant 
pliées ,  s'étendent  peu  au  delà  de  l'origine 
de  la  queue  j  le  bec  a  un  pouce  trois 
lignes  de  longueur  ,  depuis  la  pointe  juf- 
qu'aux  coins  de  la  bouche  ^  la  tête  ,  la 
gorge  &  le  cou  font  d'un  beau  noir  bril- 
lant ,  mêlé  d'une  couleur  de  pourpre  très- 
vive  'j  tout  le  refts  du  corps  eft  blanc  , 
à  l'exception  des  plumes  des  ailes  qui  ont 
des  barbes  fioires  ^  les  deux  plumes  du 
milieu  de  la  queue  font  beaucoup  phis 
longues  que  les  autres  j  elles  ont  jufqu'à 


PIE 

un  pié  deux  pouces  de  longueur  ^  elIeS' 
font  en  partie  noires ,  &  en  partie  blan- 
ches ^  le  bec  eil:  blanc  ,  &c  il  a  des  fortes 
de  poils  noirs  à  fa  racine  ,  qui  font  di- 
rigés en  avant  j  les  pies  ont  une  couleur 
rouge  ,  claire  ,  &  les  ongles  fort  blancs. 
On  trouve  cet  oifeau  dans  l'ile  Papoe. 
Omit,  de  M.  Brilibn  ,  tome  II.  Voye[ 
Oiseau. 

Pie  du  Sénégal  ,  pica  fenegahnfis  , 
oifeau  qui  eft  plus  petit  que  notre  pie  ;  il 
a  un  pié  deux  pouces  de  longueur  ,  depuis 
la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  ,  &  dix  pouces  &  demi  jufqu'au  bout 
des  ongles  ;,  l'envergeure  eft  d'un  pié  neuf 
pouces  &(.  demi  j  les  ailes  étant  pliées  ,  ne 
s'étendent  environ  qu'au  tiers  de  la  longueur 
de  la  queue  j  les  plumes  de  la  tête  ,  de  la 
gorge  ,  du  cou  ,  du  dos ,  du  croupion  , 
les.  petites  ailes  ,  celles  du  dcfîiis  de  la 
queue ,  de  la  poitrine  ,  de  la  partie  fupé- 
rieure du  ventre  &  des  côtés  du  corps  , 
ibnt  d'un  noir  changeant  en  violet  ;  les 
plumes  du  bas-ventre  ,  des  jambes  ,  ôc 
celles  du  deflbus  de  la  queue  ont  une  cou- 
leur noirâtre  ^  les  grandes  plumes  des  ai- 
les font  brunes  ^  la  queue  eft  compofée  da 
douze  plumes  brunes  ;,  la  première  de  cha- 
que côté  n'a  que  quatre  pouces  dclongueur, 
&  celles  du  milieu  en  ont  fept  ^  le  bec ,  les 
pies  &  les  ongles  font  noirs.  On  trouve  cet 
.oifeau  au  Sénégal.  Omit,  de  M.  Brilfon  , 
tome  II.  Fojf^  Oiseau. 

Pie  Grieche  ,  Matagesse  ,  Mata- 

GASSE  ,  *V\W  ESCRAYE    oz/ '  ESCRAYERE  , 

Pie   ancronelle  ,    Arnéat  ,     Pon- 

CHARY  ,  GRANDE  PlE  GRIECHE  ,  La- 
NiER  ,  lanius  cinereus  major.  Les  fau- 
conniers donnent  à  cet  oifeau  le  nom  de 
matagejje,  Voye[  l'explication  de  ce  mot 
dans  Aldr.  Cet  oifeau  eft  gros  comme 
le  merle  ordinaire  ,  il  pefe  trois  onces  ; 
il  a  plus  de  neuf  pouces  de  longueur  depuis 
la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  ^  l'envergeure  eft  d'environ  treize 
pouces  ;,  le  bec  a  un  pouce  &  demi  de 
longueur  ,  il  eft  noir  &;  un  peu  crochu  à 
l'extrémité .  ayant  deux  fortes  d'appen- 
dices terminés  en  pointe  de  chaque  côté 
de  la  partie  fupérieure  ;,  la  langue  eft 
fourchue  ,  hérilTée  dei  petits  filets  fur  fes 
bords ,  vers  la  pointe  j   &  fur-tout   à  la 

bafèj 


PIE 

bafe,  l'impreffion  de  la  langue  eft  mar- 
quée fur  le  palais  par  une  cavké  ,  au 
milieu  de  laquelle  il  y  a  une  lîllure  lon- 
gitudinale ;  Touverture  des  narines  eft 
ronde  ,  &  recouverte  par  des  fortes  de 
poils  noirs  ;  on  voie  de  chaque  côté  de 
la  tête  ,  une  tache  ou  une  ligne  noire  qui 
commence  auprès  de  l'ouverture  du  bec , 
qui  pafle  fur  les  yeux  ,  &c  qui  fe  termine 
derrière  la  tête  j  la  tête  ,  le  dos  ,  le 
croupion  ,  font  de  couleur  cendrée,  le 
mencon  &c  le  ventre  font  blancs  ;  la  poi- 
trine &  le  dcflbus  des  yeux  font  rraverfés 
par  des  lignes  de  couleur  noirâtre  ;  il  y  a 
dix-huit  grandes  plumes  dans  les  ailes  qui 
ont  toutes  la  pointe  blanche ,  à  l'exception 
des  quatre  premières  ;  les  bords  extérieurs 
de  la  féconde  Se  de  la  troifieme  font 
blancs;  outre  cela  les  premières  plumes 
extérieures  commencent  à  blanchir  par  le 
bas ,  &  cette  couleur  blanche  eft  plus 
étendue  dans  les  plumes  qui  fui  vent ,  de 
augmente ,  de  forte  qu'à  la  dixième  plume 
elle  en  occupe  plus  de  la  moitié  ;  mais  cet 
cfpace  blanc  diminue  peu  à  peu  dans  le 
bas  des  plumes  fuivantes  ,  tandis  qu'il  re- 
monte julqu'à  la  pointe  fur  le  bord  inté- 
rieur ,  excepté  dans  les  dernières  oij  il  n'y 
a  point  de  blanc  ;  la  queue  eft  compofée 
de  douze  plumes  ,  celles  du  miheu  font 
les  plus  longues  ;  elles  ont  quatre  pouces 
&  demi  ;  les  autres  diminuent  peu  à  peu 
de  chaque  coxé  jufqu'à  la  dernière  ,  qui 
n'a  que  trois  pouces  &  demi  de  longueur  ; 
les  deux  plumes  du  milieu  font  en  entier 
noires,  à  l'exception  du  bas  &  du  haut, 
où  il  y  a  fur  la  pointe  une  petite  tache  ; 
cette  tache  augmente  peu  à  peu  fur  les 
plumes  extérieures  de  chaque  côté  ;  de 
forte  que  la  dernière  a  du  blanc  prefque 
fur  les  deux  tiers  de  fa  longueur  ;  le  bord 
extérieur  de  cette  dernière  plume ,  &  de 
l'avant  dernière  ,  eft  blanc  jufqu'au  bas  , 
où  cette  couleur  s'étend  fur  toute  la  lar- 
geur de  la  plume  ,  comme  dans  les  autres , 
jufqu'à  celles  du  milieu.  Willughbi  dit 
que ,  félon  Aldrovande ,  les  quatre  plumes 
du  milieu  font  noires  en  entier.  Il  faut 
qu'il  y  ait  des  variétés  dans  cet  bifeau  , 
ou  qu'on  confonde  différentes  efpeces  ; 
car  la  defcription  de  Willughbi  ne  con- 
venoit  point  pour  la  queue  à  une  viegrie- 
TomeXXF, 


PIE  7^5) 

*  che  que  j'ai  vue  ,  ôc  fur  laquelle  j'ai  feit 
la  defcription  de  la  queue  précédente.  Les 
pattes  Ibnt  noires;  cet  oifeau  fe  nourrit 
de  chenilles,  de  fcarabées  &  de  faurerellesj 
on  en  trouve  dans  (on  eftomac. 

La  pie  grieche  refte  fur  des  arbrifteaux 
épineux  ;  elle  fe  perche  toujours  fur  le 
lommet  des  branches ,  &  lorfqu'elle  eft 
pofée  ,  elle  levé  fa  queue  ;  elle  niche  dans 
les  arbrillèaux ,  &  elle  fait  Ion  nid  avec 
de  la  moufle  ,  de  la  laine  ,  des  herbes 
cotonneufès  t<.  du  foin,  de  la  dent  de 
lion ,  ùc. 

Cet  oifeau  ne  fc  nourrit  pas  feulement 
d'infeftes,  il  mange  aflèz  fouvent  de  petits 
oi féaux  ,  comme  des  pinçons  &  des  roi- 
telets: on  dit  qu'il  attaque ,  &  même  qu'il 
tue  des  grives.  Nos  fauconniers  le  dref- 
fent  pour  la  chafle  des  petits  oifeaux. 
Willughbi.  Foye;^ Oiseau. 

Pie  grieche,  petite  ,  L  A  n  i  e  r  , 
Lanius  aiig.  minor  primas  ,  Aid.  oileau 
qui  a  la  tête  &  la  partie  antérieure  du  dos 
rouflès  ;  la  partie  poftérieure  eft  cendrée;  le 
croupion  a  une  couleur  blanche;  il  y  a 
une  tache  blanche  fur  les  plumes  des 
épaules  ;  les  neuf  grandes  plumes  exté- 
rieures des  ailes  ont  la  racine  blanche  \ 
la  gorge  a  de  petites  lignes  brunes  tranf- 
verlàles  ;  on  trouve  des  individus  de  cette 
efpece  ,  dont  toute  la  face  inférieure  du 
corps  eft  d'une  couleur  blanche  mêlée  de 
brun  ;  les  couleurs  de  cette  efpece  de  pic 
grieche  varient  de  même  que  celles  de 
Pefpece  précédente  ,  non  feulement  par 
lâge  ,  mais  encore  dans  les  individus  de 
différent  fcxe.  Willughbi.  Omit.  Voye:^ 
Oiseau. 

Pie  ,  f.  m.  (  Hiji.  mod.)  nom  d'un  ordre 
de  chevalerie ,  inftirué  par  le  pape  Pie  IV 
en  1560.  Il  en  créa  jufqu'à  cinq  cents  trente* 
cinq  pendant  fon  pontificat  ,  &  voulut 
qu'à  Rome  de  ailleurs  ils  précédaftènt  les 
chevaliers  de  l'empire  &  ceux  de  fiint  Jean 
de  Jérufalem  :  mais  malgré  ces  prérogatives 
&  beaucoup  d'autres  qu'il  leur  accorda  , 
cet  ordre  ne  fubfîfte  plus  depuis  long-temps. 

Pie  ,  (  Jurifprud.  )  fe  dit  de  quelque 
chofe  de  pieux  ,  comme  caufe  pie  ,  ou 
pieufe  ,  donation  p/e  ,  legs  pie  ^  me{Tè_p/e, 
Fbje;(^ Cause  ,  Legs,  fi'c.  (-«4) 

Pie  ,  fignifîe  aufli ,  en  Brefle ,  une  port 
E  eece 


770  PIE 

tion  qui  appartient  à  quelqu'un  dans  l'aflec 
d'un  étang  ,  comme  étant  propriétaire  de 
cette  portion  de  terrain  dont  il  a  été  obligé 
de  fouffrir  Pinondation  pour  la  formation 
de  l'étang.  Les  propriétaires  des  pics  con- 
tribuent aux  réparations  de  l'étang  avec  les 
propriétaires  de  Pévolage  ;  ils  jouillent  de 
ralîëc  pendant  la  troiiîeme  année.  J^oyei 
Etang.  (^) 

Pie  ,  (  maréchallerie.  )  poil  de  cheval. 
Il  eft  blanc  &  parfemé  de  grandes  taches 
noires ,  baies  ou  alezanes. 

PIE-MERE,  f.  f.  {Anat.)  c'efl:  une 
tunique  ou  une  membrane  fine ,  qui  en- 
veloppe immédiatement  le  cerveau.  Voye:^ 
Méninge  &  Cerveau. 

On  peut  iuger  de  l'extrême  délicatelTe 
'  de  la  pie-mere  lorfque  les  vailEeaux  font 
remplis,  car  lorfqu'ils  font  vuides ,  on  les 
prend  pour  des  vailîeaux  de  cette  mem- 
brane ,  &  ils  en  augmentent  l'épaifleur. 
C'ed:  la  propre   &C  la  plus  proche  enve- 
loppe du  cerveau  ;  elle    revêt    toutes   Tes 
plus   petites    parties    internes  ,    le    corps 
calleux  5  les  ventricules ,  les    corps  can- 
nelés j  les    couches  des  nerfs  optiques  , 
les   natès   &    tcilès  ,  les    péduncules  du 
cerveau  \  enfin  il  n^eft  pas  un  feul  point  de 
la  fubftance  corticale ,  ou  qui  laiflè  paflèr 
des  vaifièaux  dans  le  cerveau  ,  qui  n'en 
foit  très-exactement  couvert.  Elle  fuit  routes 
les  circonvolutions  de  la  fubdance  corticale 
juiqu'à  lamoèlle,où  Tarachnoïde  ne  forme 
qu  un  pont  fur  les  filions   qu'elle  rejoint 
ainfi.  Par-tout    elle  eft    d'une  délicateflè 
accompagnée  de  quelque  folidité  ;  &  outre 
les  artères  &  fes  veines ,  elle  a  fans  doute 
un  tiflu  mernbraneux  propre,  qui  fert  à 
unir  &  à  aflujcttir  les  vaiffcaux  :  ce  tiffu 
a  été   regardé   par  quelques-uns  comme 
cellulaire,  tel  eft  Bergen  qui  ne  rcconnoît 
de  vraie  membrane  que  l'arachnoïde.  Voy. 
Calleux,  Ventricule,  6x 

Leuwenhoeck  nous  a  appris  que  \z pie- 
mere  donne  au  cerveau  des  vaifleaux  fan 
guins  j  qui  femblent  à  la  vue  feule  remplis 
d'un  petit  nombre  de  globules,  qui  en 
voient  latéralement  un  nombre  innombra- 
ble de  petite  conduits  parallèles  (  que  cet 
auteur  prend  pour  les  fibres  du  cerveau)  , 
te  qui ,  félon  lui ,  font  retenus  par  de  fines 
xaecibranes,  fontroiids ,  ridés  ^  quatre  fois 


P  I  E 

plus  gros  que  des  fibres  de  chair  de  bœuf 
de  la  mêmiC  grofteur  dans  le  rat ,  le  co- 
chon,  le  paflèreau  &;  le  bœuf,  s'écartant 
tous  de  la  même  manière  pour  fe  rappro- 
cher enfuite  5  qu'il  en  diftilloit  une  liqueur 
cryftalline,  dont  les  plu  s  grandes  particules, 
qui  font  en  petit  nombre ,  font  égales  à  un 
globule  rouge  ,  les  autres  à  ^  de  ce  même 
globule  ,  d'autres  à  peine  ^îî  du  même  ; 
elles  font  néanmoins  toujours  un  peu 
rouges  ;  toutes  particules  qui  étoient  con- 
tenues dans  les  plus  petits  vaifièaux  de  la 
fubftance  corticale  ,  qui  n'eft  qu'un  amas 
de  vaifièaux  cotonneux  fanguins  qui  partent 
de  la  partie  interne  de  la  pie-mere ,  tant 
dans  la  moelle  alongée ,  que  dans  le  cer- 
velet de  dans  la  moelle  épiniere. 

Quelquefois  elle  peut  devenir  calleufè  , 
&  alors  produire  la  manie  par  fa  callofité. 
On  en  trouve  une  obfervation  curieufc 
dans  les  eflais  de  médecine  d'Edimbourg. 
Un  jeune  homme  âgé  de  vingt-cinq  ans , 
qui  avoit  naturellement  l'air  fombre  6c  mé- 
lancolique 5  fe  plaignoit  depuis  quatre  ans 
d'un  poids  au  delTus  de  la  tête  qui  aug- 
mentoit  de  plus  en  plus.  Cette  pcfanreur 
ctoit  quelquefois  accompagnée  de  vertiges 
qui  le  jeroient  dans  des  accès  de  foiblcife  , 
où  il  reftoit  fouvent  pendant  un  temps 
confidérable  privé  de  tous  fes  fens  ;  çnfin 
il  devint  égaré  ,  &  tomba  dans  une  fureur 
maniaque.  Après  avoir  tenté  diffrrens  re- 
mèdes pour  le  guérir,  on  lui  fit  l'opération 
du  trépan ,  mais  inutilement  j  car  il  mourut 
au  bout  de  dix  jours. 

En  ouvrant  le  crâne  ,  on  ne  remarqua 
rien  qui  fût  contre  nature  à'ia  dure-mere  \ 
m.ais  on  trouva  \z pië-mere  àuïtz ,  crJleufe  , 
&  ayant  en  quelques  endroits  le  double  de 
Pépaideur  de  la  dure- mère.  On  n'y  voyoit 
aucune  apparence  de  vaiffeaux  ,  &  on  la 
coupoit  com.me  fi  c'eût  été  une  corne 
tendre.  La  fubftance  corticale  du  cer- 
veau ,  couverte  par  cette  pie-mere  épaiffe  , 
étoit  beaucoup  plus  blanche  que  dans  l'état 
naturel ,  &  il  n'y  paroiffoit  guère  de  vaif- 
feaux fmguins.  En  écartant  les  deux  hcmii^ 
pheres  du  cerveau  ,  on  trouva  que  la  por- 
tion de  la  pie-mere  qui  étoit  contiguë  à  la 
faulx ,  étoit  altérée  de  la  même  manière. 
Les  ventricules  du  cerveau  éteient  fort 
diftendus ,  U  pieins  de  férofités.  (!>.  /.  ) 


P  I  E 

PIÉ  ou  PIED  ,  f.  m.  (  Anat.  )  partie 
tic  l'anima! ,  qui  lui  fert  à  fe  foutenir  >  à 
marcher  ,  6^c.  Fbje:(^ Corps.  Les  animaux 
fè  diftinguent ,  par  rapport  au  nombre  de 
leurs /7/>5  ,  en  bipèdes  qui  n'ont  que  deux 
pies ,  comme  les  hommes  &  les  oifeaux  ; 
en  quadrupèdes  qui  ont  quatre ;7/>'^,  comme 
la  plupart  des  animaux  terreftres  ;  &  en 
pblypedes  qui  en  ont  plufieurs  ,  comme  les 
înfcdes.  Voye-^^  Quadrupèdes  ,  Insec- 
tes ,  ùc. 

Les  reptiles  ,  tels  que  {ont  les  fèrpens  , 
ùc.  n'ont  point  de  pies,   Voye-;^  Reptilf. 

Les  voyageurs  voudroient  nous  perfuader 
qi^e  les  oifeaux  de  paradis  n'ont  point  de 
pies ,  &  que  lorfqu'ils  dorment ,  ou  qu'ils 
mangent  ,  ils  fè  tiennent  fufpendus  par 
les  ailes.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai ,  c'eft  que 
ceux  qui  les  attrapent  leur  coupent  les  pattes 
pour  que  ces  oifeaux  paroilîent  plus  mer- 
veilleux. D'autres  difent  ,  que  c'eft  pour 
■qu'ils  ne  gâtent  point  leurs  plumes ,  qui 
font  parfaitem.ent  belles. 

Les  ccrevifîès  de  mer  ont  douze  pies. 
Les  araignées  ,  les  mites  ,  &  les  polypes 
^n  ont  huit  ;  les  mouches ,  les  fauterelles, 
&  les  papillons  en  ont  fix. 

Galien  adonné  plufieurs  remarques  ex- 
cellentes fur  le  fage  arrangement  des  pies 
de  l'homme  &  des  autres  animaux  :  dans 
ion  traité  de  l'ufage  des  parties  ,  /.  III  , 
les  pies  de  devant  des  taupes  font  admi- 
rablement bien  conftruits  pour  fouir  & 
gratter  la  terre  ,  afin  de  ie  faire  une  voie 
pour  pafltr  la  tête,  ùc.  Les  partes  &  les 
pies  des  oifeaux  aquatiques  font  merveil- 
îeufement  conftruits ,  &  cette  ftrudbureeft 
refpedbive  à  tout  ce  qu'ils  doivent  faire-pour 
vivre.  Ceux  qui  marchent  dans  les  riviè- 
res ,  ont  les  jambes  longues ,  &  ians  plu- 
mes ,'  beaucoup  au  dedhs  du  genou  ;  ils 
ont  les  doigts  du  pié  fort  larges;  &  ceux 
qu'on  appelle  fuce-boues ,  onc  en  quelque 
forte  deux  de  leurs  doigts  unis  cnfemble  , 
pour  qu'ils  n'enfoncent  point  ficilement 
lorfqu'ils  marchent  fur  les  fondrières  des 
marais. 

D'autres  ont  tout  lep'e  ,  c'eft-à-dire  , 
tous  les  doigts  unis  enfemble  par  une  ef- 
pece  de  toile  membraneufe  ,  comme  les 
oies ,  les  canards ,  Ç^c. 

On  a  du  plailir  à  remaii^uer  avec  com- 


PIE  77, 

bien  d'artifice  ils  replient  leurs  orteils  & 
leurs  pies  ,  quand  ils  tirent  à  eux  leurs 
jambes  ou  qu'ils  les  étendent  pour  nager. 
Ils  clargiflent  &  ouvrent  tout  \tpié  quand 
ils  prellènt  Peau ,  ou  quand  ils  veulent  aller 
en  avant. 

Jambe  ou  grand  p/e,  en  anatomîe,  s'en- 
tend de  ce  qui  eft  compris  depuis  la  hanche 
jufqu'à  l'extrémité  des  orteils,  comme  le 
bras  eft  ce  qui  eft  compris  depuis  l'épaule 
jufqu'au  bout  des  doigts. 

La  jambe,  le pes  magnus  ou  grand  pié  , 
fe  divife  en  cuilfe ,  en  jambe  &c  en  pié. 
F'oye'i  Cv issE  ,  Jambe,  &c. 

Les  os  de  la  jambe  font  le  fémur  ou  l'os 
de  la  cuilîe  ,  le  tibia ,  le  pcronier  ,  les  os 
du  tarfe ,  du  métatarfe  &  des  orteils.  Fcy, 
FÉMUR,  Tibia  ,  &c. 

Les  artères  de  la  jambe  font  des  bran- 
ches de  l'artère   crurale ,  Se  fes  veines  (c. 
terminent  à  la  veine  crurale.  V.  Crural. 

Il  y  a  à  la  jambe  cinq  veines  principa- 
les ,  favoir  ,  la  faphene ,  la  grande  &  U 
petite  fciatique,  la  mufculaire,  la  poplitée. 
Se  la  tibiale.  f^oyc:^  chacune  â  fon  article  , 
Saphene.  &c. 

Le  p/e  proprement  dit,  ou  le  petit/>//j, 
ne  s'entend  que  de  l'extrémité  de  la  jambe. 
On  le  divife  en  trois  parties ,  lavoir  ,  en 
tarfe ,  en  métatarfe  ,  &  en  doigts  ou  orteils. 
Le  tarfe  eft  ce  qui  eft  compris  entre  l.i 
cheville  du  pié  ôc  le  corps  du-pié  ;  il  répond 
à  ce  qu'on  appelle  carpe  dans  la  main.  Le 
métatarfe  eft  le  corpsdup//;ufqu'aux  orteils, 
&  les  doigts  &  orteils  font  les  autres  os 
du/7/<f.  F"oye:(_ Tarse  ,  &c. 

Ces  parties  (ont  com.pofées  de  beaucoup 
d'os,  qui  font  le  calcaneum  ,  l'aftragal.  les 
os  cunéiformes ,  l'os  cuboïde  ;  le  deflbus 
de  tous  ces  os  s'appelle  [a  foie  ou  \a_plante 
du  pié ,  &c. 

Pie  ,  (  Orthopédiet)  le  pié  de  l'homme 
eft  très-différent  decelui  de  quelque  animal 
que  ce  (oit,  &  même  de  celui  du  linge  ;  car 
X^pié  du  linge  eft  plutôt  une  main  qu'un;j/>', 
les  doigts  en  font  longs,  &difpo  lés  comme 
ceux  de  la  main  ,  celui  du  milieu  eft  plus 
grand  que  les  auti  es ,  comme  dans  la  main  ; 
d'ailleurs  ,  le  pié  du  finge  n'a  point  de 
'.alon  femblable  à  celui  de  l'homme  :  Paf- 
(îette  du  pié  eft  aulTi  plus  grande  dans 
l'homme  ^ue  dans  tous  les  animaux  quadru-i 
£  e  e  e  e  i 


77*  P  I  ^ 

pedes ,  &  les  orteils  fervent  beaucoup  à 
maintenir  l'équilibre  du  corps  &  à  aflurer 
Ces  mouvemens  dans  la  démarche ,  la  danfe, 
la  courfe  ,  &c.  Les  animaux  qui  marchent 
fur  deux  pies ,  &c  qui  ne  font  point  oifeaux  , 
ont  le  talon  court  &c  proche  des  doigts  du 
pie  ;  en  forte  qu  ils  pofent  à  la  fois  fur  les 
doigts  &c  fur  le  talo  i ,  ce  que  ceux  qui  vont 
à  quatre  ;7/ei  ne  font  pas ,  leur  talon  étant 
fort  éloigné  du  refte  à\ipié.  Ceux  qui  lont 
un  peu  moins  éloigné  ;  comme  les  finges , 
les  lions ,  les  chats  &  les  chiens ,  s'accrou- 
piflent;  enfin  il  ny  a  aucun  animal  qui 
puifîe  être  debout  comme  Phomme.  Il 
lemble  cependant  qu'il  ait  pris  attache,  par 
des  bizarreries  démodes ,  de  diminuer  l'a- 
vantage qu^il  en  peut  tirer  ,  pour  marcher , 
courir  ,  &  maintenir  l'équilibre  du  corps  , 
en  étreciflant  cette  partie  par  des  fouliers 
étroits,  qui  la  gênent  &  qui  empêchent 
fon  accroiffement. 

On  fait  que  Tune  des  plus  étranges  cou- 
tumes des  Japonois  &  des  Chinois  ,  eft 
,de  rendre  les  pies  des  femmes  (\  petits  , 
qu'elles  ne  peuvent  prefque  fe  foutenir. 
Les  voyageurs  les  plus  véridiques ,  &  fur 
le  rapport  defquels  on  peut  compter  da- 
vantage ,  conviennent  que  les  femmes  de 
condition  <e  rendent  le  pié  auflî  petit 
qu'il  leur  eft  poflîble  ,  &  que  pour  réuflîr , 
on  le  leur  ferre  dans  l'enfance  avec  tant 
de  force  ,  qu'cfFe6tivement  on  l'empêche 
de  croitre. 'Dans  ces  pays-là  une  femme 
de  qualité  ou  feulement  une  jolie  femme  , 
doit  avoir  le  pié  aflez  petit  pour  trouver 
trop  aifée  la  pantoufle  d'un  enfant  du  peuple 
âgé  de  fix  ans  ;  les  curieux  ont  dans  leurs 
cabinets  des  pantoufles  de  dames  chinoi- 
{es  ,  qui  prouvent  affez  cette  bizarrerie 
de  goût  dont  nos  dames  européennes  ne- 
font  pas  fort  éloignées.  Cependant  les 
pies  font  fujets  à  un.aflez.  grand  nombre 
d'accidens  ,  de  maladies  ,  ou  de  défauts , 
pour  qu'il  ne  foit  pas  néceflaire  de  les' 
multiplier  encore  par  artifice  -,  je  vais  parler 
de  quelques  -  unes  de  leurs  mauvaifes 
tournures. 

Les  différentes  conformations  des  pies 
font  d'être  ou  longs ,  ou  courts,  ou  gros ,  ou 
menus,  ou  larges  d'ailiette,  ou  étroits,  ou 
entre-deux.  Mais  il  y  a  des  pies  forcément 
tournés  en  dehors ,  ôc  d'autres  forcément 


P  ÏE 

tournes  en  dedans:  cette  difformité  pius 
ou  moins  grande  vient  à  l'enfant  ,  de 
naiflance  ou  d'accident.  Quand  c'efl  de 
naiflance  ;  il  faut  que  la  nourrice  elTaic 
tous  les  jours  de  lui  tourner  doucement  les 
pies  dans  le  fens  naturel ,  &  d'obferver  de 
les  lui.  affujettir  par  Pemmaillottement  i 
comme  les  Hgamens  font  alors  extrême- 
ment tendres  ,  ils  céderont  peut-être  in- 
fenfiblement  à  la  tournure  naturelle  qu'on 
leur  fera  contraéter. 

Si  la  mauvaife  tournure  a  été  long-temps 
négligée  ou  qu'elle  vienne  d'accident ,  ou 
que  l'enfant  foit  déjà  un  peu  grand ,  on 
tâchera  d'y  remédier  par  les  moyens  fui- 
vans  ;  i5.  En  recourant  à  des  remèdes  ca- 
pables de  ramollir  les  ligamens ,  comme 
font  les  fomentations  avec  les  bouillons  de 
tripes  ,  les  fridions  avec  l'huile  de  lis  , 
les  cataplalmes  de  feuilles  ,  de  fleurs ,  & 
de  racine  de  guimauve,  &c.  i°.  Eneffayant 
tous  les  jours  avec  la  main  de  ramener  le 
pié  da.ns  fa  fîtuation  naturelle.  5°.'ftn  em- 
pK)yant  pour  cela  de  forts  cartons  ,  ou 
des  attelés  de  bois  ,  ou  de  pe-  ites  platines 
de  métal ,  qu'on  a  foin  de  ferrer  avec  une 
bande. 

Il  y  a  une  autre  mauvaife  tournure  des 
pies  fort  différente  de  la  précédente  pour 
la  caufe  ;  c'eft  celle  qui  vient  de  la  parefle 
à  tourner  les  pies  en  dehors ,  ou  de  Paf- 
fedtation  à  les  tourner  trop  en  dehors.  Les 
perfonncs  qui  ont  pcrfifté  loiig-temps  dans 
cette  habitude  ,  ont  prefque  autant  de 
peine  à  s'en  corriger,  que  fi  la.  difformité 
venoit  de  naiffance ,  ou  d'accident  i  c'eft 
aux  parens  à  y  veiller  ;  mais  fi  leurs  foins 
&  leurs  avis  font  infrudtueux ,  ilfaut  qu'ils 
faflcnt  faire  de  ces  marche-piés  de  bois 
en  ufage  chez  les  religieuxpour  leurs  jeunes 
penfionnaires.  Il  y  a  dans  ces  marche- 
piés  deux  enfoncemens  fépaiés  pour  y  met- 
tre les  pies  ,  ôc  où  ces  deux  enfoncemens 
font  creufés  &  figurés  de  manière  que 
chaque  pié  y  étant  engagé  ,  eft  néceffaire- 
mcnt  tourné  en  dehors.  L'enfant  fe  fervira 
donc  de  ce  marche-pié  ,  toutes  les  fois 
qu'il  fera  afîîs.  Il  eft  vrai  que  cette  mé- 
thode 4  un  inconvénient ,  c'eft  que  ior'que 
Penfint  voudra  marcher  les  pié.^  en  dehors , 
ri  chancelera  &  fera  en  danger  de  tomber  j 
mais  alors  il  faudra  le  foutenir  pour  lac- 


P  I  "E      ' 

rbotumer  peu-a-peu  à  marcher  comme  les 
autres  :  l'on  y  réufïîra  en  facrifiant  tous  les 
jour?  une  demi-heure  à  cet  exercice. 

Un  autre  moyen  de  corriger  un  enfant , 
qui  par  mauvaiie  habitude  tourne  \esp.és 
en  dedans ,  c'eft  de  lui  faire  tourner  les 
genoux  en  dehors  ,  car  alors  les  prés  fe 
rourneront  néceflairement  de  même.  On 
peut  avoir  les  pies  en  dehors  fans  y  avoir 
les  genoux  ,  ce  qui  eft  une  mauvaife  con- 
tenance ,  &  qui  empoche  d'être  bien  fur 
{espiés--,  maison  ne  fauroit  avoir  les  ge- 
goux  en  dehors  ,  que  les  pies  n'y  foient ,  &c 
on  eft  alors  toujours  bien  planté. 

La  méthode  de  faire  porter  à  des  enfans 
de  petits  labots  pour  leur  faire  tourner  les 
pies  en  dehors  ,  n'a  que  l'inconvénient  de 
mettre  l'enfint  en  danger  de  tomber  fré- 
quemment ;  mais  cet  u(age  eft  bon  à  la 
campagne  ,  &  dans  un  terrain  où  Pen- 
fant  ne  riique  pas  de  le  faire  du  mal  en 
tombant. 

Au  lefte  ,  la  pkipart  des  enfans  n'ont  les 
piés  en  dedans  que  par  la  faute  des  nour- 
rices qui  lescm.maillottentmal  ,  &  qui  leur 
fixent  ordinairement  les  pies  pointe  contre 
pointe  ,  au  lieu  de  les  leur  fixer  talon 
contre  talon  ;  c*eft  ce  quMles  pourroient 
néanmoins  fiire  très-ailément  par  le  moyen 
d'un  petit  coulTmef  engagé  entre  les  deux 
pies  de  l'enf  mt  &  figuré  en  forme  de  cœur  , 
dont  la  pointe  feroit  miie  entre  les  deux 
talons  de  1  enfant  ,  &  la  bafe  entre  les 
deux  extrémités  de  fes  pies  ;  ce  moyen  eft 
excellent  pour  empêcher  les  enfans  de 
devenir  cagrieux  ,  &  les  parens  devroient 
bien  y  prendre  garde. 

Si  les  pies  penchent:  plus  d'un  coté  que 
de  l'autre  ,  il  faut  donner  à  l'enfant  des 
fouliers  ,  qui  ,  vers  l'endroit  où  les  pies 
penchent  ,  ioient  plus  hauts  de  femelle  & 
de  talon  ;  ce  correflif  fera  incliner  les  pies 
du  coté  oppose.  Il  convient  de  prendre 
garde  ,  que  les  fouliers  des  enfans  ne  tour- 
nant ,  fur  tour  en  dehois  ,  Cûr  s'ils  ne  tour- 
noient qu'en  de  ians  il  n'y  auroit  pas  grand 
mal  ,  pi'.rce  que  cette  inégalité  ,  pourvu 
qu'i-Ue  ne  foit  pas  con(idérable  ,aide  à  porter 
«H  dehors  la  pointe  àa  pie  ;  mais  lorfque 
les  foutiers  tournent  en  dehors  ,  ils  font 
tourner  la  pointe  du  pie  en  dedans. 

Quant  î^ux  perfonnes  qui  affedentuop 


P  I  E 


773 


de  porter  les  pies  en  dehors ,  ils  n'ont 
befoin  que  d'avis ,  &:  non  de  remèdes. 

Il  y  a  des  enfans  qui  ont  malheureu- 
fement  de  naifl'ance  des  pies  faits  comme 
des  pie's  de  cheval  ;  on  les  nomme  en  grec 
hippopodes  ,  &  en  françois  pies  équjens  • 
on  cache  cette  difformité  par  des  fouliers , 
conftruits  en  dehors  comme  les  fouliers 
ordinaires  ,  mais  garnis  en  dedans  d'un 
morceau  de  liège  qui  remplit  Pendroit  du 
fouliçr  que  le  pié  trop  court  laifte  vuide. 
Cette  difformité  paflé  pour  incurable  j  ce- 
pendant on  peut  tâcher  d'y  remédier  en 
partie  ,  en  tirant  fréquemment ,  mais  dou- 
cement ,  les  orteils  de  Penfant ,  &  en  en- 
veloppant chaque />/e  féparément  avec  une 
bande  qui  preflé.un  pe<i  les  cotés  du  pié  , 
pourobligerin'enfiblement  le  pié ,  à  mcfure 
qu'il  croit ,  à  s'alonger  par  la  pointe  :  fi 
cette  tentative  n'a  point  de  fuccès ,  il  n'y  a 
rien  à  efpércr.  {D.  J.  ) 

Pi  ES,  BAIN  DE,  (  Méd.)  pediluvium  ; 
on  pourroit  dire  pediluve  ,  mais  je  n'ofe 
hazarder  ce  terme. 

La  compoiition  du  bain  des  pies  eft  la 
même  que  celle  des  bains  ordinaires  ;  c'eft 
de  Peau  pure  à  laquelle  on  peut  ajouter  du 
fon  de  froment  ou  des  ôeurs  de  camo- 
mille ;  ce  remède  eft  très-utile  dans  plu- 
fieurs  cas.  Comme  fon  apphcation  relâche  , 
ramollit  les  fibres  nerveu'es  ,  tendineufcs 
&  mufculeufes  des  piés  ,  leurs  vaillèaux  le 
dilatent ,  le  fang  y  abonde  &  s'y  jette  avec 
plus  de  liberté,  au  foulagement  du  malade. 
De  plus  ,  comme  ces  pirties  nerveu'es  & 
tendineufes  ont  une  communication  étroite 
avec  les  autres  parties  nerveufes  du  corps  , 
&  fur-tout  avec  les  vifceres  du  bas -ventre  ; 
on  ne  peut  douter  qu'en  humectant  les 
piés  avec  une  liqueur  tiède  ,  ce  bain  ne 
fafte  cefler  leurs  contractions  fpafmodiques. 
La  vertu  qu'ils  ont  de  calmer  la  violence 
des  rpalmes  ,  les  rend  utiles  dans  toutes  les 
maladies  convullives  &  douloureufes  , 
comme  la  cardialgie  ,  la  colique  ,  les  dou- 
leurs d'hypocondres ,  ùc,  il  facilite  encore 
les  excrétions  falutaires  ,  comme  la  tranf- 
pirarion  infenfible ,  l'évacuation  de  l'urine  , 
&  celle  des  excrémens. 

Il  fduc  éviter  que  Peau  dan5  laquelle  on. 
mer  les  piés  ne  loit  trop  chaude  ,  parce 
que  la  pulfatioii  des  artères  augmente  alof»- 


774  PIE  PIE 

trop  ccnfidérablemenî: ,  &  la  Tueur  Conen  '  ment  cette  Tueur  fétide  ,  il  Turvient  queî- 


trop  grande  abondance.  Il  ne  faut  point 
faire  ufage  de  ce  remède  ,  lorfque  le  flux 
menftruel  efl:  imminent  ou  qu'il  a  com- 
mencé ,  parce  que  détournant  le  Tang  de 
l'utérus  ,  il  arrêfcroit  cette  évacuation  ou 
la  rcndroit  trop  confidérabîe  ;  mais  il  con- 
tribue merveilleuièraent  à  la  procurer  quand 
on  l'emploie  quelques  jours  avant  le  pé- 
riode ,  lur-tout  TiPon  fait  en  même  temps 
ulage  d'emmenagogues  tempérés. 

11  faut  s'abftenir  avec  Toin  des  bains  de 
pies  aftringens  ,  alumineux  ,  (ulfureux  , 
pour  tarir  la  Tueur  incommode  de  ces 
parties ,  difïiper  les  enflures  a'démateuies , 
pu.  delTécher  les  ulcères  ;  parce  <iue  ce  re- 
mède repoufleroit  avec  danger  la  matière 
virulente  vers  les  parties  internes ,  nobles 
i&  délicates. 

Enfin  ,,  il  efl:  bon  d'avertir  que  quand  le 
bain  dts pies  devient  un  remède  néceflàire , 
comme  dai:s  les  maux  d.e  tête  opiniâtres  , 
la  migraine  qui  naît  de  plétore  ,  lophtlial- 
mie  ,  la  diiiiculté  de  reipirer  caulée  par 
l'abondance  du  Tajig  ,  les  toux  feches  ,  Sc- 
ie crachement  du  Tang  ,  &c.  ce  remède 
produit  d'autant  plus  de  bien  ,  qu'on  le 
fait  précéder  de  la  Taignée  ࣠ la  même 
partie ,  qu'ion  en  ufc  vers  le  tempsdu  ibm- 
meil  ,  qu'on  ne  laifle  pas  refroidir  enfuite 
jçspiés ,  de  qu'on  les  tranfporte  tout  chauds 
dans  le  lit  pour  aider  la  transpiration  par 
tout  le  corps.  1}  y  a  un  très- bon  morceau 
lur  les  bnins  de  pies  dans  les  efl'ais  de  mé- 
decine d'Edimbourg  j  j'y  renvoie  le  lecteur. 
(  D.  7.  ) 

Pi  H  s  ,  puanteur  des ,  (Médec.)  Il  y  a 
des  perfonnes  dont  les  pores  de  la  Tueur 
Te  trouvant  naturellement  très-gros  auxp/'e'j, 
reçoivent  une  grande  quantité  de  liqueur  , 
laquelle  fort  en  gouttes  par  la  chaleur  6c 
l'exercice.  Cette  Tueur  tendant  à  s^alkaHTer 
par  le  Téjour ,  répand  une  odeur  fort  puante  ; 
cependant  on  ne  doit  point  remédier  à  cet 
écoulement  iudorif.quc  tout  d''un  coup  par 
de  violents  aftringens.  Il  eft  vrai  ,  par 
exemple  ,  que  Pécaille  de  cuivre  ,  ou  à  fa 
place  ,  la  limaille  dei  laito4i  pulvériféc  avec 
le  Toufre  &  la  racine  d'iris  de  Florence , 
j;niTe  dans  les  Touliers ,  Hippriment  l'odeur 
puante  dc$ pies  ,  mais  ce  n'eft  pas  toujours 
QiXi$  danger;  car  lî  on  arrête  imprudem- 


quefois  des  maux  plus  funeftes  ;  &  le  meil- 
leur eft  de  Te  laver  les ;7/'é^  tous  les  jours 
avec  de  Teau  bien  froide  ,  où  Ton  ajoute 
un  peu  de  vinaigre ,  changer  chaque  fois 
de  chaulions  ,  ik.  ne  point  porter  de  bas 
de  laine. 

PiÉs  &  Jambes  des  oifecux ,  (  Omît.  ) 
ce  font  lesinftrumens  du  mouvement  pro- 
grelîif  des  oileaux  Tur  terre  &  dans  les 
eaux.  Les  jambes  Tout  pîiées  dans  tous  les 
oifeaux  ,  afin  qu'ils  puifl'cnt  Te  percher  , 
jucher  ,  &  Te  repoler  plus  facilement^ 
Cette  duplicature  les  aide  encore  à  pren- 
dre l'edor  pour  voler  ,  3z  fe  trouvant 
repliée  conure  le  corps  ,  elle  ne  porte 
çoint  d'obftacle  au  vol.  Dans  certains  oi- 
leaux  les  jambes  font  longues  pour  marcher 
(k  fouiller  dans  les  marécages  ;  en  d'autres, 
elles  font  d'une  longueur  médiocre  ,  ôc 
dans  d'autres  plus  courtes,  îk  toujours  con- 
venables à  leur  caractère  ,  ôc  à  leur  ma- 
nière de  vivre. 

Elles  Toiit  placées  tant  Cok  peu  hors  du 
centre  d-e  gravité  ,  mais  davantage  dans  les 
oiTeaux  cim  nagent ,  afin  de  mieux  diriger 
&  pouflèr  le  corps  dans  l'eau  ,  de  mêm.e 
que  pour  Taflifterdans  l'action  de  plonger. 
Les  pies  des  oiTeaux  nageurs  Tout  dans 
quelques-uns  entiers ,  en  d'autres  fourchus 
avec  des  doigts  garnis  de  nageoires. 

Quoique  les  oiTeaux  ne  marchent  que  (lir 
deux  prés  ,  ils  ne  polent  point  Tur  le  talon  ; 
mais  ils  ont  ordinairement  un  doigt  der- 
rière ,  de  même  que  les  animaux  à  pies 
fourches  ont  deux  ergots  ,  fur  lefquels 
néanmoinsils  ne  s'appuient  point.  Le  doigt 
qui  eft  derrière  le  p.'é  aux  oiTeaux ,  leur  Tert 
aulTi  davantage  à  Te  percher  qu'à  m.archer. 
L'au  cruche  qui  ne  vole  &  ne  Te  j)erche 
jamais,  n'a  que  deux  doigts  à  chaque p/V, 
encore  ne  poTe-t-il  que  Tur  un  Teul  j  &  ce 
doigt  reflémble  parfaitement  au  pié  de 
l'homme  quand  il  eft  chaulfé. 

Les  pi'^s  de  l'onocrotale  ,  que  nous  ap- 
pelions pélican  ,  3c  ceux  du  cormoran  ont 
une  ftructuxe  &  un  uTage  bien  extraordi- 
naires. Ces  oiCeaux  qui  vont  prendre  le 
poifton  dans  les  rivières  ,  ont  les  quatre 
doigts  du  pié  joints  enTemble  par  des 
peaux  ,  &  ces  doigts  Tont  tournés  en  de- 
dans ,  tout  au  contraire  de  ceux  despiés 


P  I  E 

de  tous  les  autres  animaux  ,  où  les  doigts 
des  pies  fonr  ordinairement  en  dehors  , 
pour  rendie  Paiïîetre  des  deux  pies  plus 
large  &  plus  ferme.  Or  la  ftrudure  eft 
difFérenre  dans  les  deux  oifeaux  dont  il 
s'agit  ici  ,  de  force  qu'ils  peuvent  nager 
avec  un  feu!  pii! ,  tandis  qu'ils  ont  Pautre 
employé  à  tenir  le  poiflbn  qu'ils  apportent 
:iu  bord  de  TcaU.  En  effet,  leurs  lon^s 
doigts  par  de  larges  toembranes  qui  com- 
polcnt  comme  un  grand  aviron  ,  étant 
ainfi  tournés  en  dedans  ,  font  que  cet 
aviron  agit  juftement  au  milieu  du  corps  , 
&  les^  fait  aller  droit  ;  ce  qu'un  feul  piê 
tourné  en  dehors  ,  àinfi  qu'il  eft  aux  oies 
6w  aux  canards  ,  ne  pourroit  exécuter  ;  de 
xnême  qu'un  feul  aviron  ,'  qui  n'agit  qu'à  un 
des  côtés  d'une  nacelle ,  ne  la  fauroit  faire 
aller  droit. 

Enfin  c'eft  une  chofe  remarquable  de 
voir  avec  combien  d'exaditude  les  jambes 
&  les  pies  de  tous  les  oifeaux  aquatiques 
répondent  à  leur  manière  de  vivre.  Car 
ou  bien  les  jambes  font  longues  &  propres 
à  marcher  dans  l'eau  ;  en  ce  cas  elles  ibnt 
nues ,  &  fans  plumes  à  une  bonne  partie 
au  deflus^  des  genoux  ,  ce  qui  les  rend  plus 
propres  à  ce  dellèin  ;  ou  bien  les  doigts 
des  pes  font  tout-à-fiit  larges  :  dans  ceux 
que  les  Anglois  appellent  mud-fuckers 
(  fuceurs  de  boue  )  ,  deux  des  doigts  fout 
en  quelque  forte  joints  enfembîe ,  pour 
qu'ils  n'enfoncent  pas  facilement ,  en  mar- 
chant dans  des  lieux  m.arécageux  &  pleins 
dc^  fondrières.  Qiiant  à  ceux  qui  ont  les 
pit's  entiers  ,  ou  dont  les  doigts  font  joints 
par  des  m.embranes  ,  fi  Van  en  excepte 
quelques-uns,  les  jnmbes  font  en  général 
courtes  ,  &:  les  plus  convenables  pour 
r.ager.  C'eft  une  chofe  trc-s-cur:euui  de 
voir  avec  quel  artifice  ces'bifeaux  retirent 
&  ferrent  les  doigts  du  pié  ,  lorfqu'ils 
lèvent  les  jambes ,  &  qu'ils  fe  préparent  à 
frapper  l'eau  ;  &:  comment  au  contraire, 
par  un  artifice  également  grand,  ils  éten- 
dent &  cx:artent  les  doigts  desp/Vj,  lorf- 
qu'ils les  appuient  fur  l'eau ,  &  qu'ils  veu- 
lent s'avancer.  (D.J.) 

Pli  ,  (  HJf.  naî.  des  infc&s.  )  c'eft  la 
troiheme  pirrie  de  la  jambe  d'un  mÇtùç. 

On  y  remarque    ordinairement    quel- 
ques articulations  qui  font  ou  rondes  ',  ou 


,^IE  775 

de  la  figure  d'un  cœur  renverfé ,  &  aonc 
la  ponue  eft  en  haut.  Les  uns  en  ont 
deux  ,  &  d'autres  en  ont  jufqu'à  cinq.  A 
l'antérieure  de  ces  articulations  ,  quelques- 
uns  ont  des  pointes  crochues  ,  à  pai-Je 
defquelles  ils  s'attachent  aux  chofes"  les 
plus  polies.  Entre  ces  pointes  ,  d'autres 
ont  encore  une  plante  àe  pié  qui'  leur  ferc 
a  s'accrocher  dans  les  endroits  où  les  poin- 
tes feroient  inutiles.  Elle  produit  le  même 
effet  que  les  morceaux  de  cuir  mouillé  , 
que  les  enfans  appliquent  fur  une  pierre  * 
&  qui  s'y  attachent  fi  fort  ,  qu'ils  peuvent 
lever  la  pierre  en  l'air  ,  fans  qu'elle  fe 
détache. 

Gnendelius  attribue  la  caufe  de  cmt 
adhelion  a  la  courbure  de  leurs  oncles  & 
Bonnam  aux  coufllnets  qu'ils  ont'  à  l'ex 
tremite  àehmspiés  ;  parce  que  ,  quoique 
les  poux  &  ks  puces  aient  aux  mes  des 
ongles  crochus ,  ils  ne  laiflènt  pas ,  lorf. 
qu  on  les  a  pofésiur  une  glace  de  miro'r  , 
de  ghller  en  bas  des  qu'on  les  dreflè  ce 
que  ne  font  pas  ceux  qui  ont  de  pareils 
çouffinets.  D'auties  enfin  prétendent  que 
les  infed-es  qui  peuvent  monter  le  loue 
des  corps  les  plus  polis  ,  le  font  par  le 
m.oyen  dune  humeur  glutineufe  ,  qu'ils 
expriment  des  coiiPJnets  qu'ils  ont  aux 
pattes. 

Il  y  a  des  infedes  qui  ait  une  efp-cje- 
de  palette  aux  genoux  ,  avec  laquelle  iis 
peuvent  s  accrocher  aux  corps  auxquels  ils 
veulent  Çc  tenir.  Cette  palette  fe  trouve 
a  la  première  paire  de  jambe.  Les  m:-les 
de  pluheurs  elpeccs  de  fcarabées  aquati- 
ques  en  ciit  j  mais  M.  Lyonnet  nen  a 
];mia:s  vu  aux  femelles^  fon  obfervatioi> 
. croît  donc  loupçonner  que  cçziq  p:,ietce 
neft  donnée  aux  maies,  qu'a.fin  de  pou- 
voir mieux  fe  tenir  aux  femelles  lorfqu'ils 
s  accouplent;  du  moins  ne  manquent-'4s 
pas  alors  d'en  faire  cet  ufage. 

Le  fcarabée  aquatique  a  en  dedans  de 
la  palette  du  genou  un  mufcle  qu'il  peut 
retirer.  Quand  il  a  appliqué  cette  palette 
contre  quelque  corps  ,  elle  s'y  joint  très- 
étroitement  ;  c'eft  par  ce  moyen  que  cet 
irAtac  s'attache  forreraent  à  fa  femelle  , 
a  la  proie  ,  ou  à  tel  autre  corps  que  boa 
lui  lembîe. 

Les  inlcdes  ^ui  ont  des  pies  n'en  ont 


77 


P  I  E 


pas  tous  le  même  nombre,,  qui  v^rîc  ex- 
trêmement, fnivant  l'efpe ce  ;  ils  font  com- 
munément (îtués  fous  le  ventre. 

Qiielques-uns  des  infedesqui  manquent 
6e  pies  ,  ont  ,  en  divers  endroits  de  leur 
corps  ,  de  petites  pointes  qui  y  fuppléent  ; 
ils  s'en  fervent  pour  s'accrocher  dc  le  tenir 
fermes  aux  corps  foltdes.  On  trouve ,  par 
exemple ,  dans  la  fiente  des  chevaux ,  un 
ver  de  la  longueur  de  huit  ou  dix  lignes  , 
&:  dont  le  corps  eft  à  peu  près  delà  figure 
d'un  noyau  de  cerife  ;  cet  infede  a  fix 
anneaux  ,  par  le  moyen  defquels  il  s'alonge 
êc  fe  raccourcit  ;  le  tour  de  chacun  de  ces 
anneaux  eft  garni  de  petites  pointes  aiguës  ; 
de  forte  que  quand  le  ver  les  redreflè  ,  il 
peut  les  planter  dans  les  entrailles  des  che- 
vaux ,  Se  s'y  tenir  fi  ferme  ,  que  l'expul- 
fîon  des  excréraens  a  de  la  peine  à  l'en- 
traîner malgré  lui.   (  D.  J.) 

PiÉj  (  Critique  fncrée.  )  lés  pi  es  dans  le 
llyle  de  l'Ecriture  (è  prennenr  au  fens  na- 
turel &  au  figuré  ,  de  différentes  ma- 
nières ;  1°.  au  fens  naturel ,  la  Sunamite  fe 
jeta  aux  pies  d'Elifée  ;  c'étoit  encore  une 
marque  de  refpeéV  des  femmes  à  l'égard  des 
hommes  ,  que  de  toucher  les  pies. 

1°.  Au  fens  figuré  ,  pour  la  chauflure  : 
pes  t^us  non  ejî  fubîritus.  Deut  viij.  4.  Les 
fouliers  que  vous  avez  à  vos  pies  ne  font 
point  ufés. 

3°.  Pour  les  parties  que  la  pudeur  ne 
permet  pas  de  nommer.  In  die  illa  radet 
Dominus  in  ncvacula  ,  caput ,  &  pilos  pe- 
dum  &  barbant  univerfam.  If.  vij  2.0.  En 
ce  temps-là  le  Seigneur  fe  fervira  du  roi 
des  AUy^ens ,  comm.e  d'un  rafoir  ,  pour 
rafer  la  tête  ,  la  barbe  ,  &  le  poil  à&spiés  ; 
divifijîi  pedes  tuos  omni  tranfeunti  ;  vous 
vous  êtes  abandonnée  à  tous  les  paflàns  , 
E^cch.  xv'j.  2.5.      • 

4*^.  Vie,  fignifie  l'arrivée  de  quelqu'un. 
Quàm  fpeciojt  pedes  evangelifantium  pa- 
cem.  If.  lij.  7.  Que  c'eft  une  chofe 
agréable  de  voir  arriver  ceux  qui  annon- 
cent la  paix  ! 

$°,  Il  fe  prend  pour  la  conduite  :  pes 
fneus  jietit  in  direâo  ,  Pf.  xxv.  îz.  Mes 
pies  font  demeurés  fermes  dans  le  droit 
chemin. 

6°.  Il  ^gnifie  un  foutien  ,  un  appui  : 
oculus  fuit  cœco  &  pes  claudo  ,  Job.  xxix. 


PIE 

15.   Il  éclaire  l'aveugle  &  foutient  le  boi- 
teux. 

7®.  Il  défigne  ce  qui  eft  fort  cher.  Si 
pes  tuus  fcandalifat  te  ,  abQ:inde  .eum. 
Matth.  xviij.  8.  Si  ton  piété  fait  tomber  , 
coupe-le. 

8°.  Etre  fous  les  pies  de  quelqu'un  mar- 
que l'aflervillement  ;  omnia  fuhjccifii  fuh 
pedibus  ejus.  PC.  viij.  8.  Vous  avez  tout 
Ibumis  à  fa  puiflance. 

9°.  La  trace  d'un  pié ,  fignifie  une  trh" 
petite  quantité  de  terre.  Neque  enim  dabo 
vchis  de  terra  eorum  ,  quantum  poteji  unius 
pedis  calcare  vefîigium.  Deut.  ij.  5. 

10°.  Mettre  le  pie  dans  un  lieu  ,  fignifie 
en  prendre  poff.ffion.  Locus  quem  calcaverit 
pes  vefler  ,  vejîer  erit.  Deut.  xj.  z^. 
L'endroit  où  vous  mettrez  le  pié  ,  vous 
appartiendra. 

11°.  Parler  du  pié  ,  c'eft  gefticuler  du 
pié.  Salomon  ,  dans  les  proverbes  vj.  2  j  , 
attribue  ce  langage  à  l'infenfé.  (D.  J.) 

Pies  j  /^  baifement  des ^  (  Hijf.  mod.  ) 
marque  extérieure  de  déférence  qu'on  rend 
au  feul  pontife  de  Rorpe  ;  les  penchemens 
de  tête  &  de  corps  ,  les  profternemens , 
les  génuFxCxions,  enfin  tous  les  témoigna- 
ges frivoles  de  refpedt  devinrent  fi  com- 
muns en  Europe  dans  le  vij  &  viij  fie- 
cles ,  qu'ils  ne  furent  plus  regardés  comme 
le  font  aujourd'hui  nos  révérences  ;  alors 
les  pontifes  de  Rome  s'attribuèrent  la  nou- 
velle marque  de  refped:  qui  leur  eft  reftée  j 
celle  du  baifement  des  pies.  Il  eft  vrai  que 
Charles ,  fils  de  Pépin  ,  embraflà  les  pies 
du  pape  Etienne  à  S.  Maurice  en  Valois  ; 
mais  ce  même  pape  Etienne  venant  en 
France  ,  s'étoit  profterné  de  fon  côté  aux 
pies  de  Pépin ,  père  de  Charles.  On  croit 
généralement  que  le  pape  Adrien  I ,  qui 
prétendoit êtr^ au  rang  des  princes,  quoi- 
qu'il reconnût  toujours  l'empereur  grec  pour 
fon  fouverain  ,  établit  le  premier  <br  la  fin 
du  viij  fiecle  ,  que  tout  le  monde  lui  3^/- 
sât  les  pies  en  paroiftant  devant  lui.  Le 
clergé  y  acquiefça  fans  peine  par  retour  fur 
lui-même  ;  enfin  les  potentats  &c  les  rois 
fè  foumirent  depuis ,  comme  les  autres  , 
à  cette  étiquette  ,  qui  rendoit  la  reli- 
gion romaine  plus  vénérable  aux  peuples. 
{D.J.) 

Pie  ,  en  poéjîe ,  en  latin  pes  Se  mieux 

metrum. 


PIE 

metmm  ,  du  grec  fA&r^v/.  Alliance  ou  ac- 
cord de  plulieurs  lyllabes;  on  l'appelle /•/> 
par  analogie  &  proportion  ,  parce  que  , 
comme  les  hommes  le  lèrvent  des  pié'. 
pour  marcher  ,  de  même  aulli  les  vers 
lemblent  avoir  quelque  efpece  de  pies  qui 
les  lounenneat  &  leur  donnent  de  la  ca- 
dence. 

On  compte  ordinairement  dans  la  poéfie 
greque  &  latine  vingt  -  huit  pies  diffé- 
rens ,  dont  les  uns  font  limples  &  les  autres 
compoiés. 

Il  y  a  douze /î/Vj  fimples  ;  favoir  ,  qua- 
tre de  deux  fyllabes  &  huit  de  trois  fylla- 
bes.  Les  pies  fimples  de  deux  fyllabes  {"ont 
le  pyrrichée  ou  pyrrique ,  le  fpondée  , 
l'iambe  &  le  trochée.  Les  pies  limples  de 
trois  lyllabes  font  le  dadyle ,  l'anapefte  , 
le  mololïe ,  le  tribrache  ,  l'amphibrache , 
l'ampliimacre  ,  le  bâcche  ,  l'antibacche, 
Voy  e^  tous  ces  mots  à  leur  article. 

On  compte  feize  pies  comporés  ,  qui 
tous  ont  quatre  fyllabes  ;  favoir ,  le  dii- 
pondée  ou  double  fpondée  ,  le  procélcuf- 
matique  ,  le  double  trochée ,  le  double 
iambe  ,  l'antipafte  ,  le  choriambe,  le  grand 
ionique  ,  le  petit  ionique  ,  lepconou  péan  , 
qui  efl  de  quatre  efpeces  &  l'épitrite  ,  qui 
fe  diverfifie  auflî  en  quatre  manières.  J^oy. 
DiSPONDÉE  ,   AnTIPASTE  ,    &C. 

Pié&c  mefure  y  dans  la  poéfie  latine  & 
greque,  font  des  termes  fynonymes. 

Un  auteur  moderne  explique  aufli  fort 
nettement  l'origine  dtspie's  dans  l'ancienne 
poéfie.  On  ne  s'avila  pas  tout  d'un  coup  , 
dit-il  ,  de  faire  des  vers  ;  ils  ne  vinrent 
qu'après  le  chant.  Quelqu'un  ayant  chanté 
des  paroles  ,  &  fc  trouvant  fatisfait  du 
chant ,  voulut  porter  le  même  air  fur 
d'autres  paroles;  pour  cela,  il  fut  obligé 
de  régler  les  paroles  du  fécond  couplet 
fur  celles  du  premier.  Ainfi  la  première 
flrophe  de  la  première  ode  de  Pindare  ,  fe 
trouvant  de  dix-fept  vers,  dont  quelques- 
uns  de  huit  fyllabes ,  quelques-uns  de  fix  , 
de  fept ,  d'onze  ;  il  fallut  que  dans  la  fé- 
conde 3  qui  figuroit  avec  la  première ,  il  y 
«ût  la  même  quotité  de  fyllabes  &  de  vers, 
&  dans  le  même  ordre. 

On  obferva  enfuite  ,  que  le  chant  s'a- 
daptoit  beaucoup  mieux  aux  paroles,  quand 
ics  brèves  &  les  longues  fe  trouvoient  pla- 
Tome  XXV. 


cezs  en  même  ordre  dans  chaque  flrophe  , 
pour  répondre  exadement  aux  mêmes  te- 
nues des  tons.  En  conféquence  on  travailla 
à  donner  une  durée  fixe  à  chaque  fyliabc  , 
en  la  décUrant  brève  ou  longue;  après 
quoi  l'on  forma  ce  qu'on  appella  des /7/», 
c'eft-à-dire ,  de  petits  efpaces  tout  me- 
fiirés ,  qui  fulîènt  au  vers  ce  que  le  vers 
eff  a  la  firophe.  Cours  de  Bellcs-rlettres , 
tome  I. 

Le  nom  de p/Vne  convient  qu'àla  poéfie 
des  anciens  ;  dans  les  langues  modernes 
on  meiure  les  vers  par  le  nombre  des  fyl- 
labes. Ainfi  nous  appelions  vers  de  dou\c 
fyllabes  ,  nos  grands  vers  ou  vers  alexan- 
drins ;&  nous  en  avons  de  dix,  de  huit , 
de  fix,  de  quatre,  de  d^ux  f5'l!abes,  & 
d'autres  irréguliers  d'un  nombre  irnpair 
de  (yliabes.  Voye^  VERS  &  VERSIFI- 
CATION. 

PIE-CORNIER,  terme*  des  Eaux  & 
Forêts  i  on  appelle  en  fiyle  des  eaux  & 
forêts  piés-corniers  y  les  gros  arbres  qui 
font  dans  les  encoignures  des  ventes  qui  fè 
font  dans  les  forêts  ,  &  qui  fe  marquent  par 
le  garde-marteau. 

Il  eft  dit  dans  Varticle  ^  du  titre  de 
Vajjiette  ,  baillivage  &  martelage ,  &c. 
que  les  arbres  de  lifieres  &  de  parois  fe- 
ront marqués  du  marteau  du  roi  ,  &  celui 
de  l'arpenteur  fur  une  face ,  à  la  différence 
des  piés-corniers  ,  qui  le  feront  fur  chaque 
face  qui  regardeia  la  vente.  Lorfque  l'on 
vend  quelques  parties  àts  forêts  du  roi  , 
l'eipace  vendu  efi  enfermé  dans  des  lignes, 
que  l'on  tire  fuivant  la  firuation  des  lieux. 
Ces  lignes  font  appellées  parois  y  &  les 
arbres  que  l'on  laiffe  à  côré  ou  au  bout  de 
la  ligne  entre  deux  piés-corniers  y  font 
arbres  de  paroi  ou  de  lifiere.  Exemple. 


Pié-cornier.  ' 

Paroi. 
Pié-cornier. 


Paroi. 

Paroi. 


Pié-cornier. 

Paroi. 
Pié-cornier. 


On  voit  par  cette  figure ,  que  les  piés-cor^ 
niers  font  les  arbres  laiflés  &  marqués  aux 
extrémités  de  la  vente.  On  voit  encore 
qu'entre  deux  piés-corniers  il  y  a  une  paroi 
ou  deux  ,  eu  égard  aux  diflances  des  piés- 
corniers.  Les  piés-corniers  doivent  être 
marqués  du  marteau  du  maître ,  de  celui 
Fffff 


yiS  PIE 

du  garde-marteau ,  &  de  celui  du  mefu- 
reur.  Les  places  taillées  fur  les  pie's-corniers 
font  appellées  miro/rj-  ,  parce  qu'elles  fonr 
tournées  pour  regarder  &  mirer  la  droite 
ligne  qui  conduit  d'un  pie'-cornier  à  l'autre  ; 
&  les  côtes  où  les  miroirs  font  faits  ,  font 
nstmmésfaces. 

La  marque  du  maître  tû  au  defllis  des 
autres  ,  celle  du  garde-marteau  eft  enfuite , 
&t  en  bas  de  l'arbre.  Voje^  fur  cette  ma- 
tière Roufîeau  ,  fur  les  ordonnances  des 
Eaux  &  Forets  ;  &:  Duchaufourt  dans  fon 
inftrucHon  fur  le  fait  des  Eaux  Ù  Forêts. 
Aubert.  (D.J.) 

PlÉ  DE  FIEF  ,  <r/2  terme  de  Coutumes  , 
fignifie  un  fief  démembré.  On  dit  en  terme 
de  Coutumes  y  que  lepie  faifit  le  chef;  ce 
c^i  veut  dire ,  ou  que  la  fuperficie  appartient 
au  propriétaire  du  fol,  ou  que  le  proprié- 
taire du  fol  eft  en  droit  d'élever  perpendi- 
culairement fon  édifice  fi  haut  qu'il  veut  , 
&  faire  abattre  ks  traverfes  ou  chevrons 
ces  maifons  voifines  qui  nuiroient  à  fon 
élévation. 

PlÉ  DE  FORÊT ,  pesforeflje  ,  {Comm.) 
contient  dix-huit  pouces. 

Notandum  efi  quod  pes  foreflce  ujîtatus 
tempore  Rie.  OyJ[Jel.  in  arrentatione  vaf- 
fallorum  faclus  eji  yfignatus  &  fculptus  in 
pariete  cancellx  ecclejix  de  Edwinftone  , 
&  in  ecclefiâ  B.  M.  de  Nottingham  ^  Ù 
diâus  pes  continet  in  longitude  ociode- 
cim  pollices ,  &  in  arrentatione  quorum- 
dam  l'ajfallorum  pertica  ,  ^O  ^  Zl  &  Z^ 
pedum  ufa  fuit  ,  &c. 

Pes  monetœ  ,  dans  les  anciennes  archi- 
ves ,  fe  dit  d'un  règlement  jufte  &  rai- 
fonnable  de  la  valeur  réelle  de  toute  mon- 
noie  courante.  V.  ETALON  &  MONNOIE. 

PlÉ  FOURCHÉ  ,  (  Comm.  de  bétail.  ) 
Les  marchands  de  bétail  appellent  befliaux 
à  pie  fourché  ou  fourchu  y  les  animaux 
qui  ont  le  pié  fendu  en  deux  feulement  , 
comme  font  les  bœufs ,  vaches ,  cochons , 
chèvres ,  Ùc. 

Le  pié  fourché  eft  auffi  un  droit  qu'on 
levé  aux  entrées  de  quelques  villes  de 
France,  fur  les  befliaux  à  pié  fourché  qui 
s'y  confomment ,  &  dont  il  eft  fait  une 
ferme.  {D.  J.) 

Fiés  poudreux  {Cour  des  )  Jurif- 
prudence  ^  eft  le  nom  d'une  fuicienne  cour 


PIE 

de  juftice,  dont  il  eft  fait  mention  dans 
plufieurs  ftatuts  d'Angleterre,  qui  devoit 
le  tenir  dans  les  foires ,  pour  rendre  jul- 
tice  aux  acheteurs  &  aux  vendeurs  ,  & 
pour  réformer  les  abus  ou  les  torts  réci- 
proques qui  pouvoient  s'y  commettre.  V. 
Foire. 

Elle  a  pris  fon  nom  de  ce  qu'on  la  tenoit 
le  plus  fouvent  dans  la  faifon  de  l'été,  & 
que  les  caufes  n'y  étoient  guère  pourfuivics 
que  par  des  marchands  qui  y  venoient  les 
pies  couverts  de  poulllere ,  &  que  l'on 
appelloitpar  cette  raifon  ^  pies  poudreux; 
ou  bien  elle  a  été  ainfi  nommée ,  parce 
qu'on  y  propofoit  d'expédier  les  affaires 
de  fon  refï'ort,  avant  que  la  poufliere 
fût  tombée  des  pies  du  demandeur  &  du 
défendeur. 

Cette  cour  n'avoit  lieu  que  pendant  le 
temps  que  duroient  les  foires.  Elle  avoit 
quelque  rapport  avec  notre  jurifdidion  de 
juges  &  confuls.   VoyeT^  CoNSUL. 

PiÉSENTE,    (Jurifprud.)    d\  un  fen~ 
tier  qui  doit  contenir  deux  pies    &  demi 
de  largeur;  on  ne  peut  y  paffcrqu'à  pié  , 
&  non  y  mener   ni   ramener    des    bêtes.  • 
Coutume  de  Boulenois  ,    art.    i  66.  {A\ 

PiÉ-d'ALOUETTE  ,  {fiifi.  nat.  Bot.) 
delphinium ,  genre  de  plante  à  fleur  poly- 
pétale ,  anomale  &  compofée  de  plufieurs 
pétales  inégaux  ;  le  pétale  fupérieur  fe  ter- 
mine en  une  autre  queue ,  &  reçoit  un 
autre  pétale  divifé  en  deux  parties ,  & 
garni  d'une  queue  comme  le  premier  :  le 
piftil  occupe  le  milieu  de  ces  pétales  ,  & 
il  devient  dans  la  fuite  un  fruit  dans  lequel 
il  y  a  plufieurs  gaines  réunies  en  forme  de  \ 
tête  ,  qui  s'ouvrent  dans  leur  longueur ,  & 
qui  renferment  des  femences ,  le  plus  fou- 
vent  anguIeufès.Tournefort  yinfi.  reiherb. 
Voyei  Plante. 

Pié  de  CHaT,  (Botan.)  cette  plante 
qu'on  emploie  dans  les  pharmacopées  , 
fous  le  nom  équivoque  de  gnaphaUum  , 
eft  appellée  par  Tournefort  ,  elichryfum 
montanum  y  flore  majore  y  purpurafcente. 

I.R.H.4.S3. 

Sts  racines  font  fibreufes  &  rampantes 
de  tous  côtés  ;  les  feuilles  font  couchées 
fur  terre;  elles  font  oblongues  ,  arrondies 
vers  la  pointe  ,.  d'un  verd  gai  ,  couvertes 
en    defîbus    d'un   duvet    blanchâtre.  Au. 


P  I  E 

fômmet  de  ces  figes ,  font  plufîeurs  fleurs 
à  fleurons ,  divifécs  en  manière  d'ércile  , 
portées  chacune  fur  un  embryon  ,  &  ren- 
fermées dans  un  calice  écailleux  &  luifanr  ; 
l'embryon  fe  change  en  une  graine  garnie 
d'aigrettes. 

PlÉ  DE  CHAT  ,  (Mat.  med.)  les  fleurs 
de  pié  de  chat  font  la  feule  partie  qui  foit 
en  ufage.  Ces  fleurs  tiennent  un  rang  dif- 
tingué  parmi  les  remèdes  pedoraux  :  on 
en  ordonne  fréquemment  rinfufion ,  la 
légère  décodion  ,  fous  forme  de  tifane  , 
&  le  firop  fimple  ,  dans  prefque  toutes 
les  maladies  chroniques  des  poumons  ,  & 
fur-tout  dans  les  plus  légères,  telles  que 
le  rhume,  foit  récent,  foit  opiniâtre  & 
invétéré;  ce  crachement  incommode  & 
abondant  efl  connu  fous  le  nom  vulgaire 
■de  pituite  y  &c. 

On  donne  cette  infufion  ou  cette  décoc- 
tion ,  foit  feule  ,  foit  mêlée  avec  du  lait  , 
&  ordinairement  édulcorée  avec  le  miel , 
le  lucre  ,  ou  un  firop  approprié,  [h) 
^  PlÉ  DE  COQ  égyptien  ,  (Botan.  exot.) 
c'eft  le  gramen  daâylon  xgyptiacum  de 
E.  B.  &  de  Parkinfon  ;  petite  plante  d'E- 
gypte, à  racine  blanche,  genouillée  & 
rampante,  ^ts  branches  font  pareillement 
genouillées,  &  portent  quatre  épis  ,  qui 
forment  une  croix  ;  cette  plante  eft  ^d'ufage 
médicinal  en  Egypte. 

PlÉ  DE  GRIFFON,  {Botan.)  c'efl  un 
nom  vulgaire  de  l'ellébore  noir  puant,  Aqs 
botanifles  ,  helleborus  niger  foetidus  ^  qui 
a  quelque  ufage  dans  la  médecine  des  bef- 
tiaux.  Voye:^  ELLÉBORE  noir ,  {Botan.) 

PlÉ  DE  LIEVRE  ,  {Botan.)  efpecc  de 
trèfle  que  les  anciens  boranifles  ont  nommé 
lagopus  i-ulgaris  ;  Çqs  fleurs  ont  une  fauffe 
reifernblancc  au  pié  d'un  lièvre  ;  elle  croît 
parmi  les  blés  ;  fà  graine  efl  rougeâtre  : 
quand  elle  eft  mêlée  avec  le  blé  ,  &  écra- 
fée  au  moulin  ,  elle  rend  le  pain  rougeâtre  ; 
auffi  le  blé  dans  lequel  elle  le  trouve  \ 
diminue  confidérablement  de  prix. 

Pié  DE  LION  ,  alchimiUdy  genre  de 
plante  doit  la  fleur  n'a  point  de  pecales  • 
elle  efl  compofée  de  plufîeurs  etamines 
fourenues  par  un  calice  en  forme  d'enton- 
noir ,&*  profondément  découpé.  Le  pifl: 
devient  dans  la  fuite  une ,  ou  plu:le'jrs 
lemences  renfermées  dans  une  capiule  qui 


a  fervi  de  calice  à  la  fleur.    Tournefort 
Infl.  rei  herb.  Voye:^  PLANTE. 

Ce  genre  de  plante  eft  connu  àes  bota- 
nifles,  fous  le  nom  latin  alchimilla  ,  dont 
Tournefort  compte  treize  dpeces  :  nous 
décrirons  la  plus  commune  ,  alchimilla. 
l'ulgaris;  C.  B.  P.  319.  Clufii  hiR.  zo8. 
Tournefort  /.  R.  H.  £08.  en  anglois  ,  the 
cammon  ladiefmantle. 

Sa  racine  fe  répand  obliquement;  elle 
efl  de  la  grofl:"eur  du  petit  doigt  ,  fibreufe  , 
noirâtre  &  aflringente  ;  elle  pouffe  un  grand 
nombre  de  queues  longues  d'une  palme  & 
dernie  ,  velues  ;  chaque  queue  porte  une 
feuille  qui  approche  de  celle  de  la  mauve  , 
mais  plus  dure ,  ondée  &  partagée  en  huic 
ou  neuf  angles  obtus.  Cette  feuille  eft  cré- 
nelée fymmétriquemenr,  &  comme  repliée 
avec  autant  de  nervures  qui  viennent  à  la 
queue,  &  qui  s'étendent  jufqu'à-  l'extré- 
mité ;  du  milieu  des  feuilles  s'élèvent  quel- 
ques tiges  grêles  ,  velues ,  cylindriques  , 
branchues  ,  hautes  de  neuf  pouces ,  garnies 
de  quelques  petites  feuilles  ,  portant  à  leur 
fommet  un  bouquet  de  fleurs  fans  pétales, 
compofé  de  plufîeurs  éramines  garnies  de 
fommets  jaunâtres  ;  ces  fleurs  font  conte- 
nues dans  un  calice  d'une  feule  pièce  ,  en 
forme  d'entonnoir  ,  de  couleur  verte-pâle  , 
partagé  en  quatre  parties  pointues,  entre 
lefquelles  il  s'en  trouve  quatre  autres  plus 
petites.. 

Le  piflil  fe  change  en  une  ,  ou  deux 
menues  graines  jaunâtres ,  brillantes ,  ar- 
rondies ,  renfermées  dans  une  capfule  qui 
éfoit  le  calice  de  la  fleur.  Certe  plante  fe 
plaît  parmi  les  herbes  des  Alpes  ,  àits  Pyré- 
nées &  ^ç.^  montagnes  de  la  Provence."  La 
plante  eft  placée  au  rang  àts  plantes  vuU 
neraires  aflringentes  ;  on  emploie  fon  fuc 
dans  les  ulcères  internes ,  ainfi  que  pour 
arrêter  les  règles  trop  abondantes ,  les 
lieurs  blanches ,  &  la  dyflènrerie  ;  ce  re- 
mède eft  fort  utile  dans  le  crachement  de 
.ang  ,  le  piflement  de  fang ,  le  diabète  & 
i  uiccre  àts  poumons. 

Quelques  filles  ,  au  rapport  d^Hoffînan  . 

lavent  le  lervir  adroitement  de  la  décoc- 

non  de  pie  de  lion,    dont  elles  font   ua 

^A^T^'         pour  réparer  leur  virginité.  Elles 

'î^  œ^  '^"^'  P^''  "'^^  ^^^^  décodion» 
d  attermir  leurs  rnameiles  :   pour  cet  eftèt  » 

F  ff  f  f  i  * 


7?o  PIE 

elles  rrerapent  un  linge  dans  la  (^ecoclion 
de  cette  plante  ^  &  elles,  l'appliquent  lur 
leur  lein. 

Vit  DE  LOUP,  {Botan.)  le  vulgaire 
appelle  ainfi  l'elpece  de  raouflTe  terieflre 
nommée  par  Tournefort ,  mofcus  t-crrejhis 
clurdtus  y  parce  qu'il  a  des  pédicules  qui 
s'élèvent  d'entre  les  rameaux ,  &  qui 
repréfentent  vers  leur  Ibmmct  une  petite 
tête  ;  cette  petite  tête  ,  quand  on  la  tou- 
che en  automne  ,  jette  une  poudre  jaune  , 
fubtile,  qui  étant  léchée  ,  s'enftamme  & 
fulmine  prefque  comme  de  la  poudre  à 
canon.  (£>.  /.) 

Fié  d'oiseau  ,  omithopodium^  genre 
de  plante  à  fleur  papilionacee.  Le  piflil 
fort  du  calice ,  &  devient  dans  la  iuite 
une  filique  en  forme  de  faucille  ,  compo- 
fée  de  plufieurs  pièces  jointes  enfemble  , 
&  ordmairement  pltlTée  :  chacune  de  ces 
pièces  renferme  une  femence  arrondie. 
Ajoutez  aux  caractères  àp  et  genre,  que 
ksfiiiques  ibnt  réunies  plufieurs  enfemble, 
&  qu'elles  ont  quelque  reiTembla:ice  avec 
le  pié  d'un<  oife-^iu.  Tournefort  ,  Inft.  rei 
herb.   P^oye^  Fl A N  TE . 

PlÉ  DE  PIGEON,  (Botan.)  par  les 
botaniites  ,  géranium  colLmbinum.  Voye^^ 
Bec  DE  GRUE  <  {Botan y 

Fié  DE  PIGEON  ou  Bec  de  grue  , 

^Mat.  méd.)  les  feuilles  de  cetre  p'iante 
ont  une  faveur {lyptique&  gluante.  Tour 
ncfort  recommande- le  firop  tait  de  leur 
fuc  pour  la  dyfTenterie  :  lôn  extrait  a  la 
même  vertu.  De  quelque  manie-e  que  l'on 
donne  cette  plante ,  elle  arrête  d'une  ma- 
nière furprenante  le  fangde  quelque  endroir 
qu'il  coule.  Geoîfroi ,  mat.  med.  Cet  éloge 
efl  trop  général  &  trop  pofinf  ;  iln'eil  pas 
même  à  la  manière  de  Geoffroi:  il  fau- 
droit  bien  fe  garder  de  fop  compter-  fur 
un  pareil  fecours  dans  des  hémorrhagies 
dangereufes. 

Le  pié  de  pigeon  a  beaucoup  d'analogie 
avec  une  autre  çÇ'^tct  de  géranium  ou 
bec  de  grue,  appelle  heihe  â  Robert. 
On  emploie  indilféremment  l'une  ou  l'au- 
tre de  ces  plantes.  Voye\  HeRBE  A  RO- 
BERT, {b) 

Fié  de  POULE  ,   (Botan.)  nom  que 

.le  pcîiple  donne  à  Tefpece  de  gramen    ou 

chiendent ,  appelle  par   Tgurnefort  ;,  gra- 


même 


V  \  E 

men  daaylon  ,  radice  repente.  Ce 
nom  de  pié  de  poule  ,  eft  encore  donné" 
par  le  vulgaire  au  lalium  jolio  caulem 
ambiente  minus  ,  de  Tournefort.  Si  l'on: 
ne  rejetoit  pas  les  noms  vulgaires  des  plan- 
tes, la  botanique  deviendroit  un  chaos  ;. 
il  faut  apprendre  les  noms  de  fart  &  s'y 
tenir.  (D  /.) 

Fié  de  veau,  (Botan.)  genre  de 
plante  à.  fleur  monopétale  ,  anomale  ,  & 
dont  la  forme  reflémble  à  l'oreille  d'un 
âne  ou  d'un  Hevre.  Le  piflil  fort  du  fond 
de  cette  fleur ,  &  il  eft  entouré  à  fa  bafe 
de  pluliûurs  embryons_qui  deviennent  dans 
la  fuite  autant  de  baies  prefque  rondes  , 
dans  chacune  defquelles  il  y  a  une  ou  deux 
femences  arrondies.  Ajoutez  aux  carac- 
tères de  ce  genre ,  que  ks  feuilles  ne  font 
pas  divifées  ,  ou  qu'elles  ont  fimplement  de 
petites  découpures.  Tournefort ,  Inji.  rei 
herb.  Voye\  FlaNTE. 

Tournefort  compte  34  efpeces  de  ce 
genre  de  plante  ^dont  il  iufHra  de  décrire 
la  plus  commune  qui  eft  d'ulage  en  méde- 
cine. Elle  eft:  nommée  arum  vuigare  ,  non 
maculacum.  C.B.  F.  i^'j.I.R.  H.  î  ^8  ; 
en  anglois^  the  comnion  wake-Rohin  ,  or  y 
aium  y  wihc  plain  leaves  ,*  &  en  françois  > 
pié  de  i^eaa  fans  taches^ 

Sa  racine  eft  tubéreufe  ,  charnue,  de  la 
KJ 01  leur  du  pouce  ,  arrondie  ,  mais  mal. 
torr.ée  ;.  blanche  ,  remp  ie  d'un,  lue  fai— 
trux  ,  garnie  dj  quelque.^  fibres.  Se^  feuil- 
les iont  longues  de  neuf  pouces.,  prefque 
triangulaires ,  lèmb'ables^  à  une  flèche  , 
•uilànt^s  &  veinées.  Sa  tige  eft  environ  de 
la  hauteur  d'une  coudée  ,  cylindrique  ,. 
.:annelée;  elle  porte  une  fleur  mtmbra- 
.  neufe  d'une  feule  pièce,  irréguliere ,  de 
la  figure  d'une  oreille  d'âne  ou  de  lièvre  , 
roulée  en  manière  de  gaine,  d'un  bknc 
veroâtre.  Au  fond  de  cette  fleur  eft  le 
piftil ,  d'un  jaune  pâle,  à  la  naiftar.ce  du- 
quel plufieurs  grairs,  comrre  ceux  àts 
raifins',  ou  plufieurs  baies  ,  fe  trouvent 
r^flemblées  en  l'ne  tête  obi  nfiie.  Cts 
baies  font  fphtriques  ,  de  couleur  de  pour- 
pre, molles,  pleines  de  fuc;  elles  ren- 
ferment une  ou  deux  petites  graii  es  , 
un  peu  dures  &  arrondie^-,  "l  oute  la  plante 
eft  d'une  laveur  fort  acre ,  &•  qui  brûle  la 
langue^ 


P  I  E 

Le  pie  de  veau  marqué  de  taches  ,  arum 
maculatum  ,  l'ulgire  ,  maculis  candidis 
pel  nigns,  C.  B.  P.  195.  /•  R-  H.  1^8, 
ne  difière  de  l'ei'pece  précédente  ,  que  par 
les  taches  blanches  ou  noires  dont  Tes 
feuilles  l'ont  parlèmées  ;  ces  deux  efpeces 
de  pié  de  veau  s'emploient  en  médecine. 
Voye-^  PlÉ  DE  VEAU,  matière  médi- 
cale, 

Uarum  montant  d'Amérique  ,  à  gran- 
des feuilles  percées  ,  arum  kederaceum  , 
amplis  foUis  perforatis ,  du  P.  Plumier, 
s'attache  au  tronc  des  arbres  de  la  même 
manière  que  nos  lieres  ;  cette  efpece  d'ti- 
Tum  étrangère  eft  le  bois  des  couleuvres 
d'Acofîa  ,  &  du  P.  du  Tertre.  Hift.  des 
Antilles. 

Varum  d'Amérique  à  feu-Iles  de  fagit- 
taire  ,  &  qui  s'élève  en  arbriifeau  ,  arum 
americanum  arbore/cens  ,  fagitcarice  fo- 
Uis y  du  même  P.  Plumier  ,  porte  un 
fruit  qui  pique  la  langue  ,  tandis  que  fa 
racine  eit  douceâtre  &  d'un  aflez  bon 
goût  ;  c'efl:  Varum  efculentum  ,  fagittariœ 
foliis  widi-nigramibus  y  de  Sloane  Cat. 
Jam.  (D.  /.) 

PlÉ  DE  VEAU  ,  (Mat.  méd.y  c'efl  la 
racine  de  cette  plante  qui  efl  principale- 
ment en  ulage  en  médecine.  Cette  raciie 
fraîche  a  une  faveur  acre  ôc  bi  ûlanté  ,  qui  fe 
diilipe  en  très-grande  partie  par  la  delnca- 
tion  &  par  ia  décodion.  Elle  tieni  u  i  rang 
diflingue  parmi. les  iVomacniqLes ,  les  bcchi- 
qucs  inciiifs  ,  &  les  foiidans  ou  del  >b{^ 
truans  purgatifs.  On  la  regcir  le  autii  comme 
un  bon  fébrifuge.  Elle  ell  uè^-re comman- 
dée dans  l'afthme  humide,  U  toux  invé- 
térée &  iuivle  de  ..rachats  épais  &  glu?.ns  , 
les  pâles  couleurs  ,  la  cachexie  ,  la  lanniiie 
&  les  ai^'dions  mélancoliques  hvp<jcon- 
driaques.  La  dofe  de  cette  racine  lèche 
cfl  d'un  demi-gro*  jutqu'à  un  gros  6l  demi , 
en  poudre  &  ré  uite  lous  torme  d'opiat , 
avec  un  excipient  convenable.  C'efl  prin- 
cipalement avec  le  miel  qu'on  l'incor- 
pore ,  lorfqu'on  l'è  nploie  contre  l'althme 
humide..  On  la  fait  t-nf^-er  aulll  dans  les 
ap'.'emes  &  les  bouillons  apéritifs  & 
fondans. 

La  racine  de  pie  de  veau  efl  de  la  clafTe 
de  ccllf'<:  qui  donnent  une  tecule  ,  voye:^ 
FÉCUJLE.     Quelques    auteurs    ont    cru 


PIE  7S1 

retrouver  dans  cette  fécule  les  vertus  de  la 
racine  entière  ,  mais  dans  un  d 'gi  é  plus 
mitigé.  Ils  fe  font  trompés ,  cette  fécule 
efl  dépourvue  de  toute   vertu  médicinale. 

La  racine  de  pié  de  veau  fraîche,  adou- 
cie par  la  cuite ,  dans  l'eau  ou  Jans  le 
vinaigre  ,  efl  donnée  pour  un  bon  diuré- 
tique, &  un  excellent  vulnéraire.  Van-^ 
helmont  la  recommande  à  ce  dernier  titre 
dans  \ts  chûtes  des  lieux  élevés^ 

Les  feuilles  pilées  &  réduites  en 'forme 
de  cataplaime  ,  ou  fimplement  battues  & 
flétries  entre  les  mains  ,  font  ,  dans  plu- 
fleurs  provinces  ,  un  remède  populaire , 
fort  efficace  contre  les  brûlures  ,  les  écor- 
cinires  ,  les  coups  aux  jambes  ,  aux  cou- 
des ,  ùc.  qui  entament  la  peau,  les  ulcères 
recens ,  Ùc. 

La  racine  de  pié  de  veau  entre  dans 
l'eau  générale  ,  diitis  l'opiat  méfentérique  , 
dans  l'emplâtre  diabotanum  ,  la  poudre 
cachedique  de  Qiiercctan ,  ùc.  {b) 

Pié  d'amE,  (Co/ZirAy/.)  nom  vulgaire 
donné  à  une  efpece  d'huître ,  difïerente 
de  l'huître  commune  par  un  mamelon  à  fa 
charnière  ;  on  l'appelle  en  \:inafpondjlus  y 
ai  .fi  voye\  SpONDYLE. 

Pié  DU  STYLE,  terme  de  gnomoniq, 
c'efl  le  point  du  plan  fur  lequel  tombe 
une  ligne  abaiffée  du  bout  du  flyle  ,  per- 
pendiculairement fur  le  pian  du  cadran. 
[D.  J.) 

Pté  ,  (  Hydr.  )  c'efl  la  mefure  de  toutes 
les  chofes  qui  font  dans  le  commerce  ;  la 
toife-  &  la  perche  font  compofées  de  piés^ 
dè-roi ,  ainfi  que  l'aune  qui  contient  3  pies 
8  pouces. 

H  y  a  différentes  fortes  de  pies  ;  favoir; 

Le  pié  courant  ,  qui  efl  divifé  en  I2 
pouces  courans. 

Le  pie  quarré  a  144  pouces  quarrés  ,  en 
multipliant  12  pouces  par  il  pouces  ,  dont 
le  pro  uif  efl  144. 

Lep/fci'culaire  efl  de  144  pouces  cir-- 
culaires  ,  en  raultiphant  12  par  I2,  dont 
le  produit  efl  144. 

Je  p/f  cylindrique  qu'îefl  un  fblide ,  efl 
la  multiplication  de  la  fuperficie  d'un  pié 
circulaire,  contenant  144  pouces  circu- 
laires, par  fa  hauteur  12  ;  ce  qui  donne 
17^7  pouces  cylindriques. 

Le  pié  cube  efl  la  multiplication  de  la 


7^1  PIE 

fuperficie  cl\in  pie  quarré ,  contenant  144 
pouces  qufirrés  ,  par  fa  hauteur  12  ;  ce  qui 
donne  172.8  pouces  cubes.  {K) 

PlÉ  d'eau,  {Hydr.)  ert  un  folide  ou 
piê  cube  d'eau  ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  ie  pié  cylindrique  d'eau  ,  qui  n'eft 
compofé  que  de  pouces  circulaires  mul- 
tipliés par  des  pouces  circulaires  ,  qui 
produifent  1728  pouces  cylindriques  ;  cha- 
cun de  ces  pies  cylindriques  n'a  que  113 
pouces  2  lignes  quarrés  ,  provenant  de  la 
proportion  dup/Vquarré  au  /j/V circulaire  , 
&  ne  pefe  que  55  livres  ;  au  lieu  que  le 
pie  cube  d'eau  pelé  70  livres.  On  évalue 
ce  pie  cube  d'eau  le  huitième  du  muid 
d'eau  ,  ce  que  l'on  a  reconnu  par  l'expé- 
rience. Ainfi  quand  on  compote  le  muid 
d'eau  de  288  pintes  me{ijre  de  Paris  ,  le 
pie  cube  d'eau  vaut  36  pintes ,  huitième 
de  288  ;  &  quand  le  muid  d'eau  n'efl 
évalué  qu'à  280  pintes ,  le  pie  cube  ne 
vaut  que  35  pintes,  {K) 

PlÉ  DE  VENT  ,  phénomène  dont  on 
trouve  la  defcription  dans  lliifloire  de 
l'académie  des  fciences  de  1732.  Il  confilc 
dans  un  arrangement  de  nuages  fur  diffé- 
rentes lignes  y  qui  étant  prolongées  con- 
courroient  à  deux  points  oppofés  de  l'ho- 
rizon ,  comme  les  méridiens  d'un  gîobe 
fe  réuniiïènt  aux  pôles.  "  Lorique  le  ciel 
M  n'efl:  pas  ,tout-à-fait  fêrein  ,  ni  entié- 
j>  rement  couvert ,  il  eft  rare ,  quand  on 
?j  y  fait  bien  attention  >  que  les  nuages 
?j  ne  paroiffent  pas  afîèâ:er  cette  difpo- 
»  fition  plus  ou  moins  fenfibkment,  C'eil 
>>  d'ordinaire  au  point  de  réunion  vers 
9i  l'horizon  ,  qu'elle  eft  la  plus  remarqua- 
»  ble  .,  &  quelquefois  elle  ne  l'eft  pas 
j,9  ailleurs  ;  .c'eft  pour  cela  qu'il  faut,  fur- 
»    tout  lorfqu'on    n'a  pas   pris   l'habitude 

V  d'obferver  le  phénomène  j  un  horizon 
?j  fort  étendu  pour  le  voir  diftinâement. 
«  Souvent  le  point  de  réunion  eft    très- 

V  fenfible ,  &  les  nuages  qui  en  partent 
>i  femblent  s'écarter  en  tout  fens  ,  en 
jj  forme  d'éventail ,  ou  d'un  côté  de  l'ho- 
;>  rizon  feulement  ,  tandis  que  l'autre 
■>■)  côt,é  eft  fans  aucun  nuage  ;  ou  àts 
7i  deux  côtés  de  l'horizon  à  la  fois ,  & 
?j  alors  un  des  •  deux  centres  eft  d'ordi- 
j>  naire  plus  apparent  que  l'autre.  Ils  ne 
p  font  pas  toujours  diamétralement  oppo- 


P  I  E 

»  Ces  '.  quelquefois  l'ordre  des  nuages  fe 
))  trouble  &  fe  confond  ,  &  l'on  apperçoit: 
)j  pendant  quelque  temps ,  deux  dift^érens 
>j  points  de  concours  du  même  côté  de 
»  l'horizon  ,  jufqu'à  ce  que  l'un  des  deux 
»  difparoifl"e  &:  cède  ,  pour  ainfi  dire  ,  la 
»  place  à  l'autre.  Divers  nuages  ,  difpofés 
»  parallèlement  les  uns  aux  autres  &  à 
«  l'horizon  à  perte  de  vue  ,  ce  qui  eft 
»  l'arrangement  naturel  que  le  vent  leur 
»  donne ,  doivent ,  fuivant  les  règles  de 
y>  l'optique  ,  nous  paroître  concourir  à 
7)  deux  points  oppofés  de  l'horizon.  On  ne 
«  doit  pas  regarder  ce  phénomène  comme 
»  une  autre  forte  de  météore  ;  mais  on 
»  doit  le  ranger  dans  la  clafTe  des  phé- 
«  nomenes  que  les  nuées  repréfentent 
»  par  leur  différente  fituation.  »  EJpii 
de  phyjique  ,  de  Me  th.  page  J  £  i.  § 
Z£Z4. 

PlÉ,  on  appelle  en  terme  de  blason  , 
pi^  de  Vécu  y  la  pointe  ou  partie  infé- 
rieure de  l'écu  ;  &  on  dit  qu'un  animal 
eft  en  pié  y  pour  dire  qu'il  eft  pofé  fur 
{es  quatre  pies.  Lorfqu'il  ne  paroît  que  les 
trois  fleurons  de  lis ,  &  que  le  pié  qui  eft 
au  delTous  en  eft  retranché  ,  on  dit  pié 
coupée  pié  nourri.  On  appelle  pié  fiché  ^ 
celui  qui  efl  pointu  &  propre  à  ficher  en 
terre. 

Pié  ,  (  Chaffe.  )  Ceft^  par  le  pzV  qu'un 
bon  chaffeur  peut  connoître  les  différentes 
bêtes  &  leurs  différens  âges. 

Les  vieux  cerfs  ont  ordinairement  la 
foie  du/>/>'grande  &  de  bonne  largeur,  le 
talon  gros  &  large  ,  la  comblette  ouverte  , 
la  jambe  large  ,  \es  os  gros  ,  courts  & 
non  tranchans  ,  la  pi^ce  ronde  &  grofîe , 
&  ne  font  jamais  aucune  faufle  démarche  , 
ce  qui  arrive  Ibuvent  aux  jeunes.  Outre 
ce  ,  les  vieux  cerfs  n'avancent  jamais  le 
pié  de  derrière  plus  avant  que  celui  de 
devant ,  au  lieu  que  les  jeunes  le  paftent 
toujours.  La  biche  a  le  pié  fort  long  , 
étroit  &  creux ,  &  le  talon  fi  petit  ,  qu'il 
n'y  a  pas  de  cert  d'un  an  qui  ne  l'ait  aufli 
gros. 

On  reconnoît  dans  les  chevreuils  les 
mâles  des  femelles  au  piéj  les  mâles  ont 
ordinairement  plus  de  pié  devant  que  les 
chevrettes  ,  le  tour  des  pinces  en  efl  plut 
rond ,   &  le  pié  plus  plein  ;  au  lieu   que 


i 


< 


PIE 

les  femelles  les  ont  creux  &  les  côtés 
moins  gros  que  les  mâles  ,  qui  ont  aufll 
le  talon  &  la  jambe  plus  larges  ,  &  les  os 
plus  gros  &  tournés  en  dedans. 

La  trace  du  fanglier  fe  diflingue  d'avec 
celle  d'une  laie  ,  en  ce  que  lorfque  la  laie 
cft  pleine  ,  elle  pefe  beaucoup  en  mar- 
chant ,  va  ordinairement  les  quatre  pies 
ouverts ,  &  a  les  pinces  moins  grolTes  que 
n'a  le  fanglier  qui  va  la  trace  ferrée  ;  elle 
a  aulïi  les  gardes  ,  la  foie  &:  le  talon  plus 
larges ,  les  côtés  plus  gros  &  plus  ufés , 
ks  allures  plus  longues  &  plus  aflurées  , 
mettant  les  pies  plus  aifément  dans  une 
même  diftance.  Dans  la  faifon  du  rut  ,  les 
laies  ont  les  allures  auffi  longues  que  le 
fanglier  ;  mais  la  trace  du  mâle  eft  plus 
repde  &  mieux  faite.  Il  y  a  auffi  une 
différence  entre  le  fanglier  en  fon  tiers 
an  ,  &  celui  en  fon  quart  an  ;  celui 
en  fon  tiers  an ,  a  la  foie  moins  pleine  , 
&  a  les  côtés  de  la  trace  plus  tranchans  , 
&  les  pinces  moins  grofîès  &  plus  tranchan- 
tes ;  le  fanglier  en  fon  quart  an  ,  a  les  gardes 
plus  larges  ,  plus  ufées  &  plus  près  du 
talon  ;  les  allures  en  font  plus  longues  ,  & 
le  pie  de  derrière  demeure  plus  éloigné 
que  celui  de  devant  ;  au  lieu  que  le  fan- 
glier en  fon  tiers  an  rompt  une  partie  de 
fa  trace ,  &  va  les  pies  plus  ouverts.  Les 
vieux  fangliers  mirés  ont  encore  les  gardes 
plus  larges  ,  plus  grolTes  &  plus  ufées  ; 
elles  approchent  plus  auffi  du  talon ,  & 
font  plus  bas  jointées  ;  &  ils  vont  les 
quatre  pies  plus  ferrés. 

On  diflingue  par  le  pie  le  fanglier  du 
cochon  domeftique  ,  en  ce  que  les  pour- 
ceaux privés  vont  toujours  les  (\uzîrQ  pies 
ouverts  ,_  &  les  pinces  pointues  &  fans  ron- 
deur :  mais  les  bêtes  noires  vont  les  pies 
plus  ferrés  ,  fur-tout  ceux  de  derrière  ; 
ils  ont  les  pinces  plus  rondes  &  mieux 
faites  ,  &  le  pie  plus  creux  que  ceux  des 
porcs  privés  ,  qui  l'ont  ordinairement  plein , 

&  n'appuient  pas  du  bout  de  la  pince 
comme  les  fauvages ,  qui  ont  le  talon  ,  la 
jambe  &  les  gardes  plus  larges  ,  &  qui 
s'écartent  beaucoup  plus  que  ceux  d'un 
pourceau  fauvage ,  qui  a  les  gardes  petites 

&  piquantes  ,    droites  en  terre. 
On  diftingue  les  traces  d'un  vieux  loup 

d'avec  celles  d'un  chien ,  parce  que  le  loup , 


P  I  E  783 

quand  il  va  d'afTurance  ,  a  toujours  le  pié 
très-ferré ,  au  lieu  que  celui  du  chien  c[\ 
toujours  fort  ouvert,  &  qu'il  a  le  talon 
moins  gros  &  moins  large  que  le  loup , 
&  les  deux  grands  doigts  plus  gros  ,  quoi- 
que les  ongles  du  loup  foient  plus  gros  & 
enfoncent  plus  avant  en  terre;  outre  que 
les  loups  forment  en  defîbus  trois  petites 
tofîetres,  ce  que  celui  du  chien  ne  fait 
pas.  Le' loup  a  auffi  plus  de  poils  fur  le 
pié  que  le  chien  ,  &  les  allures  en  font 
bien  plus  longues  ,  mieux  réglées  &  plus 
afTurées. 

Le  pié  du  loup  diffère  de  celui  de  la 
louve ,  en  ce  que  celle-ci  a  les  ongles^ 
moins  gros  que  le  loup.  Les  jeunes  loups 
fe  connoiffent  aux  liaifons  à^spiés  qui  ne 
font  point  fi  fortes  que  celles  des  vieux 
loups  ;  ce  qui  fait  que  les  jeunes  ont  le 
pié  plus  ouvert ,  des  ongles  plus  petits  & 
plus  pointus ,  &  que  leurs  allures  ne  font 
pas  fi  réglées  ni  fi  longues. 

Le  pié  du  blaireau  diffère  beaucoup  de 
celui  des  autres  animaux  qu'on  chaffe ,  ce 
qui  en  rend  la  connoiffancc  aifée  ;  il  a  les 
doigts  du  pié  tous  égaux  &  le  talon  fort 
gros  ;  il  pefe  du  pié  quand  il  marche  ,  & 
le  fait  porter  également  à  terre. 

Pié  ,  en  géométrie  y  {Arpentage  ,  Com- 
merce ) ,  &c.  efl  une  mefiH-e  convenue 
dans  chaque  royaume  ou  état  gouverné 
par  fes  propres  loix ,  pour  évaluer  ou  dé- 
terminer des  longueurs  ;  le  pié  françois 
confient  douze  pouces.  Voye\  MESURE  Ù" 
Pouce.  ^ 

Les  géomètres  divifent  le  pié  en  dix: 
doigts  ,  le  doigt  en  dix  lignes  ,  &c. 

Les  Anglois  divifent  leur  pié  comme 
nous  ,  en  douze  pouces  ,  &  le  pouce  ea 
douze  lignes.  Voye:^  LiGNE. 

Un  pié  quarré  eff  une  furface  rédan- 
gulaire  dont  la  longueur  &  la  largeur  fbnt 
égales  à  un  pié  ;  ce  pié  contient  144^ 
pouces  quarrés.  Voye^  QuARRÉ. 

Le  pié  cube  ou  cubique  a  ks  trois  di-- 
menfions  égales  chacune  à  un  pié  y  il  con- 
tient 1728  pouces  cubes.  Voye^  Cube  ù^ 
Cubique. 

Table  de  la  pfoportion  du  poids  de 
différens  corps  ou  matières  réduites  à  ]» 
groffeur  du  pié  cube^ 


g84  PIE 

Ta     BLE. 

Un  p^^'  <^"^^  <i'oi"  P^^^  ï   •  •  •   ^3^^  !• 

Un  />/V'  cwèe    d'argent  ,    •    •  •    744- 

Un  pie  cube   de  cuivre  ,    .  •   •    648. 

Un  pi.c  cube   d'étain  ,    .    .  .   .    576. 

Un  pic  cube  de  plomb  ,   .   .   .   829. 

Un  /'/Vcw^e  de  vif  argent ,  .   .   ^77,  '. 

Un  pie  cube  de    terre  ,    .   .  .   •  95*  î* 

Un  pié cube  de  fable  de  rivière  ,  132. 

Un  pié  cube  de  lable  de  terre  & 

de  mortier  , 12.0. 

Un  pié  cube   de  chaux  ,  .  .   .   .  59. 

Un  pié  cube  de  plâtre  ,  .    .   .  .  85. 

Un  pié  cube  de  pierre  commune  ,  140. 
de  pieiTC  de  Hais ,  .  .  .  .  165. 
âe  pierre  de  .  Sain t-L^*u  ,    .   115. 

Un  pié-  cube  de  marbre ,   .    .  .   252. 

Un  pié  cut'f    d'ardoiie ,    .   .  .    156. 

Un  pié  cube  d'eau  douce ,  .   .   .  72. 

d'eau  de    mer  , 73    '• 

de  Vin  ,  .  .  . 70  ! . 

d'huile, 66  i. 

Enfin  un  pié  cube  de  lel  ,   .   .    iio. 

Pié  ,  (  Mefure  de  longueur.  )  mefure 
pri{è  fur  la  longueur  du  pié  huinain  .  qui 
efl:  différent  félon  les  lieux.  On  appelle 
aufli  pié  un  inftrument  en  forme  de  petite 
règle  ,  qui  a  la  longueur  de  cette  mefure  , 
&  fur  laquelle  fes  parties  (ont  gravées. 

On  confidere  les  pies  comme  antiques 
ou  comme  modernes  ,  &  c'eft  cette  divi- 
fion  que  nous  allons  fuivre  en  rapportant 
les  pies  ufités,  félon  qu'ils  ont  été  déter- 
minés par  Suellius  ,  Riccioli ,  Scammozzi , 
Petit ,  Picard  ,  &c.  Les  uns  &  les  autres 
font  réduits  au  p/V-de-roi  ,  qui  efl  une 
mefure  établie  à  Paris  &  en  quelques  autres 
villes  de  France;  elle  contient  144  lignes. 
Ce  pié  efl  diviie  en  douze  pouces ,  le  pouce 
en  douze  lignes  ,  &  la  ligne  en  douze 
points.  Ainfi  ce  pié  eft  divifé  en  1728 
parties.  Six  de  ces  pies  font  la  toifc.  On 
le  fert  de  palmes  &  de  brvifles  au  lieu  de 
pies  en  quelques  villes  d'Italie.  Toutes 
ces  mefures  iont  principalement  utiles  pour 
rir.telligence  des  livres  ,  des  deffins  ,  & 
des  ouvrages  d'archite(3:ure  de  divers  lieux. 

Pies  antiques  par  rapport  au  pié-de-roi. 

Pie  d'Alexandrie ,  13  pouces  2  lignes 
2.  points. 


P  î  E 

Pié  d'Antioche  ,  14  pouces  1 1   lignes 

2  points. 

Pié  arabique  ,  I2  pouces  4  lignes. 

Pié  ba'n'lonien  ,  12  pouces  i  ligne  & 
6  points.  Selon  Capellus,  14  pouces  8  lignes 
&  demie  ;  &  félon  M.  Petit  ,  12  pouces 

10  lignes  &    6  points. 

Pié  grec,  II  pouces  5  lignes  6  points  ; 
&  félon  M.  Perrault ,  1 1  pouces  3  lignes. 
P/Vhcbreu  ,  13  jrouces  3  lignes.  -  ^ 

Pié  romain.  Selon  Vilalpande  &  Ric- 
cioli ,  ce  pié  2i  II  pouces  i  ligne  8  points  ; 
félon  Lucas  Pœtus  ,  au  rapport  de  M.  Per- 
rault ,  &  félon  M.  Picard ,  10  pouces  10 
lignes  6  points  ,  qui  eft  la  longueur  du  pié 
qu'on  voit  au  Capitole  ,  &  qui  apparem- 
ment efl  la  mefure  la  plus  certaine  du  pié 
romain.  Malgré  ce  témoignage  ,  M.  Petit 
penfc  que  ce  pié  doit  être  de  II  poucBs. 

Pies  modernes  par  rapport  au  pié-de-roi* 

Pié  d'Amflerdam  ,   10  pouces  5  lignes 

3  points. 

Pié  d'Anvers  ,   IQ  pouces  6  lignes. 

Pié  d'Avignon  &  d'Aix  en  Provence , 
9  pouces  9  lignes. 

Pie  d'Ausbourg  en  Allemagne ,  10  pou- 
ces II  lignes  3  points. 

Pié  de  Bavière  en  Allemagne ,  10  pouces 
8  lignes. 

Pié  de  Befançon   en  Franche-Comté  y 

1 1  pouces   $  lignes  2  points. 

Pie  ou  brafîe  de  Bologne  en  Italie ,  14 
pouces    félon  Scammozzi  ,  &   14  pouces 

1  ligne  (uivant   M.  Picard. 

Pié  de  Brefîè ,  17  pouces  7  lignes  & 
6  points,  félon  Scammozzi ;&  17 pouces 
5  lignes  4  points ,  félon  M.  Petit. 

Pié  ou  dérab  du  Caire  en  Egypte  ,  20 
pouces  6  lignes. 

Pié  de  Cologne  ,   10  pouces  2  lignes. 

Pi^  de  Franche-Comté  êc  Dok  ,  13 
pouces  2  lignes  î  points. 

Pié  ou  pic  de  Conflantinople  ,  24  pouces 
5  lignes. 

Pié  de  Copenhague  en  Danemarck  ,  10 
pouces  9  lignes  6  pomts. 

Pi/é  de  Cracovie  en  Pologne  ,  10  pouces 

2  lignes. 

Pié  de  Dantzick  en  Pologne  ,  10  pouces 

4  lignes   6  points,  félon  M.  Petit;  &  10 
pouces  7  lignes ,  félon  M.  Picard. 

Pid 


P  I  E 

Pic  de  Dijon  en  Bourgogne  ,  ir  pouces 
7  lignes  2  points. 

Pie  de  Florence  ,  20  pouces  8  lignes 
6  points,  félon  Maggi  ;  21  pouces 4  lignes 

6  points ,  félon  Lorini  ;  22  pouces  8  lignes , 
filon  Scamraozzi,  &  21  pouces  4  lignes, 
(èlon  M.  Picard. 

Pie  de  Gênes ,  9  pouces  9  lignes. 
Pie  de  Genève,  18  pouces  4  points. 
Pié  de  Grenoble  en  Dauphiné ,  1 2  pouces 

7  lignes  2  points. 

Pié  de  Heidelbcrg  en  Allemagne,  10 
pouces  2  lignes  ,  félon  M.  Petit  ;  &  10 
pouces  3  lignes  6  points ,  fuivant  une  mefure 
originale. 

Pié  de  Lcipfick  en  Allemagne ,  1 1  pouces 
7  lignes  7  points. 

Pié  de  Leyden  en  Hollande  ,  ou  pie 
rhénan  ,  n  pouces  ,  7  lignes.  Ce  pie  îcn 
de  mefure  à  tout  le  feptentrion  *,  fa  proportion 
avec  le  pié  romain  eft  comme  de  950  à 
1000.  Voye\  Cafimir  ,  qui  dans  (à  pyro- 
thccnie  a  fait  fà  rédudion  au  j^ie  rhénan ,  de 
tous  les  autres  pies  des  plus  fameufcs  villes 
de  l'Europe. 

Pié  de  Liège  ,  10  pouces  7  lignes  6 
points. 

Pié  de  Lisbonne  en  Portugal,  n  pouces 
7  lignes  7  points  ,  félon  Suellius. 

Pié  de  Londres  &  de  toute  l'Angleterre , 
1 1  pouces  3  lignes  ,  ou  1 1  pouces  2  lignes 
6  points,  félon  M.  Picard  ;  &  fuivant  une 
mefure  originale  ,  n  pouces  4  lignes  6 
points.  Le  pouce  d'Angleterre  fe  divife  en 
dix  parties  ou  lignes. 

Pié  de  Lorraine,  10  pouces  J  lignes  2 
points. 

Pié  de  Lyon  ,  12  pouces  7  lignes  2 
points  ,  félon  M.  Petit  ;  &  12  pouces  7 
lignes  6  points  ,  félon  une  mefure  origi- 
nale. Sept  pies  &  demi  font  la  toife  de 
Lyon. 

Pié  de  Manheim  dans  le  Palatinat  du 
Rhin  ,  10  pouces  8  lignes  7  points  ,  félon 
une  mefure  originale. 

Pie  de  Mantoue  en  Italie ,  17  pouces  4 
lignes ,  fuivant  Scammozzi. 

Pié  de  Mâcon  en  Bourgoj^ne,  12  pouces 
4  lignes  3  points.  Il  en  faut  fept  &  demi 
pour  la  toife. 

Pié  de  Mayence  en  Allemagne  ,  1 1  pou- 
ces I  ligne  6  points. 
Tome  XXV. 


PIE  7^y 

Pié  de  Middelbourg  en  Zélande  ,  1 1  pou- 
ces I  ligne. 

Pié  de  Milan  ,  22  pouces, 

Pié  de  Naples  ,  eft  une  palme  de  8  pouces 
7  lignes ,  félon  Riccioli. 

Pié  de  Padoue  en  Italie ,  13  pouces  i  li- 
gne ,  (clon  Scammozzi. 

Pié  de  Palerme  en  Sicile  ,  8  pouces  Ç 
lignes. 

Pié  de  Parme  en  Italie  ,  20  pouces  4 
lignes. 

Pié  de  Prague  en  Bohême ,  1 1  pouces  i 
ligne  8  points. 

Pié  du  Rhin  ,  11  pouces  Ç  lignes  3 
points ,  félon  Suellius  &  Riccioli  ;  1 1  pouces 

6  lignes  7  points ,  félon  M.  Petit  ;  1 1  pouces 

7  lignes ,  félon  M.  Picard  ,  &  1 1  pouces 
7  lignes  &  demie  ,  fuivant  une  mefùrc 
originale.  On  en  a  trouvé  une  féconde 
en  fouillant  les  ruines  d'Herculanum  ;  oa 
dit  que  c'eft  une  verge  pliante  de  bronze , 
dans  laquelle  le  /j/V  romain  eft  partagé  en 
pouces  &  en  lignes  ;  de  cette  manière 
on  faura  définitivement  l'étendue  du  pié 
romain. 

Pié  de  Rouen  ,  femblable  au  pié", 
de-roi. 

Pié  de  Savoie  ,  10  pouces. 

Pié  de  Sedan  ,  10  pouces  3  lignes. 

Pfé  de  Sienne  en  Italie  ,  21  pouces  8 
lignes  4  points. 

Pié  de  Stockholm  en  Suéde  ,  12  pouces  I 
ligne. 

Pié  de  Strasbourg  ,  10  pouces  3  lignes 
^points. 

Pié  de  Tolède  ,  ou  pié  caflillan  ,  lï 
pouces  2  lignes  2  points  ,  félon  M.  Ric- 
cioli; &  10  pouces  3  lignes  7  points ,  (èloa 
M.  Petit. 

Pié  trévifan  dans  l'état  de  Venife,  14 
pouces  6  points ,  félon  Scammozzi. 

Pié  de  Turin  ou  de  Piémont ,  16  pouces  ,' 
félon  Scammozzi. 

Pié  de  Venifè,  12  pouces  10  lignes  , 
félon  Scammozzi  &  Lorini  ;  12  pouces  S 
lignes  ,  félon  M.  Petit  ;  &  1 1  pouces  1 1 
lignes ,  (iiivant  M.  Picard. 

Pié  de  Vérone ,  égal  à  celui  de  Veni(è. 

Pié  de  Vicence  en  Italie  ,  13  pouces  2 
lignes ,  (èlon  Scammozzi. 

Pié  de  Vienne  en  Autriche ,  1 1  pouces  8 
lignes. 

OggZë  - 


7?^  PIE 

Pié  de  Vienne  en  Dauphiné,  1 1  pouces  1 1 
lignes . 

Pie  d'Urbin  &  de  Pezaro  en  Italie  ,  13 
pouces  I  ligne ,  félon  Scammozzi. 

Pie  félon  fes  dimenjions . 

Pié  courant  ;  c'eft  lej^/^'qui  eft  mefui-c  fui- 
vant  fa  longueur. 

.  Pic  quarré  ;  c'eil  un  pié(\m  eft  compofe  de 
la  multiplication  de  àc\MX.piés.  Ainfimip/f 
étant  de  12  pouces ,  un  piV quarré  efî  de  144. 
ponces  ,  nombre  qui  provient  de  12  multi- 
plié par  12. 

Pié  cube;  c'efl  un i^zV qui  contient  1728 
pouces  cubes  ,  nombre  qui  eft  formé  du  pro- 
duit du />2Vquarrc  par  le  jp/V  fimple. 

Comme  nous  écrivons  pour  tous  les  peu- 
ples ,  &  qu'il  pourroit  y  avoir  des  étran- 
gers qui  ignoreroient  le  rapport  &  la  diffé- 
rence du/» /V  qui  efl  en  ufage  chez  eux  au 
/>/V-de-roi ,  que  nous  avons  pris  ici  pour 
règle  ,  il  convient  d'ajourer  encore  une  table 
qui  puifTe  aid^r  tout  le  monde  à  évaluer  les 
différensp/V'j' H  celui  de  Paris.  Nous  avons 
dit  qu'il  fe  divifoit  en  douze  pouces ,  &  cha- 
que pouce  en  douze  lignes.  Si  donc  on  fup- 
pofe  chaque  ligne  divifée  en  dix  parties  ,  on 
aura. 


Lep/Vde  Paris  ,  de  .  .  . 
Le  pié  de  Bologne  ,  de  . 
Le  pie'àt  Danemarck ,  de 
Le  pié  de  Rhin  ou  de  Leyden 

de 

Le  pié  de  Londres  ,  de 
Lej3/V  de  Suéde  ,  de  . 
Le  pié  romain  du  capltole, 
Le  pié  de  Dantzick ,  de 
Le  pié  d' Amfterdam  ,  de 
Le  palme  de  Naples  ,  de 
Le  palme  de  Gênes  ,  de 
Le  palme  de  Paierme ,  de 
Le  palme   romain  ,    de  . 
La  braffe  de  Bologne  ,  de 
La  brade  de  Florence  à  terre  , 

de . 

La  braïïe  de  Parme  &  de  Plai- 

fance ,  de 


La  braflê  de  Reggio,  de  . 
La  brafle  de  Milan  ,  de  . 
La  braffe  de  BreOe  ,  de  . 
La  brafle<  de  Mantoue  ,  de 
Le  pié  de  Rome ,  de  ,  .  . 


Parties, 

1440. 
16*2. 
1404. 

1390. 
1350. 
I3IO. 
1306. 
1272. 
1258. 
I169. 
III3. 
1073. 
990. 
2640. 

2430. 

2423. 
2348. 
21 56. 
207^. 
2062. 
1320. 


pie  de  Leiplick  ,  de  . 
pié  de  Cologne  ,  de  . 
■  pié  de  Bavière,  de  . 
i^Q  pié  d'Ausbourg  de 
Le  pié  de  Lisbonne  ,  de  .  .  . 
Le  pié  de  Vienne  en  Autriche , 
de 


de 

Le  pié  de  Prague ,  de  .  . 
Le  pié  de  Cracovie ,  de 


Le  pié  ae  v^racovie ,  at 
Le  pié  de  Savoie ,  de  .  .  .  . 
Le  pié  de  Genève  ,  de  .  .  . 
^des  Hébreux,  de 
A.,^:»..  ^:j  J  jjgg  Grecs,  de  . 

'  des  Romains ,  de 


Ancien 


3140. 

1282 1. 

1346  U 
1820. 

1397. 

Ï220. 
1280, 

I313. 
1397. 

1400. 

^338. 
1580. 

1440. 
2592. 
1590. 
1350. 
1306. 


Quand  les  Allemands  n'expriment  point 
la  forte  de  pié  dont  ils  (è  fervent ,  il  faut 
l'entendre  du  pié  rhinlandique.   (  Le  chev, 

DE  JauCOURT.) 

PlÉS  DROITS,  {Marine.)  ce  font  des 
étances  paffées  fur  le  fond  de  cale  &  fous 
quelques  baux  ,  dans  les  plus  grands  vaif» 
ieaux  où  il  y  a  des  broches  taillées  comme 
celle  d'une  crémaillère  ,  par  où  [qs  mate- 
lots montent  &  defccndent  avec  le  fecours 
d'une  tirevicille. 

Pié  marin,  {Marine.)  avoir  le  pié 
marin  y  fe  dit  d'un  homme  de  mer  qui 
a  le  pié  fi  iûr  &  fi  ferme  ,  qu'il  peut  le 
tenir  debout  pendant  le  roulis  d'un  valA- 
feau. 

Il  fe  dit  auffi  de  celui  qui  entend  bien  là  na- 
vigation, &  qui  efi:  fait  aux  fatigues  de  la  mer- 
Lorfqu'un  officier  a  le  piémariny  les  gens  de 
l'équipage  ont  bien  pluo  de  confiance  dans  fa 
conduite. 

Pié  FORT,  terme  de  monnaie ^  ce  mof 
fe  dit  d'une  pièce  d'or  ,  d'argent ,  ou  d'autre 
métal  ,  plus  forte  ou  plus  épaifîe  que  les 
monnoics  ordinaires,  quoique  prefque  tou- 
jours frappée  au  même  coin ,  mais  qui  n'a 
point  de  cours  dans  le  commerce  ,  cX)rame 
\ts  autres  efpeces. 

Ce  font  les  monétaires  ou  monnoyeurs 
qui  \qs  font  frapper  par  curiofité  ,  foit  pour 
garder  ,  foit  pour  les  donner  à  leurs  amis. 
On  voit  à  Paris ,   dans  les  cabinets  des 


PIE 

curieux ,  des pUs  forts  de  quatre  louls  d'or ,  '  ' 
de  huit ,  de  douze  ,   &  de  lèize ,  prefque 
tous  gravés  par  le  célèbre  Varin  ,  cet  habile 
artifte ,  à  qui  la  monnoie  de  France  eft  rede- 
vable de  fa  perfedion. 

Outre  les  pies  forts  qui  font  frappés  fur 
de  l'or  ,  on  en  a  auiîi  quantité  d'argent  &  de 
cuivre  gravés  par  cet  exxellent  graveur  ,  qui 
égalent  les  beautés  des  médailles  le  plus 
eflimces.  Boifard.  {D.  J.) 

PlÉ  ,  f.  m.  {MMiufacture.)  ce  mot  fe  dit 
de  la  partie  inférieure  des  rots  ,  qui  fervent 
à  la  fabrique  des  étoffes  &  des  toiles;  la 
partie  fupérieure  s'appelle  la  tête. 

PlÉ  ,  {mefure  d'ciwriers.)  mefure  de 
cuivre  ,  de  fer ,  de  bois  ,  ou  de  quclqu'autre 
matière  que  ce  foit,  qui  fert  à  la  plupart  des 
ouvriers  ,  entr'autres  aux  charpentiers  , 
menuiGers ,  maçons ,  couvreurs  &  autres 
fcmblables  ,  pour  melurer  les  ouvrages. 

Il  y  a  de  ces  pies  "qui  font  tout  d'une 
pièce  ,  d'autres  qui  fe  plient  &  font  brifés  , 
d'autres  encore  qui  en  s'ouvrant  portent 
leur  équerre.  Ce  font  hs  faileurs  d'infîru- 
mens  de  mathématiques  qui  font  ordinai- 
rement les  pies  de  cuivre  ;  ils  en  font  ' 
auffi  d'argent  pour  mettre  dans  des  étuis 
portatifs  :  les  uns  &  les  autres  font  di- 
vifés  en  pouces ,  &  le  premier  pouce  en 
lignes. 

Les  pies  de  fer  ou  d'ouvrage  commun  fe 
vendent  par  les clincaillers.  (D.  J.) 

PlÉ  DROIT,  f  m.  {Archic.)  c'eil  la 
partie  du  trumeau  ou  jambage  d'une  porte 
ou  d'une  croifée  ,  qui  comprend  le  bandeau 
ou  chambranle  ,  le  tableau  ,  la  feuillure  , 
l'erabrafure  ,  &  l'écoinçon  ;  on  donne  aulTi 
ce  nom  à  chaque  pierre ,  dont  le  pic  droit  efl 
compofé. 

PlÉ  DE  FONTAINE  ,  f.  m.  {  Archit.) 
cfpece  de  grcs  balufîre,  ou  piédeftal  rond 
ou  à  pans  ,  quelquefois  avec  des  conloles 
ou  àts  figures  ,  qui  fert  à  porter  une  coupe 
ou  un  baiiin  de  fontaine  ,  ou  un  chandelier. 
Il  y  a  dans,  la  colonnade  Àt  Verf ailles 
trente  &  un  pies  ,  qui  foutiennent  autant  de 
baffins  de  marbre  blanc. 

PlÉDEMUR,  [Archit.  )  c'eft  la  partie 
inférieure  d'un  mur ,  comprife  depuis  l'empâ- 
tement du  fondement  jufqu'au  deiTus,  ou  à 
hauteur  de  retraite. 


PIE  7^7 

Plé-DE-CIIEVRE,  terme  d'ouvriers  ^ 
e(J)ece  de  pince  de  fer  ,  recourbée  &  re- 
fendue par  le  bout  ,  dont  les  charpen-  ■ 
fiers  ,  maçons  ,  tailleurs  de  pierre  ,  & 
autres  ouvriers  ,  fe  fervent  pour  remuer 
leurs  bois  ,  leurs  pierres  ,  &  femblabies  ' 
fardeaux.  a 

Pies  de  devant^  de  derrière. 

Voye\  V article  Bas  AU  MÉTIER. 

PiÉ-DE-CHEVRE  ,  {Ckarpent.)  c'efl 
une  troifieme  pièce  de  bois  ,  qui  lert  à  en  ap- 
puyer deux  autres  quicompofent  le  montant 
de  la  machine  qu'on  appelle  cr/i^ï^'re  &  qui  efl 
■propre  à  élever  des  fardeaux  :  les  charpentiers 
ajoutent  cette  troifieme  pièce  de  bois,  pour 
fervir  de  jambe  i  la  machine  appeilécr 
chei^re ,  lorfqu'on  ne  peut  l'appuyer  con- 
tre un  mur  ,  pour  enlever  un  fardeau  de 
peu  de  hauteur  ,  comme  une  poutre  fur 
des  trétaux ,  pour  la  débiter  ,  Cv.  Dans 
leur  langage  enter  un  pie-  de  -  chèvre  , 
cd\  une  manière  d'afl'embler  dont  ils  fè 
fervent  pour  alonger  des  pièces  de  bois. 
{D.J.)  ' 

PlÉ-CORNIER  ,  [Charpent.)  ce  mot 
fe  dit  des  longues  pièces  de  bois  qui  font 
aux  encoignures  des  pans  de  charpente  ; 
on  le  dit  autll  des  quatre  principales  pièces 
qui  font  l'afl'emblage  d'un  bateau  ,  d'un  car- 
rolTe  ,  qui  foutiennent  l'impériale  ,  où  l'on 
attache  les  mains  ,  où  l'on  pafle  les  fou- 
pçntes. 

PlÉ  DE  CIRE,  (Cirerie.)  c'efl  ainfi 
qu'on  appelle  le  fédiment  o^  ordure  de  la 
cire  qui  s'échappe  à  travers  la  toile  ,  ou  par 
les  trous  du  prelToir,  &  qui  tombe  au  fond 
des  m.oules  où  l'on  a  jeté  la  cire  étant  encore 
chaude.  On  le  fert  d'un  couteau  ou  d'un  au- 
tre inllrument  fait  exprès  pour  féparer  la 
bonne  cire  d'avec  le  pie' de  cire  y  qui  fe  trouve 
toujours  au  defTous  des  pains  ,  après  qu'on 
les  a  retirés  des  moules  ;  moins  la  cire  a 
de  pic  ,  &  plus  elle  eu  efîimée.  Diclionn. 
de  Comm. 

PlÉ  d'ÉTAPLE  ,  (  Cloiuier.  )  eft  un 
inflrument  de  fer  pointu  par  en  bas ,  & 
enfoncé  dans  le  bloc  qui  fert  d'établi  aux 
cloutiers;  cd^  inflrument  à  dix-huit  pouces 
ou  environ  de  hauteur  ,  Se  quatre  pouces 
de  largeur  ;  il  efl  quarré  dans  toute  (à 
longueur  ,  excepté  par  en  haut ,  où  il  eft 
1  plus  long  que  large  ,  &  fe  termine  en 
Ggggg  2. 


n  PIE 

pince  d'un  côté.  Le  pie  d'étaple  a  au  côté 
oppofé  à  la  pince  une  ouverture  dans  la- 
quelle on  introduit  laclouillere  ,qui  de  l'autre 
côté  éft  pofée  fur  la  place. 

PlÉ ,  (  Dentelle.  )  ce  mot  fè  dit  d'une 
dentelle  très-bafïê  ,  qui  fe  coud  à  une  plus 
haute  ,  engrelure  contre  engrelure. 

Pi É-DE- CHEVRE  ,  {Ferblantier?}  outil 
de  ferblantier  ,  c'eft  un  morceau  de  fer  qui 
cjfl  fait  à  peu  près  comme  un  tas ,  à  l'excep- 
tion qu'il  eft  plus  haut  fur  fon  pie ,  &  moins 
large  ;  la  face  de  defïùs  efl  fort  unie.  Il  fert 
aux  ferblantiers  pour  former  des  plis  &  replis 
à  leurs  ouvrages. 

PlÉ  ,  terme  dont  plufieurs  artifîes  fe  fer- 
vent, mais  particulièrement  les  horlogers, 
les  faifeurs  d'inilrumens  de  mathématiques; 
il  lignifie  une,  petite  cheville  cylindrique  fixée 
à  une  pièce  qui  doit  tenir  à  vis  fur  une 
autre. 

Il  y  a  trois  pies  fous  la  potence  d'une  mon- 
tre ,lefquels  étant  juftes  dans  des  trous  percés 
ù  la  platine  du  deiîus  ,  empêchent  que  cette 
platine  &  la  potence  ne  tournent  fur  la  vis 
qui  \ts  tient  prefTées  l'une  contre  l'autre.  La 
fondion  des  pies  eft  la  même  dans  les  autres 
pièces  où  ils  font  ajuftés  ;  tels  font  le  coq,  les 
•barettes  ,  le  petit  coq  ,  &<:.  On  écarte  ,  au- 
tant qu'il  fe  peut ,  les  pies  les  uns  des  autres, 
afin  que  par  leur  diftance  le  jeu  qu'ils  pour- 
roicnt  avoir  dans  leur  trou  devienne  moins 
fcnfible. 

PlÉ  DE  BICHE,  {Horlogerie.)  fe  dit 
parmi  les  horlogers  ,  d'une  détente  brifée  , 
dont  le  bout  peut  faire  bafculc  d'un  côté , 
mais  non  pas  de  l'autre  ;  il  fe  dit  auffi  de 
tout  ajuflement  femblable. 

PlÉ  DE  GUIDE-CHAÎNE, fer/;îe£/'^or- 
logerie  ;  c'eft  une  efpece  de  petit  pilier  quar- 
ré  ,  rivé  vers  la  circonférence  de  la  platine 
de  deflus  d'une  montre  ,  entre  le  barillet  & 
la  fufée.  Il  a  dans  fa  largeur  une  fente,  dans 
laquelle  entre  la  lame  du  guide-chaîne  ;  il  a 
de  plus  un  trou  à  la  moitié  de  fà  hauteur , 
qui  le  traverfe  de  part  en  part ,  &  qui  efl 
à  angle  droit.  Avec  cette  fente  ce  trou 
fert  à  loger  une  goupille  ,  qui  paflànt  à 
travers  un  trou  femblable  percé  dans  la 
lame  du  guide-chaîne  ,  l'empêche  de  for- 
tir  de  cette  fente  ,  en  lui  laiflant  cependant 
la  hberté  de  tourner  fur  la  goupille ,  & 
lie   s'approcher  ©u  de  s'éloigner  un  peu 


V  I  E 

de  la  platine.   Voye\  G  U I D  E-CHAÎNB 

PlÉ  HORAIRE,  {Horlogerie.)  c' eft  la 
troifieme  partie  de  la  longueur  d'un  pen- 
dule qui  fait  fes  vibrations  dans  une 
féconde.  M.  Huyghens  eft  le  premier  qui 
ait  déterminé  cette  longueur ,  &  il  a  trouvé 
qu'elle  eft  à  celle  du  pie  de  Paris  ,  comme 
864  à  881.  Ce  mathématicien  compte  pour 
la  longueur  de  ce  pendule  3  pies  de  Paris  , 
8  lignes  &  demie.  Koje:^  horl.  Ofcillat, 
part.  IV.  Prop.  15  •  Huyg.  opéra  ,  tome  I. 
{D.J.) 

PlÉ  ,  {Jardinage)  eft  le  bas  de  la 
tige  d'un  arbre  ;  on  dit  encore  le  pié  d'une 
palilTade. 

PlÉ-DE-CHEVRE,  terme  d'Imprimerie^ 
s'entend  d'une  efpece  de  marteau  particulier 
aux  ouvriers  de  la  prefïè  ;  c'eft  un  morceau 
de  fer  arrondi  ,  de  la  longueur  de  fept  à 
huit  pouces  ,  fur  deux  pouces  de  diamètre , 
dont  une  des  extrémités  qui  fe  termine  en 
talon  ou  tête  de  marteau  ,  leur  fert  pour 
rfionter  leurs  balles  ,  &  à  proprement 
parler,  à  clouer  les  cuirs  fur  les  bois  de 
balle.  L'autre  extrémité  qui  eft  comme 
une  pince  aiguë  ,  courbée  ,  &  refendue  ,  " 
leur  tient  heu  de  tenailles  ,^  lorfqu'il  s'agi 
de  détacher  les  clous  &  démonter  les  baU 
les.    Voyei  BALLES  ,  BoiS  DE  BALLES  , 

Cuirs. 

Pié  de  la  LETTRE,  {Imprimerie.) 
eft  le  bout  ou  extrémité  oppofée  à  l'œil  : 
on  l'appelle  pié  ,  parce  que  c'eft  cette 
extrémité  qui  fert  de  point  d'appui  à  la  fu- 
perficie  &  au  corps  de  la  lettre  ,  qui  peut 
être  confidérée  dans  fon  tout ,  comme  ayant 
trois  parties  diftindes ,  l'œil ,  le  corps  & 
le  pié. 

Pié  de  mouche,  {Caractère  d' Im- 
primerie. )  ainfi  figuré  5-  H  fert  à  faire  con- 
noître  les  remarques  qu'un  auteur  veut  dif- 
tinguer  du  corps  de  fa  matière,  afin  que  l'on 
fâche  pour  quelle  raifon  on  s'en  fert  dans  un 
ouvrage  ;  l'auteur  doit  en  avertir  le  ledeur 
dans  fa  préfa^ce. 

Pié,  huit  pies  ,  ouvert  ,  ou  huit 

PIÉS  EN  RÉSONNANCE,  {jeu  d'orgue.) 
ce  Jeu  qui  eft  d'étain  joue  l'odave  au  dcftus 
du  bourdon ,  &  de  la  montre  de  16  pies  , 
&  l'unifïbn  du  bourdon  de  4  pies  bouché. 
Ce  jeu  eft  ouvert ,   &  a  quatre  oiâaves. 


PIE 

PlÉ,  dans  tes  orgues:  on  appelle  pzV, 
la  partie  inférieure  ,  de  forme  conique  d'un 
tuyau.  Le /»/Veft  ordinairement  de  la  même 
étoffe  que  le  tuyau  ,  &  y  efl  foudé  après 
que  le  bifeau  qui  fépare  le  tuyau  du  pie  a  été 
foudé  avec  ce  dernier.  La  Icvre  inférieure  de 
la  bouche  cil  prife  dans  le  corps  même  du 
pie  que  Ton  applatit  en  dedans  pour  les 
tuyaux  qui  ont  la  bouche  en  pointe  ;  pour 
ceux  qui  l'ont  ovale ,  c'ell  une  pièce  de  la 
forme  d'un  fegment  de  cercle  que  l'on  re- 
tranche du  pie.  La  flèche  de  ce  fedeur  , 
eft  le  quart  de  fa  corde  ;  la  pièce  retran- 
chée d'un  tuyau  fert  pour  un  autre  de  moin- 
dre grolîeur. 

On  obferve  de  donner  aux  tuyaux  des 
montres  d'orgue ,  des  longueurs  &  des  grof- 
feurs  fymmérriques ,  en  forte  que  les  bou- 
ches des  tuyaux  fuivent  des  deux  côtés  d'une 
tourelle  ou  dans  des  plates  faces  correfpon- 
dantes ,  des  lignes  également  inclinées  à 
l'horizon.  Cet  arrangement  donne  plus  de 
grâce  au  fût  d'orgue  ,  que  11  les  bou- 
ches étoient  toutes  fur  une  même  ligne  , 
ou  qu'elles  fulTent  difpofécs  irrégulière- 
ment. 

PlÉ  dans  le  cheval  y  {Maréchal.)  c*ell  la 
partie  de  la  jambe  depuis  la  couronne  juf- 
qu'au  bas  de  la  corne.  Voye\  COURONNE. 
11  ert  compofé  de  la  couronne  ,  du  fabot ,  de 
la  foie  ,  de  la  fourchette ,  &  des  deux  talons. 
Les  défauts  du  pié  font  d'être  gros ,  c'efl-à- 
dire  ,  trop  coniîdérable  à  proportion  de  la 
jambe  ;  gros  y  c'eft- à-dire  ,  que  la  corne 
en  eft  trop  mince  ;  comble  plat  y  ou  en 
écaille  d  huître  y  eft  celui  qui  n'a  pas  la 
hauteur  fufîifante  ,  &  dont  la  foie  defcend 
plus  bas  que  les  bords  de  la  corne  ,  & 
femble  gonflée;  dérobé  y  ou  mauvais  piéy  eft 
celui  dont  la  corne  eftfiufée  ou  fi  caffanre  , 
qu'on  ne  fauroit  y  brocher  des  clous.  Pié 
cncaftelé,  ï^oycîjENCASTELURE  ;  cerdé , 
voye\  Cerclé.  Pié  du  momoir  y  c'eft  le 
pié  gauche  de  devant  &  de  derrière  ;  pié 
hors  du  montoir  y  c'eft  le  droit  ;  pié  (i^c , 
eft  celui  qui  fe  refferre  ,  s'encaftele  &  fe 
cercle  naturellement.  Le  petit  pié ,  eft  un 
os  qui  occupe  le  dedans  du  pié  ,  &  qui  eft 
emboîté  par  la  corne  du  fabot.  Pié  neuf  y 
fe  dit  d'un  cheval  à  qui  la  corne  eft  reve- 
nue après  que  le  fabot  lui  eft  tombé  ;  & 
il  n'eft  plus  propre  dans  ce  cas  que  pour 


P  î  E  789 

le  labour.  Parer  le  pié  d'un  cheval  y  c'eft 
rendre  les  bords^  de  la  corne  unis ,  pour 
pofer  enfuite  le  fer  defTus.  Galoper  fur  le 
bord  ou  fur  le  mauvais  pié  y  voye\  GA- 
LOPER. On  mefure  les  chevaux  par  pié 
&  pouces  ;    le  pié    de  la    lance  y  voye:^ 

Lance. 

Fié  de  BICHE,  (Menuiferie.)  eft  un 
morceau  de  planche,  au  bout  duquel  il  y  a 
une  entaille  en  forme  de  pié  de  biche  i  il  fert 
à  tenir  l'ouvrage  fur  l'établi. 

PlÉ  DE  BICHE  ,  terme  de  Menuifier;  ils 
appellent  pié  de  biche  y  une  certaine  façon  de 
terminer  les  pies  d'une  taWe  ,  d'une  chaife , 
ou  autre  ouvrage  en  forme  du  pié  d'une  bi- 
che. (D.  J.) 

Pié  de  BICHE ,  {Orfèvrerie.)  ce  fontles 
pies  qui  fupportent  les  cafetières  d'argent  ou 
d'autres  ouvrages  de  cette  nature  ,  qu'on  ap- 
pelle ainfî  ,  parce  qu'ils  ont  la  forme  du  pié 
d'une  biche. 

Pié  DE  BICHE,  terme  de  Serrurier  y  c'eft 
une  barre  de  fer  qui  fert  à  fermer  les  portes 
cocheres  ;  cette  barre  eft  attachée  à  la  mu- 
raille ,  &  fe  divife  à  l'autre  bout  en  deux 
crampons  qui  entrent  dans  les  ferrures  de 
la  porte.  {D.  J.) 

Pié.  On  dit  un  tableau  ,  un  delTm  réduit 
au  petit  pié,  quand  pour  en  copier  un  grand 
on  proportionne  toutes  les  parties  par  quar- 
rés  ,  fuivant  ceux  qu'on  a  marqués  fur  ToH- 
ginal.  C'eft  ce  qu'on  nomme  auiRcraticuIery 
ou  faire  un  chafjîs  ou  treillis. 

Pié,  {Soierie.)  partie  du  métier.  Il  y  aies, 
pies  de  devant  ;  c-e  iom  des  piliers  de  bois  de 
15  pouces  d'équarriirnge  jufqu'à  la  banque  , 
&  au  deflus  de  7  à  8  pouces. 

Il  y  a  les  pies  de  derrière  ;  ce  font  des  pie- 
ces  de  bois  de  7  à  8  pouces  d'équarrilïàge , 
hautes  de  6  pies  ou  environ  :  ceux  de  devant 
font  de  la  même  hauteur. 

Pié  ,  (  Teinture.  )  c'eft  la  première 
couleur  qu'on  donne  à  une  étoffe  avant 
que  delà  teindre  dans  une  autre  couleur, 
comme  le  bleu  avant  que  de  le  teindre  en 
noir  ;  ce  qui  s'appelle /?/>'  de  pajîel  ou  de  gue^ 
de.  On  dit  de  même  pié"  de  garance  ,  pié  de 
gaude ,  pié  de  racine ,  &  ainli  des  autres  dro- 
gues dont  eft  compofée  une  teinture. 

Une  feule  étoftè  a  autant  de  pies  de  cou- 
leur qu'elle  eft  fucceiîivcmeat  teinte  en  dif» 


790  PIE 

férentes  couleurs;  &  les  teinturiers  en  France 
font  obligés  d'y  laifler  autant  de  rofes  ouro- 
{^ncs  que  de  pies,  pour  taire  voir  qu'ils  ont 
donné  les  pies  de  leur  couleur.  Sai^ary. 
(D.J.) 

PlÉ  DERRIERE  ,  au  jeu  de  quilles  ,  fe 
dit  d'un  joueur  qui  finiflant  fa  partie  eft  obligé 
de  jouer  un  pié  au  but  ou  dans  le  cercle  de 
fa  boule  ,  &  l'autre  derrière.  Cela  ne  fe  fait 
qu'au  dernier  coup  de  la  partie ,  &  il  y  a 
même  bien  des  joueurs  qui  conviennent  de 
ne  le  pas  taire. 

.  PlÉS-DROITS  ,  [Plomherie.)  ce  font  les 
plaques  ou  tables  tie  plomb  dont  on  couvre 
la  charpente  des  lucarnes  ,  pour  empêcher 
que  le  bois  ne  pourrilîe  à  la  pluie.  Les  piés- 
droits  Te  paient  à  tant  le  cent  pefantmisen 
ccuvre  ,  plus  ou  moins  ,  fuivant  le  prix  du 
plomb.  Sarary.  [D.J.) 

PIECE  ,  f  f.  (Litte'r.)  dans  l^poejie  dra- 
manque  y  efî:  le  nom  qu'on  donne  à  la  fable 
d'une  tragédie  ou  d'une  comédie  ,  ou  à  l'ac- 
tion qu'on  y  préfente.  Voye^  Fable  Ù 
-Action. 

M.  Chambers  ajoute  que  ce  mot  fe  prend 
plus  particulièrement  pour  fignitier  le  nœud 
ou  Y  intrigue  qui  fait  la  difficulté  &  l'embar- 
ras d'un  poëme  dramatique.  Cette  accep- 
tion du  mot  pièce  y  peut  avoir  lieu  en 
Angleterre ,  mais  elle  n'efl:  pas  reçue  parmi 
notis.  Par  pièce,  nous  entendons  \t poème 
dramatique  tout  entier ,  &  nous  comprenons 
les  tragédies  ,  les  comédies  ,  les  opéra  , 
même  les  opéra  comiques  ,  fous  le  nom 
générique  de  pièces  de  théâtre.  Depuis 
Corneille  &  Racine,  nousavons  peu  d'excel- 
lentes pièces. 

On  appelle  auflî  pièces  de  poéfie  certains 
ouvrages  en  vers  d'une  médiocre  longueur , 
telles  qu'une  ode,  une  élégie,  Ùc.  Toutes 
les  pièces  de  RoufTciau  ne  lont  pas  d'une 
égale  torce  :  les  pièces  fugitives  qu'on  in- 
fère dans  le  mercure  y  ne  font  pas  toujours 
excellentes. 

La  coutume  s'cft  aufli  introduite  depuis 
'quelque  temps  dans  le  langage  familier  , 
d'appcller  pièces  les  ouvrages  des  orateurs  : 
ainîiron  dit  que  tel  prédicateur  a  nombre 
de  bonnes  pièces  ;  que  le  panégyrique  de 
faint Louis,  par  fabbé  Seguy-^  eft  une  des 
meilleures  pièces  qui  aient  paru  en  ce  genre. 


P  I  E 

Pièces  ,  {Jurifprud.)  On  comprend 
fous  ce  terme  tous  les  titres  ,  papiers 
&  procédures  qui  fervent  pour  quelque 
afïaire. 

Pièce  adirée  y  efl  celle  qui  fe  trouve  à 
dire ,  qui  eft  en  déficit. 

Pièce  arguée  de  faux  ou  infcrite  de  faux  y 
efî  celle  que  l'on  maintient  faulfe.  Voyei^^ 
Faux. 

Pièce  arguée  de  nullité  y  efl  celle  que  l'on 
foutient  nulle. 

Pièce  authentique  y  efl  celle  qui  efl  en 
forme  probante. 

Pièce  collationnée  y  voye\  COPIE  COL- 
LATIONNÉE. 

Pièce  de  comparai fon  y  efl  celle  dont 
l'écriture  &  la  fignature  font  reconnues, 
&  que  l'on  compare  à  une  pièce  arguée 
de  faux  ,  pour  voir  fi  l'écriture  efl  la 
même. 

Pièce  eompulfée  y  efl  celle  dont  on  a  tiré 
une  copie  ,  foit  en  entier  ou  par  extrait,  par 
la  voie  du  compulfoire. 

Pièce  contrôlée  ,  efl  celle  qui  a  éré  vifée 
&  enrégiflrée  au  contrôle  ,  &  duquel  il 
efl  fait  mention  fur  ladite  pièce.  Voye\ 
Contrôle. 

Pièce  dépofée y  efl  celle  que  l'on  a  mife 
dans  un  dépôt  public  ,  ou  que  l'on  a  reraife 
entre  les  mains  de  quelque  perfonne  ,  par 
forme  de  dépôt. 

Pièce  infcrite  de  faux  y  voyez  pièce  ar~- 
guée  de  faux  _,   6"  FaUX. 

Pièce  inventoriée  y  efl  celle  qui  efl  com- 
prife  &  énoncée  dans  un  inventaire  fait  par 
un  notaire  ou  autre  officier  public  ,  ou  qui 
efl  produite  dans  un  inventaire  de  produc- 
tion fait  par  un  procureur. 

Pièce  paraphée  y  efl  celle  qui  efl  mar- 
quée d'un  paraphe.  Voye\  ci-dei'ant  PA- 
RAPHE. 

Pièce  par  extrait  y  efl  celle  dont  on 
n'a  tiré  qu'un  extrait  ,  &  non  une  copie 
entière. 

Pièce  deproducliouy  efl  une  pièce  produite 
dans  un  infiance  ou  procès. 

Pièce  de .  prodncfion    principale  y  voye\ 

Production  principale. 

Pièce    de  producîion   nouvelle  y    voye\ 

Production  nouvelle. 

Pièces  vues  y  c'efl  lorlque  les  pièces  ont 
été  remifes. devant  le  juge. 


PIE 

pièce  vidimée ,  c'étoit  la  même  cliofe 
que  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui 
copie  collationnée.    Voyez   Vidimus. 

PIECE ,  (  Mujique.  )  ouvrage  de  mu- 
lîque  d'une  certaine  étendue  ,  quelquefois 
d'un  feul  morceau  &  quelquefois  de  plu- 
fieurs  ,  formant  un  enlemble  &  un  tout 
fait  pour  être  exécuté  de  fuite.  Ainfi  une 
ouverture  efl  unep  iece ,  quoique  compofée 
de  trois  morceaux ,  &  un  opéra  même 
elVune  pièce,  quoique  divifé  par  ades. 
Mais  outre  cette  acception  générique ,  le 
mot  pièce  en  a  une  plus  particulière  dans 
la  mulique  inflruraentale ,  &  feulement 
pour  certains  inflrumens  ,  tels  que  la  viole 
&  le  clavefîîn.  Par  exemple  ,  on  ne  dit 
point  une  pièce  de  violon  y  l'on  dit  une 
fonate  :  &  Ton  ne  dit  guère  une  fonate 
de  clai'ejjîn  ,  l'on  dit  une  pièce.  {S) 

PIECES  HÉRALDIQUES,  [Blafon.) 
*  Jufques  ici  les  diviilons  &  partitions  de 
l'écu  ,  ainfi  que  les  proportions  des  pièces 
héraldiques  y  ont  été  abandonnées  au  ca- 
price des  blafonneurs,  qui ,  faute  de  fuivre 
aucune  méthode  régulière  ,  ont  fouvent 
donné  un  air  difforme  tant  à  l'écu  qu'à  {es 
diverfes  pièces  ,  faifant  celles-ci  tantôt  trop 
grandes  &  tantôt  trop  petites.  L'auteur  de 
l'article  qu'on  va  lire ,  a  lenti  cette  im- 
perfedion  de  la  fcience  héraldique  ,  &  a 
réufli  d'une  manière  auffi  heureufe  que  fa- 
vante ,  à  établir  des  proportions  géomé- 
triques dont  il  ne  fera  plus  permis  de 
s'écarter.  Il  commence  par  la  conllrudion 
de  l'écu.  * 

Ecu  ou  ùujfon.  La  largeur  de  l'écu 
divifée  en  fèpt  parties  égales  ,  on  en  ajoute 
une  huitième  pour  la  hauteur.  On  arrondit 
les  angles  d'en  bas  d'une  portion  de  cercle 
dont  le  rayon  eil:  d'une  demi-partie  ;  deux 
autres  portions  de  cercle  de  même  pro- 
portion, au  milieu  de  la  ligne  horizontale 
inférieure ,  fe  joignent  en  dehors  &  forment 
la  pointe. 

Les  cotices ,  par  exemple  ,  fe  nomment 
pièces.  Lanharé  de  Tiercelieu  ,  de  Mon- 
ceaux en  Brie  ;  êi  argent  à  deux  cotices 
de  fable. 

Huot  de  la  Hcraude  ,  éledion  de  Troyes 
en  Champagne;  de  gueules  d  cinq  cotices 
d'or. 


f  I  E  791 

Turenne  J'Aignac  en  Querci  ,  cotiai 
d'or^  de  gueules.   Voyez  COTICE. 

§  Pièces  honorables  ,  f.  f.  plur. 
(  terme  de  l'art  ^Héraldique.  )  Pièces  , 
ainfi  nommées ,  parce  qu'elles  font  les 
premières  qui  aient  été  mifes  en  ufage  ; 
ces  pièces  occupent  en  largeur  deux  parties 
des  7  de  la  largeur  de  l'écu;  leurs  extré- 
mités en  touchent  les  bords. 

Les  pièces  honorables  font  au  nomibre  de 
fept.  Voyei  l'article  Blasoi^.  Voye^-auJUt 
l'article  précédent. 

Le  chef,  la  fafce ,  le  pal,  la  croix, 
la  bande,  le  chevron,    le  fautoir. 

Le  chef  occupe  la  plus  haute  partie  de 
l'écu  ,  il  repréfente  le  cnfque  de  l'homme 
de  guerre. 

La  fafce  placée  au  milieu  horizontale- 
ment ,  repréfente  l'écharpe  de  l'ancien 
chevalier. 

Le  pal  au  milieu  de  l'écu  perpendicu- 
lairement ,  efl  une  marque  de  jurifdiéiion. 

La  croix  s'étend  par  fes  branches  ju(^ 
qu'aux  bords  de  l'écu  ,  &  laifle  quatre 
cantons  vuides  égaux  entr'eux  ;  elle  défigne 
les  voyages  d.Qs  croifades. 

La  bande  pofée  diagonalement  de  l'angle 
dextre  du  haut  de  l'écu ,  à  l'angle  ferieftré 
du  bas  ,  repréfente  l'écharpe  du  chevalier 
fur  l'épaule. 

Le  chevron  formé  de  deux  pièces  qui  I 
fe  joignent  en  pointe  vers  le  haut  de  l'écu, 
&  s'étendent ,  l'une  à  l'angle  dextre ,  l'autre 
à  l'angle  fènefîre  du  bas  ,  repréfente  ,  félon 
certains  auteurs  ,  une  barrière  de  lice  des 
anciens  tournois  ;  félon  d'autres  ,  l'éperon 
du   chevalier. 

Le  fautoir  a  la  forme  d'une  croix  de 
Saint- André  ;  c'étoit  anciennement  un 
cordon  ,  couvert  d'une  étoffe  précieufe , 
qui  étoit  attaché  à  la  felle  d'un  cheval  , 
&  fervoit  d'étrier  pour  monter  '  deffus. 

La  garde  de  Chambonas  ,  en  Langue- 
doc ;  d'a\ur  au  chef  d'argent. 

Lafiic  de  Saint-Jal ,  en  Auvergne  ;  de 
gueules  à  la  fafce  d'argent. 

De  Meyferia ,  en  Breffe  ;  de  Jinople  cm 
pal  d'argent. 

D' Albon  de  Montaut ,  de  Saint-ForgeuT ,' 
en  Lyon  n  ois  ;   de  fable  à  la    croix  d'or» 

De  Vaffignac  d'Imecourt,  des  Loges, 
en  Champagne  ;  d'azur  à  la  bande  d'argentt 


k 


75?.i  P  I  E  PIE 

De  Nettancourt  de.  Vaubecourt ,   en  la  fnoîe  antique.  )  Les  pièces  d'argent ,  dans  la 


même  province  ;  de  gueules  au  cheyron 
d'or. 

De  Gerente  de  Senas,  en  Provence; 
d^  or  au  jautoir  de  gueules.  (^G.D.  L.   T.) 

Pièces  honorables,  en  terme  de 
Blafon  j  d\  le  nom  que  l'on  a  donné  à 
certaines  pièces  qui  regardent  proprement 
cette  l'cience. 

Les  pièces  honorables  font  au  nombre 
de  dix  :  (avoir  ,  le  chef  ,  le  pal ,  la 
bande  ,  la  barre  ,  la  fafce ,  la  croix  ,  le 
fautoir ,  le  chevron  ,  la  bordure  &  l'orle. 
Vojei  chaque  pièce  fous  fon  article  par- 
ticulier, voyei  Chef,  Pal  ,  &c. 

Les  hérauts  d'armes  allèguent  pîufîeurs 
raifons  pour  lefquelles  ces  pièces  ont  été 
appellées  honorables ,  favoir  leur  antiquité  , 
comme  ayant  été  en  ufage  depuis  l'origine 
des  armoiries;  2°.  parce  que  ces  pièces 
marquent  les  ornemens  qui  conviennent  à 
des  hommes  nobles  &  généreux ,  de  forte 
que  le  chef  repréfente  le  cafque  ou  la 
couronne  qui  couvre  la  tête  d'un  vain- 
queur; le  pal  marque  fa  pique  ou  fa  lance  ; 
la  bande  &  la  barre  ,  fon  baudrier  ;  la 
fafce  fon  écharpe  ;  la  croix  &  le  fautoir, 
foR  épée  ;  le  chevron ,  fes  bottes  &  fes 
éperons  ;  la  bordure  &  l'orle ,  fa  çotte  de 
mailles. 

A  l'égard  de  l'application  ou  collation 
de  ces  pièces  honorables^  quelques  auteurs 
ont  écrit  que  lorlqu'un  chevalier  s'étoit  com- 
porté valeureufement  dans  une  bataille  , 
on  le  préfentoit  au  prince  ou  au  général , 
qui  lui  faifoit  donner  une  cotte  d'armes 
relative  à  fa  belle  adion  ",  c'eft-à-dire ,  la 
permiffion  de  porter  dans  fes  armoiries  un 
chef  lorfqu'il  avoit  été  blelTé  à  la  tête  , 
un  chevron  quand  il  avoit  été  bleffé  aux 
jambes ,  &  une  croix  ou  bordure  lorfque 
fon  épée  &  fon  armure  avoient  été  teintes 
du  fang  des  ennemis. 

Quelques  blafonneurs  fe  font  avifés  de 
multipher  le  nombre  des  pièces  honorables 
jufqu'à  celui  de  vingt ,  ajoutant  à  celles 
ci-deflus  le  plein  quartier,  le  giron  , 
l'écuflbn  ,  la  cape  dextre  &  fenelire  ,  le 
point ,  &c.  mais  on  n'a  point  encore  jugé 
à  propos  de  reconnoître  ces  pièces  pour 
honorables. 

Pièce  d^ argent  des  R&mains  y  (  Mon- 


maniere  de  compter  des  Romains  ,  étoient 
ou  deniers  ou  feflerces  ;  ils  comptoient 
quelquefois  par  deniers ,  &  le  plus  fouvent 
par  feiîerces  ;  c'eft-à-dire ,  que  dans  leur 
compte  ils  fe  fervoient  de  la  plus  grande 
&  de  la  plus  petite  monnoie  qu'ils  euffent. 
Le  denier  valoît  dix  as  romains ,  dont  la 
matière  étoit  de  cuivre,  &  chacun  pefoit 
le  poids  d'une  livre.  C'efl  delà  qu'on 
l'appelloit  denarius,  &  qu'on  le  marquoit 
avec  un  JC.  Le  fefterce  étoit  une  autre 
pièce  d'argent,  la  quatrième  partie  du 
denier  ,  valant  deux  as  &  demi ,  ou  deux 
livres  &  demie  de  cuivre  ,  d'où  vient  qu'on 
marquoit  le  fefterce  LL.  S.  Les  deux  LL. 
fignifioient  les  deux  livres  que  pefoient  les 
deux  as  ;  S.  vouloit  dire  femi ,  c'eft-à- 
dire  ,  la  moitié  de  l'as  ou  de  la  livre.  Ces 
faits  font  aifés  à  prouver  par  les  fefterces 
d'argent  de  ce  temps-la,  qui  fe  confervent 
encore  aujourd'hui  dans  les  cabinets  des 
curieux  ;  mais  l'occafion  viendra  d'en  par- 
ler  ailleurs  plus  au  long.  {D  J,) 

Pièce  de  sainte  Hélène  ,  (  An 
numifm.  )  forte  de  médaille  creufe  comme 
un  balfin ,  ou  comme  une  petite  tafîe. 
Scaliger  dit  qu'il  en  a  vu  plufieurs  frap- 
pées du  temps  de  Juflinien ,  &  même  du 
temps  du  paganifme.  (  Z).  /.  ) 

Pièce,  en  Fauconnerie^  on  dit  des 
oifeaux  tout  d'une  pièce  ,  c'eft-à-dire , 
d'une  même  couleur. 

TlECE  y  (Arpentage.)  ce  mot  fignifîç 
quelquefois  certaine  étendue  de  terre  la- 
bourable :  ainfi  l'on  dit  une  pièce  de  blé  , 
pour  marquer  un  champ  où  il  y  a  du  ble 
en  femence  ,  en  herbe  ou  en  épi ,  &c.  (E) 

Pièce  ,  dans  le  Commerce  y  fîgnifie 
quelquefois  un  tout  ,  &  quelquefois  une 
partie  d'un  tout. 

Dans  le  premier  fens,  on  dit  une  pièce 
de  drap  ,  de  velours  ,  Ùc.  entendant  par 
cette  expreffion  une  certaine  quantité  d'au-, 
nés  que  la  coutume  a  réglée.  On  fuppofe 
que  X^ipiece  eft  entière,  &  qu'elle  n'a  pas 
été  coupée.  VoyeT^  Drap, 

Dans  la  féconde  fignification ,  on  dit  une 
pièce  de  tapiflerie ,  ce  qui  veut  dire  une 
partie  diftinguée  &  travaillée  féparément , 
laquelle  avec  plufieurs  autres  compofe  une 
tenture.  Voyei  TAPISSERIE, 


P  I  E 

*U"ne  pièce  de  vin  ,  de  cidre  ,  &'c.  fe  dit 
<â'un  tonneau  rempli  de  ces  liqueurs. 

Pièces  détachées  y  voye\  DÉTACHÉ. 

Pièces,  -en  fait  de  monnaie  ^  lignifie 
quelquefois  la  même  chofe  quefpece  , 
comme  quand  on  dit:  ctttc  pièce  eu  trop 
■légère,  &c.  Ko/^;^  ESPECE  &C0IN. 

Quand  on  y  ajoute  la  valeur  àes  pièces  , 
on  s'en  lert  quelquet^ois  pour  exprimer 
celles  qui  n'ont  point  d'autre  nom  particu- 
lier :  comme  une  pièce  de  8  réaux  ,  une 
pièce  de  24  fous ,  &c. 

En  Angleterre  ,  le  mot  pièce  ,  pris  abfo- 
lument  ,  lignifie  quelquefois  20  Tchellings  , 
ilerlings  ,  &  quelquefois  une  guinée,  Voje\ 

Guinée,  Livre  sterling,  & 
Sterling. 

Par  6  G  j  II  C.  25  ,  les  jacobus  valant 
3^  ou  23  fclicUings  ,  &  les  pièces  qui  en 
ëtoient  les  moitiés  &  les  quarts  ,  font  abfo- 
lument  fupprimés;  &  il  eft  défendu  à  toutes 
perfonnes  d'en  recevoir  à  titre  de  paiement 
ou  de  payer  avec. 

Pièce  de  huit  ou  piallre ,  c'efi:  une  mon- 
noie  d'argent  frappée  d'abord  en  Efpagne  , 
«nfuite  dans  d'autres  pays  ,  &  qui  a  cours 
préfcntement  dans  la  plupart  des  parties  du 
monde.  Voye\  CoiN. 

Elle  s'appelle  pièce  de  huit ,  ou  réale  de 
huit  ,  à  caufe  qu'elle  vaut  huit  réalcs  d'ar- 
gent. Voye\  Réale. 

Sa  valeur  e/l  prefque  fuir  le  même  pié 
que  l'écu  de  France,  c'efi-à-dire,  quatre 
fchellings  &fix  fous  fierlings.  En  1687  on 
changea  la  proportion  de  la  fimple  réale  à 
la  piaftre  ;  &  au  lieu  de  huit  réaies  ,  on  en 
■<3onnoit  dix  :  à  préfent  la  rédudion  efi  con- 
forme à  l'ancien  étalon. 

II  y  a  deux  fortes  de  piafires  ou  d'écus 
d'Efpagne  :  l'un  frappé  au  Potofi  ,  &  l'autre 
à  Mexique  ;  ces  derniers  Ibnt  un  peu  plus 
pe(ans  que  les  premiers  ,  mais  en  retour  ou 
par  compenfation  ,  ils  ne  font  pas  tout  à 
fait  d'une  matière  il  pure. 

ha.  pièce  de  huit  a  fes  diminutifs,  c'tû- 
a-dire ,  qu'il  y  a  des  demi-piallres  ou  des 
pièces  de  quatre  réaies  ;  des  quarts  de 
piaflres  ,  ou  des  pièces  de  deux  ;  des 
huîtiemes  de  piafire  &  des  feiziemes. 
Le  change  entre  l'Efpagne  &  l'Angle- 
terre le  fait  en  pièces  de  huit.  Voye^ 
Change.  ,  . 

Tome  XtV. 


Pièce  elc  aufli  une  monnoie  de  compte  , 
ou  plutôt  une  manière  de  compter  ufitée 
chez  les  Nègres  fur  la  côte  d'Angola  en 
Afrique.  Foyf  j[  MoNNOIE. 

Le  prix  des  efclaves  &  d'autres  mar- 
chandifcs  que  l'on  y  négocie  ,  comme 
aulîî  les  droits  que  l'on  paie  aux  petits 
rois  ,  s'eftiraent  en  pièces  de  part  &  d'autre. 
Ainil  ces  barbares  demandant  dix  pièces 
pour  un  elclave  ,  les  Européens  évaluent 
pareillement  en  joifVcfj  l'argent  ou  les  mar- 
chandifes  qu'ils  fe  propofent  de  donner  en 
échange.  Koy^^ij  COMMERCE. 

Par  exemple  ,  dix  anabafles  font  une 
pièce  ;  un  baril  de  poudre  de  dix  livres 
pefanr,  {an  une  pièce  j  une/j/ec^  de  falem- 
pouris  bieu  vaut  quatre  piecrfj  ;  dix  baflins 
de  cuivre  ,  unt  pièce. 

Pièce  d'inde  ,  (Comm.)  terme  ufité 
dans  le  commerce  de  la  traite  des  nègres  , 
où  l'on  appelle  nègre  pièce  d^inde  ,  un 
homme  ou  une  femme  depuis  quinze  jufqu'à 
vingt-cinq  ou  trente  ans  au  plus  ,  qui  ell: 
fain ,  bien  tait  ,  point  boiteux  &  avec 
toutes  fes  dents. 

Il  faut  trois  enfans  au  delîlis  de  dix  ans 
jufqu'à  quinze  pour  deux  pièces ,  &  deux 
au  defîij9  de  cinq  ans  jufqu'à  dix  pour  unô 
pièce.  Les  vieillards  &  les  malades  font 
évalués  trois  quarts  de  pièce.  Voye\  Ne* 
GRES.  Dicîionn.  de  comm. 

Pièce,  f.  f.  {Comm  d'Afrique.)  ef- 
pece  de  monnoie  de  compte  ou  plutôt  de 
manière  de  compter  ,  en  ufage  parmi  les 
nègres  de  la  côte  d'Angola  en  Afrique  ,  par»^ 
ticuliérementà  Malimbo  &  à  Cabindo. 

Le  prix  des  efclaves  ,  des  autres  mar* 
chandilès  ,  &  des  rafraichiflemens  qui  fe 
traitent  dans  ces  deux  Heux  ,  aulfi-bien  que 
les  coutumes  qui  fe  paient  aux  petits 
rois  à  qui  ils  appartiennent ,  s'eftiment  de 
part  &  d'autre  en  pièces  ;  c'efi-à-dire  , 
que  fi  ces  barbares  veulent  avoir  dix 
pièces  pour  un  efciave  tùto.  d'inde ,  les 
Européens  ,  de  leur  côté ,  évaluent  pareille- 
ment en  pièces  les  denrées  &  les  mar- 
chandifes  qu'ils  en  veulent  donner  en  échan- 

ge.(^./.)        , 

Pièces   détachées  ,     en  terme    de 

Fortification  y  ce  font  les  demi-lunes  ,  les 

contrefcarpes  ,    les  ouvrages  à  corne  &  à 

couronne ,,  &  même  les  baltions  quand  ils 

Hhhhh 


794  P  I  E 

font  réparés  ou  à  quelque  diflance  du  corps 
de  la  place.  En  général  ce  font  tous  les 
ouvrages  de  la  fortification  qui  .n'appar- 
tiennent pas  immédiatement  à  l'enceinte  de 
la  place. 

Pièces  de  campagne  ,  font  des  ca- 
nons qui  marchent  pour  l'ordinaire  avec 
une  armée  ;  tels  font  ceux  de  huit  &  de 
quatre  livres  de  balles  ,  &c.  qu'on  tranf- 
porte  aifément  à  caufe  de  leur  légèreté. 
,Voye\  Pièce.  Chamhers. 

Pièce  de  huit.  Voye\  Canon. 

Pièces  ,  à^nsV An  militaire  ,  fignifient 
toutes  fortes  de  grandes  armes  à  feu  ,  & 
de   mortiers.     Voje^   FusiL  ,    CanON  , 

Mortier  ,  ùc. 

Pièces  de  batterie  ,  ce  font  de 
groffes  pièces  dont  on  fe  fcrt  dans  les  fieges 
pour  faire  brèche  y  tels  (ont  les  canons  de 
trente-trois  &  de  vingt-quatre  livres  de  balles. 
Voye^CAliOli.  Chamhers. 

Pièce  nette  ,  {Anill.)  on  appelle 
pièces  nettes  y  les  pièces  d'artillerie  qui 
n'ont  point  d'évent ,  ni  d'autres  défeduo- 
lités  ,  qui  n'ont  ni  chambre  ni  fiilules  ,.  ni 
foufBures  ,  dont  le  métal  eft  fain  ,  non  po- 
reux ,  ni  venteux  ,  ni  grumeleux  ,  &  où  le 
foret  a  eu  prife  par-tout.  {D.  J.) 

Pièce  ,  f.  f.  (Archit.).  nom  général 
qu'on  donne  aux  lieux  dont  un  apparte- 
ment eft  compofé.  Ainfi  une  falle ,  une 
chambre  ,  un  cabinet ,  &c.  font  àespiec£s. 
{D.J.) 

Pièce  d'eau,  (A.{Archit.hydraul.) 
c'eft  dans  un  jardin  un  grand  baflin  de 
figure  conforme  à  fa  fituation  ,  comme  par 
exemple  ,  la  pièce  d'eau  y  appellée  des 
fuijfes  y  devant  l'orangerie  ;  celle  de  l'île 
royale  dans  le  petit  parc  ;  &  celle  de 
Neptune  y  devant  la  fontaine  du  dragon  ,  à 
.Verfailles.  Voye\  Bassin.  {D.  J.) 

Pièces  perdues,  {Hydr.)  ce  font 
des  bafiins  renfoncés  &  relevés  de  gazon  , 
-su  milieu  defquels  il  y  a  des  jets  ,  dont 
l'eau  fe  perd  à  mefure  qu'elle  vient  ;  telles 
font  les  fontaines  de  la  couronne  à  Vaux- 
Ic-Vilars  ,  &  trois  pièces  à  Saint-Cloud  , 
dont  deux  font  dans  le  tapis  de  gazon, 
au  bas  de  la  grande  calcadc ,  &  l'autre 
en  face  du  nouvel  amphithéâtre,  au  bout 
de  la  grande    allée    le  long  de  la  rivière. 

PlBCE  DE  CHARPENTE,  {Marine.) 


FÏE 

c*eft  tour  morceau  de  bois  taillé  pour  mf 
bâtiment ,  &  qu'on  fait  entrer  dans  la  conf- 
trudion  d'un  vaifîeau. 

Pièces  de  chasse  ,  ce  font  àts  ca-^ 

nons  logés  à  l'avant  d'un  vaiflèau  ,  dont 
on  fe  fèrt  pour  tirer  pardeffus  l'éperon- 
fur  les  vaiflTeaux  qui  font  à  l'avant ,  ou  fur 
ceux  qui  prennent  chaffe  ;  mais  cette  ma- 
nière de  tirer  retarde  le  cours  du  vaiflèau. 
Tirer  des  pièces  de  l'avant. 

Pièce  y  une  pièce  de  corde  y.  c'eft  uiï 
paquet  de  corde  ,  Ibir  qu'elle  foit  hée  e» 
paquet  ou  en  cerceaux. 

Une  pièce  de  corde  eft  de  quatre-vingts 
braffes. 

Pièce  DE  détente  ,  terme  d'Arqué^ 
hufier  y  c'eft  un  morceau  de  fer  quarré  , . 
épais  d'une  ligne  ,  &  long  de  deux  pouces  ; 
cette  pièce  eft  fendue  par  le  milieu  dans 
fa  longueur  ,  pour  laiffer  pafler  en  dehors 
une  partie  de  la  détente  ,  elle  fe  place  fous 
la  poignée  du  fufil. 

Pièce  DE  pouce,  terme  d*  Armurier  y. 
petite  plaque  de  fer  ,  de  cuivre  ,  d'or  & 
d'argent ,  que  les  arquebufiers  encaftillent 
fur  la  croffe  des  fufils  &  piftolets.  On 
l'appelle  pièce  de  pouce  y  parce  que  lorf- 
qu'on  fe  fert  de  ces  armes  ,  elle  eft  cou- 
verte du  pouce  de  celui  qui  veut  tirer.  La 
pièce  de  pouce  eft  ordinairemenr  faite  eri 
forme  de  cartouche ,  qui  renferme  un  ovale , . 
ou  écuflbn  ,  où  l'on  grave  les  armoiries  , 
la  devife  ,  ou  l'effigie  du  maître  à  qui  lont' 
les  armes.  {D.  J.) 

Pièce  en  général,  &  grandes* 
PIECES  ,  {Bas  au  métier.  )    deux  expref- 
fions  à  l'uiage    des  faifeurs  de  métiers   à 
bas  ,    &   de    bas   au   métier.    Voye\  ces 
articles. 

Pièce,  {outil  de  Chapelier.)  forte 
d'outil  fait  de  cuivre  avec  un  manche  de 
même  métal, qui  fert  aux  chapeliers  àeftam- 
per  leurs  chapeaux.  Savary.  {D.  J.) 

Pièce  de  charpente  ,  {Charpem.y 
c'eft  tout  morceau  de  bois  taillé  ,  qui 
entre  dans  un  aflemblage  de  charpente  , 
&  qui  (èrt  à  divers  ufages  dans  les  bâti'- 
mens.  On  nomme  maitrejfes  pièces  y  les 
plus  grofîês  piec&s  y  comme  lès  poutres  , 
tirans  ,    en  traits  ,   jambes   de  force  ,    ô'c. 

Pièce  de  bois,  {Charpent.)  c'éft> 


PIE 

'{èÎQM  l'ufage ,  un  bois  dont  la  mefure  eu 
de  6  pies  de  long  fur  72.  pouces  d'éqtiar- 
rilTage  ;  ainfi  une  pièce  de  bois  méplat  , 
de  12  pouces  de  largeur  fur  d  pouces  de 
grofleur ,  &  de  6  pies  de  long ,  ou  une 
iolive  de  6  pouces  de  gros  fur  ix  pies  de 
long,  fera  ce  qu'on  appelle  une  pièce; 
à  quoi  on  réduir  routes  les  pièces  de  bois 
de  différentes  grodeurs  &  longueurs  qui 
entrent  dans  la  conitrùction  des  bâtiraens  , 
pour  les  clHmer  par  cent-  (D.J.) 

Pièce  de  pont,  {Ckarpent.)  c'efl 
une  grolîè  folive  plus  épaifle  qu'»*-»'»^  doflè  , 
qui  traverse  une  travée  de  pont  de  bois  , 
&  porte  en  dehors  ,  dans  laquelle,  à  l'en- 
droit àts  lifles  ,  on  amortaife  \qs  poteaux 
d'appui    &    \qs  liefis  ,  pour  les  entretenir. 

Pièce  y  terme  de  Cordonnier,  mor- 
ceau de  marroquin  ou  de  cuir  qui  couvre 
ie  coudepié  ,  &  qu'on  coud  au  bout  de 
l'empeigne  du  foulier. 

Pièces,  (  Graveur  en  bois.  )  petits 
-morceaux  de  bois  qu'on  ajufte  artiilement 
pour  réparer  les  brèches  faites  en  vuidant 
la  gravure  en  bois.  Voye^  GRAVURE  EN 
BOIS. 

Pièce,  {Jardinage.)  pièce  de  terre 
cfl  la  même  chofe  qu'un  terrain  ;  on  dit 
une  pièce  de  bois ,  une  pièce  de  pré  ;  ce 
potager  eft  divifé  en  tant  de  pièces. 

Pièces  coupées  ,  (  Jardin.  )  on 
donne  ce  nom  à  un  compartiment  de  plu- 
fîeurs  petites  pièces  figurées  ou  formées  de 
lignes  parallèles  &  d'enroulemens ,  &  fepa- 
récs  par  des  fermiers  ,  pour  faire  un  parterre 
<le  fleurs  ou  de  gazon.  {D.  J.) 

Pièces  GRAVÉES,  (Zz/rAeAzV.)  dans  les 
orgues  fonr  des  efpeces  de  fommiers  fur 
lefquels  on  place  les  tuyaux  d'orgue ,  que 
leur  volume  empêche  d'être  placés  fur  le 
fommier  proprement  dit.  Ces  pièces  font 
percées  à  la  face  fupérieure  d'autant*  de 
trous  que  l'on  veut  y  placer  de  tuyaux. 
Ces  trous  communiquent  à  d'autres  percés 
dans  la  face  latérale  de  la  pièce  gravée  ; 
c'eft  à  ces  derniers  trous  qu'aboutiflent 
les  porte-vents  de  plomb  qui  viennent  des 
endroits  du  fommier  où  les  tuyaux  auroient 
dû  être  placés.  Les  porte-vents  font  arrêtés 
dans  les  trous  de  la  chape  du  fommier  & 
dans  ceux  de  la  pièce  gravée  ,  par  de  la 
&!i»{(c  enduite  de  coUe-forie  ;  ce  qui  doit 


79S 

l'air. 


PIE 

boucÎTcr  cntîéremetîf   le    pafîage 
J^qye:[  SOM-VAER  d'orgue. 

Pièce  d*ADDITION,  {Lutherie.)  dans 
les  orgues  font  des  pièces  qu'on  ajoute 
au  fommier  pour  l'élargir  ,  lorfqu'il  n'y  a 
pas  de  place  pour  un  jeu  que  l'on  voudroit 
ajouter  à  l'orgue.  Cette  pièce  coniifle  ea 
un  fort  morceau  de  bois  de  la  longueur 
du  fommier,  que  l'on  perce  d'autant  de  trous 
dans  la  face  qui  doit  s'appliquer  au  fom- 
mier ,  que  celui-ci  a  de  gravures  avec 
lelquelles  ces  trous  doivent  communiquer. 
Ali  moyen  des  ouvertures  faites  au  fom- 
mier à  l'extrémité  des  gravures  ,  on  perce 
d'autres  trous  à  la  face  fupérieure  de  la 
pièce  d'addition ,  lefqucis  doivent  com- 
muniquer avec  les  premiers  ,  (k  par  confé- 
quent  avec  les  gravures.  Sur  cette  pièce 
duement  collée  &  afîùjettie  au  fommier  on 
met  un  regiilre ,  fur  le  regiflre  une  chape 
qui  roidit  le  pié  des  tuyaux  qu'on  vouloit 
ajouter,  &  qu'on  fait  tenir  de  bout  au 
moyen  d'un  faux  fommier  qui  les  traverfe. 
yqye:{  SOMMIER. 

Pièce  d'appui,  {Menuiferie.)  c'efl 
un  chalfis  d«  menuiferie  ,  une  groffe  mou- 
lure en  faillie ,  qui  pofe  en  recouvrement 
fur  l'appui  ou  tablette  de  pierre  d'une  croi- 
fée ,  pour  empêcher  que  l'eau  n'entre  dans 
la  feuillure. 

Pièce  QUARRÉE  ,  {Outil  de  Menuif.) 
outil  dont  iè  fervent  les  menuifiers  pour 
voir  fî  les  bois  de  leurs  affemblages  fe 
joignent  quarrément.  Il  eu  fimple  ,  & 
ne  confîfle  qu'en  la  moitié  d'une  planche 
exaâementquarrée,  coupée  diagonalement 
d'un  angle  à^fautre. 

Pièce  de  rapport,  {Placage.)  on 
appelle  ouvrage  de  pièces  de  rapport  un 
ouvrage  compofé  de  plufieurs  petits  mor- 
ceaux de  pierres  précieufès  ,  des  marbres 
les  plus  riches ,  ou  de  bois  de  diverfes 
couleurs  ,  difpofées  &  arrangées  avec  art 
pour  repréfenter  quelque  defiln  de  groteA 
que  ,  de  co npartiment ,  de  fleurs  ,  d'oi- 
feaux  ,  &c.  ce  font  les  menuifiers  de  pla- 
cage &  de  marqueterie  ,  fi  les  ouvrages 
ne  font  que  de  bois ,  ou  les  marbriers  & 
les  lapidaires  ,  s'ils  font  de  marbre  ou  de 
pierres  précieufès ,  qui  travaillent  en  pièces 
de  rapport.  {P.J.) 

PjECE  DE   RAPPORT  ,  en  ferma  de 
Hhhhh  2 


75)^  P  ï  E 

Bijoutier  )  a  deux  fens  ;  il  peut  f  e  pfendi'e 
d'abord  pour  ks  corps  étrangers  ,  appli- 
qués ,  incruflés  ou  enchîîiîes  lur  une  taba- 
tière ,  comme  les  pierres  fines  ,  tauflês  , 
cailloux,  porcelaines,  &c.  11  s'entend  en- 
luite  de  toutes  les  pièces  de  même  métal 
qui  font  ou  appliquées  ou  foudées  à  la  ta- 
batière ,  &  qui  font  les  reliefs  compofant 
les  tableaux  variés  dont  elles  font  ornées  ; 
on  fait  qu'on  peut  faire  fervir  des  reliefs 
fur  une  tabatière  d'or ,  par  le  moyen  du 
cifelet ,  en  repouflant  pardefTous  les  formes 
principales ,  qui  enfuite  font  retracées , 
réformées  &  terminées  pardelTus  par  \qs 
cifelets  difFérens  dont  l'artitte  fe  fèrt  au 
belbin  de  fon  fujet  ;  mais  alors  cette  pla- 
que cifelée  efl  creufe  en  deflbus ,  &  il 
faut  la  recouvrir  d'une  autre  phique  liflé 
pour  cacher  cette  difformité  défagréable 
à  l'œil.  Pour  éviter  cet  inconvénient  , 
on  a  pris  le  parti  de  découper  des  m.or- 
ceaux  de  même  métal  de  la  forme  des 
reliefs  que  l'on  vouloit  exécuter  ,  &  de 
les  fouder  fur  les  plaques  des  tabatières; 
cette  opératio»  efî  même  devenue  indif- 
penfable  ,  depuis  qu'on  fait  ufage  des  ors  de 
couleurs ,  &  ce  font  ces  pièces  ainfi  dé- 
coupées &  unies  par  la  foudure  au  corps 
de  la  tabatière  ,  que  l'on  appelle  propre- 
ment pièces  de  rapport. 

Pièces  de  collier,  en  terme  de 
Metteur-en-œuvrQ  y  ne  font  autre  chofe 
que  de  firaples  parties  de  collier  que  l'on 
porte  feules  avec  une  pendeloque  qui  \ts 
termine.  Voye:^  PENDELOQUE. 

Pièces  de  corps  font  des  ornemens 
en  pierreries  ,  qui  couvrent  le  devant  de  la 
taille  des  femmes.  Les  unes  font  compofées 
de  difîérens  chatons  &  feuillages  ,  d'autres 
ne  font  que  plulieurs  nœuds  ,  tous  plus 
petits  les  uns  que  les  autres  ,  &  placés 
<i'étage  en  étage. 

Pièces  ,  terme  de  marchand  de  modes  y 
cts  pièces  font  fort  à  la  mode  ;  c'efl  un 
morceau  d'étoffe  ou  de  toile  de  figure 
triangulaire  ,  fur  lequel  on  pofc  de  la 
blonde  ,  du  ruban  ,  de  la  chenille  ,  de  la 
dentelle  ,  des  foucis  de  hanneton  ,  des  jais^ 
noirs  ou  blancs  :  cet  ajuflement  fert  aux 
femmes  pour  couvrir  le  devant  de  leur 
corps  ou  de  leur  eflomac.  Autrefois  l'on 
appelloit  ces  pièces  des  crevées.  On  les  a 


ME 

appeirés  aufu  échelle  y  pafce  queies  rubans 
étoient  pofés  comme  des  échelons. 

Pièces  de  plaisir  ,  à  la  monnaie  y 
font  àts pièces  d'or  que  le  roi  ordonne  être 
fabriquées  pour  fon  feul  ufàge  ,  comme  des 
pièces  de  dix  louis  ,  de  cinq  ,  de  quatre  ,  ^c, 
alors  il  efl  défendu  au  diredeur  d'en  répan-- 
dre  aucune  dans  le  public. 

Pièce  de  four  ,  terme  de  Pâtijfier  y 
c'efl  une  pâte  ,  une  tourte  ,  &.  toute  autre 
forte  de  pièce  de  pâtifïerie  un  peu  confi- 
dérable.  (Z>.7.) 

Pièces  de  rapport  ,  en  étain  ,  Çi 
dit  de  toutes  fortes  d'ouvrages  d'étain  fia 
ou  commun  ,  qui  n'ont  point  de  moules  de- 
leurs  formes  particulières ,  tels  que  des 
fontaines  &  cuvettes  ovales  ou  à  pans , 
boîtes  quarrces  ,  urinales  ,  Ùc.  pour  cela  le 
principal  efl  d'avoir  un  moule  de  bâtes  , 
autrement  plaques  d'étain,  lefquelles  on 
taille  &  ajufte  de  telle  figure  qu'il  convient , 
&  qu'on  joint  enfuite  les  unes  aux  autres 
en  les  foudant  avec  le  fer  à  fouder ,  ou  k 
la  foudure  légère  ,  fuivant  les  différentes 
fortes  d'ouvrages  ;  après-  quoi  on  répare 
pour  achever.   V.  SoUDER,  RÉPARER 

&  Achever  Vétain. 

Pièces  ,-  terme  de  Relieur  y  morceaj 
de  raarroquin  qu'on  colle  ordinairement 
fur  le  dos  du  livre ,.  pour  y  mettre  le  titre;. 

(  d:  j.  y 

Pièce,  (Ruhanier.} s'entend  de  toutes 
les  foies  de  chaîne  contenues  fur  les  enfu- 
blesde  derrière  ,  foit  qu'il  n'y  en  ait  qu'une 
ou  plufieurs  ,  peu  ou  beaucoup  confîdéra-!- 
bles  ,  d'égale  ou  d'inégale  longueur  ;  lorf- 
quunepiece  fe  trouve  achevée  la  première  , 
on  y  en  fubflitue  une  autre  qui  pour  \ot3 
doit  être  compofée  d'autant  de  fib  que 
celle-ci,  puifqu'elle  en  doit  remplacer  au- 
tant que  celle  qui  finit  ;  il  y  a  plufieurs 
manières  d'attacher  ces  foies  les  unes  au 
bout  des  autres  ,  foit  par  le  fouder  ,  les 
nœuds  ou  le  tord.  Vojei  ces  diffère ns  mots 
à  leur  article-.  Pièce  fe  dit  encore  de  toute 
coupe  d'ouvrage  de  quelque  aunage  qu'elle 
foit  ;  ainfi  on  dit  une  pièce  de  galon ,  de 
ruban  ,  de  chenille  ,  ^c. 

Pièce  ,  roue  de  y  poyeiVart.  Tireur 
d'or. 

Pièce  ou  Lardon  ,  (Serrurerie.)  petit 
morceau  d'acier  que  le  forgeron  place  dan$  ' 


P  I  E 

ïes  cî-evaffes  qui  fe  font_  quelquefois  aux 
gros  fers  lorfqu'on  les  forge.  On  fait  la 
pièce  d'acier ,  parce  que  l'acier  fe  foude  plus 
aifément  que  le  ter. 

Pièce  de  rencontre  ,  {Tourneur.) 
Les  tourneurs  appellent  ainli  un  morceau 
de  fer  attaché  au  haut  de  la  lunette  d'une 
poupée  ,  qui ,  par  fa  rencontre  avec  \â  pièce 
ovale  ,  fait  baifîer  ou  haufler  l'arbre  fur 
lequel  on  tourne  des  ouvrages  de  figures 
irréguliercs. 

Pièce  ovale  ,  ou  les  autres  pièces  irré- 
guliercs de  cet  arbre  ,  font  ordinairement 
de  cuivre  ,  afin  que  la  rencontre  en  foit 
plus  douce.  [D.  /.) 

Pièces  de  tuile,  (Tuilerie.)  Ce  font 
tous  les  morceaux  d&  tuile  employés  à  dif- 
férens  endroits ,  fur  les  couvertures.  On 
nomme  tiercines  y  les  morceaux  d'une  tuile 
fendue  en  longueur  ,  employés  aux  batté- 
lemens  ;  &  nigoteaux^  ceux  d'une  tuile 
fendue  en  quatre  pour  lervir  aux- follins  & 
ruillées.  [D.  /  ) 

Pièce  DE  VERRE  ,  {Vitrier)  ils  ap- 
pellent ainli  tous  les  petits  carreaux  ou 
morceaux  de  verre  de  différentes  figures 
&  grandeurs  ,  qui  entrent  dans  les  com- 
partimens  des  formes  &  panneaux  des 
vitres.  {D,J.) 

Pièce  QUARRÉE,  terme  de  Vitrier  ^ 
c'efl  un  petit  morceau  de  verre  en  quarré  , 
qui  eft  entre  deux  bornes  dans  un  panneau 
de  verre.  {D.  J.) 

Pièce  ,  (  Jeux  d'échecs.  )  C'efl  ainfi 
qu'on  nomme  à  ce  jeu  le  roi  ,  la  reine  , 
les  fous  ,  les  cavaliers  ,  &  les  tours. 
{D.  J.) 

PIE  ,  (  Mujjq. .  des  anc.  ) .  mefure  de 
temps  ou  de  quantité  diflribuée  en  deux 
ou  plufieurs  valeurs  égales  ou  inégales.  Il 
y  avoit  dans  l'ancienne  mufique  cette  dif- 
férence des  temps  aux /'Zif'j- , .  que  les  temps 
étoient  comme  les  points  ou  élémens  indi- 
vifibles  ,  &  lesp/Vj  les  premiers  compofés 
de  ces  élémens.  Les  p/Vj  ,  à  leur  tour  , 
ctoient  les  élémens  du  mètre  ou  du 
rhythme. 

Il  y  avoit  àes  pr^jfimples  qui  pou- 
yoient  feulement  fe.  divifir  en  temps  , 
&  de  compofés  qui  pouvoienf  fe  divifer 
en  d'autres  pies  ,  comme  le  choriambe  , 
qui.  pouvoic.  £e>  réfoudre,  en  un   trochée 


PIE  797 

&  un  ïambe  :  l'ionique  en  un  pyrrique  & 
un  fpondée ,  &c. 

Il  y  avoit   des  pies  rhythmiques   dont 
les  quantités  relatives  &  déterminées  étoient 
propres    à  établir  des  rapports  agréables 
comme  égales  ,    doubles  ,   fefqui-alteres  , 
fel'qui- tierces  ,  Ùc.  &  de  non  rhythmiques 
entre  lefquels  les  rapports  étoient  vagues, 
incertains  ,  peu  feniibles  ;  tels  ,  par  exem- 
ple ,  qu'on   en  pourroit   former  des  mots 
françois ,  qui ,  pour  quelques  fyllabes  brèves 
ou  longues  ,  en  ont  une  infinité  d'autres  fans 
valeur    déterminée  ,    ou   qui,   brèves  ou" 
longues  feulement  dans  les  règles  des  gram- 
mairiens ,,  ne  font  fenties  comme  telles  ,  ni 
par  l'oreille  des  poètes ,  ni  dans  la  pratiqua 
du  peuple:  (iS) 

;     PIÉDESTAL  ,   f.  m.  (  ArcHic.  )  c'efl' 
un   corps    quarré  av*  bafe  &  corniche,. 
,qui  porte  la  colonne,    &  qui  lui  fert  de 
foubafTçment.    Il   e  A  différent  fuivant  les 
ordres  ,    comme  nous  allons  le  faire  voifi  • 
Difons  ici    qu'on    nomme  auffi  ék  corps  ■ 
flyhbate  ,  du  mot  grec  (ttvkq  ^ani;- ,  bafe  da  ' 
la  colonne  ;  &  que  le  mot  pie  de  fiai  vient 
de  piedeftallo  ,  terme  italien  ^  dérivé  des 
deur  mots  podos  y.,  pie-  au  gén.  &iJiylos  ,. 
colonne.- 

.  Piédeftaltofcan.  Ce  piédeftaleû  le  plus 
fimple  :  il  n'a  qu'une  plinthe  &  un  aflra- 
gale  ,  ou  un  talon  couronné,  pour  fa  cor- 
niche. Le  cavet  de  cette  corniclie  a  ur*- 
cinquième  &  demi 'du  petit  module  ,  & 
le  cavet  de  la  b.lfe  en  a  deux,  à  prendra' 
du  pie'dejial  même.  L'une  &  l'autre  ,  1* 
bafe  &•  la -corniche,  ont  les^  moulures  d'> 
pie'defial  corinthien  ,  dans  la- colonne  tra-- 
jane.  Le  piédefial  de  P-alladio  n'a  qu'une 
efpece  de  focle  quarré  fans  bafe  &  fans 
corniche  ;  &  celui  qu'adoptent  les  Françoisy 
après  Scammozzi ,  tient  un  milieu  entre  ces 
deux  excès. 

,  Biedeflal  dorique.  Ce^  piédefial  a  dm 
moulures,,  un  cavet,  &  un  larmier  oit 
mouchettedans  fa  corniche.  Il  efî  un  peu 
plus  haut  qua  k^piedefial  tofcan.  Sa  pro- 
portion efl  telle  :  on  partage  le  tiers  de 
toute  la  bafe  en  fl-pt  parties  ,  dont  on  donne- 
quatre  au  tore  qui  efl  fur  le  fbcle  ,  &  trois 
à  un  cavet.  La  fùllie  du  tore  efl'  celle  de-' 
toute  la  bafe  ,  &  celle  du  cavet  a  deux" 
cinquièmes  du- module  par  deU-Je  nu  dv>^ 


798  P  I  E 

dé.  A  l'égard  de  la  corniche  ,  elle  a  un 
cavet  avec  Ton  filet  au  defTus  ;  &  ce  filet 
fouticnt  un  larmier  couronné  d'un  filet. 
Pour  proportionner  ces  membres  ,  on  les 
partage  en  fix  parties  ,  dont  cinq  font 
pour  le  larmier  ,  &  la  fixieme  pour  fon 
filer.  Un  cinquième  &  demi  du  petit  mo- 
dule par  delà  le  nu  du  dé  ,  forme  la  faillie 
du  cavet  avec  fon  filet.  On  en  donne 
trois  cinquièmes  au  larmier  ,  &  trois  & 
demi  à  fon  filet.  Selon  Vignole  ,  Serlio 
&  Perrault ,  ces  membres  forment  le  ca- 
radere  du  piédefial  dorique.  Mais  Scam- 
mozzi  y  met  un  filet  entre  le  tore  &  le 
filet  du  cavet ,  &  Palladio  y  ajoute  une 
doucine. 

Piédefial  ionique.  Ce  piédefial  y  orné 
de  moulures  preique  femblables  à  celles  du 
piédefial  dorique  ^^k  deux  diamètres  de 
haut  ,  &  deux  tiers  ou  environ.  Sa  bafe  a 
le  quart  de  toute  la  hauteur  ,  la  corniche  a 
le  demi-quart ,  &  les  moulures  de  la  bafe 
ont  le, tiers  de  toute  la  bafe.  La  proportion 
-de  ces  moulures  fe  régie  en  divifam  le 
tiers  de  la  baie  en  huit  parties ,  qu'on  dif- 
tribue  ainfi  :  quatre  à  la  doucine,  &  une 
à  fon  filet  ;  deux  au  cavet ,  &  une  à  fon 
filet.  La  faillie  de; ce  dernier  membre  efl 
du  cinquième  du  petit  module,  c«llc  du 
filet  de  la  doucine  de  trois  ;  refle  la  cor- 
niche ,  dont  les  parties  font  un  cavet  avec 
ion  filet  au  defibus  ,  &  un  larmier  cou- 
jronncd'un  talon  avec  fon  filet.  Ces  parties 
ou  membres  étant  partagés  en  dix  parties, 
4Îeux  font  pour  le  cavet ,  une  pour  le  filet  , 
xjuatre  pour  le  larmier  ,  deux  pour  le 
^alon  ,  &  une  pour  fon  filer.  Enfin  .,  la 
«faillie  de  ces  membres  de  la  corniche  , 
^fl  la  même  que  celle  de  la  doucine  &  du 
,cavet  dont  on  vient  At  parler. 

Piédefial  corinthien.  La  quatrième  partie 
^le  la  hauteur  de  la  colonne  ,  forme  la 
iiauteur  de  ce  piédefial.  On  le  divife  en 
reuf  parties  ,  dont  une  eft  pour  la  cimai- 
fe  ,  deux  pour  la  bafe  ,  &  les  autres  pour 
le  dé.  Cette  bafç  eft  compofée  de  cinq 
membres  ;  favoir  ,  un  tore ,  vm^  doucine 
avec  fon  filet ,  &  «n  talon  avec  fon  filet 
au  deffus^  De  neuf  parties  don^  un  tiers 
M  la  bafe  efl  divifé ,  les  deux  autres  tiers 
ibnt  pour  le  focle,  le  tore  en  a  deux  & 
^j^'^  f  h  doyçine  trois ,  unç  demie  ^our 


PIE 

fon  filet  ,  le  talon  deux  &  demie  ,  5r  fbri 
filet  une  demie.  Ce  premier  membre  a 
la  faillie  de  toute  la  baie  ;  la  doucine  a  la 
fienne  égale  aux  deux  cinquièmes  trois  quarts 
du  petit  module  ;  &  la  faillie  du  talon  avec 
fon  filet  eft  d'un  cinquième. 

Six  membres  compofent  la  corniche  du 
piédefial  corinthien  :  un  talon  avec  fon  filet, 
une  doucine  ,  un  larmier  ,  &  un  talon  avec 
fon  filet.  On  divife  toute  la  hauteur  de 
ces  membres  en  onze  parties  ,  dont  une 
&  demie  e(î  pour  le  talon  ,  une  &  demie 
pour  le  filet ,  trois  pour  la  doucine  ,  trois 
pour  le  larmier,  deux  pour  le  talon,  & 
une  pour  le  filet.  Pour  les  faillies  ,  on 
donne  au  talon  avec  fon  filet  un  cinquième 
du  petit  module  ,  deux  cinquièmes  & 
demi-tiers  à  la  doucine  ,  trois  au  larmier, 
&  un  cinquième  au  talon  fupérieur  avec 
fon  filet 

Piédefial  compofite.  Ce  piédefial  efl 
fèmblable ,  en  proportion  ,  au  piédefial 
corinthien  :  mais  les  profils  de  fa  bafe  & 
de  fa  corniche  en  font  difFérens.  La  bafe 
eft  conipofëe  d'un  tore  ,  d'un  petit  afira- 
gale  ,  &  d'un  filet.  De  dix  parties  de  cette 
bafe  ,  le  tore  en  a  trois ,  le  petit  aflra- 
gale  une  ,  le  filet  de  la  doucine  une  demie  , 
la  doucine  trois  &  demie  ,  le  gros  aflragale 
une  &  demie ,  &  le  filet  qui  fait  le  congé 
une  demie.  Les  faillies  de  ces  membres, 
font  égales  à  peu  près  à  celles  de  ceux  du 
piédefial  corinthien. 

Un  filet ,  avec  fon  congé ,  un  gros  aflra- 
gale ,  une  doucine  avec  Ion  filet ,  un  lar- 
mier ,  &  un  talon  avec  fon  filet  forment 
la  corniche  qui  occupe  la  huitième  partie 
du  piédefial.  Le  filet  a  une  douzième  & 
demie  de  toute  la  corniche  ,  l'aflragalc 
une  demie  ,  la  doucine  trois  &  demie  , 
le  filet  une  demie ,  le  larmier  trois ,  le 
talon  deux ,  &  le  filet  une-  Les  faillies 
de  CCS  membres  font  à  peu  près  les  mêmes 
que  celles  de  la  corniche  du  piédefial  co*- 
rinrhien. 

Le  piédefial  compofite  a  de  hauteur  I^ 
troifieme  partie  de  la  colonne. 

Piédefial  compofé.  C'eft  un  piédefial 
d'une  forme  extraordinaire  ,  comme  ronde, 
quarré-longue  ,  arrondie  ,  ou  avec  plufîeurs 
retours.  Il  fert  pour  porter  les  grouppe? 
de  figures ,  les  ^atues ,  \ç.i  vafes  t  -  ^<^f 


P  I  E 

Pudefial  continu.  Piédeftal  qui ,  fans 
reflkuts ,  porte  un  rang  de  colonnes.  Tel 
eft  le  piédefiaL  qui  foiitient  les  colonnes 
ioniques  cannelées  du  palais  des  Tuileries , 
du  coté  du  jardin. 

Piédeftal  double.  Piédefial  qui  porte 
deux  colonnes  ,  &  qui  a  plus  de  largeur 
que  de  hauteur.  Les  piédeftaux  des  PP. 
Feuillans  ,  rue  faint  Honoré ,  à  Paris ,  & 
ceux  de  la  plupart  des  retables  d'autels  , 
font  de  cette  efpece. 

Piédefial  en  adoucijjement.  Piédefial 
dont  le  dé  ou  tronc  eil  en  gorge.  Il  y  a 
«le  ces  piédefiaux  autour  du  parterre  à  la 
dauphine,  à  Verfailies  ,  qui  portent  des 
ftatues  de  bronze. 

Piédefial  en  balufire.  Piédefial  dont  le 
profil  eft  contourné  en  manière  de  balufire. 

Piédefial  en  talut.  Piédefial  dont  les 
faces  font  inclinées.  Tels  font  ,  par  exem- 
ple ,  les  piédefiaux  qui  portent  les  figures 
de  rOcéaa  &  du  Nil  dans  l'efcalier  du 
capitole. 

Piédefial  flanqué.  Piédefial  dont  lés 
encoignures  font  flanquées  ou  cantonnées 
de  quelques  corps ,  comme  de  pilaflrcs  at- 
tiques  ,  ou  en  confole ,  Ùc. 

Piédefial  irrégulier.  Piédefial  dont  les 
angles  ne  font  pas  droits,  ni  les  faces  éga- 
les ou  parallèles  ,  mais  quelquefois  cintrées, 
par  la  fujétion  de  quelque  plan  ,  comme 
d'une  tour  ronde  ou  creuie. 

Piédefial  orné.  C'efl  un  piédefial  qui  a 
feulement   its  moulures  taillées  d'or- 


non 


nemens  ,  mais  dont  les  tables  fouillées  ou 
en  faillie  font  enrichies  de  bas -reliefs, 
chiffres ,  armes ,  &c.  de  la  même  matière 
ou  pofliches ,  cormne  font  la  plupart  de 
ceux  des  flatues  équeflres  ,  &  des  au-tres 
fîjperbcs  monumens. 

Piédefial  quarré.  Piédefial  qui  efl  égal 
en  hauteur  &  en  largeur.  Tels  font  les 
piédeftaux  de  l'arc  des  lions  à  Véronne , 
d'ordre  corinthien  ,  &  que  quelques  feda- 
teurs  de  Vitruve ,  comme  Serlio  &  Philan- 
der  ,   ont  attribué   à  leur  ordre  tofcan.- 

Piédefial  triangulaire.  Piédefial  en 
triangle  ,  qui  a  trois  faces  ,  quelquefois 
cintrées  par  leur  plan  ,  &  dont  les  en- 
coignures font  en  pan  coupé ,  échancrées 
ou  cantonnées.  Il  lért  ordinairement  pour 
pxjrter  une  colonne  avec  des   figures  fur 


PIE  799 

its  encoignures.  Tel  efl  le  piédefial  de  la 
colonne  funéraire  de  François  II ,  dans 
la  chapelle  d'Orléans  ,  aux  Célefhns  ,  à 
Paris. 

Piédefiaux  par  faillies  &  retraites. 
Ce  font  des  piédefiaux  qui ,  fous  un  rang 
de  colonnes  ,  forment  un  avant-corps  au 
droit  de  chacune  ,  &  unarriere-corps  dans 
chaque  intervalle.  De  cette  efpece  font  les 
piédefiaux  des  amphithéâtres  antiques  de 
l'arc  de  Titus  à  Rome  ,  &  les  piédefiaux 
corinthiens  ,  &  compofites  de  la  cour  du- 
Louvre. 

Les  piédefiaux  que  les  architedes  ap- 
pellent acroteres  ;  ils    font  fort  petits,  &■ 
ordinairement  fans  bafe  ;  ils  fervent  à  por- 
ter des  figures  au  bas  des  corniches  râm-^ 
pantes ,  &  au  haut  des  frontons. 

La  plupart  des  commentateurs  de  Vitruve». 
après  diverfes  opinions  fur  l'interprétation' 
de  ces  mots ,  fcamilli  impares ,  efcabeaux 
impairs  ,  font  enfin  d'avis  qu'ils   fignlfienc- 
cette  difpofition  de  piédefiaux. 

Pour  ce  qui  regarde  \gs  piédefiaux  ioÇ~ 
cans  ,  doriques  ,  ioniques  ,  corinthiens  & 
compofites,  voye'^  V ordonnance  des  cinq' 
efpeces  de  colonnes  ^  félon  la  méthode  des' 
anciens  ,  parM>.  Vennult.  (Le  cAepalier  de 
JAU  COURT.) 

PIÉDOUCHE,  f  m.  (AfcAit.)  c'<:û' 
une  petite  bafe  longue  ou    quarrée   ,    en 
adouciffemenr ,  avec  moulure  ,   qui  fert  à 
porter  un  bufle ,  ou  une  petite  figure. 

PIEGE ,  {.  (,.  (  Chaffe.  )  on  fe  fert  de 
ce  terme  pour  tout  ce  qui  fert  à  attraper 
les  oifeaux ,  le  gibier  &  toutes  les  bêtes 
nuifibles.  •  Chacun  en  invente  à  fa  mode. 
Les  trapes ,  les  traquenards,  lesbafculcs, 
font  des  pièges  pour  les  loups  &  les  re- 
nards ;  il  y  a  des  pièges  de  fer  qui  fe 
bandent  &  fe  lâchent  pour  prendre  des  • 
fouines  &  autres  animaux. 

Ce  mot  fe  prend  auffi  au  figuré.   On  dit  ' 
le  piège  de  la  beauté  ;  le  piège  de   la  ga- 
lanterie ;   le  piège  du  deffin  ;   le  piège  de 
k  vanité. 

Pi  E  G  È  ,  -  f.  m.  (  Chafle .  )  c'efl  propre- 
ment  toute  machine  ou  toute  invention 
deflinée  à  furprendre  des  animaux.  Il  ne 
fè  dit  guère  qu'au  figuré ,  par  rapport  aux 
hommes  :  ce  n'efl  pas  au  propre  ,  que  les  ^ 
frippons  teiîdent  des  pièges  aux  honnêw*-- 


^Soo  ?  I  E 

^ens  ,    ni    que  les  fots   donnent  dans   le 
panneau. 

Jl  eu  néceflairc  ,  pour  rendre  heureufe- 
tnent  des  pièges  ,  de  bien  connoîrre  l'info 
.tind  &  les  habitudes  des  animaux  qu'on 
cherche  à  prendre  ;  cette  fcience  n'elt  pas 
fort  étendue  à  l'égard  àts  frugivores  ;  ils 
ne  font  pas  naturellement  défians  ,  parce 
que  les  befoins  ordinaires  de  la  vie  ne  les  tor- 
cent  pas  à  l'exercice  de  l'attention.  Ordi- 
nairement il  fufiît  de  bien  remarquer  le  lieu 
.par  lequel  ils  paflent  habituellement,  &  d'y 
tendre  un  colet.  Comme  leur  manière  de 
•vivre  eft  fimple  ,  leurs  habitudes  font  uni- 
formes ;  ils  ne  foupçonnent  point  les  em- 
-bûches  qu'on  leur  prépare  ,  parce  qu'ils  ne 
-ibnt  jamais  dans  le  cas  d'en  tendre  à  d'au- 
tres. Il  ne  faut  pas  non  plus  beaucoup 
jd'art  pour  prendre  les  oifeaux  ,  parce  qu'ils 
n'ont  point  l'ufage  du  nez ,  qui  pour  une 
partie  des  quadrupèdes  eft  un  organe  de 
.défiance  &  un  inftrument  de  sûreté.  On 
attire  facilement  les'  oifeaux  frugivores 
-avec  du  grain  ,  &i  les  carnaffiers  avec  une 
proie  fanglante  ;  on  peut  même  ,  fans  ce 
fècours  ,  prendre  beaucoup  d'oifeaux  d-e 
.proie ,  en  plaçant  fimplement  fur  un  po- 
4;e,au  un  petit  traquenard  ,  parce  que  ces 
oifeaux  ont  naturellement  de  l'inclination 
;i  venir  >fe  percher  fur  .ce  poteau.  Mais 
il  faut  beaucoup  plus  .d'habileté  .&  de 
xonnoiffance  pour  tendre  avec  fuccès  des 
pièges  aux  animaux  qui  vivent  de  rapine  , 
fur-tout  dans  les  pays  où  l'expérience  les 
A  rendus  foupçonneux  ,  &  où  l'habitude 
At  rencontrer  des  dangers  les  faifit  prefque 
continuellement  d'une  crainte  qui  va  fuf- 
.qu'à  balancer  leurs  appétits  les  plus  violens. 
Alors  il  eft  nécelîîiire  de  connoître  les 
fefuites  Its  plus  compliquées  de  ces  ani- 
-maux  ,  de  les  attirer  ,  de  les  afFriander, 
-&  d'écarter  des  appâts  qu^on  leur  préfente 
lout  foupçon  de  danger  ;  ce  qui  fouvent 
icft  aÏÏez  difficile.  D'abord  on  doit  s'alTurer 
•avec  beaucoup  de  foin  àzs  lieux  qui  leur 
fervent  de  retraite  pendant  le  jour  ,  de 
<;eux  où  ils  vont  faire  leur  nuit  ,  &  de 
^'étendue  du  pays  qu'ils  parcourent  habi- 
4uelkment.  Oi\  prend  des  connoiifances  en 
fuivant  leurs  traces  par  le  pié  ,  &  on  en 
juge  encore  par  leurs  abattis  &  leurs  Iai(- 
ïép^,  P^apiès  ces  jpoints  donnés  ,  .00  peut 


PIE 

choifîr  le  lieu  où  il  convient  le  mieux  de 
les  attirer  par  quelque  appât,  &  on  doit 
porter  jufqu'au  fcrupule  l'attention  d'exa- 
miner le  vent  ,  afin  que  cet  appât  puifîe 
fûremenr  frapper  leur  nez  lorfqu'ils  feront 
fortis  de  leurs  retraites.  Le  choix  &  la 
compofition  des  appâts  entrent  pour  quel- 
que choie  dans  les  connoifuinces  d'un 
tendeur  de  pièges  :  il  y  a  beaucoup  de 
gens  qui  fe  vantent  d'avoir  là-defîùs  des 
fecrets  ;  mais  en  général  les  chairs  grillées  , 
les  tritures  &:  les  grailles  devenues  odo- 
rantes par  la  cuiflbn  ,  font  le  fond  &  l'ef- 
fentiel  des  appât.s.  Le  point  important  eft 
de  bien  connoître  les  rufes  des  animaux  y 
&  de  ne  manquer  ni  d'attention  ni  de 
vigilance.  On  doit  bien  fe  garder  de  dé- 
créditer fon  appât ,  en  y  joignant  des  j^/fg-ej- 
dès  le  premier  jour.  L'odeur  du  fer  de- 
vient fufpeâe  à  tous  les  animaux  expérimen- 
tés ,  dans  les  pays  où  te  fer  fèrt  commu- 
nément à"  leur  deftrudion  ;  mais  comme  11 
eit  eifentiel  que  les  pièges  foient  couverts 
de  terre  ameublie  ou  de  fable  ,  afin  que  le 
fentiment  en  foit  dérobé  fans  que  la  force 
du  refTort  en  foit  affoiblie  ,  il  eft  néccffaire 
de  parer  d'avance  les  places  où  les  pièges 
doivent  être  placés.  Il  faut  que  ces  places 
fbient  difpofées  de  manière  que  l'animal , 
en  fuivant  fes  allures  naturelles  ,  paffe  à&Ç- 
fus  pour  aller  à  l'appât  qu'on  lui  préfente; 
lorfqu'il  a  franchi  cet  appareil  pendant  deux 
ou  trois  nuits  ,  on  peut  être  raifonnable- 
mcnt  afîuré  qu'avec  des  pièges  bien  tendus 
on  en  fera  maîr.re.  La  manière  dont  on 
tend  le  piège  doit  être  proportionnée  à  la 
pefanreur  de  l'animal  qu'on  cherche  à 
prendre  :  pour  un  loup  ,  il  peut  être  tendu 
afîez  ferme  ;  il  faut  beaucoup  de  légèreté 
pour  un  renard  ;  mais  pour  tous  il  doit 
€tre  enterré  de  manière  que  l'odeur  n'en 
perce  pas  ,  &  ne  puiffe  point  diftraire 
l'animal  de  l'imprefîîon  que  lui  fait  l'appât 
qu'il  évente.  On  frotte  \qs  pièges  ,  pour  les 
■dégoûter  ,  de  différentes  herbes  aromati- 
ques ,  &  o  /  fe  fert  auffi  de  la  graifîè  même 
de  l'appât  :  tout  cela  eft  bon  ,  mais  à  peu 
près  inutile  ,  lorfque  d'ailleurs  toutes  les 
^précautions  que  nous  avons  indiquées  font 
bien  prifes.  Quelques  tendeurs  de  pièges 
font  dans  l'ufage  d'attacher  leurs  traque»- 
nards  avjsc  juq  piquet  ;   mais  par  -  là  on 

^>xpoà 


PIE 

s'expofe  à  voir  Tanimal  au  déferpoir  fe  couper 
le  pie  pour  échapper  à  la  mort.  La  meil- 
leure pratique  eu.  de  laiiTer  entraîner  le 
piège  )  avec  lequel  il  ne  va  jamais  fort 
loin  ;  on  peut  feulement  rembarraiTer  de 
quelque  branche  qui  ,  en  retardant  encore 
plus  fà  marche  ,  ne  lui  fait  pas  perdre 
entièrement  l'efpérance  de  parvenir  à  fe 
cacher.  Voilà  les  principaux  élémens  de  l'art 
de  tendre  des  pièges  ;  mais  il  n'eft  point 
<le  préceptes  en  ce  genre  qui  puiflènt  dif- 
penfer  des  connoiiTances  qu'on  n'acquiert 
que  par  l'ufage  &  l'attention  vigilante. 
Voy.  Instinct  ,  Loup  ,  Renard  ,  &c. 

Article  de  M.  Le  ROI. 

PIEMONT  ,  (  Ge'ogr.  mod.  )  contrée 
<î'Italie,  bornée  au  nord  par  le  Valais, 
au  midi  par  le  comté  de  Nice  &:  l'état  de 
Gênes  ,  au  levant  par  le  duché  de  Milan ,  & 
au  couchant  par  le  Dauphiné.  Sqs  princi- 
pales rivières  font  le  Pô ,  le  Tanaro  ,  la 
Doria  ,  la  Bormia  &  la  Sture. 

Les  raor«agnes  qui  entourent  le  PzV/720/ir, 
abondent  en  mines  d'argent ,  de  fer  &  de 
cuivre.  Kqy.  AUionii  oryclographia  Pede- 
moQtana ,  Taurini  IJS7  >   in.-S'^. 

Les  rivières  fournrlTent  des  poilîbns  ex- 
cellens  ,  &  les  forits  nourriflent  quantité  de 
\)txts  fauves.  Le  terroir  eft  fertile  en  bled  ,  en 
vins  &  en  fruits  ,  aulïl  ell-il  fort  peuplé.  Un 
autre  grand  avantage  du  Piémont  ell  d'avoir 
une  noblelfe  nombreufe  dillinguée  ,  ce  qui 
rend  la  cour  de  Turin  extrêmement  bril- 
lante. La  religion  du  ,pays  eft  la  catholique 
romaine.  On  y  compte  plus  de  trente  ab- 
bayes ,  &  de  riches  commanderies. 

Le  fils  aine  du  roi  de  Sardaigne  portoit 
autrefois  le  titre  ^t  prince  de  Piémont-^  il 
porte  aujourd'hui  celui  de  duc  de  Sai/oie, 
îacPie mont  comprend  lePiemont  propre,  le 
duché  d'Aofte ,  la  feigneurie  de  Verceil ,  le 
comté  d'Aft  ,  le  comté  de  Nice  &  le  mar- 
quifat  de  Saluces  :  Turin  en  eft  la  capitale. 

La  contrée  dt  Piémont,  qui -a  le  titre  de 
principauté ,  eft  une  des  plus  conlidérables , 
ies  plus  fertiles  &  des  plus  agréables  detoute 
l'Italie.  Le  nom  de  Piémont ,  que  l'on  rend 
en  latin  par  celui  de  Pedemontium ,  n'efl 
guère  ulité  que  depuis  fix  à  fept  fiecles.  Il  a 
été  occafionc  .par  la  fituation  du  pays  ,  au 
pié  des  Alpes  maritimes",  cottiennes  & 
jgreqiies,  au  milieu  defquelles  fe  trouve 
X<me  XXV^ 


PIE  Soi 

le  Pie'mont.  Autrefois  cette  contrée  faifoit 
partie  des  plaines  de  la  Ligurie  :  dans  la 
fuite  elle  fit  partie  de  la  Cifalpine  ;  &  après 
cela  die  devint  une  portion  du  royaume  de 
Lombardie.  Sa  longueur  peut  être  de  cent 
vingt  mille  pas  ,  &  fa  largeur  d'environ 
quatre-vingt-dix  mille. 

On  croit  que  le  Piémont  fut  première- 
ment habité  par  les  Umbriens,  les  Etruf- 
ques  &  les  Liguriens  :  les  Gaulois  ,  qui 
entrèrent  en  Italie  Ibus  la  conduite  de 
Brennus  &  de  Bellovcfc  ,  s'établirent  en 
partie  dans  ce  pays  ,  qui  dans  la  fuite  fut 
occupé  par  divers  peuples  ,  &  partagé  en- 
tr'eux.  Les  Liguriens ,  i'uvnommésStatielii^ 
habitèrent  la  partie  orientale.  Les  Vagenni 
ou  Bagienni  leur  fuccéderent  dans  le  pays 
qui  efi  entre  le  Pô  &  le  Tanaro.  Les  Tau- 
rini s'établirent  entre  le  Pô  &  la  petite 
Doire  ,  Doria  riparia  y  &  s'étendirent  dans 
la  fuite  iufqu''aux  Alpes.  Les  SalaJJî,  divi- 
fés  en  lupérieurs  &  en  inférieurs ,  habi- 
tèrent entre  les  deux  Doires.  Enfin  les 
Libici  y  Lebui  ou  Lebetiiy  occupèrent  cette 
partie  de  la  Gaule  Cifalpine  ,  qui  forme  les 
territoires  de  Verceil  &  de  Bielle  entre 
la  grande  Doire  ,  Doria  baliea  ^  &  la 
Sejia. 

Il  y  a  eu  anciennement  dans  ctxto,  con- 
trée un  grand  nombre  de  villes  dont  la 
fituation  eli:  connue ,  &  dont  la  plupart 
fiibfifi:ent  encore  aujourd'hui.  De  ce  nonji- 
bre  font.: 

Taurinorum  augufia  y  Turin^ 
Eporedia  ,   Ivrée. 
Verceil ix  Libicorum  y  Verceil, 
Augufia  prxtoria  .y  Aofie. 
Afta  pompeia  ,   Afii. 
Alba  pompeia  y  Albe. 
Segujium  ,  Suie. 
Careja  potentia  y  Chieri. 
Augufia  Bagiennorum  y   Benne, 
Ceba  y  Ceva. 
Verrue ium  y   Verrue- 
Bardum  y  Bardo.     ^ 
Occelliy  Uflèglio. 
Cottia  y    Coazze. 

Salatiœ  y  Salafîâ.  , 

Carifiium  y  Cairo. 
Mons-Jovis  y  Mont- Jouet. 
Pollentia  y  Pollenzo ,  ville  ruinée« 
liiij 


Soi  PIE 

Les  anciennes  villes  dont  on  connoît  les 
noms,  inais  dont  on  ignore  la  fituation , 
font ,  Forum  Julii  y  Forum  Vibrii  ,  Iria  ^ 
Autilia. 

Entre  les  anciennes  villes  du  Piémont  ^ 
Turin ,  Aofte  ,  Verceil ,  Afti ,  Ivrée  & 
Albe  eurent  l'avantage  de  recevoir  de 
bonne  heure  l'évangile  ,  &  d'avoir  des 
ëvêques.  Depuis  l'an  i^i^  »  l'évêque  de 
Turin  a  été  élevé  à  la  dignité  archiépifco- 
.  pale.  Il  fe  trouve  auiîî  dans  le  Piémont 
plufieurs  villes  décorées  du  titre  de  cités 
ducales.  Charles-Emmanuel  I  du  nom  , 
choiiit  douze  de  ces  villes  pour  en  faire 
tes  capitales  d'autant  de  provinces  ,  afin 
que  la  juftice  pût  être  adminiltrée  avec  plus 
d'ordre  dans  fon  Piémont.  Ces  douze  villes 
furent  Turin  ,  Ivrée  ,  Afli  ,  Verceil  , 
Montdovi ,  Saluces  ,  Savigliano  ,  Chieri , 
Bielle ,  Sufe  ,  Pignerol ,  Aofte.  Il  faut  enfin 
remarquer  que  la  plupart  de  cts  villes  font 
fortifiées  ,  &  que  l'on  y  fient  garnifon  pour 
la  fureté  du  pays.  {D.  J.) 

PIENZA  ,  (  Géogr.  mod.  )  en  latin 
Corjinianum  ,  ville  d'Italie  ,  en  Tofcane  , 
dans  le  Siennois,  fur  les  confins  de  1  état 
de  réglife ,  entre  Monte-Pulciano  &  San- 
Quirino.  Long,  z^  ,  zo  ;  ht.  ^^  ,   6". 

C'eft  la  patrie  d'Enée  Sylvius ,  en  latin 
'jEneas  Syluius  ,  qui  reçut  le  jour  en  1405- 
Dès  qu'il  fut  parvenu  à  la  papauté  ,  il  prit 
le  nom  de  Pie  II ,  &  pour  illuftrer  le  lieu 
d'e  fa  naifiance  ,  qui  s'appelloit  auparavant 
Corjignii  ,  il  l'érigea  en  ville  épifcopale 
fuftragante  de  Sienne  ;  il  la  fit  nommer 
Pien:[a  ,  de  fon  nom  de  Pie. 

Enée  Sylvius  étoit  de  l'illuftre  famille 
d.cs  Picolomini.  Sa  mère  enceinte  de  lui  , 
fongea  qu'elle  étoit  accouchée  d'un  enfant 
mitre  ;  &  comme  c'étoit  alors  la  coutume 
de  dégrader  les  clercs  en  leur  mettant  une 
mitre  de  papier  fur  la  tête  ,  elle  crut  que 
fon  fils  leroit  la  honte  de  fa  famille  ;  mais 
la  fuite  jufîifia  le  contraire.  Cependant  les 
père  &  mère  dàfinée  Sylvius  étoient  fi^ 
pauvres  ,  qu'il  ^Uut  que  leur  fils  ,  au 
fbrtir  de  l'école  ,  commençât  à  gagner 
fon  pain  par  les  bas  emplois  de  la  vie  rufti- 
que.  Pour  fon  bonheur  ,  quelques  parens 
lui  prouvant  beaucoup  d'efprit  ,  fe  coti- 
ferent ,  &  l'envoyèrent  étudier  à  Sienne  , 
où  il  fit   bientôt  de  grands  progrès  dans 


P  I  E 

I  la  poéfie  ,  les  belles-lettres  ,  la  rhétorique 
&  le  droit  civil. 

En  143 1  ,  il  alla  au  concile  de  Bafle 
avec  le  cardinal  de  Capranica ,  en  qualité 
de  fon  fecretaire.  Il  fe  diftingua  tellement 
dans  cette  affemblée  ,  qu'il  devint  fecre- 
taire du  concile  même  ,  dont  il  foutint 
les  intérêts  avec  beaucoup  de  chaleur  contre 
les  papes  ,  tant  par  fes  difcours  que  par  Çts 
écrits.  Il  préfida  fouvent  parmi  les  colla- 
teurs  des  bénéfices,  &  fa  dextérité  dans  les 
affaires  le  fit  employer  en  diverfes  ambafla- 
des,  à  Trente  ,  à  Confiance  ,  â  Francfort, 
en  Savoie  &  à  Strasbourg. 

En  1439  ,  il  entra  au  fervice  du  pape 
Félix  V  ,  qui  le  députa  à  la  0»ur  de  l'em- 
pereur Frédéric  ;  ce  prince  fut  fi  content 
de  lui  ,  qu'il  l'honora  de  la  couronne  poéti- 
que ,  le  fit  fon  fecretaire  &  fon  confeillcr. 
L'empereur  ayant  infenfiblement  époufé 
les  intérêts  du  pape  Eugène  ,  Enée  Sylvius 
fuivit  fon  exemple  ,  &  fut  envoyé  vers  ce 
pape,  duquel  il  eut  une  audience  favo- 
rable ,  &  tant  d'accueils  de  confiance , 
qu'il  le  nomma  fon  légat  apofiolique  en 
Allemagne. 

Après  la  mort  d'Eugène  ,  les  cardinaux 
le  choifirent  pour  être  protedeur  du  con- 
clave jufqu'à  l'éleâion  d'un  nouveau  pape. 
Nicolas  V  le  fit  évêque  de  Triefie ,  quatre 
ans  après  archevêque  de  Sienne  ,  &  légat  en 
Bohême  &  en  Autriche.  Vers  l'an  145*^  » 
Callixte  III  le  nomma  cardinal  ,  à  la  folli- 
citation  de  l'empereur  ;  &  après  la  mort  de 
ce  pape  arrivée  en  1458,  Enée  lui  fuccéda 
fous  le  nom  de  Pie  II. 

On  conçut  de  grandes  efpérances  de  fon 
pontificat ,  tant  à  caufè  de  fon  favoir  ,  qu'en 
vertu  de  (ts  promelîès  qu'il  prendroit  des 
mefures  pour  la  réformation  de  l'églife  : 
mais  il  trompa  fur  ce  point  l'attente  de  la 
chrétienté  ;  car  il  rétrafta  par  une  bulle 
tout  ce  qu'il  avoit  écrit  en  faveur  du  concile 
de  Balle  ,  &  jufîifia  combien  fà  condition 
préfente  avoit  changé  fes  fentiraens.  "Faites 
w  plus  de  cas  ,  «  dit-il  dans  fa  bulle  adreflée  à 
l'univerfîté  de  Cologne ,  "  d'un  fouverain 
»  pontife  que  d'un  particuHer  :  reculez 
«Enée  Sylvius  ,  &  recevez  Pie  II.  » 

Il  fe  conduifit  en  même  temps  avec 
beaucoup  de  vigueur  ,  &  chafîa  plufieurs 
tyrans  de  l'état  eccléfiaflique.  Il  confirnM 


P  I  E 

le  royaume  de  Naples  à  Ferdinand  ,  & 
le  fit  couronner  par  le  cardinal  Urfin.  Il 
excommunia  Sigifraond  ,  duc  d'Autriche  , 
pour  avoir  empoifonné  le  cardinal  de  Cufà  , 
&  interdit  Sigifmond  Malatefla ,  parce  qu'il 
refufoit  de  payer  les  redevances  à  l'églife. 
Il  priva  l'archevêque  de  Mayence  de  fa 
place  ;  il  fit  un  traité  avec  le  roi  d'Hongrie  , 
&  cita  Podiebrad  ,  roi  de  Bohême  ,  à  com- 
paroître  devant  lui.  Il  prit  foin  en  même 
temps  d'embellir  Rome  de  magnifiques 
édifices ,  &  fit  voler  Ton  nom  julqu'en 
orient ,  d'où  il  reçut  des  ambaffadeurs  de 
la  part  des  patriarches  d'Antloche  ,  d'Ale- 
xandrie &c  de  Jérufalem.  Il  envoya  de  fon 
côté  une  ambafiade  à  Louis  XI,  roi  de 
France  ,  pour  l'engager  à  abollir  la  pragma- 
tique fandion  ,  à  quoi  ce  prince  conlèntit 
avec  plaifir. 

Enfin  Pie  II  fit  de  grands  préparatifs 
pour  porter  la  guerre  contre  les  Turcs  ;  il 
réclama  fortement  le  fecours  des  princes 
chrétiens  ,  &  ayant  ralTemblé  une  armée 
considérable  de  croifés  ,  il  fe  rendit,  à 
Ancone  pour  s'y  embarquer  ,  &  conduire 
lui-même  cette  armée  contre  les  infidèles. 
Mais  étant  près  du  départ  ,  il  fut  attaqué 
d'une  violente  fièvre  continue  ,  &  mourut 
le  14  d'août  14.64 ,  dans  fa  cinquante-neu- 
vième année.  Quand  il  fentit  fa  fin  appro- 
cher ,  il  demanda  les  derniers  facremens  ; 
mais  on  (è  trouva  d'avis  différent  fur  ce 
point  :  comme  il  avoit  déjà  reçu  l'extrême- 
ondion  à  Balle  lorfqu'il  y  fut  attaqué  de  la 
pefte  ,  Laurent  Roverella,  évêque  de  Fer- 
rare  ,  qui  pafloit  pour  un  habile  théolo- 
gien ,  foutint  qu'il  ne  pouvoit  pas  recevoir 
ce  facrement  une  féconde  fois  ;  cependant 
comme  le  pape  ne  voulut  pas  fe  rendre  à 
cet  avis  ,  il  fe  fit  donner  l'extrême-ondion 
&  l'eucharifiie  ,  &  décéda  peu  de  temps 
après ,  ayant  occupé  le  fiege  de  Rome 
environ  lèpt  ans. 

Sponde  dit  qu'il  ne  cédoit  à  perfonne  en 
éloquence  &  en  dextérité  ;  &  qu'il  aimoit 
fi  paffionnément  à  écrire ,  que  même  dans 
(es  attaques  de  goutte  il  ne  pouvoit  guère 
s'en  abfienir.  Platine  rapporte  qu'il  répétoit 
aflez  fi)uvent ,  que  s'il  y  avoit  quelques  bon- 
nes raifons  d'interdire  le  mariage  aux  prê- 
tres ,  il  y  en  avoit  de  beaucoup  meilleures 
pour  le  leur  permettre,  On  dit  aufïi  qu'il  avait 


PIE  8oj 

enfin  connu  l'inutilité  des  grands  mouve- 
mens  qu'il  fe  donnoit  poi-'r  la  guerre  contre 
les  Turcs  ;  mais  que  ,  comme  il  craignoic 
les  railleries  du  pubUc  ,  fon  deflein  étoit  de 
fe  rendre  feulement  à  Brindes ,  d'y  pafTer 
l'hiver  ,  de  retourner  enfuite  à  Rome ,  Se 
de  rejeter  la  faute  du  mauvais  fuccès  de 
cette  croifade  fur  les  princes  qui  n'avoient 
pas  voulu  le  féconder  vigoureufement.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  (a  mort  prévint  tous  les  em- 
barras dans  lefquels  il  s'étoit  jeté. 

Jean  Gobelin  ,  fon  fecretaire ,  a  publié 
une  hiftoire  de  (?l  vie  ,  que  l'on  foupçonne 
avec  raifon  avoir  été  compofée  par  ce  papa 
lui-même.  Elle  a  été  imprimée  à  Rome  p 
//2^4°.  en  1584  &  1589,  &  à  Francfort, 
in-fol.  en  16 14.  Nous  avons  plufieurs  édi- 
tions des  œuvres  d'Enée  Sylvius.  La  pre- 
mière a  paru  à  Bafle,  in-fol.  en  IS5^  >  ^ 
la  dernière  beaucoup  préférable,  a  été  faite 
à  Hemlilad  en  1700 ,  in- fol.  avec  la  vie  de 
l'auteur  au  commencement. 

Il  avoit  écrit  ,  avant  que  d'être  élev^ 
au  pontificat,  deux  livres  de  mémoires  de 
ce  qui  s'eft  pafle  au  concile  de  Bafle  , 
Commemarium  de  gejîis  concilii  Bafilten— 
fis  y  Ub.  II.  Ces  mémoires  intérefîàns  , 
parce  qu'ils  renferment  àts  négociations 
&  des  faits,  ont  été  imprimés  dans  le 
Fafcitulus  rerum  expetundarum  de  Gro- 
tius  ,  à  Colog.  en  1535  ,  &  enfuite  à  Bafle 
en  1577,  i/z-80. 

Enée  Sylvius  a  fait  encore  d'autres 
ouvrages  ,  dont  on  trouvera  le  détail  que 
nous  n'inférerons  point  ici  ,  dans  le  fup— 
plément  à  l'hifloire  littéraire  du  dodeur 
Cave,  par  M.  Henri Wharton.  Ce  favant 
a  oublié  l'hiflioire  de  Frédéric  III.  Hifloria 
rerum  Frederici  imperatoris  ,  d'Enée  Syl- 
vius ;  elle  a  paru  à  Strasbourg  par  les  foins 
de  Kulpifius  en  1685  ,  in  ^ foi.  Mais  en 
lifant  cet  ouvrage  ,  il  faut  fe  rappeller  que 
l'auteur  étoit  redevable  de  fa  fortune  à 
Frédéric  dans  le  temps  qu'il  y  travailloit, 
outre  qu'il  lui  a  été  conflamment  attaché 
jufqu'à  la  mort.  Il  a  auflî  traduit  d'italien 
en  latin  un  traité  de  la  fin  tragique  des 
amours  de  Guifcard  Ù  de  S igifmonde , 
fille  de  Tancrede,  prince  de  Salerne.  Cette 
hiftoire  faufl^  ou  véritable  a  été  parfaite^ 
ment  bien  tournée  par  Dryden  ,  dans  fejj 
faties  en  anglois, 

liiii   % 


go4  PIE 

Le  recueil  des  lettres  du  pspe  Pie  II ,  nu 
nombre  de  432. ,  a  été  imprimé  à  Nurem- 
berg en  14B1  ,  à  Louvnin  en  1483  ,  à 
Lyon  en  1497,  &  ailleurs.  Entre  plufieurs 
Icrrres  qui  routent  fur  des  queftions  de 
théologie  &  de  dirdpline  eccléfiafiique  ,  on 
en  voit  quelques-unes  dont  les  titres  font 
nmufans.  Par  exemple,  la  cvu].  Songe  fur 
la  fortune  i  la  Jij.  Louange  de  la  poéjfie  ; 
la  clxvj.  La  mifere  des  courtifans.  J'ou- 
bliois  la  cxiv.  Hiftqire  des  amours  d^Eu- 
riale  &  de  Lucrèce.  Mais  la  plus  curieufe 
de  toutes  ,  efl  afîurément  la  lettre  xv  ,  du 
liv.  I ,  à  Ion  père  ,  au  fujet  d'un  fils  qu'il 
eut  d'une  angloife  à  Strasbourg  ,  dans  le 
temps  d'une  de  fes  ambaffades  dans  cette 
ville  ,  &  apparemment  après  qu'il  eut 
été  coiironné  poëte  par  l'empereur  Fré- 
déric en  1439.  Voici  la  tradudion  de  cette 
lettre. 

«  Le  poëte  Enée  Syh'ius  à  Sylvtus  fon 
jy  père.  Vous  me  marquez  que  Vous  ne  favez 
>j  fî  vous  devez  vous  réjouir  ou  vous  affliger 
91  de  ce  que  Dieu  m'a  donné  un  fils.  Pour 
»  moi ,  je  n'y  trouve  que  des  fu  jets  de  joie  , 
fy  &  aucun  cie  trilîefTe  ;  car  quel  plus  grand 
>.»  plaijQr  y  a-t-il  dans  la  vie  ,  que  de  pro- 
w  créer  un  autrefoi-meme  ,  de  perpétuer 
?>  la  famille,  &  de  lailTer,  à  fà  mort  , 
?)  un  enfant  qui  nous  furvive  ?  Quoi  de 
7>  plus  agréable  que  de  fe  voir  des  petits- 
w  fils  ?  Je  rends  grâces  à  Dieu  de  ce  que 
??  mon  enfant  eft  un  garçon  ,  parce  que  ce 
fy  petit  drôle  pourra  vous  divertir ,  vous 
yy  &  ma  mère  ,  &  vous  donner  en  mon 
?)  abfence,  des  confolatîons  &  des  fecours. 
3W  Si  ma  naiflance  vous  a  caufé  quelque 
fi  joie  ,  celle  de  cet  enfant  ne  vous  fera-t- 
jy  elle  pas  plaifir  ?  C'efl  mon  image  dans 
?)  fes  traits.  Ne  ferez- vous  pas  charmé  de 
>î  le  voir  vous  obéir,  vous  embrafîêr,  & 
jy  VOUS  faire  de  petites  carelT'es  ? 

yy  Vous  êtes  affligé  ,  me  dites-vous  ,  de 
?j  ce  que  cet  enfant  efl:  le  fruit  d'un  com- 
jy  merce  illégitime.  Je  ne  puis  concevoir, 
»  Monfieur  ,  quelle  opinion  vous  avez 
yy  prife  de  moi.  Il  efl  certain  que  vous , 
»  qui  êtes  de  chair  &  d'os  ,  ne  m'avez  pas 
r  fait  d'un  tçmpérament  infenfible.  Vous 
jy  favez  bien  en  conscience  quel  galant  vous 
»î  étiez!  Pour  moi  ^e  ne  me  trouve  ni 
w  eunuque ,   m  impuiflant.  Je  ne  fuis  pas 


P  I  E 

»  non  plus  aifez  hypocrite  pour  vouloir 
»  paroître  homme  de  bien  fans  l'être 
>j  réellement.  Je  confefTe  ma  faute  ,  parce 
y>  que  je  ne  fuis  ni  plus  faint  que  David  , 
>î  ni  plus  fage  que  Salomon  ;  mais  ce  genre 
>î  de  faute  efl  aufii  commun  que  d'an- 
)»  cienne  date.  C'efl  un  mal  fort  général , 
»  fi  c'efl  un  mal  de  faire  ufage  des  facultés 
»  naturelles  ,  &  s'il  efl  jufte  de  blâmer  un 
fi  penchant  que  la  nature  ,  qui  ne  fait  rien 
»  fans  defTein ,  a  mis  dans  toutes  les 
>i  créatures  pour  pourvoir  à  la  confervation 
j>  des  efpeces. 

*i  Vous  répondrez  fans  doute  que  ce 
»  penchant  efl  feulement  légitime  lorfqu'il 
»  efl  renfermé  dans  de  certaines  bornes  > 
»  &  que  l'on  ne  doit  jamais  si'y  livrer  qu'en 
»  vertu  des  nœuds  du  mariage.  J'en  con- 
ii  viens,  &  cependant  on  ne  laifTe  pas 
»  de  pécher  fréquemment  dans  l'état  même 
«  du  mariage.  Il  y  a  une  certaine  règle 
»  pour  manger  ,  boire  &  parler  ;  mais  où  efl 
»  l'homme  qui  l 'ob ferve  ?  où  efl  le  jufle  qui 
»j  ne  tombe  fept  fois  le  jour  ?  J'efpere  donc 
;)  ma  grâce  de  la  miféncorde  de  Dieu  ,  qui 
»  fait  que  nous  fommes  lujets  à  bien  des 
yy  chûtes.  L'être  fuprême  ne  me  fermera 
yy  pas  la  (ource  du  pardon  qui  efl  ouverte  à 
yy  tous.  Mais  en  voilà  afîèz  fur  cet  article. 

*i  Puifque  vous  me  demandez  enfuite 
>)  quelles  raifgns  j'ai  de  croire  que  ce*-  en- 
»  fant  efl  à  moi ,  je  vais  vous  le  dire  y 
yy  en  vous  mettant  au  fait  de  mes  amours  ; 
))  car  il  efl  bon  que  vous  foyez  r.filiré  que 
a  cet  aimable  fils  n'efl  pa;  d'un  autre  père» 
»  Il  n'y  a  pas  encore  deux  ans  que  j'étois 
»  ambafTadeur  à  Strasbourg  :  pendant  le 
n  féjour  que  j'y  fis  ,  &  dans  le  temps  que 
>j  je  me  trouvois  défœuvré  ,  il  vint  loger 
«  dans  rhôtel  une  jeune  dame  angloife. 
yy  Elle  pofTédoit  parfaitement  la  langue 
)3  italienne.  Elle  m'adreffa  la  parole  en 
yy  dialede  tofcan  pour  quelque  chofê  dont 
»  elle  avoir  befoin  ;  ce  qui  me  fit  d'au- 
)i  tant  plus  de  plaifir ,  que  rien  n'efl  plus 
»  rare  dans  ce  pays-là  que  d'entendre 
»  parler  notre  langue  à  quelqu'un.  Je  fus 
y>  d'ailleurs  enchanté  de  l'cfprit  ,  de  la 
n  figure ,  des  grâces  &  du  caraftere  de 
»  cette  belle  femme  ;  &  je  me  rappellai 
7)  que  Cléopatre  avoit  gagné  le  cœur  d'An- 
»  toine  &  de  Jiîles-Céfar  par  les  charmes 


P  I  E 

H  êe  (a  converfation.  Je  me  dis  à  moi- 
f>  même  :  qui  me  blâmera  de  faire  ce  que 
»  les  grands  hommes  n'ont  pas  trouvé  au 
yy  deûous  d'eux  ?  Je  fongeois  tantôt  à 
j>  l'exemple  de ,  Moïfe  ,  tantôt  à  celui 
fi  d'Ariliote  ,  tantôt  à  celui  de  S  Auguf- 
»  tin  &  autres  grands  perfonnages  du 
j>  chriilianifaie.  En  un  mot  ,  la  pailion 
3»  l'emporta  :  je  devir^s  fou  de  cette  char- 
f>  mante  angloife.  Je  lui  déclarai  mon 
«  amour  dans  les  termes  les  plus  tendres; 
«  mais  elle  réfifta  toujours  à  toutes  mes 
»  follicitations  ,  lemblable  à  un  roc  contre 
«  lequel  les  flots  de  la  mer  viennent  fe 
»  brifcr. 

1)  Elle  avoit  une  petite  fille  de  cinq  ans, 
»  qui  étoit  fortement  recommandée  à 
»  notre  hôte  par  Milinthe ,  père  de  Ven- 
y>  fant  ;  &  elle  craignoit  que  fî  cet  hôte 
»)  s'dppcrcevoit  de  notre  intrigue  ,  il  ne 
9>  la  mît  avec  cette  jeune  fille  hors  de  fa 
>5  mail'on.  Enfin,  la  nuit  avant  Ton  départ, 
7>  n'ayant  encore  rien  obtenu  de  lés  bonnes 
»  grâces ,  &  ne  voulant  pas  perdre  ma 
7)  proie  ,  je  la  priai  de  ne  point  fermer 
»  cette  feule  nuit  fa  porte  en  dedans  , 
w  ayant  des  chofes  importantes  à  lui  com- 
>}  muniquer.  Elle  me  refufa  cette  demande , 
»  &  ne  me  laifla  pas  l'ombre  d'efpérance. 
f)  J'infifiai  ;  elle  perfifta  dans  (on  refus  ,  & 
»  s'alla  coucher.  Au  milieu  du  déibrdre 
»  de  mes  réflexions  ,  je  me  rappellai  l'hif- 
t>  toire  du  florentin  Zima  ,  &  je  m'imagi- 
?>  nai  qu'elle  pourvoit  peut-être  faire  comme 
yy  fa  maitrefle.  Je  pris  donc  le  parti  de 
f)  tenter  l'aventure.  Quand  tout  fut  tran- 
>y  quille  dans  la  mailon  ,  je  montai  dans 
»  la  chambre  de  ma  belle  maîirelTe , 
yy  quoie  trouvai  fermée  ,  mais  par  bonheur 
>y  fans  verrou.  Je  l'ouvris  ,  j'entrai  ;  j'obtins 
»  l'accomplifTement  de  mes  vœux ,  &  c'efl 
»   delà  que  vient  mon  fils. 

7)  Du  milieu  de  février  jufqu'au  milieu 
t>  de  novembre  ,  il  y  a  préciféraent  le 
yy  nombre  de  mois  qu'on  compte  depuis 
»  le  temps  de  la  conception  jufqu'à  l'ac- 
»  couchement.  C'efi:  ce  que  la  mère  ,  qu'on 
j>  nomme  Ehlàbeth  ,  femme  riche  ,  in- 
»  capable  de  mentir  &  de  chercher  à 
yy  m'en  impofer ,  me  dit  elle-même  à 
»  Bafle  ;  &  c'eft  ce  dont  elle  m'aiTure 
9)  encore  aujourd'hui  en  toute  vériié ,  fans 


PIE  ro5 

»)  aucun  intérêt ,  fans  m'avoir  jamais  dc- 
»  mandé  de  l'argent ,  &  fans  elj^oir  d'en 
»  tirer  aduellement  de  moi.  Je  n'ai  point 
»  obtenu  {es  faveurs  par  des  préfens  ,  mais 
yy  par  la  perfévérance  de  mon  amour.  Enfin 
M  puifque  pour  ma  conviÛion  ,  toutes  les 
»  circonfiances  du  temps  &  des  lieux  join- 
»  tes  au  caradere  de  cette  dame  ,  fe  réu- 
yy  nilfenf  enfemble  ,  je  ne  doute  point 
»  que  l'enfant  ne  l'oit  à  moi.  Je  vous 
>j  fiipplie  aufli  de  le  regarder  fûrement 
yy  comme  tel ,  de  le  recevoir  dans  votre 
»j  mailon  ,  &  de  le  bien  élever  julqu'à  ce 
yy  que  je  puifî%  le  prendre  fous  ma  con- 
»   duite  ,  &  le  rendre  digne  de  vous.  » 

L'hifioire  ne  nous  apprend  point  ce  que 
ce  fils  efl  devenu  ;  mais  s'il  a  vécu  julqu'à 
la  mort  de  Pie  II,  l'on  ne  doit  pas  douter 
que  ce  père  qui  l'aimoit  avec  tendrelîé  , 
&  qui  fe  téîicitoit  fi  hautement  de  fa  naif- 
fance  ,  ne  l'ait  comblé  de  biens  ,  d'hon- 
neurs &  de  dignités  eccléfialliques.  (  Le 
chei'dlier  DE-  JaucouRT.) 

PIERIDES  ,  {MythoL)  filles  de  Piérus, 
roi  de  Macédoine  ,  étoient  neuf  iœurs  qui 
excelloient  dans  la  mufique  &  dans  la 
poéfie  ;  fieres  de  leur  nombre  &  de  leurs 
talens ,  elles  oferent  aller  chercher  les  neuf 
mufes  fur  le  mont  ParnafTe ,  pour  leur 
faire  un  défi ,  &  difputer  avec  elles  du 
prix  de  la  voix  :  le  combat  fur  accepté ,  & 
les  nymphes  de  la  contrée  furent  choifies 
pour  arbitres.  Celles-ci,  après  avoir  entendu 
chanter  les  deux  parties  ,  prononcèrent 
toutes  de  concert  en  faveur  à^s  décrits 
du  Parnalîe.  Les  Piérides  ,  piquces  de  ce 
jugement ,  dirent  aux  mules  beaucoup  d'in- 
jures ,  &  voulurent  même  les  frapper  ,  lorl- 
qu'Apollon  les  métamorphofa  en  pies  ,  leur 
laiffant  toujours  la  même  erivie  de  parler. 
Cette  fable  efi  fondée  fur  ce  que  les  filles 
de  Piérus  fe  croyant  les  plus  habiles  chan- 
teufès  du  monde  ,  oferent  prendre  le  nom 
de  mufes. 

On  donne  auflî  aux  mufes  le  furnom 
de  Piérides  j  à  caufe  du  mont  Piérus  en 
TlieiTalie  ,  qui  leur  étoit  confacré.  {D.  J.) 

PIERIE  ,  (  Géogr,  anc.  )  Pieria  y  nom 
commun  à  bien  àts  heux  ,  comme  on  va 
le  voir.  i°,  C'elî  le  nom  d'une  petite  con- 
trée de  la  partie  orientale  de  la  Macédoine  y 
fur  le  golfe  Therraaïquc.  Piolomce  ,  /.  lll^ 


Fo^  PIE 

chap.  xiij  ,  la  borne  au  nord  par  le  fleuve 
Ludias ,  &  au  midi  par  le  fleuve  Pénee. 
Strabon  ,  excerpt.iiv.  VII ,  in  fine  y  donne 
des  bornes  ditîërentes  à  la  Piérie.  Il  ne  la 
commence  du  côté  du  midi  ,  qu'au  fieuve 
Aliacri;on  ,  &  la  termine  du  côté  du  nord 
au  fleuve  Axius  ,  &  il  nomme  les  habitans 
Periotœ. 

2°.  Pieria  y  contrée  de  Syrie  dans  la 
Séleucide  ,  dont  elle  faifoit  partie.  Elle 
tiroit  (on  nom  du  mont  Pierius  ou  Pie- 
ria y  que  les  Macédoniens  avoient  ainfî 
nommé  ,  à  l'imitation  du  mont  Piérius  , 
qui  étoit  dans  leur  patrie.  3°.  C'étoit  une 
ville  de  Macédoine.  4°.  Pieria  étoit  une 
montagne  de  Thrace  fur  laquelle  demeu- 
roit  Orphée  ,  &  ce  pourroit  être  la  même 
que  le  mont  Pangée.  5^.  Pieria  efl  une 
montagne  de  Syrie,  ainfi  dite  à  l'imita- 
tion d'une  montagne  du  même  nom  en 
Grèce.  Cette  montagne  donnoit  le  nom 
à  une  contrée  qui  fajfoit  partie  de  la  Sé- 
leucide. 6^.  Lieu  du  Péloponefe  au  voi- 
finiige  de  Lacédég.ione.  y^.  Ville  de  la 
Béotie  ,  qui  dans  la  fuite  fut  appellée 
Lyncos  y  Avvno^.  8°.  C'eft  le  nom  d'une 
montagne  de  la  Béotie.  9°.  Il  y  avoit  une 
forêt  de  Macédoine  dans  la  Pie'rie ,  qui 
portoit  le  nom  de  Pieria  Jih'a.  Titg-Live, 
lii'.  XLIV,  chap.  xliij  y  dit  que  ce  fut 
dans  cette  forêt  que  fe  fauva  Perfée  ,  après 
.  avoir  été  battu  par  les  Romains. 

C'ell  de  la  Piérie  de  Macédoine  qu'étoit 
natif  Piérus,  célèbre  poëte  muficien,  dont 
parlent  Plutarque  &  Paufanias.  Il  eut  neuf 
filles  douées  de  tous  les  talens  pofEbles 
pour  la  mufique  &  la  poéfie  ;  il  leur  ira- 
pofa  le  nom  des  neuf  mufes  y  &  les  petits- 
fils  qu'elles  lui  donnèrent  ,  portèrent  les 
mêmes  noms  que  les  Grecs  ont  attribués 
depuis  aux  enfans  des  mufes  mêmes.  Gomme 
il  excelloit  également  dans  la  mufique  & 
la  poéfie  ,  il  compofa  des  poëmes  y  dont 
l'hifloire  fabuleufe  des  mufes  ,  &  leurs 
louanges  faifoient  le  principal  fujet.  Voilà* 
d'où  vient  que  les  mufes  font  appellées 
Piérides  par  les  poètes. 

Une  colonie  de  Piériens  ,  peuple  de 
Thrace  ,  entre  le  Carafon  &  le  Bracs , 
étant  entrée  au  fond  du  golfe  de  Salonique 
en  Macédoine  ,  s'établit  fur  les  côtes  , 
entre  le  Platamona  $c  le  mont  Alka ,  & 


P  I  E 

donna  à  ce  canton  le  nom  de  Piérie  ,  aufîî- 
bien  qu'à  uns  fontaine  qui  fut  contacrée  aux 
mufes.  Le  Carafon  ou  le  Meftro-  d'au- 
jourd'hui ,  efl  apparemment  le  Neftus  ou 
Meflus  des  anciens  ;  le  Bracs  efl  le  Cof- 
finites  ou  Compfatus  ;  la  Platamona  , 
VAflrœus;  &  le  mont  Alka  efl  la  partie 
orientale  de   l'ancien  Olympus. 

Criton  (  Qùintus  ),,  hiflorien  ,  naquit  à 
Piérie  dans  la  Macédoine ,  apparemment 
depuis  J.  C.  puifqu'aucun  ancien  auteur 
n'en  parle..  Il  compofa  pluGeurs  ouvrages  , 
dont  les  noms  feuls  nous  ont  été  confervés. 
Julius  Pollux ,  //V.  Xy  cite  fbn  hifîoire 
de  Nice  ,  &  Etienne ,  fon  hifloire  des 
Getes.  Suidas  nomme  une  hilloire  de  Pal- 
lene  par  Criton  ,  une  de  Perfe  ,  une  ds 
Sicile ,  la  defcription  de  Syracufe ,  l'ori- 
gine de  la  même  ville  ,  enfin  un  traité  de 
l'empire  de  Macésloine.  {  D.  J.) 

PIERIENS ,  (  Géog.  anc.  )  en  latin 
Pieres  y  peuples  voifins  de  la  Macédoine. 
Pline  ,  liv.  IV y  chap.  x  y  les  met  dans  la 
Macédoine  même  ,  auprès  de  Treres  & 
Dardg.ni.  Hérodote  ,  liv.  VII y  &  Thu- 
cydide ,  liv.  II  y  pag.  îG8  y  parlent  auflî 
de  cts  peuples  qui  étoient  les  habitans  de 
la  Piérie.  {D.  J.) 

PIERRE  (l'ordre  de  saint)  et 
DE  SAINT  Paul  ,  ordre  de  chevalerie 
inftitué  par  le  pape  Paul  III ,  Romain  , 
de  la  maifon  de  Farnefe  ,  l'an  J-^^o.  Ce 
pontife  fit  2.00  chevaliers  jufqu'à  fa  mort, 
qui  fut  le  10  novembre  I549' 

La  marque  de  l'ordre  efl  une- médaille 
ovale  d'or  ,  où  efl  repréfentée  l'image  de 
S.  Pierre  ;  au  revers  efl  celle  de  S.  Paul. 
Cette  médaille  efl  attachée  à  une  chaîne 
à  trois  rangs  aufTi  d'or.  (  G.  D.  L^T.) 

PIERRES  ,  f  f.  pi.  (  Hifl.  nat.  Min.  ) 
lapides.  Ce  font  des  corps  folides  &  durs  , 
non  dudiles  ,  formés  par  les  particules 
terreufes  ,  qui ,  en  fe  rapprochant  les  unes 
des  autres ,  ont  pris  difFérens  degrés  de 
liaifon.  Ces  corps  varient  à  l'infini  pour  la 
confiflance  ,  la  couleur  ,  la  forme  &  les 
autres  propriétés. 

Il  y  a  des  pierres  fi  dures  ,  que  l'acier 
le  mieux  trempé  n'a  point  de  prife  fur 
elles  :  d'autres  au  contraire  ont  fi  peu  de 
liaifon ,  que  l'on  peut  aifément  les  écrafer 
entre  les  doigts.  Quelc^ucs  pierres  ont  b 


PIE 

tranfparence  de  l'eau  la  plus  limpide  ,  tandis 
que  d'autres  font  opaques  ,  d'un  tilTu 
groflîer ,  &  fans  nulle  tranfparence.  Rien 
de  plus  varié  que  la  figure  des  pierres  ; 
on  en  voit  qui  afFedent  conftammcnt  une 
figure  régulière  &  déterminée,  tandis  que 
d'autres  fe  montrent  dans  l'état  de  mafTes 
informes  &  fans  nulle  régularité.  Il  y  en 
a  qui  ne  font  qu'un  amas  de  feuillets  ou  de 
lames  appliquées  les  unes  fur  les  autres  :  d'au- 
tres font  compoiées  d'un  affemblage  de  filets 
femblables  à  des  aiguilles;  quelques-unes 
en  fe  brifant  fe  partagent  toujours  ,  foit 
en  cubes  ,  foit  en  trapézoïdes  ,  foit  en 
pyramides ,  foit  en  feuillets  ,  foit  en  flries 
ou  en  aiguilles ,  &c.  d'autres  fe  cafîent  en 
éclats  &  en  fragmens  informes  &  irrégu- 
liers. Quelques  pif/Tfj  ont  les  couleurs  les 
plus  vives  &  les  plus  variées  ;  plufieurs  de 
ces  couleurs  fe  trouvent  fouvent  réunies 
dans  une  mtmt  pierre  ;  d'autres  n'ont  point 
de  couleurs  ,  ou  elles  en  ont  de  très- 
groffieres.  Quelques  pierres  fe  trouvent  en 
maffes  détachées  ;  d'autres  forment  des 
bans  ou  des  couches  immenfes  qui  occupent 
des  terrains  très  -  confidérables  ;  d'autres 
forment  àts  blocs  énormes  &  des"  monta- 
gnes entières. 

Telles  (ont  les  propriétés  générales  que 
nous  préfènte  le  coup  d'œil  extérieur  des 
pierres.  Si  l'on  pouffe  plus  loin  l'examen , 
on  trouve  que  quelques-unes  donnent  des 
étincelles  ,  lorfqu'on  les  frappe  avec  de 
l'acier ,  ce  qui  vient  de  la  forte  liaifon  de 
leurs  parties  ,  tandis  que  d'autres  ne  don- 
nent point  d'étincelles  de  cette  manière. 
Quelques  pierres  fe  calcinent  ,  &  perdent 
leur  liaifon  par  l'adion  du  feu  ;  d'autres 
cxpofées  au  feu  s'y  durciffent  ;  d'autres  y 
entrent  en  fufion  ;  d'ai/tres  n'y  éprouvent 
aucune  altération.  Il  y  en  a  qui  fe  diifol- 
vent  avec  efïèrvefcence  dans  les  acides  , 
tels  que  l'eau  forte  ,  le  vinaigre  ,  &c.  quel- 
ques-unes ne  font  nullement  attaquées  par 
CCS  diiTolvans. 

Toutes  ces  différentes  qualités  que  Ton 
vient  de  faire  remarquer  dans  les  pierres  , 
ont  déterminé  les  naturalifles  à  en  faire 
différentes  clafïes  ;  chacun  les  a  diviiées 
fuivant  les  difFérens. points  de  vue  fous 
lefquels  il  les  a  envifagées  ;  voiU  pourquoi 
les  auteurs  font  très-peu  d'accord  fur  les 


PI  E  S07 

divifions  méthodiques  qu^ils  nous  ont  dont 
nées  de  ces  fubftances.  Quelques-uns  ne 
confultant  que  le  coup  d'œil  extérieur  , 
ont  divifé  les  pierres  en  opaques  &  en 
tranfparentes  ;  d'autres  ont  eu  égard 
aux  effets  que  les  pierres  produifent  dans 
le  feu  :  c'efl  ainfi  que  M.  Walletius  dif- 
tingue  les  pierres  en  quatre  ordres  ou 
clallês  :  lavoir  ,  1°.  en  pierres  calcaires  ; 
ce  font  celles  que  l'adion  du  feu  réduit 
en  chaux  &  prive  de  leur  liaifon  ;  telles 
font  la  pierre  à  chaux  ,  la  craie  ,  les 
marbres  ,  le  fpath ,  le  gypfe ,  ^c.  Woye\ 
V article  CALCAIRE.  2».  En  pierres  vitre/- 
cibles  ;  ce  font  celles  que  l'adion  du  feu 
convertit  en  verre.  Dans  ce  rang  il  place 
les  ardoifes ,  les  grès  ,  les  cailloux  ,  les 
agates ,  les  jafpes  ,  le  quartz  ,  le  cryflal 
de  roche  ,  les  pierres  précieufes.  3°.  En 
pierres  apyres  y  ce  font  celles  fiar  qui 
l'adion  du  feu  ne  produit  aucune  altéra- 
tion ;  telles  font  le  talc,  l'amiante ^  ^c. 
Enfin  ,  4°.  M.  Wallerius  fait  une  quatrième 
cîaffe  de  pierres  qu'il  nomme  compofées  , 
&  qui  foat  formées  par  l'affemblage  de 
différentes  pierres  qui  précèdent  ,  qui , 
dans  le  fein  de  la  terre  ,  fè  for)t  réunies 
pour  ne  faire  qu'une  maffe. 

M.  Pott  ,  qui  dans  fà  Lithogéognefie  , 
nous  a  donné  un  examen  chymique  de  la 
plupart  des  jyierres  ,  les  divife  ,  1°.  ça 
calcaires  ,  c'efl-A-dire  ,  en  pierres  qui  fe 
diffolvent  dans  les  acides,  &  que* l'adion 
du  feu  change  en  chaux  ;  2,**.  en  gypfeufesy 
qui  ne  fe  diffolvent  point  dans  les  acides  , 
mais  que  l'adion  du  feu  change  en  plâtre. 
Cependant  aujourd'hui  la  plupart  des  phy- 
ficiens  regardent  le  gypfe  ou  la  pierre  à 
plâtre ,  comme  une  pierre  calcaire  qui  efl 
faturée  par  l'acide  vitriolique  ;  3®.  en  ar- 
gileufes  ,  qui  ne  font  point  attaquées  par 
les  acides  ,  mais  qui  ont  la  propriété  de  ^ 
fe  durcir  &  de  prendre  de  la  liaifon  dans 
le  feu  '■)  4®,  en  apyres  fur  lefquelles  ni  ks 
acides  ,  ni  l'adion  du  feu  n'ont  aucune 
prife. 

M.  Frédéric  -  Augufle  Cartheufer  dans 
fa  Minéralogie  ,  divife  \qs  pierres  en  cinq 
ordres  ou  clafïes  '•,  i**.  en  pierres  par  la- 
mes ;  lapides  lamellofi  ;  elles  font  compo- 
fées de  feuillets  plus  ou  moins  grands. 
•Les  difFérens  genres    de  cette  clafîè  fonc 


8o8  PIE 

le  fpath  ,  le  mica ,  le  talc.  2.°.  Les  pierres 
compofécs  de  filets  ,  lapides  filamentofi  ; 
de  ce  nombre  font  l'amia  ire  ,  l'asbefle  ,  le 
'  gypfe  fîrié.  Les  pierres  folides  ou  con- 
tinues ,  dont  les  parties  ne  peuvent  erre 
diiHnguéesi  de  ce  nombre  (bat  le  caillou, 
le  quartz  &  les  pierres  précieufes  ,  les 
pierres  à  chaux  ,  les  pierres  à  plâtre,  le 
fchifle  ou  l'ardoife  ,  la  pierre  à  pots.  4.^.  Les 
pierres  par  grains ,  lapides  granulati  ;  telles 
font  le  grès  ,  &  fuivant  lui  le  jarpe.  5°.  Les 
pierres  mélangées. 

J!^  de  Julli  ,  dans  Ton  plan  du  règne 
minéral,  publié  en  allemand  en  1757, 
divile  les  pierres  :  i°.  en  précieufes  ,  & 
en  communes  •-,  2°.  en  pierres  qui  réfillent 
au  feu  j  3^.  en  pierres  calcaires;  4.'*.  en 
pierres  vitrefcibles  &  fufibles  au  teu.  On 
voit  que  cette  divifion  eu  très  -  fautive  , 
vu  que  cet  auteur  conlidere  d'abord  les 
pierres  relativement  au  prix  que  la  fantaifie 
des  hommes  y  attache  ,  &  enfuite  il  les  di- 
vife  relativement  aux  effets  que  le  feu  pro- 
duit fur  elles. 

M.  de  Cronfledt  ,  de  l'académie  de 
Stockholm  ,  dans  fa  minéralogie  publiée 
en  fijédoisen  1758,  comprend  les  pierres 
&  les  terres  fous  une  même  clafîe  ,  en 
quoi  il  femble  être  très-fondé,  vu  que  les 
pierres  ne  font  que  des  produits  des  terres  , 
qui  ont  acquis  plus  ou  moins  de  confif- 
tance  &  de  dureté.  Il  divife  ces  terres  ou 
pierres^en  deux  genres ,  la  première  efl  des 
calcaires  ,  la  féconde  eft  des  pierres  ou 
terres  Jilice'es ,  c'efl-à-dire  ,  de  la  nature  du 
caillou. 

Toutes  ces  difFérentes  divifions  que  l'on 
a  faites  des  pierres^  nous  prouvent  qu'il  eft 
difficile  de  les  ranger  dans  un  ordre  mé- 
thodique qui  convienne  en  même  temps 
à  leur  afped  extérieur  &  à  leurs  propriétés 
intérieures  ;  au  fond  ces  divifions  font 
^  a(îéz  arbitraires ,  &  chacun^  peut  en  faire 
des  clafîes  relativement  aux  différens  points 
de  vue  fous  lefquels  il  les  envifage.  Le 
chymifle  qui  ne  décide  rien  que  d'après 
l'expérience  ,  confidérera  les  pierres  rela- 
tivement à  leur  analyfe  ,  tandis  que  le 
phyficien  fuperficiel  ,  qui  ne  cherchera 
point  à  approfondir  les  chofes  ,  fc  con- 
tentera de  qualités  extérieures  ,  fans  s'em- 
barraffcr  de  la  combinaifon  de  ces  corps,; 


P  I  E 

cependant  dans  l'examen  des  pierres  ^  ainfi 
que  de  toutes  les  fubftances  du  règne  mi- 
néral ,  on  rifquera  très  -  fbuvent  de  fe 
tromper  lorfqu'on  ne  s'arrêtera  qu'aux  ap- 
parences ;  un  grand  nombre  aie  pierres  qui 
ont  des  propriétés  fort  oppofées  ^  fe  ref^ 
ierablent^  beaucoup  à  l'extérieur  ;  &  les 
Iciences  ne  devant  avoir  pout  but  que 
l'utilité  de  la  fociété  ,  il  efl  certain  que 
i'anaiyfe  nous  fera  beaucoup  mieux  con-  \ 
noîcre  les  ufàges  des  fubftances  ,  que  ne 
tera  un  examen  fuperficiel- 

Comme  la  nature  agit  toujours  d'une 
raçon  fimple  &  uniforme,  il  y  atout  lieu 
de  conjcdurer  que  toutes  les  pierres  font 
elTenticllement  les  mêmes  ,  &  qu'elles  font 
toutes  compofées  de  terres ,  qui  ne  diffè- 
rent entr'elles  que  par  les  difFérentes  ma- 
nières dont  elles  ont  été  modifiées  ,  atté- 
nuées ,  élaborées  ,  &  combinées  par  les 
eaux  ;  nous  allons  faire  voir  que  l'eau  eft 
le  feul  agent  de  la  formation  des  pierres. 

L'expérience  prouve  que  les  eaux  les 
plus  pures  contiennent  une  portion  de 
terre  afTez  fenfible  ;  on  peut  s'afTurer  de 
cette  vérité  en  jetant  les  yeux  fur  les  dépôts 
que  font  dans  les  vaifleaux  les  eaux  qu'on 
y  fait  bouillir ,  &  qu'on  y  laifTe  féjourner 
quelque  temps.  Si  l'on  met  une  goutte 
d'eau  de  pluie  ,  ou  de  la  neige  fur  une 
glace  bien  nette  ,  elle  y  formera  une 
tache  blanche  aufG-tôt  que  l'eau  fera  éva- 
porée ;  cette  tache  n  efl  autre  chofe  que 
de  la  terre  :  d'où  l'on  voit  que  l'eau  tenoit 
cette  terre  en  dilTolution  ,  &  qu'elle  étoit 
fi  intimement  combinée  avec  elle ,  qu'elle 
ne  nuifoit  point  à  fa  limpidité.  L'eau  par 
elle-même  doit  avoir  la  propriété  de  s'unir 
&  de  fe  combiner  avec  la  terre  ;  c'eft  de 
cette  combinaifon.  que  réfulte  tout  fcl  ;  il 
y  a  long-temps  cjue  la  chymie  a  démontré 
que  les  fèls  ne  font  qu'une  combinaifon 
de  la  terre  &  de  l'eau  '-,  c'efl  la  différente 
manière  dont  l'eau  fe  combine  avec  des 
terres  ,  diverfement  atténuées  &  élabo- 
rées ,  qui  produit  la  variété  de  ces  fels. 
Ces  vérités  une  fois  pofées  ,  nous  allons 
tâcher  d'examiner  les  différentes  manières 
dont  les  pierres  peuvent  fe  former. 

La  première  de  ces  manières ,  qui  eft  la 
plus  parfaite  ,  eft  la  cryfbllifation.  On  ne 
peut  s'en  former  d'idée  fans  fuppofer  que 


PIE 

<3es  eaux  tenoient  en  dillolution  des  mo- 
lécules terreufes  avec  leiqu elles  elles  écoient 
dans  une  combinaifon  parfaite.  Ueau  qui 
tenoic  ces  molécules  en  dilTolution ,  venant 
à  s'évaporer  peu-à-peu  ,  n'eft  plus  en 
quantité  fuffiranté  pour  les  tenir  en  dilTo- 
lution ;  alors  elles  îè  dépofent  6c  fe  rappro- 
chent les  unes  des  autres  :  comme  elles 
font  fîmilaires ,  elles  s'attirent  récipro- 
quement par  la  difpofition  qu'elles  ont  à 
s'unir  ,  Ôc  de  leur  réunion  il  réfulte  un 
corps  fenfible  ,  régulier  &  tranfparent  , 
que  l'on  nomme  cryjîal;  la  régularité  & 
la  tranfparence  dépendent  de  la  pureté  & 
de  l'homogénéité  des  molécules  terreufes 
qui  étoient  en  diflolution  dans  l'eau  ;  ces 
qualités  viennent  encore  du  repos  où  a 
été  la  diflolution ,  &  de  la  lenteur  plus 
ou  moins  grande  avec  laquelle  l'évapora- 
tion  s'eft  faite  ;  du  moins  eft  -  il  certain 
quec'eft  de  ces  circonftances  que  dépend 
la  perfe<5tion  des  crylèaux  des  fels ,  qui 
par  leur  analogie  peuvent  nous  faire  juger 
de  la  cryftallifation  des  pierres.  Ces  cryl- 
taux  varient  en  raifo'n  de  la  terre  qui  étoit 
en  diflolution  dans  l'eau  ,  &  qui  leur  fert 
de  bafe  ;  fi  cette  terre  étoit  calcaire ,  elle 
formera  d^s  cryfl:aux  calcaires ,  tels  que 
ceux  du  fpath  ,  ùc.  fi  la  terre  ézokjîlkéey 
c'cft;-à-dire ,  de  la  nature  du  caillou  ou  du 
quartz,  on  aura  des  pierres  précieufes  & 
du  cryftai  de  roche.  Comme  les  eaux  peu- 
vent tenir  en  même  temps  en  diflolution 
des  terres  métalliques  diverfement  colorées, 
ces  couleurs  pafléront  dans  les  cryftaux  qui 
fe  formeront  ;  delà  les  différentes  couleurs 
des  cryft:aux  &  des  pierres  précieuies  ;  leur 
dureté  variera  en  raifbn  de  Phomogénéité 
des  parties  diflfoutes  ;  plus  elles  feront  ho- 
mogènes &  pures ,  plus  elles  s'uniront  for- 
tement, &  par  conféquent  plus  elles  auront 
de  folidité  &  de  tranlparencc. 

Quand  même  les  eaux  n'auroient  point 
par  elles  -  mêmes  la  faculté  de  diflbudre 
les  molécules  terreufes ,  elles  acquerroient 
cette  faculté  par  le  concours  des  lubftances 
falines  qui  fouvent  y  font  jointes.  Per- 
fbnnc  n'ignore  que  la  terre  ne  renferme 
une  grande  quantité  de  felsj  c'eft  l'acide 
vitrioliquequi  s'y  trouve  le  plus  abondam- 
ment répandu.  L'eau  aidée  de  ces  fels  peut 
©icore.plus  fortement  diffoudre  une  grande 
Tome  XXF, 


PI  E  80^ 

quantité  de  molécules  terreufes ,  avec 
lefquelles  elle  fe  combine;  &  lorfqu'elle 
vient  à  s^évaporer  ,  il  fe  forme  divers 
cryfl:aux  en  raifon  de  la  nature  de  la  terre 
qu'elle  renoit  en  diflolution  ,  Se  des  fels 
qui  entrent  dans  la  combinaifon. 

Souvent  une  môme  eau,  peut  tenir  en 
diflolution  des  terres  de  diff^érente  nature  , 
dont  les  unes  demandent  plus  d'eau  pour 
leur  diflolution ,  tandis  que  d'autres  en 
exigent  beaucoup  moins;  alors  lorfque 
l'évaporation  viendra  à  fe  faire  ,  il  (è  for- 
mera d'abord  des  cryftaux  d^une  efpece  , 
&  enfuite  il  s'en  formera  d'autres  ;  cela  f^' 
fait  de  la  même  manière  que  des  fels  de 
différente  nature  fe  cryfl:allifent  fucceilive- 
ment  ,  les  uns  plutôt ,  les  autres  plus  tard , 
dans  un  vaifleau  &c  dans  un  laboratoire. 
C'efl:  ainfi  que  l'on  peut  expliquer  aflez  na- 
turellement la  formation  de  ces  maflès  que 
l'on  rencontre  fouvent  dans  la  terre ,  Se  qui 
font  un  mélangeconfus  de  plusieurs  cryûaux 
de  différente  nature. 

Les  molécules  terreufes  qui  fervent  à 
former  les  pierres ,  ne  font  point  toujours 
dans  un  érat  de  dilfolution  parfaite  dan^ 
les  eaux,  fouvent  elles  y  font  en  parties 
grofîieres,  qui  ne  font  que  détrempées  , 
Se  elles  y  demeurent  fufpendues  tant  que 
les  eaux  font  en  mouvement  ;  après  avoir 
été  charriées  Se  entraînées  pendant  quel- 
que temps ,  ces  terres  fe  dépofent  par 
leur  propre  poids ,  Se  forment  pcu-à-peu 
un  corps  folide  ou  une  pierre;  c'eft  ainfi 
que  fe  forment  les  incruftations ,  les  tufs , 
les  ftalaélites  ;  en  un  mot  c'eft  de  cette 
manière  qu'on  doit  fuppofer  qu'ont  été 
formés  les  bancs  de  roche  ,  d'ardoifes , 
de  pierres  à  chaux ,  &c.  qui  fe  trouvent 
par  couches  dans  le  fein  de  la  terre ,  & 
qui  paroilTent  des  dépôts  faits  par  les  eaux 
de  la  mer.  Voye^  Limon  ,  &  Terr^ 
couches  de  la. 

Les  pierres  ainfi  formées  n'affeélent 
point  de  régularité  dans  leur  figure  ;  elles 
font  compofées  de  tant  de  molécules  grof- 
fieres  Se  hétérogènes ,  que  les  parties  fimi- 
laires  n'ont  point  pu  le  rapprocher  ,  & 
leur  continuité  a  été  interrompue  par  les 
matières  étrangères  Se  peu  analogues  qui 
font  venues  fe  placer  entr'elles.  En  effet, 
il  y  a  Heu  4e  conifdurer  que  toutes  Içs 


gjo  P  I  E 

p'erre.y,Iorrqu'elles  font  pures  &  lorfqu'elles 
font  dans  un  état  de  diflolution  parfaire  , 
doivent  former  des  cryftaux  tranfparens 
&  réguliers ,  c'eft-à-dirc ,  doivent  prendre 
la  figure  qui  eft  propre  à  chaque  molécule 
de  la  terre  qui  a  été  dilïbute. 

De  toutes  les  pierres  il  n'y  en  a  point 
Hom  la  formation  foit  plus  difficile  à  ex- 
pliquer que  celle  des  pierres  de  la  nature 
eu  caillou}  la  plupart  des  naturaliftes  les 
regardent  comme  produites  par  une  ma- 
tière virqueufe&gélatincufe  qui  s'eft  dur- 
cie }  cependant  on  voit  que  la  matière  qui 
forme  le  caillou ,  lorfqu'elle  eft  parfaitement 
pure  ,  afFe(5le  une  figure  régulière  :  en  effet, 
le  cryftal  de  roche  ne  diffère  du  caillou , 
du  quartz ,  des  agates ,  qui  font  des  pierres 
du  même  genre  ,  que  par  fa  rranfparence 
ôc  fa  forme  pyramidale  &  hexagone.  Il  y 
a  donc  lieu  de  fuppofcr  que  c'eft  la  partie 
la  plus  parfaitement  difîoute  &c  la  plus  pure 
du  caillou  ou  du  quartz  ,  qui  forme  des 
cryftaux  ,  &c  que  c'eft  la  partie  la  moins 
parfaitement  difloute  ,  &  qui  par  fa  vifco- 
iité  &  (on  mélange  avec  des  matières  hé- 
térogènes ,  n'a  pu  fe  cryftallifer  j  femblable 
en  cela  à  la  matière  grade  &  vifqueufe 
qui  accompagne  les  fels  qu'on  appelle 
Veau  mère ,  &  qui  n'efl  plus  propre  à  ie 
cryftallifer. 

Peut  -  être  que  cette  idée  pourroit 
fervir  à  nous  faire  connoître  pourquoi  cer- 
tains cailloux  arrondis  ont  à  leur  centre 
des  cavités  tapifl^es  de  cryftaux  réguliers, 
femblables  en  tout  à  du  cryftal  de  roche  j 
tandis  que  d'autres  cailloux ,  qui  font  pré- 
cifément  de  la  même  narure  que  les  pre- 
miers, ont  leurs  cavités  garnies  de  ma- 
melons :  on  a  tout  lieu  de  préfumer  qu'ils 
renfermeroient  des  cryftaux  comme  les 
premiers ,  fi  la  cryftallifarion  n'avoir  point 
été  embarraflee  par  des  matières  étrangères 
qui  l'ont  empêché  de  fe  faire.  Voye^l' article 

SlLîX. 

Par  tout  ce  qui  précède  on  voit  que 
toutes  les  pierres  ont  été  originaireraerit 
dans  un  état  de  fluidité  :  indépendamment 
"  des  cryftallifations  dont  nous  venons  de 
parler  ,  nous  avons  une  preuve  convain- 
cante de  cerre  vérité  dans  les  pierres  que 
nous  voyons  chargées  des  empreintes  de 
plantes  &  de  coquiliis,  qui  y  font  mar- 


PIE 

quées  comme  un  cachet  fur  de  la  cîre 
d^Efpagne  ;  relies  fonr  certaines  ardoifes 
ou  pierres  fchifteufes  qui  portent  des  em- 
preintes de  poiffons  ,  &  celles  qu'on  voit 
chargées  des  empreintes  de  plantes ,  qui 
accompagnent  fouvent  les  charbons  de 
terre.  On  trouve  encore  fréquemment  des 
cailloux  très-durs  qui  fonr  venus  fe  mouler 
dans  l'intérieur  des  coquilles  &  d'autres 
corps  marins  dont  ils  ont  pris  la  figure. 
De  plus  ,  ces  chofes  nous  fourni (fent  des 
preuves  indubitables  que  les  pierres  le 
formenr  journellement  :  nous  voyons  cette 
vérité  confirmée  par  les  grottes  qui  fc 
rempliflcnt  peu-à-peu  ,  par  les  llalaiftites 
qui  ie  forment  aflez  promptemenr ,  par 
les  cryftalliiarions  &  les  incruftarions  qui 
recouvrenr  des  mines  dans  leurs  filons ,  & 
fur-tour  par  les  cailloux  &  les  marbres  que 
l'on  rrouve  fouvenr  par  petirs  fragmens 
qui  ont  éré  liés  Se  comme  collés  enfemblc 
par  un  fuc  pierreux  analogue ,  qui  n'en  a 
fair  qu'une  feule  mafte.  Voye-^  Terre  , 
Gluten  ,  Incrustation  ,  Pétrifica- 
tion ,  &c. 

Ces  obfcrvarions  ont  dû  conduire  na- 
turellement à  diftinguer  les  pierres  en 
pierres  anciennes  &  en  pierres  récentes. 
Par  les  premières ,  on  entend  celles  dont 
la  formation  a  précédé  les  divers  change- 
mens  que  notre  globe  a  éprouvés,  &  qui 
doivent  leur  exiftence  ,  pour  ainfi  dire, 
au  débrouillement  du  chaos  &  à  la  création 
du  monde.  Ces  fortes  de  pierres  ne  ren- 
ferment jamais  des  fubftances  étrangères  au 
règne  minéral ,  telles  que  des  bois  ,  des 
coquilles  &  d'autres  corps  marins  ;  c'eft 
de  pierres  de  cette  efpece  que  font  for- 
mées les  montagnes  primitives.  ^oje!|r 
Montagnes.  Les  pierres  récentes  font 
celles  qui  ont  été  produites  poftérieu rement 
&  qui  fe  forment  encore  tous  les  jours.  On 
doit  ranger  dans  cette  clafiè  toutes  les 
pierres  qui  font  par  lirs  ou  par  couches 
horizontales  ;  elles  onr  été  formées  par  le 
dépôr  de  la  bafe  ou  du  limon  des  rivières 
&  des  mers  qui  onr  occupé  des  porrions 
de  norre  conrinenr ,  qui  depuis  s'en  font 
retirées  j  c'eft  pour  cette  raifbn  que  l'on 
trouve  dans  ces  couches  de  pierres  des 
corps  entièrement  étrangers  à  la  terre  , 
qui  y  ont  été  enveloppés  &  renfermés  lorf» 


PIE 

que  la  matière  molle  dans  Ton  origine  eft 
venue  à  fe  durcir.  De  cette  efpece  font  les 
fchiftes  ,  les  ardoifes ,  les  pierres  à  chaux , 
les  grès ,  les  marbres  ,  ùc.  Parmi  ces 
pierres  récentes  il  y  en  a  qui  ont  été 
produites  ou  mifes  dans  Pétat  où  la-  na- 
ture nous  les  préfcnte  ^  par  les  embrafe- 
mens  de  la  terre  j  de  cette  efpece  font  la 
lave ,  la  pierre  ponce ,  &c.  On  doit  auiïî 
placer  au  rang  des  pierres  récentes  les 
veines  de  quartz  &  de  fpath  ,  qui  font 
venues  quelquefois  reboucher  les  fentes  des 
montagnes  &  des  rochers  ,  qui  avoient  été 
faites  antérieurement  par  les  tremblemens 
Se  les  affailTèmens  de  la  terre  ;  il  eft  aifé 
de  concevoir  que  les  pierres  qui  remplif- 
fent  ces  intervalles  ,  font  d'une  formation 
poftérieurc  à  celle  des  pierres  qu'elles  ont , 
pour  ainfi  dire  ,  refbudces.  (  —  ) 

Pierres    des   Amazones  ,    (  Phyf.  ) 
C'eft  chez  les  Topayos  ,   au  rapport    de 
M.  de  la  Condamine  ,  mém.  de  l'acad. 
des  fciences ,  année  iJ^S  *  qu'on  trouve 
aujourd'hui  plus  aifément    que   par- tout 
ailleurs  ,  de  ces  pierres   vertes  j    connues 
fous   le  nom    de  pierres  des  Ama:^ones, 
dont  on  ignore  l'origine ,  &  qui  ont   été 
fort  recherchées   autrefois ,  à  cau(e    des 
vertus  qu'on  leur  attribuoit ,  de  guérir  de 
la  pierre  ,  de  la  colique  néphrcti^^ue  &  de 
l'épilepfie.  Il  y  en  a  eu  un  traité  imprimé 
fous  le  nom  de  pierre  divine.  La  vérité  eft 
qu'elles  ne  différent  ni  en  couleur  ni  en 
dureté  du  jade  oriental}   elles  réiiftent  à 
la  lime?  &  on  n'imagine  point  par  quel 
artifice  les    anciens    Américains ,   qui  ne 
connoilTbient  pas  le  fer  ,  ont  pu  les  tailler, 
les  creufer  ,  &  leur  donner  diverfcs  figu- 
res d'animaux  :  c'eft  (ans  doute  ce  qui  a 
fait  naître  une  fable  peu  digne  d'être  ré- 
futée :  on  a  débité  fort  férieufement  que 
ceiie pierre  n'étoit  autre  chofe  que  le  limon 
de  la  rivière  y  auquel  on  donnoit  la  forme 
qu'on  defiroit ,  en  le  pétrifiant  quand  il 
étoit    récemment  tiré,  &    qui  acquéroit 
enfuite     à    l'air    cette    extrême    dureté. 
Quand  on  accorderoit  gratuitement  cette 
merveille  ,  dont  quelques  gens  incrédules  ne 
fèfont  défubufés  qu'après  que  l'épreuve  leur 
a  mal  réufli ,    il  refteroit    un  autre  pro- 
blême plus  diâîcile  encore  à  ré  foudre  pour 
nos  lapidaires  :  comment  ces  mêmes  In- 


PIE  g,r 

dicns  ont-ils  pu  arrondir ,  polir  àts  éme- 
raudes ,  &  les  percer  de  deux  trous  coni- 
ques diamétralement  oppofés  fur  un  axe 
commun  ?  On  trouve  de  telles  pierres  en- 
core aujourd'hui  au  Pérou,  fur  la  côte  de 
la  mer  du  fud ,  à  l'embouchure  de  la  rivière 
de  San-Jago  ,  au  nord-oueft  de  Quito  , 
dans  le  gouvernement  d'Emeraldas ,  avec 
divers  autres  monumens  de  Tindurtrie  des 
anciens  habitans.  hes  pierres  vertes  devien- 
nent tous  les  jours  plus  rares ,  tant  parce 
que  les  Indiens  qui  en  font  grand  cas , 
ne  s'en  défont  pas  volontiers  ,  qu'à  cauic 
du  grand  nombre  de  ces  pierres  qui  à 
parte  en  Europe.  {D.  J.) 

Pierres  apyres  ,  (  Hijï.  nat.  Min.  ) 
Quelques  naturaliftes  donnent  cette  épi- 
thete  aux  pierres  qui  ne  fouffrent  aucune 
altération  par  l'adion  du  feu ,  c'eft-à^dire , 
qui  ne  font  ni  calcinées  ou  réduites  en 
chaux ,  ni  fondues  ou  changées  en  verre 
par  un  feu  ordinaire ,  tel  que  celui  que  la 
chymie  emploie  pour  fes  analyfes.  Les 
pierres  de  cette  efpece  font  le  talc, 
l'amiante  ,  l'afbefte  ,  le  mica  ,  ffc.  Il  faut 
obferver  que  ces  fortes  àe  pierres  ne  font 
point  abfolument  apyres ,  puilque  le  mi- 
roir ardent  eft  en  état  de  les  faire  entrer 
en  fufion.  Voye^  Varticle  Miroir  ar- 
dent. (  — ) 

Pierres  cjVlcaires  ou  pierres  a 
CHAUX,  {Hijî.nat.  Minéral^  lapis calcareus, 
nom  générique  que  l'on  donne  à  toute/j/erre 
que  l'adriorrdu  feu  convertit  en  chaux.  Plus 
les  pierres  que  l'on  emploie  à  cet  ufage  fonc 
dures  ôc  compad:es,  plus  la  chaux  qui  en 
réfulte  eft  d'une  bonne  qualité.  Voy.  Cal- 
caire &  Chaux.  ( — ) 

Le  choix  des  pierres^  la  conftruftion 
la  plus  favorable  des  fourneaux,  la  conduite 
la  plus  prudente  du  feu  ,  font  les  trois  par- 
riesprincipales  de  l'art  du  chaufournier, 
aurti  ancien  que  la  conftruétion  des  édificci 
&  des  villes. 

On  diftingue  les  pierres  à  chaux  les  plus 

convenables ,   parce   qu'elles  ne  donnent 

pas  de  feu ,  étant  frappées   avec   l'acier  ; 

elles  {ont  attaquées  avec  effervefcence  par 

les  acides,   comme  les  fels   alkalis.   Ces 

acides  peuvent  les  difibudre ,  &  elles  font 

I  précipitées  par    les  alkalis   :    réduites   en 

1  chaux,  elles  deviennent  plus  folubespar  les 

Kkk  kki 


Si2  P  I  E 

acides  i  la  terre    dont  elles  font  cofnpo- 
fées  ,  eft  alkaline.  (  Lithogéognéfie  de  Pott , 
ch.î.)  Les  pierres  à  chaux  fe  trouvent  dans 
tous  les  pays ,  par  couches ,  par  bancs ,  ou 
détachées,  ou  roulées.  Leur  couleur  varie 
autant  que  leur  grain  ôc  leur  compolition. 
L'expérience  a  appris  à  tous  les  ouvriers, 
à  les  reconnoitre  ,  ôc   ils   préfèrent  celles 
qui  font  les  plus  à  leur  portée.  La  proxi- 
mité de  la  pierre   &c   celle    des  matières 
combuftibles  que  Ton  emploie,  combinées 
cnfemble,  décident  donc    de   remplace- 
ment  des  fourneaux,  ^n    général ,     les 
pierres  à  chaux    les   plus  vives,   les  plus 
compa<Stes,  les  plus  dures,  celles  qui  font 
tirées  du  fond  des  carrières  ,  &  non  de 
la  furface  ,    font  d'ordinaire  la  meilleure 
chaux.  La.  pierre  la  plus  difficile  à  calciner 
fait  aulli   la  chaux   la   plus  parfaite.   La 
chaux  de  la  Lorraine  eft  une   des    meil- 
leures efpeces ,  elle  fe  durcit  plus  vite  à 
Teau  qu'à  Pair  ;  &  la  pierre  que  l'on  em- 
ploie ,  eft  d'un   bleu   foncé ,    tendre    au 
ibrtir  de  la  carrière ,  &  s'exfoliant  à  l'air 
&  au  gel.  La  plupart  des    marbres  font 
une  bonne   chaux  ;  avec  le  noir  on    fait 
de  la  chaux  fort  blanche  j  avec  le  blanc , 
on  fait   de  la  chaux  d'un  blanc  éclatant. 
Les  pierres  où  l'on  trouve  des  coquillages 
pétrifiés ,  font  communément  très-propres 
à  faire  de  la  chaux.  On  fait  auflî ,  près  des 
mers  abondantes  en  coquillages  ,  comme 
en  Hollande  &  ailleurs ,    la    chaux  avec 
ces  coquilles  calcinées  :  la  chaux   en  eft 
très-blanche.  On  tire  même  du  fein  de  la 
terre ,  loin  des    mers ,   en  divers  lieux , 
des  coquilles  de  mer  enfevelies ,  dont  on 
fait  de  la  bonne  chaux.  On  fait  encore  de 
la  chaux  avec   les   pierres    d'une    marne 
endurcie  &  pétrifiée ,  avec  une  efpece  de 
pierre  crétacée  ,  avec  une  forte  de  limon 
pétrifié  ,   ùc.  En  un    mot ,    toute  pierre 
allcaline  &  calcaire    peut    devenir  de  la 
chaux  par  un  feu  fufiifant ,  conduit  félon 
les  règles  de  l'art. 

On  fiit  de  la  chaux  avec  toutes  fortes 
de  bois ,  mais  plus  facilement  avec  les 
bois  qui  font  une  belle  flamme  :  les  bois 
blancs  font  très-propres  à  cela.  On  em- 
ploie auflî  la  tourbe,  le  charbon  déterre 
ou  la  houille  ;  fouvent,  auflî ,  dans  les 
mêmes  fours j  coiiftruits  dans  cette  vue. 


PI  E 

'  on  fait  en  même  temps  la,  chaux   &  la 
brique,  ou  la  tuile.' 

On  place  les  fourneaux  ,  autant  qu'on 
le  peut ,  fur-tout  lorfque  l'on  travaille  en 
grand ,  fur  un  tertre ,  afin  que  creufés 
on  puifle  avoir  accès  au  pié  &  au  fommet 
avec  facilité. 

En  général ,  le  feu  eft  dirigé  de  deux 
manières  dans  les  chaufours ,  félon  les 
matières  combuftibles ,  Se  les  pays  :  quel- 
quefois on  fait  une  vive  flamme  ,  fous 
une  mafle  de  pierres  foutenue;  c'eft  fur- 
tout  lorlque  l'on  emploie  du  bois  ,  des 
broflàilles ,  des  bruyères  ,  ùc.  D'autres 
fois  on  fait  un  feu  moins  flambant;  c'eft 
lorfque  l'on  entremêle  par  couches ,  avec 
les  pierres ,  le  bois  coupé ,  le  charbon  de 
bois ,  la  tourbe  ,  la  houille  ,  ùc.  La  dif- 
pofition  ou  l'arrangement  des  fours  eft 
différent ,  félon  que  l'on  fc  fért  d'un  feu 
plus  ou  moins  flambant ,  ôc  dans  ce  cas  , 
il  faut  un  foyer;  ou  bien  ,  fîon  fait  ufage 
d'un  petit  feu ,  les  matières  combuftibles 
font  ftratifiées  avec  \es  pierres. 

M.  Fourcroy  de  Ramecourt ,  dans  l'art 
du  chaufournier  ,  qu'il  a  décrit  &  publié 
en  17(36,  eft  entré  dans  tous  les  détails 
nécefïaires  fur  la  conftrudion  &  la  con- 
duite des  fours  de  divers  pays.  Il  décrit 
les  fours  ellipfoïdes  de  Lorraine  à  grande 
flamme  ,  où  l*on  fait  la  chaux  âpre ,  qui 
fe  durcit  le  plus  promptement;  les  fours 
à  chaux  cubiques  d'Alface ,  auffi  à  grande 
flamme.  Il  donne  enfuite  la  conftru6tion 
des  fours  de  la  féconde  efpece ,   à   petit 
feu ,  qui  font  en  pyramide ,  ou   en  cône 
renverfé ,    &    que  l'on  emploie  auflî  en 
Flandre  Se  en  diverfes  provinces  de  France; 
des  fours  en  demi-ellipfbïde  renverfé,  que 
l'on  fait  à  Tournai  Se  ailleurs  ;  des  fours 
cylindriques,  où  l'on  fe  fert  du  charbon 
de  bois.  Il  détaille  aufTi   la  conduite  des 
fours  coulants ,  c'eft  -  à  -  dire  ,    dont  on 
n*éteint  point  le  feu ,   tant  que    dure  l'a 
fabrication  de  la  chaux  &  le  four  :  on  en 
tire  la  chaux  par  le  pié  ,  à  mefurc  qu'elle 
fè  fait ,    en  rechargeant  d'autant  le   four 
par  fon  fommet. 

Nous  ne  fuivrons  pas  cet  auteur  dans 
tous  fes  détails;  nous  nous  contenteroîis 
de  donner  ici  la  feule  defcription  de  là. 
méthode  quil  juge  être  la  meilleur-c.      " 


PIE  PIE  813 

Fours  en  cône  renverfé.  Toas  les  fours  ]  la  mafle  àe  pierres  dont  le  four  fera  rempli , 


à  chaux  font  fcmblables  fur  labafîe-Meufe, 
TEfcaut,  la  Scarpe,  la  Lys,  dans  la  Flan- 
dre maritime ,  &  le  Boulonnois  :  ils  ne 
différent  que  par  leur  grandeur  &  quelques 
accelfoires,  à  Texception  de  ceux  de  Tour- 
nai, dont  je  parlerai  en  particulier.  On 
fait  aux  mêmes  fours ,  dans  toute  cette 
étendue  de  pays ,  de  la  chaux  de  pierres 
dures ,  emmarbrées,  quand  on  peut  fe  les 
procurer ,  &  de  la  chaux  de  pierres  blan- 
ches &  tendres  qui  s'y  trouvent  prelque 
par-tout.  Ce  font  encore  les  mêmes  fours 
qui  iont  en  ufage  à  Vichi,  à  Lyon,  acad. 
ly&î  y  page  z8j ,  en  Dauphiné  &  en 
plufîeurs  autres  provinces  de  France. 

Dimenfions  &  conjiruclion  de   ces  fours. 
Le  vuide  ou  intérieur  de  ces  fours  eft  un 
entonnoir  :  en  Flandre  on  lui  donne  vingt 
à  vingt-huit  pouces  de  diamètre  par  le  bas. 
Le  diamètre  augmente  de  quatre  à  neuf 
pouces  par  pie  de  hauteur  du  four,  jufqu'à 
ce  que  Taxe  ait  acquis  une  hauteur  pro- 
portionnée à  Texploitation  qu'on  fe  pro- 
pofe  :  un  petit  four  s'élève  jufqu'à  fept  ou 
huit  pies  de  hauteur  ,   &  peut  avoir  au 
fommet  cinq  à  fix  pies  de  diamètre;  au 
lieu  qu^un  grand  s*éleve  jufqu'à  quinze  ôc 
feize  pies ,   ôc  aura    au    fommet   huit  à 
douze  pies  de  largeur  d'orifice.  Ailleurs 
on  leur  donne  par  le  bas  jufqu'à  près  de 
cinquante  pouces  de  diamètre.  On  fait  donc 
de  ces  fours  à  chaux  qui  ne  contiennent 
qu'environ  foixante  de  quinze  pies  cubes  de 
matière  à  la  fois  pour  des  particuliers  qui 
veulent  bâtir,  &  d'autres  qui  en  contien- 
nent jufqu'à  ûx  cents  pies.  On  joint  aulTî 
plufîeurs  de  ces  derniers  enfemble,  pour  les 
cnrreprifes  de  grande  tonfommation.  Les 
proportions  de  tous  ces  grands  &  petits 
fours,  ne  paroiflent  déterminées  que  par 
le  caprice  &  les  idées  particulières  à  chaque 
chaufournier,  ou  même  au  maçon  qui  les 
conftruit.  Le  plus  ou  le  moins  de  talut  à 
donner  au  pourtour  de  l'entonnoir ,  depuis 
deux  jufqu'à  quatre  pouces  &  demi  par 
pié  de  hauteur,  dépend  uniquement,  dit 
le  m^çon,  de  la  folidité  plus  ou  moins 
grande  du  terrain  fur  lequel  on  établit  le 
four.  Il  faut  plus  de  talut ,  fi  le  fonds  n'eft 
pas  ferme;    fi   les    côtés    étoient    moins 
inclinés  que  d'un  iixicme  de  leur  hauteur , 


tomberoit  trop  promprement  au  fond ,  & 
y  formeroit  un  poids  capable  d'ébranler 
l'édifice.  Si  le  four ,  félon  les  chaufourniers , 
eft  trop  évafé  ,  le  feu  ne  peut  en  atteindre 
les  bords.  Il  y  a  lieu-  de  croire  que  ces 
diverfes  prétentions  ne  font  pas  fans  fon- 
dement, de  que  l'opération  du  feu  de  ce 
four  n'exigeant  pas  une  grande  précifioii 
dans  fon  degré  de  chaleur ,  on  peut  effec- 
tivement admettre  une  certaine  latitude 
dans  le  meilleur  module  de  fes  propor-* 
tions,  comme  nous  le  verrons  par  les  dé- 
tails. Mais  par- tout  l'art  du  chaufournier 
m'a  paru  n'avoir  été  éclairé  jufqu'à  prcfent, 
d'autres  lumières  que  de  la  tradition  locale 
des  gens  grollîers  qui  le  pratiquent. 

Le  ce  ne  renverfé   du  four  ,  eft  porté 
fur  un  foyer  cylindrique,  du  même  dia- 
mètre de  vingt  à  vingt- huit  pouces,  8c 
de  dix-huit  de  hauteur ,  qui  fert  tout-à- 
la-fois  de   cendrier ,  de  décharge   Ôc   de 
foufflet  pour  le  four.  On  pratique  à  ce 
f3ycr  une,  deux,  trois  ou  quatre  gueules, 
félon  la  grandeur  du  four ,   chacune  de 
quinze  à  feize  pouces  de  hauteur ,  &  de 
douze  ou  treize  de  largeur,  pour  pouvoir 
y  faire  pafter  aifément   une  pelle  de  fer 
de  l'efpece  de  celles  que  l'on  appelle  ef- 
coupes  :  chaque  gueule  eft  cintrée  par  fon 
fommet  de  deux  pouces," fur  une  barre  de 
fer  de  vingt-cinq  lignes  de  largeur  5c  quatre 
à  cinq  lignes  d'épaifleur,  qui  en  fupporte 
les  claveaux ,  Se  chacune  eft  encore  tra- 
verfée  à  la  nailfance   de    fon    cintre  par 
une  féconde  barre ,  lemblable  ôc  droite  , 
le  tout  bien  fcellé  dans  la  maçonnerie.  On 
fcelle  aufTi  une  autre  barre  plus  forte  à 
l'orifice  inférieur  de  l'entonnoir ,  ôc  à-peu- 
près  fuivant  fon  diamètre ,  fur  laquelle  , 
comme   fur   les    barres    horizontales  des 
gueules ,  le  chaufournier   fait    porter  les 
extrémités  d'autres  barreaux  volans  ,  pour 
y    former  un    grillage    quand    il  en    eft 
befoin. 

La  manoeuvre  très-fréquente  de  charger  ' 
ce  four,  exigera  fon  fommet  une  plate- 
forme ,  tout  autour  de  l'entonnoir  ,  ôc 
plus  grande  à  proportion  que  le  four  efl 
plus  élevé.  Il  ne  la  faut  pas  moindre  que 
de  largeur  égale  au  diamètre  fupérieur  du 
fouri  û  le  four  eft  d'environ  douze  pi(fs 


Si4  P  î  E 

de  largeur,  l'édifice  total  fe  trouvera  de 
3  5  pies  de  diamètre ,  fur    15   à    16  pies 
d'élévation  ;  ce  qui  demande  de  la  folidité 
dans  la  bâtilïé.  Il  faut  donc  ou  de  bons 
revêtemens  tout  autour,  pour  (burcnir  la 
pouiréc  des  terres  de  la  plate-forme  ôc  de 
toute  la  pierre  à  chaux  que  Pon  y  amafle , 
ou  conftruire  le  tout  en  maçonnerie  pleine, 
ou  choifir ,  Ci  on  le  peut ,  fon  emplace- 
ment contre  un  tertre,  ou  enfin  enfoncer 
le  four  entier  dans  les  terres ,  comme  nous 
Tavons  vu  aux  fours  du  premier  genre. 
Dans  tous  ces  cas,  il  faut  pratiquer  au 
bas   des  grands   fours   quelques    galeries 
fufGfamment  éclairées ,  tant  pour  arriver 
aux  gueules  du  four,  que  pour  y  dépofer 
la  chaux  bien  à  couvert  à  mefure  qu'on  la 
défourne.  Pour  monter  fur  la  plate- forme, 
il  faut  y  former  une  rampe  douce  ,  par 
laquelle  les  journaliers  puiflènt  continuel- 
lement rouler  les  matières  à  la  brouette. 
Si  le  cône  cft  conftruit  avec  des  briques, 
qui  font  certainement  l'efpece  de  maté- 
riaux qui  y  convient  le  mieux,  fà  maçon- 
nerie eft  fuffifante  avec  huit  pouces  d'é- 
paififèur.   Il   y  faut   cependant    plufieurs 
contre-forts  pour  qu'il  ne  fléchilTe  pas ,  en 
tas  que  les  terres  rapportées  faflent  quelque 
mouvement.  Du  refte,  ces  fortes  d'édifices 
n'ont  rien  de  particulier  dont  les  deflîns 
ne  puiflerit  faire  entendre  les  détails. 

Un  petit  four  de  cette  efpccc  ,  creufé 
dans  la  terre  &  revêtu  de  briques,  ne 
peut  nulle  part  être  cher  à  conftruire  j 
mais  un  grand ,  élevé  en  rafe  campagne , 
peut  coûter ,  dans  la  Flandre  maritime , 
jufqu'à  quinze  &  feizc  cents  livres  ;  deux 
ou  trois  grands  accolés  ,  iroient  à  mille 
ou  douze  cents  livres  chacun  ,  le  tout  à 
proportion  du  prix  des  journées  d'ouvriers 
&  de  la  brique,  qui  s'y  vend  jufqu'à  douze 
livres  le  mille. 

Charge  de  ce  four  en  pierres  dures.  Pour 
charger  ce  four  ,  le  chaufournier ,  après 
avoir  formé,  à  l'orifice  inférieur  de  l'en- 
tonnoir ,  le  grillage  de  barreaux  volans , 
y  defcend  &  y  arrange  trois  ou  quatre 
bradées  de  bois  bien  (éc ,  &  qu'il  recou- 
vre d'un  lit  de  trois  ou  quatre  pouces 
de  houille  en  morceaux  gros  comme  le 
poing. 
Si  la  houille  deftinée  pour  ce  four  cft 


P  I  E 

en  poufliere ,  &c  que  la  pierre  à  calciner 
foie  dure ,  toute  la  pierre  doit  avoir  été 
réduite  en  morceaux  de  la  groflèur  du 
poing  tout  au    plus.  On  en  a  tranfporté 
fur  la  plate-forme  un  amas  fuffifant  pour 
la  charge  complette  du  four ,  ainfi  qu'une 
quantité  proportionnée  de  houille.  Alors 
le  chaufournier  reçoit  un  panier  rempli  de 
CQS  pierres ,  que  deux  fervans  lui  defcen- 
dent,  au  moyen  d'une  corde,  &  jette  les 
pierres  fur  le  lit  de  houille ,  puis  un  autre 
femblable  panier  :  il  range  groffiérement 
ces  pierres ,  le  plus  fouvent  avec  fon  pié 
fans  fe  bailler  j  en  forte   qu'elles  recou- 
vrent foute  la  houille.  Sur  ce  lit  àt  pierres, 
qui  s"'appellc  une  charge ^  &c  qui  peut  avoir 
trois  à  quatre  pouces  au  plus  d'épailTeur, 
il  étend  un  lit  de  houille ,  ou  une  char- 
bonnée  ,  en  vuidant  un  panier  qu'on  lui 
defcend ,    comme    ceux   de   pierres.    Le 
pou  Hier ,  par  ion  choc  en  tombant ,  s'in- 
finue  dans  les  joints  des  pierres  ,   Ôc  les 
recouvre    entièrement.    Le    chaufournier 
répète  la  même  manœuvre  des  charges  ôc 
charbonnées  alternatives,  jufqu^à  ce  que 
le  four  foit  totalement  rempli.  Il  obferve 
feulement  de  faire  les  charges  un  peu  plus 
épaiflès ,  à  mefure  qu'elles  s'élèvent ,  ôc 
fur-tout  vers  Paxe  du  four ,  où  le  feu  eft 
fouvent  le  plus  adif.  Ces  charges  forment 
donc  ordinairement  une  efpece  de  calotte  , 
ôc  peuvent  avoir  vers  le  fommet  du  four 
fept  à  huit  pouces  d'épailTeur  autour  de 
l'axe ,  au  lieu  de  cinq  à  fix  pouces  près 
les   bords  de  l'entonnoir.  Pour  le  fervir 
diligemment ,  il  y  a  huit  ou  dix  manœu- 
vres munies  de  deux  douzaines  de  mannes 
ou  paniers  qu'ils  remplilîènt  de  pierres  fur 
la  plate-forme,  &  qu'ils  vuidentfucceflîvc- 
ment  dans  celui  que  l'on  defcend  au  fond 
du  four  ;  ainfi  que  la  houille ,  quand  le  chau- 
fournier le  demande.  Il  faut  une  heure  pour 
arranger  dans  le  four  environ  foixante  ôC 
douze  pies  cubes  de  cette  menue  pierre. 
Les  mêmes  journaliers  font  occupés  à 
brifer    le   moellon  avec    des   marteaux  , 
lorqu'ils    ne  fervent  pas  à  la  charge  du 
four  ou  des  voitures  qui  viennent  chercher 
la  chaux.  Ce  n'eft  pas  que  de  plus  grofTes 
pierres  ne  fe  calcinent  également  bien  au 
feu    de    houille  ,  comme  on    le  pratique 
quelquefois  à  portée  des  carrières  ôc  des 


P  I  E 

mines;  maïs  l'éloignement  de  Tune  & 
Tautre  apporte  néceflàirement  des  change- 
mens  dans  la  manipulation  de  cet  atte- 
lier;  c'eft  ce  que  j^ai  remarqué  à  dix  lieues 
de  Landrerhun ,  d'où  l'on  tire  la  pierre 
&  la  houille  à  grands  frais  pour  les  feurs 
à  chaux  de  MM.  Thierry  ,  entrepreneurs 
àts  ouvrages  du  roi  de  France  ,  &  négo- 
cians  à  Duiiktrque ,  qui  m'ont  fourni  plu- 
iîeurs  bonnes  remarques  aflurées  fur  leur 
longue  &  intelligente  pratique,  &  mont 
procuré  toutes  (brres  de  facilités  à  leurs 
fours  pour  mes  épreuves.  La  houille  doit 
être  diftribuée  dans  le  four  par  couches, 
d'une  épailTeur  proportionnée  à  Ton  degré 
de  bonté  &  à  la  maiTc  des  morceaux  de 
pierre.  Si  les  pierres  ne  font  pour  la  plu- 
part à-peu-près  égales ,  les  plus  grofles  ne 
feront  pas  encore  pénétrées  de  feu  ,  lorf- 
que  les  moindres  feront  déjà  calcinées  :  il 
faudroit  donc  obferver  dans  les  charbon- 
nées  de  donner  plus  de  houille  à  celles-là 
qu'à  celles-ci  ;  ce  qui ,  outre  la  grande 
fujétion  ,  produiroit  fou  vent  de  l'inégalité 
dans  .la  calcination ,  beaucoup  de  noyaux , 
que  les  chaufourniers  appellent  aufîî  rigaux 
&  marrons  dans  les  grolîès  pierres  ,  de 
confommeroit  beaucoup  de  houille  inutile 
autour  des  petites.  Or ,  quand  la  pierre  eft 
chère ,  on  ne  laifTe  perdre  ni  les  éclats  des 
moellons ,  ni  les  recoupes  de  la  taille ,  &  il 
fe  rencontre  nécefTairement  beaucoup  de 
menus  morceaux  dans  la  pierre  à  calciner. 
Pour  qu'il  y  ait  plus  d'uniformité  dans  le 
total ,  il  convient  donc  de  brifer  les  moel- 
lons ,  &  n'admettre  dans  le  four  que  des 
morceaux  de  pierres  au  deflbus  de  vingt 
pouces  cubes. 

D'ailleurs,  la  houille  que  Ton  tire  de 
loin,  n'eft  pas  toujours  de  la  m.eilleure, 
lu^r-tout  fi  elle  vient  de  houiîlieres  qui 
n'aient  pas  un  grand  débit.  Comme  alors 
il  s'y  en  trouve  fouvent  d'anciennement 
tirée  de  la  mine,  &  par  conféquent  éventée 
ou  fort  afFoiblie ,  les  débitans  ne  m.aiiquent 
guère  à  la  mêler  avec  la  nouvelle,  ôc 
l'envoient  ainfi  détériorée  à  ceux  qui  ne 
font  pas  à  portée  d'y  veiller.  Il  faut ,  en 
employant  cette  houille,  faire  les  charges 
de  pierres  plus  minces ,  la  menue  pier- 
raille y  convient  mieux.  Quand  on  a  la 
houille  dans  toute  fa  force ,  ôc  mêlée  de 


PIE  1x5 

morceaux  avec  le  poudîer ,  comme  à  Tour- 
nay ,  Valenciennes ,  &c.  on  peut  épargner 
une  partie  des  frais  de  la  débiter  fi  me- 
nue :  la  groflè  houille  donne  un  fèu  plus 
vif,  parce  qu'elle  s'évente  moins  à  l'air, 
&  eft  plus  chère  à  poids  égal.  Mais  on  a 
remarqué  par-tout  que  les  moellons  angu- 
laires &  minces ,  au  moins  par  un  côté , 
fous  la  forme  irrégulierc  d'un  coin ,  en  un 
mot ,  ce  que  l'on  appelle  des  éclats ,  le 
calcinent  mieux  que  ceux  de  forme  cubique 
ou  arrondis ,  qui  ne  réufTiflènr  pas  dans 
les  fours. 

On  i-ait  aulïî  plus  minces  les  charges  dut 
fond  du  four,  parce  qu'il  faut  au  commen- 
cement de  l'opération  plus  de  feu  pour  faire 
luer  Ôc  recuire  le  four  ,  fur-tout  s'il  eft 
récemment  conflruit  ;  &  malgré  cette 
augmentation  de  feu,  le  pié  du  four  fournit 
ordinairement  quelques  mannes  de  pierres 
mal  calcinées. 

^  Du  feu  de  ce  four  &  de  fa  conduite.  H 
n'efl  pas  indifférent  de  mettre  le  feu  au 
four,  lorfqu'il  n'eft  chargé  qu'en  partie, 
ou  d'attendre  qu'il  le  foit  totalement.  Si 
dans  ce  dernier  cas ,  le  feu  par  quelque 
accident,  ne  prenoit  pas  bien  &  s'éteignoit, 
il  faudroit  décharger  tout  le  four ,  &  perdre 
un  tenips  confidérable  de  tous  les  journa- 
liers :  ainfi  la  prudence  exige  de  l'allumer  , 
lorfque^  le  bois  eft  recouvert  feulement  de 
deux  à  trois  pies  de  hauteur  par  les 
charges.  Pour  l'allumer,  on  jette  dans 
le  cendrier  une  botte  de  paille  que  l'on  y 
charge  de  quelques  morceaux  de  bois  i\c  : 
on  obferve  de  choifir  celle  des  gueules  , 
fur  laquelle  le  vent  foufîle  le  plus  direc- 
tement. Si  le  vent  étoit  trop  violent,  on 
boucheroit  celles  des  autres  gueules ,  par 
lefquelles  la  flamme  fortiroir  du  cendrier. 
En  quelques  minutes ,  le  bois  qui  eft  fur 
e  grillage  fe  trouve  enflammé  :  lorfqu'il 
reft  fufHfamment ,  &  que  la  fumée  com- 
mence à  fortir  par  le  fommet  du  four , 
on  bouche  toutes  les  gueules  avec  des 
pierres  &  de  la  terre  ou  des  gazons,  afin 
que  le  feu  ne  s'élève  pa3  trop  vite ,  & 
c'eft  alors  que  l'on  continue  les  charges 
jufqu'au  fomm.et  du  four. 

Il  feroit  fans  comparaifon  plus  commode 
au  chaufournier,  que  ces  gueules  fuflènc 
garnies  chacune  d'une  porte  de  tôle.  U 


8i^  PIE,  .       ç    . 

cft  fouvent  néceffaire  de  les  ouvrir  ou  fei^- 
mer  pour  bien  conduire  le  feu  ,  &  rendre 
la  caicinaiion  égaie  dans  toutes  les  parties 
du  four;  mais  comme  il  faut  du  temps, 
ôc  quelques  peines  pour  arranger  bc  dé- 
placer cet  amas  de  pierres  ôc  de  gazon  , 
dont  on  fe  fert  ordinairement ,  les  ouvriers 
conviennent  qu  ils  fe  les  épargnent  quel- 
quefois mal-à-propos;  au  lieu  que  des 
portes  de  fer  avec  regiftres,  comme  a  nos 
poêles  d^appartemens ,  leur  donneroient 
le  moyen  de  gouverner  le  feu  avec  la  plus 
grande  facilité.  J^en  ai  fait  faire  de  telles 
en  faveur  d'un  vieux  chaufournier ,  pra- 
ticien de  quarante  ans,  qui  m'en  a  re- 
mercié plufieurs  fois,  comme  d'un  grand 

préfent.  ^      ,, 

Les  gueules  par  lefquelles  on  tire  toute 
la  chaux  du  four,  à  mefure  quelle  eft 
faite,  font  fujettes  à  de  fréquentes  dégra- 
dations. Leur  cintre,  qui  iVeft  porte  que 
fur  une  feule  barre  ,  fe  brife  a  force  d  être 
heurté  par  le  manche  d  une  pelle  que 
l'on  enfonce  dans  la  chaux,  comme  un 
levier  pour  la  faire  tomber  dans  le  cen- 
drier :  leurs  pies  droits  s'écornent  &  le  de- 
truifent  par  les  coups  fréquens  de  la  même 
pelle  qui  ramalTe  la  chaux.  Il  faudroit  dans 
le  cas  d  une  exploitation  fuivie  plusieurs 
années,  que  les  gueules  fuflent  garmes  d'un 
chai;ris  de  fer,  qui,  en  les  défendant,  1er- 
viroit  de  battée  à  la  porte  de  tôle.    ^ 

Il  ne  fuffit  pas  toujours ,  pour  opérer 
l'égalité  du  feu  dans  tout  le  cercle  du  lour , 
de  bien  ménager  le   courant  de  l'air  ou 
tarage  par  le  cendrier.  Il  fe  rencontre  dans 
le  malTif  des  pierres,  fur-tout  auprès  des 
parois  du  four,  des  endroits  ou  le  feu  ne 
pénètre  nas  comme  ailleurs-,  ce  qui  vient 
en  partie  de  ce  que  la  pierre,  en  tombant 
des  mannes ,  fe  trouve  plus  entallee  dans 
q  uelques  points  que  dans  d'autres ,  &  moins 
garnie  de  houille  dans  fes  joints.  Ces  en- 
droits font  remarquables  à  la  furface  du 
four  par  la  couleur  des  pierres,   qui  ne 
font  pas  imprégnées  de  fuie ,  comme  celles 
fous  lefquelles  le  feu  a  fait  plus  de  progrès. 
Il  faut  y  donner  un  peu  de  jour  ,^  pour 
/    que  le  feu  s'y  porte  davantage.  C'eft  a  quoi 
fert  la  lance;   le   chaufournier   drefle  la 
lance  fur  fa  pointe,  &  en  l'agitant  la  fait 
eim.er  &  pénétrer  à  travers  les  pierres  dç 


P  lE 

toute  fa  longueur  :  il  la  retire  &:  la  replonge 
plufieurs  fois  de  fuite  dans  le  même  trou, 
pour  y  former  un  petit  canal.  Se  en  pra- 
tique plufieurs  femblables  dans  le  volfinage, 
s'il  le  juge  néceflaire.  Il  n'en  faut  pas  da- 
vantage pour  déterminer  le  feu  vers  ces 
parties,  &  rétablir  fégalité.  Ces  coups  de 
lance  font  fort  rarement  nécetfaires  ail- 
leurs qu'auprès  des  parois  de  l'entonnoir , 
&  m'ont  fait  juger  que  les  fours  moins 
évafés  font  plus  favorables  que  ceux  qui 
le  font  davantage  ,  dans  ces  premiers  le 
feu  devant  atteindre  plus  aifément  toute 
la  circonférence. 

Lorfque  le  feu  approche  du  haut  du 
four,  il  faut  en  garantir  l'orifice  par  des 
abrivents  de  planches  de  quatre  à  cinq 
pies  de  hauteur  pour  les  petits  fours ,  & 
un  peu  plus  élevés  pour  les  grands.  On  les 
drelfe  entre  quelques  piquets;  on  les  change 
de  place  ,  félon  que  le  vent  tourne  ,  &C 
on  les  abat  chaque  fois  qu'il  faut  recharger 
le  four.  Il  n'y  a  pas  d'autre  opération  à 
faire  à*  ce  four,  jufqu'à  ce  que  le  feu 
foit  parvenu  à  l'orifice  fupérieur ,  &  ait 
enflammé  le  dernier  lit  de  houille  fous 
la  dernière  charge  de  pierres  ,  en  forte 
que  l'on  en  voie  la  flamme  ;  ce  qui  arrive 
le  troifieme  ou  quatrième  jour ,  fuivant  la 
grandeur  du  four,  ôc  que  le  vent  a  été  plus 
ou  moins  favorable  par  fa  médiocrité. 

De  Vextraclion  de  la  chaux  ,  &  des 
recharges  du  four.  Le  feu ,  à  melure  qu'il 
s'élève  ,  abandonne  le  bas  du  four ,  dont 
if  a  confumé  toute  la  houille  ,  &  qui  le 
refroidit  totalement.  Alors  le  chaufournier 
jette  une  bonne  charbonnée  fur  la  furface 
de  fon  four ,  &  commence  enfuite  à  tirer 
par  le  cendrier  la  chaux  qui  eft  faite. 
Il  y  auroit  de  l'inconvénient  à  déranger 
pié  du  four  avant  que  le  feu  fut  arrivé 


le  pié  viw  xv.«x -1 

jufqu'au  fommet  ;  la  chute  ou  1  aftaiiiemcnt 
des  pierres  feroit- pénétrer  &  tomber  entre 
leurs  joints  les  charbonnées  du  fommet  qui 
ne  feroient  pas  encore  enflammées  :  il  ie 
trouveroit  par-là  des  efpaces  de  pierres 
dépourvus  de  houille ,  &  d'autres  qui  en 
feroient  iurchargés. 

C'eft  par  cette  raifon  qu'il  faut  ^eter  une 
charbonnée  avant  de  tirer  la  chaux  faite  : 
le  feu ,  quoiqu'il  fc  montre  autour  de  1  axe 
à   la  furface  fupérieure  du  four  ,  n  elt 

ordinairemei;^ 


PIE 

ordinairemtnt  pas  encore  fi  élevé  près  la 
circonférence  ;  .  il  faut  y  fournir  de  la 
houille  pour  remplacer  celle  qui  tombera 
plus  bas  ,  pendant  le  mouvement  que  vont 
faire  toutes  les  pierres  dont  le  four  eft 
chargé. 

Pour  tirer  la  chaux ,  le  chaufournier 
arrache  les  barreaux  volans  du  grillage  : 
la  chaux  tombe  auffi-tôt  dans  le  cendrier  ; 
ou  fi  elle  relte  fufpendue  dans  le  four,  il 
l'aide  à  tomber  avec  le  manche  de  fa 
pelle  :  il  l'enlevé  à  la  pelle  par  toutes  les 
gueules  l'une  après  l'autre.  Ces  ouvriers 
prétendent  que  s'ils  tiroient  la  chaux  par 
une  feule  gueule  ,  il  n'y  auroit  qu'un  côté 
du  four  qui  fe  vidcroir  de  la  chaux  faite  , 
&  que  les  pierres  du  four  ne  s'aftaifferoient 
pas  égalejnent  ;  au  lieu  qu'en  tirant  par 
toutes  les  gueules  ,  la  mafîè  entière  def- 
ccnd  uniformément  fans  fe  déranger.  Ceci 
me  paroît  vrai  dans  les  fours  de  Tournai , 
qui  font  beaucoup  plus  grands  qu'ailleurs  , 
&  dont  le  pié  cft  autrement  dilpofé  ;  mais 
j'ai  fouvent  obfervé  comment  fe  fait  cet 
afîàifîêment'dans  les  fours  coniques  de  la 
Flandre  ,  pendant  l'extraâ:ion  de  la  chaux  : 
comme  l'entonnoir  n'a  qu'environ  vingt- 
quatre  pouces  d'orifice  par  le  bas,  ce 
font  toujours  les  pierres  les  plus  voifines 
de  fon  axe  qui  tombent  le  plus  vite  ,  &  '(iir 
un  diamètre  à-peu-près  égal  à  cet  orifice 
inférieur  ,  par  quelque  gueule  que  l'on  dé- 
charge le  four  ;  enforte  qu'il  fe  forme  tou- 
jours à  la  furface  fupérieure  un  encuvement 
de  huit  à  dix  pouces  ,  plus  profond  auprès 
de  l'axe  que  vers  les  bords ,  fur  un  afFaifle- 
ment  total  de  dix-huit  pouces  réduits  :  en 
même  temps  toutes  les  autres  pierres  de  la 
furface  voifine  des  bords  (e  retournent  & 
font  un  mouvement  comme  pour  rouler 
vers  l'axe.  Cela  eu.  arrivé  de  même  & 
devoit  être ,  lorfque  j'ai  tait  tirer  la  chaux 
par  une  feule  gueule.  Leur  multiphcité  efl 
donc  utile  par  la  facilité  qu'elle  donne 
pour  gouverner  le  feu  félon  les  vents  , 
&  fur-tout  pour  dépofer  la  chaux  à  cou- 
vert, tout  autour  d'un  grand  four;  mais 
une  feule  gueule  fuffiroit  pour  tirer  la 
chaux. 

Le  chaufournier  continue  wtirer  la  chaux, 
jufqu'à  ce  qu'il  la  voie  tomber  mejéc  de 
feu  :  c'efl  à  cet  indice  qu'il  reconaoît  or- 
Tome  XXV. 


P  I  E  ^ij 

dinairemetît  la  quantité  de  chaux  faite  , 
qu'il  peut  enlever  de  fon  four  ;  le  feu  ne 
pourroit  par  aucun  moyen  rétrograder  versr 
le  bas ,  dont  toute  la  houille  eff  confumée 
&  le  phlogiflique  diflîpé  :  la  pierre  d'en  ba* 
efl  donc  ou  totalement  calcinée  ,  ou  hors 
d'état  de  l'être  mieux  à  cette  place  ;  lorf- 
que le  feu  l'a  abandonnée  ,  on  peut  la 
retirer.  Cependant  quand  il  a  fait  un  grand 
vent ,  &  de  durée  ,  le  feu  peut  être  monté 
trop  rapidement  &  avoir  abandonné  le  pié 
du  four  fur  une  fi  grande  hauteur  ,  qu'il  y 
auroit  de  l'inconvénient  ^  en  retirer  toute 
la  chaux  qui  fe  trouve  refroidie.  Alors  U 
première  qui  efl  encore  enflammée ,  s'ap- 
prochant  fort  près  de  l'orifice  inférieur  où 
le  tirage  de  l'air  froid  fait  fon  impulfion 
la  plus  violente  ,  feroit  aufîi  trop  tôt  aban- 
donnée par  le  feu  ;  la  houille  qui  l'accom- 
pagne feroit  coniùmée  trop  vite  :  le  feu 
continuant  à  monter  rapidement  y  une 
grande  partie  de  la  pierre  ne  feroit  pas 
bien  calcinée ,  comme  il  arrive  aux  pre- 
mières que  l'on  tire  de  ce  four.  Le  chau- 
fournier qui  connoît  le  produit  ordinaire 
de  fon  four  &  les  accidens  de  l'air ,  n'en 
retire  donc  alors  que  ce  qui  leur  efi  pro^ 
portionné  ,  &  a  foin  de  mouiller  fa  houille 
fi  le  feu  va  trop  vite 

Le  vide  que  laiiîe  au  fora  met  du  four 
la  chaux  tirée  par  les  guailes,  fe  remplit 
auffi-t6t  par  de  nouvelles  charges  &  char-» 
bonnées  ;  mais  il  taut  en  réparer  aupara-» 
vant  la  furface  inégale.  Il  y  jette  d'abord 
une  charbonnée  ;  puis  il  enfonce  fa  lance 
de  quelques  pics  le  long  des  parois  du 
four;  &  en  la  faififfant  par  fon  œil,  il 
s'en  fert  comme  d'un  levier  avec  lequel 
il  fait  effort  contre  le  bord  du  fbur  pour 
foulever  &  retourner  les  pierres  ,  qui  par. 
ce  moyen  fe  rapprochent  de  l'ave  &  re-^ 
comblent  l'encuvenjent  qui  s'y  étoit  forrwé.. 
Ces  efforts  de  la,  lance  exigent  un  point 
d'appui  folide  aux  bords  de  l'entonneir  qui 
doit  avoir  été  ,  par  cette  raifon  ,  couronné 
de  bonnes  &,  fortes  pierres,  pour  n'être 
pas  détruit  en  peu  de  jours.  Il  fait  la 
même  manœuvre  tout  autour  ,  &  rejette 
même  vers  l'axe  avec  une  pelle  les  pierres 
de  la  bordure  ,  pour  réformer  le  borabage 
au  lieu  d'encuvement  ;  après  quoi  il  répète 
la  charbonnée  &.  les  charges  de  pierres 
'    £1111 


8i8  PIE 

alternatives  jufqu'au  fommet  du  four  >  com- 
me le  premier  jour. 

Lorfque  le  temps  eu  calme ,  &  par-là 
très- favorable  à  l'égalité  de  la  calcination 
dans  toutes  les  parties  du  four ,  le  feu 
s'évafe  davantage ,  &  fe  déclare  encore 
plutôt  aux  bords  que  vers  l'axe  du  four  : 
alors  ,  au  lieu  de  bombage  ,  on  charge  les 
bords  de  quelques  pouces  plus  haut  que  le 
milieu. 

Depuis  le  moment  où  l'on  tire  la  pre- 
mière chaux  ,  ce  font  toujours  les  mêmes 
'mouvemens  à  recommencer ,  tant  que  le 
four  refîe  allumé  ;  c'elt- à-dire,  tant  que 
dure  la  confommarion  de  la  chaux  ,  que 
l'on  lourire  journellement ,  à  mefure  qu'elle 
fe  fabrique ,  comme  on  le  pratique  aux  four- 
neaux, où  l'on  fepare  les  métaux  de  leur 
minéral  :  auffi  les  chaufourniers  appellent- 
ils  ces  fours  à  chaux  ,  fours  coulans.  On 
voit  que  l'opération  a  pour  but  ici ,  comme 
dans  les  fourneaux  à  brique,  de  faire  fé- 
journer  un  certain  degré  de  chaleur  dans 
chaque  partie  du  four  pendant  un  temps 
fuffilant  ;  &  qu'il  taut  que  le  teu  par  fon 
intenfité ,  ou  par  la  durée ,  foit  propor- 
tionné à  la  réliiUnce  de  la  pierre  qui  fe 
calcine  plus  ou  moins  facilement ,  (elon 
ion  volume  &  (à  dureté:  que  le  chaufour- 
nier a  louvent  à  vaincre  les  obftacles  des 
vents,  de  la  pluie  ^  &  même  de  la  houille, 
qui  tendent  tous  à  déranger  l'équlhbre  nécef- 
iàire  dans  fon  four.  C'eil  à  quoi  font  relatifs 
tous  ces  procédés ,  qui  font  les  mêmes  ,  ou 
à-peu-près ,  pour  tous  les  fours  que  j'ai  vus 
de  ce  genre ,  &  dont  je  ne  décaillerai  pas  les 
petites  dittéren  ces. 

Du  chommage  de  ces  fours  allumes. 
Dans  le  cas  d'une  exploitation  ordinaire, 
on  ne  trayaire  à  ces  fourS  à  chaux  ,  ni 
la  nuit ,  ni  les  dimanches  &  fêtes.  On  en 
tire  tous  les  jours  la  chaux,  le  matin  & 
le  foir  ;  &  quand  le  four  eft  rechargé ,  il 
n'y  a  plus  rien  à  y  faire.  Mais  lorfque  l'on 
doit  paifer  un  jour  entier  fans  en  tirer  , 
il  faut  difpofer  le  four  de  façon  à  empêcher 
le  feu  de  monter  auiii  vite  qu'à  l'ordinaire. 
Cette  précaution  confifle  à  jeter  au  centre 
àe  la  fàilace  une  charbonnée  de  deux  ou 
trois  pouces  d'épailTcur  &  de  deux  pies  de 
diamètre  ,  que  !e  chaufournier  entalTe  en 
la  piétinant ,  quelquefois  en  la  mouillant , 


PIE 

&  qu^il  recouvre  d'un  lit  de  même  épaïC' 
feur  ,  formé  des  plus  menus  éclats  de 
pierres  :  enfuite  il  ferme  toutes  les  gueules 
du  four.  L'ancien  chaufournier  don^'j'ai 
parlé  ,  m'a  dit  à  cette  occaiion ,  qu'ayant 
été  obligé  quelquefois  de  fufpendre  fon 
travail  ,  foit  pour  attendre  de  la  pierre  à 
chaux  ou  de  la  houille,  dont  il  manquoit, 
foit  par  quelques  autres  raifons  ,  il  avoit 
ralenti  fon  feu  ,  au  point  d'être  douze  jours 
entiers  fans  toucher  au  four ,  &  fans  autre 
accident  que  d'avoir  tout  au  plus  quelques 
pies  cubes  de  pierres  mal  calcinées.  Il  faut 
alors  fermer  de  même  les  gueules  du  four  , 
&  faire  fur  le  total  de  fa  furface  y  ce  que 
l'on  fait  feulement  autour  de  l'axe  pour  le 
chommage  d'un  feul  four  ;  c'eft-à-dire,  ne 
laifîêr  fubfilîer  pour  le  feu  ,  que  le  moins 
d'évaporation  poilîble  fans  l'éteindre. 

Lorfque  les  barreaux  volans  du'grillage 
au  pié  du  four  ont  été  une  fois  enlevés 
pour  l'extradion  de  la  chaux  ,  iln'elî  plus 
nécelTaire  de  réformer  ce  grillage  ,  que  tous 
les  huit  ou  quinze  jours  ,  pour  nettoyer 
le  cendrier  :  hors  ce  cas  ,  la  chaux  porte 
fur  le  fond  du  cendrier  fans  aucun  incon- 
vénient. Quand  il  faut  remettre  ces  bar- 
reaux en  place  ,  le  chaufournier  les  chafTe 
à  cpups  de  mafTe  à  travers  la  chaux  par 
une  des  gueules  ,  jufqu'à  ce  qu'il  le^'  ait 
afTez  enfoncés ,  pour  être  sûr  qu'ils  por- 
teront fur  la  traverfe  de  l'orifice  du  four  , 
ou  jufqu'à  ce  qu'ils  fortent  par  la  gueule 
qui  efl  oppofée  ;  mais  dès  que  le  chaufour- 
nier a  nettoyé  le  cendrier ,  il  arrache  de 
nouveau  ces  barreaux.  Cet  ufage  efl  meilleur 
que  celui  de  confîruire ,  comme  à  Valencien- 
nés  &  ailleurs ,  un  griliage  dormant ,  qui 
gêne  fouvent  la  chute  de  la  chaux  ,  plie  fous 
le  fardeau  des  pierres  ,  &  oçcafione  des 
dégradations  au  four. 

De  la  cendrée.  Le  cendrier  .s'engorge  de 
temps  en  temps  par  les  cendres  de  la 
houille  qui  s'y  amalî'ent  ,  fur- tout  dans  les 
intervalles  entre  les  gueules ,  &  empêchent 
la  chute  de  la  chaux.  Le  chaufournier 
met  foigncufement  ces  cendres  à  part  : 
elles  font  mêlées  de  beaucoup  de  menus 
morceaux  de  chaux,  qui,  avec  les  fels 
fixes  de  la  houille  ,  les  rendent  propres  à 
faire  un  excellent  mortier  fuffilamment 
connu  fous  le  nom  de  cendrée*  Comme  on 


PIE 

ne  veut  point  en  perdre ,  on  Ce  fert  aux 
grands  fours  d'une  pelle  percée  de  trous  à 
pafîêr  le  bout  du  doigt ,  pour  tirer  la  chaux 
du  four,  &  on  en  fait  tomber  toute  la 
cendrée  fur  un  tas  particulier  ,  avant  de  ' 
mettre  la  chaux  dans  les  mannes  pour  la 
tranfporter  Cette  cendrée  eft  elHmée  pour 
enduire  les  cûernes  ,  les  caves  ,  ^c.  même 
quoiqu'elle  provienne  de  fours  où  la  chaux 
faite  de  pierres  blanches  eft  de  peu  de  qua- 
lité ;  au  lieu  que  les  cendres  des  fours  à 
chaux  où  l'on  brûle  du  bois  ,  ont  été  recon- 
nues ne  rien  valoir  dans  la  batifle.  Il 
fort  des  fours  à  la  houille  à-peu-près  une 
raedire  de  cendrée  contre  deux  mefures 
de  chaux  ;  &  elle  Ce  vend  en  plulieurs 
endroits,  au  moins  moitié  du  prix  de  la 
chaux. 

Des  déchets  far  la  chaux  de  ces  fours. 
Les  chaufourniers  domeftiques  ,  qui  ne 
travaillent  pas  pour  vendre  la  chaux  ,  ont 
encore  foin  de  trier  ,  au  Ibrtir.du  four,  tous 
les  morceaux  qui  contiennent  de  la  pierre 
non  calcinée  ;  l'habitude  la  leur  fait  con- 
noître  à  l'œil ,  &  jamais  ils  ne  s'y  mé- 
prennent au  poids.  Ils  \qs  amaflent  auprès 
du  four  ,  les  arrofent  d'un  peu  d'eau ,  & 
en  retirent  tous  les  noyaux  pour  les  remet- 
tre au  four.  La  plupart  d'entr'eux  rejet- 
tent auffi  comme  déchet ,  les  roches  du 
four  ,  qu'ils  appellent  la  chaux  brûlée. 
Dans  la  chaux  qui  fe  vend  ,  on  laifle  tou- 
tes ces  non-valeurs  ,  ainfi  que  celles  dont 
le  fabricant  même  auroit  peine  à  Ct  ga- 
rantir, qui  (ont  les  veines  de  boufin  ,  ou 
autres  matières  non  calcinables  ,  qui  font 
fouvent  mêlées  avec  la  pierre  ,  &  qu'il 
feroit  quelquefois  trop  coûteux  d'en  vouloir 
fëparer. 

Par  ce  moyen ,  il  n'y  a  pas  de  déchet 
pour  les  chaufourniers  marchands  fur  la 
pierre  dure  qu'ils  convertilTent  en  chaux: 
la  toife  de  cette  pierre  leur  rend  au  moins 
une  toife  de  chaux  en  menus  morceaux. 
Le  déchet  tombe  en  entier  fur  les  gens  qui" 
l'achètent ,  &  eft  proportionné  à  la  bonne 
foi  du  chaufournier  ,  qui  peut  y  avoir  épar- 
gné plus  ou  moins  la  houille  &  fes  loins. 
Quand  on  la  fait  faire  fous  Cts  yeux  fur 
les  carrières  ,  en  choififlant  toutes  pierres 
vives  &  bien  nettes,  &  avec  une  écono- 
b      mje  biçn  entendue ,  il  n'y  a  non  plus  au- 


PIE  tîsf 

cun  déchet  :  par-tout  ailleurs  ,  &  en  paf- 
fant  par  les  mains  des  commis ,  on  doit 
compter  fur  une  diminution  de  la  pierre  , 
que  j'eftime  d'un  vingtième  à  un  quinzième 
(iir  toutes  les  efpeces  de  pierres  dures  que 
j'ai  vu  calciner. 

Du  rendage ,  ou  produit  de  ces  fours 
en  chaux.  Lorfqu'un  tel  four  eft  bien   al- 
lumé,  que  la  houille  eft  égale  ou  homo- 
gène, àc  de  bonne  qualité,    il  peut)  par 
un  temps  favorable  ,  produire  chaque  jour 
en  chaux  de  pierre  dure  jufqu'à  la  moitié 
de  la  pierre  dont  il  eft  chargé  :  quelquefois, 
fon  produit  ne  va  qu'au   tiers  ;   &    li  la 
houille  eft  de  peu  de  force  ,  il  rend  encore 
moins.    Un  four  de  600  pies  cubes  peut 
donc    fournir  communément     1620    pies 
cubes  de  chaux  par  femaine  de  fix  jours  à^ 
travail  ,    &  expédie  beaucoup  plus  qu'au- 
cun de  ceux  à  grande  flamme. 

J'ai  remarqué  que  les  fours  coniques  du 
pays  de  Liège,  dont  l'entonnoir  a  ordi- 
nairement quarante  à  quarante-cinq  pouces 
de  diamètre  par  le  bas  ,  confomment  plus» 
de  houille  que  ceux  de  la  Flandre,  &:  ne 
rendent  par  jour ,  rédudion  faite ,  qu'un 
cinquième  de  ce  qu'ils  coHtiennent.  Cette 
obfervation  ,  jointe  à  la  néceflité  fréquent© 
de  gouverner  le  tirage  ou  courant  d'air 
du  tour ,  me  fait  croire  qu'ils  font  mieux 
conftruits  lorfque  cet  orifice  inférieur 
n'a  qu'environ  vingt  -  quatre  pouces  de 
diamètre. 

Des  hommes  ne'ceffaires  à  ces  fours ^ 
Un  féul  chaufournier  avec  douze  ou  quinze 
hommes ,  peut  conduire  à  la  fois  trois  de 
ces  plus  grands  fours ,  dont  il  ne  fait  que 
les  charbonnées ,  &  commande  toutes  les 
autres  manœuvres  ;  mais  il  faut  que  la 
pierre  ait  été  toute  brifée  ,  ou  qu'il  y 
occupe  encore  douze  ou  quinze  enfans  , 
&  il  lui  faut  fur  chaque  four  au  moins 
100  mannes  toujours  pleines  de  pierres  , 
pour  que  rien  ne  languiflè.  Trois  hommes 
fuffîfent  en  tout  pour  un  petit  four  bour- 
geois. 

Confommation  de  la  houille  pour  ces 
fours.  La  proportion  réduite  entre  la  pierre 
dure  &  la  houille  néceffaire  pour  la  con- 
vertir en  chaux ,  me  paroît  être  de  60  à 
65  piés  cubes  de  houille  par  toife  cube 
de  pierres  du  toife  àzs  carrières.  Malgrç 
LllU  i 


8io  P  I  e 

robjcurjté  que  tous,  les  chaufourniers  tâ- 
chent de  répandre  fur  cette  conforama- 
tion  ,  i'ai  reconnu  que  certaines  pierres 
exigeoient  jufqu'au  tiers  de  leur  cube  d'une 
même  houiile,  dont  d'autres  pierres  ne 
demandoient  qu'un  fixieme  ,  quoique  ces 
deux  extrêmes  m'aient  paru  rares.  Dans 
les  houillieres  du  pays  de  Liège  &  du  Hai- 
naut ,  on  dillingue  deux  quaUrés.de  houille , 
dont  la  moindre  ie  nomme  koUille  à  chaux 
^  à  brigues  :  mais  différentes  épreuves  me 
font  penierque  la  houille  la  plus  adive  n'efr 
pas  dangereule  au  fuccès  de  la  chaux  ,  com- 
me elle  l'eft  dans  les  fourneaux  à  briques. 
Les  efîais  de  fa  qualité  peuvent  fe  faire  d'au- 
tant plus  sûrement  dans  chaque  province  par 
ies  chaufourniers ,  qu'il  me  paroît  n'y  avoir 
Kien  à  craindre  dans  ce  four  de  la  part  d'un 
excès  de  feu  ,  comme  on  le  verra  plus  bas. 

De  la  dépenfe  pour  fabriquer  la  chaux 
dans  ces  fours.  Les  prix  courans  en  1765  , 
aux  îéirs  à  chaux  du  Boulonnois ,  font  : 

Pour  une  toife  cube  de  pierre  ^ 

tirée  de  la  carrière ,  .  .  .  4  liv.   10  f. 

Pour  la  brifer  en  éclats  ,  .  6  liv. 

Pour  la  brouetter  au  foyj" ,  i  liv. 

Pour  66  pies  cubes  au  plus 

de  houille  ,  à  7  fous ,    .  23  liv.     2  f. 

Pour  la  main-d'œuvre  de  la 

calcination  , 9  ^i^« 


Total  pour  une  toife  cube  de 
.  pierres  calcinées ,  ...  43  liv.   I2  f. 

.  En  fuppofant  qu'elle  ne  produisît  que 
2.00  pies  cubes  de  bonne  chaux  triée  ,  elle 
reviendroit  à  4  fous  le  pié  cube. 

Cette  chaux  fabriquée  à  Gravelines , 
Dunkerque  &  Bergues  ,  avec  les  mêmes 
matières ,  y  coûte  environ  10  fous  le  pié 
cube ,  fans  y  comprendre  la  conftrufiion 
ou  le  loyer  des  fours  ;  &  comme  les  bois 
n'y  font  pas  au-delTous  de  35  liv.  la  corde  , 
mais  fouvent  plus  chers  ,  elle  y  reviendroit 
au  moins  à  20  fous  le  pié  ,  fi  on  la  fabri- 
.  4quoit  à  la  grande  flamme. 

Charge  &  conduite  de  ces  fours  en  pier- 
res tendres.  Si  c'eft  en  pierres  tendres  que 
l'on  charge  ces  fours ,  on  peut  en  général 
les  calciner  en  plus  gros  morceaux  que  la 
pierre   dure ,   &   faire   les   charges    plus 


PIE 

épailîes.  Il  fe  rencontre  des  carrières  donc 
la  pierre  ,  quoique  rendre  ,  réfifte  beau- 
coup à  la  calcination  ,  lorfqu'elle  eft  refiée 
long-temps  à   l'air ,  &  {ùr-tout  au  foleil. 

Les  chaufourniers  ,  bien  moins  curieux 
de  favoir  fi  la  chaux  n'en  feroit  pas  meil- 
leure,  que  d'y  dépenfer  moins  de  houille  , 
ont  foin  de  la  mettre  au  four  tout  le 
plutôt  qu'ils  peuvent  après  fon  extraction 
de  la  carrière  ;  ou  bien  ils  l'arrofent,  ainfi 
que  le  charbon  ,  "  s'ils  ont  été  obligés  de 
la  laifTer  fécher.  Ces  fours  chargés  en  pierres 
tendres ,  débitent  davantage  ,  confomment 
moins  de  houille  par  rapport  au  volume  de 
la  pierre ,  &  exigent  moins  de  monde  pour 
leur  fervice. 

Leur  rendage.  Le  moins  que  l'on  en  tire 
en  vingt-quatre  heures,  va  à  la  moitié  de 
leur  charge.  J'en  ai  fuivi  quelques-uns  qui 
contenoient  chacun  540  pies  cubes  ,  & 
qui  rendoient  régulièrement  320  pies 
cubes  de  chaux  vive  par  jour  de  douze  à 
treize  heures  de  travail.  On  les  pouifoit , 
quand  on  le  vouloit ,  à  en  rendre  400  pies 
par  jour.  Il  fuifit  pour  cela ,  fi  le  temps 
eil  favorable ,  d'en  tirer  un  peu  plus  par 
le  pié  du  four  à  chaque  fois  qu'on  le 
décharge;  ou  de  prolonger  le  travail  à 
environ  quinze  heures  ,  afin  de  décharger 
le  four  trois  fois  par  jour  ,  au  lieu  de 
deux  ,  &  il  n'en  coûte  pas  plus  de  houille  : 
fi  le  temps  efl  pluvieux,  ou  qu'il  fafîè 
beaucoup  de  vent ,  il  fufEt  de  faire  les 
charbonnées  -un  peu  plus  fortes  ;  car  il 
fe  confbmmeplus  de  houille  à  tous  les  fours 
à  chaux  par  le  vent  &  quand  il  pleut , 
qcie  par  un  temps  ferein  &  calme.  On 
peut  pouffer  de  même  le  rendage  de  ces 
fours  en  chaux  de  pierres  dures  y  quand 
on  efl  prefTé. 

Leurconfommation  en  houille.  La  pierre 
tendre  de  la  Flandre  maritime  me  paroît 
exiger  40  à  45  pies  cubes  de  la  houille  du 
Boulonnois,  par  toife  cube  pour  fa  calci- 
nation. Les  difFérens  rapports  que  j'ai  eus 
du  Hainaut ,  font  monter  cette  proportion 
entre  50  &  ^2  pies  cubes  de  houille  des 
fofTes  de  Condé  ;  quoique  celle  -  ci  foit 
généralement  reconnue  beaucoup  meil- 
leure &  de  moindre  confommation  pour 
les  forges  que  celle  du  Boulonnois.  Mais 
il  cft  bon  de  remarquer  que  la  pierre  tendre 


P  I  E 

diminue  dans  le  four  beaucoup  plus  que  la 
pierre  dure  :  il  s'en  rencontre  que  l'on  ellime 
perdre  jufqu'à  un  cinquième  de  Ton  vo- 
lume ,  enforre  qu'il  ne  faut  pas  beau- 
coup moins  de  houille  pour  fabriquer  une 
toife  cube  de  chaux  de  pierres  tendres  , 
que  pour  une  toife  cube  de  chaux  de 
pierres  dures.  On  eft'me  même  en  quel- 
ques endroits  qu'il  faut  pour  l'une  &  pour 
l'autre  également  un  quart  de  houille  ,  ou 
54  pies  par  toile  de  chaux- 

Leur  nombre  d'oui' rie rs.  L'un  des-  fours 
de  540  pies  cubes  que  j'ai  fuivis  ,  ctoit 
exploité  chaque  année ,  pendant  huit  mois , 
par  trois  hommes,  y  compris  le  chau- 
feurnier y  &  ils  coupoient  toute  la  pierre 
avec  des  marteaux  à  tranche  ,  en  éclats 
de  la  largeur  des  deux  mains  au  plus  ,  tout 
le  plus  mirice  qu'ils  pouvoient.  La  carrière 
Car  laquelle  étoit  le  four ,  étoit  exploitée 
par  quatre  autres  ouvriers  qui  en  tiroient 
au  bourriquet  ,  de  plus  de  30  pies  de 
profondeur  ,  toute  la  pierre  nécelTaire 
pour  le  four  ;  ces  mêmes  quatre  carriers 
aidoient  encore  à  charger  .  toutes  les  voi- 
tures qui  vcnoient  enlever  la  chaux. 

On  fait  quelquefois  à  ces  fours  de  la 
chaux  de  pierres  dures  &  tendres  mêlées 
enfemble  ,  &  on  les  fëpare  au  fortîr  du 
four  ;  les  chaufourniers  difent  que  cela  ne 
réuffit  pas  toujours  :  il  efl:  aife  de  juger 
qu'il  en  eft  de  ces  différentes  quahtés 
•de  pierres ,  comme  je  l'ai  remarqué  de 
celles  d'une  même  efpece  &  de  diJBFérens 
volumes. 

Il  arrive  quelquefois  dans  les  chaufours 
que  l'on  en  retire  de  la  chaux,  que  l'on 
jîomme  brûlée  ;  c'eft  une  pierre  dure  qui 
ne  s'éteint  ni  à  l'humidité  de  l'air ,  ni  par 
celle  de  l'eau,  &  qui  ne  fauroit  opérer 
la  concrétion  du  mortier.  Cela  vient  ou 
de  ce  qu'il  s'efl  trouvé  dans  le  four  des 
matières  vitrifiables  ,  ou  de  ce  que  des 
parties  faUnes  du  bois  fe  font  unies  aViîc 
}a  pierre  ,  ou  de  ce  que  le  feu  a  été  trop 
pouffé.  Cependant  on  ne  remarque  point 
que  le  feu  de  houille ,  quelque  foutenu 
qu'il  foit  y  produife  cet  effet  ;  mais  on 
trûle  plus  ordinairement  la  chaux  en  ne 
l'éteignant  pjts  avec  une  quantité  fuffifante 
id'eau.  Six  pouces  cubes  de  chaux  vive  , 
çn  pierre ,  exigent  dix-huit  pouces   cubes 


■PIE  821 

d'eau  y  &  forment  un  ,  total ,  en  pâte  , 
d'environ  dix-huit  pouces  ;  l'eau  que  l'on 
ajoutera  de  plus  ,  furnagera.  Si  la  chaux 
vive  eft  laiflee  trop  long-temps  à  l'air , 
avant  d'être  éteinte  ,  ou  qu'elle  foit  char- 
riée de  trop  loin  ,  elle  fufe  ou  fe  réduit 
en  poufliere  ,  &  perd  fon  gluten.  La  meil- 
leure méthode,  lorfque  cela  eu  pratica- 
ble ,  feroit  d'éteindre  la  chaux  près  des 
fours ,  &  fort  promptement.  Dans  les 
temps  d'orage  ,  la  chaux  fufe  plus  vite  à 
l'air  ,  fans  doute  à  caufe  de  fon  humi- 
dité. La  chaux  une  fois  bien  éteinte  fe 
conferve  long-temps  ,  mais-  elle  doit  être 
couverte. 

La  chaux  ainfl  éteinte  peut  recevoir 
plus  ou  moias  de  fable ,  de  ciment  ,  de 
pozzolane  ,  fuivant  la  nature  de  ces  ma- 
tières ,  ou  félon  la  dcflination  du  mortier 
que  l'on  en  forme.  La  chaux  reçoit  moins 
des  matières  plus  poreulès ,  comme  bri- 
ques ou  tuiles  piiées  ,  ciment  ,  terraffe 
Q-e  Hollande ,  qui  efl  une  pierre  argi- 
leufe  cuite ,  ou  une  forte  de  tuf  calcaire 
&  calciné. 

Si  l'on  veut  que  le  mortier  coule  & 
reraplifîè  les  vuides  de  la  maçonnerie  ,  il 
faut  plus  de  chaux  &  d'eau  dans  le  mor- 
tier. Les  maçonneries  en  briques  qui  doi- 
vent réfifler  à  l'eau  ,  demandent  aufli  plus 
de  chaux  &  un  mortier  plus  clair.  Avec 
les  pierres  dures,  hors  de  l'eau,  le  mor- 
tier peut  être  plus  épais  avec  moins  de 
chaux.  L'expérience  locale  apprend  aux 
ouvriers  les  proportions  qu'ils  doivent  fùi- 
vre  ;  &  qui  dépendent  beaucoup  de  la  na- 
ture de  la  chaux. 

Plus  on  bat ,  boule  ,  remue  ,  agite  en 
tout  fens  le  mortier ,  plus  la  chaux  qui 
y  eft  devient  liquide  ;  mieux  elle  s'unit 
avec  le  fable  ,  &  moins  aufiî  il  y  faut  d'eau. 
C'.efl  ce  travail  qui  fait  le  bon  mortier.  Les 
anciens  ne  mettoient  point  d'eau  dans  le 
mortier. 

Les  fables  les  plus  purs  font  le  meilleur 
mortier  ;  les  fables  terreux  demandent 
moins  de  chaux  &  font  le"  plus  mauvais 
ouvrage.      • 

Si  l'on  fait  du  mortier  «vec  la  chaux 
&  de  la  tuile  ou  àts  briques  piiées ,  que 
l'on  choififfe  \ts  mieux  cuites  &  celles 
qui  n'ont  pas  été  à  la  pluie.  La  pozzolanc 


§11  PIE 

n'eft  qu'une  calclnarioii  des  terres  par  les 
volcans. 

Les  matières  qui  afpirent  l'humidité  du 
mortier,  lui  font  perdre  fon  gluten.  C'eft 
par  cette  raifon  qu'il  faut  faire  tremper  les 
briques  ,  mouiller  certaines  pierres  ,  inon- 
der ou  bien  laver  un  vieux  mur  que  l'on 
veut  replâtrer  ,  avant  que  d'y  appliquer  le 
mortier.  {B.  C.  ) 

Pierres    a    chaux. 

Chaux,  poyei  Air  FIXE  ,  CAUSTI- 
CITÉ ,  &  Causticum. 

Chaux  métallique.  Voye\  Calcina- 
TION. 

Chaux  aigre  ,  (terme  de  chaufournier.  ) 
Celle  qui  ne  foifonne  pas  ,  &  qui  n'eft  pas 
gralTe.  V.  FOISONNEMENT  &  CHAUX 
GRASSE. 

Chaux  âpre  y  (  terme  de  chaufournier.  ) 
Chaux  faite  avec  la  pierre  noire  &  coquil- 
liere  ,  des  environs  de  Metz  ,  Thionville 
&  Bitfcht  en  Lorraine  :  c'efî:  refpece  de 
chaux  qui  fe  durcit  le  plus  vite  &  le  plus 
fort  ;  mais  elle  n'eft  pas  de  garde  :  il  faut 
remployer  fept  ou  huit  jours  au  plus  tard 
après  qu'elle  a  été  fabriquée. 

Chaux  brûlée ,  (  terme  de  maçon.  ) 
Chaux  éteinte  avec  moins  d'eau  qu'il  ne 
lui  en  falloir ,  pour  la  bien  diflbudre.  A 
parler  exaûement ,  ce  procédé  ne  produit 
rien  autre  chofe  que  de  faire  fufer  préci- 
pitamment une  partie  de  la  chaux ,  de 
laquelle  il  fait  évaporer  la  vertu  :  au  lieu 
que  cette  précieufe  vapeur  ,  quelle  qu'elle 
puifle  être  ,  femble  retenue  &  comme 
amalgamée  dans  une  pare  de  chaux ,  éteinte 
avec  une   quantité  d'eau  fuffifante. 

Le i  chaufourniers  z^'^qWcïM  aufïi  impro- 
prement chaux  brûlée  les  roches  du  four 
qu'ils  difent  ne  fe  point  éteindre  à  l'eau  , 
&  y  furnager  en  morceaux,  &c.  préjugés 
d'ouvriers ,  comme  l'a  prouvé  M.  Fourcroy 
de  Ramecourt  ,  par  plufieurs  expériences 
que  l'on  peut  voir  dans  la  defcription  qu'il 
a  faite  de  l'art  du  chaufournier. 

Chaux  coulée  ,  chaux  que  l'on  a  éteinte 
dans  un  baffin  de  bois  ,  &  fait  couler  dans 
une  folfe  pour  en  féparer  les  parties  non 
calcinées.  Cette  préparation  de  la  chaux 
cil  eftimée  des    architedes  ;  mais  je  qe 


PIE 

fais  fi  l'abondance  d'eau  néceiTaire  pour 
faire  couler  la  chaux  en  lait  ,  &  qui 
excède  de  beaucoup  la  portion  que  la 
nature  lui  a  proportionnée  ,  ne  pourroit 
pas  diffoudre  une  partie  de  fa  vertu  ,  qui 
enfuite  s'imbiberoit  dans  les  terres  de  la 
fofle  avec  cette  eau  furabondante  ,  & 
feroit  autant  d'enlevée  à  la  folidité  des 
mortiers.  Cette  queftion  mériteroit  âçs' 
expériences. 

Chaux  étouffée  ,  (  terme  de  maçon.  ) 
Chaux  que  l'on  a  éteinte  avec  de  l'eau  , 
après  l'avoir  couverte  d'une  couche  de 
fable  qui,  en  laifîant  arriver  l'eau  fur  la 
chaux ,  empêche  la  fumée  de  la  chaux  de 
s'évaporer  pendant  fon  extinâion.  Les 
architedes  font  grand  cas  de  cette  façon 
d'étemdre  la  chaux. 

Chaux  gardée.  Comme  la  chaux  ne  fe 
garde  point  vive  ,  parce  qu'elle  tombe 
toujours  en  poufliere  en  peu  de  temps  à 
l'humidité  de  l'air  ,  &  qu'alors  elle  eiî 
éteinte;  la  chaux  gardée  elî  de  la  chaux 
éteinte  avec  de  l'eau  ,  &  que  l'on  a  con- 
férvée  en  pâte  dans  des  foiïes  bien  recou- 
vertes contre  les  gelées. 

C/wi/a:g-m/^,' on  appelle  ainfi  la  chaux 
en  pâte  qui  ne  laifîè  appercevoir  aucuns 
grains  ou  grumeaux ,  &  qui  refîemble  k 
du  beurre  par  la  fineflè.  La  chaux  aigre 
efl:  celle  qui  contient  dans  fa  pâte  ,  foie 
dts  graviers  non  calcinables  ,  foit  des 
grains  de  pierres  qui  n'ont  pas  été  aflez 
poufTés  de  feu ,  ou  qui  n'ont  pas  eu  le 
temps  de  fufer  en  pâte.  C'efl  pour  cela 
que  la  chaux  coulée,  de  toutes  les  efpeces 
qui  fe  coulent,  efl  plus  graffe  ^e  celle 
de  même  efpece  qui  ne  l'a  pas  été.  Vqy, 

ci-defjus  Chaux  coulée. 

Chaux  retournée.  C'efl  une  prépara- 
tion particulière  que  l'on  donne  à  la  chaux 
âpre  de  Lorraine  pour  l'employer.  M.  de 
Cormontaigne ,  mort  en  I7')2,  maréchal 
de  camp ,  diredeur  des  fortifications  dans 
les  Evêchés  ,  &  l'un  des  plus  favans  ingé- 
nieurs ordinaires  que  le  roi  ait  jamais  eus,  dit 
dans  un  mémoire  particulier  fur  les  mines  : 
"  Il  n'y  a  point  de  pays  au  monde  qui 
w  ait  de  fi  bonne  chaux  que  Metz  ,  où 
»  elle  a  la  qualité  de  durcir  encore  plus 
»  vite  dans  l'eau  qu'à  l'air.  On  fait  par 
w  mille  expériences  qu'il  Tuffit  de  mêler 


PIE 

»  cette  chaux  avec  de  gros  gravier  au  lieu 
9>  de  fable  ordinaire ,  fans  y  jeter  d'eau  ; 
9f  mais  fe  contentant  de  retourner  plu- 
?j  fleurs  fois  la  chaux  ,  &  le  gravier  à 
»  fec  pour  les  bien  mêler  enfemble  ;  ce 
»  que  l'on  nomme  dans  le  pays  ,  de  la 
7)  chaux  retournée.  On  la  jette  en  cet 
?>  état  le  plus  doucement  que  l'on  peut 
7i  dans  l'eau  (  de  la  rivière  )  derrière  une 
7)  haie  de  charpente  ,  pour  empêcher 
7>  qu'elle  ne  foit  tourmentée  &  délavée 
»  par  le  flot  ou  le  courant.  Elle  y  durcit 
7i  en  moins  d'un  an  comme  le  plus  fort 
«  rocher  ,  quoi  qu'on  n'y  ait  mêle  ni  (  au- 
9)  très  )  pierres  ,  ni  moilons  ;  mais  cela 
ft  fait  des  maçonneries  très-coûteufes. 
?>  Pour  les  rendre  un  peu  moins  chères  , 
»  on  jette  dans  ces  coffres  alternative- 
>j  ment  une  brouette  de  chaux  retournée  , 
yy  &  une  brouette  de  moellons  ».  Sans 
autres  précautions ,  ce  mélange  prend  de 
même ,  &  réuffit  à  former  le  rocher. 

Pierre  d'Automne,  {  Chymie.) 
efpece  de  compofition  que  préparent  les 
Chinois.  On  fait  bouillir  dans  une  chaudière 
de  fer ,  de  l'urine  d'un  adulte  ;  lorlqu'ellc 
commence  à  bouillir ,  on  y  wtrïe  ,  goutte 
à  gourte  ,  la  valeur  d'un  gobelet  d'huile 
de  navette.  On  laifTe  évaporer  ce  mélange 
jufqu'à  confiflance  de  colle  ;  on  étend 
cnfuite  ce  réfidu  fur  àts  plaques  de  tôle  , 
&  on  le  fait  iécher  au  point  de  pouvoir 
être  pulvérifé.  On  humede  cnfuite  cette 
poudre  avec  de  l'huile ,  &  on  met  ce  mé- 
lange dans  un  creufet  pour  le  fécher.  On 
le  remet  encore  en  poudre ,  &  on  met 
cette  poudre  dans  un  vaifîeau  de  porce- 
laine, couvert  d'une  érofFe  de  foie  &  d'un 
papier  en  double  ;on  verfe  defîus  de  l'eau 
bouillante  qui  fè  fihre  gourte  à  goutte  au 
travers  de  ces  papiers ,  &  l'on  continue 
jufqu'à  ce  qu'il  y  en  air  afîez  pour  don- 
ner à  la  poudre  une  confiflance  de  pâte  , 
que  l'on  fait  enfuite  fécher  au  bain  marie. 
Les  Chinois  regardent  cette  compofition 
comme  un  grand  remède  pour  les  maux 
.  de  poitrine  ;  ils  l'appellent  en  leur  langue 
d'un  mot  qui  fignifie  pierre  d'automne  ^ 
parce  qu'ils  font  dafis  l'idée  que  les  faifons 
ont  des  influences  particulières  fur  les 
diti«rentes  parties  du  corps.  Voye\  les 
ohfervatiom  fur  les   coutumes  de  V Ajie, 


P  I  E  815 

Pierres   de  Croix,  (  JJifl.  nat. 

Minéral.  )  lapis  crucifer.  C'efl  ainfi  qu'on 
nomme  des  pierres  qui  fe  trouvent  en 
Efpagne ,  dans  le  voifinage  de  S.  Jacques 
de  Compoflelle  ;  on  y  remarque  diflinc- 
tement  la  figure  d'une  croix. ,  d'une  cou- 
leur noirâtre  tandis  que  le  refle  de  la 
pierre  eft  d'un  blanc  tirant  fur  le  gri?» 
Boëce  de  Boot  dit  que  cette  pierre  xef- 
lèmbie  par  fa  grandeur  &  fa  figure  à  la 
corne  d'un  bœuf,  &  que  lorfqu'on  la  coupe 
horizontalement,  on  voit  une  croix  dans 
fon  intérieur.  Cette  pierre  efl  tendre  & 
facile  à  tailler  ;  les  Efpagnols  en  font  des 
chapelets  ou  rofaires  :  ce  qui  donne  lieu 
de  croire  que  ces  pierres  font  de  la  nature 
de  la  ferpentine  ou  de  la  pierre  ollaire  , 
qui  par  une  cryflalliGitlon  particuHere  afFec-* 
tent  la  figure  que  l'on  y  remarque.  Le 
père  Feuillée  a  trouvé  dans  une  rivière  du 
Chily  en  Amérique  y  des"  pierres  qui  por- 
toienr  aufîi    la   figure  d'une    croix. 

Pierres  divines,  (^//f./iaf.)  nom 
fous  lequel  on  a  défigné  quelquefois  le  jade« 
Voyei  Jade. 

Pierres  figurées  ,  (  Hifi.  nat. 
Minéral.  )  Ce  font  les  pierres  qui  ont  pris 
danslefein  de  la  terre  une  figure  étrangère 
au  règne  rainéfal.  Voye\  FîGURÉEi 
(Pierres.) 

Pierres  dé  Florence  ,  (  Hifi.  nat. 

Âiinéral.  )  ce  font  des  pierres  de  la  nature 
du  marbre  ,  &  fufceptibles ,  comme  lui  ^ 
de  prendre  le  poli  ;  fur  lefquel'es  on  voit 
des  figures  qui  reiîemblent  affez  à  des  rui- 
nes :  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de 
lapis  ruderum  ou  de  pierres  de  ruines.  Ces 
pierres  font  ordinairement  grisâtres  ,  &  la 
partie  qui  repréfente  àts  ruines  efl  com- 
pofée  de  veines  plus  ou  moins  jaunâtres  ; 
cetre  parrie  femble,  pour  ainfi  dire ,  collée 
à  la  pierre  conrigue  qui  eff  d'une  mêmd 
couleur ,  &  qui  fait  ,  pour  ainfi  dire  ^ 
le  fond   du   tableau. 

Pierres  gypseûses  ,  {  Hifi.  nat.  ) 
ce  font  celles  que  l'adion  du  feu  convertit 
en  plâtre.  Voyei^  l'article  Gypse. 

Pierres  hématites  ou  fanguines, 
Voyez  V article  HEMATITES. 

Pierres  d  Hirondelle,  {Hifi.  nat.) 
Voyei^  Hirondelle  (  Pierre  d'  )  où 
l'appelle  aufll  pierre  de  fajfenage. 


824  PI  E 

Pierres  ollaires  ou  Pierres  a 
Pots.  Fbjf^ Ollaires  (  Pierres.  ) 
Pierres    fibreuses  ,    (  Hifl  nat, 

Oiycfologie  y  fibraria;  ,  en  ^n^o'is  ^fihrofe 
hodies  ;  c'eft  une  ckfîe  de  foffiles  imaginée 
par  M.  Hill  &  rrès-bicn  décrite.  Nous  en 
fuivrons  le  détail  pour  l'abréger.  La  diffé- 
rence des  méthodes  ,  en  préfèntant  les 
inêmcs  corps  fous  différentes  faces  ,  (èrt 
à  les  faire  mieux  reconnoître. 

Les  fubftances  foîides  fibreufes  font  èits 
foffiles  co m  pofés  de  fibres  ou  de  filamensi^ 
qui  quelquefois  s'étendent  dans  toute  la  con- 
texture  du  corps,  d'autres  fois  font  inter- 
rompus pour  former  des  couches  ou  àts 
plaques.  Ils  ont  de  l'éclat  au  dehors  &:  quel- 
que tranfparence.  Ils  ne  donnent  point  de 
feu  étant  frappés  avec  l'acier.  Ils  ne  fermen- 
tent point  avec  les  acides ,  &  ne  ïo'sM  pas 
folubles  par  ces    menftrues. 

Le  premier  ordre  comprend  les  fibreufes 
à  filamens-  perpendiculaires  dans  la  mafîe  , 
fans  flexibilité  ou  élalHcité  ,  aifén>ent  calci- 
nables  au  feu. 

Telles  font  les  tricherice  y  qui  n'ont  point 
d'éiafîicité ,  &  font  compofées  de  fibres 
droites  &  continuées.  C'elHe  premier  genre 
du  premier  ordre. 

Telles  font  encore  les  lachnides  qui  n'ont 
'  point  d'éiafîicité,  &  font  compofées  de 
fibres  courtes  &  interrompues,  C'efl  le 
fécond  genre. 
V  Le  fécond  ordre  comprend  les  fibreufes  , 
compofées  de  filets  horizontaux  dans  la 
inaffe ,  ficxibles  &  élafliqùes  ,  qui  ne  font 
point  calcinables  au   feu. 

Tels  font  \qs  asbeftes  flexibles  ,  élafli- 
qucs  ,  à  filets  droits  &  continués.  C'efl  le 
premier  genre  du   fécond  ordre. 

Tels  encore  les  amiantes  flexibles ,  élaf- 
tiques  ,  à  filets  courts  &  interrompus.  C'efl 
le  fécond  genre.   Voyt^  Amiante. 

Les  tricherice  à  groffes  fibres  font  de  trois 
fortes.  I".  Tricheria  albida  minus  pellii- 
çida  y  filamentis  crajjîufculis  brei'iorihus. 
C'efî:  le  gypfe  fîrié.  2°.  Tricheria  alhido- 
firaminea  y  lacidij/îma  y  filamentis  latio- 
ribus  y  cominuis  y  rectis.  C'efl:  le  gypfe 
feuilleté.  ^^.  Tricheria  lucidi^ma  y  albay 
filamentis  latijjîmis  y  foliaceis.  Gypfe  par 
lames. 

Lçs  tricherice  à  fibres  fines  font  aufïî  de 


P  I  E 

trois  fortes.  i°.  Tricheria  minus  lucida^ 
carnea  y  filamentis  cominuis  anguflioribus. 
1°.  Tricheria  albida  y  hebes  y  filamentis 
brevififimùs  y  cominuis  y  angufiis.  3°.  Tri-, 
cheria  albido^fubvirefcens  ,  lucida  y  fila- 
mentis  cominuis  y    reclis  y   anguflioribus. 

Les  lachnides  à  grofles  fibres  ,  font  de 
fix  fortes.  1°.  Lâchais  albido-carnea  y, 
hicida  y  filamemis  latioribus  y  inflexis  Ù 
ahruptis.  2^.  Lachnis  albido-fubvirefcens y 
lucida  y  filamentis  latioribus  y  obliquis  , 
imerruptis.  3°.  Lachnis  albido-grifea  y 
hebes  y  filamentis  crajjîoribus  y  obliquis  y 
abruptis.  4°.  Lachnis  albijfima  y  hebes  , 
filamentis  reclis  y  abruptis  y  latioribus. 
'y'^.  Lachnis  y  lucida  y  albida  ,  filamentis 
abruptis  y  latijjîmis  y  obliquis  y  convolutis 
&  inflexis.  6".  Lachnis  carnea  y  hebes  , 
filamentis  latioribus  y  hrevibus  y  imer- 
ruptis. 

Les  lachnides  à  fiîamens  fins  font  encore 
de  quatre  fortes.  1°.  Lachnis  elcgamijfima  , 
carnea  y  lucida  y  filamentis  angufiiflimis  y 
abruptis  y  intertextis.  2®.  Lachnis  albido- 
ccerulea  y  filamentis  angufliffimis  y  reclis  y 
abruptis.  3°.  Lachnis  lacida  j  grifeo-riref- 
cens  y  filamentis  latioribus  y  tenuijfimis  y 
abruptis.  4''.  Lachnis  lucida  y  albido-fubvi-> 
refcens  y  filamentis  anguftis  y  abruptis  y 
inflexis.  (  B.  C.  ) 

Pierres  empreintes  de  dijféremes 
figures  de  végétaux  ou  d'animaux.  (  Hifl, 
nat.  Oryci.  )  On  en  compte  de  plufieurs 
efpeces  dans  l'un  &  dans  1  autre  règne. 

Le  règne  animal  préfente  des  emprein- 
tes de  madrépores ,  d'infedes^  de  coquilles 
de  toutes  efpeces  ,  de  cruflacées ,  de  poii^ 
fons  ,  d'amphibies  ,  d'oifeaux ,  de  quadru- 
pèdes ,  même  d'hommes  ^  d'efpeces  de 
zoophyte's. 

On  rcconnoît  dans  les  empreintes  végé- 
tales ,  des  capillaires ,  des  mouffes ,  At% 
chiendents  ,  des  bruyères  ,  des  tuyaux  de 
plantes  ,  des  feuilles  d'arbres ,  des  graines  y 
àts  filiques  &  épis.  Les  lithographes  inf- 
truirs  décident,  au  premier  coup-d'eeil,  la 
différence  qu'il  y  a  entre  l'origine  des 
dendrites  &  celle  des  pierres  empreintes  j 
ils  fuivent ,  dans  la  dijftribution  de  celles- 
ci  ,  le  même  ordre  que  les  botanifîes  ont 
établi  dans  les  clafTès  des  plantes  vivantes. 

Que  le   déluge   univerfel  ,  ou  quelque 

cboulement 


PIE 

ëbouîement  particulier  des  terres  foit  la 
caufe  primordiale  de  ce  phénomène ,  il  n'en 
eft  pas  moins  permis  de  croire  que  des  par- 
ties végétales  ou  animales  ont  été  ou  impri- 
mées fur  de  la  pierre  encore  molle  ,  ou 
enfermées  accidentellement  dans  des  terres 
argileufes  d'abord  dilTbutes  ,  mais  qui  fe 
font  enluice  endurcies  par  le  laps  du  temps, 
à  la  manière  des  ardoifes.  Ces /j/err(?j  en- 
core molles  ont  reçu  flicilementPempreinte 
parfaite  ,  ôc  en  creux  ,  de  la  plante  ou 
de  quelqu'une  de  fes  parties  qui  ordinai- 
rement s'eft  détruite  enfuite  i  &  comme 
elle  a  laiflé  vuideTefpace  qu'elle  occupoir, 
on  en  peut  encore  diîcerner  l'efpece  fur  ces 
pierres  ,  aux  traits  évidens  &  relatifs ,  tant 
de  la  ftrudure  que  de  la  grandeur  naturelle 
de  la  plante. 

Toutes  les  empreintes  végétales  ,  & 
prefque  toutes  les  animales  ,  fe  trouvent 
dans  Tardoife  voi/ine  des  charbonnieres^. 
Celles  que  nous  trouvons  en  Europe  font 
à  des  profondeurs  très -con fi d érables  ,  & 
font  pour  l'ordinaire  exotiques  ,  c'eft-à- 
dire  ,  qu'elles  ont  leurs  analogues  en  Afie 
ou  en  Amérique,  C'eft  ainfi  que  M.  de 
Juffieu  a  trouvé  dans  la  carrière"  fchifteufe 
de  S.  Chaumonden  Lyonnois, l'empreinte 
du  fruit  de  l'arbre  trifte. 

Dansunelirholifation  publique  de  lyyS, 
on  a  trouvé  dans  un  des  lits  glaifeux  de  la 
carrière  de  Fonrarabie  près  de  Paris  ,  une 
lonchite  étrangère  qui  étoit  en  nature  &i 
bien  confervée  ,  à  la  couleur  près.  On  a 
encore  trouvé  dans  des  charbonnières  de 
Bretagne  ,  à  plus  de  trois  cents  pies  de 
profondeur  ,  l'empreinte  de  la  fougère  , 
arbrifleau  qui  végète  en  Chine  &  en  Amé- 
rique. Ces  rares  morceaux  font  confervés 
dans  des  cabinets. 

La  régularité  de  prefque  toutes  les  em- 
preuîtes  comparées  avec  leurs  analogues 
vivans  ,  fait  préfumer  que  ces  plantes  ont 
dû  nager  dans  une  eau  limonneule  ,  fort 
épaifle  ,  dont  la  terre  s'eft  précipitée  def- 
fus  &c  en  a  pris  l'empreinte.  Une  autre  fin- 
gularité  ,  c'eft  que  les  empreintes  qui  fe 
trouvent  à  peu  de  profondeur,  portent  com- 
munément des  marques  du  pays  où  elles  fe 
trouvent.     Voye";^  Phitolites  &  Typo- 

ilTES.  (H-)^ 

PifiRRE  PHtLOsopHALE  ,  (  Alchymic.  ) 
Tome,  XXK 


PIE  nif 

si  la  pafTîon  des  richcffès  ,  dit  M.  de  Fon- 
tenelle  ,  n'étoit  pas  aufli  puiiTante  &  par 
conféquent  aulli  aveugle  qu'elle  eft ,  il  feroit 
inconcevable  qu'un  homme  qui  prétend 
avoir  le  fecret  de  ftiire  de  l'or  ,  pût  tirer  de 
l'argent  d'un  autre  ,  pour  lui  communiquer 
fon  fecret.  Quel  befoin  d'argent  peut  avoir 
cet  heureux  mortel  ?  Cependant  c'eft  un 
piège  où  l'on  donne  tous  les  jêurs  ,  &: 
M.  Geoffroi  a  développé  dans  les  mém.  de 
l'acad.  des  fciences ,  û/2/z(''e  lyti  ,  les  prin- 
cipaux tours  de  pafle-pafte  que  pratiquent 
les  prétendus  adeptes  ,  enfans  de  l'art  , 
philofophes  hermétiques  ,  cofmopolites  , 
rofecroix  ,  &c.  gens  cju'un  langage  myfté- 
rieux  ,  une  conduite  l-anatique  ,"  des  pro- 
medes  exorbitantes  ,  devroient  rendre  fort 
fufpeéts ,  &  ne  font  que  rendre  plus  impor- 
tans.  Nous  ne  répéterons  point  ce  qu'a  die 
M.  Geoffroi  fur  leurs  différentes  fuper- 
cheries  ;  il  eft  prefque  infenfé  d'écouter 
ces  gens-là  ,  du  moins  dans  l'efpérance  de 
quelque  profit.  Ainli  nous  tranfcrirons  feu- 
lement un  mot  des  obfervations  de  l'hifto- 
rien  de  l'académie  des  fciences  fur  le  fonds 
de  la  choie. 

Il  pourroit  bien  être  importiblc  à  Parc 
de  faire  de  l'or  ,  c'eft-à-dire  ,  d'en  faire' 
avec  des  matières  qui  ne  fbient  pas  or  , 
comme  il  s'en  fait  dans  le  fein  de  la  terre. 
L'art  n'a  jamais  fait  un  grain  d'aucun  des 
métaux  irnparfaits  ,  qui  ,  félon  les  alchy- 
miftes ,  font  de  l'or  que  la  nature  a  man- 
qué ;  il  n'a  feulement  jamais  fiit  un  caillou. 
Selon  les  apparences ,  la  nature  fe  réfervc 
routes  les  produârions.  Cependant  on  ne 
démontre  pas  qu'il  foit  impollible  qu'un 
homme  ne  meure  pas.  Les  impofïîbilités  , 
hormis  les  géométriques  ,  ne  fe  démon- 
trent guère  ;  mais  une  extrême  difficulté , 
prouvée  d'une  certaine  façon  par  l'expé- 
rience ,  doit  être  traitée  comme  une  im- 
pofïibilité  ,  fmon  dans  la  théorie  ,  au 
moins  dans  la  pratique. 

Les  alchymiftes  prétendent  diffoudre  l'or 
radicalement ,  ou  en  fes  principes  ,  &  en 
tirer  quelque  matière  ,  un  foufre  ,  qui ., 
par  exemple  ,  mêlé  avec  quelqu'autre  mi- 
néral ,  comme  du  mercure  ,  ou  de  l'ar- 
gent ,  le  change  en  or  :  ce  qui  en  multi- 
plieroit  la  quantité. 

Mais  on  n'a  jamais  diffous  radicalcmenc 
Mmmmm 


h 


8i<5 


P  I  E 


aucun  métal  On  les  altère  ,  on  les  déguife  | 
quelquefois  à  un  tel  point  ,  qu'ils  ne  font 
plus  reconnoiflables  ;  mais  on  fait  aufTi  les 
moyens  de  les  faire  reparoître  fous  leur 
première  forme  ;  leurs  premiers  principes 
n'etoient  pas  défunis. 

Il  eft  vrai  qu'il  s'eft  fait  par  le  miroir 
ardent  des  difl'olutions  radicales  ,  que  le 
feu  ordinaire  des  fourneaux  n'auroit  pas 
faites  :  mais  un  alcbymifte  n'en  feroit  pas 
plus  avancé  ;  car  au  feu  du  foleil  ,  ou  le 
mercure  ,  ou  le  foufre  des  métaux  qui 
ièroient  les  principes  les  plus  adifs  ôc  les 
plus  précieux  ,  s'envolent  ,  &  le  refte 
demeure  vitrifié ,  &  inhabile  à  toute  opé- 
ration. 

Quand  même  on  auroit  un  foufre  d'*or 
bien  féparé  ,  &  qu'on  l'appliquât  à  de 
l'argent ,  par  exemple  ;  il  ne  feroit  que 
changer  en  or  une  maflé  d'argent  ,  égale 
à  celle  d'or  ,  d'où  il  auroit  été  tiré.  Je 
fuppofe  qu'il  lui  auroit  donné  le  poids  ,  & 
toutes  les  autres  qualités  originaires  ;  mais 
malgré  tout  cela  ,  il  valoit  autant  laifler  ce 
Ibufre  où  il  étoit  néceflairement  ;  on  n'a 
rien  gagné  ,  fi  ce  n'eft  une  expérience 
très-curieufe  ,  &  certainement  on  a  fait 
des  frais. 

J'avoue  que  les  alchymiftes  entendent 
que  ce  foufre  agiroit  à  la  manière  ou  d'une 
femence  qui  végète  Se  devient  une  plante , 
ou  d'un  feu  qui  fe  multiplie  ,  dès  qu'il  eft 
dans  une  matière  combuftible  ;  &  c'eil:  à 
cela  que  reviennent  les  contes  de  la  poudre 
de  projeârion  ,  dont  quelques  atomes  ont 
produit  de  grofîes  mafles  d'or  ;  mais  quelle 
phyfique  pourroit  s'accommoder  de  ces 
fortes  d'idées  ? 

J'avoue  auilî  que  fi  de  quelque  matière 
qui  ne  fût  point  or  ,  comme  de  la  rofée  ,  de 
la  manne  ,  du  miel  ,  &c.  on  pouvoir  ,  ainfi 
qu'ils  le  difent ,  tirer  quelque  portion  de 
Tcfprit  univerfel  ,  propre  à  changer  de 
l'argent  ou  du  cuivre  en  or  ,  il  pourroit  y 
avoir  du  profit  ;  mais  quelles  propofitions  ! 
quelle  efpérancc  ! 

Une  chofe  qui  donne  encore  beaucoup 
de  crédit  à  la  pierre  phihfopkûle  ,  c'eft 
qu'elle  eft  un  remède  univerfel  j  ceux  qui 
lacherchcnt ,  comment  le  favent-ils  f  Ceux 
qui  la  poftèdent,  queneguériflent-ilstout? 
Et  s'ils  veulent ,,  fajis  découvrir  leur  fecret  ^ 


P  I  E 

il  auront  plus  d'or  que  tous  leurs  fourneaux 
n'en  pourroient  faire.  Quand  on  recher- 
chera ce  qui  a  fait  donner  à  l'or  des  vertus 
phyfiques  fi  merveilleufes  ,  on  verra  bien- 
tôt que  leur  origine  vient  de  fes  vertus  arbi- 
traires &  conventionnelles ,  dont  les  hom- 
mes font  fi  touchés.  (  JD.  /.  ) 

Pierres  foreuses  ,  (  Hijî,  nat.  ) 
parus  ,  unduîago  ,  incrujlatum  ,  tophus  , 
(lalaclîtes  ,  &c.  nom  générique  donné  par 
les  naturaliftes  à  toutes  les  pierres  formées 
par  le  dépôt  des  eaux.  De  ce  genre  font 
le  tuf  ,  les  incrujîations  ,  les  Jîalaclites  ^ 
ôcc.  Voye-^^  ces  différens  articles.  Les 
pores  varient  par  la  nature  &  par  la  forme  , 
en  raifon  des  différentes  terres  que  les  eaux 
ont  dépofées  ;  mais  le  plus  communément 
ces  pierres  font  calcaires  ,  parce  que  la 
terre  calcaire  a  plus  de  facilité  que  toute 
autre  à  s'incorporer  avec  les  eaux  &  à  être 
mife  en  difiôlution.  Voye^^  Calcaire. 
Pierres-ponces  ,  (  Hijî.  nat.  )  pumices  ; 
ce  font  des  pierres  très-poreufes  ,  &  fem- 
blables  à  des  éponges  ;  elles  paroiflent  com- 
pofées  de  filamens  ;  elles  font  rudes  au 
touchetjd'une  figure  irrégulier€  &  informe: 
leur  légèreté  eft  fi  grande  ,  qu'elles  nagent 
à  la  fur  face  des  eaux. 

Les  pierres-ponces  varient  pour  la  cou- 
leur ,  &  l'on  en  compte  de  blanches  ou 
gri'i'es  ,  de  jaunâtres ,  de  brunes  &  de  noi- 
râtres. Ces  pierres  fe  trouvent  dans  le 
voifinage  des  volcans  ou  montagnes  qui- 
jettent  du  feu  ,  comme  l'Etna  &  le  Vé- 
fuvc  \  ou  dans  des  endroits  où  il  y  a  eu 
autrefois  des  embrafemens  fouterrains  ;  ou 
enfin  dans  des  endroits  où  les  pi  erres -pon-- 
ces  ont  été  poulfées  par  les  vents  ,  lorf- 
qu'eilesnageoienïàlafurfâcedes  eaux  de  la 
mer. 

MM.  Stahl  &  Pott  ont  regardé  la  pierre^ 
ponce  y  comme  de  l'asbefte  que  l'adion  du 
feu  a  mis  dans  l'état  où  nous  le  voyons  ;, 
mais  M.  Wallerius  croit  que  fa  formation 
eft  due  à  une  efpece  de  charbon  de  terre 
,  confommé,  &  devenu  fpongieux  par  l'ac- 
tion du  feu.  Quioi  qu'il  en  foit  de  ces 
différentes  opinions  ,  M .  Heckel  a  obfervé 
que  la  pierre-ponce  entroit  en  fulîoD  à  ua 
feu  violent ,  &  fbrmoit  une  fcorie  ou  un 
:  verre  aflez  dur  pour  faire  feu ,  lorfqu'on  Is: 
frappe  avec  l'acier  i  ce  ^it  a  été  Gonfiime 


P  I  E 

par  l'expérience  de  M.  Pott.  C'eft  pour 
cette  raifon  que  quelques  auteurs  ont  mis 
la  pierre-ponce  au  rang  des  pierres  que  l'on 
nomme  vitrifiables. 

On  trouve  \z  pierre -ponce  ,  comme  nous 
(7  l'avons  fait  obferver ,  dans  le  voifinage  des 
volcans ,  ôc  l*on  en  rencontre  dans  toutes 
les  parties  du  monde  -,  en  Europe  ,  près  du 
mont  Hecla  en  ïflande  ,  en  Sicile  ,  ôc  au 
royaume  de  Naples  5  en  Afîc  ,  dans  l'ile 
d'Ormus  ,  où  il  y  a  eu  anciennement  un 
volcan  j  dans  l'ile  de  Ternates ,  ùc.  Les 
voyageurs  nous  apprennent  avoir  quelque- 
fois vu  la  mer  toute  couverte  de  pierres- 
ponces  dans  des  endroits  fouvent  fort  éloi- 
gnés des  volcans  qui  les  ont  produites  ;  ce 
font  les  vents  qui  les  poullent  alors  au  loin: 
en  fe  heurtant  les  unes  les  autres  ,  ôc  étant 
roulées  par  les  eaux  contre  le  rivage  ,  elles 
s'arrondidènt  &  s'ufent  ,  comme  on  le 
remarque  fenfiblement  à  de  certaines  pier- 
res-pences. 

Les  anciens  ont  cru  que  la  pierre-ponCe 
était  formée  de  l'écume  de  la  mer  i  &  ils 
l'p.ppelleiert  pumex  du  mot  fpuma. 

Cette  pierre  eft  d'un  grand  ufage  dans 
les  arts  &  métiers  ;  elle  fert'à  polir  les 
pierres  èc  les  métaux.  On  l'a  vantée  autre- 
fois dans  la  médecine  ;  mais  aujourd'hui 
l'on  fait  que  l'ufagc  en  eft  très-inutile.  (  — •  ) 

Pierres  ,  (  Mat.  méd.  )  On  a  attribué 
des  vertus  médicinales  à  un  grand  nombre 
de  pierres  ,  qui  ne  différent  point  à  cet 
égard  des  terres  ,  &  auxquelles  convient 
par  conféquent  ce  que  nous  avons  dit  des 
remèdes  terreux.  Voye-^  Terreux  , 
(  Mat.  méd.  ) 

Les  pierres  méritent  cependant  cette 
conlidération  particulière  ,  que  celles  qui 
ont  une  vertu  médicamenteufe  réelle  , 
favoir  ,  les  calcaires  &  les  argileu(es ,  (ont 
très-inférieures  dans  l'ufage  ,  aux  terres 
proprement  dites ,  en  ce  qu'elles  font  d'un 
tiflu  plus  compa(5tc  ,  plus  (erré  que  ces 
dernières  fubftances.  D'où  l'on  peut  pro- 
noncer définitivement  que  les  pierres  Sim- 
ples ou  homogènes  des  autres  efpeces  pri- 
mitives font  deftituées  de  toute  vertu 
médicamenteufe  ;  que  celles  qui  ont  quel- 
que vertu  ne  la  polfedent  que  dans  un 
degré  plus  foible  que  des  (ubfîances  analo- 
gues ,  tout  auffi  communes  qu'elles  j  &  par 


PIE  827 

conféquent  ,  que  les  pierres  doivent  être 
bannies  de  la  lifte  des  remèdes. 

Qes pierres  (\\i\  font  ainft  inutiles  ,  &  que 
les  pharmacologiftes  ont  mifesau  rang  des 
médicamens  ,  font ,  outre  les  pierres  pré* 
cieufes  ,  &  principalement  celles  qu'on 
trouve  dans  les  pharmacies  ,  fous  le  nom 
de  fragrnens  précieux  ,  (ont  ,  dis-je  ,  le 
cryftal ,  le  caillou  ,  le  bol  ,  le  talc  ,  la. 
pierre  néphrétique  ou  le  jade  ,  la  pierre- 
ponce  ,  l'ochre  ,  l'ardoife  ,  \:i pierre  d'aigle  ,  i 
la  pierre  d'aimant  ,  &c.  toutes  fubftances  ' 
abfolument  dépourvues  de  vertus  médici- 
nales }  &  la  bélemnite  ,  la. pierre  judaïque, 
la  ;>/erre  d'épongé  ,  l'oftéocol  ,  le  gloiTo- 
perre  ou  langue  de  ferpent  ,  &c.  toutes 
matières  qui  ,  quoique  poflédant  en  effet 
la  vertu  abforbante  ,  étant  compofées  en 
tout  ou  en  partie  de  terre  calcaire  ,  doi- 
vent être  pourtant  rejetées  ,  par  les  con- 
(idérations  que  nous  venons  d'expofer  ci- 
dctfus. 

Mais  outre  ces/j/erre^  inutiles ,  on  trouve 
encore  dans  les  liftes  des  remèdes  ,  deux 
pierres  dangereufes  ;  (avoir  ,  la  pierre 
d'azur  ,  &c  la  pierre  d'Arménie  ,  l'une  &c 
l'autre  recéSfi mandées  par  les  anciens  , 
comme  purgatives.  Voye:^  Pierre  d'Ar- 
ménie &  Pierre  d'Azur. 

La   pierre  hématite  qui  n'eft   prefque 

qu'une  iubftance  fcrrugineufe  ,   doit  être 

renvoyée  à  la  clafle  des  remèdes  martiaux. 

'Voyei  Mars    &■  Martiaux  ,    (   Mat, 

méd.  ) 

Au  refte  ,  la  principale  célébrité  de  la 
plupart  de  ces  pierres  ,  leur  eft  venue  de 
l'opinion  qu'on  a  eue  de  leur  efficacité  , 
à  titre  d'amulette  ;  on  a  cru  ,  par  exem- 
ple ,  que  la  pierre  néphrétique  portée  dans 
une  ceinture  ,  calmoit  les  douleurs  des- 
reins  ;  ôc  j'ai  vu  un  homme  de  beaucoup 
d'efprit  qui  employoit  ce  remède  ,  vérita- 
blement avec  un  léger  degré  de  confiance. 
La  langue  de  ferpent  eft  regardée  comme 
très-propre  à  faire  fortir  les  dents  des 
enfans ,  lorfqu'on  la  leur  fufpend  au  cou, 
Lz  pierre  d'aigle  pafTè  pour  feciliter  l'accou- 
chement ,  fi  les  femmes  la  portent  atta- 
chée à  la  cuiffe  ,  ôi  pour  agir  même  avec 
tant  d'énergie  ,  que  Ci  on  n'a  foin  de  la 
détacher  d'abord  après  l'accouchement  ,  "* 
elle  entraîne  la  matrice  ;  fait  attefté  par 
Mmmmm  2. 


Si8  PIE 

des  obrefvatîons  rapportées  par  de  tres- 
graves  auteurs  de  médecine  •■,  mais  qui 
paroit  fi  chimérique  ,  que  la  plus  févere 
méthode  du  doute  ne  lauroit ,  ce  lemble , 
autorifer  à  la  difcuter  par  de  nouvelles 
expériences,  {b) 

Pierre  infernale  ,  (  Chymie  ,  Mat. 
méd.  )  on  nomme  ainfi  le  fel  formé  par 
Tunion  de  Pacide  nitreux  3  tk.  de  Targent 
dépouillé  par  la  fuiion  de  toute  Ton  eau  de 
cryftallifation.  Voici  comme  on  le  prépare 
d'après  Lémery  ,  Cours  de  chymie. 

Faites  dillbudre  dans  une  phiole  telle 
quantité  d'argent  de  coupelle  qu'il  vous 
plaira  ,  avec  deux  ou  trois  fois  autant  d^ei- 
prit  de  nitre  ;  mettez  votre  phiole  lur  le  ku 
de  fable ,  &  faites  évaporer  environ  les  deux 
tiers  de  l'humidité  :  renverlez  le  reftant 
tout  chaud  dans  un  bon  creufet  d'Alle- 
magne allez  grand ,  à  caufe  des  ébullitions 
qui  fe  feront.  (  Une  capfale  de  verre  cft 
préférable  à  un  cieufec  ,  parce  qu'une 
grande  quantité  de  la  matière  pénètre 
le  creufet  ,  s'imbibe  dedans  ,  &  Ibuvent 
pafle  à  travers  ,  fur-tout  iî  c'eft  la  pre- 
mière fois  qu'on  le  fait  fervir  à  cette  opé- 
ration ;  note  de  M.  Baron.  )  fpicez  le  lur 
un  petit  feu  ,  &  l'y  laiflèz  jufqu'à  ce  que 
k  matière  qui  fe  fera  beaucoup  raréfiée  , 
s'abaifiè  au  fond  du  creufet  :  augmentez 
alors  un  peu  le  feu  ,  &  elle  deviendra 
comme  de  l'huile  j  verfez  la  dans  une  lin- 
gotiere  un  peu  grailfée  &:  chauffée  ,  elle* 
le  coagulera  ;  après  quoi  vous  pourrez  la 
garder  dans  une  phiole  bien  bouchée.  C'efl: 
un  cauftique  qui  dure  toujours  ,  pourvu 
qu'on  ne  le  laifle  pas  expofé  à  l'air  :  on 
peut  faire  cette  pierre  avec  un  mélange 
de  cuivre  &  d'argent  j  mais  elle  ne  fe 
garde  pas  tant  ,  parce  que  le  cuivre  étant 
fort  poreux  ,  l'air  s'y  introduit  facilement , 
&  la  fond.  Si  vous  avez  employé  une  once 
d'argent ,  vous  retirerez  une  once  &  cinq 
dragmes  de  pierre  infernale. 

On  moule  la  pierre  infernale  en  petits 
crayons  pour  l'ulage. 

Ce  cauftique  n'attaque  point  la  peau  , 
mais  il  ronge  très-promptement  &  très- 
efficacement  les  chairs  découvertes  ,  en 
les  touchant  feulement  plus  ou  moins  lé- 
gèrement. Les  chirurgiens  n'en  emploient 
presque  point  d'autre  aujourd'hui  pour 


P  I  E 

confumer  les  bords  calleux  des  ulcères ,  oix 
les  chairs  qui  poulfent  trop  pendant  le 
traitement  des  plaies  :  elle  peut  fervir  en- 
core ,  auiïi-bien  que  les  cauitiques  préparés 
avec  le  mercure  ,  à  détruire  les  chancres 
&c  autres  excroiflances  vénériennes  qui 
viennent  aux  parties  de  la  génération  de 
l'un  &  l'autre  fexe  ,  6'c. 

Les  chirurgiens  portent  leur  pierre  à 
cautère  moiitée  (ur  un  porte-crayon  qui 
fe  vide  dans  un  étui  d'argent  ,  pour  la  pré- 
ferver  de  l'humidité  de  l'air  qui  l'iittaque 
cependant  allez  médiocrement,  {b) 

Pierre  A  CAUTERE,  (  Chymie  ^ 
Mat.  méd.  )  on  appelle  ainli  Valkali  jixs 
du  tartre  ,  ou  commun  ,  repdu  plus  cauf- 
tique par  la  chaux.  Voye-{^  Tartre  & 
Chaux  commune.  Voici  comme  on  la 
prépare ,  d'après  la  defcription  de  Lémery. 

Mettez  dans  une  grande  terrine  une 
partie  de  chaux  vive  ,  &  deux  parties  de 
cendre  gravelée  ;  verfez  deflus  beaucoup 
d'eau  chaude  ,  &  les  ayant  laiflé  tremper 
cinq  ou  fix  heures,  faites-les  un  peu  bouil- 
lir :  paflez  enfuite  ce  qui  fera  clair  ,  par 
un  papier  gris  ,  &  le  faites  évaporer  dans 
une  balline  de  cuivre  ,  ou  dans  une  ter- 
rine de  grès  :  il  vous  reftera  un  fel  au 
fond  ,  qu'il  faut  mettre  dans  un  creufet  fur 
le  feu  ;  il  fe  fondra  &  bouillira  jufqu'à  ce 
qu'il  fe  foit  fair  évaporation  de  l'humidité 
qui  étoit  reftce  :  quand  vous  verrez  qu'il 
fera  réduit  au  fond  en  forme  d'huile  , 
jetez-le  dans  une  balïine  ,  &  le  coupez 
en  pointe  ,  pendant  qu'il  fera  encore 
chaud  :  mettez  promptement  ces  caufti- 
qucs  dans  une  bouteille  de  verre  fort  , 
que  vous  boucherez  avec  de  la  cire  &  de 
la  vefïie  ,  car  l'air  les  réloud  facilement  tn 
liqueur  :  il  f\ut  encore  oblerver  de  les 
mettre  en  un  lieu  bien  fec  pour  le  garder. 
Lémery  ,   Cours  de  chymie. 

Il  eft  très-vrai(èmblable  qu'on  n'emploie 
par  préférence  les  cendres  graveiées  ,  que 
parce  qu'elles  (ont  d'un  moindre  prix  que 
le  fel  de  tartre  ;  car  il  paroir  (  contre 
l'opinion  ,  &  malgré  la  théorie  de  M.  Ba- 
ron ,  Notes  fur  le  cours  de  chymie  de 
M.  Lémery  )  ,  que  le  tartre  vitriolé  qui  fe 
trouve  dans  les  cendres  graveiées  ,  nuit  à 
la  perfeélion  de  la  pierre  a  cautère  ,  plutôt 
qu'elle  n'y  fert  :.car  le  tartre  vitriolé  n'eft 


PIE 

point  cauftique  ,  &  ne  difpo'e  point  la 
chaux  à  la  caufticité. 

L^  pierrç  à  cautère  eft  le  plus  actif  des 
cauftiques  employés  dans  la  chirurgie  , 
puifqu'il  attaque  même  la  peau  entière  , 
ce  que  ne  font  point  les  "autres  cauftiqués 
ulités.  SoH  uiàge  chirurgical  eft  d'être  em- 
ployée à  établir  ces  ulcères  ou  égoùts  arti- 
ficiels connus  ious  le  nom  de  cautère  , 
voye:ç^  Cautère,  Méd.  &  d''ouvrir  des 
abcès.  J^oye':^  Abce's. 

PiERitE  d'azur  ,  (  Mat.  médic.  )  lapis 
la^uli  ;  elle  a  la  vertu  de  purger  par  haut 
ôc  par  bas.  Des  auteurs  la  recommandent 
fort  contre  la  mélancolie  ,  la  fièvre  quarte, 
Tapoplexie  &  1  epilcpfie  :  Diofcoride  & 
Galien  lui  reconnoiflent  une  vertu  corro- 
live  avec  un  peu  d'aftriftion.  Il  ne  faut  pas 
douter  que  la  couleur  bleue  de  cette  pierre 
ne  vienne  de  quelque  partie  de  cuivre  , 
d'où  dépendent  aufli  fes  vertus  corrofive , 
purgative  &  émétique  ;  mais  on  demande 
pourquoi  on  fait  entrer  ce  remède  acre  Se 
violent  purgatif  dans  la  confection  alkcr- 
mès  5  qui  eil  une  compofition  cordiale  8c 
fortifiante. 

Comme  l'on  a  beaucoup  de  remèdes 
plus  sûrs  pour  produire  les  effets  dont  on 
vient  de  parler  ,  on  le  fert  rarement  de 
cextt  pierre  ;  &  à  préfent  ,  on  n'a  coutume 
de  Pemployer  que  dans  la  compoiition 
al  kermès.  Geoffroi ,  Mat.  méd. 

On  n'eft  plus  avancé  aujourd'hui  que  du 
temps  de  M.  Geoffroi ,  car  on  ne  fait  plus 
enrrer  la  pierre  d'azur  dans  la  confcdîion 
alkermès. 

Pierre  divine  on  ophtalmique  , 
(  Pharmacie  ,  Mat.  méd.  )  prenez  vitriol 
bleu ,  nitre  &  alun  ,  de  chacun  trois  onces; 
mettez -les  en  poudre  fubtile  ,  mêlez -les 
exaétement  &  placez-les  dans  un  matras, 
&  les  expofez  à  une  chaleur  fimplement 
fufîifante  pour  les  faire  fondre  ;  lorique  le 
mélange  fera  Hquide  ,  mêlez-y  exadement 
un  gros  de  camphre  en  poudre  ,  &  lorfque 
la  mafle.  fera  figée  par  le  refroid ifiem.ent , 
cafïez  le  matras  ,  retirez-la  ,  &  gardez-la 
pour  l'ufage. 

C'eft  ici  un  fîmple  mélange  de  drogues. 
Le  vitriol ,  l'alun  &  le  nitre  font  du  genre 
des  fels  qui  contiennent  allez  d^eau  dans 
leur  cryftallifacion  pour  être  capables  de 


PIE  8i^ 

la  liquidité  aqueufe  par  Tadion  d'une  légère 
chaleur.  Or  dans  cet  état  l'acide  virrio- 
lique  n'agit  point  fur  le  nitre  ,  &  chacun 
de  ces  trois  lels  refte  inaltéré  dans  le  mé- 
lange. 

Une  liqueur  appropriée  ,  chargée  d\îne 
légère  teinture  de  cette  pierre  ,  elt  un  bon 
collyre.  Voye^^  Collyre  &  Ophtalmi- 
que. (^) 

Pierre  médicamenteufe  de  CroUius , 
Pierre  médicamenteufe  de  Lémery,  Pi  erre 
admirable  ,  (  Pharmacie  0  Matière  médic.  ) 
On  trouve  dans  prefque  toutes  les  pharma- 
copées ,  &  les  chymies  médicinales ,  fous 
le  nom  de  pierre  médicamenteufe  ,  admira- 
ble ,  divine  ,  des  philofcphes  ,  ùc.  divers  mé- 
langes d'alun  ,  de  vitriol ,  de  niire  ,  de  fel 
marin  ,  de  fel  ammoniac  ,  d'alkalis  fixes  , 
de  litarge  ,  de  bol ,  ùc.  le  tout  pulvérifé  , 
exactement  mêlé,  humecté  avec  du  viuai- 
gre  ,  ou  qutîqu'autre  liqueur  faline  ;  en- 
fuite  calciné  ou  fortcmaCnt  defféché  ,  juf^ 
qu'à  ce  que  le  mélange  ait  pris  la  confifl 
tance  d'une  pierre. 

Ces  pierres  font  recommandées  comme 
vulnéraires ,  déterfives  ,  dellicatives ,  ftip- 
tiques  ,  ophtalmiques  ;  mais  elles  ont  émi- 
nemment le  défaut  des  remèdes  très-com- 
pofés  ,  qui  font  d'autant  plus  graves  , 
comme  nous  Pavons  obfervé  à  l'article 
Composition  (  voye^^  cet  article ,  )  qu'une 
réaétion  chymique  non  prévue  ou  mal 
eftimée ,  a  été  plus  excitée  dans  leur  pré- 
paration. Auffi  toutes  ces  pierres  font-elles 
fort  peu  employées ,  ôc  ne  devroient  point 
l'être  abiolument  ,  fur  -  tout  puifqu'on 
ne  manque  point  de  remèdes  plus  fîm- 
ples  &  mieux  entendus  ,  qui  pofîédent 
éminem.ment  les  vertus  attribuées  à  ces 
pierres,  {b) 

Pierre  calaminaire  ,  (  Mat.  médic.) 
voye^  Zinc. 

Pierre  ,  {Architecî.)  corps  dur  qui  fe 
forme  dans  la  terre  ,  &  dont  on  fe  fcrr 
pour  la  conftru6tion  des  bâtimens.  Il  y  a 
deux  fortes  de  pierres  ,  de  la  pierre  dure  , 
&  de  la  pierre  tendre.  La  première  eft 
fans  contredit  la  meilleure.  La  pierre  ten- 
dre a  cependant  quelques  avantages  :  c'efî: 
qu'elle  le  taille  aifcment  ,  &:  qu'elle  rélîftc 
quelquefois  mieux  à  la  gelée  que  h  pierre 
dure.  Mais  ceci  n'eft  pas  allez  reeom» 


830  PIE 

mandable  pour  mériter  de  la  confiance  à 
la  pierre  tendre.  Il  faut  un  froid  très-rigou- 
reux pour  endommager  la  pierre  dure  ; 
parce  que  ce  n'eft  qu'en  congelant  Peau 
que  la  pierre  contient ,  qu'il  peut  lui  nuire 
Aufll  la  plupart  des  carriers  craignent  bien 
davantage  la  lune  ,  dont  les  rayons  dé- 
rruifent ,  à  ce  qu'ils  difcnt  ,  les  matières 
les  plus  compares  ;  mais  il  y  a  dans  ce 
propos  plus  de  mcchanceré  que  de  bonne 
foi.  Comme  la  pierre  fe  détruit  ficilement 
quand  l'ouvrier  n'en  a  pas  bien  ôté  le 
boufm  ,  voye'{^  ce  mot ,  &  que  par  cette 
mal-façon  la  pierre  fe  gâte  ;  en  attribuant 
ce  déchet  à  «la  lune  ,  on  couvre  fa  négli- 
gence ,  pour  ne  rien  dire  de  plus.  Mais 
iaiflons-là  les  défauts  qui  peuvent  provenir 
aux  pierres  de  la  part  des  ouvriers  &r  de 
la  lune.  Difons  quelque  chofe  de  plus  utile  ; 
c'cft  la  manière  de  connoître  la  qualité 
d'une  pierre. 

Lorfqu'une  pierre  eft  bien  pleine ,  d'une 
couleur  égale ,  qu'elle  eft  fans  veines,  qu'elle 
a  un  grain  fin  &  uni  ,  que  les  éclats  fe 
coupent  net ,  &  qu'ils  rendent  quelque  fon , 
elle  eft  certainement  bonne.  On  connoît 
encore  cette  qualité ,  en  expofant  la  pierre , 
nouvellement  tirée  des  carrières ,  à  l'humi- 
diré  pendant  l'hiver.  Si  elle  réfifte  à  la  ge- 
lée ,  elle  eft  bonne ,  oc  on  peut  l'employer 
avec  confiance. 

Voici  les  efpeces  ,  les  qualités ,  les  ufa- 
ges  &  les  défauts  de  ces  corps. 

De  la  pierre  dure  fuivant  fes  efpeces. 
JPitrre  d'Arcueil  ,  près  de  Paris.  Cette 
pierre  porte  de  hauteur  de  banc  nette  & 
taillée,  depuis  14  jufqu'à  zi  pouces;  &  le 
bas  appareil  d'Arcueil,  9  à  10  pouces. 

Pierre  de  belk-hache.  C'eft  la  plus  dure 
de  toutes  les  pierres  ,  quoique  moins 
parfaite  que  le  liais  ferant ,  voyf:^  ci-après 
pierre  de  liais  ,  à  cau'e  des  cailloux  qui  s'y 
rencontrent  :  auffi  s'en  fert-on  rarement. 
On  la  tire  vers  Arcueil  d'un  endroit  appelle 
la  Carrière  royale.  Elle  porte  de  hauteur 
18  à  19  pouces. 

Pierre  de  Bonbanc.  Cette  pierre  qui  fe 
tire  vers  Vaugirard  ,  porte  depuis  15  juf- 
qu'à Z4  pouces  de  hauteur. 

Pierre  de  Caen  ,  en  Normandie.  Efpece 
de  pierre  noire  ,  qui  tient  de  l'ardoife  , 
vojeij;  Ardoise  ,  mais  qui  eft  beaucoup 


PIE 

plus  dure.  Elle  reçoit  le  poli ,  &  (ert  dans 
les  compartimens  de  pavé. 

Pierre  de  la  Chauffée  ,  près  Bougival  , 
à  côté  de  Saint-Germain-en-Laye  ;  pierre 
qui  porte  ly  à  16  pouces. 

Pierre  de  CU quart ,  près  d'Arcueil.  Cette 
pierre,  qu'on  appelle  auiïi  bas- appareil , 
porte  6  à  7  pouces. 

Pierr^:  de  Saint-  Cloud.  Pierre  qu'on  tire 
au  lieu  du  même  nom  ,  près  Paris  ,  6c 
qu'on  trouve  nette  &  taillée  ,  depuis  18 
jufqu'à  14  pouces  de  hauteur. 

P. erre  de  Fécamp,  On  trouve  cette  pierre 
dans  la  vallée  de  ce  nom  ,  près  Paris ,  elle  a 
15  à  18  pouces  de  hauteur. 

Pierre  de  Lambourde,  Cette  pierre  fè 
trouve  près  d'Arcueil.  Elle  porte  depuis 
2.0  pouces  jufqu'à  cinq  pies  ,  mais  on  la 
délite.  Il  y  a  auftl  de  la  lambourde  ,  qu'on 
trouve  hors  du  fauxbourg  Saint-Jacques  , 
à  Paris,  qui  a  depuis  18  jufqu'à  24 pouces. 

Pierre  dure  de  Saint-Leu.  On  tire  cette 
pierre  aux  côtes  de  la  montagne  d'Arcueil. 

Pierre  de  liais.  Il  y  a  plufieurs  efpeces 
de  cette  pierre.  Le  franc-liais  &c  le  liais- 
ferant ,  qui  eft  plus  dur  qu5  le  franc,  fe- 
tirent  tous  deux  de  la  même  carrière  , 
hors  de  la  porte  Saint-Jacques  ,  près  Paris. 
Le  liais-rofe  ,  qui  eft  le  plus  doux  ,  &c  qui 
reçoit  un  beau  poli  au  grès  ,  fe  tire  vers 
Saint- Cloud  i  &C  on  preni  le  franc-liais 
de  Saint-Leu  ,  le  long  des  côtes  de  la 
montagne.  Toutes  ces  efpeces  de  liais 
porteur  depuis  6  jufqu'à  8  pouces  de 
hauteur. 

Pierre  de  Meudon  ,  près  Paris.  Cette 
pierre  eft  depuis  14  pouces  jufqu'à  18.  Il 
y  a  une  autre  forte  de  pierre  de  Meudon , 
qu  on  appelle  rufiique  de  Meudon  ,  qui  eft 
plus  dure  &  plus  trouée  ,  mais  qui  a  la 
même  hauteur. 

Pierre  de  Montojfon ,  près  Nanterre  ,  à 
deux  heues  de  Paris.  Pierre  qui  porte  9  à 
10  pouces. 

Pierre  de  Saint-Nom  ,  au  bout  du  parc 
de  Verfailles.  Cette  pierre  a  depuis  18  juf- 
qu'à 2i  pouces  de  hauteur. 

Piet  re  de  Senlis.  On  prend  cette  pierre 
à  Saint -Nicolas -lès -Senlis  ,  à  10  lieues 
de  Paris.  Elle  porte  depuis  iz  jufqu'à  iG 


pouces. 
Pierre  de 


Souchet»   On   trouve  cette 


P  I  E 

pierre  hors  cîu  fauxbourg  Saint -Jacques 
de  Paris.  Elle  porte  depuis  12  jufquà  16 
pouces, 

Pierre  de  Tonnerre ,  en  Bourgogne.  Cette 
pierre  a  depuis  1 6  jufqu'à  1 8  pouces. 

Pierre  de  Vaugirard.  Pierre  qui  eft  dure 
&  grife  ,  &  qui  porte  1 8  à  1 9  pouces. 

Pierre  de  Vergeté.  On  tire  cette  pierre 
de  Saint-Leu  ,  à  10  lieues  de  Paris.  Elle 
porte  18  à  2.0  pouces. 

Pierre  de  Vernon  ,  à  1 2  lieues  de  Pa- 
ris. Cette  pierre  porte  depuis  2  jufqu'à  3 
pies. 

De  la  pierre  tendre  fuivant  fes  efpeces. 
Pierre  de  Saint-Leu  ,  à  dix  lieues  de 
Paris.  Pierre  qui  porte  depuis  2  pies  juf- 
qu'à  4. 

Pierre  de  Maillet  &  de  Trocy.  On  tire 
ces  pierres  de  Saint-Leu  ,  &c  elles  n'ont 
rien  de  particulier  ,  fi  ce  n'eft  que  le  trocy 
cft  de  toutes  les  pierres  celle  dont  le  lit  eft 
le  plus  difficile  à  connoître.  On  ne  le  dé- 
couvre que  par  de  petits  trous. 

JDe  la  pierre  fuivant  fes  ç^ualités.  De  la 
pierre  a  chaux.  Sorte  de  pierre  grade  ,  qui 
fe  trouve  ordinairement  aux  cotés  des  mon- 
tagnes ,  &c  qu'on  calcine  pour  faire  de  la 
chaux.  Voye^  Chaux. 

Pierre  a  plâtre.  Sorte  de  pierre  qu'on  cuit 
dans  les  fours ,  &  qu'on  pulvérife  enfuite 
pour  faire  du  plâtre.  Foje;(_  Plâtre. 

Pierre  de  couleur.  Pierre  qui  étant  rou- 
geâtre  ,  grisâtre  ou  noirâtre  .,  caule  une 
variété  agréable  dans  les  bâtimens. 

Pierre  de  taille.  On  appelle  ainfi  tQute 
pierre  dure  ou  tendre ,  qui  peut  être  équar- 
rie  &  taillée  avec  paremens  ,  ou  même 
avec  architeéhire ,  pour  la  folidité  ou  déco- 
ration des  bâtimens. 

Pierre  fiere.  Pierre  difficile  à  travailler , 
à  caufe  qu'elle  eft  lèche  ,  comme  la  plu- 
part des  pierres  dures  ,  mais  particulière- 
ment la  belle -hache  &  le  liais  ;  voje;^  ces 
mots. 

Pierre  franche.  On  appelle  ainfi  toute 
pierre  parfaite  en  fon  efpece  ,  qui  ne  tient 
point  de  la  dureté  du  ciel ,  ni  du  tendre 
du  moellon  de  la  carrière. 

Pierre  fufiliere.  Efpece  de  pierre  dure 
6c  i'eche ,  qui  tient  de  la  nature  du  caillou. 
Il  y  a  de  ces  pierres  qui  fi^nt  grifes  ;  une 
partie  du  pont  Notre-Dame  cil  bâtie  de 


PIE  831 

cette  pierre  ;  Zc  de  petites  qui  font  noi- 
res ,  ce  font  les  pierres  à  fufil.  On  pave 
de  celles-ci  les  terraflés  &:  les  bafîins  des 
fontaines. 

Pierre  gelifs  verte.  Pierre  qui  eft  nou- 
vellement tirée  de  la  carrière  ,  ôc  qui  n'a 
pas  encore  jeté  Ion  eau. 

Pierre  pleine.  C'eft  toute  pierre  dure 
qui  n'a  point  de  cailloux  ,  de  coquillages  , 
de  trous  ,  ni  de  moie.  Tels  font  les  plus 
beaux  liais  ôc  la  pierre  de  tonnerre. 

Pierre  trouée  ouporeufe.  Pierre  qui  a  des 
trous  comme  le  ruftique  de  Meudon  ,  le 
tuf,  &c  toutes  les  pierres  de  meulière.  On 
l'appelle  aufli  choqueufe. 

De  la  pierre  félon  fes  façons.  Pierre  au 
binard.  C'eft  tout  gros  bloc  de  pierre  qui 
eft  apporté  de  la  carrière  fur  un  binard, 
attelé  de  plufieurs  couples  de  chevaux 
(voje:(^  Binard  ) ,  parce  qu'il  ne  le  peut 
être  par  les  charrois  ordinaires. 

Pierre  bien  faite.  C'eft  un  quartier  de 
voie  5  ou  un  quarreau  de  pierre  ,  qui  ap- 
proche beaucoup  de  la  figure  quorrée  ,  6c 
qu'on  équarrit  prefque  fans  déchet. 

Pierre  de  bas  appareil.  Pierre  qui  porte 
peu  de  hauteur  de  banc  ,  comme  le  bas 
appareil  d'Arcueil  ,  par  exemple  ,  le 
liais ,  ùc. 

Pierre  débitée.  C'eft  une  pierre  qui  eft 
fciée.  La  pierre  dure  fe  débite  à  la  fcie 
fans  dents  ,  avec  l'eau  &  le  grès  ;  &  la 
pierre  tendre  ,  comme  le  Saint-Leu  ,  le 
tuf,  la  craie ,  ùc.  avec  la  fcie  à  dents. 

Pierre  d^ échantillon.  C'eft  un  bloc  de 
pierre  de  certaine  mefure  déterminée  , 
commandée  exprés  aux  carriers. 

Pierre  d'encoignure.  Pierre  qui  ayant 
deux  paremens  ,  cantonne  l'angle  d'un  bâ- 
timent de  quelque  avant-corps. 

Pierre  éboufinée.  Pierre  dont  on  a  ôté  le 
boufîn  ou  le  tendre. 

Pierre  en  chantier.  C'eft  une  pierre  qui 
eft  calée  par  le  tailleur  de  pierre  ,  &  qui 
eft  difpolée  pour  être  taillée. 

Pierre  en  débord.  On  nomme  ainfi  une 
pierre  que  les  carriers  fojit  voiturer  près 
des  attehers ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  com- 
mandée ,  &  que  l'attelier  ait  même  cefle. 

Pierre  efmillée.  Pierre  qui  eft  équarrie 
&  taillée  grofïiércment  avec  la  pointe  du 
marteau  ,  pour  être  feulement  employée 


« 


.». 


83»  PIE 

dans  le  garni  des  gros  murs ,  ôc  le  rem- 
piiflage  5es  piles ,  culées  de  ponc ,  &c, 

Pierre  faite.  Pierre  qui  eft  entièrement 
raillée  ,  &  prête  à  être  enlevée  pour  être 
mife  en  place. 

Pierre  fufiUe.  C'eft  une  pierre  qui ,  par 
l'opération  du  feu  ,  change  de  nature  ,  & 
devient  tranfparente. 

Pierre  hachée.  Pierre  dont  les  paremens 
font  dreflés  avec  la  hache  du  marteau 
brerelé  ,  pour  être  enfuite  layée  ou  rufti- 

quée.  .  •Mc    N 

Pierre  layée.  Pierre  qui  efl:  travaillée  à 
la  laie  ou  marteau  avec  brételurcs. 

Pierre  louvée.  Pierre  où  l'on  fait  un  trou 
pour  recevoir  la  louve.  Voye:^  Louve  ù 
LouvEUR.  ^ 

Pierre  nette.  Pierre  qui  eft  equarrie  ,  & 
atteinte  jufqu'au  vif. 

Pierre  parpaigne.  C'efl:  une  pierre  qui 
traverie  l'épaideur  d'un  mur  ,  &  qui  en 
fait  les  deux  paremens. 

Pierre  piquée.  Pierre  dont  les  paremens 
font  piqués  à  la  pointe ,  Se  dont  les  ciie- 
lures  font  relevées. 

Pierre  polie.  Pierre  dure  qui  prend  le 
poli  avec  le  grès ,  en  forte  qu'il  n'y  paroît 
aucun  coup  d'outil. 

Pierre  r  agréée  au  fer.  Pierre  qui  eft  paf- 
fée  au  riflard,  efpece  de  cifeau  large ,  avec 
des  dents. 

Pierre  retaillée.  On  appelle  ainfi  non- 
feulcmcnt  une  pierre  qui ,  ayant  été  cou- 
pée ,  eft  retaillée  avec  déchet  ,  mais  en- 
core toute  pierre  tirée  d''une  démolition  , 
&:  refiite  pour  être  derechef  mife  en 
œuvre. 

Pierre  retournée.  Pierre  dont  les  pare- 
mens oppofés  les  uns  aux  autres  ,  font  d'é- 
querre  &  parallèles. 

Pierre  rufiquée.  Pierre  qui ,  après  avoir 
été  redreflce  &  hachée  ,  eft  piquée  groiïié- 
rement  avec  la  pointe. 

Pierre  Jfatuaire.  Pierre  qui  ,  étant  d'é- 
chantillon ,  eft  propre  &c  deftinée  pour 
faire  une  ftatue.  On  dit  auffi  marbre  Jîa- 
îuaire. 

Pierre  tranchée.  Pierre  où  l'oa  fait  une 
tranchée  dans  fa  hauteur  avec  le  marteau 
pour  en  couper. 

Pierre  traverfée.  Pierre  où  les  traits ^es 
jbrételures  font  croifés. 


PIE 

Pierre  velue.  Nom  qu'on  donne  à  toute 
pierre  brute  ,  telle  qu'on  l'amené  de  la 
carrière. 

Pierres  à  bojfages  ou  de  refend.  Pierres 
qui  étant  en  œuvre  ,  font  féparées  par 
des  canaux ,  &:  font  d'une  même  hauteur  , 
parce  qu'elles  repréfentent  les  allifes  de 
pierre  ,  &  dont  les  joints  de  lit  doivent 
être  cachés  dans  le  haut  des  refends.  Lorf- 
que  ces  pierres  font  en  liaifon  ,  les  joints 
montans  font  dans  l'un  des  angles  du 
refend. 

Pierres  artificielles.  Ce  font ,  félon  Pal- 
ladio ,  Arch.  liv.  I  ^  ch.  iij  ^  les  différentes 
efpeces  de  briques ,  carreaux  &  tuiles  pé- 
tries &  moulées  ,  cuites  ou  crues. 

Pierres  feintes.  Ornemens  de  mur  de 
face  ,  dont-4es  crépis  &  enduits  font  fépa- 
rés  <?<:  compartis  en  manière  de  boft'age  en 
liaifon. 

Pierres  fichées.  Pierres  dont  le  dedans 
des  joints  eft  rempli  de  mortier  clair  6c  de 
coulis. 

Pierres  jointoyées.  Ce  font  des  pierres 
dont  le  dehors  des  joints  eft  bouché  &: 
ragréé  de  mortier  ferré  ,  de*  plâtre  ou  de 
ciment. 

De  la  pierre  par  rapport  à  fes  ufages. 
Première  pierre.  On  nomme  ainfî  un  gros 
quartier  de  pierre  dure  ou  de  marbre  , 
qu'on  met  dans  les  fondemens  d'un  édifice , 
&  où  l'on  enferme  dans  une  entaille  de 
certaine  profondeur  ,  quelques  médailles, 
&  une  table  de  bronze  lur  laquelle  eft  gra- 
vée une  infcription.  Cette  coutume  ,  qui 
eft  très-ancienne  ,  à  en  juger  par  les  mé- 
dailles qu'on  a  trouvées  ,  &  qu'on  trouve 
encore  dans  les  recherches  &  démolitions 
des  bâtimens  antiques  :  cette  coutume  , 
difons-nous ,  ne  s'obferve  que  pour  les  édi- 
fices royaux  &  publics  ,  5c  non  pour  les 
bâtimens  particuliers. 

On  appelle  dernière  pierre  ^  une  table  où 
eft  une  inLcription  qui  marque  le  tem|>s 
auquel  un  bâtiment  a  été  achevé. 

Pierre  à  laver.  Efpece  d'auge  plate  ,  qui 
fcrt  à  laver  de  la  vaillelle  dans  une  cuifine, 
Pierre  d'attente.  C'eft  toute  pierre  en 
boflage  pour  recevoir  quelques  ornemens 
ou  infcription.  On  appelle  aufli  pierre 
d'attente  les  harpes  &  arrachcmcns.  Voye:^ 
Harpes  6?  Arrachemens, 

Pierre 


^■. 


PIE 

Tierre  de  touche.  Efpece  de  marbre  noir 
«jue  les  Italiens  appellent pietradiparagone, 
pierre  de  comparaifon  ,  parce  qu'elle  ièrt  à 
éprouver  les  métaux;  c'eft  pourquoi  Vitruve 
l'appelle  index.  C'elt  de  cette  pierre  qu'ont 
été  faites  la  plupart  des  divinités  ,  les 
Sphinx  ,  \qs  fleuves  ,  &  autres  figures  des 
Egyptiens. 

Pierre  incertaine.  Pierre  dont  les  pans 
&  les  angles  font  inégaux.  Les  anciens 
cmployoient  cette  pierre  pour  paver.  Les 
ouvriers  la  nomment  pierre  de  pratique  , 
parce  qu'ils  la  font  fervir ,  de  quelque  gran- 
deur qu'elle  foit. 

Pierre  percée.  Dalle  de  pierre  avec  des 
trous ,  qui  s'encaftre  en  feuillure  dans  un 
chaflis  aufîîde/7/>rrtr,  fur  une  voûte  ,  pour 
donner  de  l'air  &  un  peu  de  jour  à  une 
cave  ,  ou  pour  donner  paffage  dans  un 
puifard  aux  eaux  pluviales  d'une  cour. 

On  nomme  sm^x  pierre  k  chajfis  une  dalle 
de  pierre  ronde  ou  quarrée ,  fans  trous  ,  qui 
-s'encaftre  comme  la  pierre  percée  ,  &  qui 
fert  de  fermeture  à  un  regard  ,  ou  à  ,une 
foffe  d'aifance. 

Pierre  précieufe.  Nom  général  qu'on 
donne  à  toute  pierre  rare  ,  dont  on  enri- 
chit les  ouvrages  de  marbre  &  de  mar- 
queterie ,  comme  l'agate ,  le  lapis ,  l'avan- 
turine  ,  fir.  Parmi  ces  ouvrages ,  on  eftime 
£ir-tout  le  tabernacle  de  l'églife  des  Car- 
mélites de  Lyon  ,  qui  eft  de  marbre  &  de 
pierres  précieufes  ,  &  dont  les  ornemens 
font  de  bronze. 

Pierre  fpéculaire.  Cétoit ,  chez  les  an- 
ciens ,  une  pierre  tranfparente  ,  qui  fe  dé- 
bitoit  par  feuilles  ,  comme  le  talc  ,  &  qui 
leur  fervoit  de  vitres.  La  meilleure  venoit 
d'Efpagne,  félon  Pline.  Le  poète  Martial 
fait  mention  de  cette  forte  de  pierre  dans 
fès  épigrammes,  iiv.  II ,  épjg.  14,  voyei 
Pierre  fpéculaire. 

Pierre  de  rapport.  Petite  pierrt  de  diver- 
€es  couleurs  ,  qui  fert  aux  comparti- 
mens  du  pavé  ,  aux  ouvrages  de  mofaïque , 
&  aux  meubles  précieux. 

Pierr:es  jeâices.  Ce  font  toutes  pierres 
t[ui  peuvent  être  jetées  avec  la  main  , 
comme  les  gros  &  menus  cailloux  qui 
fervent  à  affermir  les  aires  des  grands 
ckemins  ,  &  à  paver  les  grottes  ,  fon- 
taines &  baiïîns  ,  &  qui  étant  fciécs  , 
T«meXXr, 


PIE  gjî 

entrent  dans  les  ouvrages  de  rapport  & 
de  mofaïque. 

Pierre  milliaire.  On  appelloit  ainfi  chez 
les  Romains  certains  dés  ou  bornes  de 
pierre  efpacées  à  un  mille  l'une  de  l'autre, 
fur  les  grands  chemins ,  pour  marquer  la 
diftance  àe%  villes  de  leur  empire.  Ces 
pierres  fè  comptoient  depuis  le  milliaire 
doré  de  Rome.  C'eft  ce  que  nous  appre- 
nons des  mots  des  hiftoriens  :  primus , 
fecundus  ,  tertius  ,  &c.  ab  urbe  lapis.  L'u- 
fage  des  pierres  milliaires  eft  aujourd'hui 
pratiqué  dans  toute  la  Chine. 

Pierres  perdues.  Pierres  qui  font  jetées 
à-plomb  dans  la  mer  ou  dans  un  lac  pour 
fonder  ,  &  que  l'on  met  ordinairement  dans 
des  caiffons.  On  nomme  aufîi  pierres  per- 
dues ,  celles  qui  font  jetées  à  bain  de 
mortier  pour  bloquer. 

De  la  pierre  félon  fes  défauts.  Pierre 
coquillaire.  Pierre  dans  laquelle  il  y  a 
de  petites  coquilles  qui  rendent  fon  pare- 
ment troué.  Telle  eïk  la  pierre  de  Saint- 
Nom. 

Pierre  coupée.  C'eft  une  pierre  qui  eft  g3.- 
tée ,  parce  qu'étant  mal  taillée  ,  elle  ne  peut 
fervir  où  elle  étoit  deftinée. 

Pierre  délitée.  Pierre  qui  eft  fendue  à 
l'endroit  d'un  fil  de  lit ,  &  qui  taillée  avec 
déchet ,  ne  fert  qu'à  faire  des  arrafes. 

Pierre  de  foupré.  C'eft  dans  les  carrières 
de  Saint-Leu  ,  la  pierre  du  banc  le  plus 
bas ,  dont  on  ne  fè  fèrt  point ,  parce  qu'elle 
eft  trouée  &  défeâueufe. 

Pierre,  de  fouchet.  On  nomme  ainfi  en 
quelques  endroits  la  pierre  du  banc  le  plus 
bas,  qui  n'étant  pas  plus  formée  que  le 
boufin  ,  eft  de  nulle  valeur, 

Pierre  en  délit,  Pierre  qui  n'eft  pas  pofëe 
fur  fon  lit  de  carrière  dans  un  cours  d'af- 
filés ,  mais  fur  fon  parement  ,  ou  délit 
enjoint. 

Pierre  fêÛe.  Pkrr<  qui  cft  cafTée  par  un 
fil  ou  veine  courante  ou  traverfante  ;  & 
pierrt  entière ,  c'eft  le  contraire.  Le  fon 
que  la  pierre  rend  en  la  frappant  avec  le 
marteau  ,  fait  connoître  ces  deux  qua- 
lités. 

Pierre  feuilletée.  Pierre  qui  fe  délite  par 
feuillets  ou  écailles  ,  à  caufe  de  la  gelée, 
La  lambourde ,  entr'autres  pierres  ,  a  ce 
défaut. 

N  n  n  n  n 


8j4.  PIE 

Pierre  gauche.  Pierre  dôflt-Ies  paremens 
&  les  côtés  oppofés  ne  fe  bornoyent  pas  , 
parce  qu'ils  ne  font  pas  parallèles. 

Pierres  grajfes.  Pierre  qui  eil  hutnide, 
&  par  conlequeut  fujette  à  iè  geler.  Telle 
eft,  parexemple,  Vd pierre  3.^çt\\éQcliquart. 

Pierre  moyée,  Pierre  dont  la  inoie  ou  le 
tendre  eft  abattu  avec  perte  ,  parce 
que  ion  lit  n'eft  pas  également  dur.  Cela 
arrive  très-fouvcnt  à  la  piem  de  la 
chauffée. 

Pierre  moulinée.  Pierre  qui  efl  grave- 
leufe  ,  &  qui  s'égrène  à  l'humidité.  C'eft 
\m  défaut  particulier  à  la  lambourde.  Da- 
viler.  {D.J.) 

Pierre  d'aigle  ,  efpece  àe  pierre  con- 
nue dans  l'hiftoire  naturelle  :  les  Grecs 
l'appellent  aetites  ,  &:  les  Italiens  pieua 
d'aquila  ;  parce  qu'on  la  trouve  quelque- 
fois dans  des  nids  d'aigles.  La  tradition 
veut  qu'elle  ait  une  vertu  merveilleufe  , 
qui  eft  d  avancer  ou  d'empêcher  les  accou- 
chemens  ,  félon  qu'on  l'applique  au  delTus 
ou  au  deftbus  de  la  matrice. 

Matthiole  dit  que  les  oifeaux  de  proie 
ifécloroient  jamais  leurs  petits  fans  cette 
pierre  ,  &  qu'ils  la  vont  chercher  jufqu'aux 
Jndes  -orientales.  Baufèz  a  fait  un  traité 
latin  qui  parle  exprelTément  de  l'aëtite  ou 
pierre  d'aigle,  Voy.  t article  AetiTES  ,  & 
l'article  PlERRE  en  général. 

Pierre  d'aimant  ,  (  Mat.  médic.  ) 
On  ne  fait  aucun  ufige  en  médecine  de 
la  pierre  d'aimant  pour  l'intérieur  du 
corps  ,  quoique  Galicn ,  dans  le  livre  àQS 
vertus  des  remèdes  iimples  ,  y  reconnoifte 
les  mêmes  vertus  que  dans  la  pierre  hé- 
matite ,  &  que  dans  le  livre  de  la  méde- 
cine iimple  il  vante  fa  vertu  purgative ,  & 
fur-tout  pour  les  humeurs  aqueufes  dans 
l'hydropifie  ;  &  que  Diofcoride  l'ait  auffi 
propofée  jufqu'au  poids  de  trois  oboles  , 
pour  évacuer  les  humeurs  épaiifes  des  mé- 
lancoliques. 

Quelques-uns  penfent  qu'il  y  a  dans  l'ai- 
mant une  vertu  deftrudive  ,  d'autres  le 
nient  ^  mais  je  croirois  qu'il  faudroit  plutôt 
attribuer  cette  mauvaile  qualité  à  une 
autre  efpece  d'aimant  qui  a  la  couleur  de 
^'argent  &  qui  me  paroît  être  une  efpece 
de  litharge  naturelle  ,  qu'à  l'aimant  qui 
attire  le  fer. 


PIE 

L'aimant  einployé  extérieurement  defît^"' 
che ,  reiîërre  &  affermit  j  .il  entre  dans  la 
compofition  de  l'emplâtre  appelle  main 
de  Dieu  ^  dans  l'emplâtre  noir  ,  l'emplâtre 
divin  &  femplâtre  ftyptique  de  Charras. 
(  Geojf'roi.  )  Schroder  dit  que  l'aimant  eft 
aftringent  ,  qu'il  arrête  les  hémorrhagies  j 
calciné  il  chaife  les  humeurs  groffieres  & 
atrabilaires  :    mais  on  s'en  fert  rarement. 

L'aimant  arfènical ,  magnes  arfenicalis  , 
fiA  bine  préparation  d'antimoine  avec  du 
foufre  &  de  l'arfënic  blanc  ,  qu'on  met 
enfèmble  dans  une  fiole  &  dont  on  fait  La 
fulion  au  feu  de  fable.  Les  alchymiftes  pré- 
tendent ouvrir  parfaitement  l'or  par  cette 
compofition  ,  qui  eft  d'un  beau  rouge  de 
rubis   après  la  fufion.  {M.) 

Pierre  d'Arménie,  lapis  Armenius , 
Ktàoi  Afi(jt.ivio',  y  forte  de  pierre  ou  terre  mi- 
nérale ,  de  couleur  bleue ,  mêlée  de  verd  , 
de  blanc  &  de  rouge  ;,  on  l'apportoit  an- 
ciennement d'Arménie  :  aujourd'hui  éiÏQ 
vient  d'Allemagne  &:  du  Tyrol. 

tj-apierre  d'Arménie  a  beaucoup  de  ref- 
fèmblance  "avec  le  lypis  lazuli ,  dont  elle 
ne  paroît  diftinguée  que  par  le  degré  de 
maturité  ;  la  principale  différence  qu'il  y 
a  entre  l'une  &  l'autre  ,  confifte  en  ce 
que  la  pierre  d'Arméni-e  eft  plus  molle  , 
&  qu'au  lieu  de  paillettes  d'or  ,  elle  a  des 
taches  vertes. 

Boerhaave  met  cette  pierre  au  rang  des 
demi-métaux ,  &:  la  croit  compofée  de 
terre  &  de  métal.  Woodward  dit  que  la 
couleur  qu'elle  a  vient  du  cuivre  qui  y  efî 
mêlé.  Voye-iMÉT AL.. 

On  remploie  principalement  dans  les 
ouvrages  en  mofaïque ,  6c  on  en  fait  aufïï 
quelque  ufage  en  médecine,  f^oyei  AzuR 
&  Mosaïque. 

Pierre  de  Bologne  ,  efjjece  de 
pierres  qu'on  trouve  près  de  Bologne  en 
Italie  ,  &  qui  moyennant  une  certaine 
préparation  ,  deviennent  lumineufes.  Ces 
pierres  font  de  petites  pierres  blanchâtres 
en  dehors,  beaucoup  plus  pefantes  que  nos 
pierres  communes  ,  de  la  groffeur  d'un 
œuf  médiocre  ,  &  ordinairement  plus  pe- 
tites. Ces  pierres  étant  caffées  ,  le  dedans 
eli  un  brillant  fèmé  de  rayons  qui  ten- 
dent   à  une  efpece   de  centre,    &   fort 


PIE 

ietnbîable  au  talc  qui  eft  [mrmi  leèpîe/res 
de  plâtre.  On  trouve  au/fi  beaucoup  de 
marcairites  aux  endroits  où  il  y  a  de  cqs 
pierres  ,  favoir  vers  le  bas  du  mont  Paterno ^ 
èi.  encore  en  d'autres  contrées  d'Italie. 

•  La  préparation  qui  les  rend  luraineufès  , 
confifte  à  les  limer  à  l'entour  ,  aies  mouil- 
ler dans  de  l'eau-de-vie  ,  ou  de  l'eau  com- 
mune ,  ou  du  blanc  d'œuf,  &  à  les  plonger 
ou  rouler  dans  leur  poudre  ou  limaille  , 
pour  les  en  couvrir  de  l'épaifTeur  d'envi- 
ron un  quart  de  ligne.  Ayant  allumé  des 
charbons  ou  braifè  ,  il  en  faut  mettre,  à 
la  hauteur  de  quelques  doigts  fur  une  grille 
de  terre  d'un  petit  fourneau  ordinaire  , 
placer  les  pierres  fur  ces  charbons  ,  & 
mettre  encore  d'autres  charbons  deifus  en- 
viron de  la  hauteur  de  deux  doigts ,  & 
laiifer  le  tout  jufqu'à  ce  que  le  charbon 
feit  brûlé  ,  éteint ,  &  refroidi.  Enfin ,  il 
faut  conferver  chacune  de  ces  pierres  dans 
une  petite  boîte  de  bois  avec  du  coton  ou 
de  la  laine  tout  autour. 

Si  on  \çs  expolè  pendant  m\  moment 
à  la  lumière  du  jour  ,  ainfi  préparées  ,  & 
fi  on  les  porte  promptement  dans  un  lieu 
obfcur  ,  on  les  voit  comme  en  feu ,  & 
fcmblables  à  un  charbon  ardent  ,  cepen- 
dant fans  chaleur  fenfible  :  elles  ne  pa- 
roiffent  pas  ainfi  ,  avant  que  de  les  avoir 
expofées  â  la  clarté  du  jour. 

Le  foufre  conteiui  dans  cette  pierre  ,  eft 
la  principale  caufe  du  phénomène. 

En  effet ,  la  pierre  de  Bologne  contient 
beaucoup  de  foufre ,  de  même  que  les  mar- 
caflites.  Pendant  fa  préparation  une  partie 
de  ce  foufre  eft  diffipée  par  le  feu  ^  ce  qui 
en  refte  dans  la  pierre  ,  eft  beaucoup  dilaté  , 
&  principalement  celui  qui  eft  refté  dans 
les  pores  vers  la  furface  ,  eft  devenu  fort 
fubtil  &  fèmblable  à  une  légère  teinture 
de  couleur  jaunâtre.  Ce  foufre  eft  fi  inflam- 
mable ,  qu'étant  expofé  à  la  lumière  du 
jour  ,  il  s'allume  ,  parce  que  la  lumière  du 
jo«r  eft  un  véritable  feu  difperfé  dans  l'air  -^ 
une  multitude  de  ces  fort  petites  flammes 
étant  difpofées  aux  ouvertures  des  pores  de 
la  furface  de  cette  pierre  ,  la  rendent  lu  • 
mineufe  ,  quand  même  le  ciel  iêroit  cou- 
vert de  nuages  ^  il  fuffit  feulement  que  le 
foleil  foit  levé.  Il  fort  continuellement  de 
cette  pierre  ainfi  préparée  ,  une  odeur  fem- 


PIE  83J 

blable  â  celle  du  foufre  ordinaire  ,  &  en- 
core plus  fèmblable  à  l'odeur  de  l'orpiment 
diftbus  en  eau  de  chaux.  Cette  vapeur  fou- 
freufe  eft  jointe  à  un  peu  d'acide  rongeant  , 
femblable  à  de  l'efprit  de  foufre  commun  y 
mais  beaucoup  plus  a£tif  ^  puifque  cette 
vapeur  ,  de  même  que  celle  d'un  peu  de  fou- 
fre ordinaire  enflammé ,  tache  les  métaux  ; 
elle  noircit  la  furface  de  l'argent ,  &  de 
plus  elle  blanchit  celle  du  cuivre  ,  &c. 
Cette  dernière  remarque  fait  croire  qu'il 
y  a  de  petites  parties  d'arfenic  ou  d'orpi- 
ment miêlées  dans  cette  vapeur.  Au  refte , 
la  pierre  de  Bologne  préparée ,  n'eft  lu- 
mineuie  que  pendant  quelques  années  ; 
parce  qu'enfin  ces  particules  adlives  &  £iï{- 
fureufes  ie  diflipenî.  On  prétend  que  pcjr 
lui  rétablir  cette  propriété  ,  il  faut  encore 
la  mettre  au  feu  ,  comme  auparavant  , 
après  falloir  couverte  de  la  poudre  de 
fèmblables  pierres ,  de  même  que  la  pre- 
mière fois. 

Il  y  a  bien  d'autres  pierres  qui  ont  la 
propriété  de  s'imbiber  de  la  lumière  ,  & 
de  la  conferver  pendant  long-temps. 

Il  fufiit  d'en  mettre  dans  un  crcufet  qu'il 
faut  couvrir ,  &  de  faire  chauffer  le  tout 
par  un  feu  augmenté  peu  à  peu  ,  jufqu'à 
ce  qu'il  égale  celui  qui  fond  l'argent ,  & 
de  les  laiffer  en  cet  état  ,  environ  une 
demi  -  heure.  Si  ces  pierres  ne  deviennent 
point  lumineufesy  ou  le  font  peu  ,  il  faut  les 
ciiauffer  une  féconde  fois  ,  ou  une  troifieme 
fois  ,  &  elles  le  paroîjront.  Si  pourtant  on 
ne  réuffffoit  pas  en  les  faifànt  chauffer 
ainfi  ,  comme  il  arrive  avec  la  craie  ,  la 
marne ,  le  moellon ,  la  pierre  de  taille  de 
Paris  ,  &c.  il  faut  broyer  de  ces  pierres 
tendres  ,  &  les  mettre  à  diffoudre  dans  des 
liqueurs  acides,  par  exemple  ,  dans  de  l'eau 
forte ,  ou  dans  de  l'efprit  de  fhlpêtre ,  en 
les  y  jetant  peu  à  peu  jufqu'à  ce  que  la  fer- 
mentation aitcefté.  Alors  cette  liqueur  étant 
verfée  par  inclination  dans  une  terrine  de 
grès,  il  faut  l'y  faire  évaporer  jufqu'à  ce 
qu'il  refte  une  matière  fcche.  Un  peu  de 
cette  matière  eft  mife  dans  un  creufet  ,  qui 
n'en  foit  qu'à  demi -plein  &  découvert  j 
après  l'avoir  placé  parmi  des  charbons 
ardens  à  un  feu  qui  ne  foit  que  comme  pour 
fondre  du  plomb ,  cette  matière  fe  fond  , 
*  bouillonne  ,  &  devient  feche.  Le  creufet 
•         N  II  u_  n  n  2 


î^6  PIE 

étant  refroidi ,  il  eft  expofc  à  la  lumi«re  ^ 
ciifuite  porté  dans  un  lieu  -cbrcur ,  la  ma- 
tière qu'il  contient  paroît  lumineufb  & 
rougeâtre  comme  un  charbon  ardent ,  & 
s  éteint  après  quelques  minutes.  Cette  pro- 
priété y  eft  remarquée  pendant  quelques 
Semaines  :  on  prétend  que  les  cendres 
diiToutes  dans  l'eau  forte  ,  &  préparées 
comme  les  pierres  tendres  ,  deviennent 
Jumineufes.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  toutes 
les  pierres  qui  peuvent  être  diffoutes  par 
J'eau  forte  ,  peuvent  devenir  lumineufes  ^ 
&  que  celles  qui  ne  peuvent  être  diffoutes 
par  l'eau  forte  ,  peuvent  devenir  lumineu- 
fes  ,  après  avoir  été  chauffées  fortement , 
même  par  un  feu  de  forge.  Enfin  ,  toutes 
les  chaux  différentes  s'imprègnent  facile- 
ment dune  lumière  de  diverfes  couleurs. 
Concluons  par  une  remarque  qui  regarde 
généralement  tous  les  phofphores  j  c'eft 
que  pour  les  voir  dans  leur  beauté  ,  il  faut 
avoir  ferm.é  les  yeux  pendant  un  peu  de 
temps ,  afin  que  la  prunelle  fe  dilate  j  en- 
fuite  les  ouvrant ,  elle  reçoit  plus  de  cette 
lumière  ,  dont  i'impreflion  devient  plus 
forte.  Article  de  M.  Formey. 

Pierre  dentale  ,  dentalis  lapis  ^  ou 
dentalium  ,  forte  de  coquille  ,  que  les  apo- 
thicaires pulvérifent ,  &  qu'ils  emploient 
dans  différens  médicamens ,  comme  un 
excellent  alkali. 

Le  vrai  dental ,  décrit  par  M.  Tourne- 
fort  ,  eft  fait  en  forme  de  tuyau  ou  de 
cône  ,  &  d'environ  trois  pouces  de  long  ; 
fà  couleur  eft  éclatante  ,  *  &  d'un  blanc 
verdâtre.  Cette  pierre  eft  crcufe  ,  légère  , 
&  divifée  dans  toute  fa  longueur  par  des 
lignes  parallèles  qui  vont  depuis  le  bas 
jufqu'en  haut.  Elle  eft  environ  de  la  groffeur 
d  une  plume  ,  &  a  quelque  reffemblance 
avec  la  dent  d'un  chien. 

Elle  Zit  fort  rare  j  c'eft  pour  cela  qu'on 
emploie  fouvent  à  fa  place  une  forte  de 
coquille  de  diverfes  couleurs ,  qu'on  trouve 
dans  le  fable  quand  la  mer  eft  retirée  , 
mais  qui  u'eft  point  cannelée  comme  le 
dfntal. 

M.  Lifter ,  dans  les  tranfacl,  philofoph. 
parle  de  deux  e{peces  de  dental  :  la  pre- 
mière fe  trouve  allez  facilement  aux  en- 
virons de  l'île  de  Guernefey  ^  elle  eft 
longue  5  mince ,  ronde  ,  &  ereufe  à  cha- 


P  I  E 

que  extrémité  :  d'où  lui  eft  venu  le  nom 
de  dentalium  ,  ou  pierre  femblable  à  la 
dent  d'un  chien.  L'autre  eft  proprement 
appellée  entalium  ;  elle  eft  plus  longue  & 
plus  épaiffe  que  la  première  ,  &  outre  cela 
rayée  &  fillonnée  j  d'où  eft  venu  le  mot 
italien  intagUa. 

Pierre  a  feu  ,  eft  une  forte  de  pierre 
qui  eft  utile  ,  &  dont  on  fe  fert  pour  les 
cheminées  ,  les  âtres  ,  les  fours  ,  les  étu- 
ves  ,  &c.  Vcyei  Pi  ERRE. 

Pierres  figurées  ,  chei  les  natura- 
lises ;  ce  font  de  certains  corps  ,  que  l'on 
trouve  en  terre  ,  lefquels  n'étant  purement 
que  de  pierre  ,  de  caillou ,  ou  de  fpath  , 
ont  néanmoins  beaucoup  de  reffem.blance 
avec  la  figure  extérieure  des  mufcles  ,  des 
pétoncles  ,  des  huîtres ,  ou  d'autres  coquil- 
les ,  plantes  ,  ou  animaux. 

Les  auteurs  ne  s'accordent  guère  fur 
l'origine  de  ces  pierres  figurées.  Voyc-:^ 
leurs  différentes  opinions  aux  articles  Fos- 
sile ,  Coquille  ,    Pierre  ,    Barre 

DE    EOIS. 

Pierre  a  fusil,  {Lytkclogie.)  Les 
paroiftès  de  Meunes  &  de  Couffy  dans 
le  Berry  ,  à  deux  lieues  de  Saint- Aignan  , 
&  à  demi-lieue  du  Cher  ,  vers  le  midi  , 
font  les  endroits  de  la  France  qui  pro- 
duifènt  Iqs  meilleures  pierres  à  fufil ,  & 
prefque  les  feules  bonnes.  Auffi  en  four- 
niffeut-ils  aon  feulement  la  France,  mais 
affez  fouvent  les  pays  étrangers.  On  en: 
tire  delà  fans  relâche  depuis  lon'g-temps  y 
peut-être  depuis  finvention  de  la  poudre  j 
&  ce  canton  eft  fort  borné  \  cependant 
\e^  pierres  a  fufil  n'y  manquent  jamais  ; 
dès  qu'une  carrière  eft  vuide  on  la  ferme  , 
&  piufîeurs  années  après  on  y  trouve  des 
pierres  a  fufil ,  comme  auparavant. 

On  fait  comment  ces  pierres  font  du 
feu  5  en  les  battant  avec  un  morceau 
d'acier  ,  on  détache  de  petites  particules 
d'acier ,  qui  fe  fondent  en  globules  par  la 
collifion  \  c'eft  ce  que  Ton  voit  évidem- 
ment es  faifant  l'expérience  fur  une  feuille 
de  papier  blanc  ,  &  en  regardant  par  le 
microicope  ce  qui  y  tombe.  M.  Hook  fut 
le  premier  qui  fit  cette  expérience  ,  &  il 
trouva  qu'une  particule  noire  ,  qui  n'étoit 
pas  plus  greffe  que  la  têîe  d'une  épingle  , 
paroiffoit  comme  une  balle  d'acier  poli, 


PIE 

&  réfléchiflbit  fortement  l'image  de  la 
fenêtre  voifme.  Il  eft  aifé  de  féparer  les 
particules  de  fer  fondu  ,  d'avec  les  parti- 
cules de  la  pierre  ,  par  uû  couteau  aimanté. 

Pierre  de  Florence  ,  (  LythoL  ) 
hes  pierres  de  Florence ,  qu'on  trouve  dans 
le  voifiuage  de  cette  ville  ,  &  qui  repré- 
fentent  des  ruines  ,  des  payfages ,  des  ar- 
^hres  5  font  entre  les  mains  de  tout  le 
monde  j  les  agates  appellées  dendrites ,  & 
fur  lefquelles  on  voit  des  efpeces  de  buif^ 
fons  &  de  végétations,  font  très-connues. 
Toutes  ces  pierres  fout  naturelles  j  l'art 
n'a  pu  jufqu'à  préfent  parvenir  à  les  imiter  j 
mais  il  n'en  eft  pas  de  même  de  toutes  les 
autres  agates  &  pierres  figurées  qui  repré- 
fentent  des  animaux ,  des  fleurs  ,  des  deflins 
réguliers ,  des  veines  bizarres  j  on  les  imite 
fi  aifément  ,  que  la  plupart  de  celles  dont 
la  fingularité  nous  étonne  ,  ne  font  que 
le  fruit  d'uu  travail  très-court  &  très-facile. 
{D.J.) 

Pierre  judaïque  ,  judaicus  lapis ^  eft 
une  pierre  blanche  ,  tendre  &  friable  ,»en 
forme  de  gland  ,  fur  laquelle  il  y  a  des 
lignes  fi  induftrieufement  travaillées,  qu'el- 
les paroilfent  avoir  été  faites  au  tour. 

Elle  pafi"e  en  médecine  pour  pofTéder 
une  vertu  lithontriptique  j  ce  qui  fait  qu'on 
s'en  fert  pour  rompre  la  pierre  dans  la  vef- 
fie.    Voyei   LiTHONTRIPTIQUE. 

Pierre  de  lait,  {Litholog.)  pierre 
tendre  ,  tantôt  verte  ,  tantôt  noire ,  tantôt 
jaune  ,  qui  rend  une  liqueur  laiteufè  ;  on 
la  trouve  en  Saxe  dans  \ts  carrières  ^  les 
Allemands  l'appellent  milchjfein  ,  &  la  re- 
commandent pour  arrêter  les  crachemens 
de  fang  ,  pour  refiTerrer  les  pores ,  &  pour 
adoucir  les  douleurs  de  la  velTie.  Ils  rem- 
ploient en  collyre  pour  deffécher  les  petits 
ulcères  des  paupières  ,  &  pour  arrêter  le 
flux  des  larmes  involontaire.  En  un  mot , 
ils  donnent  à  leur  milchjtein  toutes  les 
propriétés  que  Diofcoride  attribue  à  fbn 
morochtus  d'Eg>'pte ,  comme  s'il  étoit  cer- 
tain que  ce  fuliènt  les  mômes  pierres  , 
&  que  Diofcoride  eût  accufé  jufte  fur  les 
vertus  de  la  fienne.  On  ne  voit  que  Aqs 
erreurs  de  cette  nature  en  médecine. 
(D.  J.)  m 

Pierre  noire  ,  (  IUJi.  rs.od.  fuperf.  ) 


PIE  837 

c'eft  une  pierre  noire  enchâ/Tée  dans  de 
l'argent  qui  eft  affujettie  dans  la  muraille , 
au  S.  E.  de  la  Caaba  ,  ou  du  temple  de 
la  Meque.  Les  anciens  Arabes  ont  eu  ,  dès 
l'antiquité  la  plus  reculée,  une  très  grande 
vénération  pour  cette  pierre  ;  Mahomet 
qui  étoit  venu  mettre  à  profit  les  erreurs 
de  fes  compatriotes  ,  ne  crut  point  devoir 
rien  changer  à  l'égard  de  la  pierre  r?oiie, 
elle  eft  encore  jufqu'à  ce  jour  l'objet  des 
rcfpeâs  de  tous  les  Mufulmans  qui  vont  en 
pèlerinage  à  la  Meque  ^  ils  croient  qu'elle 
eft  tombée  du  ciel  du  temps  d'Adam  , 
2>i  qu'elle  eft  devenue  noire  pour  avoir 
été  touchée  par  une  femme  dans  le  temps 
menftruel. 

Pierre  de  S.  Paul,  {  Hijf.  natur.) 
en  italien  pietra  di  S.  Paulo  ,  nom  qViC 
l'on  donne  à  une  efpecc  de  craie  ,  qui  fe 
trouve  abondamment  dans  l'île  de  Malte; 
elle  eft  d'un  blanc  falc  ,  feche  &  rude  au 
toucher.  C'eft  un  abforbant  ,  &  on  lui 
attribue  un  grand  nomjbre  de  vertus  , 
fur-tout  contre  la  morfure  des  bêtes  veni- 
meufes  ;  eftet  que  l'on  croit  être  dû  à  ' 
l'apôtre  faint  Paul ,  lorfqu'il  fit  naufrage 
dans  l'ile  dcrMalte  ;  on  en  fait  de  petits 
gâteaux  avec  des  empreintes  de  faint 
Paul  ,  &  d'autres  faints.  Voyei  Malte 
(  terre  de  ) 

Pierre  de  Périgord  ,  (  Jf {/?.  nat, 
des  Fojfiles.  )  C'eft  une  fubftance  foftile  , 
ferrugineufe  ,  noire,  dure  &  pefante,  qui- 
paroît  contenir  quelques  particules  de  -fer. 
On  en  tire  des  montagnes  du  Dauphiné , 
&  elle  ne  fert  qu'aux  potiers  de  terre  & 
aux  émailleurs.  Geo^roy.  {D.  J.) 

Pierre-Ponce  ,  forte  de  pierre  fpon- 
gieufe  ,  poreufe  ,  &  friable.  Foy^^PiERRE. 
Les  naîuraliftes  ne  s'accordent  pas  fur  la 
nature  &  l'origine  de  \3.  pierre  -  ponce  : 
quelques  -  uns  croient  que  cqs  pierres  ne 
font  autre  chofe  que  Aqs  pièces  de  rocher 
à  moitié  brûlées  &c  calcinées  ,  que  les  érup- 
tions des  volcans  ,  particulièrement  l'Etna 
&  le  Veliive  ,  jettent  dans  la  mer ,  lef- 
quelles étant  imprégnées  du  fel  &  lavées 
par  l'eau  de  la  mer  ,  perdent  un  peu  de 
cette  couleur  blanche  que  les  feux  fouter- 
rains  leur  avoient  donnée  ,  &  deviennent 
d'une  couleur  plus  foncée  ,  &  quelquefois 
grife  J  félon  le  temps  qu  elles  ont  féiouiaé- 


§3^  PIE 

dans  la  mer.  Le  do<aeur  Woodward  ne  re- 
garde \2L  pierre-ponce  que  comme  une  efpece 
de  /lag  ou  de  frafil ,  &  foutient  que  cette 
pierre  ne  fe  trouve  qu'aux  endroits  où  il  y 
avoit  anciennement  ans  forges  de  métaux , 
ou  proche  des  volcans  &  des  montagnes 
qui  vomiiTent  du  feu  j  d'autres  auteurs 
croient  que  la  pierre-ponce  vient  dans  le 
fond  de  la  mer ,  d'où  ils  fuppofent  que  les 
feux  fouterrains  la  détachent ,  &  que  c'eft 
delà  qne  viennent  fa  légèreté ,  fa  porofité  & 
fon  goût  de  Tel  ^  ils  allèguent ,  pour  con- 
firmer cette  opinion  ,  que  l'on  trouve^  la 
pierre-ponce  en  mer  dans  des  lieux  très- 
cloignés  des  volcans  ^  &  ils  ajoutent  que 
les  rivages  de  l'Archipel  en  font  couverts 
toutes  les  fois  que  les  flots  ont  été  agités  ; 
d'où  ils  conjeâiurent  qu'elle  s'élève  du  fond 
de  la  mer.  Le  commerce  de  la  pierre-ponce 
eft  très-confidérable ,  &  on  s'en  fert  beau- 
coup dans  les  manufaôures  &  dans  les  arts, 
pour  polir  &  adoucir  différens  ouvrages. 
Voyei  Polir. 

Les  mo'-ceaux  de  la  pierre-ponce  font 
de  difïerenta  forme  ^  les  parcheminiers  & 
les  marbriers  fe  fervent  de  la  plus  grande 
&  de  la  plus  légère  efpece  :  les  corroyeurs , 
de  la  plus  pefante  6c  de  la  pins  unie  ,  &: 
les  potiers  d'étain  de  la  plus  petite. 

Pline  remarque  que  les  anciens  em- 
ployoient  beaucoup  la  pierre.- ponce  en 
médecine ,  mais  on  ne  s'en  fèrt  plus  à 
préfent. 

On  trouve  une  prodigieufe  quantité  de  ces 
pierres  répandues  dans  toutes  les  Antilles  , 
principalement  dans  les  terrains  voifins  des 
loufrieres  :  le  canton  de  la  Ravine  feche, 
fitué  dans  l'île  de  la  Martinique ,  au  pié 
de  la  m.ontagne  Pelée  ,  en  eft  tellement 
rempli,  qu'on  pourroit ,  pour  ainfi  dire ,  en 
bâtir  une  ville;  ou  rencontre  beaucoup 
de  ces  pierres  phis  grofTes  qu'un  demi- 
boilTcau  j  elles  ne  différent  de  celles  dont 
fe  fervent  les  orfèvres  &  les  doreurs ,  que 
par  un  peu  moins  de  légèreté  &  un  peu 
plus  de  dureté  y  elles  peuvent  être  faci- 
lement taillées  avec  une  ferpe  :  c'eft  de 
cette  façon  qu'on  en  forme  des  vouffoirs 
de  dix  à  douze  pouces  de  clavée  ,  dont 
on  conftruit  des  voûtes  extrêmement  lé- 
gères ,  très-iblides  ,  &  qui  n'ayant  point 
ou  très-peu  de  poulfée ,  n'exigent  pas  des 


PIE 

rniirs  fort  épsis.  On  fait  avec  les  pferres^ 
ponces  ,  des  tuyaux  de  cheminées  incom- 
parablement meilleurs  &  plus  légers  que 
ceux  de  brique  ^  ces  pierres  afpirent  très- 
bieu  le  mortier,  &  fe  lient  fi  parfaitement , 
que  ces  joints  ne  fe  féparent  jamais  ^  les 
murailles  qui  en  font  conftruites  ne  font 
point  fujettes  à  s'écrouler  comme  celles 
de  moellons  j  &:  fi  l'on  réfléchit  fur  les, 
qualités  de  la  pierre-ponce  ,  on  s'étonner^ 
que  meflieurs  les  ingénieurs  en  Am  rique,' 
n'en  faffent  pas  plus  d'ufage  pour  la  conf- 
truâion  des  parapets ,  Aqs  guérites ,  8c 
autres  ouvrages  expofés  au  canon  ^  ils  au- 
roient  moins  à  craindre  les  éclats  ,  ainfi 
que  cela  arrive  dans  les  murs  de  pierre 
ordinaire  ,    &  même  dans  ceux  de  brique. 

Quoique  la  pierre-ponce  paroifTe  devoir 
fon  cxiftence  &  fa  porofité  aux  feux  fou- 
terrains  ,  elle  ne  réfifte  pas  long-temps  à 
la  chaleur  d'un  feu  excité  par  le  vent  des 
foufîlets  i  je  l'ai  expérimenté  dans  des 
fourneaux  de  fufion ,  qui  fe  fendirent  de 
toute  leur  hauteur  dans  différens  endroits. 

l^ERRES  SCHISTEUSES  ,  (  H//?»  natur. 
Minéralogie.')   Voye\  ScHISTÇ. 

Pierre  spéculaire  ,  {  Hijî.  nat.  des 
anc.  )  lapis  fpecularis,  C'étoit,  une  pierre 
tranfparente  dont  les  Romains  faifoient 
leurs  fenêtres  &  les  glaces  de  leurs  litières. 
Les  favans  font  fort  partagés  fur  ce  que 
c'étoit  que  cette  pierre  \  les  uns  foutien- 
nent  que  la  pierre  fpéculaire  des  Romains  , 
eft  celîe  que  les  Grecs  nommoient  a-yjçôi, 
d'autres  veulent  que  ce  foit  Vaçyvpetnâfy.cti , 
à  caufe  qu'elle  réfifte  à  la  violence  du  feii  5 
quelques  uns  prétendent  que  c'eft  la  pierre 
a-ihivnniy  à  laquelle  les  Romains  ont  donné 
le  nom  de  pierre  fpéculaire  ,  ett  égard  à 
fa  tranfparcnce.  M.  Saumaife  foutient  que 
le  lapis  fpecularis ,  &  le  (piyyi^n;  font  la 
même  chofe.  Comme  cette  diverfité  de 
fentimens  marque  que  le  lapis  fpecularis 
n'eft  pas  aujourd'hui  trop  connu ,  M.  de 
Valois  penche  à  croire  que  ce  n'eft  autre 
chofe  que  ce  que  l'on  appelle  talc  en  Alle- 
magne &  en  France ,  non  pas  ce  talc 
commun  qui  fe  trouve  dans  la  plupart  de 
nos  carrières  ,  mais  ce  talc  parfaitement 
blanc  &  tranfparent ,  dont  il  y  a  encore 
aujourd'hui  une  Çi  ^randt  quantité  en  P.lof- 
covie. 


PIE 

Le  principal  ufage  auquel  le  Lipis  fpe- 
cularis  étoit  employé  par  les  Romains  , 
cetoit  à  fermer  leurs  fenêtres.  Seneque 
fait  mention  de  ces  fortes  de  fenêtres  , 
comme  d'une  chofe  établie  de  longue 
main ,  ce  qui  donne  lieu  de  préfumer  qu'elle 
étoit  déjà  en  vogue  dès  le  temps  de  la 
république  \  c'étoit  de  la  même  pierre 
fpéculaire  que  fe  faifoient  les  glaces  des 
litières  couvertes  des  dames  romaines. 

A  l'égard  des  fenêtres  de  verre ,  telles 
que  font  maintenant  les  nôtres  ,  elles 
étoient  déjà  en  ufage  dans  le  cinquieijic 
iiccle  ,  puilque  fàint  Jérême  en  fait  men- 
tion. (  D.J.) 

Pierres   vitrescibles  ,  ou  vitrifia- 

bUs  ,  (  Hift.  nat.  Minérale  g,  &  Chymie.  ) 
C'eft  ainfi  que  l'on  nomme  les  pierres  que 
l'aâion  du  feu  convertit  en  verre.  Cette 
dénomination  ,  à  parler  ftriétement  ,  ne 
convient  à  aucune  pierre  ,  vu  qu'il  n'y  en 
a  point  qui  fans  addition  foit  propre  à  fe 
vitrifier  j  celles  qui  fe  changent  en  verre  , 
contiennent  quelque  fublîance  étrangère 
qui  facilite  la  fufion  ,  telle  que  du  métal 
ou  quelqu'autre  terre  qui  jointe  à  celle  qui 
fait  la  bafb  de  la  pierre  ,  la  fait  entrer 
en  fulion  ,  &  y  entre  elle-même.  D'un 
autre  côté  ,  au  feu  du  foleil  raffemblé  par 
le  miroir  ardent  ,  il  n'y  a  aucune  pierre 
qui  en  plus  ou  moins  de  temps  ne  fë  con- 
vertifTe  en  verre.  Voye[  Fondant  ,  Mi- 
roirs ARDENTS ,  Pierres  précieuses 

&  VlTRESCIBILITÉ. 

Pierre  ,  (  Médec.  )  On  n'a  rien  de 
plus  grave  en  médecine  que  la  formation 
de  la  pierre  dans  le  corps  humain  j  &  \qs 
obfervations  particulières  en  ce  genre  , 
méritent  d'être  recueillies.  Je  n'en  citerai 
pour  exemple  que  quelques-unes. 

1°.  En  ouvrant  le  corps  d'un  gentil- 
homme mort  en  Angleterre  en  1750  ,  on 
lui  a  trouvé  42  pierres  dans  les  reins  , 
14  dans  la  vélîcule  du  fiel,  &  10  dans 
la  velîie  ,  qui  pefoieat  8  onces  *. 

2**.  On  ne  connoît  que  trop  les  pierres 
contenues  dans  la  capacité  de  la  vefîle^ 
mais  qu'il  s'en  puiffe  trouver  dans  fa  fubf 
tance ,  dans  fes  parois ,  entre  les  mem- 
branes dont  elle  eft  formée  ,  &  des  pierres 
qui  foient  dangereulès  ,  c'eft  un  accident  j 
aflez  extraordinaire  en  médecme  ;   cepen- 1 


PIE  î^^ 

f  dant  M.  Litre  en  difféquant  le  corps  d'un 
jeune  homme  ,  a  vu  deux  pierres  ,  qui 
ayant  percé  l'uretère  dans  fa  partie  cora- 
prife  entre  les  parois  de  la  veffic  ,  avoieat 
paffé  par  ce  trou  ,  s'étoient  fait  chacune 
un  petit  conduit  dans  la  fubftance  de  la 
veflie  &  entre  fes  membranes ,  depuis  le 
trou  jufqu'à  l'endroit  où  elles  s'étoient 
arrêtées  ,  &  même  avoient  dû  groflir  eu 
cet  endroit ,  parce  qu'elles  étoient  plus 
grandes  que  le  trou  par  où  elles  avoient 
paifé.   Hiji.   àe  t'acad.  année    1702. 

3°.  M.  Dodart  a  fait  voir  à  l'académie 
des  Iciences  12  pierres  de  diverfès  formes 
&  groffeurs ,  toutes  tirées  d'un  cadavre  5 
la  plus  grolfe  étoit  du  diamètre  d'un  petit 
œuf,  &  la  plus  petite  de  celui  d'une  noix. 
4°.  Un  chirurgien  de  Breft ,  trouva  dans 
le  cadavre  d'un  homme  de  28  ans ,  un 
rein  qui  renfcrmoit  une  groffe  pierre  du 
poids  de  fix  onces  &  demie  ;  le  corps  de 
la  pierre  formé  à  l'ordinaire  par  couches , 
rempliffoit  la  capacité  du  baffin  ,  &  par 
fon  bout  inférieur  enfiloit  la  route  de  l'u- 
retere.  Hifi.  de  facad.   1730. 

5°.  Un  enfant  de  trois  ans  ne  pouvant 
uriner  par  un  étrange  phimofis ,  Je  même 
IVI.  Litre  fit  faire  une  incifîon  au  prépuce 
par  le  côté  ,  &l  enfiiite  en  fit  retrancher 
la  partie  qui  excédoit  l'extrémité  du  gland. 
D'une  grande  cavité  que  ce  prépuce  for- 
moit  ,  il  en  fortit  un  peu  d'urine  &  un 
nombre  incroyable  de  pierres ,  les  plus 
petites ,  groifes  comme  des  têtes  d'épin- 
gles ,  &  les  plus  groifes  étoient  comme 
des  pois  ,  unies ,  grifâtres  &  friables.  Il 
n'y  a  prefque  pas  de  doute  ,  qu'elles  ne 
fe  fulîënt  formées  des  parties  les  plus 
groflleres  de  l'urine  qui  étoit  retenue , 
tandis  que  la  petite  ouverture  du  prépu- 
ce ne  permettoit  qu'aux  plus  fiibtiles  de 
fortir  j  &  ce  qui  le  confirme  encore , 
c'eft  qu'après  l'opération  ,  '  l'enfaat  ne  ren- 
dit plus  de  pierres.   HiJi.  de  tacad.  année 

6^,  Partons  en  Italie.  Dominica  B.  fille 
de  bafle  condition  ,  âgée  d'environ  20  ans, 
couchoit  avec  une  autre  fille  ,  qui  auroit 
voulu  faire  avec  elle  les  fon  étions  dont 
elle  étoit  incapable.  Elle  fe  fervoit  donc 
d'une  grofîè  aiguille  d'os  à  tête  ,  de  la 
longueur  d'un  doigt  ^  ijui  dans  une  ^Qdstn 


g4o  P  I  E 

parnciiliere  entre  les  deux  compagnes  ,  ' 
entra  par  l'uretère  de  Dominica  ,  &  tomba 
dans  la  vefîîe.  Dominica  commença  à  n'u- 
liner  que  goutte  à  goutte  ,  &  avec  dou- 
Jeur.  La  honte  de  déclarer  fon  aventure  , 
lui  fit  cacher  fon  mal  pendant  cinq  mois  ; 
mais  enfin  maigrilTant  &  ayant  de  la 
fièvre ,  elle  eut  recours  à  un  chirurgien  , 
qui  ayant  introduit  le  doigt  dans  le  vagin  , 
&  ayant  fenti  une  dureté  ,  découvrit  avec 
un  inftrument  un  bout  de  l'aiguille,  em- 
porta les  matières  pierreufes  qui  étoient 
3  l'endroit ,  &  crut  avoir  fait  une  belle 
opération  j  mais  la  malade  continuant  d'être 
dans  le  même  état ,  Se  n'ayant  eu  par  cette 
manœuvre  aucun  foulagement  ,  un  autre 
chirurgien  fut  appelle. 

Celui-ci  introduifit  la  fonde  dans  la 
veffîe  qui  étoit  déchirée  &  ulcérée  du  côté 
du  vagin  ,  &  il  fentit  un  corps  dur  ^  pour 
foulager  les  vives  douleurs ,  il  fit  prendre 
à  la  malade  beaucoup  d'huile  d'olive  ,  & 
s'en  tint  là  ^  quelques  jours  après, la /?/>r/-^ 
qui  s'étoit  form.ée  autour  de  l'aiguille  , 
parut  à  l'orifice  du  vagin  ,  par  le  trou 
fait  à  la  veflie  ,  &  on  la  tira  avec  la  main 
fans  l'aide  d'aucun  inftrument.  La  jeune 
fille  fe  rétablit  ^  mais  il  lui  en  efl:  relié 
une  incontinence  d'urine  ,  &:  de  temps  en 
temps  de  légères  inflammations  dans  ces 
parties,  Hijf.  de  tacad.  année  rjlS-  Je 
lailfe  aux  gens  de  l'art  à  recueillir  un  grand 
nombre  d'autres  oblèrvations  fèmblables 
qui  ne   font  pas  quelquefois  fans    utilité. 

Pierre  ,  (  Critiq.facrée.  )  mkji^ac ,  crsTpct, 
un  rocher,  lu'd  pierre  de  divijhn  ;  c'eft  le  ro- 
cher du  défert  de  Maton  ^  h  pierre  d'Ethan  , 
eft  le  rocher  oh.  Samfon  fc  retiroit,  lorf 
qu'il  faifoit  la  guerre  aux  Phiiiftius.  La 
pierre  d'E[el  eft  un  rocher  auprès  duquel 
David  devoit  attendre  la  réponfe  de  fon 
ami  Jonathas.  La  pierre  du  fecours  indi- 
que le  lieu  où  }es  Philiftins  prirent  l'arche 
du  Seigneur. 

La  pierre  fur  laquelle  Notre  -  Seigneur 
dit  qu'il  édifiera  fon  églife ,  Matth.  xvj, 
i8  ,  eft  expliquée  par  S.  Auguftin ,  de  la 
doftrine  du  Sauveur  lui  -  même  j  TtTf  «  , 
dans  S,  Luc ,  viij,  6 ,  fe  prend  pour  un  lieu 
pierreux  ^  ce  mot  défigne  un  fort ,  une 
fprterelTe  ,  dans  le  JV,   livre  des  Rois  y 


PIE 

xiv,   ij.  La  pierre  du  défert ,  c'eft  fa  ville 
de  Pétra. 

Pierre  au  figuré ,  (è  prend  pour  afyle  , 
11,  Reg.  xxij,  2.  Il  fè  trouve  au  propre 
pour  les  poids  d'une  balance.  Il  veut  dire 
encore  un  monument ,  au  Deut,  xxvij.  4, 
parce  que  dans  les  premiers  temps  ceux 
qui  avoient  fait  enfèmble  quelque  traité , 
élevoient  des  monceaux  de  pierres  pour 
en  conferver  la  mémoire  ,  au  défaut  de 
l'écriture. 

ha  pierre  de  ZoàaletA  ,  III,  Re^.  j,  9. 
étoit  une  de  ces  pierres  rondes ,  fort  pe- 
lantes ,  que  les  jeunes  gQiis  ,  pour  éprouver 
leurs  forces  ,  tâchoient  de  lever.  Pierre 
fignifîe  l'idolâtrie,  Juda  ,  faur  d'Ifraèl  , 
s'eft  corrompue  avec  la  pierre  &  le  bois , 
Jérém.  iij,  5.  il  fe  met  pour  la  grêle  dans 
Jofué  :  le  Seigneur  fit  tomber  du  ciel  de 
groffes  pierres  ,  c'eft-à-dire  ,  de  la  grêle 
d'une  groffeur  &  d'une  dureté  prodigieufe. 
Le  plàhnifte  ,  pf,  Ixxx,  17.  dit ,  que  Moyfe 
a  ralfafié  les  Hébreux  du  miel  qui  fortoit 
de  la  pierre  ,  c'eft-à-dire  ,  du  miel  que  les 
abeilles  avoient  fait  dans  les  trous  des  ro- 
chers. {D,  J,) 

Pierres  fines,  graveur  en  , 
(  Gravure,  )  artifte  qui  grave  en  creux  ou 
en  relief  liir  les  pierres  fines  ,  &  même 
jufques  fur  les  diamans.  MM.  Vafari ,  Vet- 
tori  &  Mariettei,  ont  donné  l'éloge  ou 
la  vie  des  maîtres  qui  s'y  font  le  plus 
diftingués.  Voye^  aujfi  le  mot  Pierre 
GRAVÉE. 

Pierre  gravée  j  s'il  eft  vrai  que  \e% 
inventions  qui  ont  le  befoin  pour  principe  , 
ont  dû  précéder  celles  qui  n'ont  pour  objet 
que  le  plaifîr  ,  &  qu'elles  font  de  toute 
antiquité  ^  l'on  peut  faire  remonter  aflèz 
haut  l'origine  de  la  gravure.  Bientôt  l'in- 
duftrie  jointe  au  befoin ,  imagina  l'art  de 
s'exprimer  ,  prit  le  cifeau  ,  traça  des  figu- 
res ,  des  traits  qui  devinrent  autant  d'ex- 
prefllons  &  d'images  de  la  parole  :  telle 
fut  l'origine  de  cet  art. 

On  doit  préfumer  que  les  Egyptiens  qui 
gravoient  avec  tant  de  facilité  fur  des 
matières  auflî  dures  que  font  le  granité  , 
le  bafalte  ,  &  tous  les  autres  marbres  des 
carrières  de  l'Egypte  ,  n'ignorèrent  pas 
long- temps  l'art  de  graver  en  creux  fur 
les  métaux ,  &  finguliérement  en  petit  fur 

les 


P  l  E 

les  pierres  fines  &  fur  les  pierres  précieu- 
Çts,  Moyfe  ,  Exod.  xxv.  30.  &  ch.  xxxix. 
V.  6.  14.  parle  avec  éloge  de  Beféléel  , 
de  la  tribu  de  Juda ,  qui  grava  les  noms 
des  douze  tribus  fur  les  différentes  p/errej 
précieufes  dont  étoient  enrichies  Téphod 
ôc  le  rational  du  grand  prêtre. 

On  ne  peut  contefter  que  l'art  de  la 
gravure  fur  les  pierres  fines  qui  avoir  pris 
nailfance  dans  l'Orient  ,  n'y  ait  été  tou- 
jours cultivé  depuis  fans  interruption  , 
moins  pour  (àtisfaire  n  un  vain  appareil 
de  luxe  ,  que  par  la  nécelTité  ou.  fe  trou- 
voient  les  peuples  de  ces  pays-là  ,  d'avoir 
des  cachets  :  car  aucun  écrit ,  aucun  aéte 
n'y  étoient  tenus  pour  légitimes  &  pour 
authentiques  ,  qu^autant  qu'ils  étoient 
revêtus  du  fceau  de  la  perlbnne  qui  les 
avoit  didés.  L'écriture  faintc  le  dit  po- 
/icivement  :  EJrher  ,  ch.  iij.  v.  20.  c.  viij. 
V.  8.  &  les  auteurs  ont  décrit  l'anneau 
de  Gigès  ,  Plato  in  Poliïic.  ÔC  celui  de 
Darius.  Enfin  ,  qu'on  ouvre  encore  les 
.livres  laints  ,  Daniel  VL  ch.  xvij.  qu'on 
confuke  Hérodote  ,  liv.  I.  l'on  y  verra 
qu'à  Babylone  les  grands  avoient  chacun 
leurs  cachets  particuliers. 

Les  Egyptiens  &  les  principales  nations 
de  l'Afie ,  conférverent  toujours  leur  atta- 
chement pour  les  pierres  gravées.  On  fait 
que  Mithridate  en  avoit  fait  un  amas  fingu- 
lier  ,  comme  le  dit  Pline  ,  liv.  XXXVII. 
ch.  j.  6c  lorfque  Luculle  ,  ce  Romain  fi 
célèbre^  par  la  magnificence  &  par  Ces 
richeifes  ,  aborda  à  Alexandrie  ,  Ptolémée 
uniquement  occupé  du  foin  de  lui  plaire  , 
ne  trouve  rien  dans  fon  empire  de  plus  pré- 
cieux à  lui  offrir  qu^nie  émeraude  montée 
en  or  ,  fur  laquelle  le  portrait  de  ce  prince 
égyptien  étoit  gravé.  Celui  de  Bacchus  I 
l'éroit  fur  la  bague  de  Cléopatre  ,  &  le  I 
graveur  s'y  montra  auiïi  fin  courtifan  ,  que 
fupérieur  dans  fon  art.  On  connoitla  jolie 
épigrammequi  courut  alors  ,  ôc  la  char- 
mante'traduction  en  vers  qu'en  a  donné 
M.  Hardion  ;  c'eft  la  neuvième  du/.  IV. 
ch.  XV iij.  de  l'Anthologie. 

Le  commerce  maritime  des  Etrufques 
les  ayant  liés  avec  les  Egyptiens  ,  les 
Phéniciens  ,  &  quelques  autres  peuples  de 
rOrient ,  ils  apprirent  les  mêmes  arts  & 
les  mêmes  fciences  que  ces  nations  pro- 
Tomt  XXV, 


PIE  841 

fefïbienr  ,  &  ils  les  apportèrent  en  Italie. 
Ce  n'eft  guère  que  le  commerce  qui  forme 
en  quelque  façon  de  différens  peuple» 
une  feule  nation.  Les  Etrufques  commen- 
cèrent donc  à  fe  familiariler  avec  les  arts  > 
heureux  fruits  de  la  paix  &  de  l'abon- 
dance !  Ils  cultivèrent  la  fculpture  ,  la  pein- 
ture ,  rarchitc(5lure  ,  &c  ils  ne  montrèrent 
pas  moins  de  talens  pour  la  gravure  fur 
les  pierres  fines. 

Le  commencement  des  arts  ne  fut  point 
différent  en  Grèce  de  ce  qu'il  avoit  été 
en  Etrurie.  Ce  furent  encore  les  Egyptiens 
qui  mirent  les  infirumens  des  arts  entre 
les  mains  des  Grecs ,  en  même  temps  qu'ils 
didboient  à  Platon  les  principes  de  la  fagefîe 
qu'il  étoit  venu  puifer  chez  eux  ,  &  qu'ils 
permettoient  aux  légiflateurs  grecs  de  tranf- 
crire  leurs  loix  pour  les  établir  enfuite  dani 
leur  pays. 

Cette  nation  ,  toute  ingénieufe  qu'elle 
étoit  ,  demeura  dans  l'ignorance  de  la 
gravure  jufqu'à  Dédale  ,  qui  le  premier 
lut  animer  la  fculpture  ,  en  donnant  du 
mouvement  à  fes  figures.  Il  vivoit  vers 
les  temps  de  la  guerre  de  Troye  ,  environ 
douze  cents  ans  avant  J.  C.  Ce  ne  fut 
cependant  que  dans  le  fiecle  d'Alexandre , 
que  les  progrès  des  arts  parurent  en  Grèce 
dans  tout  leur  éclat.  Alors  fe  montrèrent 
les  Apelles  ,  les  Lyfippe  &  les  Pyrgo- 
teles  ,  qui  partageant  les  faveurs  &  les 
bienfaits  de  cet  illuftre  conquérant,  dif- 
puterent  à  qui  le  repréfentcroit  avec  plus 
de  grâce  &  de  dignité.  Le  premier  y 
employa  (on  pinceau  avec  le  fuccès  que 
perfonne  n'ignore  ;  &  Lyfippe  ayant  été 
clîoifi  pour  former  en  bronze  le  bufte  de 
ce  prince  ,  Pyrgoteles  fut  fcul  jugé  digne 
de  le  graver. 

La  nature  ne  produit  point  des  hommes 
fi  rares  ,  fans  leur  donner  pour  émules 
d'autres  hommes  de  génie  -,  ainfi  l'on  vit 
fe  répandre  par  toute  la  Grèce  une  mul- 
titude d'excellens  arriftes  ;  &  pour  me 
renfermer  dans  mon  fujet ,  il  y  eut  dans 
toutes  les  villes  des  graveurs  d'un  mérite 
difl:ingué.  L'art  de  la  gravure  en  pierres 
fines  eut  entre  les  mains  des  Grecs  les 
fuccès  que  promettent  des  travaux  affidus 
&  multipliés  ;  il  ne  fallut  plus  chercher 
de  bons  graveurs  hors  de  chez  eux  ,  8c 

OOQQO 


«41  PIE 

ces  peuples  fe  maintinrent  dans  cette  îu- 
périorité.  Cronius  ,  Appollonide  ,  Diof- 
CQride  ,  Solon  ,  Hyllus  ,  Se  beaucoup 
^l'aurres  dont  les  noms  fe  font  confervés 
fur  leurs  gravures  ,  fe  rendirent  très- 
célebres  dans  cette  profefïion.  En  un  mot , 
on  ne  trouve  guère  fur  les  belles  pierres 
gravées  d'autres  noms  que  des  noms  grecs. 

Les  Romains  ne  prirent  du  goût  pour 
les  beaux  arts  ,  que  lorfqu'ayant  pénétré 
dans  la  Grèce  &  dans  l'Aiîe  ,  ils  eurent 
été  témoins  de  la  haute  eftirac  qu'on  y 
faifoit  des  grands'j  artiftes  dans  les  arts 
libéraux  ,  ainii  que  de  leurs  productions. 
Alors  ils  iè  livrèrent  à  la  recherche  des 
belles  chofes  ,  &  ne  mettant  point  de 
bornes  à  k  curiofité  des  pierres  gravées  , 
non  feulement  ils  en  dépouillèrent  la 
■Grèce  ,  mais  ils  attirèrent  encore  à  Rome  , 
pour  en  graver  de  nouvelles  ,  les  Diofco- 
ride ,  les  Solon  ,  &  d'autres  artiftes  auffi 
diftingués.  On  para  les  ftatues  des  dieux 
de  ces  fortes  d'ornemens  ,  on  en  monta 
des  bagues  à  l'ulage  de  toutes  les  condi- 
tions. Et  qui  le  pourroit  croire  !  il  fe  ren- 
contra des  voluptueux  affez  délicats  pour 
He  pouvoir  foutenir  pendant  l'été  le  poids 
trop  pefant  de  ces  fortes  de  bagues ,  Juven. 
Sat.  I.  V.  ^8.  il  fallut  en  faire  de  plus 
légères  Se  de  plus  épaiflès  pour  les  diiFé- 
lentes  faiCons^ 

Quand  les  peffonnes  moins  riches  n'a- 
voient  pas  le  moyen  de  fe  procurer  une 
pierre  fine  ,  ils  faifoient  feulement  monter 
fur  leurs  anneaux  un  morceau  de  verre 
colorié  ,  gravé  ou  moulé  ,  fur  quelque 
belle  gravure  ;  Ôc  Pon  voit  aujourd'hui 
dans  plufieurs  cabinets  de  ces  verres  anti- 
ques ,  dont  quelques-uns  tiennent  lieu 
d''excelientes  gravures  antiques  qu'on  n'a 
plus. 

Leurs  anneaux  ,  leurs  baguées  .,  leurs 
j)ierres  gravées  ,  fèrvoient  à  cacheter  ce 
qu'ils  avoient  de  plus  cher  &  de  plus  pré- 
cieux ,  en  particulier  leurs  lettres  ou  leurs 
tablettes.  Cette  coutume  a  pafle  de  /îecle 
£n  fiecle  ,  &«{!  venue  jufqu'ànos  jours  , 
fans  avoir  foufifert  prefque  aucune  varia- 
îion.  Elle  iivbiifte  encore  dans  toute  l'Eu- 
3"ope,  &  julques  chez  les  Orientaux  5  & 
c'eft  ce  qui  .a  mis  ces  derniers  peuples  , 
|fi  j3£u  jcurieux  d'ailkius  de  culùyer  k^ 


PIE 

arts ,  dans  la  nécellité  d'exercer  celui  dé 
la  gravure  en  creux  lur  les  pierres  fines , 
afin  d'avoir  des  cachets  à  leur  ufage. 

Comme  tous  les  citoyens ,  au  moins  les 
chefs  de  chaque  famille  ,  dévoient  pofle- 
der  un  anneau  en  propre  ,  il  n'étoit  pas 
permis  à  un  graveur  de  faire  en  même 
temps  le  même  cachet  pour  deux  per- 
fonnes  différentes  j  Phiftoire  nous  a  décrit 
les  fujets  de  plufieurs  de  ces  cachets. 
Jules-Céfar  avoit  fait  graver  fur  le  ficn 
l'image  de  Vénus  armée  d'un  dard  ;  gra- 
vure dont  les  copies  fe  font  multipliées 
à  l'infini.  Le  célèbre  Diofcoride  avoit 
gravé  celui  d'Augufte.  Le  cachet  de  Pom- 
pée repréfentoit  un  lion  ,  tenant  une  épée. 
Apollon  .&  Marfias  étoient  exprimés  fur  le 
cachet  de  Néron.  Scipion  l'Africain  fit 
repréfenter  fur  le  fien  le  portrait  de  Syphax 
qu'il  avoit  vaincu. 

Les  premiers  chrétiens  qui  vivoîent  con- 
fondus avec  les  Grecs  &  les  Romains  , 
avoient  pour  fignes  de  reconnoi (Tance ,  des 
cachets  lur  lefquels  étoient  gravés  le  mo- 
nogramme de  Jeius-Chrift^  une  colombe , 
un  poiflon  ,  une  ancre  ,  une  lyre  ,  la 
nacelle  de  Saint  Pierre,  6t  autres  pareils 
fymboles. 

Le  luxe  &  la  mollellè  afiatique  qui 
s'accrurent  chez  les  Romains  avec  leurs 
conquêtes  ,  ne  mirent  plus  de  bornes  au 
nombre  &  aux  ulages  des  pierres  gravées. 
Ces  maîtres  du  monde  crurent  en  devoir 
enrichir  leurs  vêtemens  ,  &  en  relever 
ainfî  la  magnificence.  Les  dames  Romaines 
les  firent  palTer  dans  leurs  coëfFures  ;  les 
bracelets ,  les  agraffes  ,  les  ceintures  ,  le 
bord  des  robes  en  furent  parfemés  ,  èc 
Ibuvent  avec  profufion.  L'empereur  Elio- 
:  gabale  porta  cet  excès  fi  loin  ,  qu'il  faifoit 
mettre  fur  fa  chauflure  des  pierres  gra^/es 
d'un  prix  ineftimable ,  &C  qu'il  ne  vouloit 
plus  revoir  celles  qui  lui  avoient  une  fois 
lervi  ;  Lampride  ,  in  vitâ  EliogaBal.  chap. 
xxiij. 

Il  y  avoit  fans  doute  des  pierres  gravées 
faites  uniquement  pour  la  parure  ,  6c  l'on 
peut-regarder  comme  telles  ces  émeraudes , 
ces  faphirs  ,  ces  topalès ,  ces  améthyftes  9 
CCS  grenats  ,  &  généralement  toutes  ces 
autres  pierres  précieules  de  couleur ,  fur  la 
,  furEce  defquclles  foiit  des  gravures  ext 


P  I  E 

.creux  ,  maïs  dont  la  l'uperficie  ,  au  lieu 
d'être  plate  ,  eft  convexe  ,  &  fait  appelîer 
la  pierre  ,  un  cabochon.  Il  faut  encore 
ranger  dans  cette  clafTe  toutes  c?es  pierre^ 
gravées  qui  paflent  une  certaine  grandeur  , 
hc  qui  n'ayant  jamais  pu  être  portées  en 
bagues  ,  ne  paroiflènt  avoir  été  travaillées 
que  pour  l'ornement  ,  ou  pour  (atisfaire 
la  curiofité  de  quelques  perfonnes  de  goût. 
Il  n'eft  pas  douteux  que  les  pierres  gravées 
en  relief  3  ou  ce  que  nous  nommons  des 
camées ,  n'entrafTènt  aufîi  dans  les  ajufte- 
mens  dont  elles  étoient  propres  à  relever 
la  richcfle  &  l'éclat. 

Le  chriftianifme  s'étant  établi  fur  les 
ruines  du  paganifme ,  Punivers  changea  de 
face  ,  &  préfenta  un  fpedacle  nouveau  ; 
les  anciennes  pratiques  furent  la  plupart 
abandonnées  ,  &c  l'on  cefla  par  conféquent 
d'employer  les  pierres  gravées  à  une  partie 
des  ufages  auxquels  on  les  avoir  fait  fervir 
jufqu'alors  ,  elles  ne  fer\urent  plus  qu'à 
cacheter  j  mais  quand  la  barbarie  vint  à 
inonder  toute  l'Europe  ,  l'on  ne  cacheta 
plus  z.vec\ts  pierres  gravées  \Von  fe  (bucia 
encore  moins  d'en  porter  en  bagues  ;  l'on 
n'étoit  plus  en  état  d'en  connoître  le  prix. 
Elles  fe  diiliperent  ;  plufieurs  rentrèrent 
dans  le  fein  de  la  terre  pour  reparoître  dans 
un  ficelé  plus  éclairé  Se  plus  digne  de  les 
polTéder.  D'autres  Rirent  employées  à  orner 
des  châfles  ,  &  à  divers  ouvrages  d'orfè- 
vrerie à  l'ufage  des  cglifes  ,  car  c'étoit  le 
goût  dominant  j  c'étoit  à  qui  feroit  plus  de 
dépenfes  en  reliquaires  ,  &  à  qui  en  enri- 
chiroit  les  autels  d'un  plus  grand  nombre. 
Plufieurs  de  ces  anciennes  gravures  inefti- 
mables  j  plufieurs  de  ces  précieux  camées 
que  les  empereurs  d'orient  avoient  empor- 
tés de  Rome ,  ne  fortirent  du  lieu  où  ils 
avoient  été  transférés  ,  &  ne  repaiTerent 
dans  l'occident,que  pour  venir  y  occuper  des 
places  dans  les  chapelles  ,  y  tenir  rang  avec 
les  reliques.  Les  Vénitiens  en  remplirent 
le  fameux  tréfor  de  l'églife  de  S.  Marc ,  & 
les  François  en  apportèrent  plufieurs  en 
France  durant  les  croifades.  Depuis  très- 
long-temps  ,  la  belle  tête  de  Julia  ,  filk- 
de  Titus  ,  &  plufieurs  gravures  repré (en- 
tant des  fujets  profanes  ,  font  confondue- 
avec  les  reliques  dans  le  tréior  de  l'abbaye 
de  S.Denys. 


P  î  E  §41 

On  ne  peut  fans  doute  exciiièr  un  fi 
grand  fonds  d'ignorance  de  ces  fiecles  bar- 
bares j  àc  c'eft  cependant  à  ce  défaut  de 
lumières  ,  que  nous  fommes  redevables  de 
la  confervatiou  d^une  infinité  de  précieux 
morceaux  de  gravures  antiques ,  qui  autre- 
ment auroient  couru  le  rifque  de  ne  point 
arriver  jufqu^à  nous  j  car  enfin  fi  ceux  qui 
vivoient  dans  cqs  fiecles  barbares  euflent 
été  plus  éclairés ,  le  même  zèle  de  religion 
qui  leur  faifoit  rechercher  toutes  fortes  de 
pierres  gravées  pour  en  parer  nos  autels  & 
les  reliques  des  faints ,  leur  eût  fait  rejeter 
toutes  celles  qui  avoient  rapport  au  paga- 
nilme  ,  &  les  eût  peut-être  portés  à  les 
détruire. 

On  fent  bien  que  cette  perte  eût  été 
grande  ,  quand  on  réfléchit  fur  l'utilité 
qu^on  peut  retirer  des  pierres  gravées  j  je 
ne  parle  pas  de  leurs  vertus  occultes  ,  ce 
ne  font  que  des  idées  folles;  je  ne  prétends 
pas  noi>plus  relever  le  prix  &  la  beauté  de 
la  matière ,  mais  je  parle  d'abord  du  plaifir 
que  fournit  à  l'efprit  le  travail  que  Part  y 
fait  mettre.  Ces  précieux  reftes  d'antiquité 
font  la  Çouict  d'une  infinité  de  connoif- 
fances ,  ils  perfedionnent  le  goût  ,  &  meu- 
blent l'imagination  des  idées  les  plus  nobles 
&  les  plus  magnifiques.  C'eft  de  deux 
pierres  gravées  antiques ,  qu'Annibal  Car- 
rache  a  emprunté  les  penfées  de  deux  de 
^ts  plus  beaux  tableaux  du  cabinet  du  palais 
Farnefe  à  Rome.  L'Hercule  qui  porte  le 
ciel  eft  une  imitation  d'une  gravure  antique 
qui  eft  chez  le  roi. 

Qiioique  \ts  pierres  gravées  ne  foient  pas 
des  ouvrages  au(Tî  fublimes  que  les  admi- 
rables productions  des  anciens  fculpteurs  , 
elles  ont  cependant  quelques  avantages 
fur  les  bas-reliefs  &  les  ftatues.  Ces  avan- 
tages nailTent  de  la  matière  même  des 
pierres  gravées  &  de  la  nature  du  tra-- 
vail  ;  comme  cette  matière  eft  très-dure  , 
&  que  le  travail  eft  enfoncé  (  il  n'eft  ici 
queftion  que  de  gravures  en  creux  ) ,  l'ou- 
vrage eft  à  l'abri  de  X'ufure  (  qu'on  me  per- 
mette d'employer  ce  mot  ) ,  &  fe  trouve 
en  même  temps  garanti  d'un  nombre  infini 
i  'autres  accidens ,  que  les  grands  morceaux 
le  fculpture  en  marbre  n'ont  que  trop  fou- 
ent  éprouvés. 

Comme  il  n'eft  rien  de  fi  fatisfaifant 
Ooooo  2. 


S44  PIE 

que  d'avoir  des  porcniits  fidèles  des  hom- 
mes illuftres  de  la  Grèce  &  de  Rome ,  c'eil 
encore  dans  les  pierres  gravées  qu'on  pcuc 
les  trouver  ;  c'eft  où  l  on  peut  s  afliirer 
avec  le  plus  de  certitude  de  la  vérité  de  la 
rclîèmblance.  Aucun  trait  n'y  a  été  altéré 
par  la  vctufté  j  rien  n  y  a  été  émoufTé  par 
le  frottement  comme  dans  les  médailles  & 
dans  les  marbres.  Il  cft  encore  confolant 
de  pouvoir  imaginer  que  ces  ftatues  6c  ces 
grouppes  qui  firent  autrefois  le  fujcr  de  l'ad- 
miration d'Athènes  de  de  Rome ,  &  qui 
font  Fobjet  de  nos  juftes  regrets,  fe  retrou- 
vent fur  les  pierres  gravées.  Ce  n'eft:  point 
ici  une  vaine  conjecture  ;  Ion  a  fur  des 
pierres  gravées  ,  indubitablement  antiques , 
la  repréfcntation  de  plulleurs  belles  ftatues 
greques  qui  iubfîftent  encore  :  fans  fortir 
du  cabinet  dti  roi  de  France  ,  Ton  y  peut 
voir  fur  des  cornalines  la  ftatue  d'Hercule 
de  Farnefe  ,  un  des  chevaux  de  Monte- 
Cavallo  ,  &  le  grouppe  de  Laocoon. 

Indépendamment  de  tous  les  avantages 
qu'on  vient  d*iattribuer  aux  pierres  gravées  , 
elles  en  ont  encore  un  de  commun  avee 
les  autres  monumens  'de  l'antiquité  ;  c'eft 
de  fervir  à  éclaircir  plulleurs  points  impor- 
tans  de  la  mythologie ,  de  l'hiftoire  &  des 
coutumes  anciennes.  S'il  étoit  poûible  de 
raflembler  en  un  feul  corps  toutes  les  pierres 
gravées  qui  font  éparfes  de  côté  &  d'autre  , 
on  pourroit  fe  flatter  d'y  avoir  une  fuite 
aflez  complète  de  portraits  des  grands 
hommes  &  des  divinités  du  Paganifme  , 
prefque  toutes  caradtérifées  par  des  attri- 
buts finguliers  qui  ont  rapport  à  leurs  cultes. 
Combien  n'y  verroit-on  point  de  différens 
facrifices  ?  combien  de  fortes  de  fêtes ,  de 
jeux  &  de  fpedacles  qui  font  encore  plus 
intéreftàns ,  lorfque  les  anciens  auteurs  nous 
mettent  en,  état  de  les  entendre  par  les 
^lefcriptions  .qu'ils  en  ont  lailïees  ? 

Cette  belle  pierre  gravée  du  cabinet  de 
feu  S.  A»  R  Madame ,  on  eft  reprél^nté 
Théfée  levant  la  pierre  fous  laquelle  étoient 
cachées  les  preuves  de  la  i-tailïance  5  cette 
autre  du  cabinet  du  roi  ,  où  Jugurthapri- 
Ibnnier  eft  livré  à  Sylla,  ne  deviennent- 
çlles  pas  des  m.onumens  curieux  ,  par  cela 
«nêmc  qu'elles  donnent  une  nouvelle  force 
au  témoignage  de  Pîutarque  ,  qui  a  rapporté 
ces  circonftancea  de  la.  vie  de  ces  deux.) 


•PIE 

grands  capitaines  (  vie  de   Théfée   &  de 
Marins  )  î 

Il  faut  pourtant  avouer  que  de  cette 
abondance  de  matière  il  en  réfulteroit  la 
difficulté  infurmontable  de  donner  des 
explications  de  la  plus  grande  partie  de  ces 
pierres  gravées.  Mais  quoique  ces  fortes 
d'explications  ne  foient  plus  fufceptibles  de 
certitude  ,  quoique  nous  n'ayions  fouvent 
que  des  conjectures  fur  ces  fortes  de  mo- 
numens que  nous  poflédons ,  cependant 
ces  conjectures  mêmes  conduifent  quelque- 
fois à  des  éclaircillcmens  également  utiles 
&  curieux. 

La  chute  de  l'empire  romain  entraîna, 
celle  des  beaux  -  arts  y  ils  furent  négligés 
pendant  très-long-temps  ,  ou  du  moins 
ils  furent  exercés  par  des  ouvriers  qui  ne 
connoiflbient  que  le  pur  méchanifme  de 
leur  profeiTion ,  &  ils  ne  fe  relevèrent  que 
vers  le  milieu  du  xv  iîecle.  La  peinture  & 
la  fcuipture  qui  ne  vont  jamais  l'une  fans 
l'autre  ,  reparurent  alors  en  Italie  dans 
leur  premier  luftre,  &  l'on  recommença 
à  y  gravtr  avec  goût  tant  en  creux  qu'en 
relief.  Le  célèbre  Laurent  de  Médicis  ,  fur- 
nommé  le  magnifique  &  le  père  des  lettres  , 
fut  le  principal  &  le  plus  ardent  promoteur 
de  ce  renouvellement  de  la  gravure  fur  les 
pierres  fines.  Comme  il  avoir  un  amour 
fingulierpour  tout  ce  qui  portoit  le  nom 
à' antique ,  outre  les  anciens  manufcrits  , 
les  bronzes  &  les  m.arbres  ,  il  avoit  encore 
fait  un  précieux  a{Ten:blage  de  pierres  gra- 
vées qu'ail  avoit  tirées  de  la  Grèce  &  de 
l'Afie  ,  ou  qu'*il  avoit  recueillies  dans  fort 
propre  pays  :  la  vue  de  ces  belles  ckofes 
qu'il  pollédoit,  autant  pour  en  jouir  que 
pour  avoir  le  plaifir  de  les  communiquer  y 
anima  quelques  artiftes  qui  fe  confacrerent 
à  la  gravure  5  lui- m.éme  ,  pour  augmenter 
l'émulation ,  leur  diftribua  des  ouvrages» 
Le  nom  de  ce  grand  proteCteur  des  arts  , 
j'ai  prefque  dit  ce  grand  homme  ,  fe  lit  fur 
ulufieurs  pierres  qu'il  fit  graver  ou  qui  lui 
ont  appartenu. 

Alors  parut  à  Florence  Jean  ,  qu'on 
furnomma  Delk  Cornivok  ,  parce  qu'il  réuf- 
fiflbit  à  graver  en  creux  fur  des  cornalines  ; 
&  Ton  vit  à  Milan  Dominique  ,  appelle 
De  Camei ,  à  caufe  qu^il  fit  ce  fort  beaux 
camées.  Ces  habiles  gens  formèrent  des 


P  I  E 

.  çlcvcs  ,  &  eurent  bientôt  quantité  d'imi- 
tateurs. Le  Vafari  en  nomme  plufieurs, 
entre  lefquels  je  me  contenterai  de  rap- 
pcUer  ceux  qui  ont  mérité  une  plus  grande 
réputation  i  Jean  Bernardi  de  Caftel-Bo- 
lognefe ,  Matthieu  del  Nafaro  (  ce  dernier 
palfa  une  grande  partie  de  fa  vie  en  France 
au  fervice  de  François  I  )  i  Jean-Jacques 
Caraglio  de  Vérone,  qui  n'a  pas  moins 
réuiïi  dans  la  gravure  des  eftampes  ;  Va- 
lério  Belli  de  Vicence ,  plus  connu  fous  le 
lîom  de  Valerio  Vicentini  ;  Louis  Ani- 
chini  ,  &  Alexandre  Céfari ,  furnommé 
k  Grec.  Les  curieux  confervent  dans  leurs 
cabinets  des  ouvrages  de  ces  gravures  mo- 
dernes ,  &  ce  n'efl:  pas  fans  raifon  qu'ils  en 
admirent  la  beauté  'du  travail.  Qu'on  n'y 
cherche  pas  cependant  ni  cette  première 
finefle  de  penfée  ,  ni  cette  extrême  préci- 
fîon  de  delTin  qui  conftituent  le  caraârere 
du  bel  antique  j  tout  ce  qu'ils  ont  fait  de 
plus  beau  ,  n'eft  que  bien  médiocre  mis  en 
parallèle  avec  les  excellentes  produélionsde 
la  Grèce. 

Ce  n'eft  peut-être  pas  tant  à  l'incapacité 
qui  jufqu'à  préfenta  empêché  les  graveurs 
modernes  d'approcher  de  ceux  de  l'anti- 
quité ,  qu'à  l'ingratitude  de  la  profeflion , 
à  laquelle  il  en  faut  attribuer  la  caufe  5  du 
moins  jamais  nosartiftes  ne  montrèrent  plus 
de  talensni  plus  d'^ardeur.  Lorfqu'ilsonteu 
à  graver  des  pierres  en  relief,  travail  aufTi 
long  &:  pre'que  auffi  difficile  que  celui  de 
la  gravure  en  creux  ,  ils  ont  fait  de  très- 
belles  chofes.  Tels  ibnt  les  portraits  qu'ils 
ont  exécutés  dans  ce  genre  ,  il  y  en  a  tels 
qu'on  pourroit  ranger  à  la  fuite  du  bel  anti- 
que. Tels  font  quelques  autres  ouvrages 
foignés  &  exécutes  dans  ces  derniers  temps 
par  l'habile  Sirlet. 

1°.  De  la  matière  fur  laquelle  on  grave. 

Les  anciens  graveurs  qui  en  cela  onc  été 
ftiivis  par  tous  les  modernes  ,  paroifîent 
n'avoir  excepté  aucune  des  pierres  fines  , 
ni  même  àts pierres  précieufès  pour  graver 
dellus  ,  hormis  que  ces  pierres  ne  fë  Ibient 
trouvées  fi  recommandables  par  elles-mê- 
mes ,  que  c'eût  été  un  meurtre  de  les  faire 
iervir  à  la  gravure.  Encore  aujourd'hui  l'on 
A  pour  de  telles  pierres  précieufès  les  mêmes 
égards.  Du  refte  ,  on  rencontre  tous  les 
jouiides  grayures  lur  des  améthyftes>  des 


PIE  *4j 

faphirs  ,  des  topafes ,  des  chryfolites ,  des 
péridots  ,  des  hyacintes  &  des  grenats.  On 
en  voit  fur  des  bérylles  ou  aigues-marines , 
des  primes  d'émeraudes  &  d'améthyftes , 
des  opales  ,  des  turquoifes ,  des  malachites, 
des  cornalines  ,  des  calcédoines  ôc  des 
agates.  Les  jafpes  rouges,  jaunes,  verds 
(k  de  diverfes  autres  couleurs,  &  en  parti- 
culier les  jafpes  fanguins  ,  le  jade  ,  des 
cailloux  finguliers  ,  des  morceaux  de  lapis 
ou  lyanée ,  &  des  tables  de  cryftal  déroche 
ontaulTi  fervi  de  matière  pour  la  gravure  , 
même  d'aflez  belles  émeraudes  &  des  rubis 
y  ont  fervi.  Mais  de  toutes  les  pierres  fines, 
celles  qu'on  a  toujours  employées  plus  vo- 
lontiers pour  la  gravure  en  creux  ,  font  les 
agates  &c  les  cornalines  ou  lardoines  ;  tandis 
que  les  différei^s  efpeces  agates  -  onix 
femblent  avoir  été  réfervées  pour  les 
reliefs. 

C'eft  à  la  variété  des  couleurs  dont  la 
nature  a  embelU  les  agates ,  que  nous  de- 
vons ces  beaux  camées ,  qu'un  favant  pin- 
ceau n'auroit  pu  peindre  avec  plus  de  juf- 
telîè  ,  *  qui  prefque  tous  font  des  produc- 
tions de  nos  graveurs  modernes. 

Ne  palfons  pas  ici  fous  filence  des  gra- 
vures fingulieres  ôc  qui  peuvent  marchera 
la  fuite  des  pierres  gravées.  Ce  font  des 
«gâtes  ou  d'autres  p/erre5  fines  furlefqueîles 
des  têtes  ou  des  figures  en  bafîè- taille  &z 
cifelées  en  or  ont  été  rapportées  &  incruf- 
tées  ,  de  façon  qu'à  la  différence  près  de  la 
matière  elles  font  prefque  le  mêmeeffetque 
les  véritables  camées.  On  en  voit  une  à 
Florence  ,  qui  appartenoit  à  l'éleéVrice  pala- 
tine Anne-Marie-Louife  de  Médicis  ,  en 
qui  toBt  eft  fini.  Cette  belle  gravure  doit 
le  trouver  dans  le  cabine:  du  grand  duc  : 
c'eft  peut-être  un  Apollon  vainqueur  du 
ferpent  Pithon  ;  il  y  en  a  une  repréfentation 
dans  le  Mufœum  Florent,  tom.  I.  tab.  6G. 
rP.  2.  En  1749,  ^^  Italien  a  diftribué  à 
Paris  pluiieuispierres  femblablement  incruf- 
tées  ;  &  comme  il  en  avoit  nombre  & 
qu'elles  étoient  trop  bien  confervées  pour 
n''être  pas  fufpeétes ,  les  connoifleurs  font 
perfuadés  que  c'étoient  des  pièces  mo- 
dernes. 

Le  diamanr  ,  la    feule  pierre  précieufe 

fur  laquelle  on  n'avoit  pas  encore  eiïàye 

i  de  graver  ,  l'a  été  dans  ces  derniers  fiecies* 


^4^  PIE 

IlePc  vrai  que  M.  André  Cornaro,  Véni- 
tien, annonça  en  17:2,3  une  tête  de  Néron 
gravée  en  creux  fur  un  diamant;  Se  pour 
relever  le  prix  de  cette  gravure  qu  il  efti- 
moit  douze  mille  fequins,  il  alTuroit  qu  elle 
étoit  antique.  Maison  ne  peut  guère  douter 
du  contraire  ,  ôc  peut-être  Ton  diamant 
écoit  un  ouvrage  de  Conftanzi  qui  a  long- 
temps travaillé  à  Rome  avec  diftindion. 
Lorique  Clément  Birague  ,  milanois ,  que 
Philippe  II  avoir  attiré  en  Efpagne ,  &  qui 
fe  trouvoit  à  Madrid  en  1^64,  fit  Teflal 
de  graver  fur  le  diamant ,  perfonne  n  avoir 
encore  tenté  la  même  opération.  Cet  ingé- 
nieux artiftc  y  grava  pour  l'infortuné  dom 
Carlos  le  portrait  de  ce  jeune  prince  ,  & 
fur  fon  cachet  qui  étoit  un  autre  diamant , 
il  mit  les  armes  de  la  rAarchie  efpagnole. 
On  a  fait  voir  à  Paris  un  diamant  où 
étoient  gravées  ou  plutôt  égratignées  les 
armes  de  France  y  Ton  dit  qu'il  y  en  a  un 
femblable  dans  le  tréfor  de  la  reine  de  Hon- 
grie à  Vienne ,  Se  que  le  cachent  du  feu 
ïoi  de  Prude  étoit  pareillement  gravé  fur  un 
diamant.  Au  refte ,  ces  gravure^ne  peu- 
vent être  ni  bien  profondes ,  ni  fort  arrê- 
tées ,  ni  faites  fur  des  diamans  parfaits. 
Ajoutez  que  fouvent  l'on  montre  des  gra- 
vures qu'on  dit  être  faites  fur  des  diamans , 
&  qui  ne  le  font  réellement  que  fur  des 
faphirs  blancs. 

3  '^.  De  la  difiincîion  des  pierres  antiques 
d'avec  les  modernes.  Comme  il  règne  beau- 
coup de  lufe  ,  de  fraude  Sl  de  ftratagême 
pour  tromper  au  Ç\x\Qiàcs  pierres  gravées  y 
on  demande  s'il  y  a  des  moyens  de  diftin- 
guer  l'antique  du  moderne  ,  les  originaux 
des  copies  \  quelques  curieux  fe  font  fait 
Ià-de(lus  des  règles  qui  ,  tout  incertaines 
qu'elles  font,  méritent  cependant  d'être 
rapportées. 

Ils  com^mencent  par  examiner  hcfpcce  de 
la  pierre  :  fi  cette  pierre  eft  orientale  ,  par- 
faite dans  fa  qualité  ,  fi  c'eft  quelque />/erre 
fine  dont  la  carrière  foit  perdue  ,  telles 
que  font ,  par  exemple ,  les  cornalines  de 
la  vieille  roche  i  fi  le  poli  en  eft  très-beau , 
bien  égal  Se  bien  luilant ,  c'eft  félon  eux  , 
des  preuves  de  l'antiquité  d'une  gravure.  Il 
eft  certain  que  l'examen  de  la  qualité  d'une 
pierre  gravée  Se  de  Ion  beau  poli  ne  font 
IKîiiit  des  chofes  indifférentes  \  njais  l'on  a 


PIE 

vu  plus  d'une  fois  nos  graveurs  efl^cer  d'afi-i 
ciennes  mauvaises  gravures  ,  recoucher  des 
antiques ,  apporter  dans  le  poliment  une 
grande  dextérité  pour  mieux  tromper  les 
connoiileurs.  D'ailleurs  ce  feroit  peut-être 
u  ne  preuve  encore  plus  certaine  de  l'antique 
d'une  pierre  gravée  ,  h  la  furface  extérieure 
d'une  relie  p/eATe  étoit  dépolie  par  le  frot- 
tement ;  car  les  anciens  gravoient  pour 
l'ufage  ,  Se  toute  pierre  qui  a  fervi  doit 
s'en  reffentir. 

Les  curieux  croient  encore  reconnoître 
certainement  fi  les  infcriptions  gravées  er» 
creux  fur  les  pierres  font  vraies  ou  fup- 


fée 


poiees 


& 


cela  par  la  régularité  Se  la 
proportion  des  lettres ,  &  par  la  fineflè 
des  jambes  ;  mais  il  n'y  a  guère  de  certi- 
tude dans  ces  fortes  d'obfervations  ;  tout 
graveur  qui  voudra  s'en  donner  la  peine 
Se  qui  aura  une  main  légère ,  tracera  des 
lettres  qui  imiteront  fi  bien  celles  des 
anciens ,  mênie  celles  qui  font  formées 
par  des  points ,  que  les  plus  fins  connoif- 
feurs  prendront  le  change  ;  Se  ce  ftrata^ 
gême  conçu  en  Italie  pour  fe  jouer  de 
certains  curieux  nourris  dans  la  prévention  , 
n'a  que  trop  bien  réulïî.  Ils  ont  corrompu 
julque  aux  pierres  gravées  antiques,  en  y 
mettant  de  fautes  infcriptions  ;  &  c'eft  ce 
qu'ils  exécutent  avec  d'autant  plus  de  fé- 
curité  ,  qu'il  leur  eft  plus  facile  alors  d'en 
impofer.  Qui  pourra  donc  afturer  que 
plufieurs  de  ces  noms  d'artiftes  qui  fe  lifent 
fur  les  pierres  gravées ,  Sc  même  auprès  de 
fort  belles  gravures ,. n'y  auront  pas  été 
ajoutés  dans  des  fiecles  poftérieurs?  fur-touc 
depuis  que  M.  Gori  a  fait  obferver  que  le 
nom  de  Cléomenes  écrit  en  grec  ,  qu'on 
voit  fur  le  focle  de  la  fàmeufe  Se  belle 
ftatue  de  la  Vénus  de  Médicis ,  eft  une 
infcription  poftiche. 

Il  n'eft  pas  plus  difficile  d'ajouter  fijr 
les  pierres  gravées  ,  de  ces  cercles  Sc  de 
ces  bordures  en  forme  de  cordon  ,  qui , 
fuivant  le  fentiment  de  M.  Gori ,  carac- 
térifent  les  pierres  étrufques.  Se  font  ur* 
figne  certain  pour  les  reconnoître. 

D'autres  curieux  prétendent  que  les 
anciens  n'ont  jamais  gravé  que  fur  des 
pierres  de  figures  rondes  ou  ovales  ;  Sc 
lorlqu'on  leur  en  montre  quelques  -  unes 
d'une  autre  forme,  telles  que  font  de» 


PIE 

pierres  (juarrées  ou  à  pans  ,  ils  ne  balan- 
cent pas  à  dire  que  la  gravure  en  eft  mo- 
derne \  ce  qui  n'eft  pas  toujours  exade- 
ment  vrai. 

Quelques  négligences  qui  fe  feroicnt 
gliflees  dans  des  parties  acceflbires  au  mi- 
lieu des  plus  grandes  beautés ,  ne  doivent 
pas  non  plus  faire  juger  qu'une  gravure  n'eft 
pas  antique  :  on  en  devroit  peut-être 
conclure  tout* le  contraire  ,  d'aurant  que 
les  gravures  modernes  font  en  général  ad'ez 
fuivies  ,  &  que  celles  des  anciens  ont  afltz 
fouvenr  le  défaut  qu'on  vient  de  remar- 
quer. On  peur  citer  pour  exemple  l -enlève- 
ment du  palladium  gravé  par  Diofcoride  : 
le  diomede  qui  eft  la  ma.treire  figure  , 
réunit  toutes  les  perfe6tions  ;  prefque  tout 
le  refte  eft  d'un  travail  fi  peu  foigné ,  qu''à 
peine  feroit-il  avoué  par  des  ouvriers 
médiocres.  Cet  habile  artifte  auroit-il 
prétendu  relever  l'excellence  de  fa  pro- 
duélion  par  ce  contrafte  î  ou  auroit-il 
craint  que  l'œil  s'arrêtant  fur  des  objets 
étrangers  ,  ne  fe  portât  pas  afiez  entière' 
ment  fur  la  principale  figure  î 

Mais  une  pierre  gravée  qui  (eroit  en- 
châlîéc  dans  fon  ancienne  monture  ;  une 
autre  qu'on  fauroit,  à  n'en  pouvoir  douter, 
avoir  été  trouvée  depuis  peu  à  l'ouverture 
d'un  tombeau  ,  ou  fous  d'anciens  décom- 
bres qui  n'auroient  jamais  été  fouillés  , 
Tnériteroit  d'être  reçue  pour  antique.  Il 
paroît  auffi  qu'on  Jie  devroit  pas  moins 
eftimer  une  pierre  gravée  qui  nous  vien- 
droit  de  ces  pays  où  les  arts  ne  fe  font 
point  relevés  depuis  leur  chute  :  par  exem- 
ple ,  des  pierres  gravéei  qui  font  tirées  ÔC 
apportées  du  Levant ,  ne  font  pas  fufcep- 
tibles  d'altérations  par  le  défaut  d'ouvriers, 
comme  le  font  celles  qu'on  découvre  en 
Europe  '-,  enfin  outre  la  certitude  de  l'an- 
tiquité pour  pierre  gravée ,  il  faut  en- 
core qu'elle  foit  réellement  belle  pour 
mériter  l'eftime  des  curieux.  Concluons 
donc  que  la  connoifîance  du  deflin,  jointe 
à  celle  des  manières  &  du  travail ,  eft  le 
feul  moyen  pour  fe  former  le  goût  ,  & 
<ievenir  un  bon  juge  dans  les  arts,  &  en 
particulier  dans  la  connoiftànce  du  mérite 
jdes  pierres  gravées ,  tant  antiques  que 
modernes. 

4^,  Des  Jllujlres graveurs  înpkms fines. 


PIE  g47 

Il  femblc  qu'il  manque  quelque  chofe  à  l'hif- 
toire  des  arts  ,  fi  elle  ne  marche  accom- 
pagnée de  celle  des  artiftes  qui  s'y  font 
diftingués.  C'eft  ce  qui  a  engagé  M'*  Va- 
fari ,  Vettori ,  &  Mariette  ,  à  faire  la  vie 
de  ces  illuftres  artiftes  ;  il  nous  fuffira  néan- 
moins d'indiquer  les  noms  des  principaux 
parmi  les  modernes  qui  ont  paru  depuis 
la  renai'flance  des  arts. 

Tout  le  monde  fait  que  la  chute  du 
bon  goût  fuivit  de  fort  près  celle  de  l'em- 
pire romain  ;  des  ouvriers  groiîiers  & 
ignorans  prirent  la  place  des  grands  maî- 
tres ,  &  femblerent  ne  plus  travailler  que 
pour  accélérer  la  ruine  des  beaux  arts. 
Cep&ndant  dans  le  temps  même  qu'ils 
s'éloignoient  à  fi  grands  pas  de  la  perfec- 
tion ,  ils  le  rendoient ,  fans  qu'on  y  prit 
garde  ,  utiles ,  &  même  nécelîaires  à  la 
poftérité.  En  continuant  d'opérer  ,  bien 
ou  mal  ,  ils  perpétuèrent  les  pratiques 
manuelles  des  anciens  ;  pratiques  dont  la 
perte  étoit  fans  cela  inévitable ,  &  n'auroic 
peut-être  pu  fe  retrouver.  Il  eft  donc 
heureux  que  l'art  de  la  gravure  en  pierres 
fines  n'ait  fouffert  aucune  interruption  , 
&  qu'il  y  ait  eu  une  fucceffion  fiiivie  de 
graveurs  qui  fe  foient  inftruits  les  uns  les 
autres  ,  &  qui  fe  foient  mis ,  pour  ainfi 
dire  ,  à  la  main ,  les  outils  fans  lefquels 
'  cet  art  ne  fauroit  fe  pratiquer. 

C^ux  d'eîitr'eux  qui  abandonnèrent  la 
Grèce  dans  le  quinzième  fiecle  ,  &  qui 
vinrent  fe  chercher  un  afyle  en  Italie  , 
pour  fe  femftraire  a  la  tyrannie  des  Turcs 
leurs  nouveaux  maîtres ,  y  firent  paroître 
poup  la  première  fois  quelques  ouvrages  , 
qui  un  peu  moins  informes  que  les  gra- 
vures qui  s'y  fiifoient  journellement ,  fer- 
virent  de  prélude  au  renouvellement  des 
arts  5  qui  fe  préparoit.  Les  pontificats  de 
Martin  V  &:  de  Paul  II ,  furent  témoins 
de  ces  premiers  eiTais  ;  mais  Laurent  de 
Médicis  ,  le  plus  iiluftre  protedteur  que 
les  arts  aient  rencontré  ,  fut  le  principal 
moteur  du  grand  changement  qu'éprouva 
celui  de  la  gravure.  Sa  paiTîon  pour  les 
pierres  gravées  &  pour  les  camées  ,  lui  fit 
rechercher,  ainfi  que  je  l'aidéja  remarqué  j 
les  meilleurs  graveurs  ;  il  les  raflemb'a 
auprès  de  fa  perfonne  ;  il  leur  diftribua 
des  ouvrages)  il  iesanlipa  par  fes  bieufiissi 


848  p  I  E 

&  i'art  de  la  gravure  en  pierres  fines  reprît 
une  nouvelle  vie. 

Jean  delle'Cornivole  fut  regardé  comme 
le  reftaurateur  de  la  gravure  en  creux  des 
/>/crre5  fines  ,  &  Dominique  de'Camei,  de 
la  gravure  en  relief.  Ces  deux  artiftes 
furent  bientôt  furpiifîës  par  Pierre-Marie 
de  Peicia  ,  &  par  Michclino.  L'art  de  la 
gravure  en  pierres  fines ,  s'étendit  rapi- 
dement dans  toutes  les  parties  de  l'Italie. 
Cependant  il  étoit  réfervé  à  JeanlBernardi , 
né  à  Cartel-Bologne fe  ,  ville  de  la  Roma- 
gne ,  d'enfeigner  aux  graveurs  modernes  à 
fc  rendre  de  dignes  imitateurs  de  ceux 
des  anciens.  Entr\autres  ouvrages  de 
gravure  de  ce  célèbre  artifte  ,  on  vante 
beaucoup  fon  Titius,  auquel  un  vautour 
déchire  le  cœur ,  gravé  d'après  le  deirm 
de  Michel-Ange  :  comblé  d'honneurs  & 
de  biens  ,  il  expira  en  i  y  n .  Dans  ce 
temps- là  François  I  avoir  attiré  en  France 
le  fameux  Matthieu  del  Nafaro ,  qui  s'oc- 
cupa à  former  parmi  nous  des  élevés  qui 
fudent  en  état  de  perpétuer  dans  le  royaume 
l'art  qu'il  y  avoit  fait  connoître. 
,  Pendant  le  même  temps ,  Luigi  Ani- 
chini  ,  &  fur-tout  Alexandre  Cefari  , 
furnommé  le  Grec ,  gravoit  à  Rome  avec 
éclat  toutes  fortes  de  fujets  fur  des  pierres 
fines  :  le  chef-d'œuvre  de  ce  dernier  eft 
un  camée  repréfentant  la  tête  de  Phocion 
l'athénien.  Jacques  de  Trezzo  embellifloit 
alors  l'Efcurial  par  fes  ouvrages  en  ce 
genre. 

Quand  l'empereur  Rodolphe  II  monta 
fur  le  trône ,  il  protégea  les  arts ,  fit  fleurir 
celui  de  la  gravure  en  Allemagne  dans  le 
dix-feptieme  fiecle  ,  &  eniploya  particu- 
lièrement Gafpard  PHéman,  &  Miféronij 
mais  aucun  de  ces  graveurs  n'a  pu  foutenir 
le  parallèle  du  Coldoré  ,  qui  florilloit  en 
France  vers  la  fin  du  feizieme  fiecle ,  & 
qui  a  vécu  jufques  fous  le  règne  de  Louis 
XIII.  Cependant  parmi  les  graveurs  fran- 
çois  ,  perfonne  n'a  mérité  cette  brillante 
réputation  dont  Flavius  Sirlet  a  joui  dans 
Rome  jufqu'à  fa  mort ,  arrivée  le  15  août 
1737  ;  on  ne  connoît  aucun  graveur  mo- 
derne qui  l'égale  pour  la  finefle  de  la 
touche  :  il  nous  a  donné  fur  des  pierres 
fines  des  repréfentations  en  petit  des  plus 
i?elle5  ftatues  antiques  qui  font  à  Rome  : 


PIE 

le  grduppe  du  Laocoon  cft  fon  cheft 
d'œuvre. 

Celui  qui  fc  diftinguoit  dernièrement  le 
plus  dans  cette  ville ,  eft  le  chevalier  Charles 
Coftanzi  ;  il  a  gravéTur  des  diamans  ,  pour 
le  roi  de  Portugal ,  une  Léda  ,  &  une  tête 
d'Anrinoiis. 

Je  n^ai  point  parlé  des  graveurs  qu*a 
produit  ^Angleterre  ,  parce  que  la  plus 
grande  partie  lont  demeurés  fort  au  deflbus 
du  médiocre  ;  il  faut  pourtant  excepter 
Charles  Chrétien  Reifen  qui  a  mérité  une 
àcs  premières  places  parmi  les  graveurs 
en  creux  fur  les  pierres  fines  ,  &  qui  a  eu 
pour  élevé  un  nommé  Claus  ,  mort  en 
1739  ,  enfuite  Smart,  &  enfin  Seaton  , 
qui  étoit  de  nos  jours  le  premier  graveur 
de  Londres. 

Mais  nous  avons  lieu  de  regretter  un  da 
nos  graveurs  françois,  mort  en  1746  ,  & 
qui  faifoit  honneur  à  la  nation  j  je  parle 
de  M.  François- Julien  Barier  ,  graveur 
ordinaire  du  roi  en /j/erre.î  fines ,  homme  de 
goût ,  né  induftrieux ,  &  qui  a  fait  dans 
f  un  &  dans  Pautre  genre  de  gravure  ,  des 
ouvrages  qui  ont  allure  fa  réputation  ;  il 
ne  lui  manquoit  qu'une  plus  parfaite  con- 
noillànce  du  delïin. 

M.  Jacques  Guay  qui  lui  a  fuccédé,  ne 
doit  point  craindre  d'efluyer  un  pareil 
reproche  ;  il  delïïne  très-bien  ,  &  modèle 
de  même  ;  il  a  vifité  toute  l'Italie  pour 
fe  perfe6tionner ,  &  a  retiré  de  grands  fruits 
de  fes  voyages.  Il  a  jeté  beaucoup  d'efprit 
fur  une  cornaline,  où  il  a  exprimé  en  petit, 
d'après  le  defTîn  de  M.  Bouchardon,  le 
triomphe  de  Fontenoy. 

5°.  De  la  pratique  de  la  gravure  en 
pierres  fines.  Quand  on  examine  avec 
attention  ce  que  Pline  a  dit  de  la  ma- 
nière de  graver  fur  les  pierres  précieufes  , 
on  demeure  pleinement  convaincu  que  les 
anciens  n'ont  point  connu  d'autres  mé- 
thodes ,  que  celles  qui  fe  pratiquent  au- 
jourd'hui. Ils  ont  dû  (e  fervir,comme  nous, 
du  touret ,  &c  de  ces  outils  d'acier  ou  de 
cuivre  ,  qu'on  nomme  fcies  ôc  bouterolles  ; 
ôc  dans  l'occafion  ils  ont  pareillement  em- 
ployé la  pointe  du  diamant.  Le  témoignage 
de  Pline  eft  formel ,  liv.  XXXVII.  ch.  iv. 
&  chap.  xiij.  ce  qui  mettra  cette  vérité 
dans  tout  fon  jour ,  fera  de  donner  ici  la 

defcription 


FM  E 

defcription  détaillée  de  notre  manière  de 
graver  ;  mais  il  faut  la  laifler  faire  à  cet 
habile  auteur  notre  collègue,  qui,  après 
avoir  puifé  chez  les  artiftes  tout  ce  qui 
concerne  les  art»,  fait  les  décrire  dans 
cet  ouvrage  avec  des  ralens  au  dcfîus  do, 
mes  éloges. 

-  6^.  Des  pierres  grave'es  faclices.  L'ex- 
trême rareté  des  pierres  précieufes,  & 
le  vif  empreffement  avec  lequel  on  les 
recherchoit  dans  l'antiquité  ,  ne  permet- 
tant qu'aux  perionnes  riches  d'en  avoir  , 
firent  imaginer  des  moyens  pour  fatisfaire 
ceux  qui,  manquant  de  facultés  ,  n'enétoicnt 
pas  moins  poiTédés  du  defir  de  paroître. 
On  employa  le  v^rre  ,  on  le  travailla  , 
on  lui  allia  divers  métaux  ;  &  en  le  faiiant 
paffer  par  ditfërens  degrés  de  feu ,  il  n'y 
eut  prefque  aucune  pierre  précieufe  dont 
on  ne  kii  lit  prendre  la  couleur  &  la 
forme.  On  a  retrouvé  ce  fecret  dans  le 
quinzième  fiecle  ,  &  on  eft  rentré  en  pol- 
;,  ièffion  de  taire  de  ces  pâtes  ou  pierres 
fddices ,  que  quelques-uns  appellent  des 
compofuions .    Voye\  PaTE   DE   VERRE 

ou  Pierre  gravée  factice. 

7°.  De  la.  manière  de  tirer  le  s  empreintes . 
r  Pour  ce  qui  regarde  les  diverfes  manières 
de  tirer  àzs  empreintes  fur  les  plus  belles 
pierr-fs  gradées  y  v.  le  mot  EMPREINTE. 

8i^.I)e  la  conferi^'ation  des  pierres  gra- 
vées. Un  amateur  tâche  de  conferver  les 
pierres  gravées  ^  &  a  pour  cet  etiet  des 
écrins  ou  baguiers.   V.  ÉCRIN. 

9°.  Des  auteurs  fur  les  pierres  gravées. 
Entre  un  li  grand  nombre  d'auteurs  qui  , 
depuis  Phne  jufqu'à  nous,  ont  traité  des 
pierres  gravées  ,  nous  ne  nous  propoions 
ici  que  de  nommer  les  principaux  ;  les 
curieux  peuvent  recourir  à  la  partie  fi 
intéreflante  du  livre  de  M.  Mariette  ,  'qui 
concerne  la  bibliothèque  Dadyliograohi- 
que  :  une  matière  li  lèche  a  pris  entre  i^s 
mains  les  grâces  &  les  ornemens  qu'on  ne 
trouve  point  ailleurs. 

On  connoît  afléz ,  fur  les  anneaux  àes 
anciens ,  les  ouvrages  de  Kitfchius  ,♦  de 
Longus  ,  de  Kirchman ,  de  Kornman  ,  & 
de  Liceti  ;  ils  ont  tous  été  réimpriméi 
enfemble  à  Leyde  en  1672  ;  le  livre  de 
Liceti  imprimé  à  Udine  en  1645,  in-/}.^. 
n'eft  à  la  vérité  qu'une  miférable  compi- 
Tome  XXK 


PIE  849 

latlon,  &  ne  peut  être  lu  fans  dégoût; 
mais  en  échange  on  fera  fort  content  de  la 
brochure  de  Cazalius  fur  les  anneaux  & 
leurs   ufagcs. 

Antoine  le  Pois  a  donné  un  difcours 
fur  les  médailles  &  gravures  antiques  ,  Paris 
^579)  ^^-4-^1  avec  figures,  livre  très- 
curieux,  très-bien  imprimé ,  &  d'un 
auteur  qui  a  le  premier  rompu  la  glace  fur 
cette  matière.  Ce  livre  eiliraé  n'eft  pas 
fort  commun;  mais  il  faut  prendre  garde 
5'il  fe  trouve  à  la  page  126  une  figure  du 
dieu  des  jardins  ,  qui  a  été  arrachée  dans 
plufieurs  exemplaires. 

Baudelot  de  Dorival  a  mis  au  jour  un 
livre  de  l'utilité  des  voyages  _,  &c.  Paris 
1686,  2  vol.  in-zz.  avec  figures,  & 
Rouen  1727:  hvre  utile,  intéreflant,  & 
dont  on  ne  peut  fe  palîer. 

Nous  avons  indiqué  au //zof  GRAVURE, 
les  ouvrages  où  l'on  enfeigne  la  pratique 
de  cet  art:  paiîbns  aux  plus  beaux  recueils 
&  cabinets  de  pierres  gravées  :  voici  ceux 
de  la  plus  grande  répi^tation,  pubHés  ea 
Italie. 

Agojîini  (Leofiardo)  ;  le  Gemme  ,  a/7- 
tiche  figurate  ,  colle  annota'^ioni  di  Pietra 
Bellori y  in  Roma  i^SJ  ■*  ^^^'4-^' fiS- 
fecundâ  parte  in  Roma  z  66g  ,  in-/^^. 
féconde  édition  y  in  Roma  z  686 y  2  vol. 
in-^.'^ .  fig.  troifieme  édition  mife  en  iatiii 
par  Jacques  Gronovius  ,  Amfielod.  z  68 ^^ 
2  vol.  //z-4°.  &  à  Francher  1(^94,  2  vol. 
in-4\fig, 

Léonard  Agoftini ,  né  à  Boccheggiano  , 
dans  l'état  de  Sienne  ,  étoit  un  connoiflèur 
d'un  goût  exquis  ,  &  il  avoit  vcilli  parmi 
les  antiques  ;  font  recueil  eft  excellent  , 
de  même  que  forj  difcours  hifîorique  qui 
fert  de  préliminaire  :  il  fait  joindre  l'utils 
4  l'agréaole ,  le  goût  avec  l'érudition.  II 
eut  encore  l'avantage  de  trouver  un  deflî* 
nateur  &  un  graveur  habile  dans  la  per- 
fonne  de  Jean-Baptflle  Galleflruzzi ,  flo- 
rentin ;  la  deuxième  édition ,  préférable 
à  la  première  pour  l'ordre  qui  y  a  été 
oblèrvé  &  l'amélioration  dts  difcours,  lui 
fera  toujours  inférieure  par  rapport  aux 
planches.  Il  n'eft  pas  inutile  d'avertir  qu'on 
a  C'.ipldyé  dans  cette  édition  deux  Çones 
de  papiers  ,  &  qu'on  doit  donner  la  pré- 
férence au  plus^  grand  papier  ;  car  outre 
Ppppp 


que  le  petit  efl:  fort  mauvais  ,  Timpreffion 
'^  des  planches  y  eft  trop  négligée  :  l'édition 
de  Hollande  a  les  planches    gravées  allez 
proprement  ,  mais  fans  goût. 

De  la  Chaude ,  romanum  Miifaum ,  &c. 
Romce  ,  1690  ,  in-fol.  editio  fecunda  ; 
Pvom^e  1707  ,  inJoL  editio  tertia  ;  Romcs 
1746,  2.  vol.  in-fol.  item  en  iiançois  , 
Ararferdam  1706  ,  in-fol  lig. 
'  Michel-Ange  de  la  Chaulîe  ,  parilien  , 
Javant  antiquaire ,  étoit  all^  afîez  jeune  à 
Rome ,  &  Ion  caraûere ,  autant  que  fon 
goût ,  Ty  avoit  fixé.  Le  corps  d'antiquités 
qu'il  intitula  Mufoeum  romanum,  dl  une 
colleâion  qui  réunit  les  plus  finguliercs 
antiquités  qui  fe  trouvoient  dans  les  cabi- 
nets de  Rome  au  temps  où  l'auteur  écri- 
voit.  Les  figures  font  accompagnées  d'ex- 
plications aulli  curieufes  qu'inllruâives. 
Jamais  ouvrage  ne  fut  mieux  reçu  ;  Grœ- 
'  vius  l'inféra  tout  entier  dans  fon  grand 
recueil  des  antiquités  romaines.  Il  tut 
traduit  en  françois  ,  &c  imprimé  à  Amller- 
dam  en  1706  ;  mais  l'édition  originale  fut 
fuivie  d'une  féconde  ,  à  tous  égards  pré- 
férable à  la  première  ,  pareillement  faite 
à  Rome  en' 1707,  &  confidérablement 
augmentée  par  l'auteur  même  ;  on  en 
donna  tout  de  Ipite  une  troifieme  édi- 
tion à  Rome  en  1746 ,  en  2  volumes 
in-fol.  fort  inférieure  à  la  féconde ,  &  dans 
laquelle  le  libraire  n'a  cherché  qu'à  in- 
duire le  public  en  erreur  ,  &  abufer  de  fa 
confiance. 

La  première  partie  du  recueil  de  M.  de 
la  Chauffe ,  comprend  une  fuite  alTez  nom- 
breufe  de  gravures  antiques  ,  qui  prefque 
toutes  font  des  morceaux  d'élite ,  dont  le 
public  n'avoit  point  encore  joui  dans  aucun 
ouvrage  imprimé. 

M.  de  la  Chauffe  a  encore  publiera 
Rome,  en  1700,  //z-4®.  fig.  un  recueil 
de  pierres  gravées  antiques  ,  avec  (es  ob- 
i'ervations  ^  le  choix  des  pierres  efl  fait 
avec  difcernement  ;  les  explications  écri- 
tes  en  italien  font  judicieufes  &  pleines 
d'érudition;  les  planches,  au  nombre  de 
deux  cents  ,  gravées  par  Bartholi ,  ne  font 
qu'au  trait. 

Mufxum  florentinum  ,  cum  '  ohferv. 
Ant.  Franc  Gori ,  Florentin  ,  173 1, 1732., 
2  vol.  fol,  maj,  cum  Jig.  ^V. 


P  I  E 

Qui  ne  connoît  pas  le  prix  de  ccîte  rare 
&  immenie  colledion  ?  jufqu'à  préfènt  on 
n'en  a  vu,  je  crois,  que  fix  volumes  ; 
mais  c'en  efl  alTez  pour  admirer  le  plus 
beau  cabinet  dtpierres  gravées  qu'il  ait  au 
monde.  Les  deux  premiers  volumes  donnés 
en  173 1  &  1732.  ,  contiennent  toutes  les 
pierres  gravées  du  grand  duc  ,  qui  méritent 
quelque  confidération.  Le  premier  volume 
contient  plus  àe\i\.m  ctms  pierres  gravées  y 
qui  occupent  cent  grandes  planches  ;  & 
le  fécond  quatre  cents  dix-huit  pierres 
gravées  ,  rangées  comme  dans  le  premier 
fur  cent  planches  ;  les  éditeurs  n'ont  point 
craint  d'excéder  ,  ni  par  rapport  à  la  lar- 
geur des  marges  ,  ni  pour  la  grofleur  des 
caractères  ,  ni  dans  la  dilpofition  des  titres: 
répailfeur  du  papier  répond  à  fa  grandeur  ; 
aucun  àts  ornemens  dont  on  a  coutume 
d'enrichir  les  livres  d'importance,  n'ont 
été  épargnés  dans  celui-ci  ;  en  un  mot 
c'efl  un  ouvrage  d'apparat ,  &  qui  remplit 
parfaitement  les  vues  de  ceux  qui  l'ont 
fait  naître  ;  ce  livre  coure  fprt  cher  ,  même 
aux  foufcripteurs  ;  &  pour  comble  de  mal- 
heur, la  grande  inondation  del'Arno  ,  qui 
a  fait  périr  fur  la  fin  de  1740  ,  une  partie 
de  l'édition  mife  dans  le  palais  Corfini  , 
n'en  a  pas  fait  bailTer  le  prix. 

10°.  Des  collections  de  pierres  gravées. 
Non  feulement  l'antiquité  nous  fournit  des 
exemples  de  pallions  pour  les  pierres  gra-^ 
vées  y  mais  elle  nous  fournit  des  génies 
fupérieurs ,  &  les  plus  diflingués  dans 
l'état ,  qui  formoient  de  ces  collerions. 
Quels  hommes  que  Céfar  &  Pompée  !  Us 
aimèrent  palîlonnément  l'un  &  l'autre  les 
pierres  gravées  ;  &  pour  montrer  l'eflime 
qu'ils  en  faifoient ,  ils  voulurent  que  le 
public  fût  le  dépofitaîre  de  leurs  cabinets. 
Pompée  mit  dans  le  Capitole  les  pierres 
gravées,  &  tous  les  autres  bijoux  précieux 
(^u'il  avoit  enlevés  à  Mithridate  ;  &  Céfar 
confacra  dans  le  temple  de  Vénus ,  fur- 
nommée  genitrix ,  celles  qu'il  avoit  re- 
cueillies lui-même  avec  des  dépenfes  infi- 
nies ;  car  perfonne  n'égaloit  fa  magnifi- 
cence ,  quand  il  s'agifToit  de  chofes  cu- 
rieufes. Marcellus ,  fils  d'Odavie  ,  &  ne- 
veu d'Augufle ,  dépofà  fon  cabinet  de 
I  pierres  gravées  dans  le  fanduaire  du  tem- 
ple d'Apollon ,  fur  le  mont  Palatin.  Marcus 


PIE 

Scaurus  ,  beau-fils  de  Sylla ,  homme  vrai- 
ment fplendide  ,  avoit  formé  le  premier 
lin  femblable  cabinet  dans  Rome.  Il  falloit 
être  bien  puiflant  pour  entreprendre  alors 
de  ces  coUedions.  Le  prix  des  belles  pier- 
res étoit  monté  fi  prodigieufement  haut  , 
que  de  fimples  particuliers  ne  pouvoient 
guère  fe  flatter  d'y  atteindre.  Un  revenu 
coniidérable  fuffifoit  à  peine  pour  l'achat 
à^unQ  pierre  précieufe.  Jamais  nos  curieux , 
quelque  paflionnés  qu'ils  foient  ,  ne  pouf- 
ièront  les  c-hofes  aufli  loin  que  l'ont  fait 
les  anciens.  Je  ne  crois  pas  qu'on  rencontre 
aujourd'hui  àts  gens ,  qui  femblables  au 
fénateurNonius,  préfèrent  l'exil ,  &  même 
la  profcription  ,  à  la  privation  d'une  belle 
bague. 

Il  efl  pourtant  vrai  que  depuis  le  renou- 
vellement des  beaux  arts ,  les  pierres  gra- 
ve'es  ont  été  recherchées  par  Jes  nations 
polies  de  l'Europe  avec  un  grand  empref- 
ièmcnt  ;  &  ce  goût  femble  même  avoir 
pris  de  nos  jours  une  nouvelle  vigueur. 
Il  n'y  a  prelque  point  de  prince  qui  ne 
fe  falTe  honneur  d'avoir  une  fuite  de 
pierres  grai'ées.  Celles  du  roi  &  celles  de 
l'impératrice  reine  de  Hongrie  ,  font  con- 
iidérables.  Le  recueil  de  M.  le  duc  d'Or- 
léans efî  très-beau.  On  vante  en  Angleterre 
les  pierres  gravées  recueilhes  autretois  par 
le  comte  d'Arundel ,  préfentement  entre 
les  mains  de  miladi  Germain  ,  celles  qu'a- 
voit  raflèmblé  milord  Pembrock  ,  &  la 
colledion  qu'en  avoit  fait  le  duc  de  Dé- 
vonshire  ,  l'un  des  plus  illuflres  curieux  de 
ce  fiecle. 

C'cft  néanmoins  l'Italie  qui  efl  encore 
remplie  àts  plus  magnifiques  cabinets  de 
pierres  gravées.  Celui  qui  avoit  été  formé 
par  \qs  princes  de  la  maifon  Farnefe ,  a 
tait  un  des  principaux  ornemens  du  cabinet 
du  Toi  des  deux  Siciles  ;  la  colledion  du 
palais  Barberin  ,  tient  en  ce  genre  un  des 
premiers  rangs  dans  Rome  qui ,  de  même 
que  Florence  &  Venife,  abonde  en  ca- 
binets particuliers  de  pierres  gravées.  Mais 
aucune  de  ces  collections  n'égale  celle  que 
poffédoit  le  grand  duc  ,  qui  paroît  être  la 
plus  finguliere  &  la  plus  complète  qu'on 
ait  encore  vue  ,  puifque  le  marquis  MalFei 
afîure  qu'elle  renferme  près  de  trois  mille 
pierres  gravées.  On  fait  que  les  plus  remar- 


P  I  E  8|r 

quables  fe  trouvent  dans  le  mufœum  jio- 
reminum  ,'  aufîl  faut-il  convenir  que  les 
peuples  d'Italie  font  à  la  fource  des  belles 
chofes.  Fait-on  la  découverte  de  quelque 
rare  monument ,  de  ceux  d'une  ville  même, 
d'un  Herculanum  y  par  exemple ,  elle  fe 
fait  pour  eux  :  ils  font  les  premiers  à  en 
jouir  ;  ils  peuvent  continuellement  étudier 
l'antique  qui  efl  fous  leurs  yeux  ;  &  comme 
leur  goût  en  devient  plus  sûr  &  plus  délicat 
que  le  nôtre ,  ils  font  aufli  généralement 
plus  fenfibles  que  nous  aux  vraies  beautés 
àes  ouvrages  de  l'art. 

11°.  Des   belles  pierres  gravées.  Pour 
avoir  des   pierres  gravées  y    exquifes   en 
travail,   il  faut  remonter  jufqu'au    temps 
des  Grecs  ;  ce  font  eux  qui  ont  excellé  en 
ce  genre  ,    dans   la  compofition  ,  dans  la 
corredion  du   deffin  ,   dans   l'expreffion  , 
dans  l'imitation  ,  dans  la  draperie ,  en  un 
mot  dans  tout  genre.   Leur  habileté  dans 
la  repréfentation  des  animaux,  efl  encore 
fupérieure  à  celle  de  tous  les  autres  peu- 
ples. Ils  étoient  mieux  fervis  que  nous  danS 
leurs  modèles,  &  ils  ne  faifoient  abfolu- 
ment  rien  fans  confulter  la  nature.  Ce  que 
nous  difons   de  leurs   ouvrages  au  fujet  de 
la  gravure  en  creux  ,  doit  également  s'ap- 
pliquer aux  pierres  gravées  en  relief,  ap- 
pellées  camées  ou    camaïeux.    Ces   deux 
genres   de  gravure  ont   toujours    chez  les 
Grecs  marché  d'un  pas  égal.  Les  Etrufques 
ne  les    ont  point  égalés  ;  &  les  Romains 
qui  n'avoient  point    l'idée  du   beau  ,   leur 
ont  été  inférieurs  à  .tous  égards.  Quoique 
curieux  à  l'excès  des  pierres  gravées  ,  quoi- 
que   foutenus  par  l'exemple    des  gr^aveurs 
grecs  qui  vivoient  parmi  eux  ,  ils    n'ont 
eu  en  ce  genre  que  des  ouvriers  médiocres 
de  leur    nation,  &  la   nature    leur   a  été 
ingrate.  Les  arts  illuflroient  en  Grèce  ceux 
qui  les  pratiqu oient  avec  fuccès  ;  les  Ro- 
mains   au  contraire  n'employoient  à  leurs 
fculptures  que  des  efclaves  ou  des  gens  du 
commun. 

12**.  De  la  plus  belle  pierre  gravée  ^on- 
nue.  La  plus  belle  pierre  gravée  fortie  des 
mains  des  Grecs  ,  &  qui  nous  efl  refiée  , 
efl ,  je  penfe  ,  la  cornaline ,  connue  fous  le 
nom  de  cachet  de  Michel-Ange.  C'efl  le 
plus  beau  morceau  du  cabinet  du  roi  de 
France ,  &  peut-être  du  monde.  On  dj? 
P  p  p  p  p  2. 


851  PIE 

qu'an  orfèvre  de  Bologne  en  Italie  ,  nommé 
jiugiiftin  Tajfi  y  l'eut  après  la  mort  de 
Michel- Ange  ,  &  la  vendit  à  la  femrne 
d'un  intendant  de  la  maifon  de  Médicis. 
Le  lieur  de  Bngarris  qui  a  été  garde  du 
cabinet  des  antiques  de  Henri  III ,  l'acheta 
huit  cents  écus ,  au  commencement  du 
dernier  fiecle  ,  des  héritiers  de  cette  dame 
qui  étoient  de  Nemours  :  le  fieur  Lauthier 
le  père  l'eut  après  la  mort  de  ces  antiquai- 
res ;  &  ce  font  lesenfans  dudit  fieur  Lau- 
thier ,  qui  l'ont  vendue  à  Louis  XIV. 
VoycT^  Cachet  de  Michel-Ange. 

13*,  ïyes  pierres  gravées  de  V ancienne 
Home.  Il  femble  par  ce  que  nous  avons 
remarqué  tout  à  l'heure  ,  qu'il  y  avoit  parmi 
\ts  Romains  une  forte  d'infuffifance  pour 
la  culture  des  arts.  J'ajoute  ,  que  ce  n'eft 
pas  la  feule  nation  qui  pour  avoir  poflédé 
les  plus  belles  chofes  ,  &  les  avoir  en  ap- 
parence aim^ées  avec  paillon ,  n'a  pu  four- 
nir ni  graads  peintres  ,  ni  grands  fculp- 
teurs.  Je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  dire  au 
fnjet  de  certaines  gravures  fur  le  cryftal 
par  les  modernes. 

14°.  Des  gravures  des  modernes  furie 
cryflal  en  particulier.  Les  graveurs  mo- 
dernes ont  gravé  en  creux  fur  des  tables 
de  cryilal ,  d'affez  grandes  ordonnances 
d'après  les  deflins  des  peintres  ,  &  l'on 
enchâiToit  enfuitc  ces  gravures  dans  des 
ouvrages  d'orfèvrerie  >  pour  y  tenir  lieu 
de  bas-reliefs. 

Il  faut  lire,  dans  le  Vafari ,  lesdefcrip- 
tions  qu'il  fait  d'un  grand  nombre  de  ces 
gravures  ,  qui  enrichilfoient  des  croix  & 
des  chandeliers  delbnés  pour  des  chapel- 
les ,  &  de  petits  coftres  propres  à  ferrer 
des  bijoux.  Valerio  Vicentini  en  avoit 
exécuté  un  qui  étoit  entièrement  de  cryf- 
tal ,  &  où  il  avoit  repréfenté  des  fujets 
tirés  de  l'hifloire  de  la  paffion  de  Notre- 
Seigneur.  Clément  VII  en  fit  préfent  à 
François  I,  lors  de  Tentrevue  qu'il  eut 
avec  ce  prince  à  Marfeille^  à  l'occalion 
du  mariage  de  Catherine  de  Médicis  >  fa 
nièce  ;  &  c' étoit  y  au  rapport  du  Vafari , 
un  morceau  unique  &  fans  prix.  {Le  Che- 
valier be  J  AU  COURT.  ) 

Pierre  GKkNtY.  factice  ^  {Gravure.) 
Voici  la  manipulation  ufitée  pour  faire  des 
pierres  gradées  faâices:  On  prend  du  blanc 


F  î  E 

'  qui  fe  trouve  chez, les  épiciers-droguifles 
en  gros  pains  ,  qu'ils  appellent  blanc  à^Ef^ 
pagne  ou  de  Rouen.  {  Voye\  BlaNC  , 
couleur  en  peinture  )  ;  on  l'humede  avec 
de  l'eau  ,  &  on  le  pétrit  pour  le  former 
en  gâteau  ,  à-peu-près  de  la  confiftance 
que  fe  trouve  la  mie  de  pain  frais  lorfqu'on 
la  pétrit  entre  les  doigts  ;  on  remplit  de 
ce  blanc  humeôè  un  anneau  de  fer  de  deux 
ou  trois  lignes  d'èpaifîèur ,  &  du  diamètre 
qui  convient  à  la  pierre  que  l'on  veut  mou- 
ler ;  fi  l'on  ne  veut  pas  faire  forger  des 
anneaux  de  fer  exprès  ,  ceux  qui  iè  trou- 
vent tout  faits  dans  les  cifeaux  y  font  très- 
propres  ,  on  n'a  bèfoin  que  de  les  en  dé- 
tacher ^\tQ  la  lime.  On  emplit  l'anneau 
de  cette  pâte  dans  lequel  on  la  prefîè  avec 
le  doigt;  on  met  enfuite  delTus  une  cou- 
che de  tripoli  en  poudra  feche ,  au  moins 
aflez  épaiflib  pour  fufïîre  au  relief  que  l'on 
veut  tirer.  On  le  ferr  pour  cela  d'un  cou- 
teau à  couleur,  pareil  à  ceux  des  peintres  ; 
on  prelTe  légèrement  le  tripoli  avec  le  cou- 
teau ,  &  on  met  deffus  ,  du  côté  de  la 
gravure,  \a  pierre  que  l'on  veut  mouler  , 
fur  laquelle  on  appuie  fortement  avec  le 
pouce,  ou  pour  mieux  faire  encore,  avec 
un  morceau  de  bois  tel  que  le  manche 
d'outil. 

Il  efî  efîèntiel  alors  de  foulever  un  peu 
tout  de  fuite  X'à  pierre  par  un  coin,  avec 
la  pointe  d'une  aiguille  enchâffée  dans  un 
petit  manche  de  bois^  &  après  l'avoir 
lailTée  encore  un  inlîant ,  on  la  fera  fauter 
totalement  de  deffus  fon  empreinte  avec 
la  pointe  de  l'aiguille ,  ou  on  l'en  déta- 
chera en  prenant  le  moule  avec  les  deux 
doigts  ,  &  en  le  renverfant  brufquement. 
Il  faut  beaucoup  d'adreffe  &  d'ufage  pour 
bien  faire  cette  dernière  opération.  Si  la 
pierre  ne  refle  pas  alfez  long-temps  fur  le 
moule  après  avoir  appuyé  delfus  ,  &  qu'on 
vienne  à  l'en  faire  fauter  avant  que  l'hu- 
midité de  la  pâte  du  blanc  d'Efpagne  ait 
atteint  la  furface  du  tripoli ,  le  renverfe— 
ment  de  la  pierre  caufera  du  dérangement 
dans  l'empreinte.  Si  la  pierre  refle  trop 
long-temps  fur  le  moule  après  avoir  ap- 
puyé delTus,  l'humidité  de  la  pâte  du 
blanc  d'Efpagne  gagne  tout-à-fait  les  creux 
de  la  gravure  ,  dans  lefquels  il  refle  infail- 
liblement des   parties  du  tripoli.  Il  faut 


\ 


P  I  E 

donc  ,  pour  réufllr  ,  que  le  renverfèment  de 
la  pierre  fe  fafle  dans  le  moment  où  l'hu- 
miclité  de  la  pâte  du  blanc  d'Efpagne  vient 
d'atteindre  la  furface  du  tripoli  ,  qui  tou- 
cliç  à  toute  la  furface  de  la  gravure  de  la 
pierre  que  l'on  peut  mouler. 

Si  l'on  ne  faif  t  pas  ce  moment ,  on 
manque  une  infinité  d'empreintes  ;  il  y  a 
même  des  pierres  que  la  profondeur  de  la 
gravure  rend  fi  difficiles  à  cet  égard ,  qu'on 
ti\  obligé ,  après  les  avoir  imprimées  fur 
le  tripoli  ,  de  les  laiffer  en  cet  état.jufqu'à 
ce  que  Je  tout  foit  parfaitement  Çqc  ,  avant 
de  tenter  de  féparer  la  pierre  de  l'em- 
preinte :  quoique  cette  pratique  foit  plus 
sûre  ,  il  faut  cependant  convenir  qu'elle 
ne  laifTe  pas  l'empreinte  auflî  parfaite  que 
l'autre  ,  quand  elle  efi  bien  exécutée. 

Le  choix  du  tripoli  eft  encore  une  chofe 
de  la  dernière  importance.  M.  Homberg  , 
dans  le  mémoire  qu'il  a  donné  parmi  ceux 
de  l'académie  des  fciences  en  1712  ,  veut 
que  l'on  fe  ferve  de  tripoli  de  Venifè  qui 
cft  ordinairement  jaune  ;  mais  il  s'en  trouve 
en  France  de  rougeâtre  qui  fait  le  même 
effet  :  il  faut  feulement  le  choifir  tendre 
&  doux  au  toucher  comme  du  velours  , 
en  rejetant  tout  celui  qui  feroit  dur  & 
qui  contiendroit  du  fable.  Il  ne  faut  pas 
tenter  d'en  ôter  le  fable  par  les  lavages, 
on  ôteroit  en  même  temps  une  onduofité 
qui  fait  que,  lorfqu'on  le  prefTe ,  (ts  parties 
ie  joignent  &  fe  collent  enfemble  ,  &  par 
ce  moyen  en  font  une  furface  aufîî  polie 
que  celle  du  corps  avec  lequel  on  le  prefTe. 
Il  faut  donc  fe  contenter  ,  aç)rès  avoir 
pafTé  le  tripoli  par  un  tamis  de  foie  très- 
fin  ,  de  le  broyer  encore  dans  un  mortier 
de  verre  ou  de  porcelaine  avec  un  pilon 
de  verre ,  fans  le  mouiller. 

Le  renverfement  de  la  pierre  que  l'on 
vient  d'imprimer  étant  fait ,  il  faut  en  con- 
lidérer  attentivement  la  gravure ,  pour  voir 
s'il  n'y  feroit  pas  refté  quelques  petites 
parties  du  tripoli  ;  dans  lequel  cas ,  comme 
CQS  parties  manqueroient  à  l'empreinte ,  il 
faut  recommencer  l'opération  en  remet- 
tant de  nouveau  blanc  d'Efpagne  dans 
l'anneau  &  de  nouveau  tripoli  defïùs» 

Lorfque  l'on  eft  content  de  l'empreinte , 
on  la  met  à  fecher  ;  &  quand  elle  efl  par- 
faitement feehe  ^  on  peut  avec  un  canif 


PIE  853 

cgalifer  un  peu  le  tripoli  qui  déborde  l'em- 
preinte, en  prenant  bien  garde  qu'il  n'en 
tombe  pas  fur  l'empreinte.  _ 

Lorfqu'on  fera  affuré  que  l'empreinte 
eft  bien  faite  &  le  moule  bien  fec  ,  on 
choifira  le  morceau  de  verre  ou  de  com- 
pofition  fur  lequel  on  veut  tirer  l'em- 
preinte ;  plus  les  verres  feront  durs  à 
fondre,  plus  le  poli  de  l'empreinte  fera 
beau.  On  raillera  le  morceau  de  verre  de  la 
grandeur  convenable  ,  en  l'égrugeant  avec 
de  petites  pinces ,  &  on  le  pofera"  fur  le 
moule  ,  en  forte  que  le  verre  ne  touche 
en  aucun  endroit  la  figure  imprimée  ,  qu'il 
pourroit  gâter  par  fon  poids. 

On  aura  un  petit  fourneau  pareil  à  ceux 
dont  fe  fervent  les  peintres  en  émail  , 
(  VoyeT^  Email)  ,  dans;  lequel  il  y  aura 
une  moufle  ;  on  aura  eu  foin  de  remplir 
ce  fourneau  de  charbon  de  bois  ,  de  façon 
que  la  moufle  en  foit  environnée  deffus  , 
defTous  ,  &  par  fes  côtés.  Lorfque  le  char- 
bon fera  bien  allumé  &  la  moufle  très- 
rouge  ,  on  mettra  le  moule  ,  garni  du 
morceau  de  verre  fur  lequel  on  veut  tirer 
l'empreinte  ,  fur  une  plaque  de  tôle  ,  &  on 
l'approchera  ainfî  par  degrés  de  l'entrée 
de  la  moufle ,  au  fond  de  laquelle  on  le 
portera  tout-à-fait  lorfqu'on  le  jugera  afTez 
chaud  pour  que  la  grande  chaleur  ne  fafîe 
pas  cafïèr  le  morceau  de  verre  ;  on  bou- 
chera alors  l'entrée  de  la  moufle  avec  un 
gros  charbon  rouge ,  de  façon  cependant 
qu'il  fe  trouve  un  petit  intervalle  par  le- 
quel on  puifTe  obferver  le  verre.;  Lorfque 
le  verre  paroîrra  luifant ,  &  que  fes  angles 
commenceront  à  s'émouffer  ,  on  retirera 
d'une  main  avec  à^s  pincettes  la  plaque 
de  tôle  ;  &  avec  l'autre  main  ,  fur  le  bord 
même  du  fourneau  ,  fans  perdre  de  temps  , 
on  prefïèra  fortement  le  verre  avec  uvt 
morceau  de  fer  plat  que  l'on  aura  tenu, 
chaud. 

L'imprelîlon  étant  finie ,  on  lai^fîêra  le, 
tout  à  l'entrée  du  fourneau  ,  afin  que  le 
verre  refroidifîê  par  degrés,  fans  quoi  il 
feroit  fujet  à  cafïèr. 

Si  l'on  veut  copier  en  creux  une  pUnb 
qui  efl  en  relief,  ou  en  relief  une  pierre 
quieft  en  creux  ;  il  faut  en  prendre  une 
empreinte  exade  avec  de  la  cire  d  Efpa- 
gtie  j  ou  avec  du  foufte.  fondu,  avec  ua  p^a. 


854  PIE 

de  minium.  Il  faut  abattre  avec  un  canif 
&  une  lime  ce  qui  aura  débordé  l'em- 
preinte ,  &  on  le  (êrvira  de  cette  erp- 
preinte  de  cire  d'Efpagne  ou  de  foufre 
pour  imprimer  fur  le  rripoli. 

Comme  par  le  procédé  que  l'on  vient  de 
donner ,  on  voit  que  Ton  ne  peut  avoir  que 
des  pierres  d'une  couleur ,  on  va  donner 
celui  qu'il  f^iut  iuivre  pour  imiter  les  variétés 
&  les  difterens  accidens  que  l'on  voit  dans 
les  camées. 

Les  agates  onix  dont  on  forme  les  ca- 
mées ,  étant  compofées  de  couches  de 
différentes  couleurs  ,  &  n'étant  point  trani- 
parentes  ,  on  a  pris  pour  les  imiter  des 
morceaux  du  verre  colorié  dont  on  fe  fer- 
voit  pour  compofer  les  vitres  des  églifes  ; 
on  a  rendu  ces  verres  opaques  en  les  flra- 
tifiant  dans  un  creufet  avec  de  la  chaux 
éteinte  à  l'air ,  du  plâtre  ,  ou  du  blanc 
d'Efpagne,  c'eft-à-dire  ,  en  mettant 
alternativement  un  lit  de  chaux  ou  de  plâ- 
tre, &  un  lit  de  verre.  En  expofant  ce 
creufet  au  feu  afléz  fort  ,  ces  verres  de- 
viennent opaques  en  confervant  leurs  cou- 
leurs ;  &  ceux  qui  n'en  avoicnt  point  de- 
viennent d'un  bianc  de  lait  comme  l'émail 
ou  la  porcelaine. 

Si  le  feu  a  été  bien  ménagé  dans  le 
commencement ,  &  qu'on  ne  l'ait  point 
poufle  trop  fort  fur  la  fin ,  ces  verres 
opaques  font  encore  fufceptibles  d'entrer 
en  fonte  à  un  plus  grand  feu  ;  on  peut 
donc  fouder  les  uns  fur  les  autres  ceux  de 
différentes  couleurs  ,  &  par^  ce  moyen 
imiter  les  lits  de  différentes  couleurs  que 
l'on  rencontre  dans  les  agates  onix.  On 
rencontre  même  dans  les  vitrages  peints 
des  anciennes  églifes  ,  des  morceaux  de 
verres  dans  lefquels  la  couleur  n'a  pénétre 
que  la  moitié  de  leur  épailïèur  ;  les  pour- 
pres ou  couleur  de  vinaigre  font  tous  dans 
ce  cas  ainfi  que  plufieurs  bleus.  Lorfque 
ces  verres  font  devenus  opaques ,  ainfi 
qu'on  l'a  dit ,  la  partie  qui  n'a  point  été  ■ 
pénétrée  de  la  couleur ,  fe  trouve  blanche 
&  forme  avec  celle  qui  étoit  coloriée  deux 
lits  difFérens ,  comme  on  en  voit  dans  les 
agates  onix  :  lorfqu'on  ne  veut  point  fou- 
der cnfemble  les  verres  de  différentes  cou- 
leurs ,  il  faut  travailler  fur  ceux-là.  Avant 
que  de  fe  fervir  de  ces  verres  qui  ont  des 


P  I  E 


couches  de  différentes  couleurs  ,  il  faut 
les  faire  pafiér  fur  la  roue  du  lapidaire  , 
&  manger  de  la  furface  blanche  qui  elï 
deffinée  à  repréfenter  les  figures  du  relief 
du  camée  ,  jufqu'A  ce  qu'elle  foit  réduite 
à  une  épaifîeur  plus  mince  ,  s'il  efl  pofJGble , 
qu'une  feuille  de  papier. 

On.  pofé  ce  verre  du  côté  de  la  furface 
blanche  que  l'on  a  rendue  fi  mince  ,  fur 
le  modèle  dans  lequel  eu  l'empreinte  de 
la  gravure  qu'on  veut  imiter^  on  le  fait 
chauffer  dans  la  moufle  ,  &  on  l'imprime 
de  la  manière  que  l'on  a  dit  ci-devant. 

Les  verres  que  l'on  a  rendus  opaques  , 
en  fuivant  le  procédé  ci-^efîùs,  étant  alors 
fufceptibles  d'être  travaillés  au  touret ,  on 
y  applique  la  pierre  dont  on  vient  de  par- 
ier ;  &  avec  les  mêmes  outils  dont  on  fe 
fert  pour  la  terre  en  pierres  fines  ,  on 
enlevé  aifémcnt  tout  le  blanc  du  champ 
qui  déborde  le  relief,  &  les  figures  paroii- 
fènt  alors  ifoiées  fur  un  champ  d'une  cou- 
leur différente  ,  comme  dans  les  camées. 

Si  l'on  ne  vouloit  imiter  qu'une  fimple 
tête  ,  qui  ne  fût  pas  trop  difficile  à  chan- 
tourner ,  on  pourroit  fé  contenter  ,  après 
avoir    moulé    cette  tête  ,    de    l'imprimer 
enfuite  fur  un  morceau  de  verre   opaque 
blanc.  On  feroit  enfuite  pafîér    ce   verre 
imprimé  fur  la  roue  du  lapidaire  ,  &   on 
l'uferoir  par   derrière   avec  l'émeril  &  de 
l'eau  ,  jufqu'à  ce    que  toute  la  partie  qui 
fait  un   champ  à  la  tête  ,   fe   trouvât  dé- 
truite ,  &  qu'il  ne  refiât  abfolument    que 
le  relief.  S'il  fe  trouve  après  cette  opéra- 
tion qu'il  <bit   encore   demeuré   quelque 
petite  partie  du  champ  ,  on  l'enlevé  avec 
la  lime  ou  avec  la  pointe  des  cifeaux  ;  on 
applique    cette    tête  ainfi   découpée  avec 
foin  fur  un  morceau  de  verre  opaque  d'une 
couleur  différente  ;   on  l'y  colle  avec  de 
la  gomme  ;  &  quand  elle  y  efl  bien  adhé- 
rente ,   on  pofe  le  verre    du   côté   de   la 
tête  fur  un  moule  garni  de  tripoli ,  &  on 
l'y  preflè  comme  fi  on  l'y  vouloit  mouler  : 
mais  au  lieu  de  l'en  retirer  ,  comme  on  fait 
quand  on  prend  une  empreinte  ,  on  laifTe 
fécher  le  moule   toujours  couvert  de  fon 
morceau  de  verre  ;  &  lorfqu'il  eft  fec  ,  on 
l'enfourne  fous  la  moufle  ,  &  on  le  prefTe 
avec  la  fpatule  de  fer  lorfqu'il  efl  en  fufion , 
1  ainfi  qu'il  a  été  expliqué   ci-devant.   La 


P  I  E 

gomme  qui  attachoit  la  tête  fur  le  fond  fè 
brûle  ;  ainfi  ks  deux  morceaux  de  verre  ^ 
celui  qui  forme  le  relief  &  celui  qui  lui 
doit  fervir  de  champ  ,  n'étant  plus  féparcs  , 
s'unifTent  étroitement  en  fe  fondant ,  fans 
qu'on  puiffe  craindre  que  dans  cette  fonte 
le  relief  puifTe  fouffrir  la  moindre  altéra- 
tion ,  puifque  le  tripoli ,  en  l'enveloppant 
de  toutes  parts  ,  lui  fert  comme  d'une 
chape  ,  &  ne  lui  permet  pas  de  s'écarter. 
Si  on  vouloit  que  quelques  parties  du  relief, 
comme  les  cheveux  ,  fulïènt  d'une  couleur 
différente  ,  il  fuffit  d'y  mettre  au  bout  d'un 
tube  de  verre  un  atome  d'une  dlflblution 
d'argent  par  l'efprit  de  nitre  ,  &  faire  en- 
fuite  chauffer  la  pierre  fous  la  moufle  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  très-chaude  fans  rou- 
gir. Il  faut  feulement  prendre  garde  que 
la  vapeur  de  l'efprit  de  nitre  ne  colore 
le  relie  de  la  figure. 

Les  verres  tirés  des  anciens  vitrages 
peints  des  éghfes  ,  font  ce  qu'il  y  a  de 
meilleur  pour  faire  ces  efpeces  de  camées  : 
il  efl  vrai  qu'ils  .ont  befoin  d'un  très-grand 
feu  pour  les  mettre  en  fonte  quand  ils  ont 
été  rendus  opaques  ,  comme  on  l'a  dit  ; 
mais  ils  prennent  un  très-beau  poH  ,  &c 
ne  font  pas  plus  fufceptibles  d'être  rayés  que 
les  véritables  agates. 

Pierres  précieuses,  (ffifl.  nat. 
Minéral.  )  C'efl  ainfi  que  l'on  nomme  des 
pierres  à  qui  leur  dureté  ,  leur  tranfpa- 
rence  ,  leur  éclat  ,  leurs  couleurs  &  leur 
rareté  ont  fait  attacher  un  prix  confidérable 
dans  le  commerce  ;  c'ell  fuivant  toutes  ces 
circonftances  que  l'on  a  affigné  divers  rangs 
aux  pierres  pre'cieufes. 

Les  yr^i^QS  pierres  pre'cieufes  ào'wtnt  avoir 
de  la  tranfparence  &  de  la  dureté  ;  c'efl 
fur-tout  par  cette  dernière  qualité  qu'elles 
différent  du  cryllal.  Cette  dureté  fuppoic 
des  parties  plus  denfes  &  plus  rapprochées, 
ce  qui  doit  produire  néceffaircment  un  plus 
grand  poids  fous  un  même  volume.  L'ho- 
mogénéité des  parties  doit  encore  produire 
dans  les  pierres  pre'cieufes  la  tranfparence 
&  l'éclat  :  c'efl  ce  qu'on  appelle  eau  en 
langage  de  lapidaire  ;  &  c'efî  le  plus  ou  le 
moins  de  tranfparence  ou  de  netteté  de 
ces  pierres  qui  avec  leur  dureté  augmente 
ou  diminue  confidérablement  le  prix  qu'on 
y  attache. 


PIE  8yy 

Lqs  vraies  pierres  pre'cieufes  font  le  dia- 
mant ,  le  rubis  ,  le  faphir  ,  la  topafe  , 
l'émeraude  ,  la  chryfolite  ,  l'améthyfte  , 
l'hyacinthe ,  le  péridot  ,  le  grenat ,  le  be- 
rille  ou  aigue-mârine.  Voye^  ces  digérais 
articles. 

Toutes  ces  pierres  fe  trouvent ,  ou  dans 
le  fein  de  la  terre  ,  ou  dans  le  lit  de  quel- 
ques rivières  ,  au  fable  defquelles  elles  font 
mêlées;  elles  ne  peuvent  pour  l'ordinaire 
être  reconnues  que  par  ceux  qui  font  ha- 
bitués à  les  chercher.  C'ell  fur-tout  dans 
les  Indes  orientales  que  l'on  trouve  lesr 
pierres  pre'cieufes  les  plus  dures  &  les  pkis 
eftimces  ;  les  îles  de  Bornéo  ,  ks  royau- 
mes de  Bengale ,  de  Golconde  ,  de  Vifapour 
&  de  Pégu  ,  ainfi  que  l'île  de  Ceylan , 
en  fourniflènt  afïèz  abondamment.  Quant 
à  celles  que  l'on  trouve  dans  les  autres 
parties  du  monde ,  elles  n'ont  communé- 
ment ni  la  dureté  ,  ni  l'éclat ,  ni  la  tranf- 
parence des  pierres  pre'cieufes  qui  viennent 
de  l'orient.  C'ell-là  dt  qui  a  donné  lieu  à 
la  diflindion  que  font  les  jouaillers  &  les 
lapidaires  de  ces  pierres  en  orientales  & 
en  occidentales;  dillindion  qui  n'cfl  fondée 
que  fur  leur  plus  ou  moins  de  dureté.  Ainfi 
quand  un  lapidaire  dit  qu'une  pierre  pré- 
cieufe  eft  orientale  y  if  ne  faut  point  ima- 
giner pour  cela  qu'elle  vienne  réellement 
d'orient  ;  mais  il  faut  entendre  par-là  que 
•fa  dureté  elî  la  même  que  celle  des  pierres 
de  la  même  nature  qui  viennent  de  ces 
climats.  Cette  obfervation  efl  d'autant  plus 
vraie  ,  qu'il  s*êfl  trouvé  en  Europe  même  & 
dans  l'Amérique ,  des  pierres  pre'cieufes  qui 
avoient  la  dureté  &  l'éclat  de  celles  des 
Indes  orientales.    • 

Il  efl  très -difficile  de  rendre  raifbn 
pourquoi  les  Indes  font  plus  difpofées  que 
d'autres  pays  à  produire  àts  pierres  pre'- 
cieufes ;  il  paroît  en  général  que  \qs  cli- 
mats les  plus  chauds  font  plus  propres  à 
leur  formation  que  les  autres  ,  foit  que  la 
chaleur  du  foleii  y  contribue  ,  foit  que  la 
nature  du  terrain  y  foit  plus  appropriée  , 
&  les  fucs  lapidifiques  plus  atténués  &  plus 
élaborés.  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  paroît  cer- 
tain que  toutes  les  pierres  pre'cieufes  ont 
la  même  origine  que  les  cryflaux  ;  lorfqu-'on 
les  trouve  dans  leurs  matrices  ou  minic- 
,  res  ,  elles    affedent    toujours  une   figure 


§5^  PIE       ' 

régulière  &  déterminée  qui  varie  >  étant  / 
r^^ntôr  prifmatiques ,  tantôt  cubiques ,  tan-  ' 
tôt  en  rhomboïde  ,  ^c. 

A  l'égard  des  pierres  precieufes  qui  fe 
trouvent  dans  le  lit  des  rivières  ,  &  mêlées 
dans  le  fein  de  la  terre  avec  le  fable ,  on 
fent  aifément  que  ce  n'efî  point  là  le  lieu 
de  la  formation  ;  ces  pierres  qui  font  rou- 
lées &  arrondies  comme  les  cailloux  ordi- 
naires ,  doivent  avoir  été  apportées  d'ail- 
leurs par  les  torrens  &  les  eaux  ,  qui  les 
ont  arrachées  des  roches  &  des  montagnes 
où  elles  avoient  pris  naillance.  On  a  remar- 
qué que  c'eft  à  la  fuite  des  fortes  pluies  que 
l'on  trouvoit  plus  communément  Iqs  pierres 
precieufes^  les  topafes  &  les  grenats  dans  le 
lit  àts  rivières  de  l'île  de  Ceylan.  On  aiTure 
qu'il  fe  trouve  en  Bohême  des  cailloux  au 
centre  defquels  on  voit  des  rubis  lorlgu'on 
vient  à  les  calïèr.  Ce  fait  prouve  que  cts  rubis 
ne  font  autre  chofe  que  la  matière  la  plus 
épurée  de  ces  cailloux  qui  s'efl  ralîembléeà 
leur  centre, 

lues  pierres  precieufes  varient  pour  la 
couleur  ;  les  rubis  font  rouges  ,  \qs  topafes 
(ont  jaunes  ,  les  émeraudes  font  vertes  , 
les  faphirs  font  bleus  ,  ^c.  On  ne  peut 
douter  que  ces  différentes  couleurs  ne  foient 
dues  aux  métaux ,  qui  feuls  dans  le  règne 
minéral  ont  la  propriété  de  colorer.  Comme 
ces  fubflances  font  difiérentes  de  celles  qui 
conllituent  les  pierres  precieufes^  il  n'efî^ 
point  furprenant  que  les  pierres  colorées 
n'aient  point  communément  Ja  même  du- 
reté que  le  diamant  ,  qui  efl  pur  ,  tranf- 
parent ,  &  compofé  de  parties  purement 
homogènes. 

Une  des  chofes  qui  Contribuent  le  plus 
au  prix  des  pierres  precieufes  y  c'efl  leur 
grandeur.  En  effet  ,  fi  ces  pierres  font 
rares  par  elles-mêmes ,  celles  qui  font  d'une 
certaine  grandeur  font  moins  communes 
encore.  On  pourroit  en  rendre  une  raifon 
affez  naturelle  ,  en  difant  que  les  pierres 
precieufes  font  pour  ainfi  dire  l'extrait  ou 
i'efîence  d'une  grande  mafTe  de  matière 
lapidifique  ,  dont  la  partie  la  plus  pure  & 
la  plus  parfaite  ne  peut  former  qu'un  très- 
petit  volume  lorfqu'ellc  a  été  concentrée 
&  rapprochée  par  l'évaporation  infenfible 
qui  lui  a  donné  la  confiftance  d'une 
pierre. 


PI  E 

Le  grand  prix  des  pierres  précieufe» 
n'avoit  point  permis  jufqu'à  préfent  aux 
chyinifîes  d'en  tenter  les  analyfes  par  le 
moyen  du  feu  :  une  entreprife  fi  coûteufe 
éfoit  réfèrvée  à  àçs  fbuverains  ;  elle  a  été 
tentée  à  Vienne  depuis  quelques  années  , 
par  l'empereur  François  I  ,  aduellemenc 
régnant,  dont  le  goût  pour  le  progrès  des 
fciences  efl  connu  de  tout  le  monde.  Par 
\ts  ordres  de  ce  prince  on  mit  plufieurs 
diamans  &  rubis  dans  des  creufets  termi- 
nés en  pointe ,  que  l'on  eut  foin  de  luter 
avec  beaucoup  d'exaditude ,  on  les  tint 
au  degré  de  feu  le  plus  violent  pendant 
vingt-quatre  heures  ;  au  bout  de  ce  temps  , 
lorfqu'on  vint  à  ouvrir  les  creufets  ;  on 
vit  avec  furprife  que  les  diamans  étoient 
totalement  difparus  ,  au  point  de  n'en 
trouver  aucun  veftige.  Quant  aux  rubis  , 
on  les  retrouva  tels  qu'on  les  avoit  mis  ; 
ils  n'avoient  éprouvé  aucune  altération  : 
fîjr  quoi  on  expofa  encore  un  rubis  pen- 
dant trois  fois  vingt-quatre  heures  au  feu 
le  plus  violent ,  qui  n'y  pfoduifit  pas  plus 
d'effet  que  la  première  fois  ;  il  fortit  de 
cette  épreuve  fans  avoir  rien  perdu  ni  de 
fa  couleur  ,  ni  de  fon  poids  ,  ni  de  fon  poli. 

L'empereur  a  fait  faire  la  même  expé- 
rience de  la  même  façon  ,  fur  plus  de 
vingt  pierres  precieufes  de  différentes 
efpeces  ;  de  deux  heures  en  deux  heures  on 
en  retiroit  une  du  feu  ,  afin  de  voir  les 
difFérens  changemens  qu'elles  pouvoicnt 
fucceffivement  éprouver.  Peu-à-peu  le 
diamant  perdoit  fon  poli  ,  devenoit  feuil- 
leté ,  &  enfin  difparoifîbit  totalement  ; 
l'émeraude  étoit  entrée  en  fulion  ,  &  s'étoit 
attachée  au  fond  du  creufet,  quelques  autres 
pierres  s'étoient  calcinées ,  &  d'autres 
étoient  demeurées  intades.  Avant  de  faire 
ces  expériences,  on  avoit  eu  la  précaution 
de  prendre  àts  empreintes  exades  de 
toutes  ces  pierres  p  afin  de  voiries  altéra- 
tions qu'elles  éprouveroient. 

Le  grand  duc  de  Tofcane  avoit  déjà 
antérieurement  fait  faire  des  expériences 
fur  la  plupart  des  pierres  precieufes  y  en 
les  expofant  au  foyer  d'un  miroir  ardent 
de  Tfchirnhaufen.  Ces  opérations  peuvent 
fèrvir  de  confirmation  à  celles  qui  ont 
été  rapportées  ci-deffus  faites  au  feu  ordi- 
naire.   On    trouva  donc  que  le  diamant 

réfifloic 


PIE 

réfiiîoit  moins  à  raâion  du  feu  fblaire  que 
toutes  ]çs  autres  pierres  pre'cieufes  ;  il 
commençoit  toujours  par  perdre  fon  poli , 
fon  éclat  &  fa  tranfparcnce  ;  il  devenoit 
enfuite  blanc  &  d'une  couleur  d'opale  ;  il 
ie  gerçoit  &  fè  mettoit  en  éclats ,  &  en 
petites  molécules  triangulaires  ,  qui  s'écra— 
foient  fous  la  lame  d'un  couteau  ,  &  fe 
réduifoient  en  une  poudre  dont  les  parties 
étoient  imperceptibles ,  &  qui  ,  confidérées 
au  microfcope  ,  avoient  la  couleur  de  la 
poudre  de  la  nacre  de  perle.  Tous  les 
diaraans  fubiffoient  cts  mêmes  change- 
mens  ,  \ts  uns  plutôt ,  \qs  autres  un  peu 
plus  tard. 

Enfin  on  efîâya  de  joindre  au  diamant 
difFérens  fondans  ;  on  commença  par  du 
\errQ  ,  qui  ne  tarda  point  à  entrer  en 
fufion  au  miroir  ardent ,  mais  le  diamant 
nageoit  à  fa  furfacô ,  fans  faire  aucune 
union  avec  lui  ;  on  chercha  à  l'enfoncer 
dans  la  matière  fondue  ,  mais  ce  fut  inu- 
tilement :  le  diamant  diminua  peu-à-pcu , 
&  fe  diffipa  à  la  fin  comme  dans  les  ex- 
périences dans  Icfquelles  on  n'avoit  point 
employé  de  verre. 

On  ne  réuffit  pas  mieux  a  faire  entrer 
le  diamant  en  fufion  ,  en  le  mêlant  foit 
avec  de  la  fritte  de  verre  ,  foit  avec  du 
fel  de  tartre  ,  foit  avec  du  foufre  ,  foit 
avec  du  plomb  ;  il  repouiîa  confiammcnt 
tous  ces  fondans  ;  il  ne  fit  non  plus  au- 
cune union  ni  avec  les  métaux  ,  ni  avec 
les  pierres  y  de  quelque  nature  qu'elles  fuf- 
fent ,  ni  avec  le  vitriol ,  l'alun  ,  le  nitre  ,  le 
fel  ammoniac  ;  en  un  mot  ,  jamais  le  dia- 
tnanr  ne  marqua  la  moindre  difpofition  à 
entrer  en  fufion. 

Le  rubis  réfifla  beaucoup  mieux  que 
le  diamant  à  l'adion  du  feu  folaire ,  qui 
ne  fit  que  changer  fa  couleur  &  le  ra- 
mollir ,  fans  lui  rien  faire  perdre  de  fon 
poids.  On  trouvera  ces  expériences  à  V ar- 
ticle Rubis. 

Des  émeraudcs  expofées  à  cette  même 
chaleur  ,  ne  tardèrent  pas  à  entrer  en 
fufion  ;  elles  commencèrent  par  devenir 
blanches  ,  &  par  former  des  bulles  ;  la 
couleur  &  la  tranfparence  difparurcnt ,  & 
ces  pierres  paflerent  par  différentes  nuan- 
ces ,  fuivant  le  temps  qu'elles  furent  ex- 
pofées à  l'adion  du  feu.  Ces  pierres 
Tome  XXK 


PIE  .      F57 

deviennent  par-là  très-cafîantes  &  très-ten- 
dres ,  au  point  de  pouvoir  en  détacher  des 
parties  avec  l'ongle.  Voye-{  giornale  de 
leueran  d'Italia  ^  tom.  IX.  (  —  ) 

Gravure  ,  auteurs  fur  l'art  de  la 
gravure.  Pomponii  Gaurici  Neapolitani 
de  fculptura  y  feu  ftatuaria  y  libellus  , 
Florentine  i  £o4-y  in-S".  Item  {fecunda 
editio  emenaatior  y  curante  Cornelio  Gra- 
pheo),  Antuerpice  z£z8y  in-S^.  Le 
même  ouvrage  dans  le  tom.  IX  du  recueil 
des  antiquités  grequcs. 

Aldus  Manutius  de  ccelaturâ  Ù  piciurâ 
veterumy  dans  le  tom.  IX  du  recueil  à^s 
antiquités  greques. 

Ludovici  Demontiofii  Gallus  Romce 
hofpes  y  ubi  multa  antiquorum  monumenta 
explicantur.  Romce  z  ^8 ^  y  in-4°.  cum 
fig.  Item.  La  partie  de  cet  ouvrage  qui 
traite  àts  arts ,  ayant  le  deffin  pour  objet , 
à  la  fuite  de  la  da^yliotheca  de  Gorlée  ; 
&  dans  le  tom.  IX  de  la  coUedion  des 
antiquités  greques  ,  fous  ce  titre  :  Lud. 
Demontiofii  de  veterum  fculptura  y  ccela- 
turâ  gemmarum  y  fculptura  Ù  picturâ , 
lihri  duo. 

JuUi  Caifaris  Bellengeri,  de  piclurâ  , 
plaflice  y  ^  Jîatuariâ  y  libri  duo.  Lugduni 
i  6zj  y  in-S**.  &  dans  le  tom.  IX  du 
recueil  des  antiquités  greques. 

De  la  gravure  fur  les  pierres  pr(cieufts 
Ù  fur  les  cryfiaux  y  ch.  viij  y  du  liv.  II  y 
des  principes  de  V architecture  y  de  lafculp- 
ture  &  de  la  peinture  y  par  André  Félibien; 
féconde  édition  augmentée.  Paris  i6qo  y 
in-4*. 

De  modo  cœlandi  gemmas  y  ch.  xxvii]  ^ 
du  livre  intitulé  :  Diffenatio  glyptogra- 
phica.  Romce  ,  tJ39y  in-4®. 

Manière  de  copier  fur  le  verre  les  pierres 
gravées  y  par  Guillaume  Humberg  ,    dans 
les  me'm.  de  l'acad.  roy.  des  fcienc.  année  ' 
zjzz.  Paris  ,  in-4*. 

Vie  des  graveurs.  Vafari  Giorgio  nous 
a  donné  les  vies  des  illuftres  peintres  , 
graveurs  &  architeâes  ,  à  Boulogne  1647  , 
3  vol.  in-4'*.  On  en  trouvera  la  fuite  dans 
un  ouvrage  du  chevalier  Vettori  ,  dans 
une  differtation  latine  fur  les  pierres  gra- 
vées, A  Rome  zy^d  y  in-4®. 

Nous    avons    quantité    de    cabinets  de 
pierres  gravées  >   publiés  en  Italie  ,  dans 
Qqqqq 


$S^  PIE 

ks  Pays-Bas,  en  Allemagne,  en  Angle- 
terre ,  &  en  France. 

Gaurici  {Pomponii  y  &c.  )  Pomponio 
Gaurico  ,  né  à  Gifoni  ,  bourg  dans  le 
royaume  de  Naples  ,  avoir  écrit  ce  traité 
fur  la  fculpture  ,  dont  la  première  édi- 
tion eil  de  Florence  1504.  Quoiqu'il  dife 
qu'il  raanioit  lui-  même  le  cii'eau  ,  il  pa- 
roît  qu'il  le  manioit  fort  mal.  Son  livre 
mis  en  dialogue  efl  auffi  inutile  que  mal 
écrit. 

Minutius  Albus  ,  &c.  Son  livre  ne  peut 
întérefTer  tout  au  plus  que  des  grammai- 
riens. 

Bullengerii  (  Julii  Ccefaris  y  &c.  )  Ce 
qui  a  été  dit  par  le  Jefuitc  Julate  -  Céfàr 
Boulanger  ,  dans  Ton  traité  far  la  peinture 
Ù  la  fculpture  des  anciens  ^  eft  encore 
beaucoup  plus  fuperficiel. . 

Demontiofii  (Ludoi'ici)  ;  Louis  de  Mon- 
jofieu ,  loué  dans  M.  de  Thou ,  étoir  un 
habile  antiquaire  ,  &  à  l'occafion  de  la 
fculpture  ,  il  parla  des  pierres  grai'ées  ; 
mais  il  n'a  prefque  fait  que  tranfcrire  à  la 
fin  de  fa  dijfertation  latine  fur  la  fculpture 
des  anciens ,  k  peu  de  chofe  qu'il  avoit  lu 
dans  Pline  concernant  l'art  de  la  gravure 
en  pierres  fines. 

Si  tous  ces  auteurs  avoient  eu  bien  fé- 
rieulèmentle  defîêin  d'inflruire ,  ils  dévoient 
s'en  rapporter  moins  à  leurs  propres  lumiè- 
res ,  &  confulter  davantage  les  gens  de 
l'art  ;  ils  fe  lèroient  exprimés  plus  perti- 
nemment. C'eft  le  parti  fage  qu'ont  pris 
M.  Félibicn  &  M.  le  chevalier  de  Vettori , 
&  qui  leur  a  réuffi  lorfqu'ils  nous  ont  ex- 
pofe  fous  les  yeux  toutes  les  différentes 
opérations  manuelles  de  la  gravure  en 
pierres  fines  ;  le  premier  dans  its  principes 
des  arts  ,  &  le  fécond  dans  une  dijferta- 
tion fur  les  pierres  gravées  y  dont  j'aurai 
occaîion  de  parler  plus  d'une  fois.  On  peut 
-auffi  fe  fier  à  M.  Humberg  ,  quand  on 
voudra  faire  à^s  copies  fur  verre  des 
pierres  gravées.  La  méthode  qu'il  tnÇtignt 
dans  un  mémoire  qui  fait  pariie  de  ceux 
de  l'académie  royale  des  fciences  ,  efl 
fondée  fur  l'expérience  j  le  favant  acadé- 
micien n#  rapporte  rien  qu'il  n'ait  prati- 
qué lui-même. 

Taille  ^w  Di  AMANT  ,  (  Art  du  la- 
fiàajre.  }  la  taille  du  diamant  efl  le  poli , 


P  I  E 

le  brillant  &  la  forme  qu'on  donne  sux 
diamans  bruts  par  le  fecours  de  l'art. 

C'efl:  une  découverte  moderne  y  qui  n'efl 
point  le  produit  de  la  recherche  des  gens 
qu'on  nomme  dans  le  monde  gens  d'efprity 
ni  même  des  philofophes  fpéculatifs.  Ce 
n'efl  pas  à  eux  que  nous  en  forames  rede- 
vables ,  non  plus  que  des  inventions  les 
plus  étonnantes  ;  mais  au  pur  hafard  ,  à 
un  inflind  méchanique  ,  à  la  patience  , 
au  travail  &  à  (qs  refTources.  Nous  indi- 
querons bientôt  ,  d'après  M.  Mariette  ,  la 
manière  dont  cette  découverte  a  été  faite 
il  n'y  a  pas  encore  300  ans  ,  fuivie  &: 
conduite  au  point  de  perfedion  où  elle 
efl  aujourd'hui.  L'encyclopédie  ,  s'il  m'elt 
permis  de  répéter  ici  les  paroles  des  édi- 
teurs de  cet  ouvrage  ,  "  l'encyclopédie 
»  fera  l'hifloire  des  richefles  de  notre 
n  fiecle  en  ce  genre  ;  elle  la  fera  &  à  ce 
»  fiecle  qui  l'ignore  ,  &  aux  fiecles  à  venir 
»  qu'elle  mettra  fur  la  voie  pour  aller  plus 
n  loin.  Les  découvertes  dans  les  arts  n'au— 
»  ront  plus  à  craindre  de  fe  perdre  dans 
»  l'oubli. « 

Perfonne  n'ignore  que  le  diamant  efB 
la  plus  compadc  ,  &  par  conféquent  la 
plus  dure  de  toutes  les  produdions  de  la 
nature.  11  entame  tous  les  autres  corps  ^ 
&  ne  peut  l'être  que  par  lui-même  ;  & 
s'il  a  fîir  eux  de  l'avantage,  il  en  efî 
redevable  à  cette  extrême  dureté  ,  puif^ 
que  c'efl  elle  qui  lui  procure  ce  feu  étin- 
celant  dont  il  paroît  pénétré.  Le  diamant 
fe  tire  de  la  raine  ordinairement  brut ,  & 
refîemble  alors  k  un  fimple  caillou  ;  oa 
n'en  rencontre  point  communément  aux- 
quels la  nature  ait  elle  -  même  donijé  la 
taille  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'ils  foient  polis  ,  que 
la  nature  y  ait  concouru  ,  &  dont  les  faces 
foient  régulièrement  formées  '-,  mais  il  s'en 
préfente  cependant  quelquefois  où  la  taille 
paroît  indiquée  ,  &  qui  ayant  roulé  parmi 
les  fables  dans  le  lit  des  rivières  rapides  y 
fe  trouvent  polis  naturellement ,  &  tout 
à  fait  tranfparens  :  quelques-uns  même  font 
facettés.  Ces  Çonts  de  diamans  bruts  fè 
nomment  bruts  ingénus  ;  &  lorfque  leur 
figure  eft  pyramidale  &  fè  t<;riTiine  en 
pointe  ,  on  les  appelle  pointes  naïves. 

Il  n'y  a  pas  d'apparence  que  les  an- 
ciens aient  reconnu  &   recherché  d'autirea 


PI  E 

d'iamans  que  ces  derniers  ;  les  quatre  qui 
enrichiflent  l'agrafFe  du  manteau  royal  de 
Charlemagne  ,  qu'on  conferve  au  tréfor 
de  Saint-Denis  ,  ne  font  que  ces  pointes 
ndïies.  Tout  imparfaits  qu'étoient  les  dia- 
mans  que  la  nature  avoit  ainli  formés ,  on 
ne  laiifa  pas  de  les  regarder  comme  ce 
qu'elle  offroit  de  plus  rare  ;  &  Pline  , 
lit'.  XXXVII  )  chap.  iv  y  remarque 
que  pendant  long  -  temps  il  n'appartint 
qu'aux  rois  ,  &  même  aux  plus  puiflâns , 
d'en  pofféder  quelqu'un.  On  foupçonnoit 
Agrippa  ,  dernier  roi  àts  Juifs ,  d'entre- 
tenir un  commerce  inceftueux  avec  Béré- 
nice fa  fceur  ;  &  le  précieux  diamant  qu'il 
mit  au  doigt  de  cette  princefle  ,  réalifa 
prefque  ces  foupçons  (  voye\  Juvcnal  Sa- 
tyre vj  ,  vers  ^  55  )  ^  tant  on  avoit  conçu 
une  haute  idée  de  cette  pierre  ineftimable  ! 
Je  laifîe  à  penfer  de  quel  œil  les  Romains 
auroient  regardé  nos  diamans  brillçLns , 
eux  dont  la  magnificence  alloit  jufqu'à  la 
prodigalité  la  plus  outrée ,  quand  il  i'agif- 
fbit   de  fatisfaire  leur  luxe. 

Pline  nous  débite  que  pour  avoir  de 
îa  poudre  de  diamant  ,  dont  les  graveurs 
fe  fervent  lorfqu'ils  gravent  les  autres 
pierres  fines  ,  on  fait  tremper  le  diamant 
dans  du  fang  de  bouc  tout  chaud  ,  &  que 
devenant  par  ce  moyen  plus  tendre ,  la 
pierre  fe  réduit  aifément  en  petits  éclats , 
&  fe  divife  même  en  portions  fi  menues  , 
que  l'œil  peut  à  peine  les  dilcerner.  Quoi- 
que rien  ne  foit  plus  ridicule  que  ce  conte 
du  naturalifîe  romain ,  on  apperçoit  néan- 
moins au  travers  de  fon  récit  fabuleux  , 
que  les  anciens  broyoicnt  comme  nous  le 
diamant  ;  &  fans  doute  que  ceux  qui  en 
avoient  le  fecret ,  &  qui  faifoient  négoce 
de  poudre  de  diamant  ,  n'avoient  inventé 
un  pareil  menfonge  qu'afin  de  donner  le 
change ,  &  demeurer  plus  furemcnt  en 
poffeffion  d'un  commerce  qui  auroit 
cefTé  de  leur  être  lucratif  s'il  eût  été 
partagé. 

Ce  qui  doit  paroître  affez  furprenant , 
c'efl  que  les  anciens  ayant  reconnu  dans 
le  diamant  la  force  d'entamer  routes  les 
autres  pierres  fines  fans  exception  ,  ils 
n'aient  pas  apperçu  qu'il  falfoit  le  même 
efïèt  fur  lui -même  :  cela- les  conduifoit 
CGUt  naturellement    à    la    taille  de    cette 


pierre  precieufe  ,  pour  peu  qu'ils  y  eulîènt 
fait  attention.  Aîais  c'eff  le  fort  de  toutes 
les  découvertes  ,  que  plus  on  femble  près 
de  les  faire  ,  plus  on  en  efl  éloigaé  ;  ce 
n'eft  prefque  toujours  que  le  hazard  qui 
en  décide. 

La  taille  du  diamant ,  comme  je  l'ai 
dit  ci-defîùs  ,  ne  doit  elle-même  fon  origine 
qu'à  un  coup  de  hazard.  Louis  de  Berquen, 
natit  de  Bruges  ,  qui  le  premier  la  mit  en 
pratique,  il  n'y  a  pas  trois  fiecles  (  en 
■^47^  )  >  étoit  un  jeune  homme  qui  forroit 
à  peine  des  clafTes  ,  &  qui  né  dans  une  fa- 
mille n«t>le ,  n'étoit  nullement  initié  dans 
fart  du  lapidaire.  Il  avoit  éprouvé  que  deux 
diamans  s'entamoient  fi  on  les  frottoit  un 
peu  fortement  l'un  contre  l'autre  ;  il  n'en 
fallut  pas  davantage  pour  faire  naître  dans 
un  fujet  indultricux  &  capable  de  médi- 
tation ,  des  idées  plus  étendues.  Il  prit  deux 
diamans  bruts ,  les  monta  fur  le  ciment , 
&  les  égrifant  l'un  contre  l'autre ,  il  par- 
vint à  y  former  des  facettes  afiez  réguliè- 
res j  après  quoi ,  à  l'aide  de  certaine  roue 
de  fer  qu'il  avoit  imaginée  ,  &;  de  la  poudre 
qui  étoit  tombée  de  ces  mêmes  diamans- 
en  les  égrifant ,  &  qu'il  avoit  eu  foin  de 
recueillir  ,  il  acheva  ,  en  promenant  ces 
diamans  fur  cette  poudre ,  de  leur  donner 
un  entier  poliment.  On  vit  paroître  pour 
lors  le  premier  diamant  devenu  régulier , 
poli  &  brillant  par  le  fecours  de  l'art  ; 
mais  qui  n'eut  pour  cette  fois  d'autre  forme 
qu'une  pointe  naïve.  Voye\  les  merveilles 
des  Indes  ,  par  Robert  de  Berquen  ,  fon 
petit- fils. 

C'en  étoit  afîez  pour  une  première  ten- 
tative ;  il  fuffifoit  d'avoir  pu  réduire  le 
diamant  à  recevoir  une  forme  &  un  poli- 
ment ,  fans  lequel  il  continuoit  de  ne  faire 
aucun  effet,  de  n'avoir  ni  jeu  ni  brillant, 
&  demeuroit  une  pierre  morte  &  abfolu- 
ment  inutile.  Le  premier  cfîâi  eut  les  fuites 
les  plus  heureufes  ;  à  l'exception  d'un  très- 
petit  nombre  de  diamans  revêches  ,  aux- 
quels on  a  donné  le  nom  de  diamant  dt 
nature,  &  qui,  quelque  efïbrt  qu'on  fafîe  ,  ne 
peuvent  point  acquérir  le  poliment  dans 
certaines  parties  ;  ce  qui  vient  de  ce  que 
le  fil  en  eft  tortueux  ;  tous  les  autres  dia- 
mans fè  font  prêtés  à  l'art  du  lapidaire  , 
qui  s'y  cfl  pris  de  différentes  façons  pou|: 
Qqqqq    2 


8^o  P  I  E 

donner  la  taille ,  fuivant  que  la  forme  du 
diamant  brut  le  permettoit  &:  le  demandoit. 
On  eu  aux  Indes  dans  cette  perfuafion  , 
qu'il  eft  important  de  ne  rien  perdre  d'un 
diamant ,  &  l'on  y  eft  moins  curieux  en 
le  taillant  de  lui  faire  prendre  une  forme 
régulière ,  que  de  le  conferver  dans  toute 
Ion  étendue.  Les  pierres  qu'on  reçoit  toutes 
taillées  de  ce  pays- là  ,  ont  prefque  toujours 
des  formes  bizarres  ,  parce  que  le  lapidaire 
indien  s'eû  réglé  pour  le  nombre  &  l'ar- 
rangement de  fei  facettes  ,  fur  la  forme 
naturelle  du  diamant  brut  ,  &  qu'il  en  a 
fuivi  fcrupulcufemenr  le  contour,  i-e  plus 
grand  diamant  du  grand -mogol,  qui  eu 
une  rofe  ,  préfente  une  infinité  de  facettes 
routes  extrêmement  inégales.  Notre  goût 
eil  fur  cela  fort  différent  ;  il  ne  foufïre 
point  de  ces  figures  baroques  ;  &  comme 
il  veut  du  régulier  ,  celui  qui  taille  un 
diamant  brut ,  tâche  ,  autant  qu'il  eu  poffi- 
bre  ,  de  donner  une  forme  aimable  à  la 
pierre  qu'on  lui  a  mife  entre  les  mains. 
Je  vais  décrire  les  différentes  efpeces  de 
taille  qui  fe  pratiquent  le  plus  fréquemment 
en  Europe. 

Lorfque  la  pierre  s'étend  en  fùperficie , 
fans  être  épaifîe  ,  on  fe  contente  d'en 
drelîèr  les  deux  principales  faces  ,  &  l'on 
en  abat  les  côtés  ou  tranches  en  talut  , 
ou  pour  me  fervir  des  termes  de  l'art ,  on 
y  forme  fur  chaque  côté  un  bifeau.  Ces 
diamans  ont  aifez  fouvent  la  figure  d'un 
quarrc  parfait ,  ou  d'un  quarré  long  ;  on 
en  voit  auffi  de  taillés  à  pans  :  &  quelle 
qu-e  foit  leur  forme  ,  on  les  appelle  pierres 
taillées  en  table  ,  ou  pierres  foibles.  Ceux 
qui  ont  commencé  à  tailler  les  diamans  , 
leur  ont  fouvent  donné  cette  taille. 
•  l.es  diamans  nommés  pierres  e'paijfes  , 
font  taillés  en  delfus  comme  les  pierres 
foibles ,  c'efl-à-dire  ,  que  la  partie  qui  doit 
le  prélénter  ,  lorfque  le  diamant  fera  mis 
en  œuvre ,  efl  en  table  ;  mais  il  n'en  efl 
pas  ainfi  de  la  face  oppolée  ;  au  lieu  d'être 
plate  elle  efl  en  culajfe  y  ayant  à  peu  près 
le  double  d'épaifîèur  de  la  partie  fupé- 
lieure ,  &  formait  un  prifme  réguher.  C'efl 
encore  ainfi  qu'étoient  taillés  dans  les  com- 
mencemens  prefque  tous  les  diamans  ,  pour 
peu  qu'ils  eulfent  d'épaifîèur. 


P  I  E 

de  la  taille ,  on  ne  forme  plus  guère  les 
diamans  autrement  qu'en  rofe  y  ou  en 
brillant.  La  première  de  ces  deux  efpeces 
de  taille  eff  afléz  ancienne  parmi  nous , 
&  elle  efl:  prefque  la  feule  qui  foit  admife 
chez  les  Orientaux  ;  ils  prétendent  que 
tout  diamant  taillé  autrement  ,  n'a  point 
le  jeu  qu'il  doit  avoir  ,  ou  qu'il  papillote 
trop.  Autrefois  quand  un  diamant  brut  étoit 
trop  épais  ,  on  le  clevoit  ,  c'efl-à-dire, 
qu'on  le  féparoit  en  deux  ,  pour  trouver 
deux  diamans  dans  la  même  pierre  ;  & 
encore  aujourd'hui  il  y  a  des  occafions  où 
l'on  efl  obligé  d'ufer  de  cette  pratique. 
Elle  confifle  à  tracer  dans  tout  le  pour- 
tour ou  Circonférence  du  diamant  ,.  un 
fillon  ou  ligne  de  partage  ,  en  obfèrvant 
de  fuivre  le  vrai  fil  de  la  pierre  ;  &  lorf- 
que cette  ligne  a  acquis  allez  de  profon- 
deur ,  on  prend  une  lame  de  couteau 
d'acier  bien  aiguifée  &  bien  trempée,  on 
la  préfénte  fur  cette  raie  ,  6c  d  un  feul 
coup  fèc  &  frappé  julfe  fur  la  pierre-, 
polee  droite  &  bien  à-piomb  ,  on  la  divife 
net  en  deux  parties  à  peu  près  égales. 

Les  diamans  ainfi  cievés  ,  font  très- 
propres  pour  faire  des  rofes  ,•  car  le  dia- 
mant-rofe  doit  être  plat  par  deiïous  comme 
les  pierres  foibles  ,  tandis  que  le  delfus  qui 
s'élève  en  dôme ,  eft  tailié  à  taccttcs.  Le 
plus  ordinairement  on  y  exprime  au  centre 
lix  facettes  qui  décrivent  autant  de  trian- 
gles ,  dont  les  lommets  le  réunifient  en 
un  point ,  &  les  baies  vont  s'appuyer  fur 
un  autre  rang  de  triangles  ,  qui  pôles  dans 
un  icns  contraire  aux  précédens  ,  viennent 
fè  terminer  à  leur  louimet  fur  le  contour 
'  tranchant  de  la  pierre ,  qu'on  nomme  en 
terme  de  l'art  le  jeuilletis  _,  lailiant  en- 
tr'eux  des  efpaces  qui  ibnt  encore  coupés 
chacun  en  deux  facettes.  Cette  diitribution 
donne  en  tout  le  nombre  de  24  tacettes. 
La  fùperficie  du  diamant-roie  étant  ainfi 
partagée  en  deux  parties ,  la  plus  émincnte 
s'appelle  la  couronne  y  6c  celle  qui  fait  le 
tour  du  diamant,  prend  le  nom  ue  dentelle. 

Le  diamant-ro/f  darde  de  fort  grands 
éclats  de  lumière,  &  qui  ibnt  même  à  pro- 
portion plus  étendus  que  ceux  qui  fortent 
du  diamant  brillant ,  ou  brillante  ;  mais  il  efl 
vrai  que  celui'ci  joue  infiniment  davantage. 


Mais  depuis  qu'on  a  perfedionné  l'art  j  ce   qui  eil  l'etiet  de  la   différence  de  la 


PIE 

taille.  Les  pierres  épaijjes  ont  nécefTaire- 
ment  dû  fa're  naître  l'idée  du  diamant 
brillant;  car  ce  dernier  eft  divifé  dans  Ton 
épaifîeur  en  deux  parties  inégales  ,  de  la 
même  manière  ,  &  dans  la  même  propor- 
tion que  les  pierres  épaiflès  ;  c'eft-à-dire  , 
qu'environ  un  tiers  ell  pour  le  deflus  du 
diamant ,  &  les  deux  autres  tiers  pour  le 
defïbus  ,  nommé  la  culajfe.  Mais  au  lieu  que 
la  table  de  la  pierre  épaifîè  n'eft  envi- 
ronnée que  de  (impies  bifeaux;  dans  le 
brillant  ,  le  pourtour  de  la  table  qui  cfl 
à  huit  pans  ,  efl  taillé  en  facettes  ,  les  unes 
triangulaires  &  les  autres  loiangées  ,  &  le 
deiîbus  de  la  pierre  qui  n'étoit  qu'un 
prifme  renverfë  ,  eft  encore  taillé  en  fa- 
cettes appellées  pavillons  ,  précifément 
dans  le  même  ordre  que  les  facettes  de 
la  partie  fupérieure  ;  car  il  eft  efîèntiel 
que ,  tant  les  facettes  de  deflus  ,  que  celles 
de  deflous  ,  {e  répondent  les  unes  aux 
autres  ,  &  foient  placées  dans  une  fym- 
métrie  parfaite  ,  autrement  le  jeu  feroit 
faux. 

Il  n'y  a  guère  plus  d'un  fîecle  qu'on  a 
commencé  à  brillanter  ainfi  les  diamans  . 
ce  qui  les  a  mis  en  bien  plus  grande  taveur 
qu'ils  n'étoient  :  on  ne  les  a  que  pour  la 
parure  :  ainfi  quiconque  veut  paroître ,  pré- 
férera toujours  ce  qui  attirera  davantage 
les  regards.  On  comprend  facilement  que 
comme  il  eft  aifé  de  taire  un  brillant  d'une 
pierre  épaifle  ,  il  ne  doit  prefque  plus 
refier  de  celles  qui  avoient  reçu  ancienne- 
ment cette  dernière  taille  ;  &  il  ne  me 
paroît  pas  moins  iuperflu  de  taire  obferver 
que  c'eft  de  la  multiplicité  des  facettes  , 
&  de  l'arrangement  régulier  de  ces  mêmes 
facettes  ,  qui  étant  en  oppofition  fe  réflé- 
chiflent  &  fe. mirent  les  unes  dans  \ts 
autres ,  que  naît  tout  le  jeu  du  diamant 
brillant ,  &  l'extrême  vivacité  qui  en  fort. 

Il  eft  encore  plus  à  la  connoiffance  de 
tout  le  monde  ,  que  les  diamans  les  plus 
parfaits  ,  les  plus  chers  &  les  plus  rares  , 
font  les  plus  gros  ,  qui  joignent  à  une 
belle  forme  ,  de  la  hauteur  &  du  fond  ; 
ceux  de  la  plus  belle  eau  ,  c'efl-à-dire , 
les  diamans  les  plus  blancs  ,  &  dont  la 
couleur  extrêmement  vive  ne  foufïre 
aucune  altération  ,  &  ne  participe  d'aucune 
couleur  étrangère  &  fourde ,  comme  celle 


PIE  g^i 

du  feu  ,  de  l*ardoifc ,  Ùc.  ceux  enfin  qui 
font  les  plus  nets  ,  ôc  exempts  de  taches , 
de  points  &  de  glaces  :  on  a  donné  ce 
dernier  nom  à  de  petits  interflices  ou 
vuides  remplis  de  globules  d'air  ,  qui 
s'étant  logés  dans  la  pierre  lors  de  fa 
formation  ,  ont  empêché  la  matière  de  fe 
lier  également  par-tout ,  &  y  font  paroître 
des  déchirures ,  fl  je  puis  me  fervir  de  ce 
terme  ,  dont  les  facettes  multiplient  en- 
core le  nombre  par  la  réflexion.  Il  ne  faut 
qu'un  choc  ,  qu'un  coup  donné  inconfidé- 
rément  &  à  faux  fur  un  diamant ,  non  feu- 
lement pour  l'étonner  &  y  découvrir  une 
glace  cachée ,  ou  en  étendre  une  autre 
qui  n'occupoit  qu'un  petit  efpace ,  mais 
pour  fendre  même  la.  pierre.  Le  feul  mou- 
vement du  poinçon  ,  appuyé  trop  forte- 
ment en  fertifTant ,  a  caufé  plus  d'une  fois 
de  pareils  dommages.  Quant  aux  points 
ou  dragons  y  ce  lont  des  parties  métalli- 
ques qui  pareillement  engagées  dans  le 
corps  du  diamant ,  fe  montrent  comme 
autant  de  petites  taches  ,  ou  du  moins 
une  partie  ,  &  fe  diiiipenr  en  mettant  le 
diamant  dans  un  creufet ,  &  le  pouffant 
à  un  feu  violent  ;  mais  on  n'eft  pas  toujours  y^ 
fur  de  réufljr,  &  il  arrive  même  que  les 
parties  métalliques  venant  à  fe  difîbudre, 
la  couleur  du  diamant  en  fbufïre  ,  &  en  efl 
finguliérement  altérée. 

Perfonne  n'ignore  qu'à  l'égard  des  dia- 
mans fales ,  noirs  ,  glaceux  ,  pleins  de 
filandres  &  de  veines  ,  en  un  mot  de 
nature  à  ne  pouvoir  être  taillés  ,  les  dia- 
mantaires les  mettent  au  rebut  pour  être 
pulvérifés  dans  un  mortier  d'acier  fait 
exprès ,  &  les  emploient  ainfi  broyés  à  • 
fcier  ,  tailler  &  polir  les  autres  diamans» 

Enfin  ils  ont  donné  le  nom  de  diamant 
parangon  ,  aux  diamans  qui  font  d'une 
beauté  ,  d'une  grofîeur  &  d'un  prix  ex- 
traordinaire. Tel  cfl ,  par  exemple ,  celui 
du  grand-mogol  ,  celui  que  pofledoit  le 
grand-duc  de  Tofcane  ,  &  celui  qu'on 
appelle  en  France  le  diamant  de  fancy  , 
corronpu  de  cent  fix  y  qui  efl  le  nombre 
de-karats  qu'il  pefe. 

Voilà  le  ledeur  inftruit  de  la  taille  du 
diamant  ,  &  même  de  la  langue  du  lapi- 
daire ;  il  fait  p  éfentement  ce  que  c'efl 
que  pointes  naïves ,  diamans  bruts  ingénus  , 


S^i  PIE 

diamans  de  nature  ,  diamans  brillans ,  dia- 
mans  rofe ,  diamans  parangon  ,  diamans 
d'une  belle  eau  ,  diamans  glaceux  ou 
gendarraeux  ,  pierres  épaifîes  ,  pierres  foi- 
bles  ou  pierres  taillées  en  table  :  il  entend 
les  mots  de  bifeau  ,  couronne  ,  culafle  , 
dentelle  ,  dragons  ,  feuilletis  ,  pavillon. 
En  un  mot  en  s'cclairant  de  la  taille  du 
diamant ,  il  a  ici  pafTé  en  revue  la  plus 
grande  partie  àts  terfties  de  l'art  ;  la 
vue  réfléchie  des  atteliers  remplira  com- 
j>létement  la  curiofité  ,  &  dévoilera  à 
iês  yeux  toute  la  manœuvre  du  lapidaire 
fur  cette  pierre  ,  qui ,  grâces  à  notre  luxe  , 
ne  perd  rien  de  fa  valeur  en  devenant  tous 
les  jours  plus  commune. 

Si  l'on  defire  de  plus  grands  détails ,  on 
les  trouvera  dans  quelques  ouvrages  parti- 
culiers ,  entr'autres  ,  dans  celui  de  Robert 
de  Berquen  ,  maître  orfèvre  ,  intitulé  :  les 
merveilles  des  Indes  orientales  Ù  occiden- 
tales ,  ou  traité  des  pierres  précieufes  , 
Paris  i66i  ,  in-.^°.  &  dans  JefFeries 
(  David  )  ,  à  treatife  of  diamonds  and 
pearls  ,  London  1750 ,  in-8^.  avec  figures; 
ce  dernier  efl  traduit  en  trançois. 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  remarquer  en 
finiflant,  que  la  mine  abondante  découverte 
au  Brefil ,  en  1718  ,  &  qui  fait  un  des  beaux 
revenus  du  roi  de  Portugal ,  fournit  l'Eu- 
rope de  magnifiques  diamans ,  qui  ne 
diftèrcnr  en  rien  de  ceux  des  Indes  orien- 
tales ,  &  méritent  à  tous  égards  la  même 
cftime  :  c'efl  un  fait  qu'on  ne  révoque  plus 
en  doute ,  &  une  découverte  de  notre 
fiecle.  (  Le  chevalier  de  Jaucourt. ) 

Machine  pour  forer  dans  toutes  fortes 
de  pierres  dures  Ù  précieufes  ,  confifle  en 
une  cage  de  bois  ,  compofée  de  deux 
raontans  de  fix  pies  de  haut  ,  qui  font  de 
fortes  planches  de  bois  polées  verticale- 
ment &  parallèlement  ;  elles  font  affermies 
en  cette  fituation  par  d'autres  planches 
pofées  horizontalement  ;  ces  planches  font 
arrêtées  par  des  clavettes  qui  traverfent 
leurs  tenons  ,  après  que  ceux-ci  ont  tra- 
verfé  les  montans.  Trois  planches  font 
chacune  percées  d'un  trou  quarré  d'environ 
fix  ou  fept  pouces  de  large  ,  au  travers 
defquels  paffe  le  foret.  Ce  foret  eft  com- 
poféde  plufieurs  pièces.  Un  crochet  moufle 
lailfe   tourner  le   foret  fans   tourner  lui- 


P  I  E 

même ,  «u  moyen  de  la  boucle  que  fon 
tenon  traverfé  :  vers  le  milieu  de  la  tige 
du  foret  cft  une  bobine  ou  cuivrot  ,  qui 
peut  fe  mouvoir  le  long  de  la  tige  iur 
laquelle  on  fe  fixe  par  le  moyen  de  la 
clavette  qui  fixe  tout  à  la  fois  la  bobine 
&  la  tige  ,  qui  pour  cet  effet  efl:  percée 
de  trous  de  diftance  en  difiance  ;  cette 
bobine  efl:  appuyée  contre  une  autre  , 
dont  l'aiflieu  efl  horizontal  &  fixe  dans 
les  parois  latérales  de  la  cage  ;  la  corde 
qui  donne  le  mouvement  au  foret  ,  pafîe 
fur  ces  deux  bobines.  A  la  partie  inférieure 
du  foret  efl  une  boîte  qui  reçoit  la  queue 
de  la  fraife  qui  y  eft  retenue  par  une  cla- 
vette qui  la  traverfé ,  &  la  boîte  dans 
laquelle  elle  efl  entrée  ;  cette  fraife  appuie 
par  fa  partie  inférieure  fur  l'ouvrage  que 
l'on  veut  creufer,  comme,  par  exemple  ,  un 
étui  de  poche. 

Mais  comme  le  poids  de  la  monture 
du  foret  efl  trop  confidérable  ,  &  que  le 
laiflant  appuyer  fiir  l'ouvrage  on  courroie 
rifque  de  le  brifer,  on  allège  ce  poids  par 
le  moyen  d'un  contrepoids  fufpendu  à  une 
corde  qui  paflê  pardeffus  une  poulie  ; 
comme  ce  poids  fe  peut  augmenter  ou 
diminuer  à  difcrétion  ,  on  fait  appuyer  la 
fraife  fur  l'ouvrage ,  autant  que  l'on  veut. 

Pour  faire  mordre  la  fraife  fur  la  pièce 
que  l'on  veut  creufer  ,  on  fe  fert  d'une 
poudre  convenable  à  la  matière  que  l'on 
veut  creufer  y  foit  de  l'éméri  ou  de  la 
poudre  de  diamant.  K.  DIAMANTAIRE. 

On  a  inventé  une  machine  ingénieufè 
pour  tenir  le  bâton  à  ciment  à  l'extrémité 
duquel  le  diamant  eft  attaché  :  cet  inflrument 
qui  fe  nomme  cadran  ,  (  Voye\  CadrAn) 
efl  compofé  de  quatre  pièces  ;  favoir  ,  le 
corps  ,  la  ba(c  ,  &  les  deux  noix.  Le  corps 
efl  une  pièce  de  bois  d'environ  5  ou  6 
pouces  de  long  fur  4  à  5  de  large ,  dans 
laquelle  eft  un  trou  qui  eft  le  centre  de  l'arc 
percé  à  jour  ;  fur  l'épaifleur  de  la  ïsiCQ 
s'élève  une  vis  par  laquelle  elle  s'afTemble 
avec  la  bafe. 

La  bafe  a  deux  trous  ,  dont  l'un  defcend 
verticalement  &  reçoit  le  clou  qui  eft  fixe 
fur  l'établi. 

Les  deux  noix  font  chacune  percées  d'un 
trou  dans  lequel  pafle  le  bâton  à  ciment 
qui  peut  tourner  fur  fon  axe ,  &  fe  fixer 


PIE 

dans  les  ouvertures  des  noîx  par  le  fcul  frot- 
tement, à  quoi  contribue  beaucoup  fa  forme 
conique. 

Les  pierreries  taillées  au  cadran  font  les 
plus  eftimées.  Cette  efpece  d'étau  à  main 
fert  à  donner  aux  pierres  précieufes  les 
diverfes  facettes  que  Ton  defire.  Les  cadrans 
pour  les  diamans  font  de  fer ,  ceux  pour  les 
autres  pierreries  font  de  bois. 

Pierres   foibles    ou  épaisses  , 

(  terme  de  Lapidaire.  )  Lorfque  la  pierre 
de  diamant  s'étend  enfuperficie,  fans  être 
épaifîè  ,  on  fe  contente  d'en  drefler  les 
deux  principales  facss  ,  &  l'on  abat  les 
côtés  ou  tranches  en  talut  ,  ou  comme 
dilent  les  artifles  ,  en  bifeau.  Ces  diamans 
ont  afl'ez  fouvent  la  figure  d'un  quarrc 
partait  ou  d'un  quarré  long.  On  en  voit  aufll 
de  taillés  en  pans  ;  mais  quelle  que  foit 
leur  forme ,  on  les  appelle  pierres  taillées  en 
table  ou  pierres  foibles.  Les  diamans  nom- 
més/J/Vrrej- f)ja//7èj- ,  font  taillés  en  deiTus 
comme  les  pierres  foibles  ;  mais  la  face 
oppofée  ,  au  lieu  d'être  plate ,  eft  en  cu- 
lafle  ,  ayant  à  peu  près  le  double  d'épaifleur 
de  la  partie  fupérieure,  &  formant  un  prifme 
régulier.  {D.  /.) 

Pierre  sanguine  ,  outil  d'Arqué- 
hufier  ,•  cette  pierre  fanguine  eft  un  peu 
grofle ,  refîemble  &  eft  montée  comme  celle 
des  orfèvres  avec  laquelle  ils  brunilîent  ;  les 
arquebulîers  s'en  fervent  pour  bronzer  les 
canons  de  fufils  ,  piftolets  ,  Ùc. 

Pierre  en  terme  de  Batteurs  d'or  y  c'ef! 
une  pierre  de  marbre  fort  polie  &  emboîtée 
dans  une  efpece  de  table  à  rebords  afîèz 
hauts  flir  le  derrière ,  mais  qui  diminuent 
jufqu'à  un  certain  point  fur  les  côtés  ;  il  n'y 
en  a  point  fur  le  devant ,  ils  empêcheroient 
le  batteur  de  travailler. 

Pierre  a  l'huile  ,  en  terme  de  Bi- 
joutier y  eft  une  pierre  dure  &  douce  qui 
fert  à  aiguifer  &  émoudre  les  échopes  ou 
les  burins  ,  en  la  frottant  d'huile  ;  on  en 
tire  de  Lorraine  dont  la  couleur  eft  grife  rou- 
geâtre  ,  &  qui  font  opaques  ,  &  du  Levant , 
qu'on  eftime  les  meilleures ,  qui  font  d'un 
blanc  tirant  fur  le  blond  ,  &  un  peu  tranfpa- 
rentes  :  on  \cs  monte  fur  un  bois  plu»  large 
&  plus  long  qu'elles  y  pour  les  conferver 
plus  long-temps. 

Pierre  a  polir,  en  terme  de  Bi- 


P I  E  Î6^ 

joutier  ,  eft  une  pierre  avec  laquelle  on 
adoucit  les  traits  que  la  lime  ou  l'outil  ont 
faits  fur  une  pièce.  II  y  en  a  de  vertes ,  de 
rouges  ,  de  bleues ,  de  douces  ,  demi-douces 
&  de  rudes.  Voye^  PoLIR. 

Toutes  ces  pierres  approchent  beaucoup^ 
de  la  nature  de  l'ardoife. 

Pierre,  en  terme  de  Cardier ,  c'ef{ 
un  caillou  de  grès  que  l'on  pafTe  à  force 
fur  pointes  ces  fichées  fur  le  feuillet ,  foit 
pour  émouflêr  les  pointes,  foit  pour  "les 
conferver  toutes  également.  V.  FiCHER. 

Pierre  ou  Cuve  ,  c'eft  une  efpece 
de  demi-tonneau  à  un  fond  ,  fait  de  douves 
de  bois  &  cerclé  de  fer  ,  dans  lequel  entrent 
l'arbre  tournant  &  fes  couteaux,pour  broyer 
&  délayer  la  pâte  avec  laquelle  les  carton- 
niers  fabriquent  le  carton. 

Pierre  blanche  ,  fert  suxcharpen* 
tiers  pour  blanchir  leur  cordeau  ,  lorfqu'ils 
veulent  jeter  quelques  lignes  fur  une  pièce 
de  bois.  Koyf;^  Craie. 

Pierre  noire  ,  fert  à  tracer  les 
pièces. 

Pierres  a  brunir  ,  en  terme  de 
doreur  fur  bois  ,  font  des  cailloux  ,  ou  des 
pierres  à  fufil  taillées  en  coude  ,  &  mon- 
tées fur  des  bois  un  peu  longs,  dont  on  fe 
fert  pour  donner  le  poH  à  l'or  dans  les  par- 
ties unies  &  l'ans  ornemens  d'une  pièce  do- 
rée. Les  fanguines  ne  peuvent  être  d'aucun 
ufage  ici  ;  elles  font  trop  douces. 

Pierre  fervant  aux  fondeurs  de  carac- 
tères d'imprimerie  y  pour  donner  aux  let- 
tres une  façon  qu'on  appeWe  frotter  ;  cette 
pierre  efl  une  meule  de  grès  de  quinze  à 
vingt  pouces  de  diamètre,  de  même  nature 
que  celles  dont  fe  fervent  \es  couteliers 
pour  remoudre  les  outils.  Pour  rendre  ces 
grhs  à  l'ufage  des  fondeurs  de  caraâeres  , 
on  en  prend  deux  que  l'on  met  l'une  fur 
l'autre  fur  le  plat  ;  on  met  entre  deux  du 
fable  de  rivière  ,  puis  on  les  tourne  circu- 
lairement ,  en  mettant  de  temps  en  temps 
de  nouveau  fable ,  Jufqu'à  ce  que  ce  fable 
ait  grugé  les  petites  éminences  qui  font  fur 
ces  pierres  ,  &  en  ait  rendu  la  furface 
droite  &  unie.  Ce  fable,  en  drefîanr  ces 
grès  ,  ne  les  polit  pas  ,  mais  les  pointillé 
&  y  laiflè  de  petits  grains  propres  à  enle- 
ver au  corps  des  lettres  ,  certaines  fu-» 
perliuités  ou  bavures    avec  klquelles  ellci 


PIE 

fortcnt  du  moule  ;  ce  qui  fe  fait  en  frottant  ï 
les  lettres  les  unes  après  les  autres  fur  cette 
pierre;  cela  fert  à  les  polir  &  dr  (Ter  des 
deux  cbtès  feulement  où  elles  fe  joignent  à 
côté  les  unes  des  autres  en  les  compofant. 
\Voyei  Frotter. 
Pierre  a  l'huile  ,  'outil  defourbif- 

feur  :  cette  pierre  eft  la  même  que  celle 
des  orfèvres  ,  horlogers  ,  Ùc.  &  fcrt  aux 
fourbifleurs  pour  aiguifer  leurs  poinçons  & 
ç*ils. 

Pierre  a  l'huile  ,  {Graveur.)  pierre 
qui  fert  à  aflPuterles  outils  {Voye-{  AffU- 
TEr)  ,  &  qu'on  appelle  ainfi  ,  parce  qu'elle 
€it  mouillée  d'huile  :  elle  eft  ordinairement 
ajuftée  fur  une  planche  de  bois  qu'on  appelle 
ia  boîte. 

Pierre  a  parer  ,  outil  de  gaînier  , 
c'eft  une  pierre  de  liais  de  la  largeur  de  deux 
pies  en  quarré  ,  fur  laquelle  les  gaîniers  di- 
minuent l'épaiffeur  des  cuirs  qu'ils  em- 
ploient. Voyeur  article  Relivre. 

Pierres  DVRES,  parmi  les  lapidaires, 
font  proprement  les  pierres  fines  qui  en  effet 
font  infiniment  plus  dures  que  les  faufTes. 

Pierre  a  papier,  terme  de  marbrier^ 
morceau  de  marbre  rond  ,  ou  quarré  , 
au  delTus  duquel  il  y  a  un  bouton  de 
marbre  pour  le  prendre  ,  &  dont  on  fe  fert 
pour  mettre  fur  le  papier  ,  afin  de  le  tenir 
Exe.  [D.  J.) 

Pierres  puantes,  lapides ftetidi , 
lapis  fuillus  y  lapis  felinus  ,  (  Nifi.  nat. 
Minerai.  )  On  a  donné  ces  diflferens  noms 
à  des  pierres  qui  répandent  une  odeur 
défagréable  qu'elles  ont  contradée  dans 
le  fèin  de  la  terre  ;  cette  odeur  varie  en 
raifon  des  différentes  fabfîances  qui  l'ont 
occafionée.  En  Suéde  -  dans  la  province 
d'CEland  ,  on  trouve  une  pierre  à  chaux 
qui  a  une  odeur  très-tone  d'urine  de  chat  ; 
on  a  quelquefois  trouvé  des  empreintes 
d'infedes  fur  ces  pierres.  En  Weftphalie  , 
aux  environs  d'Hildesheim  ,  on  a  trouvé 
de  la  pierre  qui  fentoit  la  corne  brûlée. 
Près  de  Wigerldorf  ,  dans  le  comté  de 
Hohnftein  en  Thuringe  ,  on  trouve  une 
efpece  de  fchifte  ou  de  pierre  feuilletée 
grife  ,  très-poreufe  ,  qui  frottée  avec  une 
autre  pierre,  répanl  une  odeur  fembiable 
à  celle  de  la  fiente  de  porc.  Près  du  cou- 
vent d'Ilefeld,   qui  eft   aux  environs  de 


PIE 

Nordhaufen  ,  près  du  Hartz ,  on  rencontre 
une  montagne  qui  n'eft  compofée  que  d'une 
pierre  trê^-puante  ,  dont  on  fe  fert  comme 
de  caftine  ou  de  fondant  dans  les  forge* 
du  voifinage ,  où  elle  facilite  la  fufion  de 
la  mine  de  fer.  Voye\  Bruckmann  ,  epifiol, 
itinerarice  p  cemur.ij.  epifl.  zj. 

On  a  trouvé  près  de  Villers-Cotterets 
une  pierre  calcaire  d'un  blanc  fale  ,  qui 
lorfqu'on  la  frotte  répand  une  odeur  d'urine 
de  chat.  Il  y  a  tout  heu  de  croire  que  les 
odeurs  qui  fe  font  communiquées  à  ces 
fortes  de  pierres ,  viennerjt  des  fubftances 
animales  ou  végétales  qui  font  entrées  en 
putréfadion  ;  quelques-unes  même  peuvent 
venir  àes  bitumes  &  matières  inflammables 
qui    fe   trouvent  dans  le  fein  de  la   terre. 

yoyei  Odorantes  ,  pierres.  ( — ) 

Pierres  de  RATYORT, (Marqueterie.) 
Nous  avons  expliqué  à  l'arric/^OuVR  AGES 
DE  MOSAÏQUE ,  comment  les  anciens  fe 
fervoient  de  petites  pièces  de  pierres  de 
verre  &  d'émail  pour  faire  des  ouvrages  de 
mofaïque  ;  mais  nos  ouvriers  modernes 
en  pratiquent  encore  une  autre  avec  des 
pierres  naturelles  ,  pour  repré'enter  des 
animaux ,  généralement  des  fruits  ,  des 
fleurs ,  &  toutes  autres  fortes  de  figures , 
comme  fi  elles  étoient  peintes.  Il  fe  voit 
de  ces  fortes  d'ouvrages  de  toutes  les  gran- 
deurs :  un  des  plus  confidérables  &  des 
plus  grands  ,  eft  ce  beau  pavé  de  l'églife 
cathédrale  de  Sienne  ,  où  l'on  voit  repré- 
fenté  le  facrifice  d'Abraham.  Il  fut  com- 
mencé par  un  peintre  nomme  Duccio  ,  & 
enfuite  achevé  par  Dominique  Beccafumi» 
Il  eft  compofé  de  trois  fortes  de  marbres  , 
l'un  très-blanc  ,  l'autre  d'un  gris  un  peu 
oblcur  ,  &  le  troifieme  noir  ;  ces  trois 
différens  marbres  font  fi  bien  taillés  & 
joints  enfemble  ,  qu'ils  repréfentent  comme 
un  grand  tableau  peint  de  noir  &  de  blanc. 
Le  premier  marbre  fert  pour  les  refîàuts 
&  les  fortes  lumières  ,  le  fécond  pour  les 
demi-teintes  ,  &  le  troifieme  pour  les  om- 
bres :  il  y  a  des  traits  en  hachures  rempUs 
de  marbre  noir  ou  de  maftic  ^i  joignent 
les  ombres  avec  les  demi-teinres;  car  pour 
faire  ces  fortes  d'ouvrages ,  on  afl'e nble  les 
difïércns  marbres  ,  les  uns  auprès  des  autres, 
fuivant  le  deûin  que  l'on  a  ;  &  quand  ils 
font  joints  &  bien  ciaiemés  ,    le  même 

peintre 


P  I  E 

peintre  qui  a  difpofé  le  fujet ,  prend  dii 
noir,  &  avec  le  pinceau,  marque  les  con- 
tours des  figures ,  &  obferve  par  des  traits 
&  des  hachures ,  les  jours  &  les  ombres , 
de  la  même  manière  que  s'il  deflinoit  fur 
du  papier  :  enfuite  le  fculpreur  grave  avec 
un  cifeau  tous  les  traits  que  le  peintre  a 
tracés  :  après  quoi  l'on  remplit  tout  ce  que 
le  cifèau  a  gravé,  d'un  autre  marbre  ,  ou 
d'un  maftic  compofé  de  poix  noire  ou  d'au- 
tre poix,  qu'on  fait  bouillir  avec  du  noir 
de  terre.  Quand  ce  maftic  eft  refroidi ,  & 
qu'il  a  pris  corps,  on  paffe  un  morceau  de 
grès  ou  une  brique  par-deffus  ;  &  le  frot- 
tant avec  de  l'eau  5c  du  grès  ou  du  ciment 
pilé ,  on  ôte  ce  qu'il  y  a  de  fuperflu,  &  on 
le  rend  égal  &:  au  niveau  du  marbre.  C'eft 
de  cette  manière  qu'on  pave  dans  plufieurs 
endroits  de  l'Italie,  ôc  qu'avec  deux  ou 
trois  fortes  de  marbres,  on  a  trouvé  l'art 
d'embellir  de  différentes  figures  les  pavés 
des  églifes  &  des  palais. 

Mais  les  ouvriers  dans  cet  art  ont  encore 
pafTé  plus  avant  ^  car,  comme  vers  l'année 
1 563  ,  le  duc  Côme  de  Médicis  eut  décou- 
vert dans  les  montagnes  de  Pietrafancia , 
un  endroit  dont  le  defTus  étoit  de  marbre 
très-blanc ,  &  propre  pour  faire  des  fta- 
tues ,  l'on  rencontra  defTous  un  autre  mar- 
bre mêlé  de  rouge  &de  jaune;  &  à  meflire 
qu'on  alloit  plus  avant,  on  trouvoit  une 
variété  de  marbre  de  toutes  fortes  de  cou- 
leurs, qui  étoient  d'autant  plus  durs  &  plus 
beaux ,  qu'ils  étoient  cachés  dans  l'épaiffeur 
de  la  montagne.  C'eft  de  ces  fortes  de 
marbres  que  les  ducs  de  Florence,  depuis 
ce  temps-là  ,  ont  fait  enrichir  leurs  cha- 
pelles, &  qu'enfuite  on  a  fait  des  tables  & 
des  cabinets  de  pièces  de  rapport  ,  où  l'on 
voit  des  fleurs ,  des  fruits,  des  oifeaux ,  &: 
mille  autres  chofes  admirablement  repré- 
fentées.  On  a  même  fait  avec  ces  mêmes 
pierres  des  tableaux  qui  femblent  être  des 
peintures  ;  &  pour  en  augmenter  encore 
la  beauté  &  la  richeffe,  on  fe  fert  de  lapis , 
d'agate ,  &  de  toutes  les  pierres  les  plus 
précieufes.  On  peut  voir  de  ces  fortes  d'ou- 
vrages dans  les  appartemens  du  roi ,  où  il 
s'en  trouve  des  plus  beaux. 

Les  anciens  travailloient  aufîi  de  cette 
manière  ;  car  il  y  avoir  autrefois  à  Rome 
au  portique  de  S.  Pierre ,  à  ce  que  dit 
Tome  XXV, 


PIE  %6s 

Vaftari,  une  table  de  porphire  fort  an- 
cienne ,  où  étoient  entaillées  d'autres  pier- 
res fines  qui  repréfentoient  une  cage;  & 
Pline  parle  d'un  oifeau  fait  de  différens 
marbres ,  &  fi  bien  travaillé  dans  le  pavé 
du  lieu  qu'il  décrit ,  qu'il  fembloit  que  ce 
fût  un  véritable  oifeau  qui  bût  dans  le  vafe 
qu'on  avoit  repréfenté  auprès  de  lui. 

Pour  faire  ces  fortes  d'ouvrages ,  on  fcie 
par  feuilles  le  bloc  ou  le  morceau  d'agate, 
de  lapis  ,  ou  d'autres  pierres  précieufes 
qu'on  veut  employer.  On  Tattache  forte- 
ment fur  rétabli,  puis  avec  une  fcie  de  fer 
fans  dents ,  on  coupe  la  pierre  en  verfant 
defTus  de  l'émeri  mêlé  avec  de  l'eau ,  à 
mefure  que  l'on  travaille  :  il  y  a  deux  che- 
villes de  ferauxcôrés  de  la  pierre,  contre 
lefquelles  on  appuie  la  fcie ,  &  qui  fervent 
à  la  conduire.  Quand  ces  feuilles  font  cou- 
pées ,  fi  l'on  veut  leur  donner  quelque 
figure  pour  les  rapporter  dans  un  ouvra- 
ge ,  on  les  ferre  dans  un  étau  de  bois  ; 
&  avec  un  archet  qui  eft  une  petite  fcie 
faite  feulement  de  fil  de  laiton ,  de  l'eau 
&:  de  l'émeri  qu'on  y  jette  ,  on  la  coupe 
peu-à-peu  ,  fuivant  les  contours  du  defîin 
que  l'on  applique  deffus  ,  comme  l'on  fait 
pour  le  bois  de  marqueterie.  Voy.  Mar- 
queterie. 

On  fe  fert  dans  ce  travail  des  mêmes 
roues ,  tourets ,  platines  d'étain  &  autres 
outils  dont  il  efî  parlé  dans  la  gravure  des 
pierres  précieufes  ,  félon  l'occafion  &;  le 
befoin  qu'on  en  a  ,  tant  pour  donner  quel- 
que figure  aux  pierres ,  que  pour  les  per- 
cer &  pour  les  polir  :  on  a  des  compas 
pour  prendre  les  mefures ,  des  pincettes 
de  fer  pour  dégarnir  les  bords  des  pierres  , 
des,  limes  de  cuivre  à  main  6c  fans  dent , 
&  d'autres  limes  de  toutes  fortes. 

Pierre  a  broyer  Us  couleurs  des 
peintres  ,  font  des  pierres  qui  font  ordi- 
nairement de  porphyre ,  d'écaille  de  mer, 
ou  autres  pierres  dures. 

Pierre  de  craie  ,  dont  les  peintres 
fe  fervent  pourdefîiner.  Voyt\^  Crayon, 

Pierre  deiviine  de  plomb, fervant 
à  defïiner.  Voye\  CrayON. 

Pierre  noire,  fervant  à  defliner. 
VoyeT^  Crayon. 

Pierre  sanguine,  fervant  à  defliner. 
J  Voye\  Crayon. 

Rrrrr 


î^6  PIE 

Pierre  a  rasoir^  (Perruquier.)  eft 
une  forte  de  pierre  polie ,  &  dont  le  grain 
eft  très-fin  :  on  s'en  fert  pour  aiguifer  les 
rafoirs  en  y  répandant  de  l'huile,  &  paffant 
obliquement  le  rafoir  par  deffus  de  côté  & 
d'autre.  Ces  pierres  font  ordinairement 
ajuftées  fur  un  morceau  de  bois  qui  leur 
fert  de  manche ,  au  moyen  duquel  on  fe 
fert  plus  commodément  de  ces  pierres. 

Pierre  ,  outil  de  verniffeur,  c'eft  une 
pierre  de  liais ,  qiiarrée ,  épaiflfe  de  quatre 
à  cinq  pouces ,  longue  &  large  d'un  bon 
pié  ,  fur  laquelle  les  verniffeurs  broient 
leurs  différentes  couleurs  avec  la  molette, 
&  les  délaient  avec  du  vernis  au  lieu 
d'huile. 

Pierre  ou  Steem  ,  f.  f .  (  Comm.  ) 
forte  de  poids  plus  ou  moins  fort,  fuivant 
les  lieux  où  il  eft  en  ufage. 

A  Anvers  la  pierre  eft  de  huit  livres,  qui 
en  font  fept  de  Paris  ,  d'Amfterdam  ,  de 
Befançon  &  de  Strasbourg,  y  ayant  égalité 
de  poids  entre  ces  quatre  villes.  A  Ham- 
bourg \^ pierre  eft  de  dix  livres,  qui  font  à 
Paris,  à  Amfterdam,  ô-c.  neuf  livres  douze 
onces  &  fix  gros ,  un  peu  plus.  A  Lubeck 
\^  pierre  eft  auffi  de  dix  livres  ,  mais  ces  dix 
Kvres  ne  fonr  que  neuf  livres  huit  onces 
trois  gros  de  Patis.  A  Dantzick  &  à  Revel, 
H  y  a  la  petite  &  la  groflé  ^/erre  ;  la  pre- 
mière qui  fert  à  pefer  les  marchandifes 
fines  ,  eft  de  vingt-quatre  livres  ,  qui  font 
à  Paris  ,  à  Amfterdam ,  &c.  vingt  &  une 
livres  cinq  onces  cinq  gros  ;  &  la  féconde 
qui  eft  en  ufage  pour  les  grofles  marchan- 
difes ,  comme  cire ,  amendes ,  riz  ,  &c.  eft 
de  trente-quatre  livres  ,  qui  rendent  à  Pa- 
ris trentre  livres  quatre  onces  un  gro«..  A 
Stetin  il  y  a  aufti  une  petite  &  une  grofte 
pierre  ;  la  petite  eft  de  dix  livres,  qui, fort 
neuf  livres  quatorze  onces  de  Paris,  &  la 
grofte  eft  de  vingt  hi  une  livres,  qui  revien- 
nent à  vingt  livres  onze  onces,,un  peu  plus , 
poids  de  Paris.  A  Conigsberg  {^pierre  eft 
dte  quarante  livres ,  qui  en  font  trente-deux 
de  Pari*^.  Diciionn.  de  commerce. 

PlERRE-BUFFlERE  ,  (Géogr.  mod.J 
bourg  qr.e  Piganiol  qualifie  de  petite  ville 
■de  France,  dans  le  Limoufm,  à  4  lieues 
de  Limoges,  fur  le  ebeminde^  Brive. 
(D.J.) 

Pierre  ;fort  saijjt-},  {Géog,  mod-} 


PIE 

fort  de  l'Amérique  feptentrlonale  ,  danl 
l'île  de  la  Martinique ,  à  7  lieues  au  N.  O. 
du  fort  Royal.  C'eft  à  préfent  une  viile  où 
il  y  a  un  intendant ,  un  palais  de  juftice  , 
&  deux  paroiftes,  une  deflervie  autrefois 
par  les  jéluites  ,  &  l'autre  par  les  domini- 
cains. (D.  J.) 

Pierre fiLE  de  saint-),  (Gêogr^ 
mod.J  île  de  France  en  Provence ,  à  une 
lieue  au  levant  d'été  de  la  ville  d'Arles*, 
cette  île  n'eft  formée  que  par  les  canaux 
qui  ont  été  creufés  à  l'orient  du  Rhône , 
depuis  la  Durance  jufqu'à  la  mer  ;  mais  elle 
eft  remarquable  pat  l'abbaye  de  Mont- 
Major  ,  ordre  de  S.  Benoît  ,  dont  on 
attribue  la  fondation  à  iaint  Trophime., 
{D.  J.) 

Pierre  le  moustier  (Saint)',, 
(Géogr.  mod.J  petite  ville  de  France,  la: 
féconde  du  Nivernois ,  avec  un  bailliage 
&  une  fénéchaufiée.  Elle  eft  dans  un  fond  , 
entourée  de  montagnes,  près •d'iui  étang 
bourbeux,  à  7  lieues  au  midi  de  Nevers,  8' 
au  N.  O.  de  Moulins,  60  S.  de  Paris.  Long, 
H  ,  45.;  lat.  46 ,  46.  {D.  J.) 

PlERRE-PtRTUIS  ,  {Géogr.  mod.J  en 
latin  du  moyen  2Lge ,  petra-pertufa ,  che- 
min  de  Suifte ,  percé  au  travers  d'un  ro- 
cher. Le  valdeS.  Imier,  avec  les  terres  en. 
deçà  ,  font  dans  l'enceinte  de  l'ancienne: 
Helvéîie  :  lès  autres  au  delà  ,  font  les  véri- 
tables pays  des  Rauraques.  Ces  deux  par- 
ties lont  féparées  par  une  chaîne  de  mon- 
tagnes &  d€L  rochers ,.  qui/ont  une  branche, 
du  mont  Jura.  Dans  ce  quartier-là,  pour 
avoir  un  pafTage  libre  d'un  pays  à  l'autre  ,, 
on  a  percé  un  rocher  épais,  &on  a  taillé 
un  chemin  à  travers.  Il  a  quarante- fix  pies, 
de  longueur  dans  l'épaiffeurdu  rocher ,  & 
quatre  toifes  de  hauteur.  Ce  paffage  appelle 
Purre-pertuis  ,   eft  à  une  grande  journée 
deBâ'e,  &  à  une  demi- journée  de  Bienne,, 
près  de  la  fource  delà   Bris,  Ce  chemin; 
n'eft  pas  nouveau;  une  inscription  lomaine- 
^qu'on  voit  au  deflus  de  l'ouverture,  mais, 
■que  les  pafTans  ont  inu'.ilée,  nous  apprend; 
qu'il  a  été  fait  par  les  foins  d'un  Paterius 
ou  Pa'ernus  duumvir,  de  la  colonie  hel- 
vétique établie  à  Avenche  ,  fous  l'empire, 
des  Aewx.  Antonins.  [D.  J.J 

PIERRÉE  ,  f.  f.  (  Hydr.J  eft  à  peu- 
près  la  même  que  chatière  i  c'eft  une  grande. 


P  I  E 

longueur  de  maçonnerie  clans  les  terres , 
pour  conduire  les  eaux  d'une  fource  dans 
un  réfervoir  ou  regard  de  prife;  elles  fe 
conftruifent  ainfi  ;  on  leur  donne  d'ouver- 
ture depuis  un  pié  jufqu'à  dix-huit  pouces  ; 
fi  la  (burce  eft  abondante,  on  élevé  de 
chaque  côté  un  petit  mur  d'un  pié  d'épaif- 
feur  &  de  dix-huit  pouces  de  haut,  bâti  de 
rocailles  &:  pierres  feches  ,  afin  que  les 
filtrations  des  terres  fe  jettent  plus  ailément 
deùans  la  pierrée  ;  on  la  couvre  en  forme 
de  chatières  avec  des  pierres  plates,  appel- 
lées  dalles  ou  couvertures.  Quand  le  tonds 
de  la  terre  n'eft  pas  affez  ferme  pour  y 
faire  rouler  l'eau  fans  fe  perdre ,  on  y  étend 
un  lit  de  glaife  que  l'on  bat ,  &  l'on  y  pofe 
delTus  les  moilons  des  murs  des  côtés  ;  on 
les  peut  encore  paver  ou  cimenter  pour 
plus  grande  fureté. 

PIERRERIES  ,  f.  f.  pi.  la  colleftion  des 
pierres  précieufes  montées  qui  forment 
l'écrin  d'une  femme.  On  met  les  perles 
au  nombre  des  pierreries  ;  il  y  a  un  officier 
garde  des  pierreries  de  la  couronne. 

PIERREUX,  zà^].  (AgricuU.)  Çq  dit 
d'un  terrain  plein  de  pierres  qui  oblige  de 
le  pafTer  à  la  claie.  On  dit  encore  un  fruit 
pierreux  ,  quand  en  le  mangeant  il  fe 
trouve  des  durillons  dans  fa  chair. 

PIERRIER',  f.  m.  {Artillerie.)  c'eft 
une  petite  pièce  d'artillerie  ,  dont  on  fe 
fert  particulièrement  dans  unvaiffeau,  pour 
tirer  à  l'abordage  des  clous  ,  des  ferre- 
mens ,  &c.  fur  un  ennemi.  Voye:{  Ar- 
tillerie &  Mortier. 

On  les  ouvre  généralement  par  la  cu- 
lafle ,  &  leurs  chambres  pouvant  être  dé- 
montées ,  on  les  charge  par  ce  moyen ,  au 
lieu  d'agir  par  leur  bouche ,  comme  on  le 
fait  ordinairement  par  rapport  aux  autres 
armes  à  feu.  Charniers. 

On  s'eft  fervi  autrefois  de  cette  efpece 
de  canon  fur  terre  ,  mais  il  y  a  long-temps 
que  l'ufage  en  eft  interrompu.  M.  de  Saint 
Remy  dit  même  que  de  fon  temps  on  a 
refondu  tous  ceux  qui  fe  trouvoient  dans 
les  arfenaux.  Cependant  plulieurs  autres 
militaires  prétendent  qu'on  pourroit  en- 
core s'en  fervir  utilement. 

Le  pierrier  eft  aufti  une  efpece  de 
mortier  avec  lequel  on  jette  des  pierres 
dans  un  retranchement  ou  autre  ouvrage. 


PIE  8^7 

Il  fe  charge  comme  le  mortier  ordinaire , 
&  les  pierres  ou  cailloux  fe  mettent  dans 
un  panier  à  la  place  de  la  bombe. 

On  voit  dans  la  pL  VIII  de  fortifica- 
tion ,  figure  3  ,  un  pierrier ,  dont  les  prin- 
cipales parties  font  :  ^,  les  tourillons; 

B ,  le  mufle  avec  la  lumière  fur  la  culalTe  ; 

C,  le  renfort  avec  ^ts  moulures;  Z),  le 
ventre  ;  E  ,  plate-bande  du  renfort  de 
volée  avec  les  moulures  ;  FF ,  les  cercles 
ou  renforts  fur  la  volée  ;  G ,  le  bourlet  ; 
i/,  la  bouche  ou  l'embouchure  ;  7,  l'anfe. 
Uanfe  de  ce  mortier  eft  ce  qui  eft  ponflué 
depuis  le  bourlet  jufqu'au  bas  du  ventre  , 
&:  la  chambre  eft  l'efpace  poniftué  entre 
le  ventre  de  la  lumière.  Foyey^  Ame  6* 
Chambre. 

Le  pierrier  pu  mortier  pierrier  (car  on 
lui  donne  aufli  ce  nom  )  pefe  ordinaire- 
ment looo  livres;  fa  portée  la  plus  longue 
eft  de  1 50  toifes ,  chargé  de  deux  livres  de 
poudre  :  il  a  15  pouces  de  diamètre  à  fa 
bouche  ,  &  1  pies  7  pouces  de  hauteur. 

La  profondeur  de  fa  chambre  ,  évafée 
par  le  haut,  fans  y  comprendre  l'entrée  où 
fe  met  le  tampon  ,  eft  de  huit  pouces. 

Les  tourillons  ont  5  pouces  de  diamètre^ 
La  chambre  doit  entrer  d'un  pouce  dans 
les  tourillons.  L'épaift"eur  du  métal  au  droit 
de  la  chambre  a  3  pouces;  l'épaifleur  du 
ventre  2  ;  &  le  long  de  la  volée  un  pouce 
&  demi.  L'angle  fe  place  au  ventre.  Le 
mufle  ou  mafque  fert  de  baflinet  à  la 
lumière. 

On  chargele  pierrier  de  la  même  ma- 
nière que  le  mortier,  c'eft-à-dire  ,  qu'on 
y  met  d'abord  la  quantité  de  poudre  dont 
la  chambre  doit  être  remplie.  On  recouvre 
cette  poudre  de  foin  Ôc  de  terre  qu'on 
refoule  avec  la  demoifeile  ;  après  quoi  on. 
jette  ou  on  pofe  defl^us  une  quantité  de 
pierres  &  de  cailloux.  L'effet  du  pierrier 
eft  très-grand.  L'efpece  de  grêle  de  cailloux 
qu'il  produit  fait  beaucoup  de  défordre  6c 
de  ravages.  Pour  qu'il  réuflifle  parfaite- 
ment ,  il  faut  qu'il  ne  foit  éloigné  que 
d'environ  150  pas  de  l'endroit  oii  Ion 
veut  faire  tomber  les  pierres  dont  il  eft 
chargé.  On  mêle  quelquefois  des  bombes 
&:  des  grenades  avec  ces  pierres,  &  l'effet 
en  eft  encore  plus  grand.  (Q) 

PIERROT,  voye7{^  MojNEAU. 
Rrrrr  2 


S(?8  PIB 

PIERRURES  ,  f.  f.  (chafe.  )  c'efl  ce 
qui  forme  la  fraife  qui  eft  autour  des  meules 
de  la  tête  d'un  cerf,  d'un  daim  &  d'un 
chevreuil ,  en  forme  de  petites  pierres. 

VlEK{]S^4^Géogr.  anc.)  i°.  montagne 
de  la  Theiïalie ,  félon  Pline ,  /.  IV^  c.  viij. 
Paufanias,  /.  IX ^  c.  xxix,  la  place  dans 
la  Macédoine ,  &  dit  qu'elle  tiroit  fon  nom 
de  Pierus ,  qui  y  établit  le  culte  des  mufes 
fous  le  nom  de  Piérides,. 

1°.  Pierus  eft  auflî  le  nom.  d'un  fleuve 
de  l'Achaïe  propre  ;  il  traverfoit ,  dit  Pau- 
fanias, /.  VIII ^  c.  xxij,  le  territoire  de 
la  ville  Pharce.  Sfrabon  ,  liv.  FlII^pag. 
341,  qui  écrit  Peirus^  dit  qu'on  nommoit 
auffi  ce  fleuve  Theuthéas ,  &  qu'il  fe  jetoit 
dans  l'Achéloiis.  (D.  J.) 

PIÉSMA  ,  f.  m.  {Mat.  m  éd.  des  anc.) 
mi(T/uût, ,  de  T/6^« ,  Je  preÇe  ;  ce  terme  grec 
déflgnele  marc  ou  le  ré/idu  qui  refl:e  après 
qu'on  a  exprimé  la  partie  fluide  de  quelque 
fubftance  folide  ,  comme  des  fruits ,  des 
amandes ,  &c,  Ainfi  ,  dans  l'expreATion  des 
huiles,  le  tourteau,  ou  ce  qui  refte  dans 
le  fac  eft  appelle  pie/ma  ,  &  c'efl:  dans  ce 
fens  qu'Hippocrate  l'emploie  :  cependant 
Diofcoride  ,  parlant  des  baies  de  laurier , 
appelle  leur  fuc  exprimé  piefma  laufinum\ 
&  c'efl  auflli  dans  le  même  fens  que  Galien 
emploie  ce  mot. 

PIÉTÉ ,  DÉVOTION ,  RELIGION, 
ÇSynon.  )  le  mot  de  religion  ,  dans  un 
fens,  en  tant  qu'il  marque  une  difpofition 
de  cœur  à  l'égard  de  nos  devoirs  envers 
Dieu ,  ert  feulement  fynoftyme  avec  les 
deux  autres  mots  ;  h  piété  fait  qu'on  s'en 
acquitte  avec  plus  de  refpeél  &  plus  de 
zèle  ;  la  dévotion  y  porte  un  ex.térieur 
plus  compofé. 

C'efl  aflfez  pour  une  perfonne  du  monde 
d'avoir  de  la  religion  ;  la  piété  convient 
aux  perfonnes  qui  fe  piquent  de  vertu  ;  la 
dévotion  eft  le  partage  des  gens  eniiére- 
ment  retirés. 

Yja  religion  t^pXws  dans  le  cœur,  qu'elle 
ne  paroît  au  dehors.  La  piété  eft  dans  le 
cœur,  &  paroît  au  dehors.  La  dévotion 
paroît  quelquefois  au  dehors  fans  être  dans 
le  cœur.   Girard. 

Piété  ,  promeffe  faite  à  la  ,  (  Théol.) 
S.  Paul  dit  en  termes  exprès  /.  Timotfi. 
iv,  8,  «  que  la  piété  a  les  promelTes  de  la 


FIE 

»  vie  préfente  ,  comme  de  celle  qui  pft  â 
»  venir.»  Pour  avoir  de  jufles  idées  de  ce 
que  cet  apôtre  a  voulu  dire ,  il  convient 
de  I.  déterminer  quelles  font  les  promefles 
dont  il  parle.  2.  Concilier  fon  afienioiv 
avec  l'expérience. 

I.  Sur  le  premier  article ,  il  faut  obfer- 
ver  d'abord  qu'il  s'agit  de  promefles  pro- 
prement dites,  de  déclarations  formelles 
émanée<;  de  Dieu.  Le  tour  des  expreflîions. 
de  faint  Paul  ne  permet  guère  d'en  dou- 
ter. Il  parle  des  promefles  de  la  vie  à 
venir  ;  &  l'on  ne  peut  contefter  qu'il 
n'entende  par-là  l'engagement  que  Dieu- 
a  pris  par  (\qs  promefles  exprefles  de 
rendre  les  gens  de  bien  heureux  dans  la 
vie  à  venir.  On  doit  par  les  promefl^es  de 
la  vie  préfente ,  entendre  aufli  des  décla- 
rations précifes  en  forme  d'engagement  ,, 
qui  regardent  la  vie  préfente ,  &:  qui  pro- 
mettent des  avantages  dans  l'économie  du 
temps. 

Ce  n'eft  pas  tout-à-fait  prouver  la  thefe. 
de  S., Paul,  que  de  faire  valoir  les  avan- 
tages que  \a  piété  eu.  capable.de  procurer  : 
à  la  confidérer  en  elle-même  &  dans  fa 
nature,  il  femble  que  l'apôtre  parle  en- 
core des  promeflfes  temporelles ,  différen» 
tes  même  desbiens  de  la  grâce.  Seroit-il 
ici  queftion  de  tout  ce  qui  peut  rendre 
l'homme  heureux  dans  ce  monde  ?  Mais 
l'expérience  démentiroit  la  décifion  de  S*, 
Paul ,  à  la  prendre  eh  ce  fens.  On  pour- 
voit dire,  pour  mieux  expliquer  les  paroles 
de  l'apôtre  ,  qu'il  portoit  fes  vues  :  i^.Sur 
les  promefles  faites  à  la  piété  dans  l'an- 
cien teftament ,  non  fur  toutes ,  mais  fur 
celles  qui  regardent  les  fidèles,  en  tant 
que  tels  en  particulier.  2°.  Sûr  les  pro- 
meflfes faites  dans  l'évangile  ,  par  lefquel- 
les  celles  de  l'ancienne  économie  ont  été 
confirmées.  ** 

Il  ne  s'agit  pas  ,  dans  ces  promeflfes, 
de  grandeurs ,  de  richefles  ,  &  d'autres 
biens  de  cet  ordre  ;  c'eft  ce  que  Dieu 
n'a  promis  ni  fous  la  loi ,  ni  fous  l'évan- 
gile. Les  promeflfes  dont  il  s'agit  font  celles 
par  lefquellçs  Dieu  fe  propofe  de,  protéger 
les  fidèles,  de  pourvoir  à  leurs  befoins  , 
ôt  de  les  foutenir  dans  les  traverfes  de 
la  vie.  C'eft  ce  que  S.  Paul  indique  lui- 
même  dans  le  n.  /o ,  où  il  dit  que  Dieu 


PIE 

cft  le  confervateur  de  tous  les  hommes , 
mais  principalement  des  fidèles.  Ce  qui 
prouve  encore  que  fa  penfée  q^  porte 
que  fur  cette  proteftion  fpéciale,  fur  la- 
quelle les  gens  de  bien  peuvent  compter, 
e'eft  qu'on  voit  régner  le  même  principe 
en  d'autres  endroits  de  fes  écrits.  Philipp. 
c.  /V ,  V.  G.  «  Ne  foyez  en  inquiétude  de 
»  rien;  mais  en  toutes  chofes,  prélentez 
»  à  Dieu  vos  demandes  par  des  prières 
>»  &  des  fupplications  ,  avec  a-ftions  de 
>»  grâce.  Hebr.  c.  xiij ,  v.  5  ,  6^.  Que  vos 
»  mœurs  foient  fans  avarice ,  étant  con- 
»  tens  de  ce  que  vous  poflTédez  préfen- 
»  tement  ;  car  Dieu  lui-même  a  dit  ;  je 
M  ne  te  délaiflerai  point  ;  &  ne  t'aban- 
»  donnerai  point  ;  tellement  que  nous  pou- 
»  vons  dire  avec  affurance  :  le  feigneur  eft 
»  mon  aide ,  ainfi  je  ne.  craindrai  point 
>t  ce  que  l'homme  me  pourroit  faire.  »  Il 
eft  évident  que  dans  ce  dernier  paffage 
S.  Paul  veut  que  les  chrétiens  envifagent 
les  promeffes  de  l'ancien  teftament,  qu'il 
cite  comme  des  promeffes  qui  le  regardent 
directement.  Le  Sauveur  lui-même  ('vS^am/ 
Math.  c.  vj  i  V.  23,34.9  veut  que  {zs, 
difciples  n'attendent  de  Dieu  que  fa  pro^ 
tedlion,  &  les  chofes  nécefTaires  à  leur 
entretien  ;  il  ne  leur  promet  rien  au  delà. 

Quand  donc  S.  Paul  dit  que  la  piété -a^ 
les  promeffes  de  la  vie  préfente,  il  entend 
par-là  que  Dieu  a  promis  fa  bénédiâ:ion 
dir  les  befoins  effentiels  des  fidèles  ,  &  fur 
ks  foins  légitimes  qu'ils  prendront  pour 
liibfifter,  outre  qu'il  leur  accordera  le  don 
d'être  contens  dans  les  différentes  fitua- 
tions  où  ils  pourront  fe  trouver. 

Qu'on  n'objeéle  donc  plus  qu'on  voit 
communément  des  gens  de  bien  malheu- 
reux ;  le  bonheur  ne  confiile  point  dans 
la  poffefiîon  des  grandeurs,  des  rtcheffes, 
&  de  la  profpérité  extérieure  ;  ce  n'eff  pas 
ce  que  Dieu  a  promis  aux  fidèles  ;  ainfi 
il  ne  manque  pas  à  its  promeffes,  en  ne 
leur  accordant  point  ces  fortes  d'avanta- 
ges; cette  profpérité  extérieure  eft  fouvent 
fort  trompeufe,  &:  n'eft  rien  moins  que 
durable  ;  mais  l'homme  de  bien  eft  protégé 
de  Dieu,  à  proportion  du  befoin  qu'il 
a  de  Ton  fecours.  La  confiance  qu'il  a 
dans  l'Etre  uiprême  ,  &  la  paix  inférieure 
4om  il  jouit  )  le  confolemt  dans  les  trayer- 


P  I  E  %6c) 

Tes  qu*il  éprouve  ;  &  c'eft  en  cela  que  la. 
piété  a  les  promeffes  de  la  vie  préfente. 
Cette  piété  ne  met  point  obftacle  à  la 
profpérité  temporelle  du  fidèle  ;  &  fi  elle 
lui  nuit  dans  certains  cas  aux  yeux  des 
hommes,  ces  cas  entrent  dans  la  claffe 
ordinaire  des  événemens  dont  Dieu  n'a 
pas  promis  de  changer  le  cours  {D.  J.) 

Piété  ,  (Phihjhphie  païenne.)  Quoi- 
qu'Ariftote  ait  rapporté  le  culte  de  la  divi- 
nité à  la  feule  magnificence  des  temples  , 
&  que  la  religion  ne  foit  entrée  pour  rien- 
dans  fon  fyftême  de  morale,  il  paroît  que 
plufieurs  autres  fages  ont  fait  confifter  la 
piété  dans  les  fentimens  intérieurs,  &  non 
pas  dans  les  aéles  extérieurs  de  la  dévo- 
tion. Je  n'en  citerai  pour  preuve  que  ce 
beau  paffage  de  Cicéron ,  tiré  de  fon  livre 
de  la  nature  des  dieux  ,  liv.  II,  ch.  xxvHj, 
CuLtus  autem  deorum  efi  optimus  ^  idem^ 
que  cafiijjîmus  ,  atque  fanclijjimus  ,  pie- 
nijjimufque  pietat^;  eos  femper  piirâ ,  in- 
tégra .^  incorrupta ,  &  voce,  &  mente, 
veneremur.  Non  enirn  philofophi  foLlim  y 
verîim  etiam  majores  nofiri  fuperflitionem 
à  religione  feparaverunt.  «  La  meilleure 
»  manière  de  fervir  les  dieux  ,  le  culte  le 
»  plus  pur ,  le  plus  faint ,  le  plus  pieux  , 
»  c'eft  de  les  honorer  toujours  avec  des 
»  fentimens  &:  des  difcours  purs ,  finceres, 
»  droits  &  incorruptibles  :  ce  ne  font  pas 
»  feulement  les  philofophes  qui  ont  diftin- 
»  gué  la  piété  d'avec,  la  fuperftition;  nos 
»  ancêtres  ont  auflî  connu  cettedifférence. »' 
Séneque,Epiâ:ete  &  quelques  autres  fages^ 
ont  tenu  les  mêmes  dilbours.  (Z).  J.) 

Piété,  ( Mythol,  Littérat.  Monum. 
Médailles)  Cette  , vertu  que  les  Grecs  ap-' 
pelloient  Eufebie  ,  fut  déifiée  par  les  an- 
ciens ,  qui  l'honorèrent  comme  déeffe^ 
Stace j'invoque  dans  une  de  (qs  pièces: 

Summa  Dcum  pietas  ,  &c. 

Nous  voyons  fouvent  fon  image  furies^ 
monumens  de  l'antiquité.  Ils  entendoient 
parla  piété,  non-feulement  la  dévotiort 
des  hommes  envers  les  dieux,  &  le  ref- 
pect  des  entans  pour  leurs  pères ,  mais  aufli 
certaines  aftions  pieufes  des  hommes  en- 
vers leurs  femblables.  Il  eft  peu  de  gens 
qui  n'affeâ;^ut .  cette  bûnne  qualixé  ,  lors^ 


«70  P  I  E 

même  qu'ils  ne  l'ont  pas.  Tous  les  empe- 
reurs fe  faifoient  appeller  pieux  ,  les  plus 
impies  &  les  plus  cruels  comme  les  autres. 

La  PièU  étoit  repréfentée  comme  une 
femme  aflife ,  ayant  la  tête  couverte  d'un 
grand  voile,  tenant  de  la  main  droite  un 
timon  ,  &  de  la  main  gauche  une  corne 
d'abondance.  Elle  avoit  devant  fes  pies 
une  cigogne,  qui  eft  le  fymbole  de  la 
picté^  à  caufe  dugrand  amour  de  cet  oifeau 
pour  fes  petits.  C  eft  pour  cela  que  Pétrone 
appelle  la  cigogne  pietatis  cultrix  ,  ama- 
trice  de  Xdipiété.  La  piété qQ.  quelquefois  dé- 
fi^née  fur  des  médailles  par  d'autres  fym- 
boles ,  tantôt  par  un  temple  ,  ou  par  les 
inftrumens'des  facrifices;  tantôt  par  deux 
femmes  qui  fe  donnent  la  main  fur  un  autel 
flamboyant. 

Il  ne  faut  pas  oublier  ici  le  temple  bâti 
dans  Rome  à  la  Piété  par  Acilius ,  en 
mémoire  de  cette  belle  aclion  d'une  fille 
envers  fa  mère.  VoicLj.comme  Valere- 
Maxime  raconte  la  choTe.  Une  femm.e  de 
condition  libre ,  convaincue  d'un  crime 
capital,  avoit  été  condamnée  par  le  pré- 
teur, &  livrée  à  un  triumvir  pour  être 
exécutée  dans  la  prifon.  Celui-ci  n*ofant 
pofer  fes  mains  fur  cette  criminelle,  qui 
lui  paroifTc^it  digne  de  compaffion  ,  réfolut 
de  la  laiiTer  mourir  de  faim ,  fans  autre  fup- 
plice.  Il  permit  même  à  une  fille  qu'elle 
avoit,  d'entrer  dans  la  prifon,  mais  avec 
cette  précaution,  qu'il  la  faifoit  fouiller 
exactement,  de  peur  qu'elle  ne  portât  à 
fa  mère  de  quoi  vivre.  Plufieurs  jours  fe 
pafTent ,  &:  la  femme  eft  toujours  en  vie  : 
le  triumvir  étonné  obferva  la  fille ,  &  dé- 
couvrit <iu'elle  donnoità  teter  à  fa  mère. 
Il  alla  aufii-tôt  rendre  compte  au  préteur 
d'une  chofe  fi  extraordinaire  :  le  préteur 
en  fit  fon  rapport  aux  juges  ,  qui  firent 
grâce  à  la  criminelle.  11  fut  même  ordonné 
que  la  prifon  feroit  changée  en  un  temple 
confacré  à  la  Piété ,  félon  Pline ,  &  les 
deux  femmes  furent  nourries  aux  dépens 
du  public.  Les  peintres  ont  fuivi  cette  tra- 
dition dans  les  tableaux  où  ils  ont  répré- 
fenté  cette  hiftoire,  qu'on  appelle  commu- 
nément des  charités  romaines. 

Feftus  ,  &  quelques  autres  hiftoriens  , 
mettent  un  père  au  lieu  d'une  mère  dans 
ranecdote  qu'on  vient  de  lire  ',  mais  cette 


"  PIE 

circonftance  ne  change  rien  au  fait.  Ce 
temple-ci  étoit  dans  le  marché  aux  herbes  ; 
Pline  pyle  d'un  autre  temple  confacré  à 
la  Piété  y  &  fituédansle  neuvième  quar- 
tier près  du  théâtre  de  Marcellus.  Nardini 
doute  fi  ces  deux  temples  ne  font  pas  le 
même.  Ce  qui  eft  certain  ,  c'eft  qu'elle 
avoit  divers  temples  &  ftatues  dans  les 
provinces. 

Nous  avons  dans  BoiflTard  une  ftatue  de 
femme  vêtue  de  la  ftole  ,  coëffée  en  che- 
veux, à  la  manière  de  Matidie.  Elle  eft 
debout  :  fa  main  droite  eft  appliquée  fur 
fa  poitrine.  De  la  gauche  elle  tient  un 
pan  de  fa  robe.  Devant  elle  eft  un  autel 
fur  lequel  font  une  préféricule  &:  une  pa- 
tere.  Au  bas  font  gravés  ces  deux  mots  , 
Pietati  Auguftœ, 

Elle  eft  aiifti  quelquefois  repréfentée  fous 
la  figure  d'une  femme  nue  ,  tenant  un 
oifeau  dans  fa  main. 

Dans  les  Mifcellanès  de  Spon  fe  trouve 
une  infcription  à  la  Piété  d'Hadrien.  Il  y 
en  a  quatre  autres  dans  Grutter.  (Z>.  J.) 

Piété  ,  f  f.  (OmitholJ  en  X^impha^ 
laris.  Cet  oifeau  eft  fort  commun  dans  le 
Soifl'onnois  &.  le  Beauvoifis  ;  il  eft  plus 
grand  qu'une  cercelle ,  &  moindre  qu'un 
morillon  :  il  y  en  a  quelquefois  de  toutes 
blanches ,  &  d'autres  qui  ont  du  noir  dans 
le  champ  de  leur  pennage  ;  mais  leur  cou- 
leur la  plus  commune ,  eft  d'avoir  le  def- 
fous  de  la  gorge  &  du  ventre  tout  blanc  , 
&  le  deftus  du  corps  noir  ;  les  ailes  comme 
celles  d'une  pie;  les  pies  &  la  queue  com- 
me ceux  du  morillon  ;  fon  bec  eft  rond  , 
&  n'eft  point  voûté  par-defliis  ;  mais  il  eft 
dentelé  par  les  bords  ;  elle  a  une  huppe  à 
l'endroit  où  lui  commence  le  cou  fur  le 
derrière  de  la  nuque.  {D.  J.) 

Piété  ,  f.  f  (Blafon.)  On  fe  fert  de 
ce  terme  dans  le  blafon,  pour  fignifier  les 
petits  d'un  pélican,  qui  s'ouvre  le  fein  pour 
les  nourrir  de  fon  fang.  Les  le  Camus  de 
Paris  ,  originaires  de  Poitou,  portent  dans 
leurs  armes  un  péhcan  avec  fa  piété ,  le 
tout  de  gueules.  Du  Dréfic  de  Kerforn, 
en  Bretagne  -^A^ argent  au  pélican  d'a{ur  , 
fa  piété  de  gueules.  Ménétrier.  (Z).  /.J 

Piété,  monts  de,  Fôye^  l'article 
MONT%DE  PIÉTÉ. 

PiÉTER  le  gouvernail,  ÇMarinc.) 


PIE 

C*eft  y  mettre  des  marques  de  dîflances 
en  diftances ,  divilees  en  pies  &  pouces  , 
a*in  de  connoître  combien  il  enfonce  dans 
l'eau. 

PIÊTISTES,  f.  m.  p\.(Hlft.  cccUf.) 
fefte  qui  s'eft  élevée  en  Allemagne  dans 
le  fein  du  luthérauifme ,  &c  qui  eft  pref- 
qu'aufli  ancierine  que  le  lurhéranihne 
même  ,  &  qui  femble  tenir  le  milieu  entre 
les  Quakers  ou  trembleurs  d'Ansileterre  , 
&  les  Quiétiftes.  Voyc\  QuAKERS  6- 
QUIÉTISTES. 

Schwenfeld  en  avoir  ébauché  le  plan  , 
Weigel  l'avoit  perfefllonné  ,  &  Jacques 
Bohm,  cordonnier  de  Siléfie,  l'avo't  répan- 
due dans  fa  patrie.  C'étoient  des  hommes 
entêtés  de  la  théologie  myftique,  qui  ont 
outré  l'idée  de  l'union  de  l'ame  avec  Dieu, 
prétendant,  que  c'étoit  une  unité  réelle  ,  & 
une  identité  phyfique  de  l'ame  tranTmuée 
en  Dieu  &:  en  Jefus-Chrift.  En  forte  que 
l'on  pouvoir  dire ,  l'elon  eux ,  dans  un  fens 
propre  &  fan^  métaphore  ,  «  que  l'ame 
H  étoit  Dieu  ,  &  que  Jefus-Chrift  étoit 
V*  en  nous  le  nouvel  Adam  ;  qu'a-nfi  ado- 
H  rer  fon  ame ,  c'étoit  adorer  Dieu  & 
>»  fon  Chrift.  »  A  cette  erreur  capitale  , 
ils  en  ajoufoient  plufieurs  autres,  folon  un 
miniftre  de  Dantïick,,  qui  les  accufe  non 
feulement  d'hérélie,mais  encore  de  ichiTme. 

Cet  auteur  définit  le  Putifme ,  un  afTem- 
Mage  de  fyflêmes  d'Anabaptifte>  ,  de 
Schwenfeldiens,  de  Weigeîiens,  de  Ralh- 
maniens ,  de  Labadifl.es  ôc.  de  Quakers  , 
qui  fous  prétexte  d'une  nouvelle  réforme, 
&  dans  refpérance  de  temps  plus  f^ivora- 
b!es  ,  abandonnent  la  confeffion  d'Aus- 
bourg,  admettent  à  leur  communion  toutes 
fortes  de  fe6les,  particulièrement  des  Cal- 
vinifles  ,  &  font  parfaitement  indiffércns 
en  matière  de  religion.. 

Il  !eur  reproche  encore  de  croire ,  avec 
les  Donatiftcs,  que  l'efFet  des  facremens 
dépend  de  la  piété  &  de  la  vertu  du  mi- 
nière; que  les  créatures  font  des  émana- 
tions de  la  fubftance  divine  ;  que  l'état 
de  grâce  efl:  une  poiïefîion  rée'le  des  attri- 
buts divins;  qu'on  peut  être  uni  à  Dieu 
quoique  Ton  niela  divinité  de  Jefus-Chrift; 
que  toute  erreur  eft  innocente  ,  pourvu 
qu'elle  foit  accompagnée  de  fiiicérité',  q-je 
la,  grâce  prévenante,  e(l  naturelle  ;  que  la 


P  I  E  87r 

voîontë  commence  l'ouvrage  du  falut;  que 
l'on  peut  avoir  de  la  foi  fans  aucun  fecours 
furnaturel  ;  que  tout  amour  de  la  créature 
eft  un  péché  ;  qu'un  chrétien  peut  éviter 
tous  les  péchés  ,  &  qu'on  peut  jouir  dès 
ce  monde  du  royaume  de  Dieu.  Manipu- 
las obfcrvationum  antipieîijiicarum. 

M.  Chambers  obferve  que  toutes  ces 
accufations  ne  font  pas  également  fondées, 
&  que  quelques-unes  même  font  exagé- 
rées ;  qu'il  y  a  des  Piétiftes  de  différentes 
fortes ,  dont  les  uns  font  dans  des  illufions 
groftieres,  &  pouffent  le  fanatifme  jufqu'à 
détruire  une  grande  partie  des  vérités 
chrétiennes  ;  que  d'autres  font  iimplement 
vifionnaires  ,  &  de  bonnes  gens  ,  qui , 
choqués  de  la  froideur  &  des  formalités 
des  autres  églifes,  &  enchantés  de  la  dé- 
votion ordinaire  cîes  Piénjies ,  font  atta- 
chés à  leur  parti  fans  donner  dans  la  grof- 
(léreté  de  leur  erreur. 

Mais  on  ne  fauroit  les  dlfculper  d'avoir 
fait  fchifme  avec  les  Luthériens  ;  car  en 
1661  ,  Thefphile  Brofchbandt  &  Henri 
Muller ,  l'un  diacre  de  l'églife  de  Roftok 
au  duché  de  Mékelbourg ,  &  l'autre  doc- 
teur de  l'univerfité  de  cette  ville,  invefti-^ 
verent  contre  le  refte  6es  cérémonies  ro-^ 
mainesque  les  Luthériens  ont  confervées, 
autels ,  baptifteres ,  chants  eccléfiaftiques, 
prédications,  même  tout  félon  eux  devoir 
être  aboli  ;  &  c'eft  ainfi  qu'en  uferent 
Spéner  &  Jean  Hors,  qui  retranchèrent 
tout  l'appareil  des  cérémonies  dans  les 
églifes  dont  ils  étoient  pafteurs,  &  con- 
vertirent le  fervice  qui  fe  faifoit  dans  les 
prêches ,  en  aftemblées  particulières  dans 
les  maifons  où  ils  expHquoient  l'écriture 
à  leur  mode  ,  &  qu'on  nomma  pour  cela 
collèges  de  la  parole  de  Dieu ,  collegia 
philoi>ib/ica.  heur  fec^e  d'abord  répandue 
en  Saxe  &  en  Prufte  ,  y  a  été  profcrite  , 
&  s'eft  maintenue  feulement  à  Hambourg 
&  en  Hollande.  Catrou,  hifi.  des  Trem- 
bUurs ^  liv.  m.. 

;  PlÉTiSTES  CMe  des)  ,  {Hift.  eccléf.) 
Sefte  moderne  qui  s'eft  élevée  dans  le 
dix-feptieme  fiecle  parmi  les  réformés , 
rour  ranimer  la  piété  chancelante,  &  con- 
duire les  hommes  au  faîut  par  la  feule  foi 
qu'on  doit  avoir  en  la  latisfaftion  de  J.  C. 
mort  pour  nos  pécfcés.  Il  eft  difficile  de. 


#■■ 


87i  PIE 

dire  fi  ces  Puùftes  font  les  mêmes  que 
ceux  de  l'article  précédent  ,  tant  on  en 
parie  diverfement. 

On  place  l'origine  de  cette  fefte  plus 
pieufe  qu'éclairée  chez  les  Luthériens  d'Al- 
lemagne ,  vers  le  milieu  du  dernier  fiecle. 
Elle  s'eft  formée  par  les  exhortations  de 
Philippe- Jacques  Spéner ,  célèbre  Théo- 
logien Allemand.  11  étoit  né  en  Alface  , 
&:  mourut  en  1705  à  Berlin,  où  il  étoit 
confeiller  eccléfiaftique ,  &  un  des  prin- 
cipaux pafteurs. 

Dans  le  temps  qu'il  demeuroit  à  Franc- 
fort ,  frappé  de  la  décadence  de  la  piété 
&:  des  progrès  de  la  corruption ,  il  forma 
le  deiTein  de  ranimer  la  première  ,  &  de 
s'oppofer  à  l'autre.  Dans  cette  vue  il  éta- 
blit ,  en  1670,  une  alTemblée  ou  collège  de 
piété  dans  fa  maifon  ,'d'où  il  la  transporta 
dans  une  églife  avec  la  permiffion  du  ma- 
giftrat.  A  cette  affemblée  étoient  admifes 
toutes  fortes  de  perfonnes ,  hommes  & 
femmes ,  mais  les  femmes  étoienr  féparées 
des  hommes.  M.  Spéner  commençoit 
l'exercice  par  un  difcours  édifiant  fur  quel- 
que pafiTage  de  l'écriture  fainte ,  après  quoi 
il  permcttoit  aux  hommes  qui  étoient  là, 
de  dire  leur  fentiment  fur  le  fujet  qu'il 
avoit  traité. 

Il  publia  un  ouvrage  où  il  Indiquoit  les 
défauts  qu'il  croy oit  remarquer  dans  l'églife 
luthérienne  ,  &î  les  moyens  d'y  remédier. 
Mais  en  plufieurs  endroits  les  affemblées 
qu'il  forma,  produifirent  parmi  le  peuple 
un  mauvais  effet ,  en  lui  infpirant  une 
efpece  de  fanatifme  plutôt  que  la  pure 
religion ,  ce  qui  excita  les  plaintes  de  la 
plupart  des  théologiens,  qui  prétendoient 
que  fous  prétexte  d'avancer  la  piété ,  on 
négligeoitla  faine  doftrine,  &  on  donnoit 
occafion  à  des  efprits  féditieux  de  troubler 
la  fociété  &:  l'églife. 

Ce  fut  à-peu-près  dans  le  même  temps 
qu'il  fe  forma  à  Leipfick  un  autre  collège 
de  piété  ,  femblable  à  celui  de  M.  Spéner, 
&c  qui  fut  nommé  coUcgium pkilobiblicum. 
Des  amis  de  ce  pafteur  fondèrent  auffi 
dans  la  même  ville  des  aflemblées  parti- 
culières, deflinées  à  expliquer  en  langue 
vulgaire  divers  livres  de  Técriture-fainte  , 
de  la  manière  la  plus  propre  à  infpirer  la 
piété  à  leurs  auditeurs.  La  faculté  de  Théo- 


PIE 

logie  autorifa  ce^  affemblées  où  la  foule 
étoit  grande  ;  néanmoins  on  en  parla  à  la 
cour  de  Saxe  comme  d'afTemblées  fufpec- 
tes,  &:  cette  cour  les  défendit  en  1690. 
Il  faut  confulter  fur  ce  fujet  Mosheim  , 
inftitut.  hifl.  chrifi.  feculi  xvlij. 

Ce  fut  ainfî  que  naquit  le  nom  de  PU' 
tiftes ,  qu'on  a  donné  depuis  à  tous  ceux 
qui  ont  voulu  fe  diftinguer  par  une  plus 
grande  auftérité  de  mœurs ,  &  par  leur 
zèle  vrai  ou  apparent  pour  la  piété. 

Leurs  affemblées  cauferent  de  grands 
mouvemens  en  Allemagne  ,  &  leur  feâ:e 
s'étendit  dans  la  SuiiTe ,  &  particulière- 
ment à  Berne.  Un  nommé  Viglér  ,  du 
canton  de  Zurich,  enfeigna  le  premier  la 
doâ^rine  des  Piétiftes  dans  Berne  en  1698. 
Il  repréfentoit  fi  vivement  l'énormité  du 
péché  &  la  difficulté  de  fe  fouftraire  à  la 
colère  d'un  Dieu  juftement  irrité  ,  qu'il 
jetoit  ceux  qui  l'écoutoient  dans  d'extrê- 
mes perplexités.  Leurs  excellences  firent 
des  enquêtes  très-féveres  fur  la  doftrine  de 
ce  prédicateur;  mais  elles  trouvèrent  plu- 
fieurs perfonnes  de  confidération  qui  lui 
étoient  fecretement  attachées. 

Il  combattoit  fur-tout  l'opinion  de  ceux 
qui  prétendoient  fonder  le  falut  fur  les 
œuvres  extérieures  de  piété,  les  prières, 
les  aumônes  ;  &  il  enfeignoit  que  l'unique 
voie  pour  obtenir  le  falut  j  confifioit  dans 
la  foi  qu'on  doit  avoir  en  la  fatisfaclion 
de  J.  C.  mort  pour  nos  offenfes. 

L'imagination  effrayée  du  peuple  pro- 
duifit  dans  quelques  affemblées  particuliè- 
res des  convulfions  &  des  tremblemens , 
qu'ils  difôient  reflfentir  par  l'horreur  de 
leurs  péchés,  &  la  difficulté  pour  eux  d'être 
régénérés  &  faits  enfans  de  Dieu. 

Leurs  principes  enthoufiafles  fe  font 
depuis  répauj^us  dans  les  Provinces-Unies, 
où  l'on  n'a  vu  que  trop  de  perfonnes  qui 
en  ont  été  imbues.  Ç Le  chev.  DE  JaU" 
COURT ) 

PIETONNER  ,  {Pêche.)  c'eft  fouler 
ou  pommeter  le  fable  avec  les  pies ,  pour 
la  pêche  du  poiiTon  plat. 

PIETRA'MALA  ,  (Géogr.)  village 
à  huit  lieues  de  Bologne,  à  dix-huit  de 
Florence,  peu  éloigné  de  Fiorenzuola.  Le 
beau  fpedacle  que  la  phyfique  offre  dans 
ces  montagnes  ,  par  le  feu  qu'on  appelle 

dans 


P  î  E 

^ns  le  pays/uaco  dt  legno  ,  à  un  mille  de 
jPietra-Mala  ! 

Le  terrain  d'où  cette  flamme  s'exhale 
Si  dix  ou  douze  pies  en  tout  fens  ,  fur 
lie  penchant  d'une  montagne  à  mi-côte  , 
parfemé  de  cailloux  ,  lans  fente  ni  crevafïè. 
Cette  flamme  eft^  fi  vive  ,  fur-tout  quand 
le  temps  eft  pluvieux  &  la  nuit  obfcure  , 
jQu'elle  éclaire  toutes  les  montagnes  voi- 
iines. 

En  y  jetant  de  l'eau  ,  la  flamme  pétille 
&  cefle  pour  un  inllant  ,  mais  bientôt 
elle  reprend  toute  fa  vivacité  ;  le  bois  s'y 
enflamme  très-vite,  mais  les  pierres  n'y  pa- 
roiflênt  prefque  pas  altérées  ;  le  terrain  n'en 
efl  pas  même  chaud  dans  les  endroits  où  il 
n'y  a  pas  de  flamme  aduelle.  Si  un  grand 
vent  l'éteint,  ce  quiefl  très-rare,  il  fuflitd'en 
approcher  la  moindre  lumière  pour  la  rallu- 
mer en  entier.  L'odeur  ferable  tenir  un  peu 
À\i  foufre  ou  plutôt  de  l'huile  de  pétrole. 
îM.  Lauta  Bafîi  dit  que  cette  odeur  appro- 
choit  de  celle  qu'on  apperçoit  quelquefois 
ilans  les  expériences  d'éleâricité. 

Quand  le  temps  efl  difpofé  au  tonnerre , 
la  flamme  redouble  de  vivacité  ;  ce  qui 
fembleroit  Indiquer  quelque  rapport  avec  le 
feu  éledrique. 

Selon  M.  Targioni  (  Voyages  en  Tof-- 
cane )  tom.  IV ,  pag.  ^oo) ,  ce  feu  doit 
être  regardé  comme  le  refle  d'un  volcan 
éteint  depuis  long-temps. 

Dans  un  pré  ,  à  un  demi-mille  de  Pietra- 
Mala  ,  efl:  une  fontaine  appellée  Acqua 
JBuiay  dont  l'eau  efl  froide  ,  mais  s'allume 
comme  de  l'eiprit-de-vin  ,  quand  on  en 
approche  une  allumette.  Voyage  d'un 
François  en  Italie  y  tom.  II.  (  C) 

PIETRA-SANTA  ,  (Geog.  anc.)  petite 
ville  d'Italie ,  dans  la  Tofcane  ,  entre  l'état 
de  la  république  de  Lucques  ,  &  la  princi- 
pauté de  Mafla.  Magin  croit  que  c'efl  l'an- 
cien endroit  appelle  Lucus  Feronice.  Long. 

PIETRO  IN  GALATINA  (  5an  ) , 

'{  Ge'ogr.  mod.  )  petite  ville  d'Italie  ,  au 
royaume  de  Naples  ,  dans  la  terre  d'O- 
tranre  ,  à  5  milles  au  levant  de  Nardo  ,  &  à 
.10  au  mi  .^i  de  Lecce.  {  D.J.) 

PIETTE    RELIGÏEUSIÎ ,  NOUET- 
TE  BLANCHE,  l'J.  {Hifi.  nat.  Omi^ 
tholog.  )  albellus  alter ,  Adl.  morgus  major 
Tome  XXV. 


PIE  87$ 

çirratus  gefu  y  Wil.  oifeau  qui  pefc  envi- 
ron une  livre  huit  onces,  &  qui  a  feize 
à  dix-fept  pouces  de  longueur  depuis  la 
pointe  du  bec  jufqu'A  l'extrémité  de  la 
queue  ou  des  doigts.  L'envergure  efl  de 
plus  de  deux  pies.  La  tête  ,  le  cou  &  la 
huppe,  font  entièrement  blancs  ,  à  l'excep- 
tion de  deux  taches  noires  :  l'une  de  ces 
taches  entoure  la  happe ,  &  fe  terminis 
en  angle  aigu  ;  l'autre  s'étend  de  chaque 
côté  de  la  tête  ,  depuis  les  coins  de  la 
bouche  jufqu'aux  yeux.  Toute  la  face  infé- 
rieure de  l'oifeau  efl  d'un  très-beau  blanc. 
Les  longues  plumes  des  épaules  font  de  la 
même  couleur  ,  &  le  dos  efl  noir  ;  il  y  a 
de  chaque  coté  une  tache  noire  en  forme 
de  croiflant  &  double,  qui  defcend  ,du 
dos  ,  &  qui  entoure  en  partie  la  poitrine 
comme  un  collier.  Les  ailes  font  en  partîp 
noires  &  en  partie  blanches.  La  queue  efl 
d'un  cendré  noirâtre.  Le  bec  &'  les  pies 
ont  une  couleur  cendrée  ou  bleuâtre.  Les 
doigts  font  unis  les  uns  aux  autres  par 
une  membrane  brune. 

La  femelle  efl  très-différente  du  mâle. 
Plufieurs  auteurs  en  ont  fait  deux  efpeces 
particulières.  Elle  n'a  point  de  huppe  ;  la 
tcte  &  les  joues  font  rouffes  en  entier'^ 
toute  la  face  fupérieure  du  corps  ,  à  l'ex- 
ception des  ailes  ,  efl  d'un  brun  cendré  : 
au  refle  elle  reffemble  affez  au  mâle.  Rai. 
fynop.  mit.  api.   Voye\  OiSEAU. 

PIEU  ,  f.  rn.  {Hifi.  anc.)  gros  bâton 
pointu  ,  ou  pièce  de  bois  ,  dont  on  fe 
îert  pour  faire  6es  enclos,  des  paliffades. 
Les  Grecs  &  les  Romains  s'en  fervoient 
pour  fortifier  leurs  camps  en  les  plantant 
fur  la  crête  du  parapet  ;  mais  ils  n'avoient 
pas  le  même  ufage  de  les  tailler  ni  de  les 
ébrancher.  Voici  ce  que  Polybe  remarque 
à  cette  occafion.  Chez  les  Grecs,  dit-il, 
les  meilleurs  pieux  font  ceux  qui  ont  beau- 
coup de  branches  autour  du  jet.  Les  Ro- 
mains au  contraire  n'en  laiffent  que  deux 
ou  trois  ,  tout  au  plus  quatre  ,  &  feule- 
ment d'un  côté.  Ceux  des  Grecs  font  plus 
ailés  à  arracher  :  car  comme  les  branches 
en  font  fortes  &  en  grand  nombre ,  deux 
ou  trois  foldats  y  trouveront  de  la  prife , 
l'enlèveront  facilement  ;  &  voilà  une  porfe 
ouverte  à  l'ennemi  ,  fans  compter  que 
tous  les  pieux  voifins  en  ferorit  ébranlés. 

S^sss 


S74  PIE 

Il  n'en  efl  pas  ainlî  cîiez  les  Romains  , 
les  branches  font  tellement  mêlées  &  in- 
férées les  unes  dans  les  autres  ,  qu'à  peine 
peut-on  diftinguer  le  pie  d'où  elles  fortent. 
Il  n'ed  pas  non  plus  pofliblc  d'arracher 
ces  pieux  ^  parce  qu'ils  font  enfoncés  trop 
avant  ;  &  quand  on  parviendroit  à  en  en- 
lever un  de  fa  place ,  l'ouverture  qu'il 
lailTe  cft  prefque  imperceptible.  D'où  il 
cfl  aifé  de  voir  avec  quelle  attention  les 
anciens  fortifioient  leurs  camps ,  partie  de 
la  guerre  que  les  modernes  ont  prefque 
totaie.Tent  abandonnée. 

On  plantoit  encore  dans  le  camp  ,  d'ef- 
pace  en  efpace ,  des  pieux  ,  pour  fervir  de 
but  aux  jeunes  foldats  qu'on  exerçoit  à  tirer 
des  armes  &  à  lancer  le  javelot. 

Dans  les  fupplices  ,  le  pieu  fervoit  «à 
attacher  les  criminels  condamnés  à  être 
battus  de  verges  :  ce  qu'on  appelloit  ad 
palum  alligare.  Quelques-uns  prétendent 
qu'on  s'en  fervoit  auffi  pour  les  empaler , 
comme  on  fait  aujourd'hui  chez  les  Turcs , 
mais  fans  fondement  ;  on  ne  trouve  point 
dans  les  hifîoriens  de  traits  qui  aient  rapport 
à  cette  efpece  de  fupplicc. 

PIEUX,  f  m.  pi.  {Archit.  hydrauL) 
pièce  de  bois  de  chêne  ,  qu'on  emploie 
dans  leur  grofîèur  ,  pour  faire  les  palées 
des  ponts  de  bois ,  ou  qu'on  équarrit  pour 
les  files  des  pieux  {voye\  ce  mot)  qui 
retiennent  les  berges  de  terre  ,  les  di- 
gues ,  &c.  qui  fervent  à  conftruire  les 
batardeaux.  hes  pieux  font  pointus  &  ferrés 
comme  les  pilots  ;  ce  qui  en  tait  pourtant 
la  différence  ,  c'elt  que  les  pieux  ne  font 
jamais  tout  à  fait  enfoncés  dans  la  terre  , 
&  que  ce  qui  en  paroît  au  dehors  eft 
fouvent  cquarri.    Voye:^  PiLOTS. 

Pieux  de  garde.  Ce  font  des  pieux  qui 
font  au  devant  d'un  pilotis  ,  plus  peuplés  & 
.plus  hauts  que  les  autres  ,  &  recouverts 
d'un  chapeau.  On  en  met  ordinairement 
devant  la  pile  d'un  pont,  &  au  pié  d'un 
mur  de  quai  ou  de  rempart  ,  pour  le  ga- 
rantir du  heurt  des  bateaux  &  des  glaçons , 
&  pour  empêcher  le  dégravoiemcnt.  Dapi- 
ler,  {D.  J.) 

Pieux  {jfile  de)  y  (Hydr.)  c'eft  un  rang 
de  pieux  équarris  ,  &  couronnés  d'un 
chapeau  arrêté  à  tenons  &  mortaifes  ,  eu 
attaché  avec  des   chevilles  de  fer,  pour 


P  I  E 

retenir  les  berges  d'une  rivière  ,  d*un  étang, 
ou  pour  conlerver  les  turetcs  &  chauflees 
^Qs  grands  chemins.  {  K) 

Pieux,  Pilots  ouPiLOTis.Lesp/>yx 
font  le  plus  communément  employés  à 
porter  un  édifice  confiruit  au  deflus  des 
hautes  eaux  ,  tels  que  font  les  ponts  de 
charpente  ,  les  moulins  ,  &c. 

On  fe  fert  des  pilots  ou  pilotis  pour 
porter  un  édifice  de  maçonnerie  que  l'on 
veut  fonder  fous  les  baffes  eaux  ,  comme 
font  les  ponts,  les  murs  de  quai ,  de  cer- 
tains bâtimens  &  autres  ouvrages. 

Les  dimenfions  ^  pojitions  y  efpacemens 
&  le  battage  des  pieux  &  des  pilots  ou 
pilotis  y  forment  quatre  objets  dillinds  que 
l'on  va  examiner  féparément. 

Dimenfions,  Un  pieu  qui  doit  être  ex- 
pofé  à  l'eau  &  à  l'injure  du  temps ,  doit 
être  formé  de  la  pièce  la  plus  forte  que 
l'on  puiife  tirer  d'un  arbre  ;  &  ce  fera 
l'arbre  même  ,  fur-tout  s'il  efl  d'un  droit 
fil  &  fain  :  tout  équarrifîàge  ou  redreife- 
ment  francheroit  les  fibres ,  &  tronqueroif 
par  fegmensles  corps  ligneux  ,  annulaires, 
dont  la  contexturc  plus  ferrée  que  des 
infertions  qui  fc  trcnivent  de  l'un  à  l'autre 
de  ces  corps  ligneux  ,  pourra  mieux  réfifler , 
étant  confervés  en  leur  entier  ;  on  doit  (e 
contenter  d'abattre  les  nodofités ,  d'équarrir 
&  former  en  pointe  pyramidale  le  bouc 
defiiné  à  la  fiche.  On  fe  contente  quel- 
quefois de  le  durcir  au  feu  ,  quand  le  pieu  eil 
delliné  pour  un  terrain  quin'eft  pas  ferme, 
linon  il  doit  être  armé  d'une  lardoire  ,  ou 
fabot  de  fer  à  trois  ou  quatre  branches  ,  ou 
d'équarrir  aulîi  le  bout  vers  la  tête ,  lorf^ 
qu'il  eft  tros  gros  &  qu'il  pourroit  excéder 
la  largeur  des  fommiers  que  l'on  pofe  & 
aiîemble  horizontalement  à  tenons  &  mor- 
taifes fur  la  tête  des  pieux. 

On  a  le  même  intérêt  de  conferver  les  bois 
dans  toute  leur  force  pour  les  pilots '-,  ils 
doivent  pour  cet  effet  être  également  ronds., 
de  droit  fil  &  fans  nœuds  excédans. 

La  groffeur  des  pieux  dépend  donc  de 
celle  des  arbres  -que  l'on  peut  avoir  dans 
chaque  endroit  ;  l'on  fe  propofe  commu- 
nément de  leur  donner  environ  dix  pouces 
de  groffeur  mefurés  au  miheu  de  leur  lon- 
gueur pour  15  &  ï?  pies,  &  de  deux 
pouces  de  plus  peur  chaque  toii'e  excédantt 


PIE 

cette  première  longueur  :  ainfî  un  pieu 
de  33  à  3<^  pies,  par  exemple,  devroit 
avoir  environ  i6  pouces  de  groiTeur  ré- 
duite fans  l'écorce. 

hts  piloî^. d'une  certaine  longueur  n'ont 
pas  befoin  d'être  li  gros  à  proportion  que 
les  pieux  y  étant  prefque  toujours  enfoncés 
entièrement  dans  le  terrain  ,  &  moins  ex- 
pofés  pour  cette  raifon  à  plier  fous  le  fardeau 
&  à  être  ufés  par  le  frottement  de  l'eau  & 
des  corps  qu'elle  charie  ;  on  doit  pour 
cette  raifon  choifir  les  arbres  les  plus  jeunes 
&  les  plus  menus. 

Il  fufïît  que   ces  pilots  aient  environ  9 

Souces  de  groiTeur,  jufqu'à  10  &  il  pies 
e  long  y  &  un  pouce  de  plus  pour  chaque 
toife  excédante  cette  première  longueur. 
Ainli  un  pilot  de  2.8  à  30  piées  de  long 
auroit  un  pié  de  grofleur  réduite ,  mefurée 
auili  fans  l'écorce  :  ce  qui  donncroit  à- 
peu-près  10  pouces  à  la  pointe  &  14  à 
îa  tête. 

Lorfque  l'on  n'a  pas  des  arbres  aflez 
longs  ,  ou  que  les  pieux  ou  pilots  ayant 
pris  plus  de  fiche  que  l'on  ne  l'avoit 
compté ,  fe  trouvent  trop  courts  ,  on 
peut  les   enter    &  "  les    alTembler    exade- 

mtnt  en    (5^  fur  2  &  3  pies  de  longueur , 

après  quoi  on  doit  les  lier  fermement  avec 
deux  bonnes  frettées  de  ter  ,  obfervant 
pour  les  pieux  de  difpofer  ces  entes  de 
façon  qu'elles  puifîènt  être  recouvertes  par 
les  moiles  qui  les  doivent  embrad'er  ,  &  en 
liaifon  alternativement  de  "^l'une  à  l'autre 
moifè. 

Il  fera  parlé  de  ces  moifes  par  la  fuite. 

On  trouve  dans  le  traité  de  charpenterie 
de  Mathurin  Joufie ,  par  M.  Delahire  ,  que 
les  pilotis  doivent  être  équarris  ;  c*  donne 
à  ceux  de  12.  pjés  ,  10  à  ^2  pouces  de 
grofTeur  ;  &  à  ceux  de  30  pies,  16  à  21 
pouces,  au  lieu  de  9  pouces  &  de  I2red. 
de  grofleur  que  l'on  a  propofé  ci-devant, 
&  qui  fuffifent  d'après  ce  qui  fe  pratique 
avec  fuccès  fur  les  plus  grands  travaux 
pour  ces  différentes  longueurs. 
'  Mathurin  Joufle  ,  en  propofant  d'équar- 
tir  les  pilots  &  de  donner  des  dimenjions 
inégales  pour  leur  grofTeur  ,  avoit  fuivi 
ce    qui    fe  pratique   pour  les    batimens 


P  I  E  87) 

de  donner  plus  de  hauteur  que  de  largeuf 
aux  pièces  que  l'on  po!e  horizontalement  : 
c'efl  ce  que  M.  Parent  a  fait  aufîi  con- 
noîrre  dans  les  mémoires  de  l'académie 
des  fciences  de  1708  ,  où  il  efl  démontré 
que  la  pièce  la  plus  forte  que  l'on  puilïê 
tirer  d'un  arbre  ,  pour  porter  ,  étant  placée 
dans  ce  fens ,  doit  être  telle  que  le  quarré 
de  l'un  de  Çts  cotés  foit  double  de  celui 
de  l'autre  côté  :  ce  qui  revient  à-peu-près 
au  rapport  de  7  à  5. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  pour  les  pieux 
qui  lont  delèinés  à  porter  debout.  Quant  à 
l'équarriflèment  &  à  Tinégaiité  de  leurs 
côtés ,  c'efl  ce  que  l'on  croit  avoir  aiîez 
expliqué  précédemment  ;  mais  on  ne  pou- 
voit  fe  difpenfer  d'expofer  ce  qu'ont  adopté 
à  la  fois  un  bon  charpentier  &  un  mathé- 
maticien habile  fur  le  fujer  que  l'on  vient  de 
diicuter  ,  afin  que  l'on  pût  connoîtue  mieux 
ce  qui  doit  être  préféré. 

Ces  réflexions  ne  doivent  ce-pendant  pas 
empêcher  d'employer  des  pieux  ou  àç.s 
pilots  équarris  dans  de  certaines  circonf- 
tances;  on  place  quelquefois,  par  exem- 
ple ,  des  pilots  de  cette  eîjjecc  au  pourtour 
extérieur  des  fondations  ,  pour  que  \qs 
palplanches  que  l'on  chafTè  entre  cts  pilots 
puifîènt  leur  être  plus  adhérentes.. 

On  doit  ôter  l'écorce  en  entier ,  &  laifler 
l'aubier  aux  pieux  &  aux  pilots  pour  les 
parties  qui  fe  trouvent  fous  l'eau. 

L'écorce  ne  donne  point  de  force  au 
bois  ;  elle  augmente  beaucoup  le  frottement 
par  fon  épaifTeur  &  fon  afpérité  ,  lors  du 
battage  des  pieux  ou  pilots ,  &  empêche 
qu'ils  ne  prennent  autant  de  fiches  fous 
la  même  percuflion. 

L'aubier  n'efl  point  vicieux  fous  l'eau  ; 
il  s'y  confcrve  comme  l'on  fait  que  le  fait 
bois  ,  lorfqu'il  efl  continuellement  fub- 
mergé  :  fur-tout  le  chêne  que  l'on  emploie 
par  préférence  aux  ouvrages  conflruits  dans 
l'eau  ;  il  a  d'ailleurs  de  la  force  lorfque  la 
fève  en  efl  retirée  ,  comme  on  peut  en 
juger  par  les  expériences  de  M.  de  Bufïbn 
{^mémoires  de  V académie  y  année  i  J^-l  , 
pag.  3.^6)  fuivant  lefquelles  il  a  reconnu 
que  la  force  de  l'aubier  étoit  feulement  de 
j'y  ou  environ ,  moindre  que  celle  du  bois 
pris  au  cœur  du  même  chêne  :  ce  qui  fe 


OÙ  cela  efl  nécefTaire ,  &  où  il  convient  I  trouvoit  être  auili  à-peu-près  dans  le  rap- 

SSSSS    2 


S7<^  PIE 

port  des  denfîtés  de  l'un  &  de  l'autre  bois 
(Se  aubier.  Les  circonflances  fur  la  lon- 
gueur ,  groïïeur  &  fur  la  façon  de  charger 
les  bois  &c  aubier ,  étoient  d'ailleurs  les 
mêmes  ;  ainfî  il  paroît  que  l'on  peut  laifîer 
l'aubier  aux  pilotis  fans  inconvénient. 

Lorfque  l'écorce  recouvre  l'aubier,  elle 
garantif  l'œuf  que  la  mouciiè  y  a  dépolé, 
&  le  ver  qui  en  provient  jufqu'à  ce  qu'il 
ait  acquis  aflez  de  force  pour  abandonner 
l'aubier ,  dont  la  fubftatice  ,  lof fqu'elle  efl 
encore  abreuvée  de  la  fève  ,  peut  mieux 
Convenir  à  la  délicatefTe  du  premier  âge, 
que  le  bois  où  il  ne  pourroit  s'introduire 
d'abord  ,  ni  y  vivre.  C'eft  ainfi  qu'en  ufe 
la  nature  par  rapport  aux  infeâes  :  en 
général  le  degré  de  chaleur  qui  fait  éclore 
le  ver  à  foie ,  développe  aufll  la  feuille  du 
mûrier  pour  lui  préfenter  une  fubftance 
délicate  ;  elle  acquiert  chaque  jour  une 
confiilance  plus  forte  ,  qui  fe  trouve  par 
ce  moyen  toujours  analogue  à  celle  du  ver 
qui  croît  &  fe  fortiiSe  en  même  temps. 
L'arbre  étant  dépouillé  fur  pié  de  fon  écorce 
pendant  le  fort  de  la  fève  ,  &  laifTé  enfuite 
fur  pié  au  moins  fix  mois ,  on  a  reconnu 
que  le  bois  durciflbit  &  que  l'aubier  en  dè- 
venoit  prefque  auffi  fort  que  le  bois.  Vqye:^ 
les  expériences  de  M.  de  Buffon  ,  mémoires 
âeVacad.  de  îJsS  y  p.  iS^^ 

L'écorce  étant  ôtéc  lorfque  l'on  coupe 
Tarbre  ,  le  ver  fera  tué  par  les  mauvais 
temps  &  la  gelée  ,  atvant  qu'il  ait  acquis 
îiffez  de  force  pour  s'introduire  dans  le 
l)ois  ;  c'ert  au  moins  à  quoi  l'on  penfe 
■*^fU'  i^^voir  attribuer  ce  que  l'on  a  remarqué 
y^  fur  la  corifervation  Ats  bois  expofés  au 
dehors ,  &  auxquels  l'on  àvoit  ufé  de  cett€ 
précaution. 

Il  n'en  fera  pas  de  même  des  bois 
employés  à  couvert  ;  la  mouche  dépofera 
fon  œuf  dans  le  peu  d'aubier  que  l'on  y 
aura  laifTé,  &  le  bois  fera  enfuite  atta- 
qué du  ver  qui  en  proviendra  j  on  croit 
pour  cette  raifon  qu'il  n'efl  pas  toujours 
néceffaire  d'ôter  l'aubier  des  pieux  dans  la 
partie  qui  le  trouve  au  defTus  de  l'eau.  On 
a  même  remarqué  à  plufieurs  ponts  qu'il 
s'étoit  durci  &  avoit^acquis  une  confiftancc 
capable  de  fortifier  ces  pieux  &  de  les 
confcrver  plus  long-temps ,  fur-tout  lorfque 
l'on  àvoit  eu  l'âtteiuiôn  de  làifTel*  1^  bois 


PIE 

dans  l'eau  pendant  quelques  mois  ,  avi^t 
de  les  employer  ;  précaution  dont  on  ufe 
pareillement  avec  fuccès  pour  la  latte  que 
l'on  fait  quelquefois  avec  l'aubier.  Cepen- 
dant chacun  doit  en  ufer  pour  f.t  qui  fe  trou- 
vera au  delfus  de  l'eau,  comme  il  le  jugera 
le  plus  convenable  ,  vu  que  la  luppreiiion 
de  l'aubier  ne  fauroit  d'ailleurs  être  pré- 
judicinble  dans  cette  partie  ,  fi  l'on  a  atten- 
tion d'y  fuppléer  en  donnant  un.  peu  plus 
de  grofleur  aux  pieux. 

Lidépendamment  de  la  vermoulure  4 
laquelle  le  bois  efl  expofé  ,  fa  fermentation 
de  la  fève  ,  fur-tout  dans  les  parties  ren- 
fermées ,  &  leur  expoiltion  alternative  â 
l'air  &  à  l'eau  ,  font  également  des  caufes 
principales  d'e  defîrudion  affez  connues  ,  & 
{Ijr  leiquelles  nous  ne  nous  arrêterons  point  y 
pour  ne  pas  trop  nous  écarter  de  notre  pro- 
jet principal. 

Pofition.  Les  pieux  &  pilotis  battus 
dans  les  rivières  ,  doivent  toujours  être 
placés  dans  le  fens  du  cours  de  l'eau  j  ils 
doivent  être  pôles  d'équerre  enrr'eux  ,  au- 
tant que  cela  fe  peut ,  &  à-plomb,  excepté: 
le  cas  dont  on  va  parler. 

Une  filé  de  pieux  battus  pour  porter  un; 
pont  de  charpente ,  fe  nomme  pak'e  ;  &. 
une  même  palée  efl  quelquefois  compofée 
de  plufieurs  files  de  pieux  pofés  parallé-- 
lement,  &  à-peu-près  fuivant  le  plan  des> 
piles  àts  ponts  de  maçonnerie. 

Les  deux  ou  trois  pieux  du  milieu  dé  ces  : 
palées  doivent  être  battus  à-plomb  ,  &  les- 
autres  de  chaque  côté  obliquement;  on  en. 
décharge  en^fens  oppofé  fur  la  longueur  àçs 
palées  ,  pour  empêcher  le  deverfement  ds 
l'édifice  conflruit  fur  cas  pieux. 

On  bat  quelquefois  dès /)/Vr/a:  plus  petits 
de  part  &  d*autre  dss  palées  pour  les 
affermir  à  la  hauteur  des  baffes  eaux  ,  lorf^ 
que  les  principaux  pieux  ont  beaucoup  de 
longueur  au-deffoùs  de  ces  baffes  eaux  au 
fond  du  lit  de  la  rivière,  oii  bien  auflî 
pour  les  preferver  contre  le  choc  latéral 
dts  glaces  ;  on  les  nomme  pieux  de  hajjes 
palées  \  ils  doivent  être  battus  à-plomb  ,- 
à  quelques  pies  des  grands  pieux  que  l'on 
nomme  aufîi  pieux  d'étape  ;  &  au  droit 
du  vuide  ou  intervalle  d'entre  ces  pieux  ^- 
on  les  coëfFe  de  chapeaux  qui  font  retenus 
CJâtir'èUx  &  Contre  ks  pieux,  d'émpc:  avec 


# 


P  I  E 

des  Blocliets  moîf^s  &  afîemblés  à  queue 
d'aronde  fur  les  chapeaux. 

Les  pilots  des  batardeaux  &  ceux  des 
crèches  que  l'on  place  quelquefois  au  pour- 
tour des  piles  &  au  devant  des  culées  & 
rnurs  pour  plus  de  fûrcré  contre  les  af- 
fouillemens  ^  doivent  aufli  être  battUs  i- 
plomb. 

On  eft  pareillement  dansi'ufage  de  battre 
les  pilots  de  fondation  à-plomb  ;  cependant 
lorfque  le  terrain  eft  de  peu  de  confif- 
tance  ,  il  eft  à  propos  d'inclirîer  un  peu 
ceux  du  pourtour  des  parennens  extérieurs 
vers  le  maffif  de  la  fondation  ;  par  ce 
moyen  on  peut  empêcher  le  dcverfèmcnt 
des  pilotis  j  qui  ne  pourroit  avoir  lieu 
fans  le  redreflement  de  ceux  qui  feroient 
inclinés  ,  à  quoi  le  poids  de  la  maçonnerie 
du  defllis  doit  s'oppofer  ;  ce  font  les  pilots 
des  culées  &  murs  de  quai  qui  font  les 
plus  expofés  au  deverfement  pour  la  poulîe© 
des  terres  du  derrière. 

Les  pilots  font  ordinairement  préfentés 
&  pbfés  par  le  petit  bout  ;  ils  entrent , 
dit-on  ,  plus  aifément  dans  le  fens  ,  & 
font  mieux  battus  au  refus  ,  ce  qui  eft  le 
But  eflentiel  que  l'on  doit  fc  propofér 
pour  les  ouvrages  de  maçonnerie  à  fonder  , 
à  caufe  de  leur  poids  beaucoup  plus  con- 
fidérable  pour  l'ordinaire  que  des  édifices 
que  l'on  établit  fur  des  pieux  au  delfus' 
CLts  grandes  eaux  :  cependant  des  expé- 
riences faites  avec  foin  nous  ont  fait  con- 
ijoître  que  les  pilots  ferrés  &  battus  le 
gros  bout  en  ba«  ,  comparés  avec  ceux 
de  même  longueur  &  grofleur  battus  de 
fêns  contraire  dans  le  même  terrain  ,  & 
avec  le  même  équipage,  étoient  d'abord 
entrés  avec  plus  de  difticuké,  mais  tou- 
jours affez  également ,  &  qu'ils  font  par- 
venus plutôt  d'environ  un  quart  de  temps 
a"u  refus  du  mouton  de  510  livres  de  pe- 
fanteur  ,  à-  la  même  profondeur  dé  19  & 
20  pies;  ce  qui  paroît  devoir  provenir  de 
Ce  que  le  frottement  qu'éprouvent  ces  der- 
niers pilots  ,  eft  à  peu  près  égal  ,  lorfqu'ils 
augmentent  toujours  ,  à  ceux  qui  font 
chalfés  le  petit  bout  en  bas. 

On  croit  cependant  qu'il  convient  de 
s'en  tenir  à  l'ufàgc  ordinaire  de  battre  les 
pilots  le  petit  bout  en  bas  ;  cette  difpo- 
lition-,  en  plaçant  ha-iêtedirecbemciitfoUs 


PIE  7y 

le  fardeau  ,   doit  les  rendre  plus  forts  &" 
moins  Vacillans. 

A  l'égard  àes pieux  ,  le  bout  par  lequel- 
il  convient  de  les  mettre  en  fiche  dépend 
dé  la  hauteur  à  laqaelle  les  bafles  eaux  & 
les  glaces  doivent  arriver  contre  ces  pieux, 
Lorfque    le   milieu    de  la  longueur  du 
pieii    devra    fenfiblement    fê    trouver    au 
dèfîbus  des  bafles  eaiix  ,  il  conviendra  de' 
lés  mettre    èri   fiche    pàt   le   petit   bout  ,- 
comme  leà  pilots  '-,  parce  que  fa  partie  la- 
plus  forte  fe  trouvera  aii  defîbs  des  bafles^ 
eaux  ,    où  eft  celle  qui  feche  ôt  mouille- 
alternativement  ,    &    qui  eft    pour    èetter     ' 
raifon  la  plus  expofée  à  être  endommagée.  ■ 
C'eft  auffi  dans  cette  partie  fupérieure  que 
fé  fait  le  xhoc  des  glaces  ,   toutes  caufes- 
de  deftrudion  plus  importantes  que  celles'-' 
que  les  pieux  peuvent  éprouver  dans  leur 
partie  inférieure  par  le  frottenaent  feul  dé 
l'eau, - 

Sî  lé  milieu  de  la  longueur  des  pieux^ 
devoit  fe  trouver  élevé  à  la  hauteur  des  • 
eaux  moyennes  ,  au  lieu  de  celle  des  baflès  • 
eaux,  comme  cela  arrive  aflèz  ordinaire-» ; 
ment  aux  grands  ponts  de  charpente  ,  ii> 
conviendroit ,  pour  la  raifon  que  l'on  vient  î 
d'expliquer  ci-dévant ,  de  les  battre  le  gros  ' 
bout  en  bas.- 

Les  pieux  dés  grand?5  ponts  fourniftènt , ,- 
à  raifon  de  leur  longueur  ,  un  motif  de  plus  • 
pour  les    battre   le  gros  bout  en  bas  ^   ils 
le  trouvent  pour  lors  comme  l'iarbre  dans 
la  pofition  la  plus  naturelle  &  la  plus  forte 
près  la  racine,  pour  réfifter  aux  ébranle-- 
mens  auxquels  ils  font  plus  expofés  par  ' 
leur  longueur.' 

On  ne  doit  d'ailleurs  point' àft>îf  égard 
à  ce  qui  peut  concerner  une  certaine  fitua-- 
tion  que  quelques  phyftciéns  préténdénf- 
devoir  être  préférable  pour  la  confèrvatiôn 
des  bois,  relativement  à  leur  opinion  fur  là 
circulation  de  la  fève.  On  renvoie  aux 
expériences  dé  M.  Hàleis  pour  en  juger. 
Statique  des  l'e'^e'taûx  y  pUg.  13^. 

Efpacemens.  L'efpacement  des  pieux  & 
celui  des  pilots  dépend  de  leur  grôffeur , 
leur,  longueur  ,  &  du  fardeau  qu'ils  doivent" 
porter,  en  les  fuppofant  d'ailleurs  d'une 
même  efpece  &  même  qualité  dé  bois. 
'  Suivant'  les  expériences  de  MuiTchert- 
bfoeck ,  ejjais  de  phyfique  ,  ,pag.  ^0 ,  - 


î?78  PIE 

les  forces  des  pièces  de  bois  rondes  ou 
quarrées  étant  chargées  fur  leur  boyr,  lont 
entr'elles  comme  les  cubes  d^^  leur  dia- 
mètre ou  grofleur  pris  direâement  ,  & 
%  le  quârré  de-  leur  longueur  pris  récipro- 
quement. 

(*)  En  comptant  le  pié  rhenant  dont 
s^eil  fervi  MufTchenbroeck  pour  n  pouces 
7  lignes  du  pié- de-roi  ,  &  la  livre  pour 
14  onces  poids  de  marc ,  qu'il  paroît  par 
d'autres  expériences  avoir  employé  ,  on 
peut  conclure  qu'une  pièce  de  6  pouces 
de  gros  en  quarré  ,  &  6  pies  de  long,  por- 
.  tera  23418  livres  ,  le  tout  étant  réduit  aux 
m  élu  r  es  de  Paris. 

'  Cette  réliftance  efl:  pour  le  cas  de  l'équi- 
libre ;  comme  il  ne  faut  pas  même  que* 
les  bois  foient  expofés  à  plier  ferffiblement, 
on  conçoit  qu'il  convient,  dans  le  calcul 
que  l'on  en  feroit ,  évaluer  cette  réiillance 
au  deflous  du  réfultat  précédent. 

On  peut  voir  par  les  expériences  de 
M.  de  Buffon  ,  &  citées  dans  les  mémoires 
de  V académie  des  fciences  de  zj/^z  ^  fur 
la  réfiiiance  àes  bois  pofés  horizontale- 
ment ,  que  plufieurs  pièces  de  14  pies  & 
5  pouces  de  gros  qui  ont  été  caflées  fous 
un  poids  réduit  de  52.83  livres  ,  après  avoir 
baiflë  de  10  pouces  ,  avoient  déjà  plié  de 
12.  à  15  lignes  au  dixième  millier  de  la 
charge  ;  ce  qui  fait  connoître  que  la  ré- 
iillance des  pièces  ainfi  chargées  ne  doit 
être  évaluée  qu'au  quart  ou  au  tiers  au 
plus  de  leur  réiillance  abfolue. 

Nous  manquons  de  pareilles  expériences 
en  grand  pour  les  pièces  qui  font  pofées 
debout  ;  mais  comme  elles  font  bien 
moins  fujettes  à  plier  fous  le  fardeau  dans 
ce  fens  ,  on  croit  qu'en  réduifant  à  moitié 
leur  réfiHance  ,  ou  le  poids  dont  on  peut 
les  charger  pour  les  rompre  y  elles  ne 
(èront  pas   expofées  à   plier  fenfibleraent. 

Dans  ces  expériences  &  remarques  3  on 
trouvera  l'efpacement  qu'il  faudra  donner 
aux  pieux  &  aux  pilocs  ,  en  divifant  le 
poids  dont  ils  devront  être  chargés  par 
la  forme  de  l'un  de  ceux  que  les  circonf- 
tances  pourront  permettre  d'employer. 


PIE 

On  connoîtra ,  en  faifant  ce  calcul . 
qu'un  pieu  de  36  pies  de  longueur  &  10 
pouces  de  grofleur  réduite,  qui  auroit  27 
pies  au  delTus  de  la  fiche ,  &  feroit  moiië 
de  9  en  9  pies  ,  pourroit  porter  73458 
livres ,  ayant  réduit  à  moitié  la  force  ré- 
fultante  du  calcul  par  les  raifons  expliquées 
ci-devant. 

La  travée  du  pont  de  charpente  qui  au- 
roit 3^  pies  de  long  ou  d'ouverture  d'unç 
palée  à  l'autre  ,  &  ce  feroit  une  àts  plus 
grandes  travées  que  l'on  fait  dans  i'ulàge 
de  conftruire  ,  pefcroit  pour  une  partie 
de  4  pies  &  demi  de  largeur  qu'auroit  à 
porter  un  pieu  d'entre  ceux  qui  feroient 
eipacés  à  cette  diflance  ,  à  peu  près  41 
milliers  ,  compris  le  pavé  &  le  fable  du 
deflus  ;  il  relleroit  à  ce  pieu  une  force  ex- 
cédante de  32458  livres ,  pour  réliiler 
d'une  part  aux  voitures  chargées,  dans  le 
cas  même  où  leurs  aiflieux  viendroient  à 
fe  caffer  ,  &  pour  compenfer  d'autre  part 
la  diminution  de  force  fur  les  pieux  qui 
auront  été  chafles  obliquement  ;  car  on 
fait  que  la  force  des  pièces  ainli  inclinées  , 
efl  à  celle  àts  pieux  qui  font  pofés  debout, 
comme  les  co-finus  de  l'angle  que  forme 
la  diredion  de  la  charge  avec  la  pièce  in- 
clinée ,    efl  au  finus  total. 

Il  efl  bon  de  remarquer  que  les  nœuds 
&  de  certains  vices  inévitables  fur  la  qua- 
lité âts  bois  ,  doivent  en  dimmuer  encore 
la  force  ^  mais  cela  pourra  le  trouver  com- 
penfé  en    rapprochant    le'i   liernes   &   les 
moifès  jufqu'à  lix  pies  de  diflance  entr'elles, 
ainfi  que  l'on  ell  alfez  dans  l'ufage  de    le 
faire  au  deilus   des  ba.iés  eaux  ;  car  pour 
ce  calcul  on  ne  doit  compter  la  longueur 
des  pieux  que  par  la  diflance  qui  fe  trouve 
d'une  raoife  à  l'autre.  Un  pilot  de  12  pies 
9  pouces  de  gros  que  l'on  luppofcra  excéder 
de  3  plés  le  delTus    du  terrain  ,  pourroit 
porter  111018  livres   ou   environ,  moitié 
plus  que  le  précèdent ,  ce  qui  devient  allez 
i  bien  proportionné  à  caufe  du    plus  grand 
j  fardeau  que  les  pilots  lont  deflinés  à  por- 
I  ter  ;    on  n'a  pareillement  fait  le  calcul  du 
'  pilot   que  pour  3  pies  de  longueur  ;    la 


(  *  )  Pour  appliquer  l'expérience  He  MufTchenbroeck  ,  à  des  pièces  rondes ,  on  a  réduit  dans  les 
^calculs  (jui  fuivsat ,  le  bois  tond  en  bois  quairé ,  de  {nème  bafe  en  fupeifîcie. 


.PIE 

partie  qui  a  pris  fiche  &  qui  eu  entretenue 
par  le  terrain  ,  ne  pouvant  plier  ,  elle  ne 
doit  pas  entrer  en  confidération  fur  la  di- 
minution de  force  qu'occafione  la  lon- 
gueur des  pièces. 

En  fuppofant  les  pilots  efpacés  de  4  pies 
de  milieu  en  milieu  ,  &  la  maçonnerie  du 
poidii  de  160  livres  ,  le  pie  cube ,  ils  pour- 
roient  porter  un  mur  de  près  de  47  pi^s  de 
hauteur  ;  ce  qui  viendroit  afîêz  bien  à  ce 
que  donne  l'expérience  par  rapport  î  la 
conftruôion  des  ponts  de  maçonnerie  de 
moyenne  grandeur. 

Si  l'on  vouloif  faire  porter  un  plus  grand 
fardeau  fans  changer  un  certain  efpacement 
convenu  pour  les  pieux  ou  les  pilots ,  il 
faudroit  augmenter  leur  grofleur  en  raifon 
fous-triplée  des  poids  ;  ainli  pour  une 
charge  oduple  ,  par  exemple ,  il  lufîiroit 
de  doubler  leur  diamètre  ,  &  ce  au  lieu 
d'augmenter  leur  fuperficie  dans  la  raifon 
du  poids  dont  ils  devront  être  chargés  , 
comme  il  fembleroit  ,  à  la  première  inf- 
pedion ,  que  cela  devroit  être  pratiqué. 

Cette  règle  que  donne  l'expérience  cû 
auffi  conforme  à  ce  qui  arrive  pour  les  bois 
inclinés  ou  pofés  horizontalement  ,  leur 
rélilknce  étant  en  raifon  du  quarré  de 
leur  hauteur  ;  ainfi  dans  l'un  &  l'autre  cas 
on  voit  que  pour  des  pièces  qui  auroient 
même  longueur  ,  &  dont  la  grolTeur  de 
l'une  feroit  double  de  celle  de  l'autre ,  la 
quantité  du  bois  employé  dans  la  plus 
groffe  pièce  ne  feroit  que  quadruple  ,  lorl- 
que  fa  force  pour  porter  un  fardeau  de 
toute  forte  de  fens  feroit  oftuple  ;  d'où  il 
fuit  qu'il  y  aura  de  l'économie  à  employer 
par  préférence  de  grofles  pièces  ,  lorfque 
leur  prix  augmente  en  moindre  raifon  que 
la  fuperficie  de  ces  pièces  prifes  dans  le 
fens  de  leur  grofleur. 

On  n'a  parlé  julqu'à  préfent  que  des  pieux 
ou  des  pilots  de  chêne  ;  mais  on  peut  em- 
ployer d'autres  bois  plus  ou  moins  forts  ; 
c'elt  à  quoi  il  faudra  avoir  égard  dans  le 
calcul.  Pour  cet  effet  on  va  donner  le  rap- 
port de  la  force  de  différentes  efpeces  de 
bois  ,  d'après  les  expériences  qui  en  ont  été 
faites  pour  les  rompre  ,  ces  pieux  étant 
chargés  iùr  leur  bout  : 

Le  chêne  .  .  12  .  ,  |    Saule  .  .  9  .  .  j 


PIE  87^ 

Sapin.  .    .  .  9  .  .  I      Frêne  .  .  7  .  .  j 
Peuplier  .   .  7    .  .  ^     L'aune  .  .  7  .  . 

EJJais  de  Phyjique  de  MuÛ'chenhroeck, 
P^g-  357'  # 

On  voit  par  ces  expériences  que  le  bois 
de  chêne  eft  le  plus  fort  ;  que  le  fapin  l'eft 
moins  _,  quoique  pour  porter ,  étant  chargé 
dans  une  pofition  horizontale ,  il  foit  plus 
fort  à  peu  près  d'un  cinquième  que  le 
chêne  *fuivant  l'expérience  de  M.  Parent  , 
Mémoire  de  zjoy  ;  le  frêne  qui  eft  aufli 
plus  dur  que  le  lapin  ,  &  qui  pourroit 
porter  un  plus  grand  poids  que  l'on  y 
liifpendroit  étant  placé  horizontalement  j 
fe  trouve  cependant  moins  fort  pour  porter 
dans  la  pofition  verticale  :  cela  peut  pro- 
venir de  ce  que  le  fil  du  bois  de  frêne  eff 
moins  droit  que  celui  du  bois  de  fapin. 

Les  calculs  que  l'on  vient  de  donner  fur 
la  force  des  pieux  &  dts  pilots  pour  déter- 
miner leur  efpacement  cntr'eux  ,  paroil- 
fent  affez  bien  convenir  aux  applications 
qu'on  en  a  faites  ;  mais  l'on  ne  doit  pas 
toujours  s'en  rapporter  au  calcul  dans  un 
genre  comme  celui  -  ci  où  l'on  manque 
d'expériences  faites  affez  en  grand  fur  la 
force  des  bois  chargés  debout ,  &  où  de 
certaines  confidérations  phyfiques  ,  &  en- 
core peu  connues ,  pourroient  induire  à 
erreur  ;  il  faut  donc  confulter  en  même 
temps  ,  comme  on  voit  ,  l'expérience 
de  ce  qui  fe  pratique  avec  le  plus  de 
fuccès. 

On  eft  dans  l'ufage  d'efpacer  les  pieux 
des  ponts  de  bois  depuis  4  juiqu'à  5  pies, 
&  hs  pilots  de  fondation  depuis  3  jufqu'à 
4  pies,  &  quelquefois  quatre  &  demi,  le 
tout  de  milieu  en  milieu.  M.  Bultet ,  dans  ' 
fon  traite  d'Architechire  y  eft  d'avis  que 
l'on  doit  efpacer  les  pilots ,  tant  pleins 
que  vuides  ,  c'eft-à-dire  ,  de  deux  pies  en 
deux  pies  ,  lorfqu'ils  auront  un  pié  de  gros  ; 
ainfi  il  en  entreroit  16  dans  une  toife 
quarrée  ifolée  ^  &  ce  nombre  fe  trouvera 
réduit  à  9  >  lorfque  les  pilots  de  bordage 
feront  rendus  communs  avec  les  parties 
environnantes. 

On  trouve  dans  d'autres  auteurs ,  traita 
des  Ponts  par  M.  Gautier  ,  pag.  68  ,  qui 
avoit  acquis  de  la  réputation  pour  ce  genre 
de  conflrudion ,  qu'il  faut  mettre  environ 

■3i 


S§o  VîE 

î8  à  20  pilots  dans  la  toife  quarrée  des' 
fondations. 

Ce  qui  fe  pratique  dans  les  plus  grands 
.ouvrages  fait  connoître  qu'il  fuffit  d'efpa- 
cer  ces  pilots  à  3  pies  pour  le  plus  près 
de  milieu  en  milieu  ;  il  n'en  entrera  pour 
iors  que  9  dans  le  premier  cas  ci-devant 
cité  ,  &  feulement  4  dans  le  fécond  ;  ce  qui 
eft  bien  fufïifant ,  au  lieu  de  18  ou  ,2.0 
propofés  ci-defîlis. 

Battage  ou  enfoncement  des  pitux.  Les 
jpleux  &  les  pilots  fur -tout  doivent  être 
enfoncés  jufqu'.au  foc  ou  tuf,  &  autre  ter- 
;iain  atfez  ferme  &  folide  pour  porter  le 
fardeau  dont  on  aura  à  les  charger  ,  làns 
jijainais  pojivoir  s'enfoncer  davantage  (ous 
,ce  fardeau  ;  il  faut  par  conféquent  péné- 
trer les  iàblcs  &  les  terres  de  peu  de 
confiftance  ,  &  qui  fcroient  d'ailleurs  fuf- 
-ceptibles  d'être  atfbuillés  par  le  courant  de 
i'eau. 

On  doit  pour  cet  effet  commencer  par 
i'econnoître  les  di6ferentes  coiîches  de  tcr- 
,rain  &  leur  épaifleur ,  au  moyen  d'une 
/onde  de  fer  d'environ  Z  pouces  de  grof- 
.i'eur  ,  battue  &  chafîee  au  refus  jufques  fur 
Je  roc  ou  terrain  folide  ,  afin  de  favoir 
la  longueur  &  groffeur  que  l'on  auraà  don- 
11er  aux  pieux  ou  aux  pilots  pour  chaque 
■endroit  où  il  conviendra  d'en  battre. 

On  fe  fert ,  pour  battre  les  pilots  ,  d'une 
machine  que  Vitruve  ,  Philander  ,  Baldus 
.&  Perrault  ont  nommée  mouton.  Ce  nom 
fe  donne  plus  particulièrement  à  la  pièce 
fde  bois  ou  de  fonte  qui  fert  à  battre  le 
pilot  ;  &  l'équipage  employé  pour  taire 
mouvoir  le.  mouton  ,  fe  nomme  le  plus  or- 
dinairement fonnetu. 

On  fait  les  moutons  plus  ou  moins  pe- 
ians  ,  fuivant  la  force  des />/^«x_,  la  fiche 
.xjue  l'on  doit  leur  donner  &  la  iiaturc  du 
.terrain.  Cela  varie  depuis  400  jufqu'à  12^.0 
iiv.  &  plus:  on  emploie  or.dinakcment  un 
inoufon  de  6  à  /»oo  livres  pour  Jes  pilotis  ; 
il  efi  tiré  par  la  for^e  de  .2.4  ou  2.8  hommes 
.qui  relèvent  %%  ou  30  fois  de  fiitc  en  une 
(minute  jufqu'à  quatre  pies  &  demi  de  hau- 
jteur  ;  ces  hommes  fe  repofent  après  ajjtant 
4le  temps  alternativemem. 

Les  moutons  de  laoo  livres  font  tirés 

j)ar  la  force  de  48  hommes  ;  on  s'en  fert 

^^ûurjie  iSprî^Uptis  c^u  \ç.sp'uu;K  ordinîiircs ^ 


P  I  E     ^ 

mais  les  plus  gros  pieux  exigent  un  mou- 
ton plus  pelant. 

On  emploie  pour  lors  une  machine  dif- 
férente de  la  fonnetre  ;  fix  ou  huit  hommes 
font  appliqués  avec  des  bras  de  leviers  i 
mouvoir  un  treuil  horizontal ,  fur  lequel 
efl:  placée  la  corde  qui  porte  k  mouton  , 
étant  élevé  au  fommet  de  la  machine  ;  un 
crochet  à  bafcule  ou  un  déclic ,  font  lâcher 
le  mouton  ,  où  defcend  la  corde  en  dérou- 
lant le  treuil  pour  le  reprendre  ,  ou  bien 
plus  commodément  &  par  un  échappement 
que  M.  Vaulhoue  ,  horloger  anglois,  a 
imaginé  ;  la  corde  redefccnd  immédiate- 
ment apr.ès  le  mouton  ,  qu'elle  reprend 
par  une  efpece  de  tenaille  de  fer  qui  lui 
efl  attachée ,  &  cette  corde  qui  efl  placée 
fur  une  lanterne  dont  l'axe  elt  vertical ,  le 
dévide  feul  en  lâchant  un  déclic  ,  fans  être 
obligé  de  retourner  le  treuil  comme  dans 
le  premier  cas  ,  ce  qui  efl  bien  plus  com- 
mode &  expéditif  ;  ces  deux  fortes  de  fa- 
çons de  battre  les  pieux  fe  nomment  éga- 
lement battre  au  déclic  :  on  s'en  fert  fou- 
vent  auffi  pour  les  moutons  qui  pefent  au 
defîbus  de  1200  livres  depuis  6  ou  700 
livres  ,  tant  à  caufe  de  la  difficulté  d'avoir 
allez  d'hommes  dans  de  certaines  circonf- 
tances  pour  équiper  les  grandes  fonnettes, 
que  parce  qu'ils  fe  nuifent  ,  &  qu'en  tirant 
obliquement  par  les  vingtaines  ou  petites 
cordes  qui  fout  attachées  à  la  corde  prin- 
cipale ,  comme  cela  efl  inévitable  ,  quoique 
ces  petites  cordes  foient  quelquefois  atta- 
chées autour  d'un  cercle  placé  horizon- 
talement pour  diminuer  l'obliquité  ,  il  y  a 
toujours  une  partie  afîez  confidérable  de 
la  force  qui  le  trouve  perdue. 

Il  efl  vrai  d'un  autre  côté  que  le  déclic 
eft  moins  expéditif ,  puifque  le  mouton  efî 
moins  grand  ;  ainfi  fuppofer  que  pour  \evex 
un  mouton  de  1200  livres  on  le  fèrve  de 
huit  hommes  appliqués  à  b  forînetie  à 
déclic  de  iVl.  Vaulhoue  ,  au  lieu  de  48  qu'il 
faudroit  à  la  fbnnettc  ordinaire  fans  dé- 
clic ,  on  emploiera  fix  fois  plu<;  de  temps  , 
le  refle  étant  fuppofé  d'ailleurs  égal.  On 
pourra  donc  préférer  pour  le  battage  dçs 
pieux  ou  des  pilota  ,  celle  de  ces  deux 
machines  qui  pourra  le  mieux  convenir 
pour  le  lieu  &  la  circonflance  ,  fans 
devpir    fe   flatter    que   ce    choix    puiije 

épargner 


P  lE 

épargner  la  dcpenfe ,  &c  c'eft  là  le  réfulcat 
de  toutes  les  machines  fîmples ,  telles  qu'elles 
fbient. 

Un  pilotis  ne  doit  être  confidéré  avoir 
été  battu  fuffifamment ,  &  à  ce  que  Ton 
appelle  au  refus  du  mouton ,  que  lorfque 
l'on  eft  parvenu  à  ne  le  plus  faire  entrer 
que  d'une  ou  deux  lignes  par  volée  de 
ly  à  50  coups,  3c  pendant  un  certain 
nombre  de  volées  de  fuite  ;  à  l'égard  des 
pieux ,  comme  ils  doivent  être  moins  char- 
gés, ou  peut  fe  contenter  d'un  refus  de 
6  lignes ,  ou  même  d'un  pouce  par  volée , 
fuivant  les  circonftances. 

Lorfque  les  pieux  ou  pilots  font  ferrés , 
il  faut  avoir  l'attention  d'en  couper  le  bouc 
carrément  fur  2  à  5  pouces,  ôc  de  faire 
réferver  au  fond  du  fabot ,  autant  que  cela 
fè  peut ,  afin  que  le  choc  du  mouton  puifîe 
fè  tranfmettre  immédiatement  fur  le  fond 
de  ce  fabot ,  ôc  non  pas  fur  les  clous  dont 
chaque  branche  eft  attachée;  ce  qui  feroit 
calTer  ce  fabot  ôc  nuiroir  à  l'enfoncement 
des  pieux, 

La  tête  doit  auiïî  être  coupée  carré- 
ment fur  la  longueur  du  pieu  un  peu  en 
chanfrein  au  pourtour,  enfuite  fretté  de 
fer ,  quelques  pouces  plus  bas ,  s'il  eft  be- 
fbin,  pour  empêcher  qu'elle  ne  s'écrafe 
ou  fe  fende. 

Le  choc  du  mouton ,  aidé  de  la  pefanteur 
du  pilot ,  le  fait  d'abord  entrer  fenfible- 
ment;  le  terrain  qui  fe  refterre  pour  lui 
faire  place ,  forme  enfuite  une  plus  grande 
réfiftance. 

Ce  terrain  eft  auffi  ébranlé  par  la  fe- 
coutlè  ôc  la  réaction  des  fibres  du  pilot 
jufqu^à  une  certaine  diftance  circulairc- 
ment ,  &  de  plus  en  plus ,  à  mefure  que 
le  pilot  s'enfonce.  On  conçoit  qu'il  doit  fè 
trouver  un  terme  auquel  ces  réfiftances  ôc 
pertes  de  force  employées  pour  mettre  en 
mouvement  le  terrain  qui  environne  le 
pilot ,  pourront  le  mettre  en  équilibre  avec 
la  percufîîon  ;  le  pilot  n'entrera  plus ,  ôc 
au  lieu  d'un  refus  abfolu ,  on  n'aura  qu'un 
refus  apparent. 

Si  on  vient  à  rebattre  ce  pilot  au  bout 
de  plufieurs  jours,  il  pourra  encore  en- 
trer; le  terrain  qui  le  preflbit  latéralement , 
comprime  ôc  repouffe  de  proche  en  proche 
chaque  portion  circulaire  de  terre  qui  l'en- 
Tome  XKK 


PIE  ni 

vironne  ;  la  réfiftance  fe  trouvera  dimi- 
nuée ,  ôc  la  même  percufîîon  employée  de 
nouveau  fera  capable  d'un  même  effet  ; 
c'eft  aufîî  ce  qui  fe  trouve  confirmé  par 
l'expérience. 

On  a  grand  intérêt  de  reconnoîrre  le 
refus  abfolu  pour  cet  effet  ;  indépendam- 
ment de  1  expédient  précédent  &  de  ce 
que  l'on  pourroit  employer  un  mouton 
plus  pefant  en  féconde  reprife ,  le  moyen 
le  plus  certain  fera  de  faire  préiiminaire- 
ment  les  fondes  qui  ont  été  propofées  ci- 
devant  ,  puifqu'elles  feront  connoitre  d'a- 
vance la  profondeur  ôc  la  nature  du  fonds 
fur  lequel  les  pilots  devront  s'arrêter. 

L'expérience  donne  aulH  quelquefois  à 
connoitre  ce  refus  alifolu  ;  dans  un  terrain 
gras ,  lorfque  le  pilot  eft  arrivé  au  refus 
apparent  ou  de  frottement,  Télafticité  de 
ce  terrain  fait  remonter  le  pilot  autant 
qu'il  a  pu  entrer  par  le  choc  :  fi  le  pilot 
eft  au  contraire  parvenu  au  roc  ou  terrain 
ferme,  le  coup  feraj)lus  (ec ,  6^ le  mou- 
ton fera  renvoyé  avec  plus  de  roideur  pas 
l'éla(&icité  même  de  la  réaétion  des  fibres 
comprimées  du  pilot. 

C'eft  de  cette  raifbn  de  l'élafticité  de 
la  part  d'un  terrain  gras  ôc  campaéle,  que 
l'on  ne  fauroit  y  enfoncer  qu'un  certain 
nombre  de  pilors ,  paflé  lequel  ceux  qui 
ont  été  premièrement  chaflés  relTorrent  à 
mefure  que  l'on  en  bat  de  nouveaux  ;  ôc 
cela  doit  toujours  arriver,  lorlqu'il  s'eft 
fait  équilibre  entre  la  percufïion  ôc  la  den- 
fîté  nouvellement  acquife  du  terrain  par 
la  comprefïîon  des  pilots. 

Le  terrain  pourroit  aufïi  avoir  naturelle- 
ment cette  denfité  ôc  élafticité  dont  on  vient 
de  parler  ;  pour  lors  le  premier  pilot  même 
n'y  entrera  qu'à  une  certaine  profondeijr  , 
ôc  qu'autant  que  la  furfice  du  terrain 
pourra  s'élever  pour  lui  faire  place  :  cela 
arrive  ainfi  dans  la  glaife  pure  ôc.  verte  , 
lorfqu'elle  eft  un  peu  ferme. 

Oiirpourroit  faire  que  les  pilots  que  l'on 
auroit  pu  chaftèr  dans  un  terrain  un  peu 
gras  ôc  élaftique ,  n'en  fortiroient  point  par 
la  chalTè  d'un  nouveau  pilot  ;  mais  celui-ci 
n'y  enrreroit  que  comme  le  çourroit  faire 
celui  du  dernier  article  ;  il  f  ufKroit  pour 
cela  de  battre  les  pilots  le  gros  bouc  en 
bas  :  en  voici  la  raifon. 

Ttttt 


88i  P  I  E 

Lorfque  les  pilots  font  chartes  le  petit 
bout  en  bas,  leur  furface  conique  fe  trou- 
vant chargée  de  toute  part,  à  caufe  de 
l'élafticitc  fuppofée  dans  ce  terrain  (  quand 
on  vient  à  chalîèr  un  pilot  aux  environs  ) , 
les  chocs  qui  fe  font  perpendiculairement 
à  la  furface  du  cône ,  fe  décompofent  en 
deux  autres  j  les  uns ,  qui  font  dans  le  fens 
horizontal,  fe  détruifent  ;  &  les  autres ,  qui 
■font  fuivantla  direétion  de  Taxe,  foulevent 
le  pilot ,  &  le  font  redbrtir  en  partie,  :  il 
doit  arriver  le  contraire ,  &  pour  la  même 
raifon,  lorfque  le  pilot  eft  chafle  le  gros 
bout  en  basj  ainfi,  loin  de  pouvoir  forrir, 
les  chocs  qu'il  éprouve  à  fa  furface  ne 
tendent  qu'à  le  faire  enfoncer ,  fuivant  fon 
axe ,  s'il  y  a  moyen, 

Lorfque  Ton  fe  propofe  de  battre  plus 
d'une  ou  deux  files  de  pieux  ou  pilo's  , 
comme  quand  il  eft  queftion.  de  fonder  la 
pile  ou  la  culée  d'un  pont ,  il  faut  com- 
mencer par  ceux  du  milieu ,  nommés  pi- 
lotis de  i;emplûge ,  s'éloignant  fuccefîive- 
ment  du  milieu,  &c  îîni fiant  par  ceux  du 
pourtour  extérieur ,  que  l'on  nomme pH>'is 
de  hcrâcge  :  on  donne  par  ce  moyen  au 
terrain  la  facilité  de  fe  porter  de  proche 
en  proche  vers  le  dehors  de  l'enceinte  que 
Pon  a  à  piloter ,  &  on  peut  les  enfoncer 
plus  avant  que  fî  l'on  fuivoit  une  marche 
contraire;  car  ce  terrain  fe  trouveroit  pour 
lors  de  plus  en  plus  ferré  vers  le  milieu  de 
la  fondation  ,  &c  les  pilotis  y  entreroient 
beaucoup  moins. 

On  pourroit  alléguer  contre  cette  opi- 
nion 5  que  les  pilots  de  bordage  étant  battus 
les  premiers,  pourront  auitl  être  chafles 
plus  avant ,  ce  qui  fera  avantageux  dans 
les  terrains  fableux ,  à  caufe  des  affouille- 
tnens  auxquels  le  pié  des  pilots  fe  trouve- 
roit moins  cxpofé;  qu'à  l'égard  de  ceux 
du  rcmplage ,  fî  on  a  foin  de  les  chalTèr 
tous  au  refus,  ils  feront  également  propres 
au  fardeau  que  la  percuffion  du  mouton 
leur  aura  donné  la  faculté  de  porter. 

Cette  percuffion ,  comme  on  va  le  voir , 
lèroit  bien  fuflfifante  pour  que  Pon  n'eût 
rien  à  appréhender  de  la  part  du  tafl'ement 
des  pilots  dans  les  premiers  temps;  mais. 


PIE 

comme  on  l'a  fait  remarquer  pfécédem- 
ment ,  le  terrain  trop  comprimé  dans  Tin- 
térieur  de  la  fondation ,  tendra  peu-à-peu  à 
s'en  écarter.  La  réfiftance  occafionée  par  le 
frottement  diminuera,  &  les  pilots  pourront 
s'afFaifl'er  par  cette  première  raifon. 

L'écartement  du  terrain  pou  fiera  aufïî 
les  pilots  avec  d'autant  plus  d'avantage  , 
que  la  force  fera  continuelle  &  lente ,  fui- 
vant les  principes  de  la  méchanique  :  on 
peut  remarquer  que  le  fardeau  qui  agira  fur 
la  tête  des  pilots ,  fuivant  une  direétion 
perpendiculaire  à  celle  de  la  poufïee  de  ces 
labiés,  ne  pourra  en  arrêter  ou  diminuer 
en  aucune  forte  l'effet  :  les  pilots  pourront 
donc  aifément  s'écarter  par  leur  bout , 
n'étant  d'ailleurs  point  engagés  dans  un 
terrain  allez  folide,  ainfi  qu'on  le  fuppofe; 
ce  qui  formera  une  cau^e  puifïànte  d'affaif- 
fement  &  de  deftrudion;  d'où  il  fuit  que 
la  première  méthode  que  l'on  vient  d'ex- 
pliquer ,  eft  préférable  à  tous  égards. 

Il  eft  préfentement  queftion  d'examiner 
quelle  eft  la  force  de  la  percuffion  du  mou- 
ton que  l'on  emploie  à  chafler  les  pieux , 
afin  de  connoître  j  ufqu'a  quel  point  il  faudra 
les  battre ,  pour  être  en  état  de  porter  une 
certaine  charge  déterminée ,  indépendam- 
ment de  la  réfiftance  du  terrain  folide  , 
lorfqu'ils  y  feront  parvenus  :  on  aura  pour 
lors  une  fureté  de  plus ,  vu  l'incertitude  où 
Pon  peut  quelquefois  fe  trouver,  d'avoir 
atteint  le  roc ,  ou  autre  terrain  ferme. 

Suivant  des  expériences  de  M.  de  Camus , 
gentilhomme  Lorrain  (a),  ôc  autres  faites 
fur  le  battage  des  pilots  dans  les  travaux 
des  ponts  &  chaufîces,  il  paroît  que  la 
force  du  choc  du  mouton  eft  proportionnée 
à  la  hauteur  de  fa  chute  ,  laquelle  hauteur 
eft  comme  le  carré  de  la  vîteffc  acquife 
à  la  fin  de  cette  chute. 

Le  temps  employé  par  les  hommes  pour 
lever  le  mouton  eft  en  effet  proportionné 
à  fon  élévation ,  &  on  a  lieu  d''en  attendre 
une  quantité  de  mouvement  qui  foit  pro- 
portionnée à  la  hauteur  de  la  chute  :  ces 
expériences  font  auffi  conformes  à  celles 
faites  fur  la  chute  des  corps  dans  la  cire 
&  la  glaife  où  ils  fe  font  enfoncés,  en 


(  a  )Traité  des  forces  mouvantes ,  page  1^4.  Expériences  faites  en  1744,  par  M,  Soycr,  àlafon- 
iaiiondupont  delaEoiric,  près  la  flèche ,  les  pilots  étant  battus  au  déclic. 


P  I  E 

proportion  de  la  hauteur  des  chutes,  ^oye^ 
t'hijiorre  de  l'académie  dm  fcisnces  ,  pour 
tannés  IJxB ,  pages  37  Z?  fuiv. 

On  voit ,  fuivant  ces  expériences ,  que 
la  force  d'un  feul  coup  de  mouton  lera  équi- 
valente à  celle  de  plulieurs  autres  dont  la 
iomme  des  chûtes  lui  feroit  égale;  ain(i 
deux  coups  d^un  même  mouton ,  par  exem- 
ple ,  tombant  chacun  de  1  pies  de  hauteur , 
ou  dont  l'un  viendroit  de  5  pies  &;  l'autre 
d'un  pie ,  feront ,  pour  l'eflet ,  égaux  à  un 
feul  coup  dont  le  mouton  feroit  élevé  de 
4  pies  de  hauteur. 

Ce  principe  mérite  cependant  une  excep- 
tion dans  la  pratique  ,  à  caufe  de  la  perte 
occa(ionée  par  le  branlement  du  terrain 
&  autres  caufes  physiques  mentionnées  au 
préfent  mémoire,  qui  pourroient  rendre  la 
perculïîon  de  nul  effet ,  fi  le  mouton  étoit 
plus  élevé  ;  aufïî  eft  -  on  dans  l'ufage  de 
donner  4  pies  &  plus  d'élévation  ou  de 
chike  au  mouton  :  ce  que  l'on  vient  de 
dire  à  l'article  précédent  ,  n'aura  donc  lieu 
que  pour  le  plus  grand  effet  que  l'on  doive 
attendre  de  la  perçu iTion  dans  le  battage 
des  pilots ,  &  il  en  réfultera  toujours  que 
le  déclic ,  qui  donne  la  facilité  d'élever  le 
mouton  beaucoup  plus  haut  que  la  ion- 
nette,  n'éprouvera  que  peu  d'avantage  à 
cet  égard,  &  que  ce  fera  de  la  pefanteur 
feule  du  mouton  que  l'on  aura  lieu  d'at- 
tendre le  plus  d'effet  pour  battre  les  gros 
pieux  ;  aufli  voit-on  que  l'on  a  été  obligé 
quelquefois  d'avoir  recours  à  des  moutons 
de  4C00  .livres-,  pour  des  pieux  de  4^  à 
50  pies  de  long ,  &  de  20  à  24  pouces 
de  groflèur  à  la  tête  ,  telles  que  les 
pièces  de  palées  du  pont  de  bois  aéluel 
de  Saumur. 

La  force  d'un  mouton  ordinaire  de  1100 
livres  de  pefanteur  fuffit  à  peine  fur  un 


PIE  n^ 

tel  pieu  pour  en  ébranler  la  maflè  î  il  y  a 
une  perte  inévitable  d'une  partie  coniîdé- 
j  rabîe  de  la  force  ,  celle  qui  eft  employée 
à  la  compreiîîon  des  fibres ,  &  à  réiifter  à 
I  leur  élarticité  ou  réadion ,  avant  qu'elle 
puiffe  arriver  à  la  pointe  du  pieu ,  &  percer 
le  terrain.  Cette  perte  fe  trouve  encore 
augmentée  en  raifon  de  la  longueur  du 
pieu ,  &  du  plus  ou  moins  de  redirude  , 
par  la  difficulté  de  placer  la  percufïion  ver- 
ticalement dans  la  diredtion  de  fbn  axe; 
l'obliquité  prefqu'inévitable  de  cette  per- 
culïîon occalione  un  balancement  nommé 
dardcment  ,  qui  augmente  fon  élafticité , 
&  diminue  d'autant  l'effet  du  choc. 

(3)  On  voit  par  l'expérience  de  M.  Ma- 
riotte ,  que  le  choc  d'un  corps  de  deux 
livres  deux  onces  tombant  de  fept  pouces 
de  hauteur ,  eft  équivalent'  à  la  prefïîon 
qu'occafioneroit  un  poids  de  quatre  cents 
livres  ;  ainfi  la  force  d'un  mêm.e  poids  de 
deux  livres  deux  onces ,  tombant  de  quatre 
pies  de  hauteur ,  qui  eft  celle  à  laquelle  on 
élevé  compiunément  le  mouton ,  iera ,  ea 
raiibn  de  ces  hauteurs ,  de  deux  mille  feoc 
cents  quarante  -  deux  livres  f ,  &:  pour  un 
mouron  de  fix  cents  livres ,  de  plus  de  fept 
cents  foixante-treize  milliers  pour  le  cas  du 
refus;  car  lorfque  \e  pilot  entre  encore,  il 
s'échappe  en  partie  à  l'effet  de  la  percufïion. 

En  matière  de  conftrudion  ,  il  convient 
de  rendre  la  réfiftance  toujours  fupérieure; 
ainfî  en  la  faifant  double  ,  il  paroit  que 
l'on  pourroit  charger  un  pieu  chaffe  de  la 
forte,  d'un  poids  de  plus  de  trois  cents 
quatre  -  vingts  milliers  ,  fuppofé  qu'il  fbit 
aflèz  fort  par  lui-même  pour  le  porter. 

On  a  vu  ci-devant  qu'un  pilot  de  neuf 
pouces  de  groffeur,  excédant  de  trois  pies 
par  fa  tête  le  terrain  dans  lequel  il  eft 
chafïe ,  ne  doit  être  chargé  que  d'un  poids 


(è  )  Suivant  M.  de  Camus,  Traité  des  forces  mouvantes ,  pa^e  170;  un  poHs  d'une  livre  un  quart , 
tombant  deJiuit  pies  de  hauteur,  occafione  un  choc  ou  une  percuiTîon  (Équivalente  à  la  pre/fioa 
d'un  poids  H  zoo  livres;  ce  qui  reviendra  d'autant  mieux  à  l'expérience  de  M.  Mariotte,  que  l'on, 
croit  qu'il  y  a  erreur  dans  la  hauteur  de  la  chute  de  l'expérience  de  M.  de  Camus  ;  &  que ,  fuivant  la 
proportion  qu'il  indique  ,  elle  doit  être  de  7  pouces  ,  au  lieu  de  8  pouces  de  chute.  , 

On  n'ignore  pas  combien  il  eft  difficile  ou  peut-être  même  impoflîble  d'établir  mathématiquement 
aucun  rapport  entre  les  forces  mortes  &  les  forces  vives ,  telles  que  la  prcffion  fîmple  &  la  percuf- 
fion  ;  &  on  ne  l'a  entrepris  ici  que  phyfiquement  &  d'après  l'expérience  ,  pour  faire  connoîtrc  à- 
peu-près  à  quoi  on  peut  l'évaluer  :  cependant  on  n'en  conclura  rien  qui  puific  intércfTer  la  folidité , 
{i  les  pilots  font  ehaffés  au  refus  jufqu'au  terrain  ferme ,  comme  on  le  recommande  ,  &  que  le  poids 
dont  on  les  devra  charger  ne  puifTe  pas  excéder  la  moitié  de  ce  qu'ils  pourroient  porter. 

Ttttt  l 


884  PIE 

d'environ  cent  onze  milliers;  un  pilot  d'un 
pié  de  grofleur  réduite,  qui  eft  un  des  plus 
forts  que  Ton  emploie ,  porteroit ,  dans  la 
raiibn  du  cube  de  (on  diamètre  comparé  à 
celui  du  diamètre  du  pilct  précédent ,  en- 
viron deux  cents  fbixante-quatre  milliers; 
ainfi  la  percuffion  d'un  mouton  de  ilx  cents 
livres  pourroit  donner  plus  de  force  qu'il 
n^efl:  nécefîàire  pour  le  poids  que  doit  porter 
un  tel  pilot. 

Les  petits  j7/7o/5  font  battes  à  la  fonnette  ; 
il  convient  de  chafler  les  gros  pi  lots ,  ainfî 
que  les  pieux,  au  déclic;  la  hauteur  de 
l'élévation  du  mouton  dans  le  premier  cas, 
ell  d'environ  quatre  pies,  &  celle  pour  le 
déclic  ,  depuis  quatre  pies  jufqu'à  douze 
ou  environ  ;  ce  qui  donne  huit  pies  de  hau- 
teur réduite. 

Si  l'on  veut  préfèntement  favoir  quel  fora 
le  poids  du  mouton ,  &  la  hauteur  nécef- 
faire  à  fa  chute  pour  donner  à  un  pieu  ou 
à  un  pilot  chaflé  au  refus ,  une  perçu  (Tion 
équivalente  au  double  du  poids  qu'il  pourra 
porter  : 

En  foppofant  le  mouton  foulement  d'une 
livre  de  pefanteur,  fa  force  de  percuffion 
fora  pour  élévation  à  la  fonnette  ,  fuivant 
l'expérience  de  M.  Mariotte  ,  que  l'on  a 
rapportée  ci-devant ,  de  mille  deux  cents 
quatre-vingt-dix  livres;  &  celle  pour  le 
déclic  ,  de  deux  mille  cinq  cents  quatre- 
vingts  livres  :  cette  connoilTance  rend  le 
calcul  que  l'on  le  propofe  fort  facile  ;  il 
fuiïit  pour  cela  de  diviier  le  poids  qu'un 
pilot  de  moyenne  grolTcur  peut  porter  , 
dans  le  cas  de  l'équilibre ,  par  mille  deux 
cents  quatre-vingt-dix  livres,  lorfqu'il  s'a- 
gira d'un  gros  pilot  &  à' mw  pieu  qui  devra 
être  chalTé  au  déclic,  afin  de  conferver  la 
léiîftance  double  dans  tous  les  cas. 

On  vient  de  voir ,  par  exemple  ,  qu'un 
pilot  de  douze  pouces  de  grofleur  peut 
porter  deux  cents  foixante-quatre  milliers  ; 
oivifant  le  double  de  «es  poids  mille  deux 
cents  quatre-vingt-dix  livres,  il  viendra 
pour  le  poids  du  mouton  ,  qu  il  faudra 
employer,  avec  la  fonnette  feulement,  quatre 
cents  neuf  livres;  mais  à  caufc  des  Ixotte- 
tnens  &  de  la  perte  d'une  partie  de  la  force 
occaiionée  par  le  mouvement  que  ce  pilot 
communique  fur  une  certaine  étendue  du 
\&mm.  qui  l'environne  ^  il   CQnvient  de  | 


P  I  G 

donner  au  moins  iîx  cents  livres  de  pefan- 
teur au  mouton. 

En  fuivant  ce  que  donne  le  calcul  pré- 
cédent, on  auroit  auffi  un  mouton  trop 
foible  pour  cha(Ter  \cs  pieux  au  déclic  par  la 
raifon  précédente ,  &  de  plus  ,  pour  celle 
de  la  malle  du  pieu  à  mettre  en  mouvemciit 
de  ^obliquité  du  choc ,  &  de  Pélaftjcité  ôc 
dardement  dont  il  a  été  parlé  ci  -  devant  ; 
toutes  caufes  phyfiques  qui  ne  lauroient 
être  bien  appréciées  :  ainli  il  faut  dans  ce 
cas  employer  des  moutons  de  mille  deux 
cents  livres  &  plus  ,  fuivant  que  les  circonf- 
tances  locales  &  les  expériences  l'indique- 
ront. Artich  de  M.  Perronet. 

PiEXTX-BOUREAUX,  terme  de  rivière, 
ce  font  des  pièces  de  bois  que  l'on  mer  près 
des  pertuis ,  pour  y  tourner  une  corde , 
afin  que  le  bateau  n'aille  pas  fi  vite. 

Pieux  fourchus?  terme  de  Chajfe ^  ce 
font  les  bâtons  dont  on  fe  fort  pour  tendre 
les  toiles. 

PIEXE ,  "^oye^  Remore. 

PIFFARO  ,  {Mufique.)  efpece  d'inftru- 
ment  de  mufique,  qui  répond  à  la  haute- 
contre  de  hautbois  ;  mais  cqx.  inftrumcnt 
originaire  d'Italie  n'a  pas  fait  fortune. 

PIFRE,  f.  m.  {WJi.  nat.)  ferpent  fabu- 
leux :  on  lui  donne  deux  têtes  ;  en  confé- 
quencc  on  l'imagine  fort  dangereux. 

PiFRE ,  (  Bat.  d'or.  )  un  des  gros  mar- 
teaux de  ces  ouvriers. 

PIGACHE,  f.  f.  terme  de  Chafe ,  c'eft 
la  connoifiànce  qu'on  remarque  au  pié  du 
fanglier ,  quand  il  a  une  pince  à  la  trace, 
plus  longue  que  l'autre. 

PIGAYA,  f.  f.  {Bot.  exot.)  nom  que 
les  habitans  du  Brefil  donnent  à  la  racine 
ipécacuanha.  V.  Ipécacuanha. 

J'ajouterai  foulement  ici  que  le  premier 
Européen  qui  ait  mis  cette  racine  en  ufage, 
étoit  un  apothicaire  du  Brefil ,  appelle  Mi-- 
cha'èl  Trijiaon  ;  il  écrivit  un  petit  livre  fur 
ce  remède  ,  qui  fut  traduit  en^nglois  & 
inféré  dans  les  voyages  de  Pimrhas  :  de 
Laët  n'a  prefque  fait  que  traduire  en  latin 
l'écrit  de  Triftaon  ;  mais  Pifon  &  Mar- 
grave étant  fur  les  lieux  ,  donnèrent  un 
détail  beaucoup  plus  exaéi  des  propriétés 
&  de  l'ufage  du  pigaya.  lis  ne  commirent 
qu'une  faute ,  c'çft  d'avoir  trop  chanté  fcs 
vertus. 


P  I  G 

PIGEON,  COULON,  COLOMBE 

>RIvâE,    PIGEON    DOMESTIQUE,    f.    Hl. 

(  Hiji.  nat.  Ornitholog.  )  columba  domejiica 
feu  vulgaris  ,  Wil.  oifeau  très  -  familier 
qu'on  élevé  dans  des  colombiers ,  dans 
des  baflès  -  cours ,  &  même  dans  les  cham- 
bres que  l'on  habite.  Sa  couleur  varie 
comme  celle  de  tous  les  autres  oifeaux 
domeftiques  :  la  plupart  font  d'une  couleur 
grife-bleuâtre-,  ils  ont  le  cou  d'un  verd  doré, 
éclatant  &  changeant ,  qui  paroît  de  cou- 
leur de  cuivre  de  rofetre  à  certains  afpeds. 
On  élevé  cette  dernière  forte  de  pigeons 
dans  des  colombiers  :  ils  iont  moins  fa- 
miliers que  les  autres  ;  ils  vont  chercher 
leur  nourriture  dans  la  campagne.  Il  y  a 
peu  de  variétés  dans  les  couleurs  des  pi- 
geons des  colombiers  :  on  en  voit  cepen- 
dant de  blancs ,  d'autres  noirâtres  ou  bruns  ; 
enfin,  il  y  en  a  qui  ont  plufieurs  de  œs 
couleurs ,  &  d'autres  les  réuniilent  toutes  : 
ils  ont  tous  ,  de  quelque  couleur  qu'ils 
foient,  la  partie  inférieure  du  dos  blanche; 
le  bec  eft  brun  ,  &  la  membrane  des  na- 
rines eft  couverte  d''une  matière  farineufe 
qui  la  fait  paroitre  blanchâtre  ■■>  les  pies  font 
rouges  &  les  ongles  noirs.  Le  pigeon  do- 
meftique  a  environ  un  pié  un  pouce  de 
longueur,  depuis  la  pointe  du  becjufqu'à 
l'extrémité  de  la  queue,  &  lo  à  iz  pouces 
jufqu'au  bout  des  ongles  :  l'envergure  eft 
de  plus  de  i  pies;  lorfque  les  ailes  font 
pliées,  elles  s'étendent  au-delà  du  bout  de 
la  queue ,  environ  d'un  pouce.  Toutes  les 
différentes  efpeces  de  pigeons  vivent  de 
graines  &  de  femences  dures  qu'ils  avalent 
fans  les  cafïer.  La  femelle  ne  pond  ordi- 
nairement que  deux  œufs  :  le  mâle  &  la 
femelle  les  couvent  chacun  à  leur  tour; 
ils  nourriffent  leurs  petits  en  leur  dégor- 
geant dans  le  bec  des  grains  qu'ils  gardent 
quelque  temps  dans  leur  jabot ,  pour  les 
ramoUir  &  pour  en  faciliter  la  digeftion  à 
leurs  petits.  Communément  il  fe  trouve 
dans  chaque  couvée  un  mâle  &;  une  fe- 
melle .,  qui  s'appareillent  enfcmble  dans  la 
fuite  :  ils  font  plufieurs  pontes  chaque  année. 
M.  Briffon,  Omit.  vol.  I.  On  va  rapporter, 
d'après  cet  auteur,  les  différentes  efpeces 
de  pigeons  dont  il  a  donné  la  defcription , 
&  les  feize  diverfes  fortes  de  pigeons  do- 
meftiques  qu'on  élevé  dans  les  baflès-cours. 


P  I  G  8S5 

&  qu'il  regarde  comrne  des  variétés  du 
pigeon  romain.  Les  dcfcriptions  de  ces  16 
variétés  font  numérotées,  pour  empêcher 
qu'on  ne  les  confonde  avec  les  vraies 
efpeces. 

Pigeon  verd  d*Amboine  ,  columba 
viridis  amboinenfis ,  Brif.  Ce  pigeon  eft  à- 
peu-près  de  la  grofteur  d'une  tourterelle. 
Il  a  le  deffus  de  la  tête  gris  ;  cette  couleur 
eft  claire  du  côté  du  bec ,  &  foncée  vers 
le  derrière  de  la  tèrr.  Les  côtés  de  la  tête, 
la  gorge,  le  cou,  la  poitrine,  le  ventre, 
les  côtés  du  corps,  les  jambes,  le  crou- 
pion &  la  face  fupérieure  des  plujTies  de 
la  queue,  font  d'un  verd  d'olive  qui  eft 
jaunâtre  fur  la  partie  inférieure  du  cou  & 
fur  la  poitrine.  Les  plumes  de  la  queue 
font  noires  en  detlôus  à  leur  origine  ,  & 
d'un  gris-blanc  à  leur  extrémité;  celles  qui 
fe  trouvent  fous  la  queue  ont  une  couleur 
blanche ,  fale  &  jaunâtre.  Les  petites  plu- 
mes de  l'aile  font  noires  ou  noirâtres;  il 
y  a  fur  chaque  aile  une  large  bande  jaune 
&  tranfverfale  ,  parce  que  la  plupart  des 
petites  plumes  ont  leurs  extrémités  de 
cette  couleur.  Les  grandes  plum.es  &  les 
moyennes  font  noires  en  deflus  &  grifes 
en  deflôus,  &  elles  ont  le  bord  extérieur 
jaune.  Le  dos  eft  de  couleur  de  marron; 
les  pies  font  gris  &c  le  bec  eft  verdâtre. 
On  trouve  cet  oifeau  à  Amboine.  Omit. 
de  M.  Briffon ,  tome  I.  V.  Oiseau. 

Pigeon  DE  Barbarie,  columba  barba- 
rica  feu  numidica  ,  Wil.  Ce  pigeon  a  le 
bec  très-court ,  &  les  yeux^font  entourés 
d'une  large  bande  de  peau  unie,  qui  a 
des  mamellons  farineux ,  comme  ceux  du 
pigeon  meflager. 

Pigeon  batteur  ,  columba  percuffor y 
Wil.  Ce  pigeon  tourne  en  rond  lorfqu'il 
vole ,  il  bat  des  ailes  avec  force ,  &  il  fait 
plus  de  bruit  que  fî  on  frappoït  deux  plan- 
ches l'une  contre  l'autre  ;  aufïî  les  plumes 
de  fes  ailes  fe  trouvent  fouvent  rompues. 

Pigeon  cavalier  ^  columba eques,  Wil. 
Ct  pigeon  eft  le  produit  du  pigeon  à  grofTè 
gorge  &  ànpigeon  meffager.  La  membrane 
des  narines  eft  fort  épaifle;*eilc  s'étend, 
comme  dans  le  pigeon  mélTàger,  jufqu'à 
la  moitié  de  la  longueur  du  bec ,  &  el!e 
eft  couverte  de  tubercules  farineux ,  de 
même  que  le  tour  des  yeux  ;  il  a  aufïi  la 


8^(5  P  I  G 

facuké  d'enfler  Ton  jabot  en  infpirant  de 
l'air,  comme  le  pigeon  à  grolîè  gorge. 

Pigeon  roux  de  Cayenne  ,  per- 
dix  mcntana  ,  Rai.  fynop.  Ce  figeon  eft 
plus  petit  que  le  pigeon  ramier,  il  a  toute 
la  face  fupcrieure  du  corps  d'un  roux 
tirant  fur  le  pourpre  ;  la  gorge ,  la  face 
inférieure  du  cou  &:  la  poitrine  font  de 
couleur  de  chair;  le  ventre,  les  côtés  du 
corps  &  les  jambes  ont  une  couleur  rouf- 
fâtre.  Les  grandes  plumes  des  ailes,  celles 
de  la  face  inférieure  &  de  la  queue  font 
rouffes.  Il  y  a  autour  des  yeux  de  petits 
mamellons  charnus  d'un  très-beau  rouge; 
Tiris  eft  de  cette  même  couleur  ;  le  bec 
èc  les  pies  font  moins  rouges.  On  trouve 
'  cet  oifeau  à  Cayenne.  Omit,  de  M.  Brif- 
fon ,  tome  I.  V.  Oiseau. 

Pigeon  a  la  couronne  blanche, 
voye[  RocHERAYE  de  la  Jamaïque. 

Pigeon  cuirassé,  columba  galeata,  Wil. 
Ce  pigeon  a  les  grandes  plumes  des  ailes 
&  celles  de  la  queue  d'une  même  couleur, 
ou  blanche,  ou  noire,  ùc.  mais  toujours 
différente  de  celle  du  refte  du  corps. 

Pigeon  culbutant,  columba  gyratrix 
feu  vertaga ,  Wil.  Ce  pigeon  eft  petit  &c 
de  différentes  couleurs  :  il  fe  donne  di- 
vers mouveraens  en  volant,  &c  il  tourne 
fur  lui  -  même  comme  une  boule  qu'on 
jette  en  l'air. 

Pigeon  frise  ,  columba  "crifpa.  Ce  pi- 
geon eft  blanc  en  entier ,  à  l'exception  des 
doigts  qui  font  rouges  ;  tout  le  refte  de 
fon  corps  eft  couvert  de  plumes  frifées. 

Pigeon  fuyard  ,  on  a  donné  ce  nom 
aux  pigeons  qu'on  élevé  dans  des  colom- 
biers ,  &  qui  vont  chercher  leur  nourriture 
dans  la  campagne. 

Pigeon  a  gorge  frisée,  columba  tur- 
hila  dicla ,  Wil.  Ce  pigeon  a ,  comme  les 
deux  précédens ,  le  bec  très-court;  mais 
on  le  diftingue  aifément  par  les  plumes 
de  la  poitrine  qui  font  comme  frifees.  Le 
fommet  de  la  tête  eft  applati. 

Pigeon  a  grosse  gorge  ou  Pigeon 
GRAND  gosier,  columba  gutturofa.  Wil. 
Il  eft  de  la  groftèur  du  pigeon  romain, 
&  fes  couleurs  varient  de  même  ;  il  enfle 
tellement  fon  jabot  en  infpirant  beaucoup 
d'air,  que  cette  partie  paroît  plus  groflë 
quç  tout  le  refte  du  corps. 


PI  G 

Pigeon  de  Guinée,  columba  guincenfts , 
Klein,  ay/.  Ce  pigeon  eft  de  la  groflèur' 
du  pigeon  romain  ;  il  a  la  tête ,  la  gorge , 
la  poitrine ,  le  ventre ,  les  cotés  du  corps 
ôc  les  jambes  d'une  couleur  cendrée  claire; 
les  plumes  du  cou  finilfent  en  pointe  ;  le 
milieu  de  chacune  de  ces  plumes  eft  aufïî 
d'une  couleur  cendrée  claire  ,  &  les  bords 
font  rougeâtres.  La  partie  antérieure  du 
dos  eft  un  brun  tirant  fur  le  pourpre; 
cette  couleur  paroît  violette  à  certains 
afpeds.  Les  trois  plumes  inférieures  du 
premier  rang  des  petites  plumes  des  ailes 
ôc  toutes  celles  des  autres  rangs  ,  font 
de  la  même  couleur  pourprée ,  &  ont 
chacune  à  leur  extrémité  une  tache  blanche 
triangulaire  ;  les  autres  plumes  des  ailes 
font  noires,  Ôc  ont  le  bord. extérieur  d'un 
cendré  clair.  La  partie  poftérieure  du  dos 
ôc  le  croupion  font  blancs  ;  les  plumes 
qui  couvrent  la  racine  de  la  queue ,  tant 
en  deflus  qu'en  deftous,  ont  une  couleur 
cendrée  claire  :  celles  de  la  queue  font 
d'un  cendré  obfcur  ,  à  l'exception  de  l'ex- 
trémité qui  eft  noire.  Les  yeux  font  en- 
tourés d'une  peau  rouge  dégarnie  de  plu- 
mes ;  l'iris  des  yeux  eft  d'une  belle  couleur 
orangée  ;  celle  du  bec  eft  noirâtre ,  &  les  " 
pies  font  d'un  rouge-pâle.  On  trouve*  cet 
oifeau  aans  les  parties  méridionales  de  la 
Guinée.  Orn.  de  M.  Briflon ,  tome  I.  V. 
Oiseau. 

Pigeon  huppé  ,  columba  crijîata.  Ce 
pigeon  a  une  huppe  formée  par  les  plumes 
du  derrière  de  la  tête ,  qui  font  dirigées 
en  haut. 

Pigeon  de  la  Jamaïque,  columba 
minor  jamaycenfis  ,  Rai.  fynop,  avi.  Ce 
pigeon  a  neut  pouces  de  longueur  depuis 
la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue.  Le  fommet  de  la  tête  ôc  toute  la 
face  inférieure  de  l'oiféau  font  blancs;  la 
face  fupérieure  du  cou  eft  mêlée  de  bleu 
ôc  de  pourpre.  Le  dos ,  le  croupion  ôc 
les  ailes  font  d'un  brun  tirant  fur  le 
pourpre  ,  ôc  mêlé  d'une  légère  teinte  de 
rouge.  La  queue  eft  bleue ,  ôc  elle  a  à  fon 
extrémité  une  petite  bande  blanche.  On 
trouve  cet  oifeau  au  mois  de  janvier  à 
la  Jamaïque ,  dans  les  favannes  ou  dans 
les  plaines.  Orn.  de  M  Briflon,  tome  L 
Voyez  Oiseau. 


PI  G 

PiGïON  A  QUEUE  ANNELEE  DE  LA  JA- 
MAÏQUE ,  columba  ,  caudâ  fafciâ  notât  a  y 
Rai  ,  fynop.  avi.  Ce  pigeon  a  un  pié 
trois  pouces  de  longueur,  depuis  la  pointe 
du  bec  jufqu^à  l'extrémité  de  la  queue.  La 
tête ,  la  partie  inférieure  du  cou  &:  la 
poitrine  font  de  couleur  de  pourpre  ;  la 
partie  fupérieurc  du  cou  eft  d'un  pourpre 
changeant ,  qui  paroît  verd  à  certains  af- 
peds.  Les  plumes  du  dos,  du  croupion,  & 
celles  qui  recouvrent  le  deflus  de  la  racine 
de  la  queue  ,ront  d'un  bleu  pâle.  La  queue, 
qui  eft  de  la  même  couleur  bleue  que  le 
dos ,  a  une*  large  bande  tranfverfale  noire. 
La  membrane  qui  eft  au  deflus  des  narines, 
forme  deux  tubercules  auprès  de  la  racine 
du  bec.  On  trouve  cet  oifeau  à  la  Jamaï- 
que. Or/2/r. tfe M.  Briflbn ,  t.  I.  F. Oiseau. 
Pigeon  des  Indes,  columba indien fufca, 
Klein,  avi.  Ce  pigeon  eft  à  peu  près  de  la 
grofteur  de  la  tourterelle.  Il  a  la  partie 
antérieure  de  la  tête  ,  les  joues ,  la  gorge  , 
la  partie  inférieure  du  cou  &  la  poitrine 
d^un  brun  roufsâtre  clair  j  le  derrière  de 
la  tête  &  la  partie  fupérieure  du  cou  font 
d'un  brun  plus  obfcur  ;  il  y  a  de  chaque 
côté  au  deflbus  des  oreilles  une  tache  noire 
tranfverfale.  La  partie  antérieure  du  dos 
&  la  plupart  des  petites  plumes  des  ailes 
font  en  entier  d'un  brun  obicur  &  rouf- 
sâtre ,  mêlé  d'un  peu  de  bleu  ;  les  autres 
ont  le  côté  extérieur  &  l'extrémité  blancs  ; 
la  partie  inférieure  du  dos  &  le  croupion 
font  d^un  cendré  obfcur  j  le  ventre ,  les 
côtés  du  corps ,  les  jambes,  les  plumes  du 
deftous  de  la  queue  &  celles  de  la  face 
inférieure  de  Paile ,  ont  une  couleur  cendrée 
claire  Se  bleuâtre  :  les  grandes  plumes  des 
ailes  font  noires,  à  l'exception  du  bord 
extérieur  qui  eft  d'une  couleur  plus  claire; 
les  deux  plumes  du  milieu  de  la  queue ,  ont 
la  même  couleur  que  la  partie  antérieure 
du  dos  ;  les  autres  font  d'un  cendré  obfcar, 
à  l'exception  de  l'extrémité  qui  eft  blanche. 
Les  yeux  font  entourés  d'une  peau  nue  , 
qui  a  une  belle  couleur  bleue.  L'iris  eft 
d'un  rouge  vif.  Le  bec  eft  noir,  &  les 
pies  ont  une  couleur  rouge.  Cet  oifeau 
remue  fréquemment  la  queue  ,  comme  les 
bergeronnettes.  On  le  trouve  aux  Indes 
orientales.  Omit,  de  M.  Briflbn ,  tome  I. 
Fbje^  Oiseau. 


P  I  G  S87 

Pigeon  de  la  Martini  q_u  e  , 
columba  martinicana.  On  donne  à  et  pigeon 
le  nom  de  perdrix  à  la  Martinique,  il 
eft  à  peu  près  de  la  grofteur  du  pigeon 
domeftique  :  il  a  la  tête ,  le  cou  ,  la  gorge 
&:  la  poitrine  d'un  marron  tirant  fur  le 
pourpre  ;  les  plumes  de  la  partie  inférieure 
du  cou  font  d'un  violet  doré  très-éclatant , 
S>c  forment  une  forte  de  collier  ;  le  dos , 
le  croupion  ,  &  les  pet^^tolumes  des 
ailes ,  ont  une  couleur  brt^  tirant  fur  le 
roux  :  le  ventre ,  les  jambes  &  les  plumes 
du  deflbus  de  la  queue  font  d'un  fauve 
clair  ,  mêlé  de  violet  :  les  côtés  du  corps 
&  la  face  inférieure  des  ailes  ont  une  cou- 
leur cendrée  ;  les  grandes  plumes  des  ailes 
font  noirâtres  ;  les  deux  plumes  du  milieu 
de  la  queue  font  en  entier  d'un  brun  rouf- 
sâtre; les  autres  ont  cette  couleur  fur  la 
plus  grande  partie  de  leur  étendue  feule- 
ment du  côté  extérieur  ,  &  le  côté  inté- 
rieur eft  d'un  cendré  foncé;  elles  ont  une 
bande  noire  tranverfale  près  de  leur  extré- 
mité ,  qui  eft  d'un  gris  blanc  :  les  pies  font 
rouges.  On  trouve  cet  oifeau  à  la  Marti- 
nique. Omit,  de  M.  Briflbn,  tome  7. 
Voye-^OiSEAV. 

Pigeon  violet  de  la  Martini- 
que ,  columba  violacea  martinicana  , 
Brif.  Le  père  du  Tertre,  hiji.  des  Ant. 
a  donné  à  ce  pigeon  le  nom  de  perdrix 
roujfe.  Il  eft  à  peu  près  de  la  grofleur 
de  la  tourterelle ,  &  il  a  la  tête  ,  le 
cou  ,  la  poitrine,  le  dos  ,  le  croupion  , 
les  petites  plumes  des  ailes,  &  h  queue 
de  couleur  de  marron  ,  qui  change  à  dif- 
férens  afpects  en  violet  :  le  'ventre  ,  les 
jambes ,  &  les  plumes  du  deflbus  de  la 
queue  font  roufsâtres  ;  les  côtés  du  corps 
èc  la  face  inférieure  de  l'aile,  ont  une 
couleur  roufle  ;  les  grandes  plumes  de  Paile 
ont  le  côté  extérieur  &  l'extrémité  de 
même  couleur  que  le  dos  ;  le  côté  inté- 
rieur eft  roux  ;  les  yeux  font  entoures  de 
petits  mamellons  charnus  d'un  très-beau 
rouge  ;  l'iris  eft  de  cette  même  couleur  ; 
le  bec  &  les  pies  font  d'un  rouge  moins 
foncé.  On  trouve  cet  oiieau  à  la  Marti- 
nique. Ornith.  de  M,  Briflbn ,  tome  I. 
Voyei^Ois^AXJ. 

Pigeon  messager  ,  columba  tabet- 
laria ,  Wil.  Ce  pigeon  reflemble  beaucoup 


S88  P  I  G 

au  précédent  ;  il  eft  d'un  bleu  foncé  ou 
noirâtre  :  la  membrane  qui  entoure  les 
yeux ,  &c  celle  qui  couvre  les  narines ,  font 
fort  épaiflès  &  couvertes  de  tubercules 
farineux  blanchâtres  :  le  bec  eft  d'une 
moyenne  longueur  ôc  noirâtre.  On  a  donné 
à  ces  fortes  de  pigeons  le  nom  dé  mejfager , 
parce  qu'on  leur  fait  porter  des  lettres 
d'un  endroit  à  un  autre  :  on  les  ftyle  à 
ce  fervice  qu||^  ils  font  jeunes. 

Pigeon dt^Wexique, Cehoilotl  ,co-  ' 
îumbafylvejrris  ,  Rai  ,fynop.  avi.  Qt  pigeon 
a  toutes  les  parties  du  corps  couvertes  de 
plumes  brunes ,  excepté  la  poitrine  &:  les 
extrémités  des  ailes  qui  font  blanches^  le  tour 
des  yeux  eft  d'un  rouge  vif,  &  l'iris  eft  noir; 
les  pies  font  rouges  :  on  le  trouve  au  Mexi- 
que, Omit,  de  M.  Briiloji  5  tome  I.  Voye:^ 
Oiseau. 

Pigeon  bleu  du  Mexique  ,  Tlaca- 
HOiLOTL  ,  columbce  fylvejlris  fpecies  , 
Rai  j  fynop.  avi.  Ce  pigeon  eft  à  peu  près 
de  la  grofl'eur  du  pigeon  domeftique  :  la 
tête ,  le  cou ,  le  dos ,  le  croupion  ,  & 
les  jambes  font  bleues.  Il  y  a  auiïi  quelques 
plumes  rouges  fur  la  tête  &  fur  le  cou , 
principalement  à  fa  partie  inférieure  ;  les 
grandes  plumes  des  ailes  &  celles  de  la 
queue  font  bleues  ;  les  plumes  de  la  poi- 
trine ,  du  ventre ,  des  côtés  du  corps ,  les 
petites  des  ailes ,  &  celles  du  deftbus  de 
la  queue  ,  ont  une  couleur  rouge  ,  de 
même  que  l'iris  des  yeux  y  le  bec  &  les 
pies  :  on  trouve  cet  oifeau  au  Mexique. 
Omit,  de  M.  Briflon  ,  tome  .1.  Voye-^ 
Oiseau. 

Pigeon  i>e  montagne  du  Mexique, 
columbamexicana,  montanamaxima^û..  Ce 
pigeon Q(i  prefque  auiïi  grand  qntle pigeon 
romain  ,  &  entièrement  d'un  roux  tirant  fur 
le  pourpre ,  excepté  les  petites  plumes  des 
ailes  qui  font  blanches;  le  bec&  les  pies  font 
d'un  très-beau  rouge.  Il  y  a  des  individus 
de  cette  efpece  qui  ont  une  couleur  fauve 
claire  ,  au  lieu  d'être  roux  :  on  trouve 
cet  oifeau  fur  les  montagnes  du  Mexique. 
Ornith.  de  M.  Briftbn  ,  tome  I.  Voye^ 
Oiseau. 

Pigeon  nonain  ,  Pigeon  a  cha- 
peron ,  Pigeon  pâte,  jacobin,  cq- 
lumba  cucuUata  ,  five  jacobina  ,  Wil. 
Celui-ci  a ,  comme  le  pigeon  de  Barbarie, 


P  I  G 

le  bec  très-court  ;  les  plumes  du  derrière  de 
la  tête  ôc  celles  de  la  partie  fupérieure  du 
cou ,  font  dirigées  en  haut ,  ôc  difpofées 
de  façon  qu'elles  forment  une  forte  de 
capuchon  fèmblable  à  celui  d'un  moine; 
c'eft  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de 
pigeon  nonain. 

Pigeon  de  Nincombar  ,  columha 
Nincombar ,  indica.  Klein  ,  avi.  Ce  pigeon 
eft  un  peu  plus  grand  que  le  pigeon  ro- 
main. Il  a  la  tête  &  la  gorge  d'un  noir 
bleuâtre;  les  plumes  du  cou ,  qui  font  lon- 
gues &  étroites ,  ôc  celles  du  dos  &  du 
croupion ,  ont  différentes  couleurs,  telles 
que  le  bleu  ,  le  rouge ,  le  pourpre  &  le 
jaune  ,  &  elleg  font  toutes  entées  d'un 
très-beau  verd.  La  poitrine  ,  le  ventre  , 
les  côtés  du  corps  &  les  jambes,  ont  une 
couleur  brune  oblcure  ;  lés  petites  plumes 
des  ailes  font  toutes  vertes ,  excepté  les 
trois  extérieures  du  premier  rang ,  dont 
la  couleur  eft  bleue  ;  les  trois  premières  des 
grandes  ont  cette  même  couleur  bleue,  & 
les  autres  font  en  partie  brunes  &  en  partie 
roufles  ;  la  queue  eft  blanche,  les  pies  font 
bruns  en  deifus  &  jaunes  en  deffous;  l'iris 
des  yeux  eft  rouge;  la  femelle  diffère  du 
mâle ,  en  ce  qu'elle  n'a  pas  de  couleurs  aufïî 
brillantes ,  &  que  les  plumes  du  cou  font 
moins  longues  :  on  trouve  cet  oifeau  dans 
les  îles  de  Nincombar.  Ornith.  de  Jf. 
Briflbn,  tome  I.  Voye[  Oiseau. 

Pigeon  de  Norvège,  columba  nor- 
vegica.  Ce  pigeon  a  prefque  la  groftèur 
d'une  poule  ;  il  eft  d'un  très -beau  blanc  ; 
fes  pies  font  couverts  de  plumes ,  &:  il  a 
une  huppe  fur  le  fommet  de  la  tête. 

Pigeon  i>aon  ,'  Pigeon  a  large 
Q_u  EUE,  columba  tremula  laticauda  , 
Wil.  On  a  donné  à  ce  pigeon  le  nom  de 
pigeon  paon ,  parce  qu'il  étend  &  qu'il 
étale  fa  queue  ,  en  la  portant  élevée  , 
comme  le  paon  &  le  coq  d'Inde  ;  il  a  vlïi 
plus  grand  nombre  de  plumes  dans  la  queue 
que  les  âMixQs  pigeons.  On  Pa  aufïî  nommé 
le  trembleur  ,  parce  qu'il  remue  prefque 
fans  cefïè  la  tête  &  le  cou  de  côté  & 
d'autre. 

Pigeon  patu  ,  columba  hirfutis pedibus  , 
Wil.  Ce  pigeon  ne  diffère  desautres ,  qu'en 
ce  qu'il  a  les  pies  couverts  de  plumes  juf- 
l  ^"u'au  bout  des  doigts. 

PjCfOlf 


PIG 

Pigeon  verd  des  Philippines  ; 

columba  maderafpatana  ,  varïis  coLorihus 
eUganter  dcpicla.  Rai  ,  finop.  avi.  Ce 
pigeon  eft  un  peu  plus  gros  que  notre 
tourterelle  :  il  a  la  tête  6f  la  gorge  d'un 
verd  d'olive  mêlé  de  brun;  le  cou  eft  de 
couleur  de  marron  clair;  les  plumes  du 
dos ,  du  croupion ,  des  côtés  du  corps  & 
celles  du  deffus  de  la  queue  ,  font  d'un 
verd  d'olive  ;  les  grandes  plumes  des  ailes 
ont  à  leur  extrémité  une  bande  jaune  de 
couleur  de  foufre  ;  la  poitrine  eft  orangée  ; 
le  ventre  &  les  jambes  font  d'un  verd 
d'olive  clair  &  tirant  fur  le  jaune;  cette 
couleur  s'éclaircit  &  devient  d'autant  plus 
jaune,  qu'elle  fe  trouve  plus  près  de  l'a- 
nus ,  qui  eft  entièrement  jaune.  Les  plu- 
mes qui  font  fous  la  queue  ont  autant  de 
longueur  que  celles  de  la  queue  même  , 
&  leur  couleur  eft  roufte  ;  les  plumes  de 
l'aile  font  noirâtres  en  deffus  &  cendrées 
en  defîbus,  à  l'exception  des  bords  exté- 
rieurs ,  qui  ont  une  couleur  jaune  claire  ; 
celles  de  la  queue  font  au  contraire  cen- 
^irées  en  deffus  &  noirâtres  en  deffous. 
On  trouve  cet  oifeau  aux  îles  Philippines. 
Ornith.  de  M.  Briffon  ,  tomi  I.  f^ojc:^ 
Oiseau. 
Pigeon  Ramier,  vojei  Ramier, 

PiGEOM  DE  roche  ,  yoyq  RoCHE- 
RAYE. 

Pigeon  romain,  columba  domeflica 
major  ^  ^yil.  Le  pigeon  romain  eft  beau- 
coup plus  grand  que  le  pigeon  domefti- 
que  ;  il  a  environ  quinze  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  la  queue;  {qs  couleurs  varient; 
on  en  voit  de  blancs,  de  noirs  ,  de  roux , 
de  cendrés  ;  d'autres  ont  plusieurs  de  ces 
couleurs  mêlées;  enfin  ,  il  y  en  a  qui  iles 
réuniftent  toutes  les  quatre  ;  le  bec  eft  noir 
dans  les  uns ,  &  rouge  ou  de  couleur  de 
chair  dans  les  autres  ;  ils  ont  tous  la  mem- 
brane, qui  eft  au-delfus  des  narines,  cou- 
verte d'une  matière  farineulé  qui  la  fait 
paroître  blanchâtre  ;  les  pies  font  rouges 
&  les  ongles  noirs ,  &  quelquefois  blanchâ- 
tres. M.  Briffon,  dans  fon  ornithologie, 
fait  de  ce  pigeon  uneefpece  particulière, 
&  il  regarde  comme  des  variétés  de  cette 
efpece  les  pigeons  dont  il  a  été  fait  men- 
tion au  nombre  de  feize. 
Terne  XXV, 


PIG  88^ 

Pigeon  sauvage  ,  oenas  feu  vînago  , 
Wil.  Ce  pigeon  eft  un  peu  plus  gros  que 
le  pigeon  domeftique  ;  il  a  un  pié  deux 
pouces  de  longueur,  depuis  la  pointe  du 
bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue,  6c 
deux  pies  deux  pouces  d'envergure  ;  la 
tête  eft  cendrée  ;  la  face  fupérieure  &  les 
côtés  du  cou  font  d'un  verd  doré  qui  paroît 
de  couleur  de  cuivre  de  rofette  à  certains 
afpeéls;  la  partie  antérieure  du  dos  &  les 
petites  plumes  des  ailes  ,  ont  une  couleur 
cendrée  obfcure  ;  les  plumes  qui  couvrent 
le  deffus  de  la  racine  de  la  queue,  le  crou- 
pion &  la  partie  poftérieure  du  dos  font 
d'un  cendré  clair  ;  la  face  inférieure  du  cou 
depuis  la  tête  jufqu'à  environ  le  milieu  de 
fa  longueur,  le  refte  du  cou  &  la  poi- 
trine ,  font  d'un  violet  rougeâtre  ou  pour- 
pré ;  le  ventre ,  les  côtés  du  corps  ,  les 
jambes  &  les  plumes  du  deffous  de  la  queue, 
ont  une  couleur  cendrée  claire;  les  quatre 
ou  cinq  premières  grandes  plumes  des  ailes 
font  noires  ,  à  l'exception  du  bord  exté- 
rieur qui  eft  blanc;  toutes  les  autres,  ôc 
celles  du  premier  rang,  font  cendrées  à 
leur  racine ,  &  noirâtres  vers  l'extrémité. 
Il  y  a  encore  fur  chaque  aile  deux  taches 
noires  ;  toutes  les  plumes  de  la  queue 
font  cendrées  depuis  leur  origine  jufqu'à 
environ  les  deux  tiers  de  leur  longueur ,  ÔC 
le  refte  eft  noir ,  excepté  la  moitié  des  bar- 
bes extérieures  de  la  première  plume  de 
chaque  côté  qui  eft  blanche  ;  les  pies  font 
rouges ,  6c  le  bec  eft  d'un  rouge  pâle , 
félon  Belon  :  ce  pigeon  fait  fon  nid  fur  les 
rochers  elcarpés.  Omit,  de  M.  Briffon  , 
tome  I.  V,  Oiseau. 

Pigeon  sauvage  d'Amérique  , 
columbus  palumbus  carolïnenjîs.  Klein. 
avi.  Ce  pigeon  eft  de  la  groffeur  de  notre 
pigeon  fauvage  ;  il  a  la  face  fupérieure  du 
corps  de  couleur  cendrée,  &  l'inférieure 
d*un  violet  rougeâtre  ;  les  plumes  des  ailes 
font  d'un  brun  noirâtrJ»&  les  grandes 
ont  le  bord  extérieur  branchâtre,  le  tour 
des  yeux  &  les  pies  font  rouges.  Oïv  trouve 
cet  oifeau  en  Amérique.  Omit,  dt  M» 
Briffon  ,  tome  I.  Voye^  OiSEAU. 

Pigeon  sauvage  du  Mexique  , 
columba  mexicana  hoilotl  dicta  Hernande- 
Jïi ^  Rai,  fynop.  avi*  Ce  pigeon  eft  de  U 

V  vvvv 


Sço  P  î  G 

grandeur  du  pigeon  domeflique  ;  U  a  la 
tête ,  le  cou  ,  le  dos ,  le  croupion ,  les  ailes 
&  la  queue  d'une  couleur  brune  mêîëe  de 
taches  noires ,  excepté  les  grandes  p-iumes 
des  ailes  &  la  queue  qui  n'o-nt  point  de  ces 
taches  ;  la  poitrine,  le  venrre  &  les  jatri- 
bes,  font  d'un  fauvip  clair,  le  bec  efl:  noir 
&  les  pies  font  rouges.  On  trouve  cet 
oifeau  au  Mexique  dans  les  forêts  Sî  dans 
les  endroits  frais^  Omit.  d&  M,  Briâon, 
tome  I.  Voyei  QlSEAU. 

Pigeon  verd  de  l'île  Saint- 
Thomas  ,  columha  fyhcfins  ex  imfula 
Sancil-Thomcz  ,  Marcgravii  y.  Wil.  Ce 
pigeon  eft  entièrement  verd  ,  à  l'exception 
àes  plumes  du  delTous  delà  queue  qui  font 
,^..  jaunes  ;  les  plumes  des  ailes  &  l'extrémité 
de  celles  de  la  queue  ,  ont  une  couleur 
verre  tirant  fur-ie  brun  ;  les  yeux  font  noirs 
&  entourés  d'un  cercle  bleu  ;  le  hcc  eft 
d'un  rouge  de  fang  depuis  fa  racine  jufqu'à 
la  moitié  de  fa  longueur,  6cie  refte  a  une 
couleur  bleue  mêlée  de  blanc  &  de  jaune  ; 
les  pies  font  d'^un  jaune  de  fafran.  On  trouve 
cet  oifeau  dans  l'île  de  Saint-Thomas.  Orn. 
de  M.  Briffon,  tome  f.  Voye^  Oiseau. 
Pigeon  trembleur,  columba  tre- 

mula  angufii-caudd  feu  acuîicauda^  Wi!. 
Ce  pigeon  re/Temble  au  pigeon  paon  parles 
mouvemens  continuels  qu'il  fe  donne, 
mais  il  en  diffère  en  ce  qu'il  a  la  queue 
étroite. 

Pigeon  turc  ,  columba  tunica  feu 
perfica  ,  Vil.  La  couleur  de  ce  pigeon 
varie  moins  que  .celle  de  la  plupart  des 
autres  pigeors;  il  eft  noirâtre  ou  d'un  jaune 
rougeâtre  ou  obfcur  :  la  membrane  qui 
entoure  les  yeux  &  celle  qui  fe  trouve  au- 
deffus  des  narines  font  rouges  &fortépaif- 
fes  :  le  bec  eft  jaune  &:  les  pies  font  d'un 
rouge  pâle. 

Pigeon  de  volière,  ( Econ.  rufl,  ) 
C'eft  un  pigeon  nourri  à  la  main  &  élevé 
à  la  maifon  dam^ine  volière,  &  qui  n'en 
fort  que  pour  ^Plyer.  Les  pigeons  de  vo- 
lière font  plus  chers  que  les  autres,  parce 
qu'ils  font  meilleurs ,  &c  fur-tout  quand  ils 
ne  mangent  que  du  chenevis  &c  du  millet  ; 
les  pigeons ,  foit  de  volière  ou  autres  , 
couvent  leurs  œufs  dix-huit  jours ,  le  mâle 
êc  la  femelle  tour-à-tour  pendant  la  jour- 
née., mais  la  femelle  toute  ]a  nuitj  ils  font 


P  r  G^ 

ordinairement  des  petits  tous  les  mois  ;  lis 
les  nourriffent  nn  mois  durant  ;  mais  dès 
que  leurs  petits  ont  dix  ou  douze  jours  y  ils 
commencent  à  fe  tirer  le  bec  &:  à  fe  cocher. 
Leurs  petits  mangent  feuls,  iorfqu'ils  ont 
trois  femaines  ;  ils  roucoulent  à  deux  m.ois,. 
&:  à  fiX  ou  environ  ,  ils  commencent  à 
profiter  &  à  fe  préparer  pour  faire  des 
petits. 

Pigeon,  (Dieu  &  mat.  méd.);.  L'ufage 
très-commun  que  nous  faifons  du  pigeon, 
dans  nos  alimens ,  eft  une  chofe  affez  con- 
nue;'on  ne  mange  prefque  que  le  pigeon»- 
neau  ;  la  chair  du  vieux  pigeon  ell  iecha 
&  dure  ,  elle  fournit  pourtant  un  allez  bon 
.  fuc  lorfqu'on  la  fait  bouillir  avec  d'autres- 
viandes  pour  en  préparer  des  potages.  Le- 
pigeonneau  de  volière  ne  diffère  du  pigeoîî-! 
neau  de  colombier,  qu'en  ce  que  le  pre-*- 
mier  eft  communément  plus  gros  &c  tou- 
jours plus  gras,, &' par  coniéquent  d'une; 
chair  piUs  délicate,  plus  fondante. 

Le  pigeonneau  fe  mange  dans  deux  états 
ou  deux  â^es,  qui  le  font  différer  effentiei— 
lement  :  i"  lorfqu'il  commence  à  peine  à~ 
pouffer  lès  tuyaux  des  plumes  de  la  queue- 
.&  de^  ailes,,  ce  qui  lui  arrive  lorfqii'il  a- 
environ  quinze  ou  feize  jours,  ou  lorfqu'il 
eft  prefque  entièrement  couvert  de  plumes^- 
ce  qui  lui  arrive  à-peu-près  à  l'âge  d'un 
mois  ;  dans  îè  premier  état ,  la  chair  en  efl:. 
abfolument  fucrée,  elle  n'eft  point  faites- 
ce  n'eft  prefque  qu'une  gelée  ;  elle  eft  en  ^ 
général  peu  faine ,  quoiqu'elle  foit  regar-- 
dée  comme  plus  délicate  ;  dans  le  fécond  • 
état,  la  chair  a  une  certaine  confiftance^- 
quoiqu'^elle  foit  tendre  encore  &  pleine  de 
fuc  ;  elle  eft  généralement  beaucoup  plus 
falutaire  ;  on  peut  l'accorder  à   prefque 
tous  les  fujets  .  aux  tempéramens  les  plus 
délicats  ,  aux  convalefcens  r  la  première 
leur  doit  être  interdite. 

Quant  aux  ufages  pharmaceutiques  dir 
pigeon ,  fon  fang  eft  compté  avec  raifon 
parmi  les  remèdes  adouciftàns  externes  les^ 
plus  éprouvés.  C'eft  un  bon  remède  contre 
les  ophtalmies  douloureulés,  &  contre  les 
plaies  de  Toeil ,  que  de  faigner  un  pigeon»- 
neau  fous  l'aile,  &  de  faire  tomber  furie 
champ  quelques  gouttes  de  fon  fang  dans 
l'œil.  Un  pigeon  en  vie  ouvert  par  le  mi» 
iicu ,  &c  appliqué  tout  chaud  fur  la  tête 


P  I  G 

.âes  phréflétiques  ou  fur  le  côré  des  pîeu-  ' 
xétiques  ,  lorlque  les  caïmans  Se  rélblutifs 
externes  font  indiqués ,  produit  quelque- 
fois  de  très-bons  effets  ;  c'eft  un  remède 
que  les  anciens  médecins  ont  beaucoup 
employé  ;  les  médecins  modernes  au  con- 
traire paroiflent  trop  négliger  ces  fortes 
d'applications.  Voy.  ToPiQUE.  Il  faut  ob- 
ferver  néanmoins  que  le  pigeon  ne  mérite 
aucune  préférence  fur  les  autres  animaux. 

Celfe  recommande  le  foie  du  pigeon 
récent  &  crud,  mangé  pendant  long-temps, 
contre  l'iftere.  Le  ce^rveau  de  pigeon  paffe 
pour  aphrodifiaque. 

Les  auteurs  de  chymie  &  de  mat'ere  mé- 
dicale ,  difent  que  la  fiente  de  pigeon  eil 
éminemment  nitreufe  ;  Foreftus  conclut 
de  cette  obfervation,  que  cette  fiente  prife 
intérieurement,  efl  un  très-bon  diuréri- 
•çue  contre  l'hydropifie  ;  cette  même  fiente 
eft  vantée  encore  contre  la  pleuréfie  ,  à  la 
guérifon  de  laquelle  le  nitre  paroît  auffi 
^tre  très-propre.  La  fiente  de  pigeon  eft 
auffî  recommandée  contre  la  fuppreffion 
des  règles.  Ces  vertus  ne  paroiflent  pas 
.avoir  été  attribuées  à  la  fiente  de  pigeon 
auffi  légèrement  que  celles  qu'on  trouve 
attribuées  dans  les  livres  à  beaucoup  de 
matières  femblables  ;  ce  remède  paroît  au 
contraire  mériter  d'être  tenté  dans  ces  j 
divers  cas.  I 

Diofcoride  ,  Gaîien ,  Pline  &:  plufieurs  ; 
auteurs  modernes  recommandent  auffi  l'u-  1 
fage  extérieure  de  la  fiente  de  pigeon ,  à  | 
laquelle  ils  accordent  une  puifiTante  vertu  - 
dii'cuffive  ,  réfolutive,  répercuffive  ,  cica- 
trifante ,  &c.  Jean  Becler  dit  qu'on  trouve 
quelquefois  dans  les  boutiques  le  mufc  fal- 
iifié  avec  du  fang  de  pigeon.  La  tourterelle 
&  les  deux  efpeces  de  ramier,  favoir  !e 
petit  ramier  &  le  gros  ramier  ou  palombe, 
font  évidemment  des  efpeces  de  pigeons , 
ou  du  moins  des  animaux,  on  ne  peut  pas 
plus  ,  analogues  au  pigeon  ;  quant  à  leurs 
qualités  diététiques   &  pharmaceutiques , 
les  ramiers  ont  feulement  la  chair  un  peu 
plus  ferme  &  un  peu  plus -noire  ,  &  le  goût 
beaucoup  plus  relevé. 

Au  pié  des  Pyrénées],  où  l'on  prend  au 
commencement  de  l'automne  une  quantité 
prodigieufe  de  ces  oifeaux,  on  les  mange 
communément  à  la  broche  prefque  crudsi 


P  I  G  gpi 

du  moins  c'eft  de  toutes  les  viandes  celle 
que  i'ai  vu  fervir  la  plus  faignante  ;  elle  eft 
délicieufe  dans  cet  état,  &  il  eft  rare  qu'elle 
incommode,  ÇhJ 

Pigeon,  C^h^-  ^^^  inventions. J  dans 
l'orient,  fur-tout  en  Syrie,  en  Arabie  & 
en  Egypte,  on  drelîe  des  pigeons  à  porter 
des  billets  fous  leurs  ailes,  &  à  rapporter 
la  réponfe  à  ceux  qui  les  ont  envoyés.  Le 
mogol  fait  nourrir  des  pigeons  qui  fervent 
à  porter  les  lettres  dans  les  occafions  où 
l'on  a  befoin  dijne  extrême  diligence.  Le 
conful  d'Alexandrette  s'en  fert  pour  en- 
voyer promptement  des  nouvelles  à  Alep. 
Lqs  caravanes  qui  voyagent  en  Arabie  , 
font  favoir  leur  marche  aux  fouverains 
Arabes,  avec  qui  elles  font  alliées ,  par  le 
même  moyen  :  ces  oifeaux  volent  avec  une 
rapidité  extraordinaire,  &  reviennentavec 
une  nouvelle  diligence  ,  pour  fe  rendre 
dans  le  lieu  où  ils  ont  été  nourris ,  &:  où 
ils  ont  leurs  nids.  On  voit  quelquefois 
de  ces  pigeons  couches  fur  le  fable  &  le 
bec  ouvert ,  attendant  la  rofée  pour  fe  ra- 
fraîchir êc  reprendre  haleine.  Au  rapport 
de  Pline,  on  s'étoit  déjà  fervi  de  pigeons 
pour  faire  pafier  des  lettres  dans  Modene 
affiégée  par  Marc-Antoine.  On  en  renou- 
veila  l'ufage  en  Hollande  en  1 574,  au  fiege 
de  Harlem  &  au  fiege  de  Leydeen  1575; 
le  prince  d'Orange ,  après  la  levée  du 
fiege  de  cette  dernière  place ,  voulut  que 
ces  pigeons  fuftent  nourris  aux  dépens 
du  public,  dans  une  volière  faite  exprès, 
&  que  lorfqu'ils  feroient  morts  ,  on  les 
embaumât  pour  être  gardés  à  l'hôtel-de- 
ville  ,  en  figne  de  reconnoifTance  perpé- 
tuelle fjD./.  ) 

Pigeon  ,  c/ou  à ,  (  Clouterie)  Les  clous 
à  pigeon  font  de  grands  clous  à  crochet , 
qu'on  nomme  ^nixermùnibec-de-canne  ;  ils 
fervent  à  attacher  dans  les  volets  &  colom- 
biers ,  les  paniers  où  l'on  met  pondre  ÔC 
couver  les  pigeons.  (Z>.  /.  ) 

PlGEOxNNER,v.  a.  ou  ÉPIGEON- 
NER,  (  terme  de  maçon.  )  C'eft  employer 
le  plâtre  un  peu  ferré,  fans  le  plaquer  ni  le 
jeter ,  mais  le  lever  doucement  avec  la  main 
&  la  truelle  par  pigeons ,  ceft-à-dire,  par 
poignées,  comme  lorfqu'on  fait  les  tuyaux 
&  les  languettes  de  cheminées  quifon»-  de 
plâtre  pur,  CD,  J.) 

yvvvv  2 


PIGER  HENRICUS  ,  (  ChymU.) 
Henri  le  pareffeux  ;  c'eft  un  nom  que  l'on 
donne  quelquefois  à  un  fourneau  chymique 
qui  fert  à  faire  plufieurs  diftillations  & 
autres  opérations  à  la  fois.  On  l'appelle 
plus  communément  <3/Aa/zor. ^<3yg^  Atha- 
KOR  &  Fourneau. 

Piger  un  chantier,  f^r/Tze^e  rivière 
&  de  commerce  de  bois  ;  c'eft ,  lorfque  l'on 
veut  favoir  combien  un  chantier  contient 
de  voies  de  bois ,  le  faire  mefurer. 

PIGNATOLIS,  en  'mlien  pignatella, 
petite  mefure  qui  eft  en  ufage  dans  cette 
partie  de  l'Italie  qu'on  nomme  la  Pouille, 
pour  mefurer  les  liqueurs.  On  s'en  fert 
auffi  en  quelques  endroits  de  la  Calabre , 
c*eft  à-peu-près  la  pinte  de  Paris.  Dicf. 
de  Commerce  ,  tome  III ,  p.  8^  G. 

PIGNEROL  ,  C  Géogr.  mod.^  )  petite 
ville  d'Italie  dans  le  Piémont ,  à  l'entrée 
delà  vallée  de  Péroufe.  Elle  pafla  en  1042 
dans  la  maifon  de  Savoie.  François  I  s'en 
empara  en  1536,  mais  Henri  III  rendit 
cette  place  en  1 574  au  duc  de  Savoie.  Elle 
pafta  enfuite  en  1652  au  roi  de,  France  en 
toute  propriété ,  &  pour  lors  les  François 
y  bâtirent  une  citadelle,  qu'ils  ont  démolie 
en  remettant  Pignerol  au  duc  de  Savoie 
en  1696.  Cette  ville  eft  fur  la  rivière  de 
Chiufon  ou  Clufon,  à  8  lieues  au  nord- 
oueft  de  Turin ,  2§  nord  de  Nice ,  18  fud- 
oueft  de  Cafal;  32  eft  de  Grenoble.  Long. 
24,  «56.  lat'  44»  4v 

M.  Fouquet,  furintendantdes  finances, 
fat  enfermé  en  1664  dans  la  citadelle  de 
Pignerol,  o\x  il  mourut  en  1680.  Le  juge- 
ment qui  le  condamna  à  cette  prifon  per- 
pétuelle, ne  fait  pas  honneur  à  M.  Colbert  ; 
&  de  tant  d'amis  de  la  fortune  de  M.  Fou- 
quet ,  Peliffon  fut  prefque  le  feul  qui  lui 
refta  fidèle.  (i7./.) 

PIGNES,  C  Minéralogie.)  On  appelle 
ainfi  dans  le  Pérou  &  le  Chily  des  mafl!es 
d'argent  poreufes  &  légères ,  faites  d'une 
pâte  defféchée  qu'on  forme  par  le  mélange 
ou  l'amalgame  du  mercure  6c  de  la  poudre 
d*or ,  d'argent ,  tirée  des  minières. 

Lorfque  le  minerai  ou  la  pierre  qui  con- 
tient l'un  de  CQS  métaux  a  été  détachée 
du  filon  j  on  commence  par  la  concafler  , 
pour  la  mettre  en  état  d'être  écrafée,  mou- 
lue dans  é^s  moulins  deftinés  à  cet  ufage  , 


P  I  G 

auxquels  l'eau  donne  ordinairement  le  mouf 
vement,  &  qui  ont  des  pilons  de  fer  du 
poids  de  200  livres. 

Après  avoir  réduit  le  minerai  en  poudre  > 
on  le  pafîe  par  des  tamis  ou  cribles  de  fer 
ou  de  cuivre,  &  on  le  pétrit  enfuite  dans 
l'eau  ,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  acquis  la  confif- 
tance  d'une  boue  aflfez  épaiflé. 

Cette  boue  étant  à  demi-féchée,  on 
la  coupe  par  tables  d'un  pié  d'épailleur^ 
&  d'environ  25  quintaux.  Chaque  table, 
qu'on  nomme  cuerpo ,  eft  de  nouveau 
pêrrie  avec  du  fel  marin ,  qui  s'y  fond  &c 
s'y  incorpore  ;  il  en  faut  ordinairement 
200  livres  par  table  ,  mais  on  l'augmente 
ou  on  la  diminue  fuivant  la  qualité  du 
minerai. 

Après  cette  préparation  ,  à  laquelle  cri 
emploie  trois  jours,  on  y  joint  depuis  10 
jufqu'à  20  livres  de  mercure  ,  fuivant  la 
richeffe  de  la  mine  ;  c'eft-à-dire  ,  on  y 
en  met  une  plus  grande  quantité  fi  elle 
eft  riche ,  &  une  moindre  fi  elle  ne  l'efl 
pas.  On  recommence  enfuite  à  repétrir 
chaque  table ,  jufqu'à  ce  que  le  mercure 
ait  bien  ramaffé  &  fe  foit  bien  incorporé 
avec  l'argent. 

Ce  travail  eft  très-dangereux ,  à  caufe 
des  mauvaifes  qualités  du  mercure  ;  il  fe 
fait  par  de  malheureux  Indiens  ,  qui  le 
recommencent  huit  fois  par  jour.  Neuf  ou 
dix  jours  fuffifent  pour  cette  amalgamatioa 
dans  les  lieux  tempérés  ;  mais  dans  les  pays 
froids  ,  on  y  emploie  quelquefois  un  mois 
ou  fix  femaines. 

La  chaux  &  tes  mines  de  plomb  011 
d'étain  qu'on  eft  fouvent  obligé  d'y  mêler, 
facilitent  beaucoup  l'amalgame  du  mercu- 
re; il  faut  même  pour  de  certaines  mines. 
fe  fervir  du  feu  pour  en  avancer  l'effet. 

Lorfque  l'on  croit  le  mercure  &  l'argent 
bien  amalgamés  ,  on  en  tait  TefTai  en  pre- 
nant un  peu  de  terre  de  chaque  cuerpo  , 
&  en  la  lavant  dans  de  l'eau  fur  une  af- 
fiette  ;  fi  le  mercure  eft  blanc  ,  on  juge 
qu'il  a  produit  fon  effet  \  s'il  eft  noirâtre  ^ 
il  faut  le  pétrir  de  nouveau,  en  y  ajoutant 
du  fel. 

Lors  enfin  que  refïàyeur  eft  content^ 

on    l'envoie    aux   lavoirs  :  ce    font  trois 

baflins  conftruits  en  pente  ,  qui  fe  vuident 

,  fuccefîivement  l'un  dans  l'autre ,  ÔC  d'où 


P  I  G 

tft  terre  qui  efl:  mife  dans  le  plus  élevé , 
s'écoule  à  force  d'être  délayée  par  l'eau 
d'un  ruiffeau  qui  y  tombe ,  &  qu'un  Indien 
agite  avec  les  pies  ,  ce  que  font  aufli 
deux  autres  Indiens  dans  les  deux  baffins 
fuivans. 

Lorfque  l'eau  fort  toute  claire  des  baf- 
fins ,  on  irouve  dans  le  fond  ,  qui  eft  garni 
de  cuir ,  le  mercure  amalgamé  avec  l'argent , 
ce  qu'on  appelle  la  pella  ;  &  c'eft  de  cette 
pella  qu'on  forme  les  pignes  ,  après  qu'on 
en  a  fait  fortir  le  plus  que  l'on  peut  de 
mercure,  en  la  mettant  d'abord  dans  des 
chauffes  de  laine  de  vigogne  ,  qu'on  preffe 
&  qu'on  bat  fortement ,  "Se  en  la  foulant 
enfuite  dans  un  moule  de  bois  de  figure 
pyramidale  ocî:ogone,  au  bas  duquel  eft 
une  plaque  de  cuivre  remplie  de  plufieurs 
petits  trous. 

On  donne  à  volonté  différens  poids  aux 
pignes  ;  &  pour  connoître  la  quantité  que 
chacune  peut  contenir  d'argent,  on  les 
pefe  ;  &  en  déduifant  les  deux  tiers  <le 
leur  pefanteur  pour  le  mercure,  on  juge 
à  peu  près  de  ce  qu'elles  doivent  contenir 
d'argent. 

La  pigne  tirée  hors  du  moule  ,  &  foute- 
nue  de  la  plaque  de  cuivre  trouée,  on  la 
pofe  fur  un  trépié  au  deffous  duquel  eft 
un  grand  vaiflTeau  plein  d'eau  :  on  couvre 
le  tout  d'un  grand  chapiteau  de  terre  qu'on 
environne  de  charbon  qu'on  entretient 
toujours  bien  allumé.  Le  mercure  que  la 
pigne  contient  encore  ,  fe  réduit  en  va- 
peurs par  la  violence  du  feu  ;  il  fe  con- 
denfe  enfuite  dans  l'eau  ,  où  il  eft  reçu  , 
&  il  refte  une  maffe  ou  un  amas  de  grains 
iVargent  de  différentes  figures  ,  qui  fe 
joignent  par  leurs  extrémités ,  ce  qui 
forme  une  maffe  poreufe  &  fort  légère ,  & 
ce  font  ces  fortes  de  pignes  que  les  mineurs 
tâchent  de  vendre  furtivement  aux  vaif- 
feaux  étrangers  qui  vont  dans  la  mer  du 
Sud  ,  &c  qui  ont  fait  faire  de  fi  grands 
profits  aux  négocians  qui  fe  font  bazardés 
dans  les  dernières  guerres  à  faire  ce  com- 
jnerce  de  contrebande. 

Ceux  qui  achètent  de  l'argenterie  pigne  , 
doivent  bien  fe  garder  de  la  mauvaife  foi 
des  mineurs  efpagnols  ,  qui  pour  les  rendre 
plus  pefantes  en  rempliffent  le  milieu  avec 
du  fable  ou  du  fer.  Le  plus  fur  eft  de  les 


P  I  G  853 

oirvrir  ou  de  les  faire  rougir  au  feu  ;  car 
fi  elles  font  falfifiées ,  elles  noirciffent  ou 
jauniffent.  On  fraude  auffi  l'acheteur ,  en 
mêlant  dans  la  même  pigne  de  l'argent  de 
différent  aloi.  Foye\  le  DicHonnaire  de 
Chambers. 

L'or  en  pigne  eft  ce  qui  refte  de  l'amal- 
game qui  a  été  fait  du  mercure  avec  l'or; 
cette  opération  eft  décrire  à  VarticUOK, 

PIGNONS  ou_  PIGNONS  DOUX  , 
(  Diet  &  Mat.  mcd.)  fruit  du  pin  franc  ou 
cultivé.  V.  Pin. 

hçspignons  contiennent  une  amande  ou 
femence  émulfive  qui  eft  affez  agréable  à 
manger ,  fur-tout  lorfqu'on  l'a  recouverte 
de  fucre,  c'eft-à-dire,  qu'on  en  a  fait  une 
dragée  ,  qu'on  emploie  dans  les  émulfions  , 
&  dont  on  tire  une  huile  par  exprefiRon 
qui  eft  d'ufage  en  médecine.  Ces  ufages 
des  pignons ,  ôi  leurs  propriétés  diététiques 
&  médicamenteufes ,  n'ont  rien  de  parti- 
culier :  tout  cela  leur  eft  commun  au  con- 
traire avec  toutes  les  femences  émulfives 
que  les  hommes  mangent.  /^.  SEMENCES 
ÉMULSIVES. 

Les  pignons  ont  cela  de  fpécial ,  qu'ils 
font  d'un  tiffu  mou  &  lâche ,  &  qu'ils  font 
éminemmenthuileux ,  ce  qui  les  rend  com- 
munément pefans  à  l'eftomac,  &  très-fu- 
)ets  à  vomir.  Il  eft  difficile  de  les  préferver 
de  cet  accident  pendant  toute  l'année, 
même  en  les  confervant  dans  leur  coque  , 
qui  eft  très-dure  &  très-denfe.  On  ne  doit 
les  employer  que  lorfqu'ils  font. récens, 
fecs  &  très-blancs,  (h) 

Pignon  d'Inde,  ricinoîdes  ,  genre  de 
plante  à  fleur  en  rofe ,  compofée  de  plu- 
fieurs pétales  difpofés  en  rond,  &  foutenus 
par  un  calice  qui  a  plufieurs  feuilles  ;  cette 
fleur  eft  ftérile.  L'embryon  fe  trouve  fur 
le  même  individu  féparément  des  fleurs; 
il  eft  couvert  d'un  calice ,  &  il  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  qui  fe  divife  en  trois  cap- 
fules  :  elles  renferment  chacune  une  fe- 
mence oblongue.  Tournefort ,  Inji.  rei 
hcrh.  app.  V.  PLANTE. 

Pignon  d'Inde  ou  Ricin  ,  C  Madère 
méd.  )  on  trouve  dans  les  boutiques  plu- 
fieurs fortes  d'amandes  purgatives  fous  le 
nom  de  pignon  d'Inde  ou  de  ricin,  que 
l'on  apporte  foit  de^  Indes  orientales ,  foie 
de  l'Amérique,  L'une  porte  plus  pariicu^ 


«91.  P  ï  G 

liérement  le  nom  de  graine  de  ricin  ou  cle 
pignon  d'Inde  ■:  elle  eft  le  fruit  du  ricin 
vulgaire  ou  palma  Chrifii.  Une  autre  eft 
connue  fous  le  nom  fpécial  de  pignon  de 
Barbarie  ;  elle  eft  le  fruit  du  grand  ricin 
d'Amérique  ou  médicinier.  Voye^  MÉ- 
DICINIER.  Une  troifieme  eft  le  fruit  du 
médicinier  d'Efpagne,  ôc  eft  quelquefois 
appellée  aveline  purgative  du  nouveau 
monde  ;  &  enfin  une  quatrième  efpece  eft 
connue  fous  le  nom  de  graine  de  Tilii  ou 
des  Moluques  ,  &  c'eft  le  fruit  de  l'ar- 
bre appelle  vulgairement  panava  ou  pa." 
yana. 

Tous  ces  fruits ,  dont  le  premier  a  été 
.connu  des  anciens  ,  font  des  purgatifs 
^^métiques  très-violens,  capables  d'enflam- 
.:mer  la  gorge  ,  l'eftomac  &C  les  inteftins  , 
&  de  produire  tous  les  autres  ravages  des 
vrais  polfons.  Les  b.abitans  des  pays  où 
-ces  fruits  croiftent  ,  fe  font  un  peu  fa- 
Jiiiliarifés  avec  ces  remèdes,  qu'ils  prépa- 
rent &  qu'ils  emploient  diverfement  ;  mais 
la  médecine  poftedeaflTez  de  purgatifs  vio- 
lens  aufîi  fûrs  &  moins  dangereux ,  pour 
.qu'elle  doive  rejeter  abfolumentrufage  de 
ceux-ci.  (b) 

Pignon,  /er/weJô  Méchan'ujue ;  c'eft 
en  général  la  plus  petite  des  deux  roues 
qui  engrènent  Tune  dans  l'autre  ;  cepen- 
dant on  donne  ce  nom  plus  particuliére- 
jment  à  la  roue  qui  eft  menée  ;  c'eft  dans 
ce  dernier  fens  que  nous  le  prenons  dans 
tous  les  articles  on  nous  parlons  des  /»/- 
gnons  ^  &  fur-tout  dans  l'/zrf/c/eDENT,  où 
tout  ce  que  nous  drfons  de  la  forme  des 
dents  des  roues  &  àts  ailes  des  pignons  ^ 
.doit  s'entendre  de  ces  dents  &c  de  ces 
ailes,  en  tant  que  la  roue  mené  &  que  le 
pignon  eft  mené. 

On  emploie  dans  les  machines  de  deux 
/ortes  de  pignons  ;  dans  les  grandes  ce 
ibntorclinçirement  des  pignons  k  lanterne; 
dans  les  petites ,  des  pignons  dont  les  dents 
.ou  ailes  font  difpoiées  &  formées  à  peu 
près 'de  la  même  façon  que  celles  des 
j-oues  ;  tels  font  ceux  des  inontres ,  des 
pendules,  &c.  ''*'  "'^\' 

Les  fufeaux  des  pignons  à  lanterne  , 
/ont  ordinairement  cylindriques.  Plufteurs 
aftiftes  ont  renouvelle  dernièrement  une 
.^içienne  prariaue  ^  i^ui  eft  de  faire  tour-  , 


P  I  G 

ner  ces  fufeaux  fur  leurs  axes,  entre  autres 
à  Londres  M.  Hariffon  ,  dans  fa  première 
pendule  pour  les  longitudes  ;  leur  but  étoit 
de  diminuer  par-là  le  frottement  des  dents 
de  la  roue  fur  les  fufeaux;  mais  quoique  ce 
frottement  foit  aft^ez  de  conféquence  pour 
qu'on  doive  y  faire  attention  ,  cependant 
ce  n'eft  pas  la  chofe  eftentielle.dans  un  en- 
grenage; c'eft  l'uniformité  de  l'aiflion  de 
la  dent  de  la  roue  fur  le  fuièau  ou  fur  l'aile 
du  pignon,  comme  on  l'a  vu  à  Vanicle 
Dent  ;  uniformité  qu'on  a  de  la  peine  à 
fe  procurer  lorfque  l'on  fait  tourner  les  fu- 
feaux fur  leurs  axes;  ptarce  qu'étant  obligé 
de  les  faire  d'une  certaine  groiïeur,  fans 
quoi  l'avantage  ne  feroit  prefque  rien  ,  il 
eft  difficile  de  donner  alors  à  la  dent  la  forme 
requife  pourqu'ellemenelefufeau  toujours 
uniformément. 

M.  de  la  Hire  ,  dans  fon  Traité  des  épi~ 
cycloides,  a  démontré  que  pour  qu'une 
dent  mené  toujours  le  fufeau  uniformé- 
ment, en  fuppofant  qu'il  foit  infiniment 
délié  ,  il  faut  que  fa  face  foit  formée  par  la 
portion  d'une  épicycloïde  engendrée  par 
un  cercle  générateur,  ayant  pour  diamètre 
celui  du  pignon,  &  roulant  fur  la  circon- 
férence de  la  roue.  Mais  comme  un  tel  fu- 
'ieau  h'exifte  point,  &  que  tous  ont  une 
certaine  grandeur ,  il  ajoute  que  pour  y  fup- 
pléer,  l'épicycloïde  dont  nous  venons  de 
parler  étant  une  fois  décrite, il  faut  de  tous 
fes  points  décrire  an  côté  de  fa  concavité 
de  petits  arcs  de  cercle  dont  le  rayon  foit 
égal  à  celui  du  fufeau,  &  que  l'interfeélion 
de  tous  ces  petits  arcs  formera  une  noui- 
velle  courbe,  qui  fera  la  courbe  requife. 

Quant  aux /7i^/zoni ordinaires,  dont  oiî 
fait  ufage  dans  les  montres  &  dans  le$ 
pendules,  la  face  de  leurs  ailes  ou  dents 
doit  êthe  terminée  par  une  ligne  droite  ten- 
dante au  centre,  comme  on  Ta  vu  à  Care» 
Dent.  En  général  la  figure  des  ailes  d'un 
pignon  doit  être  toujours  conditionnelie  à 
celle  des  dents  de  h  roue  ;  mais  comme 
il  y  a  telle  forme  de  dent  pour  laquelle  il  ' 
feroit  impoftiible  de  trouver  une  figure 
pour  les  ailes  du  pignon  ,  telle  qu'il  en 
réfulte  un  mouvement  uniforme  de  ce 
pignon,  &  que  de  plus  il  feroit  fouvent 
impraticable  de  donner  aux  faces  de  ces 
ailes  certaines  forme;s  reg.uifes ,  ona  çhoj^ 


VI  G 

îa  ligne  droite  comme  étant  la  plus  fimple 
&  la  plus  facile  à  exécuter. 

Pour  qn  unpignon  Toit  bien  fait,  il  faut 
qu'il  foii  bien  poli ,  &  que  les  face?  de  (es 
ailes  tendent  bien  au  centre ,  &  que  l'axe 
fe  trouve  dans  leurs  plans  prolongés. 

Comme  les  diamètres  des  pignons  doi- 
vent être  à  ceux  des  roues  dans  lefquelles 
ils  engrènent ,  comme  leur  nombre  à  celui 
de  ces  dernières, .il  s'enfuit  que  les  dents 
de  l'un  &  de  l'autre  font  toujours  égales , 
c'efl-à-dire ,  que  la  corde  d'une  dent  du 
pignon  doit  être  égale  à  celle  d'une  dent 
de  la  roue  ;  or  comme  dans  les  pendules 

6  dans  les  montres,  les  roues  font  ordi- 
nairement faites  les  premières  ,  &  que  c'ed 
fur  leurs  diamètres  que  fe  déterminent  ceux 
des  pignons  y  il  en  réfuke  qu'un  nombre 
quelconque  de  dents  de  la  roue  étant 
pris  pour  le  dianietre  du  pignon  ,  ce 
diamètre  en  formant  cette  analogie  ,  7 
efl:  à  22  comme  le  nombre  des  dents  de 
cette  roue  eft  à  ce  que  )e  cherche  ;  le 
quatrième  terme  qui  viendra  par  cette 
règle  de  trois ,  fera  le  nombre  du  pignon  ; 
ou  lorfque  le  nombre  efl  donné  en  ren- 
verfànt  cette  analogie ,  &  difant  22  eft  à 

7  comme  le  nombre  du  pignon  eft  à  ce 
que  je  cherche  ,  on  aura,  le  nombre  des 
dents  de  la  roue  qu'il  faudra  prendre  pour 
le  diamètre  du /^/^/zo/z.  Les  horlogers  dif- 
putent  fouvent  fur  la  véritable  groiïeur  des 
pignons  &  la  manière  de  la  prendre  ; 
mais  c'eft  faute  de  bien  fa  voir  de  quoi  il 
eft  queftion,  car  lorfqu'une  fois  le  nombre 
6\in.  pignon  &  d'une  roue  qui  engrènent 
l'un  dans  l'autre,  font  donnés  auifi-bien 
que  le  diamètre  de  la  roue,  le  diamètre 
du  pignon  l'eft  aufti  invariablement ,  & 
ne  peut  être  ni  plus  grand  ni  plus  petit 
qu'une  certaine  grandeur;  puifque  ces  deux 
diamètres  doivent  être  entre  eux  comme 
les  nombres  du  pignon  &  de  la  roue.  La 
feule  difficulté  feroit  au  fujer  de  cette 
partie  de  furplus  de  la  roue.  &;  an  pignon 
qui  font  arrondis  ;  tnais  quand  une  fois  les 
diamètres  réels  de  l'un  &  de  l'autre  font 
déterminés-,  il  eft  facile  de  trouver  celles- 
ci,  car  le p/^v^o/z  ne  doit  être  arrondi  que 
pour  que  les  angles  des  faces  ne  foient  pas 
trop  aigus. 

Bignon  de  rcnj/oi  eft  un  pignon  qui  fert 


P  I  G  855 

à  communiquer  le  mouvement  d'une  par- 
tie de  l'horloge  à  une  autre ,  comme  du 
mouvement  à  la  quadrature ,  &c. 

Pignon  du  volant  eft  dans  un  rouage 
de  fonnerie  ou  de  répétition,  le  dernier 
pignon  dans  les  montres  à  répétition  ;  on 
le  nomme  délai.  On  l'appelle  pignon  du 
volant ,  parce  que  dans  les  horloges ,  les 
pendules,  6c  quelquefois  dans  les  montres,, 
il  porte  fur  fa  tige  une  pièce  à  laquelle  on 
donne  le  nom  de  volant.  Voyc:^  Volant  , 
Sonnerie,  &c. 

Pignon  ,  (  Architeci,  )  c'eft  le  haut  d'un 
mur  mitoyen  ou  d'un  mur  de  face ,  qui  fe 
termine   en  pointe   &  011   vient  finir  le- 
comble.   Le  pignon  de  la  falle  du  légat 
de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  très-otné  de" 
fculpture  ,  eft  un  des  plus  grands  qu'il  y- 
ait.  Il  a  été  bâti  fous  François  I ,  par  ordre- 
du  cardinal  Antoine  Duprat. 

Pignon  à  redents  ;  c'eft  la  tête*  d'un  = 
comble  à  deux  égoûts,  wn  pignon  Aont' 
les  côtés  font  par  retraites  en  manière  de^ 
degrés ,  &  qu'on  faifoit  anciennement 
pour  monter  fur  le  faîte  du  comble ,  lorfqu'ii  ■ 
en  falloir  réparer  la  couverture.  Cela  fe 
pratique  aujourd'hui  dans  lespays  froids  ,.• 
où  les  combles  font  fort  pointus ,  mais^ 
plutôt  pour  ornement  que  pour  les  répa-' 
rations. 

Pignon  cnîrap'ttè ;  c'eft  un  bout  de  mur  ' 
,;à  la  tête  d'un  comble ,  dont  le  profil  n'eft^- 
pas   triangulaire  ,' mats    qui  a  cinq  pans 
xommê  celui  d'une  manfarde  ,  ou  même- 
/quatre  comme. un  trapèze. 

Pignon,  (  Chanvrerie. )  ce   m0%.    fe 
dit  de  tout  ce  qui  fort  dii  cœur  du  chan- 
vre quand  on  l'apprête  &  qu'on  l'habilTe,  r 
en  le  paftant  par  les  ferans. 

Pignons  o//  Pe i  g  no n  ,  (  Lainage.  ) 
c'eft  une  laine  de  médiocre  qualité ,  qui 
tombe  de- la  laine  fine  lorfqu'on  la  peigne 
avec  les  cardes  &  cardafies.  Il  y  a  trois 
fortes'de /»/'^«o/z.f  de  laine,  favoirde  bons 
&  fins  pignons  y  de  moyens  &  de  gros, 
qui  chacun  félon  leur  qualité,  peuvent  être 
employés  dans  diverfes  natures  d'étofiPes 
de  laine.  Savary. 

Pignon,  (Serrurerie.  )  pièce  qui  fert 
dans  les  ferrures  à  faire  mouvoir  les  ver- 
rous quand  elles  en  ont,  &  à  ouvrir  & 
fermer  les  doubles  pênes  des  coffics-forts. 


î$6  P  I  L 

PIGNONNÉ,  (  Blafon.  )  il  Ce  dît  âe 
la  repréfentation  d'un  pignon  de  muraille , 
qui  ie  termine  en  pointe  par  briques  ou 
carreaux  les  uns  fur  les  autres  ,  en  forme 
de  plufieurs  montans  ou  efcaliers.  Il  porte 
d'argent  à  un  lion  naiffant  de  fable  ,  d'une 
campagne  m3i(ionnée ,  pigaonnée  âe  deux 
montans  de  gueules.  Dici.  de  Trévoux. 
CD.JO 

PIGNORATIF ( Contrat),  adjeft. 
Ç Jurifp.)  Foye^  au  jnot  CONTRAT ,  l'ar- 
tick  Contrat  pignoratif.  (A) 

PfGO,  rt^K^BlSE. 

PIGOU  ou  PiCOU,  f.  m.  {Marine.  ) 
c'eft  une  forte  de  chandelier  de  fer  à  deux 
pointes  ,  dont  on  fe  fert  dans  les  navires , 
&  qui  eft  fort  propre  à  tenir  une  chan- 
delle. L'une  de  ces  pointes  eft  pour  piquer 
de  côté  ,  &  l'autre  pour  piquer  debout. 

PIGRIECHE ,  voyci  Pie  grieche. 

PIKE ,  f.  m.  (  mefurc  de  longueur.  ) 
mefure  égyptienne  dont  on  diftingue  deux 
efpecesjle  grand  pike  ôc  le  petit  pike.  Le 
grand  pike  ,  autrement  nommé  pike  de 
Conftantinople ,  eft  de  17  îV/ô  pouces 
d'Angleterre  ;  c'eft  avec  ce  pike  qu'on 
mefure  toutes  les  marchandifes  étrangères , 
excepté  celles  qui  font  faites  de  laine  & 
de  coton;  on  mefure  ces  dernières  avec 
le  petit  pike  f  qu'on  appelle  pike  du  pays, 
parce  qu'on  s'en  fert  pour  auner  toutes  les 
manufadures  du  lieu;  ce  petit  pike  eft  de 
2-5  iVô^  pouces  d'Angleterre.  Pocock  , 
defcrip.  d'Egypte.  (D.J.) 

PILA ,  (  Géogr.J  montagne  célèbre  du 
Forez,  fituée  aux  confins  de  cette  pro- 
vince &  du  Lyonnois ,  dans  l'éleftion  de 
Saint-  Etie-nne ,  entre  Saint  -  Chaumond , 
Condrieu ,  Saint- Etienne  &  le  Bour-Ar- 
gental  ;  elle  s'étend  en  long  du  midi  occi- 
dental au  nord  oriental;  &:,  félon  que  le 
penfe  M.  de  Buffon ,  elle  pourroit  bien 
être  une  fuite  de  ces  montagnes  qui  com- 
mencent au  bord  de  la  mer  en  Galice ,  arri- 
vent aux  Pyrénées,  traverfent  la  France 
par  le  Vivarais  &  l'Auvergne ,  féparent 
l'Italie,  s'étendent  en  Allemagne  &  au 
deffus  de  la  Dalmatie  jufqu'en  Macédoine; 
&  delà  fe  joignent  avec  les  montagnes 
d'Arménie  ,1e  Caucafe,le  Taurus,  l'Imaiis, 
&  s'étendent  jufqu'à  la  mer  de  Tartarie. 
.^  Cette  montagne ,  auffi  célèbre  dans  le 


PIL 

Lyonnoîs  que  le  mont  Olympe  chez  let 
Grecs  ,  tire  fon  nom ,  non  de  Ponce-Pilate 
qui  s'y  noya  dans  un  puits ,  comme  le  croit 
le  peuple ,  mais  de  deux  mots ,  pi  qui  figni- 
fie  une  montagne  ,  &  de  lat  qui  veut  dire 
large;  ou  peut-être  du  mot  Pileatus y 
parce  qu'elle  eft  prefque  toujours  couverte 
d'une  efpece  de  chapeau  de  nuées  ;  de  />/- 
leus^  bonnet  ou.chapeau,  on  a  fait  par  cor- 
ruption Pila. 

Duchoul ,  auteur  lyonnois ,  qui  donna 
en  1555  ,  une  defcriptionenlatinduP//*^, 
fait  une  peinture  charmante  des  moeurs ,  des 
ufages  &  desplaiiirs  des  habitans  de  ce  can- 
ton, fur-tout  de  ceux  de  Doizieu  qui  ha- 
bitent l'entrée  des  bois  de  fapin. 

Le  puits  de  la  montagne  dont  l'eau  eft: 
claire  &  tranquille,  eft  la  fource  du  Gier 
qui  va  tomber  dans  le  Rhône.  Prefque  tous 
les  orages  qui  éclatent  dans  le  Lyonnois  &C 
aux  environs ,  fe  forment  fur  le  Pila.  Ils 
commencent  par  une  petite  vapeur  de  la 
grandeur  d'un  chapeau  ,  peu  à  peu  la  va;- 
peur  augmente  &  s'agrandit  à  vue  d'œil; 
à  mefure  qu'elle  acquiert  un  plus  grand  vo- 
lume ,  elle  defcend,  fe  change  en  nuée  fort 
noire,  &  occafîone  des  tonnerres  aftVeux. 
Ceux  qui  font  fur  le  fommet  de  la  mon- 
tagne voient  l'orage  fous  leurs  pies  , 
mais  ils  n'en  font  pas  plus  en  fureté  :  la 
foudre  dans  (es  éclats  terribles  eft  diri- 
gée indifféremment  tantôt  au  deftTus  , 
tantôt  au  deflbus  des  nuages  qui  la  ren- 
ferment. 

Toutes  les  fois  qu'on  apperçoit  de  Lyon 
le  fommet  de  Pila  couvert  d'un  petit  brouil- 
lard ou  d'un  nuage  très -léger,  on  peut 
affurer  que  la  journée  ne  fe  paflera  pas 
fans  pluie  ou  fans  orage,  &  ce  préfage  eft 
comme  infaillible  :  l'expreflion  ufitée  pour 
lors  dans  le  Lyonnois  ,  c'eft  que  Pila  apris 
fon  chapeau. 

Les  pâturages  y  font  excellens  :  aufti  les 
bêtes  à  cornes  y  font-elles  en  grand  nom- 
bre. La  grange  de  Pila  peut  nourrir  80  va- 
ches ;  comme  le  thym ,  le  romarin  &  [e 
ferpolet  s'y  trouvent  en  abondance,  les 
moutons  y  font  d'un  goût  délicieux. 

La  température  au  Pila  eft  toujours 
très-inégale ,  elle  change  d'un  moment  à 
l'autre  ,  &  ces  changemens  font  fi  fubits  > 
que  fouvent  dans  Tefpace  d'une  heure  «  on 

paffe 


p  I  L        ; 

paflè,  pour  ainfi  diiH,  de  l'hiver  à  Teté.  On 
affure  qu'on  découvre ,  du  fbminet  des 
têtes  les  plus  élevées,  dix  fept  provinces: 
la  vue  Heîè  arrêtée  &  bornée  d'un  côté  que 
par  les  montagnes  de  la  Suifle  &  des  Alpes , 
&  de  l'autre  par  celle  du  Pify  de  Domine  , 
où  le  célèbre  Pafcal  fit  fes  expériences 
fur  la  pefanteur  de  l'air ,  &  enfin  par  celle 
du  Cantal  en  Auvergne  ,  qui  eft  toujours 
couverte  de  neigas  ,  &  dont  l'endroit 
nommé  le  Plomb  de  Cantal  eft  de  993 
toifes  plus  haut  que  le  niveau  de  la  mer. 

Le  beurre  qu'on  fale  pour  le  conferver 
plus  long  temps ,  y  eft  delà  première  qua- 
lité &  prouve  l'excellence  des  pâturages  ^ 
les  petits  fromages  de  lait  de  chèvres , 
nommés  bejfadns  ^  du  village  de  Beffard, 
font  d'un  goût  très-parfait  £>c  très-renom- 
més  dans   le   Lyonnois. 

On  trouve  encore  plufieurs  efpeces  de 
gibier  &  quelques  bêtes  fauves ,  la  perdrix 
rouge  y  eft  d'un  goût  très  -  fin.  Les 
plantes  &  les  fim^iles  font  fort  recherchées  j 
elles  y  ont  une  odeur  plus  forte  &  un 
goût  plus  aromatique  ou  plus  rare.  M.  Haller 
prétend  que  les  Alpes  ont  environ  500  for- 
tes de  plantes  qui  leur  font  propres  :  à 
peine  fur  le  Fila  qu'on  appelle  les  petites 
Alpes  ,  en  trouveroit  -  on  la  cinquième 
partie.  V.  les  mémoires  fur  le  Lyonnois  , 
tome  1 ,    par  M.  Dulac.    (  C  ) 

PILASTRE  ,  f  m.  (  Archn.  )  colonne 
quarrée ,  à  laquelle  on  donne  la  même 
mefore  ,  le  même  chapiteau  ,  la  même 
bafè ,  &  les  mêmes  ornemens  qu'aux  autres 
colonnes  ,  &  cela  fuivant  les  ordres.  Le 
pilafire  eft  quelquefois  ifolé  \  mais  il  eft 
plus  fouvent  engagé  dans  le  mur.  Dans  ce 
fécond  cas  ,  on  le  fait  fortir  du  tiers  , 
du  quart ,  du  fixieme ,  ou  de  la  huitième 
partie  de  fa  largeur ,  félon  les  ouvrages. 
On  cannelé  les  pilafîres  comme  \q%  colon- 
nes ,  &  on  leur  donne  fèpt  cannelures 
dans  chaque  face  du  fût. 

Le  pilafire  a  la  même  origine  que  les, 
colonnes ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  repréfente  des 
arbres  équarris.  Voye\  CoLONNE.  Ce 
mot  vient  de  l'italien  pilajho  ,  qui  a  la 
même  fignification. 

Pilajire  attique.  C'eii  un  petit  pilajlre 
d'une  proportion  particulière  ,  ha  plus 
courte  qu'aucune  de  ceux  des  cinq  ordres. 
Tomt  XXV, 


P  I  L  897 

Il  y  a  deux  fortes  de  pilaftres  attiques  , 
de  fimples  ,  &  de  ravalés.  On  voit  un 
modèle  des  premiers  à  la  porte  de  l'hôtel 
de  Jars  ,  du  deflin  de  Français  Manfard , 
rue  de  Richelieu  ,  à  Paris  j  &  un  mo- 
dèle du  fécond ,  au  château  de  Verfaiiles. 

Pilajlre  bandé.  Pilafire  qui,  à  l'imi- 
tation des  colonnes  bandées,  a  des  bandes 
'^fur  fon  fût,  uni  ou  cannelé.  Tels  font 
les  pilaftres  tofcaii  de  la  galerie  du  Louvre 
du  côté  de   la  rivière. 

Pilafire  cannelé,  C'eft  un  pilafire  qui 
a  des  cannelures. 

Pilafire  cintré.  Pilafire  dont  le  plan 
eft  curviligne ,  parce  qu'il  fuit  le  contour 
du  mur  circulaire  d'une  tour  ronde  ou 
creufo ,  comme  les  pilafires  du  chevet 
d'une  églife  ,  d'un  dôme  ,   &c. 

Pilafire  cornier  ou  angulaire.  Pilafire 
qui  cantonne  l'angle  ou  l'encoignure  d'ua 
bâtiment  ,  comme  au  portail  du  Louvre 
par  exemple. 

Pilafire  coupé,  C'eft  un  pilafire  qui  eft 
traverfé  par  une  impofte  qui  paflè  par- 
defllis  ^  ce  qui  fait  un  mauvais  effet.  Oa 
en  peut  jager  par  les  pilafires  iomquQ^ 
des  portiques  du  château  des  Tuileries. 

Pilafire  dans  tangle.  Pilafire  qui  ne 
présente  qu'une  encoignure  ,  &  qui  n'a  de 
làillie  de  chaque  côté  que  le  fixieme  ou 
le  foptieme  de  fon  diamètre.  Il  y  a  de 
ces  pilafires  au   portail  du  Louvre. 

Pilafire  de  rampe.  On  appelle  ainfi  toug 
les  pilafires  à  hauteur  d'appui ,  qui  ont 
quelquefois  des  bafes  &  des  chapiteaux, 
&  qui  fervent  à  retenir  les  travées  des 
baluftres,  des  rampes  d'efcalier,  &  des 
balcons. 

Pilafire  diminué.  C'eft  un  pilafire  qui 
étant  derrière  ou  à  côté  d'une  colonne, 
en  retient  le  même  contour ,  &  eft  di- 
minué par  le  haut ,  pour  empêcher  qu'il 
nexcede  l'à-plomb  de  l'entablement.  Tel 
eft  le  portail  de  l'églife  de  faint  Gervais  , 
£>c  celui  du  collège  Mazarin  ,   à  Paris. 

Pilafire  doublé.  Pilafire  formé  de  deux 
pilafires  entiers,  qui  fe  joignent  à  angles 
droits  ôcrentrans,  &  qui  ont  leurs  bafes 
&  leurs  chapiteaux  confondus,  comme, 
par  exemple  ,  les  pilafires  corinthiens  au 
grand  fallon  de  Clagny ,  ou  en  angle 
obtus,  tels  que  ceux  qui  font  derrière 
X  x  s  X  x 


P  1  L 

des  huit  cohnnes  corinthiennes  du  dedans 
de  leglifè  des  Invalides» 

Pilajire  ébrafé.  Filafire  plié  en  angle 
<^X\xs  ,  par  fujétion  d'un  pan  coupé  , 
comme  on  le  pratique  aux  églifès  qui  ont 
un  dôme  fur  leurs  croifées. 

Pilaftre  engagé.  C'eft  un  pilajire  qui, 
quoique  placé  derrière  une  colonne  à  la- 
qu'elle  ell  adofTé ,  n'en  fuit  cependant  pas 
Je  contour  j  mais  qui  eft  contenu  entre 
deux  lignes  parallèles  ,  &  a  fa  bafe  & 
ion  chapiteau  confondus  avec  ceux  de  la 
colonne.  Tels  font  les  piîafircs  àç:%  qua- 
tre chapelles  d'encoignures  de  l'églife  des 
invalides. 

Pilaftre  en  gaine  de  terme.  Pilaftre 
■qui  elt  plus  étroit  par  le  bas  que  par 
le  haut.  C'eft  ainfi  que  font  \qs  grands 
pilajires  ruftiques  de  la  haute  terraffe  de 
MeudoiT. 

Pilajire  flanqué.  Pilajire  accompagné 
de  deux  dQim-pilafîres  avec  une  médiocre 
iàillie.  Tels  font  les  pilafires  corinthiens 
de  l'églife  de  faint  André  délia  Valle  , 
à  Rome. 

Pilajire  grêle.  Pilajire  placé  derrière 
nue  colonne  ,  &  qui  eft  plus  étroit  qu'il 
ne  devroit  être  ,  s'il  étoit  proportionné 
à  cette  colonne  ,  parce  qu'il  n'a  de  lar- 
geur parallèle  que  le  diamètre  de  la  di- 
minution de  la  colonne  ,  pour  éviter  un 
reilaut  dans  l'entablement.  Il  y  a  dts  pi- 
lafires grêles  à  l'ordre  dorique  du  gros 
pavillon  du  château  de  Clagny ,  &  au 
grand  portail  de  l'églife  de  faint  Louis 
des  Invalides. 

On  nomme  auftî  pilajire  grêle  un  pi- 
lajire qui  a  de  hauteur  plus  de  diamètre 
que  le  caraâere  de  fon  ordre.  C'eft  ainfi 
que  font  les  pilafires  grêles  corinthiens 
de  l'églife  des  religieufes  Feuillantines  du 
fauxbourg  faint  Jacques ,  à  Paris ,  qui 
ont  plus  de  douze  diamètres ,  au  lieu 
qu'ils    devroient  n'en  avoir  que  dix. 

Pilajire  lié,.  On  peut  appeller  ainfi  non 
feulement  un  pilaftre  qui  eft'  joint  à  une 
colonne  par  une  languette  ,  comme  le  ca- 
valier Bernin  l'a  pratiqué  à  la  colonnade 
de  faint  Pierre  de  Rome  5  mais  encore 
les  pilaflres  qui  ont  quelques  parties  de 
leurs  bafes  &  de  leurs  chapiteaux  jointes 
cafemble.  On  a  des  pilajires  doriques  de 


P  I  L 

cette   efJ3ece  au   porftil  des  Minimes  de 
la  place   royale  ,   à  Paris, 

Pilajire  plié.  Pilaftre  qui  eft  partagé 
en  deux  moitiés  dans  un  angle  rentrant. 
Il  y  a  de  ces  pilafires  dans  les  angles 
de  la  place  de  Louis-le-Grand  ,  à  Paris. 
Pilaftre  rampant.  Il  y  a  deux  pilaftres 
ainfi  nommés.  Le  premier  quoiqu'à-plomb, 
fuivant  la  rampe  d'un  efcalier  ,  fe  trouve 
d'équerrc  fur  les  paliers ,  &  fert  pour  la 
décoration  des  murs  de  la  cage  ,  ou  de 
l'échifîre.  Le  fécond  pilaftre  eft  afliijetti 
par  quelqu'autre  pente.  De  cette  dernière 
efpece  de  pilallre  rampant ,  font  les  pi- 
lafires doriques  des  ailes  qui  communi- 
quent la  colonnade  avec  le  portail  de 
iàint   Pierre  de  Rome. 

Pilaftre  ravalé.  C'eft  im  pilaftre  dont 
le  parement  eft  refouillé  &  incrufté  d'une 
table  de  marbre  bordée  d'une  moulure  , 
ou  avec  des  ornemens  y  comme  on  en 
voit ,  par  exemple  ,  aux  pilaftres  des  arcs 
des  orfèvres ,  ou  avec  des  compartimens 
en  relief,  ou  de  marbre 'de  diverfes  cou- 
leurs. Il  y  a  aux  chapelles  Sixte  &  Pau- 
line de  faiute  Marie  Majeure  ,  à  Rome, 
des  pilaftres  ravalés  de  cette  féconde 
efpece. 

Pilaftre  rud^nté,  Pilaftre  dont  les  can- 
nelures font  remplies  jufqu'au  tiers  d'une 
rudenture  ,  comme  les  pilaftres  Aq  la  grande 
galerie  du  Louvre ,  ou  d'une  rudenture 
plate ,  tels  que  ceux  du  Val-de-  Grâce  , 
à  Paris  ^  ou  enfin  d'ornemens  fèmblables 
à  ceux  des  colonnes    rudentées. 

Pilaftres  accouplés.  Pilaftres  qui  '  font 
deux  à  deux.  Tels  font  les />/7^rej  com- 
pofites  de  la  grande  galerie  du  Louvre. 
Diction,   d'architecl.    (  D.  J.  ) 

Pilastre  de  fer  y  {Serrur.)  c'eft  le 
nom  qu'on  donne  à  certains  montans  à 
jour ,  qu'on  met  d'efpace  en  efpace  ,  pour 
entretenir  les  travées  des  grilles  avec  des 
ornemens  conveaables.  Tels  font  ,  par 
exeinple ,  les  pilaftres  des  grilles  du  château 
de  Verfàilles  &  de  fes  écuries.   (  D.  J.  ) 

Pilastre  de  lambris ,  (  Menu  if.  ) 
elj^ece  de  montant ,  ordinairement  ravalé 
entre  les  panneaux  de  lambris  d'appui  & 
de  revêtement. 

Pilastre  de  vitre  y  (  Vitr.  )  efpece 
de  montant  de  verre  qui  a  bafe  &  char; 


P  I  L 

piteau  ,   avec  des  ornemens  peints  ,  &  qui  [ 
termine  les  côtés  de  la  forme  d'un  vitrail 
d'églifè. 

Pilastre  de  treillage  ,  (  Jardinage.  ) 
corps  d'architedture  long  &  étroit ,  fait 
d'échalas  en  compartiment ,  pour  décorer 
\qs  portiques  &  cabinets  de  treillage  dans 
les  jardins. 

Pilastre  ,  (  Antiq.  rom.  )  entre  les 
fépulcres  médiocres  des  Romains  ,  on  y 
comprend  les  pilaftres  &  les  coffres  ,  qui 
ont  fèrvi  pour  ^(^1  perfbnnes  d'une  con- 
dition ordinaire  ,  &  quelquefois  pour  des 
princes  même.  Ces  pilajlres  font  ou  ronds 
ou  quarrés.  Pline  appelle  les  pilaftres  quar- 
rés  qui  font  de  pierre  -,  ftelas  lapideas.  De 
la  première  efpece  cil  le  gros  pilier  du 
tombeau  de  Pacuvius  ,  qui  fe  trouve  en- 
core à  Rome  ,  tel  qu'il  nous  eft  repréfenté 
dans  le  livre  des  tombeaux  de  Fondt  , 
graveur  polonois.  Ce  pilafire  n'a  que  trois 
diamètres  de  fa  partie  baflè  ,  &  eft  recou- 
vert d'un  chapiteau  dorique. 

PILAU  ,  f.  m.  terme  de  relation  ;  forte 
de  préparation  de  riz ,  fort  en  ufage  chez 
les  Turcs. 

Ce  peuple  fbbre  ,  uniforme  dans  toutes 
les  allions  de  fa  vie  ,  fe  contente  de  peu  , 
&  ne  détruit  point  fa  fanté  par  trop  de 
bonne  chère.  Le  riz  eft  le  fondement  de 
toute  la  cuifine  des  Turcs  ^  ils  l'apprêtent 
de  trois  différentes  manières.  Ce  qu'ils 
appellent /j/Vûw  ,  eft  un  riz  fec  ,  moelleux, 
qui  fe  fond  dans  la  bouche  ,  &  qui  eft  plus 
agréable  que  les  poules  &:  les  queues  de 
mouton  avec  quoi  il  a  bouilli.  On  le  laiffe 
cuire  à  petit  feu  avec  peu  de  bouillon  fans 
le  remuer  ni  le  découvrir  ,  car  en  le  re- 
muant &  en  l'expofant  à  l'air  ,  il  fe  met- 
troit  en  bouillie. 

La  féconde  manière  d'apprêter  le  riz 
s'appelle  lappa  ;  il  eft  cuit  &  nourri  dans 
le  bouillon,  à  la  même  confiftance  que 
parmi  nous  ,  &  on  le  mange  avec  une 
cuiller,  au  lieu  que  les  Turcs  font  fauter 
dans  leur  bouche  avec  le  pouce  le  pilau 
par  petits  pelotons  ,  &  que  le  creux  de 
la  main  leur  tient  lieu  d'affiette. 

La  troifieme  eft  le  tchorba  ;  c'eft  une 


P  I  L 


8^9 


efpece  de  crème  de  riz ,  qu'ils  avalent 
comme  un  bouillon  :  il  femble  que  ce  foit 
la  préparation  du  riz  dont  les  anciens  uour- 
riffoieut  les  malades  \  fume  hoc ptifanarium 
orii^T  ,    dit  Horace.     {  D.  7.  ) 

PILCOMAYO,  (le)  ou  RIO 
PILCOMAYO  ,  (  Géogr.  mod.  )  grande 
rivière  de  l'Amérique  méridionale.  Elle 
prend  fa  fource  dans  la  province  de  los 
Charcas ,  &  fè  jette  dans  le  Paraguay , 
vers  le  z6  degré  de  latitude  méridionale. 

PILE  ,  f.  f.  (  Géom.  &  P/iyf.  )  amas  de 
corps  placés  les  uns  fiir  les  autres. 

Pile  ,  yîr  dit  dans  t Artillerie  ,  d'un  amas 
de  plulieurs  choies  mifcs  les  unes  fur  les 
autres.  Ainfi  ,  une  pile  de  boulets,  de  bom- 
bes ,  &c.  font  des  boulets  ou  des  bombes 
arrangées  les  unes  fur  les  autres. 

Les  piles  de  boulets  ont  ordinairement 
pour  bafe  un  triangle  équilatéral,  un  quarré , 
&  un  re<Slangle  ou  quarré  long.  Il  y  a  des 
méthodes  ou  des  tables  particulières  pour 
trouver  le  nom.bre  des  boulets  que  con- 
tient chacune  de  ces  piles  ;  on  peut  voir 
for  ce  fiijet  les  Mémoires  d'Artillerie  de  S. 
Remy  ^  le  Cours  de  Mathématiques  de  M. 
Belidor  ^  la  deuxième  édition  de  notre 
Traité  d'Artillerie ,   &c.  (  Ç  ) 

Problème  fur  les  corps  fphériques  rangés 
en  piles.  Trouver  le  nombre  des  corps ^ 
fphériques  rangés  en  piles. 

Réfolution.  Ce  problême  fe  diftingue  eti 
deux  différens  cas  :  car  ou  la  pile  eft 
quadrangulaire  ,  lorfque  fa  bafe  ou  fou 
premier  étage  a  quatre  côtés  ;  ou  triangu- 
laire ,  lorfqu'elle  n'en  a  que  trois.  Pour  la 

COOOOO 

coooooo 

Pile  quadrangulaire.      COOOOOOO 

ooooooooo 
oooooooooo 

ayant  fuppofé  le  plus  petit  nombre  de 
fpheres ,  ou  le  plus  petit  côté  de  la  bafe 
=  fl  ,  le  plus  grand =^  ;  l'expreffion  ou  la 
formule  générale  de  toutes  les  fpheres  con- 

tenues  dans  la  pue  lera « 


XXX  XX    2. 


$oo 


P  I  L 


P  I  L 


Dimonfiraiion, 

A  B  C  D         E 

COOOOOOOOO 

OOOOOOOOOO'^OOOOOOOOO^  ^         «^ 

«^  ooocoooooo  1  OOOOOOOOO  1  COOOOOOO  !        I 

OOOOOOOOOO  ^  vOOOOOOOOO  H  oooooooo J.  00000004: 

cooooooooo  OOOOOOOOO  ocoooooo  0000000  000000 

3  è — I  ^ — %  b — 3  b  —  4 


Si  Ton  fait  attention  à  la  manière  dont 
cette  pile  eft  arrangée  ,  on  s'appercevra 
qu'elle  eft  compofée  d'un  certain  nombre 
d'étages  quadrangulaires  mis  les  uns  fur 
les  autres  j  chaque  étage  des  rangs  ,  chaque 
rang  dans  le  même  étage  pris  du  même 
fens  d'un  égal  nombre  de  fpheres  :  que 
les  rangs  d'un  étage  fiipérieur  ont  une 
Iphere  de  moins  que  ceux  de  l'étage  im- 
médiatement plus  bas  j  ce  qui  eft  vifible 
par  l'infpeâion  des  figures  A,  B ,  C ,  D ,  E  , 
qui  repréientent  ces  étages.  Si  on  les  con- 
çoit mis  les  uns  fur  les  autres  ,  &  que 
chaque  fphere  fupérieure  pofant  fur  quatre 
autres  inférieures ,  chaque  rang  d'un  étage 
Supérieur  fe  trouve  entre  les  deux  rangs 
de  l'étage  inférieur.  Ainfi  le  premier  étage. 

=/2  b  =a  b 

II.    =a — I  X  b—i=^  b — I  X  a-^-b  +    i 

ÏH.   =fl— 2  X  h — 1=3  b — 2  X  û  +  ^  4-  4 

IV.  z=a — 3  X  b — 3=r2  b — 3  y-a-\-b~\-    9 

V.  ==û — ^4  X  b — 4=:iZ  b — 4  K  (2-f.  i^  -4-  16 
Le  nombre  d'étages  eft  toujours  égal  au 
plus  petit  nombre  =  a  ;  car  fi  dans  cet 
exemple  <z  =  5  ,  ou  aura  a  —  5  =  o ,  ainfi 

les  étages  finiffent  dans  le  cinquième  a  —  4 

X  ^  —  4.  Puifque  donc  chaque  étage  con- 
tient le  reétangle  (  «i  3  ) ,  il  y  aura  autant 
de  ces  redangles  que  d'étages.  Par  confé- 
quent  pour  avoir  la  fomme  de  tous  ces 
reôangles ,  il  faut  multiplier  {a  b)  par  le 
plus  petit  nombre  {a)  :  ainfi  dans  tous 
ks  cas  poflibles ,  on  aura  la  fomme  des  pre- 
miers termes  de  tous  les  étages  ■=:  a  ib. 
Les  coëfficiens  des  féconds  termes —  i 

Xfl4-^,  —  2X<2-f-3,    —  3Xa  +  3, 

^ 4  X  a^hy  ^c,  fout  une  progreiîion 


vient 

1 


arithmétique  des  nombres  naturels  1,2?, 
3,4,  &c.  Le  plus  petit  terme  de  cette 
progreflion  eft  =  i  ,  le  plus  grand  =û — i , 
puiique  dans  le  premier  étage  il  n'y  en  a 
point  :  ainfi  la  fomme  de  cette  progref- 
fion  ou  des  coëfficiens  des  féconds  termes 

eft  =  ^^  :  changeant  les  figues  ,  puif- 
que ces  coëfficiens  font   négatiis  , 

pour  la   fomme  des  coëfficiens  — y 

laquelle  multipliée  par  (  a  -{^  b)  ,   donne 

la  fomme    des   féconds  termes  ==  I^^ — * 
,  2 

X  (2  +  ^  =   " 1 . 

Les  derniers  termes  i  ,  4  ,  9,  16,  &c, 
font  les  quarrés  de  la  progreffion  des  nom- 
bres naturels  1,2,  3  ?  4  ?  €^c,  dont  le 
premier  terme  =  i  ,  le  dernier  =  a —  i  j 
puifque  dans  le  premier  étage  il  n'y  en  a 
point  :  ainfi  la  fomme  de  ces  quarrés 
(  félon  ce  qu'on  enfeigne  dans  l'analyfe  )  , 
eft    aufll  la   fomme   des    derniers  termes 

la'  — jfl^  +  a 

On  a  donc  trouvé  dans  tous  les  cas  pofiîbles 
la  fomme  des  premiers  termes  =  û^  3. 

féconds,     ^z.îlz.fll±J:.±-l^\ 

troifiemes ,  =  '^-^  '"  V^^  ^  "« 

Lefquelles  fomraes  ajoutées  &  réduites  au 
même  dénominateur  ,  donnent  pour  la 
formule  générale  de  la  fomme  de  toutes 
les  fpheres  contenues  dans  la  pile  quadran- 

gulaire  î^lLLîl+_lfi-+i.  Ce  qu'il  falloit 

démontrer. 
Corollairs,  Si  a  ==  ^  5  la  formule  devient 


PI  L 

aa>+^g--+  a  .  ^j^^g  jg^y^^  £q  préfente  fous 

la  figure 

O 
OO 
d'une  pyramide  quadrangulaire     ^^qK 

COOOO 

dont  la  bafe  eft  un  quarré  de  même  que 
tous  fes  autres  étages  ,  dont  le  dernier  ou 
le  plus  haut  n'a  qu'une  fphere  :  ce  qui  fait 
que  j'ai  renfermé  dans  un  feul  cas  la  réfo- 
lution  de  ces  deux  piles ,  quoiqu'elles  pa- 
roiifent  fi  différentes  ^  puifque  la  première 
eft  comme  une  eipece  de  prifir.e  ,  &  que 
la  dernière  n'eft  qu'une  pyramide. 

Pour  trouver  le  nombre  des  corps  {phé- 
riques  contenus  dans  une 

O 

ooo 

oooo 

ooooo 

Ayant  fàppofé  le  côté  de  la  bafè  =  a  , 
la  formule  de  toutes  les  iplieres  contenues 

dans  cette  pi/e  fera 


pile  triangulaire 


+  1a^  -f-   2  tf 


Démonjiration.  Cette  pile  eft  compofée 
d'un  certain  nombre  d'étages  équilatéraux 
mis  \qs  uns  fur  les  autres  j  chaque  étage 
des  rangs  des  fpheres  fait  une  progref- 
fion  arithmétique  des  nombres  naturels  : 
ainfi  chaque  étage  eft  la  fomme  de  cette 
progreflion  ,  dont  le  plus  petit  terme 
=  I  ^  le  plus  grand  eft  le  nombre  des 
fpheres  contenues  dans  le  plus  grand  rang 
ou  côté  de  cet  étage.  Le  plus  grand  rang 
d'un  étage  fiipérieur  a  une  fphere  de  moins 
que  le  plus  grand  rang  de  1  étage  immé- 
diatement plus  bas.  Tout  cela  s'apperçoit 
facilement  par  l'infpeâion  des  figures  A  , 
B ,  C  ,  D  ,  E ,  qui  repréfentent  ces  étages , 
il  on  les  conçoit  mis  les  uns  fur  les  autres. 

O 

OO  o 

ooo       OO       o 

A  oooo  n  ooo  r  OO  n  o  ^ 
.^OOOOO^OOOO^OOO^OO^C 


a-i 


a-1 


a-^  ,  ^  4. 

Qfela  pofé ,  puifque  le  plus  grand  rang  du 
plii5  bas  étage ,  ou  le  plus  grand  terme  , 


1>  I  L  901 

de  la  progreflion  arithmétique  contenue 
dans  cet  étage  eft  ---  a  ,  le  plus  petit  =  1 5 
on  a  la  fomme  de  cette  progreffion  ,  ou 

la   valeur  du   plus   bas    étage   =   ** — -, 

Le  plus  grand  rang  du  fécond  étage  étant 
=  a —  I  ,  du-troifieme  =  a  —  2  ,  du 
quatrième  =  a  —  3  ,  &c.  en  fubftituant 
fucceflivement  pour  chaque  étage  à  la 
place  de  (  ^  )  ces  quantités  dans  la  valeur 
du  plus  bas  étage  ,  on  aura  ces  étages 
ainfi  qu'on  les  voit  rangés  ici ,  favoir  le 


premier ,  = 
fécond ,  = 
troifieme,  = 
quatrième , 


+  « 


aï    -  j  a  -j.  Z 


^        a  '-  —  î  a  -}-  6 


-71+  Il 


Cinquième,  = 

Ce  nombre  d'étages  eft  toujours  =  a  ; 
car  le  plus  grand  rang  du  plus  bas  étage 
étant  =  fl  ,  du  fécond  =  a  — »  i  ,  du 
troifieme  =  a  —  2  ,  du  quatrième  =  a 
—  3  ,  &c.  Si  dans  cet  exemple  û  =  5 , 
on  aura  a  .—  5  =  o.  Ainfi  la  pi/e  finit 
dans  l'étage  où  il  y  a  û  —  4  ,  qui  eft  le 
cinquième  étage  où  il  n'y  a  qu'une  fphere. 
Puifque  donc  chaque  étage  contient  le 
quarré  (  a^  )  ,  il  y  aura  autant  de  ces 
quarrés  que  d  étages.  Par  conféquent ,  pour 
avoir  la  fomme  de  tous  ces  quafrés  ,  il 
faut  multiplier  (  «^  )  par  le  nom.bre  d'éta- 
ges {a)  :  ainfi  dans  tous  les  cas  pofîibles 
on  aura  la  fomme    des   premiers  termes 


Tous  les  cocfficiens  àes  numérateurs  des 


féconds  termes  négatifs 


a     Ta $  a     Ta 


l-i^C' 


faifant  une  progreflion  des  nombres  im- 
pairs I  ,  3  î  5  5  7  >  €'c.  dont  le  nombre  des 
termes  «=  a  —  i  ,  puifque  dans  le  pre- 
mier étage  il  n'y  a  point  de  coefficient 


négatif  ^  cette  fbmme  eft  =  û  —  1=^2 
—  2  û  -f-  I  :  ou  changeant  les  fignes  ,  à 
caufe  que  ces  coëiEciens  font  négatifs  , 


50r  P  I  L 

multipliant  par  (a)  ,  èc  divifant  par  (  i) , 
la  fomme  de  tous  les  féconds  termes  ué- 


4-  2  a  -  I 


~  X  a  :  k  laquelle 


gatifs  eft  = 
ajoutant  auflî  le  terme   pofitif  f  ,    vient 
-  X.a~\ .  On  a  donc  la  fom- 


—  a^  +  2  a 


me  des  féconds  termes  = 


—  a  î  +  2  «  ■ 


Les  derniers  termes  f ,  - ,  —  ,  &c. 


ou 


1 ,  3  ,  6  ,  &<:.  font  une  progre/îion  des 
nombres  triangulaires  ,  dont  le  nombre  de 
termes  =  a  —  i  :  car  dans  les  deux  pre- 
miers étages  il  n'y  en  a  point.  Ainfi  la 
Ibmme  des  troifiemes  ou  derniers  termes 

___    «5  -  ^  a^-+  ia 

"-'  2        • 

On  a  donc  trouvé  que  dans  tous  les 
cas    porfibles     la    fomme     des    premiers 

termes  =  —, 

2 
/•  1  —a  y  +  2a* 

lecomls  ,      = , 

2 

troifiemes,  =  t-ZJ±lll^^ 

6 

lefquelles  ajoutées  &  réduites  au  même 
dénominateur  ,  donnent  pour  la  formule 
de  la  fomme  de  toutes  les  fpheres  con- 
tenues dans  la  p//e  triangulaire 

HHU'jtlf    Ce  qu'il  falloir  démontrer. 

Ufage.  Dans  les  places  de  guerre  on  a 
befoin  de  favoir  le  nombre  des  boulets 
de  c^pon  rangés  en  piks  ;  ce  qu'on  ob- 
tiendra avec  une  très  -  grande  facilité  au 
moyen  des  formules  que  je  donne  :  puif- 
que  pour  la  pile  quadrangulaire  oblon- 
guc  ,  il  ne  faut  favoir  que  les  deux  côtés 
contigus  quelconques  de  la  bafe.  Dans  les 
pyramides  quarrées  &  triangulaires ,  qu'un 
fèul  5  &  fubftituer  leurs  valeurs  dans  les 
formules  refpe6tives.  Cet  article  nous  a  été 
adrejfé  par  M.  Kurdwanfwski  ^  de  t acadé- 
mie royale  des  fciences  de  Prujfe  ,  &  cor- 
refpondant  de  celle  de  Paris  ,  <jui  nous 
affiire  t  avoir  donné  il  y  a  très-long- temps 
à  la  fociété  des  Arts  ,  &  qui  fe  plaint  de 
ce  que  M.  tabbé  Deidier  ,  dans  un  livre 
imprimé  en  1745  ^  a  fait  ufage  de  ce  pro- 
blème fans  en  citer  fauteur. 

Pile  ,  (  Archit,  HydrauL  )  c'eft  un 
fL^CCii  de  forte  maçonnerie ,  dont  le  plan 


P  I  L 

eft  prefque  toujours  un  hexagone  alongé  ^ 
qui  fépare  &  porte  les  arches  d'un  pont 
de  pierre  ,  ou  les  travées  d'un  pont  de 
bois.  On  conftruit  ce  maffif  avec  beau- 
coup de  précaution.  D'abord  fon  fonde- 
ment eft  relevé  en  talut  ,  par  recoupe- 
ment ,  retraites  &  degrés  ,  juiqu'au  niveau 
de  la  terre  du  fond  de  l'eau. 

En  fécond  lieu  ,  la  première  aftî/è  eft 
toute  de  pierre  de  taille  ,  compofée  de 
carreaux  &  de  boutilTes ,  ceux  -  ci  ayant 
deux  pies  de  lit ,  &  les  boutiifes  au  moins 
trois  pies  de  queue  ^  ces  pierres  font  cou- 
lées 5  fichées ,  jointoyées  ,  mêlées  de  chaux 
&  de  ciment. 

On  cramponne  celles  qu'on  nppelle pierres 
de  parement  ,  les  unes  avec  les  autres,  avec 
des  crampons  de  fer  fcellés  en  plomb  \ 
outre  cela,  on  met  à  chaque  pierre  de 
parement  un  crampon  pour  la  lier  avec 
des  libages  ,  dont  on  entoure  la  première 
afllfe.  Ces  libages ,  de  même  hauteur  que 
les  pierres  de  parement ,  font  pofés  à  bain 
de  mortier ,  de  chaux  &  de  ciment  ,  & 
on  en  remplit  bien  les  joints  a  éclats  de 
pierre  dure.  On  bâtit  de  même  lès'  autres 
affifes  de  pierres.  On  peut  confulter  là-deflus 
ï Architecture  hydraulique  de  M.  Belidor  , 
tome  ly,  L  IV  ^  c.  ij, 

La  cenftruftion  d'une  pile  ,  quoique  im- 
portante ,  n'eft  pas  cependant  la  chofè  la 
plus  effentielle  :  c'eft  fa  proportion  qui  eft 
difficile  à  déterminer.  Selon  M.  Bergier, 
les  anciens  donnoient  aux  piles  des  ponts 
la  troifîeme  partie  de  la  grandeur  des 
arches ,  &  même  la  moitié  ;  Hiftoire  des 
grands  chemins  de  t  empire  romain  ,  lib.  IV  , 
c.  XXXV,  Aujourd'hui  on  penfe  que  les  piles 
doivent  avoir  moins ,  comme  un  quart  , 
&  un  cinquième.  Mais  (iir  quoi  cette  rè- 
gle eft  elle  fondée  ?  On  n'en  fait  rien  5 
&  M.  Gauthier ,  qui  a  réfléchi  là-deflus  , 
croit  que  l'expérience  feule  peut  fixer  les 
dimenfions  des  piles.  «  Cette  expérience 
))  confifte  à  favoir ,  dit-il  ,  quelle  eft  la 
»  force  des  matériaux  qu'on  trouve  fur  les 
»  lieux  ,  qui  fupportem  plus  ou  moins  le 
»  fardeau  dont  on  les  charge  ,  fuivant  le 
»  plus  ou  le  moins  qu'ils  font  compares 
»   &  ferrés.  » 

M.  Gauthier  fuppolè  ici  que  les  pil^ 
fupportent   la    moitié   de  la  maçonner^ 


P  1  L 

des  arches  qui  font  à  leurs  côtés  ,  à  hs 
prendre  depuis  le  milieu  des  clefs.  Si  cela 
eft  aufli  certain  qu'il  le  paroît ,  il  eft  évi- 
dent qu'avec  l'expérience  ci  -  devant  rap- 
portée ,  &  connoiffant  la  folidité  d'une  ar- 
che &  celle  des  piles,  on  faura  coinment 
ou  doit  régler  les  dimenfions  des  piles  ,  en 
égalant  ces  deux  folidités.  Mais  ,  n'y  a-t-il 
pas  quelqu'autre  condition  à  examiner  ? 
C'eft  à  quoi  les  ingénieurs  des  pojits  & 
chauflées  doivent  prendre  garde ,  ne  pou- 
vant nous-  mêrnes  en  entreprendre  l'examen 
dans  un  article  où  nos  réflexions ,  comme 
dans  tous  les  autres  ,  doivent  fagement 
être  ménagées  ,  afin  que  les  connoiflances 
que  nous  analyfous ,  paroiffent  entièrement 
à  découvert. 

Pile  percée.  C'eft  une  pile  qui  ,  au  lieu 
d'avant  -  becs  d'amont  &  d'aval  ,  eft  ou- 
verte par  une  petite  arcade  au  dclfus  de 
la  crèche  ,  pour  faciliter  le  courant  rapide 
des  grofles  eaux  d'une  rivière  ,  ou  d'un 
torrent.  Il  y  a  de  ces  piles  au  pont  du 
S.  Efprit  &  d'Avignon  ,  fur  le  Rhône. 
Daviliers.   {D.  J.) 

Pile  ,  terme  de  Bucheroa  ;  ce  mot  fe 
dit  du  bois  coupé  ou  fcié  ;,  ainfi  ce  font 
plufieurs  ais  rangés  les  uns  fur  les  autres , 
ou  plufieurs  ouches  &  plufieurs  rondins 
cntalFés  proprement  les  uns  fur  les  autres 
dans  un  chantier  ou  dans  un  bûcher. 

Pile  de  bois  ,  (  CAarp.  )  c'eft  un  tas 
de  bois  de  charpente  ou  de  menuiièrie 
empilés  les  uns  ftir  les  autres. 

Pile  de  pont  ,  (  CAarp.  )  ce  font  des 
affemblages  de  charpente  ,  qui  forment  un 
pont  par  travées  &  palées. 

Pile  5  terme  d'ancien  monnayage  ,  la 
matrice  ou  le  coin  fur  lequel  étoient  em- 
preintes les  armes  ou  autres  allégories. 

Cette  façon  de  monnoyer  a  fouvent 
changé  par  les  inconvéniens ,  les  mauvaifos 
empreintes  qu'elle  produifoit  ^  quoi  qu'il 
en  foit ,  voyez  le  premier  procédé ,  le  plus 
ancien  &  le  plus  imparfait. 

Cette  pile  ou  coin  étoit  fortement  at- 
taché &  enfoncé  dans  un  gros  billot  de 
bois  ,  appelle  par  les  anciennes  ordon- 
nances cepeau. 

On  pofoit  fur  la  pile  le  flan  ^  &  le 
troufTeau  que  l'on  appîiquoit  fur  le  flan 
&  en  oppofition  à  la  pile  ,   frappoit  , 


I  &  le  flati  etoit  monnoyé.  Voyci  Trous- 
seau. 

Les  Hollandois  monnoient  avec  la  pile  , 
mais  avec  des  correélions  ,  qui  toutes  font 
bien  imparfaites  étant  comparées  à  la  mar- 
que du  balancier. 

Ce  mot  pile  exprime  encore  le  côté  des 
armes  d'une  monnoie  ,  &  le  revers  fur 
lequel  eft  l'effigie  du  prince  eft  appelle 
croix ,  parce  que  dans  les  anciennes  mon- 
noies  ,  au  lieu  d'effigie,  on  mettoit  une 
croix  \  c'eft  delà  qu'émane  le  jeu  de  croies 
ou  pile.  Sur  l'étymologie  de  ce  mot  , 
Scaliger  &  quelqu'autres  ont  rapporté  des 
chofes  afîèz  peu  intéreifantes ,  peut  -  être 
même  inutiles  j  en  cas  qu'on  en  foit  cu- 
rieux ,  voyez  prima  Scaligerana  ,  in  voc, 
nummus  rutilas  ,  page  1 1 5  .  fiela  au  mot 
pila. 

Piles  ,  f.  f.  {Papeterie.)  les  piles  font 
des  mortiers  qui  fervent  dans  les  papeteries 
pour  préparer  la  pâte ,  qui  doit  être  em- 
ployée à  faire  le  papier.  Il  y  a  de  trois 
fortes  de  piles  ;  les  unes  que  ïon  nomme 
piles  à  drapeaux  ^  les  autres ,  piles  à  fleu- 
ret 'j  &  /^  les  autres  ,  piles  de  l'ouvrier. 
(D.J.) 

Piles  ou  Avançons,  terme  de  pêche  , 
ce  font  les  petites  cordes  frappées  fur  la 
ligne  ou  baufe  auxquelles  les  hameçons 
fout  attachés  5  les  avançons  font  ordinai- 
rement de  fil  verd  ,  pour  mieux  tromper  le 
poiflbn. 

Les  pêcheurs  qui  font  la  pêche  avec  ces 
lignes  qui  font  des  efpeces  de  libourets  , 
en  mettent  fix  à  la  mer  ,  trois  à  bas-bord 
&  trois  à  ftribord  \  les  deux  de  l'avant 
font  garnies  d'un  plomb  de  huit  livres  , 
les  deux  du  milieu  ont  un  poids  de  fix 
livres ,  &  les  deux  de  l'arriére ,  &  qui  font 
manoeuvrées  ordinairement  par  celui  qui 
tient  le  gouvernail  ,  feulement  au  poids 
de  deux  livres  \  cette  différence  de  poids 
empêche  les  lignes  de  fe  mêler  pendant 
que  le  bateau  pourfuit  fou  fillage  qui  doit 
être  modéré  \  c'eft  pourquoi  on  amené  à 
demi  les  voiles  ainfi  qu'il  convient  ,  eu 
égard  à  la  force  du  vent. 

Piles  ,  f.  f.  (  Ufienfde.  )  les  piles  font 
de  grands  vaiffeaux  de  pierre  dure ,  dont 
les  Italiens  &  les  Provençaux  fe  fervent 
pour  mettre  les  huiles  qu'ils  veulent  garder  , 


5)04  P  I  L 

en  attendant  le  temps  favorable  de  les  ven- 
dre i  Oïl  les  met  aiilîî  dans  des  jarres  , 
qui  (ont  de  grands  vaiireaux  de  terre  cuite. 
(  P.  /.  ) 

Pile  ,  (  Jeux.  )  le  jeu  nomme  croix 
owpile^  eft  un  jeu  où  lorfquou  a  jeté  une 
pièce  de  mounoie  en  l'air  ,  celui-là  gagne 
le  pari ,  qui  a  deviné  la  partie  qui  paroît 
quand  la  pièce  de  monnoie  eft  tombée. 
Pluficurs  prétendent  que  pile  eft  un  vieux 
mot  qui  lignifioit  navire  ,  &  que  les  an 
ciens  Romains  jouoient  à  ce  jeu  avec  une 
monnoie  faite  en  mémoire  de  Saturne  ,  où 
Von  voyoit  la  tête  de  Janus  d'un  côté  , 
&  de  l'autre  le  navire  fur  lequel  il  étoit 
arrivé  en  Italie.  C'eft  ce  que  témoigne 
Macrobe  j  delà  dérive,  ajoute- 1- on,  le 
mot  de  pilote  ,  pour  dire  un  condufteur 
de  navire.  D'autres  prétendent  ,  que  les 
Gaulois  avoient  une  ancienne  monnoie  qui 
repréfentoit  d'un  côté  un  navire  ,  &  de 
l'autre  une  tête  humaine  nommée  chef  ; 
&  que  c'eft  delà  que  vient  le  jeu  nommé 
croix  ou  pi/c  ,  depuis  que  les  ckrétiens 
oppoferent  la  croix  à  la  pi/e  ,  au  revers 
de  leurs  monnoies.  {D.  J.) 

Pile  de  malheur  ,  (  Jeu  de  triclrac,  ) 
On  appelle  à  ce  jeu  pile  de  malheur  , 
lorfqu'une  des  parties  conferve  fi  long- 
temps fon  grand-jan  fans  le  rompre,  que 
la  partie  adver/è  ne  peut  pafter  dans  le 
jan  de  retour ,  &:  qu'il  eft  obligé  d'entafler 
toutes  fes  dames  fur  celles  de  fon  coin. 
La  pile  de  malheur  complète  eft  fort  rare. 
(  D.  J.) 

PILE  ,  C  {.palus  in  acumen  dejtnens  , 
(  terme  de  Blafon.  )  pal  aiguifé  en  forme 
d'obélifque  rcnverfé  ,  la  bafe  étant  mou- 
vante du  bord  fupérieur  de  l'écu. 

Cette  pièce  eft  rare  en  armoiries. 

Ce  terme  vient  du  latin  pilum  ;  les  an- 
ciens nommoient /'/■/w  les  pièces  de  bois 
arméçs  de  fer  ,  aiufi  que  les  traits  ou  dards 
qu'ils  décochoient  aux  prifes  des  villes  & 
dans  leurs  batailles  ou  combats. 

De  Maillify  ,  en  l'île  de  France  ^  d'a^wr 
À  troi  piles  d'or  ,  l'une  en  pal ,  les  deux 
autres  en  bande  &  en  barres  appointées  vers 
la  pointe  de  Vécu.   {G.  D.L.T.) 

PILES  ,  (  Geogr.  anc.  )  L'identité'  des 
noms  a  précipité  les  écrivains  dans  plufieurs 
erreurs  de  géographie  ,  comme  on  peut 


P  ï  L 

le  remarfjuer  dans  les  trois  villes  qui  por* 
toient  le  nom  de  Pylos ,  dans  la  Moi«e 
occidentale ,  aujourd'hui  Belvédère  :  l'une 
appellée  Pylvs  Meffenique  ,  étoit  dans  la 
Meft~énie  ,  aujourd'hui  le  vieux  Navarrin  , 
dans  le  golfe  de  Zonchir  ^  l'autre  s'appel' 
loit  Pylos  Elée  ,  parce  qu'elle  étoit  fituée 
dans  le  fond  de  l'Elide  ^  entre  ces  deux 
villes  étoit  Pylos  Triphyliaque ,  capitale 
du  royaume  de  Neftor  dans  l'Elide  Tri- 
phyiie.  Les  deux  villes  de  Cnide  ont  jeté 
dans  les  mêmes  erreurs  ^  on  les  a  cou- 
fondues  ,  quoique  l'une  fût  dans  l'île  de 
Chypre ,  &  l'autre  dans  la  Doride  de  Carie, 
On  doit  faire  la  même  obfervation  fur  les 
deux  Magrtefies ,  dont  l'une  étoit  une  pro- 
vince orientale  de  la  Theflalie ,  qui  aujour- 
d'hui eft  une  prefqu'île  de  la  Janna  j 
l'autre  étoit  l'Afîe  mineure  ,  fur  le  Méan- 
dre ^  elle  s'appelle  aujourd'hui  Gufetli£ar» 
On  tombe  fur -tout  dans  cette  erreur  fur 
les  deux  Carthages  d'Efpagne ,  dont  l'une 
s'appelloit  Carthago  nova  ou  Spartaria , 
&  l'autre  Carthago  Pœnorum.  La  première 
eft  Carthagene  dans  le  royaume  de  JVIurcie  , 
&  la  dernière  ,  Villa  -  Franca  de  Panades 
dans  la  Catalogne.  (  T-n.  ) 

PILÉE  ,  f.  f .  (  Couverturier.  )  c'eft  en 
terme  de  couverturier  ,  la  quantité  de  cou- 
vertures que  le  moulin  à  foulon  peut  fouler 
à  la  fois.  Cette  quantité  s'eftime  ordinai- 
rement au  poids  3  en  forte  que  fi  un  moulin 
peut  fouler  quatre-vingts  livres  ,  &  que 
chaque  couverture  pefe  vingt  -livres  ,  la 
pilée  eft  de  quatre  couvertures,  &  ainfi  à 
proportion  des  pile'es  de  tous  les  autres 
moulins. 

PiLÉE  ,  f!  f.  (  Lainage.  )  ce  mot  veut 
dire  la  quantité  d'étoffe  que  l'on  met  dans 
l'auge  ou  vaifleau  de  bois  ,  deftiné  pour 
la  faire  fouler.  Quelques-uns  ,  particulière- 
ment du  côté  d'Amiens,  difent  vaijjelée  ; 
le  mot  de  pilee  vient  de  pile ,  parce  qu'jyi 
y  a  bien  des  endroits  où  les  vaifleaux  à 
fouler  s'appellent  ainfi. 

PILENTUM ,  (  Antiç.  Rom.  )  efpece 
de  char  couvert  êc  fufpendu ,  en  ufage 
chez  les  Romains  ,  plus  honorable  que 
le  carpentum  ,  qui  étoit  un  char  découvert. 
Tîte-Live,  liv.  V,  chap.  xxv  ,  rapporte 
que  l'an  de  Rome  3'5i  ,  le  fénat  voulant 
récompenfèr   la    magnanimité  des  dames 

romaines  ^ 


P  I  L 

romaines  ,  qui  avoient  fâcrifié  leurs 
joyaux  pour  fournir  la  {binme  promife 
aux  Gaulois ,  leur  accorda  le  privilège 
ci'ufer  de  ce  char  couvert  &  fufpendu  , 
à  condition  néanmoins  quelles  ne  s'en 
fërviroient  que  les  jours  de  fête  ,  pour  fe 
rendre  aux  jeux  &  aux  facrifices ,  &  que 
les  jours  ouvriers  elles  n'iroient  dans  les 
rues  ,  que  dans  des  chars  découverts  j 
Honoremqhe  ob  eam  munificmtiam  ferunt 
mat  ro  ni  s  habhum ,  ut  pilento  ad  facra 
ludofque  ,  carpentis  fefio  profefloquc  ute- 
rentur.  Mais  la  {implicite  de  la  vie  des 
dames  romaines  rendit  cette  permiflion 
inutile  j  elles  ne  fongerent  point  à  en 
profiter.  Le  changement  de  leurs  mœurs 
produifit  dans  la  fuite  l'efiTet  contraire  :  la 
ievérité  des  loix  échoua  quand  il  fut  quef- 
tion  de  borner  leur  luxe  ;  elles  les  tranf^ 
greffèrent  avec  hauteur ,  &  elles  ne  vou- 
lurent plus  que  des  voitures  douces  ,  des 
brancards ,  des  litières ,  des  chars  à  quatre 
roues ,  tout  dorés ,  &  tirés  par  des  che- 
vaux blancs.    (  D.  J.) 

PILER  ,  V.  ad.  (  Gramm.  )  c'eft  réduire 
un  corps  en  parties  plus  ou  moins  me- 
nues ,  l'écrafèr  avec  un  pilon  ,  un  marteau 
ou  quelqu'autre  inftrument  qui  faflè  le 
même   Q^et, 

Piler  du  poivre  ,  terme  de  tArt 
militaire ,  fè  dit  pour  exprimer  le  mouve- 
ment <ies  derniers  bataillons  d'une  colonne 
de  troupes  en  marche ,  lequel  mouvement 
ic  trouve  gêné  ou  retardé  par  les  premiers 
bataillons.  Dans  cet  état,  les  foldats  ne 
font  pour  ainfi  dire  que  piétiner ,  fans 
avancer  qu'infenfîblement  ^  c'eft  ce  qu'ils 
appellent  piler  du  poivre.  Art  de  la 
Guerre  par  M.  le  Maréchal  de  Puy- 
Jegur,    (  Q  ) 

Piler  le  chanvre,  {Cordier,)  c'eft 
une  préparation  qu'on  donne  à  la  filaffe 
avant  que  de  la  paffer  au  peigne  j  elle 
confifte  à  mettre  la  filaffe  dans  de  grands 
mortiers  de  bois.,  &  la  battre  avec  de 
gros  maillets. 

PILHANNAW ,  f.  m.  r  Hijl.  nat.  Or^ 
/lithologie,  )  nom  donné  par  les  Indiens  à 
un  oilëau  de  proie  formidable,  très- gros 
&  très-hardi ,  qui  habite  dans  les  forêts 
de  quelques-unes  des  plantations  angloifes, 
en  Amérique.  Non  feulement  tous  les  oi- 
TomeXXF, 


P   I   L  ^05 

féaux  en  lôat  épouvantés ,  parce  qu'il  en 
fait  fà  proie  ^  mais  même  il  dévore  des 
quadrupèdes,  comme  de  jeunes  faons  d© 
biche  Ôc  autres  fèmblables  ,  fur  lefquels 
ilfe  jette.    {D.  J,) 

PILIER,  f.  m.  (  Architecl.  )  forte  de 
colonne  ronde  ou  quarrée  ,  fans  propor- 
tion ,  •qui  fert  à  foutenir  la  voûte  de  quel- 
que édifice. 

Pilier  butant.  C'eft  un  corps  de  ma- 
çonnerie ,  élevé  pour  contretenir  la  pouf^ 
fée  d'une  voûte  ou  d'un  arc  ^  il  y  a  des 
piliers  butans  de  différens  profils ,  comme 
en  adouciffement  ou  en  roulement ,  ou 
quelquefois  avec  des  arcades  ^  tels  font  la 
plupart  des  piliers  des  nouvelles  égliies. 

Pilier  butant  en  confole.  Efpece  de  pi- 
laftre  attique ,  dont  la  partie  inférieure 
forme  un  enroulement  par  fon  profil , 
comme  une  confole  renverfée  ^  ce  pilier 
fèrt  pour  buter  un  arc  ou  une  voûte  ,  ÔC 
pour  raccorder  par  une  large  retraite  , 
deux  plans  ronds  l'un  fur  l'autre  difFérens 
de  diamètre.  On  voit  de  ces  piliers  à  Tac- 
tique au  dôme  des  invalides    à  Paris. 

Pilier  de  dôme.  On  appelle  ainfi  dan» 
une  églife  à  dôme  ,  chacun  des  quatre 
corps  de  maçonnerie  ifblés  ,  qui  ont  un 
pan  coupé  à  une  de  leurs  encoignures  ,  &: 
qui  étant  proportionnés  à  la  grandeur  de 
l'églife ,  portent  fur  leurs  croifées?; 

Pilier  de  moulin  à.  vent.  C'eft  le  mafîîf 
de  maçonnerie  qui  fè  termine  en  cône  y 
&  qui  porte  la  cage  d'un  moulhi  à  vent , 
laquelle  tourne  verticalement  fur  un  pivot, 
pour  en  expofèr  les  ailes  ou  volets  au 
vent. 

Pilier  quarré.  C'eft  un  mafTif  appelle 
aufîî  jambage  ,  qui  fert  pour  porter  les 
arcades  ,  les  plates  -  bandes  &  les  retom- 
bées àts  voûtes. 

Pilier  de  carrière.  Ce  font  des  mafîès 
de  pierre  qu'on  laiffe  d'efpace  en  eif)ace  , 
pour  foutenir  le  ciel  d'une  carrière.  X)<z- 
viler.   {D.   J.) 

Piliers  de  bitte  ,  (  Marine.  )  ce 
font  deux  groffes  pièces  de  bois  pofees 
debout ,  &  entretenues  par  un  traverfîii  ; 
comme  ce  font  les  principales  pièces  de 
toute  la  machine  des  bittes ,  on  leur 
donne  fouvent  le   nom  de   bittes,   Voyei^ 

Bittes. 

Yyyyy 


poS  P  I L 

î  Les  piliers  de  bittes  font  ordinairement 
d'un  tiers  plus  épais  que  l'étrave  :  le  fenti- 
ment  de  quelques  charpentiers  eft  que  les 
piliers  de  Bittes  d'un  vailTeau  de  cent 
trente- quatre  pies  de  long,  de  l'étrave  à 
l'étambort  ,  doivent  avoir  quinze  pouces 
d'épais  &  fèize  de  large  ,  la  tê^  doit 
avoir  dix-huit  pouces  de  long  ,  &  demi- 
pouce  de  cannelure  par  le  bas ,  avec  un 
pie  &  un  pouce  de  large  :  ils  font  élevés 
de  quatre  pies  au  deffus  du  premier  pont , 
&  pofés  à  vingt-trois  pouces  l'un  de  l'autre. 
Voye^  Planche  IF.  fig.    i   n"*.    86. 

Piliers,  parmi  les  Horlogers  ^  fignifie 
une  efpece  de  petites  colonnes  ,  qui  dans 
ks  montres  &  pendules  tiennent  les  pla- 
tines éloignées  l'une  de  l'autre ,  à  la  dif^ 
tance  néceffaire  :  on  met  quatre  piliers 
aux  montres  &  cinq  aux  pendules. 

On  diftingue  trois  chofes  dans  un  pilier  , 
les  pivots  ,  les  aiïiettes ,  &  le  corps.  Les 
pivots  font  les  parties  qui  entrent  dans  les 
platines  j  les  aflîettes  font  celles  qui  s'ap- 
pliquent fur  \&s  platines  ^  &  le  corps  eft 
la  partie  comprife  entre  les  deux  aflîettes. 
Pour  qu'un  pilier  foit  bien  fait  ,  toutes 
les  parties  précédentes  doivent  être  dans 
une  jufte  proportion  avec  la  hauteur  &  la 
grandeur  de  la  cage.  Voye[  Cage  ,  &c. 

PlUltR  ,  en  terme  de  Manège  ,- Ce  dit 
du  centre  de  la  volte  ,  autour  duquel  on 
fait  tourner  un  cheval ,  foit  qu'il  y  ait  un 
pilier  de  bois  ou  non.  F'.  Manegf, 

Il  y  a  auffi  d'autres  piliers  dans  les  ma- 
ïieges  ,  deux  à  deux ,  for  la  circonférence 
eu  for  les  côtés ,  placés  deux  à  deux  à 
certaines  diftances  ,  d'où  vient  qu'on  les 
appelle  les  deur  piliers ,  pour  \ts  diftin- 
guer  de  celui  du  centre.  Quand  on  parle 
de  ces  derniers  on  a  coutume  de  dire  ,  tra- 
vailler un  cheval  entre  deux  piliers  ;  &  en 
parlant  du  premier  on  dit ,  travailler  au- 
tour du  pilier. 

Le  pilier  du  centre  fèrt  à  régler  l'éteMdue 
du  terrain  ,  afin  que  le  manège  fur  les  vol- 
tes  puilTe  fo  faire  avec  méthode  &  juftefle  , 
&:  que  l'on  puilTe  travailler  par  règle  &  me- 
liire  fur  les  quatre  lignes  de  la  volte ,  qui 
doivent  être  imaginées  dans  une  égale  dif- 
tance  de  ce  centre  ^  il  fert  auflïi  à  commen- 
cer les  ckevaux  fougueux  &  difficiles ,  fans 
expofer  le  cavalier» 


PI  L 

On  place  les  deux  piliers  à  la  dlfl|acer 
de  deux  ou  trois  pas  l'un  de  l'autre  ^  on 
met  le  cheval  entre  deux  pour  lui  appren- 
dre à  élever  le  devant  ,  à  détacher  des 
ruades  du  derrière ,  &  à  fo  mettre  fur  des 
airs  élevés ,  &c.  foit  par  les  aides  ,  ou  par 
châtiment.  F'oyei  CoRDE. 

Pilier  ,  terme  de  Vannier  ,  c'eft  le  bâ- 
ton du  verrier. 

Pilier  ,  (  Ordre  de  Malte.  )  nom  qu'on 
donne  dans  l'ordre  de  Malte  aux  chefs  des 
huit  langues  qui  compofent  cet  ordre  5 
ainfi  pilier  de  langue  fignifie  celui  des 
grands  -  croix  ,  qui  eft  à  Malte  le  repré- 
fentant  &  le  chef  d'une  des  langues. 
(D.  J.) 

PILIPOC  ,  f.  m.  (  Botan.  anc.  )  nom 
d'un  arbre  des  îles  Philippines ,  décrit  par 
Nieremberg.  Sa  racine  eft  couverte  de 
tubercules  bruns  ,  auflî  gros  que  le  poing. 
Son  tronc  eft  fans  nœuds  ,  Se  lorfqu'on  le 
coupe  de  travers ,  il  fe  fépare  en  des  efpeces 
de  pellicules  comme  des  peaux  d'oignon  \ 
Cs.^  feuilles  refl'emblent  à  celles  du  laurier, 
mais  elles  font  extrêmement  pointues.  Cet 
arbre  croît  dans  \qs  lieux  humides  ,  &  jette 
des  branches  qui  s'entortillent  autour  des 
plantes  voifines.  {D.  J.) 

PILLAGE  ,  f.  m.  fe  dit  à  la  guerre  du 
dégât,  du  ravage  ,  &  de  l'enlèvement  que 
le  foldat  fait  à  la  guerre  de  tout  ce  qui  peut 
fàtisfaire  fon  avidité  pour  le  butin. 'i^oy^^ 
Dégât  &  Picorée. 

Les  loix  de  la  guerre  permettent  d'aban- 
donner au  pillage  les  villes  prifes  d'affaut  ^ 
mais  comme  dans  le  défordre  qui  s'enfuit 
il  n'eft  point  de  licences  ni  de  crimes  que 
le  foldat  ne  fe  croie  permis  ,  l'humanité 
doit  engager ,  lorfque  les  circonftances  le 
permettent ,  à  ne  rien  négliger  pour  em- 
pêcher ces  horreurs.  On  peut  obliger  les 
villes  à  fe  racheter  du  pillage  ;  &  fi  l'on 
diftribue  exaâement  &  fideliement  au  fol- 
dat 1  argent  qui  peut  en  revenir  ,  'û  n'a 
point  lieu  de  fe  plaindre- d'aucune  injuftice 
à  cette  occafion  ,  au  contraire  tous  en 
profitent  alors  également ,  au  lieu  que  dans 
le  pillagi^  le  foldat  de  mérite  eft  fouvent 
le  plus  mal  partagé  ;  ce  n'eft  pas  feule- 
ment parce  que  le  hafard  en  décide ,  mais 
c'eft ,  dit  M.  le  marquis  de  Sandta-Crux  , 
qu'un  ibldat  q^ui  a  de  l'honneur  refte  à  foa 


P  I  L 

drapeau  jufqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  rien  à 
craindre  de  la  garnifbn  ni  des  h£\bitans , 
tandis  que  celui  dont  l'avidité  prévaut  fur 
toute  autre  chofe  ,  commence  à  piller  en 
entrant  dans  la  ville  ,  fans  attendre  qu'il 
lui  foit  permis  de  fe  débander. 

Outre  le  pillage  des  villes ,  qui  arrive 
très-rarement ,  il  y  en  a  un  autre  que  pro- 
duit le  relâchement  de  la  diicipline  ,  c'eft 
la  dévaftation  que  fait  le  foldat  dans  le 
pays  où  le  théâtre  de  la  guerre  eft  établi  : 
ee  pillage  accoutume  le  foldat  à  fecouer  le 
joug  de  l'obéilfance  &  de  la  difcipline  j 
l'envie  de  conferver  fon  butin  peut  amortir 
fa  valeur  ,  &  l'engager  même  à  fe  retirer  : 
d'ailleurs ,  en  ruinant  le  pays  on  le  met 
hors  d'état  de  payer  les  contributions ,  & 
on  expofè  l'armée  à  la  diiètte  ou  à  la  fa- 
mine. On  fe  prive  ainfî  par  cette  licence  , 
non  feulement  des  reifources  que  le  pays 
fournit  pour  s'y  ibutenir ,  mais  l'on  fe  fait 
encore  autant  d'ennemis  qu'il  contient 
d'habitans  :  le  pillage  de  tout  ce  qu'ils 
pofledent  les  jîiettant  au  défelpoir  ,  les 
engage  à  profiter  de  tous  les  moyens  de 
nuire  à  ceux  qui  les  oppriment  auili  cruel- 
lement. 

Le  pays  où  l'on  fait  la  guerre  ,  quelque 
foit  l'exaditude  de  la  difcipline  qu'on  fait 
obferver  aux  troupes  ,  fe  reffent  toujours 
beaucoup  des  calamités  qui  en  font  infépa- 
rables  :  c'eft  pourquoi  l'équité  devroit  en- 
gager à  ne  faire  que  le  mal  qui  devient 
abfolument  inévitable,  à  ne  point  ruiner 
les  chofès  dont  la  perte  n'afFoiblit  point 
J'ennemi ,  &  qui  ne  fervent  qu'à  indilpofer 
les  peuples  :  telles  font  les  égliiès  ,  les 
maifons  ,  châteaux  ,  &c.  les  animaux  &  les 
inftrumens  qui  fervent  à  la  culture  des  ter- 
res ,  devroient  être  confervés  avec  foin. 
Diodore  de  Sicile  nous  apprend  que  parmi 
les  Indiens ,  les  laboureurs  étoient  regar- 
dés comme  facrés  ^  qu'ils  travailloient  pai- 
fîblement  &  fans  avoir  rien  à  craindre  à  la 
vue  même  des  armées  ,  &  qu'on  ne  favoit 
ce  que  c'étoit  que  brûler  ou  couper  les 
arbres  en  campagne. 

La  fermeté  eft  très  -  néceflaire  dans  un 
général  pour  réprimer  l'ardeur  du  pillage 
parmi  les  troupes  ^  les  exemples  de  févé- 
rité  font  (ouvent  à  propos  pour  cet  effet  j 
mais  il  faut  les  faire  à  boime  heure  ;  afin 


P  I  L  ^07 

que  le  trop  grand  nombre  de  coupables 
n'oblige  point  à  leur  pardonner. 

Lorfque  des  troupes  font  une  fois  accou- 
tumées au  pillage ,  au  défaut  de  l'ennemi 
elles  pillent  leur  propre  pays ,  &  même 
leurs  magafins  \  c'eft  ce  qu'on  a  vu  dans 
plufieurs  occafions ,  entr'autres  ,  dans  la 
guerre  de  Hollande  de  1672  j  mais  M.  de 
Louvois  fit  retenir  fur  le  paiement  de  toute 
tarmée  ,  ce  qui  étoit  néceffaire  pour  dé- 
dommager les  entrepreneurs ,  &  il  ordonna, 
d'en  ufer  de  même  toutes  les  fois  que  pa-. 
reille  chofe  arriveroit.  {Q) 

Pillage  ,  {Marine.)  le  pillage  eft  la. 
dépouille  des  coffres  &.  des  hardes  de  l'en- 
nemi pris  ,  &  l'argent  qu'il  a  fijr  lui  jufqu'à 
trente  livres  :  le  refte  qui  eft  le  gros  de  lar 
pr^,  s'appelle  âutin. 

ce  capitaine  ou  les  capitaines  qui  auront 
abordé  un  vaiftèau  ennemi  ,  &  qui  l'au- 
ront pris  ,  retiendront  par  préférence  tous 
les  vivres  &  les  menues  armes  ,  &  les  ma- 
telots auront  le  pilmge  :  mais  pour  le  corps 
de  la  prife  ,  le  prix  en  fera  diftribué  félon 
les  divers  réglemens  qui  font  faits  pour 
divcrfès  occafions. 

PILLARD,  f.  m.  (  Art.  militaire.  )  fol- 
dat qui  pille.  Voye^  l'article  PiLLAGE. 

PILLAU  ,  (  Géogr.  mod.  )  village  de 
PrufTe ,  dans  le  Samland ,  à  l'embouchure: 
du  Pregel.  Je  ne  parle  de  ce  village  qu'à 
caufë  qu'il  eft  remarquable  par  fon  port 
qui  eft  grand  ,  &  par  fa  douane  qui  porte 
un  bon  revenu  au  roi  de  Prulfe.  Il  y  a  ua 
fort  avec  garnifon  pour  arrêter  tout  ce  qui 
paffe.  Guftave  Adolphe  ,  roi  de  Suéde , 
le  força  en  1616.  On  amaffe  aux  environs; 
de  l'ambre  jaune  ou  fuccin  ,  &  on  y  pêche 
des  efturgeons.  {  D.  J.) 

PILLER ,  verb.  aâ.  Voyei  Pillage^ 
Outre  l'acception  par  laquelle  il  déJîgne  le 
vol  fait  publiquement  avec  violence ,  il 
en  a  encore  quelques  autres  5  comme  en 
littérature  ,  s'emparer  des  écrits  de  ceux 
qui  ont  écrit  avant  nous  fans  les  citer  j 
&  au  jeu  ,  emporter  une  carte  avec  un* 
autre  carte  qui  lui  eft  fupérieure  ,  &c. 

PILOIR,  terme  de  Megifier ,  c'eft  un 
bâton  d'environ  cinq  ou  fix  pics  de  lon- 
gueur ,  &  garni  quelquefois  d'une  efpece 
de  petite  mafte  dont  on  fe  fert  pour  en-- 
foncer  les  peaux  dans  les  pleins  lorfqu'ellei 
Yyyyy  2. 


^o8  PIL 

remontent  au  defTus  de  Teau  de  chaux  ou 
d'alun. 

PILON ,  f.  m.  (  Gramm.  )  inftrument  de 
bois ,  de  pierre  ,  ou  de  fer ,  dont  on  fe 
ièrt  pour  piler  ,  écrafer  ,  ou  réduire  en 
parties  plus  ou  moins  menues  ,  toutes  fortes 
de  fubftances  ou  corps  :  on  donne  le  même 
nom  aux  parties  de  quelques  machines  où 
elles  ont  la  même  fon£èion. 

Pilon  ou  petite  écore  ,  (  Marine.) 
c'eft  une  côte  qui  a  peu  de  hauteur  ,  mais 
qui  eft  efcarpée  ou  taillée  en  précipice. 

Pilon  ,  f.  m.  terme  de  Librairie ,  en- 
voyer des  livres  au  pilon  ,  veut  dire  en 
langage  de  libraire  ,  \qs  déchirer  par  mor- 
ceaux ,  en  forte  qu'ils  ne  puilTent  plus  fer- 
vir  qu'aux  cartonniers  ,  pour  être  pilonnés , 
&  réduits  eu  cette  efpece  de  bouillie  ^nt 
en  fait  le  carton^^  D.  J.  ) 

Pilons  ,  (  Monnoyage.  )  a  la  Monnoie  , 
ils  font  ou  de  bois  dur  ,  ou  de  fer  ,  ou  de 
fonte  ,  conféquemmej^  à  leurs  différens 
MÏages.  Afiéz  communément  on  fè  lert  de 
pilons  de  fonte  pour  broyer  dans  des  mor- 
tiers de  bronze  ,  les  terres ,  creufèts  ,  &c. 
dans  lefquels  il  pourroit  être  refté  du  mé- 
tal i  pulvérifés  y  on  les  envoie  pour  être 
paffés  aux  tourniquets. 

Pilon  a  sucre  ,  (  Sucrerie.  )  on  ap- 
pelle ainfi  dans  les  fucreries  des  eipgces  de 
grolTes  malTes  d'un  bois  dur  &  pefànt  , 
emmanchées  aufll  de  bois.  La  maîîè  doit 
avoir  huit  pouces  de  hauteur  fur  cinq  de 
diamètre  5  &  le  manche  fix  pies  de  long. 
Ils  fervent  à  piler  le  fucre  terré  au  fortir 
de  l'étuve  ,  &  à  le  réduire  en  cafT  nade 
avant  de  le  mettre  dans  les  barriques.  LeJ 
P.  Labat. 

PILONNER  la-  laine  y  C  Lainage.  ) 
c'eft  la  remuer  fortement  avec  une  pelle 
de  bois  dans  une  chaudière  remplie  d'un 
bain  plus  que  tiède  ,  compofé  de  trois 
quarts  d'eau  claire  Se  d'un  quart  d'urine  , 
pour  la  dégrailTer  au  fortir  de  la  balle  avant 
que  detre  battue  fur  la  claie.  (  J>,  /; ) 

PILORE  ,   f..  m.  voyei^  PyLORE. 

PILORI'  ,  f.  m.  (  ïurifp.  )  eft  un  petit 
briment  en  forme  de  tour  avec  une  char- 
pente à  jour  ,  dans  laquelle  eft  une  espèce 
de  carcan  qui  tourne  ftir  fon  centre.  Ge 
carcan  eft  formé  de  deux  pièces  de  bais 
pofées  l'une  iiir  l'autre  5^^  entre  lefquelles  il 


P  I  t 

y  a  Ati  trous  pour  pafTer  la  tête  &  les 
mains  de  ceux  que  l'on  met  au  pilori  ^ 
c'eft  -  à  -  dire  ,  que  l'on  expofe  ainfi  pour 
fervir  de  rifée  au  peuple  &  pour  les  noter 
d'infamie  :  c'eft  la  peine  ordinaire  des  ban- 
queroutiers frauduleux  j  on  leur  fait  faire 
amende  honorable  au  pié  du  pilori  ;  on 
les  promené  dans  les  carrefours  ,  enfuite 
on  les  expofe  au  pilori  pendant  trois  jours 
de  marché ,  pendant  deux  heures  chaque 
jour  ,  &  on  leur  fait  faire  quatre  tours  de 
pilori ,  c'eft- à-dire  ,  qu'on  fait  tourner  le 
pilori  quatre  fois  pendant  qu'ils  y  font 
attachés. 

On  tient  que  ce  genre  de  peine  fut  in- 
troduit par  l'empereur  Adrien  ,  contre  les 
banqueroutiers  ,  leurs  fauteurs  &  entre- 
metteurs ^  c'eft  ce  que  Diogene  Laè'rce 
entend,  lib.  VI,  lorsqu'il  dit,  voluit  eos 
catamidiari  in  amphitheatro ,  id  eft  derideri  y 
&  ibi  ante  confpeclum  omnium  exponi. 

On  donne  aufîî  quelquefois  le  nom  de- 
pilori  aux  fî;nples  poteaux  &  échelles  pati- 
bulaires qui  fervent  à-peu-près  au  m.ême' 
ufage  5  mais  la  conftrudiijon  des  uns  &  des- 
autres  eft  différente  ,  &  le  pilori  propre- 
ment dit ,  eft  celui  qui  eft  conftruit  de  la- 
façon  dont  on  vient  de  le  dire.  V.  Echelle, 

PATIBULAIRE. 

Sauvai ,  en  fes  antifuités  de  Paris  ,  dit' 
que  dans  un  contrat  de  l'année  1295  j  le. 
pilori  des  halles  de  Paris  s'appelle  pu- 
teus  diclus  lori  ;  il  conclut  delà  que  pilorv 
•cil  un  nom  corrompu  &  tiré  de  puits, 
lori  ,  c'eft-à-dire  ,  d'une  perlonne  nommée 
Lori ,  &  que  ce  gibet  fut  à  la  place  eu.* 
«aux  environs  de.  ce  puits  ,  &  qu'il  en  prit: 
le  nom.. 

Cependant  Ducange  ,  au  pilorium  oiu 
fpilorium  ,  fait  venir  pilori  de  pila  ,  &  en 
françois  pilizr  y  d'où>  l'on  a  fait  pdorier  y, 
il  cite  les  anciens  textes  où.  ce  terme  fe, 
trouve  ,  tels  que  les  îoix  des  bourgs  d'E- 
colfe  ,  le  monafticum  anglisanum  ,  une- 
charte  de  Thibaut  cou. te  de  Champagne  y 
de  l'an  122.7,  qui  eil  dans  le  tréfor  de. 
l'égliië  de  Meauii- ,  l'ouvrage  mX\W\\é  fie  ta  j, 
les  coutumes  de  Nevers  ,.  de  Melun,.  da. 
Meaux,  deSen^i,  d'Auxerre. 

Ménage  le  dérive  àt piluricium  5^  coinmsi; 
<^^\x(xn  pait  poteau.,. 


P  î  L 

Speîman  le  dérive  du  mot  François  pit- 
Um  ;  mais  l'opinion  de  Ducange  paroît  la 
plus   vraifemblable. 

Quoi  qu'il  eu  foit  de  l'étymologie  de  ce 
mot,  il  eft  confiant  que  le  pilori  deslîalles 
à  Paris  eft  un  des  plus  anciens  ,  &  que 
Sauvai  croit  que  jufqu'au  xiij  &  xiv  fiecle  , 
&  même  jufqu'au  xv ,  ce  lut  peut  -  être 
le  feul  lieu  patibulaire  qu'il  y  eut  à  Paris  , 
&  oii  les  criminels  du  plus  haut  rang  fubi- 
rent  Ja  peine  de  leur  révolte  &  de  leurs 
autres  crim^es. 

L'ancien  pilori  confiftoit  en  une  cour 
accompagnée  d'une  écurie  ,  d'un  appentis 
haut  de  Icpt  pies  fur  neuf  de  longueur  ,  & 
d'un  couvert  où  fe  gardoient  la  nuit  les 
corps  des  maifaicteurs  avant  que  detre 
portés  à  Moaiiaucou. 

Celui  qui  fubiifte  p'réfentement  a  été 
conllruit  plus  de  300  ans  après.  On  n'y 
fait  plus  d'exécutions  à  mort  ,  il  ne  fèrt 
que  pour  expoièr  les  banqueroutiers  frau- 
duleux ;  on  y  expofe  aiifîî  en  bas  les 
corps  des  criminels  qui  ont  été  exécutés 
dans  la  ville  ,  en  attendant  qu'on  leur 
doiuie  la  fépulture.. 

Près  de  ce  pilori  eft  une  croix ,  au  pié  de 
laquelle  les  ceflionnaires  dévoient  venir 
déclarer  -  qu'ils  faifoient  ceftîon  ,  &:  rece- 
voir le  bonnet  verd  des  mains  du  bourreau^ 
il  y  a  long-temps  >que  cela  ne  fe  pratique 
plus,  i^oyci  Banqueroute  ,.  Bonmet 
VERD,  Cession  &  Faillite. 

Bacquet ,  Loifel  &  Defpeiftes  préten- 
dent qu'un  fèigneur  haut  jufticier  ne  peut 
avoir  un  pilori  eii  forme  dans  une  ville 
oîi  le  roi  en  a  un  5  qu'en  ce  cas. le  fei- 
gneur  doit  fè  contenter  d'avoir  une  échelle 
ou   carcan. 

Cependant  Sauvai  reinarque  qu'à  la  place 
de  la  barrière  des  Sergens  du  petit  marché 
du  tauxbourg  faint- Germain  ,  il  y  avoit 
autrefois  un  autre  pilori^  &  près  delà  une 
échelle  \  &  que  l'un  ou  l'autre  fërvoit  pour 
exécuter  ceux  que  les  juges  de  Fabbé 
avoient  condamnes,  félon  Je  genre  de 
peine  que  le  condamné  devoit  fubir  j  lorf 
qu'il  y  avoit  peine  de  mort ,  le.  jugement 
s'exécutoit  au /?/7o/-/. 

h'^  pilon  cii  un  figne  de.  haute-jûftice  y 
néanmoins  Laur-igre  ,  en  fon  glofîaire  au 
mQVp^Uier  ^   dit   qu'eu  quelques  endroits 


P  I  L  509 

'  les   moyens   jufticicrs  .  ont  auflî  droit    de 
pilori. 

Dans  la  ville  de  Lyon ,  où  il  n'y  a  point 
àe  pilori  ^  on  fe  fer  vit  en  1745  d'ime  cage 
de  fer  portée  fur  une  charrette  pour  tenir 
lieu  de  pilori ,  à  l'égard  d'un  banquerou- 
tier frauduleux  qui  fut  ainfi  protriené  par  la 
ville.  Voye:^  les  coutumes  de  Bearn  ,  tit.- 
XLIV.  &  ci  -  devant  le  mot  ECHELLES- 
PATIBULAIRES.     {A) 

PILORIER  ,  expofèr  un  criminel  au' 
pilori ,  lui  faire  faire  les  tours  ordonnés- 
par  fa  fentence  ou  par  fbn  arrêt  dé  con- 
damnation. Ibid'. 

PILORIS ,  f.  m.  forte  de  rat  des  îles- 
Antilles ,  fréquentant  les  montagnes  &  leS' 
bois  ^  fa  groifeur  eft  trois  fois  plus  confi- 
dérabie  que  celle  des  rats  domeftiques  ^  ill 
a  le  poil  blanchâtre  tirant  fur  le  roux ,  &.' 
la  queue  courte  à  proportion  de  fon  corps  ^; 
fa  chair  eft.  blanche ,  graffe  &  délicate  y, 
mais  elle  fent  fi  fort  le  mufc,  qu'il  n'y  a^^ 
que  les  nègres  qui  puiffènt  en  manger ,  après 
l'avoir  fait  bouillir  très-long- temps  en  chan- 
geant d'eau. 

:  PILOSELLE,  C  ï:  (Hifï^  nat.  Bot.  y 
genre  de  plante  qui  a  été  décrit  fous  le  nom- 
il^hitracium,   Voye:{^^  HiEMACiVM. 

Cette,  plante  eft  nommée  par  le  vulgaire- 
■  oreille  de  rat  OU  de  fouris  ,  &  en  anglois 
iemblablement  the  moufe-ear,.  C'eft  dans- 
le  fyftême  de  Tournefort  la  vingt-  deu- 
xième efjjece  de  genre  de  planté  qu'il- 
nomme  ^e/7J  /fo/?/.y  ;  la  plupart  des  autres  : 
botaniftes  l'appellent  en  latin  pilofella  re- 
pens  ou  OT//20/-.  Linnseus  la  nomme  hiera- 
cium  fbliis  integerrimis  ,  ovates  ,  caule 
repente  ,   fcapo    unijloro^     Hort.    Cliftbrs.  - 

'  Sa  racine  eft  longue  comm.e  le  doigt , 
menue,  garnie  de  fibres.  Elle  poufte  plw- 
fieurs  tiges  grêles ,^  fàrment*îufes,  velues, 
qui  rampent  à  terre  &  y  prennent  racine. 
Ses  feuilles  font  oblougues.,  arrondies  par 
le  bout,  reflêmblantes  à  des  oreilles  de 
irat'ou  de  fouris  ,.  revêtues  de  poil,  vertes^ 
en  defiùs  ,  veineuses,  blanchâtres ,  lanu- 
giueufes.  en  dclFous   &  d'uu   goûtaftrin" 

gent..  .,,.... 

Ses  fleurs  font  à"  démi-fléurons ,    ièm- 
blables  à  celles  de  ïhieracium^   mais  plus- 
p^etites ,,  jaunes,, ibuteuues  chacune  par  un* 


5)10  P  I  L 

calice  écailleux  &  fimple ,  &  portées  fur 
lin  pédicule  délié  &  velu.  Après  que  les 
fleurs  font  paffées,  il  leur  fuccede  des 
femences  menues ,  noires  ,  uniformes  & 
aigrettées. 

Cette  plante  croît  aux  lieux  arides  & 
maigres  ,  fur  les  coteaux  incultes  ,  dans 
les  terres  fablonneufes  &  aux  bords  des 
grands  chemins.  Elleflewriten  mai,  juin  & 
juillet  'j  elle  eft  très-amere  ,  &  paKè  en 
médecine  pour  polTéder  de»  vertus  vulné- 
raires ,  aftringentes  &.  déterfîves.  (  D.  J.) 

PiLOSELLE  ,  (  Mat,  médicale.  )  voye^^ 
Oreille  de  Soupjs. 

PILOSITES ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  eccléf.  ) 
nom  que  les  Origeniftcs  donnoient  aux 
Catholiques  ,  parce  que  ceux-ci  préten- 
dirent que  nous  refTufciterons  tous  avec 
toutes  les  parties  de  nos  corps  jufqu'au 
moindre  poil. 

PILOT  ou  PILOTIS  ,  f  m.  (  Archit. 
kydraul.  )  pièce  de  bois  de  chêne  ronde , 
employée  de  fa  groifeur  ,  affilée  par  un 
bout  5  quelquefois  armée  d'un  fer  pointu  , 
&  à  quatre  brayches. ,  &  frettée  en  fa  cou- 
ronne de  fer  ,  qu'on  enfonce  en  terre  pour 
affermir  un  terrain. 

On  fe  fert  pour  enfoncer  les  pilots  d'une 
machine  appellée  fonneue  ,  &  on  eftime 
ainfi  le  temps  &  la  dépenfe  que  caufe 
l'enfoncement. 

On  commence  à  fonder  le  fonds  où  l'on 
veut  travailler  ;  cette  opération  fait  con- 
noître  la  denfité  du  terrain  dans  lequel  le 
pilot  doit  être  enfoncé.  Si  cette  denfité  eft 
uniforme  ,  l'enfoncement  croît  à  propor- 
tion du  nombre  des  coups  égaux  qu'elle 
reçoit  ^  eft-elle  variable  ^  c'eft  par  la 
différence  des  coups  qu'on  juge  de  la  diffé- 
rente denfité  j  c'eft-à-dire  ,  que  la  denfité 
d'une  féconde  couche  étant ,  par  exemple, 
plus  grande  ,  il  faudra  un  plus  grand  nom- 
bre de  coups  pour  produire  un  enfonce- 
ment égal  à  celui  de  la  première  couche. 

Ce  fera  le  contraire  fi  la  denfité  de  cette 
couche  eft  moindre  que  l'autre  ^  cela  pofé  , 
on  eftime  une  minute  vingt  fécondes  pour 
chaque  volée  de  trente  percuffions  ,  & 
autant  paur  reprendre  haleine.  Ainfi  en 
ajoutant  vingt  fécondes  pour  le  temps  que 
Ton  perd ,  on  aura  trois  luinRtes  pour 
chaque  volée. 


"  P  I  L 

Djfons  encore  que  pour  déplacer  la  (on- 
nette  &  m^ettre  le  pilot  en  état  d'être  en- 
foncé,  il  faut  dix-huit  minutes,  &  fix- 
minutes  pour  le  deverfer  &  y  mettre  des 
boifes.  Après  cela  il  fera  aifé  dç  faire  le 
calcul  ,  nous  voulons  dire  d'eftimer  le 
temps  néceffaire  pour  enfoncer  un  pilot 
d'une  longueur  déterminée. 

Afin  de  faire  une  évaluation  plus  jufte 
&  qu'on  connoiffe  ce  qu'on  peut  perdre 
de  temps  ,  félon  que  la  fonnette  qui  frappe 
le  pilot  tombe  d'une  plus  grande  hauteur  , 
il  eft  bon  de  favoir  que  la  force  avec  la- 
quelle le  mouton  frappe  le  pilot  eft  tou- 
jours comme  la  racine  quarrée  doù  le 
mouton  tombe,  c'eft-à-dire,  comme  la 
vîteffe  que  ce  corps  qui  dcfcend  a  acquifè 
à  la  fin  de  fa  chute.  On  fuppofe  ici  que 
la  chute  du  mouton  eft  perpendiculaire 
fur  le  pilot ,  &:  cela  doit  toujours  être  ; 
car  lorfqu'oa  doit  pouffer  un  pilot  obli- 
quement ,  on  place  la  machine  enforte 
que  les  montans  aient  la  même  obliquité  ; 
mais  alors  on  eftime  la  force  du  coup  par 
la  hauteur  de  la  chute  ,  &  non  par  la 
longueur.  Voye':^^  le  Cours  de  Phyfiquc 
expérimentale  par  M.  Défaguliers ,  tome  I  , 
fecl.   5. 

Au  reftc ,  on  trouve  dans  le  troificme 
tome  de  X Architecture  hydraulique  ,  par 
M.  Belidor ,  un  modèle  de  calcul  fur  le 
temps  &  la  dépenfe  de  l'ufage  des  pilots. 
Ce  même  volume  contient  différentes  ma- 
chines pour  enfoncer  les  pilots  ,  ainfi  que 
le  premier  tome  du  Cours  de  Thyfique. 
expérimentale  de  M.  Défaguliers.  Lq  pilot 
eft  différent  du  pieu  en  ce  qu'il  eft  tout- 
à-fait  enfoncé  dans  la   terre. 

Pilçts  de  bordage.  Ce  font  des  pilot  f 
qui  environnent  le  pilotage ,  &  qui  por- 
tent  \q%  patins  &   les  racinaux. 

Pilots  de  remplage.  Pilots  qui  garnif- 
fent  l'efpace  piloté.  Il  en  entre  i8  à  20 
dans  une  toife  fuperficielle. 

Pilots  de  retenue.  Pilots  qui  font  au 
dehors  d'une  fondation  ,  &  qui  foutiennent 
le  terrain  de  mauvaife  confiftan«e  iiir  le- 
quel une  pile  de  pont  eft  fondée. 

Pilots  de  fupport.  Pilots  fur  la  tête 
defquels  la  pile  eft  fupportée  ,  comme 
ceux  ,  par  exemple  ,  qu'on  plante  dan? 
les  chambres  d'un  grillage.  {D.  J.) 


T>  I  L 

PiLOr  .  terme  de  Papeterie  ;  c'eft  ainfi 
qu'on  nomme  en  Bretagne  ce  qu'ailleurs 
on  aj^peîle  drilles  ,  peilles  ',  drapeaux  , 
c'eft  -  à  -  dire  ,  les  vieux  chiffons  de  toile 
de  chanvre  &  de  lin  ,  qui  fervent  à  la 
fabrique  du  papier. 

Il  fort  tous  les  ans  de  Bretagne  pour 
.plus  de  loooo  livres  de  pilot ,  fans  y  com- 
prendre ce  qui  fe  confomme  dans  les  pa- 
-peteries  de  cette  province.  K,  Papier. 

Pilot  ,  f.  m.  terme  de  Salines  ,  c'eft 
le  nom  qu'on  donne  dans  les  marais  falans 
aux  monceaux  de  fel  qui  font  dans  un  en- 
droitçde  ces  marais  qu'on  appelle  le  mort: 
lorfque  ces  monceaux  de  fel  font  en  rond  , 
ils  fe  nomment  pilots^  &  quand  ils  font 
en  long ,  on  les  appelle  vaches  ;  il  faut 
pafTer  ces  termes  ridicules  à  des  ouvriers 
fans  génie.  {  D.  J.) 

PILOTAGE  ,  (  Marine.  )  c'eft  un  ou- 
vrage de  fondation  fur  lequel  on  bâtit  dans 
l'eau.  Cette  fondation  fe  prépare  par  plu- 
fieurs  fils  de  pieux  fichés  en  terre  par  force 
&  à  refus  du  mouton. 

Pilotage  ,  c'eft  la  conduite  qui  fe  fait 
d'un  vailfeau  pour  le  faire  egtrer  ou  fortir 
d'un  port ,  de  peur  qu'il  n'aille  donner  fur 
des  bancs.  Les  lamanages  ,  tonages,  pilo- 
tages ,  pour  entrer  dans  les  havres  ou 
rivières ,  ou  pour  en  fortir  ,  font  menues 
avaries ,  qui  fe  paient  un  tiers  par  le  na- 
vire ,  &  le|  deux  autres  tiers  par  les  mar- 
chandifcs.  * 

Pilotage  ,  c'eft  l'art  de  bien  conduise  un 
vaiifeau  ,  &  de  tout  ce  qui  regarde  la 
fcience  de  la  navigation. 

Pilotage  ,  fubft.  m.  ou  Lamanage  , 
(  Comm.  de  mer.  )  Ce  mot  fignifie  les  droits 
qui  font  dûs  aux  pilotes  ou  lamaneurs ,  qui 
aident  aux  navires  à  entrer  dans  les  ports 
ou  à  en  fortir. 

PILOTE,  f.  m.  (  HiJÎ.  nat.  îchthiolog.  ) 
poiifon  de  mer  auquel  on  a  donné  ce  nom  , 
parce  qu'il  fe  met  au  devant  des  vaifteaux 
qu'il  rencontre  \  il  les  précède  &  il  fèmble 
les  conduire  jufqu'au  port.  Il  eft  de  la 
grandeur  &  de  la  forme  d'un  maquereau  : 
la  tête  eft  longue  &  liffe  ^  l'extrémité  de 
la  mâchoire  fupérieure  excède  de  beaucoup 
la  mâchoire  inférieure.  Ce  poiiToii  n'a  point 
d'écaillés  ,  tout  fon  coo-ps  eft  couvert  d'une 
peau  rayée  en  lofànges ,  ij*  a  deux  petites 


PÎL  51Î 

nageoires  près  des  ouies ,  une  fijr  le  dos  & 
une  autre  fur  le  ventre  ,  qui  s'étendent 
toutes  les  deux  jufqu'à  la  queue.  Le  poiflbii 
pilote  nage  au  devant  des  requins  ,  comme 
au  devant  des  vaiffeaux  \  il  eft  fi  agile  qu'il 
é,v\tQ  le  requin  qui  tâche  d'en  faire  fa  proie. 
Hijî,  nat.  des  Antilles ,  par  le  P.  du  Ter- 
trc^/o;72.  //.  V.  Poisson. 

"lote  ,  C  Marine.  )  premier  pilote  ^ 
fécond  pilote  ,  troifieme  pilote.  Le  pilote 
eft  un  officier  de  l'équipage ,  qui  prend 
garde  à  la  route  du  vailfeau  &  qui  le  gou- 
verne. 

Le  fécond  &;  le  troifieme  pilotes  fécon- 
dent le  premier  dans  fès  fondions.  Il  n'y 
a  trois  pilotes  que  dans  les  plus  grands 
vaiffeaux ,  ou  quand  il  s'agit  de  voyages 
de  long  cours.  Dans  Xzs  autres  vaiifeaux, 
il  y  a  un  ou  àzwy.  pilote?, ,  félon  la  qualité 
du  vailfwau  &  du  voyage.  Voye^  l'ordon- 
nance de   1680  ,  liv,  II  j  tit.  If^  ,  &  celle 

de  1689 ,  iiv.  I ,  tit.  xr. 

Le  pilote  doit  être  continuellement  au 
gouvernail  ,  &  faire  de  temps  en  tenips 
fbn  rapport  au  capitaine  ,  au  fujet  du  pa- 
rage  où  il  croit  que  le  vaiffeau  efl  ^  il  doit 
être  expérimenté  dans  la  connoiffance  àes 
cartes  marines ,  dans  l'ufage  de  l'aftrolabe 
&  de  l'arbalète  ,  &  autres  inftrumens  pour 
prendre  hauteur  ^  dans  la  connoiffance  des 
tables  de  l'aftronomie  ,  dans  la-  connoif- 
fance des  marées  ,  des  changemens  qui  y 
arrivent  ,  félon  les  pays ,  des  moulfons ,  6>c. 
C'eft  le  pilote  qui  commande  dans  les  bû- 
ches (k  dans  les  pinques  ,  &:  qui  ordonne 
de  jeter  les  filets  &  de  les  retirer  j  c'elt  lui 
encore  qui  le  plus  fouvent  tient  le  gou- 
vernail. 

Pilote  hauturier  ,  c'eft  celui  qui 
dans  un  voyage  de  long  cours  fait  prendre 
la  hauteur  ou  l'élévation  du  poie  par  le 
moyen  de  l'arbalcte  &  de  l'afirolabe. 

Pilote  côtier  ,  pilote  de  havre  ,  pilote 
lamaneur  ,  locman  j  bons  pilotes  ,  pilotes 
expérimentés. 

Pilote  qui  a  entré  &  forti  un  vaiffeau  ; 
cela  fe  dit  d'un  pilote  qui  a  mis  un  vaif^ 
fèau  dans  une  rade ,  dans  une  rivière  eu 
datis  un  havre  ,   &  qui  l'en  a  refforti. 

Pilote  hardi  ;  cela  fe  dit  d'un  pilote 
qui  entreprend  des  chofès  difficiles  ,  comme 
d'eatrer  dans  uue  rivière  lucouiiue  ^  daos 


^11 


P  I  L 


un  havre  qui  ne  feroit  pas  pratiqué  ,  de 
chercher  une  terre  non-vue  ,  &.  autres  cho- 
ies femblables. 

Il  n'y  a  point  de  pilote  côtier  en  temps 
de  bruine. 

Les  bons  pilotes  font  h  terre  ;  cela  le 
dit  par  plaifaiiterie  pour  ceux  qui  le  van- 
tent d'être  favans  dans  le  pilotage  ^  & 
qui  font  des  ignorans  quand  ils  foffen 
mer. 

Pilote  ,  f.  m.  (  Antiq,  greq,  )  Les 
pilotes  étoient  fort  confîdérés  dans  Ja 
Grèce  ^  delà  vient  que  le  pilote  Phrontis 
n'a  pas  été  feulement  immortalifé  par  Ho- 
mère ,  mais  le  roi  de  Miceiie  lui  éleva  un 
tombeau  près  du  cap  de  Sunium  ,  &  lui 
rendit  les  derniers  devoirs  avec  la  diftinc- 
tion  qu'il  méritoit.  C'eft  ce  Phrontis  que 
Poîignotte  avoit  peint  dans  ce  tableau  mer- 
veilleux qui  repréfentoit  d'un  côté  la  prife 
-de  Troye  ,  &  de  l'autre  les  Grecs  s'em- 
barquant  pour  le  retour.  Telles  étoient  les 
moeurs  de  ce  temps-là  ^  aujourd'hui  un 
pilote  n'eft  qu'un  marin  fans  diftindèion  j 
alors  c'étoit  un  homme  utile  à  l'état  ,  &: 
tout  mérite  utile  à  l'état  avoit  la  récom- 
penfe.  Une  infcription  ,  une  ftatue,  un  tom- 
beau élevé  aux  dépens  du  public ,  entre - 
tenoient  la  gloire ,  &  portoient  les  hommes 
à  toutes  fortes  de  belles  ad:ions.  {D.  J,) 

Pilotes  ,  (  Lutherie.  )  dans  l'orgue  , 
jes  pilotes  font  des  baguettes  cylindriques , 
à  l'extrémité  inférieure  defquelles  Ibnt  des 
joints  déliés  ou  des  épingles  qui  entrent 
-dans  des  trous  qui  font  aux  extrémités  des 
balcules  du  politif  qui  entrent  dans  le  pié 
du  grand  orgue  ;,  la  partie  fupérieure  tra 
verlè  un  guide  percé  d'autant  de  trous  qu'il 
y  a  de  pilotes  ou  de  touches  au  clavier 
au  deffous  defquels  ces  trous  doivent  ré- 
pondre. 

La  longueur  des  pilotas  eft  égale  à  la 
diftance  qui  fe  trouve  entre  les  delTous  des 
touches  du  premier  clavier  qu'on  appelle 
£lavier  du  pojitif  ^  &  l'extrémité  à^s  baf- 
xules.  f^oye[  BASCULES  DU  POSITIF. 

Les  pilotes  fervent  à  tranfmettre  faéiion 
^ts  touches  du  premier  clavier  aux  ba feules 
qui  tranfmettent  la  même  aétion  aux  fou- 
papes  du  fommier  du  pofitif  :  ce  qui  les  fait 
ouvrir.  V^oye[  SoMMIER  DU  POSITIF. 

PJLOTERjV.   ^.{Archit,  AydrauL) 


P  I  L 

à'eft  enfoncer  des  pieux  ou  des  pilots,  pour 
fouteiùr  &  pour  affermir  les  fondemens  d'un 
édihce  qu'on  bâtit  dans  l'eau  ,  ou  fur  un 
terrain  de  mauvaife  confiftance.  On  ferre 
ordinairement  le  bout  des  pilots  ,  ou  on  le 
brûle  ,  pour  empêcher  qu'il  ne  pourrilfe  , 
&  on  l'enfonce  avec  la  fonnette  ou  l'engin  ^ 
jufqu'au  refus  du  mouton  ,  ou  de  la  hie. 
{D.J.) 

Piloter  ,  (  Marine.  )  c'eft  ce  que  font 
les  pilotes-côtiers  ou  Jamaneurs  ,  qui  con« 
duiient  les  vaiifeaux  hors  àes  embouchures 
des  rivières  ,  des  bancs  &  des  dangers. 
Ceux  qui  ne  voient  point  venir  des  lama- 
neurs  à  leur  bord  ,  peuvent  fe  fervir  de 
pêcheurs  pour  les  piloter. 

Piloter  un  navire  dehors  ou  hors  du  port. 

PILOTIS,  en  terme  d'architecture , 
c'eft  un  grand  pieu  que  l'on  enfonce  dans  la 
terre  pour  fervir  de  fondation  ,  quand  il 
s'agit  de  bâtir  fur  un  terrain  marécageux, 
f^oyei  Fondation.  '-Voyei  aujji  Palli- 
fication. 

Amfterdam  &  quelques  autres  villes  font 
entièrement  bâties  (ur pilotis. 

La  brechafcde  Dagenham  eft  fermée  ou 
bouchée  avec  des  pilotis  à  queue  d'aronde, 
c'eft  à-dire  ,  avec  des  pilotis  emmortaifés 
l'un  dans  l'autre  moyennant  des  tenons  à 
queue  d'aronde.  f^oyei  PlEU  &  QuEUE 
d'aronde. 

Pilotis  ,  f.  m.  (  Hydr.  )  ^e  font  des 
pièces  de  bois  affilées  par  un  hSfit ,  armées 
d'un  fer  pointu  &  frettées  en  leur  cou- 
ronne de  frettes  de  fer.  On  nomme  pilotis 
de  bordage  ceux  qui  environnent  le  pilo- 
tage ,  &?:  qui  portent  les  racines  ^  ceux  qui 
garnilfent  l'efpace  piloté  ,  s'appellent /j/7or« 
de  remplage. 

PILSEN  ,  (  Géograph.  mod.  )  ville  de 
Bohême ,  capitale  du  cercle  de  même  nom  , 
fur  les  frontières  du  Haut  -  Palatinat  de 
Bavière  ,  entre  les  rivières  de  Mifa  &  de 
Watta  ,  à  20  lieues  d'Egra  ,  &  à  19  de 
Prague.  Elle  eft  défendue  par  des  tours  & 
de  bons  baftions  j  auffi  a-t  elle  été  fouvent 
prilè  ôtreprife  dans  les  guerres  de  Bohême. 
Long.  31.  18.  lat.  49.  45. 

Dubraw  ,  en  latin  Dubravius  (  Jean  ) 
naquit  à  Pilfen  ,  &  fe  fit  eftimèr  dans  lé 
feizieme  fiecle  par  une  hiftoire  de  Bohême 
en  XXXIII  livres  qu'il  publia  en  15  51 ,  Se 

dont 


P  I  L 

tîontla  meilleure  édition  efl  cîe  Francfort  en 
ié88.  Dubra>Kr  mourut  évêque  d'Olmutz  en 
1553.   {D.J.) 

PILSNA ,  ou  PILEZNA ,  ou  PILSNO, 
{  Geogr.  mod.  )  ville  de  la  petite  Pologne  , 
dans  le  palatinat  de  Sandomir ,  aux  confins 
de  celui  de  Cracovie  ,  fur  une  petite  rivière 
qui  fe  jette  dans  la  Vifîule. 

PILTEN,  owPILTYN,  [Géog.mod.) 
ville  du  duché  de  Curlande  ,  capitale  d'un 
canton  de  même  nom,  fur  la  Windaw, 
entre  Golding  &  le  fort  de  Windaw.  Il  y 
avoit  autrefois  un  évêché  fécularifë  en 
^  ^  59  >  P3^  Frédéric  II ,  roi  de  Danemarck  , 
qui  en  conféra  le  domaine  à  la  nobleiîe 
&  à  fes  créatures  ,  pour  le  cultiver  & 
fournir  le  pays  de  bétail  ;  ce  qui  a  très- 
bien  réuffi.  Long,  j^,  4^;  lat.  57, 
46'   (D.J,) 

PILULAIRE ,  f.  m.  {Hifl.  nat.  Botan.) 
plante  qui  paroît  avoir  échappé  à  la  con- 
noifîance  des  anciens  botaniftes.  M  .  Ber- 
nard de  Juffieu  en  a  établi  le  caradere  fur 
les  parties  de  la  fleur  qu'il  a  découvertes 
parle  microfcope.  Les  curieux  peuvent  lire 
ion  mémoire  à  ce  fujet ,  dans  le  recueil  de 
l'académie  des  fciences,  Année  275^. 

Cette  plante  efl  nommée  pilularia  paluf- 
tris  y  juncifolia  y  par  MM.  Vaillant  & 
Juffieu  ;  ca/ami^r«/n  par  Dillenius;  grami- 
nifolia  paluftris  ,  repens  ,  valulis  grano' 
rum  piperis  y  par  Ray  ',  mufcus  aureus  , 
capillarisy  paluftris  y  interfoliola  ,  follicu- 
lis  r&tundis  y  quadripartitis  par  Pluckenet. 
Voici  fes  caraderes. 

Les  fleurs  de  la  pilulaire  ont  deux  ca- 
lices :  un  externe  ou  commun  ,  &  l'autre 
interne  ou  propre.  Le  calice  externe  ren- 
ferme quatre  fleurs  ;  il  efl  d'une  feule  pièce 
(phérique  ,  velue ,  épaifTe ,  dure  ,  qui 
s'ouvre  en  quatre  portions  égales  ,  &  cha- 
que portion  efl:  collée  à  la  face  convexe 
d'un  des  quatre  calices  internes  ;  le  calice 
interne  contient  une  fleur  ;  il  efl  membra- 
neux ,  d'une  feule  pièce  dont  la  forme  efl 
celle  d'un  quartier  de  fphere  ,  &  il  s'ouvre 
par  l'extrémité  fupérieure. 

Le  placenta  ,  qui  dans  chaque  fleur 
porte  les  étamines  &  les  piftils  ,  efl  une 
bande  membraneufe  ,  longue  ,  étroite  , 
qui  naît  du  fond  de  la  cavité  du  calice 
interne  ,  fe  prolonge  jufqu'aux  deux  tiers 
Tome  XXV. 


PIL  pi3 

de  fa  hauteiîr  ,  &  s'attache  à  la  face 
fphérique  de  ce  calice  dans  le  milieu  de  fa 
largeur. 

Les  étamines  font  pour  l'ordinaire  au 
nombre  de  trente-deux  fbmmets,  fans  filets  ; 
leur  figure  efl  celle  d'un  cône  ;  ils  font 
tous  attachés  par  la  pointe  à  une  petite  tête 
qui  termine  le  bord  fupérieur  du  placenta  , 
fur  laquelle  ils  forment ,  en  fe  dirigeant  en 
tous  fens,  une  houppe  pyramidale.  Ces  fora- 
mets  font  des  capfules  déHcates  ,  membra- 
neufes  ;  elles  s'ouvrent  tranfverfalement  , 
&  répandent  une  poufCere  ronde. 

Les  piffils  font  au  nombre  de  12  ,  de  i^  ; 
ou  de  20  embryons,  ovoïdes ,  fitués  perpen- 
diculairement fur  le  placenta  dont  ils  cou- 
vrent les  faces  &  le  bord  tranchant  ;  ils  n'ont 
point  de  flyle  ;  mais  la  partie  fupérieure  de 
chaque  embryon  efl  terminée  par  un  flig- 
mate  court  &  obtus. 

Le  péricarpe  efl  le  fruit  de  cette  plante  5 
il  efl  à  quatre  loges  compofees  des  deux  ca- 
lices qui  fùbfiflent  ,  &  confervent  pluficurs 
fcmences. 

Les  femences  font  menues  ,  blanchâtres  » 
ovoïdes ,  arrondies  par  la  bafe ,  &  terminées 
en  pointe  par  le  haut. 

Le  germe ,  ou  la  plantule  contenue  dans  la 
femence,  fort  dans  la  germination,  de  la 
partie  fupérieure  de  la  capfule  léminale, 
produit  une  première  feuille  ,  &  une  ra-* 
dicule. 

Il  me  refle  peu  de  chofes  h  ajouter  fur  la 
defcription  de  cette  plante.  Elle  efl  très-baflè^ 
rampante  &  couchée  fur  terre.  Ses  racines 
font  de  petits  filets  blancs  ,  fimples  &  flexi- 
bles. Ses  tiges  &  fes  branches  font  fi  bien 
entremêlées  les  unes  dans  les  autres,  que  la 
principale  tige  efl  difficile  à  diflinguer.  Les 
feuilles  viennent  alternativement  lur  les  deux 
côtés  des  rameaux  ;  elles  font  vertes,  tendres» 
prelque  cyhndriques  ,  aflèz  lèmblables  à. 
celles  du  jonc.  Les  fleurs  naiffent  dans  les 
aiflelles  des  rameaux. 

La  pilulaire  efl  la  feule  plante  connue  de 
fon  ^enre  j  elle  paroît  vivace  ;  fes  jeunes 
branches ,  qui  fubliflcnt  d'une  année  à 
l'autre  ,  fervent  à  la  renouveller  pendant 
que  les  anciennes  périffent.  Les  globules 
qui  renfermerat  les  fleurs  commencent  A 
fc  montrer  dès  le  mois  de  mai.  Il  en 
repoufTe    continuellement    de    nouveaux, 

Zzzz^ 


à  mefure  que  les  tiges  &  les  branches fe  pro-  [  employer  les  pilules  que  dans  les  casjoù  on 

iongenf 


Il  n'y  a  qu'en  France  &  en  Angleterre 
où  cette  plante  ait  été  remarquée.  A  l'égard 
de  la  France  ,  les  feuls  environs  de  Paris 
font  encore  les  lieux  uniques  où  elle  ait  été 
obiervé^e  ,  fàvoir  près  de  Fontainebleau  dans 
les  mgi^çs  de  Franchard  ,  dans  celles  de 
rOtie^'-^c  entre  Coigncres  &  les  Efîarts. 
On  ne  lui  connoît  aucune  vertu  ;  Merret, 
Morifon  ,  Çluckenet  y  Ray  ,  Vaillant ,  Pe- 
tiver  ,  Dillenius  ,  Martin  ,  Linnsus ,  M.  de 
Juffieu  ,  font  les  feuls  botanilles  qui  en  ont 
parlé ,  &  Merret  le  premier  de  tous  ; 
M.  Vaillant  l'a  nommée  pilulaire  ^  à  caufe 
de  la  forme  iphérique  du  bouton  de  (es 
fleurs.    (D.J.) 

■  PILULE  ,  (  Pharmacie.  )  les  pilules 
font  une  forme  de  médicament ,  réduites 
à  la  grofleur  &  à  la  confiûance  d'un  pois  ; 
on  s'en  fert  pour  épargner  au  malade  le 
goût  défagréable  d'un  liquide  imprégné  des 
drogues ,  &  pour  empêcher  leur  impreflion 
iur  l'organe  du  goût.  C'eft  la  répugnance 
des  malades  contre  les  différentes  efpeces  de 
drogues  ,  qui  a  donné  origine  aux  pilules. 
On  leur  a  donné  le  nom  de  pilules  à  caufe 
de  leur  retfemblance  avec  les  petites  balles 
qu'  on  nomme  en  latin  pila. 

Les  pilules  ne  doivent  pas  excéder  la 
dofe  de  fix  grains;  les  drogues  réduites  en 
poudre  demandent  le  double  de  leur  poids 
de  firop  ,  pour  pouvoir  être  réduites  en 
pilules  à  l'aide  d'une  liqueur  ou  excipient 
qui  augmente  leur  confiftance. 

Nous  allons  donner  un  exemple  de  pilules 
pour  fervir  de  modèle. 

Pilules  d'agaric.  Prenez  de  trochifques 
d'agaric  une  once  ,  Jpecies  de  hiera  demi- 
once  ,  myrrhe  fix  gros  ,  firop  de  nerprun 
autant  qu'il  en  faut  pour  faire  une  malîe  de 
pilules. 

Quoique  les  pilules  foient  fort  en  ufage 
&  du  goût  de  bien  des  gens  ,  cependant 
on  ne  doit  point  trop  les  confelUer  ;  &  fi 
les  perfonnes  peuvent  prendre  Iur  elles  de 
vaincre  la  répugnance  qu'elles  pourroient 
avoir  pour  les  drogues,  il  vaudroit  beau- 
coup mieux  qu'elles  priflènt  les  remèdes 
d-'layés  dans  un  véhicule  fufïifant  ;  la  pilule 
eft  d'elle-même  difficile  à  difîbudre  ;  d'ail- 
leurs elle  eil  échauffante  :  ainfi  l'on  ne  doit 


veut  s'épargner  le  défagrément  de  fentir , 
ou  une  odeur  ,  ou  une  amertume  incom- 
mode. 

La  plupart  àts  charlatans  &  des  ignorans 
ont  coutume  d'envelopper  leurs  médica- 
mens  dans  des  conferves  ,  &  de  fe  fervir 
de  pilules  ;  &  comme  les  drogues  dont  ils 
fe  fervent ,  font  des  plus  acres  &  des  plus 
vives  ,  ce  manège  devient  funefle  pour  les 
malades  qui  ont  le  malheur  d'ufer  de  ces 
fortes  de  remèdes. 

Si  cependant  l'on  eft  obligé  d'employer 
des  pilules  ,  on  doit  avoir  foin  de  les  divi- 
fer ,  au  moyen  d'une  fuffilante  quantité  de 
boifîbn  ,  &  de  fixer  au  jufte  la  dofe  de 
chaque  ingrédient  qui  en  fait  la  bafe  & 
l'efficacité. 

Les  compofitions  ou  préparations  mercu- 
rielles  doivent  toutes  fe  donner  en  pilules.  On 
les  doit  faire  très-petites ,  pour  donner  plus 
de  facilité  de  les  avaler. 

Pilules  de  cyprès.  Les  fruits  de 
cyprès  font  appelles  par  les  pharmacolo- 
giftes  pilules  de  cyprès.  On  peut  employer 
leur  décodion  dans  tous  les  cas  où  il  s'agit 
de  remédier  aux  relâchemens  &  aux  gonfîe- 
mens  œdémateux  de  quelque  partie.  Ils 
entrent  dans  plufieurs  compofitions  phar- 
maceutiques externes  ,  dont  les  plus  ufitéca 
font  l'emplâtre  ad  hernias  de  Fernel ,  & 
dans  l'onguent  de  la   comteffe  de  Zwelfe-. 

Ils  font  afiringens  ,  fortifians;  on  les 
donne  intérieurement ,  foit  en  fubflance  , 
foit  en  décodion,  dans  les  cas  d'hémor- 
rhagie  ou  de  relâchement ,  ou  l'adfiridion 
proprement  dite  eft  abfolument  indiquée  ; 
comme  dans  les  diarrhées  invétérées  &  colii- 
quatives  ,  dans  les  hémorrhagles  internes  , 
qui  font  craindre  par  leur  abondance  pour 
la  vie  du  malade.  Elles  pafTent  pour  fébri- 
fuges ;  on  en  donne ,  dans  cette  vue  ,  la 
poudre  dans  du  vin  à  la  dofe  d'un  gros  ;  on 
en  peut  effectivement  cfpérer  de  bons  effets 
dans  les  fièvres  intermittentes ,  &  fur-tout 
dans  les  fièvres  quartes  automnales  ,  qui 
attaquent  les  habirans  des  lieux  marécageux. 
Plufieurs  auteurs  les  vantent  comme  fpéci- 
fiques  dans  les  incontinences  d'urine.  Ma- 
thiole  recommande  beauco^up  la  décodion 
des  pommes  de  cyprès,  fraîches  ou  nou- 
velles ,  faites  dans  du  vin,  &  donnée  tousks,. 


P  IL 

Jours  à  U  dofe  de  trois   onces   dans  les 
hernies. 

Pilules  de  Belloste  ,  Voye^ 
Mercure  ,  (  Mat.  méd.  ) 

Pilules  mercurielles  ,  Voye^ 
Mercure  ,  (  Mat.  méd.  ) 

Pilules  perpétuelles  ,(  P^ar/n,  ) 
On  donne  ce  nom  à  des  pilules  faites 
de  régule  d'antimoine  ,  qui  ont  la  vertu 
èit  purger  &  de  faire  vomir  ,  nonob{^ 
tant  qu'elles  aient  été  employées  une  in- 
finité de  fois  de  fuite  ,  de  façon  qu'une 
feule  peut  fervir  à  purger  une  armée  entière. 
On  peut  les  faire  infufer  dans  le  vin  ,  &  ce 
vin  devient  éméfique  ;  on  fait  auûi  avec  le 
rigule  des  gobelets  ou  talïès  qui  produifent 
le  même  effet. 

Mais  ces  fortes  de  remèdes  ne  convien- 
nent point  à  tous  les  tempéramens ,  &  il  eft 
rare  qu'on  les  ordonne  aux  gens  délicats; 
pour  peu  que  l'on  foit  attentif  à  la  confer- 
vation  de  {&s  malades,  on  fe  gardera  de 
leur  permettre  de  tels  remèdes. 

Au  cas  qu'ils  euffent  beaucoL^)  tourmenté 
le  malade  ,  on  emploiera  les  mêmes  pré- 
cautions quedans l'ufage  des  antimoniaux. 

PIL  UM  ou  ÉPIEU  ,  f  m.  ^Art  milit.) 
■arme  de  jet  chez  les  Romaias ,  que  por- 
toicnt  les  haûaires  &  les  princes.  Cette 
«rme  avoit  environ  fept  pies  de  longueur , 
€n  y  comprenant  le  fer  ;  le  bois  de  fa 
hampe  étoit  d'une  grofî'eur  à  être  empoigné 
«iiément  ;  le  fer  s'avançoit  jufqu'au  milieu 
du  manche  ,  où  il  étoit  exadement  enchâfle 
&.  fixé  par  ^qs  chevilles  qui  le  traverfoient 
•dans  (on  diamètre.  Il  étoit  quarré  d'un  pouce, 
&  demi  dans  fa  plus  grande  groffeur  ;  il  per- 
doit  infenfiblement  de  Ton  diamètre  jufqu'à 
fa  pointe  ,  qui  étoit  très-aiguë  ,  &  près  de 
'laquelle  étoit  un  hameçon  qui  retenoit  cet 
énorme  fîylet  dans  le  bouclier  qu*il  avoit 
percé.  M.  de  Folard  pouvoit  avoir  méconnu 
cette  terrible  arme  de  jet ,  comme  prefque 
tous  ceux  qui  en  ont  parlé.  Cet  auteur  la 
•croit  une  pertuifane  femblable  à  l'efponton 
Aqs  officiers  ;  &  à  la  bataille  de  RéguJus  , 
il  la  donne  aux  foldats  qui  formoient  la 
■queue  des  colonnes. 

Les  favans  qui  ont  écrit  du  militaire 
des  anciens  ,  ont  trouvé  obfcure  la  defcrip- 
tion  que  Polybe  fait  du  pilum  _,  &  ils  ne 
^conviennent  point  de  la  forme   de  cette 


PIL  9,,, 

arme.  Le  P.  Montfaucon  dans  Çqs  antiquités 
expliquées  ,  repréfente  plufieurs  armes  àes 
anciens  de  différens  âges  ,  i^ns  déterminer 
la  figure  du  pilam. 

Polybe  compare  le  petit ,  que  les  foldata 
tenoient  encore  quelquefois  dans  la  main 
gauche ,  &  qui  étoit  plus  léger  que  le  grand  , 
aux  épieux  d'ufage  contre  le  fânglier.  O» 
en  peut  déduire  la  forme  du  grand  pilum. 
En  combinant  ce  que  Polybe  ,  Tite-Live, 
Denis  d'Halicarnafïe ,  Appius  &  Végece 
en  difent,  on  trouve  que  le  pilum  a  eu 
entre  fix  &:  fept  pies  de  longueur  ;  que  la 
hampe  a  été  deux  fois  plus  longue  que  le 
fer  qui  y  étoit  attaché ,  moyennant  deux 
plaques  de  fer  quis'avançant  jufqu'au  milieu 
de  la  hampe  ,  recevoient  les  fortes  chevilles 
de  fer  dont  il  étoit  traverfé.  Marius  ôta  une 
de  ces  chevilles  de  fer ,  &  il  lui  en  fubititua 
une  de  bois,  laquelle  fe  caflant  par  l'effort  du 
coup  ,  faifoit  pendre  la  hampe  au  bouclier 
percé  de  l'ennemi ,  &  donnoit  plus  de  dif- 
ficulté à  arracher  le  fer.  On  fait  de  plus 
que  c'étoit  un  gros  fer  maffif  &  pointu  ,  de 
21  pouces  de  longueur  ,  qui  au  fortir  de  la 
hampe  ,  avoit  un  pouce  &  demi  de  diamè- 
tre .;  que  le  pilum  éroit  quelquefois  arme  de 
jet ,  &  quelquefois  aufîi  arme  pour  fe  dé- 
fendre de  pié  ferme.  Les  foldats  étaient 
drefîes  à  s'en  fervir  de  l'une  &  de  l'autre, 
manière.  Dans  la  bataille  de  Lucullus  con- 
tre Tigrane ,  le  foldat  eut  ordre  de  ne  pas 
lancer  fon  pilum ,  mais  de  s'en  fervir  con- 
tre les  chevaux  de  l'ennemi ,  pour  les  frapper 
aux  endroits  qui  n'étoient  point  bardés. 

Le  pilum  étoit  l'arme  particulière    des. 
Romains.  Aufîî-tôt  qu'ils  approchoicnt  de. 
l'ennemi  à  une  jufle  diflance ,  ilscommen- 
çoient  le  combat  en  le  lançant  avec  beau- 
coup de  violence.  Par  la  grande  pefanteur 
de  cette  arme  &:  la  trempe  du  fer  ,  elle  per-- 
çoit  cuiraffe  &  bouclier,  &  caufoitdes  blef^- 
fures  conGdérables.  Les  foldats  étant  défar- 
raés  du  pi/w/Tz  ^  raettoientà  l'inflant  l'épée  à 
la  main  ,  &  ils  fe  jetoient  fur  l'ennemi  aveC' 
uneimpétuofité  d'autant  plus  heureufc ,  que 
fouvent  \ts  pilum  avoient  renverfé  fe^  pre-  • 
miers  rangs. 

Cet  ufàge  du  pilum  fe  trouve  démontré  » 
dans  les  commentaires  de  Céfar ,    &  fur-  • 
tout  dans  le  récit  de  la  bataille  de  Pharfale.  - 
«  n  nj    avoit,  dit -'il,  entre  les   deux 
Zzzzz  2. 


^i&  P  î  L 

7i  armées  qu'sumnt  d'efoaœ  qu'il  en  falloit 
yy  pour  le  choc.  Mais  Pompée  avoit  cora- 
>j  mandé  à  fes  gens  de  tenir  ferme  fans 
ï>  s'ébranler  ,  efpérant  par-là  de  faire  per- 
t)  dre  les  rangs  &  l'haleine  aux  nôtres  ,  & 
j)  rompant  leur  effort ,  rendre  le  pilum 
«  inutile. . . .  Lorfque  les  foldats  de  Céfar 
»  virent  que  les  autres  ne  bougeoient  point , 
99  ils  s'arrêtèrent  d'eux-mêmes  au  milieu  de 
«  la  carrière  ;  &  après  avoir  un  peu  repris 
«  haleine  ,  ils  lancèrent  le  pilum  en  cou- 
»  rant ,  puis  ils  mirent  l'épée  à  la  main  , 
y>  félon  l'ordre  de  Céfar.  Ceux  de  Pompée 
>}  ks  reçurent  fort  bien  ;  car  ils  foutinrent 
9}  le  choc  fans  branler ,  &  mirent  auflî  l'épée 
«  à  ia  main,  après  avoir  lancé  leur  pilum  «. 

La  pefanreur  du  pilum  ne  permettoit  pas 
«i«  le  lancer  ou  darder  de  loin.  On  laiflbit 
las  véiites  fatiguer  l'ennemi  par  leurs  jave- 
lots ,  avant  que  l'adion  fût  générale.  Les 
haflaires  &  les  princes  ne  fe  fervoient  du  pi~ 
Mim  que  quand  l'ennemi  étoit  afîèz  proche. 
lï)elà  ce  proverbe  de  Végece ,  pour  indiquer 
la  proximité  des  armées  ,  ad  pila  &  fpatas 
ventumefii  l'affaire  en  eft  venue  jufqu'aux 
files. 

La  pique  des  triaires*propre  pour  le  com- 
bat de  main  &  celui  de  pié  ferme ,  étoit 
plus  longue  ,  moins  grolîe ,  &  par  confé- 
quent  plus  aifée  à  manier  que  \t  pilum ,  dont 
on  ne  faifoit  plus  de  cas  lorfque  le  combat 
étoit  engagé  ;  les  hailaircs  même  &  les  prin- 
ces étoicnt  obligés  de  jeter  leur  pilum  fans 
en  faire  ufage  ,  quand  l'ennemi  étoit  trop 
près.  Céfar  raconte  o;^ ayant  tout  d'un  coup 
Its  ennemis  fur  le  corps  y  au  point  même 
de  n^apoirpas  ajfe\  d'efpacspour  lancer  les 
piles ,  les  foldats  furent  comraints  de  les 
jeter  à  terr€  pour  fejervir  de  Vépée.  Les 
rriaires  armés  de  la  pique  ,  attendoient  fou- 
vent  de  pié  ferme  le  choc  de  l'infanterie, 
comme  celui  de  la  cavalerie.  Suivant  Tite- 
Live,  ils  ne  quittoient  point  la  pique  dans 
la  mêlée  ;  ils  meurtrijfoient ,  dit-il ,  les 
pifages  des  Latins  avec  leurs  piques  ,  dont 
la  pointe  ai'oit  été  émouffée  dans  le  combat. 
On  pourroit  regarder  les  triaires  comme 
les  piquiers  d'autrefois  ;  il  y  avoit  pourtant 
des  occaiions  où  ils  abandonnoient  la  pique 
pour  fc  fervir  dî  l'épée,  qui  étoit  l'arme 
dans  laquelle  les  Romains  mcttoient  leur 
princip^e  confiance." 


P  I  M 

M.  le  maréchal  de  Saxe  ,  qui  avoit  conçu 
le  projet  de  mettre  l'infanterie  fur  le  pié  des 
légions  ,  propofe  pour  les  foldats  des  armes 
de  longueur  ,  ou  des  piques  mêlées  avec  les 
armes  à  feu  ,  comme  des  armes  équivalentes 
aux  pilum  ;  mais  on  ne  peut  douter  que 
l'arme  romaine  n'ait  été  tout-à-fait  diffé- 
rente de  la  pique  de  ce  général  ,  quant  à  la 
forme  &  aufervice.  Mémoires  militaires 
par  M.  Guichardt.  (  Q) 

PILUMNE,  f.  m.  {Mytholog.rom.) 
dieu  qui  paflbit  pour  l'inventeur  de  l'art  de 
broyer  ou  moudre  le  blé. 

PLMAR ,  PIEUMART ,  GRAND  PIC 
NOIR  ,  picus  maximus  niger ,  fubff.  m. 
(  Hif}.  nat.  Omit.  )  oifeau  qui  pefe  dix 
onces  &  demie;  il  a  un  pié  cinq  pouces  de 
longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à 
l'extrémité  de  la  queue ,  &  deux  pies  trois 
pouces  d'envergure  ;  le  bec  efl  fort  trian- 
gulaire ,  &  long  de  deux  pouces  &  demi  ; 
\ts  narines  ont  leurs  ouvertures  arrondies 
àC  couvertes  de  poils.  Cet  oifeau  eft  entiè- 
rement noir ,  à  l'exception  du  fbmmet  de 
la  tête ,  qui  a  une  belle  couleur  rouge  qui 
s'étend  jufqu'aux  narines.  Il  y  a  dix-neuf 
grandes  plumes  dans  chaque  aile  ;  la  pre- 
mière n'a  pas' plus  de  longueur  que  celle  du 
fécond  rang.  La  queue  n'efl  cômpofée  que 
de  dix  plumes  :  les  extérieures  font  très- 
courtes  ;  les  autres  ont  fuccefïivement  plus 
de  longueur  jufqu'à  celles  du  milieu  ,  qui 
font  plus  longues ,  &  qui  ont  jufqu'à  fept 
pouces  ;  toutes  ,  excepté  la  première ,  de 
chaque  côté  ,  font  pointues  ,  roides  &  cour- 
bées en  defTous.  Cet  oifeau  fe  fou  tient  par  le 
moyen  de  ^cs  plumes ,  en  grimpant  le  long 
des  arbres  ;  il  a  deux  doigts  dirigés  en  avant, 
&  deux  en  arrière.  Les  ongles  font  très- 
grands  ,  à  l'exception  de  celui  du  plus  petit 
doigt  de  derrière  ,  qui  efl  très-court.  "Wil- 
lughbi ,   Ornith.  Voyei^  OiSEAU. 

PIMBERAH,  {Wfi.  nat.)  Ceft  ainfi 
qu'on  nomme  dans  l'île  de  Ceylân  un  fer- 
pent  qui  efl  delà  grofTeur  d'un  homme  ,  & 
d'une  longueur  proportionnée  ;  il  vit  du 
bétail  &  des  bêtes  fauvages ,  &  quelquefois 
il  avale  un  chevreuil  tout  entier  ;  il  fe  cache 
dans  tes  routes  où  il  doit  pafTer ,  &  le  tue 
d'un  coup  d'une  efpece  de  cheville  ou  d'os 
dont  fa  queue  eft  armée. 

PIMENT,  f.  m.  (Botan.)  On  appelle 


P  I  M 

auffi  cette  plante  botrys  vulgaire  ;  mais  elle 
cil  connue  des  Botanifles  fous  le  nom  de 
chenopodium  ambrojîoïdes,  folio finuato  ^ 
J.R.H.RalhiJlor.  is6. 

Sa  racine  eft  petite  ,  blanche ,  perpen- 
diculaire ,  garnie  de  peu  de  fibres.  Sa  tige 
eft  haute  de  9  à  12.  pouces  ,  cylindrique, 
ferme ,  droite ,  velue ,  divifce  depuis  le 
bas  en  plufieurs  petits  rameaux  chargés  de 
feuilles  alternes.  Ses  feuilles  font  découpées 
profondément  des  deux  côtés ,  comme  celles 
du  chêne ,  rraverfées  de  grandes  veines 
ougeSjlorfqu'elles  commencent  à  pasoître, 
renfuite  pâles.  Ses  fleurs  font  petites  ,  gluan- 
tes ,  portées  en  grand  nombre  au  haut  des 
tiges  &  des  rameaux  ,  difpofëes  en  un 
long  bouquet  &  comme  en  épi. 

De  Taiflelle  de  chaque  petite  feuille  s'é- 
levent  de  petits  rameaux  chargés  de  petites 
fleurs  &  de  graines  ;  zt^  petits  rameaux , 
en  fe  divifant  ,  fe  partagent  toujours  en 
deux ,  &  chaque  angle  eft  garni  d'une 
petite  fleur  fans  pédicule.  A  la  naillânce 
des  petits  rameaux  les  fleurs  font  fans  péta- 
les ,  compofées  de  plufieurs  étamines  qui 
s'élèvent  d'un  calice  verd ,  découpé  en  plu- 
fleurs  quartiers.  Il  fuccede  à  chaque  fleur  une 
graine  femblable  à  celle  de  la  moutarde,  mais 
beaucoup  plus  petite,  &  renfermée  dans  une 
capfulc  qui  étoit  le  calice  de  la  fleur. 

Toute  cette  plante  eft  aromatique  & 
d'une  odeur  forte ,  mais  qui  n'eft  pas  dé- 
fagréable,  d'une  faveur  un  peu  acre  ,  aro- 
matique ,  &  enduite  d'un  mucilage  réfineux 
qui  tache  les  mains  quand  on  la  cueille. 
Elle  vient  d'elle-même  dans  les  pays  chauds, 
en  Languedoc ,  en  Provence  le  long  àts 
ruifleaux  &  At%  fontaines  ,  dans  les  lieux 
arides  &  fablonneux;  elle  croît  aifément 
dans  nos  Jardins ,  &  elle  eft  toute  d'ufage. 
Les  médecins  la  recommandent  beaucoup 
dans  les  fluxions  de  férofîtés  qui  fe  jettent 
fur  le  poumon  ,  dans  la  toux  catarreufe  , 
Tafthme  humide  ,  &  l'orthopnée  qui  vient 
de  la  même  caufe.  {D.  J.) 

PiMENT',  {Botan.)  plante  du  genre 
que  les  botaniftes  appellent  capjicum  :  celle- 
ci  en  eft  une  cfpece,  autrement  nommée 
poivre  d^Inde  ^  poivre  du  Bréjil ,  poivre 
de  Guinée.  Voye\  fa  defcription  fous  le  mot 
Poivre  de  Guinée  ,  Botan. 

Piment  de  la  Jamaïque  ,  {Hijînat, 


P  1  M 


9n 


des  drog.  exot.  )  c'eft  l'arbre  qui  donne  le 
poivre  de  la  Jamaïque  ;  ou  on  entend  aufll 
par  piment  les  poivres  même  de  cet  arbre. 
Kojq Poivre  de  la  Jamaïque. 

Piment  royal  ,  gale,  genre  de  plante 
dont  les  pies  qui  fleuriflent  ne  grainenc 
pas  ,  &  dont  les  pies  qui  grainent  ne 
fleuriffent  point;  ceux  qui  fleuriflènt  por- 
tent des  chatons  compofés  de  petites  feuilles 
difpofées  fur  un  pivot ,  creufées  ordinaire- 
ment en  baflîn  ,  &:  coupées  à  quatre  poin- 
tes ;  parmi  ces  feuilles  naiflent  les  étamines 
chargées  chacune  d'un  fommcî.  Les  fruits 
naiflent  fur  des  pies  différens  de  ceux-ci  , 
&  ces  fruits  font  des  grappes  chargées  de 
lemences.  Tournefort,  mémoires  de  l'acad. 
royale  des  fciences  ,  année  1  joS.  Voye\ 

Plante. 

Piment,  {Botan.)  voye^  Corail 
DE  Jardin. 

Piment  ,  (Diète  &  Mat.  m  éd.)  poivre. 
d'Inde  ou  de  Guinée  ,  corail  de  jardin. 

Cette  plante  croît  naturellement  en  Gui- 
née &  dans  le  Brefil.  On  la  cultive  en  abon- 
dance dans  lés  pays  chauds  ,  comme  en 
Efpagne  ,  en  Portugal ,  &  dans  les  pro- 
vinces méridionales  du  royaume.  Les  fruits 
ou  gouflcs  de  cette  plante  ont  une  faveur 
acre  &  brûlante  ,  fur-tout  dans  leur  état 
de  maturité ,  c'eft-à-dire  ,  lorfqi^elles  font 
devenues  rouges.  On  rapporte  cependant 
que  les  Indiens  les  mangent  dans  ce  dernier . 
état  fans  aucune  préparation  ;  ce  qui  eft  peu 
vraifemblable,  du  moins  fi  ces  fruits  ont  dans 
ces  climats  la  même  âcreté  que  dans  le  nôtre: 
car  on  ne  fauroit  mâcher  un  inftant  un  mor- 
ceau de  notre  piment ,  même  avant  la  ma- 
turité ,  fans  fe  mettre  la  bouche  en  feu  : 
nulle  habitude  ne  paroît  capable  de  faire  un 
aliment  innocent  d'uns  matière  auflî  aftive. 

Les  habitans  des  pays  de  l'Europe  où  on 
cultive  le  piment  ,  en  cueillent  les  goufles 
lorfqu'elies  font  encore  vertes  ,  &  qu'elles 
n'ont  pas  acquis  tout  leur  accroiflêment. 
Dans  cet  état  elles  font  encore  très-acres, 
&  fort  ameres  ,  mais  d'autant  moins  , 
qu'elles  font  moins  avancées.  Les  moins 
acres  ne  font  point  encore  mangeables  fans 
préparation  ,  &  peut-être  ra^me  font-elles 
naturellement  dangereuiès;  car  le  piment 
eft  delà  clafTe  dts  morelles  ,  dont  la  plu- 
part des  clpeces  font  vénéneufes  (  voye^ 


5^i8  PIM 

MORELLE  ) ,  &  dont  le  coYl'e&iÇ eu  î'a- 
cide  ,  comme  nous  l'avons  auffi  obfervé  à 
eet  article. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  on  prépare  les  goufles 
vertes  de  piment  pour  l'ufage  de  la  table  , 
en  les  faifànt  macérer  pendant  un  mois  au 
moins  dans  de  fort  vinaigre  ,  après  les  avoir 
ouvertes  par  une  ou  pluiieurs  incifions  pro- 
fondes. 

On  les  mange  communément  en  falade 
avec  l'huile  &  le  fel  ,  après  en  avoir  féparé 
par  une  forte  exprelïlon ,  le  plus  de  vinai- 
gre qu'il  eu  poflible.  On  a  coutume  a  y 
ajouter  du  perfil  &  de  l'ail  hachés  :  c'ell-là 
un  mets  fort  appétifîànt,  point  mal-fain, 
&  fort  ufité  dans  les  provinces  méridionales 
du  royaume  ,  mais  feulement  parmi  les 
paylàns ,  les  gens  du  peuple ,  &  les  fujets 
les  plus  vigoureux  &  les  plus  exercés  de 
tout  état ,  tels  que  les  chaiîeurs  ,  Ùc.  Le 
piment  ell  très-peu  alimenteux;  il  ne  fert, 
comme  on  parle  vulgairement ,  qu*d  faire 
manger  le  pain.  Il  convient  très-fort  aux 
perfonncs  dont  nous  venons  de  parler  ,  aux 
gens  forts  &  vigoureux  ,  &  fur-tout  dans 
les  climats  chauds ,  &  pendant  les  plus 
grandes  chaleurs ,  comme  réllllant  effica- 
cement au  relâchement ,  à  l'afFaiflement , 
:i  la  laffitude  que  le  grand  chaud  procure 
( rqyf^ Climat  ,  Méd)\  les  fujets  dé- 
licats ne  Croient  s'en  accommoder  ,  le 
piment  les  mettroit  en  feu;  il  irriteroit 
d'une  manière  dangereufe  les  eftoraacs  fen- 
libles. 

On  ne  fe  fert  point  du  piment  à  titre  de 
rémede  ;  on  pourroit  cependant  en  efpé- 
rer  de  très-bons  efFets  contrç  les  digeftions 
languifTantes  ,  l'état  de  l'eflomac  vraiment 
relâché ,  perdu  :  il  paroît  très-capable  de 
réveiller  puiflamment  le  jeu  de  cet  or- 
gane. (  h  ) 

Piment  ,  f.  m.  (  fiifl.  desmod.  )  forte 
de  liqueur  dont  on  faifoit  autrefois  ufage 
en  France  ,  ainfi.  que  du  clairet  &  de  i'hy- 
pocras.  Les  ftatuts  de  Clugni  nous  appren- 
nent ce  que  c'étoit  que  le  piment,  Statu- 
tum  efl  ut  ab  omni  mellis ,  ac  efpecierum 
(épices)  cumvinoconfecîione  y  quodvulgari 
nomine  pigmentum  vocatur  fratres  abfii- 
néant.  C'étoit  donc  un  breuvage  compofé  de 
vin ,  de  miel  &  d'épices.  Dans  les  feftins  de 
lachevalqricjles  écuyers  fervoiemlcs  épi-» 


P  I  M 

ces ,  les  dragées ,  le  clairet ,  l'hypocras ,  le 
vin  cuit,  le  piment ,  &  ks  autres  boiflbns  qui 
terminoient  toujours  Jes  feflins  ,  &  que  l'on 
prenoit  encore  en  fc  mettant  au  lit  ;  ce  que 
l'on  appelloit  le  vin  du  coucher.  {D.  J.) 

PIMENTADE  ,  f.  f.  terme  de  relation  , 
nom  d'une  fauce  dont  les  Infulaires  fe  fer- 
vent pour  toutes  fortes  de  mets.  Elle  tire 
ce  nom  du  piment  des  îles ,  parce  qu'il 
en  fait  la  principale  partie.  On  l'écrafe 
dans  le  fuc  de  manioc  qu'on  fait  bouillir  ,  ou 
dans  de  la  faumure  avec  de  petits  citrons 
verds.  La  pimentade  ne  fert  pas  feulement 
pour  aiguifer  les  fauces,  on  l'emploie  auffi 
à  laver  les  nègres  que  l'on  a  écorchés  Â 
coups  de  fouet.  C'efl  un  double  mal  qu'on 
leur  caufe  y  dans  l'idée  d'empêcher  la  gan- 
grené des  plaies  qu'on  leur  a  faites  par  une 
première  inhumanité. 

PLMIENTA  ,  f  f.  (  Botan.  )  nom  que 
donnent  les  Anglois  au  poivrier  de  la 
Jamaïque.  Voyex  F OIYKE  delà  Jamaïque. 

PIMPILENI  ou  PEPELI ,  f.  m.  (  Hifi. 
nat.  )  noms  qu'on  donne  à  Bengale  au  poi- 
vre-long.   Voye\  PoiVRE. 

PIMPINICHI ,  (  Botan.  exet.  )  petit 
arbre  des  Indes  qui  a  la  figure  d'un  pom- 
mier ,  &  dont  parle  Monard  dans  fon 
hifioire  des  fimples  de  V Amérique.  On  fait 
à  cet  arbrifTeau  àts  incifions  par  lefquelles  il 
répand  un  fuc  vifqueux ,  blanc  &  laiteux.  Ce 
fuc  efl  un  violent  purgatif  dont  on  fefert  pour 
évacuer  la  bile  &  les  férofités  :  on  en  met 
dix  ou  douze  g.outtes  dans  un  verre  de  vin  ; 
&  fi  l'opération  efl  trop  violente ,  oh 
l'arrête  en  prenant  quelque  liqueur  adou- 
cilTante. 

PIMPLA ,  (  Géogr.  anc.  )  Pimpleius 
ou  Pimpleus  ;  montagne  de  Béotie  voifine 
de  l'Hélicon  ,  &  confacrée ,  auffi-bien  que 
ce  mont  célèbre,  aux  divines  mufes  ;  ce  qui 
fait  qu'Horace  ,  lib.  I.  ode  xxvj  y  en  s'a- 
drcfîânt  àfamulè ,  l'appelle  Pi/n/>/ea  dulcis;  ■ 
&  c'eft  ce  qui  fait  dire  à  Catulle  ,  carm. 
zo^.  PimpLeumfcandere montem.  Ce  n'efl 
donc  point  d'une  fontaine  de  Macédoine , 
comme  l'a  cru  Feflus ,  mais  du  montP/'/w- 
play  que  les  mufes  ont  été  furnomméesr 
PimpUides.  Je  fuis  toujours  confondu  de 
voir  les  Béotiens  décriés  pour  les  peuples 
les  plus  greffiers  de  toute  la  Grèce  ,  tandis 


P  I  M 

que  c  eft  en  Béotie  que  fe  trouvent  les  lieux 
où  la  mythologie  place  le  féjour  des  Mules. 
C'ell  en  Béotie  qu'étoient  lés  fontaines 
d'Aganipe  ,  d'Aréthufe  ,  de  Dircé  &  d'Hip- 
pocrene  ,  tant  chantées  dans  les  écrits  des 
poètes.  Les  Turcs  ignorent  tout  cela  ;  à 
peine  favent-ils  que  leur  Livadie  renferme 
l'Etolie  ,  la  Doride  ,  la  Phocide  ,  l'Attique , 
&  la  Béotie  des  anciens. 

PIMPLEES ,  {Littérat.)  ou  Pimpléides , 
ou  Pimpléiades  ,  iurnom  des  Mufes.  Stra- 
bon  dit  que  Pimplée  étoit  le  nom  d'une 
ville  ,  d'une  fontaine  &  d'une  montagne 
de  Macédoine.  Les  Thraces  le  tranfporte- 
rent  à  une  fontaine  de  Béotie  ,  qu'ils 
confacrerentaux  Mufes  ;  &  delà  elles  furent 
nommées  Pimplées  par  les  poètes.  {D.  J.) 

PLMPLENOSE  ,  (  Hi^.  nat.  Botan.  ) 
c'eft  le  nom  que  les  Anglois  donnent  à  un 
fruit  des  Indes  orientales  de  la  grofîeur  du 
citron ,  dont  l'écorcc  eft  épaifle ,  tendre  & 
remplie  d'inégalités  :  ce  mot  fignifîe  ne:^ 
bourgeonné.  Cette  écorce  renferme  une 
grande  quantité  de  graines  de  la  groffeur 
d'un  grain  d'orge  &  remplies  de  jus  ;  le 
goût  en  eft  très- agréable  y  fur-tout  celui 
du  fruit  qui  croît  dans  l'île  de  Sumatra. 

PIMPOU  ,  f.  m.  (  Hifl.  mod.  )  tribunal 
de  la  Chine  ,  où  les  affifires  qui  concernent 
les  troupes   font  portées. 

PLMPRENELLE ,  f  f.  {Hifl.  nat.  Bot.) 
pimpinella  ;  genre  de  plante  à  fleur  mono- 
pétale ,  en  forme  de  rofette,  &  divifée 
jufqu'au  centre  en  quatre  parties.  Cette  fleur 
â  plufieurs  étamines  ,  ou  un  piflil  frange. 
Le  cahce  devient  dans  la  fuite  un  fruit ,  le 
plus  fouvent  quadrangulaire  &  pointu  aux 
deux  bouts ,  qui  a  tantôt  une  feule  capfule 
&  tantôt  deux  ,  &  qui  renferme  àts  fe- 
mencQs  prefque  toujours  oblongues.  Tour- 
nefort ,  infi.  rei.  herb.  F'oj'é';^  PLANTE. 

Tournefort  établit  douze  efpeces  de  ce 
genre  de  plante.  La  plus  commune  eft  celle 
qui  eft  nommée  pimpinella  fanguiforba  y 
minor  y  hirfuta  &  leyis  y  par  C.  B.  P.  i6o, 
&  dans  les  I.R.  H.  /  57  ,  en  anglois  ,  the 
common  pimpernell  y  called  Burnedfaxi- 

Sa  racine  eft  ronde  ,  longue  ,  grêle  , 
divifée  en  plufieurs  branches  rougeân'es  , 
entre  lefquelles  on  trouve  quelquefois  de 
petits  grains  rouges.  Elle  poulîè    plufieurs 


P  I  M  51^ 

tiges  à  la  hauteur  de  plus  d'un  pic  ,  rou- 
geâtres  y  anguleufes  ,  rameufes  ,  garnies 
d'un  bout  à  l'autre  de  feuilles  qui  font 
arrondies ,  dentelées  en  leurs  bords  ,  ran- 
gées comme  par  paires  le  long  d'une  côte 
grêle  ,  rougeatre  &  velue.  Ces  tiges  fou- 
tiennent  en  leur  fommet  des  tctes  rondes 
comme  en  peloton ,  garnies  de  petites 
fleurs  purpurines  formées  en  rofette  ,  à 
quatre  quartiers  ,  ayant  en  leur  milieu  une 
touffe  de  longues  étamines. 

Ces  fleurs  font  de  deux  fortes  ;  \ts  unes 
ftériles  qui  ont  un  paquet  d'étamines  ,  \ts 
autres  fertiles  qui  ont  un  piftil.  Quand  les 
fleurs  fertiles  font  paflees  ,  il  leur  fuccede 
des  fruits  à  quatre  angles  ,  ordinairement 
pointus  par  les  deux  bouts  ,  de  couleur 
cendrée  dans  leur  maturité.  Ils  contiennent 
quelques  femences  oblongues ,  menues  , 
d'un  brun  roufsâtre  ,  d'une  faveur  aftrin- 
gente  &  un  peu  amere ,  &  d'une  odeur 
forte  qui  n'eft  pas  défagréable. 

Cette  plante  croît  naturellement  en  des 
lieux  incultes ,  fur  les  montagnes ,  [qs 
collines  &  dans  les  pâturages  ;  on  la  cul- 
tive dans  les  jardins  potagers ,  &  elle  eft 
fort  en  ufage  dans  les  falades.  Elle  fleurit 
en  graine  aux  mois  de  juin  &  de  juillet , 
&  eft  très-vivace.  {D.  J.) 

PiMPRENELLE  ,  (  Mat.  méd.  )  Cent 
plante  tient  un  rang  diftingué  parmi  les 
remèdes  altérans.  Elle  eft  regardée  comme 
propre  à  purifier  le  fang ,  à  en  réfoudre 
les  arrêts  légers  ,  à  donner  du  reflbrt  aux 
parties  ,  &  à  préferver  des  maladies  con- 
tagieufes  &  même  de  la  rage,  ^c.  On 
ordonne  fréquemment  les  feuilles  de  cette 
plante  avec  d'autres  fubftances  végétales  , 
analogues  ,  dans  les  bouillons  &  les  apo- 
zemcs  appelles  apéritifs  ;  &  il  paroît  que 
fon  extrait  peut  concourir  en  effet  au  très- 
léger  effet  médicamenteux  de  ces  fortes  de 
remèdes.  On  compte  aufl]  .communément 
pour  quelque  chofe  ,  dans  l'eftimarion  de 
Ion  aétion  m.édicinale  ,  un  principe  odorant 
très-foible  dont  elle  eft  powvue.  Mais  ce 
principe  eft  en  et^Fèt  trop  foible  pour  qu'on 
puiffe  compter  lur  fon  influence  ,  &  fur- 
tout  lorfque  la  plante  a  efîijyéla  décoclion^ 
veyeT^  DÉCOCTION.  Ce  parfum  léger  1q 
rend  pourtant  très-fenfiblc  lorlque  ,  ielor» 
un  ufage  fort  connu,    ea,    fait  intuièi  à 


^lo  PIN 

froid  quelques  feuilles  de  cette  plante  dans 
du  vin  ;  mais  il  n'eft  p^îs  permis  de  croire 
que  le  vin  chargé  de  ce  principe  ,  &  d'une 
quantité  infiniment  petite  d'extrait ,  ait 
"acquis  une  vertu  apéritive  &  diurétique  ; 
car  la  vertu  diurétique  eft  une  de  celles 
qu'on  a  attribuées  à  la  pimprenelle. 

Une  autre  qualité  pour  laquelle  on  l'a 
beaucoup  célébrée  encore  ,  &  qui  lui  a 
mérité  l'épithete  de  fanguiforba  ^  c'efl-à- 
dire,  capable  de  repomper  ou  d'étancher 
le  fang^  c'eil  fa  prétendue  efficacité  pour 
arrêter  les  hémorrhagies  :  je  dis  prétendue , 
fans  penfer  à  rejeter  le  témoignage  des 
auteurs  qui  la  lui  ont  attribuée  ,  &  pour 
exprimer  feulement  que  cette  propriété 
n'eft  point  conflatée  par  àcs  effets  journa- 
liers ,   par  l'ufage. 

Les  feuilles  de  pimprenelle  entrent  dans 
le  firop  de  guimauve  compofé  ,  appelle 
de  ibijco  ;  dans  le  firop  de  guimauve  de 
Fcrnel  ;  dans  le  mondificatif  d'ache  ;  dans 
l'emplâtre  de  bétoine  ,  Ùc.  {b) 

Pimprenelle  BLANCHE, (iWa^m/i/.) 
Pimprenelle-Saxifrage  ,BoUQUE- 

TINE  ou  BOUCACE,  GRANDE  ^  PETITE. 
Voyei  BoUCACE. 

PIN ,  f.  m,  piniis  y  i }  { terme  de  Blaf.  ) 
arbre  qui  fe  difîingue  dans  l'écu  par  fa  tige 
droite  ,  unie  ,  fes  branches  écartées  ,  ainfi 
que  par  fon  fruit  nommé  pommes  de  pin. 

Les  anciens  fè  fervoient  du  pin  pour 
conflruire  les  bûchers  ^qs  vidimes  qu'ils 
ofFroient  dans  les  facrifices. 

Silvain  ,  dieu  des  forêts  ,  fous  la  forme 
d'un  fatyre  ,  eft  quelquefois  repréfcnté 
tenant  un  rameau  de  pin. 

Le  Bouexier  de  la  Chapelle  ,  de  Pe- 
nieuc  ,  en  Bretagne  ;  d'argent  à  trois  pins 
de  finopîe. 

De  Budes  de  Guebriant  ,  de  Terre- 
jouan  ,  proche  Saint-Brieux  ,  en  Bretagne  ; 
d'or  au  pin  definople  fruité  du  champ  ,• 
le  fût  de  l'arbre  accoté  de  deux  fleurs  de 
lis  de  gueules. 

Jean  de  Budes  ,  comte  de  Guebriant , 
s'eft  rendu  recommandable  par  fes  exploits 
militaires ,  cntr'autres  par  la  mémorable 
vidoire  qu'il  remporta  fur  les  impériaux  le 
17  janvier  164.2  à  Kempen  ,  où  il  battit 
les  généraux  Lamboi  &  Merci ,  &  les  fit 
prifonniers   de   guerre  j    cette   vidoire   Iç 


PIN 

rendit  maître  de  l'éledorat  (Je  Cologne.' 
Louis  XIII  le  récompenfa  de  fes  importans 
fervices  ,  en  le  faifant  maréchal  de  France. 
(  G.  D.  L.  T,  ) 

Pin  ,  f.  m.  (  Hifl.  nat.  Bot.  )  pinus  ; 
genre  de  plante  à  fleur  en  chaton ,  com- 
pofée  de  plufieurs  étamines.  Cette  fleur 
efl  ftérile  :  l'embryon  naît  féparément  de 
la  fleur ,  &  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
compofé  de  feuilles  en  forme  d'écaillés , 
qui  ont  deux  foffes.  On  trouve  entre  ce& 
feuilles  deux  coques  ofTeufes ,  ou  noyaux 
fouvent  ailés ,  qui  renferment  une  amande 
oblongue.  Ajoutez  aux  caraderes  de  ce 
genre,  que  les  feuilles  naiffent  par  paires  ^ 
&  qu'elles  fbrtent  de  la  même  gaine. 
Tournefort,  infl.  rei.  herb.   V.  PLANTE. 

Pin,  (  Jardinage.  )  /7/>z«j- ,  grand  arbre 
toujours  verd ,  qui  fe  trouve  en  Europe 
&  dans  l'Amérique  feptentrionale.  On  con-» 
noît  plus  de  vingt  cli^eces  de  pins,  qui 
ont  entr'elles  des  différences  fi  variées» 
qu'il  n'efl  guère  poflible  d'en  donner  une 
idée  sxxrt  &  fatisfaifante  par  une  defcrip- 
tion  générale  :  il  fera  plus  convenable  de 
traiter  de  chacune  en  particulier-  On  les 
diflingue  en  trois  claffes  relativement  au 
nombre  des  feuilles  qui  fortent  enfemble 
d'une  gaîne  commune  ;  c'efl  ce  qui  les  a 
fait  nommer  pin  à  deux  feuilles  y  pin  â 
trois  feuilles  y  &  pin  d  cinq  feuilles. 

1.  Pin  à  deux  feuilles.  Le  pin  fauvagc 
ou  pin  de  Genève  y  devient  un  grand 
arbre  fort  branchu ,  dont  le  tronc  efl 
court  &  fouvent  tortueux  ;  Çqs  racines 
s'étendent  beaucoup  plus  qu'elles  ne  s'en- 
foncent ;  fon  écorce  qui  efl  grife  dans  la 
première  jeuneffe  de  l'arbre  ,  devient  rou- 
geâtre  à  mefure  qu'il  avance  en  âge  ;  fes 
feuilles  font  fermes  ,  piquantes  ,  filamen- 
teufes  &  d'un  pouce  ou  deux  de  longueur  ; 
leur  verdure  eff  agréable  &  uniforme  ;  Çts 
fleurs  mâles  ou  chatons  s'épanouiffent  ai^ 
mois  de  mai  ;  fes  cdncs  commencent  à 
paroître  dans  le  même  temps  ,  mais  ils  ne 
mûrifîènt  qu'après  le  fécond  hiver  ;  ils  ont 
environ  un  pouce  de  diamètre  au  gros  bout 
fur  deux  à  trois  de  longueur  ;  ils  font 
pointus ,  &  leurs  écailles  font  relevées 
d'éminences  faillantes  &  recourbées  vers  la 
bafe  ,  qui  le  rendent    rude  au  toucher. 

Cet  arbre  vient  aifément  de  graine  jetée 

au 


PI  N 

au  hafiird  ,  il  croît  afièz  promptement 
même  dans  des  lieux  incultes  ;  il  ne  fe 
lefufe  à  aucun  cerrain  ,  quelqu'ingrat  qu'il 
foit  ,  &  il  ne  faut  ni  foins  ni  précautions 
pour  le  multiplier  ,  ni  aucune  culture  pour 
rélever.  Il  fe  plaît  dans  les  lieux  froids  , 
fur  les  montagnes  &  à  l'expofit ion  du  nord } 
il  réufTit  dans  les  terrains  (écs  &  légers , 
pauvres  &  fuperficiels  5  il  ne  fe  refufe  ni 
au  iàblc  le  plus  ftérile ,  ni  à  la  craie  la 
plus  vive  i  il  profite  également  dans  la 
terre  forte  &  hvjiaide  ,  comme  dans  la 
glaife  la  plus  dure  ;  enfin  il  vient  par- 
tout où  le  terrain  peur  avoir  trois  pouces 
d'épaifleur.  Cet  arbre  ne  craint  point 
les  vapeurs  falines  de  la  mer  ,  il  réfifte 
à  rimpétuofîté  des  vents  ôc  il  s'accom- 
mode de  tous  les  climats  de  l'Europe  , 
où  on  le  trouve  juiqu^aux  extrémités  de 
Ja  Laponie. 

Le  pin  de  Genève  eft  peut  -  être  le 
plus  fauvage  ,  le  plus  robufte  ,  le  plus 
agrefte  &  le  plus  vivacc  de  tous  les  arbres  ; 
il  ne  craint  ni  le  froid  ,  ni  le  chau(i  ,  ni 
la  fécherefle.  J'ai  tenu  pendant  cinq  ans 
un  pin  de  cette  ,  efpece  dans  un  pot  de 
f\\  pouces  de  diamètre  '•,  je  l'ai  toujours 
laiiïe  au  grand  air  fans  le  ferrer  pendant 
l'hiver  ,  ni  l'arroler  dans  les  plus  grandes 
fécliere'Tes  ;  il  a  bravé  toutes  les  vicifTî- 
tudes  des  faifons'  ;  6c  malgré  la  petirefle 
du  vafe  qui  le  contenoit  ,  il  s'eft  élevé  à 
quatre  pies  ;  mais  comme  fes  racines  for- 
toicnt  du  pot  ,  je  le  fis  (ranfplanter  il  y 
a'  dix  ans  dans  un  lieu  inculte  contre  un 
rocher  où  il  eli  plein  de  vie  ,  &  où  il  fait 
autant  de  progrès  que  s'il  y  étoit  venu  de 
fèmence. 

On  ne  peur  multiplier  cet  arbre  qu'en 
fèmant  fes  graines  après  les  avoir  tirées 
des  cônes  ;  on  doit  être  afluré  de  leur 
maturité  ,  lorfque  leur  couleur  verte  efl 
devenue  roulsâtre  ,  ce  qui  arrive  dans  le 
mois  de  février  qui  eft  le  temps  propre  à 
les  cueillir  ;  car  dès  que  le  haie  de  mars 
fe  fait  ientir  ,  les  cônes  s'ouvrent  &  les 
graines  font  bientôt  difper^ées  par  le  vent. 
On  peut  conferver  pendant  deux  ou  trois 
ans  les  cônes  fans  qu'ils  s'ouvrent ,  en  lej 
tenant  dans  un  lieu  frais  ,  mais  exempt 
d'humidité  ;  8c  quand  on  a  tiré  la  graine 
des  cônes  ,  elle  garde  encoje  très-long- 
Tome  XX  F. 


PIN  ^11 

temps  fa  vertu  produdrice.  J'en  ai  fait 
un  effai  remarquable  ;  j'ai  femé  tous  les 
ans  des  graines  de  cet  arbre  qui  a  voient 
été  recueillies  au  mois  de  février  1757, 
&  qu'on  avoir  envoyées  de  Genève  éplu- 
chées &  tirées  des  cônes  ;  elles  ont  levé 
conftamment  pendant  dix  -  huit  ans  ,  & 
depuis  ce  temps  il  n'en  a  levé  aucune 
pendant  cinq  ans  que  j'ai  continué  d'en 
îèmer  \  mais  il  eft  vrai  que  le  femis  des 
cinq  ou  fix  dernières  années  a  peu-à-peu 
diminué  deprodu<flion,aupoint  qu'à  la  fin 
il  n'a  pas  levé  la  vingtième  des  graines.  Pour 
les  tirer  des  cônes  ,  il  n'y  a  qu'à  les  expofer 
au  foleii  ou  devant  le  feu  ,  pour  les  faire 
ouvrir. 

Pour  femer  ces  graines ,  il  faut  aux  petits 
femis  un  procédé  bien  différent  des  grands 
femis  ;  fî  l'on  ne  veut  avoir  qu'un  nombre 
médiocre  de  plants  ,  il  faudra  femer  dans 
des  terrines  ou  des  caifles  plate»  ,  parce 
qu'il  y  a  trop  d'inconvéniens  à  femer  en 
pleine  terre  ;  ce  n'eft  pas  que  les  graines 
nepuiflènt  très-bien  lever  de  cette  façon, 
mais  les  intempéries  de  Thiver  ,  &  fur- 
tout  le  hâle  du  printemps  qui  eft  le  fléau 
des  arbres  toujours  verds  dans  leurprcmiere 
jeunetle,  détruifent  prefque  tout.  On  gar- 
nira le  fond  des  cailles  ou  terrines  d'un 
pouce  d'épaifïeur  de  fable  ou  vieux  décom- 
bres ;  cnfuite  on  les  emplira  jufqu'à  un 
pouce  du  bord  de  bonne  terre  quelcon- 
que ,  pourvu  qu'elle  foit  fraîche  &  bien 
meuble  ;  puis  on  y  mettra  un  demi-pouce 
d'cpaiftèur  de  terreau  bien  confommé  Ôc 
paflé  dans  un  crible  très- fin  ,  après  quoi 
on  répandra  la  graine  pardefTus  ,  &  enfin 
on  la  couvrira  d'un  demi-pouce  du  même 
terreau. 

Le  printemps  eft  la  feule  faifon  conve- 
nable pour  femer  la  graine  de  pin  ;  on 
peur  s'y  prendre  dès  le  commencement  de 
mars  ,  &  il  feroit  encore  temps  au  20  de 
mai  ;  cependant  le  mois  d'avril  eft  le  temps 
le  plus  affuré. 

Mais  fi  l'on  veut  faire  de  grands  femis 
pour  former  des  cantons  de  bois  de  cet 
arbre  ,  il  faut  s'y  prendre  de  toute  autre 
façon.  Qumtité  de  gens  out  tenté  diffé- 
rens  moyens  pour  le  faire  avec  fuccès  , 
mais  les  foins  de  culture  &  les  procédés 
les  plus  recherchés  n'ont  nullement  fcrvi 
Aaaaaa 


911  PIN 

à  remplir  leur  objet  ;  quand  on  veut  tra- 
vailler en  grand  dans  l'agriculture  ,  ce 
<5u'il  y  a  de  mieux  à  faire  ,  c'eft  d'imiter 
la  nature  le  plus  près  qu'il  ert  pofîible  :  on 
s'eft  avifé  de  ne  point  épargner  la  graine 
&  de  la  femer  avec  profufion  fur  les  terres 
incultes  ,  dans  l'herbe  &  les  fougères  , 
parmi  les  genévriers ,  les  joncs ,  les  bruyè- 
res ,  ùc.  cette  opération  toute  fîmplc  qu'elle 
eft ,  a  prefque  toujours  été  fuivie  par-tout 
du  plus  grand  fuccès  \  il  eft  vrai  que  les 
plants  ne  paroîtront  que  la  troifieme  année, 
mais  bientôt  ils  s'empareront  du  terrain  , 
ils  étoufferont  les  builîôns  qui  l'occupoient , 
&  ils  feront  des  progrès  qui  dédommage- 
ront de  Pattente.  Si  cependant  on  fe  dé- 
termine à  femer  de  grands  cantons  avec 
plus  de  précifîon  ,  on  fera  f^ire  avec  la 
charrue  des  filions  diftans  de  trois  à  quatre 
pies  ;  &  après  y  avoir  répandu  la  graine  , 
on  "la  ftra  recouvrir  légèrement  avec  la 
proche  à  main  d^homme  ,  d'un  pouce 
d'épaifleur  de  terre  ou  environ  :  il  arrivera 
encore  fouvent  que  les  graines  ne  lève- 
ront qu'à  la  troifieme  année  pour  la  plu- 
part ^  ainfî  beaucoup  de  patience  &  nulle 
culture. 

Cet  arbre  dans  fà  première  jeuneflè 
réufïit  à  la  tranfplantation  avec  une  faci- 
lité admirable  ;  mais  à  moins  qu'on  ne  les 
enlevé  avec  la  motte ,  il  ne  faut  pas  que 
les  plants  aient  plus  de  deux  à  trois  ans  ; 
à  cet  âge  on  pourra  les  mettre  avec  afTu- 
rance  dans  des  terrains  pauvres  ,  incultes 
&  fuperfîciels  au  point  de  n'avoir  que  trois 
pouces  de  fond  :  il  fuffira  de  les  planter 
à  4  ,  5  ou  6  pies  de  diftance  ,  .dans  de 
|>etits  trous  faits  avec  la  pioche  ,  fans  qu'il 
foit  befoin  d'y  toucher  enfuite  ,  que  pour 
commencer  à  les  élaguer  à  l'âge  de  5  ou  6 
ans.  Cette  opération  favorife  leur  accroif- 
fcment ,  mais  il  ne  fiut  la  faire  que  peu- 
à-peu  &  avec  beaucoup  de  ménagement. 
Le  mois  d'avril  eft  le  temps  propre  à  cette 
tranfplantation  ,  après  que  les  haies  font 
pafTés  ,  &  avant  que  les  jeunes  plants 
commencent  à  poufîcr  :  cet  arbre  s'élève 
a  1 5  pies  en  dix  ans  dans  un  terrain  cul- 
tivé ;  &  des  cantons  formés  en  bois  avec 
de  jeunes  plants  de  trois  ans ,  fe  font 
élevés  en  n  ans  à  la  hauteur  cornmune 
de  2j  pies  dans  un  terrain  ftérile ,  inculte 


PIN 

&  fablonneux  ,  qui  n'a  que  trois  ou  quatre 
pouces  de  profondeur.  Il  y  a  une  forte 
d'avantage  à  ne  former  que  de  petits  can- 
tons de  cet  arbre  ;  comme  fa  graine  eft: 
fort  légère  ,  le  vent  la  difperfe  ,  &:  en 
vingt  ans  le  canton  fe  trouve  triplé  :  il  eft 
vrai  que  la  venue  n'eft  pas  égale  pour  la 
hiurcur ,  mais  elle  eft  bien  plus  confîdé- 
rable  pour  la  quantité.  Le  pin  n'eft  fujet 
à  aucun  inleéle  ,  &  quoiqu'il  foit  cxpofé 
au  parcours  du  gros  &  menu  bétail  ,  il  n'en 
reçoit  aucun  préjudice  lHoit  que  fon  odeur 
réfineufe  les  écarte  ,  ou  que  la  pointe  des 
feuilles  foit  un  obftacle  à  les  brouter.  Cet 
arbre  craint  le  fumier  ,  &  après  qu'il  a  été 
coupé  j  fa  fouche  ne  repoulfe  point. 

2.  Le  pin  d'EcoJfe.  C'eft  aufli  un  pin 
fauvage  qui  approche  beaucoup  du  pin  de 
Genève  ,  dont  il  diffère  pourtant  en  ce  que 
fes  feuilles  font  plus  courtes ,  plus  étroites 
&  d'un  verd  plus  blanchâtre  :  les  cônes 
font  moins  gras  ,  moins  roux  ,  &  leurs 
éminences  moins  faillantes  ;  Parbre  fait 
une  tige  plus  droite  &  il  prend  plus 
d'élévation  :  au  furplus  on  le  multiplie 
èc  on  Péleve  de  la  même  façon.  Ses  qua- 
lités font  aufTi  les  mêmes ,  &  on  en  peut 
tirer  pour  le  moins  autant  de  fervice  &c 
d\itilité. 

3 .  Le  franc-pin  ,  ou  le  pin  piguier.  On 
cultive  beaucoup  cette  efpece  de  pin  en 
Italie  ,  en  Efpagne  &c  dans  les  provinces 
méridionales  du  royaume.  C'eft  un  bel 
arbre  fort  touffu  qui  s'étend  plus  qu'il  ne 
s'élève  ;  fes  feuilles  ont  fix  pouces  de  lon- 
gueur ou  environ  ,  elles  font  dures ,  épaifles 
&  d'un  beau  verd  ;  &  lorfqu'il  fe  trouve 
dans  un  lieu  fpacieux  ,  fes  branches  retom- 
bent jufqu'à  terre  ;  fa  tête  prend  naturel- 
lement la  forme  d''une  pyramide  écrafée  , 
&  toujours  peu  d'élévation  ;  fes  cônes  font 
courts  ,  obtus  &  fort  gros  ;  ils  ont  4  à  j 
pouces  de  longueur  ,  fur  3  ou  4  de  dia- 
mètre :  on  nomme  pignons  les  graines  qui 
y  font  renfermées  fous  des  écailles  très- 
dures  5  ces  pignons  qui  font  de  figure  ovale 
&  de  la  grofïèur'  d'une  noKette  ,  renfer- 
ment une  amande  bonne  à  manger  dont 
on  peut  faire  le  même  ufage  que  des  pif- 
taches.  Les  cônes  font  en  maturité  dans 
les  pays  chauds  dès  le  mois  de  feptembre  , 
ils  s'ouvrent  deux  mois  après  j  ôc  les  pignons 


P  I  N 

tombent  d'eux  -  mêmes.  Le  franc-fm  fe 
plaît  dans  les  climats  chauds  ,  cependant 
il  peut  réufTîr  dans  la  partie  fcptentrionale 
de  ce  royaume  ;  il  n'y  paroît  délicat  que 
dans  fa  jeunefle.  On  voit  d'aflèz  beaux 
arbres  de  cette  cfpece  au  jardin  du  roi  , 
à  Paris  ,  où  ils  ont  rcfîfté  à  de  fort  grands 
hivers.  Ce  n'eO;  donc  que  dans  les  pre- 
mières années  de  l'éducation  de  cet  arbre  , 
qu'il  £iur  prendre  quelques  précautions  pour 
le  garantir  des  fortes  gelées  ;  on  ne  peut 
le  multiplier  qu'en  femant  Tes  pignons  : 
on  pourroit  le  faire  en  plein  air  dans  une 
plate-bande ,  contre  un  mur  bien  expofé  \ 
on  les  a  fouvcnt  fauves  du  froid  au  moyen 
de  quelque  abri  durant  l!hiver  \  mais  il  fera 
plus  sûr  de  les  femer  dans  des  terrines  ou 
des  caifl'es  plates  ,  dans  le  temps  &  de 
k  même  façon  qu'on  Pa  dit  pour  le  pin 
fauvage  ;  mais  les  graines  ne  lèveront 
qu'au  bout  de  fix  femaines  environ  ,  fi 
on  les  y  a  difpofécs  par  de  fréquens  arro- 
femens  dans  les  temps  de  féchtrefle  ;  parce 
que  la  coquille  des  pignons  étant  dure  , 
ejle  ne  s'ouvre  qu'à  la  faveur  d'une  humi- 
dité fuivie  ,  fans  quoi  ils  ne  leveroient 
qu'au  bout  de  3  ou  4  mois  ;  on  évite 
encore  mieux  cet  inconvénient ,  en  fàifant 
tremper  les  pignons  fept  ou  huit  jours  avant 
de  les  femer.  Au  furplus ,  même  temps , 
mêmes  foins  &  mêmes  arrangemens  à  ob- 
ferver  pour  la  tranfplantation  de  CQi  arbre  , 
qui  fe  plaît  fur  les  collines  dans  un  terrain 
fec ,  léger  &  fablonneux  :  fon  accroilTement 
eft  lent  dans  fà  jeunefle  ,  fur-tout  quand 
il  a  été  rranfplanté.  Il  ne  donne  du  fruit  qu'à 
10  ou  II  ans  ,  &  ce  n'eft  qu'à  15  qu'il 
commence  à  avoir  de  Papparencc. 

Les  pignons  étoienr  autrefois  à  la  mode  : 
on  en  faifoit  des  dragées  ,  des  pralines , 
des  crèmes,  &  on  les  faifoit  entrer  dans 
♦  quantité  de  plats  du  fervice  de  l'entremets  ; 
on  leur  a  fubftitué  les  piftaches  ,  qui  font 
une  nourriture  plus  indifférente.  On  tire 
éts  pignons  une  huile  très-douce  ,  qui  a 
toutes  les  autres  qualités  de  l'huile  d'a- 
mande ,  &  le  marc  fait  encore  une  meil- 
leure pâte  à  laver  les  mains. 

Le  bois  de  franc-phi  eft  blanchâtre  , 
médiocrement  chatgé  de  réfine ,  &  il  eft 
propre  aux  mêmes  ufages  que  celui  des 
autres  pins. 


V  I  N  ^ly 

4.  Le  pin  de  montagne  ou  torchepin  , 
que  l'on  nomme  pin  fuffie  à  Briançon  ,  & 
que  les  botaniftes  défignent  fous  le  nom 
de  mugho.  Il  fait  un  arbre  d'une  belle  venuej 
fes  feuilles  qui  ont  environ  deux  pouces  ' 
de  longueur ,  font  fermes ,  piquantes ,  & 
d'une  belle  verdure.  Ses  jeunes  branches 
ont  l'écorce  écailleufe  &  d'une  couleur  de 
cannelle  allez  luifante  j  elles  prennent  une 
courbure  naturelle  qui  tourne  en  agrément. 
Ses  fleurs  mâles  ou  chatons  viennent  en 
bouquet  qui  font  d'un  joli  afpedt.  Ses  cônes 
ont  un  pouce  de  diamètre  environ  fur  deux 
deloiiffueur;  ils  ont  la  figure  d'un  œuf  très- 
pointu  à  l'extrémité  rieur  couleur  eft  d'un 
rouge  cannelle  ,  vif  &  brillant;  fes  écailles 
font  chargées  de  tubercules  très-faill?.ns 
d'une  forme  variable  ;  les  graines  que 
renferment  ces  cônes  font  de  la  grofleur 
d'un  pépin  de  poire.  Son  bois ,  lorfqu'il  eft 
nouvellement  coupé  ,  ^il  d'une  couleur 
roufsâcre  ;  il  eft  très-réfineux  ,  aufl^  les 
gens  de  la  campagne  s'en  fervenr-ils  pour 
faire  des  torches. 

5.  Le  pin  de  montagne,  on  pin  de  Ila- 
guenau  ;  cet  arbre  a  beaucoup  de  reflera- 
blance  avec  le  précédent  ,  Ç\  ce  n'eft  que 
fes  cônes  font  plus  longs  ,  plus  menus  & 
plus  pointus  ,  &  qu'allez  fou  vent  on  y  ' 
trouve  des  feuilles  qui  fortent  trois  à  trois 
d'une  même  gaine. 

6.  Le  grand  pin  maritime  :  c'eft  l'ef- 
pece  de  pin  la  plus  répandue  dans  lé 
royaume  ;  il  fait  un  grand  arbre  garni  de  ' 
belles  feuilles  qui  font  aflez  longues  ,  & 
d'une  verdure  agréable.  Ses  fleurs  mâles 
ou  chatons  ,  forment  au  printemps  des 
bouquets  rouges  de  belle  apparence.  Ses 
cônes  font  plus  longs  que  ceux  du  franc- 
pin  ,  mais  de  moindre  grofleur  ;  ils  ont 
deux  pouces  Se  demi  de  diamètre ,  envirort 
fur  quatre  à  cinq  pouces  de  longueur;  les 
éminences  des  écailles  font  tantôt  coni- 
ques ,  tantôt  pyramidales  ,  &  plus  ou 
moins  faillantes  ;  dans  le  premier  cas  elléS 
finifl'ent  en  pointe  ;  &  dans  le  fécond  , 
elles  font  terminées  par  un  mamelon.  Les 
pignons  qui  renferment  ces  cônes  font  durs 
&  bien  moins  gros  que  ceux  du  pin  cul- 
tivé. Le  bois  de  cet  arbre  fert  aux  mêmes 
ufages  que  celui  du  franc-pin  ,  &  ou  en 
retire  aufïl  de  la  réline. 

Aiiaaaa  2 


5^24  PIN 

7.  "Lt  petit  pin  maritime  :  il  fait  un  aufTî 
grand  afbre  que  le  précédent ,  &  Ton  bois 
eft  de  même  fervice  ;  mais  comme  Tes 
cônes  font  de  moindre  grollèur  &  fes 
feuilles  p.lus  courtes  &  plus  menues  ,  c^'eft 
ce  qui  lui  a  fait  donner  une  qualification 
en  petit  j  d'ailleurs  on  s'eft  aflUré  dans  le 
pays  de  Bordeaux ,  qu^en  femant  ces  deux 
pins  maritimes  ,  les  graines  produifoient 
leur  même  efpece, 

8.  Le  pin  maritime  de  Mathiole  ;  cet 
arbre  tient  en  quelque  forte  le  milieu  entre 
le  petit  piti  maritime  Sc  le  pin  de  Genève. 
Ses  feuilles  font  plus  menues  j^  plus  longues 
que  celles  du  petit />//z  maritime  ,  St  d'un 
verd  blanchâtre  ■■,  elles  viennent  par  touffes 
en  façon  d'aigrettes  ,  au  bout  des  jeunes 
branches  qui  (ont  minces ,  fouples ,  &  fe 
recourbent  ;  les  autres  branches  font  pref- 
que  dénuées  de  feuilles ,  ce  qui  laifTè  voir 
leur  écorce  qui^fl:  grife  ôc  unie  :  fes  fleurs 
mâles  ou  chatons  font  blancs ,  &  fes  cônes 
un  peu  plus  gros  que  ceux  du  pin  de  Ge- 
nève. Le  bois  de  cette  efpece  de  pin  eft 
chargé  de  beaucoup  de  réfine  ,  mais  il  ne 
fait  pas  un  fî  bel  arbre  que  les  deux  autres 
pins  maritimes. 

9.  Le  petit  pin  fauvage ,  dont  les  cha- 
tons font  verdâtres. 

10.  hç  petit  pin  fauvage  i  dont  les  cha- 
tons (ont  pourpres. 

Ces  deux  espèces  de  pin  ne  sVlevent 
qu*à  hauteur  d'homme ,  &  donnent  une 
grande  quantité  de  cônes.  Leurs  feuilles 
font  courtes  &  femblables  à  celles  de 
l'épicéa  ;  leurs  branches  font  auffi  rangées 
régulièrement  dans  le  mêmeordre,  en  forte 
que  de  loin  on  prend  ces  pins  pour  des 
épicéas, 

11.  hQ  pin  dont  les  cônes  font  placés 
verticalement  fur  les  branches  j  cet  arbre 
cfl  très-peu  connu. 

Il,  Le  pin  rouge  de  Canada  :  fes  feuilles 
ont  environ  cinq  pouces  de  longueur  ; 
elles  font  un  peu  arrondies  par  le  iîouc  : 
fes  cônes  font  de  moyenne  groffeur  ,  & 
de  la  %ure  d'un  œuf.  Cet  arbre  a  beaucoup 
de  refïemblance  avec  k  torchepin. 

13.  Le  petit  pin  Touffi  de  Canada  \  il 
diffère  du  précédent  en  ce  que  fes  feuilles 
ibnt  plusdéliées&  plus  courtes;  elles  n'ont 
que  trois  ou  quatre  pouces  de  longueur. 


P  IN 

1 4.^e  pin  gris  ou  pin  cornu  de  Canada  / 
fes  feuilles  font  recourbées  en  (t  réunifiant 
par  les  deux  extrémités  ;  elles  forment  une 
eÇ'otce.  d'anneau  \  il  en  eft  de  même  des 
cônes ,  qui  par  leur  recourbure  ,  ont  l'ap- 
parence d'une  corne  ;  ils  font  au  furplus 
de  pareille  longueur  &  grofleur  que  ceux 
du  torchepin  ,  avec  lequel  le  pin  gris  a 
auljint  de  refîèmblance  que  les  deux  pré- 
cédens.  Ces  trois  fortes  de  pins  prennent 
une  grande  hauteur  ,  &  feroient  très- 
propres  à  la  mâture  des  vaifleaux  ,  s'ils 
n'étoient  trop  noueux  par  la  quantité  de 
branches  dont  ces  arbres  fe  garnilfent  fur 
toute  la  longueur  de  leur  tige.  Le  pin  gris 
fe  trouve  dans  les  terres  feches  &  fablon- 
neufes  ;  fbn  bois  eft  fort  réfineux  &  très- 
fbuple. 

15.  Le  pin  de  Jérufalem  ,  ou  d'^kp  y 
fes  branches  font  menues  ;  fon  écorce  eft 
cendrée  y  fes  feuilles  ont  environ  quatre 
pouces  de  longueur  ;  elles  font  d'un  verd. 
foncé  &  fi  déliées ,  qu'elles  fe  croifent  ÔC 
s'entre- mêlent  ainfi  que  les  branches  ,  ce 
qui  donne  à  cet  arbre  une  irrégularité  qui 
ne  peut  paffer  qu'à  la  faveur  de  fa  fingu- 
larité.  Ses  cônes  font  de  la  forme  de  ceux 
du  franc-pin ,  fi  ce  n'eft  qu'ils  font  plus 
petits.  Les  graines  conservent  pendant 
plufieurs  années  leur  vertu  produ(5trice  , 
quoiqu'elles  aient  été  tirées  des  cônes.  M, 
Miller  ,  auteur  anglois ,  a  éprouvé  qu'elles 
ont  très-bien  levé  pendant  trois  ans.  Cet 
arbre  n'étant  pas  fi  robufte  que  les  autres 
eCpeces  de  pi ns  ,  il  faut  des  foins  de  plus 
pour  le  garantir  des  gelées  ,  jufqu'à  ce 
qu'il  fbit  dans  fa  force.  Il  ptiroît  aufli  qu'il 
lui  faut  plus  de  temps  qu'aux  autres  pins 
pour  rapporter  des  graines  qui  foient  fé- 
condes. 

Pins  à  trois  feuilles, 

16.  Le  pin  de  Virginia  k  cônes  hêrijfés  ; 
fès  feuilles  fortent  par  trois  ou  quatre  en- 
femble  d'une  gaine  commune.  Il  fait  un 
grand  arbre  d'une  belle  apparence  >  &  quand 
il  fe  trouve  dans  un  terrain  léger  &  hu- 
mide ,  fbn  accroiffcment  eft  très-prompt. 
C'eft  là  tout  qu'en  a  dit  M.  Miller  ,  & 
c'eft  le  fcul  auteur  qui  foitencore  entré  dans 
quelque  détail  fur  cet  arbre. 

17.  Le  pin  de  Virginie  à  cônes  épineux^ 
ou  le  pin  de  Jerfey  j  chez  les  Anglois.  Cet 


P  I  N   • 

arbre  devient  très-haut;  Tes  feuilles  for- 
tenc  au  non:bre  de  trois  d'une  gaïne  qui 
leur  e!t  commune;  elles  ont  une  rainure 
fur  toute  la  longueur  de  la  face  extérieure  ; 
eilrs  font  un  peu  moins  longues  ôc  plus 
déliées  que  celles  au  pin  rouge  de  Canada. 
Ses  cônes  font  à  peu  près  de  la  grofleur 
de  celui  du  pin  rouge ,  mais  ils  font  plus 
aigus:  les  éminences  des  écailles  fe  termi- 
nent tn  une  pointe  qui  efl:  aflez  épineufe 
pour  ofFenfer  la  main  ;  fon  boiseft  fouple , 
fort  réfineux  ,  &  il  a  le  grain  très-fin. 
Voilà  les  principales  circonftances  de  la 
delcripcion  que  l'on  trouve  de  cet  arbre 
dans  le  traité  des  arbres  de  M.  Duhamel. 
i8.  Le  pin  à  trochet  ;  (es  feuilles  fortent 
trois  à  trois  d'une  même  gaine  ;  &  elles 
font  plus  longues  que  celles  du  précédent  : 
fes  cônes  viennent  raflemblés  dans  un  gros 
bouquet ,  quelquefois  au  nombre  de  vingt. 
Cet  arbre  eft  encor^très-rare  en  France. 

19.  Le  pin  de  marais;  cet  arore  vient 
en  Amérique  dans  les  places  humides  ;  il 
fe  foutient  difficilement  dans  les  terrains 
fecs ,  &  il  fait  peu  de  progrès  dans  les 
lieux  élevés.  Ses  feuilles  viennent  trois-  & 
fouvent  quatre  cnfemble  ,  d'une  gaine 
commune  ;  elles  ont  quatorze  pouces  de 
longueur  ;  elles  font  d'un  verd  foncé ,  plus 
grolTès  que  celles  d'aucune  autre  efpece 
de  pin ,  &  les  jeunes  rameaux  en  font  très- 
garnis.  Ses  branches  font  couvertes  d'une 
écorcc  rude  &  crevaflee  ,  ce  qui  ore  beau- 
coup de  l'agrément  de  cet  arbre.  C'ell  le 
plus  délicat  de  toutes  les  efpeces  de  pin 
que  l'on  connoît  ;  il  faut  le  garantir  des 
gelées  jufqn'à  ce  qu'il  foit  dans  fa  force; 
ce  qui  étant  difficile  dans  des  lieux  bas 
&  humides  où  cet  arbre  fe  demande  ,  on 
f«ra  bien  de  le  tenir  en  caille  jufqu'à  ce 
qu'il  (bit  en  état  de  fe  foutenir  contie  le 
froid. 

Pins  à  cinq  feuilles. 

20.  Le  pin  blanc ,  ou  le  pin  du  Lord 
Wcymouth  ;  cet  arbre  fe  trouve  dans  le 
Canada  ,  la  Nouvelle  Angleterre  ,  la  Vir- 
ginie ,  la  Caroline  ,  ôc  autres  pays  de 
l'Amérique  feptentrionale  ,  où  on  lui  donne 
le  nom  de  pin  blanc.  Il  eft  fort  fréquent 
dans  toutes  ces  contrées  &  dans  les  ter- 
rains humides  &  de  léger?  confiftance  , 
eu  il  fe  plaît  j  il  y  prend  fouvent  plus  de 


PIN  5>25 

cent  pies  d'élévation  :  il  feit  une  tige 
droite  ;  fa  tête  prend  d'elle-même  la  forme 
d'un  cône  ;  fon  écorce  eft  lifte ,  unie  àc 
d'un  verd  brun  fur  les  jeunes  rameaux  , 
mais  elle  eft  blanchâtre  fur  le  tronc  & 
les  grofl'es  branches.  Ses  feuilles  (ortent 
au  nombre  de  cinq  enfemble  d'une  gaine 
commune  :  elles  ont  environ  trois  pouces 
de  longueur ,  &  elles  (ont  d'un  verd  de 
mer  des  plus  beaux  :  les  jeunes  rejetons 
en  font  très-garnis  ;  le  refte  du  branchage 
en  eft  donné.  Ses  fleurs  mâles  ou  chatons  , 
qui  font  d'abord  très -blancs  ,  prenisent 
enfulte  une  teinte  de  violet  :  (es  cônes 
tiennent  aux  branches  par  des  queues  d'un 
pouce  de  longueur  ;  ils  ont  environ  quatre 
pouces  de  haut  fur  huit  hgnes  de  diamètre: 
les  écailles  en  font  -minces ,  flexibles ,  & 
détachées  à  leur  extrémité,  ce  qui  donne 
à  ces  cônes  quelque  reflemblance  avec  ceux 
du  fapin.  Les  pignons  en  font  aflez  gros  , 
Se  bons  à  manger  ;  ils  tombent  des  cônes 
(î  on  ne  les  cueille  de  bonne  heure  en 
automne  :  cet  arbre  fait  bien  du  branchage 
qui  eft  très-garni  de  feuilles  d'une  belle 
verdure  ;  c'eft  l'efpecc  de  pin  la  plus  con- 
venable pour  les  plantations  d'agrément  ; 
(on  bois  eft  blanc  ;  il  eft  chargé  d'une 
réCme  fluide  &  tranfparente  ,  qui  coule 
aflez  abondamment  des  entailles  qu'on  fait 
au  tronc  :  on  en  peut  faire  des  planches  , 
mais  il  eft  trop  rempli  de  nœuds  pour  être 
employé  à  (aire  une  bonne  mâture. 

1 1 .  Le  pinajîre  ou  alvi^^,  dans  le  Brian - 
çonnois  ;  quelques  botaniftes  ont  aulîî 
donné  le  nom  de  cembro  à  cet  arbre  ;  on 
le  trouve  fréquemment  fur  les  Alpes  ,  ou 
il  fe  plaît  dans  les  endroits  les  plus  froids 
qui  font  couverts  de  neige  la  plus  grande 
partie  de  l'année  :  il  fait  une  tige  droite  , 
&  une  tête  ronde  bien  garnie  de  braiv 
ches  ;  (es  feuilles  (ortent  d'une  même 
gaine  au  nombre  de  cinq  le  plus  fouvent , 
quelquefois  quatre  ,  &  plus  rarement  juf^ 
qu'à  (îx  enfemble  :  elles  font  fermes  , 
epaiflès  ,  ôc  des  plus  larges  ;  leur  longueur 
eft  de  quatre  pouces  &  demi  environ.  Ses 
cônes  (ont  courts  &  obtus  ;  leur  longueur 
eft  de  trois  pouces  fur  près  de  deux  de 
diamètre  ;.  les  écailles  fe  recouvrent  de  la 
façon  de  celles  des  cônes  du  fipin.  Les 
pignons  qu'elles  renferment  [<xix<,  prefque 


^i6  PIN 

triangulaires,  faciles  à  rompre,  mais  moins 
gros  que  ceux  àxx  franc-pin  ;  Pamende  en 
cfl:  douce  &  d'un  goût  agréable  ;  on  les 
mange  comme  les  noiletccs ,  &  on  les  fait 
entrer  d^ns  les  ragoûts.  Cet  arbre  prend 
une  bonne  hauteur  ;  il  eft  de  belle  appa- 
rence, &  la  verdure  de  Ton  feuillage  eft 
très-agréable. 

Généralement  tous  les  pîns  ne  peuvent 
fe  multiplier  que  de  graines  :  on  pourra 
fe  régler  pour  la  façon  de  les  feraer ,  fur 
ce  qui  a  été  indiqué  à  l'article  ànpinfau- 
vace  ,  ou  du  franc-pin  ,  relativement  à  la 
groflèur  des  pignons. 

Le  pin  eft  de  tous  les  arbres  Tun  des 
plus  inrérelfans ,  par  les  différens  ufages 
auxquels  il  eft  propre ,  &:  qui  font  très-pro- 
fitables à  la  fociété;  mais  ce  qui  en  relevé 
encore  plus  les  avantages  ,  c'eft  que  la 
plupart  dd*s  efpeces  de  pins  peuvent  venir 
&  réuflîr  prefque  par-tout ,  même  dans 
les  endroits  où  tous  \es  autres  arbres  fe 
refufent.  On  ne  fauroit  trop  répéter  que 
le  plus  grand  nombre  des  pins  n'exige 
aucune  culture  ,  ou  plutôt  qu'ils  en  font 
ennemis  -,  qu'ils  fupportcnt  le  froid  comm.e 
le  chaud  -,  qu'ils  ne  craignent  ni  la  féche- 
refle  ni  Phumidité  ;  qu'ils  réfiftenr  encore 
mieux  qu'aucun  arbre  à  l'impétuofité  des 
vents  &  aux  vapeurs  falines  de  la  mer  , 
èc  qu'ils  rcufTiftent  dans  des  lieux  élevés  , 
incultes  &  abandonnés ,  dans'  des  terrains 
pauvres ,  ftériles  ôc  fuperficiels  •,  enfin  dans 
l'argile ,  le  fable  ,  la  craie ,  la  pierraille  , 
^  même  parmi  les  rochers.  Cet  arbre  croît 
fort  vite  ,  fur-tout  dans  les  terrains  où  il 
fe  plaît  :  dès  l'âge  de  dix  ans  on  en  peut 
faire  des  échalas  pour  les  vignes ,  &  quand 
il  en  a  quinze  ou  dix-huit ,  on  peur  l'a- 
barrre  pour  le  brûler  ;  Se  fi  l'on  prend  la 
précaution  de  l'écorcer  de  de  le  laifter 
fécher  pendant  deux  ans  ,  il  n'aura  pref- 
que plus  de  mauvaife  odeur.  Ces  arbres 
font  dans  leur  force  à  60  ou  80  ans  :  quel 
avantage  donc  ne  poufroit-oh  pas  tirer 
de  cet  arbre  pour  différens  befoins  de  la 
fociété  ,  fi  on  le  femoit  dans  quantité  de 
places  vaines  &  vagues,  où  pas  un  buiftbn 
ne  peut  naître  ,  &  qui  reftent  abfolumcnt 
inutiles  &  abandonnées  ?  Cependant  le  pin 
eft  encore  inconnu  dans  plu  fieurs  provinces 
du  royaume;  on  peut  citer  pour  exemple 


•  P  *I  N 

la  Bourgogne ,  où  on  ne  trouve  que  dans 
le  feul  canton  de  Montbard  un  petit  bois 
de  pins  de  Genève  ,  qui  a  été  planté  depuis 
vingt  ans. 

Le  bois  des  différentes  efpeces  de  pins 
eft  plus  ou  moins  chargé  de  réfine  ;  mais 
en  général  il  eft  d'un  excellent  ufage  pour 
les  arts;  il  eft  de  très-longue  durée  &c  de 
très-bon  fervice  ;  il  eft  propre  à  la  char- 
pente &  à  la  menuiferic  :  il  entre  dans  la 
conftruftion  des  vaiffeaux  ;  on  l'emploie 
en  planche  y  on  en  fait  des  corps  de  pompe , 
&  des  tuyaux  pour  la  conduite  des  eaux  : 
c'eft  auffi  un  bon  bois  à  brûler;  fon  char- 
bon eft  très-recherché  pour  l'exploitation 
des  mines  ,  8c  on  afture  que  l'écorce  des 
pins  peut  fervir  à  ranner  les  cuirs.  Mais 
on  retire  encore  de  cet  arbre  ,  pendant 
qu'il  eft  fur  pié  ,  d'autres  fervices  qui  ne 
font  pas  moins  avantageux.  Outre  quelques 
efpeces  ^e  pins  do^  les  pignons  peuvent 
fe  manger ,  toutes  ces  fortes  d^irbres  don- 
nent plus  ou  moins  de  réfine  ,  que  l'on 
peut  tirer  de  différentes  façons ,  &  donc 
on  fait  du  bray  gras  ,  du  bray  fec  ,  du  gou- 
dron ,  de  la  refîne  jaune,  du  galipot,  de 
la  térébenthine  ,  du  noir  de  fumée  ,  &-c. 
On  commence  à  tirer  cette  réfine  lorfque 
les  arbres  ont  25  ou  30  ans  ,  &  on  pourra 
continuer  de  le  faire  pendant  30  autres 
années  ,  fi  on  y  apporte  les  ménage- 
mens  néceftaires  ,  après  quoi  les  arbres 
feront  encore  de  bon  fervice  pour  la 
charpente. 

Lespins  ont  encore  le  mcrne  de  l'agré- 
ment ;  ils  confervent  pendant  toute  l'année 
leurs  feuilles ,  qui  dans  la  plupart  des 
efpeces  font  d'une  très-belle  verdure.  Ces 
arbres  font  d'une  belle  ftature.  Se  d'un 
accroiffement  régulier;  ils  ne  font  fujets 
ni 'aux  infedes  ,  ni  à  aucune  m.aladie  ; 
enfin  plufieurs  de  cespins  font  de  la  plus 
belle  apparence  au  printemps  ,  par  la  cou- 
leur vive  des  chatons  dont  ils  font  chnrgés, 
Voye-^Çux  la  culture  du  pin  ,  le  didion- 
naire  des  jardiniers  de  M.  Miller  ,  &  pour 
tous  égards ,  le-  traité  des  arbres  de  M. 
Duhamel ,  qui  eft  entré  dans  des  dérails 
intéreflans  fur  cet  arbre. 

Pin  ,  (  B0t.  Jardin.  )  en  latin  pinus  , 
en  anglois  pine-iree  ,  en  allemand  fich- 
îenhaum. 


V  I   N 

Caractère  générique. 

Les  fleurs  mâles  font  grouppées  en  une 
touffe  conique  &  écailleule  :  elles  ont  plu- 
fieurs  éramines  terminées  par  des  fom- 
mets  droits  qui  font  unis  enfemble.par 
leur  bafe  :  les  écailles  qui  les  enferment 
fuppléent  aux  calices  &:  aux  pétales  qui 
leur  manquent  i  les  fleurs  femelles  font 
raflemblées  dans  un  côrfe  ovale ,  &  fe  trou- 
vent aflèz  éloignées  des  fleurs  mâles  fur 
le  même  arbre.  Sous  chaque  écaille  de  ce 
cône  ,  on  trouve  deux  fleurs  pourvues  feu- 
lement d'un  petit  embryon  furmonté  d'un 
flyle  formé  comme  une  alêne  que  cou- 
ronne un  feul  ftigmate.  L'embryon  devient 
une  femence  ovale  pourvue  d'une  aile  , 
&L  quelquefois  un  noyau  fans  aile. 

Efpeees. 

I.  Tin  à  deux  feuilles  un  peu  épailTès 
&  unies  ,  à  cônes  pyramidaux  &  pointus. 
Grand  pw  maritime. 

Pi  nus  foliis  gémi  ni  s  craJfiufcuUs  gla- 
hris  ,  conis  pyramidatis  acutis.  Mill. 

Pineafier. 

1.  Pin  à  deux  feuilles  plus  étroites  & 
de  couleur  glauque ,  à  concs  arrondis  , 
obtus.  Pin  d'Italie.  Pin  cultivé. 

Pi  nu  s  feliis  gémi  ni  s  tenuibribus  glau- 
€is  ,  Conis  fubrotundis  ,  obtufis.  Mill. 

The  cultivated  pine  tree.  Stone  pine. 

3 .  Pin  à  deux  feuilles  plus  courtes  &  glau- 
ques ,  à  petits  cônes  terminés  en  pointe. 
Pin  commun.  Pin  de  Haguenau.  Pin  on 
fapin  a  Ecofle.  Pin  de  Ruflie.  Grana  des 
Suédois. 

Pinus    foliis  geminis    brevioribus  glan- 
ds ,  conis  parvis  mucronatis,  Mill. 
Scotch  fir  or  pine. 

4.  Pin  à  deux  feuilles  glauques  ,  plus 
courtes  &  à  plus  petits  cônes.  Pin  de 
Tartarie.  * 

Pinus  foliis  geminis  brevioribus   latiuf- 
culis  glaucis  ,  conis  minimis,  Mill. 
Tarrarian  pine. 

5.  Pin  qui  a  le  plus  (ôuvent  trois  feuilles 
étroites  &  vertes  à  cônes  pyramidaux  , 
dont  les  écailles  font  obtufes.  Mugho.  Pin 
fauyage.  Pin  fuffie. 


P  I  N  ^17 

'  Pinus  fhliis  fœpius  ternis  tenuioribus 
viridibus  ,  Conis  pyramidatis  ,  fquamis 
obtufis.  Mill. 

Mugho  pine. 

G.  Pin  à  cinq  feuilles  unies.  Alviz  ' 
cembro. 

Pinus  foliis  quinis  Ijevibus.  Scan.  Lin 
Sp.  pi, 

Cembro  pine. 

7.  Pin  à  deux  feuilles  longues  ,  unies 
à  cônes  longs  &  menus.  ^ eût  pin  ma- 
ritime. 

Pinus  foliis  geminis  longioribus  glabris 
conis  longioribus  tenuioribufque. 

The  little  maritime  pine. 
^  8.  Pin  à  deux  feuilles  très-menues ,  à 
cônes  obtus  ,  à  branches  horizontales.  Pin 
de  Jérufalem,  Pin  d'Alep. 

Pinus  foliis  geminis  tenuiffimis  ,  conis 
obtufi-s ,  ramis  patulis.  Mill. 

Aleppo  pine. 
^  9.  Pinl  deux  feuilles  courtes ,  à  petits 
cônes  ,   à  écailles  aiguës.  Pin  de  Jerfey. 

Pinus  foliis  geminis  brevioribus  *  conis 
parvis  ,  fquamis  acutis.  Mill. 

Jepfey  pine. 

10.  Pin  à  trois  feuilles  ,  à  cônes  plus 
longs  dont  les  écailles  font  rigides.  Pin 
de  Virginie  à  trois  feuilles. 

Pinus  foliis  ternis  ,  conis  longioribus  % 
fquamis  rigidioribus.  Mill. 
The  leaved  Virginiam  pine. 

11.  Pin  2.  trois  feuilles  plus  longues  & 
plus  menues ,  à  très-grands  cônes  lâches. 
Frankincemc.  Pin  d'encens. 

"Pinus  foliis  longioribus  tenuioribus  ternis , 
conis  maximis  Iaxis.  Mill. 

The  frankincemetree.  En  allemand  , 
weyrauck  fichten. 

12.  Pin  de  Virginie  à  feuilles  plus  lon- 
gues &  plus  menues ,  à  cônes  hérifles  & 
menus. 

Pinus  Virginiœ  prcelong's  foliis  tenuio- 
ribus ,  cono  echinato  gracili.  Pluk.  Alm, 

Tree  leaved  bajîardpine. 

15.  P//zàcinq  feuille?  âpres.  P//2  blanc 
d'Amérique.  P//7  du  Lord  Weymouth.  Pin 
à  cinq  feuilles ,  à  cônes  pendans. 

Pinus  foliis  quinis  ,  conis  pendentibus. 
Hort.  Colomb. 

Pinus  foliis  quinis  fcabris.  Linn.  Sp.  pî. 

Lord  Weymouth's  pine. 


5i8  PIN 

14.  Pin  à  trois  feuilles  frés-Iongues. 
Tin  de  marais. 

Pinus  foliis  ternis  hngijfimis,  Mill. 
The  îhree  leaved  marsh  American  pine. 

15.  Pin  de  Sibérie  à  cinq  feuilles. 
Pinus  foliis  quinis  fyherienfis. 
Syberian  pine. 

On  lit  un  plus  long  catalogue  de  pins  , 
&  dans  la  première  édition  du  Dicîion- 
naire  de  Miller  ,  &  dans  le  traité  des 
arbres  &  arbujîes  de  M.  Duhamel  ;  mais 
il  s'eft  trouvé  que  plulleurs  n-'étoient  que 
les  mêmes  arbres  différe'mment  défignés 
par  diftérens  botaniftes ,  &  dont  les  phrafes 
avdîent  été  fervilement  copiées  par  leurs 
Icholiaftes  ;  &  les  variétés  qui  ne  portent  que 
fur  la  couleur  des  fleurs  &  qui  fe  trouvent 
tranfcrites  comme  efpeces  ,  ne  méritent 
aucune  attention.  Les  efpeces  dont  nous 
donnons  la  fuite  font  très-diftinâ:cs  ;  nous 
les  avons  fous  nos  yeux  &  nous  avons  vu 
leurs*  cônes.  Il  fe  peut  néanmoins  qu'il  en 
exifte  d'autres  :  le  pinus  maritima  altéra 
Mathfbli  y  le  pin  nain  &  le  foxtait  pine 
des  catalogues  de  Gordon ,  quelques  va- 
riétés des  pins  d'Amérique  ,  que  diftin- 
guent  fes  habitans  ,  peuvent  ne  pas  être 
de  pures  ch'meres  y  mais  avant  de  grofïîr 
la  foule  des  pins  ,  il  faut  s'être  aflTure  par 
h.  comparaifon  de  leur  véritable  exiftence 
ëc  de  leur  caradere  fpécifique. 

La  nombreufe  famille  des  ;>//zj  répandus 
au  nord  de  la  terre  ,  décore  jufqu'aux 
rochers  &  aux  marais ,  &c  rend  moins 
affreux  l'afpeét  de  ces  lieux  âpres  &  fau- 
vages ,  lorfqu'un  pâle  rayon  éclaire  ces 
touffes  toujours  vertes.  Le  verd  le  moins 
brillant  plaît  aux  yeux  parmi  les  ombres 
dont  l'hiver  fe  couvre  ;  &  des  maflès  où 
fe  repofent  les  regards,  font  préférables 
aux  rameaux  dépouillés  des  autres  arbres 
où  l'œil  s'égare  triftement  :  mais  il  s'en 
faut  bien  que  le  verd  des  pins  (bit  d'un 
ton  ou  trop  terni  ou  trop  rembruni.  Le 
feuillage  du  pin  ,  /z°.  J  ,  &;  du  pin 
d'Italie  ,  eft  de  la  nuance  des  feuilles  de 
l'œillet  ;  le  pin  du  Lord  Weymouth  eft  du 
verd  des  pavots.  Le  pineafter  &  \cspins 
d'Amérique  à  trois  feuilles  ,  confcrvcnt 
durant  le  plus  grand  froid  ce  yerd  frais  & 
riant  des  bleds  d'avril.  Le  pin  d'encens 
eft  d'une  couleur  encore  plus  tendre  ôc 


P  I  N 

plus  jaunâtre  ;  &  tant  s'en  faut  que  ces 
pins  n'offrent  en  hiver  une  décoration 
gracieufe,  qu'ils  varient  même  agréable- 
ment les  fcenes  du  printemps  &c  de  l'été  , 
lorfqu'on  les  entre-mcle  avec  les  arbres  qui 
n'embelUfl'ent  que  ces  faifons. 

Par-tout  la  nature  a  mêlé  l'utile  à  l'agréa- 
ble ,  ôc  cette  belle  &  grande  loi  doit  être 
la  nôtre  dans  nos  imitations  ;  plufieurs 
pins  méritent  d^être  cultivés  en  grand 
nombre  pour  le  profit  qu'on  en  peut  faire , 
fur-tout  le  pin  n°.  3  ,  dont  le  bois  efl 
excellent ,  dont  les  bourgeons  guériflent 
le  fcorbut  (  voye^  le  traité  des  arbres  féfi- 
neux  ,  conifères  ) ,  qui  s'accommode  de  tous 
les  fols  &  de  toutes  les  fituations  ;  qui 
croit  dans  les  terres  humides  &  dans  les 
fables  fecs  ;  qui  ne  craint  ni  le  tuf ,  ni  la 
craie  ;  qui  vient  jufques  fur  les  rochers  & 
les  malures.  Le  pin  n°.  5  ,  eft  auffi  em- 
ployé dans  l'architecture  civile  ;  fes  co- 
peaux ,  enflés  de  réfine  ,  fervent  de  lumière 
dans  les  pays  montagneux. 

Le  pin  d'Italie  ie  cultive  pour  Çon 
amande  qui  ef^  employée  comme  un  reftau- 
rant  balfamique  dans  la  phchifîe.  Le  pin 
du  Lord  Weymouth  &  le  pin  n°.  îo  ,  fer- 
vent à  la  conftruction  des  plus  grands 
vaiffeaux.  Le  bois  dup/Vz  alviz  eft  précieux 
pour  les  fculpteurs ,  par  la  douceur  de  Ton 
grain.  Aux  vignobles  du  Bordelois ,  on 
feme  le  petit  pm  maritime  dans  les  fables  ; 
au  bout  de  quatre  ou  cinq  ans  il  procure 
des  échalas.  On  tire  du  n°.  i  différentes 
fubftances  réfineufes  (  ^'oje:ç_  le  traiié  des 
arbres  6"  arbujîes  de  M.  Duhamel.  )  Enfin 
il  n'eft  peut-être  pas  une  feule  elpece  de 
ces  arbres  dont  on  ne  pût  tire  dts  avan- 
tages particuliers,  qu'on  ne  pourra  découvrir 
qu'en  les  cultivant.  Nous  ne  pourrions  en- 
trer dans  le  détail  de  la  culture  des  pins  , 
fans  répéter  ce  que  nous  avons  dit  dans 
fbn  article  auquel  nous  renvoyons  le  lec- 
teur, de  celle  du  mélefe  qui  leur  convient , 
en  génétal,  &  nous  nous  bornerons  à 
quelques  exceptions  efîèntielles. 

Quoiqu'il  nous  paroifïe  que  la  plus  sûre 
méthode  d'établir  des  bois  de  pin,  & 
de  les  élever  en  pépinière  ,  fbit  de  les 
planter  en  motte  haute  d'un  pié  ôc  demi , 
ôc  que  parmi  les  différentes  manières  de  les 
femcr  à  demeure  &  en  grand ,  la  pratique 

détaillée 


P  I  N 

détaillée  ci -devant  à  Vartkîe  Mblese  , 
nous  paroifie  préférable ,  nous  dirons  ce- 
pendant ,  en  faveur  de  ceux  qui  veulent 
s'épargner  des  foins  ,  que  /e  pin.  n°.  i  &c 
le  pin  d'Ecolfe  peuvent  fe  iemer  à  la  ma- 
nière du  blé  ôc  des  menus  grains  fur 
une  terre  bien  netroyée  d^herbes  ôc  bien 
labourée  ,  dont  on  a  brilé  à  la  houe  ou 
avec  la  herle  les  plus  groflès  mories.  Ces 
fèmjs  réuiïiront  lur-tour  dans  les  terres  peu 
compaéles  ;  mais  il  faudra  un  temps  infini 
avant  que  ces ^/Vu  affamés  par  les  herbes, 
qui  croîtront  parmi  eux  en  abondance , 
puiflent  enfin  les  furmonter ,  &  les  affamer 
à  leur  tour.  Nous  avons  fait  de  cette  ma- 
nière ,  il  y  a  fèpt  ans  ,  un  (émis  de  fàpins  à 
feuilles  d'if:  les  arbres  n'ont  encore  que 
huit  pouces  de  haut  ,  tandis  que  ceux  que 
nous  avons  femés  &  cultivés  en  pépinière 
à  la  même  époque  ,  ont  près  de  neuf  pies 
de  haut.  Les  pins  n'auront  pas  à  la  vérité 
fouflfert  un  retardement  fi  prodigieux  , 
mais  il  s'en  faudroit  bien  encore  qu'ils 
égalaient  ceux  qu'on  auroit ,  par  les  autres 
méthodes  ,  tenus  conftamment  hbres  des 
herbes  paraiites. 

Pour  ce  qui  eft  des  petits  femis  de  pins  , 
il  faut  en  général  les  faire  comme  ceux 
des  mélefcs  ,  &  élever  dans  des  caiffes  ou 
des  pots  fur  couche  les  cfpeces  les  plus  déli- 
cates ou  les  plus  rares  ;  mais  il  feut  obfcr- 
ver  ,  à  l'égard  de  certaines  ,  quelques  atten- 
tions qui  font  de  la  dernière  importance. 

Le  pin  d'Italie  qu'on  croit  être  origi- 
naire de  la  Chine  ,  pouflant  naturellement 
un  grand  pivot  long-temps  dépourvu  de 
racines  latérales ,  ne  furvit  pas  à  fa  tranf- 
plantation  ,  lorfqu'on  n'a  pris  de  très- 
bonne  heure  les  précautions  propres  a 
aflurer  fa  reprife.  Il  faut  femcr  fes  amandes 
une  à  une  dans  de  petits  pots  ;  ou  bien 
il  faut ,  deux  m.ois  après  leur  germination 
dans  des  cai0cs  ou  en  pleine  terre  ,  les 
arracher  encore  tendres  &  herbacées , 
avec  une  extrême  attention  ,  6c  les  planter 
chacun  dans  un  petit  pot.  On  enterrera  ces 
pots  dans  une  couche  récente  ,  8c  on  les 
tiendra  couverts  de  paillaflbns  élevés  au 
deffus ,  jufqu'à  ce  que  les  petits  arbres  pa- 
roiflent  avoir  pouffé  de  nouvelles  racines  : 
on  les  mettra  fuccefTivement  dans  de  plus-j 
grands  pots  à  mefure  qu'ils  croîtront ,  ôc  I 
Tome  XXr, 


PIN  929 

on  leur  fera  paifer  les  trois  ou  quatre 
premiers  hivers  fous  une  cailfc  viirce  ;  à 
temps  révolu  ,  ils  auronc  leur  flèche  ter- 
minée par  des  boutons  gros  2c  faillans,  ÔC 
c'efl  le  moment  de  les  planter  à  demeure 
avec  la  motte  moulée  par  les  pots  ;  ce 
qui  doit  fe  faire  vers  la  mJ -avril,  jls  croif- 
lent  allez  bien  dans  toutes  les  ferres ,  mais 
ils  demandent  un  lieu  abrité  contre  les 
grands  vents  qui  les  fitigueroient ,  6c  pour- 
roient  môme  les  faire  périr.  Cette  méthode 
infaillible  6c  la  feule  bonne  d'élever  ces;7//z5, 
convient  aapin  alviz  &  au  pin  de  Sybérie  y 
mais  ils  demandent  d'être  femés  6c  élevés 
dans  un  fable  gras  mêlé  de  terre  fraîche , 
6c  craignent  finguliérement  le  terreau  6c 
les  terres  de  potager.  Le  mois  de  mars  eft 
le  meilleur  moment  pour  femer  les  amandes 
de  l'alviz  ;  mais  quelque  précaution  que 
l'on  prenne  ,  il  n'en  levé  qu'une  petite 
partie  ,  6c  les  arbres  embryons  qui  en  pro- 
viennent croifïènt  avec  une  lenteur  qui 
défefpere.  J'en  ai  quelques-uns  qui  n'ont 
acquis  que  fix  pouces  de  hauteur  en  huit 
années.  Le  pin  de  Sybérie  eft  encore  plus 
difficile  à  élever ,  6c  c'eft  beaucoup  faite 
que  de  lui  conferver  fon  peu  de  vie. 

Le  pin  d'Alep  demande  d'être  tenu  pen- 
dant pi uf leurs  années  fous  une  caiffe  vitrée 
dprant  l'hiver ,  pour  ne  le  planter  enfuite 
à  demeure  qu'à  de  bonnes  expofitions  j 
encore  fera-t-il  la  proie  des  hivers  rigou- 
reux qui  fondent  quelquefois  fur  nous  du 
fond  du  nord. 

Le  pin  du  lord  Weymouth  eft  un  des 
plus  beaux  arbres  toujours  verds  qu'on 
puifîè  cultiver  :  il  s'élance  fur  un  tronc 
droit  comme  un  jonc  à  une  hauteur  ex- 
traordinaire ;  fon  écorce  unie  ,  brillante 
6c  d'un  gris  argenté ,  reffemble  à  une  étoffe 
de  foie  j  d'efpace  en  efpace  fè  déploient , 
en  étoile  régulière  ,  les  différens  étages  dç 
fes  branches  latérales  par- tout  garnies  de 
franges  vertes  ;  de  fes  feuilles  longues  5c 
menues,  &  du  dernier  étage  jaillit  annuel- 
lement une  flèche  quelquefois  haute  de  trois 
pies.  Il  s'élève  prefque  aulTi  aifément  que 
le  pin  d'Ecofle  ,  6c  Ce  traite  comme  le 
mélefe.  Il  aime  les  terres  fraîches  &  les 
lieux  abrités  des  vents  du  fud-oueft.  Nous 
dirons  en  paflànt  que  ,  lorfqu'on  voudra 
avoir  une  maffe  de  différentes  efpeces  de 
.Çbbbbb 


5?30  P  I  N 

pin  ,  il  faudra  planter  d'avance  les  bords 
de  Vefpace  qu^on  lui  dcftine  d'un  double 
rang  de  pins  d'Ecofle  en  échiquier  ,  à 
<|uatre  ou  cinq  jpics  les  uns  des  autres. 
On  plantera  en  uite  fucceiTivement  les 
pins  étrangers ,  en  avançant  vers  le  centre 
dans  l'qjdre  de  leur  délicatcflè  ou  de  leur 
feniibilité. 

Les  autres  pins  d'Amérique  viennent 
bien  dès  qu'ils  ont  quatre  ou  cinq  ans , 
mais  ils  font  très- difficiles  à  élever.  Plu- 
fieurs  expériences  fâcheufes  nous  ont  appris 
qu'il  faut  les  femer  dans  un  fable  gras  mêlé 
de  terre  franche  ,  &  qu'ils  ne  peuvent 
fupporter  le  terreau  ôc  les  terres  fumées. 
Ils  lèvent  à  merveille  ,  mais  on  les  voit 
cnfuite  périr  tous  les  jours  par  différentes 
caufes  ;  une  des  principales  eft  Thumidité , 
foit  des  arrofemens ,  ioit  des  pluies.  Il  faut 
ne  les  arrofer  que  très-rarement  &  très- 
fobrcment  ,  &  employer  un  goupilllon 
trempé  dont  on  fecouera  légèrement  fur 
eux  la  douce  rofée  :  que  la  pluie  ioit  trop 
forte  ou  trop  continue  ,  il  faudra  les  en 
garantir  avec  des  cloches  ;  les  caiffes  où 
fe  font  ces  fcmis  doivent  être  placées  les 
deux  premiers  hivers  fous  des  caiflcs  vi- 
trées ,  autrement  la  gelée  foulcveroit  la 
terre  ôc  déracineroit  ces  frêles  plantules. 
Au  commencement  d'avril ,  on  placera  les 
caifles  contre  un  mur  expofé  au  nord  fans 
les  enterrer  ,  &c  les  pofant  même  fur  des 
pierres  j  peut-être  qu'un  femis  de  ce  pin 
fait  en  pleine  terre  fous  un  auvent  de 
bois  ,  ou  fous  la  touffe  épaifle  d'un  arbre , 
pourroit  réufïîr.  La  méthode  indiquée  pour 
le  cèdre  du  Liban  {article  Mélese  ,  )  leur 
convient  aufïi. 

Le  pin  de  marais  ne  peut  fubfîfler  que 
dans  les  Heux  "humides  ;  &  lorfqu'ils  le 
font  trop  ,  la  gelée  l'incommode  extrê- 
mement. Ce  pin  dont  les  feuilles  de  près 
d''un  pié  de  long  font  rafïèmblées  en  touffe 
au  bout  des  branches,  eft  d^m  afpeél  très- 
bizarre.  (  M.  le  barcn  de  TscHOUDi.  ) 

Pin  ,  manière  d'en  tirer  le  fuc  réfineux  , 
{  Art  méch.  )  on  choifit  pour  cet  effet  le 
pin  le  plus  commun  dans  les  forêts  du 
pays  fàblonneux  ,  connu  fous  le  nom  de 
landes  de  Bordeaux  ^  c'eft  le  petit  pin 
maritime  de  Gafpard  Bauhin  ,  ou  celui 
«[ue  M.  Duhamel  défîgne  par  le  n°.  5  ,  à 


PIN 

V article  du  pîn ,  de  fon  traite  des  arbres  & 
arbujles* 

Pour  retirer  du  fuc  réfineux  de  ce  pin  , 
on  attend  qu'il  ait  acquis  quatre  pies  de 
circonférence.  Il  eft  parvenu  à  cette  grof- 
feur  environ  trente-cinq  ans  après  fa  naif- 
fance  dans  les  bons  terrains ,  c'eft-à-dire  , 
dans  des  fables  profonds  de  trois  ou  quatre 
pies.  En  général  la  grandeur  de  l'arbre , 
la  rapidité  de  fon  accroiflement ,  l'abon- 
dance du  fuc  réfineux  ,  &  la  bonne  qualité 
du  bois  augmentent  toujours  en  raifoii 
d'une  plus  grande  épaiifeur  de  la  couleur 
du  fable. 

L'ouvrier  commence  par  emporter  la 
groffe  écorce  de  l'arbre  depuis  fa  racine 
jufqu'à  la  hauteur  de  deux  pies  fur  fix  pou- 
ces de  largeur.  Cette  première  opération  fe 
fait  au  mois  de  janvier,  &  c'eft  avec  une 
hache  ordinaire  qu'elle  s'exécute.  Enfuite 
dès  que  les  froids  femblent  avoir  ceffé  , 
il  enlevé  avec  une  hache  d'une  ftrudlure 
particulière  ,  le  liber  ou  la  féconde  écorce  ;, 
il  pénètre  aufïi  dans  le  corps  ligneux ,  & 
il  emporte  un  copeau  très-mince. 

Cette  première  entaille  faite  au  pic  de 
l'arbre  ,  n'a  guère  plus  de  trois  pouces  de 
hauteur  j  &  elle  ne  doit  point  excéder 
quatre  pouces  en  largeur.  L'ouvrier  la 
rafraîchit  chaque  femaine ,  quelquefois  plus 
fouvent ,  lui  confervant  fa  même  largeur  j 
mais  s'élevant  toujours  de  manière  qu'après 
fix  ou  fept  mois ,  qui  font  le  temps  de  ce 
travail ,  elle  fe  trouve  haute  d'environ  i  y 
poucél. 

L'année  fuivante  ,  après  avoir  enlevé 
'  encore  deux  pies  de  groflè  écorce  ,  il  élevé 
de  nouveau  fon  entaille  de  15  pouces ,  & 
il  continue  de  même  pendant  huit  années 
confécutives  ,  après  lefqucUes  elle  a  acquis 
environ  1 1  pies  de  hauteur. 

La  neuvième  année  ,  on  entame  l'arbre 
à  la  racine  ,  auprès  de  l'endroit  où  s'eft 
faite  la  première  opération  5  on  fuit  celle-ci 
pendant  huit  ans  ,  &  procédant  toujours 
de  la  même  manière  ,  oiî  fait  le  tour  de 
l'arbre  ,  même  plufieurs  fois ,  car  on  pra- 
tique aufïi  des  entailles  fur  les  cicatrices 
qui  ont  couvert  fes  premières  plaies. 

Après  trois  ou  quatre  ans ,  l'ouvrier  ne 
fauroit  pourfuivre  fon  ouvrage  fans  le 
fecours  d'une  échelle.  Celle  qu'il  emploi» 


PI  NI 

9c  qu*ii  efl:  quelquefois  obligé  d^appliquer  à 
plus  de  deux  mille  pins  éloignés  au  moins 
de  quinze  pies  les  uns  des  autres ,  devroit 
être  légère  ,  &c  faite  de  manière  à  ne  point 
l''cmbarrafler  dans  fa  marche  ,  qui  eft  allez 
prompte.  Sa  conftrudion  remplit  ces  deux 
objets.  C'eft  une  grolTc  perche  qu'on  a 
rendue  fort  mince  par  le  haut ,  &c  qu'on 
a  diminuée  par  le  bas  jufqu'à  ne  lui  laifler 
que  deux  pouces  de  diamètre.  On  ménage 
un  empâtement  au  bout  inférieur ,  &  en- 
fuite  des  faillies  peu  éloignées  les  unes  des 
autres ,  &  taillées  en  cul-de-lampe.  L'ex- 
trémité fupérieure  eft  applatie  Ôc  un  peu 
courbée.  L'ouvrier  l'engage  dans  quelqu'un 
des  intervalles  que  laiflènt  entr'elles  les 
rugofités  de  l'écorce.  Il  s'élève  à  la  hauteur 
qui  lui  convient  j  ôc  l'un  de  fes  pies  de- 
meurant fur  une  des  faillies  ,  il  embraflc 
l'arbre  de  l'autre  jambe.  I|^s  cette  atti- 
tude il  fe  fert  de  fa  hache  ,  &c  il  con- 
tinue Con  ouvrage  de  la  manière  qui  a  été 
décrite. 

Une  hache  dont  le  tranchant  Ce  trouve- 
roit  dans  le  plan  du  manche  entameroit 
difficilement  le  pin  de  la  manière  qu'on 
conçoit  aflez  qu'il  doit  l'être,  c'eft-à-dire  , 
en  formant  une  efpece  de  voûte  à  l'origine 
de  l'entaille.  Aurti  la  hache  eft-elle  montée 
obliquement  fur  fon  manche  ,  &  de  plus 
courbée  en  dehors  à  l'extrémité  du  tran- 
chant la  plus  éloignée  de  la  main  de 
l'ouvrier. 

Depuis  le  printemps  jufqu'au  mois  de 
Septembre ,  le  fuc  réfineux  coule  fous  une 
forme  liquide  ;  &  dans  cet  état  il  fe  nomme 
galipot.  Il  va  fe  rendre  dans  de  petites 
auges  taillées  dans  l'arbre  même ,  à  la  naif- 
fance  des  racines.  Celui  qui  fort  depuis 
le  mois  de  feptembre  fe  fige  le  long  de 
l'entaille,  à  laquelle  il  fe  colle  quelquefois. 
Sous  cent  forme ,  on  le  nomme  barras.  On 
le  détache  ,  lorfque  cela  eft  néceflaire  , 
avec  une  petite  ratilîbire  emmanchée. 

On  met  le  galipot  &  le  barras  dans  une 
chaudière  de  cuivre  montée  fur  un  four- 
neau de  briques  ou  de  tuileaux  maçonnés 
avec  de  la  terre  grafTe.  On  introduit  le 
feu  fous  la  chaudière  par  un  conduit 
fouterrain ,  &  on  l'entretient  avec  du  bois 
de  pin  ,  mais  feulement  avec  la  tede  , 
c'cft-à-dire,  avec  la  partie  qui  a  été  en- 


PIN  ^31 

taillée.  Le  fuc  réfineux  doit  être  tenu  fur 
le  feu  jufqu'à  ce  qu'il  fe  réduife  en  poudre 
étant  preffé  entre  les  doigts.  Alors  on 
étend  de  la  paille  fur  une  auge  de  bois. 
On  répand  avec  un  poêlon  la  matière  fur 
cette  paille.  Elle  tombe  dans  l'auge  par- 
faitement nette  ,  ayant  dépofé  fur  ce  filtre 
les  corps  étrangers  dont  elle  étoit  chargée. 
On  la  fait  couler  par  un  trou  percé  à  l'ex- 
trémité de  l'auge  dans  des  creux  cylindri- 
ques pratiqués  dans  le  fable  ,  &  où  elle  eft 
conduite  par  différentes  rigoles.  Elle  s'y 
moule  en  pains  du  poids  de  cent  ou  de 
cent  cinquante  livres.  Cette  préparation  du 
fuc  réfineux  fè  nomme  le  bray  fec. 

Dans  quelques  endroits  on  travaille  avec 
beaucoup  de  propreté  les  creux  dans  lef^ 
quels  on  moule  le  bray  fec.  On  a  une 
aire  remplie  de  fable  fin  ,  dans  lequel  on 
enfonce  des  morceaux  de  bois  auxquels 
on  a  donné  en  les  tournant  la  forme  d'un 
petit  tourteau.  On  remplit  ces  creux  de 
matière  fondue  ,  qu'on  tranfporte  avec  le 
poêlon  ;  il  en  fort  de  petits  pains  plus 
eftimés  que  les  grands  ,  &  qu'on  vend  plus 
avantageufement. 

Le  lue  réfineux  étant  dans  l'auge  ,  bien 
dépuré  &  encore  très-chaud  ,  on  y  mêle 
de  l'eau  qu'on  a  fait  chauffer  ,  mais  qu'on 
n'a  point  laiffé  bouillir.  On  brafïè  forte- 
ment le  mélange  avec  de  grandes  fpatules 
de  bois.  Il  devient  jaune  à  mefure  qu'on 
lui  donne  de  l'eau  ;  &  lorfque  la  couleur 
eft  parvenue  lu  ton  qu'on  fouhaitc  ,  on 
fait  couler  la  matière  <lans  les  moules  où 
elle  fe  durcit  j  &  c'eft  la  réfine. 

Le  fable  ne  pouvant  fe  foutenir  par 
lui-même  ,  il  céderoit  au  poids  du  bray 
ou  de  la  réfine  ,  dont  les  mafîès  devien- 
droient  informes.  On  mouille  les  creux  & 
les  rigoles  pour  leur  donner  de  la  confîf- 
tance. 

On  met  du  galipot  dans  la  chaudière. 
Lorfqu'il  eft  affez  cuit  pour  avoir  pris  une 
couleur  légèrement  dorée  ,  on  le  coule  & 
on  le  fait  pafTèr  de  l'auge  dans  les  barri- 
ques ,  où  il  conferve  l'état  de  liquidité 
d'un  firop  très-épais. 

Dans  la  partie  feptentrionale  des  forêts 
de  pins  ,  on  expofe  le  galipot  au  grand 
foleil  dans  des  baquets.  Les  pièces  du  fond 
de  ces  baquets  n'étant  pas  cxaétemeat^ 
]3bbbbb  % 


93»  PIN 

jointes ,  le  galipot  fondu  tombe  dans  des 
auges  placées  pour  le  recevoir.  C'eft  la 
térébenthine  de  Joleilhea.uco\xp  plus  eftimée 
que  la  première ,  qu'on  appelle  térébenthine 
de  chaudière. 

La  térébenthine  a«yant  été  mife  avec  de 
Teau  dans  une  chaudière  entièrement  fem- 
blable  à  celle  dont  on  fe  fert  pour  faire 
Peau-de-vie ,  &  qui  a  le  même  attirail  que 
celle-ci ,  on  en  tire  par  la  diftillation  une 
liqueur  d'une  odeur  pénétrante  &  aflez 
défagréabie,  qu'on  nomme  huile  de  téré- 
benthine. 

On  conftruit  avec  des  tuileaux  &  de 
la  terre  grade  un  four  afTez  femblable  à 
ceux  qui  fervent  à  cuire  le  pain.  Il  en 
diffère  par  une  ouverture  pratiquée  à  fbn 
fommet ,  &  par  fa  bafe  creufée  en  manière 
d'entonnoir  fort  évafé.  Cette  bafe  pavée 
de  briques  ,  communique  par  un  canal  à 
une  auge  qui  fe  trouve  au  dehors  du  four. 
L'auge  &  le  canal  font  conftruits  de  bri- 
ques liées  avec  de  la  terre  grafle.  Ce  four 
eft  infcrit  dans  une  cage  quadrangulaire 
formée  par  des  poutres  de  pin  pofees  les 
unes  fur  les  autres,  &  aflèmblées  par  leurs 
extrémités.  L'intervalle  qui  refte  entre  le 
\four  &  la  cage ,  doit  être  bien  garni  de 
terre.  Après  avoir  rempli  ce  four  de  co- 
peaux enlevés  en  entaillant  les  pins  ,  de 
la  paille  à  travers  laquelle  le  galipot  &  le 
barras  ont  été  filtrés ,  de  mottes  de  terre 
ramafiees  fous  les  pins  ,  &  pénétrées  du 
fuc  qui  en  a  découlé,  on  met  le  feu  par  le 
trou  du  fommet  5  une  fublîance  noire  & 
graflTe  coule  bientôt  après ,  &  va  fe  rendre 
dans  Pauge.  On  garnit  le  feu ,  &  lorfqu'il 
a  brûlé  aflèz  loiag-temps  pour  que  la  ma- 
tière ait  perdu  une  partie  de  fa  liquidité, 
&  qu'elle  fe  réduife  en  poudre  entre  les 
doigts ,  on  l'éteint  en  couvrant  l'auge  de 
gazon.  On  fait  couler  dans  des  trous  creufés 
dans  le  fable  ce  qui  étoit  contenu  dans 
l'auge ,  &  on  a  des  pains  d'une  matière 
noire  6l  dure  qu'on  nomme  pegje  ,  nom 
qui  paroît  répondre  au  mot  françois  poix. 

Ces  différentes  préparations  viennent  de 
l'arbre  vivant  j  il  faut  le  détruire  pour 
avoir  le  goudron.  On  le  tire  de  la  partie 
des  pins  la  plus  chargée  de  fuc  réfineux. 
Le  bois  propre  à  donner  du  goudron  eft 
pçfant ,  rouge  ^  &  quelquefois  tranfparent 


p  r  N 

en  quelque  degré ,  lorfqu'on  l*a  rendu  fott 
mince.  Les  pins  n^'en  fotirniflent  pas 
dans  toute  leur  étendue  ;  &  la  quantité 
qu^ils  en  fournirent ,  dépend  de  la  nature 
des  terrains.  On  en  trouve  par-tout  dans 
les  racines  des  arbres  coupés  depuis  quel- 
ques années  i  la  tede  en  donpc  en  petite 
quantité  dans  les  bois  les  plus  avancés 
vers  l'orient  ou  vers  le  fud-eft,  parce  que 
la  couche  de  fable  y  eft  moins  épaifle  ,  & 
plus  abondamment  dans  les  forêts  les  plus 
voifines  de  la  mer.  Dans  ces  mêmes  can- 
tons où  le  fable  defcend  à  une  plus  grande 
profondeur ,  les  arbres  que  l  âge ,  les  incen- 
dies ,  ou  d'autres  accidens  ont  fait  périr ,  & 
qui  ont  demeuré  fur  pié  ou  renverfés  pen- 
dant plufieurs  années ,  ont  du  bois  propre 
à  faire  du  goudron  dans  prelque  toute  la 
longueur  de  leur  tige. 

On  coup^jk  bois  propre  au  goudron 
en  petites  bûches  de  deux  pies  de  lon- 
gueur ,  fur  un  pouce  &  demi  de  lar- 
geur ,  dans  chacune  des  deux  autres  dimen- 
fions.  On  le  raftemble  auprès  du  four , 
qui  n'eft  autre  chofe  qu'une  aire  circulaire 
de  dix -huit  ou  vingt  pies  de  diamètre, 
pavée  de  briques  creufées  en  entonnoir  ^ 
&c  plus  bafte  d'environ  deux  pies  au  centre 
qu'à  la  circonférence.  Le  centre  eft  percé 
d'un  trou  qui  communique  à  un  canal  bâti 
de  brique  qui  ,  paflant  fous  le  four  ,  va 
fe  terminer  à  une  fofte.  Autour  d'un  jeune 
pin  qu'on  a  fait  entrer  dans  ce  trou  ,  &c 
qu'on  élevé  perpendiculairement ,  tm  ar- 
range les  bûches  avec  beaucoup  de  foin  , 
obfervant  qu'un  de  leurs  bouts  foit  dirigé 
vers  le  centre  ,  &  l'autre  ver^  la  circon- 
férence. Après  avoir  formé  de  cette  ma-, 
niere  une  pile  de  bois  d'environ  vingt  pies 
de  hauteur ,  on  la  couvre  de  gazon  dans 
toute  fon  étendue  ,  exceptant  feulement 
une  ouverture  qu'on  laifte  au  fommet ,  & 
on  retire  le  pin  autour  duquel  elle  a  été 
conftruite. 

Ce  bûcher  ayant  été  allumé  par  (on 
extrémité  fupérieure  ,  rien  n'eft  plus  inté-, 
relTant  que  d'empêcher  que  le  feu  ne  trouve 
quelque  iflhe.  Lorfqu'il  rnenace  de  fe  faire 
jour  par  quelque  endroit  ',  on  y  met  aulïi- 
tot  du  gazon  qu'on  a  en  réferve  ,  ÔC  dont 
on  doit  être  bien  fourni. 

Il  fort  d'abord  une  certaine  quantité 


P  I  N 

d'eau  rouiïc  ,  enfuire  vient  le  goudron  , 
c'eft-à-dire  ,  cette  fubftance  noire  ,  un 
peu  liquide  ,.  mais  épaiflè  &  gluante  ,  qui 
efi:  aflèz  conn^;  on  la  reçoit  dans  des 
barils  qu^on  ar^ge  dans  la  foflè  au  deflbus 
d'une  gouttière  qui  termine  le  canal. 

On  ne  Ce  met  point  en  peine  de  féparer 
du  goudron  l'eau  qui  le  précède  dans  cette 
dilHllation  lorfqu'il  en  entre  dans  les  ba- 
rils. Elle  ne  lui  eit  point  nuifible  ,  à  la 
différence  de  l'eau  commune  qui  en  alté- 
reroit  la  qualité. 

Trois  parties  de  pegle  Ôc  une  partie  de 
goudron  mifes  fur  un  fourneau  dans  une 
chaudière  de  fer  ,  fondues  en{emble&  bien 
écumées  ,  font  ce  qu'on  appelle  le  Brûy 
gras.  Cette  matière  qui  a  quelque  degré 
de  liquidité  ,  fe  tranfporte  dans  des  barils  , 
dans  lefquels  on  l'entonne  en  la  tirant  de 
la  chaudière. 

Pin  (  chenille  de  )  ,  {  Infeclolog.  )  en 
latin  pithyocampa.  Les  forêts  de  pins 
nourriflent  ces  fameufes  chenilles  ,.  qui 
paflènt  une  grande  partie  de  leur  vie  en 
fbciété  ,  &  qui  font  dignes  d'attention  par 
la  feule  quantité  oc  la  qualité  de  la  foie 
dont  eft  fait  le  nid  qu'elles  habitent  en 
commun"^  Cette  foie  eft  forte  ,  &  les  nids 
font  quelquefois  plus  gros  que  la  tête  d^un 
homme. 

La  figure  de  ces  nids  eft  toujours  à  peu 
près  celle  d'un  cône  renverfé.  Tout  l'inté- 
rieur eft  rempli  de  toiles  dirigées  en  diffé- 
rens  fens ,  Icfquelles  forment  divers  loge- 
mens  qui  communiquent. 

Toutes  les  chenilles  de  pin  fbrties  des 
œufs  d'un  même  papillon ,  travaillent  appa- 
remment de  concert  à  fe  conftruirc  un  nid 
peu  de  temps  après  qu'elles  font  nées. 
Elles  en  fortent  toutes  à  la  file  au  lever 
du  foleil  pour  aller  chercher  de  la  pâture  j 
une  trace  de  foie  d'une  ligne  de  large  , 
marque  la  route  qu'elles  fuivent  pour 
s'éloigner  de  leur  nid  ;  &  elles  y  revien- 
nent par  la  même  route  deux  ou  trois 
heures  après  en  être  forties. 

Cette  chenille  n'eft  guère  plus  grande 
&  plus  grofle  dans  nos  climats  que  la  che- 
nille de  grandeur  médiocre.  Elle  eft  velue  , 
fa  peau  eft  noire  ,  &  paioît  en  une  infi- 
nité d'endroits  au  travers  des  poils.  Ceux 
du  deflus  du  corps  font  feuille  morte  ^  &c 


PIN  53i 

ceux  ats  cotes  font  blancs  :  fa  tête  eft 
ronde  &  noire  ;  elle  a  feize  jambes  ,  dont 
les  membraneufes  font  armées  de  demi- 
couronnes  de  crochets  \  la  peau  du  ventre 
eft  rafe  ,  d'un  vilait^ blanchâtre  ;  fes  poils, 
ne  portent  nulle  part  des  tubercules  j  ils 
tirent  leur  origine  de  la  ^eau  même. 

Ces  chenilles  ,  comme  la  plupart  de 
celles  qui  aiment  à  s'enfoncer  en  terre 
pour  (e  métamorphpfer  ,  fe  méramor- 
phofent  néanmoins ,  quoique  la  terre  leur 
manque. 

On  leur  a  attribué  une  fingularité  éton- 
nante ,  celle  de  ne  jamais  fe  transformer  en 
papillon  ,  celle  de  faire ,  des  œufs  pendant 
qu'elles  font  chenilles.  Ce  feroit  -là  un 
grand  prodige  dans  l'hiftoire  desinfeéles  ; 
aullî  ce  prodige  merveilleux  eft-il  contraire 
aux  obfêrvations. 

Mais  une  autre  particularité  véritable 
de  ces  chenilles ,  c'eft  d'avoir  fur  le  dos 
des  efpeces  de  ftigmates ,  difTérens  de  ceux 
par  lefquels  elles  refpirent  l'air  ;  &  qui 
plus  eft  ,  de  darder  vifiblement  dans  cer- 
tains temps  par  cts  mêmes  ftigmates  des 
flocons  de  leurs  poils  même  aflèz  loin.  Ils 
peuvent  en  tombant  fur  la  peau  y  caufèr 
des  démangeaifons  ,  pour  peu  qu'on  ait 
été  près  de  ces  chenilles  ;  mais  l'effet 
en  fera  bien  plus  grand  fî  on  les  a 
maniées. 

Voilà  fans  doute  la  caufe  de  l'averfîon 
qu'on  porte  fur  tout  à  cette  efpece  de  che- 
nille j  &  qui  la  fait  regarder  non  feule- 
ment comme  venimeufe  à  toucher  ,  mais 
encore  comme  un  poifon  dangereux  pour 
l'intérieur.  Quelques  modernes  en  parlent 
ainfî  avec  tous  les  anciens  naruraliftes  ; 
les  uns  nous  difent  quMles  agifîent  en  vé- 
fîcaroires  fur  la  peau  ,  comme  les  cantha- 
rides  ;  &  d'autres  qu'elles  ont  un  vtmn 
encore  plus  efficace ,  fi  on  en  avaloit  mifes 
en  poudre  j  cette  dernière  opinion  eft 
établie  anciennement  dans  les  pays  chauds , 
&  le  droit  romain  en  condamne  l'ufagc 
formellement  par  les  plus  grandes  peines. 

Tous  les  jurifconfultes  connoifTcnt  la  loi 
contre  ceux  qui  empoiff  nneront  avec  l'ef- 
pece  de  chenille  nommée  pithyocamp.v  , 
c'eft-à-dire  ,  chenille  de  pin  ,  ainfi  que  le 
mot  grec  le  porte. 

C'eft  une  faute  pour  le  dire  en  pafïant  j  in 


534-  PIN 

digeji.  apud  Màrcellum  ,  tiv.  XLVIII , 
tit.  ad  kg.  corn,  de  venef.  le  mot  àtpithyo- 
carpa  ,  qa  on  y  trouve  pour  pithyocampa. 

tJlpien  expliquant  la  loi  cor.  de  Sicar. 
met  au  nombre  des  gens  qui  ont  mérité 
la  peine  ftatuée  par  cette  loi  ,  ceux  qu'il 
nommQ  pithyoCampce  propinatores.  Y  avoit- 
il  réellement  dans  le  pays  chaud  une  che- 
nille de  pin  qui  empoifbnnât  &  que  nous 
ne  connoiflbns  plus  ?  Ou  plutôt  cette  idée 
feroit-elle  une  erreur  populaire  qui  a  pafle 
jufquà  nous  par  tradition  ôc  par  écrit? 
Il  y  en  a  tant  de  ce  genre  ! 

Pin,  (  Iconolog.  )  il  étoit  confacré  à 
plufieurs  déités  ,  mais  fur-tout  à  Cybele  ; 
car  on  le  trouve  ordinairement  repréfenté 
avec  cette  déelTe.  Le  dieu  Sylvain  porte 
au(ïi  quelquefois  de  la  main  gauche  un 
rameau  de  pin  chargé  de  fes  pommes. 
Properce  prérend  encore  ,  que  le  dieu 
d*Arcadie  aimoit  &  favorifoit  cet  arbre 
de  fa  protedion.  Enfin  ,  on  s'en  fervoit 
par  préférence  à  tout  autre  pour  la  conf- 
trudion  des  bûchers  fur  lefquels  on  brû- 
loir les  morts  ;  &:  c'étoit-là  le  meilleur 
ufage  qu'on  en  pût  tirer.  (  D.  /.  ) 

PIN  AGI  A  ,  f.  f  {Ant.  greq.)  -tiv^kU  ;. 
on  nommoit  ainfi  chez  les  Athéniens  des 
tablettes  de  cuivre  ,  où  étoient  écrits  les 
noms  de  toutes  les  perfonnes  duemcnt 
qualifiées  de  chaque  tribu ,  qui  afpiroient 
à  erre  juges  de  l'aréopage.  On  jetoit  ces 
tablettes  dans  un  grand  vafe  ,  &  Pon  met- 
toit  dans  un  autre  vafe  un  pareil  nombre 
de  fèves  ,  dont  il  y  ea  avoit  cent  de  blan- 
ches ,  &  toutes  les  autres  noires.  On  tiroit 
le  nom  des  candidats  &  les  fèves  une  par 
une  ,  &  tous  ceux  dont  les  noms  étoient 
tirés  conjointement  avec  une  fève  blan- 
che 9  étoient  reçus  dans  le  fénat.  Du  temps 
de  Solon ,  il  n'y  avoit  que  quatre  tribus  , 
dont  chacune  éhfoit  cent  fénatcurs  ;  de 
forte  qu'alors  l'aréopage  n'étoit  compofé 
que  de  quatre  cents  membres  ;  mais  le 
nombre  des  tribus  ayant  enfuite  été 
augmenté) ,  le  nombrç  des  fénateurs  le  fut 
auiïi  proportionnellement  :  cependant  la 
manière  de  les  élite  fubfifta  toujours  la 
même.  Porter  ,  Archced.  giœc.  tom.  I , 
pag.  9J.  (D.J.) 

PINACLE  ,  f.  m.  fe  dit  en  Architeclure 
du  haut  ou  du  comble  d'une  maifon  qui 


PIN 

ffe  termine  en   pointe.    Voyéi^  CoîwTBLri 

Ge  mot  vient  du  latin  pinna  ,  pinna- 
culum  :  les  anciens  ne  donnoient  guère 
qu'aux  temples  cette  efpgj^  de  comble; 
leurs  combles  ordinaires  ffiiient  tous  plats 
ou  en  manière  de  platè-forme.  Voye-^^ 
Plate-forme. 

G'eft  du  pinacle  que  le  fronton  a  pris 
fbn  origine.  Voye^^  Fronton. 

Pinacle  ,  (  Antiq.  rom.  )  le  pinacle 
étoit  une  forte  d'ornement  parmi  les  Ro* 
mains  ,  que  l'on  mettoit  au  haut  des 
temples.  Les  Grecs  l'appelloient  amli  «é- 
Tfei^Ma  ,  &  les  Romains  fajîigium  j  on  en 
voit  fur  les  médailles  anciennes.  Il  ne  dé- 
pendoit  pas  des  particuliers  de  pofcr  à 
leur  volonté  de  pareils  ornemens  fur  leurs 
maifons.  C'étoit  une  faveur  précieufc  qu'il 
falloir  obtenir  du  fénat  ,  comme  tout  ce 
qui  fe  prenoit  fur  le  public.  G'eft  ainli  que 
pour  honorer  Publicola  ,  on  lui  donna  la 
permiiTion  de  faire  que  la  porte  de  fa 
maifon  s'ouvrît  dans  la  rue  ,  au  lieu  de 
s'ouvrir  en  dedans.  Géfar  joui  doit  de  l'hon- 
neur du  pinacle  ,  que  le  fénat  n'ofa  pas 
lui  refufer  ,  &  qui  diftinguoit  fà  mailbn 
de  toutes  les  autres.  Au  refte  ,  le  pinacle 
étoit  décoré  de  quelques  ftatues  de  dieux 
ou  de  quelques  figures  de  la  vi6toire,  ou 
d'autres  ornemens  ,  fdon  le  rang  ,  ou  la 
qualité  de  ceux  à  qui  ce  privilège  rare 
étoit  accordé  j  car  les  maifons  à  pinacles  , 
étoient  regardées  comme  des  temples. 
{D.J.) 

Pinacle  du  temple  ,  (  Critiq.  facrée.  ) 
pinnaculum  templi ,  en  grec  to  m7i^vym  t» 
îêfK  ,  Luc.  IV.  g.  G'étoit  la  galerie  qui 
régnoit  autour  du  toit  plat  de  Jérufalem  , 
ou  la  tourelle  bâtie  fur  le  veftibule  du 
remple.  {D  J.) 

PINAHUITZXIHUITL  ,  (  Hifî.  nau 
Bot.  )  arbufte  de  la  nouvelle  Efpagne  , 
que  l'on  défigne  dans  de  cerraines  provin- 
ces fous  le  nom  de  cocochiatli.  Il  a  com- 
munément deux  pies  de  haut  ;  fes  tiges 
font  minces  &  épineufes  ;  fes  feuilles  font 
divifées  en  fîx  parties  ;  fes  fleurs  rclîem- 
blcnr  à  celles  du  châtaignier  ,  &:  fon  fruit 
qui  forme  de  petites  grappes  ,  reflemble 
à  la  châtaigne  ;  il  eft  verd  d'abord  ,  en- 
fuite  il  devient  rougeâtre.  Cette  plante  a  , 
dit-on  ,  les  propriétés  de  la  fenfitive  j  elle 


PI  N 

(ê  conrracfte  lorfqu'on  la  touche ,  ou  même 
lorfqu'on  en  approche. 

P  I  N  A  R  A  ,  (  Géogr.  anc.  )  i°.  ville 
d'Afie  ,  dans  la  Lycie.  Strabon  ,  qui  la 
met  dans  les  ferres  au  pié  du  mont  Cra- 
gus  ,  dit  que  c'étoir  une  des  plus  grandes  \ 
villes  de  la  Lycie  j  Etienne  le  géographe 
la  place  mal-à-propos  dans  la  Cilicie.  Les 
habitans  de  cette  ville  ctoient  appelles 
Pinaretce. 

1°,  Pinara  ,  ville  de  la  Caeléryrie  ,  dans 
la  partie  feptentrionale  ,  fur  le  Gindarus  ; 
car  la  Caeléfyries'étendoitjufques-là  ,  félon 
Pline  ,  liv.  V ,  ch.  xxiij.  Ptolomée  /.  V , 
ch.  XV ,  la  place  dans  la  Piérie  de  Syrie. 
{D.J.) 

PINARIENS,  f.  m.  Pinaril ,  (Anùq. 
rom.  )  prêtres  d'Hercule.  Ils  furent  ainfi 
nommés  octtI  TÎïf  •Trrvnç ,  à  famé ,  pour  mar- 
quer qu'il  ne  leur  étoit  pas  permis  de 
goûter  aux  entrailles  des  viélimes  ,  dont 
les  feuls  Potitiens  avoient  droit  de  manger; 
&  cela  en  punition  de  s'être  trouvés  trop 
tard  aux  facrifices  ,  dont  Hercule  leur 
avoit  donné  le  foin  :  cette  punition  fut 
donc  l'effet  de  leur  négligence. 

Enfin  ,  le  facré  miniftere  cefTa  dans  ces 
deux  ordres  de  prêtres  -,  car  du  temps  de 
Denis  d'Halycarnafle  ,  c'étoient  des  efcla- 
ves  achetés  des  deniers  publics  ,  qui 
avoient  foin  des  facrifices  d'Hercule.  Voici 
la  caufc  de  ce  changement  ,  rapportée  par 
Tite-Live  ,  //>.  IX  de  fon  hiftoire. 

Tandis  que  Claudius  Appius  faifoit  les  i 
fondtions  de  cenfeur  ,  il  engagea  les  Po- 
titiens à  fe  décharger  du  loin  des  facri- 
fices dont-  ils  étoient  les  miniftres  ,  ôc  à 
l'infiruire  des  cérémonies  dont  ils  avoient 
feuls  la  connoifîance  ;  mais  il  arriva  ,  dit 
l'hiftorien  latin  ,  que  la  même  année  ,  de 
douze  branches  dont  étoit  alors  compofée 
la  famille  des  Potitiens  ,  il  mourut  trente 
perlbnncs  toutes  en  âge  d'avoir  poftérité  , 
&  que  toute  la  race  fut  éteinte.  Appius 
lui-même  ,  pour  avoir  donné  ce  confeil  , 
devint  aveugle  ;  comme  fi  Hercule  eût 
voulu  venger  fur  Appius  ,  &  fur  tous  les 
Potitiens  ,  le  mépris  qu'ils  avoient  de  fes 
facrifices  ,  en  les  remettant  en  d'autres 
mains.  (D.J.) 

PINASSE  ,  f.  f .  (  Marine.  )  c'efl  un 
•bâtiment  fait  à  pouppe  quarrée ,  dont  Tori- 


PIN  535 

gine  vient  du  nord  ,  &  qui  eft  fort  en  ufagc 
en  Hollande.  On  croit  qu'on  l'a  appelle 
ainfi  de  pinajfe  ,  pin.  ,  à  caufe  que  les 
premières  pinajfes  ont  été  faites  de  pin. 
Comme  le  vaifTeau  de  134  pies  de  long  , 
de  l'étrave  à  l'étambort  ,  dont  les  propor- 
tions fe  trouvent  ici  fous  chaque  mot  de 
conftrudtion  ,  ou  de  membresde  vaiifeaux  , 
efl  une  pinajfe  ,  il  n'eft  pas  befoin  d'en 
donner  encore  d'autres  devis. 

Pinajfe  ,  c'efl  un  petit  bâtiment  de  Bif- 
caie  ,  qui  a  la  pouppe  quarrée  :  il  eft  long , 
étroit ,  léger  ;  ce  qui  le  rend  propre  à  la 
courfè  ,  à  faire  des  découvertes  ,  &  à 
defcendre  du  monde  en  une  côte  ;  il  porte 
trois  mâts  &  va  à  voiles  &  à  rames. 

PINCE,  f  f .  (  outil.  )  gros  levier  de 
fer  rond  ,  de  quatre  pies  de  long  &  de  deux 
pies  de  diamètre  ,  coupé  d'un  côté  en 
bifeau  ,  pour  lui  donner  plus  de  prife  & 
d'entrée  dans  les  joints  des  pierres  ,  ou 
autres  matières ,  qu'il  fert  à  remuer  ,  à 
disjoindre  ,  &  à  démolir. 

Il  y  a  auflî  de  petites  pinces  qui  fer- 
vent feulement  à  mettre  en  pl4||^  des 
ouvrages  de  menuiferie  ,  de  charpente  , 
ou  ceux  des  marbriers  8c  des  tailleurs  de 
pierre.  Les  pinces  qu'on  appelle  pies- de- 
chèvre  ,  font  courbées  &  refendues  par 
le  bout  ;  en  forte  qu'elles  ont  affez  la 
figure  du  pié  de  l'animal  dont  elles  ont 
pris  le  nom.  Plufieurs  ouvriers  fe  fervent 
de  la  pince  ,  entr'autres  les  mviçons ,  char- 
pentiers ,  paveurs  ,  tailleurs  de  pierres  , 
carriers ,  ùc. 

Ce  font  les  taillandiers  qui  font  &  qui 
vendent  les  pinces  ,  quand  elles  font 
grofles  ;  les  petites  fe  font  par  les  lerru- 
riers  :  il  s'en  trouve  aufTi  dans  les  bouti- 
ques de  chncaillers.  Savary.  {D.  J.) 

Pince  5  (  Art  milit.  )  inflrument  de 
mineurs  ;  ils  en  ont  de  plufieurs  fortes.  • 
La  pince  fimple  ,  qui  a  la  pointe  droite 
ou  courbe  ;  la  pince  à  talon  ;  la  pince  à 
pié-de-biche  ,  noms  qui  viennent  de  la 
figure  de  la  pince.  Ils  ont  encore  une 
pince  y  qu'ils  appellent  pince  à  main  ,  ainfî 
dire  ,  parce  que  dans  le  milieu  de  la  bâfre  , 
il  y  a  comme  un  nœud  pour  arrêter  la 
main.  {D.  J.) 

Pinces  ,  (  outil  d'ArquehuJïer.  )  Ces 
pinces  font  exademcnt  faites  comme  ks 


P3^  P  1  N 

pinces  des  ferruriers ,  ùc.  les  arquebufiers 
s'en  fervent  pour  plufieurs  ufages  ,  Sc  en 
onc  de  rondes  &  de  plates. 

Pince  à  drejfer  les  aiguilles  ,  voyez 
l'article  Métier  a  bas  ,  au  mot  Bas. 

Pince  ,  inftrument  dont  les  bourreliers 
fe  fervent  pour  afl'ujecïir  les  cuirs  dans  le 
temps  qu'ils  ies  coufent.Cet  inftrumenteft 
de  bois  &  compofé  de  deux  pijsces  :  la 
première  a  environ  trois  à  quatre  pies  de 
longueur ,  eft  arrondie  par  en  bas  ,  ôc  ter- 
minée en  pointe  ,  Ôc  large  &  applatie  par 
en  haut.  La  féconde  partie  qui  n'a  guère 
qu'un  pie  ôc  demi  de  long  ,  s'enclave  au 
milieu  de  la  première  par  une  efpece  de 
charnière  de  bois ,  Ôc  s'applique  par  en  haut 
fur  le  côté  applati  de  la  première.  Pour 
fe  fervir  de  cet  inftrument ,  l'ouvrier  le 
place  entre  fes  jambes  &  entr'ouvrant  les 
deux  parties  de  l'inftrument  qui  fe  joignent 
par  en  haut  comme  une  véritable  pince  , 
il  y  pafle  le  cuir  qu'il  veut  aflujettir  y  ôc 
pour  lors  il  tient  l'inftrument  bien  ferré 
eatrc  fes  genoux.  On  fe  fert  plus  ordi- 
nai^jpent  de  cet  inftrumcnt  pour  piquer  , 
ourler  ,  ôc  coudre  les  ouvrages  les  moins 
grodîers  des  bourreliers. 

Pince  ,  en  terme  de  Boutonnier  ,  c'eft 
une  forte  de  tenaille  à  mâchoires  creufes 
ôc  rondes  ,  pour  tenir  les  petits  ouvrages 
qui  n'ont  point  de  prife. 

Pinces  piates,  terme  5"  outil  de 
Chainetiers  ,  qui  leur  fert  pour  tenir  les 
anneaux  ôc  chaînons  qu'ils  veulent  fonder 
ou  qu'ils  veulent  limer.  C'eft  un  outil  de 
fer  de  la  longueur  de  cinq  ou  fîx  pouces  , 
compofé  de  deux  branches  enchâftées  en 
croiflant  l'une  dans  l'autre  environ  aux 
deux  tiers  ,  ôc  arrêtées  par  un  clou  rivé  , 
pour  leur  laifler  le  mouvement  hbre  de 
s'ouvrir  ôc  de  fe  refermer  j  les  branches 
d'en  bas  forment  une  efpece  de  ventre 
bombé  en  dehors  pour  les  empoigner  plus 
commodément  j  ôc  celles  d'en  haut  font 
plates  ôc  larges ,  ce  qui  forme  une  efpece 
de  tenaille.  • 

Pinces  rondes  ,  terme  &  outil  de 
Chainetiers  ,  qui»  leur  fert  pour  donner 
la  figure  fonde  aux  chaînons  ou  anneaux 
qu'ils  veulent  faire.  Elles  ne  différent  en  rien 
6es  pinces  rondes  dont  plufieurs  autres 
ouvriers  fc  fervent. 


P  I  N 

Pince  ,  (  Chaudronnier.  )  Les  pinces 
des  chaudronniers  font  des  tenailles  de 
fer  allez  femblables  à  celles  des  ferruriers  , 
maréchaux  ôc  taillandiers ,  mais  beaucoup 
plus  petites.  Ils  s'en  fervent  pour  tenir  leur 
ouvrage  ,  lorfqu'ils  ont  befoin  de  le  mettre 
au  feu. 

Pince  ,  outil  de  Cordonnier  ,  c'eft  une 
efpece  de  tenaille  de  fer  de  dix  à  douze 
pouces  de  longueur  ,  dont  la  tête  eft  très- 
mafîive  ,  ordinairement  de  figure  cubique, 
ôc  dentelée  en  dedans  ,  en  forte  que  les 
dents  d'un  des  cotés  s'engrènent  dans  les 
dents  du  côté  oppofé.  Cette p'/ice  eft  par- 
ticulière aux  Cordonniers ,  qui  s'en  fervent 
pour  mettre  le  foulier  fur  la  forme  ,  après 
que  l'empeigne  ôc  les  quartiers  ont  été 
cou  fus. 

Quand  cette  pince  eft  fermée ,  ils  ulènt 
ait  la  tête  comme  de  marteau  pour  cogner 
les  clous  à  brocher ,  ôc  des  bouts  des  bran- 
ches qui  font  fendus  comme  des  tenailles 
pour  les  retirer  :  mais  fon  plus  grand  ufagc 
eft  pour  tirer  le  cuir  &:  l'étendre  fur  la 
forme  ,  Ôc  ,  comme  ils  difent  ,  pour  le 
brocher  ,  c'eft-à-dirc  ,  pour  le  bâtir  ,  ôc  le 
mettre  en  état  qu'on  y  coufe  la  femelle 
dedans.  La  mafîc  eft  large  ôc  dentelée  , 
afin  qu'elle  tienne  fermement  le  cuir  ,  fans 
pourtant  le  pouvoir  déchirer. 

Ces  pinces  fe  vendent  par  les  marchands 
de  crépin.  Les  autres  clincaillers  en  font 
auftî  commerce  ;  mais  les  cordonniers  s'en 
fournifîent  plus  volontiers  chez  les  pre- 
miers. Diciionn.  de  commerce.    {  D.  J.) 

Pince  ,  terme  de  couturière  ,  pli  en 
forme  de  pointe  ,  qu'on  fait  fur  divers 
ouvrages ,  comme  aux  chemifes  ,  man- 
chettes ,  rabats ,  ùc,  {D.  J.  ) 

Pinces  rondes  &  plates  ,  outil  dp 
Ferblantier.  Ces  pinces  font  faites  comme 
les  pinces  de  bien  d'autres  ouvriers  qui 
s'en  fervent.  Les  premières  font  les  te- 
nailles plates  3  ôc  les  fécondes  les  tenailles 
rondes. 

Pinces  longues  ,  rondes  ,  outil  de 
Ferblantier  ,  ce  font  deux  morceaux  de 
fer  en  croix  ,  comme  des  cifeaux  ,  atta- 
chés au  milieu  avec  un  clou,  rivés  de  façon 
que  cela  forme  des  pinces.  Les  branches 
d'en  haut  font  rondes  ôc  fînifïènt  en  pointe 
ôc  celles  d'en  bas  font  plates  j  elles  fervent 

aux 


PI  N 

aux  cordonniers  pour  goudronner  &  can- 
neier  les  lampions. 

Pince  ,  terme  de  Fondeur  ,  c'eft  le 
bord  ou  l'extrëraité  inférieure  de  la  clo- 
che ,  fur  lequel  frappe  le  battant.  {D.  J.) 

Pinces  rondes  6*  plates  ,  omiU 
de  Gainier.  Ces  pinces  font  exadement 
faites  comme  les  autres  pinces  dont  tous 
les  autres  ouvriers  fè  fervent  ,  comme 
par  exemple  celles  des  chaînetiers  ,  fer- 
blantiers ,  ùc. 

Pinces  ou  Pincettes.   Cet    outil 

dont  les  horlogers  fe  fervent  pour  tenir 
différentes  pièces  ,  ou  agir  fur  elles  avec 
plus  de  commodité  ,  eil  compofe  de  deux 
branches  mobiles  fiir  un  centre  ;  les  cx- 
trémicés  de  c^t  inlîruraent  font  taillées  & 
trempées  fort  dur.  Ces  tailles  fervent  à  taire 
autant  de  petites  dents  qui  y  s'engageant 
dans  la  pièce  qui  eft  contenue  dans  ces 
extrémités ,  font  qu*on  la  tient  avec  plus 
de  force  que  fi  elles  étoient  liffes. 

Pince  ,  {Maréchal.)  c'cft  dans  le  pié 
des  chevaux  l'arrête  que  la  corne  lait  aux 
pies  de  devant ,  &  qui  efl  comprife  entre 
les  deux  quartiers.  On  broche  plus  haut 
k  la  pince  à^s  pies  de  devant  qu'à  ceux 
de  derrière ,  parce  que  la  corne  ou  la 
pince  efl  plus  forte  ;  &  qu'en  brochant 
haut ,  il  y  a  outre  cela  moins  de  danger 
de  rencontrer  le  vif. 

Pinces  font  auffi  quatre  dents  de  devant 
de  la  bouche  du  cheval ,  qu'il  poufîè  entre 
deux  ou  trois  ans ,  &  dont  deux  (ont  à  la 
mâchoire  fupérieure  &  deux  à  l'intérieure. 

Pinces  de  bois,  font  parmi  les  Or- 
fèvres en  gros  y  des  pinces  de  bois  dont 
ils  fe  fervent  pour  tirer  les  pièces  d'or- 
fèvrerie du  blanchiment  ,  parce  que  le 
fer  rougiroit  l'argent  &  gâteroit  le  blan- 
chiment. 

Pince  ,  outil  de  PaJJememier ^  petit 
inftrument  de  fer ,  en  forme  de  tenailles 
pointues  ,  dont  fe  fervent  les  pafîemcn- 
tiers-boutonniers,  pour  redrefler  les  fleurs 
de  leurs  campanes  ,  &  autres  femblables 
ouvrages.  {D.  J.) 

Pince  ,  inftrument  de  Paveur  ^  barre 
de  ter  ronde  &  prefque  grofle  comme  le 
bras ,  grande  d'environ  trois  pies  ,  &  poin- 
tue par  le  bout,  dont  les  paveurs  fe  fer- 
vent pour  arracher  le  pavé.  (D,J.) 
Tome  XXV, 


PIM  5,57 

Pince,  outil  de  Relieur ^  outil  en 
'forme  de  tenaille  de  fer  ;  le  mors  de  cette 
petite  tenaille  ,  c'efl:-  à  -  dire  ,  l'endroit 
par  où  elle  pince  ,  eft  plat.  On  s'en  fert 
pour  pincer  les  nervures  ;  ce  qui  fe  fait  ea 
approchant  avec  la  pince  de  chaque  côté 
dci  nerfs  ,  les  ficelles  dont  le  livre  eiè 
fouetté.  (Z>,/.) 

Pinces  ,  inflrument  du  métier  des 
étojfes  de  foie.  Les  pinces  font  un  -petit 
outil  de  fer  à  deux  branches  repliées  l'une 
contre  l'autre  'y  bien  limées  ,  &  qui  fe  ren- 
contrent Julie  lorfqu'on  appuie  les  doigts, 
pour  les  ferrer  ;  elles  fervent  à  nettoyer' 
les  étoffes  ,  à  meiure  qu'elles  le  fabriquent, 
ou  quand  elles  (ont  fabriquées. 

La  pince  eft  encore  un  outil  propre  à 
couper  le  poil  du  velours  ,  à  mefure  qu'il 
fe  fabrique. 

Pinces,  en  terme  de  Tabletier-Cor^ 
netier,  fe  dit  de  grofTes  tenailles  dont  les 
ferres  font  plates  ,  qui  Ibnt  attachées  à  un 
banc  ou  à  un  établi.  Elles  fervent  à  tenir  le 
galin  dans  la  marmite  où  on  l'a  mis  pour 
le  mollifîer ,  pour  l'étendre  &  pour  l'ou- 
vrir. Voye^  Mollifîer  ,  Etendre  & 
Ouvrir.  Ces  pinces  font  tenues  fermées 
par  le  moyen  d'une  traverfe  percée  de  plu- 
iieurs  trous,  dans  lefquels  une  des  extré- 
mités pafîe.  Ces  trous  font  faits  de  difîancc 
en  difîance ,  pour  que  les  pinces  refient 
plus  ou  moins  ouvertes  félon  l'épaifTeur  de 
la  pièce  qu'elles  tiennent. 

Pinces  ,  f.  f.  pi.  (  terme  de  Chaffe.  ) 
les  chafTeurs    nomment  pinces    les   deux 
bouts  des   pies  des  bêtes    fauves.  L'ufura. 
de  leurs  p//2Cfj  prouve  que  la  bête  efl  vieille. 

PINCÉ  ,  (  Mujjque.  )  forte  d'agrément 
propre  à  certains  inflrumens  ,  &  fur-tout 
au  clavefîîn  :  il  fe  fliit ,  en  battant  alter- 
.nativement  le  Ion  de  la  note  écrite  avec 
le  fon  de  la  note  inférieure  ,  &  obfervant: 
de  commencer  &  finir  par  la  note  qui 
porte  le  pincé.  Il  y  a  cette  différence  du 
jDz/îi'f' au  tremblement  ou  trill,  que  celui-ci 
fe  bat  avec  la  note  fupérieure,  &  le  pincé 
avec  la  note  inférieure.  Ainfi  le  trill  lur  m 
fe  bat  fur  Yut  &  fur  le  re  ,  &  le  pincé  fur 
le  même  ut  fè  bat  fur  Wit  &  fur  le  fi.  Le 
pincé  ti\  marqué  ,  dans  les  pièces  de  Cou- 
pcrin  ,  avec  une  petite  croix  fort  ferabln- 
ble  à  celle  avec  laquelle  on  marque  le  trill  ^ 
Cccc  c  c 


P38  PIN 

dans  la  mufique  ordinaire.  Voy.  les  ftgnes 
de  l'un  &  de  l'autre  ,  à  la  tête  des  pièces 
de  cet  auteur.  {S) 

PINCEtU  de  mer,  {Hifl.  nat.) 
jnfeile  de  mer  mis  au  rang  des  zoophyies. 
Il  relîlmble  beaucoup  par  fa  forme  aux 
pinceaux  des  peintres  :  il  a  une  forte  de 
tuyau  dur  qui  tient  aux  rochers  de  la  mer 
par  un  ligament  mou  &  lâche  ;  la  lubllance 
intérieure  de  ce  tuyau  eii:  charnue  &  jaune 
ordinairement  ,  &  quelquefois  d'une  autre 
couleur.  Rondelet ,  hijh  des  Zoophytes  y 
ehap.v.  Voyei  INSECTE. 

Pinceau,  terme  &  outil  de  CeintU' 
rier y  qui  fert  à  pofer  la  colle  fur  leur  ou- 
vrage. Ce  pinceau  ell  de  foie  de  cochon  , 
de  la  groffeur  environ  d'un  pouce  y  em- 
manche d'un  morceau  de  bois  de  la  lon- 
gueur de  fix  pouces. 

Pinceau  à  goudronner  y  (  Marine.  ) 
c'eft  un  pinceau  de  foie  de  cochon  ;  il  eil 
emmanché  de  côté  ,  &  fert  à  goudronner 
le  vaiflèau  ,  les  mâts  &  les  vergues. 

Pinceau  ,  nom  général  qu'on  donne  à 
tout  inftrument  dont  les  peintres  le  fer- 
vent pour  appliquer  leurs  couleurs. 

Ce  mot  vient  du  mot  latin  penicillus , 
peniculus  ou  penicillum  y  qui  lignifie  la 
même  chofe.  Il  y  a  des  pinceaux  de  diffé- 
rentes efpeces  &  de  différente  matière. 
Ceux  dont  on  fe  fert  plus  ordinairement 
font  du  poil  de  la  queue  d'un  animal  ap- 
pelle petit-gris  y  efpece  d'écureuil.  On  en 
fait  de  queues  de  blaireau  ,  du  putois  ,  du 
poil  de  chien  ;  on  en  fait  de  foie  de  porc, 
de  fanglier  ,  qu'on  appelle  brojfe.  Les  pin- 
ceaux &  broffes  font  renfermés  par  un  bout 
dans  des  tuyaux  de  plume  ,  &  le  bout  des 
pinceaux  fe  termine  en  pointe.  Lorfqu'on 
veut  de  grolfes  broffes  ,  on  les  fait  ,  ainfi 
que  les  petites  ,  avec  de  la  foie  de  porc  ; 
mais  ne  pouvant  les  enfermer  dans  un  feu! 
tuyau  de  plume,  on  en  ouvre  plufieurs 
dont  on  les  enveloppe  en  les  affujettiffant 
avec  une  ficelle  ;  &  quelquefois  on  lie  la 
foie  de  porc  autour  de  l'un  des  bouts  d'un 
bâton  appelle  manche  ou  hampe.  On  fait 
encore  une  efpece  de  pinceau  ou  brofle 
plate ,  de  poil  de  porc  appelle  tranchit , 
<}ui  fert  beaucoup  dans  l'architeûure  & 
dans  les  grands  ouvrages.  Les  pinceaux 
pour  la  mignature  font  faits  de  la  même 


PIN 

manière  que  ceux  pour  peindre  à  l'huile  , 
à  cela  près  que  leur  pointe  elt  plus 
aiguë. 

Pinceau  ,  fe  dit  auffi  en  parlant  des  ou- 
vrages d'un  peintre.  Ce  peintre  a  un  beau 
pinceau  y  un  pinceau  lavant.  Ce  n'eft  pas 
là  de  fon  pinceau  y  je  reconnois  Ion  pin- 
ceau y   &c. 

Pinceau  indien  ,  (  Invent.  chi~ 
noife.  )  les  pinceaux  indiens  ne  font  au- 
tre choie  qu'un  petit  morceau  de  bois  de 
bambou ,  aiguifé  &  fendu  par  le  bout  à  un 
travers  de  doigt  de  la  pointe.  On  y  attache 
un  petit  morceau  d'étoffe  imbibée  dans 
la  couleur  qu'on  veut  peindre  fur  de  la 
toile  ,  &  qu'on  prelî'e  avec  les  doigts  pour 
l'exprimer.  Celui  dont  on  fe  fert  pour 
peindre  la  cire  ell  de  fer ,  de  la  longueur 
de  trois  travers  de  doigt ,  ou  un  peu  plus. 
Il  qÛ  mince  dans  le  haut ,  &  par  cet  endroit 
il  s'infère  dans  un  pe?it  bâton  qui  lui  fert 
de  manche  \  il  ell  fendu  par  le  bout  ,  & 
forme  un  cercle  au  milieu  ,  autour  duquel 
ou  attache  un  peloton  de  cheveux  de  la 
grofleur  d'une  mufcade  ;  ces  cheveux  s'im- 
bibent de  la  cire  chaude  qui  coule  peu- 
à-peu  par  l'extrémité  de  cette  efpece  de 
pinceau. 

Pinceau,  f  m.  {terme  de  Relieur.) 
forte  de  brolfe  compofée  d'un  manche  de 
bois  &  de  poil  de  ianglier  ou  de  cochon» 
Les  relieurs  s'en  fervent  pour  coller  & 
jafper. 

Pinceaux  de  Flandre,  en  terme 

de  Vergetier^  ce  font  des  pinceaux  qui 
viennent  de  ce  pays ,  &  qui  ne  font  liés 
que  par  deux  liens  feulement.  Ces  pinceaux 
ne  iont  plus  recherchés  ,  comme  ils  l'é- 
toient  autrefois  ;  les  ouvriers  de  Paris  en 
font  qui  les  valent  pour  le  moins  ,  &  qu'on 
.leur  préfère. 

Pinceau  ,  (  outil  de  VerniJJeur.  )  Les 
vernilfeurs  le  fervent  de  pinceaux  fort 
petits  &  ronds,  comme  les  peintres  ,  pour 
deliiner  &  former  des  figures  &  des  pay- 
fages  fur  leurs  ouvrages.  Ils  en  ont  de  plus 
particuliers  avec  lefquels  ils  vernilfent  ;  ils 
font  plats  ,  larges  d'un  bon  pouce  ,  épais 
de  fix  lignes,  dont  la  barbe  eft  en.châlfée 
avec  du  fer  blanc  &  un  petit  manche  de 
bois  rond  :  le  poil  de  ces  pinceaux  ell  de 
poil  de  petit-gris  &  de  poil  de  blaireau.» 


PIN 

PINCÉE  y  Cf.   (  terme  de  Médecine.  ) 
^ft  la  quantité  de   fleurs ,  de  graine  ,    on 
autres    llibllances    fcmblahles  ,  qui    peu- 
tenir  entre  deux  ou  trois  doigts  ,  le  pouct 
&  le  fuivant  ou  les  deux  fuivans. 

Ce  mot  vient  du  latin  pugiîlus  ,  qui 
fignifie  petit  poing.  C'eft  la  même  choie 
que  pincée. 

Le  pugille  efl:  eftimé  la  huitième  partie 
de  la  poignée,  quoique  quelques-uns  Co*n- 
fondent  pugille  avec  poignée. 

PINCELIER  ,  {'.  m.  (Peinture.)  baffin 
oblong  ou  quarré  ,  d'environ  fix  pouces  de 
long  ,  qui  efl  de  fer  blanc.  Il  a  une  tra- 
verie  qui  excède  un  peu  (es  bords  ,  fur 
laquelle  les  peintres  nettoient  leurs  pin- 
ceaux avfc  de  l'huile,  en  les  faiiant  pal- 
ier fur  cette  traverfe  ,  &  appuyant  le  doigt 
deûus. 

PINCER,  V.  aâ.  (Gramm.)  en  géné- 
ral c'eft  ferrer  avec  le  bout  des  doigts.  Les 
oifeaux  pincent  avec  leurs  becs  ;  les  écre- 
vifîès  avec  leurs  pattes  ;  les  ouvriers  avec 
des  tenailles.  On  pince  les  cordes  d'un 
luth  ,  &c.  Il  fe  prend  aulli  au  figuré ,  & 
l'on  dit  d'un  homme  qui  raille  finement , 
qu'il  pince  fans  qu'on  s'en  apperçoive. 

Pincer  le  vent,  (Marine.)  c'eft 
aller  au  plus  près  du  vent  ,  cingler  à  fix 
quarts  de  vent  près  du  rhumb  d'où  il  vient. 
Fby^;^  Ranger. 

Pincer,  Pincement,  (Jardinage.) 
pincement ,  en  terme  de  Jardinage ,  eu 
l'adion  d'arrêter  par  les  bouts  tous  lesbour- 
,  gcons  de  la  poulî'e  d'une  année,  lorl'qu'ils 
font  parvenus  à  une  certaine  longueur.  On 
appelle  pincement  cette  opération  ,  parce 
qu'on  le  fert  des  deux  ongles  du  pouce  & 
de  l'index  pour  rogner  le  bout  des  branches 
qui  s'échappent  trop. 

On  n'eii  pas  bien  d'accord  fur  la  nature 
^es  bourgeons  pour  le  pincement  y  ni  même 
fur  les  effets ,  ni  fur  les  raifons  de  pincer 
le  bout  des  branches.  Les  uns  prétendent 
par  l'on  moyen  empêcher  les  bourgeons  de 
s'étroler  ,  c'clî-A-dire  de  s'alonger  trop  en 
reliant  toujours  fort  menus  ;  &  on  préteac! 
faire  fortifier  par-là  ki  bourgeons.  D'au- 
tres pratiquent  le  pincement  à  deiîein  d'ar- 
rêter la  fève ,  &  de  rcmf")êcher  de  s'eir. 
porter  vers  le  haut.  Il  en  eft  d'autres  en- 
core qui  s'en  ièrveat  dans  la  vue  de  faire 


PIN  939 

ouvrir  les  yeux  d'en  bas  à  deflèin  de   le» 
faire  drageonner. 

Le  pincement  eu  en  ufage  univerfelle-- 
:Ticnt  dans  le  jardinage ,  pendant  les  mois 
d'avril  ,  mai  &:  juin.  Il  ne  doit  fe  faire 
que  fur  les  grofîès  branches  d'en  haut ,  & 
jamais  fur  les  foibles  ,  ni  fur  celles  d'ea 
bas  ,  qu'il  eÛ  effenticl  de  conferver  afia 
qu'elles  en  produifent  d'autres  pour  rem- 
placer les  endroits  fujets  à  fe  dégarnir.  S'il 
en  vient  de  chiffonnes  &  de  gourmandes , 
on  les  retranchera  entièrement. 

Préfentement  on  regarde  le  pincement 
comme  la  caufe  la  plus  meurtrière  des 
arbres,  &  la  fource  de  leur  infécondité; 
on  l'avoit  pratiqué  fans  aucun  examen  & 
par  la  force  du  préjugé.  On  eft  convaincu 
par  les  expériences  ,  que  l'on  ne  peut  éle- 
ver en  pin  font  de  beaux  arbres  qui  don- 
nent long-temps  des  fruits.  Cette  opération 
détruit  le  méchanifme  de  la  végétation  par 
la  fupprefîion  de  la  cime  du  bourgeon  , 
laquelle  eft  un  des  organes  ou  une  partie 
organique  la  plus  nécelîaire  de  l'arbre  pour 
l'adion  de  la  levé.  Il  ne  faut  pincer  les 
arbres  que  dans  un  feul  cas  ,  c'eft  quand 
on  veut  faire  drageonner  un  arbre  ,  c'eft* 
à-dire  ,  le  faire  pouffer  par  le  pié  :  alors 
cette  opération  devient  d'une  neceflifë 
indifpeniable.  On  pincera  avec  l'ongle  les 
orangers  &  les  autres  arbres  de  fleurs  dans 
les  deux  pouflês  ,  pour  ôter  les  jets  foibles  ; 
&  on  ne  laiffera  point  emporter  les  bran- 
ches qui  poufîent  trop  ;  on  les  coupera 
d'une  longueur  convenable  à  la  forme  &  à 
la  rondeur  de  l'arbre  ,  qui  efl  la  principale 
chofe  que  l'on  doive  oblèrver  en  taiÙant 
les  orangers. 

Ne  pinc€7^  point  la  première  année  les 
orangers  étêtés ,  parce  qu'ils  ont  befoin  de 
toute  la  longueur  des  branches  pour  former 
promptcment  une  nouvelle  zete. 

L'ébourgconnement    qu'on   a  trouvé   ^ 
ion  article,  tient  \\eu  de  pincement ,    & 
fl    infiniment  meilleur.    Voye^  Ebour- 
jeonnement. 

Pincer  ,  (Maréchal.)  c'eft  approcher 
ielioarcment  l'éperon  du  flanc  du  cheval 
"ans  donner  de  coup  ni  appuyer.  Le  pincer 
\\  une  aide,  &  appuyer  un  chatimenr. 
^incer  du  droit,  pincer  du  gauche,  pincer, 
Jes  deux.  Loriqu'on  a  pincé  un  ciieval ,  il 
Ce  cccc  2, 


$40  P  I  N 

ne  faut  pas  laillèr  Téperon  dans  le  poil  , 
mais  le  retirer  d'abord. 

Pincer  ,  en  terme  de  Planeur  ^  c'efl 
proprement  l'adion  de  former  l'angle  qui 
va  fout  autour  d'une  pièce  de  vaiflelle  au 
defilis  du  bouge ,  fous  la  marlie.  Voye\ 
Arrête. 

Pincer  un  livre  ^  [terme  de  Relieur) 
c'eft  approcher  avec  de  petites  pinces  de 
fer  de  chaque  côté  des  nerfs  qui  font  au  dos 
d'un  livre,  les  ficelles  qui  n'en  font  pas 
afîez  proche  quand  on  l'a  fouetté. 

Pincer.,  (Mujique.)  C'eft  employer 
les  doigts  au  lieu  de  l'archet  pour  faire 
ionner  les  cordes  d'un  infîrument.  Il  y  a 
des  inflrumens  à  cordes  qui  n'&nt  point 
d'archet ,  &  dont  on  ne  joue  qu'en  les 
pinçant  ;  tels  font  le  ciflre  ,  le  luth  ,  la 
guitare  :  mais  on  pince  auffi  quelquefois 
ceux  où  l'on  fe  fert  ordinairement  de  l'ar- 
chet ,  comme  le  violon  &  le  violoncelle  ;  & 
cette  manière  de  jouer  ,  prefque  inconnue 
dans  la  mufique  françoife,  fe  marque  dans 
l'itahenne  par  le  motpi\^ifato.  (S) 
-  PINCETTES  ,  f.  f.  plur.  (  omil  d'Où- 
rriers.)  infîrument  de  fer  poH ,  corapofe 


PIN 

pofees  de  deux  petites  lames  foudees  fie 
unies  par  un  bout,  qui  s'écartent  l'une  de 
l'autre  par  leur  propre  reflort  ,  &  qui  fe 
joignent  à  leurs  extrémités  en  les  ferrant 
avec  les  doigts  ;  elles  fervent  à  foutenir 
les  parties  délicates  qu'on  veut  difîéquer. 
Voje^  en  la  figure  dans  Habicot ,  Lyfer  , 
&  aut.es. 

Pincettes,  injîrumem  de  Chirurgie  , 
dont  on  fe  fert  pour  panier  les  plaies  ,  les 
ulcères,  les  fiftules  ,  introduire  dans  leur 
fond  les  parties  d'appareil  qu'on  ne  fauroic 
y  mettre  avec  les  doigts ,  \i:s  en  ôter  dans 
le  beloin  ,  ou  même  en  tirer  les  corps 
étrangers.  Il  y  a  plufieurs  fortes  de  pin- 
cettes ,•  celles  qui  font  à  anneaux  font  le 
plus  en  ufage. 

Elles  iont  compofées  de  deux  branches 
unies  enfemble  par  jondion  palTéc ,  ce 
qui  rend  une  branche  mâle  &  l'autre 
femelle.  V.  JONCTION  PASSÉE  ,  terme 
de  Coutellerie. 

Le  corps  ou  milieu  des  pincettes  qui  efl 
formé  par  Tunion  des  deux  branches  ,  les 
partage  en  partie  antérieure ,  &  en  partie 
poflérieurc.  La  partie  antérieure  des  pin~ 


d'une  xètt  y  d'un  bouton ,   de  deux  bran-    cettes  eft    ordinairement   appellée   bec.    Il 
ches  &  d'une  pjtte.  commence  à  la  partie   antérieure    de    la 

jondion  paffée ,    &  fe  continue    l'efpace 


Ce  font  encore  de  petites  tenailles ,  \qs 
unes  {impies  ,  &  les  autres  à  reflbrt ,  dont 
fe  fervent  divers  ouvriers  pour  placer  les 
différentes  pièces  de  leurs  ouvrages ,  qui 
iônt  trop  petites  pour  être  mifes  à  la  main  , 
comme  font  les  goupilles  ,  les  petites  vis 
&  autres  femblables  ,  particulièrement 
dans  Thorlogerie.  Les  deux  branches  de 
ces  tenailles  font  courbées  en  demi-cercle 
pour  donner  plus  de  force  &  de  tenue  au 
mors  lorfqu'on  les  prefle.  A  l'égard  du 
mors ,  il  efl  toujours  étroit  &  fans  cour- 
bure ;  mais  aux  unes  plat  &  quarré  ,  &  aux 
autres  plat  &  pointu. 

Les  joailliers  fe  fervent  aufïi  de  pincettes 
très-fines  pour  prendre  les  pierres  précieu- 
i&s  qui  font  d'un  très-petit  volume  ,  & 
les  ranger,  fur  les  deffins  des  diverfes  pie- 
ces  de  joaillerie  qu'ils  veulent  monter. 

Il  y  a  des  pincettes  qui  fervent  à  arracher 
le  poil  &  la  barbe.  On  les  appelle  autre- 
l'Uent  pinces.  {D.  J.) 

Pincettes^  diJPéquer ,  {Inflrument 
anatom,)  ces  ionisât  pincettes  font  com- 


de  deux  ou  trois  pouces  ,  pour  fe  termi- 
ner par  une  extrémité  fort  moufïè  &  fort 
arrondie. 

L'extérieur  des  branches  qui  compofènt 
ce  bec  ,  eff  exaâeraent  poli  &  arrondi 
dans  toute  fa  longueur ,  &  va  infenfible- 
ment  en  diminuant  jufqu'à  l'extrémité  ,  où 
il  eff  mouffe.  L'intérieur  au  contraire  efl 
applaci  depuis  la  jonâion  paflée  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  chaque  branche  ,  où  l'on  remar- 
que des  inégalités  différentes  ,  fuivant  \ts 
divers  ufages  des  pincettes  :  mais  outre  le 
plane  de  chaque  branche  ,  elles  font  en- 
core un  peu  courbées  dans  leur  miheu  ; 
ce  qui  fait  que  la  pincette  étant  fermée  » 
on  voit  un  petit  efpace  entre  chaque  bran- 
che ,  qui  s'efiace  à  mefurc  qu'il  approche 
de  l'extrémité  du  bec  ;  cette  courbure  efl 
néceffaire  ,  pour  que  l'extrémité  du  b^ 
pince  exaélement. 

Les  pincettes  ont  ordinairement  des  iné- 
galités tranfverfales  &  parallèles  à  la  partie 
interne  de  leur  extrémité  antérieure  ;  mais 


PIN 

par  ce  moyen  elles  ne  font  propres  qu'au 
pànfement  dss  ph'ies  :  ù  l'on  y  pratiquoit 
des  cavités  longuettes  ,  &  qu'on  fît  garnir 
ces  cavités  de  petites  dents  ,  ces  pincettes 
n'en  feroient  pas  moins  propres  au  paniè- 
ment  des  plaies  ;  &  cette  ftrudure  les 
rendroit  en  outre  fort  efficaces  pour  l'ex- 
traûion  des  corps  étrangers.  C'eft  une  re- 
marque de  M.  Garengeor,  dans  Ton  traité 
d'injirumens  ,ii  V article  des  pincettes. 

La  partie  pofîérieure  des  pincettes  eft  à- 
peu-près  de  la  même  flrudure  que  la  partie 
pofîérieure  des  cifeaux,  voye^  CISEAUX  , 
à  la  différence  que  l'anneau  efl:  plus  petit , 
&c  le  manche  plus  arrondi.  Voye\lafig./l.. 
Planche  I. 

Les  dimenfions  de  ce  manche ,  y  com- 
pris les  anneaux  ,  font  de  deux  pouces  de 
longueur  ,  lefquels  joints  avec  le  corps  ou 
le  milieu  qui  a  neut  lignes ,  &  la  lice  qui 
cft  de  deux  à  trois  pouces  ,  tont  à-peu- 
près  la  longueur  d'environ  cinq  pouces  & 
demi. 

PiNCETTE  A  POLYPE  , /a  ,  diffère  peu 
de  celle  que  nous  venons  de  décrire.  L'ex- 
trémité pofîérieure  efl  un  peu  plus  lon- 
gue, étant  de  trois  pouces^  y  compris 
l'anneau  ;  l'union  eft  toute  la  même  chofe 
par  jondion  paffée  ;  mais  leur  bec  ell  diffé- 
rent ;  il  ell  très -légèrement  arrondi  en 
dehors  ,  &  plat  en  dedans  ,  &  va  toujours 
en  augmentant  peu  à  peu  ,  pour  fe  termi- 
ner par  une  extrémité  fort  moulTe. 

On  pratique  à  l'extrémité  du  bec  deux 
petites  fenêtres:  ces  ouvertures  ont  quatre 
lignes  de  hauteur  fur  deux  lignes  &  demie 
de  diamètre  ;  enfin  le  bec  a  un  pouce  neuf 
lignes  de  long  fur  près  de  quatre  lignes  de 
lâi'gc  »  &  hpincette  n'a  en  tout  qu'un  demi- 
pié  de  longueur.  Voje:{'PoLYTE. 

Il  y  a  des  pincettes  courbes  &  beaucoup 
plus  longues  pour  tirer  les  polypes  du  nez 
par  la  bouche. 

M.  Levret  a  imaginé  des  pincettes  pour 
la  ligature  des  polypes  :  elles  ont  à  leur 
bec  de  petites  poulies  dans  l'épaiffeur 
de  l'extrémité  du  bec.  Voye^  POLYPE 
UTÉRIN. 

•  Pincettes  anatomiques,  infîru- 
ment  compofé  de  deux  petites  lames  fou- 
dées  &  unies  par  un  bout ,  qui  s'écartent 
Tune  &  l'autre  par  leur  propre  reflbrt ,  & 


PIN  5,4r 

qui   fe  joignent  à  leur  extrémité ,  en  les 
ferrant  avec  les  doigts. 

Cet  inïîrument  a  ordinairement  quatre 
pouces  de  longueur,  cinq  ou-  fix  lignes  de 
large  à  la  ba'iê  de  chaque  branche  qui  va 
toujours  en  diminuant  de  largeur  ,  &  aug- 
mentant un  tant  foit  peu  d'épa;  fleur. 
Ces  branches  font  entourées  extérieure- 
ment d'un  petit  bifeau  ,  &  elles  ont  de 
petites  inégalités  tranfveriales  à  leur  partie 
inférieure  &  inférieure  ;  ce  qui  fait  qu'elles 
ferrent  plus  exadement.  J^oye\  la  fig.  ^. 
Planche  I. 

L'ufage  de  ces  pincettes  efl  de  foulever 
\ts  parties  délicates  qu'on  veut  difîequer. 
Elles  font  aufîi  très-utiles  dans  les  panfe- 
mens  des  plaies  ,  &  n'effraient  point  \ç.s 
malades  ,  comme  les  pincettes  à  anneaux 
qu'ils  craignent ,  parce  qu'elles  reffemblent 
à  des  cifeaux.  (1^) 

Pincettes  à  argenter  &  dorer,  font 
des  efpcces  de  bruxelles  d'cbene  ,  dont 
les  doreurs  fur  cuir  le  fervent  pour  pren- 
dre les  feuilles  d'or  ou  d'argent  ,  &  les 
appliquer  fur  les  ouvrages  :  à  l'extrémité 
où  les  deux  branches  fe  joignent  y  efl 
attaché  un  morceau  de  queue  de  renard  , 
dont  l'ufage  eu  d'appliquer  les  feuilles  fur 
l'affiette  dont  la  peau  eft  peinte. 

^PINCHINA,  f.  m.  (Draperie.)  forte 
d'étoffe  de  laine  non  croifée ,  qui  eff  une 
efpece  de  gros  &  fort  drap  qu'on  fabrique 
à  Toulon  ;  leur  largeur  eff  d'une  aune  ,  & 
la  longueur  àes  pièces  efl  de  vingt  &  une 
à  vingt-deux  aunes,  raefure  de  Paris.  Il 
fe  fait  des  pinchinas  tout  de  laine  d'Ef- 
pagne ,  &  d'autres  entièrement  de  laine 
du  pays. 

PINÇON  ,QUINCON  ,  GRINSON , 
FRINGILLANNE  ,  ï.  m.  (  HiJÎ.  natur. 
Ornit.  )  fringilla ,  oifeau  qui  efl  un  peu 
plus  petit  que  le  moineau  ,  &  qui  pefè 
prefqu'une  once.  Il  a  le  bec  fort  &  pointu  ; 
l'extrémité  &  la  aiece  fupérieure  font 
brunes ,  la  pièce  infarieure  efl  blanchâtre. 
Le  mâle  a  la  tête  blanchâtre  ,  excepté 
derrière  les  narines  où  les  plumes  font 
noirâtres.  Le  dos  a  une  couleur  roufîe 
mêlée  de  cendré  ou  de  vtrd  ;  la  poitrine 
ell  rougeâtre  ,  &  les  plumes  du  deflbus  de 
la  queue  font,  blanchâtres.  Les  couleurs 
de  la  femelle  font   plus  pâles  ^    elle   a 


5+t  PIN 

cependant  le  croupion  verd  ,  comme  le 
maie;  mais  la  couleur  du  dos  e(î  moins  roul- 
fe  •  le  basrvenrre  a  une  couleur  brune  mê- 
lée'd'une  teinte  de  verd  ,  &  la  poitrine  cÛ 
d'une  couleur  laie  &  obfcure. 

Il  y  a  dix-huit  grandes  plumes  dans 
chaque  aile  ;  elles  ont  toutes ,  excepté  les 
trois  premières,  la  racine  &  les  barbes 
intérieures  blanches;  les  bords  extérieurs 
font  au  contraire  jaunâtres  ,  ou  plutôt  ver- 
dâtres.  On  diftingue  ailément  le  mâle  de 
la  femelle  ,  par  les  plumes  de  la  bafe  de 
l'aile  qui  l'ont  bleuâtres  ,"  &  par  une  tache 
blanche  qui  fe  trouve  fur  la  partie  fupé- 
rieure  de  l'aile  ;  au  delfous  de  cette  tache 
il  y  a  un  efpaCe  noir ,  &  plus  bas ,  une 
longue  bande  blanche  qui  s'étend  fur  la 
pointe  des  petites  plumes  de  l'aile ,  depuis 
ia  quatrième  juîqu'à  la  dixième.  La  partie 
de  la  bande  qui  pafle  liir  la  pointe  ,  efl 
d'un  blanc  jaunâtre  :  la  queue  a  un  peu 
plus  de  deux  pouces  de  longueur,  elle  efî 
compolée  de  douze  plumes  ;  l'extérieur  de 
chaque  côté  a  la  racine  &  la  pointe  noires  . 
feulement  du  côté  extérieur  du  tuyau,  L'ef- 
pace  intermédiaire  ert  bîanc;  les  plumes 
qui  (ijivent  n'ont  de  blanc  qu'à  la  pointe  , 
&  du  côte  extérieur  du  tu)  au  ;  les  trois 
fuivan'es  de  chaque  côté  font  noires  en 
entier;  enfin  les  deux  du  milieu  ont  une 
couleur  cendrée^  à  l'exception  des  bords 
qui  lont  verdâtres-  Les  pinsons  aiment  le 
froid  ;  cependant  quand  il  efi  grand  ,  ils 
en  font  iiicommodés.  Willughbi ,  Ornithol. 
Voyei^  Oiseau. 

Pinçon  des  Ardennes. /^.Pinçon 
jïontÂin. 

FlîsÇONDE  MER.  Kqyq  PeTREL. 

Pinçon  mon  tain  ,  Pinçon  des 
Ardennes  ,  Pinçon  de  montagne, 

fringiUa  montana  ,  feu  monù-fringilla  ^ 
oiieau  qui  d\  à-peu-près  de  la  grofîeur  du 
ïïioineau  :  il  a  le  bec  grand ,  droit ,  fort , 
&"  de  figure  conique,  i^emâlea  les  plumes 
de  la  tête  &  du  cou  jufqu'au  milieu  du  dos, 
d'un  berai  noir  luifant ,  comme  celles  de 
l'érourneau  :  le  bord  des  barbes  de  chaque 
plume  eft  d'un  cendré  rouflâtre.  La  partie 
intérieure  du  dos  &  de  la  poitrine  eft 
blanche  ;  la  gorge  a  une  couleur  jaune 
rouflâtre,  &  celle  des  plura^  du  derrière 
d<?  l'ainus  eft  rouiTe:  \çs  plumes  fupérieu- 


P  I  N 

vzs  du  pli  de 'l'aile  ont  une  belle  couleuf 
orangée  ;  celles  de  defîbus  font  d'un  beau 
jaune. 

La  femelle  au  contraire  a  la  tête  de 
couleur  roulîe  ou  brune  mêlée  de  cendré  ; 
le  cou  cfi:  cendré  ians  mélange  d'autre 
coukur;  les  plumes  du  dos  ont  le  miheu 
noir  &  les  bords  de  co-uleur  cendrée  rou{- 
fâtre  ;  la  gorge  efl:  moins  roufîe  que  celle 
du  mâle ,  6c  les  plumes  du  pli  de  l'aile  n'ont 
point  d'orangé  ;  en  général  toutes  les  cou- 
leurs de  la  temeile  (ont  plus  pâles  que  celles 
du  mâle.  Les  grandes  plumes  extérieures 
de  l'aile  font  rouflès  ,  &  les  intérieures 
noires  ,  à  l'exception  des  bords  qui  l'ont 
roux.  La  quatrième  plume  &  les  Jept  ou 
huit  qui  fuivent  ,  ont  une  tache  blanche 
fur  le  côté  extérieur  du  tuyau ,  à  l'endroit 
où  touchent  les  pointes  des  plumes  du  fé- 
cond rang.  La  queue  elî  noire  ;  la  plume 
extérieure  de  chaque  coté  a  toujours  le 
bord  extérieur  des  barbes  blanc  ,  &  quel- 
quefois auili  celui  àcs  barbes  intérieures  : 
ies  couleurs  de  cet  oifeau  varient.  Willug. 
Omit.  Voyei  OiSEAU. 

Pinçon  royal.  Voye^  Gros 
B  E  r* 

PJNÇURE  ,  f.  f.  terme  de  Drapier, 
petit  faux  pli  que  les  draps  prennent  quel- 
quefois au  foulon. 

PINCZOW,  (GfbgT.)  ville  de  la  haute 
ou  petite  Pologne  ,  dans  le  palatinat  de 
Sandomir  ;  elle  appartient  à  titre  de  raar- 
quifat  aux  comtes  de  vvielopolski  ,&  ren- 
ferme entr'autres  un  gymnale  ;  fon  terri- 
toire ell  fort  étendu  &  fort  riche.  Ce  tut  là 
que  Charles  XIÏ  gagna  fur  le  roi  Augufle 
la  bataille  autrement  appellée  de  CliJJno^ 
{D.  G.) 

PINDAIBA  ,  f.  f.  {Bot.  exot.)  c'efl  le 

nom  qu'on  donne  dans   le  Bréfil  au  genre 

de  plante  que  les  botanilles  appellent  cap-* 

Jkura.  Voye\  PoiVRE  DE  GuiNÉE.  Bot, 

{D.  /.) 

PINDARIQUE,  adj.  {Litt.)  en  poéfîe, 
fe  dit  d'une  ode  à  l'imitation  de  celle  de 
Pindare.  Voye-^  OdE. 

Le  fîyle  piRclarique  fe  diflingue  par  la 
hardieffe  &  la  fublimité  des  tours  pocti- 
,ques ,  par  les  tranfitions  frappantes  &  in- 
attendues,  par  des  écarts  ,  des  digreflions  , 
ea  yn  mot,  cet  enthoufiafme  &  ce  beain 


PIN 

défordre ,   dont    M.   Defpréaux   a  dit  en 
parlant  de  l'ode  : 

Son  flyle  impétueux  fouvcnt  marche 

au  hafard  j 
S  oui' e  m  un  beau  déf ordre  ejl  un  effet 

de  fart. 

Pindare,  de  qui  le  ûyle  pi ndari que  a  tiré 
fon  nom  ,  étoie  de  Thebes  ;  il  floriflbit 
environ  478  ans  avant  Jefus-Chrifl,  &  fut 
contemporain  d'Efchyle  ,  d'Anacréon  ,  & 
d'Eurypide.  Quand  Alexandre  le  Grand 
ruina  la  ville  de  Thebes,  il  voulut  que  la 
mai  fon  où  ce  poëte  avoit  demeuré  fût 
conlervée. 

De  tous  les  ouvrages  de  ce  poëte  ,  il  ne 
nous  refle  qu'un  livre  d'odes  faites  à  la 
louange  des  vainqueurs  qui  remportoient 
le  prix  aux  jeux  publics  de  la  Grèce  :  aufîî 
font-elles  intitulées  les  olympiques  y  les 
neméenes  ,  les  pythyques ,  les  ifthmiques. 
Le  nom  de  Pindare  n'eft  guère  plus  le  nom 
d'un  poëte  ,  que  celui  de  renthoufiafme 
même.  Il  porte  avec  lui  l'idée  de  tranf- 
ports  ,  d'écarts  ,  de  défordre,  de  digreflîons 
lyriques  ;  cependant  il  fort  beaucoup  moins 
de  Çts  fujets  qu'on  ne  le  croit  communé- 
ment ;  fes  penfées  font  nobles ,  lentencieu- 
ïts  ,  fon  flyle  vif  &  impétueux,  (çs  faillies 
font  hardies  ;  mais  quoiqu'il  paroiffe  quel- 
quefois quitter  fon  fujet ,  il  ne  le  finit  jamais 
ians  y  revenir. 

Les  poëmes  de  Pindare  font  difficiles 
pour,  plufieurs  raifons  ;  i**.  par  la  grandeur 
même  ^qs  idées  qu'ils  renferment;  2°.  par 
la  hardieiTc  des  tours  ;  3°.  par  la  nouveauté 
éts  mots  qu'il  a  fouvent  fabriqués  exprès 
pour  l'endroit  où  il  les  place  ;  &  enfin 
parce  qu'il  eft  rempli  d'une  érudition  dé- 
tournée ,  tirée  de  l'hiftoire  particulière  de 
certaines  familles  &;  de  certaines  villes  , 
qui  ont  eu  peu  de  part  dans  les  révolutions 
connues  de  l'hiiloire  ancienne. 

Les  hard^ielTes  qui  régnent  dans  Çqs  odes  , 
&  fur-tout  l'irrégularité  de  fa  cadence  & 
de  fon  harmonie ,  ont  fait  imaginer  à  quel- 
ques poètes  qu'ils  avoient  fait  à^s  odespin- 
dariques  ,  parce  que  leurs  vers  fe  reflen- 
toient  du  même  délire  ;  jft»ais  le  public  n'en 
a  pas  jugé  de  même  Cowley  eft  de  tous 
les  auteurs  anglois  celui  qui  a  le  mieux 
réulH  à  imiter  Pindare. 


P  I  N  945 

Dans  la  compofition  d'une  oàtpindan- 
que  y  le  poëte  doit  d'abord  tracer  le  plaa 
général  de  la  pièce  ,  marquer  les  endroits 
où  les  faillies  élégantes  &  les  efforts  d  ima- 
gination produifent  un  plus  bel  effet ,  & 
enfin  voir  par  quelle  route  il  pourra  re- 
venir à  fon  fjjet.  V.  Enthousiasme. 

PINDE,  LE  {Ge'ogr.  anc.)  montagne 
de  la  Grèce  ,  fort  célébrée  par  les  poètes  , 
parce  qu'elle  étoit  confacrée  aux  Mufes  :  ce 
n'etoit  pas  proprement  une  montagne  feule , 
mais  une  chaîne  de  montagnes  habitées  par 
différens  peuples  de  l'Epire  &  de  la  Thef- 
falie ,  entr'autres ,  par  les  Athamanes,  par 
[qs  Àétiches ,  &  par  les  Perrhebes.  Elle 
féparoit  la  Macédoine  ,  la  ThefTalie ,  & 
l'Epire.  Le  Pinde  ,  dit  Strabon ,  lit'.  IX. 
efl  une  grande  montagne ,  qui  a  la  Macé- 
doine au  nord  ,  les  Perrhebes  au  couchant, 
les  Dolopes  au  midi ,  &  qui  étoit  comprife 
dans  laThelTalie.  Pline,  lii'.  IV  y  ch.j  ^ 
la  place  dans  l'Epire.  Pour  accorder  ces 
deux  auteurs  il  fuffit  de  dire  que  h  Pinde 
étoit  entre  l'Epire  &  la  Thefîkhe  ,  &  que- 
Us  peuples  qui  l'habitoient  du  côté  de 
l'Epire  étoient  réputés  Epirotes  ,  comme 
ceux  qui  l'habitoient  du  côté  delà  Thefîa- 
lie  étoient  réputés  Theflaliens.  Tite-Live  ,  . 
lii're  XXXII  y  nomme  cette  montagne 
Lyncus  ;  &  Chalcondyle  ,  de  même  que 
Sophien,  difent  que  le  nom  moderne  elt 
M.e\7^ovo. 

2,°.  P  indus  était  encore  une  ville  de 
Grèce  ,  dans  la  Dorique  ,  feloa  Pompoaius 
Mêla  ,  liv.  Il  y  ch.  iij, 

3°.  P  indus  efl  aufli  le  nom  d'un  fleuve 
de  Cilicie  ,  près  la  ville  d'IfTus. 

4®.  C'eft  le  nom  d'une  rivière  de  l'Epire  y 
ou  de  la  Macédoine  :  cette  rivière  rouloir 
{^s  ondes  par  fauts  &  à  travers  des  rochers.- 
(£>.  /.) 

PINDENISSUS  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville 
de  Cilicie  ,  près  du  mont  Amanus  ,  chea 
les  Eleuthérociliciens ,  c'efl-à-dire  ,  les 
Ciliciens  libres.  Strabon  Fappelle  Tz/i'/V/oj-of. 
Cicéron  s'en  rendit  maître  l'an  702  de 
Rome  ,  comme  il  le  dit  lui-même  ,  epif" 
tolâfecundâ  ad  Cœlium.  {D.J.) 

PINÉALE,  Glande  pinéale  ,  err 
Anatomie ,  eft  le  nom  d'un  petit  corps 
mollet,  grisâtre,  environ  de  la  groffeur 
d'un  pois  médiocre,irréguliérement  arrondi. 


544  P  I  î^ 

quelquefois  figuré  comme  une  pomme  de 
pin  ,  d'où  eft  venu  le  nom  de  pinéale  ,  fitué 
derrière  les  couches  àts  nerts  optiques  , 
immédiatement  au  deffus  des  tubercules 
quadrijumeaux.    Voye-{  TUBERCULES.- 

G^ii  là  où  Delbartes  prétend  que  l'ame 
réfide  d'une  manière  particulière. 

PINEAU,  r.  m..{Agricult.)  c'ell  un 
raifin  fort  noir,  qui  vient  en  Auvergne, 
&  qui  elt  un  de  plus  doux  &  des  meil- 
leurs à  manger  :  le  vin  qu'on  en  tire  s'ap- 
pelle <miernat  à  Orléans,  dans  d'autres 
endroits  morillon  ,  &  pineau  en  Auvergne  : 
Its  Poitevins  font  beaucoup  de  cas  du  vin 
pineau.  Trévoux.  (D.  J.) 

PINEYoi/ PIGNEY,  {Géogr.  mod.) 
petite  ville  de  France  ,  dans  la  Champa- 
gne ,  éleclion  de  Troyes ,  érigée  en  duché- 
pairie  en  i$8i.  Elle  ellà  6  lieues  au  nord- 
ell  de  Troyes.  Long,  zi  ^48  j  l.  48  ^  zz. 
(D.J.) 

PING-PU ,  (  Hifi.  mod.  )  c'eft  ainfi 
que  les  Chinois  nomment  un  tribunal  ou 
confeil  qui  efl  chargé  du  département  de 
la  guerre  ,  &  qui  a  loin  de  tous  les  détails 
Kîllitaires  ;  c'efî  lui  qui  donne  les  commif- 
fions  pour  les  officiers  de  terre  &  de  mer  ; 
il  ordonne  les  levées  de  troupes ,  les  ap- 
provilionnemens  des  armées  ;  il  a  foin  de 
l'entretien  des  places  fortes  &  des  garni- 
fons ,  de  la  difcipline  militaire,  &  de 
l'exercice  des  foldats.  Il  y  a  quatre  autres 
tribunaux  militaires  fubordonnés  a  celui 
dont  nous  parlons  ;  ils  lont  préfidés  par  des 
infpeâieurs  nommés  par  l'empereur  à  qui 
ils  rendent  compte  de  tout  ce  qui  fe  pafTe  , 
&  ils  veillent  fur  la  conduite  des  membres 
des  difFérens  tribunaux  ;  ce  qui  les  tient 
en  reCpcâ. 

PINGUICULA  ,  f.LiBot.)  on  appelle 
vulgairement  en  françoîs  ce  genre  déplante 
grajfette  ,  &.  c'eft  (bus  ce  nom  qu'on  en  a 
donné  les  caraderes  d'après  Tourncfort  ; 
les  voici  maintenant  dans  le  fyflême  de 
Linnxus. 

Le  calice  efl  une  enveloppe  labiée  ,  qui 
fubfille  après  la  chute  de  la  Heur  ;  fa  lèvre 
fupérieure  eft  droite  &  fendue  en  trois  ; 
ia  lèvre  intérieure  eft  recourbée  &:  fendue 
en  deux  ;  la  fleur  eft  labiée  &  monopé- 
tale ;  fa  grande  levrs  eft  droite  ,  obtulè  , 
fendue  en  trois  j  fa  petite  lèvre    eft  fen- 


P  I  N 

due  en  deux ,  &  plus  ouverte  ;  le  neâa- 
rium  a  la  figure  d'une  cornue  ;  les  étamines 
font  deux  filets  cyhndriques  ,  crochus  , 
penchés  dans  le  haut ,  &  plus  courts  que  le 
cahce.  Les  boftettes  des  étamines  font 
arrondies  ;  le  piftil  a  le  germe  fphérique  , 
le  ftyle  très-court ,  &  le  ftigmate  composé 
de  deux  lèvres.  Le  fruit  eft  une  capfule 
ovoïde  qui  s'ouvre  naturellement  au  (bm- 
met ,  &  qui  contient  une  feule  loge  pleine 
d'un  grand  nombre  de  femences  cylindri- 
ques qui  font  placées  à  l'aife. 

Tournetort  diftingue  quatre  efpeces  de 
ce  genre  de  plante  ,  la  commune  ,  la  blan- 
che ,  la  pourprée ,  &  la  petite  "à  fleurs 
couleur  de  rofe. 

La  commune  eft  nommée  proprement 
grajfette  en  françois  '-,  en  anglois  the  corn- 
mon  hatter-M'ort  y  ou  mcnutain-fanide  ,• 
&  par  les  botaniftes^  fanicula  montana  ^ 
flore  calcari  donato. 

Ses  feuilles  ,  qui  font  en  petit  nombre  , 
font  couchées  fur  terre  ,  grafles  au  tou- 
cher ,  extrêmement  luifantes  ,  &  d'un  jaune 
tirant  fur  le  verd  pâle.  Il  s'élève  d'entre 
elles  des  pédicules  ,  dont  chacun  foutieht 
à  fon  fommet  une  fleur  purpurine ,  vio- 
lette ou  blanche ,  femblable  ,  à  quelques 
égards  ,  à  celle  de  la  violette  ,  mais  d'une 
feule  pièce,  terminée  par  un  long  éperon. 
Quand  la  fleur  eft  palfée ,  il  lui  fuccede 
une  coque  enveloppée  du  calice  dans  (a 
partie  inférieure;  cette  coque  s'ouvre  en 
deux ,  &  lailfe  voir  un  bouton  renfer- 
mant plufieurs  femences  menues  ,  prefque 
rondes. 

La  graflette  montagneufe  croît  fur  les 
collines  arrofées  d'eau  ,  ainfi  que  dans  les 
lieux  humides  ;  elle  eft  vivace  ,  fe  mul- 
tiplie de  graines  fans  être  cultivée  ,  fleurit 
au  printemps ,  &  pafle  vite.  Elle  eft  ré- 
putée vulnéraire  &  confolidante.  Le  fuc 
ondueux  &  adoucifïànt  qu'on  en  exprime 
fert  d'un  très-bon  liniment  pour  les  ger- 
çures des  mamelles.  La  grai (Te  de  fes  feuil- 
les eft  aùfll  finguliere  que  celle  du  rosfolis. 
Les  Lapones  verfent  pardeflus  les  feuilles 
fraîches  de  cette  plante  ,  le  lait  de  leurs 
rennes  tout  chaud^après  quoi  elles  le  laif- 
fent  repofcr  pendant  un  jour  ou  deux  ;  le 
lait  en  acquiert  plus  de  confiftance ,  fans 
que  la  feroiité  s'en  fépare  3  &  làns  le  rendre 

moins 


P  IN 

moins  agréable  au  goût  :  les  payfannes 
en  Danemarck  fe  fervent  du  fuc  gras  de 
cette  plante  en  guife  de  pommade  ,  pour 
faire  tenir  la  frifure  de  leurs  cheveux. 
(D.J.) 

PINGUIN.  Voye:{^  Pengouin, 
PINHEL ,  (  Geogr.  mod.  )  petite  ville 
de  Portugal,  dans  la  province  de  Tra-los- 
Montes ,  capitale  d'une  comarca ,  au  con- 
fluent de  la  Coa,  &  deRio-Pinhel ,  à  12. 
lieues  au  nord  de  Guarda ,  30  eft  de  Sala- 
manque  :  elle  jouit  de  grands  privilèges  , 
&  les  écrivains  portugais  prétendent ,  fans 
aucune  preuve  ,  qu'elle  a  été  bâtie  par  les 
anciens  Turdules.  Long.  il.  i8.  lat.  40. 

PINKAFELD  ,  (  Geogr.)  jolie  ville  de 
la  bafle  Hongrie  ,  dans  le  comté  d  Elsen- 
bourg  ,  fur  la  rivière  de  Pinka ,  &c  au  miheu 
d'une  riante  contrée.  Elle  eft  munie  d  un 

château.  (I>.  G.)  v   r  1  \ 

PINNE-MARINE  ,  (  Conchyhol.) 
coquillage  de  mer  ,  compofé  de  deux  val- 
ves ,  quelquefois  chargées  de  pointes  &  de 
tubercules  ;  ce  coquillage  eft  le  plus  grand  de 
fon  genre  que  nous  ayions  dans  nos  mers. 
Les  Vénitiens  l'appellent  aflura,  les  Napo- 
litains perna  ,  &  nos  naturaliftes  pinna  ou 

«  Amyot,dit  M.  l'abbé  d'Olivet ,  dans 
«  fa  tradudion  des  œuvres  philosophiques 
f>  de  Cicéron ,  m'a  donné  l'exemple  de  tran- 
»  cifer  le  moi  pinne  y  comme  les  Romains 
w  l'avoient  latinifé  ».  Jamais  terme  n  a 
été  francifé  à  plus  jufte  titre ,  &  même  1  on 
n'en  doit  point  employer  d'autre -celui  de 
nacre  de  perle  ,  dont  on  fe  fert  fur  les  côtes 
de  Provence  &  d'Italie  ,  eft  d'autant  moins 
convenable,  qu'il  fignifie  proprement  la  co- 
quille de  l'huître  perliere  ;  &  la  nacre  deligne 
des  élévations  en  demi-bofle  ,  ou  les  lou- 
pes ,  comme  difent  les  joailliers ,  qui  le  trou- 
vent quelquefois  dans  le  fond  des  coquilles 
de  nacre.  . 

Si  la  terre  a  fes  vers  à  foie ,  la  mer  a 
pareillement  fes  ouvrières  en  ce  genre.  Les 
pinnes-marines  filent  une  telle  foie ,  que 
plufieurs  l'ont  prife  pour  être  le  byfle  des 
anciens ,  &  qu'on  en  fait  encore  des  bas  ôi 
des  gants  en  Sicile  ;  de  plus  ,  ce  coquillage 
nous  donne  des  perles  qui  valent  autant  que 
celles  des  huîtres  de  l'Orient ,  pour  fournir 
Tome  XXV. 


P  I  N  Mi 

des  vues  fur  la  découverte  de  leur  forma- 
rion  ;  enfin  il  mérite  quelques  détails  par 
toutes  ces  raifbns. 

La  pinne-marine  eft  un  coquillage  de 
mer  ,  bivalve  ou  à  deux  battans  ,  formés 
de  deux  pièces  larges  ,  arrondies  par  en. 
haut ,  fort  pointues  par  en  ba's  ,  rudes  & 
très-inégales  en  dehors  ,  lifîes  en  dedans  ; 
leur  couleur  à  la  Chine  tire  furie  rouge  , 
d'où  leur  vient  le  nom  ridicule  de  jambon" 
neau. 

Il  s*en  trouve  de  difFérentes  grandeurs  ,' 
depuis  un  pié  jufqu'à  deux  &  demi  de  lon- 
gueur, &  elles  ont  dans  l'endroit  le  plus 
large  ,  environ  le  tiers  de  leur  longueur  ;  il 
fort  de  ce  coquillage  une  efpece  de  houppe  , 
longue  d'environ  fix  pouces ,  plus  ou  moins  , 
&  garnie ,  félon  la  grandeur  ou  la  petiteffc 
de  la  coquille.  Cette  houppe  eft  fituée  vers 
la  pointe ,  du  côté  oppoîé  à  la  charnière. 
Elle  eft  compofée  de  plufieurs  filamens 
d'une  foie  brune  fort  déliée  '-,  ces  filamens 
regardes  au  microfcope  paroiflent  creux  :  (î 
on  les  brûle ,  ils  donnent  une  odeur  uri- 
neufe  comme  la  foie. 

Ce  coquillage  renferme  un  petit  poiflbn 
qui  eft  bon  à  manger,  dans  lequel  s'engen- 
drent quelquefois  des  perles  de  différentes 
couleurs  &  figures.  On  ramafle  une  grande 
quantité  de  pinnes  fur  les  côtes  de  Pro- 
vence ,  où  la  pêche  s'en  fait  au  mois  d'avril 
&  de  mai.  On  en  trouve  aufli  beaucoup  à 
Mefline  ,  Palerme  ,  Syracufe  ,  Smyrne  ^ 
&  dans  l'île  de  Minorque.  L'animal  qui 
l'habite  fe  tient  immobile  fur  les  rochers 
dans  la  poftRre  qu'il  a  choifie ,  &  qui  doit 
varier. 

Les  pinnes-marines  peuvent  être  regar- 
dées comme  une  efpece  de  moule  de  mer  , 
mais  beaucoup  plus  grande  que  toutes  les 
autres.  Leur  coquille  ,  comme  celle  des 
autres  moules ,  eft  compofée  de  deux  pièces 
fcmblables  &  égales  ,  qui  depuis  l'origine 
s'élargiftènt  infenfiblement  ;  elles  font  plus 
applaties  que  les  autres  moules  ,  par  rap- 
port à  leur  grandeur.  Leur  couleur  eft  ordi- 
nairement d'un  gris  fale;  celles  de  la  Chine 
font  rouges ,  d'où  elles  ont  eu  le  nom  de 
jambonneau. 

Dans  la  plupart  des  pinnes-marines ,  la 

i  charnière  à  relTort  qui  tient  les  deux  pièces 
enfemble  du  côtd  concave  ,  commence  A 
Dddddd 


94^  PIN" 

l'origine  de  la  coquille  ,  &  s'étend  Jufqu'aux 
deux  tiers  de  fa  longueur  ;  les  pièces  ne 
ioot  pas  liées  enfemble  de  l'autre  côté , 
mais  elles  font  bordées  par  piufieurs  couches 
de  matière  d'une  nature  approchante  de 
celle  de  la  corne.  Il  y  a  quelques  pinnes- 
rparines  qui  s'entr'ouvrent  tout  du  long  du 
côté  concave  ,  &  qui  ont  leur  charnière 
du  côté  convexe  ;  cependant  malgré  cette 
variété  dans  toutes  ks  pinnes-marines  ,  les 
bords  de  la  coquille  font  toujours  plus  épais 
du  côté  où  elles  s'entrelacent ,  que  du  côté 
où  efî  la  charnière. 

'  Dans  la  furface  de  chacune  des  pièces  de 
ip  coquille  qui  étoit  touchée  par  l'animal , 
on  voit  une  bande  d'une  matière  femblable 
à  celle  de  la  charnière  ,  qui  fait  une  efpece 
de  fradure  ,  comme  fi  les  deux  pièces 
étoient  mal  appliquées  Tune  contre  l'autre. 
Il  eft  naturel  de  croire  que  cette  bande  de 
q.iatiere  ,  différente  de  celle  du  relîedela 
coquille  ,  marque  la  route  qu'a  fuivi  une 
partie  du  corps  de  l'animal  ,  qui  lailîe 
échapper  un  fuc  pareil  à  celui  qui  borde 
les  extrémités  des  coquilles  ,  pendant  que 
les  autres  parties  ont  laifle  échapper  un 
fuc  propre  à  épaiiiir  &  à  étendre  la 
coquille. 

Les  deux  couches  de  matières  différentes 
qui  compofènt  la  coquille  de  ce  poilîbn  , 
font  remarquables.  Une  partie  de  l'intérieur 
efl  de  couleur  de  nacre  ;  l'autre  couche  lui 
fert  de  croûte  ,  &  fait  feule  toute  l'épaif- 
feur  de  la  coquille  où  la  nacre  manque. 
Cette  couche-ci  efl  raboteufe ,  la  boue  qui 
s'y  efl  attachée  ,  en  obfcurcittla  couleur  ; 
mais  intérieurfiment  elle  efl  polie  ,  &  paroît 
d'un  rouge  fort  pâle.  Cette  couche  efl  for- 
mée d'une  infinité  de  filets  appliqué  les  uns 
contre  les  autres  ,  &  peu  adhérens  enfem- 
ble dans  certains  endroits  de  la  coquille.  Ils 
font  très-déliés  ,  quoiqu'on  les  découvre 
diflinélement  à  la  vue  iimple:  mais  avec  un 
microfcope ,  on  voit  de  plus  qu'ils  font  cha- 
cun de  petits  parallélip.ipedesàbafè  redangle 
prefque  quarrée. 

Si  on  détache  un  petit  morceau  de  cette 
4iroûte  qui  couvre  la  nacre  ,  &  qu'on  le 
FroifTe  entre  les  doigts  ,  fes  filets  fe  féparent 
les  uns  des  autres  ,  &  excitent  par  leurs 
pointes  fur  lii  maia  des  démangeaifons 
iaçgmmQd^. 


P  I  N 

La  partie  de  la  coquille  qui  a  la  couleur 
de  lanacr^",  efl  corapofée  de  feuilles  minces, 
pofées  parallèlement  les  unes  fur  les  autres , 
de  façon  que  l'épaiiîeur  de  la  coquille  efl 
fojimée  par  celle  de  ces  feuilles.  On  les  lépare 
facilement  les  unes  des  autres ,  fi  on  les  tait 
calciner  pendant  un  infiant. 

La  flrudure  de  cette  partie  de  la  coquille 
refîemble  donc  à  celle  des  ardoifes  &  des 
autres  pierres  feuilletées  ,  &  celle  de 
l'autre  partie  reffemble  à  la  flrudure  de 
l'amiante  ,  &  de  quelques  talcs  ou  gyplés 
compofés  de  filets.  Cette  flrudure  des 
coquilles  de  la  pinne  lui  efl  commune  avec 
diverfes  coquilles ,  &  en  particulier  avec  la 
nacre  de  perle. 

Les  auteurs  qui  ont  parlé  de  ce  coquil-^' 
lage,  difent  qu'il  efl  pofé  dans  la  mer  verti- 
calement ,  la  pointe  en  bas ,  &  c'efl  appa- 
remment fur  la  foi  des  pêcheurs  ,  qu'ils  lui 
ont  donné  cette  fituation  ,  qui  n'efl  pas 
aifée  à  vérifier.  On  peut  plus  compter  fur 
ce  que  les  pêcheurs  alTurenr ,  que  hs  pinnes 
font  toujours  attachées  aux  rochers  ou  aux 
pierres  des  environs  ,  par  une  houppe  de 
filets  ;  car  pour  les  tirer  du  fond  de  l'eau  il 
faut  toujours  brifer  cette  houppe. 

On  les  pêche  à  Toulon  >  à  i  ^  ,  20 ,  3a 
pies  d'eau  ,  &  plus  quelquefois  ,  avec  un 
inflrument  appelle  crampe  ;  c'efl  une  efpeqe 
de  fourche  de  fer  ,  dont  les  fourchons  ne 
font  pas  difpofés  à  l'ordinaire  ;  ils  font  per- 
pendiculaires au  manche  ;  ils  ont  chacun 
environ  8  pouces  de  longueur  ,  &  laiffent 
entr'eux  une  ouverture  de  6  pouces  ,  dans 
l'endroit  où  ils  font  les  plus  écartés.  On 
proportionne  la  longueur  du  manche  de  la 
fourche  ou  crampe  ,  à  la  profondeur  où 
l'on  veut  aller  chercher  les  pinnes  ;  on  les 
faifit ,  on  les  détache ,  on  les  enlevé  avec 
cet  inflrument. 

La  houppe  de  foie  part  immédiatement 
du  corps  de  l'animal  ;  elle  fort  de  la  coquille 
par  le  côté  où  elle  s'entr'ouvre  ,  environ  à 
4  ou  5  pouces  du  fommet,  ou  de  la  pointe 
dans  les  grandes />//2;2^j. 

Elle  fixe  la  pinne-marine  y  elle  l'empê- 
che d'être  entraînée  par  le  mouvement  de 
l'eau  ,  mais  elle  ne  fauroit  l'empêcher  d'être 
renverfée  ,  ni  la  retenir  verticalement 
comme  on  le  veut  ,  de  forte  qu'il  y  a 
grande  apparence   que    ce    coquillage  efl 


PIN 

tantôt  inclina  à  l'horizon  ,  &  tantôt  coule 
à  plat ,  comme  le  font  les  moules  &  les 
coquillages  qui  ne  s'enfoncent  pas  dans  la 
vafè.  On  ne  peut  guère  s'afîùrer  d'avoir  les 
houppes  dans  toute  leur  longueur  ;  on  en 
a  vu  cependant  à  qui  il  en  refloit  7  à  8 
pouces  ;  &  on  en  a  trouvé  ^  pui  pefent  3 
onces.  Les  filets  dont  elles  font  corapofées 
fon  t  très-fins  ,  &C  ordinairement  fi  mêlés 
''nfemble ,  qu'il  n'efl  guère  aifé  de  les  avoir 
dans  toute  leur  longueur  ;  leur  couleur  eft 
brune. 

Ces  fils  foyeux  font  filés  par  les  p//7/zfj- 
marines  y  comme  les  moules  filent  les  leurs; 
leur  filière  eft  placée  dans  le  même  endroit 
que  la  filière  des  moules  &  des  pétoncles  , 
&  n'a  de  différence  que  celle  de  ces  effets  ; 
c'eff-à-dire ,  que  comme  les  pinnes-marines 
ont  à  filer  des  fils  beaucoup  plus  fins  & 
plus  longs  que  les  moules  ,  leurs  filières 
font  aufli  &  plus  longues  &  plus  déliées. 
Voye^  Moule. 

Cette  filière  n'agit  point  comme  celle  des 
chenilles  &  des  vers  à  foie  ;  c'efl  un  moule 
dans  lequel  un  fuc  vifqueux  prend  la  confif- 
tance  &  la  figure  du  fil  de  ce  moule ,  s'ouvre 
d'un  côté  dans  toute  falongueur ,  pour  laiffèr 
fortir  le  fil  qu'il  a  façonné.  Enfin  ,  les  fils 
dont  la  houppe  eft  compofée  ,  ont  leur 
origine  près  de  celle  de  la  filière  ,  &  font 
logés  dans  une  efpece  de  fac  membraneux 
de  figure  conique. 

Dans  ce  fac  membraneux  ,  d'où  part  la 
houppe  des  fils  foyeux  ,  il  y  a  des  feuillets 
charnus  qui  les  féparcnt  les  uns  des  autres. 
C'eft  de  ces  filets  foyeux  ,  que  fortent  tous 
les  fils  qui  attachent  la  pinne-marine  ,  & 
qui  forment  la  houppe.  Peut-être  les  feuil- 
lets charnus  n'ont  d'autre  ufage  que  de  les 
féparer.  Peut-être  aufïi  ferv en t-ils  à  appli- 
quer &  coller  le  bout  du  fil  nouvellement 
formé.  Comme  ces  fils  font  très-fins ,  il  n'eft 
pas  poffible  qu'ils  aient  chacun  beaucoup  de 
force  ;  mais  ce  qui  leur  manque  de  ce  côté- 
ià  pour  attacher  folidementla/>i««e-/T2arz/2e^ 
eft  compenfé  par  leur  nombre  ;  il  eft  pro- 
digieux. 

hçs  pinnes-marines  diffèrent  plus  àts 
moules  de  mer  ,  par  le  nombre  &  la  finefle 
de  leurs  fils  ,  que  par  la  grandeur  de  leurs 
coquilles  ;  pour  me  fervir  de  la  comparaifon 
de  Rondelet ,  fes  fils  font  par  rappon  à  ceux 


PIN  947 

des  moules  ,  ce  qu'eft  le  plus  fia  lin  par 
rapport  à  l'étoupe;  &  ce  n'eft  pas  peut-être 
affez  dire ,  puifque  les  fils  des  pinnei*-ma- 
rines  ne  font  guère  moins  fins  &  moins 
beaux  que  les  brins  de  foie  filés  par  les 
vers. 

On  n'a  jamais  pu  tirer  d'utilité  des  fils 
des  moules  ,  comme  de  ceux  des  pinnes  , 
quoique  la  filière  foit  la  même  ;  &  l'on 
diroit  prefque  que  ce  n'eft  que  dans  la  pro- 
dudion  de  leur  ouvrage  ,  que  ces  deux 
parentes  ont  voulu  fe  faire  diftinguer  ;  car 
d'ailleurs  leur  reflemblance  fe  trouve  éton- 
nante ,  non  feulement  dans  fextérieur , 
mais  encore  dans  les  parties  intérieures. 
Les  pinnes  font  comme  les  moules  ,  atta- 
chées à  leurs  coquilles  par  deux  forts  njuf^ 
clés ,  dont  l'un  eft  auprès  de  la  pointe  de  la 
coquille  ,  &  l'autre  vers  le  milieu  de  fa 
longueur.  L'anus  eft  auprès  du  fécond  , 
ou  du  plus  gros  de  fes  mufclcs  ,  &  la  bou- 
che auprès  du  premier  ;  elle  eft  feulement 
fermée  dans  les  pinnes-marines ,  par  une 
lèvre  demi-ovale  ,  que  n'ont  point  les  mou- 
les de  mer. 

Les  autres  détails  des  parties  intérieures 
de  ce  coquillage  ne  font  pas  trop  connus, 
parce  qu'aucun  anatomifte  que  je  fâche  n'a 
pris  le  foin  de  les  examiner  ;  cependant 
comme  il  eft  le  plus  grand  des  coquillages 
à  deux  battans  que  nous  ayions  dans  nos 
mers  ,  il  feroit  commode  à  diflequer  ^ 
&  pourroit  peut-être  nous  inftruire  en 
quelque  chofe  fur  les  animaux  du  même 
genre. 

M.  de  Réaumur  le  jugeoit  propre  à 
éclaircir  la  formation  des  perles  en  général. 
Il  en  produit  beaucoup,  mais  dont  le  nom- 
bre n'eft  rien  moins  que  conftanr  ;  il  y  a  des 
pinnes-marines  qui  n'en  ont  point  du  tout  , 
&  d'autres  qui  en  ont  des  vingtaines.  Mais 
il  n'eft  pas  dit  que  toutes  les  pinnes-marines 
en  aient  autant  que  celles  des  côtes  dfl 
Provence  ;  leur  produdion  dépend  fans 
doute  de  diverfes  caufcs  qui  nous  font 
inconnues. 

Les  perles  qui  fe  rencontrent  dans  c&s 
coquilles ,  ne  font  pas  toutes  de  la  même 
eau  ,  &  ne  font  point  de  l'eau  de  celle  des 
Indes  ;  celles  même  qui  en  approchent  le 
plus 'font  plombées  ,  mais  on  leur  en  trouvô 
de  pKifieurs  nuances  différentes  de  l'ambre  , 
D-ddddd  2 


94^  PIN 

&  tranfparentes  comme  lui ,  de  roligeatres, 
de  jaunâtres  &  de  noirâtres. 

Leur  forme  la  plus  ordinaire  eu  d'être  en 
poire  ;  toutes  ces  variétés  de  figure  &  de 
couleur  ,  n'empêchent  pas  qu'elles  ne  foient 
delà  même  nature,  puiiqu'elles  naiflentdans 
le  corps  du  même  poiifon  ;  ce  Ibnt  tou- 
jours de  ie  -nbiables  concrétions  pierreufes. 
Quf  ces  perles  ,  ainfi  que  toutes  les  autres  , 
fe  forment  dans  le  corps  des  polflbns  à 
coquille ,  comme  le  bézoart  ordinaire  dans 
le  corps  de  chèvres  qui  le  fourniflent  ;  c'clt 
ce  qu'on  a  tout  lieu  de  penfcr  ,  puifqu'en 
les  caflant,  on  les  trouve  radiées  comme 
certains  bézoarts  ,  &  formées  par  couches 
autour  d'un  noyau  ,  qui  paroit  être  lui- 
même  une  petite  perle 

On  en  trouve  de  tellement  baroquées  , 
qu'elles  ne  confervent  plus  la  figure  de  per- 
les ,  mais  la  matière  en  eft  toujours  difpo- 
fëe  par  couches  ,  telles  que  celles  des  bé- 
zoarts. Il  n'y  a  guère  lieu  de  douter  que  les 
perles  orientales  ne  foient  de  la  même  nature 
que  celles  qui  naifient  dans  les  autres  poif- 
fons  à  coquille,  comme  dans  les  huîtres  que 
nous  mangeons  ordinairement ,  &  dans  les 
différentes  fortes  de  moules.  Toute  la  dif- 
férence qui  eft  entr'elles ,  ne  confifte  que 
dans  leur  différente  eau  &  pefanteur  ;  mais 
c*eft  par- tout  la  même  matière  &  la  même 
conftruâion  ,  comme  le  font  aflez  voir  les 
différentes  perles  qu'on  trouve  dans  la 
pinne-marine. 

On  rencontre  auflî  quelquefois  de  petit, 
crabes  nichés  dans  les  coquilles  delapinne; 
&  comme  ce  coquillage  étoit  déjà  remar- 
quable par  lès  perles  &  par  fa  (oie  ,  le  Ipec- 
tacle  des  petits  crabes  n'a  pas  manqué  de 
produire  pluiieurs  hiftoires  fi-'guiieres  que 
les  anciens  nous  ont  rapportées  fur  ce 
fait. 

Ils  ont  cru  que  ce  petit  animal  naifîbit 
avec  le  poiflbn  de  notre  coquille  ,  &  pour 
^  confervation  ;  aufii  l'ont-ils  appelle  le 
gardien  du  pirtna  y  s'iraaginant  que  le  poif- 
fon  périflbit  dès  qu'il  venrit  à  perdre  fon 
gardien  ;  voici  en  quoi  ils  }ugeoient  que  ce 
petit  crabe  étoit  utile  à  fon  hôte.  CoTime 
cet  hôte  eft  fans  yeux  ,  &  qu'il  n'eft  pas 
idûué  d'ailleurs  d'un  l'entiment  fort  exquis  , 
pendant  qu'il  a  Ces  coquilles  ouvertes  ,  & 
que  les  petits  poiflbns  y  entrent ,  le  crabe 


PIN 

l*avert!f  par  une  morfure  légère  ,  afin  que 
refferrant  tout  d'un  coup  [es  coquilles  ,  les 
poiifons  s'y  trouvent  pris,  &  alors  les  deux 
amis  partagent  entr'eux  le  butin. 

Ceux  qui  n'ont  pas  cru  que  le  crabe  prît 
naifl'ance  dans  les  coquilles  àupinna,  relè- 
vent bien  davantage  la  prudence  de  ce  petit 
animal ,  qui  pour  fe  loger  dans  les  coquilles 
des  poifïbns,  prend  le  temps  qu'elles  font 
ouvertes ,  &  a  l'adreflè  d'y  jeter  un  petit 
caillou  pour  les  empêcher  de  fe  refermer  & 
manger  le  poiflbn  qui  eft  dedans.  Mais  tou- 
tes ces  circonftances  reflèmblent  à  un  grand 
nombre  d'autres  rapportées  par  les  anciens 
naturaliftes;  &  c'eft  ce  qui  a  contribué  à  dé- 
crier leurs  ouvrages ,  quoique  d'ailleurs  ils 
nous  apprennent  des  chofes  fort  curieufes  & 
fort  véritables. 

Ce  que  des  modernes  nous  difent  ici 
des  petits  crabes  qui  fe  logent  entre  les 
coquilles  du  pinna p  fe  détruit  fans  peine; 
car  premièrement  ,  ces  petits  animaux  (è 
trouvent  indifteremment  dans  toutes  les 
bivalves  ,  comme  les  huîtres  &  les  moules, 
aufli-bien  que  dans  les  coquilles  du  pinna, 
où  l'on  rencontre  aufli  quelquefois  de  petits 
coquillages  qui  entrent  dedans  ou  qui  s'at- 
tachent deflus.  M.  Geoffroy  avoit  un 
concha  venerea  y  ce  joli  coquillage  que 
nous  nommons  en  françois  porcelainey  co- 
quille de  Venus  ,  enfermé  &  vivant  dans 
la  coquille  d'une  pinne.  D'ailleurs  le  polffon 
de  ces  coquilles  ne  vit  point  de  chair  ,  non 
plus  que  les  moules  ou  les  huîtres  ,  mais 
feulement  d'eau  &  de  bourbe  ;  ainfi  l'a- 
dreffe  du  petit  crabe  lui  eft  inutile.  Enfin  , 
les  petits  crabes  ne  mangent  point  les 
poifïbns  des  coquilles  où  ils  fe  logent  y 
plfqu'on  y  trouve  -ces  poifïbns  fains  & 
entiers,  avec  les  petits  crabes  qui  les  ac- 
compagnent. Ce  n'eft  donc  que  le  hafard 
qui  jette  ces  petits  animaux  dans  ces 
coquilles  pendant  qu'elles  font  ouvertes  ;. 
ou  bien  As  s'y  retirent  pour  ^y  mettre  à 
couvert  ,  comme  on  en  trouve  fbuvent 
dans  les  trous  des  éponges  &  des  pierres. 
Je  finis  ,  en  obfervant  que  fi  la  plupart 
des  faits  fînguliers  d'hiftoire  naturelle  qu& 
nous  lifbns  dans  divers  auteurs  ,  ëtoient 
examinés  avec  attention  ,  il  y  auroit  bien 
des  merveilles  détruites  ou  fimplifiées  ,  car 
on  ne  fait  point  afïéz  ^ufqu'où  s'écend  Is 


P  î  N 

goût  fabuleux  des  hommes  ,  &  leur  amour 
pour     le    fingulier.    (  Le    Chevalier  de 

J  AU  COURT  ) 

^  PINNITES,(i7(^.  nat)  C'efl ainfi  que 
l'on  nomme  les  coquilles  appellées  pinnes- 
marines,  lorfqu'elles  fe  trouvent  pétrifiées  ou 
enleveiies  dans  le  lèin  delà  terre. 

PINOT ,  f.  m.  {Hydraul.)  ell  un  morceau 
de  fer  ou  de  métal ,  dont  le  bout  ell  arrondi 
en  pointe  pour  tourner  facilement  dans  une 
crapaudine  ou  dans  une  virole.  On  met  or- 
dinairement un  pinot  au  bout  de  l'arbre  du 
rouet  d'une  pompe  ,  ou  au  pié  des  ven- 
taux  d'une  porte  cochere,  ou  de  celles  d'une 
éclufe.  {K) 

PINQUE  ou  PINKE,  f.  m.  [Marine.) 
C'eft  une  forte  de  flûte ,  bâtiment  de  charge 
fort  plat  de  varangue ,  &  qui  a  le  derrière 
long  &  élevé.  Pinque  eft  auffi  un  flibot 
d'Angleterre. 

PINQUIN ,  voye\  PeNGOUIN. 
_  PINSKO  ou  PINSK  ,  (  Géog.  rnod.  ) 
ville  ruinée  du  grand  duché  de  Lithua- 
nic  ,  chef-lieu  d'un  territoire ,  &  fur  la 
rivière  du  même  nom.  Long.  ^4.  z6.  lat. 
52.   S^' 

PINTADE  ,  voyei  PeintADE  ,  f.  f. 
(  Ornithol.  )  Cet  oifcau  de  la  côte  d'Or  , 
d'Afrique  ,  de  Barbarie  ,  de  Guinée  ,  de 
Numidie ,  de  Mauritanie ,  en  un  mot  de  tous 
ces  pays  brûlans  ,  étoit  fort  connu  àts 
Romains  ;  ils  l'appelloient  avis  afra,  l'oifeau 
africain.  Il  ne  brille  pas  par  l'éclat  de  Ion 
plumage  ;  mais  fes  couleurs  modcfles  ne 
fauroient  manquer  de  contenter  les  yeux, 
par  la  régularité  avec  laquelle  elles  font  dif 
tribuées.  Le  pinceau  ne  peut  rien  faire  de 
plus  exadement  fymmétri'é  ;  &  c'ell  nuili 
delà  que  l'oifeau  de  Numidie  a  tiré  Ion  beau 
nom  de  pintade. 

On  range  la  pintade  fous  le  genre  des 
poules  ,  d'où  vient  qu'on  l'appelle  la  pouU 
de  Numidie.  Elle  a  tous  les  attr-.buts  & 
toutes  les  qualités  des  coules  ,  crête  ,  bec  , 
plumage ,  ponte ,  couvée ,  loin  de  fes  petits  ; 
fes  caraderes  diflindifs  ont  été  indiqués  ci- 
deflus. 

Les  difFcrences  Ats  poules  pintades  font 
fort  bien  defignées  par  Varron  dans  ces 
paroUs  ,  g'-andes  y  varice  ,  gihberce.  Gran- 
des ,  elles  font  eflfèdivement  plus  grolîes 
que  \q%  youles  communes.   Variée  ^  leur 


PIN  949 

plumage  eft  tout  moucheté  :  il  y  en  a  quel- 
quefois de  deux  couleurs  ;  les  unes  ont 
des  taches  noires  &  blanches  ,  difpofées 
en  forme  de  rhombes  ,  &  les  autres  font 
d'un  gris  plus  cendre  ;  toutes  font  blanches 
fous  le  ventre  ,  au  deflbus  &  aux  extré- 
mités des  ailes.  Gibberce  )  leur  dos  en  s'é- 
levant  forme  une  efpece  de  boffe,  &  repré- 
fente  allez  naturellement  le  dos  d'une 
petite  tortue  ;  cette  boffe  n'efl  cepen- 
dant formée  que  du  rephs  des  ailes  , 
car  lorfqu'elles  font  plumées  ,  il  n'y  a 
nulle  apparence  de  boffe  fur  leur  corps  ; 
mais  ce  qui  la  fait  paroitre  davantage  , 
c'efl  que  leur  queue  ell  courte  &  recourbée 
en  bas ,  &  non  pas  élevée  &  retroufféc 
en  haut  ,  ,  comme  celle  des  poules  com- 
munes. 

La  pintade  a  le  cou  affez  court  ,  fort 
mince ,  &  légèrement  couvert  d'un  duvet. 
Sa  tête  efl:  fmguliere  ;  elle  n'efl  point 
garnie  de  plumes  ,  mais  revêtue  d'une 
peau  fpongieule ,  rude  &  ridée  y  dont  la 
couleur  cfl  d'un  blanc  bleuâtre  ;  le  fommec 
efl  orné  d'une  petite  crête  en  forme  de 
corne  ,  qui  efl:  de  la  hauteur  de  cinq  à 
fix  hgnes  :  c'efl  une  fubflance  cartilagi- 
neufe.  Gefner  la  compare  au  corno  du 
bonnet  ducal  que  porte  le  doge  de  Venife  ; 
il  y  a  pourtant  de  la  différence  ,  en  ce 
que  le  corno  du  bonnet  ducal  eft  incliné 
fur  le  devant  comme  la  corne  de  la  li- 
corne ,  au  lieu  que  la  corne  de  la  pintade 
efl  un  peu  inclinée  en  arrière  ,  comme 
celle  du  rhinocéros.  De  la  partie  inférieure 
de  la  tête  pend  de  chaque  côté  une  barbe 
rouge  &  charnue  ,  de  même  nature  &  de 
même  couleur  que  la  crête  des  coqs.  Sa 
tcte  ell  terminée  par  un  bec  trois  fois  plus 
gros  que  celui  des  poules  communes,  très- 
poiniu  ,  très-dur  ,  &  d'une  belle  couleur 
rouge. 

La  pintade  pond  &  couve  de  même  que 
les  poules  ordinaires  :  fes  auls  lont  plus 
periîs  &  moins  blancs  ,  Us  tirent  un  peu  fur 
la  couleur  de  chair  ,  &:  lont  marquetés 
de  points  noirs.  On  ne  peut  guère  accou- 
tumer la  pintade  à  pondre  dans  le  pou- 
lailler ;  elle  cherche  le  plus  épais  àts  haic^ 
&  des  b'offailles  ,  où  elle  pond  jufqu'à 
cent  œufs  'iiccelHvement  ,  pourvu  qu'on 
i  en  laifTe  toujours  quelc^u'uu  dans  fon  lùd* 


^5® 


P  I  N 


On  ne  permet  guère  aux  pintades  do- 
mefliques  de  couver  leurs  œuFs ,  parce  que 
les  mères  ne  s'y  attachent  point ,  &  aban- 
donnent fouvcnt  leurs  petits  ;  on  aime 
mieux  les  faire  couver  par  àts  poules 
d'inde  ,  ou  par  des  poules  communes.  Les 
jeunes  pintades  refîemblent  à  de  petits 
perdreaux  :  leurs  pies  &  leur  bec  rouge 
joint  à  leur  plumage  ,  qui  eft  alors  d'un 
gris  de  perdrix ,  les  rendent  fort  jolies  à  la 
vue.  On  les  nourrit  avec  du  millet  ;  mais 
elles  font  fort  délicates,  &  très-difficiles 
à  élever. 

La  pintade  eft  un  oifeau  extrêmement 
vif,  inquiet  &  turbulent;  elle  court  avec 
une  vîteiTe  extraordinaire ,  à-peu-près  com- 
me la  caille  &  la  perdrix ,  &  ne  vole  pas 
fort  haut  ;  elle  fe  plaît  néanmoins  à  percher 
fur  les  toits  &  les  arbres ,  &  s'y  tient  plus 
volontiers  pendant  la  nuit  que  dans  les  pou- 
laillers. Son  cri  eft  aigre  ,  perçant  ,  défa- 
gréable ,  &  prefque  continuel  :  du  refte  elle 
eft  d'humeur  querelleufe  ,  &  veut  être  la 
maîtrefle  dans  la  bafle-cour.  Les  plus  gref- 
fes volailles  ,  &  même  les  poules  d'inde  , 
font  forcées  de  lui  céder  l'empire.  La  du- 
reté de  fon  bec  ,  &  l'agilité  de  ï^^s  mou- 
vemens  ,  la  font  redouter  de  toute  la  gcnt 
volatile. 

Sa  manière  de  combattre  eft  à-peu-près 
femblable  à  celle  que  Sallufte  attribue  aux 
cavaliers  numides  :  '^  leurs  charges  ,  dit-il  , 
»  font  brufques  &  précipitées  ;  li  on  leur 
»  réfifte ,  ils  tournent  le  dos  ,  &  un  inf- 
»  tant  après  font  volte  face  :  cette  perpé- 
«  tuelle  alternative  harcelle  extrêmement 
>■>  l'ennemi  jj  .  Les  pintades  qui  fe  fentent 
du  lieu  de  leur  origine  ,  ont  confervé  le  gé- 
nie numide.  Les  coqs  d'inde  glorieux  de 
leur  corpulence,  fe  flattent  de  venir  aifé- 
ment  à  bout  des  pintades;  ils  s'avancent 
contre  elles  avec  fierté  &  gravité ,  mais  cel- 
les-ci les  défolent  par  leurs  marches  &  con- 
tre-marches :  elles  ont  plutôt  fait  dix  tours 
&  donné  vingt  coups  de  bec  ,  que  les 
coqs  d'inde  n'ont  penfé  à  fc  mettre  en 
défenfè. 

Les  pintades  nous  viennent  de  Guinée  : 
les  Génois  les  ont  apportées  en  Amérique 
dès  l'an  15°^)  avec  les  premiers  nègres, 
qu'ils  s'étoient  engagés  d'amener  aux  Caf- 
tillans.  Les  Efpagnols  n'ont  jamais  penfé 


P  I  N 

à  les  rendre  domeftiques  ;  ils  les  ont  laifl? 
errer  à  leur  fantailie  dans  les  bois  &  dans 
les  favannes ,  où  elles  font  devenues  fau- 
vages.  On  les  appelle  pintades  maronnes  , 
c'eft  une  épithete  générale  qu'on  donne  dans 
les  Indes  à  tout  ce  qui  eft  fauvage  &  errant. 
Lori'que  les  François  commencèrent  à  s^y 
établir ,  il  y  en  avoit  prodigieufement  dans 
leurs  cantons  :  mais  ils  en  ont  tué  une 
fi  grande  quantité ,  qu'il  nQn  refte  prefque 
plus. 

Entre  les  auteurs  romains  qui  ont  parle 
de  la  pintade  ,  les  uns  l'ont  confondue 
avec  la  méléagrlde ,  &  n'en  ont  fait  qu'une 
feule  efpece.  Tels  font  Varron  ,  Coluraelle 
&  Pline.  D'autres  les  ont  diftinguées  ,  & 
en  ont  fait  deux  diverfes  efpeces  ;  tel  eft 
Suétone  ,  fuivi  par  Scaliger  ,  avec  cette 
différence  que  Scaliger  prétend  mettre 
Varron  de  fon  côré  ,  en  quoi  il  eft  aban- 
donné de  ceux  même  qui  fuivent  fon 
fentiment  fur  la  diverfité  de  la  pintade  & 
de  la  méléagride  ,  &  en  particulier  de 
M.  Fontanini  ,  archevêque  titulaire  d' An- 
cire  ,  lequel  a  donné  une  curieufe  dif^ 
(èrtation  i'ur  la  pintade ,  dont  on  trou- 
vera l'extrait  dans  les  mém.  de  Trévoux  y 
année  z  7  z^  ,  au  mois  de  juin  ;  cepen- 
dant le  P.  Margat  a  combattu  le  fentiment 
de  M.  Fontanini ,  dans  le  recueil  des  lettres 
édifiantes. 

La  pintade  faifoit  chez  les  Romains  les 
délices  des  meilleures  tables  ,  comme  il 
paroît  par  plufieurs  palTages  d^Horace  ,  de 
Pétrone ,  de  Juvenal  &  de  Varron  ;  ce 
dernier  prétend  qu'elle  n'étoit  recherchée 
que  par  les  gourmands ,  propter  faftidium 
hominum  y  c'eft-à-dire  ,  pour  piquer  leur 
goût  ,  &  les  remettre  en  appétit.  Pline 
dit ,  veneunt  magna  pretio  propter  ingrat 
mm  virus  ,  expreffion  aflez  difficile  à 
entendre  ,  mais  qui  vraifemblablement 
ne  veut  pas  dire  qu'on  vendoit  cher 
les  pintades  y  parce  qu'elles  étoient  dé- 
teftables    au    goût.    (  Le    Chevalier   djs 

J AU  COURT.) 

Pintade,  {Diète.)  La  chair  de  cet 
oifeau  eft  très-favoureufe  &  très-falutaire. 
Les  experts  en  bonne-chcre  prétendent 
que  fon  goût  ne  reffemble  à  celui  d'au- 
cune volaille ,  &  que  fes  différentes  parties 
ont  différens  goûts.  Les  gens  qui  ne  font 


\ 


P  I  N 

pas  fj  fins ,  trouvent  que  la  viaBcle  de  ctt 
oifeau  a  beaucoup  de  rapport  avec  celle 
de  la  poule  d'inde.  Vcye^  PoULE  d'inde, 
diète.  On  peut  alfurcr  en  général  qvje  c'eft 
un  très-bon  aliment.  (  ^  ) 

PINTE,  r.  f.  {Me f are  de  contenance.  ) 
cfpece  de  moyen  vailfeau  ou  raefure  dont 
on  fe  fert  pour  mefurer  le  vin  ,  l'eau-de- 
vie  ,  l'huile  ,  &  autres  femblabîes  marchan- 
difes  que    l'on  débite  en    détail. 

La  pinte  de  Paris  revient  à  peu  près  à 
la  fixieme  partie  du  congé  romain  ,  ou  , 
pour  parler  plus  sûrement ,  elle  eil  équi- 
valente à  4S  pouces  cubiques;  elle  cfi:  à 
celle  de   Saint-13enis  comme  9  à   14^    & 

Îefè  une  livre  15  onces,  félon  M.  Coupler. 
1  met  la  pinte  comble  équivalente  à  49 
pouces  \\.  Nous  entrerons  tout  à  l'heure 
dans  de  plus  grands  détails  ;  nous  dirons 
fèuiemenr  ,"en  palTant,  que  la  pinte  ordi- 
naire de  Paris  fe  divife  en  deux  chopines  , 
que  quelques-uns  appellent  fetiers  ;  la 
chopine  eli  de  deux  demi-fetiers ,  &  le 
demi-fetier  contient  deux  poffons  ,  cha- 
que pofîbn  étant  de  lix  pouces  cubiques. 
Les  deux  pintes  font  une  quarte  ou  quar- 
teau  ,  que  l'on  nomme  en  plufieurs  endroits 
pot  ;  mais  il  faut  entrer  dans  des  détails 
plus  intérefTàns  ,  car  il  importe  de  conflarer 
la  quantité  jufle  de  liquide  qu'une  pinte 
doit  contenir,  parce  que  c'eft  delà  qu'on 
doit  partir  pour  fixer  toutes  les  autres 
melùreg. 

La  pinte  Jufqu'à  préfent  a  été  regardée 
de  deux  manières,  ou  comme  pinte  rafe , 
ou  comme  pinte,  comble  :  deÛ  vietit  que 
M.  Mariotte  ,  dans  fon  traité  des  moure- 
mens  des  eaux  ,  diflingue  deux  fortes  de 
pintes  ,  dont  l'une,  qu'il  dit  ne  remplir  la 
pinte  de  Paris  qu'à  fleur  de  {es  bords , 
pefc  deux  livres  moins  fept  gros  d'eau,  & 
qui  étant  remplie  à  furpaffer  i'es  bords  fans 
répandre  ,  pefe  deux  livres  d'eau. 

Pour  conitater  la  jufte  raefure  de  la 
pinte  &  celle  de  i'es  parties,  comme  la 
chopine ,  le  demi-fetier ,  &c.  il  faut  en 
rapporter  la  capacité  à  celle  d'une  mefure 
6xe.  M.  d'Ons-en-Bray  ,  dans  les  me'm.  de 
Vacad.  ann.  i'J'^9  ^  propoiè  le  pié  cube 
ras  pour  cette  mefure  fixe  ^  comme  la 
plus  convenable  :  or  le  pié  cube  contient 
3^  pintes   de  celles  qui'H.e  font  remplies 


p  I  N  951 

que  jufqu'au  bord ,  ou  qui  pefent  environ 
deux  livres  moins  fept  gros  ;  car  fi  Ton 
vouloit  fe  fervir  de  la  pinte  qui  pefe  en- 
viron deux  livres  ,  ou  qui  l'urpaflj  les 
bords  ,  le  pié  cube  n'en  contient  que  35. 
Voici  les  avantages  particuliers  qui*e  trou- 
vent dans    chacune    de  ces  deux   pintes. 

La  pinte  comble  pefant  à  peu  près  deux 
livres  d'eau  ou  de  3v'^u  pié  cube  ,  eft  très- 
commode  pour  la  mefure  du  pouce  d'eau  , 
parce  qu'on  prend  communément  avec  M. 
Mariotte  pour  un  pouce  d'eau,  l'eau  qui 
coulant  continuellement  par  une  ouverture 
circulaire  d'un  pouce  de  diamètre  ,  donne 
par  minute  14  pintes  de  celles  de  35  au 
pié  cube  ,  ou  qui  peiènt  à  peu  près  deux 
livres.  Cette  façon  de  compter  &  de  régler 
le  pouce  d  eau  ,  leroit  tiès-commode  pour 
les  diitrlbutions  des  eaux  de  la  ville ,  car 
à  ce  compte  un  pouce  d'eau  donne  trois 
muids  par  heure  ,  &  72.  muids  en  24 
heures. 

Les  avantages  de  la  pinre  de  3e  au  pié 
cube  ,  ou  de  la  pinte  qui  pefe  deux  livres 
moins  fept  gros  ,  font  en  premier  lieu  que 
la  capacité  ou  folidité  de  cette  pinte  eft 
de  48  pouces  cubes  jufles  ,  ce  qui  efî  une 
partie  aliquote  du  pié  cube  ;  au  lieu  que 
la  pinte  de  35  au  pié  cube,  ou  qui  pefe 
à  peu  près  deux  livres ,  fa  capacité  ou 
lolidiré  efl  de   49   pouces    jj.  de  pouce. 

Mais  en  fécond  lieu  un  avantage  très- 
important  de  la  pinte  de  36  au.  pié  ,  & 
qui  peut  féul  faire  décider  en  fa  faveur  , 
efl  que  le  muid  contenant  8  pies  cubes  , 
on  a  dans  le  rauid  2,88  de  ces  pintes  :  ce 
qui  s'accorde  avec  l'ufage  ordinaire  ,  qui 
efl:  de  compter  2.80  pintes  claires  au  rauid  , 
(&:  8  pintes  de  be  5  au  lieu  que  fi  on  pre- 
noit  la  pinte  de  35  au  pié  cube  ,  il  n'y 
auroit  au  muid  que  272  de  claires,  &  8 
pintes  pour  la  he. 

Il  femble  par  toutes  ces  raifons  ,  qu'il 
convient  de  prendre  pour  mefure  fixe  le 
pié  cube  ras  ,  qui  contient  36  pintes  rafes  , 
ou  qui ,  fuivant  M.  Mariotte  ,  pefe  environ 
àew^  livres  m.olns  fept  gros. 

Les  mefures  de  Paris ,  tant  celles  qui 
fervent  de  matrices  pour  le  fetier  ,  la  pinte  , 
la  chopine  ,  &(:.  que  celles  qui  fervent 
journellement  à  étalonner  celles  àe^  mar- 
chands,  ne  fe  rapportent  point  jufle  l'uae 


5)^1  PIN 

à  l'autre ,  non  plus  qu'en tr'elles,  c'efl-à- 
dire ,  que  le  ferier  ne  contient  point  exac- 
tement ^  pintes  y  la  pinte  deux  chopines  , 
&c.  En  voici  la  principale  caufe. 

Les  diamètres  des  orifices  ne  font  point 
uniformes  ^  c'ell-à-dire  ,  deux  mefiires  de 
pinte  y  par  exemple  ,  dont  la  forme  efl: 
différente  ,  n'ont  pasgchez  les  marchands 
des  ouvertures  égales  ;  &  fi  elles  ne  font 
pas  remplies  à  ras  ,  quoiqu'à  pareille  hau- 
teur ,  il  fe  trouve  moins  de  liqueur  dans 
la  mefure  dont  l'ouverture  ell  la  plus 
grande. 

Il  paroît  qu'on  peut  aiféraent  remédier  à 
ce  défaut ,  en  conltatant  à  la  ville  la  forme 
de  chaque  différente  mefure ,  à  laquelle  tous 
potiers  d'étain  feroient  à  l'avenir  obligés  de 
fè  conformer  ,  leur  laiflant  cependant  un 
temps  pour  débiter  les  mefures  qtr'ils  ont  de 
faites  ,  ainfi  qu'on  en  a  agi  à  l'égard  des 
bouteilles. 

2°.  La  néccfîlté  où  l'on  efl  de  remplir  les 
mefures  jufqu'aux  bords  ,  fait  qu'il  s'en  ré- 
pand toujours  dans  le  tranfport  &  dans  le 
comptoir  des  cabaretiers. 

On  peut  éviter  ces  inconvéniens  ,  en 
réglant  une  hauteur  plus  grande  qu'il  ne 
faut  :  par  exemple  ,  pour  la  pinte  ,  on  peut 
lui  donner  en  hauteur  un  pouce  d'abord 
au  defTus  de  fon  folide  de  4^  pouces  cubes , 
&  ainfi  à  proportion  pour  les  autres  me- 
fures ;    &    pour  confiater   jufqu'à   quelle 


PIN 

hauteur  chaque  mefure  doit  être  remplie ,  od 
pourroit  former  en  dedans  des  orifices  des 
mellires  »  un  rebord  qui  terminât  exadement 
juiqu'où  doit  monter  la  liqueur. 

Les  cubes  des  diamètres  ne  font  pas  pro- 
portionnels aux  capacités  des  mefures ,  ainfî 

!  qu'ils  devroient  l'être. 

j      Ces    irrégularités  caufent    des  erreurs , 

;  quand  on  fe  fert  des  unes  &  des  autres  pour 

;  mefure. 

j  On  y  remédiera  fans  peine  ,  en  faifanC 
les  diamètres  des  orifices  tels  que  leurs 
cubes  foient,  comme  nous  avons  dit ,  pro- 
portionnels à  leur  capacité  ou  contenu  des 
mefures. 

Pour  déterminer  quels  diamètres  on  peut 
donner  aux  ouvertures  proportionnelles  des 
mefures ,  il  faut  obferver  que  plus  les  ouver- 
tures feront  petites  ,  &  plus  les  mefures 
feront  exaâes  ;  mais  d'un  autre  côté  l'u- 
fàgc  de  ces  mefures  chez  les  marchands , 
demande  pour  les  nettoyer  aifément ,  qu'on 
nelestaffe  point  trop  petites  ;  ce  n'efl  qu'aux 
mefures  fîducielles  de  la  ville  qu'on  peut  faire 
ces  orifices  fi  petits  qu'on  voudra.  On  pour- 
roit donner  à  l'orifice  de  la  pinte  des  mar- 
chands 40  lignes  de  diamètre  ,  ce  qui  déter- 
mine les  diamètres  proportionnels  de  la  cho- 
pine  ,  du  demi-fetier ,  &  des  autres  me- 
fures ,  que  l'on  trouvera  facilement  en  fè 
fervant  de  la  ligne  des  folides  du  compas 
de  proportion.  (*) 


__  M.  de  ia  Hire  ,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  i'anaée  1703  ,  p^ge  68  ,  di:  ^je  la  ptnte  dc 
Paris  eft  la  trente-cinquienje  partie  du  pié  cube  ,  c'eft  ,  dit-il ,  la  jufte  mefure  pour  la  pintf  de  Paris  ; 
cela  revient  à  4P  treize  trente-cinquièmes  pouces  cubicjuçs  ;  on  fuppofe  la  pintf  comble  ,  autant  que 
l'eau  8c  le  vin  peuvent  furpafler  le  bord  du  vafe:  mais  M.  Coupkt ,  dans  les  Mémoires  de  1731, 
page  1 16  ,  obferve  qu'une  pinte  comble  ell  une  chofe  trop  indéterrainéc  ,  parce  qu'on  peut  faire  le 
comble  plus  ou  moins  fort ,  &  qu'il  dépend  de  la  forme  du  vafe  plutôt  que  de  fa  capacité  :  ainfi  il  s'en 
tient  à  lap/»/erafe  de  36  au  pic  cube  ou  de  48  pouces  cubes  ,  qui  contient  deux  livres  moins  7  gros 
d'eau  de  Seine  ,  fuivant  M.  Mariette. 

M.  d'Ons-en-Bray  ,  dans  les  Mémoires  de  175P ,  page  çi  ,  choifit  aulTî  la  pinte  de  48  pouces  cubes 
pour  la  bafe  de  toutes  fes  mefures  ,  parce  que  les  mefures  de  Paris  contenant  8  pies  cubes  ,  on  a  xi$ 
de  ces  pintes  dans  un  muid,  ce  qui  s'accorde  avec  l'ufage  qui  eft  de  compter  xSo  pintes  claires  dans 
un  muid  de  vin  &  8  p'f'tes  de  lie,  en  tout  z88. 

La  jauge  de  M.  Camus ,  dans  les  Mémoires  de  1741  ,  adoptée  par  l'Académie ,  eft  âuflî  relative  i 
îa  pinte  de  48  pouces  ,  &  au  muid  de  8  pies. 

Enfin  ,  par  un  arrêt  du  confeil  du  g  mai  1741 ,  le  roi  ordonna  que  le  tarif  de  la  jauge  des  vaifleaux 
approuvée  par  l'Académie  le  19  avril  1741 ,  fervira  de  règle  pour  les  droits  d'Aides  ;  &  ce  tarif  qui 
a  été  imprimé,  fuppofe  la  pinte  de  48  pouces,  &  le  muid  de  188  pintes  ou  de  8  pies  cubes. 

Dans  le  dernier  fiecle  ,  l'éledion  avoit  fixé  le  muid  à  ^00  ^ï»/«f ,  mais  l'arrêt  de  1741  a  levé  fur 
cette  matière  toute  efpece  d'incertitude. 

Le  pouce  d'eaa  mefure  des  Fonrainiers  en  Hydraulique,  eft  un  écoulement  de  13  trois  huitièmes 
pintes  de  Paris ,  fuivant  M.  Mariotie ,  ou  1 3  un  tiers,  fuivant  M.  Couplet ,  la  pinte  étant  toujours  de  48 
pouces  ;  ces  deux  réfultatsne  différent  que  d'un  viagt-quatrieme  de  pinte  ou  de  deux  pouces  cubes» 
Voyex,  POUCE  D'EAU.  (  M.  DE  LA  LANDE.  ) 

Table 


P  IN 

Table  des  diamètres  &  des  hauteurs  des 
mefures. 


Nvms  des  mefures. 


Setier.     .  .  . 

Pinte 

•Chopine,    .  . 
Demi-fetier. 
Poiflbn.  .  .  . 
Demi-poiffon. 
Roquille.    .  . 


Diamètres. 


pouces,    liines 

6      8 


4 

I     T 

3  -? 


Hauteurs, 


pouces,    lignes. 
II   î'. 

5rV 


lO 

S 

4 
3 

2 
2. 
I 


4i 
5  I 

2  4 


PIN  c,y3 

graphometre  ,  d'une  équerre  d'arpenteur  , 
ou  de  tout  autre  inftrument  lèmblable, 
dont  chacune  eft  percée ,  dans  le  milieu , 
d'une  fente  qui  règne  de  haut  en  bas.  Quand 
on  prend  des  diftances  ,  que  l'on  mcfure 
des  angles  Cm  ie^  terrain  ,  ou  que  l'on  fait 
toute  autre  obrervation  ;  c'eft  par  ces 
fentes  ,  qui  font  dans  un  même  plan  avec 
la  ligne  ,  qu'on  appelle  ligne  de  foi  y  & 
qui  eft  tracée  fur  l'alidade  (  vqye:^  ALI- 
DADE )  ,  que  palfent  les  rayons  vifuels  qui 
viennent  des  objets  à  l'œil.  On  voit  donc 
que  les  pinules  fervent  à  mettre  l'alidade 
dans  la  diredion  de  l'objet  qu'on  fe  propofe 
d'obferver,  &  que  les  fentes  fervent  à  en 
faire  difcerner  quelques  parties  d'une  ma- 
Je  pourrois  ajouter ,  d'après  M.  d'Ons-    nicre  bien  déterminée  ;  c'eft  pourquoi  ces 

en-Bray  ,   une  féconde  table  du  diamètre  [  fentes  ayant  un  peu  de  largeur  ,  pourlaifîer 
des  mefures  pour  la  dépouille  des  moules  ; 

mais  je  crains  même  d'en  avoir  trop  dit. 

Qu'importe  que  notre  pinte  ne  foit  exade 

-ni  en  elle-même  ,   ni   vis-à-vis  des  autres 

mefures  ?  On  ne  jugera  peut-être  jamais  à 

propos  de  corriger  des  défauts  ou  des  in- 

convéniens  dont  le  public  même  qui  acheté 

tous  les  jours  à  pinte  &  à  chopine  toutes 

fortes    de  liqueurs  ,    n'a  pas  la    moindre 

çonnoiffance.  \D.  J.) 

Pinte  ,    en    terme    de   marchand  de 

modes  y  eft  une  efpece  de  gland  en  can- 

retille  ,  foncé  d'hanneton  ,  &  plus  court 

&  plus  large  que  les  glands  des  garnitures. 

Voyei  Gland  &  Garniture  ,  dont 

on  enjolive  le  nœud  d'épée.  Ko)'^;[N(EUD 

d'épée. 

PINTIA  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  de  Sicilfe. 

Elle  étoit  ,  félon  Ptolomée ,  liv.  III.  c.  iv. 

iur  la  côte  méridionale  ,  entre  l'embouchure 

du  fleuve  Nazara ,  &  celle  du  fleuve  Soffius. 

Il  y  avoit  un  temple  dédié  à  Pollux,  félon 

Claudius  Aretius  ,  qui  dit  que  le  nom  mo- 
derne eft    Polluci.   lyéandcr    appelle    fon 

territoire  terra  di  Pulici ,  &  ajoute  qu'on 

y  trouve  quantité  d'anciens  monumens.  2°. 

Pintia  eft  encore  le  nom  de  deux  villes 

fituées  dans  l'Eipagne  tarragonoife  ,  félon 

Ptolomée  ,  liv.  II.  chap.  vj.  [D.  J.) 

PINULES  ,  f  f.  pi.  (  Geom.  )  On  ap- 
pelle ainfi  deux  petites  pièces  de  cuivre , 

afîez  minces  &  à-peu-près  quarrées ,  éle- 
vées perpendiculairement  aux  deux  extré- 

laités  de  l'alidade  d'un  demi-cercle ,  d'un 
Tome  XXV, 


voir  plus  facilement  les  objets  ,  portent 
un  cheveu  qui  en  occupe  le  milieu  depuis 
le  haut  jufqu'en  bas  :  ce  cheveu  couvrant 
une  petite  partie  de  l'objet ,  la  détermine 
plus  précifément;  &  quand  on  veut  avoir 
encore  quelque  chofè  de  plus  exad,  on 
tend  un  autre  cheveu  dans  une  fécondé 
fente  qui  coupe  horizontalement  la  pre- 
mière ;  alors  l'interfedion  des  deux  che- 
veux détermine  fur  l'objet  le  point  que 
cette  interfedion  couvre. 

Remarquez  qu'au  lieu  d'un  cheveu  ,  d'un 
fil  de  foie  très-délié  ,  Ç^c,  que  nous  fup- 
pofbns  ici ,  les  faifcurs  d'inftrumens  de  ma- 
thématiques ,  laiffent  entre  les  fentes  un  filet 
de  la  même  matière  que  les  pinules  y  quand 
il  s'agit  d'inftrumens  où  il  n'eft  pas  befoin 
d'une  exaditude  bien  rigoureufe,  tel  que  le 
bâton  ou  l'équerre  d'arpenteur  ,  ^c. 

On  met  quelquefois  des  verres  aux  fentes 
de  ces  pinules  y  &  en  ce  cas  elles  font 
l'oftîce  de  télefcope. 

MM.  Flamfteed  &  Hook  condamnent 
abfolument  l'ufage  des  pinules  fans  verre 
dans  les  ohfervations  aflronomiques.  Selon 
Flamfteed  ,  les  erreurs  dans  lefquelles 
Tycho-Brahé  eft  tombé  ,  par  rapport  aux 
latitudes  des  étoiles ,  ne  doivent  exre  attri- 
buées qu'aux  pinules  de  cette  efpece.  Voy. 
Télescope. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  pi- 
nule  fufîit   pour  en  avoir  une  jufte  idée  ; 
mais  il  ne  fera  pas  inutile  d'ajouter  quel- 
ques particularités  fur  l'invention  ,  l'ufage  . 
Eceeee  '     ' 


5?54  PIN  P  I  O 

&  l'abandon  de  cette  petite  fente  de  laiton  ,  I  nuer  ou  corriger  les  erreurs  de  telle  on 


eu  ce  petit  reâangle  que  nous  avons  décrit 
plus  haut ,  &  qui ,  au  lieu  de  porter  le  nom 
de  pinulê  ,  s'appclloit  autrefois  vi/iere. 
Une  alidade  ell ,  comme  nous  l'avons  dit, 
ora'mairement  garnie  de  deux  pinules  à  Tes 
extrémités  ,  de  forte  qu'en  regardant  un 
objet  à  travers  cts  deux  pinules  y  on  la 
mti  parfaitement  dans  la  diredion  du  rayon 
viiuel; 

Autrefois  tous  les  inftrumens  de  mathé- 
matiques &  d'aftronomie  ,  qui  fervent  à 
prendre  des  angles  ou  à,t%  hauteurs  ,  étoicnr 
garnis  de  pinules.  Mais  <p  ans  ou  environ 
après  la  découverte  du  télefcope  ,  quel- 
ques favans  ayant  penfé  à  le  (ubftituer  aux 
pinules  y  la  chofe  réulïît  fi  bien  ,  que 
depuis  ce  temps-là  on  n'en  a  fait  aucun 
ufage,  &  qu'on  leur  a  fubllitué  par-tout 
le  télefcope  ,  fi  ce  n'eft  dans  le  grapho- 
metre  ,  &  dans  quelques  autres  inftrumens 
de  cette  efpece. 

C'eft  aux  environs  de  l'année  ^660  , 
qu'on  commença  à  faire  ce  changement 
aux  inftrumens.  Il  y  eut  à  ce  fujet  de' 
grandes  conteftations  entre  le  dodeur  Hook 
&  le  fameux  Hévélius.  Le  premier  fâchant 
toutes  les  peines  que  fe  donnoit  Hévélius  , 
&  les  grandes  dépenfes  qu'il  faifoit  pour 
avoir  des  infirumens  plus  parfaits  que  ceux 
de  (es  prédécefïêurs  en  aflronomie ,  & 
particulièrement  Tycho-Brahé  ,  l'engagea 
fortement  à  faire  ufage  de  ctnt  décou- 
verte, &  à  employer  le  télefcope  au  lieu 
des  pinules.  Les  principales  raifons  fur 
lefquelles  il  fè  fondoit  ,  étoient  i^.  que 
l'œil  ne  pouvant  diflinguer  un  objet  dont 
les  rayons  vifuels  forment  un  angle  au- 
deffous  d'une  demi-minute  ,  il  étoit  impof^ 
fible  avec  des  pinules  de  faire  aucune 
obfervation  qu'on  pût  afîurer  exempte  au 
moins  de  cette  erreur  ;  2®.  que  par  le 
feoours  du  télefcope  ,  l'œil  étant  capable  de 
diflinguer  jufqu'aux  plus  petites  parties  d'un 
objet  5  &  même  jufqu'aux  fécondes ,  les 
obfervations  faites  avec  cet  inflrument  lè- 
roicnt  de  beaucoup  plus  exadés  que  celles 
que  l'on  pourroit  faire  avec  les  pinules  ; 
&  enfin  que  toutes  les  parties  d'un  inf^ 
trument ,  devant  également  concourir  à 
la  juflefTe  àts  obfervations ,  il  étoit  inutile  j 


telle  partie,  comme  par  exemple  ,  de  la 
divifion  du  limbe  ,  tandis  que  d'autres 
parties  donneroient  lieu  à  des  erreurs  beau- 
coup plus  confidérables.  Il  efl  bon  même 
de  faire  attention  que  cette  remarque  du 
dodeur  Hook  eft  très-judicieufe ,  &  qu'il 
faut  bien  prendre  garde  dans  la  conflruc- 
tion  d'un  inflrument ,  que  toutes  (ts  parties 
concourent  également  à  fa  perfedion. 
Nonobflant  la  force  de  ces  raifons  ,  Hé- 
vélius perfifta  toujours  dans  l'ufage  des 
pinules  y  prétendant  que  les  verres  des 
télefcopes  étoient  fujets  à  fe  cafTer  de 
même  que  les  fils  placés  à  leur  foyer ,  & 
qu'enfin  on  étoit  obligé  de  vérifier  l'info 
trument  ;  vérification  qui  devoit  néceffai- 
rement,  félon  lui ,  emporter  un  temps  con- 
fidérable. 

Flamfteed  étoit  auffi  du  fêntiment  du 
dodeur  Hook  ;  car  il  attribuoit  entière- 
ment à  l'ufage  des  pinules  les  erreurs  de 
Tycho-Brahé  fur  la  grandeur  des  planètes  , 
&  il  pcnfoit  que  la'  même  caufè  feroit 
tomber  Hévélius  dans  une  erreur  pareille. 

Tel  étoit  le  fêntiment  des  plus  habiles 
aftronomes  de  ce  temps-là  ;  car  ils  aban- 
donnèrent les  pinules  pour  faire  ufage 
du  télefcope.  M.  Picard  fut  un  des  pre- 
miers qui  l'employa  avec  fuccès ,  ayant 
adapté  un  télefcope  en  place  .de  pinules  ^ 
au  quart  de  cercle ,  dont  il  fe  fervit  pour 
fa  fameufe  mefure  de  la  terre  ;  depuis  ce 
temps-là  ,  on  a  abfolument  abandonné 
l'ufage  des  pinules  ,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  liaut.  (T) 

PIOCHE  ,  f.  f.  outil  d'ouvriers  y  outil 
de  fer  avec  un  long  manche  de  bois  qui 
fert  aux  tcrraffiers  ,  carriers  &  maçons  , 
pour  remuer  la  terre ,  tirer  des  pierres  , 
fapper ,  démolir  ,  &c.  Il  y  en  a  de  plu- 
fieurs  fortec  :  les  unes  dont  le  fer  a  deux 
côtés ,  comme  un  marteau  ,  &  un  œil  au 
milieu  pour  l'emmancher  ;  chaque  extré- 
mité de  cette  pioche  eu  pointue.  D'autres 
fortes  de  pioche  s'emmanchentpar  le  bout 
du  fer  :  toutes  deux  font  un  peu  courbes  ; 
mais  l'une  cfl  pointue  comme  le  pic  ,  & 
l'auîre  qu'on  nomme  feuille  de /auge  ,  a  le 
bout  large  &  tranchant.  {D.  J.) 

Pioches,  {Luth.)  Ce  font  de  petits 


^c  prendre  une  peine  infinie  pour  dirai-  j  crochets  de  fer   qui   traverfent  lâ  barrç 


V  lO 

de  derrière  de  cKafïIs ,  &  les  queues  des 
touches.  Kbj^;^  Clavier. 

PIOCHET  ,  (  Ornitholog.  )  Voye^ 
GrimpereAU.  Le  piochety  ou  le  petit 
grimpereau,  eft  un  oifeau  connu  d'Arif- 
tote  ;  car  je  ne  doute  guère  que  ce  ne  foit 
celui  qu'il  appelle  a-k^àioi ,  &  qu'il  décrit  élé- 
gamment en  ces  termes  :  avicala  exigua  y 
nomine  certhios  ,  cui  mores  audaces  y  do- 
micilium  apud  arbores  y  viâus  ex  cojjis  , 
ingenium  fagax  in  vitœ  officiis  ,  vox  Clara  ; 
lib.  IX.  cap.  xpij.  Lq  nom  àt  petit  grim- 
pereau ,  &  en  anglois  celui  de  crêper  , 
lui  conviennent  à  merveille  ;  car  il  grimpe 
fans  cefle  fur  les  arbres  ,  &  ne  fe  repofe 
^ue  quand  il  dort. 

Linnîeus  en  fait  un  genre  ^iflind  des 
pics ,  parce  qu'il  n'a  pas  deux  doigts  der- 
rière comtoe  les  pics  ,  mais  un  feui.  C'eft 
un  oifillon  de  la  groflêur  d'un  roitelet; 
fon  bec  eft  crochu ,  &  un  peu  pointu  ; 
fa  langue  n'efl  pas  plus  longue  que  fon 
tec  ,  ce  qui  le  diflingue  encore  de  la  claffe 
éts  piverts  ;  mais  elle  fe  termine  comme 
dans  ceux-ci  en  une  pointe  offcufe;  fa 
gorge ,  fa  poitrine  &  fon  ventre  font  blan- 
châtres ;  fon  dos  &  fon  croupion  font  de 
couleur  fauve  ,  bigarrée  d'un  peu  de  blanc  , 
de  même  que  la  tête.  Il  a  de  chaque  côté 
une  petite  tache  fur  l'œil  ;  fes  grandes  plumes 
éts  ailes  ,  font  les  unes  brunes  pardelfus  , 
éc  les  autres  liferées  de  blanc  ;  les  petites 
plumes  de  l'aile  font  noirâtres  ;  fa  queue 
cil  droite  ,  roide  ,  compofce  de  plumes  de 
couleur  tannée  ;  (es  jambes  &  les  doigts  de 
fes  pies  ,  tirent  fuj*  le  jaune  ;  {^q^  ongles  font 
noirs  &  crochus. 

Il  demeure  toute  l'année  dans  un  même 
canton  ,  comme  les  méfanges  ;  il  fait  fon 
«id  dans  des  creux  d'arbre ,  le  long  def- 
quels  il  fe  plaît  à  monter  &  defcendre ,  en 
en  piquant  l'écoree  avec  fon  bec.  Il  vit 
d'infeâes  &  de  verraifleaux  qu'il  rencontre 
fur  fa  route  ;  il  pond  jufqu'à  dix-huit  ou 
ringt  œufs. 

Le  bec  de  ces  fortes  d'olfèaux  femblc 
deftiné  à  creufer  le  bois  ,  car  ils  l'ont 
arrondi ,  dur  ,  aigu  ,  &  fèmblable  à  celui 
de  tous  les  oifeaux  qui  grimpent  ;  ils  ont 
ainfi  qu'eux ,  fuivant  la  renaarque  de  Wil- 
lughby,  I*.  àts  cuilTes  fortes  &  raufcu- 
kuiès;  2.°.  des  i^unbes  courtes  &  robuiles  j 


PIO  9jy 

3°.  de%ongIes  favorables  pour  fe  crampon- 
ner; 4°.  les  doigts  ferrés  enfemblc,  afin 
de  fe  tenir  fermement  à  l'arbse  fur  lequel 
ils  montent  &  defcendent  ;  5^.  enfin  ,  une 
queue  roide  &  dure,  un  peu  courbée  par 
le  bas,  pour  fe  foutenir  fur  cette  queue ea 
grimpant.  {D.  J.) 

PIOCHON ,  f  m.  outil  de  charpentier  , 
efpece  de  beiàiguë  qui  n'a  que  quinze  pouces 
de  long  ;  elle  fert  aux  charpentiers  pour 
frapper  de  grandes  mortaifes.  (D.J.) 

PIOMBINO  ,  (  Geogr.  mod.  )  petite 
ville  d'Italie  ,  fur  la  côte  de  Tofcane  , 
capitale  d'une  petite  contrée  de  même 
nom ,  qui  eft  entre  le  Siennois  &  le  Pifan. 
Sts  princes  particuliers  (ont  fous  la  pro- 
tedion  du  roi  de  Naples,  lequel  a  droit 
de  mettre  garnifon  dans  la  fortereffe  de 
Piombino.  On  croit  que  c'eft  la  PopU" 
lania  des  anciens ,  c'eft-à-dire  ,  la  petite 
PopuUriia  ;  car  la  grande  étoit  à  3  milles 
à  Porto-Barato.  Cette  ville  eft  (ùr  la  mer  à 
6  lieues  fud-efl  de  Livourne ,  24  fud-ouefl 
de  Florence ,  &  16  fud-oueft  de  Sieane. 
Long.  z8. 1 6.  lat.  4z.  ^ff.  (D.J.) 

EION ,  rqye:{  BOUVREUIL. 

Pion  ,  f  m.  (Jeu  des  échecs.  )  pièce  du 
jeu  des  échecs  ,  qui  prend  fon  nom  de  la 
pièce  devant  laquelle  elle  efl.  Ainfi  on  dit 
le  pion  du  roi ,  le  pion  de  la  reine  ,  le 
pion  du  fou.  On  ne  paflè  point  pion , 
c'efl-à-dire  ,  qu'un />io/z  qui  n'a  point  encora 
marché ,  &  qui  par  cette  raifon  eft  en  droit 
de  faire  deux  pas  ,  fi  au  premier  pas  il  fè 
trouvoit  en  prifè  par  un  des  pions  de  l'ad- 
verfairc ,  pourroit  être  pris. 

La  Bruyère  a  employé  ce  mot  fort  heu- 
reufement  dans  fa  peinture  de  la  vie  de  la. 
cour.  «  Souvent ,  dit-il ,  avec  àts  pions 
»>  qu'on  ménage  bien  ,  on  va  à  dame ,  & 
M  l'on  gagne  la  partie  :  le  plus  hab^ie  l'em- 
»  porte  ,  ou  le  plus  heureux,  w  (  D.  J.) 

PIONI^  y  (  Géogr.  anc.  )  ville  de  k 
Myfîe  afiatique ,  fur  le  fleuve  Caïcus , 
félon  Pline ,  liv.  V.  chap.  xxx.  &  Pau- 
(ànias  ,  //V.  IX.  chap.  xviij.  Strabon  , 
liv.  XIII.  pag.  Sto.  nomme  cette  ville 
Pionia  ,  &  la  place  au  voifinage  de  l'Etolie. 
(D.J.) 

PIONNIER  ,  f  m.  (  Art  milit.  )  celui 
qui  efi  employé  à  l'armée  pour  applanir 
les  chemins  ,  en  faciliter  le  pafla^e  k 
Ëeeeee  2 


55^  P  I  û 

rartlïlerie  ,   creufer  des  .lignes  &  tî»  tran-  T 
chées  ,  &  faire  tous  les  autres  travaux  de 
cette    efpece  où    il  s'agit  de  remuer   des 
terres.  Il  y   a  des  officiers  généraux  qui 
veulent  avoir    un    nombre  prodigieux  de 
pionniers  pour  faire  la  clôture  d'un  camp , 
les  tranchées   d'un  ficge ,   l'accommode- 
ment des  chemins ,  en  un  mot ,  pour  ôter 
toutes  fondions  aux  foldats  de  travailler  à 
la  terre  ,  parce  que ,  difent-ils  ,  ceux  d'au- 
jourd'hui ne  peuvent  être  affujettis  à   de 
tels  travaux,  comme  les  anciens  Romains. 
Ils  ajoutent  encore,    pour    foutenir   leur 
opinion  ,    que  le  foldat,  quand   il   arrive 
au  quartier,  efl  aflfez  harafle^  fens  l'em- 
ployer de  nouveau  à  remuer  la  terre.   Il 
eft  à  craindre  qu'en  portant  trop  loin  ce 
iyftême  ,  on  ne  vienne  à  gâter  les  foldats  , 
en  les  épargnant  trop  &  mal-à-propos.  Il 
faut  leur  procurer  des  vêtemens  ,    avoir 
grand  foin  d'eux  dans  les  maladies ,   &  lorl- 
qu'ils  iont  blelTés  ;  mais  il  faut  les  endurcir 
à  la  peine ,  &  que  leurs  généraux  leur  fer- 
vent d'exemple  ;  car  fi  vous  voulez  réduire 
les  foldats  à  la  difette  ,  tandis  que  vous 
regorgerez  d'abondance  ,    &  à  travailler  , 
tandis  que  vous  demeurerez  dans  l'oiliveté  , 
certainement  ils  murmureront  avec  raifon. 
Nous    ne  nions  pas  cependant  qu'on  ne 
doive  avoir  à^s  pionniers  pour  accommo- 
der les  chemins  ,  &  faire  palTcr  l'artillerie  '-, 
mais  cent  pionniers  fuffifent  à  un  grand 
équipage.  Quant   à  la  clôture  du  camp, 
le  foldat  eit  obligé  de  la  faire ,   parce  que 
ce  travail  lui  donne  le  temps  de  fe  repofer 
&  de  dormir  en  fureté.  D'ailleurs  c'eil:  un 
ouvrage  de  trois  ou  quatre  heures  ;  pour 
cet  eifet ,  toute  l'armée  doit  y  travailler  , 
ou  au  moins  la  moitié  ,  quand  l'ennemi  eft 
proche.  S'il  falloit  ne  donner  cette  befogne 
qu'à  àtsjjionnier^  il  en  faudroit  dans  une 
armée  autant  que  de  foldats  :  ce  qui  feroit 
le  vrai  moyen  d'afïàmer  tout  un  pays,  & 
d'augmenter    l'embarras  qu'on  ne   fàuroit 
trop   diminuer.  Quant  aux  tranchées  ,  les 
pionniers    n'y  réuiSfîent  guère  bien  ,   & 
lorfque  le  danger  croit ,  les  plus  vaillans 
foldats  n'y  font  pas  de  trop  ;  encore  faut-il 
les  animer  à  ce  travail  par  un  gain  aflùré , 
des  promefîcs   &    des   récompenfes  ;    car 
nul  argent  n'ell  fi  bien  employé  que  celui- 


P  I  o 

PIOTE ,  f.  m.  (  Archit.  navale.)  oti 
écrit  aufll  piotte  ;  efpece  de  petit  bâtiment 
qui  approche  de  la  gondole  ,  fort  en  ufage  à 
Venife  ;  quand  le  doge  fait  la  cérémonie' 
d'époufer  la  mer  ,  le  vaifleau  qu'il  monte  , 
eft  environné  &  efcorté  des  gondoles  do- 
rées Ats  ambaflfadeurs  ,  d'une  infinité  de 
/(zorej^  &  d'autres  gondoles  ,  Ùc. 

PIPA  ,    PIPAL  ,   f.  m.{Hifl.nat.) 
crapaud   d'Amérique.    Le  mâle  reflemblc 
affez  par  la  forme  du  corps  ,  au  buto  ou 
crapaud  de  terre  de  ces  pays-ci  ;  mais  la 
femelle  a  une  conformation  très-difFérentè  ; 
elle  eft  beaucoup  plus  grofle  que  le  mâle. 
La  tête  du  pipa  ell  petite  ,   &  la   partie 
antérieure  fe  termine  en  pointe  à-peu-près 
comme  le  ftiufeau  d'une  taupe  ;  l'ouverture 
de  la  bouche  eft  très-grande ,  &.  les  yeux 
font  fort  petits  ;  il   y   a  de  chaque  côté , 
à  l'extrémité    poftérieure   de  la  tête  ,  un 
petit   appendice  formé  par   un  prolonge- 
ment de  la  peau  :  le  dos  forme  une  éléva- 
tion très-apparente  à  fa  partie  antérieure  j 
il  eft  très-large  &  couvert  prefqu'en  entier 
de  petits  corps  ronds  de  la  grofleur  d'un 
gros  pois  ,  &  enfoncés  fort  avant  dans  la 
peau  ;  ces  corps  ronds  font  autant  d'œufs 
couverts  de  leur  coque  ,  &  pofés  fort  près 
les  uns  des  autres  ,  prefqu'à  égale  diftance  ; 
l'efpece  de   croûte  membraneufe    qui  les 
recouvre  ,  eft  d'un  roux  jaunâtre  &  luifant. 
On  voit  fur  les  intervalles  qui  fe  trouvent 
entre  les  œufs  &  fur  les  autres  parties  de 
la   (âce   fupérieure   du   corps ,   un  grand 
nombre   de  très-petits  tubercules  ronds  , 
femblables  à  des  perles.  Lorfqu'on  enlevé 
la  membrane  extérieure  qui  recouvre  les 
œufs  ,  ils  paroifTent  à  découvert ,    &  on 
diftingue  les   petits  crapauds.  Les  jambes 
de    devant  du  pipa  font  menues  &   ter- 
minées   par    quatre  doigts  longs  qui  ont 
de  petites  ongles  ;  les  jambes  de  derrière 
font  beaucoup  plus  groffes  ,  &  ont  chacune 
cinq  doigts  tous  unis  les  uns  aux  autres 
par  une  membrane  ,  comme  dans  les  ca- 
nards :  le  deflous  du  ventre  a  une  couleur 
cendrée   jaunâtre.   La  femsUe   eft    d'une 
couleur   jaunâtre,  à  -  peu  -  près  femblable 
à  celle  des  crapauds  de  ces  pays-ci.  On 
trouve  le  pipa  en  Amérique  ;  les  naturels 
du  pays  donnent  le  nom  àc  pipa  à  la  fe- 
melle j   &   celui  de  pipai  au   mâk  :  lés 


p  IP 

hêgres  mangent  les  cuifles  de  l'un  &  de 
l'autre  ,  quoiqu'ils  paflent  tous  les  deux 
pour  erre  très  -  venimeux.  M.  Merian , 
Métamorp.  des  inf.  de  Surinam  ,  dit , 
de  même  que  Seba  ,  que  c'eft  la  femelle 
qui  porte  fes  petits  fur  fon  dos.  V^oje\ 
Crapaud. 

PIPE ,  f.  f .  (  Futaille.  )  c'eft  une  des 
neuf  elpeces  de  futailles  ou  vaifTeaux  ré- 
guliers ,  propres  à  mettre  du  vin  &  d'autres 
liqueurs. 

En  Bretagne  la  pipe  eft  une  mefure  des 
chofes  feches  ,  particulièrement  pour  les 
grains,  les  légumes  &  autres  femblables 
denrées;  la  pipe  entendue  de  cette  forte, 
contient  dix  charges  ,  chaque  charge  com- 
polée  de  quatre  boilTeaux  :  ce  qui  fait 
quarante  boifleaux  par  pipe  ;  elle  doit  pefer 
fix  cents  livres ,  lorfqu'elle  eft  pleine  de 
bled.  {D.J.) 

Pipe  ,  f.  f.  {Poterie.)  long  tuyau  délié 
fait  ordinairement  de  terre  cuite  très-fine  , 
qui  fert  à  fumer  le  tabac.  A  l'un  des 
bouts  du  tuyau  qui  eft  recourbé,  efl  une 
façon  de  petit  vafe  que  l'on  appelle  le 
fourneau  ,  ou  la  tête  de  la  pipe ,  dans 
lequel  on  met  le  tabac  pour  l'allumer  &  le 
fumer  :  ce  qui  fe  fait  avec  la  bouche ,  en 
alpirant  la  fumée  par  le  bout  du  tuyau 
oppolé  à  celui  du  fourneau. 

Il  fe  fabrique  des  pipes  de  diverfes  fa- 
çons ,  de  courtes  ,  de  longues  ,  de  façon- 
nées ,  d'unies ,  de  blanches  {ans  être  ver- 
niflfées  ,  de  diiFérentes  cotjleurs  ;  on  les 
tire  ordinairement  de  Hollande. 

Les  Turcs  fè  fervent  pour  pipes  (  qui 
font  de  deux  ou  trois  pies  de  longueur , 
plus  ou  mo'.ns  )  ,  de  rofeau  ou  de  bois 
troué  comme  des  chalumeaux  ,  au  bout 
defquels  ils  attachent  une  efpece  de  noix 
de  terre  cuite  qui  fert  de  fourneau  ,  &  qu'ils 
détachent  après  avoir  fumé  ;  les  tuyaux  de 
leurs  pipes  s'emboîtent  &  fe  démontent 
pour  être  portés  commodément  dans  un 
ctui.  Vous  trouverez  t#|lt  ce  qui  concerne 
la  manière  de  faire  les  pipes  à  Varticle 
Terres  a  pipe. 

PIPEAU ,  f.  m.^erme  d'Oifelier , bâton 
moins  gros  que  le  petit  doigt,  long  de  trois 
pouces  ,  fendu  par  le  bout  pour  y  mettre 
une  feuille  de  laurier  ,  &  contrefaire  le  cri 
■  ou  pipi  de  piulieurs  oifeaux. 


P  I  P  5,^7 

PIPÉE ,  f.  f.  {ChaJJe  aux  oifeaux.  ) 
cette  chafTe  aux  oilèaux  fe  fait  en  automne  , 
dès  la  pointe  du  jour  ,  ou  demi -heure 
avant  le  coucher  du  foleil.  On  coupe  le 
jeune  bois  des  branches  d'un  arbre  ;  on 
fait  des  entailles  fur  ces  branches  pour 
mettre  des  gluaux  ;  enfuite  trente  ou 
quarante  pas  autour  de  cet  arbre ,  on 
coupe  le  bois  taillis;  on  fait  une  loge  fous 
l'arbre  où  font  tendus  les  gluaux;  on  s^y 
cache ,  &  on  y  contrefait  le  cri  de  la 
femelle  du  hibou  avec  une  certaine  herbe 
qu'on  tient  entre  les  deux  pouces  ,  &  qu'on 
applique  entre  les  deux  lèvres  ,  en  poulîânt 
fon  vent ,  &:  en  les  pouflant  l'une  contre 
l'autre.  Les  oifeaux  qui  entendent  ce  cri 
qui  contrefait  celui  de  la  femelle  du  hibou , 
s'amufent  autour  de  l'arbre  où  l'on  e(l 
caché  ,  &  fe  viennent  le  plus  fouvent  per- 
cher fur  l'arbre  où  font  tendus  les  gluaux  ; 
ils  s'engluent  les  ailes  ,  ils  tombent  à  terre  , 
&  on  les  prend.  Rufes  innocentes  ^  liv.  II ^ 
ch.  27  ,    z8  Ù  ig. 

PIPELIENE  ,  f.  f.  (  OrnithoL  )  c'efl 
ainfi  que  Frefier  nomme  un  oifeau  du 
Chily  dans  l'Amérique  méridionale  ;  il  die 
que  les  pipelienes  ont  les  pies  faits  comme 
l'autruche  ,  &  qu'elles  reflemblent  en  quel- 
que chofe  aux  oifeaux  de  mer  qu'on  ap- 
pelle maui'cs ,  lefquels  ont  le  bec  rouge , 
droit ,  long  ,  étroit  en  largeur  ,  &  plat 
en  hauteur ,  avec  un  trait  de  même  cou- 
leur fur  les  yeux. 

PIPELY  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite  ville 
des  Indes  ,  non  murée  ,  au  royaume  de 
Bengale  ,  dans  une  plaine ,  fur  la  rivière 
de  Pipely  ,  à  quatre  lieues  au  delïlis  de 
fon  embouchure.  Long.  io6  ^  2.0  ;  /a/, 
^î  ,  40.  '    . 

PIPER  ,  V.  neuf,  terme  d'Oifelier  ; 
c'eft  contrefaire  le  cri  de  la  chouette ,  pour 
attirer  les  oifeaux  qui  la  haïfîènt ,  &  les 
engager  à  fe  venir  percher  fur  un  arbre  où 
l'on  a  tendu  àts  gluaux. 

PIPERAPIUM  ,  [Bot.  anc)  nom  d'une 
plante  dont  il  n'ell  parlé  que  dans  Apulée  , 
&:  c'efl  un  nom  qu'il  a  tiré  de  fa^  faveur 
brûlante  fur  la  langue  •  cette  plante  ,  ajoute- 
t-il ,  étoit  11  odjeufe  aux  abeilles  ,  qu'un 
de  Çts  plus  petits  rameaux  pendu  fur  leur 
ruche  ,  Us  obligcoit  toutes  d'en  forrir 
aulli-tèt.  Comme  cet  étrange  récit  ne  fe 


^j8  P  I  P 

trouve  que  dans  ce  fcul  ApuHe  ^  on 
ne  peut  y  ajouter  la  moindre  foi.  Mais 
voici  peut-être  l'origine  de  ion  propos. 
Diofcoride  a  dit  que  la  racine  acorus  étoit 
celle  d'une  plante  entièrement  reflcmblante 
au  papyrus  du  Nil ,  &  en  conféquence 
il  nomme  cette  plante  papyraceum  ,  mot 
qui  fe  trouve  écrit  dans  quelques  manuf- 
c^'its  ';rgT«fstvJo''.  Apulcc  aura  changé  & 
corrigé  peperachion  en  piperapium  ;  il  a 
dû  enfuite  donner  à  Ton  piperapium  une 
faveur  brûlante ,  &  a  enfin  imagine  que 
les  abeilles  dévoient  redouter  une  fem- 
blable  plante ,  &  abandonner  leurs  ruches 
en  la  fentant.  {D.  J.) 

PIPERNO  ou  PIPERINO,  (Hijî. 
nat,  )  nom  que  les  Italiens  donnent  à  une 
pierre  que  quelques  auteurs  regardent 
comme  un  grès  ;  cette  pierre  cfl  grife  & 
entre-mêlée  de  veines  &  de  taches  d'une 
couleur  plus  obfcure ,  qui  font  plus  com- 
pares &  plus  dures  que  le  refte  de  la 
pierre  ;  elles  font  feu  avec  l'acier  ;  le  refte 
de  la  pierre  efl:  aflez  tendre  &  fpongieux. 
M.  de  la  Coadamine  regarde  cette  pierre 
comme  une  vraie  lave  produite  par  des 
volcans.  Voye'{  Lave, 

PiPERNO  ou  PrIVERNO-NOVELLO  , 
(  G^og.  mod.  )  petite  ville  d'Italie  dans 
la  campagne  de  Rome  ,  à  7  milles  de 
Terracine  ;  fon  cvcché ,  k  caufc  de  fa 
pauvreté  ,  a  été  réuni  à  celui  de  cette  der- 
nière ville.  Piperno  ell  voifinc  des  ruines 
de  l'ancien  Pr/V^r/za/n.  Long.  30  ,  46^ 
lat.  42  ,   S.I  y  &c. 

PIPES  (  TERRES  A  )  ,  (  Hifl.  nat.  ) 
nom  générique  que  l'on  donne  aux  terres 
argileufes  blanches ,  qui  ont  la  propriété 
de  fè  durcir  dans  le  feu.  Ce  nom  lui  vient 
de  ce  qu'on  s'en  fert  pour  faire  àt^  pipes 
â  fumer  du  tabac. 

PIPI,  {Hifi.  n&t.)  oifeau  qui  eft  fort 
commun  en  Abyffinie  &  en  Ethiopie.  Son 
nom  lui  vient  du  bruit  qu'il  fait ,  qui  ref- 
ièmble  aux  deux  fyllabes  pipi.  Il  eft  d'une 
grande  utilité  aux  chafTeurs  du  pays  ;  cet 
oifeau  leur  fait  découvrir  le  gibier  ;  on 
aflure  qu'il  ne  cefïè  de  les  importuner  de 
fon  cri  jufqu'à  ce  qu'ils  le  fuivent  à  l'en- 
droit où  le  gibier  eft  caché  ;  ce  qu'il 
fait  dans  l'cfpérance  a  en  avoir  fa  part  & 
fi'ea  boke  le  iànsj  cependant  il  feroit 


P  r  p 

imprudent  de  fuivre  les  indications  de  ce< 
oifeau  fans  être  bien  armé ,  va  qu'il  con- 
duit fbuvent  les  chafTeurs  vers  l'endroit  où 
cfl:  quelque  gros  ferpent ,  ou  quelqu'autre 
animal  dangereux. 

PIPOT  ,  f.  m.  (  Comm.  )  on  nomme 
ainfi  à  Bordeaux  certaines  futailles  ou  barils 
dans  lefquels  on  mer  les  miels  ;  c'cft  ce 
qu'on  nomme  ailleurs  un  tierçon.  Le  ton- 
neau de  miel  eft  corapofé  de  quatre  bar- 
riques ou  de  {\x  pipots.  Voy.  BARRIQUE. 
Dicl.  de  comm. 

PIPRIS ,  f  m.  {Marine)  c'eft  une  efpece 
de  pirogue ,  dont  fè  fervent  les  nègres  du 
Cap-verd  &  de  Guinée. 

PIQUANT,  ad).  (  Gramm.)  qui  a  une 
pointe  aiguë  ,  comme  l'épine  y  l'épingle ,  le 
poinçon. 

Il  fe  dit  auffi  Aqs  chofes  qui  afïè(9:ent 
le  goût  ,  comme  le  fcl ,  le  vinaigre  ,  le  fuc 
àes  fruits  non  mûrs ,  le  vin  nouveau  de 
Champagne.  Au  figuré ,  une  femme  efl 
piquante  y  lorfqu'elle  attire  une  attention 
vive  de  la  part  de  ceux  qui  la  regardent , 
par  fa  fraîcheur  ,  fa  légèreté  ,  l'éclat  de 
fon  teint,  la  vivacité  de  fes  yeux,  là  jeu- 
nefïê. 

Un  mot  eft  piquant  y  lorfqu'il  nous  re- 
proche d'une  manière  forte  quelque  défaut 
ou  réel  ou  de  préjugé.  On  diroit  peu  de 
ces  mots,  fi  .'on  n'oublioit  qu'il  n'y  en  a 
aucun  qui  ne  pût  nous  être  rendu. 

Piquant,  C  m.  [Bman.)  ce  mot  fe 
dit  des  pointes  ou  groffes  épines  qui  vien- 
nent au  tronc ,  aux  tiges  ,  aux  feuilles  de 
certains  arbriftcaux&  de  certaines  plantes, 
à  l'opicatia  ,  par  exemple  ,  aux  chardons , 
aux  feuilles  de  houx  ,  ^c 

PIQUE  ,  f.  f.  {Artmilit.  )  arme  ofFen- 
five  qui  eft  compofée  d'une  hampe  ou  d'un 
manche  de  bois  long  de  douze  ou  quatorze 
pies ,  ferré  par  un  bout  d'un  fer  plat  & 
pointu  ,   que  l'on  appelle  lance. 

Celles  qu'on  voit  dans  les  monumens  faits 
du  temps  des  eraû|reurs  romains  font  d'en- 
viron fix  pies  &  demi  de  longueur ,  en  y 
comprenant  le  fer.  Celles  des  Macédoniens 
ctoient  infiniment  plus  longues  ,  puifque 
tous  les  auteurs  s'accordent  à  leur  donner 
quatorze  coudées ,  c'eft-à-dire ,  vingt  &  un 
pies  de  longueur.  On  conçoit  difficilement 
comment  ils  pouvoieiot  manier  avec  dex'* 


P  I  Q 

t<Jnt^    &    avantage    une   arme    de    cette 
portée. 

On  dit  que  ce  nom  vient  de /^ie  ,  oifeau 
dont  le  bec  cû  û  pointu  qu'il  perce  les 
arbres  ou  le  bois  comme  une  tarière. 
Ducange  le  dérive  de  pice  y  qu'on  a  dit 
dans  la  bafle  ktinité  ,  &  que  Turnebe 
croit  avoir  été  dit  quafi  fpica^  à  caufe 
qu'il  refTemble  à  une  efpece  d'épi  de  bled. 
Odavio  Ferrari  le  dérive  de  fpicuîa.  Fau- 
chet  dit  que  la  pique  a  donné  le  nom 
aux  Picards  &  à  la  Picardie ,  qu'il  pré- 
tend être  moderne  &  être  venu  de  ce 
que  les  Picards  ont  renouvelle  l'ufage  de 
la  pique ,  dont  le  nom  efl  dérivé  de  pi- 
quer y,  félon  cet  auteur. 

•  La  pique  a  été  long-temps  en  ufage 
dans  l'infanterie  pour  ioutenir  l'effort  ou 
l'attaque  de  la  cavalerie  :  mais  à  préfent 
on  l'a  fupprimce  ,  &  on  y  a  fubfîimé  Ja 
bayonnette  que  l'on  met  ou  que  l'on  vifl^ 
au  bout  de  la  carabine  ou  du  moufquet. 
Voye:[  BAYONNETTE. 

Cependant  la  pique  eft  encore  l'arme 
des  officiers  d'infanterie.  Ils  combattent  la 
pique  en  main ,  ils  faluent  avec  la  pique  , 
&c!  Pline  dit  que  les  Lacédémoniens  ont 
été  les  inventeurs  de  la  pique.  La  phalange 
raacédonniennc  étoit  un  bataillon  de  pi- 
quiers.  Voye\?HKLKliGE. 

Ce  n'eft  que  fous  Louis  XI  que  l'infan- 
terie françoiiè  commença  à  être  armée  de 
piques  ,  hallebardes  ,  pertuifanes  &  autres 
armes  de  longueur  ;  on  entre-mêla  enfuite 
des  fuiiliers  dans  les  bataillons  ,  &  ce  n'efl 
qu'au  commencement  du  règne  de  Louis 
XIV  que  l'infanterie  a  quitté  abfolumcnt 
l'ufage  de  la  pique  pour  les  armes  à  feu. 

Avantages  Çf  inconvéniens  de  la  pique, 
jufiifiés  par  des  exemples. 

La  pique  étoit  en  ufage  prefque  parmi 

tous  les   peuples   de   l'antiquité.  Mais  on 

.  n'a  pas  deflèin  de  parler  ici  de  l'invention 

de  cette  arme  ,  des  proportions  différentes 

qu'on  lui  a  données  dans  les  temps  les  plus 


reculés ,  de  l'ufage  momeniané  ou  confiant 
qu'on  en  a  fait ,  ni  des  avantages  plus  ou 
moins  confidérables  &  de  toute  efpecequ'elie 
a  pu  procurer  aux  diverfes  nations  qui  en 
connoilîènt  l'excellence  ,  &  qui  en  ont  fu 
tirer  le  meilleur  parti  ;  plufieurs  auteurs  an- 
ciens &  modernes  ayant  déjà  fait  ou  répété 
toutes  ces  recherches  :  du  moins  ce  qu'on 
fe  propofe  de  dire  fur  toutes  ces  queiîions  , 
fera  très- court. 

On  lit  dans  quelques  auteurs  que  David  ,' 
le  reformateur  de  la  taâique  juive ,  faifoit 
le  plus  grand  cas  de  la  pique  ;  &  on  peut 
croire^  que  ce  fut  à  l'aide  de  cette  arme , 
.  en  effet  fi  redoutable  ,  que  ce  héros  vain- 
-juit  les  Philiffins  ,  fubjugua  les  Moabites, 
mit  la  Syrie  fous  fa  puiflance  ,  battit  les 
Ammonites.  Des  Juifs  la  pique  pafîà  chez 
les  Egyptiens  ,  qui  s'en  fervirent  avec 
beaucoup  de  fuccès.  D'après  ceux-ci ,  les 
Grecs  l'adoptèrent  ;  &  dès-lors  l'ufage  en 
fut  établi  chez  la  plus  grande  partie  à^s 
nations,  &  s'y  foutint,  jufqu'à  ce  que  les 
Romains  fe  fuflent  fait  connoître  par  le 
mélange  heureux  des  armes  de  leur  légion , 
qui ,  Joint  à  leur  bravoure  &  à  leur  difci- 
pline,  les  'fit  triompher  par-tout  où  ils 
portèrent  la  guerre.  Leur  ordonnance  & 
leur  difcipline  s'étant  corrompues  ,  & 
ayant  quitté  leurs  armes  défenfivcs  ,  ils 
ne  purent  plus  réfiffer  aux  Barbares  fortis 
de  Germanie ,  qui  firent  crouler  ce  vaffe 
empire,  fi  long-temps  &  fi  univerfelle- 
menf  redoutable.  Depuis  cette  fameufè 
époque  jufqu'au  temps  des  croilades  ,  on 
ne  trouve  rien  de  remarquable  dans  la 
manière  de  faire  la  guerre  :  alors  on  voit 
la  gendarmerie  con^.battre  avec  la  lance, 
ce  qui  a  duré  jufques  bien  avant  dans  leî 
XVI^.  fiecle;  &  quelques  peuples  ,  comnre 
les  Flamands  ,  qui  n'avoicnt  point  de  cava- 
lerie ,  fe  fervirent  avec  fuccès  de  la  pique, 
M^is  aucun  peuple  ne  fit  ua  meilleur  ni 
plus  confiant  ufage  de  la  pique ,  que  les 
Suiiïès  ;  &  il  paroît  que  c'eft  leur  exem- 
ple qui  a  déterminé  les  autres  nations  de 
,  l'Europe  à  prendre  auffi  cette  arme  (  a  ). 


(a)  Les  piques  qu'on  voit  dans  les  monumens  faits  du  temps  des  empereurs  romains ,  font  d'environ 
fix  pies  &  demi  de  longueur,  en  y  comprenant  le  fer.  Selon  Polibe,  la  fariffe  des  Macédoniens  étok 
longue  de  feize coudées,  c'eft-à-dire,  de  plus  de  quatre  toifes;  mais  elle  fut  enfuite  accourcic 
de  deux  coudées,  pour  la  rendre  plus  commode.  Comparai/on  des  armes  des  Romains  avec  celln 
du  Macédoniens,  La  ^i^tte  des  Suites ,  au  rapport  de  plufieurs  auteius  ,  étoit  de  di^huit  piési^ 


9<ro  P  I  (i 

Du  Bellai-Langey  ,  dans  Ton  livre  de  la 
difcipline  militaire  y  nous  confirme  cette 
opinion.  «  Les  exemples  de  la  vertu ,  dit-il, 
»  que  [ts  SuifTes  ont  montré  avoir  au  fait 
w  des  armes  à  pie,  font  caufe  que  depuis 
9)  le  voyage  de  Charles  VIII  (  au  royaume 
9i  de  Naples  )  ,  les  autres  nations  les  ont 
»  imités  ,  rcêmement  les  Allemands  & 
»  Efpagnols  ,  lefquels  font  montés  en  la 
»  réputation  que-Ton  les  tient  aujourd'hui , 
7i  pour  autant  qu'ils  ont  voulu  imiter 
«  l'ordre  que  lefdits  SuifTes  gardent,  & 
7i  la  mode  des  armes  qu'ils  portent.  Les 
M  Italiens  s'y  font  adonnés  après  eux  ,  & 
»  nous  finalement.  » 

Tout  militaire  qui  aura  fait  une  étude 
particulière  de  fon  métier  &  qui  aura  de 
l'expérience  ,  ne  difconviendra  pas  de  l'uti- 
lité des  piques.  Il  n'y  a  point  d'arme  plus 
propre  à  rallentir  l'impétuofité  d'un  enne- 
mi ,  ni  à  lui  donner  de  la  terreur.  En  effet , 
elle  a  l'avantage  par  fa  longueur  de  pou- 
voir l'arrêter  à  une  diflance  affez  grande , 
pour  qu'il  ait  le  temps  d'envifager  le  péril 
auquel  il  s'expofe  ,  en  abordant  une  troupe 
qui  l'attend  de  pié-ferme;  &  comme  en 
pareil  cas  rien  n'efl  plus  à  craindre  que 
cet  infiant  de  réflexion  qui  fufpend  l'ar- 
deur du  foldat ,  &  qui  l'éclairé  trop  fur  le 
rifque  qu'il  court,  il  doit  en  réfulter  un 
très -grand  avantage  pour  celui  qui  eft 
attaqué. 

hz  pique  cfl  non-feulement  très-utile 
pour  la  défenfe ,  mais  elle  l'efl  aufîi  pour 
l'attaque  :  car  li  une  troupe  de  piquiers 
en  attaque  une  de  fufiliers,  néceffairement 
la  première  atteindra  de  loin  la  deuzieme  ; 
&  fi  après  le  choc  la/J/^i/e  l'erabarraffe  , 
elle  fe  fervira  fort  avantageufement  de 
l'épée.  Mais  c'efl  contre  la  cavalerie  fur- 
tout  que  la  pique  doit  faire  un  grand 
efïèt. 

Ce  qu'on  vient  de  dire  de  l'excellence 
de  cette  arme  ,  fe  trouve  parfaitement 
confirmé  par  l'autorité  des  plus  grands 
généraux,  f*  Les  SuifTes  ,  dit  le  duc  de 
»  Rohan  (  Traité  de  la  guerre  y  chap.  ;?.  )  , 
«  ont  beaucoup  plus  de  piques  que  de 
«  moufquets  ,  &  pour  cet  effet  fe  font 
w  fait  redouter  en  campagne.  Car  un  jour 
».  de  bataille  où  on  vient  aux  mains  ,  le 
>>  nombre  des  piques  a  bçaucoup  d'avan- 


P  I  Q^ 

»  tage  fur  celui  des  moufquets.  La  pique  , 
»  ajoute  le  même  auteur,  efl  très-propre 
yy  pour  réfifler  à  la  cavalerie  ,  pour  ce  que 
yi  plufieurs  jointes  enfcmble  ,  font  un  corps 
>»  tort  folide  ,  &  très-difficile  à  rompre 
»  par  la  tète ,  à  caufe  de  leur  lorîgueiir , 
»  defquelles  il  s'en  trouve  quatre  ou  cinq 
w  rangs ,  dont  les  fers  outrepafTent  le 
»  front  des  foldats ,  &  tiennent  toujours 
»  les  efcadrons  éloignes  d'eux  de  douze  k 
iy   quinze  pies.  » 

Selon  Montécuculli  (  voye\fes  Mémoi- 
res f  liv.  J ,  cil.  z  )  y  «  un  gros  de  piques 
»  ferré  efl  impénétrable  à  la  cavalerie,  dont 
»  elles  foutiennent  di'elles-mêmes  le  choc 
»  à  vingt-deux  pies  de  diflance  ,  &  elles 
M  la  pouffent  même  par  les  décharges 
yf  continuelles  de  moufqueterie  qu'elles 
yy  couvrent.  La  moufqueterie  feule  fans 
»  piquiers  ,  ne  peut  pas  faire  un  corps 
«  capable  de  foutenir  de  pié-ferme  l'impé- 
»  tuofité  de  la  cavalerie  ,  ni  le  choc  & 
yy  la  rencontre  des  piquiers.  »  Il  cfl  dit 
ailleurs  {liv.IIy  ch.  2.),  en  parlant  des 
Turcs.  "  Mais  la  pique  leur  manque  ,  qui 
>>  efl  la  reine  des  armes  à  pié  ,  &  fans 
»  laquelle  un  corps  d'infanterie  attaqué 
«  par  un  efcadron ,  ou  par  un  bataillon 
»  avec  des  piques  ,  ne  peut  demeurer 
»  entier ,  ni  faire  une  longue  réfifîance.  » 
Le  maréchal  de  Luxembourg  ,  à  qui  on 
avoit  propofé  de  fupprimer  la  pique  , 
repondit  qu'il  y  confentiroit  volontiers , 
lorfque  les  ennemis  n'auroient  plus  de 
cavalerie.  C'étoit  aufîi  le  fentiment  de 
M.  de  Turenne  &  de  M.  d'Artagnan  , 
major  des  gardes-françoifés  ,  depuis  maré- 
chal de  Montefquiou  ,  qui  connoilfoit  par- 
faitement l'infanterie. 

Quelques  exemples  de  ce  qu'on  peut 
faire  avec  les  piques ,  achèveront  de  per- 
fijadcr  combien  elles  donnent  d'avantage 
dans  un  combat.  A  la  bataille  d'Avein  y 
le  maréchal  de  Chatillon  ,  qui  étoit  à  l'aile 
gauche  de  l'armée  ,  ayant  ordonné  au  ré- 
giment de  Champagne  d'attaquer  les  ba- 
taillons ennemis  qui  lui  faifoient  face ,  ce 
régiment  conduit  par  le  marquis  de  Va- 
rennes  ,  marcha  fur  le  champ ,  (es  piqui-ers 
piques  baifîees  ,  avec  tant  de  réfolution  & 
de  vigueur  ,  qu'il  enfonça  un  régiment 
efpagnol  &  celui  du  prince  TJ^omas.  Cette 

attaque 


P  I  o 

atraquequifut  foutenue  par  quelques  autres 
régimens  ,  &  fuivie  d'une  charge  de  cava- 
lerie qui  culbuta  l'aile  droite  des  ennemis , 
décida  du  gain  de  la  bataille.  Relation  de  la 
bataille  d'Avein. 

Trois  mille  Suifles  à  la  bataille  de  Dreux , 
rélifterent  avec  leurs  piques  pendant  qua- 
tre heures ,  à  toutes  les  forces  des  Hugue- 
nots, qui  efpéroient  que  la  défaite  de  ce 
corps  leur  alTureroit  infailliblement  la 
vid:oire.  *'  Ces  Suilîes  alTaillis  de  toutes 
3,  parts  ,  8c  environnés  d'un  fi  grand  nora- 
„  bre  d'ennemis,  reçurent  le  choc  de  la 
ji  cavalerie  ,  piques  baillées  ,  avec  tant 
„  de  valeur ,  que  la  plus  grande  partie  de 
,,  leurs  piques  furent  brifécs.  Mais  leur 
„  bataillon  demeura  ferme  &  ferré  ,  re- 
„  pouflant  avec  un  grand  carnage  la 
,,  fougue  des  ennemis.  En  même  temps 
„  l'arriére  -  garde  des  calviniftes  chargea 
„  avec  intrépidité  la  cavalerie  légère  qui 
„  réfifta  foiblement.  Elle  fondit  enfuite 
„  fui*  les  régimeHS  de  Picardie  &  de  Bre- 
„  tagne  ,  qui  de  ce  côté-là  couvroient  le 
„  flanc  des  Suifles  ,  rompit  fes  arquebu- 
„  fiers  &  attaqua  les  Suifles  par  derrière, 
„  mais  elle  y  fut  fort  maltraitée  par  la 
„  vigoureule  réfiftancc  qu'elle  y  trouva. 
„  Les  Suifles  ayant  ferré  leurs  rangs , 
„  faifoient  face  de  tous  côtés  ;  en  forte 
,,  que  les  deux  tiers  de  l'armée  huguenote 
,,  occupés  autour  d'eux  fans  pouvoir  les 
,,  entamer,  &  acharnés  à  les  rompre, 
3,  auroient  été  obligés  de  fè  rendre  à 
,)  eux  ,  ou  du  moins  de  fe  retirer  avec 
„  une  grande  perte  ,  fi  le  rcfte  de  leurs 
j,  troupes  ne  les  eût  bien  fécondés.  ,,  Hijl. 
des  guerres  de  France ,  liv.  III. 

Les  batailles  de  Novarre  ,  de  Mari- 
gnan  ,  de  Montcontour ,  fourniflènt  d'au- 
tres exemples  très  -  remarquables  de  l'in- 
trépidité des  Suifles  &  de  la  manière  avan- 
tageufe  dont  ils  (àvoient  fc  fervir  de  la 
pique. 

A  la  bataille  de  Ncwbury  en  Angleterre, 
qui  (e  donna  entre  l'armée  du  roi  &  celle 
du  parlement ,  l'infanterie  de  cette  dernière 
abandonnée  à  fes  propres  forces  fc  main- 
tint dans  fes  rangs  ;  &  fans  cefler  un 
moment  de  faire  feu  ,  elle  préfenta  un 
rempart  impénétrable  de  piques  au  furieux 
choc  du  prince  Robert ,  &  de  fes  troupes 
Tome  XXF. 


de  nobleflè  ,  dont  la  plus  grande  partie  de  la 
cavalerie  royale  étoit  compofée.  M.  Hume , 
en  parlant  de  cette  adion,  dit  qu'on  eri 
fait  particulièrement  honneur  à  la  milice 
de  Londres  qui  faifoit  partie  de  l'armée  du 
parlement ,  &  qui  égala  dans  cette  occa- 
fion  ce  qu'on  pouvoit  attendre  des  plus 
vieilles  troupes.  Cette  milice  fans  expé- 
rience &  fortie  récemment  de  fes  occu- 
pations méchaniques  ,  quoique  exercée 
dans  fes  murs  ,  &  plus  que  tout  cela 
animée  ,  comme  l'ooferve  l'hiftorien  , 
d'un  zèle  indomtable  pour  fa  caufe  , 
n'eût  afliirément  pas  pu  rcfifter  à  tant  de 
vigoureufes  attaques  fans  le  fecours  de  la 
pique.  Hijîoire  de  la  maifon  de  Stuart , 
tome  III. 

Au  combat  de  Steinkerque  en  i6^i,  U 
pique  ne  fut  pas  moins  utile  que  l'épée  dans 
cette  vigoureufe  charge  que  fit  la  brigade  des 
gardes. 

Bottée  ,    capitaine  au    régiment  de    la 
Fere  ,    qui  a  fait    un  excellent    dialogue 
fur  l'utilité  des  piques ,  rapporte  qu'à    la 
bataille    de    Senef   les  piquiers     fervirent 
très  -  utilement  à  l'attaque  d'une  barrière , 
dans  un  chemin  creux  ,  &•  dans  les   haies 
du  village  de  Fay.  Creni ,  major  de  Lille, 
qui  avoit   été    capitaine  au  régiment    de 
Navarre  ,   &  de  qui  l'auteur  qu'on  vienc 
de  citer  dit   tenir   le    fait  ,    lui  en    avoic 
appris  un  autre  qui  n'eft  pas  moins  inté- 
reflant ,  &  que  voici.   ''  A  !a  bataille  de 
„  CafTel ,  Defbordes ,  major  du  régiment 
„  de  Navarre,  voyant    notre  cavalerie  en 
„  défordre  ,  que  celle  des  ennemis  fuivoit 
,,  vivement,  à  moi ,  dit  -  il ,  piquiers  (en 
,,  parlant  à   tous    ceux   de   la    brigade  , 
„  dont   étoit  le  régiment  de  la    reine  )  ; 
„  &  les  faifant  avancer  ,   il  leur   fit  pré- 
„  fenter  la  pique  l'appuyant  du  talon  con- 
,,  tre   le  talon  du   pié  droit ,  &   repoféc 
„  fur  le  genou  gauche,  le  fabre  croifé fur 
j,  la  pique,    les  moufquetaires  reftant  en 
„  bataille  derrière  les  piquiers ,   ôc  taifànt 
,,  paflèr    notre    cavalerie   à   droite   &    à 
„  gauche ,  il  arrêta  par  fon  feu  celle  des 
,,  ennemis,  &  donna  par  ce  mouvement 
„  &   cette  fermeté  ,    le  temps   nécefïairc 
„  à  nos  gens  pour  fe  rallier ,  &  par  con- 
„  féquent  le  moyen  de  recharger  enfuite 
j,  celle  des  ennemis ,  qui  ne  put   jamais  ^ 
Ffffff 


IQ, 


5,  ébranler  la  brigade  de  Navarre.  ( /5  ). 
,,  Creni,  ajoute  Bottée,  nous  difoit  un 
jour  qu'on  parlok  avec  regret  de  la  fup- 
preflîon  des  piques  ,  que  ce  régiment 
s'enétoit  fi  fouvent  fervi  avec  diftindtion, 
que  pour  honorer  la  valeur  des  piquiers, 
ils  marchoient  autrefois  à  la  tête  du  corps 
lorfqu'il  défîloir. ,, 

De  quelque  poids  que  foient  les  auto- 
rités ôc  les  exemples  dont  on  s'eft  fervi 
pour  prouver  Tutilité  de  la  pique,  cette 
arme  telle  qu-'elle  étoit ,  &:  de  la  manière 
qu'on  Pemployoit ,  avoir  pourtant  de  grands 
défauts.  Elle  étoit  très  -  pefante  ,  ôc  très- 
difficile  à  manier  :  une  fois  baiflcc  le  foldat 
la  relevoit  avec  peine.  S'il  la  préiènroit 
moins  en  avant ,  pour  pouvoir  s'en  fervir 
plus  commodément ,  tous  lès  mouvemens 
ctoient  extrêmement  gênés ,  par  la  partie 
du  talon  qui  fe  trouvoit  engagée  dans  le 
rang  fuivant'.  Dans  la  défenfe ,  comme 
dans  Pattaque ,  il  n'y  avoir  guère  que  les 
piques  du  premier  &  du  fécond  rang  qui 
fufïent  fervir;  celles  des  autres  rangs  fe 
trouvant  ramailees  entre  les  files  ,  reftoient 
iiéceflairement  inutiles  &  lans  effet  :  car  , 
alors  les  piquiers  des  rangs  poftérieurs 
voyoient  bien  difficilement  ce  qui  fe  paf- 
foit  en  avant ,  &  ne  pouvoient  porter 
qu'au  hafard  leurs  coups  à  droite  &  à  gau- 
che. Avec  cela  ,  la  pique  par  fa  longueur 
étoit  fujetre  à  fouetter  ôc  à  Ce  cafier.  Elle 
étoit  embarrS'flànte  ,  fur  -  tout  dans  les 
pays  coupés  de  haies ,  de  fofies ,  dans  les 
bois  ôc  dans  les  montagnes  (c).  En  un 
mot ,  n'ayant  point  de  mobilité  ,  comme 
l'obferve  très  -  bien  Pauteur  des  Pléfions  , 
les  piques  étoient  moins  une  arme  pour 
chaque  foldat,  qu'un  cheval  de  frilè  pour 


P  I  Q^ 

toute  une  troupe.  Dès  qu'on  avoit  gagné 
le  fort ,  le  foldat  étoit  délarmé.  Aulïi  a-t- 
on vu  de  grands  corps  de  piquiers  battus 
par  des  corps  gui  n'avoient  que  des  armes 
<:ourtes  ,  ôc  allez  (ouvent  même  par  des 
piquiers,  qui  par  leur  manière  de  fe  fervir 
de  leurs  piques  yen  faifoient  en  quelque 
forte  des  armes  courtes ,  ôc  trouvoient  le 
moyen  de  rendre  inutiles  celles  de  leurs 
ennemis.  Mais  à  la  vérité,  il  falloir  pour 
de  telles  attaques  la  valeur  la  plus  déter- 
minée. Les  Romains  nous  fourniroient 
ici  beaucoup  d'exemples ,  fi  à  l'imitation 
de  plufieurs  auteurs  anciens  &  modernes, 
nous  voulions  attribuer  la  défaite  de  la 
phalange ,  du  moins  en  grande  partie , 
à  la  longueur  des  piques  dont  fe  fervoient 
les  Grecs.  Mais ,  commue  nous  ne  fommes 
pas  tout  à  fait  de  ce  ientiment ,  nous4)ren- 
drons  nos  exemples  ailleurs.  "  Carmignole, 
,,  général  de  Vilconti ,  duc  de  Milan,  fe 
,,  trouvant  engagé  en  rafe  campagne  contre 
„  dix-huit  mille  Suifles  tous  piquien,  s'en 
y,  alla  au  devant ,  quoiqu'il  n'eût  que  fix 
,,  mille  chevaux  ôc  quelque  infanterie  à 
„  leur  oppofei#Le  choc  futrude  ,  ôc  Car- 
,,  mignole  rompu  ôc  mis  en  fuite.  Ce 
,,  brave  ôc  déterminé  capitaine  ne  fe  dé- 
,,  couragea  point  ,  la  honte  lui  fervit  d'ai- 
,,  guillon  pour  avoir  fa  revanche  tout  fur 
,,  le  champ.  Il  rallia  fa  cavalerie  ôc  revint. 
, ,  Mais  lorfqu'il  fe  voit  à  une  certaine  dif- 
,,  tance  de  l'ennemi,  il  fait  mettre  pié  à 
„  terre  à  fes  gens  d'armes  qui  étoient 
,,  armés  de  toutes  pièces,  &  fond  furies 
,,  Suifles  ferrés  ôc  en  bon  ordre.  Il  en 
„  vient  aux  mains  ,  s'ouvre  un  paflage  à 
„  travers  cette  forêt  de  piques  y  en  gagne 
„  le  fort ,  ôc  ces  piques  deviennent  inu- 


(^)Quoiqu'on  n'ait  pas  trouvéce  fait  dans  aucun  hiftorien  ni  faifeur  de  mémoires,  on  n'a  pas  moins 
de  plaifir  à  le  placer  ici.  Il  eftciiconftancié  de  manière  à  nous  donner  la  plus  haute  idée  de  la  valeur» 
des  talens  &  de  l'expérience  de  Desbordes ,  &  attefté  par  un  militaire  relpeiStable  tel  que  Greni,  il  ne 
peut  fouffrir  aucun  doute.  Ily  a  des  généraux  qui  négligent  de  rendre  compte  de  ces  fortes  d'aftions 
&  de  les  faire  valoir  .-ils  craignent  d'atîoiblir  leur  gloire.  Mais  il  faut  avouer  qu'ils  coiinoiffent  auflî 
mal  leur  intérêt  que  celui  de  leur  fouverain  ,  d'autant  que  ce  qu'ils  voudroient  UifTer  ignorer  ne 
peut  jamais  refter  dans  l'oubli.  Il  en  eft  pourtant  auxquels  très-certainement  on  ne  fera  jamais  de  tels 
reproches.  Ip/lus  cerieducis  hoc  referre  videtur^  ut  qui  fortis  erit  ,  fit  felicijjïmus  idem,  ut  Uti  phalerif 
ttnnes  ,  ^  torquibu$  omnes.  Juvenal. 

(  c  )  Le  maréchal  de  Catinai  faifant  la  guerre  dans  les  Alpes  aux  Barbets  ,  ôta  les  piques  à  fes  fol- 
â"ats  ,  parce  qu'elles  étoient  moins  propres  pour  ces  combats  de  montagne  ,  &  que  le  grand  feu  y 
étoit  beaucoup  plus  utile;  &  l'on  continuai  en  ufer  de  même  dans  les  guerres  d'Italie  ,  parce  que 
le  pays  qui  eft  fort  coupé  ,  ne  permcttoit  pas  de  s'étendre  beaucoup  en  plaine.  Daniel  ,  Hifi.  de  U 
milice  ftftnf  ci  fe  ,  tewe  il  ^  Uv.  JIÎ. 


P  I  Q_ 

,,  tiles5^  (ans  effet  à  caufède  leur  trop 
,,  grande  longueur.  Les  Suilfes font  enfon- 

3,  ces Le  carnage  fur  tel,  qu'il  ne  s'en 

,,  eft  guère  vu  de  pareil.  De  route  cette 
y,  armée  ,  il  ne  refta  que  trois  mille  hom- 
,,  mes,  qui  mirent  armes  "bas  j  le  refte 
„  fut  étendu  mort  fur  la  place.  „  Folard, 
traité  de  la  colonne. 

Machiavel  ,  qui  cite  auilî  cet  exemple , 
nous  en  fournit  deux  autres.  '*  Onavoit, 
,  dit  cet  auteur,  débarqué  de  Sicile  dans 
3  Fë  royaume  de  Naples  de  Tinfanteric 
_,  efpagnole  ,  qu'on  envoyoit  à  Gonfalve, 
5  qui  étoit  affiégé  dans  Barlette  par  les 
,  François.  M.  d'Aubigny  leur  alla  au- 
i  devant  avec  les  gendarmes  &  environ 
,  4000 fantaflînsSuilIes.LesSuiiïes vinrent 
,  aux  mains,  &  avec  \q\jlïs  piques  bafifes 
,  firent  jour  au  travers  de  l'infanterie  ef- 
,  pagnole  :  mais  ceux-ci ,  à  l'aide  de  leurs 
,  rondaches  ,  &  par  leur  agilité,  femê- 
,  lerent  avec  les  Suifles,  en  forte  qu'ils 
,  pouvoient  les  joindre  avec  l'épée  :  d'où 
,  s''enfuivit  la  défaite  de  ceux-ci,  &  la 
,  vidoire  des  Efpagnols.  Chacun  fait , 
j  ajoute  Machiavel  ,  combien  furent  tués 
3  des  mêmes  Suifles  à  la  bataille  de  Ra- 
,  vennes,  ce  qui  arriva  pour  la  même 
,  raifbn ,  parce  que  l'infanterie  efpagnole 
,  vint  l'épée  à  la  main  fur  eux  ,  &  ils 
,  auroient été  tous  taillés  en  pièces,  s'ils 
5  n'eu  fient  pas  été  fecourus  par  la  cava- 
,  lerie  françoife.  Cependant  les  Efpagnols 
,  s'étant  bien  reflerrés  enfemble  ,  fe  reti- 
,  rerent  en  lieu  de  sûreté.  „  Art  de  la 
guerre  ,  liv.  If. 

_  A  la  bataille  de  Cerifblles ,  cinq  mille 
cinq  cents  hommes  des  vieilles  bandes  fran- 
çoifes,  qui  entamèrent  l'adtion,  battirent 
par  la  manière  dont  ils  fe  fervirent  de  leurs 
piques^  un  corps  de  dix  mille  Allemands; 
ce  qui  contribua  beaucoup  au  gain  de  cette 
bataille  ;  Montluc  ,  qui  y  étoit ,  en  rend 
compte  afièz  clairement.  Il  fait  d''abord 
le  détail  des  difpofîtions  du  comte  d'An- 
guin,  &  de  quelques  efcarmouches  qui 
précédèrent  l'affaire ,  puis  il  rapporte  l'avis 
qu'il  donna  fur  la  manière  dont  on  devoit 
combattre.  "  Si  nous  prenons ,  dit-il ,  la 
„  pique  au  bout  du  derrière,  &c  nous 
„  combattons  du  long  de  la  pique ,  nous 
f,  fommes  défaits  :  car,    f Allemand -eft 


p  I  Q.  s^i 

„  plus  dextre  que  nous  en  cette  manière. 
,,  Mais  il  faut  prendre  les  piques  à  demi , 
„  comme  fait  le  Suiffe ,  &  baiffer  la  tête 
„  pour  enferrer  &  poufler  en  avant ,  & 
„  vous  le  verrez  bien  étonné.  Alors,  con- 
,,  tinue  cet  auteur  ,  M.  de  Tais  (colonel 
,,  des  vieilles  bandes),  mecrioit  que  je 
,,  couruflè  au  long  de  la  bataille  leur  faire 
,,  prendre  les  piques  de  cette  forte  ,  ce 
,„  que  je  fis.  Je  m'encourus  devant  la 
,,  bataille,  &c  mis  pié  à  terre....  Jecriai 
,,  au  capitaine  la  Barte,  fèrgent  -  major  , 
„  qu'il  courût  toujours  autour  du  bataillon 
„  quand  nous  nous  enferrerions,  &  qu'il 
,,  criât  lui  &  les  fergens  derrière  ôc  par 
,,  les  côtés  ,  poujpei,  foldats  ^  poujfe'^^: 
,,  afin  de  nous  poufîer  les  uns  les  autres, 
,,  &  ainfî  vînmes  au  combat  ,,....  Voye^ 
fes  Commentaires  ,  tome  I,  livre  II. 

Ces  différens  exemples,  joints  aux  obfer-!- 
vations  qui  les  précèdent,  prouvent  évi- 
demment que  la  trop  grande  longueur  delà 
pique  eft  un  défaut  très  -  effentiel  ;  qu'un 
corps  de  piquiers ,  qui  ne  fera  pas  compofé 
de  gens  d'élite  qui  fâchent  fe  fervir  de  la  pi-' 
que  à  la  manière  des  Suiffes ,  ou  qui  ne  fera 
pas  mêlé  d'armes  courtes  ,  ne  fera  qu'urj 
corps  foible  ;  &  que  l'audace  &  l'habileté 
auront  toujours  beaucoup  d'afcendant  fur  le 
nombre. 

Ce  fcroit  ici  le  lieu  d'examiner  (î  en  faifant 
quelques  changemens  à  la  pique  &  dans  la. 
manière  de  l'employer ,  on  n'eût  pas  pu  re- 
médier à  une  grande  partie  de  fes  défauts  ; 
«Si  fi  au  lieu  de  la  fupprimer  on  n'auroic 
pas  dû  la  conferver  :  mais  cette  difcufîioi^» 
aura  fa  place  dans  cet  article  ;  en  attendant  il 
n'eft  pas  hors  de  propos  de  faire  voir  que  le 
fufîlavec  fa  bayonnettene  peut  fuppléer  àla 
pique  contre  le  choc  de  la  cavalerie,  ^oje^ 
préalablement  les  articles  Fusil  &  Mous- 

QUETERIE. 

Le  maréchal  de  Puyfégur  regarde  le 
fufîl  avec  la  bayonnette  comme  la  meil- 
leure arme  de  l'infanterie  ;  &  d'après  lui, 
tous  les  auteurs  qui  fe  font  éloignés  du 
fyftcme  de  la  pique,  ont  dit  la  même  chofè,^ 
Ce  fenciment  étant  abfolument  contraire  à 
l'expérience ,  par  rapport  à  ce  qu'on  fe 
projpofe  de  difcuter  ici ,  on  ne  fauroic 
mieux  faire  que  de  rapporter  les  raifonç 
qui  paroiflènt  avoir  iiéterminé  le  maréchal 
Ffffffi 


5>^4  P  I  Q 

à.  l'adopter  ,  Se  de  dire  celles  que  l'on  croit 
pouvoir  y  oppofer. 

M.  de  Puyfégur  (  Art  de  la  guerre  , 
tome  I y  ch.  8)  commence  par  blâmer  , 
&  avec  grande  raifon  ,  la  manière  dont 
on  difpofoit  les  piquiers  dans  les  guerres 
de  Louis  XIV.  Il  obferve  que  fi,  au  lieu 
de  les  placer,  comme  on  faifoic  alors, 
au  centre  du  front  des  bataillons ,  on  eût 
voulu  en  faire  un  ufage  plus  utile ,  contre 
la  cavalerie,  il  auroit  fallu^  4es  placer  au 
centre  de  la  hauteur  qu'il  fuppofe  à  cinq. 
,*'  De  cette  manière ,  continue  le  maréchal , 
„  quand  la  cavalerie  ennemie  approche  , 
3,  les  rangs  &  les  files  fe  ferrent  bien  & 
y,  préfentent  les  armes,  h^i  pique  qui  a 
5,  quatorze  pies  de  long  ,  paflè  de  plus  de 
„  iept  pies  le  premier  rang  des  moufque- 
3,  taires;  les  deux  premiers  rangs  mêlés 
y,  d'officiers  fe  tiennent  debout ,  ou  met- 
j,  tent  genou  à  terre  pour  faire  feu  ,  d 
,,  on  le  leur  ordonne  \  de  comme  ils  font 
j,  couverts  par  les  piques ,  ils  tirent  avec 
,,  plus  d'aflurance  ;  &  les  piquiers ,  cou- 
„  verts  par  les  deux  premiers  rangs ,  pré- 
„  fentent  leurs  piques  avec  bien  plus  de 
3,  fermeté.  ,,  Cet  auteur  ajoute,  en  rap- 
pellant  le  temps  où  les  bataillons  fe  met- 
toient  en  bataille  à  dix  ou  douze  de  hau- 
teur ,  que  fi  alorsles  premiers  rangs  avoicHt 
été  mêlés  de  piques  &  de  moufquets  ,  il 
eût  été  difficile  à  la  cavalerie  de  les  forcer. 
On  ne  voit  rien  jufques  ici  dans  ce  que 
dit  M.  de  Puyfégur ,  qui  ne  prouve  l'utilité 
des  piques  contre  la  cavalerie  :  car ,  qu'elles 
cuflcnt  été  mal  difpofées  pendant  long- 
temps ,  ce  n'étoit  affurément  pas  une  rai- 
ion  de  les  fupprimer  \  d'autant  que  nous 
devions  favoir ,  puifque  nous  avions  de 
l'infanterie  à  la  bataille  de  Saint-Gothard , 
en  1664  ,  comment  on  pouvoit  s'en  fervir 
utilement.  (  T'eye^^Ces mémoires  ,  liv.  III, 
çh.  4.  Règlement  pour  la  bataille  de  Saint- 
Gothard  ).  *'  Les  piquiers  à  quatre  de  hau- 
33  teur  avec  deux  rangs  de  moufquetaires 
>,  devant  eux  ,  dit  Montécuculli,  formc- 
yy,  ront  ce  bataillon  à  fix  de  hauteur ,  & 
„  tout  le  refte  de  front.  Le  fuccès  de  la 
3,  bataille,  dit  plus  loin  le  même  auteur,  fit 
„  toucher  r.u  doigt  combien  on  avoit  eu  de 
j,  raifonde  couvrir  les  piquiers  de  moufque- 
„  taires ,  &  les  moufquctajrcs  de  piquiers. 


P  IQ,  ' 

*'  Quoique  cette  manière  de  placer  les 
„  piques  au  centre  de  la  hauteur,  reprend 
„  le  maréchal  de  Puyfégur ,  &  non  pas 
„  au  centre  du  front ,  eût  été  plus  utile 
5,  contre  la  cavalerie  ,  néanmoins  les  occa- 
„  fions  de  s'en  fervir  font  fi  rares ,  en 
„  comparaifon  de  celles  où  elles  font  non 
„  feulement  inutiles ,  mais  embarralTantes, 
„  comme  dans  tout  ce  qui  efl:  pays  coupé 
,,  de  haies,  de  folTés,  ùc.  pays  de  mon- 
„  tagnes  où  tous  les  piquiers  font  inutiles 
„  &  difficiles  à  mettre  en  ordre,  que  ce 
5,  n'eft  pas  fans  raifon  que  l'ufage  en  a 
,,  été  profcrit.  „  Nous  fommes  convenus 
ci-devant ,  en  parlant  des  défauts  de  la 
pique  ,  de  ceux  que  le  maréchal  lui  re- 
proche ;  mais  ils  nous  ont  toujours  paru 
infuffifans  pour  devoir  exiger  la  fuppreffion 
de  cette  arme  ;  puifqu'i]  y  avoit  plufieurs 
moyens ,  finon  de  la  rendre  utile  par- 
tout ,  au  moins  de  la  conferver  fans  qu'il 
'en  pût  réfulter  rien  de  nuifible ,  comme 
on  le  verra  dans  cet  article ,  &  peut-être 
même  de  lafuppléer  par  quelque  iiouvelle 
invention,  telle  que  celle  du  fufd-pique. 
Voye:^  Fusil-pique. 

M.  de  Puyfégur  prétend  que  dans  la 
guerre  de  1 70 1  ,  où  il  n'y  avoic  plus  de 
piques  y  du  moins  depuis  1704,  cela  n'a- 
voit  rien  ôté  de  la  force  des  bataillons , 
Se  que  s'il  y  en  a  eu  qui  aient  été  renveifés 
par  de  la  cavalerie ,  ils  l'auroient  été  de 
même  du  temps  des  piques.  Il  eft  aifé  de 
s'appercevoir  que  le  maréchal  fe  trouve 
ici  évidemment  en  contradidion  avec  lui- 
même  fur  l'utilité  des  piques  contre  la 
cavalerie.  Il  ne  faut  pour  s'en  convaincre, 
que  fe  rappeller  ce  que  nous  avons  rap- 
porté de  lui  ci-devant  à  ce  fujet  ;  à  moins 
cependant ,  qu'en  difanc  que  les  bataillons 
qui  ont  été  renverfés  par  de  la  cavalerie 
ne  l'euflent  pas  moins  été  du  temps  des 
piques ,  il  n'ait  entendu  du  temps  de$ 
piques  mal  placées.  La  guerre  de  1701  , 
dans  laquelle  cet  auteur  avoir  été  em- 
ployé &c  qu'il  cite  pour  appuyer  fon  fen- 
timent ,  n'eft  point  une  autorité  qui  lui 
foit  favorable  :  du  moins  Folard  Sç  Bottée, 
qui  tous  deux  avoient  auffi  fervi  dans  cette 
guerre ,  penfent  bien  différemment. 

'*  Les  experts  dans  l'infanterie  ,  dit  le 
P,  premier  {Traité  de  la  colon,  ch,  m.) , 


p  I  a  , 

„  s'étonnent  avec  raifon  qu'on  ait  détruit 
,y  Pufage  de  la  pique.  Il  eft  bien  plus 
„  furprenant ,  ajoute-t-il,  qu'on  n'y  foie 
„  pas  revenu,  par  l'expérience  de  notre 
„  dernière  guerre  de  1701  ,  ôc  par  ce 
„  qu'on  auroit  du  reconnoître  de  foible 
„  dans  la  manière  de  combattre  de  nos 
„  voilins ,  &  de  ce  qu'il  y  a  de  fort  Ôc 
„  redoutable  dans  la  nation  françoife.  A 
„  la  bataille  de  Rocroi,  dit  le  fécond 
„  (  Etudes  militaires ,  tome  II  y  p.  £oG.  )  , 
,,  le  bataillon  odogone  du  régiment  de 
„  Picardie  n'auroit  pu  fe  maintenir  fans 
„  les  piques;  &  fans  les  piques ,  il  n'au- 
„  roit  pas  fallu  du  canon  pour  achever 
„  la  défaite  de  Pinfanterie  Efpagnole  j 
j,  mais  peut-être  ne  s'eft-il  pas  donné  une 
„  feule  bataille  de  la  dernière  guerre 
,,  (1701)  où  l'on  n'ait  eu  lieu  de  regret- 
„  ter  les  piques,  fur- tout  du  côté  des 
5,  vaincus.  ,,  Quiconque  lira  avec  atten- 
tion ce  qui  s'efl:  paflè  à  la  féconde  bataille 
d'Hochftct ,  à  Ramilies  ,  à  Turin  ,  &c.  ne 
pourra  douter  de  l'impartialité  du  rapport 
de  ces  deux  auteurs. 

''  Ce  n'eft  pas  la  pique  feule  ,  dit  M.  de 
5,  Puyfégur  j  (  y^rr  de  la  guerre  ,  ibid.), 
,y  qui  empêche  la  cavalerie  d'enfoncer 
3,  de  l'infanterie ,  mais  bien  l'ordre  de 
j,  bataille  qu'elle  tient.  ,,  Pourquoi  donc , 
réprondrons-nous  à  cela,  a-t-on  iî  fouvent 
vu  des  corps  d'infanterie  renverfés  par  de 
la  cavalerie  ?  S'il  y  a  quelques  exemples 
du  contraire  ,  ils  font  en  très-petit  nom- 
bre. Nous  en  avons  nous-mêmes  rapporté 
pluiîeurs  à  {'article  Mousqueterie  , 
mais  encore ,  peut-être  que  bien  examinés, 
ils  ne  prouveroient  pas  grand. chofe  fur  la 
réfiftance  que  peut  faire  l'infanterie  fans 
piques  contre  la  cavalerie  ;  car  il  eft  afîèz 
vraifemblable  que  les  corps  qui  firent  la 
retraite  à  Hochftet,  &  à  Villaviciofaeuf- 
fent  été  totalement  détruits  fans  la  nuit 
qui  les  fauva.  La  colonne  des  Anglois  à 
Fontenoy  finit  par  être  taillée  en  pièces 
par  la  cavalerie ,  à  la  vérité  à  l'aide  de 
l'infanterie  &  du  canon.  Et  à  Sandershau- 
fen  le  régiment  Royal -Bavière,  quelque 
brave  &  ferme  qu'il  foit ,  eût  été  infail- 
liblement enfoncé  ,  fi  la  cavalerie  qui  vint 
deffus  eût  eu  plus  de  nerf,  &c  qu'elle  eût 
été  foutenue ,   d'autant  que  ce  régiment 


P1Q_  5<Î5 

n'auroit  pas  eu  le  temps  de  recharger  fes 
armes.  Au  turplus  nous  avons  un  fi  grand 
nombre  d'exemples  à  oppofer  à  ceux-ci  , 
qu'il  eft  allez  fuperflu  d'entrer  dans  un 
plus  long  détail  à  cet  égard.  Nous  ferons 
toutefois  de  l'avis  du  maréchal  ;  mais  non 
î>as  quand  il  fuppofera ,  comme  il  le  fait. 
Ion  infanterie  à  cinq  de  hauteur  &  fans 
piques. 

"  Si  l'infanterie  ,  continue  cet  autear  , 
„  eft  inftruite  ,  fi  elle  fait  ménager  fon 
„  feu  ôc  tirer  à  propos ,  en  un  moment 
,,-gellc  Ce  fera  fait  un  rempart  d'hommes 
„  ôc  de  chevaux  qui  empêcheront  ceux 
„  de  derrière  d'approcher  ;  car  il  faut  en- 
„  core  que  le  cheval  le  veuille  aulTi-bien 
„  que  l'homme ,  &  l'un  ou  l'autre  de  tué 
„  ou  de  bien  blefte,  ne  fait  qu'embarralTer 
„  les  autres.  „ 

Nous  avons  fait  voir  que  rien  n'eft  fî 
incertain  que  le  feu  de  notre  infanterie 
en  plaine  ,  &  que  le  plus  fouvent  il  peut 
lui  êtreaufïi  dangereux  que  nuifible.  Voye^ 
VarticU  Mousqueterie.  Ainfî  cette 
rellburce  n'eft  pas  allez  sûre  contre  la 
cavalerie;  mais  elle  le  feroit  certainement 
avec  les  piques  qui  font  un  rempart ,  à 
l'abri  duquel  le  loldat  fait  fon  feu  avec  bien 
plus  de  fermeté.  Du  refte,  on  fait  (nous 
avons  eu  plus  d'une  occafion  de  le  remar- 
quer nous-mêmes  )  qu'un  cheval  qui  reçoit 
un  coup  de  feu  n'en  eft  que  plÉB^imé,  '&c 
fe  jctfe  prefque  toujours  en  avant;  mais  que 
ii  au  contraire  il  eft  bîefle  de  la  pointe 
d'une  arme  blaiKhe  ,  quelque  preftc  qu'il 
foit  de  l'éperon ,  il  avancera  bien  difficile- 
ment, de  la  raifon  de  cette  différence  eft  aflèz 
fenfible.  C'eft,  comme  l'ont  obfervé  plu- 
fîeurs  auteurs ,  par  les  yeux  que  la  peur  entre 
dans  l'ame  de  la  brute  ,  ainfi  que  dans  celle 
del'homme.  Le  chevaine  fauroitêtrcefïi-ayé 
d'une  balle  qu'il  ne  voit  point  ;  *à  peine  ap- 
perçoit-il  d'où  elle  part.  La  douleur  d'un 
coup  de  fulîl  s'éteint  en  même  temps  qu'il 
le  reçoit  ;  au  lieu  qu'il  relient  d'autant  plus 
vivement  un  coup  dépique ,  qu'il  voir  dif- 
tindement  d'où  il  lui  vient ,  &  qu'il  conçoit 
que  plus  il  y  reftera  &  plus  fa  blcffure  aug- 
mentera. 

Cette  cavalerie  ,  ajoute  le  maréchal, 
,,  ne  peut  fe  fervir  d^iucùne  arme  pour 
,i  attaquer  cette  infanterie ,  il  faut  aupa- 


P  I  Q^ 

qui  porte  ce  coup  5  parce  que  fi  la  bayon- 
nette  ne  fait  qu'eftleurer  le  cheval  ,  le 
cavalier  fabre  le  foldat ,  &c  perce  Ton  rang  ; 
parce  que  il  le  cheval  eft  tué ,  il  tombe 
dans  le  rang  de  l'infanterie  ,  &  y  caufe 
du  défordre  *,  &c  que  (i  c'eft  le  cavalier 
qui  (bit  tué ,  le  cheval  n*en  va  pas  moins 
Ton  train ,  &  contribue  également  au  choc 
de  la  cavalerie  5  enfin  parce  que  l'infan- 
terie ,  quelque  ferme  qu'on  la  veuille  fup- 
pofer ,  peut  être  attaquée  par  une  bonne 
cavalerie ,  bien  menée  &  bien  foutenue. 
De  plus,  le  preflèment  des  rangs,  (î  né- 
celFaire  dans  l'mfanterie  en  pareil  cas  > 
empêche  le  foldat  de  manier  ailement  ^on 
fulil  ;  d'ailleurs  il  ne  lui  donne ,  pas  plus 
que  le  feu ,  la  confiance  &  la  fermeté , 
qui  feront  toujours  l'effet  de  la  pique  ou 
de  quelque  autre  arme  de  longueur ,  plutôt 
que  de  toute  autre  chofe. 

M.  de  Puyfégur  finit  par  dire  que  fi 
les  foldats  qui  marchent  en  campagne 
étoient  comme  ceux  qui  font  employés  à 
la  défenfe  des  places,  à  même  d'avoir  des 
armes  de  rechange  de  toute  efpece ,  ils 
s'en  ferviroient  pour  les  différentes  atta- 
ques qu'on  pourroit  leur  faire  ;  mais  que , 
ne  pouvant  porter  chacun  qu'un  certain 
poids ,  il  faut  leur  donner  une  arme ,  telle 
que  le  fufil  avec  fa  bayonnette ,  qui  leur 
foit  utile  pour  toutes  fortes  d'occafions  , 
&  qui ,  dans  un  befbin  preflant ,  puiflc 
fuppléer  à  toutes  les  autres;  qu'il  feroit 
inutile  de  leur  en  donner  d'autres ,  donc 
ils  ne  pourroient  fe  fervir  que  dans   un 


C166  P  I  Q 

>j  ravant  que  par  le  choc  6c  la  force  des  ! 
i>  chevaux  ,  elle  foit  entrée  dans  le  ba- 
M  taillon  \  &   c'eft  à  quoi  elle  n'cft  pas 
il  lure  de  réufiir  contre  une  troupe  ferme. 
M  Le  fécond  rang  des  chevaux  ,    ni  les 
«  autres   de    derrière  ,  ne    poufTenc^pas 
w  facilement  le  premier  ;  mais  en  le  fer- 
»>  rant  de  près ,  ils  l'empêchent  feulement 
w  de  reculer  &  de  tourner  b  tête  :  l'in- 
M  fanterie  au  contraire  qui ,  pour  lors  , 
«  ferre   bien    fes  rangs    &    Tes   files,    fe 
M  poufTe,  &  les  rangs  fe  foutiennent  l'un 
»  l'autre  :  ainfi    pour   la    renverfer  ,   W 
»  faut  des  hommes  bien  fermes   &  des 
M  chevaux  qui  veuillent  avancer ,  ayant 
»  dans  le  nez  un  fi  grand  feu.  Voilà  la 
j»  raifon  ,  pourfuit  M.  de  Puifégur ,  qui 
»  a  toujours  fait  dire  que   fi  l'infanterie 
3>  connoiflbit  fa  force  ,  la  cavalerie  ne  la 
»  romproit  point ,  &  non  pas  que  fa  force 
5>  ait  confifté  autrefois  en  ce  qu'elle  étoit 
M  armée  de  piques ,  qui  efl  une  arme  qui 
»>  n'a  d'autre  mérite  que  fa  longueur.  » 
Il  eft  prouvé ,  par  une  expérience  conf- 
iante, que  la  cavalerie  a  toujours  renverle 
l'infanterie,  excepté  en  quelques  occafions 
où  celle  -  ci  a  fu  faire  un  bon  ufage  de 
Ion  feu  ,  &  parce   que  celle-là  pouvoir 
n'avoir  pas  allez  de   nerf,  ou  être  mal 
difpofée  &  mal  dirigée.  Or,  cela  eft  arrivé , 
parce  que  lenlus  grand  nombre  des  foldats , 
regardant  ]|||^u  comme  leur  principale 
force  ,  ne  longent  plus  à  leur  bayonnette , 
parce  que  quand  le  cheval  reçoit  le  coup  de 
bayonnette,  le  cavalier  eft  déjà  fur  le  fan- 
tallîn  ,   attendu   que  ,   comme    l'obferve  1  feul  cas,  &  qui  les  rendroient  eux-mêmes 


Bottée  ,  ce  dernier  tient  fon  arme  de  façon 
que ,  pour  être  en  état  de  l'alongcr  ,  il  faut 
qu'au  premier  temps  il  en  dérobe  la  moitié 
en  arrière,  &  qu'il  peut  être  pris  fur  ce 
temps  -  là  ;  que  le  cavalier ,  continue  cet 
auteur ,  fe  trouve  très  -  près  quand  fbn 
cheval  eft  bleffé ,  &  qu'il  y  a  tel  cavalier 
qui ,  alongé  fur  le  cou  de  fon  cheval  , 


inutiles  pour  toutes  les  autres  adtions  , 
fur-tout  encore  étant  facile  de  s'en  pafler  ; 
&  il  conclut  qu'on  a  eu  grande  raifon  de 
fupprimer  les  piques. 

La  dernière  obfervation  du  maréchal  ne 
nous  paroît  pas  mieux  fondée  que  les  pré- 
cédentes. La  difficulté  d'avoir  des  piques 
de  rechange  en  campagne ,  n'eft  pas  une 


porte  fort  bien  un  coup  de  fabre  à  fon    raifon  qui  ait  dij  les  faire  fupprimer ,  ni 
!    j  „A„_  :„n....-    T.  qui  puifîe  empêcher  de  les  reprendre.  Cette 

arme ,  qui  n'eft  pas  chère ,  peut  ^e  faire 

par-tout ,  &  fa  forme  ni  fon  poids  (  ^  )  , 

le  cheval  eft  bleffé  peut  renverfer  le  foldat  (  en  la   fuppofant  réduite   à  une  longueur 


ennemi  dans  ce  même  inftant.  La  cava- 
lerie, difons-nous,  a  toujours  enfoncé 
l'infanterie,  parce  que  le  même  coup  dont 


(À)  Les  anciennes  f«j««  pefoienc  environ  17  Uvfcç, 


PI  Cl 

fuffirante ,  ne  la  rendent  nullement  em- 
barraflante  pour  le  tranfport.  Au  furplus, 
dès  qu'elle   eft    indirpenfable  ,  elle    vaut 
bien  la  peine  qu'on  falTe  quelque  effort 
pour  n'en  jamais  manquer.  Du  refte,  le 
raifonnement    de   M.   de   Puyfégur  eft, 
comme  le   dit  cet   auteur  ,   conforme  à 
celui  que  fait  Polybc ,  quand  il  compare 
l'ordre  de   bataille   des  Grecs  avec  celui 
des  Romains,  de  à  tout  ce  que  les  plus 
fa  vans   auteurs  militaires  ont   dit  fur   le 
même  fujct  ,  mais  pour  cela  les  armes  de 
notre  infanterie  n'en  font  pas  plus  parfaites. 
Nous  concluons  de  toute  cette  diicuflion , 
que  le  fufil  avec  fa  bayonnette  eft  très- 
propre  pour  la  défenfe  particulière  d'un 
feul  homme;  mais  que  quand  il  s'agira 
d'un  corps  d'infanterie ,  les  p/^z/e5  doivent 
en  être  inféparables  ;  que  ce  font  elles  qui 
en  lient  toutes  les  parties ,  &  qui  le  rendent 
impénétrable  ;  en  un  mot ,  qu'elles  font , 
plus  qu'aucune  arme  que  ce  foit ,  de  nature 
à  faire  connoître  à  l'infanterie  cette  force 
dont  on  lui  reproche  de  n'avoir  pas  l'idée, 
&:  à  en  alTurer  le  feu  dans  tous  les  cas , 
fur-tout  fi  elles  font  placées  aux  premier 
ôc  fécond  rangs ,  où  elles  préfentent  un 
cbftacle  bien  plus  difficile  à  vaincre  que 
quelques  rangs  de  bayonnettes,  au  travers 
defquels  on  perce  toujours.  i 

Il  faut  abfolument  des  pigues  dans  notre 
infînterie;  &  fi  tout  ce  qu-'on  a  dit  juf- 
qu'ici  pour  le  prouver  paroîr  infuffifant  aux 
yeux  de  ceux  qui  ne  cefîènt  de  fe  faire 
illufion  fur  tous  les  avantages  du  fufil  avec 
la  bayonnette  ,  qu-'on  croit  avoir  exacte- 
ment appréciés,  nous  n'en  refterons  pas 
moins  fermement  attachés  à  notre  fenti- 
ment.  Nous  ne  doutons  pas  même  que 
quelque  jour ,  mais  malheureufemcnt  peut- 
être  trop  tard ,  la  vérité  venant  à  fe  faire 
fentir  fur  un  article  d'une  aufïî  grande 
conféquence ,  on  ne  reprenne  enfin  les 
piques.  Nous  ofons  le  prédire ,  malgré  tout 
ce  qu'on  pourra  nous  répliquer  ,  qui ,  à 
coup  fur ,  ne  fournira  jamais  une  décifion 
contraire  à  ce  que  nous  avons  avancé. 
Mais  ,  fi  quelque  chofe  eft  capable  de 
nous  ramener  de  nos  préjugés  fur  le  fufil , 


p  I  d  ôh 

nous  acheminer  à  cette  heureufe 
c'eft  fans  doute  le  jugement 


&  de 
révolution  ; 

que  porte  de  notre  infanterie  un  des  plus 
grands  généraux  de  ce  fiecle  :  écoutons-le* 
"  Je  me  trouve  ,  dit  -  il  (  lettre  du  ma" 
"   réchal    de    S^ixe     à    M.    d'Argenfon  , 
"  Paris  ,  février  tj^o  )  ,  obligé  de  dire 
"  que  notre  infanterie  ,  quoique  la  plus 
»  valeureufe    de   l'Europe  ,    n'eft    point 
»  en  état  de  foutenir  une  charge ,  dans 
"  un  lieu  où  elle  peut  être  abordée  par 
»  de  l'infanterie  moins  valeureufe  qu'elle, 
"  mais  mieux  exercée  &  mieux  difpofée 
»  pour  une  charge;  &  le  fuccès  que  nous 
"  avons  dans  les  batailles,  ne  doit  s'at- 
tribuer qu'au  hafard  ou  à  l'habileté  que 
nos  généraux  ont  de  réduire  les  combats 
à  des  points  ou   affaires  de  pofte ,  où 
la  feule  valeur  des  troupes  &  leur  opi- 
niâtreté l'emportent  ordinairement,  lorf- 
que  le  général  fait  faire  fes  difpofitions 
en  conféquence ,  c'eft-à-dire  ,  de  ma- 
nière à  pouvoir  foutenir  les  attaques. 
Mais  c'eft  une   chofe   qu'on  ne    peut 
pas  toujours   faire  ,    &  que  le  général 
ennemi  peut  empêcher ,  s'il  eft  habile , 
s'il  connoît  vos  défauts  &  fes  avantages. 
Ce  que  j'avance  ici  eft  foutenu  par  des 
preuves.  A  la  bataille  d'Hochftet,  vingt- 
deux  bataillons ,  qui  étoient  au  centre , 
tirèrent  en  l'air ,  &  furent  diiîîpés  par 
trois  efcadrons  ennemis  qui  avoient  paffé 
le  marais  devant  eux  (e)  :  les  ennemis 
furent  repoufîes  au  village  de  Blintheim, 
&  les  régimens  qui  le  défendoient,  ne 
fe  rendirent  qu'après   que   les  armées 
de  France  &  de  Bavière  furent  retirées* 
Luzara  ,   en   Italie  ,  affaire   de    pofte. 
Ramilies  ,  affaire  de  plaine.   Denain , 
affaire  de  pofte.  Matplaquct  ;  ce  qu'il  y 
avoit  en  plaine  plia;  ce  qui  éroit  pofté 
fe  maintint  long-temps,  &c  coûta  beau- 
coup de  chevaux   aux   alliés.  Parme , 
affaire  de  pofte.  Doëttingen,  aff.iire  de 
plaine.  Fontenoy;  ce  qui  étoit  en  plaine 
plia  ;  ce   qui    écoit  pofté  fe    maintint, 
Raucoux,  affaire  de  pofte  uniquement, 
quoiqu'il  y  eut  beaucoup  de  plaine  ;  mais 
on  n'attaqua  que  les  portes.  Lawfeld  , 


(<f)  On  a  déjà  rapporté  cet  exemple  pour  faire  yoir  combien  l'on  doit  peu  compter  (uJ 
le  feu  :  il  efl  lelaiif  ici  i  un  autre  ob^eu 


5?68  P  I  et 

w  afTalre  de  plaine  réduite  à  des  attaques 
»  de  pofte.  ,, 

Nous  pourrions  citer  ici  toutes  les  ba- 
tailles de  la  dernière  guerre  où  nous  nous 
fommes   trouvés ,    hors   une   dont   nous 


p  I  a 

confifte  pas  dans  les  combats  qui  Ce  font 
de  loin ,  mais  dans  le  choc  &  les  coups 
de  main  qui  décident  toujours  une  adion 
«3c  lui  donnent  de  Téclat;  nous  maintenons 
que  loin  que  les  piques  puident  nous  ôter 


avons   déjà  parlé ,    qui  s'cft    donnée  en  j  rien  d'avantageux  dans  les  batailles  qui  fc 


plaine,  &  où  notre  infanterie  combattit 
pendant  trois  heures,  avec  autant  de  fer- 
meté que  de  valeur ,  &  finit  par  enfoncer 
les  ennemis  &  les  difperfer  (/)  ;  mais  les 
difpofitions  du  général  étoient  fupérieure- 
mcnt  faites  ,  &  le  gain  de  cette  affaire 
fut  autant  le  fruit  de  fon  habileté  Ôc  de 
fbn  courage ,  que  de  la  confiance  des 
troupes  &  de  l'opiniâtreté  qui  en  efl  ordi- 
nairement la  fuite.  Ces  fortes  d'exemples 
ibnt  il  rares,  qu'ils  ne  changent  rien 
au  fentiment  du  maréchal  ;  mais  ils  le 
fèroient  bien  moins,  fi  le  commandement 
des  armées  fc  trouvoit  toujours  dans  de 
femblables  mains. 

Le  maréchal  de  Saxe  ,  qui  avoir  vrai- 
femblablement  déjà  fait ,  du  moins  en 
partie ,  les  réflexions  qu'on  vient  de  voir 
îoriqu'il  écrivit  (es  Rêveries ,  n'avoit  garde 
d'oublier  la  pique  dans  (à  légion.  Aufïî 
dit-il  qu'on  ne  fàuroit  fe  pafler  de  cette 
arme  dans  Tinfinterie,  &  qu'il  en  a  tou- 
jours oui  parler  ainfi  à  tous  les  gens  habiles. 
*'  Les  mêmes  raifbns,  ajoute  cet  auteur, 
„  c'eflr-àdire ,  la  négligence  &  la  com- 
„  modiré,  qui  ont  fait  quitter  les  bonnes 
3,  chofes  dans  le  métier  de  la  guerre , 
„  ont  aufïi  fait  abandonner  celle-ci.  On 
j,  a  trouvé  qu'en  Italie,  dans  quelques 
„  affaires,  elles  n'a  voient  pas  fervi,  parce 
3,  que  le  pays  cft  fort  coupé  ,  dès -là  on 
,5  les  a  quittées  par-tout ,,  &  l'on  n'a  fbngé 
3,  qu'à  augmenter  la  quantité  des  armes 
„  à  feu  &  à  tirer.  „ 

Une  des  grandes  objedions  qu'aient 
fait  contre  la  pique  ceux  qui  ne  l'aiment 
pas ,  &  que  Tes  partifans  ne  nous  paroif^ 
lent  point  avoir  aflez  complètement  ré- 
futée ,  c'efl  la  diminution  de  feu  occa- 
fîonée  par  le  nombre  des  piques.  Con- 
noifïànt,  comme ,  ces  derniers  ,  le  carac- 
tère  de  notre   nation  ,  dont  l'ardeur  & 


donnent  en  rafè  campagne ,  elles  font  tout 
au  contraire  un  moyen  fur  de  vaincre  nos 
ennemis  ;  nous  en  avons  donné  ci-defTus 
les  raifbns  les  plus  fortes.  En  même  temps 
nous  ne  faurions  difconvenir  que ,  dans  les 
pays  coupés  &  couverts  ,  ces  armes  ne 
loient  le   plus  fbuvent  inutiles  j  mais  ce 
n'efl  pas  encore  une  raifbn  pour  n'en  point 
avoir.  Le  maréchal  de  Saxe  qui  a  prévu, 
cette  objedion  ,  en  donnant  des  piques  à 
Ton  infanterie  ,  dit   qu'alors  on  en    fera 
quitte  pour  les  pofer  à  terre  pendant  le 
combat ,  &  que  les  piquiers  ayant  leurs 
fufîls  en  écharpe  pourront  s'en  fervir.  Il 
feroit  mieux  encore,  ce  nous  (emble,  de 
remettre  les  piques  au    parc  d'artillerie  , 
toutes  les  fois  qu'on  prévoiroit  n'en  pou- 
voir pas  faire  ufàge  ,  &  de  n'en  garder 
qu'un   petit  nombte  qui,  dans  quelque 
pays  de  chicane  que  ce  puifîè  être  ,    ne 
feroit  jamais  inutile.   Nous  ne  voyons  à 
cela  rien  que  d'aifé  à  pratiquer,  &  rien 
de  folide  à  répliquer  j  mais  pour  mettre 
complètement    d'accord   les  antagoniftes 
de  la  pique  avec  fes  partifans ,  nous  avons 
imaginé  une  arme  qui  nous  a  paru  aufïî 
fimple  que  fùre  ,  &:  d'une  utilité  géné- 
rale   pour    l'infanterie.    (  Voye';^   Fusil- 
pique.  ) 

Les  dernières  piques  dont  on  s'efl  fervi 
en  France  (  ordonnance  du  i6  novembre 
ï  666  )  ,  étoient  de  quatorze  pies ,  & 
ne  pou  voient  avoir  moins  qite  treize  pies 
&  demi  (  voye^^  nos  planches  de  l'Art 
Militaire  ,  Armes  &  Machines  de  guerre. 
Pique ,  Jig.  z  )  ;  Folard  ,  qui  a  défendu 
la  pique ,  6c  avec  chaleur ,  après  en  avoir 
fait  remarquer  tous  les  défauts ,  propofè 
d'y  fubflituer  une  pertuifane  de  owze  pies , 
y  compris  un  fer  de  deux  pies  ôc  demi  de 
long,  fur  cinq  pouces  de  large  par  le  bas, 
tranchant  des  deux  côtés,  &  fortifié  juf- 


l'abord  font  des  plus  redoutables  ;  égale-    qu'à  la  pointe  d'une  arrête  relevée  d'en- 
ment  perfuadés   que  la  vraie  valeur  ne  I  viron  une  ligne  &  demie.  Une  telle  arme 


(/}  Sandcrshaufen. 


ifig.n) 


P  IQ. 

{Jîg.  il.),  comme  le  dit  cet  auteur  ,  cfl 
bien  plus  forte  &  plus  avantageufe  que  la . 
pique  ,  pour  réfifter  à  un  grand  effort  ,  & 
au  choc  de  la  cavalerie  :  outre  qu'elle 
n'efl  pas  moins  redoutable  par  la  pointe 
que  par  le  tranchant ,  elle  fe  manie  bien 
plus  facilement  ,  il  n'eft  pas  ailé  d'en 
gagner  le  fort  :  enfin*  la  vue  feule  de  cette 
arme  peut  donner  la  terreur  ;  un  feul  coup 
étant  fuffifant  pour  mettre  le  cavalier  & 
le  cheval  hors  de  combat.  Le  détail  que 
fait  ici  le  chevalier  à^s  avantages  de  fa 
pertuifane ,  n'eft  alTurément  point  exagéré. 
Nous  forames  perfuadés  même  que  le  fol- 
dat  pouvant  raccourcir  ou  alonger  cette 
arme  ,  &  frapper  de  toutes  manières ,  on 
n'en  gagneroit  pas  le  fort  aifémei:^^  ,  & 
que  dans  une  mêlée  elle  feroit  bien  plus 
de  ravage  que  le  tufil  avec  la  bayonnette. 
M.  de  Mefnil-Durand  ,  qui  a  ^k  fur  cette 
arme ,  comme  (iir  beaucoup  dJptres  cho- 
ies ,  d'excellentes  obferv,ations  ,  trouve 
qu'elle  eft  encore  trop  peHinte ,  &  pas 
aflez  maniable  :  "  Il  faudroit  ,  dit--il 
«  {projet  de  Taclique y  ch.  4^  art.  6.  )  , 
»  en  allégeant  la  pertuifane  ,  non-feule- 
w  ment  charger  un  peu  le  talon  ,  mais 
»  y  •  mettre  un  véritable  contrepoids  , 
«  comme  au  bâton  de  coureur;  alors  on 
»  pourroit  s'en  fervir  fans  lailïèr  prefque 
w  aucune  longueur  pour  le  branle  ;  & 
w  pour  peu  qu'on  la  retirât  dans  la  main  , 
w  ce  qui  alongeroit  le  levier  du  contre- 
»  poids  ,  on  la  releveroit  avec  grande 
yf  tacilité  même  d'une  main.  »  Avec  cela 
M.  de  Mefnil-Durand  voudroit  donner  au 
piquier  un  petit  couteau  de  chaffe  ,  ou 
plutôt  un  grand  poignard  qui ,  félon  cet 
au'-eur,  feroit  fort  utile  lorl'qu'il  fe  trou- 
veroit  combattre  corps  à  corps  ,  &  un 
piftolct  de  ceinture  ,  dont  il  ne  fe  ferviroit 
que  dans  la  plus  grande  néceffité  ;  mais 
qui  dans  ce  cas  ,  ajoute-t-il ,  feroit  d'-un 
grand  fecours  ,  &  en  attendant  rendroitplus 
ferme  encore  cet  homme  qui  (e  verroit  entre 
les  mains  tant  de  moyens  de  fe  défaire  de 
ion  ennemi. 

On  ne  voit  rien  de  trop  à  ce  que  pro- 
pofe  M.  de  Mefnil-Durand  ,  dès  que  la 
pique  fera  légère  &  aifée  à  manier.  On 
ne  rejette  point  l'idée  du  piftolct  ;  mais 
il  fèmble  que  cette  troiiieaie  arme  eli 
romt  XXV, 


p  I  a  5^9' 

aflez  fuperflue.  Il  fuffîroit  donc  que  le 
foldat  pût  faire  ufage  en  même  temps  de 
la  pique  &;  du  couteau  de  chafle  ;  fans 
dout#  cet  exercice  qui  a  été  pratiqué  tant 
de  fois ,  ne  feroit  pas  difficile  à  lui  appren- 
dre. On  fait  que  les  Ecoffois  favent  par- 
faitement fe  fervir  à  la  fois  du  fabre  & 
du  poignard.  Il  eft  vrai  qu'il  y  a  dans  cette 
i'orte  d'eicrime  quelque  chofe  de  difterent 
de  celle  dont  il  vient  d'être  queftion  ;  mais 
on  ne  croit  pas  moins  cette  dernière 
très-pofîible ,  puifque  nous  en  avons  l'ex- 
périence. 

Bottée  eft  aufïî  d'avis  de  raccourcir  la 
pique  :  il  la  réduit  à  douze  pics  ,  &  veut  que 
la  hampe  foit  plus  greffe  ,  pour  qu'elle  fbit 
moins  fu jette  à  cafîer  par  le  milieu  :  du  refte 
il  admet ,  comme  autrefois  ,  la  néceffité  de 
donner  une  épée  au  piquier. 

La  pique  du  maréchal  de  Saxe  (Jig.  J.)^ 
qull  appelle  pilum  ou  demi-pique  ,  a  treize 
pies  de  long  fans  le  fer  ,  qui  doit  être 
léger  &  mince  à  trois  quarts  &  de  dix- 
huit  pouces  de  longueur  fur  deux  de  lar- 
geur par  le  bas  ;  la  hampe  en  eft  creufe , 
de  bois  de  fapin  ,  &  enveloppée  d'un  par- 
chemin avec  un  vernis  pardeffus:  elle  eft  ^. 
dit  cet  auteur  ,  très-forte  &  très-légère,. 
&  ne  fouette  pas  comme  les  anciennes 
piques.  Celle-ci  feroit ,  à  notre  avis ,  pré- 
férable à  toute  autre ,  parce  qu'elle  n'empê-r' 
che  pas  le  foldat  de  porter  fon  fufil ,  &  qu'il 
a  une  longue  bayonnette  qui  lui  fert  d'épée. 
Nous  croyons  pourtant  que  dans  une  mêlée 
elle  ne  feroit  pas  fort  maniable  ni  trop 
folicfe  ,  à  caufe  de  fa  longueur.  Nou.-  vou- 
drions donc  qu'en  adoptant  la  hampe 
creufe  de  lapin  ,  on  la  raccourcît  de  quel- 
ques pies  pour  pouvoir  lui  donner  plus  de 
grofîêur  ,  &  rendre  cette  arme  d'un  meil- 
leur ufage. 

Le  nombre  des  piques  ,  qui  autrefois 
étoit  confidérable  ,  diminua  à  mefure  que 
les  armes  à  feu  fe  multiplièrent.  Dans  [çs 
armées  de  M.  ai  Turenne  •&  du  grand 
Condé  ,  il  n'y  en  avoit  plus  qu'un  tiers:- 
&  lorfque  Louis  XIV  ,  par  l'avis  de  M.  de 
Vauban  ,  les  fit  fupprimer  ,  le  nombre  en 
avoit  été  réduit  à  un  cinquième.  L'ulage 
étoit  de  les  placer  au  centre  du  front  de 
chaque  bataillon  ;  mais  cette  difpofîtioa 
étoit  affurément  très -défavantageufe  ;  &, 
Gggggg 


il  eft  affez  étonnant  qu'elle  ait  été  fuivie 
conilamment  par  nos  plus  grands  généraux , 
Il  capables  de  la  varier  ,  comme  ayoit  fait 
MontécucuUi  à  la  bataille  de  Saint^o- 
thard  ,  avec  tant  de  fuccès. 

M.  de  Puyfégur  ,  qui  a  blâmé  avec  jufîe 
raifon  cette  ancienne  difpofition ,  préfère 
de  placer  les  piques  au  centre  de  la  hau- 
teur des  bataillons  :  mais  de  cette  ma- 
nière la  pique  perd  une  partie  de  fon 
avantage  qui ,  tant  qu'ori  n'en  vient  point 
aux  coups  de  majns ,  confifîe  dans  la 
longueur  :  engagée  entre  plufieurs  rangs, 
elle  devient"  embarraiTante  &  fans  mou- 
vement. 

Le  chevaliçr  de  Folard  trouve  qu'un 
cinquième  de  piques  par  bataillon  ell:  fuf- 
fifant.  Dans  les  corps  qui  compofent  fa 
colonne ,  il  mêle  les  piquiers  alternative- 
ment avec  les  fufiliers  ,  au  premier  rang 
de  chaque  fedion  ,  &  fur  les  deux  pre-- 
mieres  files  des  ailes.  Il  en  ufe  ainfi  ,  fans 
doute  pour  remédier  au  grand  défaut  de 
la  pique  ^  de  n'être  plus  une  arme  quand 
on  en  a  gagné  le  fort ,  quoique  fa  per- 
tuifane  foit  en  quelque  forte  exempte  de 
ce  défaut  ;  c'eft  la  cinquième  difpofition 
de  MontécucuUi  fur  le  mélange  de  la  mouf- 
queterie  &  des  piquiers. 

Bottée  plaçant  les  piques  devant  ou  der- 
rière les  fufiliers  ,  ne  décide  rien. 

M.  de  Mefhil-Durand  ne  veut  qu'un 
feptiemede^/^'r/fj'^  qu'il  placeroit  volon- 
tiers ,  dit-il  ,  toutes  aux  premiers  rangs 
de  la  pléfion  ,  attendu  que  le  piquier  ,  de 
la  manière  dont  il  propofe  de  l'armer,  ne 
craindroit  plus  qu'on  lui  gagnât  le  fort. 
Cette  formation  eÛ  la  même  que  la  troi- 
fieme  de  MontécucuUi  ,  &  nous  paroît  la 
plusavantageufe  ;  nous  en  avons  dit  toutes 
les  raifons. 

Enfin  M.  de  Saxe,  qui  met  fes  batail' 
Ions  à  quatre  de  hauteur  ,  place  Ïqs  pi- 
quiers aux  deux  derniers  rangs.  On  re- 
trouve dans  tettQ  difpofition  ,  quoique  la 
même  que  ceUe  dont  MontécucuUi  fe 
trouva  fi  bien  à  Saint-Gothard ,  une  par- 
tie â.es  défauts  de  celle  du  maréchal  de 
Puyfégur.  Il  eft  vrai  ,  comme  l'obferve 
l'auteur  des  Rêveries ,  que  de  cette  ma- 
nière on  évife  l'inconvénient  de  mettre 
genou  en  terre  ;  mais  la  néceffité  de  ce 


P  ï  Q. 

mouvement ,  lorfque  les  piquiers  font  au 
premier  rang ,  n'efi:  point  une  raifon  fi 
défavorable  à  cet  arrangement ,  puifqu'il 
ne  s'agit  point  de  tirer  en  attaquant  de 
l'infanterie  ;  &  qu'au  cas  contraire ,  s'il 
arrive  qu'au  moment  qu'on  fera  mettre 
genou  en  terre  ,  l'ennemi  vienne  à  faire 
fa  décharge ,  il  perde  évidemment  une 
grande  partie  de  fon  feu.  Au  furplus  , 
nous  avons  communiqué  le  moyen  que 
nous  avons  trouvé  pour  remédier  à  tous 
les  défauts  de  la  pique ,  &  à  ceux  des 
différentes  difpofitions  dont  il  vient  d'être 
quefiion  ,  &  faire  voir  comment  il  efl 
poliible  ,  avec  une  feule  arme  ,  de  con- 
ferver  la  même  quantité  de  feu  qai  efl  fil 
fort  à» la  mode  aujourd'hui,  de  fuppléer 
la  pique  ,  de  la  raccourcir  ou  de  la  fup- 
primer ,  fuivânt  toutes  les  circonfiances 
qu'on  voudra  fuppofer.  Voye\  Vartich 
FusiL-P^UE.  (  M.  D.  L.  R.  ) 

Pique  ,  (  Cq/nmerce.  )  on  dit  traiter  d 
la  pique  avec  les  fauvages  ,  pour  dire  faire 
commerce  avec  ces  nations  en  fe  tenant 
fur  fes  gardes  ,  &  ,  pour  ainfi  parler ,  la 
pique  à  la  main.  On  traite  particulièrement 
de  la  forte  avec  quelques  fauvages  voifins 
du  Canada  &  avec  quelques  nègres  des 
côtes  d'Afrique ,  fur  la  bonne  foi  &  la  mo- 
dération apparente  defquels  il  y  a  peu  à 
compter. 

Traiter  à  la  pique  y  s'entend  auffi  du 
commerce  de  contrebande  que  font  les 
Anglois  &  les  HoUandois  dans  plufieurs 
endroits  de  l'Amérique  efpagnole  voifins 
des  colonies  ,  que  ces  deux  nations  ont 
dans  les  îles  Antilies.  Peut-être  faudroif- 
il  dire  traiter  à  pic  ,  c'elt-à-dire  ,  le  vaif^ 
feau  fur  les  ancres  ,  parce  que  ce  com- 
merce qui  efl  défendu  fous  peine  de  la 
vie ,  ne  fe  fait  que  dans  les  rades  où  les 
vaiffeaux  rcflent  à  l'ancre  ,  &  attendent 
les  marchands  efpagnols  qui  quelquefois  en 
cachette  ,  mais  le  plus  fouvent  d'intelli- 
gence avec  les  gouverneurs  &  officiers  du 
roi  d'Efpagne  ,  viennent  échanger  leur  or  > 
leurs  piafires  ,  leur  cochenille  &  autres 
riches  produdions  du  pays  ,  contre  àts 
marchandifes  d'Europe. 

Ceux  qui  veulent  qu'on  dife  en  cette 
occafion  traiter  à  la  pique  y  entendent 
que  c'eiî:  traiter  à  la  longueur  de  la  pique 


à  cnufe  d'une  certaine  diUnnce  à  laquelle  ' 
les  étrangers  font  obligés  de  fe  tenir  pour 
faire  ce  commerce  ,  ne  leur  étant  jamais 
permis  d'entrer  dans  les  ports  ,  &  n'étant 
même  foufïerts  dans  les  rades  que  par  une 
efpece  de  collufion  ;  car  il  y  a  des  arma- 
dilles  ou  vaifïeaux  de  guerre  qui  veillent 
ou  doivent  veiller  fans  ceffè ,  pour  empê- 
cher ce  négoce  viliblemen£  préjudiciable 
à  celui  que  les  Eipagnols  d'Europe  font  en 
Amérique  par  leur  flotte  &  leurs  galions. 
Dicl.  de  conynerce. 

Pique  ,  f.  m.  terme  de  Cartier ,  gros 
point  noir  qu'on  met  iur  les  cartes  à  jouer  , 
&  qui  a  été  appelle  pique  ,  parce  qu'il  a 
quelque  reiïemblance  avec  le  fer  d'une 
pique  y  ainli  on  dit  jouer  de  pique  y  tourner 
de  pique  ,    &c. 

Pique  de  Montvalier,  {Ge'ogr. 

mod.  )  ou  la  pique  en  ifn  feul  mot  ;  c'efl 
la  plus  haute  montagne  des  Pyrénées ,  & 
qui  paroîr  s'élever  en  forme  àc  pique  ,  d'où 
lui  vient  fon  nom.  On  la  voit  de  15  lieues 
fur  les  confins  du  diocefe  de  Couferans. 
Long.   ly"^.   12'.   53".  lat.   42^^.    50'.  45". 

PIQUE  fe  dit  d'un  fruit  tel  que  le  gland 
ou  la  châtaigne,  qui  ayant  iéjourné  iur  la 
terre ,  eff  pique  des  vers ,  ce  qui  le  rend 
infécond. 

On  dit  auffi  qu'un  fruit  eu  pique' y  fur- 
tout  les  abricots  ,  les  prunes  &  les  poires, 
quand  les  vers  y  ont  fait  des  ouvertures 
pour  y  pénétrer. 

Piqué  ,  piquée  ,  adj.  (  Mufîq.  )  Les 

notes  piquées  font  des  iuites  de  notes  mon- 
tant ou  defcendant  diatoniquement  ,  ou 
rebattues  fur  le  même  degré  ;  fur  chacune 
defquelles  on  met  un  point,  quelquefois 
un  peu  alongé  pour  indiquer  qu'elles  doi- 
vent être  marquées  égales  par  des  coups 
de  langue  ou  d'archet  fecs  &  détachés  , 
fans  retirer  ou  repoufïer  l'archet  ,  mais 
en  le  faifant  palTer  en  frappant  &  fautant 
fur  la  corde  autant  de  fois  qu'il  y  a  de 
notes ,  dans  le  même  fens  qu'on  a  com- 
mencé. (  ^S"  ) 

Le  piqué  peut  auffi  fe  pratiquer  très-bien 
avec  les  inflrumensà  vent  ,  mais  il  efl:  dif- 
ficile ;  parce  que  ,  ou  l'on  ne  pointe  pas 
affez  les  notes  ,  ou  bien  on  les  pointe  avec 
dureté.  {F.D.C.) 


pia 


97 1 


Piqué,  U^q'A piqué,  voyeiVoil.., 
Piqué,  en  terme  de  Brodeufe ,  c'efl 
un  point  l'un  devant  l'autre  fans  mefure, 
ni  compte  des  fils  ,  il  fe  répète  à  cow  l'ua 
de  l'autre,  jufqu'à  ce  que  la  feuille  ou  telle 
autre  partie  foit  remplie.  Il  faut  pour  faire 
un  beau  piqué  y  que  les  points  foient  drus 
&  égaux  en  hauteur. 

PIQUECHASSE  ,  f.  m,  terme  d'Arti^ 
ficier  y  c'eff  un  poinçon  aigu  &  menu  ,  qui 
lert  à  percer  les  chailes  ou  facs  à  poudre  , 
pour  ouvrir  des  communications  aux  feu» 
qu'elles  doivent  donner  aux  artifices  qu'elles 
font  partir. 

PIQUER,  V.  ad.  {Mamfaclure.)  ce 
terme  efl:  d'un  affez  grand  ulage  dans  les 
manufactures  &  les  communautés  des  arts 
&  métiers. 

Les  tapiffiers  piquent  des  matelas  ,  des 
couvertures  ou  courte-pointes  ,  des  chan- 
tournés &  des  dedans  &  doublures  de  lits. 
Ils  piquent  aufli  des  matelas  d'efpace  ea 
efpace  avec  une  longue  aiguille  de  ter  ,  de 
la  ficelle  &  des  flocons  de  coton  ,  pour  les 
drefïer  &  arrêter  la  laine  entre  les  toiles  ; 
ils  piquent  d'autres  matelas  avec  de  la  ioie 
&  fur  des  delTms  donnés  par  les  deflinateurs 
pour  leur  fervir  d'ornement. 

Les  tailleurs  pour  femmes  piquent  des 
corps ,  des  jupes  &  des  corfets ,  entre  de  la 
baleine  ,  pour  les  afl:ermir. 

Les  ceinturiers  piquent  des  baudriers  & 
ceinturons  avec  de  la  Ioie  ,  de  l'or  &.  de 
l'argent,  pour  les  enrichir ,  &c. 

Les  faifeufes  de  bonnets  les  piquent ,' 
en  y  faifant  avec  l'aiguille  plufieurs  petits 
points  quarrés  en  œil  de  perdrix  ou  autre- 
ment. 

Piquer  ,  v.  a£l.  (  Charp.  &  Maçon.  ) 
piquer  en  charpenterie  ,  c'efl  marquer 
une  pièce  de  bois  ,  pour  la  tailler  &  la 
façonner.  Piquer  en  maçonnerie  ,  c'efl 
rufliquer  le  parement  ou  les  lits  d'une 
pierre  ;  c'eft-à-dire ,  que  piquer  fignifie  en  * 
fait  de  moéWonït  tailler grojjfiérement  i  on 
emploie  le  moellon  piqué  de  la  forte  aux 
voûtes  de  caves,  aux  puits»&  aux  murs  de 
clôture.  Piquer  fignifie  aulii/j/re  fur  les  ■ 
matériaux  deflinés  à  la  conflrudion  exté- 
rieure des  bâtlmens  ,  hs  petits^  points  ou 
creux  nécefTaires  pour  leur  lervir  d'orne- 
nicnt  ;  on  pique  de  cette  manière  la  pierre 
GggSSS  * 


97»  PIQ.. 

de  taille  ,  le^rcs  &  le  moellon  particulière- 
ment pour  l'ordre  tofcan.  (D.  J.  ) 

Piquer  ,  terme  de  Bourrelier  ,  Sic. 
qui  fignifie  /aire  avec  du  fil  blanc  une 
efpece  de  broderie  fur  différentes  parties 
de  harnois  de  chevaux  de  carrode.  Ils  fe 
fervent  pour  cela  d'une  alêne  plus  fine 
que  les  autres ,  qu'ils  appellent  alêne  à 
piquer,  &  paflent  dans  les  trous  du  fil 
de  Cologne  ,  en  plufieurs  doubles  qu'ils 
frottent  de  cire. 

•  Piquer  ,  en  terme  de  Cordonnier  , 
c'eft  faire  des  rangs  de  points  ,  tout  au- 
tour de  la  première  femelle   d'un  foulier. 

Piquer  la  botte  ,  (  même  métier.  ) 
c'eft  coudre  avec  du  fil  blanc  le  tour  des 
talons  couverts. 

Piquer,  terme  de  Découpeur  y  c'cfl 
enlever  avec  un  fer  quelque  partie  d'une 
ëtoffe ,  &  y  faire  une  quantité  de  petites 
mouchetures.  On  pique  de  cette  manière 
les  fa  tins ,  lès  taffetas  ,  les  draps  &  les 
cuirs ,  particulièrement  ceux  qui  font  par- 
fumés ,  &  dont  on  fait  quelques  ouvrages 
pour  l'ufàge  des  dames  ,  tels  que  font  à(is 
corps  de  jupe-  &  de  fouliers.  {  D.  J.  ) 

Piquer  ,  en  terme  d'Epinglier  ^  c'eft 
percer  les  papiers  à  diftances  égales  &  en 
plufieurs  endroits  pour  y  attacher  les  épin- 
gles; ce  qui  fe  fait- avec  un  poinçon  qui 
a  autant  de  pointes,  c'eft-à-dire ,  vingt- 
cinq,  que  l'oH  veut  percer  de  trous  ;  lé 
papier  efi  ployé  en  quarrés  doubles  ,  que 
l'outil  perce  à  la  iois  ;  ce  poinçon  s'ap- 
pelle quarteron. 

Piquer,  v;  adif,  terme  de  Manège ^ 
c  eu  donner  de  l'éperon  au  cheval  ,  pour 
le  faire  aller  plus  vite ,  courir  ou  ga- 
loper. 

Piquer  des  deux  ,  {Màréchall.  ) 
c'eft  la  même  chofe  qu  appuyer.  Voye\ 
Appuyer. 

Piquer  un  cheval  ,  en  terme  de 
Maréchal  y  c'eft  le  bleiTer  avec  un  clou 
en  le  ferrant. 

On  appelle  Joëlle  d  piquer  une  felle  à 
trouflè-quin  ,  dans  laquelle  on  eft  .telle- 
ment engagé  ,  qu'on  peut  foutenir  les 
fecoulTes  que  donnent  les  fauteurs  ,  lorf- 
qu'on  les    pique  avec  le  poinçon,    l^ojei 

Poinçon* 


PI'Q. 

Piquer,  en  terme  de  PâtiJJîer y  c'efl 
faire  de  petits  trous  fur  une  pièce  ,  pour  lui 
donner  plus  belle  apparence. 

Piquer  ,  en  terme  de  Piqueurde  taba- 
tières y  c'eil:  percer  avec  une  aiguille  la 
pièce  ,  pour  la  garnir  enfui  te  de  clous 
d'or,  d'argent  y  &C.  Voyei  AlGUltLE  ^ 
Garnir. 

Piquer  les  cartons  y  (  Relieur.  )  c'efl' 
faire  trois  trous  en  triangle  vis-à-vis  chaque 
nerf  ou  ficelle  auxquels  le  livre  eft  cou  lu. 
On  pique  avec  un  poinçon  proportionné, 
félon  la  grolTeur  des  ficelles.  On  dit  piquer 
le  carton. 

Piquer  la  viande  y  {RotiJJeur.)  ce 
mot  fignifie  la  larder  proprement  ,  &  la 
couvrir  entièrement  de  petits  lardons  ou 
morceaux  de  lard  ,,  conduits,  également 
avec  la  lardoire. 

Piquer  ,  (  Serrurerie.  )  c'eft  tracer 
les  places  où  doivent  être  pofées  les  pièces 
&  garnitures  d'une  ferrure. 

Piquer  ,  n'efi  autre  chofe  en  terme 
de  Sucrerie  y  que  de  démonceler  à  coups 
de  pique  ,  veye\  PiQUE  ,  les  matières 
trop  mafiiquées  dans  le.bacà  fucre.  Voje\ 
Bac  a  sucre. 

Piquer,  {^même  manufaSiire.')  ell 
une  opération  par  laquelle  on  fait  des 
trous  dans  toute  l'étendue  de  la  terre  ,  & 
.  qui  en  traverfent  toute  l'épailTeur.  Plus  on 
fait  de  ces  trous,  plus  la  terre  fe  nettoie 
aifément. 

PlQUER  une,  futaille  ,  (  Tonnelier.  ) 
fe  dit  de  la  petite  ouverture  que  le  ton- 
ntlier  ,  le  marchand  de  vin,  ou  le  caba- 
retier  y  font  avec  le  foret ,  pour  eflayer  & 
goûter  lé  vin  ,  foit  pour  le  vendre ,  foitpour 
le  mettre  en  perce.  {  D.  J.) 
^  PIQUET  ,  f  m.  voyei  PïEU ,  (  Gram.  ) 
c'eft  un  bâton  pointu  par  un  bout  ,  gros 
&  long  à  proportion  de  la  réfiflanee  qu'il 
doit  faire  ,  félon,  l'ufage  auquel  il  éïl: 
deiliné. 

Piquet  ,  (  Archit.  &  Jardin.  )  on  ap- 
pelle piquet  en  architedure  &  jardinage, 
de.  petits  morceaux  de  bois  pointus  ,  qu'on 
enfonce  dans  la  terre  pour  tendre  des  cor- 
deaux ,  lorfqu'on  veut  planter  un  bâtiment 
ou  un  jardin.  On  nomme  taquets  y  hs  pi- 
quets qu'on  enfonce  à  tête  perdue  dans  là 
tejrre,  afin,  qu'on  ne  les  arrache- pas ,   & 


P  IQ 

qu'ils  fervent  de   repaires  dans  le  befoîn. 

(d.j.) 

Piquet  ,  en  terme  de  Fortification  , 
c'eft  un  bâton  pointu  par  un  bout  ,  que 
Pon  garnit  ordinairement  ,  ou  que  l'on 
arme  de  fer  :  en  allignant  les  piquets  lur  le 
terrain  ,  ils  fervent  à  en  marquer  les  diiié- 
rentes  mefures  &  les  difierens  angles. 

Il  y  a  auffi  de  grands  piquets  que  l'on 
enfonce  en  terre  pour  lier  enfemble  des 
fafcines  ou  des  fagots  ,  lorfqu'on  veut  faire 
quelque  ouvrage  fort  vite.  Il  y  en  a  de  plus 
petits  qui  ne  lèrvent  qu'à  joindre  les  faf- 
cines dont  on  fe  fen  dans  les  fappes  ,  loge- 
mens  ,  &  comblemens  dè'foirés. 
>  Piquets  fe  dit  auffi  de  bâtons  ou  de 
pieux.que  l'on  fiche  en  terre  dans  un  camp  , 
proche  les  tentes  des  cavaliers  ,  pour  y 
attacher  leurs  chevaux  ;  on  en  mef  aulC 
devant  les  tentes  des  fantaffins  ,  où  ils 
pofent  leurs  moufquets  ou  leurs  piques , 
qu'ils  pafient  dans  un  anneau. 

Quand  un  "cavalier  a  commis  quelque 
faute  confidérable ,  on  le  condamne  fou- 
Vent  à  la  peine  du  piquet  ,  qui  confifle  à 
avoir  une  main  tirée  en  haut  ,  autant 
qu'elle  peut  être  étendue  ,  ôc  de  fe  tenir 
ainfi  fur  Iq  pointe  d'un  piquet  y  appuyé 
uniquement  fur  les  doigts  du  pie  oppolë, 
de  forte  qu'il  ne  peut  fe  tenir  bien  ,  ni 
fè  fulpendre ,  ni  avoir  ia  commodité  de 
changer  de  pic.. 

.  Piquer  fe  dit  auffi  de  ces  Bâtons  qui 
ont  une  coche  vers  fe  haut,  auxquels" on 
attache  les  cordages  des  tentes.  Ainfi  plan- 
ter .le  piquet  y  ceû  camper.  Chambers, 
^  Piquet  ,  on  appelle  troupe  4i/-  piquet 
dans  l'infanterie.,  cinquante  hommes  tirés 
de  toutes  lés  coînpagnies  d^s  régimens  de 
l'armée  ,  avec  un  capitaine  ,  un  lieutenant 
&  un  fous-liéutenant  à  là  t^te.  Le  piquet 
de  la  cavalerie  efV  compofé  dé  20  ou  25 
maîtres  par  efcadron.  Les  foldats  ÔC  les 
cavaliers  de  piquet  font  toujours  prêts  , 
pendant- la  durée  de  leur  fèrvice  ,  qui  efî 
de  vingt  -  quatre  heures  ,  à  prendre  les 
armes  au  premier  commandement.  Dans 
là  cavalerie  ,  les  chevaux  de  ceux  qui  font 
de  piquet  lont  fellés  ,  la  bride  route  prête 
à  pafler  dans  la  tête  du  cheval ,  &  les 
armes  du  cavalier,  "toutes  préparées  pour 
fon  fervke..  * 


,      piq:  9-y 

Toutes  les  différentes  troupes  de  piqnet 
font  ce  qu'on  appelle  le  piquet  à  l'armée  ; 
il  fert  à  couvrir  le  camp  éts  entrcprifes 
des  ennemis ,  &  à  avoir  des  troupes  tou- 
jours en  état  de  s'oppofer  à  fès  attaques. 
A  l'année  il  y  a  chaque  jour  un  brigadier  , 
un  colonel  ,  un  lieutenant  colonel  &  un 
major  de  brigade  de  piquet.  Leu.r  fervice 
commence  les  jours  de  féjour  à  l'heure  que 
les  tambours  battent  l'afîèmblée  des  gar- 
des ;  &  dans  les  marches  lorfqu'on  affem- 
ble  les  nouvelles  gardes  qui  doivent  mar- 
cher avec  le  campement.  Ces  officiers  fè 
trouvent  à  la  tête  dés  piquets  ,  toutes  les 
fois  qu'on  les  afiemble  '-,  ils  doivent  faire 
chacun  leur  ronde  pendant  la  nuit ,  pour 
examiner  fi  tous  les  officiers-  &  foldats  de 
piquet  font  dans  l'état  où  ils  doivent  être. 
Ils  rendent  compte  le  lendemainaux offi- 
ciers généraux  de  jour ,  de  tout  et  qu'ils 
ont  oblervé  dans  leur  ronde,  {q) 

Piquet  ,  terme  de  Boulanger  ,  petit 
infîrumentde  fer  à  trois  pointes  ,  dont  les 
boulangers  qui  font  le  bifcuit  de  nrer  fe 
fervent  pour  piquer  le  deffous  de  leurs- 
galettes  ,  avant  que  de  les  mettre  au  four , 
afin  que  la  chaleur  pénètre  plus  facilement 
jufqu'au  centre  ,  &  en  chafîe  toute  l'hu- 
midité. Savary.  {  D.  J.) 

Piquet  ,  (  Mefure  de  contenance.  ) 
mefure  de  grains  dont  on  fe  {'en  en  quel- 
ques endroits  de  Picardie,  particulière- 
ment à  Amiens;  quatre  piquets  font  le 
fetier ,  qui  pefe  50  livres  ,  poids  de  Paris  , 
ce  qui  fait  12  livres  4  pour  chaque /^/^wff / 
fur  ce  pié,  il  faut  dix-neuf  piquets  j  ou 
quatre  fctiêrs  y  d'Amiens ,  pour  faife  un 
ferier  mefure  de  Paris.  (  D.  J.  ) 

Piquet  ,  terme  de  IXeJfinateur y  grofîe 
épingle  dont  fe  fervent  les  deffinateurs , 
quand  ifs  montrent  à  un  écolier  à  tracer-un 
plan.  {D.  J.) 

Piquets  ,  f^  m.  pi  (Cirerie.  )  ce  que 
les  blanchiffeurs  nofnment  des  piquets  y 
font  de  grandes  chevilles  de  plus  de  dix- 
huit  pouces- de  longueur,  qui  font  placées 
de  dfflance  en  diflance  autour  des  tables 
ou  quarrés  de  l'herberie  ;  ces  piquets  fer- 
vent à  relever  les  bords  des  toiles  où  l'on 
met  blanchir  la  cire.  Savary.  [  D.  J.) 

Piquet  ,  en  terme  de  Fondeurs  de 
cloches  y    eiï  un  pieu  .d«  fer  chî  de.  bei* . 


5,74.  P  I  Q.     , 

placé  au  centre  du  noyau  d'une  cloche  , 
qui  porte  '  la  crapaudine  du  compas  de 
conftrudion.  Vcye\  FONTE  DES  CLO- 
CHES. 

Piquet,  {Jardinage.)  k  piquet  ne 
diffère  du  falin  qu'en  ce  qu'il  eft  plus  pe- 
tit ,  n'ayant  que  deux  pies  de  long  tout 
au  plus.  Il  fcrt  également  à  aligner^  à 
bornoyer  &  à  tracer  les  diiFérentes  pièces 
qui  compofènt  les  jardins. 

Piquet  ,  (Jeu.  )  c'eft  un  jeu  auquel 
on  ne  peur  jouer  que  deux ,  &  le  jeu  ne 
doit  contenir  que  trente-deux  cartes  ,  de- 
puis l'as  qui  eft  la  preasiere  ,  jufqu'au  fèpt. 
Toute?*  les  cartes  valent  les  points  qu'elles 
marquent ,  excepté  l'as  qui  en  vaut  onze  , 
&  les  trois  figures  valent  dix  points  cha- 
cune. Quand  on  eft  convenu  de  ce  qu'on 
jouera  ,  on  voit  à  qui  mêlera  le  premier  ; 
quand  les  cartes  font  battues  &  coupées, 
celui  qui  donne  en  diUribue  douze  à  Ton 
adverfaire  &  à  lui  ,  deux  à  deux  ,  ou  trois 
i\  trois  ,  félon  fon  caprice  :  il  faur  continuer 
'dans  tout  le  cours  de  la  partie  par  le  nombre 
qu'on  a  commencé  ;  car  il  n'eft  pas  permis 
de  'changer  la  donne  ,  à  moins  qu'on  n'en 
avertiflé.  Si  celui  qui  donne  les  cartes  en 
donne  treize  à  fon  joueur  ou  à  lui  ,  il  eu 
libre  au  premier  en  carte  de  fe  tenir  à  fon 
jeu  ou  de  refaire;  mais  s'il  s'y  tient  lorl- 
qu'il  a  treize  cartes  ,  il  doit  laifler  les  trois 
cartes  au  dernier  ,  &  n'en  prendre  que 
quatre  ;  &  li  c'eft  le  dernier  qui  les  a  , 
il  en  prend  toujours  trois.  Si  l'un  des 
joueurs  fe  trouvoit  avoir  quatorze  cartes  , 
lî'importe  lequel^  il  faut  refaire  le  coup. 
S'il  y  a  une  carte  retournée  dans  le  talon  , 
le  coup  fera  bon  ,  fi  la  carte  tournée  n'ell 
pas  celle  de  delfus ,  ou  la  première  des 
trois  du  dernier.  Le  joueur  qui  tourne  & 
voit  une  ou  plufieurs  cartes  du  talon  de 
fort  adverfaire  ,  eft  condamné  à  jouer  telle 
couleur  que  fon  adverfaire  voudra  ,  s'il  ei\ 
premier  à  jouer.  La  première  chofe  qu'il 
faut  examiner  dans  fon  jeu  ,  c'eft  fi  l'on  a 
cartes  blanches  ;  fi  on  les  avoit ,  l'on 
comf)teroit  dix  même  avant  le  point  ;  ces 
dix  qu'on  compte  pour  les  cartes  blanches 
fervent  à  faire  le  pic  &  repic  ,  &  à  les 
parer.  Il  faut  ,  pour  compter  fon  point , 
Tes  tierces ,  &c.  les  avoir  étalés  fur  le 
tapis  ,  fans    cela  i'adverfaire   corapteroit 


P  I  Ci 

fon  jeu  ,  encore  qu'il  valût  moins  que  le 
vôtre.  Un  quatorze  fait  pafl'er  plufieurs 
cartes  qu'on  a  par  trois  ,  encore  que 
l'autre  joueur  ait  trois  cartes  plus  fortes  : 
le  quatorze  plus  fort  pafîè  devant  un  moin- 
dre ,  &  l'annulle.-  Le  principal  but  des 
joueurs  efl  de  gagner  les  cartes  ,  pour  lef- 
quelles  on  compte  dix  points  S'il  fe  trouve 
que  l'un  des  adverfaires  ait  plus  de  cartes 
qu'il  ne  faut ,  s'il  n'en  a  pas  plus  de  treize  , 
il  efl  au  choix  de  celui  qui  a  la  main  , 
de  refaire  ou  de  jouer  ,  félon  qu'il  lé 
trouve  avantageux  à  fon  jeu  ;  Se  lorfqu'il 
y  a  quatorze  cartes  ,  on  retait  néceffaire- 
ment. 

Qui  prend  plus  de  cartes  qu'il  n'en  a 
écarté  ,  ou  s'en  trouve  en  jouant  plus  qu'il 
ne  faut,  ne  compte  rien  du  tout  ,  &  n'em- 
pêche point  l'autre  de  compter  tout  ce  qu'il 
a  dans  fon  jeu. 

Qui  prend  moins  de  cartes  ,  ou  s'en 
trouve  moins,  peut  compter  tout  ce  qu'il 
a  dans. fon  jeu  ,  n'y  ayant  point  de  fautes  X 
jouer  avec  moins  de  cartes  ;  mais  fon 
adverfaire  compte  toujours  la  dernière. 
Qui  a  commencé  à  jouer,  &  a  oubhé  de 
compter  cartes  blanches  ,  le  point  ,  fes 
tierces  ,  Ê'c.  n'efl  plus  reçu  à  les  compter 
après  ,  &  tout  cet  avantage  devient  nul 
pour  lui. 

Lorfqu'avant  da  jouer  la  première  carte, 
on  ne  montre  pas  à  fadverfeire  ce  qu'on 
a  de  plus  haut  que  lui ,  on  le  perd  ,  &  il 
compte  fon  jeu  ,  pourvu  qu'il  le  compte 
avant  de  jouer  fà  première  carte. 

Il  n'efl  pas  permis  d'écarter  à  deux  fois, 
_c'efl-à -dire  ,  que  du  moment  que  l'on  a 
touché  te  talon ,  après  avoir  écarté  telle 
carte  ,  on  ne  peut  plus  la  reprendre.  Il 
n'efl  pas  permis  à  aucun  des  joueurs  de 
regarder  les  cartes  qu'il  prendra  ,  avant 
d'avoir  écarté  ;  celui  qui  ^  écarté  moins 
de  cartes  qu'il  n'en  prend  ,  &  s'apperçoit 
de  fa  faute  avant  que  d'en  avoir  retourné 
aucune  ,  efl  reçu  à  remettre  ce  qu'il  a  de 
trop  fans  encourir  aucune  peine ,  pourvu 
que  fon  adverfaire  n'ait  pas  pris  les  fiennes. 
Si  celui  qui  donne  deux  fois  de  fuite  recon- 
noît  fà  faute  auparavant  d'avoir  vu  aucune 
de  fes  cartes  ,  fon  adverfaire  fera  obligé  de 
taire  ,  quoiqu'il  ait  vu  fon  jeu.  Quand  le 
premier  accule  ce  qu'il  a  à  compter  dans 


p  I  a 

fon  jeu  ,  &  que  l'autre  ,  après  lui  avoir 
répondu  qu'il  eft  bon  ,  s'apperçoit  enfuite 
en  examinant  mieux  fon  jeu  ,  qu'il  s'eft 
trompé  ,  pourvu  qu'il  n'ait  point  joué  ,  eu 
reçu  à  compter  ce  qu'il  a  de  bon  ,  &  efface 
ce  que  le  premier  auroit  compté. 

Celui  qui  ,  pouvant  avoir  quatorze  de 
quelque  efj^ece  que  ce  loit ,  en  écarte  une  & 
n'accufe  que  trois ,  doit  dire  à  fon  adver- 
falre  quelle  efl  celle  qu'il  a  jetée  ,  s'il  le  lui 
demande.  » 

S'il  arrivoit  que  le  jeu  de  cartes  (è  ren- 
-4:ontrât  faux  de  quelque  manière  que  ce  fût , 
le  coup  feulement  feroit  nul ,  ks  autres 
précédens  feroient  bons. 

Si  en  donnîTnt  les  cartes  il  s'en  trouve 
tine  de  retournée  ,  il  faut  rebattre  &.  recom- 
mencer à  les  couper  ,    &    à  les  donner. 

S'il  fè  trouve  une  carte  retournée  au 
talon  ,  &  que  ce  ne  foit  pas  la  première 
ou  la  fixieme  ,  le  coup  efl  bon  :  celui  qui 
accufe  faux  ,  comme  de  dire  trois  as  ,  trois 
rois  ,  &c.  &  qui  ne  les  auroit  pas,  qui  joue 
&  que  fon  adverfaire  voit  qu'il  ne  les  a 
pas  ,  ne  compte  rien  du  coup  ,  &  l'autre 
compte  tout  Ion  jeu.  Toute  carte  lâchée  & 
qui  a  touché  le  tapis  efl:  cenfce  jouée  ;  fi 
pourtant  on  n'étoit  que  fécond  à  jouer  ,  & 
qu'on  eût  couvert  une  carte  de  fyn  adver- 
faire qui  ne  fût  pas  de  même  couleur  & 
qu'on  en  eût ,  on  pourroit  la  reprendre  & 
en  jouer  une  autre. 

Celui  qui  pour  voir  les  cartes  que  laiffe 
le  dernier  ,  dit ,  je'  jouerai  de  telle  cou- 
leur ,  pourroit  être  contraint  d'en  jouer  s'il 
ne  le  iaifoit  pas. 

Celui  qui ,  par  mégarde  ou  autrement , 
tourne  ou  voit  une  carte  du  talon  ,  doit 
jouer  de  la  couleur  que  fon  adverfaire 
Voudra  ,  autant  de  fois  qu'il  aura  retourné 
de  cartes. 

Celui  qui ,  ayant  laifîe  une  de  Ces  cartes 
du  talon  ,  la  mêle  à  fon  écart  avant  que  de 
l'avoir  montrée  à  fon  homme ,  peut  être 
obligé  de  lui  montrer  tout  fon  écart ,  après 
qu'il  lui  aura  nommé  la  couleur  dont  il  com- 
mencera à  jouer. 

Qui  reprend  des  cartes  dans  fon  écart , 
ou  eft  furpris  à  en  échanger  ,  perd  la  partie  ; 
qui  quitte  la  partie  avant  qu'elle  (oit  finie  , 
la  perd  ;  celui  qui  croyant  avoir  perdu  , 
brouille  (qs  cartes  avec  le  talon ,  perd  la 


partie  ,  quoiqu  il  s'apperçoive  enfuite  qu'il 
auroit  pu  la  gagner. 

Celui  qui ,  étant  dernier  ,  prendroit  les 
cartes  du  premier  avant  qu'il  eût  eu  le 
temps  d'écarter  ,  &  les  auroit  mêlées  à  fon 
jeu  ,  perdroit  la  partie. 

Quand  on  n'a  qu'un  quatorze  en  main 
qui  doit  valoir ,  on  n'eft  pas  obligé  de-dire  de 
quoi ,  on  dit  feulement  quatorze  ;  mais  lî 
l'on  peut  en  avoir  deux  dans  fon  jeu  &  que 
l'on  n'en  ait  qu'un  ,  on  eft  obligé  de  le 
nommer. 

PIQUETTE  ,{.{.{  Bourrelier.  )  fort^ 
de  pinces  aiguës  par  la  pointe ,  qui  eft  à 
l'ufage  des  bourreliers. 

Piquette  ,  (  Econom.  ruftiq.  )  mau- 
vais vin  deftiné  aux  valets  &  aux  pauvres 
habitans  de  la  campagne.  C'eft  de  l'eau 
jetée  fur  le  marc  du  raifin  ,  'qu'on  remet  en 
fermentation  ,  avec  quelques  pommes  fau- 
vages  &  des  prunelles. 

PIQUEUR  ,  f  m.  (  Archit.  )  c'cft  dans 
un  atteiier  ,  un  homme  prépofé  par  l'enrre- 
preneur,pour  recevoir  par  compte  \qs  maté- 
riaux, en  garder  les  tailles,  veiller  à  l'emploi 
du  temps,  marquer  les  journées  des  ouvriers, 
&  piquer  fur  Ion  rôle  ceux  qui  s'abfentent 
pendant  \cs  heures  de  travail,  afin  de  retran- 
cher de  leurs  falaires.  On  appelle  chaffavans, 
les  moindres  piqiieiirs  qui  ne  font  que  hâter 
les  ouvriers.  {D.  J.) 
^  PiQUEUR  ,  en  terme  d'epingUer,  eft 
l'ouvrier  qui  eft  chargé  de  piquer  les  papiers 
pour  les  épingles. 

PiQUEUR  ,  en  terme  de  cavalerie  ,  eft 
un  domeftique  deftiné  à  monter  les  chevaux 
pour  les  drelFcr  ou  les  exercer.  Il  y  a  àes  • 
piqueurs  à  gages  dans  les  écuries  confidé- 
rables  ,  &  des  piqueurs  qu'on  loue  pour  un 
certain  temps  ,  lorfqu'on  a  de  jeunes  che- 
vaux à  accoutumer  à  l'homme  :  cts piqueurs 
les  montent  aufli  dans  les  foires. 

PiQUEUR^  en  terme  de  rafinerie  y  eft 
un  gros  bâton  ferré  &  aigu  par  un  bout  & 
traverlé  par  en  haut ,  à  un  demi-pié  de  fon 
extrémité  ,  d'un  plus  petit  qui  forme  de 
chaque  côté  une  poignée  qui  facilite  l'opé- 
ration ;  il  fe  nomme  de  l'ufage  qu'on  en 
fait.   Voye:[  PiQUER  LA   TERRE. 

PiQUEUR ,  terme  de  chajfe  ,  ce  font 
des  gens  à  cheval ,  établis  pour  faire  chafïèr 
\ts  chiens. 


^7<^  P  I  Q. 

PIQUIER  ^f.  m.iAft  milit.  )  homme 
armé  d'une  pique. 

PIQUOISE  ou  PIQUOIS,  r.  f. 

(  Gravure.  )  c'eil  une  aiguille  enfoncée 
par  la  lètQ  dans  une  ente  de  pinceau  ou 
autre  petit  morceau  de  bois  ;  ce  qui  en  fort 
n'a  que  deux  ou  trois  lignes  au  plus  de 
longueur.  Ce  petit  infîrument  fert  aux 
peintres,  aux  évantaillifles  ,  aux  brodeurs , 
tapiffiers  &  autres  ouvriers,  à  piquer  le  trait 
de  leur  deffin  ,  pour  pouvoir  enfuite  le 
poncer  avec  la  ponce.  Voye\  PONCEE.  & 
Ponce. 

PIQUURE  ,  terme  de  chirurgie ,  plaie 
faite  par  un  inftruraent  piquant.  Les  panaris 
ont  prefque  toujours  pour  caule  une 
piquure  d'aiguille  ;  les  piquures  ibnt  ordi- 
nairement plus  dangereuies  que  les  plaies 
plus  étendues  faites  par  inftrument  tran- 
chant. Le  féjour  du  fang  dans  le  trajet  de 
la  diviiion  ,  peut  donner  lieu  à  des  abcès  ; 
s'il  y  a  quelque  partie  ncrveufe  de  piquée  , 
il  en  réfulre  quelquefois  les  accidens  les  plus 
graves ,  tels  que  la  douleur ,  la  teniion 
inflammatoire  ,  le  fpafme  de  la  partie  ,  les 
convuliions  de  tout  le  corps  :  la  fièvre 
s'allume  ,  &  l'étranglement  de  la  partie 
la  fait  tomber  en  gangrené.  Ainii  la  réunion 
des  parties  divifées ,  qui  eft  le  but  auquel 
l'art  dpit  tendre  dans  toute  (olution  de  con- 
tinuité contre  l'ordre  naturel  ,  ne  peut  être 
obtenue  primitivement  dans  les  piquures 
qui  font  accompagnées  de  quelque  accident  ; 
il  faut  pour  y  remédier  faire  cefler  le  défor- 
dre  local  qui  conlifte  dans  la  tenfion  &  le 
tiraillement  des  fibres  bleîTées ,  une  inciiion 
fuffit  dans  les  cas  fîmples.  Les  anciens 
brûloient  toute  l'étendue  d'une  plaie  où  un 
nerf  avoit  été  piqué ,  avec  de  l'huile  de 
térébenthine  bouillante  :  cette  cautérifation 
faifoit  cefler  les  accidens  ,  comme  on 
détruit  la  douleur  de  dents  ,  en  brûlant 
avec  un  fer  rouge  ,  le  nert  qui  efl:  à  décou- 
vert par  la  carie  :  lorfque  la  cautérifation 
ne  réuflilfoit  pas  ,  on  n'héfitoit  point  à  fiire 
des  incifions  tranfveriales  pour  couper  abfo- 
lument  les  parties  dont  la  tenfion  étoit 
l'origine  de  maux  formidables. 

La  piquure  ou  morfure  des  animaux 
venimeux  a  des  fuites  très-funefl:es ,  tant 
par  la  qualité  délétaire  du  poifon  ,  que  par 
la  blefîlire  des  parties  nerveufes.  Dans  les 


pays  où  la  morfure  des  animaux  venhnffuK 
eft  la  plus  dangereufe  ,  comme  en  Afrique  j 
les  habitans  ne  fe  guérifl^ent  que  par  des 
applications  extérieures  ;  les  fecours  de 
l'art  ont  toujours  été  dirigés  dans  la  vue 
d'empêcher  le  venin  de  s'étendre  ^  &  de  lui 
ouvrir  une  ifllie  au  dehors  ;  c'elt  ce  qui  a 
tait  prefcrire  de  fortes  ligatures  au  deflus 
de  la  blefllire  ,  &  de  laver  promptement  la 
plaie  avec  de  l'urine  ou  de  l'eau  falée  ,  de 
f  eau-de-vie  ,  du  vin  chaud,  du  vinaigre, 
dans  laquelle  lotion  on  faifoit  diflbudre  de 
la  plus  vieille  thériaque  qu'on  pouvoit  trou*- 
ver  ;  le  malade  y  tiendra  la  partie  piquée 
afléz  de  temps ,  &  la  liqueur  doit  être  la 
plus  chaude  qu'il  pourra  la  fupporter  :  on 
applique  enfuite  de  la  thériaque.  Ambroife 
Paré  dit  qu'il  n'%  jamais  manqué  de  guérir 
ceux  qu'il  a  traités  ainli ,  à  moins  que  le 
venin  n'eût  déjà  gagné  les  parties  nobles. 
Pour  attirer  le  venin  ,  il  recommande  l'ap- 
phcationdes  animaux  ouverts  tout  vivans, 
&  enfin  la  cautérifation  pour  conferver  & 
détruire  la  partie  infedée.  Les  cordiaux 
alexipharmaques  étoient  prelcrits  pour  l'in- 
térieur ,  dans  l'intention  de  pouffer  le  viru? 
au  dehors. 

Ce  traitement  a  fans  doute  eu  fouvent 
le  fuccès  qu'on  en  efpéroit  :  (\ts  peribnnes 
très-robufles  ont  pu  réfiffer  à  l'adion  des 
remèdes  chauds  pris  intérieurement ,  d'au-* 
très  s'en  font  très-mal  trouvés  ;  ilfaut  fuivre 
les  indications  particulières  que  l'état  des 
chofes  préfènte ,  &  êtr^  inflruit  par  l'expé- 
rience qui  conduit  dans  ces  cas  mieux  que 
le  raifonnement. 

I-a  morfure  des  chiens  enragés  caufe 
rarement  des  accidens  primitifs  ,  &  les 
plaies  qui  en  réfliltent  le  guériffent  ailé- 
ment  :  cela  n'empêche  pas  que  vers  le  qua- 
rantième jour  de  la  blefllire  ,  ceux  qui  onç 
été  mordus  ,  ne  foient  attaqués  d'hydro- 
phobie ,  maladie  cruelle ,  dont  on  guérit 
par  les  antifpafmodiques.  Voye\  Hydro- 
PH0I3IE  Ù  Rage.  Le  venin  qui  caufè  cts, 
accidens  a  une  nature  particuhere,  &  (ts 
effets  font  différcns  de  tout  autre  venin 
connu.  Des  obfervations  aflez  bien  conf^ 
tatées  femblent  faire  croire  que  11  on  eût 
dilaté  &  cautérifé  les  plaies  ,  on  auroit 
pu  prévenir  l'hydrophobie  ;  les  fridions 
mercurielles  ^   dans  l'intervalle  du   temps 

qui 


P  I  R 

4uî  Ce  pa(Te  en      la  morfure  &:  la  manîfef- 
tarioa  des  fymptomes  de  la  rage  ,  peuvei, 
détruire  le  principe  ven'meux  ;  &  les  an 
tirpafmoJiques  ont  reuflî  \  guérir  la  rag. 
caraélérifée.    yoye:^  un   cjfai  fur   l'hydr 
phobie  y  par  le   ao6teur  Nugent ,  trriduit 
en  François,  &  qu'on  trouve  chez  Cavelier. 
•    La  morfure  des  vipères  ne  donne  pas  tant 
de  délai  ;  en  peu  d'heures  les  per^nnes 
mordues  fouflfrenc  des  anxiétés  mortelles, 
le  teint  devient  jaune,  elles  vomiflcnt  delà 
bile  verte  ;  le  membre  piqué  devient  dou- 
loureux ,   fe  gonfle  prodigieufement ,  & 
devient  noir. 

L'alkali  volatil  a  été  découvert  par  M. 
de  Juffiey ,  comme  un  (pacifique  contre 
le  venin  de  la  vipère  ;  mais  on  n'a  pas  de 
meilleur  remède  que  de  faire  tremper 
promprement  la  partie  bleflec  dans  de 
l'huile  d'olive  chaude  :  c'eft  un  fpécifique 
éprouvé,  qui  guérit  comme  par  enchan- 
tement ,  en  fiifant  cefler  les  accidens  qui 
paroi  (lent  être  produits  par  Padlion  du  venin 
fur  les  parties  vitales.  V.  les  obfervations  de 
M.  Pouteau,  célèbre  chirurgien  de  Lyon  , 
dansAi  ouvrage  qu'il  a  publié  en  1760, 
fous^  titre  de  mélanges  de  chirurgie,  (l^) 

PiQUURE  ,  terme  d* ouvrières  ;  orne- 
mens  que  l'on  fait  fur  une  étoffe  par  com- 
partiment &  avec  fymmétrie  ,  en  la  piquant 
&:  coupant  avec  un  emporrc-piece  de  fer 
tranchant.  C'eft  auffi  un  corps  de  femme 
piqué  par  le  tailleur ,  avant  qu'il  foit  cou- 
vert d'étoffe.  (  D.  7.  ) 

PiQ^uuRE,  terme  de  couturières  ;  corps 
de  toile  garni  de  baleine  &:  piqué ,  qu'on 
met  aux  enfans  pour  leur  confcrver  la 
taille  ;  mais  pour  y  réulTîr ,  il  faut  tourner 
tous  les  jours  ces  fortes  de  corps. 

PIQUITINGA  ,  (  Ichtyologie.  )  petit 
poilTon  des  rivières  du  Brelil  ;  il  eft  à  peine 
de  deux  pouces  de  long;  fes  yeux  gros  & 
noirs  ont  l'iris  blanc  ;  il  a  fix  nageoires, 
outre  la  queue  qui  eft  fourchue.  Sa  bouche 
paroit  fort  petite;  fa  tête  eft  d'un  blanc 
argentin  ;  fon  dos  eft  olivâtre  ;  ion  ventre 
eft  couvert  d'écaillés  argentines  ;  fes  n.T- 
geoires  font  routes  blanches ,  &:  les  larg.- 
raies  qu'il  a  fur  les  côtés  font  extrêracraei, 
brillances. 

PIRAEMBU,  (H/'?,  nat.^  poiffon  dt 
mers  du  Brefil  ,  qui  reifemble  à  celui  que 
Tome  XXV. 


P  I  R  977 

les  François  des  îies  d'Amérique  ont 
ippellé  ronfleur ,  à  caufe  du  bruit  qu'il 
•"Ut.  Il  eft  de  huit  ou  neuf  pies  de  lon-« 
'^ueur  ;  (à  chair  eft  très -bonne  à  manger. 
'i  a  dans  la  gueule  deux  os  fort  durs,  dont 
d  fe  fèrt  pour  brifer  les  coquillages  ^  qui 
font  fa  nourriture  ordinaire. 
^  PIR  AGUERA  ,  (  Ichtyologie.  )  poiAToiî 
d'Amérique.  M.  Frezier  dit  qu'il  eft  long 
de  quatre  à  cinq  pies,  délicat,  de  la  figure 
de  la  carpe ,  &  couvert  de  grandes  feuilles 
rondes;  c'eft  à-peu-prcs  ne  rien  dire  pour 
le  faire  conno'^trc  :  on  ne  lit  dans  les  voya- 
geurs que  des  defcriptions  de  cette  nature, 
qui  n'inftruifcnt  de  rien.  (  2>.  /.  ) 

PIRANO,  (  Géog.  mod.)  ville  d'Italie 
dans  l'iftrie ,  environ  à  14  milles  de  Capo 
d'Iftria  ,  en  tirant  vers  le  midi  occidental. 
Elle  eft  fur  une  petite  prefqu'île  formée 
par  le  golfe  Largone  &  celui  de  Triefte. 
Les  Vénitiens  en  font  les  maîtres  depuis 
1583.  long.  21  y  4^;  lat.  45  ,  48. 

PIRATE  ,  f.  m.  (  Marine.  )  On  donne 
ce  nom  à  des  bandits ,  qui ,  maîtres  d'un 
vaiftcau ,  vont  fur  mer  attaquer  les  vaif- 
feaux  marchands  pour  les  piller  &  les  yoler. 
Ils  fe  retirent  pour  l'ordinaire  dans  des 
endroits  écartés  &:  peu  fréquentés ,  oîi  ils 
puilîènt  être  à  l'abri  de  la  punition  qu'ils 
méritent. 

On  aura  de  la  peine  à  croire  que  hi  pira- 
terie ait  été  honorable  ,  &  l'emploi  des 
Grecs  &:  des  Barbares ,  c'eft-à-dire ,  des 
autres  peuples  qui  cherchoient  des  établif. 
femens  fixes  ,  &  les  moyens  de  fubfifter. 
Cependant  Thucydide  nous  apprend,  dès 
le  commencement  de  fon  hiftoire  :  "  que 
"  lorfque  les  Grecs  &  les  Barbares,  qui 
»  étoient  répandus  fur  la  côte  &  dans 
"  les  îles ,  commencèrent  à  trafiquer 
"  enfemble  ,  ils  firent  le  métier  de  pirates 
»  fous  le  commandement  des  principaux , 
"  autant  pour  s'enrichir .  que  pour  fournir 
"  à  la  fubfiftance  de  ceux  qui  ne  pouvoient 
'>  pas  vivre  par  leur  travail;  ils  attaquoient 
»  les  bourgs,  les  villes  qui  n'étoient  pas 
-  en  état  de  fe  défendre ,  &  les  pilloient 
»>  entièrement  :  en  forte  que  par  ce  moyen , 
>  qui,  bien  loin  d'être  criminel ,  pafibit 
pour  honor^îblc  ,  ils  fubfiftoient  &  fai- 
'  foient  fubfi!>er  leur  nation.  »  _ 
L'hiftorien  ajoute  que  l'on  voyoit  encore 
Hhhhhh 


57?  P  I  R 

des  peuples  de  la  rerre ,  qui  faifoient  gloire 
du  pilbge  j  &c  dans  les  anciens  poèmes ,  on 
voit  de  même  que ,  lorfqu'on  rencontroit 
dans  le  cours  de  la  navigation  quelque  na- 
vire ,  ils  fe  demandoient  réciproquement 
s'ils  étoient  pirates.  Mais  il  y  a  apparence 
que  le  métier  de  pirate  n'a  pas  été  long- 
temps un  métier  honorable  ;'il  eft  trop  con- 
traire à  toutes  fortes  de  droits,  pour  n'être 
pas  odieux  à  tous  les  peuples  qui  en  fouf- 
frent  des  dommages  confidérables. 

On  convient  que  les  Egyptiens  èc  les 
Phéniciens  commencèrent  à  exercer  le 
commerce  par  la  voie  de  la  mer  ;  les 
premiers  s'emparèrent  de  la  mer  Rouge  , 
Se  les  autres  de  la  Méditerranée,  fur  la- 
quelle ils  établirent  des  colonies ,  Se  bâti- 
rent des  villes  qui  ont  été  depuis  fameufesj 
ils  y  tranfporterent  l'ufage  de  la  piraterie  & 
du  pillage  ;  &  quoiqu'on  ait  fouvent  tâché 
de  les  détruire ,  comme  étant  des  voleurs 
publics  dignes  des  plus  cruels  fupplices, 
ils  Te  trouvèrent  en  fi  grand  nombre  fur 
la  Méditerranée ,  qu'ils  fe  rendirent  redou- 
tables aux  Romains  qui  chargèrent  Pompée 
de  les  combattre. 

On  méprifa  d^abord  des  gens  errans  fur 
la  mer ,  fans  chef,  fans  difcipline  :  la  guerre 
contre  Mithridate  étoit  un  objet  plus  pre*'- 
£ànt ,  &  occupoit  entièrement  le  fénat,  qui 
d'ailleurs  étoit  divifé  par  les  brigues  des 
principaux  citoyens.  En  forte  que  les  pi- 
rates profitant  de  l'occafion ,  s'agrandirent 
&  s'enrichirent  par  le  pillage  des  villes 
lituées  fur  le  bord  de  la  mer ,  &c  par  la 
prife  de  ceux  qu'ils  rencontroient.  Plutar- 
que  a  même  remarqué  que  des  perfonnes 
confidérables  par  leurs  richeiles  &  par  leur 
naifTànce ,  armèrent  des  vaiffeaux ,  où  ils 
s'embarquèrent  &  fe  firenr/j/r/2/e^ ,  comme 
il  par  la  piraterie  on  pouvoir  acquérir  beau- 
coup de  gloire. 

Il  faut  avouer  que  de  la  manière  dont 
Plurarquc  nous  décrit  la  vie  des  corfaires , 
il  n'eft  pas  fur  prenant  que  des  perfonnes 
riches-,  &  même  d'une  famille  illufère, 
aient  pris  leur  parti.  Leurs  vaiflèaux  étoient 
magnifiques,  l'or  &  la  pourpre  y  éclatoient 
de  toutes  parts,  leurs  rames  même  étoient 
argentées;  &  s'étant  rendus  maîtres  d'une 
pan  ie  de  la  côte  maritime ,  ils  defcen- 
^4piem  pour  fe  repofer ,  &  tâchoiem  de  fc 


P  I  R 

dédommager  de  leurs  fatigues  par  toutes 
fortes  de  débauches.  On  n'entendoit ,  dit 
Plutarque ,  tout  le  long  de  la  cote ,  que 
des  concerts  de  voix  &  d'iiiftrumens  ;  &. 
ils fbutenoient  les  dépenfes  qu'ils  faifoient,. 
par  les  grofles  rançons  qu'ils  exigeoient  des 
perfonnes  d<.  des  villes ,  &  même  par  le 
pillage  des  temples.  « 

Les  Romains  commençant  à  fe  refTèntir 
du  voifinage  des  pirates ,  qui  caufoient 
une  difette  de  denrées  Se  une  augmen-^ 
tation  de  prix  à  toutes  chofes ,  on  réfolut 
de  leur  faire  la  guerre ,  &  l'on  en  donna 
la  commiiïion  à  Pompée ,  qui  les  diflipa 
dans  l'efpace  de  40  jpurs,  &  les  détruifit 
aifément  par  la  douceur;  au  lieu  de  les» 
faire  mourir ,  il  les  relégua  dans  le  fond 
des  terres,  &  dans  des  lieux  éloignés  des, 
bords  de  la  mer.  C'eft  ainfi  qu'en  leuc 
donnant  moyen  de  vivre  fans  piraterie,., 
il  les  empêcha  de  pirater,  (£>.  /.  ) 

PIRATER,  {Marine.)  Ct^  faire  le 
métier  de  pirate. 

PIRA.UTOAH  y  (  Hifl.  nat.  )  poiffon 
du  genre  des  orbes ,  qui  fe  trouve  dans  les 
mers  du.Brefil;.ileft,  dit-on,  d'unqArme 
monftrueufe  ;  il  a  deux  cornes  oRufcs 
recourbées  en  arrière  ;  fa  queue  eft  faite  en 
fpatule  ;  fes  lèvres  font  épaiftes ,  &  fà 
gueule  s'ouvre  d'une  manière  hideufe. 

PIRE,  adj.  (Gram.)  degré  comparatif 
de  mauvais.  Les  hommes  fe  plaignent  tou-*. 
jours  que  le  temps  préfent  eft  pire  que 
le  temps  pafté.  Il  y  a  des  hommes  qui 
croient  au  fond  de  leur  cœur ,  8c  qui  font 
tout  pour  paroître  incrédules  ;  ils  font 
pires  qu'ils  ne  paroiftènt:  d'autres,  au  con- 
traire ,  font  incrédules  au  fond  de  leur  cœur». 
&  ils  affectent  la  croyance  commune  ;  il$ 
tâchent  de  paroître  meilleurs  qu'ils  ne  font. 

PIREE  (  le  ) ,  Géogr.  anc.  mvfa.ist 
ou  'TTiii'etitof ,  de  'TTiiçSiv ,  traverfer ,  faire  un 
trajet ,  en  latin ,  pirœus ,  par  les  Grect 
modernes ,  Torto-draco ,  &  par  les  Francs  ^ 
Porto-Zione. 

Je  doute  qu'il  fc  trouve  aucun  lecteur 
de  l'Encyclopédie  qui  prenne  avec  le  fînge 
de  la  Fontaine ,  le  Pirée  pour  un  nom 
d'homme  ;  perfonnc  n'ignore  que  c'étoit 
le  port  de  la  ville  d'Athènes.  Mais  il  y 
a  bien  des  chofes  à  eii  dire ,  que  tout  fe 
inonde  ne  fait  pas,. 


Le  port  de  Phalere  ne  Te  trouvant  nî 
afièz  grand,  ni  afl'ez  commode,  on  fit  un 
triple  port  d'après  Tavis  de  Thémidocle; 
&  on  Pentoura  de  murailles  :  de  forte  qu'il 
égaloit  la  ville  en  beauté ,  &  la  furpallbit 
en  dignité  ;  c'eft  Cornelius-Nepos  qui  parle 
ainfi.  Il  eft  certain  que  Thémiftocle  eut 
raifbn  de  préférer  le  port  de  Pirée  à  celui 
de  Phalere  ;  car  il  forme  par  Tes  courbures 
trois  ports  que  l'ancrage ,  l'abri  &  la  ca- 
pacité rendent  excellens.  Son  entrée  eft 
étroite  ;  mais  quand  on  eft  dedans ,  il  eft 
de  bonne^ tenue,  bien  fermé,  fans  rocher 
ni  brifans  cachés.  Quatre  cents  bâtimens, 
félon  Strabon ,  y  pouvoient  mouiller  fur  9 , 
lo  à  12  bradés;  cependant,  aujourd'hui 
que  nos  vaifteaux  font  de  vaftes  machines, 
il  paroît  que  40  auroient  de  la  peine  à 
s*/  ranger. 

Des  trois  ports ,  celui  du  milieu  eft  pro- 
prement le  Porto-Lione.  On  voit  encore 
lur  des  rochers  dans  la  mer  quelques  piles 
de  pierres  qui  foutenoient  la  chaîne  pour  le 
fermer.  Dans  fon  enfoncement ,  il  y  a  un 
moindre  balîîn  où  fe  retirent  les  galères. 
C'eft  ce  que  les  Italiens  nomment  darfe. 
Les  anciens  appelloient  un  des  trois  ports 
Aphrodion ,  à  caufe  du  temple  de  Vénus , 
qui  étoit  tout  procl-ie;  ils  nommoient  le 
fécond  Cantharon ,  à  caufe  du  héros  Can- 
tkarus  ;  &  le  troifieme  Zéna  y  parce  qu"'il 
étoit  deftiné  à  décharger  du  blé, 

La  première  chofe  que  nous  fîmes  en 
prenant  terre ,  dit  M.  de  la  Guilletiere  , 
ce  fut  de  maudire  les  Romains  &  le  bar- 
bare Sylla  ,  qui  ,  après  avoir  faccagé  la 
ville  d'Athènes ,  ruinèrent  aulTi  le  Pirée. 
Nous  vîmes  donc  avec  un  fenfîble  déplaifir, 
la  défolâtion  &  la  folitude  de  Porto-Lione. 
Nous  nous  demandâmes  l'un  à  l'autre  des 
nouvelles  des  temples  célèbres  de  Jupiter, 
de  Minerve  &  de  Vénus  ;  de  ces  cinq 
portiques  ,  qui ,  ayant  été  joints  l'un  à 
l'autre  ,  furent  appelles  Macra  Stoa ,  à 
l'exemple  d'un  pareil  qui  étoit  à  Athènes  ; 
de  ce  théâtre  de  Bacchus,  dont  Thucydide 
&  Xénophon  ont  parlé  ;  de  cette  grande 
place  publique,  appellée  la  place  d' Hip- 
podame ,  &  de  la  fameufe  bibliothèque  du 
curieux  ApoUicon ,  où  l'on  trouvoit  ces 
incomparables  exemplaires  que  l'on  ne 
connoit  plus ,  que  par  le  déiiombrement 


P  I  R  5>7<^ 

qu'en  a  fait  Diogene  Laërce.  Quelle  perte  -» 
6c  quelle  douleur  pour  les  gens  de  lettres! 

Nous  nous  demandions  le  tribunal  phréat- 
tys ,  remarquable  par  la  féance  de  fes 
juges,  qui,  dans  les  caufes  criminelles, 
fe  venoient  placer  fur  le  bord  de  la  mer; 
&  par  le  privilège  des  coupables  qui  étoient 
montés  fur  ua  vaiftèau  quand  on  les  inter- 
rogeoit. 

Enfin ,  nous  demandions  tous  ce  fuperbe 
arfenal  de  marine ,  qui  étoit  un  chef- 
d'œuvre  de  l'inimitable  archiceéle  Philon  ; 
ces  admirables  couverts  où  l'on  mettoic 
.les  galères  à  l'abri  :  il  nous  falloir  bien 
faire  ces  queftions  l'un  à  l'autre,  puisqu'il 
ne  s'y  trouve  pas  préfèntemcnt  un  feul 
habitant. 

Où  eft  le  temps  où  l'on  voyoit  partir  de 
ce  port  jusqu'au  nombre  de  quatre  cents 
vaiftèaux  à  la  fois,  &:  qu'un  grand  peuple 
d'un  coté ,  &  une  infinité  de  matelots  de 
l'autre,  fe  crioient  réciproquement  en  fe 
I  quittant  agati  wkiy  bonne  aventure  ;  euploïa^ 
bon  yoY3.gey  pronoiafo[ou:^a ,  que  la  provi- 
dence nous  conferve!  Que  font  devenus, 
difions  -  nous ,  tant  de  thalaflîarques  ou 
chefs  d'efcadres,  &c  ces  deux  magiftrat» 
qu'ils  nommoient  apôtres ,  &  que  nous 
appelions  intendans  de  la  marine  ?  Enfin ,  oà 
font  tous  lestriérarquesou  riches  bourgeois , 
qui  étoient  obligés  de  conftruire  &  d'équi- 
per à  leurs  dépens  un  certain  nombre  de 
vailleaux  à  proportion  de  leurs  richeftès? 

Le  Pirée  a  eu  la  gloire  d'avoir  vu  dans 
l'enceinte  de  lès  murailles  quelques-unes 
des  premières  écoles  de  philofophie  qui 
aient  été  dans  l'univers.  Ce  fut  au  Pirée 
qu'Antifthene  forma  la  fecle  àts  Cyniques. 
On  leur  donna  ce  nom  à  caufè  du  faux.- 
bourg  d'Athènes  appelle  Cynofarges ,  où 
les  Cyniques  vinrent  s'établir  en  quittant 
le  Pirée. 

On  voit  au  Pirée  un  beau  lion  de 
marbre ,  qui  a  donné  le  nom  de  Porto- 
Lione  à  ce  fameux  port.  Le  lion  ouvre  k 
gueule  du  côté  de  la  mer.  Il  eft  repréfenté 
comme  rugiflànt,  &  prêt  à  s'élancer  fur 
les  vaiftèaux  qui  y  mouillent.  On  voit  en- 
core le  long  du  rivage  quantité  de  groftès 
pierres  de  taille ,  employées  autrefois  aux 
murailles  anciennes  qui  joignoient  le  Pirée 
à  la  ville i  elles  font  cubiques ,  &  ccllcg 
H  h  h  h  h  h  z 


no         p  I  R 

6es  fondemens  font  jointes  par  des  cram- 
pons de  fer.  C'eft  un  ouvrage  de  fortifi- 
cation que  les  Athéniens  firent  faire  pen- 
dant la  guerre  du  Péloponefe  ;  &  ce 
vieux  débris  eft  une  des  plus  grandes 
jnarques  qui  nous  reftent  de  la  richefle , 
de  la  magnificence  &  de  la  fage  précau- 
tion des  anciens  Athéniens.  Mais  ce  qu'on 
voyoit  autrefois  de  plus  merveilleux  dans 
la  fortification  du  Pirée  ,  c'étoit  cette 
fameufe  tour  de  bois  que  Sylla  ne  put 
jamais  brûler  ,  parce  que  le  bois  employé 
à  fa  confîrudion ,  avoit  été  préparé  avec 
une  compofition  d'alun ,  que  les  flammes 
&  les  feux  d''artifice  ne  pouvoient  endom- 
mager; le  tem.ps  en  eft  venu  à  bout. 

Le  tornbeau  de  Thémiftocle  qui  bâtit 
le  Pirée,  ctoit  le  long  de  la  grande  mu- 
raille; on  ne  fait  plus  dans  quel  endroit; 
car  il  faudroit  être  bien  éclairé  pour  aflurcr 
que  c'eft  un  grand  cercueil  de  pierre,  qui 
eft  à  environ  cent  pas  du  port,  proche 
de  quelques  grottes  taillées  dans  le  roc, 

A  moitié  chemin  de  Pirée  à  Athènes , 
il  y  a  un  puits  entouré  de  quelques  oli- 
viers ;  mais  il  eft  trop  profond  pour  fc 
perfuader  que  ce  foit  la  fontaine  qui  étoit 
près   d'un  petit  temple  dédié  à  Socrate. 
lin  un  mot,  il  ne  refte  plus  rien  de  la 
-  ville  du  Pirée ,  ni  de  ces  beaux  portiques 
décrits  par  Paufanias.   Le   feul   bâtiment 
qu'on  y  trouve   eft  une  méchante  halle 
bâtie    par   les    Turcs    pour   recevoir    les 
marchandifes  &c  les  droits  de  la  douane. 
Quoique  l'entrée  du  Pirée  foit  étroite, 
de  forte  qu'à  peine  il   pourroit  y  pafler 
deux  galères  à  la  fois ,  cependant  quand 
on  eft  dedans,  il  a  bon  fond  par -tout, 
»         fi  ce  n'eft  dans  un  de   fes  enfoncemens 
qui  étoit  peut-être  comme  une  darfe  pour 
les  galères ,  &  qui  eft  prefque  tout  comblé. 
Il  eft  de  bonne  tenue  &  bien  fermé  ^  ce 
qui  le  rend  plus  confidérable ,   c'eft  que 
quand  même  les  vaifleaux  fcroient  portés 
à  terre  par  quelque  tempête  ,  ils  ne  fe 
romproient   pas ,   parce   qu'il   y  a   affèz 
d'eau  ,  &  qu'il  n'y  a  point  de  rochers  ôc 
de  brifans  cachés;  ce  que  l'on  a  vu  par  l'ex- 
périence de  cinq  vaifleaux  anglois  qui ,  dans 
le  dernier  fiecle ,  eurent  tous  leurs  cables 
rompus  dans  une  nuit  par  une  bourafque. 
En  revenant  du  Pirée  à  Athènes ,  on 


P  I  R 

voit  prefque  tout  le  long  du  chemin  îes 
fondemens  de  la  muraille  qui  joignoit  le 
Pirée  à  la  ville ,  &  qui  fut  détruite  par 
Sylla.  On  VâppeWoïz  macrû-teichi ,  c'eft-à- 
dire  ,  les  longues  murailles  ;  car  elles  n'a- 
voicnt  pas  moins  de  cinq  milles  de  lon- 
gueur, puifqu'il  y  en  a  autant  depuis  \» 
port  de  Pirée  jufqu'à  Athènes. 

Je  rentre  dans  ce  port  pour  y  parler 
de  fon  marché,  où  l'on  trou  voit  tant  de 
denrées  ,  qu'au  rapport  d'Ifocrate ,  le 
Pirée  feul  en  fournifloit  plus  de  toute 
efpece  que  tous  les  autres  ports  de  la  Grèce 
eniemble  n'en  fourniflbicnt  d'une  feule.  Il 
y  avoit  dans  ce  port,  outre  cinq  galeries 
couvertes  ,  un  lieu  où  Ton  étaloit  les 
marchandifes,  &  qui,  par  cette  rai  fon  , 
s'appelloit  àuyfjLo, ,  comme  qui  diroit  le 
lieu  de  la  montre ,  ds  l'étalage.  Les  Athé- 
niens tenoient  au  Pirée  une  garnifon  pour 
éloigner  les  corfaires  &  pour  obvier  aux 
délordres.  Divers  magiftrats  y  réfidoient 
aufli  afin  d'y  maintenir  la  police,  l'ame  du 
commerce  ,  &  de  couper  le  chemin  aux 
petits  différends  inévitables  dans  une  foule 
d'acheteurs  &  de  vendeurs.  La  bonne  foi, 
par  ce  moyen  ,  régnoit  à  tel  point  dans 
le  Pirée,  que,  félon  Ariftote,  les  habitans 
du  fauxbourg avoient ,  contre  la  coutume, 
l'efprit  plus  doux  &  plus  traitable  que  ItfS 
habitans  de  la  ville. 

C'eft  au  Pirée  que  fe  noya,  l'an  29} 
avant  J,  C.  à  çi  ans,  l'aimable  Ménandre, 
difciple  de  Thiophrafte ,  célèbre  poète 
comique ,  &  l'un  des  plus  beaux  efprits  de 
l'ancienne  Grèce.  On  le  nomma  le  prince 
de  la  nouvelle  comédie  ;  ÔC  tous  les  auteurs 
grecs  &  latins  citent  fes  pièces  avec  éloge. 
Il  compofa  108  comédies,  dont  il  ne  nous 
refte  çà  ôc  là  que  de  cours  fragmens ,  qui 
ont  été  recueillis  par  M.  le  Clerc.  Plu- 
tarque  préféroit  les  pièces  de  Ménandre  à 
celles  d'Ariftophane  ,  ôc  vraifemblable- 
ment  Térence  penloit  de  même. 

J'ai  déjà  indiqué  d'où  viennent  les  noms 
de  Porto -Draco  ôc  Porto- Lione  ,  donnés 
par  les  Grecs  ôc  par  les  Francs  au  Pirée  ; 
ces  deux  noms  viennent  d'un  beau  l'on  de 
marbre  de  dix  pies  de  haut,  trois. fois  plus 
grand  que  nature  ,  qui  eft  fur  le  rivage 
au  fond  du  port.  Il  eft  affis  fur  ^on  der- 
rière ,  la  tête  fort  haute ,  percée  par  un 


P  I  R 

trou  qui  repond  à  la  gueule  ;  &  à  la  marque 
d'un  tuyau ,  qui  monte  le  long  du  dos  , 
on  connoit  qu'il  fervoit  à  une  fontaine, 
comme  celui  qui  eft  proche  de  la  ville. 

Pour  éviter  toute  équivoque  en  géo- 
graphie ,  je  dois  obfervcr  en  finiilant,  que 
le  mot  Pirée ,  Piraus  ,  eft  encore  le  nom 
du  peuple  de  la  tribu  Hippothoontide.  Enfin 
Etienne  le  géographe  appelle  aulli  Pirée 
le  port  de  Corinthe  ;  6*: ,  félon  Plutarque  , 
Pyrœenfes  eft  le  nom  d'une  bourgade  de 
l'Attique  dans  la  Mégardie.  (  Le  chevalier 

^Z>E  JaU COURT.) 

PIRGO  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite  ville  de 
Pile  de  Santorin  ,  iur  une  terre  d'où  Ton  dé- 
couvre les  deux  mers ,  ôc  les  plus  beaux  vi- 
gnobles ;  c'eft  la  plus  agréable  de  toute  l'île. 
L'évêque  du  rit  grée  y  i-ait  laréiidcnce ,  ainli 
que  le  cadi.  {D.  J.) 

PIRIFORME  ,  adj.  {Anat.)  qui  eft  en 
poire.  Le  premier  des  mufcles  abducteurs 
delà  cuilïè,  s'appelle  le  p/r/'/Lr/ne  ou  pyra- 
midal ,  parce  qu'il  eft  en  pyramide  ou  en 
poire.  Il  prend  Ton  origine  à  la  partie  fupé- 
rieure  &  latérale  de  Pos  facrum  ,  &  à  la 
partie  latérale  de  l'os  des  îles ,  &  va  s'inférer 
'  dans  une  pente  courte ,  qui  eft  à  la  racine  du 
grand  trochanter. 

PIRITZ ,  {Géogr)  bonne  ville  de  la  Po- 
méraniepruflîenne ,  dans  le  cercle  de  haute 
Saxe ,  en  Allemagne.  Elle  donne  fon  nom  à 
l'un  des  cercles  &  à  Pun  des  bailliages  du 
pays,  qui  la  confidere  d'ailleurs  comme 
ayant  été  la  première  d'entre  celles  qu'il  ren- 
ferme ,  où  fefoient  établis  le  chriftianifme 
il  y  a  7  à  8  flecles ,  &  la  réformation  ,  il  y  en 
a  deux.  Elle  eft  (îtuée  au  milieu  de  campa- 
gnes très-fertiles  en  grains  &  fur-tout  en  fro- 
ment :  elle  en  trafique  aifiduement  à  la  ronde; 
&  par  les  avantages  que  lui  donnent  ainfi 
la  bonté  de  fon  fol  &  le  travail  de  fes 
habitans ,  elle  a  toujours  fu  fe  relever  fans 
retard  ,  des  malheurs  où  la  guerre  &  les 
incendies  l'ont  jetée  à  diverfes  reprifes. 
Elle  eft  le  fiege  d'une  prévoté  eccléfiaftique. 
{D.G.) 

PIRNA  ,  (  G-ogr.  )  ville  d'Allemagne , 
dans  l'éledtorat  de  Saxe  ,  &  dans  le  cercle 
de  Miliie  fur  l'Elbe  ,  dont  la  navigation 
l'enrichit  ;  elle  y  embarque  entre  autres  (es 
pierres  de  taille  ,  recherchées  dans  toute 
la  baflc- Allemagne.  Elle  /icge  aux  états 


PIK  5)8i 

du  pays;  elle  a  une  furjntcndance  ecclé- 
fiaftique fort  étendue  ;  elle  renferme  elle- 
même  trois  églifes.  Elle  eft  au  pié  de  la  for- 
terefle  ruinée  de  Sonnenftein  ;  &  ellepréfidc 
à  un  baiUiage  qui  comprend  avec  elle  dix 
villes  &  cent  cinquante-neuf  villages ,  ik  au- 
delà  de  quarante  terres  féodales ,  avec  le 
château  de  Konigftein ,  le  plus  fort  &  le 
mieux  approvifionné  qu'il  y  ait  peut-être  au 
monde.  (Z),  /.  ) 

PIROGUE ,  f.  f.  Ceft  un  bâtiment  de 
mer  dont  fe  fervent  les  Caraïbes  &  les 
Sauvages  de  la  terre  ferme.  On  voit  des 
pirogues  de  trente-cinq  à  quarante  pies  , 
même  de  plus  de  longueur ,  conftruitesd'un 
feul  arbre  creufé  ,  ayant  fur  les  côtés  deux 
longues  planches  afllijetties  &  coufuesavec 
de  petites  cordes  ;  elles  fervent  à  exhauflèr 
de  iz  à  14  pouces  les  bords  de  la  piro^ 
gue ,  dont  la  figure  approche  de  celle 
d'une  navette  ;  fa  largeur  dans  le  milieu 
eft  d'environ  6  à  7  pies ,  &  fa  profondeur 
à  peu  près  de  4  &  demi.  Ce  bâtiment 
dont  les  bords  font  fort  évafés ,  fe  termine 
en  rond  pardeflous ,  la  pouppe  en  eft  plate 
&  garnie  d'un  gouvernail  ,  &  le  haut  de 
la  proue  fe  trouve  communément  traverfé 
d'un  morceau  de  planche  chargé  d'une 
fculpture  groffiere.  Voyc':^Ov  akac  au  a. 
Pour  maintenir  Pévafement  des  bords,  la 
pirogue  eft  traverfée  de  4  pies  en  4  pies 
par  de  gros  bâtons  bien  alîujettis  à  leurs 
extrémités  au  moyen  de  petites  cordes  ; 
c'eft  contre  ces  traverfes  que  les  Sauvages 
s'appuient  lorfqu'ils  rameur ,  ayant  le  vi- 
(age  tourné  vers  la  pioue,  &  fe  fervant 
de  grandes  palettes  qu'ils  appellent  jt^û^^ry-ex. 
S'ils  veulent  profiter  du  vent ,  ils  atta- 
chent une  'petire  voile  carrée  à  u;:  bout 
de  mât  qu'ils  plantent  dans  un  cmbreve- 
ment  fait  exprès*  au  milieu  de  la  barque, 
&  qu'ils  affujettiflent  avec  des  cordes  contre 
l'un  des  bâtons  dont  on  a  parlé.  Les  grandes 
pirogues  de  40  à  45  pies ,  s'appellent  ba^ 
cajfas  ,  &  les  moyennes ,  ainfi  que  les 
petites* de  11  à  15  pies,  confervent  leur 
nom  ;  ces  dernières  n'ont  point  deuvagc , 
c'cft-à-dire  que  les  bords  n'en  font  point 
exhauffés  par  des  planches.  Avec  de  lem- 
blables  bâtimens  les  Sauvages  traverfent 
des  détroits  confidérables ,  &  afFroment 
^  Jes  mers  les  plus  oragcufcs. 


58i  PIK 

PIROLE ,  r.  f.  (HiJÎ.  nat.  !Bot.)pyrota; 
genre  de  plante  à  fieur  en  rofe ,  compofée 
de  pluiîeurs  pétales  dirpofës  en  rond.  Il 
fort  du  calice  un-  piftU  terminé  par  une 
forte  de  trompe ,  qui  devient-dans  la  fuite 
un  fruit  arrondi  ,  llrié  :  ce  fruit  a  ordi- 
nairement un  ombilic  ;  il  eft  divifé  en  cinq 
capfules ,  &;  il  renferme  des  femences  qui 
pour  l'ordinaire  font  petites.  Tournefort, 
injl.  rei  herb.  Voye-^p  L  A  N  T  E . 

PIRON ,  f  m.  C  Archit.  )  c'eft  une  ef- 
pece  de  gond  debout,  qui  porte  fur  une 
couette  ,  &c  eft  cloué  fur  le  bourdin  ou 
montant  de  derrière  d'une  grande  porte. 
iD.  J.) 

PIROUETTE,  f.  f.  en  terme  de  danfe , 
it  dit  d'un  ou  plufieurs  tours  du  corpsque  le 
danfeur  fait  fur  la  pointe  des  pies  fans  chan- 
ger de  place. 

Pirouette,  en  terme  de  manège,  fe 
dit  d'un  tour  ou  d'une  circonvolution  que 
fait  un  cheval ,  fans  changer  de  place  ou  de 
terrain. 

Les  pirouettes  (ont  d^une  pifte  ,  ou  de 
deux  piftes.  On  appelle  pirouette  d'une 
pijiey  le  tour  entier  que  fait  un  cheval 
en  tournant  court ,  d'une  feule  allure  ,  & 
prefque  en  un  feul  temps  ;  de  manière  que 
ia  tête  vient  à  Pendroit  où  étoit  fa  queue , 
fans  qu'il  foit  hors  de  fes  hanches.  Dans 
la  pirouette  a  deux  pijies ,  le  cheval  fait 
ce  tour  dans  un  terrain  à  peu  près  de  fa 
longueur ,  qu'il  marque  tant  de  fa  partie 
antérieure  ,  que  de  la  partie  poftérieure. 
Foye:(PisTE. 

Pirouette,  f.  f.  terme  de  poupetier,  mor- 
ceau de  métal  ou  de  carton  peinturé  d'un 
côté,  fait  en  form'e  de  moule  de  bouton  8c 
percé  par  le  milieu ,  au  travers  duquel  on 
paflè  un  petit  morceau  de  bois  qu'on  appelle 
iaton,  8c  qui  fert  à  faire  tourner  la  pirouette. 
{D.J.) 

PIROUETTE ,  f  m.  en  terme  de  danfe  , 
c'eft  un  pas  qui  fè  fait  en  place ,  c*eft-à- 
dire ,  qui  ne  va  ni  en  avant  ni  en  arrière  ; 
mais  fa  propriété  eft  de  faire  tourner  le 
corps  fur  un  pié  ou  fur  les  deux  ,  comme 
fur  un  pivot ,  foit  un  quart  de  tour  ou  un 
demi-tour  ,  félon  que  l'on  croife  le  pié , 
ou  que  la  figure  de  la  danfc  le  demande. 
Ainfi  : 

Je  fuppofe  que  Ton  ait  un  pirouetté  à 


PIR. 

faire  du  pié  droit ,  8c  qu'on  ne  doive  toUN 
ner  qu'un  quart  de  tour  à  la  droite  ,  il  faut 
plier  fur  le  gauche ,  le  droit  en  l'air ,  8c 
à  mefure  que  le  genou  gauche  fe  plie  ,  la 
jambe  droite  en  l'air  marche  en  formant 
un  demi  -  cercle.  On  pofe  enfuite  la  pointe 
du  pic  derrière  la  jambe  gauche  à  la  troi-- 
fieme  polition,  pour  (è  relever  fur  les 
deux  pointes  ,  ce  qui  fait  tourner  un  quart 
de  tour;  au  lieu  que  fi  l'on  veut  tourner 
un  demi-tour  ,  illikut  pofer  la  pointe  du 
pié  plus  croifé  jufqu'à  la  cinquième  pofi- 
tion  ,  ce  qui  fait  qu'en  s'élevant  on  tourne, 
un  demi-tour. 

Il  faut  remarquer  que  Wrfqu'dn  fè  relevé, 
le  pié  qui  a  marché ,  8c  qui  s'eft  pofé  der- 
rière à  la  troifieme  ou  cinquième  pofition  , 
de  derrière  qu*il  étoit ,  le  corps  fe  tournant 
le  fait  changer  de  fituation  fans  le  faire 
changer  de  pofition ,  parce  que  le  pié  qui 
eft  derrière  revient  devant.  Lorfqu'on 
s'élève  ,  le  corps  fe  tournant  un  quart  ou 
un  demi-tour  ,  oblige  les  jambes  par  fon 
mouvement  de  changer  de  fituation  pour 
te  trouver  dans  l'équilibre  ,  ce  qui  fait 
que  le  pié  qui  étoit  derrière  change  de 
fituation. 

Mais  lorfque  l'on  eft  élevé  8c  que  l'on  a 
tourné  le  quart  ou  demi-tour, il  faut  pofer  le 
talon  du  pié  où  le  corps  eft  pofé ,  afin  d'être 
plus  ferme  pour  en  reprendre  une  autre.  Ce 
pas  eft  très-agréable ,  lorfqu'il  eft  fait  avec 
foin. 

PIRUM,  (  Géogr,  anc.)  ville  de  la  Dace, 
félon  Ptolomée,  liv.  III,  chap.  viij.  Elle 
étoit  entre  Phamidana  &  Zufidana.  Quel- 
ques-uns croient  que  c'eft  Pixendorf ,  bourg 
de  la  bafle  Autriche. 

PIS,  f.  m.  {Gramm.)  mamelle  de  la 
vache  ,  de  la  chèvre  ,  de  la  brebis ,  de  la 
jument ,  ùc. 

Pis,  {Boucherie.)  c'eft  la  poitrine  du 
bœuf,  ce  qui  comprend  la  pièce  ti^mblante 
ou  le  grumeau,  les  morceaux  du  tendron  , 
les  morceaux  du  milieu  j  ou  les  morceaux 
du  flanchet. 

Pis ,  adv.  ( Gramm.)  degré  comparatif 
de  m^/adv.On  difoit  qu'il  s'amendoit,  mais 
je  vois  que  c't(zpis  que  jamais. 

PISA  ,  (  Géogr.  anc.  )  ville  du   Pélopo- 

nefè  dans  l'Elide,  fur  la   rive  droite  de 

,  l'Alphéejfut  affez  confidérablc  pour  donnex 


P  I  s 

fon  nom  à  la  contrée  dans  laquetlî  elle 
étoit  bâtie  j  mais ,  dans  une  guerre  qu'elle 
eut  contre  les  Eléens ,  elle  fut  prife  & 
ruinée,  de  manière  quil  ne  refta  aucuns 
vertiges  de  fes  murs  ni  de  Tes  édifices  , 
&  le  fol  où  elle  avoic  été  fut  co#ert  de 
vignes.  • 

D£s  ruines  de  cette  ville  fe  forma  celle 
d'Olympie  qui  eut  aufli  le  nom  de  P/fa  , 
parce  qu^elle  en  fut  très-voifine  ,  n'en  étant 
réparée  que  par  le  fleuve.  Elle  fut  bâtie 
fur  la  rive  gauche  de  l'Alpkée  Se  devint 
très-fameufe  ,  tant  par  le  temple  &  la  ftarue 
de  Jupiter  olympien  ,  que  par  les  jeux  qui 
fè  célébroient  tous  les  quatre  ans  dans  la 
plaine  voifine  ,  où  l'on  voyoic  toute  la 
Grèce  aflemblée. 

Une  colonie  fortie  de  Pife ,  vint,  félon 
Virgile  ,  fonder  la  ville  de  Pife  dans  VE- 
trurie. 

,     .     .     .     Aîphœa*  aB   origine  Pi  fa  , 
l/rBs  Etrufcafolo, 

Cette  ville  bâtie  fur  l'Arno,  devint  une 

république    puiflante  dans  le   xii    fiecle  , 

&  partagea  avec  Gênes  8c  Venife  le  com- 

•^  merce  de  l'empire  de  la  mer  Méditerranée. 

Voye?  PiSE  ,  &  Géogr.  deVirg.pageÇLî^, 

PIS  AN  ,  LE  (  (  Géogr.  mot/.)  pays  d'Italie 
dans  la  Tofcane.  Il  eft  borné  au  nord  par 
le  Florentin  &  la  république  de  Lucques  , 
au  midi  par  les  Siennois ,  au  levant  par  les 
Siennois  encore  >  &  par  la  mer  au  couchant. 
Il  a  30  milles  du  nord  au  fud,  &  50  du 
levant  au  couchant.  C'eft  un  très-bon  pays  j 
Pife  en  eft  la  capitale. 

PISATELLO  ,  (  Géogr.  mod.  )  petite 
rivière  d'Italie  dans  la  Romagne.  Elle  a  fa 
fource  au  pié  de  l'Apennin ,  &"  fe  rend  dans 
la  riyiere  Rigofa,  environ  à  un  mille  de  la 
côte  du  golfe  de  Venife.  Léander  croit 
que  c^eft  le  Rubicon  des   anciens.   Vcye:^ 

BUBICON. 

PISAURUM  ,  (  Géogr.  anc.)  ville  à*l~ 
talieappellée  au]ourd*hui  Pe/^ro.  Ptolomée, 
HB.  IIJ.  c.  j.  qui  la  donne  aux  Semnones  , 
la  place  entre  Fanum  furtunce  &  Arimi- 
nium.  Céfar  ,  civ.  lib.  I.  c.  xj.  fe  rendit 
maître  de  cette  ville.  Tite  Live ,  /.  XXXIX. 
c,  xUy.  Vdleius-Paterculus  ,  lib,  I.  c,  xy. 


PIS  cjg^ 

&  d'anciennes  infcriptions  romaines  lui 
donnent  le  titre  4e  colonie. 

PISAURUS  ,  (  Géogr.  anc.  )  rivière 
d'Italie  dans  le  Picenum.  Elle  donnoit  le 
nom  à  la  ville  Pifaurum.  Vibius  Sequerter 
dit  qu'on  la.  nommoit  aulTi  Ifaurus.  Ea 
effet  on  Ut  dans  Lucain ,  l.  II.  vers  /j.06  r 

Crujîumiumque    rapax     ù   junclo    Sapis 
Ifauro. 

Mais  peut-être  là  quantité  a-t-elle  obliger 
Lucain  de  dire  Ifauro  pour  P ifauro.  Cette 
rivière  s'appelle  aujourd'hui  la  Foglia,  (eloiv 
Magin. 

PISAY  ,  PiSEY  ,  Pisi  ,  {Archit.  Mac.  ) 
Bâtir  en  pifé  ,  c'eft  faire  les  murs  d'une 
maifon  avec  une  qualité  particulière  de 
terre  que  l'on  rend  dure  &  compacte  ;  le» 
fondations  font  en  pierres  &,  s'élèvent 
jufqu'à  deux  pies  au  deflus  du  pavé  ,  pour 
mettre  le  pifé  à.  l'abri  de  l'humidité. 
M.  GoiiFon  ,  des  académies  de  Lyon  &z 
de  Metz  ,  a  fait  Van  du  Maçon  pifeur  ^ 
in-tÇL  de  ^6  pag^s  ,  chez  le  Jay  1771  ; 
où  les  opérations  de  cette  bâtifle  commune 
dans  le  Lyonnois  &  la  Brefïè,  font  expli- 
quées avec  clarté  &  fagacité.  La  terre  doit 
être  naturelle ,  un  peu  graveleufe  ;  on  voit 
des  mailons  aiiîfi  conftruites  depuis  un 
fiecle  :  l'ufage  en  eft  bon  dans  les  pays 
où  l'on  manque  de  pierres  Se  de  briques. 
On  iix.  à  Paris  ,  il  y  a  un  fiecle  ,  des 
maifbns  moulées  j  on  en  voit  une  ,  rue  de 
Grenelle  fàuxbourg  Saint-Germain  vis-à-vis 
l'abbayie  de  Panthemont ,  que  les  ouvriers 
appelloient  par  dérifion  \hôtel  des  plâtras  , 
nom  qu'il  a  toujours  retenu  &  qui  fubfifte 
depuis  plus  de  8  g  ans.  Merc.  Fr.  Juillet 
l!JJ%  ,  page  8z, 

M. .  le  curé  de  Varenne  -  Saint  -  Loup 
près  de  Châlons  ,  eft  très-intelligent  dans 
cette  partie ,  &  en  a  fait  conftruire  pîufieurs 
maifons  dans  fon  village.  Il  a  même  compofé 
un  petit  ouvrage  fur  cette  matière  ,  qu'il 
m'a  lu  en  1 769  ,  &  qui  méritcroit  l'im- 
preffion.  Il  vient  d'être  nommé  curé  de 
Givray.,  petite  ville  en  Châlonnois,  & 
s'appelle   MontiUot.  (-C) 

PISCATORESou  PESCADO^ 
RES ,  {  Géogr.  mod.)  c'eft-à-dire  ,  //ej» 
du  pécheur.  M.  de  Lifle.ne  marque  qu'uns. 


5)84  PIS 

lie  de  ce  nom  dans  fa  carte  des  Indes  ôc 
de  la  Chine  y  mais  Danipier  die  que  les 
Fifcadores  font  pluiîeurs  grandes  îles  dé- 
ferres ,  iîtuées  près  de  Formofa  ,  entre 
cette  lie  &:  la  Chine  ,  à  environ  2  5  degrés 
de  latitude  feptenrrionale ,  &  prefque  à  la 
même  élévation  que  le  tropique  du  cancer. 
{D.D 

PISCENA ,  (  Géogr.  anc,  )  ville  de  la 
Gaule  narbonnoile  ,  félon  Pline ,  liv.  IV. 
c.  iv.  fur  quoi  le  P.  Hardouin  r|marque 
que  c'eft  préfenrement  la  ville  de  Pezenas 
au  diocefe  d'Agde. 

PISCES  y  (  AJir.  )  nom  latin  de  la  conf- 
tellation  des  poiUÔns.  V.  Poissons. 

PISCHINAMAAS  ,  fub.  m.  terme  de 
relation  ,  miniftre  de  la  religion  mahomé- 
tane  en  Perfe  ,  qui  a  foin  de  faire  la  prière 
dans  les  mofquées.  On  cholfit  ordinaire- 
ment pour  cer:e  fonction  des  fciid-Emirs  , 
c'eft-à-dire ,  des  defcendans  de  Mahomet 
du  côté  paternel  &  maternel  ,  ou  des 
Chérifs,  qui  n^en  defcendent  que  par  un 
côté. 

PISCHKIESCH  ,  (  H//?,  mod.  )  c'eft 
ainlî  que  les  Turcs  nomment  la  taxe  ou 
le  préfent  que  chaque  prince  établi  par  la 
Porte  ottomane  ,  paie  au  grand-feigneur 
&c  à  fes  miniftres. 

PISCINA,  (  Gécgr.  mod.)  petite  ville  , 
ou  plutôt  bourgade  d'Italie  ,  au  royaume 
de  Naples  ,  dans  l'Abrufe  ultérieure  ,  à 
un  mJîle  de  la  rive  orientale  du  lac  Celano. 
-  C''eft  dans  cette  bourgade  que  naquit  ,  le 
14  Juillet  looz  ,  Mazarini  (Jules)  qui 
devint  cardinal ,  &  premier  miniftre  d'état 
en  France.  Il  mourut  à  Vincennes  le  9  Mars 
1^61,  à  59  ans. 

Voici  ce  qu'en  dit  M.  de  Voltaire.  Le 
cardinal  Maznrin  ne  fit  de  bien  qu'à  lui 
!&  à  Ta  famille  par  rapport  à  lui.  Huit 
années  de  puiflànce  abfolue  ne  furent  mar- 
quées par  aucun  étabUlfement  glorieux  ou 
utile  ;  car  le  collège  des  quatre  Nations  ne 
fut  que  l'effet  de  fon  reftamcnt.  Il  fe  donna 
toutes  les  groflès  abbayes  du  royaume ,  en 
forte  qu'il  étoit  riche  à"  fa  mort ,  d'environ 
deux  cents  millions  de  notre  monnoie  ac- 
tuelle ;  &  plufieurs  mémoires  difent  qu'il 
en  a  amnlTé  une  partie  par  des  moyens  au 
deflous  de  fa  place.  Etant  près  de  mourir  , 
U  craignit  pour  fes  biens ,  &  il  en  fit  au 


^  I  S 

roî  la  donation  ,  perfuadé  que  le  ro*  les  lui 
rendroit  ,  en  quoi  il  ne  le  trompa  pas. 

Le  leul  monument  qui  fait  honneur 
au  cardinal  Mazann  ,  eit  l'acquilicion  de 
PAlface.  Il  procura  cette  province  à  la 
France*  dans  le  temps  que  la  France  étoic 
avec  raifbn  decliauiée  contre  lui  ;  &  par 
une  fatalité  finguliere ,  il  fit  du  bien  au 
royaume  ,  lorfqu'il  y  étoit  perfécuté  ,  & 
n'en  fit  point  dans  le  temps  de  fa  grande 
puiflànce. 

On  le  vit  ,  dît  un  de  nos  écrivains  , 
tranquille  en  agififant ,  fouple  &  pliant  fous 
Porage  ,  vain  ôc  orgueilleux  dans  le  temps 
de  fon  crédit ,  habile  à  prévoir  ,  fbngeant 
toujours  à  tromper  ,  infendble  aux  plaifan- 
teries  de  la  Fronde,,  m?prifant  les'  bra- 
vades du  coadjureur  ,  &  écoutant  les  mur- 
mures du  peuple  comme  on  écoute  du  rivage 
le  bruit  des  flots  de  la  mer. 

Il  y  avoir  dans  le  cardinal  de  Richelieu 
quelque  chofe  de  plus  grand ,  de  plus  vafte 
&  de  moins  concerté.  C'étoit  dans  le 
cardinal  Mazarin  ,  plus  d'adrelîc ,  plus  d'ar- 
tifices ,  &c  moins  d'écarts.  Richelieu  étoit 
un  implacable  ennem' ,  j&c  Mazarin  un  ami 
dangereux.  On  haïlîoit  l'un  ,  &  l'on  ie 
moquoit  de  l'autre  ;  mais  tous  deux  furent 
les  maîtres  de  l'état  ;  tous  deux  ennemis 
déclarés  des  princes  du  fang  :  enfin  tous 
deux  fils  delà  fortune  &  de  la  politique, 
étalant  un  fafte  égal  à  celui  des  rois ,  opr 
primèrent  indignement  les  citoyens  &  la 
patrie.  {D.  J.) 

PISCINE ,  f  m.  (  WJÎ.  anc.  )  chez  les 
anciens,  c'étoit  un  grand  baffin  dans  une 
place  publique  &  découverte  ,  ou  un  grand 
quarré  où  la  jeunefle  romaine  apprcnoic 
à  nager.  Elle  étoit  entourée  d'une  haute 
muraille  ,  pour  empêcher  que  l'on  n'y  jstât 
des  ordures.  Foyeij^NAGE  o«  Nager. 

Ce  mot  eft  formé  du  latin  pifcis  ,  poif- 
fon ,  à  caufe  qu'en  cet  endroit  les  honjmes 
en  nageant  ,  imiroient  les  poiflons  ;  & 
parce  qu'il  y  avoir  auïïi  quelques-unes  de 
ces  pifcines  oi^i  l'on  confervoit  anciennement 
du  poiflbn. 

Pifcine  fe  difoit  aufïî  du  bafîîn  quarré 
qui  étoit  au  milieu  d'un  bain.  F".  Bain. 

Pifcine  proba  tique  ,  pijcina  probatica  , 
c'étoit  un  étang  ou  un  réfervoir  d'eau  , 
proche  le  parvis  du  temple  de  Salomon, 

Elle 


PIS 

Elle  efl  ainil  appeilce  du  grec  Tfo^^rav , 
brebis  ou  mouton  ,  parce  que  l'on  y  la  voit 
le  bétail  defîiné  aux  facrifices.  Voye\ 
Sacrifice. 

Jefus-Chrift  fe  fervit  de  cent  pifcine 
pour  opérer  la  guérifon  rairaculeufe  du  pa- 
ralytique. Daviler  obferve  qu'il  refîe  encore 
cinq  arches  du  portique ,  &  d'une  partie 
du  baiTm  de  cette  ;7//a/2f.  Doubdan,  dans 
fon  Voyage  de  la  Terre  f aime  ,  dit  qu'elle 
étoit  enfoncée  dans  terre  de  deux  piques 
de  protondeur  ,  &  d'environ  cinquante  de 
longueur  fur  quarante  de  largeur  ;  que  les 
quatre  côtés  font  revêtus  de  pierres  de 
ruile  fort  bien  cimentées  ;  qu'on  voit  en- 
core les  degrés  par  où  l'on  y  defcendoit  ; 
mais  que  le  fond  en  eft  à  fec  &  rempli 
d'herbes. 

Pifcine  ou  lavoir  chez  les  Turcs  ,  c'efl 
un  grand  baffin  au  milieu  de  la  cour  d'une 
mofquée  ,  ou  fous  les  portiques  qui  l'envi- 
ronnent. Voye\  Mosquée. 

Sa  forme  efl  ordinairement  un  quarré 
long ,  bâti  de  pierre  ou  de  marbre ,  où  il 
y  a  un  grand  nombre  de  robinets.  Les 
Mufulmans  s'y  lavent  avant  que  d'offrir 
leurs  prières  à  Dieu  ,  étant  perfuadés  que 
cette  ablution  efface  leurs  péchés.  Voye\ 
Ablution. 

Les  Latins  nommoient  auflî  pifcina  ce 
que  nous  entendons  par  étang. 
^  PISCO  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  de  l'Amé- 
rique méridionale  au  Pérou  dans  l'audience 
de  Lima  ,  à  un  quart  de  heue  de  la  mer. 
Il  y  avoit  jadis  prè?  de  ce  port ,  une  ville 
célèbre  fitiuée  fur  le  rivage  de  la  mer  ; 
mais  elle  fut  entièrement  ruinée  par  un 
furieux  tremblement  de  terre  ,  qui  arriva 
le  19  d'odobre  de  l'année  1682.  Depuis 
ce  temps-là  ,  on  a  bâti  la  ville  dans  un  lieu 
où  le  débordement  ne  parvient  pas.  Les 
habitans  ,  au  nombre  d'environ  deux  cents 
familles  ,  font  un  compofé  de  métis,  de 
mulâtres ,  de  noirs  &  de  quelques  blancs  ; 
cependant  les  campagnes  de  Pifco  produi- 
fent  d'excellens  vins  en  abondance ,  ainfi 
que  des  fruits  merveilleux ,  en  forte  que 
Pifco  efl  un  des  plus  beaux  endroits  de 
toute  la  côte  du  Pérou.  La  rade  eft  d'une 
grandeur  à  pouvoir  contenir  une  .armée 
navale ,  &  on  .y  efl  à  couvert  des  vents 
ordinaires.  On  mouille  ordinairement  à 
Tonie  XXK 


Paraca ,  qui  cft  à  deux  lieues  de  diflance  , 
parce  que  la  mer  efl  trop  mâle  au  rivage  de 
Pifco.  Lons[.  302  ;  lat.  mérid.  14. 

PISCOPIA,  {Géogr.mod.)  île  de 
l'Archipel ,  entre  celle  de  Stanchib ,  & 
celle  de  Rhodes.. C'efl  la  Taluo  de  PHne  , 
&  la  Telos  de  Strabon.  Voyei^  Telos. 

PISE  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  d'Italie  en 
Tofcane  ,  fur  la  rivière  d'Arno  ,  dans  une 
plaine  unie.  Cette  ville  très-ancienne  a 
été  la  capitale  d'une  république  qui  fe 
rendit  fameufe  par  fes  conquêtes  en  Afri- 
que ,  &  dans  la  Méditerranée  ,  où  elle 
s'étoit  emparée  fur  les  Sarrazins  des  îles 
Baléares  ,  de  Corfe  &  de  Sardaigne.  Son 
port  fitué  à  cinq  milles  de  l'embouchure 
de  l'Arno  dans  la  mer ,  étoit  un  lieu  d'un 
très-grand  commerce. 

Elle  formoit  au  treizième  &  quatorzième 
fîecle ,  une  république  fiorifîànte  ,  qui  met- 
toit  en  mer  des  flottes  auffi  confidérables 
que  celles  de  Gênes  ;  mais  les  Florentins 
afîiégerent  la  ville  de  Pife  ,  &  la  prirent 
en  1406.  De  ville  libre  qu'elle  étoit ,  elle 
devint  fujette ,  &  n'a  pu  fe  relever  depuis- 
Toutes  ït^  rues  tirées  au  cordeau  ,  fonc 
couvertes  d'herbes  :  elles  contiennent  à  peine 
quinze  mille  âmes  ;  &  cent  mille  habitans. 
ne  fuffiroient  pas  pour  les  remplir. 

L'évêché  de  ctnç,  ville  fut  érigé  en  métro- 
pole à  la  fin  du  onzième  fiecle.  La  cathé- 
drale efl  belle  ,  quoique  bâtie  à  l'antique. 
L'univerfité  fondée  en  1339»  a  peu  d'éru— 
dians.  Pife  efl ,  à  la  vérité  ,  le  chef-lieu  de 
l'ordre  des  chevaliers  de  S.  Etienne ,  inflitué 
en  I  ç6i  ,  mais  cet  ordre  ne  lui  donne  aucun 
luflre.  Il  s'efl  tenu  dans  cette  ville  deux: 
conciles  qui  ne  lui  ont  pas  été  avantageux  ; 
l'un  en  1409,  &  l'autre  en  15 11. 

Elle  efl  féparée  en  deux  par  l'Arno  qu'o«. 
paffe  fur  trois  ponts  ,  dont  l'un  efl  de  mar-» 
bre  blanc.  Ses  fortifications  fontmauvaifes  z 
là  fituation  efl  à  2  milles  de  la  mer  ,  14  de 
Livourne  ,  12  fud-ouefl  de  Lucques  ,  4^ 
ouefl  de  Florence.  Longit,  (fuivant  Caf^ 
finî  )  27.  52.  30.  lat.  43.  42. 

Le  ledeur  peut  confulter  fur  Pife  ,  l*ou^" 
vrage  de  Pietro  Cardofi,  'mnm\é  Me morie 
délia  gloria  di  Pifa  ;  ainfi  que  les  biblio- 
graphes ,  fur  les  gens  de  lettres  qui  font  liés 
dans  cette  ville  :  je  ne  parlerai  que  d'un  feul 
nommé  Albir\i  ou  Èanhelemi  de  Pife^ 

Jiiiii 


^8^  PIS 

parce  qu'il  fît  en  cette  ville  profeflîon  dans 
l'ordre  de  S.  François  ,  où  il  florifïbit 
vers  l'an  1380.  Un  de  Ces  écrits  ,  d'un 
cara.dere  extrêmement  fingulier,  &  fans 
lequel  il  feroit  fans  doute  demeuré  dans 
î'obfcurité  la  plus  profonde  ,  l'a  rendu  l'un 
des  auteurs  les  plus  connus  de  ces  derniers 
fiecles.  Ce  font  les  fameufes  conformités 
de  la  vie  de  faint  François  avec  celle  de 
Jefus-Chrifl  qu'il  corapofa  en  1389,  & 
qu'il  préfenta  au  chapitre  général  de  fon 
ordre  alîemblé  à  Affife  en  I3'99.  Il  en 
reçut  non-feulement  une  approbation  uni- 
verfelle  ,  mais  même  la  récompenfe  la 
plus  glorieufe  à  laquelle  un  homme  de  fon 
éfat  pût  jamais  s'attendre  ;  on  lui  donna- 
l'habit  complet  que  faint  François  avoit 
porté  pendant  fa  vie. 

Le  livre  des  conformités  fut  imprimé 
diverfes  fois  dans  le  xv  &  le  xvj  fiecles, 
&  ces  fortes  d'éditions  font  d'une  rareté 
extrême.  On  conferve  précieufement  le 
manufcrit  de  cet  ouvrage  dans  la  biblio- 
thèque du  duc  d'Urbin. 

La  première  édition  eft  de  Venife  ,  mais 
fans  indication  d'imprimeur,  de  date  ni  de 
formata  on  fait  cependant  qu'elle  eft  in- 
folio y  &  il  y  en  a  un  exemplaire  dans  la 
bibliothèque  de  l'empereur. 

La  féconde  &  la  troifieme  édition  ne 
font  qu'un  abrégé  de  l'ouvrage  intitulé  li 
Fioretti  di  fan  Franc  if co  afjîmilati  alla 
vita  &  alla  pafjlone  di  noftro  S  ignore  ^ 
toutes  les  deux  imprimées  à  Venife ,  l'une  en 
1480,  &  l'autre  en  1484,  //2-4°. 

•La  quatrième  édition  intitulée  :  Opus 
ûureœ  &  inexplicahilis  bonitads  &  conti- 
nendœ  conformitatum  vitce  beati  Francifci 
advitamDomini  nojlri  Jefu  Chrifii ,  &c. 
a  été  faite  à  Milan  en  i$io,  in-folio; 
elle  eft  précédée  d'une  préface  de  François 
Zeni  ,  vicaire  général  des  francifcains 
italiens. 

La  cinquième  édition  portant  le  même 
titre  ,  a  été  donnée  par  Jean  Mapelli , 
francifcain ,  &  a  paru  de  même  à  Milan  en 
1513,  in-folio.  Cette  édition  ne  diffère 
en  rien  de  la  précédente.  Aux  titres  de 
cts  deux  dernières  éditions  ,  l'on  voit  les 
armes  des  francifcains ,  au  bras  nu  de 
Jefus-Chrift ,  &  au  bras  vêtu  &  ftigmatifé 
de  faint  François ,  palfés  en  fautoir ,  & 


PIS 

'  traverfés  d*une  grande  croix  pofée  en  pa!  ^ 
SiL  furmontée  de  (on  écriteau  /.  N.  R.  J. 
On  a  même  remarqué  que  dans  ces  armoi- 
ries ,  le  bras  de  S.  François  occupe  la 
place  d'honneur  ,  &  que  celui  de  Jefus- 
Chrift  eft  au-deflbus. 

Dès  que  les  efprits  commencèrent  à 
s'éclairer ,  on  déclama  fortement  contre  les 
fuperftitions  ,  les  impertinences  &  les  im- 
piétés dont  cet  ouvrage  étoit  rempli.  La 
première  réfutation  qui  s'en  fit ,  parut 
d'abord  en  Allemagne  ,  fans  nom  de  ville 
ni  d'imprimeur,  mais  en  151^»  lous  le 
titre  de  Der  Barfuffer  Munch  Eleufpiegel 
undalcorany  avec  une  préface  de  Luther. 
Cette  réfutation  eft  d'un  miniftre  luthérien 
du  pays  de  Brandebourg  ,  nommé  Erafme 
Albere.  Elle  reparut  de  nouveau  à  Wittera- 
bergen  1542- >  ^"/2-4".  &  i^H»  in-^°' 

Cette  première  réfutation  a  été  para- 
phrafée  en  latin ,  &  imprimée  fous  divers 
titres  :  «i".  Alcoranus  Francifcanorum  ^ 
feu  blafphemiarum  &  nugarum  lerna^  de 
fiigmatifato  idolo  quod  Francifcum  vacant^ 
ex  lihro  Conformitatum  ^  &c.  Francofur- 
dice  y  î  ^4.2.  y  in-^°.  2**.  Alcoranus  Fran- 
cifcanorum y  five  Epitome  prœcipuas  fa- 
bulas &  blafphemias  compleclens  ,  eorum 
qui  beatum  Francifcum  ipfi  Chrifio  cequare 
aufi  funt  ^  idque  cum  falubri  antidoto  ; 
Genevœ )  ^Sj8  y  in-S^. 

Conrad  Badius ,  imprimeur  de  Genève  , 
mit  en  françois  cette  réfutation  ,  &  la 
publia  fous  ce  titre ,  VAlcoran  des  corde- 
liers ,  tant  en  latin  qu'en  françois  ;  Genève  y 
t  S6^  y  //2-12.  Il  y  joignit  bientôt  après 
un  fécond  livre ,  &  le  tout  parut  dans 
fon  imprimerie  en  15^0  en  deux  volumes 
in-ii.  La  troifieme  édition  vit  aufli  le  jour 
à  Genève  en  1 578  ,  &  a  été  réimprimée  dans 
la  même  ville  en  1644  &  1664  >  in-^^. 
Enfin  il  en  parut  une  édition  nouvelle  à 
Amfterdam  en  1734  en  2  vol.  in-12.  avec  de 
fort  jolies  figures  imaginées  par  le  célèbre 
Bernard  Picart  ,  &  gravées  fous  fa  direc- 
tion. Je  ne  parle  pas  ici  des  tradudions 
latines  &  flamandes:  ce  détail  me  mene- 
roit  trop  loin. 

La  féconde  réfutation  des  conformités  ^ 
a  été  faite  en  Italie  par  Pietro  Paolo  Ver- 
gerio  ;  &  ce  fiit  de  purs  motifs  de  religion 
qui  l'engagèrent  à  cet  ouvrage  ;  cependant 


PIS 

fa  réfutation  fut  flétrie ,  &  fa  perfonne  mife 
au  nombre  des  hérétiques. 

Je  laifîe  à  part  la  réfutation  des  con/or~ 
mités  par  Ofiander ,  par  Volfius  ,  ainfi 
que  celle  qui  fe  trouve  dans  la  légende 
dorée  ;  il  me  fuffit  de  dire  qu'entre  tous 
les  auteurs  catholiques  &  proteftans  qui 
le  font  attachés  à  réfuter  les  conformités  , 
perfonne  ne  s'en  eft  plus  agréablement  & 
plus  folidement  acquitté  que  le  favant  & 
ingénieux  Bayle  ,  dans  les  remarques  de 
fon  article  de  faint  François  d'Affife. 

II  eft  vrai  que  les  francilcains  éclairés 
ont  fâché  de  fupprimer  les  éditions  Aes  con- 
formités y  autant  qu'il  étoit  poffible ,  &  à 
en  donner  de  nouvelles  éditions  différen- 
tes ;  mais  quelques  auteurs  francifcains  ne 
fentant  pas  le  tort  que  cet  ouvrage  leur 
faifoit  ,  n'ont  pu  réfifter  à  la  tentation  de 
le  reproduire  de  temps  en  temps  ,  fous 
quelque  nouvelle  face.  Tel  eft  l'ouvrage 
intitulé  ,  Prodigiiim  naturce  ,  &  gratiœ 
portentum  ,  hoc  efi  y  feraphici  patris  Fran- 
cifcL  vitce  a3a  ^  à  Petro  de  Ali'a  Ù 
Aflarga  ;  imprimé  à  Madrid  en  i  J  5 1 , 
in-folio. 

On  fait  l'hiftoire  du  P.  le  Franc  ,  gar- 
dien des  cordehers  de  la  ville  de  Rheims  , 
&  doâeur  en  théologie  de  la  faculté  de 
Paris  :  voulant  rendre  fon  nom  recomman- 
dable  à  la  poftérité  ,  il  fit  graver  ces  paroles 
en  lettres  d'or  fur  une  table  de  marbre, 
au  haut  du  frontifpice  du  portail  des  cor- 
deliers  de  Rheims  :  Deo-homini  &  beato 
Francifco  utrique  crucifixo.  Cette  infcrip- 
tion  eau  fa  un  fcandale  fi  général  ,  que 
M.  l'archevêque  de  Rheims  lui  commanda 
de  l'ôter  au  plutôt  ;  &  cet  ordre  fut  acca- 
blant pour  un  homme  qui  s'imaginoit  avoir 
parfaitement  bien  rencontré. 

Je  crois  qu'il  en  étoit  de  même  de 
Barthelemi  de  Pife.  Ce  bon  homme  n'avoit 
eu  pour  but  que  de  relever  fortement  la 
gloire  &  l'excellence  de  fon  patriarche  ; 
il  reçut  avec  des  larmes  de  joie  l'approba- 
tion du  chapitre  général  des  francilcains  , 
datée  du  2  août  1399 ,  &  il  ne  s'imagina 
point  qu'un  ouvrage  fi  nettement  approuvé  , 
attireroit  tant  à  lui  qu'à  fon  ordre  ,  le 
mortifiant  reproche  d'impiété  &  de  blaf- 
phême.  Il  ne  jouit  pas  long-temps  des 
^pplaudiiTemens  &  de  la  récompeofe  que 


PIS  987 

lui  avoit  valu  fon  ouvrage  ;  car  deux  ans 
après  il  mourut  extrêmement  âgé  dans  le 
couvent  de  Pife ,  le  jo  décembre  1401. 
(  Le  chevalier  de  Ja  uco  ur  T.  ) 

PIS  MUS  ,  [Mythol.)  furnom  de 
Jupiter  ,  pris  de  la  ville  de  Pife  en  Elide , 
où  il  étoit  particulièrement  honoré.  Her- 
cule faifànt  la  guerre  aux  Eléens  ,  prit  & 
faccagea  la  ville  d'Elis  ;  il  préparoit  le 
même  traitement  à  ceux  de  Pife  qui  étoient 
alliés  des  Eléens  ;  mais  il  en  fut  détourné 
par  un  oracle  ,  qui  l'avertit  que  Jupiter 
protégeoit  Pife  :  elle  fut  donc  redevable 
de  fon  falut  au  culte  qu'elle  rendoit  à  ce 
maître  des  dieux.  {D^J.) 

PiSE  ,  (  Ge'ogr.  anc.  b  mod.  )  ville  de 
15000  âmes,  à  vingt  lieues  de  Florence  , 
fur  l'Arno  ,  une  des  plus  anciennes  de 
l'Italie  ,  fondée  ,  félon  Strabon  ,  par  des 
Arcadicns  fortis  de  la  ville  de  Pife  fur 
le  fleuve  Alphée  ,  où  étoit  le  temple  de 
Jupiter  Olympien.  Cette  belle  origine  eft 
chantée  par  Virgile  ,  j^n.  l.  X y  p.  /  7  5. 

Denis  d'Halicarnaflè  en  fait  une  mention 
honorable  ,  comme  une  des  douze  princi- 
pales villes  d'Etrurie. 

Tite-Live  (  /.  XL.  )  nous  apprend  que 
le  conful  Bebius  y  pafïa  l'hiver  ,  &  en  fit 
une  colonie  romaine  ;  elle  eft  appellée  dans 
les  deux  décrets  célèbres  du  lénat  de  Pife  , 
faits  à  l'honneur  de  Caïus  &  de  Lucius , 
neveu*  d'Augufte  ,  colonia  obfequens 
Pifana. 

Pife  ,  à  la  chute  de  l'empire ,  devint 
répubhque ,  &  maîtreffe  de  la  mer  au 
onzième  fiecle. 

En  1030 ,  des  Pifans  s'emparèrent  de 
Carthage  ,  prirent  le  roi  prifonnier  ,  & 
l'envoyèrent  au  pape  qui  l'obligea  de  fe 
faire  baptifer. 

Ils  reçurent  chez  eux  les  papes  Gelafè 
III  &  Innocent  II ,  fuyant  \ts  perfécutions  ; 
mais  leur  ville  ayant  été  prife  par  les  Flo- 
rentins en  15*^9,  ils  perdirent  la  liberté  , 
&  furent  foumis  à  la  domination  des  Mé- 
dicis.  Ce  fut  là  le  terme  de  la  grandeur  & 
de  la  profpéritédeP^/f  ^  où  l'on  comptoic 
alors  150  mille  habitans. 

Au  Campo-Santo  eft   le  tombeau  de 

Matteus  Curtius,  par  Michel- Ange  ;  celui 

de  Dexio  ,    célèbre  jurifconfulte  ,   &  celui 

du  comce  Algarotti ,  mort  à  Pife  en  1764  , 

liiiii  2. 


5)S8  PIS 

après  avoir  fait  long-temps  les  délices  cîe 
la  cour  du  roi  de  Prufle. 

Le  jardin  botanique  en  face  de  robferva*- 
toire  ,  fut  fondé  par  Ferdinand  de  Médicis , 
en  1587. 

L'univerfité  fort  ancienne  a  été  rendue 
célèbre  par  Accurfe  ,  Bartole  &  Cefalpin. 

P'ife  eft  la  patrie  du  pape  Eugène  III  ,- 
difciple  de  S.  Bernard  ;  de  Laurent  Berti  , 
auguiiin  ,  grand  théologien  ,  mort  en  1766; 
de  Brogiani  ,  excellent  anatomifle  ;  du 
dodeur  Gatti,  fi  connu  par  fes  fuccès  pour 
l'inoculation.  M.  le  marquis  de  Tanucci  , 
premier  minifîre  de  Naples,  étoif  profef- 
feur  en  droit  à  Pife,  lorfque  don  Carlos 
l'appella  à  Naples.  Le  dodeur  Vannuchi , 
de  l'académie  des  infcriptions  de  Paris  ,  & 
bon  poëte  ,  eft  auffi  de  Pife.  (  C  ) 

PISIDIE  ,  Pifidia,^  (  Géog.  anc.  )  con- 
trée d'Alîe,  renfermée  entre  la  Lydie,  la 
Phrygie  ,  la  Pamphyiie  &  la  Carie.  C'étoit 
un  pays  fitué  dans  les  montagnes  pour  la 
plus  grande  partie  ,  &  qui  comprenoit  l'ex- 
trémité occidentale  du  mont  Taurus  ,  félon 
Pline  ,  /.  V.  c.  xxpij.  &  félon  Strabon  ,  /. 
-X7/.  Les  écrivains  varient  fur  (ts  limites; 
mais  foit  que  la  Pijidie  ait  été  à  l'extrémité 
du  Taurus ,  comme  le  veulent  quelques- 
uns  ,  foit  qu'elle  ait  occupé ,  ielon  d'autres , 
une  partie  conlidérable  de  cette  montagne , 
il  eft  certain  qu'elle  ne  s'étendoit  pas  au-delà 
du  Taurus.  {D.  J.)  ^ 

PISIFORME,  adj.  {Anat.)  nom  de 
deux  os  qui  ont  à-peu-près  la  forme  d'un 
pois  ,  dont  l'un  appartient  à  l'organe  de 
l'ouie  ,  &  fe  nomme  auffi  orbiculaire  ou 
lenticulaire  ;  &  l'autre  eft  un  des  huit  du 
carpe.  Voye\  OREILLE  &  CarPE. 

PIS(S  ,  (  Géogr.  anc.  )  Pifœ  ,  par  Po- 
lybe  ,  liv.  II.  c.  xxviij.  Ptolomée  ,  /.  ///. 
ch.j.  Lycophron  ,  vers  tz/^i  :  mais  toutes 
les  infcriptions  romaines  portent  Pifœ  ^ 
ville  d'Italie  dans  l'Etrurie  près  des  Ligu- 
riens. La  plupart  àQs  anciens  écrivains , 
tant  grecs  que  latins  ,  en  ont  parlé.  Pline , 
liv.  m.  ch.  V.  la  place  entre  les  fleuves 
à'Aufer  &  Arnus.  Elle  avoit  été  fondée 
par  les  Pifcei ,  peuples  du  Péloponefe  , 
qui  l'avoient  nommée  Alphée  ,  du  nom 
d'un  fleuve  de  leur  patrie  ;  c'efl  du  moins 
ce  que  dit  Virgile  au  X.  liv,  de  l'Enéide  , 
l'ers  Z2$,  '  • 


PIS 

Alphece  ah  origine  Pifce^ 
TJibs  Etrufca  folo. 

On  trouve  la  même  chofe  dans  Rutilius  , 
Itin.  liv.  I.  vers  £^£. 

AlpheiX  veterem  contemptop  originis  urhem 
Quam  cingunt  geminis  Arnus  Ù  Aufur 
aquis. 

Il  appelle  Aufur  le  fleuve  que  Pline  nomme 
Aufer. 

Pife  eut  le  titre  de  colonie  romaine,  & 
elle  a  confervé  fon  ancien  nom  :  c'efl  au- 
jourd'hui la  ville  de  Pife.  Voye\fon  article, 
{D.J.) 

PISISTRATE,  {Hifi.  de  la  Grèce.) 
defcendant  de  Codrus  ,  fe  mit  à  la  tête 
de  la  faûion  oppofée  à  celle  de  Megaclès 
qui  dominoit  dans  Athènes.  Les  témoi- 
gnages qu'il  avoit  donnés  de  fa  valeur  à 
la  conquête  de  l'île  de  Salamine  ,  l'avoient 
rendu  cher  à  fa  nation  dont  il  ambitionna 
de  devenir  le  tyran.  Refpeûé  par  le  privi- 
lège de  fa  naiflance  ,  autant  que  chéri  par 
^ts  manières  affables  &  populaires ,  il  fe 
fervit  de  fon  éloquence  naturelle  pour 
éblouir  les  Athéniens  fur  leurs  véritables 
intérêts.  Il  defcendit  au  plus  bas  artifice 
pour  préparer  fa  puiflance.  Solon  fut  le 
feul  qui  pénétra  (qs  defleins  ambitieux. 
Pififîrate  s'étant  fait  lui-même  une  blef- 
fure  ,  fe  fit  porter  tout  fanglant  dans  un 
char  fur  la  place  publique  j  où  il  expofà 
au  peuple  aflemblé  que  c'étoit  en  défendant 
fes  intérêts  qu'il  avoit  couru  le  danger  de 
perdre  la  vie.  Les  Athéniens  attendris  fur 
fon  fort  Tautoriferent  à  prendre  cinquante 
gardes  pour  veiller  fur  fes  jours  ;  &  ce  fut 
avec  CQS  làtellites  mercenaires  qu'il  devint 
le  premier  tyran  de  fa  patrie  :  mais  il  ne 
jouit  pas  d'abord  paifiblement  de  Ion  ufur- 
pation  ;  une  faction  puiflante  l'obligea  de 
quitter  Athènes  où  its  partifans  préparè- 
rent fon  retour.  Ils  apoflerent  une  femme 
qui  avoit  la  figure  &  tous  les  attributs  de 
Minerve.  Elle  parut  montée  fur  un  char 
magnifique  au  milieu  d'Athènes ,  &  annon- 
çant que  Minerve  alloit  ramener  Pfyz^rjte 
triomphant.  Le  peuple  ,  fuperfliticux  ,  crut 
que  c'étoit  un  avertiflément  de  la  divinité  i 


P  I  s 

&  le  tyran  fut  établi  fans  obfladc.  Quel- 
que temps  après  ce  peuple  inconllant  l'o- 
bligea de  Ce  retirer  dans  l'île  d'Eubée 
avec  fa  famille  ;  &  après  onze  ans  d'exil , 
il  rentra  dans  Athènes  en  vainqueur  irrité. 
Ce  fut  dans  le  fang  de  i'es  ennemis  qu'il 
cimenta  fa  puifTance. 

Après  qu'}';  eut  immolé  tous  les  rivaux 
de  fon  pouv(  r,  il  fit  oublier  fes  cruautés 
par  la  douce  .r  de  Ion  gouvernement.  Il 
donna  l'exem  :  e  de  l'obeiflance  aux  loix  J 
&  moins  roi  que  premier  citoyen  ,  il  effaça 
par  Ion  équice  la  honte  de  Ion  ulurpation. 
La  facilité  avec  laquelle  il  s'énonçoit  ,  lui 
fervir  à  faire  oublier  aux  Athéniens  la  perte 
de  leur  liberté.  Quand  il  n'eut  plus  d'enne- 
mis ,  ni  de  rivaux  ,  il  goûta  les  douceurs 
de  la  familiarité  ,  6l  fe  montra  fi  populaire  , 
que  Solon  avoit  coutume  de  dire  qu'il  eût 
été  le  meilleur  cito}  en  d'Athènes  ,  s'il  n'en 
avoit  pas  été  le  tyran.  Dans  un  feilin  qu'il 
donnoit  aux  Athéniens  ,  un  des  convives 
dans  l'ivreiîè ,  lança  contre  lui  d'ameres 
invedives  :  au  lieu  de  s'en  venger  ,  il  ré- 
pondit froidement ,  un  homme  ivre  ne  doit 
pas  plus  exciter  ma  colère,  que  fi  quelque 
aveugle  m'eût  heurté.  Les  Ibldats  avant 
lui  n'avoient  d'autre  falaire  que  leur  butin; 
il  ordonna  qu'ils  feroient  entretenus  & 
nourris  aux  dépens  du  tréfor  public.  Il 
fupprima  le  fpedacle  des  mendians  par  une 
juûe  répartidon  des  biens.  Chaque  citoyen 
eut  un  fonds  de  terre  dans  les  campagnes 
de  l'Attique.  Il  valoit  mieux,  diloit-il, 
enrichir  l'état  que  d'accumuler  les  richeffes 
dans  une  feule  ville  pour  en  entretenir  le 
fafîe.  Ce  fut  lui  qui  inlpira  aux  Athéniens 
le  goût  des  lettres  ,  en  ks  gratifiant  des 
ouvrages  d'Homère  ,  qui  julqu'alorsavoient 
été  épars  &  fans  ordre  dans  la  Grèce.  Il 
fonda  une  académie  qu'il  enrichit  d'une 
bibliothèque.  Enfin  après  avoir  joui  pen- 
dant 33  ans  d'une  iouveraineté  ufurpée  , 
il  tranfmit  fa  puiffance  à  fes  entans.  [T-N.) 

PISOLITE  ,  C.  ï.  {  Hifi.  nat.  )  nom 
donné  par  quelques  naturalifles  à  une 
pierre  qui  femble  compolée  d'un  amas  de 
petits  corps  globuleux  de  la  .groileur  d'un 
pois.    Voy^  OOLITES. 

PISONK,  f.  f.  pifonia  y  (  Hifl.  nat. 
JBot.  )  eff  un  genre  de  plante  à  fleur  mo- 
nopétale en  forme  de  cloche  &  profon- 


PIS  989 

dément  découpée.  Le  piffil  fort  du  calice  ; 
il  efl  attaché  comme  un  clou  à  la  partis 
inférieure  de  la  fleur  ,  &  il  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  oblong  anguleux  ,  qui 
s'ouvre  en  cinq  parties  du  haut  en  bas  , 
&  qui  renferme  une  femence  le  plus  fou- 
vent  oblongue.  Plumier  ,  nova  plant,  amer, 
gen.   Vojei  PLANTE. 

Ce  genre  de  plante  produit  fépafément 
des  fleurs  mâles  &  femelles  :  dans  la  fleur 
mâle  le  calice  efl  droit ,  très  -  petit ,  & 
divilé  en  cinq  parties.  La  fieur  eft  en 
forme  d'entonnoir  ,  dont  le  tuyau  efl 
court ,  &  la  bouche  très-évafée  ;  elle  eu 
légèrement  divifée  en  cinq  fegmens  ,  & 
demeure  ouverte;  les  étamines  font  cinq 
filets  pointus  ,  plus  longs  que  la  fleur  ; 
leurs  Ibmmités  font  fimples.  Dans  la  fleur 
femelle ,  le  calice  efl  le  même  que  dans 
la  fleur  mâle,  excepté  qu'il  ert  attaché  au 
germe  ;  cette  fleur  eu  aufli  faite  comme  la 
fleur  mâle  ;  il  s'élevè  du  germe  un  flyle 
fimple ,  droit ,  cyhndrique  ,  plus  long  que  la 
fleur  ,  couronné  de  cinq  ftigmates  oblongs  : 
le  fruit  efl  une  capfule  ovale  compofée  de 
cinq  loges  ,  mais  qui  ne  forment  intérieu- 
rement qu'une  cavité  j  la  graine  efl  uni- 
que ,  lifle  ,  &  de  figure  ovale  ou  oblongue. 
Linnsi  ,  gen.  plant,  page  474.  Plum.  gen. 
zi.  Honflon ,  /J.  Vaillant,  aci.  germ. 
{D.  J.) 

PISONJS^VILLA  ,  {Geogr.  anc.) 
maifon  de  plaifance  en  Itahe  ,  près  de  la 
ville  de  Bayes.  Tacite,  annal,  l.  XV , 
c.  lij  ,  dit  que  Néron  s'y  plaifoit  beaucoup , 
&  s'y  rendoit  fréquemment.  Ortelius  croit 
que  ce  lieu  fe  nomme  aujourd'hui  Trmlio. 
{D.   J.) 

PISSASPHALTE  ,  f.  m.  {Hifi.  nat.) 
C'efl  un  bitume  naturel  &  fblide  ,  que 
l'on  trouve  dans  les  monts  Cérauniens 
d'ApoUonie  ;  il  eft  d'une  nature  moyenne 
entre  la  poix  &  l'afphalte.  Voye^  BiTUMÈ. 

Ce  mot  efl  compofé  de  '3-/7<r«t ,  poix  ,  & 
d'ct?-(8<£\Tof  ,  bitume. 

PiJJafphalte  y  efl  auffi  un  nom  que  l'on 
donne  à  une  iubffance  facfice  ,  compofée  de 
poix  &  d'afphalre  ou  de  bitume  judaïque  , 
bitumen  judaïcum.   Voye^  AsPHALTE. 

La  grofliéreté  de  fa  couleur  noire  ,  & 
•fon  odeur  puante ,  le  diflinguent  du  véri- 
table afphalte.  ^ 


#  * 


5)90  PJ  S 

Quelques  écrivains  fe  fervent  aulîî    du  ? 
mot  pijfafphalte  y  pour  exprimer  la  poix 
juive  ou  le  limpie  aiphalte. 

PISSAT  ,  f.  tp. urine,  voye:{  UriNE. 
PîSSELJE  UMy  f.  m.  ( Mat,  méd  des 
anciens,)  TruA/^aUv^  huile  de  poix,  de  -rriTsm, 
&  ihctiov ,  huile,  Diofcoridê  dit  qu'elle  fer- 
voit  à  guérir  la  galle  &  les  ulcères  des  bêtes 
à  corne.  On  retiroit  une  huile  de  la  poix 
tandis  qu'elle  bouilloit ,  en  étendant  defllis 
de  la  laine  qui  abforboit  la  vapeur  qui 
s'en  élcvoit ,  &  qu'on  exprimoit  enfuite 
dans  un  autre  vaifïeau  ;  ce  qu'on  réitéroit 
plufieurs  fois.  Ray  foupçonne  que  le  pijjî- 
num  de  Pline  eft  la  même  chofe  que  le 
pijjelceum  des  Grecs  ;  mais  d'autres  criti- 
ques prétendent  que  le  pijjînum  des  Latins 
étoit  tiré  du  cèdre.  {D,  J.) 

PISSEMENT  DE  SANG  ,  {Médecine.) 
On  appelle  pijje ment  defang,  toute  éva- 
cuation fanguinolente  qui  fe  fait  par  le  canal 
de  l'urètre ,  foit  qu'on  y  voie  un  mélange 
d'urine  ,  foit  qu'il  n'y  en  ait  point. 

Le  fang  peut  paffer  par  des  vaifïeaux 
trop  dilatés;  &  quand  il  eft  intimement 
mêlé  à  l'urine ,  il  n'eft  guère  poffible  de 
le  diftinguer  de  l'urine  fanguinolente  ;  mais 
,  quand  les  vaifîêaux  font  une  fois  rompus, 
le  fang  cft  moins  mêlé  à  l'urine  ,  &  eft 
par  conféquent  plus  pur.  Le  fang  qui  vient 
diredement  de  l'urètre  ou  des  corps  fpon- 
gieux ,  coule  quelquefois  fans  qu'on  rende 
d'urine  ;   mais  c'eft  en  petite  quantité. 

Si  dans  les  jeunes  gens  pléthoriques, 
dans  la  mutilation  de  quelque  membre  , 
dans  l'hémorrhagie  ,  les  hémorrhoïdes  ,  la 
luppreffion  des  vuidanges  ou  des  menftrues , 
la  plét^re  eft  fuivie  d'un  pijfement  de  fang, 
il  eft  ordinairement  falutaire  ,  &  la  faignée 
fyffit  pour  l'arrêter. 

Mais  celui  qui  doit  fa  naiflânce  à  quelque 
mouvement  d'irritation  particulière ,  pro- 
duit dans  les  reins  ,  par  l'abus  des  diuré- 
tiques ,  des  emménagogues ,  eft  à  crain- 
dre ;  &  dans  ce  cas  il  faut  avoir  recours 
aux  délayans  ,  auxmucilagineux  ,  aux  hui- 
leux ,  pris  abondamment. 

Dans  le  cas  d'une  circulation  générale 
qui  devient  plus  grande  lorfqu'on  a  fait 
beaucoup  d'exercice  ,  qu'on  eft  allé  à  che- 
val,  qu'on  a  élevé  un  poids  confidérable  , 
OU  qui  eft  une  fuite  d'une  fièvre  aiguë , 


P  IS 

ardente  »  du  trop  grand  ufage  des  échauP' 
fans  ,  des  fpirirueux  ,  des  aromates  ,  d'au- 
tres corps  acres  ,  de  la  colère  ,  ou  de  toute 
paffion  de  l'ame  ,  &  qui  produit  un  piffe- 
ment  de  fang  ;  il  convient  d'employer  les 
rafraîchiiïàns  anodins. 

Quant  au  fang  trop  diflbus  prefqu'in- 
coërcible  dans  les  maladies  chroniques  ,  le 
cararre',  le  fcorbut ,  l'acrimonie  ,  &  les 
autres  coUiquations  des  humeurs  accom- 
pagnées du  relâchement  des  folides  ;  il  le 
faut  épaiffir  à  la  faveur  des  corroborans 
doués  d'acrimonie  particulière  &  conve- 
nable. 

Le  pijfement  de  fang  qui  furvient  dans 
les  fièvres  malignes  ,  peftilentielles  ,  pu- 
trides ,  dans  les  pétéchies  ,  ou  lorfque  la 
petite  vérole  ,  la  rougeole  ,  la  pleuréfie  y 
réréfipelle  ,  ou  l'inflammation  ont  dégé- 
néré en  corruption  ,  eft  un  accident  dan- 
gereux ;  on  tâchera  de  l'arrêter  par  les 
antifcptiques  combinés  avec  les  incraifans. 
Le  calcul  attaché  aux  reins  ou  à  la  veific , 
&  qui  par  fon  afpérité ,  blelTe  les  vaifïeaux , 
ne  permet  pas  l'ufage  des  forts  diurétiques  ; 
mais  pour  procurer  la  fortie  de  cette  pierre , 
il  faut  employer  les  boiflbns  adoucilî'antes  , 
oléagineufes ,  les  mucilagineux  ,  les  fàvon- 
neux,  &  les  anodins.  Dès  qu'on  a  eu  le 
bonheur  de  faire  fortir  ce  corps  étranger , 
le  pijfement  de  fang  s'arrête  ordinairement 
de  lui-même  ;  ou  bien  on  réuffit  à  le  faire 
cefTer  ,  en  ajoutant  les  confolidans  aux 
remèdes  dont  on  vient  de  parler. 

Enfin  ,  le  pijfement  de  fang  qui  arrive 
après  les  bleflures ,  les  contufions ,  &  les 
corrofions  de  ces  parties  ,  ne  peut  trouver 
fa  guérifon  que  dans  le  traitement  propre  à 
ces  maladies. 

Outre  les  accidens  généraux  qui  font  une 
fuite  de  toutes  fortes  d'héraorrhagies  ,  la 
concrétion  du  fang  arrête  quelquefois  l'écou- 
lement de  l'urine  ,  laiffe  un  ulcère  dans 
les  reins  ou  la  vefïîe  ,  &  caufe  enfuite  une 
urine  purulente.   {D.  J.) 

PISSENLIT  ,  f.  m.  (  Botan.  )  nom 
vulgaire  de  la  principale  efpece  du  genre 
de  plante  nommé  par  Tournefdrt  dens 
leonis  ,  dent  de  lion  ,  &  dont  on  a  indi- 
qué les  caraderes  fous  ce  dernier  mot. 

Sa  racine  eft  environ  de  la  grofleur  du 
petit  doigt,  &  laiteufe.  S^s  feuilles  font 


PIS 

ôWongues  ,  pointues  ,  découpées  profondé- 
ment des  deux  côtés  ,  comme  celles  de  la 
chicorée  fauvage,  mais  plus  lifîès  ,  &  cou- 
chées fur  terre.  Elle  n'a  point  de  tige , 
mais  des  pédicules  nus  ,  fiHuleux  ,  longs 
d'une  palme  &  plus ,  rougeatres  ,  quelque- 
fois velus  ,  &  garnis  d'un  duvet  qui  s'en- 
lève aifément.  Chacun  de  (es  pédicules 
porte  une  fleur  compoféc  de  demi-fleurons  , 
évafés  ,  jaunes  ,  renfermés  dans  un  calice 
poli ,  découpés  en  pluiieurs  parties ,  dont 
la  bafe  eft  garnie  de  quatre  ou  cinq  feuilles 
verdâtres  ,  réfléchies. 

Chaque  fleuron  eu  porté  fur  un  em- 
bryon ,  qui  lorfque  le  calice  s'ouvre  &  fe 
réfléchit  fur  le  pédicule ,  fe  change  en 
une  feraence  roufle  ,  ou  citrine  ,  garnie 
d'aigrette.  Ces  femences  tombent,  quand 
elles  font  mûres  ,  &  elles  foit  emportées 
par  le  vent  ;  la  couche  fur  laquelle  elles 
étoient  ,  refte  nue  ;  &  c'efl  une  pellicule 
poreufe.  Cette  plante  eu  très-commune  ; 
on  la  cultive  dans  les  jardins  :  toutes  fes 
parties  font  ameres  ,  &  remplies  d'un  fuc 
laiteux.  {  D.  J.) 

Pissenlit,  {Mat.méd.)  les  vertus 
de  cette  plante  font  abfolument  les  mêmes 
que  celles  de  la  chicorée  fauvage ,  &  on 
les  emploie  auflî  aux  mêmes  ufages ,  & 
l'une  au  lieu  de  l'autre.  La  chicorée  fau- 
vage eft  cependant  le  médicament  principal 
dans  l'ufage  ordinaire  ,  &  le  pijffenlit  eft 
le  fuccédanée.  Au  refte ,  cette  reflèm- 
blance  eft  non-feulement  étabhefurl'obfer- 
vation  des  propriétés  médicamenteules  de 
l'une  &  de  l'autre  plante  ,  mais  même 
fur  leur  nature  ou  compofition  chymique: 
en  forte  que  tout  ce  que  nous  avons  dit 
de  la  chicorée  fauvage  convient  entière- 
ment au  pijjenlit.  V^oye\  les  articles  CHI- 
CORÉE SAUVAGE  ,  Mat.  méd.  Ù  CHI- 
CORÉE SAUVAGE  ,  Diète.-  Le  pijfenlit 
entre  dans  l'apozeme  officinal  appelle  com- 
munément bouillon  rouge  y  &  dans  le 
lirop  de  chicorée  compofé  de  charras. 

PISSEROS  ,  f  m.{Pharm.  anc.  )  cérat 
compofé  de  cire  fondue  ,  d'huile  rofat  & 
de  poix  y  mêlés  en  proportion  convenable 
pour  former  une  conflftance  d'onguent  ; 
Hippocrate  recommande  celui-ci  en  plu- 
fieurs  cas  ,  comme  dans  les  brûlures  &  les 


plaies  récentes  ;  -il  paroît  que  cette  efpcce    térieure  eft  membraneufe ,  aride ,  mince  ^ 


PIS  ^^i 

de  cérat  eft  de  la  nature  du  bafilicon  noir 
des  modernes ,  qui  paffe  en  effet  pour  un 
très-bon  emplâtre  en  diverfes  occaflons. 

PISSITES  ,  {Mat.  méd.  des  anciens.  ) 
Ticrahtx  ,  c'eft-à-dire  ,  l'in  de  poix.  Il  fe. 
faifoit  avec  du  goudron  &  du  moût.  On 
lavoit  d'abord  le  goudron  dans  de  l'eaa  de 
la  mer  ou  de  la  iâumure  ,  jufqu'à  ce  qu'il 
fût  blanchi  ;  après  cela  on  le  relavoit  avec 
de  l'eau  douce  ,  on  mettoit  enfuite  fur 
huit  congés  de  moût  une  once  ou  deux  de 
goudron  ;  on  les  laifïbit  fermenter  &  re- 
pofer  ,  enfin  on  foutiroit  la  liqueur  &  on 
la  mettoit  dans  des  vaifleaux.  Diolcoride  , 
/.  y  j  c.  xlvj  ,  en  fait  un  grand  éloge  pour 
les  maladies  chroniques  des  vifceres  qui  ne 
font  point  accompagnées  de  fièvre. 

PISSOTTE  ,  f.  f.  {Lejfiperie  ,  Salpetr.) 
petite  canule  de  bois  ,  que  l'on  met  au  bas 
d'un  cuvier  à  leflive  ,  pour  donner  paffage 
à  l'eau  que  l'on  jette  de  temps  en  temps 
fur  les  cendres  qui  font  enfermées  dans  le 
charrier. 

Dans  les  atteîiers  où  fe  fabrique  le  fal- 
pêtre  ,  les  cuviers  où  fe  font  les  leflives 
des  terres  propres  à  en  tirer  ce  minéral , 
ont  auffi  leur  pijfotte  ;  elle  fe  place  ordi- 
nairement dans  le  bas  du  cuvier  à  deux 
ou  trois  doigts  du  fable ,  avec  deux  billots 
de  bois  aux  deux  côtés  en  dedans  ,  pour 
foutenir  le  faux-fond  du  bas  fur  lequel  fe 
mettent  les  cendres  &  les  terres  dont  les 
cuviers  fe  rempliflènt  ;  c'eft  au  deflbus  de 
kpiffotte  que  l'on  met  les  recettes.  Sayary, 
{D.   J.) 

PÏSSYRUS  ,  (  Ge'ogr.  anc.  )  ville  de 
Thrace  ;  il  y  avoir  dans  cette  ville ,  ielon 
Hérodote ,  In'.  VU,  n''.  103  y  uri  lac  de 
prefque  trente  ftades  de  circuit ,  très-poif' 
fonneux  ,  &  dont  l'eau  étoit  extrêmement 
falée.  Les  meilleures  éditions  portent  Pyf' 
drus  au  lieu  de  PiJJyrus. 

PISTACHE ,  f  f.  (  Botan.  )  on  fait  que 
c'eft  le  fruit  du  piftachier  ;  les  pifiaches 
s'appellent  en  latin  piftacia  ,  en  grec  dans 
DiofcorideT/ra>t<«,&  parles  Arabes pajîech. 

Ce  font  des  fruits  ou  de  petites  noix  , 
de  la  grofl'eur  &  de.  la  figure  des  avelines  , 
oblongues  ,  anguleofes  ,  ||^vées  d'un  côté , 
applaties  de  l'autre ,  pointues  &  marquées 
d'un  côté.  Elles  ont  deux  écorces  ;  l'ex- 


çp^î  PIS 

fragile  ,  d'abord  de  couleur  verte ,  enfuite 
rouliè  ;  l'intérieure  eli  lignculè  ,  pliante  , 
caflante  ,  légère  ,  blanche  ;  elles  renfer- 
ment une  amande  d'un  verd-pâle  ,  grafTe  , 
huileufe ,  un  peu  amere  ,  douce  cependant 
&  agréable  au  goût ,  couverte  d'une  pel- 
licule rouge  ;  on  doit  choifir  celles  qui  font 
bonnes  ,  récentes ,  pleines  &  mûres. 

Herman  fait  mention  de  deux  fortes  de 
pifiaches ,  lavoir  ,  \ts  grandes  &  les  petites. 
On  nous  apporte  communément  les  gran- 
des ;  les  perites  font  moins  connues  &  plus 
favoureulès  ;  elles  viennent  de  Perfe. 

Ce  fut  Lucius  Vitellius  ,  gouverneur  de 
Syrie  ,  qui  apporta  le  premier  des  pifiaches 
en  Italie  fur  la  fin  du  règne  de  Tibère. 
{D.J.)  ^.  . 

Pistache  ,  (  Mat.  me'd.  )  fruit  du  pif- 
tachier.  Ces  fruits  renferment  une  amande 
ou  femence  émulfive  ,  d'un  goût  agréable , 
&  qui  pafïe  pour  fournir  une  nourriture 
très-abondante  &  aiTez  làlutaire  ,  &  pour 
être  propre  par  fes  qualités  à  rétablir 
promptement  ks  perfonnes  aiTiaigries  par 
des  maladies ,  à  augmenter  le  lait  &  la 
femence ,  à  adoucir  les  humeurs  dans  la 
phthifie  ,  la  toux  ,  les  dilpofitions  à  la  co- 
lique néphrétique  ,    ^c. 

Ces  éloges  font  un  peu  outrés.  Il  eft 
vrai  cependant ,  que  les  pifiaches  tiennent 
un  rang  diflingué  parmi  les  femences  émul- 
fives  confidérées  comme  aliment ,  l'qye:^ 
Semences  ÉMULSIVES;  &  que  les  dra- 
gées, les  tartes  ,  &c.  qu'on  en  prépare 
fourniflènt  un  aliment  alTez  doux  ,  qui  n'eft 
pas  mal-fain  ,  &  qui  paroît  folliciter  l'ap- 
pétit vénérien. 

Quant  à  l'ufage  qu'on  en  fait  pour  les 
émullions  ,  il  n'y  a  rien  de  particulier. 
Voye^  EmULSION.  L'huile  qu'on  peut  en 
retirer  par  expreffion  eft  fort  douce  ,  mais 
elle  cfl  fort  peu  ulîtée  ,  parce  qu'on  a  re- 
connu que  l'huile  d'amandes  douces  ,  qui 
coûte  beaucoup  moins,  eft  tout  aufli  bonne. 

Les  pifiaches  entrent  dans  le  looch  verd 
de  la  pharmacopée  de  Paris  >  &  dans  le 
firop  de  tortue  réfomptif.  (b) 

Pistache  y*^{Bot.  exot.)  fruit  de  la 
plante  arachidnoi|J^  d'Aûierique  ,  nommée 
dans  le  pays  manobi.  Voye-{  ManobI  , 
Botan.  exot.  {D.  J.  ) 

Pistaches  ,  les  confifeurs  appellcru  de 


P  I  s 

ce  nom  im  ouvrage  qu'ils  font  en  forme  de 
dragées  extrêmement  petites  ,  dont  le  fond 
eft  de  la  graine  de  pifiache ,  d'où,  cet  ouvrage 
tire  fon  nom. 

Pistaches  en  surtout  ,  les  confi- 
feurs donnent  ce  nom  à  àts pifiaches  caflées 
&  miles  à  la  praline  ,  &  trempées  dans 
une  compofition  faite  d'un  œuf  battu  ,  & 
brouillé  avec  de  l'eau  de  fleur  d'orange. 

PISTACHIER  ,  (  Bot.  jard.  )  en  latin 
pifiacia;  en  anglois  turhentine^tree  y  pifia- 
chia-nut  and  mafiick-tree ,  en  allemand 
terpeminbaum  y  pifiacienbaum. 

Caraciere  générique. 

Les  fleurs  mâles  &  les  fleurs  femelles 
font  portées  par  des  individus  differens: 
les  premières  font  difpoiees  en  chatons 
lâches  &  épars  ;  elles  confiftent  en  un 
périt  calice  à  cinq  pointes  &  en  cinq  pe- 
tites étamines  terminées  par  àts  -lommets 
ovales  ,  droits  &  quadrangulaires  :  les  fleurs 
fernelles  ont  un  petit  calice  divifé  en  trois  , 
qui  porte  un  gros  embryon  ovale  ,  furmonté 
de  trois  ftyles  recourbés  que  couronnent 
de  gros  iligmates  rigides.  L'embryon  de- 
vient un  fruit  fec  ou  une  noix  qui  renferme 
une  femence  ovale  &  unie. 

Nous  raflemblons  fous  ce  genre  les  té- 
rébinthes  ,  les  lentifques  ,  qui  fe  trouvent 
mal-à-propos  féparés  dans  plufieurs  auteurs, 

Efpeces. 

1.  Pifiachier  à  feuilles  ailées  impaires , 
à  folioles  prelque  ovales  &  recourbées.  Le 
vrai  pifiachier. 

Pijiaciafoliis  impari^pinnatis  ,  foliolis 
fubovads  ,  recurvis.  Linn.  Mat.  med.  Sp. 

The  pifiachia-tree. 

2.  Pifiachier  à  trois  feuilles.  Le  téré- 
binthe  à  trois  feuilles. 

P ifiacia  foliis  fubternatis .  Hort.  Cliff, 
The  three  leav^d  turpentine-tree. 

3.  Pifiachier  à  feuilles  ailées ,  &  A 
feuilles  à  trois  lobes  prefque  rondes. 

P  ifiacia  foliis  pinnatis  ternatifque ,  fub' 
orbiculatis.  Linn.  Sp.  pL 

Pifiachia  witfi  winged  and  trifoliate  lea^ 
vçs  whiçh  are  almofi  round, 

^.  Pifiachhr' 


PIS 

4.  Pifiachier  k  feuilles  ailées  impaires, 
à  folioles  ovales  lancéolées.  Térébenthine 
commune. 

Piftaciafoliis  impari-pinnads  y  foîiolis 
oj/ato-lanceolatis.  If  on.  Cliff. 

The  common  turpentine-tree. 

Ç.  Pifiacliierà  feuilles  ailées ,  irrégulieres, 
à  folioles  Iancéoî«es.  Lentifque  commun. 

Pifiaclafoliis  abrupte  pinnatis  ,  foUolis 
lanceolatis.  Hort.  Cliff. 

The  common  maflick-tree. 

6.  Pijidchierâ(cu'i[[cs  ailées ,  irrégulieres, 
â  feuilles  lancéolées  ,  étroites.  Lentifque  de 
Marfeille  à  folioles  étroites. 

Piftaciafoliis  abrupte  pinnatis  y  foîiolis 
lineari-lanceolatis.  Mill. 

Narrôw  leaved  mafiick-tree  of  Mar- 
failles. 

7.  Pijlachier  à  feuilles  ailées  ,  impaires  ; 
à  folioles  lancéolées ,  ovales ,  terminées  en 
pointe.  Pijlachier  des  Indes  occidentales. 

Piftaciafoliis  impari-pinnatis  ,  foîiolis 
lanceolato-ovatis  y  acuminatis.  Mill. 

Piflacia  whofe  lobes  are  fpear-shaped  y 
oval  and  acute  pointed. 

8.  Pijlachier  à  feuilles  ailées  qui  tombent 
en  hiver  ;  à  folioles  oblong-ovales.  Pif- 
tachier  de  la  Jamaïque. 

Piftaciafoliis  pinnatis  deciduis  y  foîiolis 
oblon  o-oratis .   M  ill. 
Birch-tree  in  Jamdica. 

9.  Pifiachier  à  feuilles  ailées  impaires , 
à  folioles  lancéolées  ,  dont  celles  du  bout 
font  les  plus  grandes.  Vrai  lentifque  du 
Levant. 

Piflacia  foliis  impari-pinnatis  y  foîiolis 
lanceolatis  exterioribus  majoribus.    Mill. 

True  maflick-tree  ofthe  Levant. 

Le  pifiachier  n°.  2 .  habite  la  Perfè  , 
1  Arabie  &  la  Syrie ,  d'où  l'on  nous  envoie 
(es  amandes.  Dans  ces  contrées  ,  il  s'élève 
à  2Ç  ou  30  pies  ;  fon  écorce  eft  brun-rouge , 
&  les  feuilles  font  d'un  verd  bleuâtre. 
Lorfque  les  raales  font  trop  loin  des  fe- 
melles, on  a  coutume  de  porter  dans  des  pa- 
niers les  chatons  de  ceux-là ,  non  encore 
ouverts,  &  de  les  attacher  après  celles-ci. 
On  les  prend  aulii  ces  chatons  pendant 
l'émiflion  de  leur  vapeur  ou  poufliere  or- 
ganique qu'on  jette  fur  les  grouppes  de 
fleurs  femelles  qui  fe  trouvent  ainfi  fé- 
condées. J'ai  reçu  plufieurs  fois  des  aman-  | 
Tome  XXV, 


PIS  095 

àçs  de  pifiachier   bien  laines ,    qui   n'ont 
pas    levé ,    parce   que    apparemment    les 
fleurs  qui  [qs  avoient  précédées  n'avoienc 
pas  éprouvé  le  contad  générateur.   Il  faut 
femer  les  amandes  au  mois  de   mars  dans 
de  petites  caifles  emplies  de  bonne  terre 
ondueufe  mêlée  de  terreau  ,   &  enterrer 
ces  caifîès    dans    une   couche   de   fumier 
récente  &  ombragée.  Les  plantes  ont-elles 
paru  ,  il  faut  leur  donner  tous  les  jours  plus 
d'air.  Au  mois  de  juillet  ,   on  tranfplan- 
tera  chaque  piflachier  dans  un  petit  por. 
C'eft  la  feule  méthode  sûre ,   car  la  féconde 
année  même,  la  reprife  de  ces  arbres  qui 
n'ont  pour  racines  qu'un  long  filet ,  feroit 
fort  incertaine.  Ces  pots  pafleront  les  trois 
ou   quatre  premiers  hivers  fous  une  caifîè 
vitrée ,    en  leur   procurant ,   autant  qu'il 
fera  poflîble  ,  le  libre  accès  de  l'air,  faute 
duquel  ils  fe  chanciroient.   Au  bout  de  ce 
temps   on   les    plantera    contre    un   mur 
bien  expofé  ou  dans  tout  autre  lieu   bien 
abrité ,  où  ils  fupporteront  le  froid  de  nos 
hivers  ordinaires ,  &  donneront  des  fruirs 
qui ,  certaines  années ,  parviendront  à  ma- 
turité. 

Le  n°.  z.  a  une  écorce  brune  &  âpre  : 
fes  feuilles  à  trois  &  quelquefois  à  quatre 
lobes  font  d'un  verd  obfcur  :  le  fruit  eft 
femblable  à  la  piflache ,  mais  plus  petit  : 
cette  eipece  eft  un  peu  plus  déhcate  que 
le  /2°.  z  ,  &  demande  un  peu  plus  de  pro- 
tedion  contre  le  froid  ;  mais  d'ailleurs  il 
s'élève  &  fe  traite  de  même  :  il  fupporte 
en  efpalier  le  froid  ordinaire  de  nos  hivers. 
S'il  étoit  exceffif ,  on  pourroit  mettre  de- 
vant des  paillaffbns  ou  des  vitres.  Il  eft 
naturel  du  Levant  &  de  la  Sicile. 

Le  /2°.  5.  forme  un  arbre  d'une  gran-  . 
deur  médiocre  ;  fon  écorce  eft  d'un  gris 
clair  ;  (es  feuilles  font  compofées'  de  cinq 
folioles  ;  mais  il  s'y  en  trouve  qui  n'en  ont 
que  trois  ;  le  fruit  eft  petit ,  mais  bon  A 
manger.  Il  s'élève  &  fe  multiplie  comme 
le  n^.  z  y  &c  n'eft  pas  plus  feniibîc  à  la  ge'- 
lée.  Il  nous  vient  de  l'Italie  &  de  la  France 
méridionale  ;  mais  on  croit  qu'il  y  a  été 
originairement  apporté  de  contrées  plus 
éloignées. 

Le  n°.  4 ,  qui  eft  le  térébinthe  commun , 
a  (es  feuilles  compofées  de  trois  ou  quatre 
paires  de  folioles  ,  &  terminées  par  un  fedl 

Kkkkkk 


5^94  PIS 

lobe.  Les  fleurs  mâles  ont  des  Commet» 
purpurins  ;  les  graines  doivent  être  femces 
en  automne ,  autrement  félon  Miller  , 
elles  ne  lèvent  que  la  féconde  année.  Il 
s'élève  &  fe  traite  comme  le  piftachier 
n**.  2 .  Miller  dit  qu'il  fe  trouve  dans  le 
jardin  du  duc  de  Richmond  ,  à  Goodwood , 
comté  de  Suflex  ,  un  térébinthe  en  efpa- 
lier  qui  y  fubllfte  depuis  ço  ans.  Je  crois 
que  la  meilleure  laifon  pour  les  tranfplanter 
eu  la  fin  de  leptembre  ,  du  moins  à  l'é- 
gard de  ceux  qu'on  tire  du  femis.  Pour 
ce  qui  eft  de  ceux  qu'on  tire  des  pots 
jSivec  la  motte ,  la  fin  d%ivril  eft  le  mo- 
ment le  plus  favorable  On  s'épargnera  bien 
des  peines ,  fi  on  les  tire  du  femis  deux , 
mois  après  leur  germination  ,  pour  les  plan- 
ter chacun  iéparcmcnt  dans  un  pot.  On 
employoit  autrefois  la  térébenthine  de  cet 
arbre  ;  mais  à  préfent  on  ne  fait  plus  guère 
ufage  que  de  celle  des  arbres  conifères  ;  il 
eft  indigène  de  la  Barbarie ,  de  l'Efpagne 
&  de  l'Italie. 

La  cinquième  efpece  eft  le  lentilque  com- 
mun :  l'écorce  de  fes  branches  eft  gnfe , 
&  celle  des  bourgeons  eft  rouge  :  les 
feuilles  n'ont  ordinairement  point  de  foliole 
qui  les  termine  ;  elles  font  d'un  verd 
obfcur  &  glacé  pardciiùs  ,  &  d'un  verd 
pâle  pardefîbus  :  les  folioles  font  entières  6i 
épaillès  ;  le  lv)ng  de  la  côrequi  les  foutient , 
s'étend  une  bordure  de  chaque  côte.  En 
gutomne  le  verd  de  cet  arbre  devient  rou- 
geâtre  ,  mais  il  ne  fe  c'épouille  pas.  Miller 
dit  qu'il  faut  frmcr  fc?  graines  en  autom- 
ne ,  &  que  fi  l'on  attendoit  le  printemps , 
elles  pourroicnt  ne  lever  qu'un  an  après. 
J'en  ai  lemé  au  mois  de  mars  qui  ont 
levé  parfaitement  au  bout  de  fix  femai- 
nes.  Il  eft  eflentiel  de  é  les  procurer 
fécondes;  c'eft- à-dire,  d'être  aflbre  qu'elles 
ont  été  recueillies  (ur  un  individu  femtlie 
qui  avoit  des  mâles  à  fa  portée  ;  &  ceci 
eft  important  à  l'égard  de  toutes  les  elpe- 
ces  de  ce  genre.  Le  lentifque  eft  naruiei 
de  l'Efpagne ,  du  Portugal  &  de  l'Italie 
où  il  s'élève  à  18  ou  20  pies.  On  le  tient 
ordinairement  dans  l'orangerie  ,  mais  on 
peut  le  mettre  en  clpalier  contre  un  mur 
très- bien  expofé,  fe  réfervant  de  le  cou- 
vrir avec  des  païllafîons  ,  fi  le  froid  de- 
venoit  exceflif.  On  le  multiplie  aufli  par 


PIS 

des  marcottes  qui  font  au  bout  d'un  ati 
fuffifamment  pourvues  de  racines. 

L'efpece  /i*.  6*,  croît  aux  environs  de 
MarfeiUe  &  s'élève  aufll  haut  que  le  pré- 
cédent ;  il  en  diftère  par  fes  feuilles  qui 
ont  de  plus  que  les  fiennes  une  ou  deux 
paires  de  folioles  plus  étroites  &  d'un  verd 
plus  pâle.  Il  le  multiplie  Se  fe  traite  de 
mênae. 

Les  feptieme  &  huitième  efpeces  font 
natives  de  la  Jamaïque  &  des  Indes  occi- 
dentales ,  &  demandent  d'être  élevées  & 
traitées  comme  les  autres  plantes  de  ferre 
chaude  :  on  doit  les  y  tenir  conftamment, 
mais  leur  donner  beaucoup  d'air  au  plus 
chaud  de  l'été  ,  &  ne  les  arrofèr  que  très-* 
fobrcment  durant  l'hiver. 

La  neuvième  elpece  eft  le  lentifque  qui 
fournit  de  maftic  à  la  médecine  ,  &  que 
Tournefort  lui-même  a  mal-à-propos  con- 
fondu avec  le  /i".  t  ,  dont  il  diftlre  par 
des  folioles  plus  larges  à  l'extrémité  des 
feuilles  ;  il  eft  plus  délicat  &  veut  être  tenu 
l'hiver  dans  une  ferre  plus  échauftëe.  On 
cultive  encore  un  petit  lentifque  qu'on 
m'a  envoyé  fous  la  phrale  latine  ,  lentifcus 
omnium  minimus.  (  M.  le  Baron  DE 
TSCHOUDI.  ) 

Pistachier,  {Mdt.  med.)  les  feuil- 
les de  cet  arbre  entrent  dans  l'emplâtre 
diabotanum. 

FlST ACHIEK  faurage y  (Bot.)  nom 
vulgaire  &  ridicule  de  l'arbrilTeau  nommé 
par  les  botanifte*-.  fijpàjlodendron^ 

PISTAS,  (  Ge'ogr,.  du  moyen  âge.  )  lieu 
en  France,  fitué  fur  les  bords  de  la  Seine  , 
aup-ès  du  Pont -de -l'Arche,  à  l'embou- 
chure des  rivières  d'Eure  &  d'Andelle. 
Cet  endroit  eft  le  même  que  celui  qui 
eft  aujourd'hui  appelle  Piffre'es  ,  &  qui  eft 
à  trois  lieues  au-deflus  de  Rouf^n.  Charles- 
le-Chauve  y  fit  bâtir  une  forte*efle  pour 
fermer  à  cet  endroit  le  paffage  de  la  Seine- 
aux  Normands.  Il  a  été  long-temps  u  ^e 
place  d'armes  contre  les  Normands.,  Char- 
les-le- Chauve  v  aflêrabla  un  parlement 
en  862.   {D.J.y 

PISTE  ,  f.  f.  (  Gramm,  )  c'eft  en  gé- 
néral  la  trace  que  laiffe  un  animal  fur  le 
chemin  qu'il  a  fuivi  ;  il  fe  dit  au  fimple 
&  au  figuré ,  il  fuit  les  anciens  à  \apifle. 

PiSXE  1  en  terme  de  manège  ^  eil  ia 


P  I  S^  "  PIS  995 

marque  que  le  cheval  trace  fur  le  cfiemin  [  plus  grand  nombre  des  piniU  approche  plus 


où  il  pafle. 

La  pifle  d'un  cheval  peut  être  fimple  ou 
double. 

Si  le  cavalier  ne  le  fait  aller  que  le  galop 
ordinaire  en  tournant  dans  un  cercle  ,  ou 
plutôt  dans  un  quarré  ,  il  ne  marquera 
qa'une  feule  pifte  ;  mais  s'il  le  fait  galoper 
les  hanches  en  dedans  ,  ou  aller  terre  à 
terre ,  il  marquera  deux  piftes ,  l'une  par 
le  train  de  devant,  &  l'autre  par  le  train  de 
derrière.  Ce  fera  la  même  chofe ,  fi  le  cavalier 
le  fait  pafler  de  côté  ou  aller  de  travers ,  dans 
une  ligne  droite  ou  fur  un  cercle. 

PISTIAjf  f  {Botan.  )  nom  donné  par 
Linnaeus  au  genre  de  plante  qui  eft  appelle 
kodda-pail ^  par  le  père  Plumier,  &  les 
auteurs  de  ïhortus  malabaricus.  En  voici 
les  caraderes  :  il  n'y  a  point  de  calice  ;  la 
fleur  efl  formée  d'un  feul  pétale  inégal, 
fait  en  capuchon  contourné ,  avec  une 
feule  lèvre  oblique  ,  longue ,  courbée  & 
pliée  fur  les  côtés.  Il  n'y  a  point  aufîî 
d'étamines ,  mais  fix  boffettes  doubles  adhé- 
rentes au  pifhl  fous  le  fligma.  Le  germe  du 
piflil  eft  d'une  figure  ovale  ,  alongée  ;  le 
fîyle  eft  plus  court  que  la  fleur;  le  ftigma 
eft  divifé  obtufément  en  fix  fegmens;  le 
fruit  eft  une  capfule  ovale,  contenant  fix 
loges  ;  les  graines  font  tronquées  ;  ce  genre 
de  plante  approche  beaucoup  de  celui  àts 
ariftoloches.  Linnacus,  gen. plant. pag./j^^ 8 . 
Plumier,  5^.  {D.  J.) 

PISTICCIO,  (  Geogr.  mod.  )  petite 
ville  ruinée  d'Italie  au  royaume  de  Naples , 
dans  la  Bafihcare ,  entre  les  rivières  Ba- 
fiento  &  Salandrclla.  Cette  ville  a  été  tel- 
lement endommagée  en  1688  par  un  trem- 
blement de  terre  ,  qu'elle  ne  s'eft  pas  rele- 
vée depuis. 

PISTIL  ,  f  m.  (  Botan.  )  les  botaniftes 
nomment  pifiil  la  partie  de  certaines  fleurs 
qui  en  occupe  ordinairement  le  centre , 
&  qui  par  conféquent  eft  toujours  ren- 
fermée dans  la  fleur ,  ainfi  qu'on  peut  le 
voir  dans  la  couronne  impériale  ,  dans  le 
lis ,  dans  le  pavot ,  Ùc.  Le  nom  de  piftil 
€ft  tiré  du  latin  piftillum  ,  qui  veut  dire  un 
pilon  ;  car  quoique  la  figure  àti  piftils  des 
fleurs  ne  foit  pas  déterminée  &  qu'il  s'en 
trouve  d'une  figure  fort  diflférente  de  celle 
d'un  pilon ,  il  eft  pourtant  certain  que  le 


de  la  figure  d'un  pilon  que  de  toute  autre 
chofe.  Malpighi  a  nomm